Aller au contenu
TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 7 mai 2019

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui à 9 h 30 pour examiner le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, la séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications est ouverte.

Avant de passer aux témoins et au projet de loi C-48, chers collègues, nous avons le projet de loi C-97, le projet de loi du budget, qui nous a été renvoyé. Selon ce qui est prévu dans la motion, nous devons avoir terminé au plus tard le 6 juin. Après la relâche, nous aurons donc quatre séances et nous pouvons aussi prolonger celle du mercredi soir d’une demi-heure environ. La tâche est colossale. Je veux m’assurer que nous aurons terminé et que nous pourrons acheminer le tout au Sénat le 6 juin, et cela comprend le renvoi. Préparez-vous bien. Jetez un coup d’œil à la motion pour savoir ce que nous devons examiner, et nous partirons de là.

Autre point concernant l’étude article par article du projet de loi C-48, c’est un sujet dont nous discuterons demain. J’ai demandé qu’on tienne une séance à huis clos pendant quelques minutes après avoir entendu nos témoins, afin d’organiser le tout, car nous allons l’entreprendre la semaine suivante.

Sur ce, chers collègues, nous allons poursuivre notre étude du projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, aussi appelée Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers. Nous sommes heureux d’accueillir notre premier groupe de témoins ce matin, qui sera composé de Mme Vivian Krause, qui témoigne à titre personnel, et de Mme Vanessa Rochester, du cabinet Norton Rose Fulbright Canada, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Merci d’être avec nous. Nous allons commencer par madame Krause.

Vivian Krause, chercheuse et écrivaine, à titre personnel : Bonjour. Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité de votre invitation à venir témoigner aujourd’hui. Il se pourrait que certains de mes commentaires rejoignent ceux que j’ai faits au sujet du projet de loi C-69.

Pour mettre les choses en contexte, je témoigne à titre personnel. Depuis plus de 10 ans environ maintenant, je m’intéresse aux sources de financement de l’activisme environnemental. J’ai ainsi pu constater que des fondations américaines ont injecté 600 millions de dollars au Canada, le plus souvent dans ce qu’on appelle des initiatives de conservation de grande envergure: la forêt pluviale de Great Bear, l’Initiative boréale canadienne et l’initiative de conservation de Yellowstone au Yukon. Dans ces trois cas, un des objectifs originaux des bailleurs de fonds américains était de restreindre l’exploitation du pétrole et du gaz naturel au Canada et son exportation. L’information provient des déclarations d’impôt de ces fondations.

L’activisme en faveur d’une loi interdisant la circulation des pétroliers sur la côte nord de la Colombie-Britannique est un des moyens utilisés pour menotter l’industrie pétrolière au Canada. Plus de 50 subventions accordées parlent expressément d’interdire les pétroliers ou la circulation des pétroliers. Ces subventions sont d’une valeur de 40 000 $ en moyenne chacune, pour un total de 2 millions de dollars.

Je vais remettre à la greffière un document de 80 pages. Vous y trouverez une déclaration d’impôt sur laquelle figure chacune des 50 subventions où il est question précisément d’interdire les pétroliers ou la circulation des pétroliers.

Pour commencer, j’aimerais vous parler de l’annonce faite par le gouvernement fédéral le 26 novembre 2016, qui a jeté les bases du projet de loi C-48. Lors de cette annonce, le gouvernement a approuvé le projet de Trans Mountain et de la canalisation 3, rejeté le projet Northern Gateway et annoncé un moratoire sur les pétroliers transportant du pétrolier bru et des hydrocarbures persistants. Le gouvernement a également promis de légiférer pour mettre en œuvre l’interdiction relative aux pétroliers, ce qui nous amène au projet de loi C-48.

Dans son annonce de novembre 2016, le gouvernement fédéral a mentionné qu’il rejette le projet de Northern Gateway parce que le pipeline traverse un écosystème fragile connu sous le nom de forêt pluviale de Great Bear. Je pense donc qu’il est important pour le comité de connaître l’histoire de cette forêt pluviale de Great Bear.

Dès 1999, la protection de la forêt pluviale de Great Bear a été abondamment financée par les Rockefeller — la célèbre famille qui a fondé l’industrie du pétrole aux États-Unis. Au cours des dernières années, c’est la fondation Gordon and Betty Moore, basée à San Francisco, qui a pris le relais pour devenir le plus important bailleur de fonds de l’activisme environnemental visant à protéger la forêt pluviale de Great Bear.

Depuis 2003, la fondation Gordon and Betty Moore a versé 277 millions de dollars à des organismes canadiens, dont 90 % visent à promouvoir l’activisme. Le principal bénéficiaire de ces fonds, Tides Canada, principal défenseur de la forêt pluviale de Great Bear, a reçu 83 millions de dollars.

Au moins 60 millions de dollars sur ces 267 millions, soit 73 paiements de 835 000 $ en moyenne visaient expressément à protéger la fameuse forêt pluviale de Great Bear. Le deuxième bénéficiaire en importance de ces fonds a été les Premières Nations de la côte Ouest qui, si je ne m’abuse, viendront témoigner devant le comité. Les Premières Nations de la côte Ouest ont reçu 25 millions de dollars de la fondation Moore, soit 25 paiements d’environ 1 million de dollars chacun.

Dans le rapport annuel du fonds des frères Rockefeller de 1999, on trouve une carte montrant la zone que les Rockefeller voulaient protéger à l’époque. Sur la carte, la zone s’appelait la « zone de protection de Great Bear ». Cette zone est le véritable habitat naturel de l’ours Kermode, et à mon sens, il est logique de la protéger.

L’ours Kermode est blanc. Il s’agit en fait d’un ours noir — ce que les gens appellent une variante de l’ours noir. Les ours noirs ont différentes couleurs. Certains ont un pelage cannelle, ou brun pâle, et d’autres un pelage bleu. L’habitat naturel de l’ours bleu se trouve en Alaska. L’ours bleu est un ours magnifique, mais on peut obtenir un permis pour le chasser. Il n’y a pas de campagne de plusieurs millions de dollars pour protéger l’ours cannelle ou l’ours bleu.

La zone de protection de Great Bear proposée à l’origine correspondait à une toute petite partie de la côte de la Colombie-Britannique, mais aujourd’hui, au nom de la protection de l’ours Kermode, les groupes environnementaux et des Premières Nations soutiennent que le long de la côte de la Colombie-Britannique, soit de la pointe nord de l’île de Vancouver jusqu’à la frontière sud de l’Alaska, il faut interdire les pétroliers partout.

Je vais vous montrer cela sur une carte. Vous voyez ici la pointe nord de l’île de Vancouver, et là, le sud de l’Alaska, et cette petite zone ici est la zone originale que l’on voulait protéger et qu’on appelait la zone de protection de Great Bear, ce qui est logique à mon sens. Si on regarde cela sur une carte de la Colombie-Britannique, cette zone ne se trouve pas près d’Haida Gwaii, non plus que de la pointe nord de l’île de Vancouver. Il s’agit de cette toute petite partie ici. Aujourd’hui toutefois, ce qu’on appelle la forêt pluviale de Great Bear couvre tout ceci et, comme vous pouvez le constater, la zone originale ne correspond qu’à cette petite partie de tout ce qu’on appelle maintenant la forêt pluviale de Great Bear et également la zone marine de Great Bear. Vous pouvez donc constater que ce qui, à l’origine, était une bonne idée s’est transformé.

Nous avons maintenant la forêt pluviale de Great Bear et la zone marine de Great Bear, mais dans la majeure partie de cette zone, il n’y a pas de grand ours. Il n’y a pas de parc pour l’ours cannelle, comme je l’ai mentionné, et pas de parc pour l’ours bleu. Le seul ours pour lequel il y a un parc est l’ours que l’on ne peut chasser, et il y a une zone de conservation de 100 millions de dollars pour cet ours.

De toute évidence, si les fondations américaines ont dépensé des centaines de millions de dollars pendant 20 ans pour créer cette zone de conservation, ce n’est pas pour protéger un ours dont l’habitat n’en constitue qu’une petite partie. On protège ici quelque chose à grands frais, mais ce n’est pas, de toute évidence, l’ours. Ce qu’on veut protéger, c’est le monopole américain sur l’accès à l’exportation du pétrole canadien. La forêt pluviale de Great Bear est devenue la grande barrière commerciale pour tenir notre pays à l’écart des grands marchés mondiaux de l’énergie.

Toutes, ou presque toutes, les grandes organisations militant en faveur du projet de loi C-48 reçoivent du financement dans le cadre d’une initiative appelée campagne contre les sables bitumineux. Il s’agit d’une campagne internationale qui s’échelonne sur une décennie qui vise à saboter l’industrie pétrolière et gazière du Canada en empêchant le Canada de devenir un joueur sur les marchés mondiaux.

En janvier, Wendy Mesley de la CBC a fait un reportage sur la campagne contre les sables bitumineux. Si vous allez aujourd’hui sur le site web de CorpEthics, l’organisme qui coordonne la campagne, vous trouverez une description de cette campagne, mais qui n’a à peu près plus rien à voir avec le reportage de la CBC en janvier, et pour cause. Après ce reportage, l’organisme qui coordonne la campagne, CorpEthics, a totalement revu la description de la campagne. Selon la version originale, le but de la campagne dès le départ était d’enclaver le pétrole canadien afin qu’il ne puisse pas se rendre sur les marchés mondiaux où il pourrait obtenir des prix plus élevés par baril.

Les mots qu’on utilise dans certaines subventions et d’autres documents sont révélateurs. Par exemple, une subvention de 97 000 $ accordée à la West Coast Environmental Law mentionne que les fonds visaient:

... à restreindre l’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta par une loi interdisant la circulation des pétroliers transportant du pétrole brut sur la côte nord de la Colombie-Britannique.

Notez bien que les fonds ne visent pas à interdire les pétroliers pour protéger la côte, mais bien à légiférer pour interdire la circulation des pétroliers afin d’étouffer l’industrie pétrolière canadienne.

Dans un autre document, on peut lire qu’une proposition soumise à un bailleur de fonds américain visait à inciter la population à exercer des pressions sur le gouvernement canadien pour encourager l’adoption d’une loi visant à interdire les pétroliers dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique. On ajoute même dans la phrase suivante qu’en termes simples, cela veut dire que si les pétroliers sont interdits, aucun pipeline ne sera jamais construit.

Ce n’est pas une bonne raison d’interdire les pétroliers. Pendant des années, les politiciens ont ignoré, toléré et approuvé cet activisme basé sur un subterfuge. Il est temps d’y mettre un terme. Il est temps que le comité mette un terme à cette arnaque en rejetant le projet de loi C-48. Comme l’a mentionné M. Peter Tertzakian au comité il y a quelques semaines, il faut se prendre en mains. Nous sommes la risée de ceux qui voient ce manège.

En terminant, je suis consciente qu’il faut remédier aux préoccupations légitimes des organismes activistes, peu importe leurs bailleurs de fonds. Toutefois, le projet de loi C-48 repose sur une arnaque. L’ours Kermode mérite d’être protégé, mais il n’y a aucune raison d’interdire l’accès à toute la côte de la Colombie-Britannique pour protéger un ours qui n’y vit pas.

Enfin, si on décide de légiférer pour bannir les pétroliers, il ne faudrait pas que ce soit sous le subterfuge d’empêcher la construction de pipelines qui sont un élément d’infrastructure crucial pour maximiser la valeur des exportations canadiennes sur les marchés étrangers de l’énergie.

Merci, monsieur le président.

J’aimerais simplement ajouter, car je ne sais pas si cela a été distribué, mais il y a un deuxième document où il est question de certaines subventions dont j’ai parlé. Il se pourrait qu’il se trouve en dessous de la pile.

Le président : Très bien. Merci.

Vanessa Rochester, avocate-conseil, Norton Rose Fulbright Canada, S.E.N.C.R.L., s.r.l. : Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis avocate chez Norton Rose Fulbright. Ma collègue, Mme Shelley Chapelski, et moi avons été mandatées par la sénatrice McCoy pour examiner certains enjeux soulevés par le projet de loi C-48. Nos réponses se trouvent dans un rapport de 27 pages qui date de mars 2019. Par souci du bon ordre, j’ai la permission de la sénatrice McCoy d’être ici aujourd’hui pour vous parler du rapport.

Brièvement, une bonne partie du rapport visait à clarifier certains enjeux liés au projet de loi: notamment, quelle était la zone d’exclusion volontaire des pétroliers, mieux connue sous le sigle ZEP? Quelle en est l’origine? Où en était la technologie à ce moment et quels changements sont survenus depuis? Quelle est la portée du projet de loi C-48? Qu’est-ce qu’il interdit? Dans quelle mesure, le cas échéant, le projet de loi C-48 a-t-il une incidence sur les obligations du Canada en vertu du droit international, y compris le droit de passage inoffensif?

Il ne s’agit sans doute pas d’une coïncidence si la ZEP est née juste après le plus important déversement de pétrole dans l’histoire du Canada. En 1970, le pétrolier Arrow a laissé échapper, selon les rapports, entre 8 000 et 10 000 tonnes métriques de pétrole au large des côtes de la Nouvelle-Écosse.

Peu de temps après, le Canada est passé à l’acte, et la ZEP a été conclue entre la Garde côtière américaine, la Garde côtière canadienne et la Chamber of Shipping of America.

Les frontières de la ZEP ont été délimitées à partir d’une étude de dérive, c’est-à-dire de quelle façon un pétrolier de port lourd de 100 000 tonnes dérivera-t-il? Combien de temps lui faudra-t-il pour atteindre la côte? À quelle distance se trouvaient les secours?

À l’époque, il y avait environ 25 remorqueurs le long de la côte de la Colombie-Britannique. On estimait toutefois que ces remorqueurs seraient affairés à leurs tâches. Lorsqu’on a procédé à l’étude de dérive, les deux remorqueurs qui auraient servi à remorquer le pétrolier étaient stationnés à Seattle. Combien de temps faudra-t-il donc à l’un de ces deux remorqueurs pour venir à la rescousse du pétrolier avant qu’il ne s’échoue? C’est cette distance qui a constitué la limite extérieure de la ZEP, et c’est encore le cas aujourd’hui. La ZEP est volontaire et s’applique aux pétroliers desservant l’oléoduc trans-Alaska, soit ceux qui font la navette entre l’Alaska et les États du Sud.

Pour vous parler maintenant brièvement des changements technologiques, disons que lorsque le gouvernement canadien a annoncé son projet de moratoire peu après l’accident du Arrow, le prototype du téléphone mobile à main n’était pas encore inventé. Dans les années 1970, de nombreux navires avaient encore des sentinelles radio en poste 24 heures par jour. Les pavillons de signalisation étaient encore utilisés. Les pétroliers étaient munis d’une coque simple et n’avaient pas encore bon nombre des systèmes redondants dont ils sont équipés aujourd’hui, comme les cartes électroniques, de même que le système d’identification automatique, l’équivalent du GPS pour les navires.

Depuis plus d’une décennie maintenant, les navires de plus de 300 tonnes brutes disposent d’un système d’identification automatique. Si vous me donnez le nom d’un navire commercial de plus de 300 tonnes brutes qui sillonne les mers dans le monde, je peux me brancher sur un système auquel est abonnée ma firme et vous dire où se trouve ce navire en moins d’une minute. Je peux vous dire où il se trouve dans le monde, d’où il est parti, où il se rend, le temps prévu, qui en est le propriétaire et une foule d’autres renseignements. Honnêtement, je trouve qu’il est plus facile de repérer un navire n’importe où dans le monde que mon auto dans le stationnement du Costco le samedi. Enfin, depuis l’avènement de la ZEP, le Canada possède maintenant deux remorqueurs d’urgence qui sont stationnés au large des côtes de la Colombie-Britannique.

Pour revenir au projet de loi C-48, il semble y avoir de la confusion au sujet de savoir si le projet de loi C-48 officialise ou non la ZEP. La réponse est non. Le projet de loi C-48 interdit aux pétroliers transportant un certain volume de cargaison de charger ou de décharger cette cargaison ou de mouiller dans les ports et les installations maritimes dans les zones définies. On parle ici des eaux intérieures du Canada, ce qui est différent de la zone couverte par la ZEP.

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, aussi appelée UNCLOS, porte sur différentes zones maritimes. Brièvement, on parle des eaux intérieures d’un État côtier, soit des ports, des rivières, où l’État détient le même niveau de souveraineté que sur ses terres. Puis, il y a ce qu’on appelle la mer territoriale, qui s’étend sur 12 milles nautiques. Le pays y exerce aussi sa souveraineté, mais avec certaines restrictions, notamment le droit de passage inoffensif des navires battant pavillon étranger. Cela comprend les pétroliers en charge.

Ensuite vient la zone économique exclusive, ou ZEE, et cette zone s’étend sur 200 milles nautiques. Un État y possède certains droits, mais les navires battant pavillon étranger sont libres d’y naviguer, à quelques restrictions près.

Donc, si le Canada veut légiférer ou mettre en œuvre la ZEP en interdisant le passage des pétroliers dans la ZEP, il violerait ainsi ses obligations internationales en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Ce sont donc deux choses différentes : la ZEP couvre la mer territoriale et les eaux de la zone économique exclusive, et le projet de loi C-48 couvre les eaux intérieures.

Enfin, le projet de loi C-48 interdit les pétroliers transportant plus de 12 500 tonnes métriques de pétrole. Il ne s’applique pas aux pétroliers qui en transportent moins et ne s’appliquent pas au combustible de soute ou au carburant utilisé dans les moteurs des navires. À titre de contexte, l’ Arrow a déversé entre 8 000 et 10 000 tonnes métriques, selon les rapports.

Les déversements importants de pétrole au cours des 30 dernières années en Colombie-Britannique sont les suivants : le Queen of the North en 2006, environ 200 tonnes métriques; le vraquier Marathassa en 2015, environ 2,3 tonnes métriques; et le remorqueur Nathan E. Stewart en 2016, environ 97 tonnes métriques.

Si on regarde les demandes effectuées à la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires, notre fonds national qui dédommage les victimes de dommages causés par la pollution des navires, il y avait 48 demandes ouvertes venant de la Colombie-Britannique de 2017 à 2018 — certaines datant de quelques années plus tôt — et aucune ne concernait des pétroliers, quelle que soit leur taille. Il s’agissait plutôt de remorqueurs, de barges, de vraquiers, de navires de pêche et de navires à voile.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole aujourd’hui et je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci, madame Rochester.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci de vos présentations. Vous venez de réaffirmer des arguments que nous avons abondamment entendus depuis le début de cette étude sur le projet de loi C-48. Vous avez parlé avec beaucoup de précision de vos arguments. Je reconnais sans doute, madame Krause, que l’industrie américaine peut intervenir auprès du financement de groupes environnementalistes, mais je ne crois pas que l’ensemble des Canadiens qui sont d’accord avec le projet de loi soient financés par l’industrie américaine.

J’ai lu votre curriculum vitæ avec beaucoup d’intérêt. Vous avez travaillé pour l’ONU, et j’imagine que vous avez pris connaissance du rapport que la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques a publié hier, qui fait un état de la situation très alarmant sur la question de l’environnement et qui parle de la trace humaine comme du principal facteur expliquant les changements dans l’usage des terres et de la mer. Il y est également question du fait que le rapport se distingue par un aspect inédit, soit la mise en valeur des savoirs autochtones et locaux.

Puisqu’on a abondamment entendu parler des pour et des contre, et à la lumière de ce rapport extrêmement alarmant, comment peut-on rassurer les Canadiens sur le fait que la zone décrite comme à protéger le sera? Qu’est-ce que les industries et le gouvernement doivent faire pour rassurer la population? Manifestement, au-delà de ceux qui sont contre ce projet de loi, il y a énormément de Canadiens qui sont pour ce projet de loi et qui sont préoccupés par la question de l’environnement aujourd’hui. J’aimerais vous entendre sur ces vastes questions.

Mme Krause : Comme j’ai vécu dans des pays comme le Guatemala et l’Indonésie pendant une dizaine d’années, j’ai vu de vrais risques dans la façon dont les industries se comportent dans d’autres pays. J’ai vu des choses terribles, qui sont les causes des problèmes dont vous venez de parler. C’est dans ces pays que devraient aller ces centaines de milliards de dollars, pas dans notre pays. Il faut éviter les risques où ils se trouvent. Évidemment, le risque lié au climat est élevé, mais il faut traiter la cause de bien des menaces à certaines espèces sur place. C’est dans des endroits comme l’Asie et l’Afrique qu’il faut le faire, pas sur la côte nord de la Colombie-Britannique.

Lorsque je vois ce qui pourrait être fait avec tout cet argent au Canada et que je me rappelle ce que j’ai vu en Indonésie et ailleurs, cela aurait été préférable que l’argent soit dépensé là où on en a le plus besoin, et non sur la côte nord de la Colombie-Britannique pour protéger un site où, comme je viens de l’expliquer, la prémisse est fausse. Évidemment, comme vous venez de le dire, il y a des crises environnementales. Il faut réagir à cela, mais ce moratoire relatif aux pétroliers n’aidera pas à le faire.

Le sénateur Cormier : On a quand même identifié cette zone comme une zone vulnérable, avec une description très claire. Je ne comprends pas pourquoi vous dites que cette zone n’est pas...

Mme Krause : Parlez-vous du rapport mondial?

Le sénateur Cormier : Oui.

Mme Krause : Si vous voulez parler de la perspective globale et mondiale, effectivement, dans chaque région il faut agir pour traiter les risques, qui sont complètement différents de ceux que nous voyons au Canada.

Le sénateur Cormier : Madame Rochester, voulez-vous ajouter quelque chose? Merci, madame Krause.

[Traduction]

Mme Rochester : Si on aborde la question davantage d’un point de vue juridique, il suffirait d’établir quels sont les risques et les mesures qui peuvent être prises pour y remédier. Si je me fonde sur certains faits et mon travail d’avocate-conseil en droit maritime, je crois que la pollution par les hydrocarbures causée par les navires a baissé de 97 p. 100 depuis les années 1970.

L’Organisation maritime internationale ou OMI a proposé diverses conventions de sécurité qui ont été adoptées et se sont avérées efficaces. Nous constatons une différence appréciable. Pour vous donner une petite idée, il y avait des cabinets et des hordes d’avocats-conseils en droit maritime à Montréal dans les années 1960 et 1970 qui partaient à la chasse aux accidents. Mais, aujourd’hui, il y a longtemps que mes collègues et moi n’avons pas visité un bâtiment après un grave accident, ce qui confirme que ces mesures fonctionnent.

Du point de vue du port de Vancouver plus précisément, il pourrait être utile pour le Sénat d’étudier ce qu’on y fait en matière de sécurité pour les pétroliers. Quand un pétrolier doit entrer dans le port de Vancouver, il prévient les responsables quatre jours à l’avance afin d’être escorté par deux remorqueurs menés par des pilotes chevronnés. C’est le genre de mesures qui permettent de remédier aux risques potentiels.

On pourrait comparer cela au stationnement d’un centre commercial. Si la densité du trafic de même que le type de voitures et de camions qui circulent dans ce stationnement sont préoccupants, la question est de savoir si vous devez employer des dispositifs de séparation du trafic, par exemple en isolant le trottoir de ces camions ou en interdisant au centre commercial d’accorder un bail à certains types de boutiques. L’idée est de gérer les risques.

Le sénateur Cormier : Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Madame Krause, je suis très content de vous parler ce matin parce que j’ai lu votre rapport. Il y a des témoins qui sont venus au comité et qui nous ont confirmé qu’ils recevaient du financement de sociétés américaines pour mener leurs activités. Je pense notamment à la fondation Bullitt. Savez-vous si les communautés autochtones de l’ouest de la côte de la Colombie-Britannique ont également reçu du financement de groupes américains pour s’opposer à toute activité liée au transbordement de pétrole?

[Traduction]

Mme Krause : Si j’ai bien compris votre question, vous voulez savoir si je connais des Premières Nations qui ont reçu du financement.

Le sénateur Boisvenu : Oui.

Mme Krause : Oui, beaucoup d’entre elles.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J’ai lu dans votre article un extrait au sujet de la stratégie américaine qui vise à bloquer tout transport de pétrole sur la scène internationale, car les Américains savent que le Canada est prisonnier en ce qui a trait à la vente du pétrole. On sait qu’on le vend entre 30 p. 100 à 40 p. 100 moins cher que le prix mondial courant. Vous avez dit dans votre présentation que c’est une stratégie volontaire de la part de ces groupes environnementaux américains afin de contrôler le marché du pétrole canadien. Ils enclavent la production du pétrole dans le Centre du Canada pour faire en sorte que ce pétrole puisse se vendre seulement sur le marché américain plutôt que sur le marché international. Est-ce votre théorie?

[Traduction]

Mme Krause : Comment est-ce que je pourrais vous l’expliquer? Si vous voulez que je vous expose ma théorie dans mes propres mots, ces fondations, comme je crois l’avoir dit la dernière fois, ont de multiples objectifs. Elles n’essaient pas d’accomplir seulement une chose. Certains de leurs objectifs sont bons, et je crois que nous devrions collaborer avec elles à leur concrétisation. Elles veulent améliorer l’utilisation de chaque baril de pétrole. Elles veulent également concevoir des technologies pour l’exploitation des énergies renouvelables et œuvrer à la sécurité énergétique.

Je crois que tous les buts visés sont nobles. C’est seulement dans la façon qu’elles s’y prennent qu’il y a un problème. L’une des stratégies adoptées par ces groupes est de faire du Canada la figure emblématique du carburant sale, d’enclaver notre production et de faire de nous un pays où il n’est pas intéressant d’investir. C’est un aspect évident de leur stratégie. Et j’estime que c’est tout simplement inacceptable.

Cela ne veut pas dire que je suis en désaccord ou que qui que ce soit devrait nécessairement être en désaccord avec les buts visés, mais nous devrions être en mesure de discuter de la façon de les atteindre. Cet élément précis, soit celui d’enclaver le pétrole brut au cœur du pays et d’arrêter tous les projets de pipelines au Canada afin qu’on ne puisse pas atteindre les marchés étrangers, est inacceptable. La création de parcs, comme celui de la forêt pluviale de Great Bear, fait partie de la stratégie d’enclavement du pétrole brut.

Tandis que toutes les nations entament un virage vert, nous devons insister sur le traitement équitable de tous les pays plutôt que de permettre l’intimidation d’un pays en particulier qui est ensuite poussé hors du marché mondial de l’énergie, surtout quand on instrumentalise la cause environnementaliste pour le faire. Je crois que nous devons simplement trouver de meilleures façons d’atteindre ces buts afin que notre pays ne renonce pas à des milliards de dollars parce que nous sommes forcés de vendre sur un marché où nous obtenons un prix inférieur.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : On sait que les ressources naturelles au Canada, tant dans le Centre du Canada qu’au Québec ou en Ontario avec l’industrie minière, sont au cœur des revenus de nos gouvernements et qu’ils servent à alimenter nos programmes sociaux.

J’essaie de comprendre comment le gouvernement libéral est tombé dans ce panneau en voulant adopter un projet de loi qui va venir entraver une des principales industries de deux provinces et qui risque même, à la limite, de tuer leur économie. Comment ce gouvernement est-il tombé dans de ce panneau?

Mme Krause : Puisque je viens de la Colombie-Britannique, je peux dire qu’on parle de ce projet de Great Bear Rainforest depuis une vingtaine d’années. Ce qui est arrivé, c’est que, dès le départ, tout le monde savait que ce n’était pas tout à fait comme cela qu’il fallait procéder, mais on l’a accepté quand même. Beaucoup de gens disaient :

[Traduction]

Ils ont des milliards de dollars. Nous n’avons que des millions. C’est perdu d’avance. Et durant de nombreuses années, il était tabou de parler de ce financement américain. Ce n’était pas abordé. C’était jugé trop risqué sur le plan politique. En fait, c’est Ellis Ross, chef de la Première Nation Haisla, dans le village de Kitamat, qui a rompu le silence et déclaré qu’il fallait en parler parce que cela gardait sa communauté dans la pauvreté.

Ce qui s’est passé, c’est que la situation est devenue acceptable au fil du temps, même si tout le monde savait que cela n’avait pas vraiment de sens. Personne ne voulait s’en prendre aux environnementalistes parce que les gens avaient peur. Aujourd’hui, nous devons le faire, sinon la frustration des Albertains va déchirer notre pays.

Le président : Mesdames, messieurs, il reste six intervenants sur ma liste. Si quelqu’un veut prendre la parole, je souhaite le savoir maintenant. Je vais essayer de diviser les 25 minutes qu’il nous reste entre les 6 intervenants, mais si d’autres personnes veulent aussi prendre la parole, je vais répartir le temps en conséquence. Je souhaite conclure d’ici 10 h 30, car nous avons un autre groupe de témoins. Sur ce, la parole est à la sénatrice Miville-Dechêne.

La sénatrice Miville-Dechêne : D’abord, je dois vous demander d’où vient votre propre financement, car vous faites remarquer que les groupes environnementaux et les Premières Nations côtières reçoivent du financement américain. Et vous? Qu’en est-t-il de vos travaux de recherche? De quelle façon les financez-vous?

Mme Krause : Merci pour votre question, qui est tout à fait justifiée. Je crois que, si je pose des questions si ciblées sur le financement des autres, ce n’est que normal qu’on me demande de dévoiler le mien. En fait, depuis 2011, quand j’ai commencé à écrire sur le sujet, bien avant que qui que ce soit me pose la question, j’ai écrit une entrée sur mon blogue intitulée « Who Funds Vivian Krause? ». Vous pouvez la lire.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je l’ai vue.

Mme Krause : Comme vous le savez, si vous avez bien lu ce texte, mon travail n’est pas financé par quiconque. Pendant de nombreuses années, c’était seulement...

La sénatrice Miville-Dechêne : Avez-vous reçu des honoraires de l’industrie pétrolière à titre de conférencière?

Mme Krause : Mais j’ai commencé à recevoir ces honoraires environ cinq ans après mes recherches. Bref, une fois que les travaux étaient essentiellement terminés. C’est à la lumière de mes travaux et de mes écrits au fil des ans que les gens ont commencé à s’intéresser à ce que j’avais à dire.

Mes recherches comme telles n’ont jamais été financées par qui que ce soit. J’ai tiré de modestes revenus de ces conférences, et je crois qu’il est normal que je les déclare. Si les gens m’écoutent plus attentivement et décortiquent un peu plus ce que je dis, en sachant que j’ai reçu des honoraires de l’industrie pétrolière, je n’y vois pas de problème.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une question par rapport à votre argument central sur le parc de la forêt pluviale de Great Bear. Les Premières Nations côtières ont longuement témoigné devant nous, et leur argument ne porte pas vraiment sur le parc de la forêt pluviale de Great Bear, mais plutôt sur le désir de prévenir la contamination par déversement d’hydrocarbures devant leur communauté. C’est un argument différent, me semble-t-il. Stanley Rice, biologiste en Alaska, nous a dit qu’un grand déversement d’hydrocarbures peut franchir 300 kilomètres en 15 jours.

Évidemment, s’il y a déversement... et nous savons que les risques d’un déversement sont beaucoup moins grands qu’il y a 20 ans. Mais, tout déversement le long de cette partie de la côte risque de la détruire. Votre argument sur le parc de la forêt pluviale de Great Bear me déconcerte, car ce n’est pas ce qu’on nous a dit. Les Premières Nations ont peur d’un déversement d’hydrocarbures dans les eaux devant leur communauté. Cette peur est réelle et nous l’avons constatée. Le fait que ces Premières Nations soient en partie financées par des fondations américaines ne dissipe nullement leur crainte.

Mme Krause : Je suis tout à fait d’accord avec vous. Les personnes sur place seraient les plus touchées par une catastrophe, d’où leurs préoccupations. C’est un très beau coin de pays. J’ai vécu à Kitimat quand j’étais petite. S’il y avait un grave déversement d’hydrocarbures là-bas, ce serait absolument désastreux.

Je crois que c’est tout à fait naturel et prévisible que les gens de la communauté soient préoccupés. Je pense que l’on devrait répondre à leurs attentes. Sur la côte nord de la Colombie-Britannique, il y a Arnie Bellis, Mick Morrison — je ne sais pas s’ils sont venus témoigner devant le comité —, bref tout un groupe de personnes qui plaident depuis des années pour obtenir davantage de ressources afin de concevoir un programme adéquat d’intervention en cas d’incident maritime.

J’espère que, en tant que pays, nous allons saisir l’occasion d’entrer dans le marché mondial de l’énergie, d’y faire des profits et d’utiliser cet argent pour concevoir un programme d’intervention en cas d’incident maritime de qualité mondiale qui pourrait servir à protéger les eaux nationales et internationales.

Pour résumer, je crois que les préoccupations des Premières Nations locales sont sincères et fondées, si bien qu’elles devraient être prises très au sérieux.

La sénatrice Simons : Comme j’ai eu l’occasion de poser des questions à Mme Krause à Vancouver il y a quelques semaines, je vais m’adresser à Mme Rochester.

Je tiens à vous remercier pour le travail que vous faites et à remercier aussi la sénatrice McCoy qui a pris les dispositions nécessaires à ces travaux. Je souhaite comprendre un peu mieux l’incidence du projet de loi C-48 sur le moratoire volontaire actuel.

Doit-on s’inquiéter des risques juridiques de voir une partie de la zone d’exclusion volontaire devenir vulnérable en raison de l’adoption du projet de loi C-48? Je veux bien comprendre cela une fois pour toutes. Est-ce encore possible, même avec l’adoption du projet de loi C-48, car il n’interdit pas le trafic de pétroliers, mais seulement le chargement et le déchargement. Est-ce que des navires-citernes américains chargés pourraient toujours emprunter ce passage maritime naturel?

Mme Rochester : La réponse est oui. Ils font deux choses distinctes. La zone d’exclusion volontaire des pétroliers, peu importe si le projet de loi C-48 est adopté ou non, a une fonction différente. Essentiellement, elle exige que les navires-citernes chargés naviguent à l’ouest de cette limite. Et elle est respectée. Ces pétroliers chargés desservent l’oléoduc trans-Alaska. Tout autre pétrolier, bâtiment ou pétrolier sans charge d’un certain tonnage, bien qu’il respecte habituellement cette zone d’exclusion, peut naviguer dans ce secteur.

Revenons à l’analogie du centre commercial. Pensez à un petit mail linéaire composé de boutiques canadiennes et à un grand centre commercial composé de boutiques américaines qui doivent partager le même stationnement. Supposons qu’il y a de petites voitures qui ont eu jusqu’à maintenant des accrochages mineurs devant les boutiques canadiennes, et que les gros camions se rendent aux boutiques américaines plus imposantes. D’après le projet de loi C-48, les boutiques canadiennes s’inquiètent de la venue d’une boutique plus grande dans le mail linéaire qui attirerait ainsi ces gros camions, et pourrait donc accroître les risques.

D’après le libellé du projet de loi, il ne peut plus y avoir de gros camions qui viennent aux baies de chargement de notre mail à compter de maintenant. Cela n’empêche pas le trafic usuel où il se produit des accrochages mineurs ni le passage des gros camions. Ce sont deux choses différentes.

La sénatrice Simons : Si nous devions recommander la création d’une espèce de corridor tout au nord de la zone d’interdiction des pétroliers proposée dans le projet de loi C-48, par exemple, pour permettre aux Nisga’a d’aménager un port en eau profonde et d’accéder à la mer, en quoi nous retrouvons-nous dans un conflit potentiel avec la zone d’exclusion volontaire ou les navires américains en transit dans les eaux canadiennes?

Mme Rochester : Cela n’entrerait même pas en conflit avec la zone d’exclusion volontaire, puisqu’elle est respectée et que c’est une chose distincte. On peut aborder la question ainsi : est-ce que cela pourrait entrer en conflit avec les obligations internationales du Canada en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer? Comme on l’a déjà dit, conformément à la convention, l’État qui a souveraineté sur la mer territoriale peut y imposer certaines restrictions, par exemple la séparation du trafic, plus particulièrement celui des pétroliers. La convention prévoit donc certains mécanismes qui permettent aux États côtiers de prendre davantage de mesures de conservation de leurs ressources biologiques.

D’autres mesures sont aussi prévues par l’OMI. Je crois que le comité a entendu parler des zones maritimes particulièrement vulnérables, qui permettent d’établir les zones à éviter et le pilotage obligatoire, ce genre de choses.

Donc, si le Canada souhaite faire quelque chose en mer territoriale dans la zone économique exclusive, il doit le faire de sorte à respecter ses obligations internationales au titre de la convention.

La sénatrice Simons : Merci.

Le président : Beaucoup de pays ont des zones de conservation où ils protègent l’environnement à l’aide de mesures législatives. Est-ce qu’il y a des exemples aussi ambitieux que le projet de loi C-48?

Mme Rochester : C’est l’interdiction de certaines manœuvres dans un port. Si l’on met de côté ce qui est de nature stratégique, le projet de loi C-48 dit essentiellement que dès que la cargaison atteint un certain tonnage, vous devez arrêter le chargement. Vous ne pouvez pas entrer dans le port si votre cargaison dépasse les limites établies. C’est tout ce que dit le projet de loi.

Cela a diverses répercussions simplement parce que les pétroliers ne viendraient pas livrer ou prendre leur cargaison dans le port s’il n’y avait pas de pipeline ou d’autres installations. Tout ce que le projet de loi dit, c’est qu’il est interdit d’entrer dans le port et de s’y amarrer si la cargaison dépasse le tonnage admissible. C’est tout.

Cela a des répercussions. Essentiellement, c’est comme si vous disiez que vous ne voulez pas que les gens chargent un téléviseur dans leur voiture, alors vous allez interdire l’ouverture d’un magasin Best Buy dans le centre commercial. Cela aura pour effet d’empêcher les gens de charger ou de décharger leur téléviseur dans le stationnement, mais la règle ne tient vraiment compte que de la disponibilité du téléviseur.

La sénatrice Galvez : Merci, madame Krause. Je souhaite comprendre votre théorie. Vous dites que des fonds américains servent à financer des environnementalistes au Canada afin d’empêcher l’exploitation des pipelines et des ressources pétrolières au Canada, de les enclaver, mais que dites-vous des entreprises américaines qui ont des activités d’extraction ou d’exploitation de pipelines en Alberta? Il y a déjà beaucoup d’entreprises américaines au Canada.

Je souhaite simplement comprendre la nature de la lutte. Est-ce que c’est un affrontement entre Américains et Canadiens ou entre Américains?

Mme Krause : Je pense qu’il s’agit de deux questions tout à fait distinctes. Mes objections par rapport au financement accordé par ces fondations n’ont rien à voir avec son origine nationale. Le problème est dans la nature du geste qui n’est ni philanthropique ni utile à la conservation de l’environnement. Même en bannissant les pétroliers, même en faisant toute une campagne pour enclaver le pétrole brut canadien, nous produisons et consommons plus de pétrole que jamais auparavant. Rien de tout cela n’a empêché l’exploitation des ressources.

Le fait que cela est financé par les Rockefeller n’a pas d’importance. Cela n’aide pas à atteindre les buts visés de réduire les répercussions environnementales des activités pétrolières. C’est pour cette raison que je m’y oppose.

Comme je l’ai déjà dit, la situation soulève des questions intéressantes. Il y a trois fondations qui ont commencé leurs activités au sein de l’industrie pétrolière et qui figurent parmi les plus grands bailleurs de fonds de cette initiative, mais même si ce n’était pas le cas, je crois que tout cela demeurerait répréhensible parce qu’il n’y a pas d’avantage.

La sénatrice Galvez : Merci. Nous avons entendu dire que deux problèmes se posent lorsqu’un accident survient : la sécurité des personnes à bord du bateau, dont le sauvetage est effectué en moins de 24 heures, et l’impact environnemental, dont l’atténuation prend beaucoup de temps, parfois trois jours ou plus, parce qu’elle est réalisée par des personnes différentes. Les personnes qui vont sauver les gens et celles qui mettent en œuvre les mesures d’atténuation pour l’environnement ne sont pas les mêmes.

Vous avez parlé de l’évolution des navires et du fait qu’ils sont aujourd’hui mieux préparés. C’est aussi le cas des avions, mais comme pour Boeing, malgré toute la technologie dont nous disposons, il y a encore des accidents.

Pourriez-vous formuler des commentaires au sujet des interventions en cas de déversement?

Mme Rochester : L’ampleur des interventions en cas de déversement a augmenté. Je sais que le Canada a déployé beaucoup d’efforts et pris nombre de mesures relativement à l’intervention en cas de déversement dans le cadre du Plan de protection des océans.

Ce que vous avez dit au sujet de la sécurité des personnes et des biens est vrai. Cela dépend du lieu et du type de navires.

Si vous prenez trop de temps pour vous rendre sur les lieux d’un déversement de diesel, à votre arrivée, une grande partie du carburant se sera évaporé. En revanche, les hydrocarbures persistants utilisés comme carburant qui s’échapperont de la soute d’un navire seront tout aussi persistants que les hydrocarbures qui s’échapperont d’un pétrolier de plus grande taille transportant des hydrocarbures persistants.

Comme pour tout le reste, en règle générale, les accidents se produisent près des zones d’engorgement. Ainsi, bien que parfois quelqu’un s’endorme, nous avons aujourd’hui des alarmes de garde qui aident les membres d’équipage à se réveiller. Ces mesures de sécurité ont permis de prévenir un grand nombre d’accidents qui se produisaient auparavant lorsque l’on naviguait en haute mer. Les accidents surviennent toutefois pour la plupart à l’entrée et à la sortie des ports. Quelque chose se libère de ses attaches.

Il s’agit de repérer les zones présentant des risques et de prévenir ces derniers. Alors, au lieu d’imaginer la côte dans son ensemble, ce sont tous les endroits où il y aura des problèmes. C’est également pour cela que vous êtes beaucoup moins susceptible d’avoir un accident de voiture lorsque vous êtes seul sur une voie publique bien éclairée que lorsque vous êtes dans un environnement bondé, entouré de beaucoup de gens qui tournent et affrontent la circulation. C’est la même chose pour les bâtiments.

La sénatrice Dasko : Madame Krause, j’ai plusieurs questions, mais je vais me concentrer sur l’une d’elles, qui fait suite à ce dont vous a parlé la sénatrice Galvez.

Certaines compagnies pétrolières américaines font connaître leur point de vue et dépensent de l’argent pour le promouvoir. Certains environnementalistes américains ont également leur point de vue et financent des organismes qui tentent de le promouvoir.

Pourquoi un type d’argent américain serait-il moins bon qu’un autre? Pourquoi le financement offert par des personnes ayant des intérêts environnementaux en vue de faire connaître leur point de vue est-il moins bon que celui provenant de compagnies pétrolières américaines? Je vous pose cette question parce que votre théorie est pratiquement une théorie du complot, et je n’ai jamais cru aux théories du complot.

Mme Krause : Je ne pense pas qu’un type d’argent américain soit moins bon qu’un autre. Ce que j’essayais d’expliquer tout à l’heure, c’est que, en faisant abstraction du fait qu’il s’agisse de fonds américains, cette campagne ne contribue pas à réduire notre consommation de pétrole. Nous en utilisons en fait plus que jamais; il est simplement produit par un pays autre que le Canada.

L’économie de notre pays a pris un énorme coup sans que nous ayons réalisé de gain environnemental, en gros. Je pense que nous devons réorienter le financement, les efforts et l’énergie humaine vers des moyens plus productifs et plus constructifs d’utiliser les combustibles fossiles que nous devons continuer de consommer.

La sénatrice Dasko : La question du financement n’est donc essentiellement pas pertinente? Nous revenons aux questions de base?

Mme Krause : Il est important d’examiner les raisons pour lesquelles les fonds sont accordés. C’est pourquoi j’ai essayé d’attirer l’attention du comité sur le fait que ces groupes environnementaux disent dans leurs propositions que la raison pour laquelle ils veulent interdire la circulation des pétroliers est que cela leur permettrait de mettre fin aux projets de pipelines.

La sénatrice Dasko : De nombreux organismes, groupes et citoyens nous ont dit qu’ils appuyaient ce projet de loi, notamment les Premières Nations côtières, qui nous ont fait part de leur grande inquiétude au sujet de la pêche et de la façon dont elle pourrait être touchée. Puisque vous parlez toujours du financement, pensez-vous que ces gens ne comprennent pas leurs intérêts économiques et qu’ils se laissent en réalité duper par le financement qu’ils reçoivent, et qu’ils ne se préoccupent pas réellement de leur économie?

Mme Krause : Je ne doute pas du tout de leur sincérité. Voici ce qui se passe : avec les 25 millions de dollars qu’elles reçoivent de la Moore Foundation, les Premières Nations côtières ont beaucoup plus de ressources pour faire passer leur message.

La sénatrice Dasko : Cela devrait être une bonne chose.

Mme Krause : Pendant ce temps, personne n’a accordé de financement aux Premières Nations qui veulent faire partie de l’industrie énergétique. Elles ne sont pas organisées et ne reçoivent ni financement ni aide pour créer leurs sites web, produire des vidéos ou communiquer sur les médias sociaux. Là est le problème : ces fonds américains ne sont allés qu’aux groupes qui s’opposent aux projets, et ont été utilisés pour cultiver l’opposition. Je dirais que sans ce financement américain, la controverse actuelle n’existerait même pas. Cela fait partie d’une stratégie visant à enclaver le pétrole brut canadien et à empêcher le Canada d’entrer sur le marché de l’énergie.

Le sénateur MacDonald : Merci à vous, madame Krause et madame Rochester. Merci pour votre excellent travail, madame Krause. Les Canadiens doivent connaître ces faits, qu’ils le veuillent ou non.

Un grand nombre de groupes, dont beaucoup ont déjà été mentionnés, ont parlé du projet de loi C-69. Les groupes environnementaux des côtes Est et Ouest, comme le Pembina Institute, sont toujours présents autour de la table. Il semble que tous ces groupes, ou la majorité d’entre eux, reçoivent leur financement de l’étranger.

Connaissez-vous les champs pétrolifères de Kern en Californie?

Mme Krause : Un peu.

Le sénateur MacDonald : Les champs pétrolifères de Kern sont une catastrophe environnementale. Il s’agit d’environ 1 200 bassins de décantation situés dans le Sud de la Californie. Ils font partie des entreprises qui utilisent le plus d’eau pour extraire leur pétrole. Le paysage y est pratiquement lunaire et il s’agit de la pire catastrophe environnementale aux États-Unis.

Savez-vous si ces groupes dépensent des fonds pour mettre fin à ces activités ou les réduire aux États-Unis, ou si tout leur argent va à l’étranger?

Mme Krause : Oui, j’ai vu des subventions visant précisément à résoudre certains des problèmes environnementaux liés à ces champs pétrolifères. Elles se chiffrent à des dizaines de milliers de dollars, alors que le total des sommes versées, à titre d’exemple, par la Tides Foundation — soit 400 subventions sous forme de 400 chèques et virements électroniques — s’élève à 40 millions de dollars au total. Le montant des fonds qui ont été versés pour saboter l’industrie pétrolière canadienne est bien plus important. De petites sommes d’argent sont octroyées en Californie, mais on est loin du niveau de complexité, de coordination et de soutien dans l’ombre qui vise à asphyxier l’industrie pétrolière du Canada.

Le sénateur MacDonald : Merci.

La sénatrice McCoy : Merci à vous deux d’être présents.

Je pense que nul d’entre nous ne conteste le souhait très légitime des Premières Nations côtières de protéger leur côte, leur eau, leurs moyens de subsistance et leur culture. Il s’agit de savoir comment le faire. Le ministre lui-même a déclaré que leur protection présentait actuellement des lacunes; les mesures prises sont inadéquates. Comment devons-nous nous y prendre? Les représentants du cabinet d’avocats Norton Rose m’ont dit que le projet de loi C-48 n’assure pas cette protection.

Nous avons entendu un témoin représentant les Premières Nations côtières dire qu’il y avait des lacunes. Je vais aborder deux de celles-ci, mais j’aimerais d’abord vous demander, madame Krause, de préciser pour le compte rendu quelles Premières Nations reçoivent des fonds de groupes américains, comme vous l’avez dit, ou de nous indiquer où nous pouvons trouver ces renseignements. Ceux-ci figurent peut-être sur votre site web, ou vous pouvez les envoyer par la poste à la greffière, qui nous les transmettra plus tard.

Mme Krause : Je peux vous indiquer certains endroits où vous pourrez trouver ces renseignements. Il existe tout d’abord un organisme appelé la Coast Conservation Endowment Fund Foundation. Il s’agit d’un organisme de bienfaisance enregistré canadien. Si vous vous rendez sur le site web de l’ARC, vous pouvez consulter le montant qui a été versé à chaque Première Nation.

La Coast Conservation Endowment Fund Foundation a été créée dans le cadre de la mise en œuvre du financement lié à la forêt pluviale du Grand Ours. Vous pouvez voir... les nations Haisla et Heiltsuk et autres, plus loin... qui reçoit quoi.

Toutes ces fondations ont des bases de données sur les subventions qu’elles octroient, et vous pouvez les consulter. Pour la Moore Foundation, en particulier, j’ai analysé tous ces renseignements dans mon blogue. Les Premières Nations ont reçu 58 millions de dollars au total, et j’ai fourni ces renseignements au comité la dernière fois que j’ai témoigné. J’ai ventilé ces 58 millions de dollars en fonction de ce que les organisations des Premières Nations ont reçu et de ce à quoi ces fonds ont servi.

Certaines des raisons pour lesquelles ils ont été accordés sont bonnes. On réalise des choses positives, et je pense que cela devrait être encouragé.

La sénatrice McCoy : En tant que législateurs de premier rang, nous devrions être capables de faire preuve d’assez de discernement. Merci.

L’une des lois que nous avons adoptées en décembre, dans le cadre du projet de loi omnibus C-86, a apporté des modifications à la Loi sur la marine marchande du Canada et à la Loi sur la responsabilité en matière maritime du Canada. Elle a, en fait, donné au ministre et au Cabinet beaucoup plus de pouvoirs que ne le prétend le projet de loi C-48. L’un des témoins représentant les Premières Nations côtières a dit qu’il y avait encore des lacunes, notamment la question de l’accès des collectivités autochtones au fonds de responsabilité.

Pouvez-vous parler de cela, madame Rochester?

Mme Rochester : J’ai mentionné plus tôt la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires. Il s’agit du fonds national du Canada visant à indemniser les victimes de la pollution par les hydrocarbures. Son principal demandeur est habituellement la Garde côtière, à qui elle rembourse les sommes dépensées. L’administratrice du fonds, Anne Legars, qui, si j’ai bien compris, a témoigné devant vous, fait beaucoup de sensibilisation. Je crois qu’ils ont récemment affiché sur leur site web certaines des activités de sensibilisation qu’ils réalisent pour informer les peuples autochtones et leur faire savoir qu’en cas de problèmes pouvant avoir une incidence sur leurs droits fonciers et leurs droits de pêche et de subsistance, ils peuvent accéder au fonds.

L’une des choses qui peuvent les intéresser et leur être utiles est que depuis la création du fonds — et je crois que le fonds précédent remonte aux années 1970 — il ne s’est jamais produit de déversement sur la côte Ouest qui aurait été évité par le projet de loi C-48.

En conséquence, dans le cas de chaque déversement survenu sur la côte Ouest depuis cette date, le volume des marchandises ou le type de navire concerné n’était pas visé par le projet de loi C-48. Ce genre d’effort de sensibilisation et d’information de la part de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires est important.

La sénatrice McCoy : Combien d’argent y a-t-il dans ce fonds aujourd’hui?

Mme Rochester : Il y a près de 1 milliard de dollars, je crois. Il faudrait que je vérifie et que je vous revienne là-dessus.

La sénatrice McCoy : En tout cas, je crois que je pourrais continuer encore longtemps.

Le président : Vous avez parlé d’un groupe de coordination. Je ne suis pas sûr du nom, mais c’était un groupe côtier.

Mme Krause : C’est la Coast Conservation Endowment Fund Foundation.

Le président : Voilà. Quelles sont les activités caritatives effectuées par cette fondation? Une simple contribution donne-t-elle droit au statut d’organisme de bienfaisance?

Mme Krause : Bien entendu, je ne parle pas au nom de cette organisation, mais à ma connaissance, son objectif est de créer ce qu’on appelle une économie de conservation. Autrement dit, elle vise à favoriser les activités économiques qui sont conformes à sa vision en matière de durabilité. Par exemple, elle a financé des choses comme l’élevage de mollusques à petite échelle.

Le président : La fondation a-t-elle le statut d’organisme de bienfaisance?

Mme Krause : Oui. Elle a commencé comme organisme de bienfaisance américain. Elle avait le statut d’organisme de bienfaisance aux États-Unis et au Canada. Elle a reçu un financement de démarrage de 60 millions de dollars de la part de fondations américaines, et ce montant a été égalé par le gouvernement fédéral et la province. Elle a abandonné son statut d’organisme de bienfaisance américain en 2013, si je ne me trompe pas, et elle est aujourd’hui un organisme de bienfaisance enregistré uniquement au Canada. L’argent est censé servir à stimuler ce genre d’activités économiques. Je crois que la fondation a été créée à l’origine pour compenser en quelque sorte certaines des activités économiques qui disparaîtraient à la suite d’une réduction de l’exploitation forestière dans certaines régions, surtout à Haida Gwaii, lorsque l’entente sur la forêt pluviale de Great Bear a été initialement conclue.

Le président : J’ai une perception différente des activités caritatives, mais en tout cas, on semble utiliser l’argent des contribuables pour financer ces soi-disant organismes de bienfaisance. C’est un problème.

Mme Krause : Le taux de chômage est un énorme problème dans bon nombre de ces communautés, et si elles peuvent diversifier l’économie en créant des industries pour l’élevage des huîtres, des mollusques, des panopes du Pacifique et d’autres fruits de mer, c’est tant mieux.

Le président : Oui, j’en suis sûr, mais la question est de savoir s’il s’agit bel et bien d’un organisme de bienfaisance, ce qui est une autre histoire.

Sur ce, je vous remercie tous de vos témoignages.

Avant de passer au deuxième groupe de témoins de ce matin, Mme Rochester a un rapport qu’elle pourrait nous faire parvenir, et la sénatrice McCoy m’a demandé de consulter les sénateurs pour savoir si nous pouvons l’inscrire au compte rendu. Nous avions oublié de lui demander d’envoyer le document.

La sénatrice McCoy : Je dois préciser que le rapport est rédigé en anglais seulement, et c’est pourquoi je ne l’ai pas distribué.

Le président : Elle a le droit de le faire. Nous ferons traduire le document, au besoin.

La sénatrice McCoy : C’est au comité d’en décider.

Le président : Les sénateurs sont-ils d’accord? Merci. C’est ce que nous ferons.

La sénatrice Miville-Dechêne : Comme nous n’avons pas beaucoup de temps, j’aimerais présenter une motion parce que je voudrais que Tzeporah Berman, une spécialiste dans le domaine du pétrole et des groupes environnementaux, vienne témoigner demain soir. Nous avons réservé une période d’une heure, ce qui nous laisse du temps pour entendre son témoignage. Je suis désolée de présenter cette demande à la dernière minute. Nous avons mis du temps à rejoindre Mme Berman.

J’aimerais donc, si possible, mettre aux voix une motion pour convoquer ce témoin à la séance de demain.

Le président : Sénatrice Miville-Dechêne, vous êtes venue m’en parler, et je vous ai demandé de présenter une biographie. Proposer un témoin à la dernière minute n’est pas vraiment une habitude à prendre.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je sais.

Le président : Vous m’avez dit que vous alliez faire une chose, mais vous n’avez pas tenu parole; vous êtes en train de faire quelque chose d’autre.

La sénatrice Miville-Dechêne : Nous n’avons que 24 heures pour organiser la vidéoconférence. Si nous n’approuvons pas ce témoin maintenant, nous ne pourrons pas l’entendre.

Le président : Personne — ni moi ni les autres — ne sait qui elle est.

La sénatrice Simons : Mme Berman a déjà témoigné devant le comité chargé d’étudier le projet de loi C-69, à Vancouver. C’est une militante écologiste de renom. Elle a été conseillère auprès du gouvernement de l’Alberta dans le dossier des sables bitumineux. C’est une environnementaliste très en vue, comme diraient certains — ou comment dirais-je?

Le président : Ce n’est pas comme si nous n’avions pas entendu suffisamment de témoins.

La sénatrice Simons : Je ne préconise pas forcément sa comparution. Je dis simplement qu’elle est une activiste reconnue.

Le président : Je suis heureux que vous et la sénatrice Miville-Dechêne la connaissiez, mais j’estime qu’il serait bien...

La sénatrice Galvez : Monsieur le président, si nous sommes saisis d’une motion, nous ferions mieux de la mettre aux voix.

Le président : Nous pouvons en débattre aussi longtemps que nous le souhaitons, sénatrice Galvez. Si vous voulez que nous tenions ce débat au cours de la prochaine heure, nous pouvons le faire, mais M. Kariya n’aura alors pas l’occasion...

La sénatrice Galvez : C’est pourquoi je demande que nous passions au vote.

Le président : D’accord.

La sénatrice Dasko : Puis-je dire un mot?

Le président : Oui, bien sûr.

La sénatrice Dasko : Si cette personne a déjà témoigné dans le cadre de l’étude du projet de loi C-69, alors ses titres de compétence ont sûrement dû être vérifiés par un comité sénatorial, ce qui me suffirait comme justification. Merci.

Le sénateur MacDonald : Elle a témoigné à propos du projet de loi C-69, à Vancouver. Je n’ai pas envie de l’entendre à nouveau.

La sénatrice Miville-Dechêne : À ce stade-ci, nous devions passer au vote. Je n’ai pas eu l’occasion de l’entendre au sujet du projet de loi C-69. Je n’y peux rien si certains témoins sont venus parler des deux projets de loi, mais ils ont exprimé des réserves similaires. Je crois qu’il est important d’entendre Mme Berman.

Il est vrai que nous avons entendu des groupes environnementaux locaux en Colombie-Britannique, mais je dirais que le témoignage de Mme Berman, d’après ce qu’on m’a rapporté, est intéressant dans le contexte général de la lutte entre l’industrie pétrolière et les environnementalistes au Canada.

La sénatrice Gagné : Monsieur le président, puis-je demander que la motion soit mise aux voix?

Le président : C’est donc ce que nous ferons. Tous ceux qui sont pour la comparution de ce témoin — d’ailleurs, je n’ai jamais vu un cas où un témoin est invité à comparaître le lendemain sans... d’autant plus que nous perturbons l’ordre prévu dans notre liste de témoins. Dans ce cas, nous devrions permettre à tous les sénateurs de proposer des témoins pour la semaine prochaine. Bref, la sénatrice Miville-Dechêne propose cette motion. Tous ceux qui sont pour? Tous ceux qui sont contre? Cinq voix contre cinq. La motion est rejetée.

Nous allons maintenant passer au prochain groupe de témoins. Nous recevons M. Paul Kariya, éducateur, ancien fonctionnaire, conseiller principal en politiques pour l’Initiative Great Bear des Premières Nations côtières. Nous accueillons également Mme Gretchen Fitzgerald, directrice des programmes nationaux, de la Sierra Club Canada Foundation. Je vous remercie de votre participation et de votre présence parmi nous aujourd’hui.

Paul Kariya, éducateur, ancien fonctionnaire, conseiller principal en politiques pour l’Initiative Great Bear des Premières Nations côtières, à titre personnel : Merci beaucoup.

Je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le moratoire relatif aux pétroliers dans le Nord, c’est-à-dire le projet de loi C-48.

Aujourd’hui, je vais vous faire part de mon point de vue. Vous avez déjà entendu les témoignages de chefs et de dirigeants qui sont plus éloquents que moi — je suis un simple employé — et qui représentent les détenteurs de droits et de titres.

Pourquoi le projet de loi C-48 est-il sensé? Vous avez reçu des représentants de l’industrie, des responsables des relations gouvernementales, des politiciens et d’autres intervenants, qui vous ont dit que le projet de loi C-48 enclave le pétrole de l’Alberta ou que cette mesure législative — pour reprendre les mots utilisés dans de récents articles — « devrait aller à la poubelle » ou « est contraire à l’esprit de la société canadienne ». Ces gens parlent d’une vision à court terme pour l’industrie et les emplois — des objectifs qui sont certes louables, mais qui visent peut-être les 15 ou 20 prochaines années.

Les Premières Nations côtières parlent, quant à elles, d’une vision pour aujourd’hui et au-delà de 100 ans. Elles aspirent à créer des communautés, une région, des emplois et un mode de vie qui sont écologiques et compatibles avec l’environnement qui soutient et qui favorise leurs cultures. Si la vision des Premières Nations côtières l’emporte, nous en bénéficierons tous, aussi bien en Colombie-Britannique que dans l’ensemble du Canada.

Le taux de chômage est élevé, les emplois se font rares et les communautés sont aux prises avec des problèmes sociaux. La moitié des communautés comptent toujours sur le diesel pour produire de l’électricité, et la plupart d’entre elles ne sont pas accessibles par route; cependant, elles ne sont pas pauvres.

Pourquoi alors les Premières Nations côtières prendraient-elles l’initiative de réduire les coupes annuelles permises dans le secteur forestier, en les faisant passer d’environ 75 à 30 p. 100? Certains gens d’affaires qui ont témoigné devant vous et dont la vision ne va pas au-delà des 15 à 20 prochaines années diront peut-être que cette décision a été catastrophique pour les emplois et les investissements dans la foresterie et que le tout s’est fait au détriment de l’industrie et même des entreprises forestières des Premières Nations.

Je répondrais à cela que, oui, il y a eu un prix à payer. Selon leur vision en matière d’énergie propre, les Premières Nations côtières estiment que l’abattage d’arbres pour une poignée d’emplois, aux dépens de l’habitat des ours, des oiseaux, des poissons, de l’eau et des humains, s’est avéré bien trop coûteux.

Savez-vous qu’aujourd’hui, les Premières Nations côtières sont les plus importants négociants de crédits de carbone dans le secteur forestier au Canada? D’ailleurs, l’année dernière, le gouvernement de la Colombie-Britannique s’est vu décerner un prix par les Nations Unies pour avoir atteint la carboneutralité grâce aux crédits de carbone des Premières Nations côtières. Ainsi, les forêts sont protégées parce qu’elles sont nécessaires pour les écosystèmes qui entretiennent la vie.

En passant, les habitants de la Colombie-Britannique et tous les Canadiens profitent également de cette vision et de ce leadership. Bien entendu, la foresterie est importante, mais nous devons adopter une perspective collective et une vision à plus long terme.

Aujourd’hui, les personnes qui ont un droit ancestral de pêcher sont, pour la plupart, contraintes de rester sur les rives. En raison de politiques gouvernementales destinées à réduire la capitalisation de l’industrie, conjuguées aux mécanismes imparfaits du marché, les Premières Nations sont passées d’une position dominante à une position largement passive.

Les Premières Nations côtières ont mené des négociations en matière de réconciliation avec le Canada en vue de rétablir, dans chaque communauté, une pêche communautaire au moyen de petits bateaux afin que les familles puissent avoir accès au poisson pour leur alimentation, leurs activités sociales et leurs cérémonies, en plus d’en tirer leur gagne-pain comme autrefois.

Le mois dernier, le Canada nous a informés que nos négociations avaient porté leurs fruits. Il y aura bientôt une annonce conjointe de cette initiative de réconciliation historique.

Voilà l’économie que toutes les Premières Nations considèrent comme une priorité absolue. Cette économie s’accompagnera d’une nouvelle gouvernance commune et d’une nouvelle gestion des pêches, et elle permettra aux pêcheurs des Premières Nations de retourner pêcher. Les habitants de la Colombie-Britannique et tous les Canadiens en bénéficieront parce que la vision favorise des approches écologiques axées sur la conservation, ainsi que l’intégration et la planification de zones de protection marine.

Les nouvelles pêches ne seront jamais ce qu’elles étaient auparavant, d’où la nécessité de nouveaux emplois. Aujourd’hui, la masse salariale combinée des Premières Nations au sein des bureaux d’intendance représente plus de 125 emplois. La fonction publique des Premières Nations prendra de l’expansion dans cette région, ce qui créera des carrières viables et à long terme pour surveiller, gérer et protéger les milieux terrestres et marins.

Ces fonctionnaires surveillent les forêts, évaluent la situation des grizzlis, vérifient les prises des pêcheurs récréatifs — bref, ce sont des sentinelles qui surveillent, au nom des Premières Nations et de nous tous, les effets des activités humaines sur le paysage et l’environnement dans un mode en proie aux changements climatiques. Grâce aux investissements des fondations partenaires, les intendants et les gardiens disposent des dernières innovations en matière d’outils et de technologies pour effectuer leur travail. Ni les employés de la Colombie-Britannique ni ceux du gouvernement du Canada n’ont des outils comme le système de suivi des côtes, appelé Coast Tracker. J’espère que vous me poserez des questions là-dessus tout à l’heure.

Cette vision de l’avenir ne permet pas la présence de pétrole lourd dans l’environnement. Il suffit d’un déversement, aussi peu probable que cela puisse être, pour que tous les investissements des Premières Nations se volatilisent.

Certains experts vous ont parlé des navires à double coque, des progrès en navigation et des nouvelles technologies liées aux pétroliers pour laisser entendre que les risques de défaillance catastrophique et de déversement de pétrole sont minimes. Or, quel était le risque d’écrasement de deux avions Boeing 737 MAX, un modèle dernier cri qui représente ce qu’il y a de meilleur et qui témoigne de l’ingéniosité humaine?

Pourquoi le projet de loi C-48 est-il sensé? Eh bien, d’abord, c’est ce qu’avait promis le gouvernement élu par leur peuple. Cette promesse doit être tenue au nom de tous les habitants de la Colombie-Britannique et de tous les Canadiens, et vous devez, en tant que sénateurs, peser cet engagement par rapport à la vision des Premières Nations.

Comme nous avons pu le constater dans le cadre de la Commission royale sur les peuples autochtones et, plus récemment, de la Commission de vérité et réconciliation, dirigée par l’un de vos collègues, il y a eu beaucoup trop de promesses brisées.

Chaque fois que la société en général a eu des raisons pratiques d’invoquer l’argument du bien supérieur de tous, les Premières Nations ont fini par être escroquées, laissées pour compte, attaquées, régies par des lois et conditionnées à renoncer à leur vision, à leurs espoirs et à leurs besoins.

Les Premières Nations côtières ne sont pas contre le développement, mais elles ne sacrifieront pas les avantages à long terme pour obtenir des résultats à court terme. Elles n’accepteront pas d’emplois éphémères et d’argent rapide si cela a des répercussions sur la survie de leurs enfants et sur l’environnement qui nous fait tous vivre.

Les projets de loi C-48 et C-262 sont des mesures concrètes et nécessaires qui doivent devenir des lois, mais ils symbolisent également la nécessité de se rapprocher, de nouer des relations et de tenir des promesses.

Poursuivons donc nos efforts pour écrire une nouvelle page de notre histoire en collaboration avec les Premières Nations de la région de Great Bear, un lieu riche en biodiversité de calibre mondial et un bastion écologique. Le pétrole lourd n’a aucune place dans cette vision.

Je voudrais conclure par deux citations. La première vient de l’auteur Wendell Berry :

Que nous et nos politiciens le sachions ou non, la nature est partie prenante à tous nos accords et décisions, et elle dispose d’un nombre de voix plus élevé que nous, d’une mémoire plus longue et d’un sens de la justice plus sévère.

L’autre citation est un passage de la Bible, extrait du livre d’Osée, chapitre 4, verset 3 :

Voilà pourquoi le pays est en deuil,

Et tous ses habitants dépérissent,

Jusqu’aux bêtes des champs et aux oiseaux du ciel,

Et même les poissons de la mer disparaîtront.

Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Kariya.

Gretchen Fitzgerald, directrice des programmes nationaux, Fondation Sierra Club Canada : Monsieur le président, sénateurs, merci de me donner l’occasion de faire cet exposé aujourd’hui.

Je suis ici pour vous demander d’adopter le projet de loi C-48 sans amendements. Cette recommandation appuie la position de notre organisation sœur en Colombie-Britannique, le Sierra Club B.C., dont le mémoire à ce sujet a déjà été soumis au comité.

Je m’appelle Gretchen Fitzgerald et je suis directrice des programmes nationaux de la Fondation Sierra Club Canada. Nous sommes un organisme citoyen d’envergure nationale dont la mission est de donner aux gens les moyens de devenir des intervenants de premier plan pour ce qui est de protéger et de restaurer l’environnement, et de profiter des bienfaits d’un environnement sain et sécuritaire.

La Fondation Sierra Club Canada participe aux initiatives de zonage et de protection des océans depuis des décennies. Cela fait maintenant 20 ans que nous réclamons un moratoire sur l’exploitation pétrolière et gazière dans le golfe du Saint-Laurent, sur la côte Est.

Nos bénévoles ont également exprimé des préoccupations quant au transport maritime au large de Terre-Neuve et au manque de préparation en cas de déversement. Ils ont aussi émis des réserves au sujet du projet d’usine de gaz naturel liquide à Downeast, dans le Maine, usine dont l’accès avait été bloqué par le gouvernement Harper en raison des dangers entourant le passage de grands pétroliers entre Campobello et Deer Islands.

Quand nous étions jeunes, mes pairs et moi avons regardé avec horreur le déversement de l’Exxon Valdez dévaster l’environnement côtier de la baie Prince William. Avant le déversement massif de BP dans le golfe du Mexique, c’est vers ce déversement désastreux et les constatations scientifiques qui en ont découlé que nous nous tournions pour déterminer les effets qu’un déversement marin similaire dans les eaux canadiennes risquait d’avoir pour nos écosystèmes et nos collectivités côtières.

Selon un article du National Geographic publié à l’occasion du 30e anniversaire du déversement de l’Exxon Valdez — qui s’est produit le 24 mars 1989 —, les populations d’épaulards et d’aigles ne se sont pas encore remises des impacts de cette tragédie et les hydrocarbures libérés alors sont toujours incrustés sur les plages. C’est un héritage toxique tenace.

Bien sûr, depuis l’Exxon Valdez, des changements ont été apportés à la façon d’exploiter les navires-citernes, et la sécurité a été améliorée. Sauf que le nombre de déversements et d’accidents dans le monde et au Canada n’est pas nul.

Je peux dire que les améliorations apportées aux interventions en cas de déversement ont été assez modestes. Comme vous le savez peut-être grâce aux témoignages que vous avez entendus, Transports Canada s’attend à ce que le taux de récupération des hydrocarbures déversés en eau libre se situe entre 10 et 15 p. 100 seulement.

Si nous préconisons une plus grande protection dans le golfe du Saint-Laurent, c’est parce que nous comprenons l’importance écologique, historique et culturelle de ce cours d’eau. Cet estuaire hautement industrialisé abrite des espèces de baleines qui sont en voie de disparition, nommément le rorqual bleu et la baleine noire de l’Atlantique Nord. Ce n’est un secret pour personne que le trafic maritime est l’une des raisons pour lesquelles la baleine noire de l’Atlantique Nord est actuellement en voie de disparition.

Le récent déversement d’environ 250 000 litres provenant de la plateforme Husky SeaRose montre à quel point nous sommes mal préparés pour faire face à des déversements en mer : pas une seule goutte d’huile déversée lors de cet accident n’a été récupérée.

Les déversements sur la côte Est ont montré à quel point il est difficile de nettoyer le pétrole dans les océans du Nord. Souvenez-vous de l’Arrow , qui a coulé en 1970, entraînant le déversement de 10 millions de litres de pétrole sur quelque 190 milles de côtes. Le pétrole qui restait dans ce bâtiment a été pompé des décennies plus tard, en 2015.

Le pétrolier Kurdistan , qui s’est brisé en deux dans le détroit de Cabot, en 1979, a laissé s’écouler 9,2 millions de litres de pétrole, qui ont mis 12 jours pour toucher terre. C’est 700 milles de littoral qui ont été salis et il a fallu six mois à nettoyer. Ce désastre a également contaminé les stocks de poissons commerciaux; des pêcheurs ont dit qu’ils avaient vu des homards enrobés d’huile.

Le Rio Orinoco est venu s’échouer sur l’île d’Anticosti en octobre 1990, déversant 200 000 litres de mazout. Le nettoyage a été extrêmement difficile — et je vois beaucoup de parallèles avec le Nord de la Colombie-Britannique — en raison de l’éloignement d’Anticosti et du temps hivernal. Cinq tentatives de nettoyage en hiver ont été abandonnées et ont dû être reprises l’été suivant.

Sur nos deux côtes, il y a des endroits spéciaux qui ont besoin d’une protection particulière contre de tels risques. La forêt pluviale de Great Bear est l’un de ceux-là. En tant que résidante de la côte Est, le fait de savoir qu’il existe au Canada des endroits comme la forêt pluviale de Great Bear me donne beaucoup d’espoir. Comme le témoin précédent l’a décrit, ce sont des endroits où les emplois, la culture et l’économie des collectivités côtières dépendent d’un environnement marin sain.

Les écosystèmes uniques de la forêt pluviale de Great Bear ne peuvent être séparés de la santé de l’environnement marin. Le saumon fournit de la nourriture aux ours et aux loups; même les arbres reçoivent du saumon des éléments nutritifs marins, éléments que l’on retrouve à leur cime. Il s’agit de la plus grande forêt pluviale tempérée côtière encore intacte. C’est quelque chose que l’on ne trouve nulle part ailleurs sur Terre. C’est un endroit spécial qui mérite une protection spéciale.

En adoptant ce projet de loi sans amendements, vous participerez à un effort échelonné sur des décennies pour protéger le grand ours. Si les pétroliers sont autorisés à traverser cette région — laquelle est considérée par Environnement Canada comme étant le quatrième plan d’eau le plus dangereux au monde —, la question n’est pas de savoir si un accident va se produire, mais bien quand il va se produire.

Dans les eaux du Nord de la Colombie-Britannique, en l’espace de seulement huit heures, on a enregistré des vagues de 3 à 18 mètres. Ce type de vagues, combiné à l’éloignement et à l’inaccessibilité de la région, rendrait impossible le nettoyage d’un déversement d’hydrocarbures.

J’ai entendu des sénateurs dire qu’à titre de compromis, ils aimeraient qu’un corridor de navigation soit aménagé au milieu de la région visée par le moratoire sur les pétroliers. Sauf que le pétrole déversé ne s’arrêterait pas aux limites de la voie centrale proposée. Il s’étendrait le long de la côte et aurait des répercussions sur les pêches, les baleines, les oiseaux et les collectivités. Un tel corridor va à l’encontre de l’objectif du projet de loi.

Pendant des décennies, les collectivités ont lutté pour une économie axée sur la conservation dans la forêt pluviale de Great Bear, fondée sur la foresterie, le tourisme et la pêche durables. Avec un seul déversement, ces efforts pourraient être anéantis.

Le projet de loi C-48 est le fruit du travail que déploient depuis plus de quatre décennies les collectivités, les Premières Nations et les industries locales pour protéger le grand ours. La grande diversité de l’appui à ce projet de loi est vraiment impressionnante. En tant qu’organisme national représentant des membres de partout au pays, nous joignons notre voix à cet appui. Nous vous demandons d’adopter ce projet de loi sans amendements. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup aux deux témoins pour leurs témoignages passionnés et éloquents. Wendell Berry est l’un de mes auteurs préférés. Dans une vie antérieure, j’ai pu passer quelques jours avec lui dans le Kentucky à travailler sur un documentaire sur sa vie et son œuvre. C’était une citation pertinente.

Monsieur Kariya, lorsque nous étions à Prince Rupert et à Terrace, nous avons entendu d’autres Premières Nations — y compris les Nisga’as et les dirigeants élus des Lax Kw’alaams — dire avec beaucoup d’éloquence qu’elles estimaient que le projet de loi C-48 portait atteinte à leurs droits issus de traités, et particulièrement les Nisga’as, qui ont obtenu leur traité de haute lutte. Elles nous ont dit qu’elles aimeraient conserver le droit d’être au moins en mesure d’envisager le développement du port en eau profonde et d’un pipeline.

Comment allons-nous concilier les intérêts de certaines des Premières Nations côtières les plus au sud, qui ont effectivement parlé avec beaucoup d’éloquence en faveur du projet de loi C-48, et ceux des Nisga’as qui, avec la même éloquence, se sont prononcés contre?

M. Kariya : Merci de votre question, madame la sénatrice. Moi aussi, j’étais à Terrace et j’ai écouté attentivement ce témoignage. Je tiens à être prudent dans ce que je dis. Je ne fais pas partie des titulaires de droits et de titres. Je ne suis pas autochtone. J’ai travaillé dans ce domaine et avec les anciens présidents des Nisga’as. Si vous écoutez les plaidoyers du président Clayton, il était certainement question de s’opposer au projet de loi C-48, mais on disait tout aussi fort : « Nous n’avons pas été consultés. Nous sommes une Première Nation signataire d’un traité. Nous méritons le droit de nous asseoir avec le Canada. » Je pense que c’était une revendication aussi appuyée que n’importe quelle autre, et les gens à qui j’ai parlé là-bas seraient d’accord avec cela.

Je pense que les Nisga’as accordent aussi beaucoup d’importance aux possibilités qui s’offrent à eux. C’est une région où la plupart des nations autochtones n’ont pas accès aux terres urbaines. Ce n’est pas la même chose que pour les Musqueam, les Squamish, les Tsleil-Waututh et d’autres. Toutes les possibilités doivent être étudiées. J’avance avec précaution lorsque je dis que oui, il faut une écoute adéquate de toutes les parties, mais je pense que les titulaires de droits et de titres de propriété de la côte, où la majorité des répercussions risque de se produire, vous ont dit très fermement qu’ils étaient contre.

Encore une fois, je veux être prudent. Je ne critique pas les Nisga’as. Ils sont sur le fleuve et ils ont accès à l’océan, mais cela n’a rien à voir avec la situation des Heiltsuks, des Haïdas, etc.

La sénatrice Simons : J’ai aussi une question complémentaire qui s’adresse à Mme Fitzgerald. Lorsque je parle d’un corridor, il ne s’agit pas d’un couloir qui passerait par le milieu de la zone, ce qui, je vous l’accorde, serait vraisemblablement illogique. Mais encore une fois, les Nisga’as nous ont parlé de la possibilité d’un corridor qui serait situé loin au nord, tout près de la frontière internationale avec l’Alaska.

Pensez-vous qu’il y a là une possibilité de compromis? Ou est-ce que cela serait aussi problématique pour vous qu’à Kitimat ou à Prince Rupert, par exemple ?

Mme Fitzgerald : Oui. Excusez-moi d’utiliser la terminologie vernaculaire de la voie centrale. D’après ce que je peux voir, compte tenu de l’éloignement, du caractère unique et du dynamisme de ce système, je pense que si vous aviez un accident là-bas, la réponse serait médiocre. Le pétrole se répandrait et, comme je l’ai dit, les répercussions sur l’écosystème pourraient être catastrophiques. Cela irait à l’encontre de l’intention du projet de loi.

Le président : Comment savez-vous que la réponse serait médiocre?

Mme Fitzgerald : Je me fie à ce que ce qui s’est passé sur la côte Est. Comme je l’ai dit, nous venons d’avoir un énorme déversement en provenance d’une plateforme pétrolière. Pas une goutte n’a été contenue. Les scientifiques estiment que le nombre d’oiseaux de mer susceptibles de mourir pourrait s’élever à des dizaines de milliers, voire plus.

Si vous vous retrouvez avec le même système dynamique et un tel éloignement, je pense que l’histoire nous enseigne que la capacité de répondre sera faible. Ensuite, nos propres statistiques montrent que, même dans de bonnes conditions, il faut s’attendre à une récupération de l’ordre de 10 à 15 p. 100. En cas de déversement, les 90 p. 100 restants vont vraisemblablement aboutir dans la nature et causer des dommages.

Le président : La seule raison pour laquelle un pétrolier viendrait là, c’est s’il y avait un pipeline. Si un pipeline arrivait jusqu’à cet endroit, n’y aurait-il pas lieu d’élaborer un plan d’intervention exhaustif et de le soumettre à toutes les autorités nécessaires pour qu’elles cautionnent le projet? Ne seraient-ils pas tenus de suivre tout ce processus, comme ils le font sur la côte sud? Ils ont un très bon groupe d’intervention là-bas.

Mme Fitzgerald : Oui, le mot clé étant « si ». À l’heure actuelle, cette côte est protégée, et je pense qu’elle devrait le rester.

Non, sur la côte Est, on nous a donné des confirmations au sujet de l’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures. Comme je l’ai dit, en novembre dernier, j’ai pu constater que l’impact des promesses faites à cet égard était quasi nul. Comme j’ai essayé de le souligner dans mon exposé, il s’agit d’un environnement unique, éloigné et dynamique, d’un milieu qui a ses particularités. Comme vous le savez probablement tous, il vient d’y avoir un accident de chaland là-bas, et je pense que la réponse a été lente et insuffisante. Je crois que l’histoire nous enseigne qu’il s’agit là d’enjeux importants et qu’il y a des domaines où il ne faut pas jouer aux dés.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci à nos deux invités. Ma question s’adresse à vous, monsieur Kariya. J’ai écouté les opposants et les défenseurs du projet de loi C-48 et je comprends très bien leurs arguments ou leur philosophie parce que, dans le fond, on navigue entre une position philosophique et une position scientifique.

Je pense que le problème, par rapport aux conséquences du projet de loi C-48, va bien au-delà d’une exploitation à court terme ou à moyen terme, comme vous l’avancez. Lorsqu’on écoute les gens, ce projet de loi menace même l’harmonie qui existait depuis des décennies, surtout dans l’Ouest canadien et même au Québec en ce qui concerne l’utilisation de ces ressources.

Il y a aussi les Autochtones de l’Alberta, qui voulaient investir dans le projet Eagle Spirit et qui auraient été propriétaires à 85 p. 100. Ces chefs disaient que, pour eux, c’était un moyen de sortir de la pauvreté et de la dépendance vis-à-vis le gouvernement fédéral, et le projet de loi C-48 les condamne à long terme à une dépendance au financement des programmes fédéraux.

M. Trudeau a un discours relativement équilibré entre le développement économique et les besoins environnementaux. Ce projet de loi interdira le transbordement sur presque 90 p. 100 de la côte, mais, si on en protégeait 80 p. 100 au lieu de 90 p. 100, est-ce que, selon vous, cela ne serait pas un bon compromis?

[Traduction]

M. Kariya : Merci de votre question, sénateur.

Encore une fois, je ne veux pas être trop critique, mais vous avez beaucoup entendu parler d’Eagle Spirit et de ceux qui l’appuient. Il s’agit d’une entreprise privée, et j’accorde tout le crédit qui convient aux personnes qui sont à l’origine de ce projet.

D’un autre côté, vous avez entendu ces gens pour qui je travaille. Vous avez entendu parler des titulaires de droits et de titres, et il y a tout un monde de différences entre les entreprises commerciales et les Premières Nations. Il y a ces Premières Nations, en particulier en Colombie-Britannique, qui n’ont pas de traité et qui tentent depuis longtemps de régulariser leurs relations avec la Couronne. Je pense que c’est une distinction importante. Il y a des gens qui se demandent s’il n’y a pas de bonnes personnes des deux côtés en ce qui a trait aux questions touchant les Premières Nations, n’est-ce pas ? Ce n’est pas comme cela que les choses fonctionnent. Il y a les titulaires de droits et de titres d’un côté, et de l’autre, une entreprise commerciale.

Y a-t-il des dirigeants et des gouvernements des Premières Nations le long du trajet qui pourraient appuyer Eagle Spirit? Bien sûr qu’il peut y en avoir. Il y a des gens qui pensent aux emplois et aux possibilités d’investissement, mais je vous demande d’examiner ceux qui vous ont précédés et de considérer la différence qu’il peut y avoir entre les titulaires de droits et de titres et les autres.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je ne voudrais pas tomber dans un camp ou dans l’autre vis-à-vis ce qui me semble être, en quelque sorte, des positions irréconciliables, comme c’est le cas pour beaucoup de dossiers touchant à l’environnement. Comme j’ai travaillé au ministère de l’Environnement du Québec pendant 15 ans, je sais qu’il y a des dossiers dans lesquels, à un moment donné, il y a des positions qui sont irréconciliables, et il faut alors chercher un compromis. Cela me semble être le cas actuellement.

Si on veut réconcilier les communautés autochtones de la côte Ouest avec celles du Centre du Canada plutôt que les diviser, il faut trouver un compromis entre les besoins économiques des communautés autochtones du Centre du Canada et les besoins de protection de l’environnement, pour que les communautés de l’Ouest puissent vivre durablement des ressources de la mer.

Ma question est assez simple : à l’heure actuelle, ce projet de loi interdira, sur 90 p. 100 de la côte, toute activité de transbordement de pétrole. Si on prévoyait protéger 80 p. 100 de la côte, avec des critères très sévères pour les activités de transbordement dans la partie ouverte et des critères aussi sévères en termes d’engagements financiers et de moyens de protection s’il se produit un déversement, si grand soit-il, n’y aurait-il pas moyen de trouver un compromis? Je me pose la question.

[Traduction]

M. Kariya : Je ne suis pas certain que l’évocation de pourcentages est la bonne façon de procéder. Malgré le travail que nous accomplissons auprès des Premières Nations côtières, nous n’avons aucune assurance que ce que nous mettons en œuvre pour protéger l’environnement — que ce soit contre le pétrole lourd, l’exploitation forestière ou d’autres produits, ou l’infestation d’insectes — a tout le rendement escompté. Autrement dit, ce que nous faisons, c’est de faire de notre mieux. Je suis frileux à l’idée de recourir à une valeur nominale — fût-elle de 70 ou 80 —, alors que ce genre de mesure n’existe pas dans la nature.

Pour ce qui est du compromis, au nom des Premières Nations pour lesquelles je travaille, voici ce que je dis : ce sont elles qui ont fait des compromis. Cette promesse leur a été faite et ils disent : « Gouvernement du Canada, honore ta promesse. » C’est nous qui avons perdu nos pêcheries, nos forêts. Je me souviens que le slogan de la société MacMillan Bloedel était « Des forêts pour aujourd’hui et pour demain ». Elle était censée respecter les principes du rendement équilibré durable. Qu’en a-t-on retiré? La pêche était censée être régie par les principes du rendement équilibré maximal. Qu’en a-t-on retiré?

Encore une fois, il ne s’agit pas de critiquer à outrance les gouvernements pour lesquels j’ai travaillé, mais leurs principes par défaut étaient les suivants : « Faites-nous confiance. Vos intérêts supérieurs nous tiennent à cœur. Ceci sera fait pour vous et vous allez en profiter. » En ce qui concerne le pétrole et le gaz, j’ai travaillé pour le ministère des Affaires indiennes, et Pétrole et gaz des Indiens du Canada faisait autrefois partie de mes responsabilités. Cela n’a pas très bien fonctionné. Alors, qu’on dise « essayons de trouver un équilibre qui profitera à tous », je ne sais pas si c’est une façon viable de procéder. Ce que je sais, c’est que les gens pour qui je travaille disent : « Canada, honore tes engagements envers nous ».

La sénatrice Miville-Dechêne : Certaines des questions que j’allais poser ont déjà été abordées, mais je vais les approfondir un peu.

À Edmonton et Regina, nous avons entendu un grand nombre de Premières Nations dire qu’à leur avis, l’accès à un gagne-pain est aussi une question de réconciliation. Les membres de ces Premières Nations ne pratiquent pas la pêche et ne disposent pas des mêmes ressources qu’ils aimeraient avoir et ce qu’ils souhaitent faire, c’est construire un pipeline ou bénéficier de l’industrie pétrolière.

Cela nous place dans une situation plutôt difficile. J’aimerais donc que vous abordiez cette question particulière, ce besoin d’échapper à la pauvreté et le fait qu’ils affirment ne pas être en mesure de faire autrement parce que tout ce qu’ils ont à leur disposition est l’industrie pétrolière.

M. Kariya : Merci. Je précise une fois de plus qu’avec tout le respect que je dois aux Premières Nations des différentes régions du Canada, je parle au nom de celles pour lesquelles je travaille et qui sont établies sur la côte. La réconciliation est un sujet important. La vision que j’ai mentionnée au cours de mes observations au sujet des pêches est notre priorité. Nous allons récupérer les pêches autant que faire se peut. Elles ne redeviendront jamais ce qu’elles ont été, mais, grâce à elles, nous aurons accès à de la nourriture et à des pêches sociales et cérémonielles. Cela nous permettra aussi d’avoir accès à des pêches commerciales. Il n’y a pas si longtemps, les Premières Nations dominaient le secteur des pêches des côtes nord et centrale. Dans les années 1940, 1950 et 1960, les Autochtones étaient les principaux acteurs de ce secteur. Ce n’est plus le cas, mais nous espérons récupérer ce qui peut l’être.

En ce qui concerne les Autochtones de l’intérieur du pays qui vous disent qu’ils ont besoin d’un pipeline, que c’est le moyen pour eux de s’en sortir, je ne réfute pas leurs assertions. Je pense que ce qui est merveilleux au Canada, c’est le fait que nous puissions avoir des points de vue différents et nous en accommoder. Je crois que le gouvernement du Canada a un rôle à jouer en matière de rajustement lorsque des perturbations surviennent dans une industrie ou un secteur, quel qu’il soit. Je suis convaincu que le gouvernement a un rôle à jouer à cet égard, mais cela ne veut pas dire qu’il doit trouver un juste milieu qui ne satisfait personne. Je pense que ce serait la mauvaise façon d’envisager ce rôle.

Je ne suis vraiment pas venu ici pour parler de considérations climatiques, mais lorsque l’on songe aux enjeux les plus importants, on doit, comme je l’ai indiqué, regarder plus loin que le court terme, que les 15 ou 20 prochaines années, parce qu’il faut s’interroger sur ce qui adviendra après la construction du pipeline. Pendant combien de temps cette industrie exercera-t-elle ses activités?

Mon travail à titre de fonctionnaire fédéral m’a permis d’acquérir de l’expérience à cet égard, et je me dois de poser la question suivante : pourquoi les réserves indiennes sont-elles situées aussi près de quelques-uns des sites les plus toxiques du Canada, et pourquoi sont-elles associées à ces sites? Pourquoi les réserves indiennes sont-elles situées aussi près de sites militaires canadiens? La réserve de Cold Lake, le champ de tir sur la réserve des Tsilhqot’in. Il y a une raison à cela.

Lorsque nous exhortons les gens à trouver un juste équilibre en vue de permettre la construction de pipelines, je dois poser la question suivante : qu’adviendra-t-il dans les 15 ou 20 années qui suivront la construction du pipeline? Ce que je dis à l’industrie de notre région, c’est que nous devrions penser à l’énergie renouvelable, à l’électricité, par exemple. C’est une conversation que nous avons avec l’industrie minière et l’industrie du gaz naturel liquéfié. Si vous avez la prévoyance d’envisager ce qui se passera lorsque l’exploitation minière prendra fin et que vous disposez d’énergie renouvelable sur place, il se pourrait qu’une autre industrie vienne s’installer dans votre région. Vous pourriez accueillir un centre de données ou une autre industrie quelconque.

Pour critiquer l’industrie minière, parlons de son mode de fonctionnement. Pourquoi y a-t-il dans le Nord un chapelet de mines ayant recours au drainage rocheux acide? Parce qu’elles peuvent déclarer faillite et laisser le public nettoyer les dégâts. Ce n’est pas le cas de toutes les sociétés minières, mais il y a beaucoup trop d’exemples de ce genre. Et où ces sociétés sont-elles établies? Elles sont établies sur les territoires traditionnels des Premières Nations.

Je crains ce qui arrivera si nous cherchons à trouver un juste équilibre. Bien sûr, donnons la chance à des projets de voir le jour, mais envisageons ce qui se produira après 15 ou 20 ans.

Le sénateur MacDonald : Je tiens à remercier nos deux témoins. J’ai une question à vous poser à tous les deux. Précédemment, nous avons entendu un témoin parler des sommes que les Américains investissent dans des organisations environnementales et différents groupes qui s’élèvent contre le développement. Les Premières Nations de la côte Ouest ont reçu plus de 25 millions de dollars de la Tides Foundation et d’autres organisations. Alors, je suppose que cet argent contribue à payer votre salaire et celui de vos autres collègues de la côte Est qui sont également appuyés par la Tides Foundation.

Je vais interroger d’abord la représentante de la Fondation Sierra Club. Nous avons rencontré Mme Fitzgerald auparavant. Vous avez parlé des pétroliers Arrow et Kurdistan. Je me souviens très bien de ces deux incidents. Vous allez peut-être trouver cela légèrement étonnant, mais je partage votre avis dans une certaine mesure en ce qui concerne l’idée de préserver les voies navigables intérieures de la côte Est du Canada du transport de pétrole lourd. Je ne vois aucune raison de transporter le pétrole par voie maritime alors que nous disposons d’autres moyens d’obtenir ce pétrole. À l’heure actuelle, les raffineries du Québec et du Nouveau-Brunswick sont alimentées principalement par des navires, des pipelines ou des trains.

Toutefois, nous avons vu ce qui s’est produit à Lac-Mégantic lorsque le pétrole très volatile du Dakota du Nord a été transporté vers les raffineries du Québec. Une catastrophe est survenue. Par contre, nous avons vu le sens de l’écoulement de la canalisation 9 être inversé, et il s’ensuit que près de 50 p. 100 du pétrole livré au Québec provient maintenant de l’Ouest canadien, au lieu de 12 p. 100. L’une des façons de retirer le pétrole lourd du golfe du Saint-Laurent consisterait à acheminer le pétrole de l’Ouest canadien de la façon dont il est transporté en ce moment.

Ne conviendriez-vous pas que l’un des meilleurs moyens d’éliminer le transport du pétrole dans le golfe du Saint-Laurent et d’alimenter les raffineries du Québec serait d’acheminer par pipeline du pétrole de l’Ouest canadien? Cela résoudrait le problème.

Mme Fitzgerald : Oui, comme mes collègues l’ont indiqué, c’est le juste milieu qui ne satisfait personne.

Comme vous le savez, il est maintenant impératif que nous gérions la crise climatique. Par conséquent, ce genre d’investissement, qui se poursuivrait pendant des décennies, serait un mauvais investissement pour tous les Canadiens.

Le sénateur MacDonald : Avec tout le respect que je vous dois, je ne parle pas en ce moment de la crise climatique. Je parle des raffineries du Québec qui ont besoin de recevoir quotidiennement une importante quantité de pétrole et, en ce moment, ce pétrole provient des quatre coins de la planète et traverse les eaux de la Nouvelle-Écosse afin d’alimenter les stocks des raffineries du Québec.

Vous avez besoin de pétrole pour les alimenter. Souhaitez-vous le transporter par voie ferroviaire du Dakota du Nord, alors que vous avez vu ce qui s’est produit, ou souhaitez-vous l’acheminer de l’Ouest canadien, dont la contribution a triplé au cours des dernières années jusqu’à atteindre 50 p. 100 des stocks, sans que personne ne le remarque? Personne au Québec ne le remarque.

Mme Fitzgerald : Oui. Selon moi, le cœur du problème est la question de savoir si nous allons chercher à élargir cet investissement.

En tant que Canadienne, je dirais qu’il est dommage que nous n’ayons pas investi davantage dans le raffinage du pétrole et les produits à valeur ajoutée, et que nous soyons maintenant dans une situation de crise. L’Alberta est dans une situation de crise. Je respecte le fait que ces gens vivent des moments difficiles, mais nous vivons aussi une crise climatique mondiale...

Le sénateur MacDonald : Avec tout le respect que je vous dois, je précise que vous n’avez pas répondu à ma question.

Mme Fitzgerald : ... et il est honteux que nos hauts dirigeants n’engendrent pas la volonté politique nécessaire pour gérer cette crise. Je pense que, dans notre quête de solutions, nous devrions tenir compte d’une blague qui circule sur Internet : comment appelle-t-on un déversement d’énergie solaire? Une journée ensoleillée.

Des solutions existent, et elles créeront des emplois. Elles le font déjà, mais elles en créeront encore plus. Voilà la direction dans laquelle nous devons nous engager, au lieu de regarder vers le passé. Il ne fait aucun doute que ce sont là des erreurs que nous avons commises dans le passé.

Nous allons convertir nos économies, et nous allons...

Le sénateur MacDonald : Avec tout le respect que je vous dois, je vous rappelle que les activités exercées dans les raffineries du Québec et les gens qui y travaillent ne sont pas des choses du passé. Ces activités se déroulent en ce moment. Les raffineries produisent quotidiennement afin que la province puisse fonctionner. Si vous fermiez les portes de ces raffineries demain matin, la province cesserait de fonctionner. Elle a besoin de produits du pétrole.

Mme Fitzgerald : Oui, mais, si je comprends bien votre question, vous suggérez d’accroître notre investissement dans ces infrastructures et dans leurs modifications. Compte tenu de la situation à laquelle nous faisons face, je préférerais que nous investissions ailleurs afin de répondre à toutes les préoccupations que vous avez soulevées, ainsi qu’à la préoccupation que nous avons tous, je crois, c’est-à-dire la crise climatique.

Le président : Monsieur Kariya, souhaitiez-vous ajouter quelque chose à cela? Je ne sais pas s’il y a grand-chose que vous pourriez ajouter à cela, mais vous pouvez prendre la parole et tenter de le faire.

M. Kariya : J’aimerais répondre à la première partie des commentaires du sénateur à propos de la contribution de 25 millions de dollars apportée par des fondations américaines.

Oui, nous avons établi des partenariats, et nous recevons des fonds de la part de fondations américaines. Avant mon arrivée, une initiative tripartite appelée la Zone de gestion intégrée de la côte Nord du Pacifique, ou ZGICNP, avait été entreprise. Il s’agissait d’une initiative intégrée de planification des ressources marines, mais l’ancien gouvernement fédéral s’est retiré et a laissé en plan les deux autres partenaires. C’est à ce moment-là que la contribution du secteur privé a augmenté sous forme d’un engagement accru de la part des fondations.

Pourrais-je vous dire comment nous avons utilisé une partie de cet argent? J’ai mentionné au cours de mes observations que nous avons recours à un outil d’intégration des plus élaborés qui s’appelle le Coast Tracker. Nos gardiens travaillent en mer avec un outil sur iPad, et ils suivent les grizzlis, les pêcheurs sportifs, ainsi que la salinité et l’évolution de l’eau. Ce sont des surveillants du climat.

Nous offrons à la Colombie-Britannique et au Canada la possibilité de sous-traiter ce travail auprès de nous. Voilà d’où proviendront les carrières. Surveillons ce qui se passe dans l’environnement.

Lorsqu’on m’a présenté l’outil pour la première fois, j’ai passé un incroyable examen. L’un des gardiens de l’une des collectivités m’a dit : « Monsieur Kariya, combien de fois croyez-vous que le MPO ou les responsables de la conservation de Victoria sont venus ici l’année dernière? » Je connaissais la réponse à cette question. Ils avaient effectué une ou deux patrouilles, et on pouvait voir leurs déplacements sur la carte.

Puis, ils m’ont dit : « Combien de fois pensez-vous que nous sommes sortis en mer et que nous avons recueilli des données? » Et, l’on pouvait voir sur la carte une foule de lignes. Ils sont constamment sur l’eau. Leur ensemble de données pourra être utilisé avec le temps. Ni l’un ni l’autre des gouvernements ne conteste cela, car ils ne disposent pas des ressources nécessaires pour assurer une telle présence.

Un important pourcentage des 25 millions de dollars provient de groupes comme la Gordon and Betty Moore Foundation. Comme vous le savez, Gordon Moore était le cofondateur d’Intel. La technologie du Coast Tracker est novatrice et de calibre mondial, et c’est ce à quoi nos nations ont consacré une grande partie de l’investissement.

Avons-nous reçu de l’argent d’une campagne contre l’industrie pétrolière? Je crois que nous avons reçu des fonds d’une campagne contre Enbridge, mais cette somme n’était pas substantielle et ne ressemblait en rien aux 25 millions de dollars que nous avons reçus de ces fondations.

La sénatrice Galvez : J’adresse ma question à n’importe lequel d’entre vous. Dernièrement, un rapport international a été publié qui indiquait que nous faisons face à la sixième extinction massive des espèces. Je crois que bon nombre de gens ne comprennent pas pourquoi nous devons protéger des aires et pourquoi les biologistes qualifient cette période de sixième extinction massive des espèces.

Parce que nous vivons au Canada et que nous apercevons une flore et une faune abondantes, nous pensons que nous possédons de nombreuses espèces. Mais je sais que nous accusons du retard, parce que le Canada s’est engagé à l’échelle internationale à protéger 17 p. 100 des animaux sauvages dans les régions.

Pourriez-vous, s’il vous plaît, formuler des observations à propos de l’importance que revêt la protection de la faune et de sa biodiversité?

Mme Fitzgerald : Ce rapport était accablant, même s’il n’était peut-être pas étonnant. Il faisait ressortir les répercussions que cette extinction aura sur les économies et les cultures humaines, ce qui, selon moi, était délibéré. Il s’agissait donc d’un signal d’alarme.

Ce tissu de la vie sur lequel nous comptons, qui va des abeilles au saumon, est un système qui améliore notre qualité de vie, mais qui assure également notre subsistance. Il contribue à purifier l’eau et à créer des ressources alimentaires dont nous pouvons dépendre. Nous sommes en train de déchirer ce tissu.

Je pense que la forêt pluviale Great Bear est un exemple important à l’échelle mondiale des mesures que nous tentons de prendre pour faire ce qui s’impose. Nous tentons depuis des dizaines d’années de protéger cet environnement.

Pour aborder la question du financement américain, je tiens à préciser qu’en fait, la Fondation Sierra Club Canada ne reçoit pas d’importantes sommes des États-Unis.

Cette forêt pluviale est un écosystème d’importance mondiale. Elle a attiré l’attention des organismes philanthropiques mondiaux, car les espèces qui existent dans cette forêt traversent les frontières. C’est avec raison qu’elle a attiré cette attention, et ce n’est pas une mauvaise chose. Madame la sénatrice, compte tenu du rapport que vous avez mentionné, nous protégeons un écosystème canadien d’importance mondiale.

M. Kariya : Je peux ajouter un commentaire à ces propos, en soutenant que cette protection importe à ce point.

La sénatrice Gagné : J’aimerais connaître votre point de vue sur la circulation de grandes quantités de gaz naturel liquéfié ou de produits pétroliers raffinés le long de la côte Nord de la Colombie-Britannique, et j’aimerais savoir si cela vous préoccupe ou préoccupe les groupes que vous représentez.

M. Kariya : C’est une question opportune à laquelle il m’est difficile de répondre en tant que conseiller des Premières Nations côtières.

Je n’ai pas de mal à admettre que toutes nos nations n’appuient pas l’industrie du gaz naturel liquéfié. Je vais vous citer des chiffres approximatifs. La moitié d’entre elles s’intéresse à cette industrie. Elles font une distinction parce que, sur le plan environnemental, il ne s’agit pas d’un pétrole lourd. Le gaz naturel liquéfié se dissipe.

Ces nations sont-elles préoccupées par le trafic maritime? Absolument. Certaines d’entre elles s’opposent à cette industrie en raison de préoccupations liées au transport maritime.

Cependant, d’autres nations ont signé des conventions d’achat d’actions avec les promoteurs de l’industrie du gaz naturel liquéfié par besoin de trouver des débouchés pour leurs membres. Le défi que les Premières Nations côtières leur demandent de relever, comme elles m’ont demandé de le relever, c’est d’exercer leurs activités d’une façon raisonnable qui permet aux nations de travailler ensemble et de demeurer unies. Elles ont demandé aux promoteurs de leur montrer leur plan et, s’il s’agit effectivement des produits pétroliers les plus sécuritaires, elles sont disposées à procéder d’une façon progressive.

Dernièrement, j’ai rencontré Shell et LNG Canada, et ces entreprises ont relevé le défi, ce qui est tout à leur honneur. Elles ont exposé leur plan en matière d’utilisation de l’eau, de fracturation, d’homologation sur le marché et de remplacement du charbon et du pétrole. Elles ont garanti que cela pourrait vraiment être le gaz naturel liquéfié le plus propre du Canada. Toutefois, que se passera-t-il dans 30 ans? Shell nous a indiqué que, dans les années à venir, elle deviendrait une entreprise énergétique exempte de produits pétroliers.

Ces sujets intéressent nos nations, mais ce ne sont pas des sujets faciles à aborder, et je n’ai pas de solutions rapides à proposer à cet égard. Cet enjeu est très différent du projet de loi C-48, car les Premières Nations s’entendent pour dire qu’elles sont fermement opposées à ce projet de loi.

Mme Fitzgerald : Je serai brève. Par solidarité à l’égard du Sierra Club B.C., nous nous opposons au projet de gaz naturel liquéfié. Votre question porte sur le fait que ce projet de loi est, en réalité, déjà un compromis, et nous recommandons qu’il englobe aussi différents types de carburant. C’est pour tenir compte des questions climatiques et des questions de sécurité côtière.

La sénatrice McCoy : Comme le temps presse, ma question s’adresse à M. Kariya, mais merci à vous deux pour votre présence et, comme l’a dit ma collègue de l’Alberta, pour votre exposé passionné.

Je pense à la proposition de centre d’intervention maritime autochtone que la nation Heiltsuk a faite sur son site web et dont elle nous a fait part. Je pense que c’est un des deux centres dont on a besoin dans le Nord. Il se trouverait sur la côte centrale, mais nous avons probablement aussi besoin d’en avoir un dans le Nord. Lorsque la chef était ici, elle a dit que les interventions des gouvernements n’avaient pas été adéquates — j’en déduis qu’elle parlait du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial de la Colombie-Britannique. Pourriez-vous nous dire où en est cette proposition?

M. Kariya : Je n’ai probablement pas les renseignements les plus à jour; il s’agirait des échanges de la nation Heiltsuk avec les deux gouvernements. Je peux dire que les interventions maritimes le long de la côte de la Colombie-Britannique ne sont pas ce qu’elles devraient être. Voilà pourquoi les Premières Nations côtières et d’autres Premières Nations ont signé un protocole de réconciliation avec le Canada, auquel nous essayons aussi de faire souscrire la Colombie-Britannique, pour traiter de questions comme la gestion des bâtiments et la sécurité maritime.

Il s’agirait d’un cadre à partir duquel on conclurait un accord de réconciliation complet. Le processus est lent, bureaucratique et frustrant, mais nous devons y arriver. Il ne tient même pas compte de la possibilité de quelque chose d’aussi menaçant que des superpétroliers; il porte uniquement sur le trafic actuel. Vous remarquerez que nos dirigeants ont mentionné un cas après l’autre d’accidents qui se sont produits. Même tout le long de la côte, si vous pensez à l’endroit un peu plus bas où j’ai grandi sur la côte Ouest de l’île de Vancouver, ce sont les Premières Nations qui ont été les premiers intervenants lors du naufrage du bateau d’observation des baleines près de la nation Ahousaht. Même chose pour l’accident d’avion près de l’île Vargas.

Elles sont sur place et veulent travailler avec le Canada et la Colombie-Britannique. On n’a pas encore atteint le niveau adéquat, mais on y travaille.

La sénatrice McCoy : Je suis tout à fait favorable à ces demandes, car elles ont un effet pratique. Je vous sais gré de vos commentaires, aussi succincts soient-ils. Peut-être que nous trouverons une façon de vous aider sur ce plan avec le projet de loi C-48.

Le président : Quel est le taux de chômage dans les Premières Nations côtières?

M. Kariya : Dans le cadre de notre accord de réconciliation sur les pêches, nous avons examiné les données, et le taux de chômage global était semblable à celui du district régional de Skeena-Queen Charlotte, soit entre 15 et 20 .p .100. Ce n’est pas génial. Pour ce qui est de savoir si les personnes viennent de décrocher et ne cherchent pas d’emploi, il est difficile de calculer le taux de chômage en raison des personnes qui ne font plus partie de la main-d’œuvre. Nous avons donné un taux de l’ordre de 15 p. 100 au gouvernement du Canada.

Le président : Le nombre se situe entre 15 et 20 p. 100, ou il est de 15 p. 100?

M. Kariya : Quelque chose du genre. C’était une fourchette.

Le président : Comment vivent ces gens?

M. Kariya : Le taux de chômage est élevé, tout comme l’aide sociale. Ce sont des facteurs associés à la vie dans une réserve autochtone sur la côte nord et centrale de la Colombie-Britannique, c’est clair.

Le président : Est-ce une bonne façon de vivre?

M. Kariya : Non, ce n’en est pas une. J’ai souvent entendu les autres parler de pauvreté et d’appauvrissement. Ce n’est pas comparable au niveau de vie en milieu urbain. Si on prend le niveau de vie des communautés non autochtones avoisinantes, où le taux de chômage est toujours élevé comparativement à Vancouver ou à Victoria, ce n’est pas si différent. Les gens peuvent quand même se procurer des aliments traditionnels, et c’est ce qui compte quand on vit dans nombre de ces communautés.

Il n’y a peut-être pas d’emplois rémunérés, mais les gens veulent en avoir. Ils veulent participer à l’économie monétaire, mais côté nourriture et subsistance, ils peuvent se débrouiller. Nous devons absolument trouver des débouchés économiques. C’est indéniable.

Le président : Cela me semble un peu paternaliste.

M. Kariya : D’offrir des débouchés économiques?

Le président : Non, de dire « Bon, ils sont pauvres, mais le bon type de pauvres. »

M. Kariya : Je pense que j’ai parlé de l’initiative de réconciliation sur les pêches que nous menons. C’est notre priorité absolue depuis que je suis ici, soit depuis près de deux ans. Je ne pense pas que ce soit paternaliste de travailler à pareil projet, monsieur le président.

Le président : Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

Haut de page