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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 26 mai 2020

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 14 h 30 (HE), par vidéoconférence, dans le cadre de son étude sur : a) certains éléments du projet de loi C-13, Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19; b) les dispositions et l’application du projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19; et c) la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19 et ses effets économiques.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs, chers spectateurs canadiens, honorables sénateurs, nous poursuivons notre travail conformément à l’ordre de renvoi du Sénat du Canada à titre de l’un des comités de surveillance, et ce, à des fins de transparence, de reddition de comptes, de prévisibilité et de fiabilité. La séance est ouverte.

Honorables sénateurs, en tant que président, je fais appel à votre soutien continu afin de rendre la séance intéressante, comme toujours.

Avant de commencer, j’ai quelques consignes à vous transmettre pour vous aider à rendre la réunion efficace et productive.

Les sénateurs doivent garder leur microphone éteint en tout temps, à moins de se faire appeler par le président. Il incombe aux sénateurs d’éteindre et d’allumer leur microphone pendant la séance.

[Français]

Veuillez attendre d’être reconnu par votre nom avant de prendre la parole. Une fois que vous avez été reconnu, veuillez faire une pause de quelques secondes avant de parler pour permettre au signal audio d’établir la connexion.

Lorsque vous parlez, honorables sénateurs, veuillez parler lentement et clairement et n’utilisez pas le haut-parleur. Je demande également aux membres du comité de s’exprimer dans la langue qu’ils ont choisi d’écouter. Donc, si vous avez choisi d’écouter l’interprétation en anglais, ne parlez qu’en anglais. Si vous avez choisi d’écouter l’interprétation en français, ne parlez qu’en français.

Si vous n’utilisez pas le service d’interprétation, vous pouvez parler dans l’une ou l’autre des deux langues, mais veuillez éviter de passer d’une langue à l’autre dans la même intervention.

[Traduction]

Chers collègues, si vous éprouvez des problèmes techniques, notamment par rapport à l’interprétation, veuillez les signaler au président et l’équipe technique tentera de résoudre le problème. Si vous éprouvez des problèmes techniques d’un autre ordre, vous devez communiquer avec la greffière du comité en utilisant le numéro d’assistance technique qui vous a été fourni.

Dans un tel cas de figure, il se peut que nous ayons à suspendre la séance, car tous les membres du comité doivent pouvoir participer pleinement aux délibérations.

Enfin, si le comité décide de passer à huis clos, sachez que l’utilisation de plateformes en ligne ne garantit pas la protection de votre vie privée et des écoutes clandestines sont possibles. Ainsi, tous les participants en sont avisés et devraient éviter de divulguer des renseignements privés, privilégiés ou délicats. Les participants devraient le faire dans un endroit privé et tenir compte de leur entourage afin d’éviter de révéler par inadvertance des renseignements d’ordre personnel ou des indices sur leur emplacement.

Commençons maintenant la partie officielle de notre réunion.

Je m’appelle Percy Mockler. Je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et le président du comité. Je vous présente les membres du comité qui participent à la séance : le sénateur Forest, vice-président, le sénateur Richards, membre du comité de direction, le sénateur Boehm, le sénateur Dagenais, la sénatrice M. Deacon, la sénatrice Duncan, le sénateur Harder, la sénatrice Galvez, le sénateur Klyne, le sénateur Loffreda, la sénatrice Marshall, le sénateur Smith, la sénatrice Gagné et la sénatrice Martin. Je sais que d’autres sénateurs participent aussi.

[Français]

Bienvenue à tous, de même qu’à tous les Canadiens d’un océan à l’autre. Je rappelle que les audiences du comité sont accessibles en ligne sur sencanada.ca.

Honorables sénateurs et membres du public, le mandat de ce comité consiste à examiner les prévisions budgétaires en général et les finances publiques canadiennes. Aujourd’hui, notre comité continue son étude sur certains éléments du projet de loi C-13, les dispositions et l’application du projet de loi C-14 et la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19 et ses effets économiques, qui lui a été confiée par ordre de renvoi par le Sénat du Canada le 11 avril dernier.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous accueillons dans notre premier groupe de témoins Yves Giroux, directeur parlementaire du budget. Il est accompagné de Sloane Mask, directrice, Relations parlementaires et planification.

[Français]

Bienvenue, monsieur Giroux. Bienvenue à vous deux et merci d’avoir accepté notre invitation. La parole est à vous. À la suite de votre intervention, les sénateurs vous poseront des questions.

[Traduction]

Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Honorables sénateurs, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd’hui. Il s’agit de notre première comparution virtuelle devant le comité. Nous sommes heureux d’être ici pour vous parler de la dernière analyse économique et financière sur la COVID-19.

La directrice des relations parlementaires et de la planification, Sloane Mask, m’accompagne pour l’occasion.

Dans le cadre de nos travaux liés à la pandémie, nous avons publié à ce jour trois rapports d’analyse de scénario sur les répercussions des chocs dus à la pandémie de COVID-19 et au prix du pétrole. Ces rapports ont pour but d’aider les parlementaires à évaluer les possibles répercussions des chocs dus à la pandémie de COVID-19 et au prix du pétrole sur l’économie canadienne et les finances du gouvernement. L’analyse de scénario ne montre qu’une des issues possibles et plausibles à la situation; elle ne constitue pas une prévision. Nous la mettons régulièrement à jour à mesure que nous disposons de plus de données et d’information.

Le dernier Rapport d’analyse de scénario publié le 30 avril 2020 tient compte des nouvelles mesures fédérales annoncées jusqu’au 24 avril inclusivement. Le scénario économique mis à jour suppose que le PIB réel du Canada diminuera de 12 % en 2020 et qu’il s’agira de la pire baisse jamais enregistrée depuis le début de la série en 1961.

Selon ce scénario, le déficit budgétaire atteindra 252,1 milliards de dollars en 2020-2021. Par rapport à la taille de l’économie canadienne, il s’élèvera à 12,7 % du PIB, et le ratio de la dette fédérale au PIB passera à 48,4 % du PIB la même année.

Les derniers résultats budgétaires tiennent compte des mesures budgétaires fédérales totalisant 146 milliards de dollars qui ont été annoncées en date du 24 avril et se fondent sur les évaluations de coûts de Finances Canada et du DPB. Ces chiffres ne tiennent pas compte des mesures annoncées après le 24 avril; si on les incluait, le déficit fédéral augmenterait de plusieurs milliards de dollars.

[Français]

Mon bureau a aussi produit une estimation distincte des coûts associés à quelques éléments du Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, notamment la Prestation canadienne d’urgence, la Subvention salariale d’urgence du Canada et le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. Selon notre analyse, l’estimation des coûts associés à la PCU se chiffre à 35 milliards de dollars, tandis que la SSUC coûtera 75 milliards de dollars et le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes dépassera légèrement les 9 milliards de dollars.

À ce jour, les mesures budgétaires annoncées par le gouvernement se veulent temporaires. Dès que ces mesures auront pris fin et que l’économie se redressera, le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB devrait se stabiliser. Cependant, il continuera d’augmenter si certaines mesures sont prolongées ou deviennent permanentes. Nous serons heureux, Sloane Mask et moi, de répondre à vos questions sur notre analyse des mesures en réaction à la COVID-19 ou à d’autres travaux entrepris par mon bureau.

[Traduction]

Le président : Je vous remercie de votre exposé. Les sénateurs pourront maintenant poser des questions. Je rappelle aux sénateurs que l’ordre des intervenants est déjà établi. Le comité de direction s’est entendu pour que chaque membre ait un maximum de cinq minutes. Je demande donc aux sénateurs de poser leurs questions directement au témoin, qui devra répondre de façon concise. La greffière fera un signe de la main pour montrer que le temps de parole est échu.

Si d’autres sénateurs souhaitent poser des questions aux témoins, ils devront faire un signe de la main à la greffière au moyen de l’application prévue. Nous avons prévu une période de 10 minutes à la toute fin pour les sénateurs qui ne sont pas membres du comité, si le temps le permet. L’ordre des intervenants à ce moment-là sera établi de façon aléatoire.

Je viens d’apprendre que le sénateur Massicotte et les sénatrices Pate, Lankin et Wallin se joindront à nous plus tard. Je remercie les sénateurs de leur présence à notre séance sur Zoom.

La sénatrice Marshall : Monsieur Giroux, madame Mask, merci d’être des nôtres aujourd’hui et merci également de tous les rapports bien documentés que vous nous avez fournis, y compris celui d’aujourd’hui.

Dans votre déclaration, vous avez fait référence au déficit de 252 milliards de dollars que vous aviez soulevé il y a un mois. Avez-vous un chiffre plus récent? Vous avez indiqué que les nouvelles mesures auront fait grossir le déficit de plusieurs milliards de dollars depuis avril, mais pouvez-vous nous donner un chiffre plus précis?

M. Giroux : Merci, madame la sénatrice. Nous mettrons à jour le scénario en juin. Je n’ai pas encore de chiffre exact. Nous y travaillons. Si nous avions inclus les mesures annoncées depuis le 24 avril, le déficit aurait gonflé d’environ 7,6 milliards de dollars. C’est le coût des mesures annoncées depuis ce temps‑là. Si nous en tenons compte en faisant une addition mécanique, le déficit atteindra alors 260 milliards de dollars.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup. Vous avez indiqué dans le rapport d’avril que le ratio entre la dette fédérale et le PIB était de 48,4 %. Avez-vous revu ce chiffre?

M. Giroux : Pas encore. Nous le ferons lorsque nous publierons notre prochain rapport.

La sénatrice Marshall : Lorsque vous calculez le ratio entre la dette fédérale et le PIB, quelle dette utilisez-vous? Utilisez-vous la dette qui se trouve sur le bilan du gouvernement fédéral, ou tenez-vous compte également de la dette des sociétés d’État?

M. Giroux : Nous retenons la dette fédérale nette. Elle comprend celles de certaines sociétés d’État, soit les sociétés d’État consolidées. Je ne connais pas la liste par cœur, mais il existe certaines sociétés d’État consolidées. D’autres ne sont pas comprises dans les paramètres comptables du gouvernement. Je peux demander à mon bureau de vous envoyer la liste des sociétés d’État consolidées avec le gouvernement fédéral.

La sénatrice Marshall : Je pense à la Société canadienne d’hypothèques et de logement, dont les comptes ne sont pas consolidés ligne par ligne. Pourquoi sa dette ne ferait-elle pas partie de la dette du gouvernement lors du calcul du ratio dette-PIB?

M. Giroux : Cela dépend de la raison pour laquelle la société d’État a vu le jour. Certaines sociétés d’État, par exemple, ont été constituées sans lien de dépendance avec le gouvernement; à l’époque, le gouvernement aurait voulu créer une société d’État sans forcément la placer dans son giron financier. Les experts des rouages du gouvernement pourraient mieux expliquer ces questions que moi, mais dans le cas de la SCHL, il me semble que sa dette fait partie de celle du gouvernement.

La sénatrice Marshall : Lorsque les gens parlent de la dette du gouvernement, ils citent toujours le chiffre de 700 milliards de dollars. Mais la dette véritable du gouvernement, lorsque l’on inclut les sociétés d’État visées par le Programme d’emprunt des sociétés d’État, dépasse déjà 1 billion de dollars. Les gens disent que nous nous approchons du billion de dollars, mais c’est inexact. Nous avons déjà dépassé ce montant. À mon avis, cela induit en erreur et donne aux gens une fausse idée de la situation financière exacte du gouvernement.

Avez-vous examiné la SCHL? Comme vous le savez, elle accorde beaucoup d’hypothèques, et certains sont préoccupés par une éventuelle dépréciation de ces hypothèques. Bien sûr, il reviendra au gouvernement de payer les pots cassés. Qu’en pensez-vous?

M. Giroux : Nous n’avons pas examiné le cas précis de la SCHL, mais depuis le début de la pandémie de la COVID-19, j’ai demandé à certains de mes analystes de se pencher sur le risque des emprunts des sociétés de la Couronne et l’incidence potentielle sur les comptes du gouvernement. Nous avons commencé à rédiger un rapport qui portera sur l’incidence potentielle de ces emprunts supplémentaires des sociétés d’État.

La sénatrice Marshall : J’ai une dernière question. Dans votre rapport, vous indiquez que compte tenu de la nature temporaire des mesures budgétaires, le gouvernement pourrait emprunter davantage, au besoin. Êtes-vous toujours du même avis? Ou frôlons-nous la limite?

M. Giroux : Oui, au besoin, le gouvernement pourrait encore emprunter des montants considérables puisqu’avant la pandémie, le rapport entre la dette et le PIB était relativement bas selon les normes internationales et se situait entre 30 et 31 %. Même après l’exercice en cours...

[Français]

Le président : Monsieur Giroux, je vais vous demander de compléter votre réponse à la sénatrice Marshall par écrit par l’intermédiaire de la greffière, car nous manquons de temps.

Le sénateur Forest : Merci de votre présentation, monsieur Giroux. Ma première question concerne les paradis fiscaux. Beaucoup de gens, moi y compris, souhaitent que l’aide gouvernementale ne profite pas aux entreprises qui ont recours aux paradis fiscaux pour échapper à leurs obligations. Cependant, le gouvernement refuse de s’engager en ce sens et laisse entendre que ce problème est trop complexe à administrer.

À votre avis, est-ce qu’il est possible de limiter l’aide gouvernementale aux entreprises qui paient leur dû au Canada et qui n’ont pas recours à des pratiques fiscales déloyales?

M. Giroux : Il est toujours possible d’instaurer des mesures de contrôle additionnelles. L’évasion fiscale internationale est un phénomène qui est malheureusement très complexe, surtout dans une économie ouverte comme celle du Canada, dont le système financier et le système bancaire sont ouverts sur le monde. C’est un immense avantage, mais il y a des individus et des compagnies qui en prennent avantage indûment en essayant d’éviter de payer leur dû. Il est possible de réduire l’évasion fiscale internationale, mais cela exige des efforts importants de contrôle ou de suivi des capitaux qui sortent du pays. Le gouvernement s’est donné la possibilité de s’informer sur les transactions financières de 10 000 $ et plus. C’est un pas dans la bonne direction pour ce qui est du suivi de ces sommes, ce qui est essentiel pour freiner l’évasion fiscale, mais cela prendrait davantage d’échanges d’information avec les gouvernements, qui sont souvent complices ou qui facilitent l’évasion fiscale internationale.

Pour répondre à votre question plus brièvement, il est possible de réduire l’évasion fiscale internationale, mais cela exige des ressources et une grande collaboration des partenaires internationaux, ainsi qu’une attention soutenue des autorités fiscales de l’Agence du revenu du Canada.

Le sénateur Forest : Pour rester sur la scène internationale, est-ce que votre bureau a fait des études comparatives sur l’ampleur de l’aide fédérale par rapport à ce qui se fait à l’étranger, notamment dans les pays du G7, afin de nous donner une idée de l’effort que fait le Canada pour appuyer les Canadiens? Pour nous donner un ordre de grandeur, pourriez‑vous nous dire quel était le ratio de la dette par rapport au PIB avant la pandémie, donc le taux de décembre 2019 ainsi que celui d’avril 2020? Cela nous permettrait de voir les impacts des mesures qui ont été prises.

M. Giroux : Avant la pandémie, on estimait que le ratio de la dette par rapport au PIB était d’environ 30 % à 31 %. Après les mesures qui ont été annoncées, on estime qu’il se situera probablement autour de 48 %. Cela tient compte à la fois de l’accroissement de la dette et de la baisse du PIB nominal.

Le sénateur Forest : Dans l’économie d’un pays du G7, quel serait un ratio sûr de la dette par rapport au PIB?

M. Giroux : Il n’y a pas de mesures magiques ou de ratio magique. Si on a une dette qui est nulle par rapport au PIB, cela peut également causer des problèmes, parce qu’il n’y a pas vraiment de marché de la dette et cela nuit, par exemple, aux régimes de retraite et aux banques, qui aiment avoir des liquidités ou des titres de dettes garantis par le gouvernement. À l’autre bout du spectre, une dette trop élevée peut causer des problèmes, comme tout le monde le sait, mais il n’y a pas de consensus en ce qui a trait à un taux raisonnable pour la dette.

Par exemple, le Japon se situe bien au-delà de 200 %, et personne ne s’en soucie ou ne sonne l’alarme, alors que la Grèce, qui avait un taux nettement plus bas pour ce qui est de la dette par rapport au PIB, était un pays au bord de la faillite.

Je vais faire une analogie : c’est comme lorsqu’on se promène dans le noir et qu’on sait qu’il y a un précipice, mais on ne sait pas à quelle distance il se situe. Pour l’instant, au Canada, on est assez loin du précipice.

Le sénateur Forest : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Richards : Monsieur Giroux, merci d’être des nôtres aujourd’hui. Je suis sûr que vous l’avez déjà fourni, mais je ne trouve pas un certain rapport. Je suis à la recherche d’un rapport sur tous les programmes gouvernementaux liés à la COVID-19. Je n’arrive pas à mettre la main dessus. Pourriez‑vous me le fournir ou le faire suivre au comité?

Nous dépensons des centaines de millions de dollars. Pouvez-vous me dire quels sont les principaux ministères concernés? Vous l’avez peut-être déjà indiqué, mais sinon, je vous prie de transmettre les renseignements au comité. Merci.

M. Giroux : Je demanderais à Sloane Mask de vous fournir les renseignements.

Sloane Mask, directrice, Relations parlementaires et planification, Bureau du directeur parlementaire du budget : Je vous remercie de la question. Notre bureau a compilé un tableau qui est sur notre site Web, et je pourrai fournir le lien au comité. Le tableau comprend toutes les mesures visant la COVID-19 dont nous avons tenu compte dans notre analyse de scénario publiée le 30 avril. Comme vous le savez, le gouvernement continue de faire des annonces quotidiennes et nous tenons notre tableau à jour. Nous continuerons de le faire au fur et à mesure que de nouvelles mesures seront annoncées.

Le sénateur Richards : Merci. C’est bon à savoir. Je vous prie de transmettre les renseignements au comité.

Le président : Veuillez envoyer les renseignements supplémentaires à la greffière.

Le sénateur Harder : [Difficultés techniques]... certaines des questions posées par la sénatrice Marshall portaient sur les comptes déficitaires prévus. Le bilan consolidé que vous avez tient-il compte des emprunts de la Banque du Canada?

M. Giroux : Je vais devoir vous revenir là-dessus. La banque a acheté beaucoup d’actifs récemment, et je ne suis pas tout à fait sûr de ce qui est compris et pas compris dans le cas de la banque.

Le sénateur Harder : Merci. J’aimerais savoir quel est le bilan général du gouvernement du Canada. Ce facteur sera lourd de conséquences, vu les actions récentes de la banque.

Dans un même ordre d’idée, avez-vous effectué du travail sur la situation financière des provinces et de certaines grandes municipalités?

M. Giroux : [Difficultés techniques]... Rapport sur la viabilité financière, qui a été diffusé avant la pandémie. C’était l’époque pré-COVID-19. Le Rapport sur la viabilité financière indiquait la viabilité financière à long terme du gouvernement fédéral, ainsi que celle des provinces et des territoires pris dans leur ensemble. Le rapport montrait que les gouvernements provinciaux, y compris leurs secteurs, tels que les municipalités, les hôpitaux, les commissions scolaires et ainsi de suite, n’étaient pas globalement viables en raison des politiques actuellement en vigueur. Or, c’est une époque révolue. Des modifications doivent être apportées. Certains ordres de gouvernement étaient viables à long terme, c’est-à-dire sur une période de 75 ans.

Nous devrons effectuer le même exercice à la fin de la pandémie afin de brosser un tableau plus exact de la viabilité financière de ces divers ordres de gouvernement.

Le sénateur Harder : Merci. Je vous encourage à effectuer ce travail plus tôt, avant même la fin de la pandémie, car nous ne savons pas quand elle sera finie. Nous aurons probablement besoin de comprendre s’il s’agira d’une reprise économique en forme de grand « U » ou de « W ». Moi-même, ainsi que le comité cherchons à mieux comprendre la capacité financière du Canada dans son ensemble lorsque nous examinons un scénario de reprise en forme de « V », « W » ou « U », en tenant compte de toutes les mesures prises par les gouvernements du Canada. Serait-ce possible?

M. Giroux : C’est possible, mais c’est une question de ressources. Les ressources que je consacrerais maintenant à la mise à jour du Rapport sur la viabilité financière sont des ressources qui seraient enlevées aux demandes des parlementaires, par exemple, visant une analyse des divers programmes des gouvernements en réaction à la COVID-19 ou une mise à jour de la situation financière.

C’est toujours possible, mais les ressources restent les mêmes. Ce travail est déjà prévu et nous l’effectuerons. J’ai dit « à la fin de la pandémie », mais vous avez raison, nous ne savons quand arrivera la fin. Le travail se fera au cours des 12 à 18 prochains mois.

Le sénateur Harder : Je vous encourage à effectuer ce travail aussi rapidement que possible afin que les parlementaires et les décideurs de tous les ordres de gouvernement comprennent mieux ce qui nous attend, à la fois en tant que contribuables et prestataires des programmes qui doivent être viables. Merci.

[Français]

Le président : Monsieur Giroux, pouvez-vous revenir au dernier commentaire du sénateur Harder, afin d’apporter plus de précisions sur la question qui a été posée auparavant?

[Traduction]

Le sénateur Smith : Au cours des dernières années, nous avons parlé du bilan et du ratio entre la dette et le PIB. Monsieur Giroux, je me demandais si nous pouvions utiliser d’autres outils. De façon historique, nous parlions de la dette gouvernementale. Existe-t-il des outils autres que le ratio PIB‑dette qui devraient être utilisés ou étudiés afin de nous donner un tableau plus complet?

M. Giroux : Merci. On pourrait utiliser plusieurs mesures pour décider si un gouvernement ou un pays s’est trop endetté. Nous pourrions également regarder la dette du secteur privé, par exemple, telle que la dette des ménages. Nous savons que les Canadiens sont fortement endettés, et cela pose un grand risque pour l’économie canadienne, notamment lorsque les taux d’intérêt commenceront à grimper. C’est quelque chose que la Banque du Canada, les économistes du secteur privé et moi‑même avons souligné comme risque pour l’économie canadienne. Voilà un aspect important.

Le sénateur Smith : Vous avez indiqué que vous pourriez effectuer un examen de l’incidence fiscale sur les citoyens canadiens dans 18 à 24 mois. Je vais donner suite à la question du sénateur Harder. Lorsque vous-même et votre équipe vous pencherez sur la question, quelles seraient les conséquences et la charge fiscale possibles pour les contribuables? La plupart des choses dont nous avons discuté sont positives, comme les prestations et les soutiens. Nous savons qu’il faut aider les Canadiens, mais quelle en sera la facture? C’est comme nous disions en football : « Ne te laisse pas aveugler. » Que nous réserve l’avenir sur le plan fiscal à cause de ces politiques?

M. Giroux : En ce qui a trait à la période de 12 à 18 mois, je répondais à la question du sénateur Harder concernant une mise à jour de notre rapport sur la viabilité financière à long terme. Bien entendu, nous fournirons aux parlementaires de l’information sur les répercussions de la COVID-19 avant cela.

Pour ce qui est de votre question, je ne sais pas à quoi nous pouvons nous attendre. Tout dépend des choix que fera le gouvernement. Il pourrait décider de laisser les programmes qui sont censés être temporaires prendre fin, de laisser la reprise économique réduire le déficit, ce qui est possible, et de laisser l’économie croître, ce qui, avec des budgets équilibrés ou relativement équilibrés, réduira le poids de la dette par rapport à la taille de l’économie. Or, le gouvernement pourrait décider également d’augmenter les impôts pour réduire le déficit s’il veut maintenir une partie des programmes.

Le sénateur Smith : Oui, mais si nous restons sur la voie que nous suivons présentement — c’est la question qui vaut, je pense, 64 $ et plus — quelles seront, selon vous, les conséquences sur le plan fiscal? Comment allons-nous réduire la dette? C’est que nous allons dans une direction à l’heure actuelle. Quel type de virage devra être effectué pour stabiliser la situation de sorte que nos petits-enfants ne soient pas accablés par ce fardeau à long terme?

M. Giroux : Sénateur, de toute évidence, nous ne pouvons pas continuer dans la direction actuelle. Avec un déficit équivalant à 12 % du PIB, ce n’est pas viable plus que pendant quelques années. Et quand je dis « quelques années », je veux vraiment dire quelques années seulement. Il faudra donc effectuer un virage brutal.

Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, les mesures temporaires devront être temporaires, car si elles deviennent permanentes avec un tel déficit, cette situation ne peut durer une décennie; elle ne peut pas durer plus que quelques années. Ces mesures doivent donc être temporaires, et elles devront prendre fin. Autrement, nous atteindrons un niveau d’imposition que nous n’avons pas vu depuis des générations dans ce pays. C’est pourquoi les mesures doivent être temporaires.

Le sénateur Smith : Merci.

Le président : Avant que je cède la parole au sénateur Dagenais, j’aimerais vous poser une question, monsieur Giroux. Nous savons que vos collaborateurs sont en train de préparer une analyse et un rapport sur la Société canadienne d’hypothèque et de logement, la SCHL. À quel moment pouvons-nous nous attendre à ce que le rapport soit déposé?

M. Giroux : Je regarde ma liste, monsieur le président, et je n’ai pas encore de date à laquelle le rapport pourrait être déposé. Il porterait sur les risques financiers des sociétés d’État, les risques potentiels des emprunts des sociétés d’État. Je pense qu’il offrira des réponses aux questions de la sénatrice Marshall, du moins en partie. Or, je n’ai pas encore de date. Il faudrait que je vous revienne avec un échéancier. Je m’attends à ce que ce soit d’ici l’automne, mais je préférerais vous répondre par écrit.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Giroux, si j’ai bien compris, le déficit de 252 milliards de dollars représente un calcul qui remonte à un mois, plus précisément au 24 avril. Qu’est-ce qui explique ce délai? Est-ce le manque d’information ou la difficulté de prévoir l’impact réel des mesures annoncées presque quotidiennement par le gouvernement?

M. Giroux : C’est un mélange des deux. Pour revenir à la prémisse de votre question, nous avons recueilli les informations en date du 24 avril, puis nous les avons publiées le 30 avril. Donc, il y a eu un écart de six jours entre la fin de la collecte des données pour nous permettre de faire notre analyse, de la conclure, de faire la traduction du document, de le mettre en forme et de le publier. Donc, un écart de six jours, selon moi, n’est pas très grand. Il est sûr que, depuis le 30 avril, il s’est passé beaucoup de choses. Le premier ministre annonce de nouveaux programmes ou des prolongations à des programmes qui ont été récemment annoncés sur une base quasi quotidienne. Cela rend le suivi de toutes ces mesures assez difficile. C’est pour cette raison que nous faisons des mises à jour assez régulièrement. Nous en avons fait trois en quelques semaines et nous en ferons une autre en juin. L’accès aux données du gouvernement n’est pas quelque chose de particulièrement difficile, mais ce n’est pas un élément qui s’est grandement amélioré depuis le début de la pandémie. La question est plutôt l’accessibilité aux fonctionnaires qui détiennent ces renseignements, parce qu’ils travaillent en majorité de la maison et qu’ils n’ont pas toujours rapidement accès aux données.

Le sénateur Dagenais : Je voudrais revenir sur la dette parce que, évidemment, une dette va suivre. Avez-vous une idée de ce qu’elle va représenter par personne dans le prochain budget, même si les intérêts ne sont pas très élevés actuellement? Avez‑vous une idée approximative du pourcentage d’impôts que les Canadiens devront consacrer uniquement au paiement des intérêts de notre dette?

M. Giroux : Oui. Nous nous attendons à ce que les paiements sur les intérêts de la dette représentent à peu près 8,2 % de l’ensemble des revenus fédéraux. C’est bas, mais c’est une augmentation comparativement à l’année précédente, qui vient de se terminer en mars. C’est en raison de taux d’intérêt qui se situent à des planchers historiques. Donc, les intérêts vont représenter une part relativement petite des revenus fédéraux. Toutefois, 8 %, c’est quand même 23,3 milliards de dollars en paiements d’intérêts, et ce montant va augmenter au fur et à mesure que les taux d’intérêt augmenteront au fil des ans.

Le sénateur Dagenais : Envisager une augmentation des impôts des Canadiens est presque inévitable.

M. Giroux : C’est assez clair que le degré de déficit ne pourra être maintenu et, dès que les taux d’intérêt vont commencer à augmenter, les intérêts vont gruger une partie importante des revenus fédéraux. Par ailleurs, est-ce que le gouvernement choisira à ce moment-là d’augmenter les impôts ou de réduire les dépenses? Ce sera un choix politique, mais il est évident que quelque chose devra être fait.

Le sénateur Dagenais : Nous allons nous retrouver, tôt ou tard, avec un écart entre le déficit et les chiffres avancés par le gouvernement, qui peuvent paraître incomplets. Ce n’est pas nécessairement la responsabilité de votre bureau. Je ne veux pas faire de politique, mais avez-vous l’impression que le gouvernement évite de regarder la colonne de chiffres que nous aurons devant nous tôt ou tard?

M. Giroux : À ce commentaire, je répondrais que c’est notre travail d’écrire des scénarios, que nous sommes heureux de le faire et de fournir l’information aux parlementaires. Par contre, ces scénarios n’indiquent pas ce que le gouvernement prévoit faire. Donc, c’est pour cette raison que j’ai encouragé fortement le gouvernement, à quelques reprises, à déposer une mise à jour financière, au moins pour donner aux parlementaires et aux Canadiens une idée de l’état de la situation des finances publiques. Il y a beaucoup d’incertitude, c’est vrai. Cela n’empêche toutefois pas la Banque du Canada de publier un scénario économique, avec une version optimiste et une autre plus pessimiste, et de nous confirmer dans quel scénario nous nous situons. Le gouvernement pourrait faire la même chose grâce à une mise à jour économique ou budgétaire, avec un scénario pessimiste si les choses vont vraiment mal et un scénario optimiste si les choses vont mieux qu’on ne le pense. Cela donnerait une idée d’un ordre de grandeur. J’encourage donc le gouvernement à le faire encore aujourd’hui, et ce, plus tôt que tard.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, monsieur Giroux.

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Monsieur Giroux, je vous remercie beaucoup du travail important que vous accomplissez, mais également de la transparence et de la neutralité dont votre bureau a fait preuve dans la production de ce rapport de très grande qualité.

Vous savez que le gouvernement fédéral utilise le Compte du Canada pour des transactions à risque élevé qu’EDC ne soutiendrait pas normalement. Les risques financiers et les paiements sont assumés par le Trésor du gouvernement fédéral. Autrement dit, il s’agit de l’argent des Canadiens.

Le projet de loi C-13 a apporté plusieurs changements importants, des changements majeurs à EDC, notamment en ce qui concerne les prêts à des entreprises qui mènent des activités à l’échelle nationale et n’exportent pas nécessairement, et en ce qui concerne la responsabilité — 75 milliards de dollars, comparativement à 20 milliards de dollars avant l’arrivée de la COVID.

Avant que la crise de la COVID survienne, votre bureau avait‑il fait des rapports sur EDC ou le Compte du Canada? Allez-vous examiner ces comptes et vous assurer qu’on fait preuve de transparence quant à ce qui est fait par ces comptes?

M. Giroux : Merci, sénatrice. Depuis ma nomination, nous n’avons pas mené de travaux sur le Compte du Canada ou EDC, mais si le comité souhaite que nous réalisions une telle étude, nous pourrions certainement le faire, compte tenu des montants qui passent par le Compte du Canada et de l’importance d’EDC. Je suis sûr que vos collègues du comité pourraient nous donner un coup de main; ils en savent probablement plus que moi sur EDC. Je serais ravi de faire ce travail si le comité le souhaite.

La sénatrice Galvez : Monsieur le président, j’ignore si notre comité en fera la demande, mais je vais préparer une lettre pour demander officiellement que le directeur parlementaire du budget fasse une étude sur EDC et le Compte du Canada.

J’ai une autre question. Je vous remercie beaucoup du rapport qui porte sur la chute des prix du pétrole et les répercussions qu’elle aura sur les marchés. J’ai vu que vous aviez fait une mise à jour du rapport dans laquelle vous dites que les prix n’augmenteront pas, qu’ils demeureront en deçà de leurs niveaux d’avant la crise. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi c’est important dans l’économie canadienne? Je sais que vous dites qu’il ne s’agit pas d’une prévision, mais bien d’un scénario. Or, c’est très important, car, comme vous le disiez, nous pouvons augmenter les impôts et réduire les dépenses, mais nous pouvons également augmenter les revenus. Ce qui se passe dans le secteur pétrolier est très important. Pourriez-vous en dire davantage à ce sujet?

M. Giroux : Certainement, sénatrice. Lorsque la COVID-19 est apparue, environ au même moment, les prix du pétrole ont commencé à baisser. Des gens qui travaillent avec moi ont dit que ce serait une très bonne idée d’intituler le rapport Mise à jour de l’analyse de scénario : chocs dus à la pandémie de la COVID-19 et à la chute des prix du pétrole, car les répercussions sur l’économie canadienne sont très importantes. Cela touche non seulement l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve, mais également le Canada en tant que pays exportateur net de pétrole. Lorsque les prix du pétrole baissent, comme cela a été le cas, les gouvernements provinciaux et fédéral perdent des milliards de dollars de recettes provenant de l’impôt des sociétés, de redevances et de l’impôt sur le revenu des particuliers. Si les prix restent bas, comme c’est le cas depuis un certain temps maintenant, des milliers d’employés perdent leur emploi. Ce secteur est d’une importance cruciale pour le Canada. C’est pourquoi nous avons inclus ces répercussions dans notre rapport sur la COVID-19. Nous l’avons intitulé chocs dus à la pandémie de la COVID-19 et à la chute des prix du pétrole en raison de l’importance que revêt le secteur de l’énergie au Canada.

La sénatrice Galvez : Compte tenu de vos explications, devrions-nous également examiner les secteurs qui produiront des revenus si nous les aidons? Je sais que nous ne devrions pas choisir des secteurs, mais c’est ce que nous avons fait de toute façon. Allez-vous faire une analyse sur d’autres secteurs, comme l’énergie renouvelable, une reprise plus propre?

[Français]

Le président : À cette question, sénatrice Galvez, je demanderais à M. Giroux d’envoyer sa réponse par écrit à notre greffière, étant donné le temps qui passe.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie tous les deux d’être présents cet après-midi. Alors que nous écoutons ceci, qui aurait cru, il y a trois mois, que nous devrions tenir ce genre de discussions cet après-midi.

Comme vous le savez bien, il a été beaucoup question, dans divers cercles de direction, de l’idée de passer de la PCU à un revenu de base pour les Canadiens. Il y a un peu plus de deux ans, votre bureau a en fait calculé, à l’aide du modèle de l’Ontario de l’époque, ce qu’un revenu de base pourrait coûter au Canada. Vous avez également évalué les coûts de la PCU et d’autres mesures d’aide qui ont été adoptées en réponse à la crise de la COVID.

Je me demande si, compte tenu de cette perspective unique, vous pourriez nous dire si un revenu de base aurait pu réduire le coût des mesures d’aide que nous avons dû adopter. Je comprends qu’il ne s’agit pas tout à fait ici d’un calcul facile et rapide, mais peut-être que lorsqu’on examine la PCU et d’autres programmes, quelque chose nous indique que l’existence d’un revenu de base aurait permis une sorte d’élan. Il y aurait déjà eu une administration en place, par exemple, ce qui aurait réduit les efforts et les coûts liés à la mise à œuvre des mesures d’urgence. Si je pose la question, c’est que je me demande si un revenu garanti pourrait mieux nous préparer au prochain choc inattendu ou au prochain revirement important. Merci.

M. Giroux : Merci, sénatrice. En 2018, nous avons publié un rapport intitulé Établissement du coût d’un revenu de base garanti national à l’aide du modèle de revenu de base de l’Ontario, comme vous l’avez souligné. Dans le rapport — et c’était avant que je sois en poste, soit dit en passant —, selon nos estimations, le coût d’un revenu de base garanti se serait situé entre 76 et près de 80 milliards par année pour la période de 2018 à 2023.

Ce sont des coûts importants, mais si un tel programme avait été mis en place, je ne suis pas sûr que le besoin d’offrir une PCU aurait été comparable, par exemple. Peut-être que le versement d’une subvention salariale pour les employeurs serait toujours nécessaire, mais la PCU n’aurait pas eu à avoir une portée aussi vaste. Un programme de revenu de base garanti aurait allégé certains des éléments de la PCU actuelle.

Cela dit, nous prévoyons fournir une analyse à jour du coût de la mise en œuvre d’un programme de revenu de base garanti ou de revenu de base universel bientôt, probablement d’ici quatre ou cinq semaines, pour enrichir le débat sur le sujet. C’est que votre question, sénatrice, a été soulevée sur deux ou trois tribunes. Nous croyons que c’est suffisamment important pour faire une mise à jour du rapport.

La sénatrice M. Deacon : Merci. Je parle de chiffres. De plus, je ne peux pas m’empêcher d’essayer de quantifier certains des autres éléments qui ne font peut-être pas intervenir des chiffres, mais qui pourraient, en fait, nous aider dans ces temps imprévisibles.

Le sénateur Klyne : Je souhaite la bienvenue aux représentants du Bureau du directeur parlementaire du budget. Je remercie le bureau de tous les travaux qu’il réalise pour s’assurer que les parlementaires et les Canadiens sont tenus au courant des mesures financières que prend le gouvernement en réponse à la COVID-19.

Dans la Mise à jour de l’analyse de scénario : chocs dus à la pandémie de la COVID-19 et à la chute des prix du pétrole, du 30 avril, votre bureau a indiqué ce qui suit :

[...] d’autres mesures financières pourraient être nécessaires pour soutenir l’économie dans les prochains mois. En outre, même après l’ajout de mesures de soutien, de nouvelles mesures de relance budgétaires pourraient être nécessaires pour que l’économie redémarre, surtout si le comportement des consommateurs et des entreprises ne revient pas à la « normale » rapidement.

Je sais que vous travaillez à des résultats et à des scénarios, mais compte tenu de ce que l’on sait aujourd’hui, quels indicateurs économiques examinez-vous? De plus, selon vous, à quel point sommes-nous près de déterminer s’il est nécessaire d’ajouter des mesures pour soutenir l’économie?

M. Giroux : C’est une question intéressante à laquelle je ne m’attendais pas, sénateur. Les indicateurs que nous examinons comprennent le taux d’emploi, la proportion d’adultes ou de personnes de 15 ans et plus qui ont un emploi. Elle a considérablement diminué en raison de la COVID-19. Elle se situe actuellement dans les 50 % alors qu’elle se situait auparavant autour de 60 %. C’est un indicateur que nous examinons de près, de même que les prix du pétrole, la croissance du PIB réel et l’inflation.

En ce qui concerne votre autre question sur le moment où nous saurons si nous avons besoin de nouvelles mesures de relance, je pense qu’il est assez clair à l’heure actuelle que nous aurons besoin de mesures de relance en raison du nombre d’entreprises qui ont déjà dit qu’elles ne pourront pas se rendre à la fin de la COVID-19. C’est avant que nous sachions combien de temps les mesures de confinement et d’isolement vont durer.

De toute évidence, des mesures de relance devront être prises, mais nous ignorons leur portée. Nous savons quels secteurs sont touchés, mais nous ne savons pas lesquels auront besoin d’une aide plus particulière.

Le sénateur Klyne : Monsieur le président, j’ai deux ou trois questions brèves.

Le président : Absolument.

Le sénateur Klyne : Si le comportement des entreprises et des consommateurs n’évolue pas dans la direction souhaitée et à la vitesse voulue, quelles mesures financières qui n’ont pas encore été utilisées le gouvernement pourrait-il prendre?

M. Giroux : Deux ou trois mesures fiscales pourraient probablement être mises en place et être ciblées, selon le type de réponse des consommateurs et des entreprises.

En ce qui concerne les mesures monétaires, vous pourrez poser la question au gouverneur, qui témoignera après nous, mais je ne crois pas qu’il reste une grande marge de manœuvre aux banques, et donc, il s’agira surtout de mesures financières, comme vous l’avez souligné. Il s’agit donc de mesures de dépenses très ciblées, car avec un déficit qui devrait atteindre 260 milliards de dollars, voire plus, on ne peut plus avoir une grande marge de manœuvre sans enregistrer des déficits structurels importants. Certes, les mesures devront être ciblées.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie. Je prévois poser une question similaire aux représentants de la Banque du Canada, mais sur une base globale.

Le sénateur Boehm : Je m’excuse, car j’ai dû quitter la réunion. Mes écouteurs étaient défectueux. J’espère que tout le monde m’entend maintenant. Monsieur Giroux, madame Mask, bienvenue à cette réunion. Je vous remercie du bon travail que vous accomplissez.

Dans les modifications...

Mme Fortin : Je suis désolée, sénateur Boehm, mais la qualité de l’audio n’est pas assez bonne.

Le sénateur Boehm : Eh bien, tant que ce n’est que la qualité de l’audio, et rien d’autre. Je suppose donc que je vais devoir renoncer à poser mes questions. J’ai des techniciens qui vont et viennent. Nous allons essayer de résoudre le problème.

Le président : Sénateur Boehm, à ce sujet, si vous n’avez pas le temps de poser vos questions au directeur parlementaire du budget, pouvez-vous nous les envoyer par écrit, de sorte que nous puissions également connaître les réponses?

Le sénateur Boehm : Je le ferai. Merci.

Le président : Merci.

La sénatrice Duncan : Merci. J’espère que la qualité du son est bonne. J’aimerais remercier les représentants du Bureau du directeur parlementaire du budget qui comparaissent aujourd’hui, ainsi que les membres de notre personnel, pour avoir rendu cette réunion possible.

Je tiens également à remercier la Bibliothèque du Parlement, qui nous fournit d’excellentes recherches avant nos réunions. Je les en remercie.

Ce matin, il a été question du ratio dette-PIB actuel, et j’ai eu l’occasion d’écouter l’économiste canadien Jim Stanford, à CBC, dimanche passé. Il a également parlé de la dette et du déficit et des mesures prises précédemment par le gouvernement pour s’attaquer à notre dette. Le personnel de la Bibliothèque du Parlement a suggéré cette question dans le cadre de ses recherches. Il s’agissait de savoir comment le gouvernement a réduit la dette par rapport au PIB et comment il s’est engagé dans la lutte contre le déficit. Bien des personnes présentes se souviendront des réductions dans le Transfert canadien en matière de santé et le Transfert social canadien qui ont été imposées à une autre époque.

On a décrit la réponse du gouvernement canadien actuel et, en particulier, des fonctionnaires à la pandémie de la COVID, comme étant créative, souple et rapide, et des politiques ont été élaborées rapidement. Des programmes comme la PCU ont été créés. On a dit que la PCU était le germe d’un revenu de base garanti. Votre réponse à la question de la sénatrice Deacon m’a éclairée et réjouie, soit que le Bureau du directeur parlementaire du budget se penche sur la question du revenu de base garanti et envisage de nous remettre un rapport.

Dans le contexte d’un revenu de base garanti, votre rapport mentionne-t-il non seulement les coûts liés à une telle initiative, mais également la source potentielle du financement nécessaire au sein du gouvernement? La Prestation canadienne d’urgence ou un revenu de base garanti exige la participation de nombreux programmes et ministères, notamment, bien entendu, Relations Couronne-Autochtones pour les Premières Nations hors réserves et les Premières Nations non autonomes.

Cherchez-vous à l’échelle du gouvernement? Cernez-vous des possibilités de réaliser des économies et des sources de financement?

M. Giroux : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Oui, nous chercherons des sources potentielles de financement. Par exemple, nous évaluerons si un revenu de base garanti pourrait remplacer certains programmes existants. Si c’est le cas, il serait possible de réaliser des économies. Ou encore, si un tel revenu de base était déduit — juste pour donner un exemple — de l’assurance-emploi, cela générerait des économies nettes. Nous chercherons donc des sources potentielles de financement à partir de programmes existants qui pourraient être intégrés à un revenu annuel garanti.

Manifestement, un programme de grande envergure a tendance à être plus dispendieux qu’un programme ciblé, et on pourra donc inévitablement réaliser des économies, car ces autres programmes ne seront plus nécessaires. Mais dans l’ensemble, nous nous attendons à un coût net dans les milliards de dollars. Oui, nous examinerons cela.

La sénatrice Duncan : Puis-je poser une question de suivi, monsieur le président?

Le président : Oui, allez-y.

La sénatrice Duncan : Je vous remercie. Tout d’abord, cela aura également un impact sur la fonction publique, et j’aimerais donc savoir si vous tiendrez compte des exigences en ressources humaines dans le cadre de votre examen.

Évidemment, cela concerne également les provinces. Allez-vous inclure les programmes provinciaux dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et du Transfert canadien en matière de programmes sociaux? Avez-vous tenu compte de la fonction publique et des provinces dans le coût?

M. Giroux : Nous tiendrons compte des coûts administratifs liés au programme, car ils seront élevés. Les pourcentages ne seront pas trop élevés, mais étant donné les montants en jeu, il pourrait s’agir de centaines de millions de dollars. Donc, oui, nous tiendrons compte des coûts administratifs, notamment en ce qui concerne la fonction publique. Nous inclurons également certains programmes provinciaux, mais pas tous, car ils sont très nombreux.

[Français]

Le président : Merci, monsieur Giroux. Encore une fois, si vous désirez ajouter quelque chose à la suite de la question de la sénatrice Duncan, je vous invite à le faire par écrit.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Je remercie les témoins et les principaux intervenants du Bureau du directeur parlementaire du budget d’être ici aujourd’hui. Je vous remercie beaucoup du travail que vous faites pour les Canadiens. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Vous avez parlé des éléments que vous surveillerez de près. Vous avez mentionné quelques ratios et quelques indicateurs économiques. Toutefois, vous n’avez pas mentionné l’endettement des ménages comparativement au revenu disponible, un ratio qui me préoccupe et qui préoccupe de nombreux Canadiens. Selon de nombreux rapports des banques à charte canadiennes que j’ai examinés au cours des dernières semaines, ce ratio est près de 176 %. C’est inquiétant, et nous avons discuté aujourd’hui des solutions possibles pour réduire l’endettement. Pour mettre des gants blancs, je serais inquiet si la solution envisagée était une augmentation des impôts, surtout de l’impôt des particuliers. Et pourquoi? Quelles seraient les répercussions?

Avez-vous analysé l’impact qu’aurait une augmentation de l’impôt des particuliers sur l’endettement des ménages? Cet impact me préoccupe, car comme je l’ai souvent dit — et comme nous le savons tous —, selon de nombreux rapports produits par les banques à charte, le consommateur est l’instrument et le moteur de notre économie et de la relance économique. En effet, aux États-Unis, les consommateurs représentent jusqu’à 70 % du PIB du pays et au Canada, cette proportion atteint presque 66 %. Cette solution aurait un impact très important sur nos consommateurs, si elle était adoptée.

J’aimerais donc obtenir votre avis sur cette question.

M. Giroux : Je vous remercie, sénateur. Je n’ai pas mentionné ce ratio précis, c’est-à-dire celui de l’endettement des ménages comparativement au revenu disponible, dans les ratios que nous surveillerons de près. Toutefois, nous le surveillerons certainement. Nous l’avons mentionné dans de nombreux rapports sur les perspectives économiques et fiscales. Nous surveillons donc ce facteur.

Comme je l’ai déjà mentionné en réponse à une question de l’un de vos collègues, c’est une chose qui me préoccupe et qui préoccupe aussi de nombreuses parties intéressées, car le niveau d’endettement est très élevé, même si les frais de service de la dette — c’est-à-dire la proportion du revenu qui sert à payer les intérêts de cette dette — ne sont pas très élevés. Avec un niveau d’endettement aussi élevé, lorsque les taux d’intérêt commenceront à augmenter, les particuliers et les ménages devront utiliser une plus grande partie de leur revenu disponible juste pour payer les intérêts de la dette. Cela réduira donc le montant des revenus disponibles pour d’autres dépenses de consommation.

Nous avons signalé ce risque et d’autres parties intéressées l’ont également signalé. Nous continuons de le signaler et nous continuerons de le mentionner comme étant un risque pour l’économie canadienne.

Toutefois, nous n’avons pas modélisé l’impact d’une augmentation de l’impôt sur le revenu des particuliers ou de l’auto-imposition sur ce ratio, du moins pas récemment, mais c’est évidemment quelque chose qui aurait un impact négatif. En effet, l’augmentation des impôts des personnes qui ont un niveau d’endettement élevé n’améliore pas la situation des ménages.

Le sénateur Loffreda : Oui, surtout si les consommateurs, comme je l’ai dit, représentent une grande partie de notre PIB. J’aimerais que vous en teniez compte et que vous vous serviez de ces données lorsque vous envisagez la possibilité d’augmenter les impôts, car personnellement, je pense que les Canadiens paient suffisamment d’impôts et parfois même trop d’impôts, dans une certaine mesure. C’est très important.

Il faut donc chercher d’autres solutions. Si nous remontons à 1995-1996, lorsque le ratio de la dette au PIB a atteint un niveau record de 66 %, et si nous considérons la période qui précède la pandémie, où ce ratio était de 30 %, on peut se demander quelles solutions ont été utilisées depuis 1995-1996 pour faire diminuer ce ratio de 66 à 30 %, et laquelle de ces solutions nous pourrions utiliser au lieu d’augmenter les impôts. De nombreux Canadiens aimeraient cette discussion.

M. Giroux : C’est le resserrement des dépenses à l’échelon fédéral qui a permis, en grande partie, de réduire le ratio de la dette au PIB entre 1995-1996 et la période qui précède la pandémie. Pour ceux d’entre nous qui s’en souviennent, vers 1995, on a restreint ou réduit les transferts aux provinces et aux territoires, mais dans l’ensemble, on s’entendait pour restreindre les dépenses à l’échelon fédéral.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre temps.

[Français]

La sénatrice Gagné : Merci, monsieur Giroux et madame Mask, d’être parmi nous aujourd’hui.

Monsieur Giroux, vous avez mentionné plus tôt qu’il y a un précipice quelque part devant nous, mais que le Canada n’y est pas encore. Croyez-vous que l’économie canadienne demeure résiliente et que la situation financière du pays peut résister au ralentissement mondial?

M. Giroux : Je crois fermement que l’économie canadienne est résiliente grâce à la variété de ressources naturelles et de secteurs qui peuvent employer les Canadiens et à l’innovation dont ces derniers sont capables. Les entreprises canadiennes ont démontré qu’elles peuvent relever des défis. Je crois que, une fois la crise passée, avec des mesures de soutien gouvernementales appropriées, l’économie canadienne va redémarrer. Quand on parle du précipice de la dette publique, je ne crois pas que nous soyons près de ce précipice. Je ne crois pas que nous devons nous en inquiéter à court terme, dans la mesure où les gouvernements prennent les bonnes décisions et laissent les mesures temporaires venir à échéance comme prévu.

Cela dit, il faut toujours être vigilant et s’assurer que les mesures mises en place pendant la crise soutiennent les entreprises et les individus. Après la crise, ces mesures vont permettre à l’économie de redémarrer sans devenir un frein indu pour les secteurs qui seront dynamiques et qui repartiront en force, une fois que les restrictions sur la distanciation physique auront pris fin.

La sénatrice Gagné : La crise financière de 2008 est semblable à celle que nous vivons actuellement. Pensez-vous que le processus de reprise sera aussi lent que celui de 2008, ou croyez-vous que la baisse du PIB et du taux d’emploi sera temporaire et s’inversera assez rapidement lorsque la pandémie prendra fin, compte tenu de cette économie que vous décrivez comme résiliente?

M. Giroux : La chute a été brutale. Les gouvernements au Canada ont décrété un arrêt dans plusieurs secteurs d’activité. Du jour au lendemain, on s’est retrouvé avec des segments de l’économie à l’arrêt. Je ne pense pas que l’économie va redémarrer avec la même rapidité qu’elle s’est arrêtée. Nous serons plutôt témoins d’une reprise graduelle, surtout si nous comparons la reprise à cet arrêt brutal. C’est comme si nous avions frappé un mur de ciment tout d’un coup. Le redémarrage ne sera pas aussi rapide que l’arrêt, malheureusement.

D’abord, nous, consommateurs, serons collectivement réticents. Même lorsque cela sera permis, nous ne retournerons pas à de grands rassemblements. Nous n’irons pas célébrer dans les restaurants. Certains secteurs seront assujettis à un ralentissement prolongé. Cela veut dire que certains et certaines de nos proches auront moins de possibilités d’emploi. Nous ressentirons l’impact de cette crise pendant plusieurs mois avant que nous retrouvions le rythme économique que nous avions avant la mi-mars.

Nous prévoyons donc une reprise graduelle plutôt que très rapide, malheureusement.

[Traduction]

Le sénateur Boehm : Je vais laisser tomber le mot de bienvenue, puisque je l’ai fait plus tôt.

Le projet de loi modifie la Loi sur la gestion des finances publiques pour permettre au ministre des Finances de conclure des contrats sans l’autorisation du gouverneur en conseil — qui a toujours été exigée auparavant —, de sorte que nous nous retrouvons dans une situation sans précédent. Manifestement, ces contrats auront pour but de promouvoir la stabilité ou de maintenir l’efficacité du système financier. Autrement dit, le ministre a le pouvoir ultime, pour une période limitée, d’établir le montant des emprunts sans limites fixes et de déterminer à quelle entité cet argent sera ensuite versé, ce qui peut maintenant inclure les fiducies.

Monsieur Giroux, ma question concerne les fiducies. Même si une fiducie permet une plus grande souplesse dans la gestion des actifs, elle élimine un certain niveau de transparence du processus, ainsi que la responsabilité du gestionnaire de la fiducie. Bien entendu, cela relève de votre mandat, qui consiste à aider le Parlement en fournissant une analyse qui favorise la transparence et la reddition de comptes.

J’aimerais savoir si c’était vraiment la seule solution possible, c’est-à-dire si elle était nécessaire ou souhaitable. De plus, dans une période où le ministre est exempté des limites d’emprunt et qu’il peut conclure des contrats sans l’autorisation du gouverneur en conseil, je m’inquiète de sa capacité à utiliser les fiducies pour répartir ces fonds, étant donné que les fiducies ont pour effet de supprimer la responsabilité et la traçabilité des actifs. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me faire part de vos commentaires à ce sujet. Je vous remercie.

M. Giroux : Je vous remercie, sénateur. Vous dites que cela vous préoccupe. Je dirais que cela me préoccupe beaucoup, parce que même si nous sommes en situation de crise, le fait d’accorder à une personne ce pouvoir, ainsi que tous les autres pouvoirs que vous avez mentionnés — par exemple, emprunter sans limites et sans surveillance immédiate —, est une mesure qui est, à mon avis, sans précédent dans le régime actuel et dans l’histoire du Canada. Même si la rapidité est un facteur très important en ce moment, cela ne signifie pas que le ministre devrait être autorisé à agir seul ou par lui-même pour créer des sociétés de fiducie et pour emprunter des milliards de dollars, mais ce sont des pouvoirs que le projet de loi C-13 accorde actuellement à un ministre ou à un cabinet sans exiger qu’une surveillance soit exercée par le Parlement.

Je l’ai déjà dit en privé, ainsi qu’en public lors de séances d’information aux parlementaires, mais je suis très préoccupé par ces pouvoirs sans précédent qui sont accordés aux ministres. Par exemple, la ministre de l’Emploi et du Développement social aura le pouvoir de modifier par elle-même la Loi sur l’assurance-emploi, même rétroactivement, ou le ministre des Finances pourra créer des sociétés d’État, mettre sur pied des entités pour transférer de l’argent aux provinces et aux territoires, créer de nouvelles entités et emprunter des sommes presque illimitées. Ces pouvoirs sont heureusement accordés pour une période limitée, mais ils sont sans précédent, et cela m’inquiète beaucoup.

Le sénateur Boehm : Je vous remercie. Avez-vous des idées de mécanismes qui pourraient permettre de retracer les actifs?

M. Giroux : Je ne suis pas certain que je recommanderais d’utiliser les fiducies. Si le gouvernement devait un jour utiliser ces instruments — peut-être l’a-t-il déjà fait, je ne le sais pas encore —, il devrait certainement pécher par excès de transparence et utiliser le plus grand nombre possible de mécanismes de divulgation pour les raisons que vous avez mentionnées, c’est-à-dire la divulgation et le suivi des actifs, pour garantir que les Canadiens et les parlementaires puissent suivre l’argent et pour me permettre de faire mon travail correctement.

Le sénateur Boehm : Je vous remercie beaucoup.

La sénatrice Martin : J’avais d’autres questions, mais j’ai maintenant des questions au sujet des questions posées par le sénateur Boehm. Je vais donc les poser.

Je vous remercie beaucoup d’être ici et de fournir ces réponses. Pour répondre à la question du sénateur Boehm sur les pouvoirs sans précédent accordés au ministre par l’adoption du projet de loi, vous avez dit que le ministre avait peut-être déjà utilisé ces pouvoirs, mais que vous ne le saviez pas encore et que nous devions nous assurer que nous disposions de très bons mécanismes de divulgation.

Si nous souhaitions comprendre ce qui se passe réellement et de quelle manière ces pouvoirs ont été potentiellement utilisés ou exercés, que pourriez-vous faire? Pourriez-vous faire cela à la demande de notre comité? Quels types de mécanismes de divulgation recommanderiez-vous?

J’ai de nombreuses questions qui découlent de celles que vous a posées le sénateur Boehm. Je pense que nous devrions tous, à juste titre, comprendre comment nous pouvons obtenir ces renseignements et rendre le processus aussi transparent que possible, afin de favoriser la reddition de comptes.

Je suis en Colombie-Britannique et récemment, nous avons eu une situation dans laquelle WorkSafeBC avait un excédent assez important, c’est-à-dire dans les milliards de dollars. Lorsqu’on a demandé au ministre si cet excédent pouvait être utilisé pour aider les employeurs à ramener les employés au travail ou à acheter de l’équipement de protection individuelle, le ministre a répondu que cet excédent avait disparu, car il avait été perdu sur le marché boursier. Nous allons approfondir la question, mais nous vivons réellement dans une période sans précédent. C’est ce que nous entendons en Colombie-Britannique. Pour moi, pour tous ceux qui nous regardent et pour tous les Canadiens, la divulgation est absolument essentielle. Pourriez-vous approfondir votre réponse à ma question et à la question initiale du sénateur Boehm en parlant des mécanismes de divulgation dont nous disposons ou dont vous disposez également?

M. Giroux : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Nous pouvons présenter ou envoyer des demandes d’accès à l’information au ministre pour vérifier si ces pouvoirs ont été utilisés et quand ils l’ont été, le cas échéant. Nous sommes également en communication avec les fonctionnaires du ministère des Finances. Ce sont deux mécanismes qui nous permettraient de savoir si ces pouvoirs ont été utilisés.

Le gouvernement devrait probablement — je n’ai pas examiné le projet de loi depuis un certain temps — publier un avis dans la Gazette du Canada s’il utilisait l’un de ces pouvoirs. Par exemple, si le gouvernement achetait ou créait une nouvelle entité, société d’État ou fiducie, il devrait divulguer cette intervention, mais probablement seulement après coup.

Je ne connais pas les mécanismes de divulgation exacts qui sont prévus dans le projet de loi C-13. Comme je l’ai dit, je ne le connais pas par cœur et je l’ai lu il y a déjà deux mois. Je l’ai consulté depuis ce temps, mais je ne me souviens pas de toutes ses dispositions. Dans l’ensemble, je dirais que le projet de loi C-13 me préoccupe beaucoup, et je sais qu’il préoccupe plusieurs parlementaires en raison des vastes pouvoirs qu’il confère à l’organe exécutif — c’est-à-dire au Cabinet — et dans certains cas à des ministres individuels, sans même qu’ils aient besoin de consulter le premier ministre ou d’obtenir son consentement ou celui de leurs collègues. Le projet de loi C-13 leur accorde de vastes pouvoirs.

Comme je l’ai dit, j’ai déjà exprimé mes préoccupations dans le cadre de réunions d’information avec des parlementaires et je les exprime à nouveau aujourd’hui. Je m’attends à ce que le gouvernement soit très transparent s’il utilise ces pouvoirs, le cas échéant.

La sénatrice Martin : Monsieur le président, puis-je poser une autre question ou devons-nous passer à un autre intervenant?

Le président : En raison des contraintes de temps, sénatrice Martin, nous devons passer à un autre intervenant.

La sénatrice Martin : Dans ce cas, j’enverrai ma question par écrit.

Le président : J’allais justement faire cette suggestion. Envoyez-la par écrit et le directeur parlementaire du budget vous fera parvenir une réponse par l’entremise de la greffière, car ces questions sont certainement importantes.

La sénatrice Martin : Je vous remercie.

La sénatrice Pate : J’aimerais remercier les représentants du Bureau du directeur parlementaire du budget de leur travail assidu. J’enverrai l’une de mes questions par écrit, si c’est possible, monsieur le président, et je poserai l’autre question maintenant.

Pour faire suite aux questions posées par la sénatrice M. Deacon et la sénatrice Duncan, j’aimerais savoir si vous envisagez un revenu de base universel ou un revenu de base universellement accessible qui serait accordé en fonction du revenu plutôt que d’être versé à chaque Canadien.

Deuxièmement, lorsque vous recensez les personnes qui sont et qui ne sont pas actuellement admissibles à la Prestation canadienne d’urgence, tenez-vous compte des personnes qui pourraient être admissibles à un revenu de base et de l’écart que nous observons entre vos données et celles publiées par le Centre canadien de politiques alternatives? Cet écart laisse croire qu’un groupe important n’est pas visé.

Enfin, tentez-vous de déterminer les économies en aval lorsque vous déterminez le coût d’une initiative de revenu de base? D’autres pays et les deux projets pilotes du Canada ont fait état d’économies potentielles dans d’autres domaines, tels que le système de santé, le système de justice pénale, et cetera. Je vous remercie.

[Français]

Le président : Monsieur Giroux, est-ce que vous pouvez répondre par écrit, s’il vous plaît? Le temps passe. J’aimerais également vous demander de répondre par écrit aux trois questions qui ont été posées par la sénatrice Pate. Je vous remercie de votre leadership et de celui de votre équipe. Chaque fois que nous vous avons demandé de témoigner devant nous, vous étiez disponible. C’est la même chose en ce qui a trait aux objectifs; nous partageons tous les mêmes objectifs.

[Traduction]

Tout ça est question de transparence, de reddition de comptes, de prévisibilité et de crédibilité des faits

[Français]

Le temps est maintenant écoulé.

[Traduction]

Chers collègues, nous poursuivons notre étude, et le deuxième groupe de témoins que nous accueillons est constitué de deux représentants de la Banque du Canada : le gouverneur Stephen S. Poloz et la première sous-gouverneure Carolyn A. Wilkins.

Chers témoins, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Vous et votre équipe avez été fidèles à vos habitudes.

Monsieur Poloz, vous avez la parole. Ensuite, les sénateurs vous questionneront.

Stephen S. Poloz, gouverneur de la Banque du Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. La première sous-gouverneure Wilkins et moi-même, nous sommes heureux de comparaître devant vous pour discuter des mesures prises par la Banque du Canada en réponse à la pandémie à coronavirus.

[Français]

Depuis le début de la pandémie, la Banque du Canada s’est fixé deux objectifs. À court terme, nous nous efforçons d’aider les entreprises et les ménages canadiens à traverser cette période. À long terme, nous cherchons à jeter des bases solides pour la reprise économique. Dans les deux cas, il nous faut un système financier qui fonctionne bien pour que les mesures budgétaires exceptionnelles mises en place portent leurs fruits. Je vais d’abord vous parler de nos actions qui visent le fonctionnement du marché financier, puis je parlerai de nos mesures de politique monétaire.

[Traduction]

La banque a agi rapidement et vigoureusement, ces derniers mois, pour mettre sur pied plusieurs programmes et mécanismes destinés à fournir les liquidités nécessaires et à soutenir les marchés financiers essentiels. Grâce en grande partie à ces efforts, les ménages et les entreprises ont continué d’avoir accès à du crédit pour répondre à leurs besoins primaires. Ces programmes comprennent nos achats hebdomadaires courants d’au moins 5 milliards de dollars d’obligations du gouvernement du Canada, afin de soutenir la liquidité et l’efficience de ce marché fondamental.

Nous avons augmenté notre participation aux adjudications de bons du Trésor du gouvernement fédéral. Nous aidons aussi à assurer le bon fonctionnement des marchés de titres provinciaux en en achetant de nouveaux sur les marchés monétaires et des obligations provinciales sur le marché secondaire.

Nous avons pris un certain nombre de mesures pour que les institutions financières aient un accès assuré à suffisamment de liquidités. Nous avons notamment amélioré les mécanismes de prise en pension, qui permettent aux banques et autres négociants principaux d’emprunter des fonds à la Banque du Canada en fournissant leurs actifs en garantie. Les institutions financières peuvent ainsi mieux gérer leurs risques de liquidité. Nous avons élargi la liste des institutions admissibles à nos prêts et l’éventail des titres qu’elles peuvent fournir en garantie, et ces mécanismes permettent maintenant d’offrir jusqu’à 24 mois de financement.

Par ailleurs, nous avons instauré un programme d’achat d’obligations hypothécaires du Canada d’un maximum de 500 millions de dollars par semaine. Ce programme vise à favoriser le bon fonctionnement d’un important marché pour l’octroi de prêts hypothécaires aux Canadiens. Ensemble, tous ces mécanismes devraient améliorer les conditions de liquidité et de financement des prêteurs, ce qui aidera les entreprises et les ménages à avoir accès au crédit dont ils ont besoin. Ils aideront aussi les Canadiens à bénéficier davantage de notre assouplissement monétaire durant la reprise.

Dans le but d’alléger les tensions sur les principaux marchés de financement pour les entreprises canadiennes, nous avons introduit des programmes d’achat d’acceptations bancaires et de papier commercial. De plus, nous venons tout juste de lancer un programme d’achat de 10 milliards de dollars d’obligations de sociétés de qualité sur le marché secondaire.

Nous avons présenté les résultats préliminaires de ces programmes dans la dernière livraison de la Revue du système financier, publiée plus tôt ce mois-ci. En résumé, nous avons réussi à restaurer le bon fonctionnement de nombreux marchés financiers clés qui montraient des signes de fortes tensions. Nous constatons que, sur beaucoup de marchés, les écarts acheteur-vendeur et les écarts de rendement se sont sensiblement resserrés. Pour les institutions financières, l’accès aux liquidités s’est nettement amélioré. Enfin, un grand nombre de nos programmes destinés à soutenir les marchés financiers sont de moins en moins utilisés, à mesure que les conditions se stabilisent.

En ce qui concerne la politique monétaire, la banque a abaissé son taux directeur de 150 points de base au total pour l’établir à 0,25 %, soit la valeur plancher. Ces interventions étaient fondées sur une analyse des facteurs immédiatement observables, c’est‑à‑dire les effets des mesures visant à contenir la propagation de la COVID-19 et de l’effondrement des prix du pétrole. Il faut noter que même si le Canada n’avait eu aucun cas de COVID-19, il aurait tout de même été nécessaire d’accroître la détente monétaire pour soutenir l’économie en raison des répercussions des bas prix du pétrole.

L’abaissement du taux directeur est entièrement conforme à l’entente sur le ciblage de l’inflation qui régit nos interventions. Nous savons que pour que l’inflation revienne à la cible, il faut d’abord stabiliser l’économie, puis ramener la production et l’emploi à leur niveau potentiel. La meilleure contribution que pouvait apporter la banque en ce moment pour compléter les efforts budgétaires du gouvernement et préparer le terrain en vue de la reprise était d’abaisser le taux directeur à sa valeur plancher.

[Français]

Nous savons que l’efficacité de la détente monétaire est limitée à l’heure actuelle, puisque l’activité économique est en grande partie à l’arrêt ou fortement réduite. Les mesures budgétaires énergiques des gouvernements et l’assouplissement monétaire fourni par la Banque du Canada, en plus de nos actions visant à assurer le bon fonctionnement des marchés financiers, vont jeter les meilleures bases qui soient pour la reprise économique.

[Traduction]

Pour terminer, je tiens à souligner qu’une grande incertitude entoure l’évolution de la pandémie. Au besoin, la banque est prête à amplifier ses programmes pour appuyer le fonctionnement des marchés. Et s’il faut encore accentuer la détente monétaire pour atteindre sa cible d’inflation, la banque dispose des outils nécessaires pour le faire.

Sur ce, Mme Wilkins et moi serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci.

La sénatrice Marshall : Merci, monsieur Poloz et madame Wilkins, d’être avec nous.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez fait allusion aux prêts hypothécaires et aux obligations hypothécaires du Canada, et je remarque que, sur votre bilan hebdomadaire, les nombres augmentent.

Dans son témoignage, la semaine dernière, devant le Comité des finances de la Chambre des communes, M. Siddall, de la Société canadienne d’hypothèques et de logement a dit : « Si l’on ajoute à cela des hypothèques plus élevées, une baisse des prix des maisons et l’augmentation du chômage, il y a lieu de s’inquiéter de la stabilité financière à long terme du Canada ».

Beaucoup d’événements actuels influent sur les hypothèques. Beaucoup de Canadiens profitent du programme de report des paiements hypothécaires, il y a beaucoup de chômage, l’endettement est élevé, les taux de solvabilité augmentent, le prix du logement a baissé de 18 %, et on estime que 20 % des créances hypothécaires pourraient être en souffrance. Vu la conjonction de tous ces facteurs, partagez-vous les craintes de M. Siddall pour la stabilité financière du Canada? Rassurez-moi.

M. Poloz : Depuis plusieurs années — depuis, je crois, que je suis gouverneur —, la banque déclare que l’endettement croissant des ménages est notre principal point faible.

Au fil des ans, ces risques ont diminué, grâce à un certain nombre de mesures macroprudentielles d’atténuation. En arrière-plan, les taux d’intérêt ont été bas pendant beaucoup d’années, ce qui a tendance à encourager l’emprunt. Voilà pourquoi nous employons les taux d’intérêt comme outils de politique monétaire. Leur réduction dans un dessein de stabilisation de l’économie n’est efficace que si elle encourage l’emprunt.

La plus grande partie des emprunts supplémentaires contractés ces dernières années n’a pas été le fait de débiteurs, mais d’emprunteurs qui s’endettaient pour la première fois, pour l’achat de leur première maison, leur premier emprunt hypothécaire. Bien sûr, on peut dire que si tant de Canadiens ont une hypothèque, chaque fois qu’il s’en ajoute un à l’ensemble, le rapport de la dette au PIB du Canada s’élève, même si le caractère soutenable de chaque hypothèque ne change pas.

Je partage les mêmes craintes que M. Siddall pour les vulnérabilités du secteur des ménages. Nous avons affirmé tant de choses dans le passé et nous avons récidivé dans notre Revue du système financier, il y a quelques semaines à peine. Mais vos postulats semblent plus inspirés par un scénario imaginé par M. Siddall, que je qualifierais du plus pessimiste possible.

Dans notre Rapport sur la politique monétaire d’avril, nous avons exposé deux scénarios, estimant qu’il ne serait pas honnête d’inclure des estimations ponctuelles et un scénario que je qualifierais de pas trop pessimiste — c’est plus ou moins un scénario rose, pour le moment — et un scénario pessimiste. Comme je l’ai affirmé publiquement, vu la vitesse à laquelle nous faisons redémarrer nos économies, je crois que le scénario le plus favorable que nous ayons exposé dans le Rapport sur la politique monétaire d’avril reste intéressant. Il demeure réalisable. Mais le pessimiste résulterait, peut-être, d’une deuxième vague de la pandémie ou d’une pause beaucoup plus longue de nos économies.

L’un des facteurs que vous énumérez, la chute de 18 % du prix des logements, est seulement un scénario que la SCHL a considéré comme la conséquence possible d’une situation très désastreuse, que personne n’englobe dans ses prévisions de base.

Pas besoin d’en dire plus. Je suis sûr qu’on posera d’autres questions sur ce sujet.

La sénatrice Marshall : Merci. Votre bilan hebdomadaire des obligations du gouvernement du Canada et des bons du Trésor montre-t-il que vous achetez maintenant toutes les obligations du gouvernement ou sont-elles destinées à d’autres marchés? Tout l’argent vient-il de vous?

M. Poloz : Non. Nous avons accru notre engagement. Nous achetons un pourcentage de chaque émission du gouvernement simplement pour contrôler notre bilan.

La sénatrice Marshall : Quel serait le pourcentage, monsieur Poloz? Je sais que, pour les provinces, c’est 40 %.

M. Poloz : Pendant la période, notre taux est passé de 25 à 40 %. Désolé, mais il pourrait y avoir un écart de 5 %.

Nous le faisons parce que le bilan est surtout constitué de la dette fédérale, d’une part et, d’autre part, de monnaie ou de billets de banque. C’est notre passif. Le bilan comporte toujours des obligations du gouvernement arrivant à échéance, dont nous faisons la rotation continuelle.

Nous participons à toutes les adjudications du gouvernement. Nous avons accru notre engagement, parce que les marchés ne fonctionnent pas très bien; ils ne l’ont particulièrement pas fait en mars. En amplifiant notre présence sur le marché, nous pouvons assurer que nos participants actifs disposeront d’assez de liquidités pour arriver à leurs fins, puis notre bilan augmente. Pourquoi? Parce qu’il y a une demande accrue de comptant. C’est plus sûr pour les investisseurs. Qu’ils vendent des bons ou des actions, ça n’a pas vraiment d’importance. Les institutions financières avaient besoin de plus de comptant. Les entreprises obtenaient leurs lignes de crédit de leurs institutions financières. Elles essaient donc d’avoir plus de comptant. Les banques ont besoin d’en fournir et le financent sur le marché. Et le marché était bloqué.

Telle est la situation. Le bilan de la Banque du Canada augmente pendant cette situation, puis il redescend à la faveur de ces opérations.

Le président : Merci, monsieur le gouverneur.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci, monsieur Poloz et madame Wilkins, de nous aider à comprendre cet environnement financier fort complexe.

Monsieur Poloz, hier après-midi, lors d’un discours que vous avez prononcé, vous avez mentionné que la plus grande préoccupation de la Banque du Canada était le risque que, en l’absence d’actions aussi dynamiques, la déflation puisse émerger pour ensuite se combiner à la dette existante, ce qui alimenterait une dépression économique. Pouvez-vous préciser ou vulgariser un peu votre discours par rapport à cette préoccupation ou à cette menace, qui semble être très importante, selon vous et la Banque du Canada?

M. Poloz : Mon discours concernait la gestion des risques de la politique monétaire. Quand un événement comme la pandémie survient, on observe des risques très asymétriques, ou un risque de récession très profonde qui se prolonge et qui pourrait devenir une récession avec déflation. La combinaison des dettes existantes et de la déflation fait évidemment en sorte que les dettes augmentent automatiquement dans cette situation; les choses deviennent alors beaucoup plus difficiles, et il s’agit par conséquent du risque le plus important dans cette situation.

Naturellement, il y a des risques à la hausse également. Il est possible que l’économie présente des signes d’une reprise très dynamique; cela serait préférable, bien sûr, et ce ne serait pas dangereux.

C’est pourquoi j’ai catégorisé cette situation par rapport à une inquiétude quant au risque de déflation combiné aux dettes existantes, puisque ce sont les ingrédients clés d’une déflation.

Le sénateur Forest : Je vous remercie de votre réponse.

Ma deuxième question a trait au revenu de base garanti. L’injection de liquidités dans un système ne suffit souvent pas à soutenir l’économie. Vous avez salué avec raison la mise sur pied de la Prestation canadienne d’urgence, qui est remarquablement efficace et beaucoup plus en mesure de s’ajuster rapidement à l’évolution de la situation économique que d’autres programmes, comme le programme de l’assurance-emploi.

Vous avez mentionné que le gouvernement aurait tout intérêt à conserver ce type de mesures dans son coffre à outils pour les récessions à venir; doit-on y voir un appui au principe du revenu de base garanti?

M. Poloz : Je vais céder la parole à Mme Wilkins.

Carolyn A. Wilkins, première sous-gouverneure, Banque du Canada : Il est évident que tout ce que le gouvernement fait en ce moment a trait à la question que vous avez posée, à savoir si certaines parties des programmes mis en œuvre en ce moment devraient devenir permanentes d’une manière ou d’une autre.

Comme vous le savez probablement, ce n’est pas le rôle de la banque centrale de donner un avis au gouvernement sur ce genre de choses. Cependant, je peux vous dire que nous avons déjà fait une analyse et que tous les programmes dans leur ensemble, qu’il s’agisse des subventions salariales, de l’argent octroyé aux entreprises ou des prêts, font beaucoup pour consolider le pont qui nous amène vers une reprise économique.

Nous avons fait une analyse très intéressante qui figure dans notre rapport sur la stabilité financière, qui a été publié il y a quelques jours. Nous y parlons des menaces relatives à la stabilité financière, qui sont bien moins graves en raison de ces programmes d’aide.

Alors qu’on parlait auparavant de la dette chez les ménages et chez les entreprises, tout ce qu’on peut faire maintenant, pour bâtir un pont en vue d’aider les gens à disposer de plus de liquidités, est fort utile. Ce pont sera nécessaire pour traverser la situation actuelle et pour que les entreprises puissent rouvrir et recommencer à engager de la main-d’œuvre. Tout cela fera en sorte que la reprise économique sera plus forte et que notre système financier sera plus stable.

Le sénateur Forest : Merci, madame Wilkins.

[Traduction]

Le sénateur Richards : Il y a deux ou trois semaines, j’ai entendu dire qu’on allégerait les taux hypothécaires pendant les six ou sept mois à venir, en raison de la pandémie. J’ignore si c’est vrai. Je voudrais que M. Poloz me le confirme. Si c’est vrai, est-ce que ça signifie que les taux doubleront ensuite?

M. Poloz : Merci pour la question. On peut comprendre la question de deux façons.

D’abord, les banques ont elles-mêmes autorisé leur clientèle à demander le report de ses paiements hypothécaires pendant un certain nombre de mois, jusqu’à six. Dans la plupart des cas, tel que je le comprends, le débiteur ne verse rien, peut-être parce qu’il a perdu son emploi ou que ses revenus ont diminué. Pendant cette période, le report est frappé d’un taux d’intérêt, qui s’ajoute ultérieurement au montant de l’hypothèque.

L’autre volet de votre question concerne les taux hypothécaires. Nous avons abaissé notre taux d’intérêt de 150 points de base. Certains taux hypothécaires, surtout s’ils étaient variables, ont considérablement diminué. Les taux fixes, moins. La raison en est que les banques, pour prêter l’argent d’une nouvelle hypothèque, doivent le trouver sur le marché. Les marchés étaient bloqués, comme je l’ai dit, ce qui nous a notamment amenés à acheter des obligations hypothécaires du Canada et d’autres instruments financiers sous forme de dettes, pour dissiper les tensions de ce marché, pour que les banques puissent se financer à un taux raisonnable puis transférer une partie de leurs économies aux nouveaux emprunteurs.

Les taux sont aussi bas que jamais. Il ne nous appartient pas, actuellement, de spéculer sur leur devenir. Mais soyez assurés que pour que nous puissions agir conformément à notre objectif pour l’inflation, nous les maîtrisons pour que l’économie continue à tourner et pour construire un tremplin pour un rétablissement vigoureux. À mesure que l’économie se rétablira, nous devrons juger des taux qui conviendront. Pour le moment, ils sont aussi faibles que possible. Nous sommes à ce que nous appelons la valeur plancher effective.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup. Des milliers de familles se retrouveront au pied du mur après un certain temps, quand elles devront rembourser les montants à un certain taux, l’année prochaine ou dans les deux années à venir. Certaines seront dans cette situation pour cette raison; du moins, c’est ce que je crois. Pouvez-vous me dire si je me trompe?

M. Poloz : À ma connaissance, les reports de paiements doivent être payés à la fin de l’hypothèque, mais l’endettement augmente un peu, parce que l’emprunteur doit le montant de l’intérêt pendant la période du report. Ça ne constitue pas une augmentation très importante de la dette hypothécaire, c’est un report. Je n’y vois pas vraiment un mur qu’on frappera.

Il existe beaucoup d’autres motifs d’inquiétudes plus grandes, comme pour les entreprises, par exemple, qui ne bénéficient pas de ce genre de mesures et qui ont des dettes à rembourser. C’est ce qui m’inquiète davantage, parce que plus la pause dure, plus le problème de liquidité risque de se transformer en problème d’insolvabilité, qui, bien sûr, aura des répercussions dans le secteur financier.

Le sénateur Richards : Merci.

Le sénateur Harder : J’aimerais tout d’abord remercier le gouverneur pour ses services à titre de gouverneur de la Banque du Canada. Je crois qu’il s’agit de l’un de vos derniers engagements parlementaires.

J’aimerais aussi dire qu’à mon avis, les banques centrales des grands pays industriels se sont comportées de manière impressionnante, coordonnée, opportune et agile. Mes questions portent sur les marchés émergents.

En ce qui a trait à la dernière crise financière, nous savons que les marchés émergents représentent un élément important de la croissance mondiale. Nous savons aussi que l’endettement au sein des marchés étrangers est beaucoup plus important qu’il ne l’était au moment de la crise financière. On me dit que plus de 100 pays ont approché le FMI au sujet d’une certaine forme d’allègement.

Pourriez-vous nous dire quelles sont vos réflexions, à vous et à vos collègues — surtout en ce qui a trait aux relations du G7 et du G20 — sur la façon de mieux répondre aux demandes des marchés émergents?

M. Poloz : Je suis d’accord avec vous : c’est un facteur important. Le choc est d’ampleur mondiale. Il se fait sentir comme une séquence qui fait le tour du monde et les stress financiers connexes sont importants. Ainsi, les institutions financières internationales entrent en jeu et il y a une coordination avec le FMI et le G20.

Je demanderais à Mme Wilkins de nous parler un peu de l’état des choses, mais la question s’adresserait surtout au FMI ou au ministre des Finances. Madame Wilkins, pouvez-vous nous parler un peu de la situation?

Mme Wilkins : Bien sûr. De toute évidence, la dette des marchés émergents avant la pandémie de la COVID les plaçait déjà en situation de vulnérabilité, pour les raisons que vous avez évoquées. La dette est élevée. Non seulement est-elle élevée, mais elle est aussi en devises américaines, ce qui signifie que les mouvements du taux de change qui ne jouent pas en leur faveur peuvent être très coûteux pour ces marchés émergents. Bien sûr, la pandémie, en plus d’être une tragédie humaine, a été une véritable tempête, d’une certaine façon, pour certaines de ces économies. Les sorties de capitaux de certains pays sont aussi importantes, sinon plus, que ce que nous avons vu à l’époque de la crise financière en 2008 et 2009.

La question des efforts mondiaux — le gouverneur a tout à fait raison — relève du ministère des Finances. De plus, d’autres ministres dont le mandat est associé à la santé se centrent sur les façons de reprendre le contrôle de la situation sanitaire dans certains de ces pays, dans un premier temps, mais aussi sur la façon de structurer les prêts de manière à ce qu’ils soient utiles et à ce qu’ils offrent les liquidités nécessaires.

Bien sûr, pour le Canada, il est essentiel de bien gérer la situation. Nous savons que bon nombre de ces pays — ceux qui sont sous pression se trouvent en Amérique latine; l’Asie semble bien s’en sortir — ont entrepris des réformes structurelles importantes au cours des dernières décennies, ce qui devrait les aider. Néanmoins, si les marchés émergents connaissaient des perturbations, cela pourrait se faire sentir dans l’économie canadienne, principalement par l’entremise des marchés financiers, mais aussi par l’entremise des marchés des produits de base. Il est donc dans notre intérêt à tous de travailler très fort avec ces institutions financières pour leur offrir toute l’aide que nous pouvons apporter.

Le sénateur Harder : Merci.

Le sénateur Smith : Monsieur le gouverneur, madame la première sous-gouverneure, nous vous souhaitons la bienvenue à cette réunion.

L’effondrement du prix de référence du pétrole à l’échelle mondiale et au Canada a donné l’idée — malheureusement — à certains leaders politiques d’affirmer que le pétrole canadien était mort. Le programme d’achat d’obligations de sociétés de la banque, d’une valeur de 10 milliards de dollars, qui permet d’acheter les titres de créance sur le marché secondaire, désigne bon nombre de sociétés à titre d’émetteurs admissibles, notamment Husky, Suncor et Canadian Natural Resources. De quelle façon ces 10 milliards de dollars seront-ils répartis? Quel pourcentage de ce montant sera octroyé au secteur de l’énergie canadien? De façon plus large, quel rôle le pétrole et le gaz du Canada joueront-ils dans notre rétablissement?

M. Poloz : Le point le plus important que je tiens à souligner, c’est que les achats visent le marché tel qu’il existe aujourd’hui, le marché secondaire. Il ne s’agit pas d’un prêt direct à certaines sociétés en particulier. Mme Wilkins était responsable de la conception du programme, alors je vais la laisser vous expliquer comment il a été créé.

Mme Wilkins : Merci. C’est une excellente question. Dans le cadre de la conception du programme, nous voulions surtout répondre au besoin des marchés à ce moment-là... besoins qui se sont faits un peu moins criants, surtout lorsque nous avons fait l’annonce du programme. Le mauvais fonctionnement dumarché affectait non seulement les sociétés d’énergie, mais aussi un large éventail d’entreprises constituées en société au Canada qui amassent des fonds dans ce marché.

Bien sûr, nous savons tous qu’il est très important pour les sociétés — grandes ou petites — d’avoir diverses options pour amasser des fonds. Pour les entreprises canadiennes, le marché des obligations de sociétés, en dollars canadiens, en fait partie. Le programme vise à cibler les émetteurs de très grande qualité, donc une cote triple B et plus, de sorte que malgré un déclassement, la cote de solvabilité demeurerait élevée. On parle d’un large spectre, et donc l’univers des obligations admissibles atteint presque les 100 milliards de dollars. Il s’applique à plusieurs secteurs, comme les communications, l’énergie, les infrastructures financières et industrielles, et l’immobilier. Selon les chiffres dont je dispose, c’est un peu plus de 20 % dans le secteur de l’énergie. Ainsi, notre portefeuille de référence viserait une répartition des achats dans tout le spectre.

Vous verrez comment nous fonctionnons. Notre première transaction s’est déroulée aujourd’hui. Nous achetons les biens par l’entremise d’un gestionnaire, selon le prix courant. Nous ne faisons pas de cadeau à qui que ce soit. Nous voulons établir des niveaux de prix de sorte que le marché fonctionne mieux. Nous ferons preuve de transparence chaque semaine. Notre bilan montrera le total des achats et une ventilation sectorielle des achats associés à notre portefeuille pour le mois précédent.

Le sénateur Smith : Avez-vous été en mesure de faire des prévisions ou de recueillir des commentaires? Je sais qu’il est très tôt dans le processus, mais à quoi cela va-t-il ressembler?

Mme Wilkins : La transaction s’est faite aujourd’hui et selon ce que je comprends, elle a été réalisée à 16 heures; je n’ai donc pas encore eu de rétroactions à ce sujet. Ce qui est intéressant pour nous, c’est qu’il s’agit d’une option inversée, ce qui signifie que les gestionnaires du portefeuille offriront de nous vendre les obligations à un certain prix et que le gestionnaire de biens déterminera si ce prix en vaut la peine. Nous avons un montant cible d’achat chaque semaine.

Ce sera intéressant de voir l’éventail des obligations qui nous seront offertes. Nous pouvons fixer un objectif d’achat, mais il doit y avoir une offre pour que nous procédions à l’achat.

Ce que je sais d’après les premiers commentaires reçus — pas seulement des participants du marché, mais aussi d’après les données —, c’est que les niveaux de risque sont plus faibles. C’est notamment parce que le marché est plus calme de façon générale, mais aussi parce que les participants savent que la Banque du Canada sera là pour offrir des liquidités sur le marché, ce qui les encourage à y prendre part. On devrait donc voir un marché à deux côtés.

Le sénateur Smith : Merci, madame Wilkins.

Le président : Monsieur le gouverneur, si vous souhaitez compléter cette réponse par écrit, n’hésitez pas à la transmettre à notre greffière, Mme Fortin.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je remercie M. Poloz et Mme Wilkins.

Monsieur Poloz, aider l’économie à survivre à cette crise comporte des risques, et on ne peut pas continuer à distribuer des millions de dollars bien longtemps.

Il y a sûrement des scénarios, ou bien il y a une ligne à ne pas franchir. Quel est le plus grand risque qui nous guette, et le gouvernement est-il conscient de ce risque?

M. Poloz : Comme je l’ai mentionné auparavant, le plus grand risque, à mon avis, c’est que le bouleversement de l’économie soit prolongé, et cela deviendra un problème pour la confiance des consommateurs et des entreprises. À mon avis, les politiques fiscales qui ont été mises de l’avant sont bien ciblées pour stabiliser la confiance si la période de bouleversement équivaut à deux ou trois mois au maximum. Je crois qu’il est possible d’avoir une confiance assez stable et ce sont les revenus qui sont stabilisés, pas le PNB. Notre taux d’activité économique chutera, bien sûr, et de beaucoup, mais les mesures liées au revenu pour les ménages et pour les entreprises seront moins affectées grâce à des politiques ciblées. Dans ce contexte, je pense qu’on a conçu un très bon programme; pour le moment, toutefois, il faut attendre que l’économie reprenne et, après quelques semaines, on pourra examiner des données qui montrent une reprise à très court terme. Si on observe les autres économies, par exemple en Corée du Sud, au Japon ou en Chine, on constate une reprise assez élastique, et c’est encourageant. C’est un phénomène de demande refoulée, de pent-up demand pour les consommateurs, et non une situation de prudence à l’extrême. Voilà la différence, soit la durée de cette période de bouleversement. C’est une excellente question.

Le sénateur Dagenais : Comment percevez-vous le comportement positif des marchés boursiers dans la situation actuelle où, par contre, des entreprises majeures sont incapables de faire face à leurs obligations sans aide gouvernementale?

M. Poloz : C’est une question intéressante. Je dirais que la plupart des investisseurs voient tout cela comme un bouleversement temporaire. Ce n’est pas quelque chose de permanent. La profitabilité des entreprises sera probablement rétablie au cours des prochains mois et ce sera difficile. Je dois admettre que ce n’est pas facile. En même temps, il ne faut pas sous-estimer l’ingéniosité des entrepreneurs.

Selon moi, c’est une situation temporaire, et les consommateurs et les entreprises observeront le même comportement. Comme je l’ai dit, cela dépend de la durée de ce bouleversement. À mon avis, pour le moment, on peut envisager le scénario le plus positif qui se trouvait dans notre Rapport sur la politique monétaire; c’est le scénario qui reste envisageable, selon nous.

Le sénateur Dagenais : Vous parlez des entreprises; on sait qu’il y a des entreprises et des particuliers qui vont sûrement déclarer faillite, même si les taux d’intérêt sont relativement bas — d’ailleurs, ils ne peuvent pas l’être bien plus qu’ils ne le sont aujourd’hui.

Êtes-vous convaincu, dans un tel scénario, que les banques ont fait tous les ajustements requis sur les taux d’intérêt en fonction des allègements fiscaux qui leur ont été consentis?

M. Poloz : Les taux d’intérêt étaient assez bas auparavant. Ils le sont encore plus maintenant, mais ce n’est pas la chose la plus importante du point de vue d’une entreprise. Pour le moment, ce qui est primordial, c’est la stabilisation de la demande pour leurs produits et leurs services. C’est pourquoi les efforts du gouvernement ont particulièrement ciblé les revenus personnels afin de stabiliser cette situation. L’économie va connaître un grand creux, un creux très profond; cependant, pour le revenu des ménages, ce ne sera pas le cas. Ce revenu est plus stable, parce que le programme du gouvernement est très ciblé.

Le sénateur Dagenais : Merci.

Le président : Monsieur le gouverneur, si vous voulez ajouter des éléments à votre réponse, n’hésitez pas à le faire par écrit.

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Nous vous remercions, gouverneur Poloz et madame Wilkins, d’être avec nous aujourd’hui. C’est toujours bon d’apprendre et de savoir que nous pouvons compter sur la force mondiale de la Banque du Canada.

J’aimerais vous poser deux questions. La première est très générale et la deuxième vise des mesures quantitatives précises. Vous pouvez peut-être répondre à la première par écrit; je vous laisse décider. C’est au sujet du recours au PIB à titre d’indicateur de la croissance économique.

Je comprends que le PIB réel mesure le rendement économique, mais il n’est pas continu; c’est comme une image statique. Ce n’est pas vraiment un indicateur lorsqu’on parle du progrès social. Évidemment, le PIB ne nous a pas avisés de la crise de 2008. Il ne reflète pas la dégradation de la santé ou de la sécurité, de l’environnement ou des ressources, qui sont des éléments très importants pour le portrait financier.

Que permet de mesurer ou non le PIB? Avez-vous recours à d’autres mesures? L’OCDE, le Forum économique mondial et le FMI parlent de nombreux autres indicateurs.

M. Poloz : Vous avez tout à fait raison : le PIB est une ancienne mesure traditionnelle de l’économie. Il ne tient pas compte de bon nombre de facteurs qui sont importants pour de nombreuses personnes. Ceux que vous avez évoqués sont importants.

Je vais vous donner un exemple que j’utilise souvent. Les gens vivent plus longtemps aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Si l’on donnait une valeur aux années de vie supplémentaires selon le salaire moyen et que l’on ajoutait cela au PIB, on submergerait toutes les statistiques sur la productivité que nous recueillons. Les chiffres seraient beaucoup plus grands et bien sûr beaucoup plus importants pour les gens, plutôt que de savoir si leur taux de productivité a augmenté de 1 %, par rapport à l’année dernière, par exemple. Cela me semble être une donnée superflue, par rapport à une vie prolongée de 10 ans, par exemple, selon ce que le système médical peut nous donner.

Nous savons qu’il y a des lacunes. Les gens en parlent, vous avez raison. La recherche économique se penche sur les indices de bien-être ou de bonheur, qui visent à saisir certains facteurs comme les conséquences environnementales ou la santé. Ce sont des mesures expérimentales. Nous ne pouvons pas bien mesurer l’investissement dans cette économie parce que tout est numérisé; c’est beaucoup plus difficile à mesurer.

Toutes les données que nous utilisons ne représentent qu’un indicateur de la vérité. Je crois que même si nous mesurions tout parfaitement de la façon que vous avez décrite, les résultats seraient tout de même liés au PIB. Si le PIB baisse, il y a de fortes chances que la mesure de tout ce qui nous préoccupe baisse également. Il y a une corrélation entre tous ces facteurs. Il faut le voir comme un indicateur qui nous permet de mesurer assez bien la situation, mais qui ne donne pas le bon chiffre.

Je n’ai pas vraiment de réponse à vous donner. J’essaie seulement de vous aider à comprendre la complexité de votre question.

La sénatrice Galvez : Je comprends. Je vous remercie. Ma deuxième question a trait à l’assouplissement quantitatif. C’est nouveau pour le Canada; c’est notre première tentative. Vous achetez des obligations gouvernementales et de sociétés. Le sénateur Smith vous a également posé ces questions. Pourquoi choisissez-vous les marchés secondaires plutôt que les marchés principaux? La concentration de la richesse associée à une stimulation limitée de l’emploi pourrait entraîner des conséquences régressives, tandis que l’achat d’obligations fédérales et provinciales peut contribuer directement au financement du gouvernement sans passer par les marchés.

À des fins de transparence, j’aimerais savoir si vous allez révéler les critères visant à déterminer les marchés, les montants, les offres et les conditions de ces achats.

M. Poloz : Je vais répondre à la question en partie, puis je céderai la parole à Mme Wilkins.

Pourquoi avons-nous recours au marché secondaire? Permettez-moi de revenir en arrière un instant. Vous avez parlé d’assouplissement quantitatif. C’est vrai, mais nous parlons d’achat massif d’actifs à cette étape-ci, parce que l’objectif est d’assurer le fonctionnement des marchés, de veiller à ce qu’il y ait un acheteur et un vendeur pour chaque transaction et à ce qu’il n’y a pas d’écart ou de blocage.

Lorsque notre objectif est le fonctionnement du marché, nous nous centrons presque exclusivement sur les marchés secondaires parce que nous injectons des liquidités dans le marché pour permettre le commerce. Bien sûr, nous effectuons aussi des achats primaires, comme nous l’avons dit plus tôt.

À notre avis, l’assouplissement quantitatif est associé à un objectif de politique monétaire. C’est à une étape ultérieure, bien entendu, lorsque l’économie se redresse; on peut donc décrire la situation différemment. À l’heure actuelle, nous nous centrons presque uniquement sur la fonction du marché. Mme Wilkins peut nous parler de la conception.

Le président : Madame Wilkins, ce sera difficile pour moi de vous permettre de répondre à la deuxième partie de la question en raison des contraintes de temps. Monsieur le gouverneur, madame la première sous-gouverneure, pourriez-vous transmettre une réponse écrite à la greffière?

La sénatrice M. Deacon : Nous vous remercions de votre présence cet après-midi. Il est difficile de se replonger au mois de janvier dernier, lorsque vous avez parlé aux parlementaires de la santé financière du pays et des nouvelles connexes. Qui aurait cru, lorsque nous étions avec vous à la Banque du Canada, que nous en serions là aujourd’hui et que nous tiendrions ces conférences en pleine pandémie? Nous vous en remercions.

Ma question porte sur l’approche relative à la relance économique qui aura lieu lorsque la COVID sera derrière nous. Cette semaine seulement, dans une publication de la Banque du Canada, les auteurs étudiaient les effets des changements climatiques sur les objectifs de la banque centrale, sans égard à la présente crise de la COVID, toutefois. Selon eux, bien que certaines mesures comme la taxe sur le carbone entraîneraient des difficultés à court terme pour l’économie de façon générale, les effets à long terme d’une inaction seraient encore bien pires, en raison des perturbations physiques imprévisibles du réchauffement climatique et des risques en matière de concurrence, comme celui de rester derrière alors que le reste du monde passe à des sources d’énergie plus durables et plus écologiques à court terme. Nous aurons évidemment besoin de nombreux stimulants financiers pour relancer l’économie lorsque nous serons prêts à le faire, et ces stimulants seront probablement associés à des objectifs politiques.

Pensez-vous qu’il serait avantageux de saisir l’occasion que représente notre reprise pour orienter notre industrie des énergies conventionnelles à base de carbone vers des sources plus vertes? Dans le contexte de la relance, compte tenu de la période que nous traversons actuellement, quels risques associez-vous, d’une part, au soutien continu au secteur des énergies conventionnelles à forte intensité de carbone et, d’autre part, aux efforts axés sur un virage plus vert à court et à long terme?

M. Poloz : Je vais laisser Mme Wilkins répondre à la question.

Mme Wilkins : Je suis ravie — et mes collègues en seront très heureux — de savoir que vous avez remarqué le rapport que nous avons publié plus tôt cette semaine. Pour répondre, il m’est important d’expliquer brièvement pourquoi nous travaillons sur le climat.

En tant que banque centrale, évidemment, notre travail sur le climat est lié à notre mandat, qui est d’examiner les perspectives d’avenir afin de déceler les nouvelles tendances qui pourraient modifier la structure de l’économie au Canada et dans le monde au point de nuire au bon fonctionnement de l’économie, et modifier les vulnérabilités des risques du système financier auxquels nous serons confrontés. Nous faisons ce travail parce que nous pensons que cela nous est très utile pour évaluer les risques tels que nous les voyons, mais aussi pour éclairer la discussion sur la manière d’investir et d’atténuer ces risques.

Selon nous, étendre notre rôle et affirmer que nous conseillerons désormais les gouvernements sur la façon de faire certaines choses serait aller trop loin. Notre rôle se limite essentiellement à l’analyse. Nous ne sommes pas chargés de la surveillance des institutions financières comme le BSIF, par exemple, mais nous participons certainement à certaines discussions.

Il incombe donc à cette partie neutre de recherche d’ancrer ces discussions. Dans cette étude, on mentionne qu’il y a un compromis à faire entre les risques physiques. Selon le modèle utilisé, ces risques sont plus importants si vous ne faites rien. Nous savons que tous les modèles ont des lacunes, mais en même temps, les risques de transition deviennent un peu difficiles à gérer si on tente d’aller trop vite. Essentiellement, c’est ce que cela dit; c’est plutôt intuitif. Je dirais que cette recherche est axée sur la situation mondiale, et que nous prévoyons d’autres recherches axées spécifiquement sur divers scénarios pour le Canada, ce qui sera très important pour les décideurs politiques, à mon avis, pour éclairer les discussions dont vous parlez.

De notre côté, cela ne signifie pas pour autant que nous ne faisons rien pour le climat dans le cadre de notre propre fonctionnement. Sur notre site web, vous verrez nos plans assez avancés visant à rendre notre fonctionnement plus écologique, mais aussi à appliquer les principes ESG pour notre caisse de retraite, ainsi que d’autres activités de recherche qui, nous l’espérons, contribueront à cet important programme.

La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup de votre réponse. Ce sont de très bons articles; il y en a plusieurs.

Lorsqu’on examine les aspects précis des mesures prises pendant la crise de la COVID, nous avons probablement une occasion — sans doute un élan —, ou peut-être le temps, de réfléchir à notre état de préparation à ce genre de choc économique imprévisible. Y a-t-il des leçons que nous pouvons retenir, et qui deviennent plus évidentes maintenant? Avec le recul, y a-t-il des instruments que vous auriez souhaité avoir et que vous n’aviez peut-être pas?

M. Poloz : Je vais répondre à cette question. En fait, je pense que nous étions raisonnablement bien préparés, non pas à ce type de choc, qui est d’ordre médical, mais sur le plan économique. La planification de scénarios fait l’objet de discussions depuis un certain temps, notamment par rapport à la nature du prochain ralentissement économique et l’adaptation des politiques en conséquence, sachant que la situation était difficile ou contraignante au départ pour la politique monétaire, étant donné les taux d’intérêt plutôt bas et la marge de manœuvre limitée.

Nous avions beaucoup travaillé sur ce que nous appelons les outils non conventionnels de la politique monétaire, dont beaucoup font partie de la discussion d’aujourd’hui. Les leçons de 2008 ont été très bien appliquées. L’intervention a été rapide et exhaustive, car c’est ce que nous jugions nécessaire, en raison de l’incertitude. En outre, à l’échelle mondiale, tous ont compris que le prochain grand choc serait principalement une responsabilité financière. À cet égard, la politique monétaire joue un rôle secondaire et complète les efforts des autorités budgétaires, comme c’est certainement le cas ici, au Canada. S’il y a une leçon à retenir, c’est qu’une partie de l’élasticité des politiques budgétaires se veut très attrayante et pourrait être un stabilisateur budgétaire automatique pour les épisodes futurs. Il vaudrait la peine de développer cela davantage.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

Le sénateur Klyne : J’aimerais d’abord remercier notre groupe d’experts de la Banque du Canada d’être ici avec nous aujourd’hui. Je remercie la Banque de son travail dévoué et sa précieuse contribution au Canada.

Je tiens également à féliciter et à remercier le gouverneur de ses sept années de service à titre d’intendant de la vitalité économique du système monétaire canadien. Je vous souhaite le meilleur succès dans vos entreprises futures. J’ai toujours admiré votre capacité de tenir fermement la barre et votre approche confiante et compétente pour la gestion des affaires. Je vous en remercie.

À la mi-mars, après la baisse du taux directeur à 0,75 %, le The Globe and Mail a rapporté que vous estimiez que les réductions du taux d’intérêt n’étaient pas le seul instrument dont nous disposions pour aider l’économie à traverser la crise de la COVID-19. D’autres réductions du taux directeur ont suivi, la dernière portant ce taux à 0,25 %, égalant son taux historique le plus faible atteint lors de la crise financière de 2009. Concernant cette dernière réduction, le Financial Post a indiqué que la Banque du Canada prévoyait que les taux d’intérêt demeureraient probablement bas et que les dommages économiques causés par l’épidémie de COVID-19 pourraient ne pas être aussi graves que certains le craignaient, en expliquant en outre que la baisse de la croissance économique résultait des mesures nécessaires pour affronter la pandémie et non à des facteurs liés au comportement des entreprises ou des consommateurs.

Alors que le pays entreprend méthodiquement la relance des activités, dans le respect de restrictions prudentes comme la distanciation physique, entre autres, outre les faibles taux d’intérêt et le PAPM, quelles autres mesures pourraient être nécessaires pour assurer le retour le plus rapide possible de l’économie aux niveaux antérieurs à la pandémie, soit ceux du quatrième trimestre de 2019?

M. Poloz : La réponse honnête à ce moment-ci, c’est que nous l’ignorons. Nous sommes aux prises avec une situation sans précédent. L’important, à mon avis, c’est que toutes les mesures que nous avons déployées peuvent être amplifiées plusieurs fois, si nécessaire. Nous pensons que les taux d’intérêt sont à leur valeur plancher effective. Vous pourriez avancer l’idée de taux d’intérêt négatifs, mais ce n’est pas très attrayant, selon moi. Ce qui me paraît mieux, c’est que nos autres politiques, qui visent à renforcer la transmission de la politique monétaire par l’intermédiaire des marchés financiers, sont le meilleur moyen de donner une impulsion supplémentaire, si nécessaire. Le plus important, c’est que les outils de stabilisation financière utilisés ont permis d’établir une assise de l’économie, des revenus économiques, ce qui est le plus important.

On trouve au milieu de la Revue du système financier que nous avons publiée il y a quelques semaines une analyse des plus vulnérables de l’économie et de l’incidence directe de diverses mesures, en particulier la PCU qui, incidemment, remplace très bien les revenus perdus. Il s’agit d’une politique très ciblée qui se met en place automatiquement et reste en place aussi longtemps qu’il le faut. C’est un stabilisateur automatique, comme je l’ai indiqué.

La confiance des consommateurs devrait remonter lorsque l’économie sera relancée, pourvu qu’ils aient toujours l’impression d’être protégés.

Je ne sais pas ce qu’il en est dans votre ville, mais il est assez difficile d’aller au Canadian Tire ou à la quincaillerie en ce moment, car on dirait que tout le monde y est pour acheter des choses pour la maison, et cetera. Je pense que la demande accumulée jouera un rôle pour une reprise robuste, et que ce sera plus difficile dans certains secteurs, comme la restauration et le voyage.

Nous en sommes conscients. Donc, ce ne sera pas partout. La question est de savoir si ceux qui ne prendront pas l’avion cette année choisiront d’économiser ou de dépenser cet argent pour autre chose. Après le 11 septembre, tout le monde pensait qu’il y aurait une grande récession mondiale parce que personne ne voudrait voyager. C’est vrai, les gens ont vraiment moins voyagé, mais ils ont dépensé leur argent à d’autres fins, et l’économie a été en croissance après le 11 septembre.

Il y a là un important enseignement pour comprendre le degré de confiance sous-jacent des consommateurs et leurs comportements.

Le sénateur Klyne : Merci. Ai-je le temps de poser une autre question?

Le président : Nous devons poursuivre, sénateur Klyne. Posez la question, et je demanderai au gouverneur d’envoyer la réponse par écrit, s’il vous plaît.

Le sénateur Klyne : Dans un scénario, la Banque du Canada évalue à 15 % les pertes pour le deuxième trimestre et, dans la perspective d’une deuxième vague, on pourrait se retrouver avec une baisse du PIB de 30 % pour la fin du deuxième trimestre.

Si nous ne parvenons pas à éviter une deuxième vague, nous reste-t-il d’autres instruments dans la boîte à outils de la politique monétaire, outre foncer la pédale au plancher? Plus important encore, y a-t-il moyen de combiner les deux leviers que sont la politique fiscale et la politique monétaire pour redémarrer l’économie?

Le président : Monsieur le gouverneur, veuillez répondre à cette question par écrit, s’il vous plaît.

Le sénateur Boehm : Monsieur le gouverneur, madame Wilkins, merci beaucoup de vous être joints à nous aujourd’hui. Monsieur Poloz, je vous félicite de votre remarquable mandat à titre de gouverneur de la Banque du Canada. Je vais regrouper mes questions, puisque nous avons peu de temps.

Je sais que vous et vos homologues du monde entier, en particulier au sein du G7 et plus récemment du G20, coordonnez bien vos actions. L’injection de 5 000 milliards de dollars de liquidités sur le marché mondial s’est faite au bon moment, et il reste du travail à faire, peut-être, pour comparer les façons dont les mécanismes d’octroi de liquidités ont été utilisés par les différents pays.

Êtes-vous déjà en mesure de tirer des leçons ou des pratiques exemplaires, en reconnaissant que les économies sont toutes très différentes?

Pour faire suite à la question du sénateur Harder, il est fort probable que l’effondrement économique perdure plus longtemps dans les marchés émergents, tandis que les marchés développés amorcent déjà un redressement, dans l’espoir d’arriver à ce que certains ont appelé une reprise en forme de U plutôt qu’une reprise en V.

Le FMI aura-t-il besoin d’une aide supplémentaire pour gérer cette situation, ou pensez-vous que cela évoluera simplement de façon plus naturelle? En outre, à ce sujet, a-t-on examiné des approches novatrices? La cryptomonnaie fait-elle partie de l’équation, à ce stade? Je vous remercie.

M. Poloz : Sénateur, je vous remercie beaucoup de vos questions.

Tout d’abord, au sujet des leçons que nous avons apprises, je pense que les banques centrales sont toutes satisfaites du déploiement des mécanismes d’octroi de liquidités. Sur les marchés, le véritable stress et même la détresse n’ont duré que deux ou trois semaines, et les marchés s’en sont remis assez rapidement grâce à la vigueur et à la rapidité de la mise en œuvre de ces programmes. Des observateurs occasionnels auraient presque pu se demander ce qui causait tant d’agitation. Cela a été réglé assez rapidement.

Comme je l’ai dit, ce n’est qu’un facteur contributif. L’essentiel, c’est que presque tous les pays ont offert des mesures financières. On retient que nous avons tous fini par converger vers quelque chose d’assez semblable : la collaboration et la coopération. Le choc a été séquentiel; nous avons donc pu apprendre des autres à mesure que cela progressait.

Quant à la reprise mondiale, elle sera progressive, ne serait-ce que parce qu’elle sera de nature séquentielle. Un pays commence à se redresser, suivi d’un autre, puis d’un autre encore. Ainsi, tout considéré, d’un point de vue extérieur ou international, on se retrouvera certainement avec une courbe en forme de U évasé. Elle ne peut pas vraiment être en forme de V, même si la nôtre tend plutôt à l’être, d’entrée de jeu, puisque 80 % de la reprise se fera rapidement. Ensuite, pour le reste — les 10 ou 20 % restants —, il faudra plus de temps. Je pense que le FMI sera très occupé pendant cette période. Il est vrai que les tensions augmentent dans les pays vulnérables, et le G20 et le Club de Paris discutent de diverses mesures d’aide.

C’est une longue réponse, mais c’est simplement pour dire que la sensibilisation et la collaboration à l’échelle internationale sont importantes et que nous en faisons partie, essentiellement. Je dirais que c’est une question à poser au ministre des Finances lorsqu’il comparaîtra au Comité.

Mme Wilkins : La cybermonnaie ou la cryptomonnaie était un gros problème pour les banques centrales et les gouvernements avant la COVID. L’intérêt sur cette monnaie n’a fait qu’augmenter depuis. C’est en partie parce que toute cette situation a accéléré la transition vers le numérique — les achats en ligne, le télétravail —, et de nombreuses personnes prévoient que cela deviendra une caractéristique permanente de nos économies. Nous nous dirigions vers le numérique de toute manière.

En ce qui concerne l’argent comptant, les gens en ont toujours sur eux, mais ils ne l’utilisent pas. Donc, encore une fois, avec les solutions de rechange du secteur privé qui se présentent, les banques centrales sont tout à fait disposées à travailler à l’échelle mondiale à mettre au point des monnaies numériques. Nous faisons partie d’une coalition de banques centrales qui se penchent là-dessus à l’heure actuelle.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Duncan : Merci beaucoup, je vous suis reconnaissante de votre présence aujourd’hui et, comme mes collègues, je tiens à féliciter moi aussi le gouverneur de la Banque du Canada.

Ma question porte sur les provinces et les territoires et sur le rôle de la Banque du Canada pour administrer les programmes de la dette publique. Le Programme d’achat d’obligations provinciales [Difficultés techniques] n’est pas inclus pour toutes sortes de raisons. Les territoires ont une solution de rechange pour emprunter de l’argent, et c’est par l’entremise du RPC en émettant des débentures au Régime de pensions... [Difficultés techniques]

La Banque du... [Difficultés techniques] désolée; pour faire suite à ce que je viens de dire, nous sommes tous bien conscients des difficultés auxquelles sont confrontées les municipalités dans la situation financière actuelle. Les municipalités n’ont pas la même capacité d’emprunt que les provinces et les territoires.

Pensez-vous que le Programme d’achat d’obligations provinciales et les emprunts du RPC seront suffisants, selon votre opinion éclairée, ou les municipalités et les provinces se tourneront-elles vers le gouvernement fédéral pour obtenir des programmes supplémentaires afin d’aider les municipalités? Merci.

Mme Wilkins : Vous avez tout à fait raison. Le Programme d’achat d’obligations provinciales et notre programme d’achat de bons à court terme sont accessibles aux provinces parce que c’est le marché qui fonctionne. L’objectif de ce programme, encore une fois, n’est pas de fournir du financement direct aux provinces, mais plutôt d’aider au fonctionnement des marchés où elles obtiennent leur financement. Et c’est la raison pour laquelle nous faisons partie du Programme d’achat d’obligations provinciales qui est exploité sur le marché secondaire.

En ce qui concerne les municipalités et les entités qui émettent des documents financiers, ce programme fonctionne à l’heure actuelle, et les municipalités et les entités qui émettent des documents financiers y ont recours. Ce marché s’est amélioré; il fonctionne très bien. Votre question était de savoir si c’est suffisant. Lorsqu’il s’agit de financer jusqu’à un an, ce doit être suffisant car, au cours des dernières semaines, ce programme n’a pas été utilisé parce que le prix est tel qu’il est tout simplement préférable pour les municipalités et les entités de se tourner vers le marché privé, ce qui est une très bonne chose. C’est en fait une leçon. L’une des questions précédentes portait sur une leçon. La tarification est très importante, car vous voulez être présent, si bien que c’est utile, mais nous ne voulons pas remplacer un marché privé.

Lorsque nous parlons de sources de financement à plus long terme et que nous sortons du cadre du fonctionnement du marché, cela ressemble davantage à un problème pour les élus qu’à celui d’une banque centrale, dont le travail est de fournir des liquidités.

La sénatrice Duncan : Je ne suis pas certaine d’avoir entendu une réponse à ma question sur le RPC, mais je peux vous poser la question par écrit. Merci.

Le sénateur Loffreda : Merci, gouverneur Poloz et sous-gouverneure Wilkins, d’être des nôtres. Nous avons couvert un grand nombre d’excellents sujets et entendu de nombreuses excellentes questions. Je suis ravi de clore cette séance.

Premièrement, je veux féliciter le gouverneur Poloz pour son excellent mandat et du bon travail qu’il fait. Félicitations. Le temps passe vite. Il semble que c’était hier où nous étions à Montréal et que le gouverneur Carney vous présentait comme son successeur. Nous avions eu une discussion intense sur la préoccupation du marché immobilier canadien à l’époque. Le temps passe vite.

La sous-gouverneure Wilkins était à Montréal récemment. Elle a déclaré — et c’est un point important — qu’au Canada, nous avions le système bancaire le plus robuste au monde, ou l’un des systèmes bancaires les plus robustes au monde, et que nous devons garder nos banques canadiennes dans le cadre de la solution. Je pense qu’elles veulent faire partie de la solution.

Cela étant, l’une de mes questions était la suivante : les six plus grandes banques canadiennes ont-elles toutes eu recours au mécanisme d’octroi de liquidités d’une durée standard de la Banque du Canada parce qu’elles avaient besoin de liquidités? Par ailleurs, pensez-vous toujours que nous avons le système bancaire le plus robuste au monde? A-t-on réalisé une analyse du système bancaire, à partir des projections de pertes, et de tout ce que nous avons discuté et entendu? Comment voyez-vous notre système bancaire? C’est important.

En ce qui concerne mes autres questions, vous pourriez peut‑être y répondre par écrit. Durant une pandémie et une crise, l’histoire nous a montré qu’il faut agir à temps, avec vigueur et collectivement. C’est exactement ce que vous avez fait, alors félicitations, et merci au nom de tous les Canadiens.

Vous avez dit que vous aviez des outils supplémentaires. Comme la plupart des économistes, je pense qu’à ce stade-ci, il s’agit davantage d’une récession de politique financière qu’une récession de politique monétaire, et je crois que vous avez fait le maximum en ce qui concerne la politique monétaire. Des preuves montrent que les taux d’intérêt négatifs ne fonctionnent pas, mais vous avez dit — et je l’ai retenu — que vous avez plus d’outils ou des outils supplémentaires à fournir durant cette crise au cas où nous aurions besoin de mesures de relance additionnelles. S’il y a un outil dont vous pourriez nous faire part à ce stade-ci — l’outil le plus important que vous pourriez fournir —, quel serait‑il?

Merci beaucoup.

M. Poloz : Au début, nous avons lancé le mécanisme permanent d’octroi de liquidités à plus d’un jour. Ce mécanisme était en cours d’élaboration depuis quelques années, se trouvait sur les tablettes, prêt à être lancé. Il a été déployé presque aussitôt que la situation s’est tendue. Tout le monde y a eu recours à ce moment-là, mais comme Mme Wilkins l’a bien résumé, les différents outils que nous avons déployés ont calmé les marchés assez rapidement, ce qui est une excellente chose. Cela signifiait donc que nous pouvions nous concentrer sur l’économie et moins sur le fonctionnement des marchés. Cela a très bien fonctionné.

Dans la Revue du système financier que nous avons publiée il y a deux semaines, nous analysons en détail les répercussions d’un scénario économique désastreux sur le système financier. Vous y trouverez un graphique. Si je me souviens bien, c’est le graphique 14 ou 13; c’est vers la fin. Il décrit ce à quoi ressembleraient les provisions pour pertes sur prêts dans le scénario catastrophe par rapport à ce qu’elles sont censées ressembler à la lumière des différentes mesures de soutien au revenu mises en place par le gouvernement.

C’est un point très important. Lorsque les agences de notation ont dû décider si elles devaient déclasser nos banques, elles ont choisi de ne pas le faire. Pourquoi? Les mesures de soutien du gouvernement aident les clients des banques à traverser la tempête. C’est une mesure d’atténuation vraiment importante qui n’était pas normalement prévue dans nos scénarios de la Revue du système financier dans le passé. En ce qui concerne les scénarios de stress, nous n’avons pas tout un éventail d’outils fiscaux qui entrent en ligne de compte et qui permettent à tous ceux qui en sont capables de mieux affronter la tempête. C’est une mesure d’atténuation importante.

Enfin, en ce qui concerne les outils supplémentaires, il y a toujours d’autres outils dans la trousse, mais ces outils sont généralement les taux d’intérêt négatifs et le crédit pour les prêts. Ce sont des outils dont disposent les banques centrales, mais qui ne sont généralement utilisés que dans des conditions assez extrêmes. L’une de ces conditions extrêmes est le cas où l’autorité budgétaire ne met pas en œuvre des mesures de relance, ou bien ne veut pas ou ne peut pas le faire. Vous en avez déjà vu des exemples dans le passé. Heureusement, ce n’est pas notre cas car nous avons une réponse budgétaire très forte à la crise, et la politique monétaire joue un rôle de soutien, principalement axé sur le fonctionnement du marché et la mise en place d’une plateforme pour que la reprise soit aussi solide que possible.

Le président : La présidence va maintenant reconnaître les sénateurs d’office.

[Français]

La sénatrice Gagné : J’aimerais aussi féliciter et remercier le gouverneur Poloz de ses sept ans de service auprès des Canadiens et des Canadiennes dans cet illustre établissement qu’est la Banque du Canada. Je vous souhaite bien du succès dans toutes vos prochaines aventures.

Le sénateur Loffreda a posé ma question, mais il y en a une autre qui me tracasse et je vais la poser. Elle concerne les chaînes d’approvisionnement. On sait que le poids de la Chine dans l’économie mondiale est aujourd’hui beaucoup plus grand. En fait, la Chine représente à peu près 17 % de l’activité économique mondiale. Durant la pandémie de SRAS en 2003, la Chine représentait environ 4 % du PIB mondial. Aujourd’hui, on parle de 17 %. Notre économie mondiale est très intégrée et fonctionne selon le principe de production juste-à-temps. On connaît aujourd’hui l’impact de la pandémie sur ce que je considère l’usine de la planète, qui est la Chine. Je crois que la pandémie a mis en évidence notre vulnérabilité en ce qui concerne les chaînes d’approvisionnement. Je me suis donc demandé ceci : comment le Canada doit-il s’adapter pour contrer cet obstacle? Devons-nous retourner à nos vieilles habitudes ou doit-on remodeler nos chaînes d’approvisionnement? Si on décide de suivre cette voie, quel effet cela aura-t-il sur la reprise économique, si on veut se protéger davantage et être sûr d’avoir accès aux matériaux dont nous avons besoin pour servir les Canadiens?

M. Poloz : Je vous remercie de vos commentaires et de la question. C’est une question très complexe. Je vais faire quelques commentaires, mais je ne donnerai peut-être pas une réponse complète. Les chaînes d’approvisionnement ont toujours eu un équilibre assez fragile. Les entreprises ont tenté d’optimiser leurs profits en divisant la chaîne d’approvisionnement pour ses produits et services en différentes petites parties. Elles ont fait une espèce de correspondance entre chaque partie, la productivité et les salaires dans chaque pays. C’est pourquoi la Chine a acquis plusieurs de ces chaînes d’approvisionnement, parce que les salaires y étaient très bas.

Cependant, si les salaires en Chine augmentent — les entreprises utilisent là-bas aussi des robots ou d’autres équipements pour remplacer les travailleurs —, on va encore changer la chaîne d’approvisionnement pour qu’elle soit optimale. Donc, c’est comme une organisation. Cela va toujours changer. Cette pandémie va sûrement changer cette valeur optimale et il y aura encore plus d’automatisation. Il y aura probablement un dédoublement des chaînes d’approvisionnement. Par exemple, s’il y a une vulnérabilité dans un pays, deux entreprises dans deux pays différents pourront partager la même partie du processus de production afin d’atténuer les risques. Ce fut le cas pour BlackBerry, qui faisait affaire avec sept pays. Il y a plusieurs composantes impliquées dans la production d’un appareil BlackBerry pour atténuer les risques encourus par chaque pays. Je ne veux pas faire de prévisions, mais je suis certain que tout cela va changer. Il y aura probablement un peu moins de ces parties dans nos chaînes d’approvisionnement locales, mais on ne va pas reproduire certaines vieilles habitudes, j’en suis certain. Il s’agit d’un autre équilibre.

[Traduction]

La sénatrice Martin : Je vais commencer par dire que je souscris aux observations que vous ont adressées mes collègues, gouverneur, et je vous félicite de vos sept années de service. Je suis certaine que peu importe ce que vous ferez ensuite, que ce soit sur la scène internationale ou ailleurs, votre expérience sera utile à d’autres, mais je vous remercie beaucoup de ce que vous avez fait au Canada.

J’ai une demande et une préoccupation, qui m’amèneront à ma question. La demande concerne le Programme d’achat d’obligations provinciales et la possibilité d’obtenir une liste des provinces et de ce qui a été acheté dans chaque province, si c’est des renseignements qui sont disponibles quelque part ou que le comité pourrait recevoir par écrit, maintenant ou dans un proche avenir.

En ce qui concerne ma question, alors que vous vous apprêtez à quitter vos fonctions, nous examinons cette crise de la COVID-19 et nous ne savons pas quand elle se terminera, et j’aimerais connaître quelles sont vos perspectives pour l’économie. Cependant, mon inquiétude découle du fait que, comme l’a souligné le sénateur Dagenais, les grandes entreprises seront confrontées à des défis incroyables, pouvant mener à l’insolvabilité ou à d’autres types de difficultés. Mais les micro-entreprises représentent la majorité des petites entreprises — je vis à Vancouver, et je vois des entreprises qui ferment leurs portes, une après l’autre. Beaucoup d’entre elles n’ont pas de personnel supplémentaire; c’est la famille qui dirige l’entreprise.

Je suis très inquiète de ce qui nous attend. Compte tenu des faillites et des niveaux d’insolvabilité qui augmentent en conséquence, pourriez-vous nous parler, de manière précise ou générale, de vos perspectives pour notre économie?

M. Poloz : Oui, merci de la question. En ce qui concerne le Programme d’achat d’obligations provinciales, nous pouvons vous fournir tous les détails disponibles. Nous les publions régulièrement sur notre site Web. Il est facile pour nous de vous fournir un résumé.

En ce qui concerne la situation, par exemple, dans le secteur des entreprises, je partage certainement vos préoccupations. Comme je l’ai déjà dit, lorsque la crise a commencé, en tant que banquiers centraux, nous considérons cela comme étant un problème de liquidités, car les marchés sont paralysés, et nous ne pouvons rien faire si les marchés ne reprennent pas leurs activités. Les banques ne peuvent pas prêter d’argent. Si vous êtes une entreprise qui dispose d’une ligne de crédit dans une banque, votre réaction à cette situation a été d’aller retirer de l’argent de cette ligne de crédit pour avoir des liquidités. Que doit faire la banque si elle ne peut pas vous fournir cet argent parce que les marchés où elle va emprunter cet argent — c’est essentiellement ce que les banques sont, des intermédiaires — sont paralysés?

Donc, le fait de faire fonctionner ces mesures a fait toute une différence comparativement à la situation en 2008. En 2008, nous avons procédé à un resserrement du crédit de bonne foi. Les lignes de crédit étaient limitées. Elles ont été réduites.

Dans ce cas-ci, le crédit a beaucoup augmenté. Nos banques ont vraiment joué un rôle en ce sens, en proposant des reports pour les détenteurs de prêts hypothécaires et en accordant des prêts aux petites entreprises. C’est formidable d’avoir un secteur solide, comme nous l’avons dit, le meilleur secteur bancaire au monde. Toutes les réformes qui ont eu lieu au cours des 10 dernières années servent très bien tout le monde.

Que se passe-t-il avec les entreprises? Oui, il y aura des victimes. Plus la crise durera longtemps, plus il y aura de victimes, car un problème de liquidités devient un problème de solvabilité. Je comprends cela. Nous pensons que la plupart des dommages se font sentir dans les secteurs qui ont presque toujours un chiffre d’affaires important : le commerce de détail, les restaurants, les pubs, les voyages, ce genre d’activités dont la marge bénéficiaire est généralement faible. Elles sont vulnérables. Et leur personnel a le taux d’attachement le plus faible à ces entreprises. Ces gens changent souvent de travail.

Bien entendu, je ne souhaite cela à personne, mais il y a aussi le fait que ce sont des secteurs très élastiques et fluides. Un restaurant fait faillite. Vous passez devant un mois plus tard, et il y a un nouveau restaurant. Le nom est différent. Un nouveau commerce émerge. Nous ne devrions pas sous-estimer l’esprit entrepreneurial qui est si canadien. Je m’attends à ce qu’il y ait des victimes, mais il y aura une poussée de la création de petites entreprises à mesure que les gens se pencheront sur de nouvelles façons de faire des affaires, sur de nouvelles façons de procéder qui n’ont pas fonctionné ou, si vous voulez, sur le fait que la nécessité est mère d’invention.

Nous voyons déjà toutes sortes d’idées se concrétiser. Je trouve la capacité d’adaptation des gens incroyable. Nous verrons beaucoup plus cette capacité d’adaptation. J’ai toujours une perspective positive à cet égard; nous ne devons pas sous‑estimer la façon dont l’économie peut réagir toute seule. Avec l’aide que nous lui apportons, nous rendons la plateforme aussi solide que possible pour cette phase de rétablissement.

Le président : Merci, gouverneur. Avant de vous demander de faire vos dernières observations, je vois que nous avons une sénatrice qui n’a pas posé de questions, et il y a une règle pour les sénateurs non membres du comité des finances — je vois la sénatrice Dasko. Sénatrice, si vous avez une question, nous demanderons au gouverneur d’y répondre par écrit, puis nous lui demanderons de clore la séance.

La sénatrice Dasko : Félicitations, gouverneur, de votre excellent travail. Nous avons abordé des sujets très importants aujourd’hui. J’estime que ce sont les sujets les plus importants. J’ai une question complémentaire à celle de la sénatrice Martin.

Vous avez été cité dans le Globe and Mail ces derniers jours, et je dirais que vous avez offert une perspective très optimiste pour l’économie canadienne. Or, aujourd’hui, nous avons parlé du risque d’une récession combiné à une déflation et à un endettement, et il y a aussi la possibilité d’une dépression. Je voulais résumer la situation et peut-être approfondir un peu votre réponse à la sénatrice Martin. Quel scénario est le plus plausible, selon vous? Quels secteurs devrions-nous rouvrir? Que devrions-nous examiner pour savoir ce qui va se passer? Devrions-nous nous pencher sur certains secteurs qui vont rouvrir ou y a-t-il d’autres facteurs, éléments que nous devrions examiner? C’est ma question. J’en avais d’autres, mais je suis ravi de poser celle‑là.

Le président : Gouverneur, je vous prierais de répondre à la question par écrit, s’il vous plaît.

En tant que président du comité des finances, je vous remercie de prendre toujours le temps de comparaître lorsque nous vous invitons à le faire. Votre équipe et vous êtes toujours présents. Au nom du comité des finances, merci beaucoup.

Pour terminer, avez-vous des observations à adresser à tous les Canadiens?

M. Poloz : Merci beaucoup, sénateurs, de vos bons mots aujourd’hui.

Je vais fournir une réponse de 10 secondes à la dernière question, qui sera une bonne façon de vous quitter.

Je crois que le meilleur des scénarios dans le Rapport sur la politique monétaire est encore le plus probable, compte tenu du moment où les gens commencent à relancer l’économie.

Nous devons nous préparer au pire des scénarios, mais je pense que nous pouvons tout de même espérer pour le meilleur des scénarios. On a tous les ingrédients, alors on n’a qu’à attendre et voir.

Je vous remercie des observations que vous avez faites aujourd’hui. C’était mon emploi de rêve. J’ai énormément aimé occuper ce poste. Je regrette de devoir quitter mes fonctions dans la situation actuelle, mais c’est une question d’ordre législatif. Mon mandat de sept ans est terminé. Il y a sept ans, lorsque j’ai été nommé gouverneur, je portais cette cravate. Je la porte donc aujourd’hui. Elle paraît encore assez bien après sept ans.

Cela a été une courte expérience, mais une expérience formidable. Je vous souhaite tous la meilleure des chances. Je peux vous assurer que l’économie se portait extrêmement bien au début, et tout comme n’importe quelle personne en santé peut vaincre la COVID-19 plus facilement qu’une autre personne qui n’est pas en santé, l’économie peut se rétablir dans les mois à venir. Merci du temps que vous m’avez accordé aujourd’hui.

Le président : Merci.

Honorables sénateurs, notre prochaine réunion sera le mardi 2 juin, à 14 h 30, heure normale de l’Est.

Je demanderais au sénateur Forest et au sénateur Richards de rester en ligne pour que nous puissions tenir une courte réunion avec le comité de direction.

Gouverneur, merci beaucoup. Sénateurs, membres du personnel et de l’équipe, merci beaucoup.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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