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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 2 juin 2020

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 14 h 30 (HE), par vidéoconférence, dans le cadre de son étude sur : a) certains éléments du projet de loi C-13, Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19; b) les dispositions et l’application du projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19; et c) la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19 et ses effets économiques.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, je tiens à rappeler aux sénateurs et aux témoins qu’ils doivent garder leur microphone éteint en tout temps, à moins de se faire appeler par le président. Nous allons maintenant commencer la partie officielle de notre réunion.

Je m’appelle Percy Mockler. Je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et le président du comité des finances. Je vous présente les membres du comité qui participent à la séance d’aujourd’hui : le sénateur Forest, vice-président, le sénateur Richards, membre du comité de direction, le sénateur Dagenais, la sénatrice M. Deacon, la sénatrice Duncan, la sénatrice Galvez, le sénateur Harder, le sénateur Klyne, le sénateur Loffreda, la sénatrice Marshall, la sénatrice Pate, le sénateur Smith, ainsi que nos deux membres d’office, la sénatrice Gagné et la sénatrice Martin. La sénatrice Miville-Dechêne et le sénateur Patterson, qui ne font pas partie du comité, sont aussi présents.

[Français]

Bienvenue à tous, et à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent. Aujourd’hui, notre comité poursuit son étude sur certains éléments du projet de loi C-13, les dispositions et l’application du projet de loi C-14 et la réponse du gouvernement canadien à la pandémie de COVID-19 et ses effets économiques, étude que le Sénat du Canada a confiée au comité le 11 avril dernier par ordre de renvoi.

[Traduction]

Honorables sénateurs, compte tenu de notre expérience collective, il ne fait nul doute que j’aurai besoin de votre appui et de votre collaboration.

Notre premier groupe, aujourd’hui, représente le secteur des affaires. Nous accueillons Daniel Kelly, président et chef de la direction de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.

[Français]

Nous accueillons également, du Conseil du patronat du Québec, le président et chef de la direction, M. Yves-Thomas Dorval. Il est accompagné de Mme Norma Kozhaya, vice-présidente — Recherche et économiste en chef.

[Traduction]

Finalement, honorables sénateurs, nous recevons l’honorable Perrin Beatty, c.p., président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Canada. M. Beatty est accompagné par M. Trevin Stratton, économiste en chef et vice-président, Politiques et interventions.

Bienvenue à tous les témoins. Merci d’avoir accepté notre invitation.

Monsieur Kelly, vous pouvez commencer.

Daniel Kelly, président et chef de la direction, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante : Merci beaucoup, sénateur. C’est bon d’être à nouveau devant le Comité sénatorial des finances. Je suis heureux de partager avec vous cette mise à jour de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. À titre de rappel, mon organisation représente 110 000 petites et moyennes entreprises de partout au pays, qui sont toutes détenues et exploitées de manière indépendante. Aucune n’est une société cotée en bourse.

Comme vous pouvez tous vous en doutez, j’en suis sûr, la pandémie de COVID-19 est extrêmement difficile pour les entreprises indépendantes. Contrairement à d’autres périodes économiques troubles, ce problème a débuté sur les grandes rues commerciales et a touché les petites et moyennes entreprises beaucoup plus vite que les entreprises de plus grande taille. La pandémie a placé les petites entreprises dans une position très précaire. Je tiens à vous présenter quelques résultats. J’ai préparé, et je crois que la greffière vous a distribué, des données que nous recueillons chaque semaine auprès de petites entreprises de partout au pays.

En date de la fin de semaine dernière, la moitié des petites entreprises du Canada étaient complètement ouvertes. Seulement la moitié. Cela fait maintenant presque trois mois que la crise de la pandémie a débuté. La moitié des petites entreprises du pays demeurent complètement ou partiellement fermées à cause de la pandémie.

Les données sectorielles sont extrêmement inquiétantes. Le secteur du commerce de détail, celui de l’hébergement, en particulier celui de la restauration, les entreprises liées au tourisme, aux services et surtout aux services personnels, comme les salons de coiffure, ainsi que le secteur des arts et des loisirs sont les plus durement touchés en cette période difficile.

Quarante pour cent de nos membres, des petits entrepreneurs, ont vu leurs revenus chuter de 70 % et plus; 70 % d’entre eux ont constaté une baisse de 30 % de leurs revenus bruts. Nombre d’entre eux sont très en retard dans le paiement de leurs factures, comme celles de leur loyer, de leurs cartes de crédit ou de leurs fournisseurs. Plus troublant encore, trois mois après le début de cette crise, 12 % des petites et moyennes entreprises canadiennes envisagent sérieusement de fermer boutique ou de déclarer faillite à cause de la COVID-19.

Ces données de partout au pays sont très inquiétantes. Les mêmes secteurs dont j’ai parlé il y a un instant sont ceux qui sont les plus touchés. Les données sont sur la diapositive no 7. Quarante-trois pour cent des propriétaires affirment que la situation de leur entreprise est mauvaise ou très mauvaise. Seulement 14 % d’entre eux disent que leurs affaires vont bien en ce moment.

Les propriétaires de petite entreprise sont surtout préoccupés par les répercussions économiques sur leur entreprise, sur l’économie nationale ou mondiale; par les dépenses des consommateurs une fois la crise passée; par les problèmes de liquidités; et par la dette. Le stress et les effets sur la santé mentale sont très présents au sein des petites et moyennes entreprises. Six membres de la FCIE ont téléphoné à notre ligne d’aide aux entreprises en disant envisager le suicide. Voilà les ravages que cause la pandémie dans les petites entreprises.

Il est réconfortant de savoir qu’on commence à lever les restrictions en permettant la réouverture de certains commerces à divers endroits au pays, à commencer par le Manitoba, la Saskatchewan, le Nouveau-Brunswick et l’Alberta. Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse et l’Ontario demeurent les économies les plus fermées pour l’instant. Les entreprises ont encore beaucoup de défis à relever, notamment pour trouver de l’équipement de protection individuelle et le payer.

Le gouvernement fédéral est venu à la rescousse des petites entreprises en offrant plusieurs programmes d’aide d’envergure. Les trois principaux programmes sont la subvention salariale; le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, ou CUEC, qui prévoit des prêts de 40 000 $ aux petites entreprises; et la subvention au loyer. Ce sont les trois principaux programmes offerts.

La subvention salariale fonctionne bien. Certaines entreprises ne sont pas admissibles, bien entendu, mais nous sommes encouragés par le fait que le premier ministre ait annoncé qu’il prolongera ce programme jusqu’à la fin du mois d’août. Le gouvernement mène actuellement une consultation sur la façon de procéder. Deuxièmement, le CUEC permet lui aussi d’aider les petites entreprises, en particulier parce qu’une portion de 10 000 $ des prêts consentis est non remboursable. Cette somme est simplement oubliée. Toutefois, bien des entreprises sont inadmissibles, dont celles qui versent des dividendes et celles qui emploient des entrepreneurs. Nous exerçons des pressions auprès du gouvernement pour qu’il étende le CUEC à davantage d’entreprises. Il reste encore beaucoup de travail à accomplir sur ce front.

L’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial est une autre bouée de sauvetage pour nos membres. Je vois que mon temps de parole est écoulé. Ce programme, bien que rempli de bonnes intentions, est un véritable fouillis. Il ne permet pas d’acheminer de l’aide ou de l’argent aux propriétaires d’entreprise qui en ont besoin. J’ai bien peur que de nombreux propriétaires nous disent qu’ils vont probablement faire faillite avant d’obtenir une aide quelconque de ce programme.

Nous avons présenté des recommandations concernant des changements à apporter à chaque programme. Je serai heureux de répondre à vos questions à leur sujet.

[Français]

Le président : Monsieur Dorval, la parole est à vous.

Yves-Thomas Dorval, président et chef de la direction, Conseil du patronat du Québec : Je remercie le Comité sénatorial permanent des finances nationales de nous accueillir aujourd’hui pour discuter des enjeux et du programme ayant trait à la COVID-19.

Nos commentaires porteront sur certains aspects de cette réponse qui sont d’un intérêt particulier pour les employeurs, puisque le CPQ est une organisation qui représente des employeurs. Le CPQ est une confédération qui représente plus de 70 000 employeurs qui ont des activités au Québec, des employeurs de toutes les tailles et de toutes les régions du Québec, de tous les secteurs, y compris les employeurs de secteurs de l’économie sociale, de coopératives, du secteur parapublic et des entreprises du secteur privé.

Plutôt que d’entrer dans les détails, nous invitons les sénatrices et les sénateurs, ainsi que les recherchistes, à consulter la Feuille de route pour une relance économique sécuritaire et durable figurant sur le site Web du CPQ, où vous trouverez la totalité de nos recommandations en ce qui a trait à la reprise des activités et à la relance économique. Je me limiterai à certains commentaires pour l’instant et je répondrai à vos questions. Je suis d’ailleurs accompagné de Mme Kozhaya.

Le gouvernement du Canada a, depuis le début de la pandémie, mis en place différentes mesures dans un très court laps de temps, comme la Subvention salariale d’urgence du Canada, les programmes de garantie et de prêts pour les PME et, plus récemment, l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC), le Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE). Pour les individus, le gouvernement a mis en place la Prestation canadienne d’urgence et la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants. Ces mesures ont été généralement très appréciées et ont permis de répondre à l’urgence de la situation au moment du confinement, ou ce qu’on a appelé au Québec la « période d’hibernation ». Parmi les mesures les plus appréciées par les employeurs, mentionnons surtout la subvention salariale, car cette dernière permet d’éviter l’accroissement de l’endettement des entreprises et les obligations subséquentes, et elle permet aussi d’aider à payer les employés, même si ceux-ci ne sont pas nécessairement au travail.

Je vais faire quelques commentaires généraux. Il est manifestement important de soutenir les employeurs dans la mise en place de leur nouveau modèle d’affaires, qui a été adopté dans le contexte de la pandémie et est appelé à durer, y compris les transformations technologiques et numériques et la nouvelle organisation du travail, qui peut impliquer d’offrir des mesures incitatives pour l’acquisition d’outils numériques pour faciliter le télétravail et le commerce électronique. Par ailleurs, il faut s’assurer que les différentes mesures mises en place pour soutenir les entreprises et les individus, qui sont certes indispensables dans le contexte du confinement, n’auront pas pour effet de décourager le travail. À ce chapitre, malgré l’intérêt manifesté à l’égard de la PCU, les employeurs disent avoir de la difficulté à recruter ou à ramener leurs employés au travail, alors que les activités reprennent et à la veille d’une relance économique, en raison de cette prestation, en particulier dans le cas des étudiants en période estivale. Pour ce qui est de la subvention salariale, le CPQ tient d’abord à souligner que cette mesure demeure une planche de salut pour plusieurs employeurs. Il s’agit d’un excellent programme, même si certains critères en limitent l’accès.

Nous proposons des ajustements pour bonifier son utilisation. Nous proposons notamment de réduire le seuil d’admissibilité, qui est actuellement fixé à une diminution de revenu de 30 %, ou d’ajuster les modalités pour que les travailleurs saisonniers y soient admissibles, encore une fois en période estivale. C’est très important. Nous proposons également d’examiner la possibilité que la subvention couvre un certain nombre d’avantages sociaux dans le cas d’un arrêt complet des activités, comme c’est le cas pour l’assurance-emploi ou le Régime de pensions du Canada. Nous proposons aussi d’informer à l’avance les employeurs de certains des secteurs les plus durement touchés, comme le tourisme et les événements culturels, qui pourront se prévaloir de la subvention peut-être un peu plus longtemps, voire jusqu’au 15 octobre. Il faut aussi voir comment ajuster la subvention pour les entreprises en démarrage ou celles qui ont connu une forte croissance au début de la dernière année. Une attention et des mesures particulières doivent être accordées aux secteurs où la reprise sera plus longue et difficile en raison de la nature de leurs activités, comme le tourisme et la tenue d’événements, particulièrement dans la région de Montréal, l’aérospatiale et tout le secteur aérien. La subvention doit être accordée pendant une période prolongée afin qu’elle puisse correspondre à leur perspective de retour à la rentabilité. Parmi ces mesures, on pense notamment à toute mesure d’aide directe ayant trait aux frais fixes, aux loyers, aux taxes foncières, et cetera.

Parmi les autres mesures de relance, il faudrait penser à adapter les contrats publics pour encourager davantage l’innovation, l’achat local, la réduction de l’empreinte carbone et tout autre élément qui serait favorable à la relance des entreprises dans un contexte de développement durable, et il faudrait également accélérer les projets d’infrastructure les plus organisés et ceux qui sont déjà en marche. On songe en particulier aux investissements dans le transport, le transport collectif, les infrastructures portuaires et aéroportuaires, qui sont de compétence fédérale, les infrastructures énergétiques et les infrastructures technologiques et numériques. Il faudrait également offrir un crédit d’impôt à la rénovation résidentielle et l’appliquer aux parcs locatifs.

Enfin, il est important que le gouvernement dresse assez rapidement un portrait de la situation des finances publiques. Je vais terminer en vous invitant à nous poser des questions, et c’est avec plaisir que je participerai aux échanges.

Le président : Je vous remercie, monsieur Dorval.

[Traduction]

L’honorable Perrin Beatty, c.p., président et chef de la direction, Chambre de commerce du Canada : Sénateurs, je vous remercie de votre hospitalité. Je suis heureux de pouvoir être avec vous aujourd’hui dans le cadre de cette importante discussion.

Au beau milieu de cette pandémie qu’on ne vit qu’une fois par siècle, il est difficile de voir au-delà des effets immédiats de la COVID-19. Toutefois, tandis que nous continuons de nous entraider aujourd’hui, nous devons aussi commencer à songer à quoi ressemblera le monde après la COVID-19. Nous devons commencer à planifier comment notre pays et notre économie pourront en ressortir plus forts.

La première étape de la réponse à la pandémie a été de contenir la maladie par tous les moyens à notre disposition, même au risque de placer notre économie et une bonne partie de nos interactions sociales dans un coma artificiel. Nous passons maintenant à la deuxième étape de notre réponse, soit un déconfinement mesuré qui permet aux Canadiens de reprendre une plus grande partie de leur vie normale et qui tente de donner un nouveau souffle à notre économie. Cette étape durera un certain temps.

On parle souvent de la « nouvelle normalité », mais nous ne savons pas vraiment à quoi ressemblera cette nouvelle normalité, et encore moins comment nous la vivrons, tant que nous ne disposerons pas d’un vaccin largement distribué, un processus qui prendra vraisemblablement un à deux ans. Ce qui est clair, c’est qu’il sera impossible de tenter de rester confinés pendant toute cette période, tant sur le plan économique que social. Nous vivons une phase de transition, pendant laquelle nous devons apprendre à vivre en sachant que le virus est autour de nous et que nous risquons à tout moment de l’attraper. Nous devrons gérer les risques en cours en faisant preuve de prudence et de responsabilité tout en augmentant nos activités économiques et sociales.

La reprise complète est encore loin, mais elle commence par la résilience. La réponse du gouvernement a permis à des millions de Canadiens d’éviter le désastre économique. Des mesures comme la Subvention salariale d’urgence du Canada et le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes ont fourni une aide d’urgence vraiment nécessaire aux travailleurs et aux entreprises du pays. Cela leur permettra de contribuer à la relance de notre économie. Ces mesures ont toutefois un énorme coût, qu’on évalue à plus d’un quart de billion de dollars jusqu’à présent, et ce coût devrait continuer de grimper cette année et au-delà. Le fardeau associé à ce coût devra être porté par une infrastructure économique déjà passablement affaiblie.

Au fur et à mesure que les provinces et les territoires commencent à rouvrir, le Canada doit se préparer à passer d’une réponse à la crise caractérisée par l’octroi de subventions à des mesures visant à favoriser la relance économique et le retour des Canadiens au travail, tout en assurant leur santé et leur sécurité. Il faudra encourager les investissements et les activités commerciales qui créent des emplois et qui génèrent les revenus nécessaires pour compenser le niveau extraordinairement élevé des dépenses publiques pendant la situation d’urgence.

La tâche ne sera pas facile. Au cours des mois et des années à venir, nos concurrents internationaux s’affaireront à attirer des investisseurs et à créer des emplois. Pour assurer la réussite du plan de reprise canadien, nos décideurs devront mettre l’accent tout particulièrement sur les principes économiques de base et sur la promotion de la croissance. Le gouvernement fédéral doit être aussi agile et déterminé dans ses efforts visant à favoriser la croissance économique qu’il l’a été dans sa réaction au virus.

Élaborée en partenariat avec son réseau qui compte plus de 450 chambres de commerce et plus de 100 associations commerciales au pays, la Feuille de route vers la reprise de la Chambre de commerce du Canada définit neuf grands axes stratégiques et des mesures spécifiques que nos dirigeants politiques doivent commencer à envisager pour assurer une reprise durable. Il s’agit des priorités suivantes : remettre les Canadiens au travail; maintenir les chaînes d’approvisionnement et la mobilité des personnes; gérer la dette et les déficits; faire face à la fragmentation à l’échelle mondiale; adopter la technologie et l’innovation; assurer la résilience du secteur des ressources; planifier la continuité des activités des PME; renforcer notre infrastructure de santé publique; et repenser le rôle et les priorités du gouvernement.

Au Canada et dans le reste du monde, cette crise provoquera d’énormes changements sur les plans économique, politique et culturel. Les gouvernements, le milieu des affaires et la société civile devront continuer de travailler en étroite collaboration comme ils l’ont fait pour faire face à la pandémie. Nous demandons au gouvernement de travailler de près avec le milieu des affaires pour élaborer une feuille de route vers la reprise économique. Un plan axé sur la croissance et fondé sur une vaste consultation permettra de libérer le potentiel économique du Canada, de favoriser la création d’emplois et d’inciter les entreprises à recommencer à investir. En travaillant ensemble, nous pourrons tracer une voie vers la reprise qui sera à la fois inclusive, respectueuse de l’environnement et innovatrice.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de nouveau de m’avoir permis de vous rencontrer. J’ai bien hâte de discuter avec vous.

Le président : Je remercie les témoins.

Avant de passer aux questions, j’aimerais dire aux témoins que, s’ils n’ont pas le temps de donner une réponse complète aux questions, le comité leur saurait gré d’assurer un suivi par écrit auprès de la greffière, Maxime Fortin.

Nous allons maintenant passer aux questions. Je rappelle aux sénateurs qu’ils disposent de trois minutes au maximum. Je leur demanderais donc de poser de brèves questions directement aux témoins. Les témoins sont priés de répondre de manière concise. La greffière fera un signal pour montrer que le temps est écoulé, et je passerai ensuite au sénateur suivant.

La sénatrice Marshall : En prévision de la réunion, j’ai consulté vos sites Web, des articles publiés dans les médias et les entrevues que vous avez données. Je pensais que la réouverture de l’économie dans les provinces offrait une lueur d’espoir, mais, après vous avoir entendus, je commence à en douter.

Certaines provinces sont en voie de rouvrir leur économie. Comment les entreprises pourront-elles reprendre progressivement leurs activités si la Prestation canadienne d’urgence reste en place jusqu’au mois de septembre? Pourriez-vous nous dire comment vous allez assurer la transition?

M. Kelly : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. C’est un sujet qui préoccupe de nombreux propriétaires d’entreprises. Mon organisme et un grand nombre d’associations commerciales ont créé des trousses pour conseiller les entreprises qui s’apprêtent à reprendre leurs activités. Pour plusieurs entreprises, il importe avant tout d’assurer la sécurité de leurs employés et de leurs clients. Cela n’est toutefois pas facile, car, à l’instar du système de santé, les petites entreprises ont de la difficulté à trouver de l’équipement de protection individuelle à prix abordable et en quantités suffisantes. C’est une question qui préoccupe au plus haut point de nombreux propriétaires d’entreprises. Ils sont aussi très inquiets au sujet du retour au travail des employés.

Le programme de subventions salariales s’est avéré utile, mais le gouvernement a tellement tardé à annoncer à combien s’élèveraient les subventions en tant que telles que de nombreuses entreprises ont dû licencier leurs employés. Il est maintenant difficile de corriger la situation et de réembaucher les employés mis à pied. De nombreux employés sont réticents à revenir au travail, car ils continuent de toucher la Prestation canadienne d’urgence. Dans certains secteurs de l’économie, le montant de cette prestation est identique ou semblable au salaire que gagnaient les travailleurs. De plus, on dit depuis deux mois aux Canadiens de rester chez eux. Ils sont donc un peu surpris d’être invités à rentrer au travail.

Il faudra un peu de temps et il sera nécessaire de mettre en place des mécanismes pour faire en sorte que, à moins de problèmes de santé pressants, un travailleur ne soit plus admissible à la Prestation canadienne d’urgence si son employeur lui demande de retourner au travail. Il faudra aussi s’assurer que, comme c’est le cas pour le régime d’assurance-emploi, la Prestation canadienne d’urgence cesse d’être versée à une personne uniquement si elle est en mesure de travailler. Ce sont là quelques-uns des facteurs dont il faut tenir compte.

Le président : Messieurs Dorval et Beatty, pourriez-vous répondre à cette question par écrit? Je dois passer aux autres sénateurs. Est-ce d’accord?

M. Beatty : Oui.

M. Dorval : Oui.

Le président : Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci de votre présence parmi nous. Premièrement, monsieur Dorval, j’en profite pour vous remercier, car je viens d’apprendre que vous allez peut-être passer le flambeau sous peu, après 11 années de grande contribution au développement du Québec. Je vous souhaite la meilleure des chances dans votre nouvelle aventure.

Ma question s’adresse à vous. Vous avez beaucoup parlé de l’un des principaux outils, soit la Subvention salariale d’urgence. Ma question a trait à la possibilité d’y apporter certaines modifications, car le programme n’a pas, selon nous, le succès qu’il mérite.

J’ai aussi interpellé des témoins à ce sujet la semaine dernière. Vous avez parlé du seuil d’admissibilité fixé à 30 % de baisse des revenus pour obtenir cette subvention, que je considère comme un programme tout ou rien. Si une entreprise subit une diminution de ses revenus dans une proportion de 29 %, elle n’est pas admissible au programme, alors que, dans le cas d’une baisse de l’ordre de 30 % ou 31 %, elle y devient admissible.

Que pensez-vous de l’imposition d’un seuil d’admissibilité à la Subvention salariale d’urgence fixé en proportion de la perte des revenus des entreprises, afin d’englober les entreprises qui pourraient avoir subi des pertes de revenus moindres que la proportion de 30 % qui est actuellement exigée?

M. Dorval : Je vous remercie de vos bons mots, et aussi d’avoir souligné la transition dans ma carrière.

Pour répondre à votre question de façon plus précise, c’est une excellente idée. D’ailleurs, je pense que nos collègues des chambres de commerce du Canada font proposition similaire. Il faut trouver une façon d’adapter ce seuil en fonction de circonstances spéciales. On comprend que, lorsque le programme a été créé — et c’est compréhensible de l’avoir fait ainsi —, il fallait établir un minimum de critères de sélection, afin qu’il s’applique de manière généralisée d’un océan à l’autre pour répondre à plusieurs besoins.

On assiste aujourd’hui à une reprise des activités, et on sait que les revenus peuvent avoir fluctué. J’ai parlé d’entreprises en démarrage ou d’entreprises qui ont connu un boom au début de l’année 2019, mais il y a également des entreprises qui ont des revenus variables, parce que ces revenus arrivent à différentes périodes pendant l’année. Cela n’est pas nécessairement facile, mais peut-être qu’adapter la formule pour permettre d’offrir la subvention aux entreprises qui touchent ce type de revenus serait une bonne façon de faire.

Il faut tout de même que l’application des critères soit assez simple, tout en tenant compte du fait que les revenus peuvent avoir fluctué très différemment d’un mois à l’autre ou d’une saison à l’autre. On arrive actuellement à la période estivale; certains revenus peuvent être plus ou moins élevés pour des entreprises, selon le cas. Par conséquent, le fait d’adapter cette prestation en fonction des revenus est une excellente suggestion. D’autres moyens peuvent également être envisagés, mais, encore une fois, on peut se mettre dans la peau du gouvernement et imaginer que plus on établit des critères, plus un programme est difficile à administrer.

En résumé, je pense que c’est une excellente suggestion.

[Traduction]

Le sénateur Richards : Je remercie les témoins d’être ici aujourd’hui.

Monsieur Kelly, je pense que vous en avez glissé un mot, mais j’aimerais savoir combien d’entreprises ont dû fermer leurs portes jusqu’ici. Pourriez-vous nous donner une prévision quant au nombre d’entreprises et de millions de dollars qui pourraient disparaître?

Je viens du Nouveau-Brunswick. Je sais que, cet été, l’industrie touristique sera presque totalement paralysée dans cette province. Ce sera aussi le cas à l’Île-du-Prince-Édouard. J’imagine que la petite île de Campobello, qui dépend du tourisme, va tout perdre cet été, tout comme la Nouvelle-Écosse. Je m’interroge sur la situation dans son ensemble. Quand le pays sera de retour sur la bonne voie, combien de milliards de dollars auront été perdus? Je sais que vous ne pouvez pas répondre de façon précise à cette question, mais vous pouvez peut-être avancer une hypothèse. Y a-t-il lieu de s’inquiéter au sujet du remboursement des prêts contractés par des entreprises qui devront fermer leurs portes? Les banques commencent-elles à se comporter comme des usuriers? Je ne tente pas de rejeter le blâme sur qui que ce soit. Quelles sont les projections? Je vous saurais gré de répondre à cette question.

M. Kelly : Bien sûr. Il y a beaucoup à dire à ce sujet. Je suis extrêmement préoccupé, non seulement au sujet de notre capacité de traverser la phase urgente de la pandémie de COVID-19, mais aussi de ce qui se passera tout de suite après. La phase urgente a été très exigeante pour l’industrie touristique. Si elles sont inactives pendant les mois d’été, bon nombre d’entreprises du secteur touristique arriveront à l’automne en très mauvaise posture. Je crains que les faillites surviennent plus tard dans l’année plutôt qu’immédiatement. Compte tenu des données recueillies jusqu’ici, je ne vois pas comment des dizaines de milliers d’entreprises pourraient éviter la faillite d’ici la fin de la crise. Et il s’agit ici d’un scénario optimiste, dans lequel tous les programmes d’aide du gouvernement seraient entièrement mis à profit.

Il y a tellement d’entreprises canadiennes qui dépendent de la présence physique de clients. Même si les gouvernements provinciaux permettent à un plus grand nombre de clients de fréquenter les commerces, il reste à savoir si les consommateurs vont décider de leur plein gré de revenir dans les commerces qu’ils ont fréquentés par le passé.

Je suis profondément inquiet. Des milliers d’entreprises vont probablement faire faillite. Je garde un œil attentif sur les barrières interprovinciales, mais je comprends pourquoi des provinces comme le Nouveau-Brunswick ont décidé de fermer leurs frontières. En même temps, cette situation va causer beaucoup de tort aux entreprises locales qui dépendent des touristes des autres régions du Canada, sans compter ceux qui viennent de l’étranger. C’est donc là une de nos grandes préoccupations.

Pour ce qui est du secteur bancaire, je dois dire que les banques ont agi de façon raisonnablement responsable, mais vous avez tout à fait raison : la crise est encore très loin d’être finie.

Le sénateur Harder : Je remercie les témoins. Ma question s’adresse à M. Perrin Beatty. La Feuille de route vers la reprise que votre organisation a élaborée en collaboration avec des partenaires est extrêmement intéressante. J’aimerais obtenir vos commentaires sur deux aspects. Il s’agit de la nature des consultations qui ont mené à l’élaboration de ce document. J’aimerais savoir si les consultations menées auprès des gouvernements fédéral et provinciaux leur ont permis de comprendre le contenu de la feuille de route et la façon de la mettre en application. À cet égard, je me demande si, selon vous, il y aurait lieu de créer de nouveaux programmes pour favoriser la transition. De toute évidence, les programmes existants sont transitoires, et on n’aura pas les moyens de les maintenir tous en place au cours des prochains mois.

M. Beatty : Monsieur le sénateur, merci beaucoup. Je vais faire de mon mieux pour couvrir toute cette question. Si mon temps de parole le permet, M. Stratton pourra peut-être faire des commentaires sur les consultations qui ont mené à la feuille de route. Nous avons eu de bonnes consultations avec tous les ordres de gouvernement. Les ministres fédéraux et le premier ministre m’ont contacté plus souvent au cours des deux derniers mois qu’au cours des quatre années précédentes. C’est donc très positif. Ce sera essentiel pour l’avenir. Nous devons veiller à ce que l’approche Équipe Canada que nous avons élaborée se poursuive.

Monsieur le sénateur, plus que réexaminer des programmes, il s’agit de réexaminer nos priorités. Nous ne pouvons pas revenir au programme de politique publique qui existait en janvier. Le fait est que l’économie a considérablement souffert, et nous avons maintenant un quart de billion de dollars de dette supplémentaire qui dépendent d’une économie extrêmement affaiblie. Cela signifie que les ordres de gouvernement devront revenir à leur programme de politique publique et faire la différence entre les choses souhaitables et les choses nécessaires. Notre priorité doit être de réduire progressivement l’économie basée sur les subventions et de passer à l’investissement et à la croissance comme moyen de régler cette dette et de créer des emplois.

Cela se fera à différents moments selon les secteurs. Le secteur du tourisme est une illustration parfaite de la situation, car il ne va pas rebondir de sitôt. Nous aurons besoin d’une aide continue dans ce domaine. D’autres secteurs sont plus faciles à remettre sur les rails.

Ce dont on a surtout besoin, c’est d’une étroite collaboration. Il faut encourager les investissements. Il faut stimuler la croissance. Et il faut reconnaître que c’est le secteur privé qui va permettre cela. Par conséquent, tous les ordres de gouvernement devront réexaminer leurs priorités d’avant la COVID et faire la différence entre ce qui est souhaitable et ce qui est essentiel, au cours des prochaines années et pas seulement aujourd’hui.

Si j’ai encore du temps, monsieur le sénateur, je peux peut-être céder la parole à M. Stratton pour qu’il parle des consultations qui ont mené à cette stratégie.

Le président : Je suis désolé, monsieur Beatty. Je dois vous informer que le temps est écoulé.

M. Beatty : Je vous laisse dans l’expectative alors, monsieur le sénateur.

Le président : Pourriez-vous demander à M. Stratton de répondre ou de compléter la réponse par écrit et de faire parvenir le tout à notre greffière?

M. Beatty : Avec plaisir.

Le président : Merci.

Le sénateur Smith : J’ai une question pour M. Beatty. S’il est important de veiller à ce que les entreprises puissent redémarrer, il est tout aussi important que les ménages soient en mesure de soutenir les entreprises à l’avenir, car la consommation est un moteur essentiel de la croissance économique. Pourriez-vous nous parler de la consommation, de votre vision des choses à ce sujet? L’endettement des ménages, le consommateur moyen et où il en est dans la vie, où est-ce que tout cela va nous mener?

M. Beatty : Merci, sénateur. Il va être absolument essentiel de relancer la consommation, qui est exceptionnellement faible en ce moment. Les gens sont très endettés. Ils s’inquiètent pour leur avenir. Ils s’inquiètent pour leur santé. Ils restent chez eux.

Il faudrait commencer par le message envoyé par le gouvernement lui-même et par nous, selon moi. Nous avons adopté, en gros, une approche binaire au cours des deux ou trois derniers mois; c’était : « Restez chez vous ou vous allez mourir. Nous ne pouvons absolument pas vaquer à nos occupations comme d’habitude. »

Tant qu’il n’y aura pas de vaccin distribué à tous, nous devrons vivre avec la maladie. Nous devrons gérer la situation de manière responsable et protéger la santé des gens tout en leur permettant un retour progressif à la normale.

Selon nous, pour commencer, il faut que les gouvernements reconnaissent qu’il n’y a absolument aucune garantie, que nous devons assurer une réouverture méthodique de notre économie et que nous devons permettre aux gens de reprendre leurs activités habituelles. Sinon, les gens se retrouveront sans emploi parce que nous perdrons des dizaines de milliers d’entreprises en plus.

Au cours de la pandémie, nous avons appris à vivre avec elle tout en minimisant ses effets sur la santé, mais aussi en sortant de chez nous et en nous livrant à des activités ordinaires.

Le but pour les familles doit être le même que celui pour les entreprises. Nous devons les aider à court terme pour traverser cette crise et les rendre autosuffisantes et en mesure de générer les revenus dont elles auront besoin pour survivre après. Par conséquent, nous devons relancer notre économie par étape.

Le sénateur Smith : Monsieur Beatty, en ce qui concerne la nouvelle normalité — et nous ne saurons pas ce qu’est cette nouvelle normalité tant que nous ne l’aurons pas vécue —, quand on voit les mises à pied dans les grandes et petites entreprises partout au Canada, on ne peut s’empêcher de penser que notre manière de faire des affaires fera de plus en plus appel à la haute technologie. Avez-vous des inquiétudes quant aux biens immobiliers au Canada à l’avenir? Vous pourriez peut-être nous mettre cela par écrit, ce serait fantastique. Qu’en sera-t-il des espaces de bureau?

Le président : Monsieur Beatty, je vous demanderai de répondre à cette question par écrit.

M. Beatty : Avec plaisir. Merci, sénateur.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Dorval. Le premier ministre a annoncé la semaine dernière qu’il octroyait 10 jours de congé de maladie aux travailleurs canadiens à titre de mesure préventive.

Dix jours multipliés par environ 15 millions de travailleurs permanents au Canada, disons à 100 $ par jour, cela représente 15 milliards de dollars. Je ne sais pas si M. Trudeau a fait le calcul; probablement pas. Selon vous, qui va payer? Les entreprises ont-elles les moyens d’absorber les coûts associés à ces 10 nouveaux jours de congé de maladie?

M. Dorval : Merci, sénateur. C’est une excellente question. On peut aussi le voir autrement. Si on prend 10 jours ouvrables de congé au cours d’une année, qui comprend environ 200 jours ouvrables, cela représente presque 4 p. 100 du PIB. C’est énorme. Bien sûr, quelqu’un va devoir payer, car les sommes sont faramineuses. Ce qu’on a compris de la part du premier ministre, c’est qu’il y aura des discussions avec les provinces. On comprend son intention. Une personne — surtout si on pense à la possibilité d’une deuxième vague de la COVID-19 — pourrait se présenter au travail, même si elle a des symptômes de la COVID-19, parce qu’elle a besoin de son salaire. Cela signifie qu’une contamination est possible dans les milieux du travail.

Nous sommes d’avis qu’il faut, d’abord et avant tout, mettre en place des mesures de protection dans les milieux de travail. S’il fallait faire un appel général à la grandeur du Canada, et particulièrement au Québec, ce serait de miser sur l’innovation pour être en mesure d’offrir rapidement des tests de dépistage de masse dans les milieux de travail pour diagnostiquer les risques de contamination, plutôt que de travailler sur la conséquence, qui est de rétribuer des gens qui sont atteints d’une maladie.

Cela dit, pour ce qui est des 10 jours de congé, on sait qu’au Québec il y a déjà des normes du travail. C’est la même chose à l’échelle fédérale, dans chacune des provinces. Des journées de congé de maladie payées font partie des normes de travail au Québec. Une troisième journée de congé peut être prise aux frais de l’employé. Le programme d’assurance-emploi comprend une section sur l’assurance maladie après une période d’attente. Il y a aussi plusieurs emplois qui offrent des avantages sociaux supplémentaires. Si on calcule tout ce qui existe déjà dans le panier, il y a d’autres façons de faire que d’instaurer 10 jours de congé obligatoires. Dans tous les milieux où il y a 10 jours de congés de maladie, les gens prennent tous les congés ou presque tous leurs 10 jours de maladie, qu’ils soient malades ou non. Cela devient alors un élément des avantages sociaux. Le risque de glissement est donc énorme. Il y a un coût lié à tout cela, pas seulement en ce qui a trait au salaire, mais aussi à la disponibilité de la main-d’œuvre pour les employeurs.

Le président : Merci, monsieur Dorval.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup à nos invités. J’ai deux questions, soit une pour M. Dorval et une autre pour M. Kelly. Monsieur Dorval, vous avez cosigné, avec des représentants d’organisations des milieux sociaux et environnementaux, une lettre à l’intention du premier ministre du Québec qui fait référence à une relance économique solidaire, prospère et verte. Pouvez-vous donner deux exemples de mesures que vous préconisez et nous les présenter?

[Traduction]

Monsieur Kelly, quelque 42 % de nos membres s’inquiètent des équipements de sécurité et de protection personnelle, à cause de la mondialisation. Pouvez-vous nous parler de vos inquiétudes et nous dire si la mondialisation y joue un rôle et si nous ne devrions pas produire ces choses chez nous?

[Français]

M. Dorval : Premièrement, dans notre feuille de route, que nous avons rendue publique le 20 avril dernier, on conclut en disant qu’une relance économique sécuritaire et durable doit comprendre une perspective à plus long terme, pas seulement sur le plan économique au sens traditionnel du terme, mais elle doit également viser à réduire les externalités négatives sur le plan environnemental, y compris des éléments comme les aspects sociaux. C’est vraiment la caractéristique au Québec d’engager un dialogue social établi. Le CPQ fait partie d’un groupe formé de divers intervenants syndicaux, sociaux et communautaires. Nous avons adopté une approche pour nous assurer que cette relance économique soit non seulement sécuritaire et économiquement rentable, mais aussi durable dans le temps. Par exemple, tous les investissements visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre pourraient faire partie des priorités, parce que cela aura un double impact : créer de l’activité économique et réduire les externalités négatives, qui représenteront une dette pour les années à venir.

Deuxièmement, comment peut-on faciliter davantage la production locale et la destination des biens vers des consommateurs ou des clients locaux? Pour ce faire, il faudra mettre en place une infrastructure logistique mutualisée, d’une certaine façon, qui permettra à ces produits d’être acheminés aux consommateurs à moindre coût pour faire davantage concurrence aux produits qui viennent de l’extérieur. Cela comprend le programme Mon panier vert, qui vise à réduire l’écart de coûts qui existe pour les produits fabriqués ici par rapport aux produits provenant de l’extérieur, en tenant compte des coûts du carbone liés au transport de longue distance. Nous avons proposé plusieurs initiatives qui pourraient favoriser le développement économique et communautaire.

[Traduction]

Le président : Monsieur Kelly, je vous demanderai de répondre par écrit.

La sénatrice M. Deacon : Merci à tous d’être présents ici, aujourd’hui. J’aimerais poser une question à l’honorable Perrin Beatty [Difficultés techniques]...

Maxime Fortin, greffière du comité : Sénatrice Deacon, nous ne vous entendons pas.

La sénatrice M. Deacon : Mes excuses. Je vais d’abord poser ma question à l’honorable Perrin Beatty, mais les autres peuvent aussi y répondre parce que je vais commencer par un sondage. En avril, Statistique Canada et la Chambre de commerce du Canada ont réalisé un sondage sur plus de 12 600 entreprises qui a montré que le confinement avait eu et continue d’avoir des effets disproportionnés sur les entreprises dirigées par des femmes, des Autochtones, des minorités visibles, des immigrants et des personnes souffrant de handicaps. Pour commencer, j’aimerais savoir pourquoi c’est le cas, en dehors des raisons évidentes, parce qu’il y a toujours de la discrimination systémique au Canada, c’est évident. Un client fait rarement affaire directement avec le propriétaire. Je ne pense donc pas que les gens évitent, consciemment ou pas, les entreprises dirigées par des minorités. S’agit-il, par exemple, de l’accès au crédit? Ou peut-être que les règles du jeu ne sont pas équitables? J’aimerais savoir, à ce sujet, sur quoi nous devons concentrer nos efforts en vue de la relance?

M. Beatty : Merci, sénatrice. La maladie s’en prend à tout le monde, quel que soient la couleur, la race ou quoi que ce soit d’autre. Nous avons cependant découvert qu’elle avait un effet disproportionné sur les petites entreprises. Les catégories dont vous parlez sont représentées de manière disproportionnée dans les petites et moyennes entreprises. Nous avons découvert que les petites et moyennes entreprises au Canada et dans le monde entier sont celles qui sont le plus sévèrement touchées. Ce sont celles qui ont le moins de capitaux pour affronter une crise et souvent, n’ont pas beaucoup de liquidités pour ce faire. Souvent, elles n’ont pas de plan d’urgence au cas où parce qu’elles consacrent tellement d’énergie à se maintenir à flot qu’elles ne font pas de planification comme les grandes entreprises peuvent le faire. Beaucoup d’entre elles, par ailleurs, opèrent dans des secteurs durement touchés, comme le commerce de détail, la restauration, le tourisme en général. Ce sont des secteurs où les catégories que vous avez mentionnées sont grandement représentées. Ils sont très touchés en ce moment et nous avons besoin de stratégies qui les aideront et qui aideront les petites et moyennes entreprises en particulier.

M. Kelly : M. Beatty l’a très bien dit. Les segments de la population dont vous avez parlé sont les propriétaires de petites entreprises et les petites entreprises ont été durement touchées par la crise. Les gouvernements ont pris des mesures spéciales pour les aider, mais il reste encore beaucoup à faire.

Le sénateur Klyne : Je souhaite la bienvenue à nos invités et à nos témoins. Ma question s’adresse aux représentants de la Chambre de commerce du Canada, qui a récemment mené l’Enquête canadienne sur la situation des entreprises, en collaboration avec Statistique Canada, pour mesurer l’ampleur des répercussions de la COVID-19 sur les entreprises. Votre enquête a révélé que seulement 62 % des entreprises avaient déclaré qu’elles pourraient rouvrir ou reprendre leurs activités normales moins d’un mois après l’élimination des mesures de distanciation sociale. Le directeur parlementaire du budget a indiqué qu’il faudra une reprise rapide si on veut espérer avoir des perspectives favorables pour le troisième trimestre. Certaines régions ont commencé à assouplir graduellement les mesures de confinement un mois plus tôt que prévu.

Un mois à peine nous sépare du troisième trimestre. Dans les circonstances actuelles, pensez-vous que 62 % des entreprises pourront être opérationnelles avant le début du troisième trimestre? À votre avis, quel rôle le gouvernement pourrait-il jouer pour aider les 38 % qui restent qui ont besoin de plus de temps pour reprendre leurs activités le plus rapidement possible?

M. Beatty : Merci, sénateur. Effectivement, ces entreprises peuvent reprendre leurs activités, mais elles ne fonctionneront pas à plein rendement. Nous sommes actuellement sur le terrain et nous réalisons une enquête de suivi. À mon avis, cette enquête révélera entre autres que les dégâts sont plus importants que ce qu’on pensait. Nous avons suivi l’évolution de la situation à partir de la fin du mois de mars. Nous en étions à la deuxième semaine du confinement. Je pense que nous allons constater que la situation a causé bien du tort et que le redémarrage sera plus lent que prévu. Ceux qui pensent que la reprise économique sera en forme de V se trompent royalement. Il faudra tout d’abord mettre au point une stratégie de réouverture uniforme à l’échelle des provinces et des territoires et, surtout, rassurer la population. Les travailleurs et les clients doivent savoir qu’il est de nouveau sécuritaire de faire des affaires. Nous avons besoin d’une stratégie à cet effet. Le gouvernement doit faire savoir aux gens qu’ils ne pourront pas rester confinés jusqu’à ce qu’il y ait un vaccin. Nous devons retourner graduellement à notre vie normale. Nous devons gérer la maladie au lieu de simplement rester enfermés.

Plus vite nous procéderons à une réouverture méthodique de notre économie, plus vite les entreprises pourront être opérationnelles. Chose certaine, il faudra mettre en place des mesures adaptées aux besoins des entreprises pour aider certains secteurs à se relever. N’empêche que l’essentiel est d’avoir une stratégie et des échéanciers et de procéder de façon méthodique tout en accordant la priorité à la santé.

La sénatrice Pate : Ma question s’adresse à M. Perrin Beatty et peut-être aussi à M. Stratton. J’aimerais revenir à la question du sénateur Richards et à la réponse que vous avez donnée au sénateur Harder.

Nous savons qu’avant l’arrivée de la COVID-19, le tourisme était le cinquième secteur économique en importance. Il était évalué à quelque 102 milliards de dollars par année et employait 1,8 million de Canadiens. Selon une déclaration de la Chambre de commerce du Canada, 42 % des entreprises des secteurs de l’hébergement et de la restauration ont vu leurs recettes diminuer de plus de 50 %, par rapport à 26 % de toutes les entreprises.

Alors que les pays assouplissent les restrictions concernant les voyages à temps pour la saison touristique, de nombreuses destinations ont mis en place des mesures pour inciter les touristes à voyager de nouveau. Par exemple, Las Vegas propose des vols gratuits, le Japon offre des bons d’achat à dépenser dans les restaurants locaux, et la Sicile propose de couvrir une partie du coût des billets d’avion et des hôtels. C’est certainement attrayant.

A-t-on pensé à l’industrie touristique canadienne, durement touchée, et à la façon dont on attirera les touristes au Canada une fois que nous aurons commencé à assouplir les restrictions à la frontière et les mesures d’éloignement physique?

M. Beatty : C’est une très bonne question, sénatrice. Je n’ai pas encore vu de stratégie dans ce sens. En fait, le gouvernement du Canada conseille encore aux Canadiens d’éviter les voyages à l’étranger. Des restrictions visant les déplacements entre les provinces sont toujours en vigueur. Les gouvernements nous implorent de rester à la maison. Il faut reconnaître que le secteur dont vous parlez a été le tout premier à être touché par la récession. Habituellement, on dit premier arrivé, premier sorti, mais dans ce cas-ci, ce sera le dernier secteur à s’en sortir.

Dans le secteur de la restauration, la marge de profit d’un restaurant varie généralement de 4 à 6 % lorsque les choses vont bien. Par conséquent, si on réduit la clientèle de moitié pour des raisons de distanciation sociale, il n’y a pratiquement aucun plan d’entreprise qui parviendra à assurer la survie d’un restaurant dans de telles conditions.

Si on pense aux compagnies aériennes ou aux hôtels, même si le gouvernement annonçait aujourd’hui qu’il éliminait toutes les restrictions, il leur faudrait des semaines pour réembaucher le personnel, s’approvisionner et commercialiser leurs produits, pour commencer à vendre des billets ou des réservations. Ce dont nous avons désespérément besoin maintenant, si nous voulons sauver une partie de la saison touristique, c’est d’un plan de déconfinement et d’un calendrier — un plan qui place la santé publique avant tout, mais qui précise que nous ne pouvons pas rester confinés indéfiniment. Nous devons permettre aux Canadiens de retrouver un semblant de vie normale et tout mettre en œuvre pour que l’économie prenne du mieux.

La sénatrice Duncan : Je voudrais remercier la sénatrice Pate pour sa question concernant le secteur du tourisme et peut-être recommander que le comité convoque l’Association de l’industrie touristique du Canada afin de discuter d’un plan. On pourrait encourager les Canadiens à découvrir d’abord leur propre pays.

M. Beatty souhaitera peut-être répondre à ma question par écrit. J’aimerais obtenir des précisions. Il a parlé d’une Feuille de route vers la reprise qui vise à assurer la résilience du secteur des ressources. Il a aussi été question des relations étrangères. Je me demande si la Chambre de commerce du Canada a abordé la question ou a eu une discussion sur les ressources et les mines dans le Nord qui sont désormais détenues par des intérêts étrangers. Si cela permet de faciliter la discussion d’aujourd’hui, j’aimerais bien avoir cette réponse par écrit. Je tiens également à remercier les témoins pour leur présence et leur témoignage.

Le président : Je vous remercie, sénatrice Duncan. Monsieur Beatty, nous allons attendre votre réponse par écrit.

M. Beatty : Je le ferai avec plaisir, sénateur.

Le président : Merci, monsieur. Honorables sénateurs, je demanderais aux sénateurs Loffreda, Gagné et Martin de regarder la feuille de route dont la sénatrice Duncan a parlé et de transmettre vos questions par écrit aux témoins, qui nous reviendront avec une réponse.

[Français]

Le sénateur Loffreda : Ma question s’adresse à M. Dorval, du Conseil du patronat du Québec. Premièrement, félicitations et bravo pour votre travail et bon succès pour l’avenir. Comment voyez-vous le fait que plusieurs employeurs vont maintenant autoriser le télétravail, même après la pandémie? Cela aura certainement un effet sur notre économie. J’ai bien aimé vos mesures de relance pour notre économie; est-ce que vous avez proposé des mesures pour le télétravail et ses répercussions sur notre économie? Il est évident que, si les gens travaillent de chez eux, ils ne sortent pas et ils ne consomment pas. On aurait cru qu’ils seraient moins efficaces et plus heureux, mais c’est le contraire, ils sont moins heureux et plus efficaces. Je crois qu’il y aura des répercussions à long terme. Ce serait intéressant d’avoir vos impressions et celles des autres témoins. Avez-vous des idées de mesures de relance pour ce problème potentiel, qui risque d’avoir un impact sur notre économie?

[Traduction]

Le président : Je demanderais donc à nos trois témoins d’envoyer leurs réponses par écrit.

[Français]

La sénatrice Gagné : Merci aux témoins. Ma question, tout compte fait, est assez courte, et j’ai hâte d’entendre vos réponses. Elle a trait aux différentes mesures économiques qui devraient être employées pour déterminer à quel moment les gouvernements devraient commencer à réduire leurs dépenses relatives à la pandémie. À l’heure actuelle, on sait très bien que le Canada et les provinces se préparent pour une relance économique. De plus, le poids des finances publiques pèse énormément sur les provinces, les villes et le Canada.

Quelles mesures économiques devraient être employées pour déterminer le moment où on devrait commencer à réduire les dépenses?

Le président : Cette question s’adresse-t-elle aux trois témoins, sénatrice Gagné?

La sénatrice Gagné : Cette question s’adresse à tous les témoins. J’aimerais avoir au moins une réponse, ce serait très apprécié.

Le président : Je demanderais donc aux témoins de répondre par écrit, s’il vous plaît.

[Traduction]

La sénatrice Martin : Je tiens à remercier nos témoins. Ma question s’adresse à vous tous et porte sur la composition de vos organisations. J’aimerais savoir si vos organisations regroupent des membres des communautés ethniques, étant donné qu’ils sont très nombreux partout au pays à exploiter des petites entreprises et des microentreprises. Voilà pour ma première question.

En ce qui concerne l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial, je sais que le nombre de demandes n’a pas été très élevé et que le processus a été long. Cela devait faire l’objet de discussions avec les provinces et les territoires. Par exemple, à Vancouver, les entreprises paient entre 10 000 et 12 000 $ par mois en loyer. C’est clairement un problème, et je voulais entendre vos recommandations sur ce qui doit être fait pour y remédier.

Le président : Merci, sénatrice Martin. Heureusement, nos trois invités répondront par écrit à votre question.

D’ailleurs, nous tenons à vous remercier d’avoir pris le temps de témoigner et de nous avoir fait part de vos feuilles de route et de votre vision. Nous avons une chose en commun; notre comité mise avant tout sur la transparence, la reddition de comptes, la prévisibilité et la fiabilité. Il s’agit de notre mandat à l’égard de tous les Canadiens.

Honorables sénateurs, participants et téléspectateurs de partout au pays, nous allons maintenant accueillir notre deuxième groupe de témoins, qui représentent le secteur des transports.

Tout d’abord, nous accueillons M. Mike McNaney, président et chef de la direction du Conseil national des lignes aériennes du Canada; M. Stephen Laskowski, président de l’Association canadienne du camionnage; et enfin, M. Joseph Sparling, membre du conseil d’administration de la Northern Air Transport Association et aussi président d’Air North, Yukon’s Airline. Je souhaite la bienvenue à tous les témoins et je vous remercie d’avoir accepté de comparaître aujourd’hui.

Nous allons commencer par M. McNaney, suivi de MM. Laskowski et Sparling. Monsieur McNaney, la parole est à vous.

Mike McNaney, président et chef de la direction, Conseil national des lignes aériennes du Canada : Merci, monsieur le président. Je remercie d’abord le comité de l’invitation à témoigner aujourd’hui dans le cadre des réunions qu’il tient sur la pandémie. Mon exposé sera bref.

Le Conseil national des lignes aériennes du Canada représente les plus grands transporteurs aériens du pays, à savoir Air Canada, Air Transat, Jazz Aviation S.E.C. et WestJet. Nous préconisons les voyages aériens sûrs, durables et concurrentiels en plaidant en faveur de l’élaboration de politiques, de règlements et de lois qui contribuent à un système de transport de classe mondiale. Collectivement, nos compagnies aériennes membres ont transporté plus de 80 millions de passagers en 2019 et ont employé directement plus de 60 000 personnes. Elles constituent un élément essentiel du secteur global du transport aérien et du tourisme au Canada, qui soutient plus de 630 000 emplois.

Notre industrie est effectivement ébranlée par les répercussions de la pandémie. Nous n’avons jamais affronté une telle crise. En ce moment, la capacité a été réduite d’environ 95 %. Des appareils d’une valeur de plus de 10 milliards de dollars sont actuellement cloués au sol. Des milliers d’emplois, directs et indirects, ont été touchés. Les revenus ont pratiquement disparu, et les transporteurs doivent dépenser des fonds à un rythme insoutenable. Bien sûr, nous ne savons pas vraiment quand la situation pourrait commencer à s’améliorer ni quelle forme prendra la relance.

Une industrie aérienne canadienne forte est essentielle à la reprise économique globale du pays. Nous représentons des dizaines de milliers d’emplois dans toutes les régions du Canada, dans de petites localités et de grandes villes. Bien sûr, nous soutenons aussi des emplois dans tous les secteurs de l’économie.

L’importance stratégique de l’aviation repose sur sa capacité bien établie à soutenir et favoriser la croissance dans tous les secteurs de l’économie. Des pays des quatre coins du monde ont reconnu ce fait. Ils ont annoncé diverses initiatives au fil des derniers mois pour appuyer le secteur précisément parce qu’ils compteront sur l’aviation pour jouer un rôle essentiel dans la reprise économique.

Au Canada, l’industrie salue les mesures que le gouvernement a mises en place, y compris le programme de subvention salariale et le Crédit d’urgence pour les grands employeurs. Les transporteurs aériens étudient individuellement le crédit et détermineront leur façon de procéder.

Il est important de noter qu’au début de 2020, après des années d’investissements soutenus dans l’achat de nouveaux appareils, l’établissement de nouveaux trajets et l’augmentation de la fréquence des vols vers les petites et grandes localités partout au pays, notre économie profitait d’un réseau aérien plus fort que jamais, autant entre les régions du Canada qu’avec le monde, et donc des avantages sociaux et économiques qu’un tel réseau permet. Cette expansion a nécessité des investissements avisés de milliards de dollars dans les immobilisations, les employés, les activités et les fournisseurs, et ce, dans toutes les régions du pays.

Si nous sommes plongés dans cette crise financière aujourd’hui, ce n’est pas à cause de mauvaises décisions que les compagnies auraient prises. Les difficultés financières ne sont pas nées du rejet par les consommateurs de leurs produits ou services. Si nous sommes plongés dans cette crise, c’est en raison du chaos économique causé par la pandémie ainsi que de la fermeture des frontières et de l’imposition de restrictions de voyage. L’aviation a été particulièrement touchée parce que ce secteur nécessite une très grande concentration de capitaux en plus d’être fortement réglementé pour des raisons évidentes liées à la sécurité et aux conditions opérationnelles. Bref, il est dispendieux d’évoluer dans le milieu de l’aviation. Comme l’a démontré l’exemple des autres pays du G7 et de nos partenaires commerciaux partout dans le monde, l’industrie ne traversera pas cette crise sans précédent sans une aide gouvernementale.

À ce sujet, les pressions financières s’accentuent maintenant sur le secteur. En raison d’une chute sans précédent des voyages aériens et des pertes de revenus qui en découlent, NAV CANADA a publié une proposition qui prévoit une augmentation de 29,5 % des tarifs pour les services de navigation, et les autorités aéroportuaires ont annoncé des hausses marquées des frais d’amélioration aéroportuaires.

En vue de tracer la voie à suivre pour l’aviation, l’industrie se concentre sur une série de facteurs, notamment les travaux menés par l’Organisation de l’aviation civile internationale sur les principes que les pays devraient respecter pour relancer le secteur, y compris au sujet des restrictions touchant les voyages et les frontières, et le plan d’action clair de l’Union européenne pour favoriser la reprise des activités aériennes.

En conclusion, nos membres sont déterminés à travailler avec le gouvernement pour appuyer un processus permettant à l’aviation de reprendre son rôle, c’est-à-dire soutenir des centaines de milliers d’emplois dans de petites et grandes localités de partout au Canada, favoriser la croissance économique et l’établissement de liens entre les régions du pays et avec le monde, et contribuer fortement à la relance globale à la suite de la pandémie.

Merci de l’invitation à témoigner aujourd’hui. Je répondrai avec plaisir aux questions.

Stephen Laskowski, président, Alliance canadienne du camionnage : Merci beaucoup de l’invitation à témoigner aujourd’hui. Je vais d’abord présenter rapidement l’Alliance canadienne du camionnage.

L’alliance représente environ 5 000 entreprises de camionnage d’un océan à l’autre. Nous représentons toutes les associations provinciales de camionnage de l’ensemble des provinces. Notre conseil d’administration est composé de 70 dirigeants ou propriétaires de partout au pays.

Avant de brosser le portrait de la situation dans l’industrie et de présenter nos demandes pour l’avenir, je tiens à remercier le gouvernement du Canada pour son appui extraordinaire envers notre secteur tout au long de la crise de la COVID-19. De multiples ministères et ministres ont contribué au maintien des activités de l’industrie pendant la crise. Je remercie en particulier le ministre Garneau, son équipe et les fonctionnaires de Transports Canada. J’insiste sur l’appui extraordinaire qu’ils ont offert à notre secteur et à notre alliance tout au long de la crise.

En ce qui concerne les conditions économiques de l’industrie et ses activités pendant la pandémie de COVID-19, je pense que vous êtes nombreux à être au courant de la vague de soutien manifestée par le gouvernement, les médias et le grand public. Les services rendus par le secteur et, plus précisément, les vaillants camionneurs et camionneuses qui continuent leur travail pendant la crise ont été salués.

Comme je l’ai déjà dit, cet appui a été extraordinaire, et il visait les camionneurs et camionneuses qui contribuent au maintien des activités au Canada malgré la crise de la COVID-19.

Cela dit, dans tout ce mouvement de soutien, une perception erronée ou un malentendu s’est peut-être glissé dans les esprits. On a cru que notre industrie n’était pas touchée par la crise. C’est loin d’être le cas. Notre industrie repose sur la demande. Si l’économie ralentit et s’enrhume, nous attrapons une pneumonie. C’est ce qui s’est passé dans une grande partie du secteur.

L’Alliance canadienne du camionnage a mené une enquête sur les conditions d’affaires. De 100 à 110 transporteurs y ont participé; ils représentent environ 70 000 employés de partout au pays.

Selon cette enquête sur les conditions d’affaires, les entreprises de camionnage ont enregistré une perte de revenus moyenne de 27 à 35 %. Certaines ont dû fermer leurs portes. Comme vous venez de l’entendre des représentants de l’industrie aérienne et du secteur automobile, les ralentissements dans ces milieux se répercutent dans le nôtre.

Pour les transporteurs, les voyages à vide ont augmenté de 300 %. Les camions génèrent des revenus en transportant des produits. Les voyages à vide sont les trajets où il n’y a rien dans la remorque. Une hausse de 300 % veut dire qu’ils sont 300 % plus fréquents que la moyenne. Les voyages à vide représentent généralement de 8 à 9 % des trajets. Les coûts sont donc les mêmes, mais c’est une autre histoire pour les revenus.

En ce qui concerne les clients, ils sont aussi touchés par les répercussions de la crise. Nous en sommes bien conscients. Lorsque les temps sont durs pour nos clients, les délais de paiement s’allongent. Plus de 63 % de nos transporteurs doivent composer avec le prolongement des délais de paiement de la part de leurs clients.

Pour résumer, les entreprises de camionnage de partout au pays éprouvent de grandes difficultés de liquidités. Tout comme les compagnies aériennes l’ont fait, nous aimerions remercier le gouvernement. Il a mis en place plusieurs mesures qui ont aidé le milieu des affaires.

En ce qui concerne la Subvention salariale d’urgence du Canada, le premier ministre a parlé d’une deuxième ronde. Il a aussi affirmé que le gouvernement du Canada est disposé à entendre des propositions de modification au programme.

Au sujet de notre proposition, comme je l’ai déjà dit, les pertes de revenus de beaucoup d’entreprises de camionnage se situent juste en deçà du seuil d’admissibilité de 30 %. Nous aimerions que le gouvernement du Canada ajoute un aspect proportionnel au programme, c’est-à-dire qu’il abaisse le seuil sous les 30 %, ou peu importe le pourcentage, et qu’il établisse le montant de l’aide en conséquence. Ainsi, la subvention offerte serait proportionnelle au niveau de diminution des revenus, et ces entreprises auraient accès au programme.

En ce qui concerne les camionneurs du pays, nous avons aussi une demande à présenter en leur nom. Alors qu’ils sont nombreux à continuer leur travail pendant la crise de la COVID-19, nous avons tous vu la fermeture de stations-service, de haltes routières et de restaurants. La situation ne se limite pas au Canada, mais s’étend aussi dans l’ensemble des États-Unis. Ces camionneurs doivent composer avec une hausse de 50 à 80 %...

Le président : Merci, monsieur Laskowski. Nous avons votre exposé, et il sera ajouté à votre témoignage d’aujourd’hui sur notre site Web. Je dois maintenant céder la parole à M. Sparling, puis nous passerons aux questions.

Joseph Sparling, membre du conseil d’administration, Northern Air Transport Association : Je m’appelle Joe Sparling, d’Air North, la compagnie aérienne du Yukon. Je suis ici au nom de la Northern Air Transport Association, un groupe commercial qui représente les transporteurs aériens du Nord.

J’aimerais d’abord vous présenter quelques statistiques pour mettre les choses en perspective. Les territoires occupent plus de 40 % de la masse terrestre du Canada, mais comptent seulement environ 0,3 % de la population canadienne. Un service aérien régulier dessert 65 collectivités, dont beaucoup ne sont pas accessibles par voie terrestre. Il y a uniquement 11 pistes d’atterrissage pavées dans l’ensemble du Nord. Nous fournissons des services de tous genres, notamment le transport de passagers et des services d’évacuation sanitaire, ainsi que la livraison de nourriture, de biens de consommation, de matériaux de construction et de carburant pour les véhicules, le chauffage et la production d’énergie. Nous fournissons des services régionaux à partir de bases un peu partout dans le Nord grâce aux routes d’accès reliant les capitales territoriales aux villes de correspondance du Sud du Canada.

Ensemble, nous veillons au transport de plus de 600 000 passagers et de plus de 50 millions de livres de marchandises chaque année. Nous employons plus de 2 000 personnes, dont bon nombre sont des habitants du Nord. Beaucoup de compagnies aériennes du Nord appartiennent à des intérêts locaux et représentent plus de 100 millions de dollars d’investissement autochtone.

Étant donné que nos services sont essentiels aux collectivités que nous desservons, nous avons eu de la difficulté à réduire notre capacité pendant la crise de la COVID-19. En effet, nous devions veiller au transport essentiel de marchandises et de passagers nécessitant des soins médicaux, en plus de fournir aux communautés les nécessités de la vie quotidienne. Dans notre cas, une réduction de 95 % de la demande de transport pour les passagers nous a uniquement permis de réduire nos activités de 77 %.

Les trois gouvernements territoriaux, ayant reconnu la nature essentielle des services que nous offrons, n’ont pas tardé à demander au gouvernement fédéral de nous offrir du financement par l’entremise du programme d’aide pour les services aériens essentiels du Nord.

Le programme d’aide pour les services aériens essentiels et la Subvention salariale d’urgence du Canada sont tous deux avantageux pour nous. Nous sommes reconnaissants au gouvernement de son aide, mais nous savons que nous continuerons de souffrir des répercussions de la COVID-19 et que nous aurons besoin d’un financement prolongé. Puisqu’il y a moins de circulation aérienne, les vols que nous offrons génèrent moins de contributions au titre des frais généraux, et puisqu’il y a moins de vols, nos frais généraux sont à la baisse. Nous faisons tous de notre mieux pour réduire les frais généraux autant que possible, mais nous avons tout de même eu un manque à gagner important, avant de recevoir l’aide du gouvernement, que nous ne pouvions soutenir que pendant quelques mois et non pendant des années.

Devant cette situation, il n’y a que quatre options : la réduction de nos activités volontairement par une vente ou une fusion, ou involontairement par une procédure de faillite; une augmentation considérable des prix; la prolongation ou l’élargissement des programmes d’aide; la mise au point de stratégies visant à accroître l’efficacité du transport des marchandises, à augmenter le nombre de vols et à réduire les coûts.

Pour les habitants du Nord, la fermeture de notre entreprise n’est pas une bonne option, et une augmentation des prix permettant de compenser les pertes actuelles n’en est pas une non plus, parce que de nombreux résidants du Nord ne peuvent pas se déplacer en voiture ou en train s’ils n’ont pas les moyens de prendre l’avion. Une aide financière accrue serait utile, mais quelle portion de ce fardeau pouvons-nous imposer aux contribuables actuels et futurs?

Nous ne pouvons pas recevoir d’aide financière indéfiniment, et il faudra patienter encore longtemps avant qu’il y ait une reprise de la demande de transport aérien. Dans le Nord, il nous faut trouver des façons de devenir autosuffisants après la pandémie, et d’en faire davantage avec l’aide financière qui nous est accordée en cette période de crise. Le regroupement d’entreprises permettrait d’accroître l’efficacité du financement dans le Centre et l’Est de l’Arctique.

L’augmentation de la circulation sur les routes d’accès est un autre moyen qui aurait un effet semblable sur le soutien financier dans les trois territoires. Les routes de connexion ou d’accès font partie intégrante du réseau de routes dans le Nord. Grâce au partage des infrastructures et d’autres coûts indirects, l’augmentation de la circulation aérienne sur ces routes permet de garantir la viabilité des routes régionales et d’établir de meilleurs prix. On peut dire sans se tromper qu’il y a un interfinancement important entre le transport sur les routes d’accès du Nord et les routes régionales du Nord.

Le transport sur les routes d’accès nous permet d’acquitter environ 80 % de nos coûts indirects. Ainsi, la perte de 95 % de la demande de transport aérien a eu des conséquences évidentes et importantes sur les recettes que nous percevons pour couvrir ces coûts indirects.

Une économie saine et prospère a permis de soutenir un marché concurrentiel aux prises avec un recul de plus de 50 ans en matière de trafic aérien, mais la concurrence des routes menant aux points d’entrée a fait grimper de plus de 30 % l’aide financière dont nous avons besoin.

La COVID-19 a eu pour effet de ramener l’industrie du transport aérien dans le Nord à une époque où l’intervention du gouvernement était normale et nécessaire pour assurer la viabilité des services. Si, dans notre industrie, nous détenions 100 % du marché sur les routes d’accès, nous serions en mesure de rembourser la totalité de l’aide financière que nous avons reçue et de créer par le fait même des possibilités de financement pour d’autres entreprises en difficulté.

Même si peu de gens souhaiteraient revenir à un contexte de réglementation, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Qu’il s’agisse d’une intervention temporaire du gouvernement ou d’un assouplissement des politiques anticoncurrentielles afin que les transporteurs aériens puissent résoudre eux-mêmes leurs problèmes financiers, ou une combinaison de ces deux solutions, des mesures doivent être prises pour que l’industrie aérienne du Canada soit en mesure de mener ses opérations de manière durable et à une plus petite échelle, tout en continuant de fournir des services essentiels à toutes les régions du pays.

Le président : Merci beaucoup à tous les témoins.

Nous passons maintenant aux questions.

La sénatrice Marshall : Ma question s’adresse à M. McNaney, du Conseil national des lignes aériennes du Canada.

J’ai pris connaissance de la diminution du nombre de vols et de passagers à différents aéroports un peu partout au pays. Alors que l’économie redémarre, le gouvernement mettra bientôt un terme à l’aide financière qu’il fournit.

Comment les membres de votre organisme s’y prendront-ils pour encourager les gens à voyager de nouveau? Ces derniers ont un peu peur; il faudra les convaincre de reprendre leurs déplacements, surtout au pays même. Pouvez-vous répondre à cette question?

M. McNaney : Merci de votre question. Pour y répondre, je dirai qu’il y a diverses facettes. Vous en avez entendu parler brièvement plus tôt, lors du témoignage de M. Beatty.

Il faudra faire quelque chose relativement aux mesures frontalières et aux restrictions de voyage. Il faut établir un climat qui inspire les gens au voyage en retirant les restrictions imposées.

Dans ma déclaration préliminaire, j’ai dit que nous nous intéressions particulièrement au travail effectué par l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’entité des Nations Unies. Hier, elle a publié un rapport très détaillé sur la reprise des activités. L’Union européenne adopte la même approche. Il y a une dizaine de jours, elle a annoncé la publication de son rapport qui vise à définir toutes les étapes de l’expérience de voyage : avant même de quitter la maison, à l’arrivée à l’aéroport, dans les déplacements dans l’aéroport et lors de l’embarquement et du voyage dans les airs jusqu’à destination. Elle présente un protocole en matière de biosécurité et des normes à suivre pour les transporteurs aériens, les organismes gouvernementaux — notamment l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien et l’Agence des services frontaliers du Canada — et les autorités aéroportuaires. Des travaux fort utiles seront réalisés à ce chapitre. Voilà qui répond à une partie de votre question.

L’autre facette de la question, ce sont les restrictions de voyage. Les déplacements sont restreints d’une province à l’autre. Il y a une période d’auto-isolement de deux semaines.

Sénatrice, je n’ai pas de réponse précise à vous donner, mais il faudra harmoniser les pratiques à l’échelle du pays pour les voyages interprovinciaux. Avec l’aide et l’expansion économiques auxquelles nous aspirons, nous pourrons encourager au maximum le tourisme intérieur, en commençant, dans une certaine mesure, par le tourisme intraprovincial ou régional.

Vous avez entendu les autres témoins affirmer que le gouvernement ne peut pas offrir de l’aide financière indéfiniment. Pour que l’industrie aérienne en arrive un jour à ne plus avoir besoin de cette aide, il faut se pencher sur les restrictions de voyage au Canada, à la frontière canado-américaine et aux frontières internationales. D’ici là, l’industrie continuera de battre de l’aile, comme c’est le cas à l’heure actuelle, puisqu’elle fonctionne seulement à 5 % de sa capacité.

La sénatrice Marshall : Existe-t-il des statistiques sur la probabilité de contracter la COVID-19 à bord d’un avion?

M. McNaney : Je pense qu’on a recensé un seul cas avéré ou soupçonné dans le monde. La réalité, c’est qu’à bord des avions à réaction modernes, qui sont dotés de filtres HEPA, il y a une circulation d’air frais 10 fois plus...

Le président : Monsieur McNaney, je dois vous interrompre. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir soumettre par écrit votre réponse à la question de la sénatrice Marshall, par l’intermédiaire de la greffière du comité.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci à tous les témoins d’être parmi nous pour contribuer à cette réflexion. Ma question s’adresse à M. Laskowski. Je crois comprendre que votre principale demande, en ce qui a trait à la Subvention salariale d’urgence, est que les entreprises puissent s’y qualifier sur une base graduelle, alors qu’à l’heure actuelle c’est tout ou rien, avec un plancher de 30 %. Je suis d’accord avec vous. Cependant, y a-t-il d’autres modifications que vous ou vos membres souhaiteriez qu’on apporte à ce très important programme de Subvention salariale d’urgence?

[Traduction]

M. Laskowski : Merci de votre question, sénateur. Nous voyons les choses de la même façon que vous. C’est la seule modification que nous demandons au gouvernement du Canada.

Le sénateur Richards : Merci aux témoins. J’ai deux questions. La première s’adresse à M. McNaney, et la seconde, à M. Laskowski.

Je sais que la question est hypothétique, mais en raison des prix et du coût du renflouage de l’industrie aérienne dans son ensemble, les prix vont-ils devenir exorbitants et créer un système de classes de voyage? La question s’adresse à M. McNaney ou à M. Sparling.

Monsieur Laskowski, combien de semi-remorques vides avez-vous au pays en raison de la diminution des biens et des services, et quel genre de conséquences la situation a-t-elle sur l’économie de l’industrie du camionnage et du pays tout entier?

M. McNaney : En ce qui concerne le soutien que le gouvernement apporte au secteur, à ce jour, il y a le programme de subvention salariale, mais aussi le programme de crédit d’urgence pour les grands employeurs, qui porte sur les prêts remboursables.

Je ne considère pas que les mesures que le gouvernement a prises constituent un renflouement sectoriel. Si vous regardez ce qui a été fait dans d’autres pays, aux États-Unis et au sein de l’Union européenne, par exemple, des dizaines de milliards de dollars ont été accordés directement aux transporteurs sous forme de subventions en plus de prêts. Je pense qu’il y a une distinction importante entre l’approche adoptée par d’autres pays, du point de vue de l’industrie et du secteur, et celle du Canada.

Pour ce qui est des prix et de votre question concernant un système de classes, il s’agit d’une très bonne question.

Lorsqu’on pense au niveau de connectivité dans l’ensemble de l’économie canadienne ainsi qu’au nombre de vols et de services dans les petites et les grandes collectivités en janvier dernier, la situation était au mieux, et ce, grâce aux dizaines de milliards de dollars d’investissements. L’objectif de notre secteur est de ramener les choses telles qu’elles étaient en janvier 2020 en termes de portée, de taille et de fréquence des services. Au cours de cette période, les tarifs aériens étaient parmi les plus bas depuis des décennies, et les clients avaient le choix entre un grand nombre d’options chez les transporteurs à très faibles coûts, les transporteurs à faibles coûts, les transporteurs standard, notamment, que ce soit pour des vols intérieurs ou internationaux. Voilà l’objectif. Ce qui n’est pas du tout clair pour nous, c’est la façon dont nous nous y prendrons et le temps qu’il nous faudra pour y arriver, compte tenu des défis auxquels nous sommes actuellement confrontés et des mesures visant les frontières et les déplacements qui sont en place.

Le président : Monsieur Laskowski, pourriez-vous répondre par écrit à la question du sénateur Richards?

M. Laskowski : Bien sûr.

Le président : Je vous remercie.

Le sénateur Harder : Je remercie les témoins d’être avec nous aujourd’hui.

Monsieur McNaney, plusieurs de mes collègues et moi-même recevons des appels concernant le fait qu’Air Canada a décidé de ne pas rembourser les vols annulés en raison de la COVID-19, mais plutôt d’offrir un crédit voyage valable pendant deux ans au maximum. Un certain nombre de Canadiens estiment que cette réponse est inadéquate et tardive, et qu’elle est insuffisante compte tenu des changements survenus dans leur situation financière à cause de la COVID-19. Nombre de ces vols avaient été réservés pour des occasions spéciales. Or, le revenu des familles a baissé.

M. Garneau a défendu l’industrie, et je ne m’attends pas à ce que vous fassiez le contraire dans le contexte actuel, mais nous devrions certainement être plus sensibles aux préoccupations des Canadiens dont les plans de voyage ont été annulés pour des raisons indépendantes de leur volonté — à cause de la COVID-19 — et qui ont besoin de récupérer leur argent. Votre secteur ne devrait-il pas se pencher sur cette question d’une manière plus efficace?

M. McNaney : Merci de la question, sénateur. Je vais parler de façon générale et non pas du point de vue d’un exploitant en particulier.

D’une manière générale, l’utilisation des crédits voyage a été rendue nécessaire par le chaos économique que la pandémie a entraîné et qui nous a tous mis dans une situation extrêmement difficile. Si l’industrie — et vous avez entendu des déclarations publiques à cet effet — devait rembourser les billets des vols annulés, cela aurait des conséquences dévastatrices sur le secteur.

Tout ce que nous pouvons faire pour l’instant, c’est suivre les conseils de l’Office des transports du Canada, c’est-à-dire d’essayer de concilier les préoccupations dont vous parlez, que vous avez soulevées. Selon les conseils donnés au secteur, dans le contexte actuel, l’utilisation de crédits voyage est acceptable. Tout le monde espère évidemment que nous pourrons un jour favoriser la reprise économique dont nous avons besoin et que les problèmes et la crise de liquidités engendrés par la pandémie seront de l’histoire ancienne. Cependant, compte tenu de la situation actuelle, je crains que notre seule véritable option en ce moment soit que les transporteurs suivent les conseils reçus.

Le sénateur Smith : Je remercie les témoins. Deux sénateurs m’ont demandé de poser une question à M. Sparling, qui représente la Northern Air Transportation Association.

Monsieur Sparling, si je comprends bien, Canadian North Airlines, un transporteur aérien nordique essentiel qui dessert le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest, souhaite nous présenter deux recommandations pour le gouvernement fédéral. Premièrement, il demande que le niveau de soutien fédéral, qui a été fourni en collaboration avec les gouvernements territoriaux et provinciaux et qui a permis à Canadian North d’éviter de clouer sa flotte au sol, soit maintenu au-delà de la date d’expiration actuelle de juin, jusqu’à ce que les conséquences [Difficultés techniques]. Deuxièmement, le transporteur aérien demande que certaines conditions qui lui ont été imposées par le ministre Garneau l’été dernier lors de l’approbation de la fusion de Canadian North et de First Air, conditions qui ne sont pas appropriées dans le contexte financier négatif actuel, soient temporairement levées par décret ministériel jusqu’à la fin des restrictions de voyage sévères imposées par les gouvernements.

Ai-je bien résumé les deux recommandations formulées par Canadian North? Quelle est votre opinion au sujet de ces deux recommandations?

M. Sparling : En bref, oui, c’est essentiellement un bon résumé. La stratégie ou la feuille de route des transporteurs aériens du Nord comporte en fait trois éléments qui leur permettraient de s’en sortir. Le premier est à court terme et concerne les subventions. Nous avons demandé que le gouvernement repousse au moins l’échéance jusqu’à la fin de la pandémie. C’est donc la première étape, l’aide à très court terme.

Le deuxième est l’intervention, qui est de court à moyen terme. L’intervention comporte deux volets. L’un consiste à assouplir les engagements de fusion auxquels est tenu Canadian North, et l’autre, qui concerne les trois territoires, consiste à prendre des mesures pour accroître la part de marché des transporteurs du Nord en ce qui concerne les routes d’accès, car elles sont essentielles à notre réseau global.

Le troisième élément de notre stratégie est en fait une stratégie de partenariat, et il s’agit d’une stratégie à long terme. À mesure que nous sortons du contexte de la pandémie, à plus petite échelle, nous devons essayer de nouer des partenariats avec les principaux transporteurs de grande ligne afin de les alimenter en voyageurs dans les villes portails. Cela contribuera à garantir la prestation continue et durable de services essentiels dans le Nord.

Le sénateur Smith : Vous m’avez donné une sorte de réponse directe et factuelle. Quel est votre sentiment à l’égard de ce qui vous a été demandé en tant que membre du conseil d’administration et acteur de l’industrie?

M. Sparling : Je suis désolé, mais je ne suis pas sûr de comprendre où vous voulez en venir.

Le sénateur Smith : Vous avez exprimé des commentaires factuels sur le plan d’action, mais selon vous, dans quelle direction les choses pourraient-elles évoluer? Si vous pouviez nous fournir une réponse par écrit à ce sujet, nous vous en serions reconnaissants. Les sénateurs du Nord, dont le sénateur Patterson, en seraient ravis.

M. Sparling : Je le ferai avec plaisir.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. McNaney et elle est complémentaire à celle du sénateur Harder.

Je trouve un peu bizarre que les compagnies aériennes demandent un appui de la part du gouvernement. Il s’agit de l’argent des Canadiens, et ce sont ces mêmes Canadiens qui ne seront pas remboursés pour leurs billets d’avion. On donne d’une main ce qu’on reprend de l’autre. Pour ce qui est des bons que vous offrez, les gens qui avaient des billets pour des vols internationaux ne pourront pas s’en servir pour les vols locaux. Selon moi, on parle de deux poids, deux mesures, et les compagnies aériennes devraient y réfléchir.

Pouvez-vous nous donner un aperçu de ce que sera le transport aérien des marchandises après la crise?

[Traduction]

M. McNaney : Merci, sénateur. Je suis désolé; voulez-vous que je réponde aux deux questions ou la première était-elle essentiellement une déclaration?

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous pouvez répondre aux deux questions.

[Traduction]

M. McNaney : Pas de problème. Pour ce qui est de la première question, je reviens à ma réponse précédente, mais pas seulement pour répéter les mêmes points. Aux grands maux, les grands moyens. Le plan d’action est un plan d’action de pandémie. Si nous n’étions pas en situation de pandémie, nous n’adopterions pas l’approche que nous adoptons, sénateur. Si nous devions procéder à des remboursements, cela aurait des conséquences désastreuses.

J’ai parlé plus tôt d’autres pays et j’ai expliqué leur approche à l’égard du soutien en général. La question des crédits voyage a été abordée d’une manière différente au sein des pays de l’Union européenne et aux États-Unis. Comme je l’ai dit, la forme et le niveau de soutien de ces gouvernements, avec des fonds publics, constituent une approche bien différente de celle adoptée par le gouvernement canadien avec le programme de crédit d’urgence pour les grands employeurs.

Si nous voulons nous pencher sur la façon globale dont cet enjeu lié très précisément aux consommateurs est traité dans d’autres pays, nous devons comparer l’approche générale de ces pays à celle du Canada. Je ne considère pas la prestation du CUGE... et le gouvernement a été très clair. Le ministre des Finances et le premier ministre ont tous deux été parfaitement clairs sur ce qu’ils visaient avec ce programme. Il s’agit d’une approche sous forme de garantie de prêt qui est censée constituer un dernier recours. Les entreprises feront évidemment tout leur possible pour obtenir de l’aide et trouver des liquidités sur les marchés. Il s’agit vraiment d’une mesure de dernier recours, qui à mon avis ne s’inscrit pas dans le même contexte que le soutien accordé dans d’autres pays. On me fait signe que mon temps de parole est écoulé.

Le président : Je vous remercie, monsieur McNaney. Si vous souhaitez ajouter des éléments à votre réponse, veuillez les transmettre par écrit à la greffière.

La sénatrice Galvez : Ma question s’adresse à M. McNaney et à M. Sparling. J’aimerais qu’ils nous fournissent des réponses écrites.

Je souhaite aborder notre situation actuelle sous l’angle de la sécurité. Vous n’êtes pas sans savoir que la mondialisation joue un rôle dans la propagation de la COVID-19. Au Canada, nous sommes en train d’aplatir la courbe tant bien que mal. Les experts nous mettent en garde contre une deuxième, voire une troisième vague qui pourrait survenir cet automne.

Comme vous l’avez mentionné tous les deux, le virus se propage dans les grandes villes. Je sais que la propagation du virus au Canada est très hétérogène. En effet, 94 % des cas sont concentrés en Ontario, au Québec et en Alberta, tandis que le Nord et les régions éloignées demeurent sécuritaires.

Si nous prévoyons appliquer les mesures de sécurité qui ont fonctionné dans des pays comme Taïwan, la Corée du Sud, l’Islande et la Nouvelle-Zélande, nous devons être plus patients en ce qui concerne la levée des restrictions pour les voyages. Il ne faudrait surtout pas que le virus se propage au sein des collectivités du Nord. Pour les mêmes raisons que celles que vous avez expliquées plus tôt, il sera très difficile d’y limiter la propagation de la COVID-19.

Vous pourriez peut-être prendre une minute pour répondre, mais je préférerais des réponses écrites. Je vous remercie.

M. Sparling : J’aimerais brièvement vous parler du contexte dans le Nord. Au Yukon, nous procédons graduellement. Nos frontières demeurent fermées, mais à partir du 1er juillet — et sous réserve d’un changement de circonstances défavorable —, nous allons rouvrir notre frontière avec la Colombie-Britannique. Il n’y a présentement aucun cas répertorié de COVID-19 au Yukon. Nous avons bien eu 11 cas, mais les 11 personnes infectées se sont rétablies. Nous espérons donc être en mesure de créer une « bulle de voyage » entre le Yukon et la Colombie-Britannique. Néanmoins, nos frontières vont demeurer fermées aux voyageurs en provenance d’autres provinces et territoires. Voilà un aperçu des mesures que nous mettons en place au Yukon.

M. McNaney : Au sujet de ce que vous disiez dans votre question, j’aimerais revenir au point que j’ai mentionné concernant le dernier rapport de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Ce rapport, rendu public hier, vise à répondre aux préoccupations que vous souleviez quant à la propagation du virus par les voyages. De plus, il indique des mesures qui doivent être mises en place. En fait, ce rapport s’inspire en grande partie des leçons tirées des pays que vous avez cités, comme Taïwan et la Corée du Sud. Notre objectif est de travailler en étroite collaboration avec Transports Canada dans le cadre d’une approche pangouvernementale en vue de mettre en place certaines mesures. C’est le moyen le plus efficace de faire redémarrer nos activités en toute sécurité, dans l’intérêt des voyageurs et de nos employés.

La sénatrice M. Deacon : Merci à tous d’être ici aujourd’hui. Il est très intéressant d’entendre les représentants de l’industrie aérienne et du camionnage parler des répercussions à court terme de la pandémie.

Ma prochaine question s’adresse à vous, monsieur McNaney. Elle porte sur le projet d’acquisition d’Air Transat par Air Canada, chiffré à 720 millions de dollars, dans le contexte de la crise actuelle. Je comprends que nos compagnies aériennes doivent composer avec des marges très minces, et c’est pourquoi j’avais hâte de savoir comment le gouvernement fédéral peut intervenir et apporter son aide. Cela dit, j’ai du mal à comprendre pourquoi l’argent des contribuables devrait être versé à une compagnie aérienne qui pourrait très bientôt enrichir les actionnaires d’une autre compagnie à hauteur de trois quarts de milliard de dollars. À première vue, du moins, il semble qu’on demande aux contribuables de financer une acquisition qui, selon le Bureau de la concurrence, se traduirait par des effets anticoncurrentiels importants pour eux.

Je sais que vous ne représentez pas directement chacune de ces compagnies, mais votre point de vue m’intéresse et pourrait m’aider à mieux comprendre la situation.

M. McNaney : Merci, sénatrice. Je crains de ne pouvoir parler du plan d’affaires d’une entreprise en particulier. Je peux toutefois assurer un suivi avec vous par écrit, mais ce n’est pas dans mon mandat de discuter du cas d’une compagnie en particulier et de ses stratégies commerciales.

La sénatrice M. Deacon : Ce serait grandement apprécié, je vous remercie.

Le sénateur Klyne : Ma question s’adresse à M. Sparling. Je m’intéresse aux cas des transporteurs du Nord qui, à bien des égards, constituent des services publics.

Je suis préoccupé par le prix des biens essentiels, des denrées alimentaires, du carburant et d’autres produits, car ces prix étaient déjà élevés avant la pandémie. Pourriez-vous orienter le comité vers une analyse démontrant clairement que la diminution des déplacements aériens vers le Nord a une incidence sur le coût des biens essentiels tels que la nourriture? Par ailleurs, comment pouvons-nous veiller à ce que les Canadiens qui vivent dans le Nord ne se retrouvent pas en situation de précarité dans l’éventualité d’un autre ralentissement économique comme celui-ci?

M. Sparling : D’abord, en ce qui concerne la question des prix, nous n’avons pas connu d’augmentation significative des prix sur le marché attribuable uniquement à la baisse de la demande. Nous avons subi des pertes en raison de cette baisse de la demande. Toutefois, comme je l’ai dit lors de mon exposé, nous essayons de remettre l’économie sur pied sans avoir à augmenter les prix de façon déraisonnable. Nous devons accroître la fréquence des vols afin que les frais généraux que nous devons assumer puissent être répartis sur un plus grand volume de vols.

Les gens du Nord sont particulièrement affectés par l’augmentation des frais de voyage et du coût des biens, car, comme vous l’avez fait remarquer, ils dépendent du transport aérien au même titre que des services publics ou des services de taxi. Nous nous sommes efforcés entre autres de mettre en place des infrastructures dans le Nord et de les répartir entre les routes régionales et les routes d’accès afin de bien répartir les coûts de ces infrastructures nécessaires au bon fonctionnement d’une compagnie aérienne dans le Nord.

La sénatrice Pate : Monsieur McNaney, vous avez parlé d’importantes mises à pied dans l’industrie du transport aérien, et le 22 avril, WestJet a annoncé le licenciement de 3 000 employés. Le 15 mai, Air Canada a annoncé à son tour la mise à pied de 20 000 travailleurs. Le 21 mai, le Financial Post rapportait que les employés d’Air Canada devaient choisir entre un congé volontaire non rémunéré de 6 à 24 mois, ou la démission. Une telle situation signifie évidemment que ces employés n’auront pas droit à la Prestation canadienne d’urgence, la PCU, ni à la Subvention salariale d’urgence du Canada.

Pourriez-vous nous dire, maintenant ou plus tard par écrit, combien d’employés de compagnies aériennes ont perdu leur emploi ou leur source de revenus de cette manière, notamment en raison des congés volontaires non payés, et n’ont par conséquent pas accès à la PCU ni aux mesures liées à la subvention salariale?

M. McNaney : Je serai en mesure de vous faire parvenir ces renseignements par écrit.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Duncan : Je tiens à remercier les témoins qui comparaissent aujourd’hui. Ma question s’adresse à M. Joe Sparling, d’Air North.

Merci, monsieur Sparling. J’apprécie particulièrement le mémoire très élaboré que vous avez fourni à mes collègues du comité et aux Canadiens. Vous avez exprimé très clairement la nécessité de maintenir les subventions et les programmes d’aide des gouvernements fédéral et territoriaux destinés aux compagnies aériennes. Par ailleurs, vous avez également exprimé votre appréciation par rapport à la rapidité de leur intervention. Enfin, vous avez abordé la question des routes d’accès et évoqué la nécessité d’assurer un accès exclusif à ces routes.

Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, et fournir quelques renseignements à mes collègues qui confirment l’importance d’assurer l’accès exclusif à ces routes?

M. Sparling : J’ai mentionné lors de mon intervention que la demande liée au transport aérien a subi un recul jamais vu depuis 50 ans. Je vérifiais les chiffres, hier soir, et je peux confirmer que l’aéroport de Whitehorse a enregistré moins de 2 000 décollages et atterrissages en mai. Ce nombre n’a probablement jamais été aussi bas depuis les années 1950, à l’époque où, enfant, je me rendais au Yukon pour rendre visite à mes grands-parents à bord du DC-6B du Canadien Pacifique, sur une route réglementée et protégée, avec des arrêts à Fort St. John, Fort Nelson et Watson Lake. Aujourd’hui, le marché s’est réduit comme peau de chagrin. Pour que nous puissions exploiter un réseau durable sans augmenter considérablement les prix ou subir des pertes importantes, nous devons avoir accès à tous les revenus qui sont à notre portée. Nous nous sommes implantés dans le Nord en tant que transporteur nordique. Nous sommes loin d’être le joueur dominant de l’aviation canadienne. C’est une vaste région géographique, mais un très petit marché. C’est pourquoi les revenus tirés du trafic des routes d’accès sont absolument essentiels et fondamentaux pour la durabilité de nos activités.

Je crois avoir mentionné que, à moyen terme, tandis que s’atténuera notre dépendance envers les subventions, il faudra s’occuper de la question des fusions dans l’Est et des trajets qui servent de portes d’entrée et de sortie au cœur des trois territoires. Nous devrons ensuite, à long terme, établir des partenariats avec les principaux transporteurs de manière à bien intégrer à leurs réseaux ceux des transporteurs du Nord. Il s’agit d’éviter les chevauchements et de faciliter les jonctions. Ainsi, les voyageurs pourront se rendre facilement du Nord jusqu’à la destination canadienne de leur choix en utilisant d’abord un transporteur du Nord avant de passer, très facilement, à un transporteur principal.

Le sénateur Loffreda : Ma question s’adresse à M. McNaney du Conseil national des lignes aériennes du Canada. D’après le Wall Street Journal, Boeing et Airbus étudient comment le coronavirus réagit dans les avions. L’ensemble de l’industrie s’emploie, bien sûr, à réduire les risques que pourraient comporter les déplacements aériens et à regagner la confiance de nombreux voyageurs.

Rappelons qu’en 2003, 22 passagers d’un même vol ont été atteints du SRAS. Que pensez-vous de l’étude en cours? Comment réagit-on à ces enjeux au Canada? Y a-t-il des études semblables ici? Ce serait bien d’être informés des résultats de l’étude.

Boeing et Airbus vont même plus loin : ils procèdent à des simulations pour comprendre comment l’air se déplace entre les sièges et explorer de nouvelles technologies. Boeing étudie même les effets des rayons ultraviolets et leur pouvoir de désinfection des surfaces. J’aimerais avoir vos impressions à propos de tout cela. Pourriez-vous nous tenir informés de ces recherches? Mène-t-on des recherches semblables au Canada dans le but de redonner confiance aux passagers aériens?

M. McNaney : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je vous tiendrai volontiers informés des travaux de Boeing et d’Airbus. J’ai vu des rapports à ce sujet. En général, ce sont les fabricants d’équipement d’origine, les fabricants d’aéronefs, qui font des recherches de ce genre. Cette étude-ci fait donc exception. Comme tout cela touche, d’une manière ou d’une autre, à la biosécurité, nous appuyons le travail que mènent ces deux organisations.

Je crois que plusieurs autres études sont en cours, mais je n’en connais aucune qui touche spécifiquement le Canada. En général, les résultats des études de ce genre s’appliquent à tous les exploitants qui détiennent des appareils du même type, et les instructions à suivre pour ces appareils sont communiquées aux organismes de réglementation et aux exploitants. Je vous en tiendrai volontiers informés. Cela revient à l’une de mes réponses précédentes, sénateur, au sujet du travail qui se fait à l’échelle internationale sous la gouverne de l’OACI. Le gouvernement du Canada et Transports Canada contribuent grandement à l’établissement de procédures claires concernant tous les aspects de l’aviation, notamment le confort des passagers, le port d’équipement de protection individuelle, le service qui pourrait être offert en vol, l’organisation optimale de la cabine, ainsi que l’embarquement et le débarquement. On étudie tous ces points en vue d’établir des pratiques exemplaires. Pour revenir à votre question, je serai heureux d’informer le comité des résultats de l’étude.

Le président : Je vous remercie, monsieur McNaney. Nous vous serions reconnaissants de nous transmettre les renseignements supplémentaires avant la fin juin, si possible, puisque nous devrons déposer notre rapport au Sénat.

M. McNaney : Très bien.

Le président : Merci, monsieur McNaney.

[Français]

La sénatrice Gagné : Merci aux témoins de leur présence parmi nous cet après-midi. Ma question s’adresse à M. McNaney. Vous avez fait référence au fait que les États-Unis et, disons, les pays européens ont soutenu les compagnies de transport aérien. Un de vos membres, soit Air Canada, a aussi déclaré que le transport aérien mondial reprendra probablement vers la fin décembre. Compte tenu de tout cela, quelle serait, selon vous, une solution équitable en ce qui a trait au soutien que le gouvernement canadien pourrait accorder au transport aérien?

[Traduction]

M. McNaney : Je vous remercie, sénatrice. L’aide relative aux tarifs pourrait se diviser en quelques catégories. Il faudra, d’abord et avant tout, une approche qui convienne à des transporteurs de diverses tailles et de divers niveaux de sophistication. Les exploitants de vastes réseaux ont évidemment des investissements et des dépenses en capital considérables, et leurs capitaux sont aussi exposés à des risques considérables. Bien sûr, les petits exploitants sont aussi exposés à des risques semblables, à une moindre échelle, mais leurs besoins en matière d’exploitation et de financement seront différents de ceux des exploitants internationaux et des opérateurs de réseaux. Il faut donc, d’abord et avant tout, une approche qui puisse fonctionner dans tous les secteurs.

Pendant nos conversations précédentes avec le gouvernement, avant qu’il mette de l’avant le Crédit d’urgence pour les grands employeurs, un programme non sectoriel, nous demandions déjà une approche adaptée à tous les secteurs. Nous rappelions au gouvernement qu’il dispose de divers outils, qu’il s’agisse de prêts, de subventions ou d’autre chose, et que nous nous en remettions à lui pour choisir la meilleure méthode. Nous ne cherchons pas à imposer une façon de faire.

Nous avons aussi donné un aperçu des mesures adoptées par d’autres administrations. En effet, d’autres pays ont pris, il y a cinq, six ou huit semaines, des décisions quant au soutien à offrir, et nous pouvons tirer des leçons de leurs choix. Le gouvernement du Canada a opté pour le Crédit d’urgence pour les grands employeurs. Les transporteurs examinent actuellement ce programme et ce qu’il pourrait représenter pour eux. Ils devront ensuite décider si les conditions prévues correspondent à leurs objectifs et à leurs obligations.

Il faut être conscients que le Canada choisit une voie différente de celles que nous avons vues dans les autres administrations. À titre d’exemple, dans d’autres pays, le gouvernement fédéral est intervenu à propos du contrôle de la circulation aérienne et a déclaré qu’il éviterait l’augmentation des salaires et des frais. D’autres administrations sont intervenues pour éviter une hausse des redevances d’aéroport et des frais aéronautiques. Ce n’est pas l’approche qu’a choisie le gouvernement du Canada jusqu’à maintenant, celle qu’il a décrite. Pourrait-il en faire davantage? Oui, je crois qu’il pourrait sans contredit en faire plus.

À l’heure actuelle, les petites et les moyennes collectivités de partout au pays n’exercent pas de pression croissante à propos du service aérien puisque l’économie est sur pause, comme on le sait. Mais cette pression arrivera pendant la reprise, quand l’exploitant d’une petite entreprise touristique installée dans une localité, ou encore le café établi sur la rue principale d’une autre localité, aura besoin de transport aérien, de service. Qui sait ce qui sera alors disponible? C’est dans cette optique que s’inscrivent les investissements faits, jusqu’à maintenant, par nos partenaires du G7 et nos concurrents commerciaux.

La sénatrice Martin : Monsieur Laskowski, je tiens tout d’abord à remercier vos membres, qui offrent un service absolument essentiel pendant toute l’année.

Monsieur McNaney et monsieur Sparling, je sais que le Comité sénatorial des transports a mené une étude sur l’industrie aérienne qui a duré plusieurs années. Le Canada présente d’immenses défis, des défis particuliers. C’est un vaste pays dont certaines régions éloignées ne sont accessibles que par avion. Je suis consciente des défis auxquels nous sommes confrontés en tant que Canadiens.

Monsieur Sparling, vous dites dans votre mémoire que pratiquement tous les transporteurs aériens du Canada ont besoin d’une aide financière tant immédiate que prolongée, que cela est nécessaire pour assurer la survie et l’intégrité de l’ensemble du réseau de transport aérien au Canada.

J’aimerais savoir pendant combien de temps un soutien financier sera nécessaire, selon vos prévisions. Ce serait utile d’avoir des précisions à ce sujet. Merci.

M. Sparling : Mon commentaire sur la durée de l’aide faisait simplement référence à ce que j’ai observé. L’impression générale, c’est qu’en ce qui concerne les voyages en avion, il faudra du temps avant que la demande revienne. Personne ne sait quand le nombre de passagers reviendra au niveau qu’il avait avant la pandémie. Nous avons supposé, simplement aux fins de l’exercice, qu’il faudrait cinq ans avant de revenir au nombre de voyages qu’il y avait avant la pandémie. Cela ne signifie pas que nous prévoyons avoir besoin d’aide financière pendant cinq ans. Selon nos chiffres, nous pourrions avoir besoin d’une aide financière pendant un an ou un peu plus, et les sommes requises iront en diminuant.

Il est plutôt difficile de prévoir à quelle vitesse évoluera la situation. En ce qui concerne la fermeture des frontières, certains territoires estiment que la réouverture complète n’arrivera peut‑être pas avant l’automne. La circulation sera donc durement touchée au moins jusque-là, sans compter que même si les frontières sont ouvertes, il faudra du temps avant que les gens se sentent en confiance à l’idée de prendre l’avion et de se rendre dans de grands centres. Nous nageons dans l’inconnu.

Le président : Je vous remercie, monsieur Sparling. Comme notre discussion tire à sa fin, j’aimerais, si les sénateurs et le personnel le permettent, poser une question à M. McNaney. Il est clair que la situation actuelle frappe très durement l’industrie. Pourriez-vous nous dire à combien s’élèveraient, au total, les remboursements que l’ensemble de l’industrie devrait verser?

M. McNaney : Merci, sénateur. Je n’ai pas ce chiffre à l’heure actuelle. Cela dépend de chaque exploitant. Je peux faire un suivi et transmettre ce renseignement au comité.

Le président : Je vous en remercie.

Merci à tous les témoins de nous avoir fait connaître leurs idées. Nous avons beaucoup appris. Merci d’avoir accepté notre invitation et de nous avoir transmis ces renseignements.

[Français]

Honorables sénateurs, nous reprenons nos travaux et poursuivons notre étude sur certains éléments des projets de loi C-13 et C-14, ainsi que sur la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19 et ses effets économiques sur la population du Canada.

[Traduction]

Honorables sénateurs, chers participants et chers auditeurs, pour le troisième panel de la journée, nous entendrons des représentants des secteurs des pêches et de l’agriculture.

Nous accueillons tout d’abord Keith Currie, premier vice-président de la Fédération canadienne de l’agriculture. Il est accompagné de Scott Ross, directeur exécutif adjoint. Nous accueillons aussi Paul Lansbergen, président du Conseil canadien des pêches.

[Français]

Nous accueillons également M. Marcel Groleau, président général de l’Union des producteurs agricoles, qui est accompagné de M. David Tougas, coordonnateur — économie et commerce à la Direction des recherches et politiques agricoles de l’UPA.

[Traduction]

Je remercie les témoins d’avoir accepté notre invitation à comparaître. À ce stade-ci, je vais demander à M. Currie de faire son exposé. Nous entendrons ensuite les présentations de M. Lansbergen et de M. Groleau. Les sénateurs poseront leurs questions par la suite.

Monsieur Currie, vous avez la parole.

Keith Currie, premier vice-président, Fédération canadienne de l’agriculture : Monsieur le président et honorables sénateurs, merci de m’avoir invité à vous parler aujourd’hui. Comme vous l’avez entendu, mon nom est Keith Currie. Je suis cultivateur de céréales, d’oléagineux, de foin, de maïs sucré et de glaïeuls de la région de Collingwood en Ontario. Je suis également président de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario et vice-président de la Fédération canadienne de l’agriculture.

En premier lieu, j’aimerais remercier tous les ordres de gouvernement canadien et saluer leur travail. Les fonctionnaires et les élus ont travaillé sans relâche afin d’aider les Canadiens et assurer leur sécurité en cette période difficile. Les prochains jours et prochaines semaines seront cruciaux pour préserver l’approvisionnement alimentaire national du Canada, maintenant et à l’avenir.

Le gouvernement fédéral a conçu et mis à exécution de nombreux programmes pour les entreprises et les particuliers. Aujourd’hui, nous nous demandons comment appliquer la même ingéniosité et le même engagement en vue d’assurer un approvisionnement alimentaire adéquat et appuyer les agriculteurs. La crise de la COVID-19 continue de susciter des problèmes importants et de l’incertitude dans le secteur de l’agroalimentaire et pourrait entraîner des conséquences dévastatrices pour les agriculteurs partout au pays. En tant que dirigeants, nous avons l’obligation de nous préparer au pire et d’agir pour le mieux.

Afin de mieux comprendre les répercussions de la COVID-19, la Fédération canadienne de l’agriculture a sondé ses membres il y a quelque six semaines et a déterminé des besoins à hauteur de 2,6 milliards de dollars à l’échelle du secteur agroalimentaire. Jusqu’à ce jour, le gouvernement a annoncé quelques initiatives pour le secteur, dont une aide financière de 252 millions de dollars, et s’est engagé à faire d’autres annonces de financement. Bien que d’une importance cruciale pour le secteur, l’aide annoncée jusqu’à maintenant est loin de répondre à l’ensemble de ses besoins. Aujourd’hui, je vais parler des lacunes qui persistent dans les programmes et ce qui est nécessaire pour éviter toute perte de production vivrière au cours de cette période difficile.

Pour la première fois depuis des générations, de graves questions ont été soulevées au Canada concernant les chaînes d’approvisionnement alimentaire et la sécurité alimentaire. À l’heure actuelle, les agriculteurs canadiens prennent des décisions sur la manière de procéder avec leur production de 2020, compte tenu des problèmes graves et urgents auxquels le secteur fait face. Parmi ces problèmes, soulignons les perturbations en matière de traitement; une capacité décroissante de la chaîne d’approvisionnement; la perte de l’industrie de la restauration, laquelle est un marché clé pour beaucoup de producteurs agricoles; les vacances d’emplois dans toute la chaîne d’approvisionnement, que les cas de COVID parmi les travailleurs viennent aggraver davantage; une instabilité du marché sans précédent; les coûts croissants des mesures liées à la COVID et la fermeture de marchés spécifiques au secteur.

La Fédération canadienne de l’agriculture a proposé des mesures particulières pour contribuer à atténuer les problèmes qui se posent au secteur durant la pandémie de COVID-19. Le greffier recevra sous peu un mémoire présentant ces mesures en détail.

Étant donné le peu de temps qui m’est accordé aujourd’hui, je vais axer mon exposé sur trois points clés. Premièrement, il est nécessaire d’améliorer la couverture pour les risques d’entreprise, afin d’assurer aux producteurs un appui pour les aider à affronter les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et la hausse des coûts et, ultimement, à gérer les pressions qui les poussent à réduire leur production. Les modifications apportées aux programmes de gestion des risques d’entreprise constituent la meilleure façon d’aider les producteurs avec les graves problèmes suscités par la COVID-19 et diverses autres crises, comme la perte de marchés étrangers clés et des problèmes de production causés par les changements climatiques ou des ralentissements marqués des marchés de matières premières.

La Fédération canadienne de l’agriculture est d’avis que, si les programmes de gestion des risques d’entreprise avaient fonctionné efficacement, ils auraient couvert jusqu’à 75 % des besoins financiers de 2,6 milliards de dollars dont j’ai parlé tout à l’heure. La plupart des solutions aux problèmes des programmes de gestion des risques d’entreprise sont déjà connues, car on étudie ces programmes depuis des années. Il s’agit maintenant pour le gouvernement de travailler de toute urgence avec la Fédération canadienne de l’agriculture et d’autres intervenants et de s’engager concrètement à régler les problèmes dans un court délai.

Deuxièmement, il faut aider davantage les transformateurs d’aliments afin de réduire la probabilité que la COVID perturbe la chaîne d’approvisionnement à l’échelle du secteur. Certes, nous nous réjouissons de l’aide de 77 millions de dollars annoncée pour les transformateurs d’aliments, mais nos partenaires de la chaîne d’approvisionnement ont indiqué qu’il est insuffisant, car on s’attend à ce que des pertes importantes d’aliments et d’argent suivent toute perturbation future. La Fédération canadienne de l’agriculture réclame de toute urgence une aide financière additionnelle pour aider les transformateurs à moderniser leurs installations afin de maintenir leur niveau de capacité et d’assurer la sûreté du milieu de travail.

Troisièmement, là où les perturbations ont eu ou auront lieu, la Fédération canadienne de l’agriculture réclame du financement additionnel au-delà des 50 millions de dollars du programme d’achat d’aliments excédentaires afin d’assurer un soutien logistique pour traiter les surplus existants et anticipés, combiné à une campagne « Acheter canadien » pour éviter que les agriculteurs réduisent encore plus leur production en raison de la perte du marché de la restauration.

Selon nous, l’ensemble de ces mesures, et les autres qui sont présentées dans notre mémoire qui vous sera remis prochainement, contribue à maintenir la capacité et fait en sorte que le secteur canadien de l’agroalimentaire met tout en œuvre pour nourrir les Canadiens et les consommateurs de partout dans le monde durant cette période difficile.

Pour conclure, je dirai que les agriculteurs canadiens sont fiers du fait qu’ils nourrissent les Canadiens chaque jour. Comme dans la plupart des secteurs de l’économie canadienne, les agriculteurs ont terriblement souffert de la crise de la COVID-19, qui est sans précédent. Nous allons continuer à collaborer avec le gouvernement afin d’offrir des aliments nutritifs et abordables à tous les Canadiens. Je vous remercie d’avoir pris le temps de m’écouter.

Paul Lansbergen, président, Conseil canadien des pêches : Merci. Je suis heureux d’être avec vous cet après-midi. J’aimerais souligner que c’est la première fois que le Conseil canadien des pêches, ou CCP, comparaît devant le présent comité. J’ai pensé bon de vous donner un aperçu de notre organisme et du secteur.

Le CCP est le porte-parole national de l’industrie de la pêche d’espèces sauvages et représente des transformateurs des trois côtes : la côte Est, la côte Ouest et celle de l’Est de l’Arctique. Pratiquement tous les membres sont aussi des pêcheurs. Ceux d’entre vous qui viennent de la côte Est sont au courant des règles de séparation de la flottille. En termes clairs, je représente les transformateurs et les pêcheurs hauturiers. La plupart sont des entreprises familiales privées. Quant à moi, je travaille dans les politiques publiques et la direction d’associations depuis 25 ans et je travaille au Conseil canadien des pêches depuis deux ans et demi.

Le secteur des pêches du Canada a connu une forte croissance ces dernières années. La valeur de nos exportations a augmenté de 25 % au cours des cinq dernières années pour atteindre 7,5 milliards de dollars. Le secteur emploie près de 80 000 Canadiens, principalement de collectivités côtières. Nos quatre principaux marchés d’exportation sont, par ordre d’importance, les États-Unis, 61 %, la Chine, 17 %, l’Union européenne, 7 % et le Japon, 4 %. Le homard et d’autres crustacés forment la plus grande partie de nos exportations, à 55 %. Le poisson frais ou réfrigéré arrive au second rang, à 14 %, et les mollusques sont au troisième rang, à 7 %.

Pour ce qui est de la pandémie, les répercussions sur les entreprises varient selon l’espèce, le format du produit, les marchés géographiques et les segments du marché. Les produits destinés habituellement aux services alimentaires ou aux grands restaurants ont été les plus durement touchés. Malheureusement, les fruits de mer ne sont pas en tête de liste pour les repas à emporter.

Les statistiques relatives au marché peuvent servir à évaluer la perturbation d’un système commercial mondial et ses répercussions sur notre secteur. Malheureusement, les données du mois d’avril ne sont pas encore disponibles et les données depuis le début de l’année, soit de janvier à mars, n’offrent qu’un aperçu de ces répercussions.

Les exportations depuis le début de l’année ont baissé de 5,1 %, mais si l’on ne considère que les données du mois de mars, on constate que la situation est bien pire. Au mois de mars, la baisse des exportations a triplé et a atteint 15,3 %. Comme il y a eu des achats motivés par la panique en mars, je m’attends à ce qu’avril et mai soient bien pires.

Mis à part les perturbations du marché, il y a eu d’énormes efforts pour protéger les travailleurs et les membres d’équipage des navires. Le CCP a tout mis en œuvre pour aider le secteur à se tenir informé des directives de santé publique. Les entreprises investissent dans de l’équipement de protection individuelle et réorganisent leurs activités afin de créer plus d’espace et de favoriser la distanciation. Divers sous-secteurs comptent sur les travailleurs étrangers temporaires et certains réussissent mieux que d’autres à les obtenir durant la pandémie.

Nous sommes heureux que le gouvernement ait mis sur pied le Fonds canadien pour la stabilisation des produits de la mer et reconnaisse la perturbation que connaît le secteur. La santé et la sécurité des employés est la priorité du secteur. Cela fait augmenter les coûts pour tout le monde. Par exemple, une usine de transformation pourrait dépenser plus de 50 000 $ par année pour de l’équipement de protection individuelle. Les coûts liés à l’installation de barrières physiques se chiffrent à des dizaines de milliers de dollars par usine et isoler les membres d’équipage d’un navire avant un voyage fait augmenter les coûts.

Le programme contribuera à couvrir certains de ces coûts et aider à modifier les activités afin de servir les marchés de vente au détail. Nous espérons que le programme entrera en vigueur sous peu. Il sera administré par les agences de développement régional du Canada. Les régions qui ne sont pas incluses seront admissibles à une aide de la part du Fonds d’aide et de relance régionale.

Le secteur est admissible à des mesures offertes à l’échelle de l’économie, comme la Subvention salariale d’urgence du Canada et la Prestation canadienne d’urgence. Les petits exploitants sont admissibles au Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes.

L’aide financière d’Exportation et développement Canada, de la Banque de développement du Canada et de Financement agricole Canada sera également utile. En particulier, il a été confirmé que Crédit agricole Canada offre du soutien aux chalutiers-usines congélateurs pour l’intégration de leurs activités de pêche et de transformation.

J’aimerais souligner que le gouvernement a également annoncé un soutien pour les pêcheurs. Ces mesures avaient pour but de régler certains détails techniques liés à l’admissibilité à la Subvention salariale d’urgence du Canada et au Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, ce qui a été fait au moyen de programmes distincts pour le secteur. Même si cela n’aide pas directement nos membres, nous avions prôné une telle solution. Il est important de reconnaître l’interdépendance des flottes et des transformateurs dans la chaîne d’approvisionnement. L’un ne peut prospérer sans l’autre.

Je vais m’arrêter ici et répondre à vos questions avec plaisir.

[Français]

Marcel Groleau, président général, Union des producteurs agricoles : Bonjour à tous. Je m’appelle Marcel Groleau, et je suis producteur agricole dans la région de Thetford Mines, dans la MRC des Appalaches, à mi-chemin entre Sherbrooke et Québec, près de la région de la Beauce.

Je vais reprendre certains des propos de M. Currie en y apportant quelques précisions. Le secteur agroalimentaire au Canada génère des recettes de plus de 112 milliards de dollars par année, dont 60 milliards proviennent de l’exportation. C’est un secteur qui sera très important pour la relance économique du Canada après la crise de la COVID-19, et pourtant, ce secteur est fortement éprouvé par la situation actuelle; on a vu des fermetures d’abattoirs et d’usines de transformation attribuables à des employés qui étaient infectés et des animaux non utilisés sur des fermes. Tout cela a entraîné des coûts importants pour les producteurs et une pénurie de main-d’œuvre, étant donné que des travailleurs étrangers ne pourront pas venir au Canada cet été.

Cette situation a entraîné des pertes de marché attribuables à la fermeture des restaurants, des hôtels et des marchés institutionnels, ce qui représente 15 % à 30 % du marché, selon les productions. De plus, on a constaté des pertes pour ce qui est des produits, qui ont entraîné à leur tour des pertes de revenus pour les producteurs.

Voici quelques exemples : à l’échelle canadienne, on estime que les pertes pour les producteurs de volaille atteignent jusqu’à maintenant la somme de 100 millions de dollars. La Canadian Cattlemen’s Association estime que les producteurs de bœuf ont subi des pertes de 200 millions de dollars. Enfin, les pertes anticipées dans le secteur du grain s’élèvent à plus de 90 millions de dollars.

Les programmes disponibles pour aider les producteurs à faire face à cette situation sont nettement insuffisants. Le principal programme qui protège les industries au Canada s’appelle Agri‑stabilité. En 2017, ce programme n’a dégagé que 219 millions de dollars pour aider l’ensemble des producteurs canadiens. Si on compare cette somme aux recettes agricoles, c’est moins de 37 ¢ par tranche de 100 $ de production agricole. Ces données démontrent que, à l’heure actuelle, l’agriculture canadienne fonctionne, pour l’essentiel, sans filet de sécurité.

Le secteur agricole n’était pas admissible au programme de Subvention salariale d’urgence du Canada. Mme Bibeau a annoncé une aide fédérale de 252 millions de dollars. En fait, pour le secteur agricole, on parle plutôt de 175 millions de dollars, puisque 77 millions de dollars sont alloués au secteur de la transformation alimentaire et 100 millions sont accordés uniquement aux producteurs de bœuf et de porc, au sein d’un programme où on est loin d’être sûr que cette somme sera dépensée.

Cette injection de fonds est nettement insuffisante par comparaison aux fonds investis par les Américains, qui ont été de 10 à 12 fois supérieurs à ceux du gouvernement canadien, selon nos analystes. Pour vous donner un exemple, la somme de 16 milliards de dollars a été rendue disponible pour aider les agriculteurs américains à faire face à la situation. On parle donc de 10 $ CA par tonne de maïs, de grains ou de soja, de 100 $ par tête de bouvillon d’abattage, de 60 $ par veau de grain ou veau de lait élevé, de 14 $ par porc ou 13 $ par porcelet. Cela fait une énorme différence, et nous partageons les mêmes marchés. On doit prendre note que ces sommes s’ajoutent à des paiements directs spéciaux totalisant plus de 23 milliards de dollars versés par les États-Unis en 2018-2019 pour soutenir les agriculteurs américains dans la guerre commerciale avec la Chine alors que, pendant cette même période, le gouvernement canadien n’a accordé aucune aide aux agriculteurs au pays.

Je vais parler rapidement de deux graphiques. Le premier montre le revenu net agricole au Canada. On voit que, en 2017, le revenu net agricole s’élevait à 8 milliards de dollars; en 2018, en raison de tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine et au cours des négociations ayant trait à l’ALENA, de même qu’en 2019, le revenu net agricole canadien a diminué de moitié, pour atteindre 4 milliards de dollars. Le graphique suivant montre l’intervention du Canada pendant cette même période, comparativement à celle des autres pays, qui a été mesurée par l’OCDE. De 2012 à 2017, l’intervention du Canada a diminué de 2 %...

Le président : Monsieur Groleau, votre temps de parole est écoulé, mais je crois que votre présentation a été transmise à la greffière.

M. Groleau : Si vous me le permettez, je vais terminer rapidement avec le graphique. Pendant que le Canada diminuait son soutien de 2 % par rapport à la valeur de la production, les États-Unis augmentaient le leur de 1 %. À l’heure actuelle, l’intervention américaine par rapport à la valeur de la production est le double de celle du Canada.

Le président : Merci, monsieur Groleau. Vous devrez sûrement répondre à plusieurs questions.

[Traduction]

Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation et d’avoir présenté votre vision, vos observations et vos recommandations au Comité des finances. Nous allons maintenant passer aux questions selon la formule déjà employée.

La sénatrice Marshall : Ma question s’adresse à M. Lansbergen, du Conseil canadien des pêches. J’habite à Terre-Neuve. La COVID-19 a eu des effets dévastateurs sur l’industrie de la pêche de la province. De nombreuses activités de pêche ont été retardées de plus d’un mois. Les conditions du marché ont des répercussions sur les revenus. Plusieurs des programmes liés à la COVID-19 ont été utiles. Vous les avez mentionnés dans votre déclaration liminaire. Vous avez fait allusion à la Prestation canadienne d’urgence, au programme de subvention salariale, aux subventions et aux prêts. J’ai quelques questions pour vous.

D’abord, les programmes actuels fonctionnent-ils? Sont-ils adéquats? Quelle aide supplémentaire le gouvernement fédéral devrait-il apporter aux pêcheurs et aux transformateurs?

M. Lansbergen : Merci, sénatrice Marshall, de ces excellentes questions.

Les programmes actuels fonctionnent-ils? Oui, dans une certaine mesure. J’imagine que vous avez entendu dire à de nombreuses reprises qu’il y a des gens et des secteurs laissés pour compte.

Les programmes sont-ils adéquats? Selon nos analyses, le Fonds de stabilisation, que j’ai déjà mentionné, devrait certainement être entièrement utilisé avant la fin de l’année, voire pendant l’automne.

Que pourrait-on faire de plus? C’est difficile à dire pour le moment puisque nous ne savons pas quelle sera l’ampleur de la deuxième vague, combien de temps le confinement va durer pour le secteur de la restauration ni ce qui va se passer du côté du marché mondial. Une question que nous avons soulevée — et le gouvernement procède à des consultations sur la subvention salariale — est la possibilité d’adopter une façon d’établir l’admissibilité autre qu’une simple baisse des revenus puisque certaines activités de pêche ont commencé en retard, comme vous l’avez dit, et les pêcheurs n’étaient pas admissibles puisque leurs revenus n’avaient pas encore baissé comme ils n’ont habituellement pas de revenus en mars et en avril.

La sénatrice Marshall : On se demandait si les travailleurs saisonniers seront admissibles à l’assurance-emploi et si quelque chose pourrait être fait à cet égard. Connaissez-vous ce dossier?

M. Lansbergen : Oui. Lorsque le gouvernement a annoncé les mesures pour les pêcheurs, il a aussi annoncé qu’un changement serait apporté à l’assurance-emploi pour leur permettre de toucher des prestations fondées sur les revenus d’années antérieures.

La sénatrice Marshall : Qu’en est-il des transformateurs?

M. Lansbergen : Rien encore.

La sénatrice Marshall : Rien. C’est donc là un domaine où des améliorations pourraient être apportées. Merci.

Le président : Monsieur Lansbergen, pourriez-vous faire un suivi par écrit sur les questions que vous a posées la sénatrice Marshall si vous voulez ajouter d’autres détails?

La sénatrice Marshall : Au sujet des transformateurs. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Forest : Je remercie tous les témoins de ces secteurs si importants pour le Canada et des informations qui nous ont été fournies. Mes deux questions s’adressent à M. Groleau.

On parle beaucoup de pénurie de main-d’œuvre, notamment des travailleurs agricoles temporaires. J’ai rencontré plusieurs producteurs maraîchers. Le gouvernement dit avoir fait le maximum pour réduire les tracasseries administratives et pour rassurer les gouvernements étrangers en ce qui a trait à la sécurité de ces travailleurs.

Êtes-vous satisfait des efforts qui ont été faits? Est-ce qu’on sent vraiment que cela fait une différence sur le terrain? C’est en effet crucial, tant sur le plan de la plantation et de l’entretien que de la récolte. Parmi tous les programmes qui existent, quel serait le meilleur pour venir en aide au secteur agricole et à celui des pêches?

M. Groleau : Je vous remercie de votre question, sénateur Forest. En ce qui concerne les travailleurs étrangers, il y a eu un effort. Oui, on a vu une très bonne collaboration entre le gouvernement et le secteur agricole. On a fait des aménagements administratifs pour faciliter la venue des travailleurs guatémaltèques. Cependant, on pourrait faire un autre aménagement administratif pour favoriser la venue des travailleurs mexicains. Il s’agirait de délivrer des permis de travail aux travailleurs mexicains qui sont venus en 2019 pour qu’ils puissent revenir en 2020. On pourrait leur remettre ces permis de travail à leur arrivée dans un aéroport canadien, plutôt que d’exiger qu’ils les reçoivent par l’entremise du ministère du Travail du Mexique, qui est dysfonctionnel actuellement. Cet aménagement faciliterait la venue de plusieurs travailleurs mexicains. Cependant, il y a eu une bonne collaboration entre le secteur agricole et le gouvernement fédéral, ainsi qu’avec Mme Bibeau, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire.

Vous dites qu’il y a une panoplie de programmes. En fait, il existe plusieurs types d’interventions, mais pour le secteur agroalimentaire. Pour le secteur agricole, il y a trois programmes importants : l’assurance récolte, qui fonctionne bien, Agri-investissement, qui récompense la performance des entreprises et qui est plafonné à 10 000 $ par entreprise par année, et le dernier programme, Agri-stabilité, qui est le principal programme qui permet aux producteurs agricoles de faire face aux fluctuations des prix des marchés et aux fluctuations dans leurs coûts de production. C’est ce programme qui devrait être amélioré et redevenir ce qu’il était avant les coupes que nous avons vues en 2013.

Le sénateur Forest : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Richards : Je vais remercier tous les témoins et poursuivre dans la même veine que la sénatrice Marshall.

J’ai de nombreuses questions, mais je ne peux en poser qu’une seule. Je pense que l’année sera très difficile pour la pêche au homard dans des endroits comme le Cap-Breton, le Nouveau-Brunswick, d’où je viens, et l’Île-du-Prince-Édouard. Le prix des appâts va être plus élevé. Je ne sais pas quel prix on obtiendra des entreprises de conserve et des marchés ni où les homards pourront être transformés ou vendus. En raison de la COVID-19, il faut respecter la distanciation sociale et on n’embauche pas de travailleurs temporaires sur les bateaux.

Je me demande si M. Lansbergen peut me donner un aperçu des conséquences néfastes que cela aura à son avis sur l’avenir de la pêche au homard dans les Maritimes. En a-t-il déjà une idée? Sinon, peut-il avancer une hypothèse?

M. Lansbergen : Merci de votre question, sénateur Richards. Le secteur de la pêche au homard en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard subit actuellement de fortes perturbations. À l’Île-du-Prince-Édouard, le nombre de travailleurs a chuté d’environ 30 %. Au Nouveau-Brunswick, étant donné que les travailleurs étrangers temporaires ne peuvent pas entrer dans la province, il manque jusqu’à 50 % du nombre de travailleurs requis. Cette situation entraîne beaucoup de perturbations tant dans le secteur de la pêche que dans celui de la transformation.

Notre secteur est dispersé, alors il sera très difficile cette année de tenter de coordonner combien de homard il faut pêcher et combien on pourra en transformer, et ce, dans un délai très serré, et combien le marché pourra en absorber. Tout le monde dans l’industrie tente de trouver une solution. Le homard est un produit de luxe pour notre secteur, alors il est parmi les espèces et les marchés les plus durement touchés.

La durée des répercussions dépend du moment où les marchés mondiaux et nationaux rouvriront. Certaines régions en Asie enregistrent une reprise, mais, selon la propagation du virus à mesure que les économies rouvrent, cela pourrait être que temporaire.

Le sénateur Harder : Merci, messieurs. Leur témoignage joue un rôle important pour que nous comprenions les secteurs névralgiques. J’aimerais donner suite à la question du sénateur Forest en demandant à M. Keith Currie, si possible, de me parler des effets qu’a le programme de travailleurs saisonniers sur les activités de ses membres. Comme l’a mentionné le sénateur Forest, nous savons que le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour aider les travailleurs saisonniers à surmonter les obstacles qui découlent de la COVID-19. J’aimerais savoir si vous estimez que ces mesures répondent aux besoins de vos clients.

Je tiens à poser une question complémentaire à Paul Lansbergen du Conseil canadien des pêches, qui porte particulièrement sur l’exportation de homards vers la Chine. Selon un rapport que j’ai lu récemment, il y a normalement deux à trois vols par semaine, je crois, qui partent de l’aéroport d’Halifax à destination de la Chine, et ces vols auraient repris. Je me demande si vous pouvez nous confirmer que ces vols ont repris et dans quelle mesure?

M. Currie : Merci de la question, sénateur Harder. Je vais faire écho en quelque sorte à ce que M. Groleau a dit tout à l’heure. Afin de mettre les choses en perspective pour les sénateurs, au cours d’une année normale, on accueille habituellement au Canada environ 60 000 travailleurs étrangers. Même avec ces 60 000 travailleurs, entre 15 000 et 16 000 emplois demeurent tout de même vacants dans les fermes chaque année. Voilà qui montre à quel point il est important que des travailleurs étrangers viennent au Canada pour participer à la production agricole, non seulement dans les fermes, mais aussi dans le secteur de la transformation.

Nous étions très heureux que le gouvernement accorde une exemption aux travailleurs étrangers pour leur permettre de venir au Canada. Nous avons dû faire des pieds et des mains auprès de l’administration publique du Canada ainsi que des pays d’où proviennent les travailleurs. Comme M. Groleau l’a mentionné, nous commençons à constater un ralentissement parce que les demandes de visa ne sont pas traitées rapidement dans ces pays. C’est pourquoi nous aimerions que le gouvernement fédéral trouve d’autres méthodes pour accélérer le processus ou une autre façon de traiter les demandes de visa afin de permettre aux travailleurs de venir au Canada.

Nos membres se sont réjouis d’avoir accès à leur main‑d’œuvre. Pour ce qui est des résultats à long terme de la saison de croissance, il faut attendre pour voir. De toute évidence, une grande partie des cultivateurs qui sont aux premiers stades des semailles, notamment, ont eu accès à une bonne partie de leur main-d’œuvre, mais peut-être pas à la totalité. Étant donné que trop peu de travailleurs arrivent au Canada, on craint qu’il y ait une pénurie de main-d’œuvre au cours de la saison de croissance et de la saison des récoltes. Le problème découle principalement du processus de traitement des demandes de visa dans les autres pays. Nous devrons garder l’œil ouvert à cet égard. Nous avons manifestement besoin de plus de travailleurs.

Le président : Merci, monsieur Currie.

Monsieur Lansbergen, en raison de notre horaire, pouvez-vous répondre par écrit à l’autre question posée par le sénateur Harder? Nous voulons permettre aux autres sénateurs de poser des questions. Nous vous en serions reconnaissants. La réponse peut être soumise par écrit à Mme Fortin, la greffière du comité.

Le sénateur Smith : Merci, messieurs. Monsieur Currie, je tiens à discuter de la notion de soutien proportionnel accordé aux producteurs agricoles du Canada, surtout étant donné que l’on a offert aux États-Unis un accès de 3 ou 4 % au marché canadien des produits laitiers, puis, au titre de l’accord avec l’Europe, on a encore accordé un accès de 3 ou 4 % à ce marché. Pouvez-vous nous dire ce que vous faites pour réclamer un soutien proportionnel? Une grande partie des 252 millions de dollars étaient prévus dans le budget de l’année dernière. Où en est-on en ce qui concerne les activités de lobbying et les efforts en vue de bien faire comprendre notre position au gouvernement, car on dirait que certains ministres n’ont encore rien compris?

M. Currie : M. Groleau a parlé de l’aide accordée aux agriculteurs aux États-Unis. De toute évidence, cela montre bien l’importance qu’ils accordent à leur système de production agricole et agroalimentaire. Si on examine la « demande » de 2,6 milliards de dollars formulée par la Fédération canadienne de l’agriculture et ses partenaires, on constate qu’elle représente un soutien proportionnel par rapport à l’aide accordée aux États-Unis. Toutefois, cette aide ne prenait pas seulement la forme de chèques ponctuels envoyés par la poste. De concert avec les organismes nationaux de producteurs, nous avons discuté de divers programmes pour trouver ceux qui pourraient répondre à leurs besoins à ce moment-là. Si nous faisions la même évaluation aujourd’hui, cette demande serait fort probablement plus élevée.

Ce que nous nous attendons du gouvernement, c’est qu’il offre ces programmes et qu’il accorde de l’argent, au besoin, surtout dans les secteurs de la viande et de la volaille. Certains producteurs retiennent leurs bêtes, ce qui entraîne des coûts supplémentaires pour les nourrir et qui peut mener à leur euthanasie. On a pratiqué l’euthanasie sur certaines bêtes; il y a des coûts rattachés à cette pratique, mais le producteur n’en tire aucune recette. Il y a des pertes. Comment pouvons-nous minimiser les répercussions de façon à non seulement rester à flot en franchissant les étapes du processus, mais aussi, comme d’autres l’ont mentionné, à saisir cette merveilleuse occasion pour relancer l’économie à l’aide du système agroalimentaire?

Nous sommes l’une des rares industries qui peuvent agir rapidement après la crise de la COVID-19 pour relancer l’économie au Canada, mais nous avons besoin de programmes et d’argent pour nous aider à la traverser et pour nous remettre sur pied une fois qu’elle sera passée. Nous avons été déçus du montant du financement, surtout, comme vous l’avez mentionné, sénateur, que le gouvernement a redistribué de l’argent qu’il avait déjà annoncé pour d’autres programmes. Tout ce que nous voulons, c’est discuter pour nous assurer d’obtenir ce dont nous avons besoin en agriculture afin d’aller de l’avant et d’agir rapidement.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Groleau. Si on oublie les sommes d’argent associées aux programmes d’aide disponibles pour les agriculteurs, je pense que vous avez parlé d’un déficit. Annoncer des programmes, c’est facile à faire, mais c’est souvent après que cela se complique. J’aimerais vous entendre sur l’efficacité des programmes d’aide et la facilité pour les agriculteurs d’y avoir accès, et surtout d’obtenir un chèque.

M. Groleau : Merci de votre question, sénateur Dagenais. Cela aurait été très facile pour le gouvernement canadien, dans la situation actuelle, de bonifier les programmes existants plutôt que d’en créer d’autres. Comme M. Currie l’a mentionné dans son intervention, si le gouvernement avait bonifié le programme Agri-stabilité, comme on le demandait, 75 % des problèmes éprouvés par les agriculteurs canadiens auraient été réglés.

Pour les autres secteurs qui sont doublement touchés, il aurait pu y avoir une intervention directe, mais mieux ciblée pour ces secteurs. C’est la proposition qui avait été faite par la Fédération canadienne de l’agriculture. En ce sens, elle était largement appuyée par l’Union des producteurs agricoles. Pour revenir aux États-Unis, je dirais que ce qui les distingue du Canada, c’est que l’industrie alimentaire est une question de sécurité nationale pour les Américains.

Force est de constater que ce n’est pas le cas au Canada. Pour le Canada, l’industrie alimentaire est une dépense, alors que, pour les États-Unis, c’est une question de sécurité nationale. Le Canada doit se doter d’une vraie politique agricole, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.

Le sénateur Dagenais : Avec la COVID-19, et avec tous les traités qui ont été signés, comme l’ACEUM, est-ce que les impacts seront plus négatifs pour les agriculteurs canadiens?

M. Groleau : Grâce aux accords signés avec l’Europe, au nouvel accord signé avec les États-Unis et à l’accord conclu avec les pays transpacifiques, on ouvre le marché canadien et on lui donne accès aux autres marchés, mais, afin de profiter de ces accords, il faut que l’intervention du gouvernement canadien pour soutenir l’agriculture soit comparable et concurrentielle par rapport aux interventions qui sont faites par les États-Unis et l’Europe. Si ces interventions ne sont pas concurrentielles, on ne pourra pas profiter de ces accords.

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Merci, messieurs. Ma question s’adresse à vous trois. Peut-être que M. Lansbergen peut répondre oralement et que les deux autres peuvent répondre par écrit.

Vous avez tous les trois décrit des problèmes importants et des situations très difficiles qui existaient avant le début de la pandémie.

Les mesures économiques pour la reprise et pour composer avec la crise visent, primo, à maintenir le secteur à flot et, secundo, à stimuler l’économie et à, idéalement, garantir que votre secteur est durable.

Pouvez-vous formuler quelques recommandations pour vos secteurs respectifs afin de régler les deux types de problèmes, soit ceux qui existaient avant la crise et ceux qui découlent de la COVID-19? Je demande d’abord à M. Lansbergen. Les deux autres peuvent peut-être répondre par écrit. Merci.

M. Lansbergen : Merci de la question. Dans la pêche d’espèces sauvages, il est difficile de trouver un équilibre entre ce qu’on pêche pour les marchés et ce qu’on doit transformer, ainsi que de maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande. Si on ne pêche pas parce que l’on croit qu’il n’y a pas de demande, il va sans dire que les poissons resteront dans l’océan, ce qui sera peut-être bénéfique pour divers stocks de poisson au cours des années subséquentes. C’est un peu différent de nos collègues agriculteurs, qui accomplissent leur travail sur terre.

En ce qui a trait à la durabilité, le Canada est un pays responsable en matière de gestion des pêches et d’écosystèmes océaniques. Nous ne sommes pas parfaits, mais nous sommes très bons. Le ministère des Pêches et des Océans a annoncé que 96 % des stocks de poissons sont pêchés à des niveaux considérés comme durables, ce qui est très bon. Au sortir de la crise, c’est vraiment la durabilité des exploitants qui comptera, et non celle de la ressource. Comment les pêcheurs côtiers et hauturiers et les exploitants seront-ils soutenus et prospéreront-ils au cours de cette pandémie et comment pouvons-nous faire en sorte qu’ils restent tous étroitement liés dans la chaîne d’approvisionnement, sans oublier la distribution des produits aux clients, peu importe où ils se trouvent?

Le président : Merci. Pour les deux autres témoins, nous vous fournirons la question de la sénatrice Galvez, puis vous pourrez y répondre par écrit, conformément à sa demande. Nous vous en serions reconnaissants.

La sénatrice M. Deacon : Merci à tout le monde d’être ici. Je vous en suis reconnaissante.

Ma question s’adresse à M. Currie et elle porte sur les travailleurs étrangers temporaires au Canada. Comme vous tous, j’ai été heureuse de constater que ces travailleurs allaient pouvoir venir au Canada pour travailler dans des fermes. En fait, à l’instar de la plupart des Canadiens, j’ai constaté à quel point ils sont essentiels pour notre approvisionnement alimentaire. Toutefois, ce n’est un secret pour personne que ces travailleurs sont parfois maltraités ou exploités par certaines personnes de l’industrie. Les plaintes semblent porter principalement sur le fait que les logements tombent en décrépitude et que l’on retient la paie des travailleurs, mais on rapporte également des cas de violence physique. De toute évidence, nous comprenons mieux le travail qu’ils accomplissent et nous avons peut-être l’élan nécessaire pour faire en sorte que les cas d’abus soient une chose du passé. Je sais que la Fédération canadienne de l’agriculture partage aussi mes préoccupations. Que pouvons-nous faire en tant que parlementaires pour parvenir à cette fin? La Fédération canadienne de l’agriculture s’efforce-t-elle aussi de parvenir à une fin semblable?

M. Currie : Je vous remercie de cette question. Je crois qu’il y a beaucoup de mythes concernant le logement et l’embauche des travailleurs étrangers.

Ce qui est certain, c’est que je ne veux pas qu’aucun travailleur, canadien ou étranger, ne se retrouve dans un milieu de travail où les conditions ne sont pas adéquates. Je pense que présumer que seuls les travailleurs étrangers peuvent se retrouver dans une telle situation est injuste, parce qu’il y a beaucoup de bons et de mauvais employeurs.

En ce qui concerne les travailleurs étrangers temporaires et les travailleurs saisonniers du secteur de l’agriculture, d’abord, les logements sont inspectés par les autorités locales et par les services de santé publique. Des protocoles des ministères provinciaux de la Santé et du Travail sont en place. Service Canada mène également des inspections des installations alors l’application des protocoles peut se faire à différents niveaux et c’est ce qui se passe présentement.

Au bout du compte, mieux sont traités les travailleurs, meilleur est leur rendement. Bon nombre de ces travailleurs reviennent année après année, avec leur famille, et c’est parfois même la deuxième ou la troisième génération d’une famille à venir travailler. Si nous n’aimons pas les mauvais employeurs, dire que la situation est généralisée serait injuste. La plupart des employeurs traitent leurs employés comme si c’était vous et moi, de la même façon que vous traiteriez vos employés. Nous cherchons toujours à amener nos employeurs à offrir de meilleurs logements et de meilleurs moyens de transport aux travailleurs, mais nous ne soutenons certainement pas les mauvais employeurs. Dire qu’on traite mal ces travailleurs en général est une grossière exagération. Nous allons continuer de collaborer avec tous les ordres de gouvernement afin d’améliorer la sécurité au travail pour tous les travailleurs, qu’ils soient Canadiens ou étrangers.

Le président : Merci, monsieur Currie.

Le sénateur Klyne : Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins. Ma question s’adresse à l’ensemble des témoins. Si quelqu’un souhaite ensuite ajouter quelque chose, une réponse supplémentaire par écrit serait grandement appréciée.

Je pense à la sécurité alimentaire et à ce que la COVID-19 a permis de mettre en lumière à ce sujet, ainsi qu’à ce que nous devrons changer dans notre façon de faire en matière de sécurité alimentaire. Il semble bizarre de devoir se soucier d’une pénurie alimentaire au Canada. Même si je ne crains pas que nous vivions une famine de si tôt, nous avons vu des rayons et des réfrigérateurs vides et il risque d’y avoir de nouveau des pénuries temporaires de courte durée pour certains produits en particulier.

Le modèle « plus il y en a, mieux c’est » fonctionne habituellement bien, mais lorsque la situation se détériore, il est peu flexible et difficile à adapter et il réagit lentement. Le problème logistique des grands fournisseurs et des grandes chaînes qui tentent d’obtenir des produits alimentaires auprès de petits fournisseurs doit être un cauchemar et je pense surtout à l’approvisionnement en protéines, mais c’est le cas des produits alimentaires en général.

La COVID-19 a-t-elle révélé des secteurs sur lesquels nous devrions porter notre attention à l’avenir en matière de sécurité alimentaire?

M. Currie : Merci de votre question, sénateur. Assurément, en ce qui a trait à la sécurité alimentaire en général, la plupart des Canadiens n’ont jamais vu de sections entières de magasins ou de rayons vides. Comme vous l’avez dit, nous ne manquerons pas de nourriture, mais la variété de choix a changé et les prix ont aussi changé. La capacité d’acheter de bons aliments sûrs et abordables, que les Canadiens tenaient pour acquise, a été touchée. Cela nous donne l’occasion de revoir notre système au Canada, qui est généralement considéré comme étant un système de production alimentaire robuste; que pouvons-nous faire pour le rendre plus solide?

Nous avons la chance d’avoir un important capital naturel au pays qui nous permet de produire beaucoup de nourriture — beaucoup plus que ce que nous sommes en mesure de consommer — et nous pouvons donc exporter les excédents et créer des opportunités économiques.

Nous avons également l’obligation morale de nourrir le monde en raison de notre capacité à produire de la nourriture en abondance. Dans l’examen qui sera mené après la pandémie de COVID-19 pour trouver des façons d’améliorer le système, de le rendre meilleur et plus solide, les solutions ne seront pas nécessairement d’en réduire la taille.

Au sujet de ce que vous avez dit concernant la réduction de la taille, un des enjeux qui pourront être étudiés sera celui des obstacles au commerce interprovincial, qui empêchent le transport et le déplacement des marchandises entre les provinces. La viande est un bon exemple où ces obstacles empêchent la circulation des produits entre les provinces. L’ACIA nous a accordé une exemption temporaire — ce qui est très apprécié — pour que la viande puisse être acheminée d’une province à l’autre pour atteindre les régions où il y a des besoins, mais il serait peut-être judicieux d’envisager la levée définitive de ces obstacles pour assurer la libre circulation des produits entre les provinces.

Le président : Merci, monsieur Currie.

[Français]

M. Groleau : En fait, la sécurité alimentaire, c’est la disponibilité des aliments. Donc, les aliments sont-ils disponibles? C’est aussi l’accès aux aliments, et ce ne sont pas tous les Canadiens qui y ont accès également. Si le prix des aliments augmente, une partie de plus en plus importante de Canadiens n’auront pas accès à une alimentation suffisante. C’est aussi cela, la sécurité alimentaire, et c’est également une question de revenus.

Le président : Merci, monsieur Groleau. Si vous voulez ajouter des informations complémentaires à votre réponse, vous pouvez le faire par écrit par l’entremise de la greffière.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Je remercie tous les témoins de leur travail et de leur participation à la réunion d’aujourd’hui.

Des organismes, dont le Migrant Rights Network, ont soulevé des préoccupations concernant les quelques 500 000 travailleurs migrants, qui occupent depuis longtemps des emplois vitaux au Canada, dont plusieurs ont perdu leur emploi en raison de la COVID-19 comme vous l’avez dit, mais n’ont pas accès à la Prestation canadienne d’urgence parce qu’ils n’ont pas de numéro d’assurance sociale. De plus, certains de ces travailleurs sont sans papiers, d’autres n’ont qu’un numéro d’assurance sociale expiré et d’autres encore ont un visa de travail expiré. Les retards, en plus de ce que vous avez mentionné, sont très inquiétants quant à la possibilité pour les travailleurs migrants de contribuer au secteur agricole, ainsi qu’au secteur de la pêche. À votre connaissance, combien de travailleurs se trouvent dans une telle situation? Quelles mesures sont mises en œuvre pour soutenir ces travailleurs?

[Français]

M. Groleau : Non, pas vraiment, puisque, dans le secteur agricole, on engage surtout des travailleurs étrangers temporaires, qui sont admissibles au programme d’assurance maladie et aux autres services offerts aux Canadiens. Leur statut est régularisé. Ce n’est donc pas dans nos secteurs que ces gens sont principalement employés.

[Traduction]

M. Currie : Je ferais écho à ce que M. Groleau a dit. Nous ne sommes pas au fait de telles situations.

La sénatrice Duncan : Je remercie les témoins de leurs réponses. Je serai brève afin de donner l’occasion à mes collègues de poser leurs questions et je demanderais une réponse par écrit.

Je tiens à remercier le sénateur Klyne d’avoir soulevé la question de la sécurité alimentaire. J’étais bien heureuse d’entendre que la production alimentaire au pays est en mesure de nourrir les Canadiens et qu’on parle aussi d’exportation. J’aimerais attirer l’attention des témoins sur les discussions antérieures qu’a eues le Comité des finances nationales au sujet du transport des marchandises au pays et des obstacles au commerce interprovincial qui ont été mentionnés.

S’il vous plaît, dans le rapport que vous produirez sur la situation au Canada, pourriez-vous aussi étudier la question du Nord et de l’importance de la sécurité alimentaire là-bas, notamment dans l’Arctique canadien, et de l’accès aux ressources alimentaires?

J’espère obtenir un rapport exhaustif qui tiendra compte de la situation dans le Nord et examinera des questions comme la production alimentaire, la sécurité alimentaire, le transport et les obstacles au commerce interprovincial. Je suis impatiente de lire vos réponses à ces questions. Merci.

Le président : Messieurs les témoins, je vous prie de produire une réponse par écrit, comme le souhaite la sénatrice Duncan.

[Français]

Le sénateur Loffreda : Ma question s’adresse à M. Groleau. Nous avons reçu ce matin un sondage de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante qui nous indique que seulement 69 % des entreprises dans le secteur de l’agriculture sont restées ouvertes et ont offert un plein rendement à ce jour. Est-ce le cas au Québec également? Voyez-vous un problème pour la relance de cette portion de 31 % des entreprises qui ne sont pas restées ouvertes? Que pouvons-nous faire pour les aider à redémarrer?

M. Groleau : Merci. Je crois que cette estimation devrait être vérifiée. Je n’ai pas l’impression que 31 % des entreprises agricoles ont fermé pendant cette période.

Le sénateur Loffreda : Elles n’ont pas fermé, mais elles n’ont pas fonctionné à plein rendement, ce qui veut dire que leur production a diminué de façon significative.

M. Groleau : D’accord, je comprends. Dans plusieurs secteurs de production, en raison de la fermeture des restaurants, des hôtels et de certaines institutions, la demande alimentaire a changé de manière dramatique. Certains ont perdu 100 % de leur marché, d’autres en ont perdu 80 %. Par exemple, on vend beaucoup de veau de lait dans les restaurants et les hôtels, mais moins dans les épiceries. Donc, il y a eu des changements draconiens. Cela aura un impact sur la rentabilité de ces entreprises, d’autant plus que les programmes canadiens de gestion des risques de l’entreprise ne s’appliqueront pas, malgré les impacts importants que ces entreprises ont subis. Donc, c’est pour cette raison que la façon de corriger cette situation serait de faire des modifications aux programmes de gestion des risques au Canada, et plus particulièrement au programme Agri-stabilité.

La sénatrice Gagné : Merci aux témoins de leur présence parmi nous aujourd’hui. J’aimerais parler de l’autosuffisance alimentaire au Canada, pour faire suite aux questions posées par le sénateur Klyne et la sénatrice Duncan.

Je crois que la crise sanitaire actuelle a mis en évidence notre dépendance aux aliments provenant de l’étranger. Quel est le pourcentage d’autosuffisance alimentaire au Canada? Est-ce que le modèle d’affaires des divers types d’agriculture au Canada se prête à l’autosuffisance? On sait qu’il est important de soutenir le développement de la production et de la transformation, mais le consommateur est-il prêt à payer plus cher pour ses aliments?

M. Groleau : Je vais vous donner les chiffres pour le Québec. Si on parle d’autosuffisance agricole, le Québec est autosuffisant à environ 35 %. Si on ajoute le secteur de la transformation et des produits importés qui sont transformés chez nous pour le marché canadien, on se situe autour de 57 %. Donc, oui, il y aurait un travail important à faire pour améliorer l’autosuffisance alimentaire au Canada et pour diminuer la dépendance du pays aux produits importés.

Pour ce qui est des consommateurs, il y a une réponse extrêmement intéressante de leur part durant la crise actuelle. Ils s’approvisionnent localement et consomment des produits locaux. Je crois que nous devrions encourager cet intérêt des consommateurs après la crise.

[Traduction]

Le président : Pour faire suite à la question de la sénatrice Gagné, j’aimerais que M. Currie et M. Lansbergen transmettent une réponse par écrit à la greffière, si possible.

La sénatrice Martin : Merci à ceux qui ont fait une présentation aujourd’hui. Je crois que je suis la seule membre du comité de la Colombie-Britannique, alors je vais tous vous transporter sur la côte Ouest. Ici, il y a des défis uniques, mais aussi des opportunités. J’aimerais entendre ce qu’ont à dire M. Currie et M. Lansbergen au sujet des défis régionaux et des différences entre les régions.

La Colombie-Britannique n’a pas été aussi durement touchée qu’ailleurs par la COVID-19. En tant que sénatrice de la Colombie-Britannique, je voudrais avoir l’assurance que vos organismes, les producteurs et les industries de la province pourront avoir accès aux mesures de soutien. Je sais que les mesures présentées par le gouvernement étaient loin de combler vos demandes, alors j’imagine que le nombre de demandeurs ou l’ampleur des besoins surpassent de beaucoup l’aide offerte, mais je m’inquiétais de certaines industries de la Colombie-Britannique en particulier et j’aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet.

M. Currie : Merci de votre question, sénatrice. La Fédération canadienne de l’agriculture représente plus de 200 000 membres de partout au pays. En réponse à votre question, il existe des différences quant à la production et aux types de productions, aux types de cultures et d’animaux d’élevage.

Nous ne faisons pas de distinctions entre les groupes; nous défendons tout le monde. Nous nous battons pour que nos membres aient accès à tous les outils, notamment aux outils de gestion du risque, qui leur sont offerts pour traverser des périodes difficiles comme celle créée par la COVID-19. Nous défendons chacun de nos membres.

Le président : Je remercie tous les témoins de nous avoir fait part de leurs recommandations et de leurs idées. Dans les semaines à venir, pendant la préparation de notre rapport sur l’étude de la COVID-19 commandée par le Sénat du Canada, si vous avez quelque chose à nous communiquer, n’hésitez pas à le faire par l’entremise de la greffière du comité, Mme Fortin.

Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant les témoins de notre quatrième groupe, celui du secteur bancaire. D’abord, nous avons Martha Durdin, présidente et chef de la direction de l’Association canadienne des coopératives financières. Elle est accompagnée de Michael Hatch, vice-président, Relations gouvernementales.

Nous accueillons également Neil Parmenter, président et chef de la direction de l’Association des banquiers canadiens. Il est accompagné par Darren Hannah, vice-président, Finances, risques et politiques prudentielles.

Honorables sénateurs, nous entendrons maintenant la présentation de Mme Durdin, suivie de la présentation de M. Parmenter et de ses commentaires et nous passerons ensuite immédiatement aux questions.

Madame Durdin, vous avez la parole.

Martha Durdin, présidente et chef de la direction, Association canadienne des coopératives financières : Bonsoir, mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui de l’aide à apporter aux Canadiens en ces temps difficiles. L’ACCF est l’association professionnelle nationale qui regroupe 236 coopératives de crédit et caisses populaires à l’extérieur du Québec, et nous offrons des services de dépôt, de prêt et de gestion du patrimoine à 5,8 millions de Canadiens.

Nos membres ont pris des mesures décisives pour stabiliser le système financier et aider les Canadiens durant cette crise. Ils ont agi rapidement, comme l’ont fait les banques de leur côté, pour apporter un soulagement financier en réduisant les taux d’intérêt des cartes de crédit et des prêts, en mettant en place des reports de paiement hypothécaire et en augmentant les limites de prélèvement pour ralentir la propagation de la COVID-19. Notre secteur a été en contact permanent avec le gouvernement fédéral tout au long de cette crise et, d’une manière générale, nous avons été impressionnés par la rapidité avec laquelle les fonctionnaires fédéraux ont agi et leur volonté de s’engager avec les parties prenantes et de changer de cap au besoin. Nous reconnaissons que nous vivons une époque extraordinaire et que le processus politique n’a jamais été conçu pour fonctionner dans ce genre de situation de stress, mais le gouvernement, comme nous tous, n’a eu d’autre choix que de faire face à la situation.

Dès le début de la crise, alors qu’il semblait que le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes de 40 000 $ ne pouvait être réservé qu’aux clients des grandes banques et de quelques grandes coopératives de crédit, notre secteur a fait front commun pour dire qu’il était inacceptable de laisser 20 % des petites entreprises en dehors de ce programme vital. À leur crédit, les hauts responsables financiers, le cabinet du ministre, la Banque de développement du Canada et Exportation et développement Canada ont trouvé un moyen de faire participer au programme toutes les coopératives de crédit et leurs petites entreprises membres.

À ce jour, le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes a permis d’octroyer des milliards de dollars de crédits et de subventions aux premiers touchés par cette pandémie. Si le soutien a été bien reçu et nécessaire, sa mise en œuvre s’est heurtée à des difficultés.

Les banques ont été les premières à s’exprimer sur le déploiement de ce programme, qui a désavantagé les coopératives de crédit et leurs membres commerciaux. Dès le premier jour, on aurait dû partir du principe que toutes les coopératives de crédit participeraient. Au lieu de cela, nous avons été obligés de faire un lobbying agressif pour faire accepter nos membres à la table des négociations, ce qui a entraîné des retards importants. En outre, les plus petites entreprises restent largement exclues du programme et ne peuvent pas atteindre le nouveau seuil de 40 000 $ de dépenses impossibles à reporter pour 2020. Il faut travailler davantage pour obtenir des financements pour tous ceux qui doivent survivre à cette crise. Cela dit, le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes est un mécanisme efficace pour ceux qui remplissent les conditions requises. Si un soutien supplémentaire s’avère nécessaire dans les mois à venir, le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes serait un moyen efficace de le fournir.

L’autre composante du Programme de crédit aux entreprises — le programme de prêts conjoints — qui intéresse nos membres n’a pas été aussi populaire pour des raisons que nous essayons encore de comprendre. Le programme de prêts conjoints est destiné aux grandes entreprises dont les produits de prêt se chiffrent en millions de dollars, alors que le plafond du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes est de 40 000 $. Il manque également la composante « subvention » du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, et des membres nous ont dit que les exigences en matière de rapports sont onéreuses. Les clients ne sont pas encore prêts à s’endetter davantage à ce stade.

Nous aimerions attirer l’attention des membres du comité sur le mandat et le portefeuille sans cesse croissants de Financement agricole Canada. Financement agricole Canada est unique parmi les sociétés d’État en ce sens qu’elle n’est pas soumise à un examen parlementaire régulier de son mandat, et elle n’en a pas eu depuis près de 20 ans. Nous avons signalé ce problème de plus en plus grave au gouvernement avant la crise. Il est d’autant plus urgent aujourd’hui que, selon les registres de Financement agricole Canada, 5 milliards de dollars de produits supplémentaires circulent sur le marché. Son développement et sa croissance continus constituent une menace concurrentielle sérieuse pour les autres acteurs du secteur financier.

Pour l’avenir, le gouvernement a beaucoup de choses à considérer. Aucun d’entre nous ne sait combien de temps durera cette pandémie ou ce verrouillage, mais cela ne peut pas durer éternellement. Déjà, la pression monte pour un retour à quelque chose qui ressemble davantage à la normale, bien que la normale ne sera plus ce qu’elle était avant longtemps. Le gouvernement devrait fournir des orientations claires sur sa stratégie de sortie des mesures de soutien extraordinaires actuelles et ne pas se contenter de couper les vivres d’un seul coup et sans préavis. Nous savons que ces programmes ne peuvent et ne doivent pas durer éternellement. Le gouvernement doit être clair et cohérent dans sa communication et son intention de les supprimer progressivement.

Parlant de communication, nous aimerions une meilleure communication entre le Bureau du surintendant des institutions financières — l’organisme fédéral de réglementation des banques — et ses équivalents provinciaux qui réglementent les coopératives de crédit. Nous sommes assujettis à la réglementation provinciale, mais le Bureau du surintendant des institutions financières donne le ton et assure le leadership dans toute la réglementation du secteur financier au Canada. Il est mieux doté en ressources que ses équivalents provinciaux. Une communication accrue entre les autorités de réglementation et, si possible, une coordination permettraient d’accroître la stabilité et la prévisibilité du système financier.

Alors que les entreprises sortent de cette crise et entament le processus de réouverture, elles continueront à avoir besoin d’un soutien pour fonctionner dans la nouvelle normalité. Notre message tout au long de la crise a été cohérent et le restera : toute mesure d’aide financière fournie par les institutions financières doit également inclure les coopératives de crédit et leurs centaines de milliers de petites entreprises membres. Cela peut sembler aller de soi, mais l’histoire récente nous montre que ce n’est pas le cas.

Je vous remercie. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie. Nous allons maintenant entendre la présentation de M. Parmenter. La parole est à vous, monsieur.

Neil Parmenter, président et chef de la direction, Association des banquiers canadiens : Je suis accompagné aujourd’hui par M. Darren Hannah, vice-président de l’Association des banquiers canadiens chargé des Finances, risques et politiques prudentielles. Je suis heureux de l’occasion qui m’est donnée de témoigner devant le comité.

Le secteur bancaire canadien a collaboré étroitement avec le gouvernement fédéral, la Banque du Canada et les autorités de réglementation pour mettre en œuvre une série d’initiatives de secours pour les millions de Canadiens dont la vie a été soudainement bouleversée par la COVID-19.

En ce qui concerne les services bancaires aux particuliers, les banques canadiennes ont offert un allégement pour toutes les formes de prêts, hypothèques, lignes de crédit, prêts personnels et cartes de crédit. Au 27 mai, 13 banques membres de l’Association des banquiers canadiens ont apporté leur aide à plus de 721 000 Canadiens en différant le remboursement de leur prêt hypothécaire ou en les dispensant d’un paiement. Les banques ont également pris des mesures décisives pour aider 413 000 Canadiens supplémentaires à gérer les paiements par carte de crédit, plusieurs banques ayant annoncé divers programmes de report de paiement pour les clients ainsi que des taux d’intérêt fixes très réduits ou bas. Nos membres se sont efforcés de faire en sorte que les Canadiens aient accès à des prêts à terme, des lignes de crédit et d’autres produits assortis de taux d’intérêt inférieurs. En outre, les banques ont pris des mesures pour s’assurer que les cotes de crédit ne soient pas affectées par les reports et les paiements différés, et de nombreux frais standard pour toute une série de services ont été supprimés.

Les banques canadiennes sont fières de servir plus de 3 millions de petites et moyennes entreprises, ayant autorisé plus de 247 milliards de dollars de crédit à ce secteur en 2019. Depuis le début de la crise, les autorisations de prêts et de lignes de crédit aux entreprises ont augmenté de 61,5 milliards de dollars. En réponse aux pressions qui s’exercent actuellement sur les entreprises, les banques membres ont travaillé avec leurs clients pour déterminer les meilleures options adaptées à leur situation particulière. Il peut s’agir de prolonger les lignes de crédit d’exploitation, mais les banques ont également introduit une série de mesures flexibles pour les prêts existants, notamment des reports et des prorogations. Plus de 74 000 reports ont été accordés à des petites et moyennes entreprises pour une valeur totale de 2,5 milliards de dollars.

Les banques ont également collaboré avec le gouvernement fédéral pour mettre en place et administrer le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, qui permet aux clients commerciaux admissibles d’avoir accès à une ligne de crédit de 40 000 $ et à un taux d’intérêt de 0 %. En date du 22 mai, plus de 621 000 de ces prêts ont été traités. Comme vous avez pu le constater ces derniers jours, lorsque les six grandes banques ont présenté leurs résultats du deuxième trimestre, les provisions pour pertes de crédit ont considérablement augmenté, ce qui donne une idée de l’impact de la pandémie sur l’économie et les opérations bancaires. Cela dit, les banques détiennent beaucoup plus de capitaux au début de la crise de la COVID-19 qu’elles n’en détenaient au début de la crise financière mondiale. De 2009 à 2019, le capital total des banques canadiennes a plus que doublé, passant de 163 à 336 milliards de dollars.

Plus de 275 000 Canadiens travaillent dans des banques à travers le pays et font un travail remarquable pour aider les clients en pourvoyant les succursales, en répondant aux lignes téléphoniques des centres de contact et en maintenant une infrastructure de soutien essentielle qui permet au réseau de paiements du Canada de fonctionner. Les banques ont travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement pour offrir un accès plus large à l’inscription en ligne au dépôt direct de l’Agence du revenu du Canada, ce qui permet à un plus grand nombre de Canadiens de recevoir rapidement et en toute sécurité leurs prestations au titre de la Prestation canadienne d’urgence. En date du 27 mai, près de 2,4 millions de Canadiens s’étaient inscrits pour recevoir des paiements de secours par dépôt direct.

Des centaines d’employés de banque ont été redéployés pour travailler directement avec les clients en difficulté afin de leur proposer des plans sur mesure pour les aider à gérer leurs finances. Nos membres ont mis en place des programmes spéciaux pour répondre aux besoins des travailleurs de la santé, garantir aux personnes âgées une ligne prioritaire dans l’accès aux centres de contact et continuer à servir les populations vulnérables. De par leur solidité, les banques canadiennes, stables et bien réglementées, peuvent offrir ce niveau élevé d’engagement et de soutien.

En 2019, les banques et leurs filiales ont versé 30 milliards de dollars en salaires et avantages sociaux, ont rapporté 21,3 milliards de dollars en revenus de dividendes à des millions de Canadiens, à des fonds de pension et à des fondations caritatives, et ont payé 12,7 milliards de dollars en impôts à tous les niveaux de gouvernement au Canada. Depuis des centaines d’années, les banques canadiennes ont aidé les Canadiens à traverser de nombreuses périodes difficiles, en travaillant en partenariat avec des gouvernements de toutes les tendances et en faisant reconnaître au niveau mondial notre solidité, notre stabilité et notre résilience financières. Je vous remercie, monsieur le président. J’attends vos questions avec impatience.

Le président : Je remercie les deux témoins d’avoir accepté notre invitation et de répondre à nos questions. Honorables sénateurs, nous allons passer immédiatement aux questions.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie tous les deux pour vos excellentes présentations. Monsieur Parmenter, j’espère que vous me pardonnerez, mais je vais poser des questions à la coopérative de crédit, car j’en sais plus sur les banques que sur les coopératives de crédit et je n’ai que trois minutes.

Pour les coopératives de crédit — et vous y avez tous deux fait allusion dans vos remarques liminaires — les Canadiens reportent les paiements de leurs prêts et hypothèques, et ces reports devront finalement prendre fin. Nous constatons actuellement l’endettement élevé des Canadiens, le taux de chômage élevé, l’augmentation des faillites et d’autres problèmes. Pouvez-vous me donner un aperçu des répercussions financières de la COVID-19 sur les coopératives d’épargne et de crédit? Quel est le risque financier? Y a-t-il une augmentation des provisions pour pertes, des prêts et des hypothèques, comme le font les banques? Les prêts hypothécaires sont-ils assurés par la Société canadienne d’hypothèques et de logement? Les prêts sont-ils garantis par des tiers? Les coopératives de crédit ont-elles accès aux programmes de liquidité offerts par la Banque du Canada?

Mme Durdin : Merci. Cela fait beaucoup de questions. Je vais tenter de répondre à quelques-unes d’entre elles.

De par leur nature même, les coopératives de crédit sont des banques communautaires. Elles offrent des services bancaires communautaires. C’est pourquoi elles sont très présentes dans leur collectivité et prennent leurs décisions en fonction de la santé et du bien-être de l’économie locale. C’est aussi pourquoi leur vulnérabilité varie beaucoup, selon où elles sont situées. Sur la côte Ouest, où le tourisme est très important, le risque est très élevé. C’est un peu différent dans d’autres régions du pays.

Pour répondre à votre question sur le risque, on constate un niveau de risque similaire à celui des banques, même si, encore une fois de par leur nature même, les coopératives sont plus prudentes que les banques lorsqu’il s’agit de prêter de l’argent. Nous avons beaucoup moins de prêts en défaut de paiement que les banques canadiennes. Nous sommes donc un peu moins vulnérables.

Pour ce qui est de la liquidité, les niveaux de liquidité étaient assez élevés au début de la pandémie; il n’y a donc aucun problème de liquidité dans le secteur.

Vous avez demandé si nous faisons affaire avec la Banque du Canada. Les coopératives de crédit travaillent avec la Banque du Canada pour avoir accès au mécanisme permanent d’octroi de liquidités à plus d’un jour, mais il y a un problème. Selon le règlement, il faut être membre de Paiements Canada pour accéder au mécanisme, mais puisque seules les centrales de coopératives de crédit sont membres de Paiements Canada, elles y ont accès en premier. Nous devons donc suivre ce processus pour que les coopératives individuelles puissent bénéficier.

Le président : Madame Durdin, je vais devoir...

La sénatrice Marshall : C’est un bon début. Merci beaucoup.

Mme Durdin : Je me ferais un plaisir de vous revenir là-dessus.

La sénatrice Marshall : Je vous en serais reconnaissante. Merci.

Le président : Madame Durdin, pourriez-vous soumettre le reste de vos réponses aux questions par écrit au greffier? Nous vous en serions reconnaissants. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Forest : Je remercie les témoins de leurs présentations fort pertinentes et importantes dans le contexte de cette crise de la COVID-19. Ma question s’adresse à M. Parmenter et elle se pose du point de vue du consommateur lorsqu’on parle de report de paiements hypothécaires. Comme le mentionnait un reportage de CBC News, lorsque les paiements hypothécaires sont reportés, les intérêts sont ajoutés au solde dû. Tout cela se traduit par des intérêts composés et un coût total d’emprunt plus élevé.

À votre avis, combien d’intérêt supplémentaire un client moyen devrait-il payer en raison du report de ses paiements hypothécaires? Quel pourcentage de demandes de report de paiements hypothécaires est approuvé? J’aimerais aussi connaître les principaux motifs pour lesquels des demandes sont rejetées.

[Traduction]

M. Parmenter : Merci pour la question. Les différentes banques traitent le report de paiements hypothécaires différemment. Certaines d’entre elles restructurent la totalité de l’hypothèque, d’autres non. Bien que la période de report maximale soit de six mois, beaucoup de clients ont seulement demandé un report d’un mois, et ce, dès le départ. Ils avaient l’option soit de prolonger la durée de leur hypothèque d’un mois, ou au plus de six mois, soit d’augmenter leurs paiements. Il est difficile de calculer le montant précis des intérêts compte tenu du nombre de variables en jeu, mais on estime l’augmentation à environ 45 $ par paiement selon la durée du report et le taux d’intérêt. Il s’agit ici d’une estimation maximale.

En réponse à votre question sur le taux d’approbation, bien plus de 90 % des demandes de report sont approuvées. Une demande pourrait être rejetée, par exemple, si le compte était déjà en souffrance avant la COVID-19, ou pour toute autre circonstance atténuante qui daterait d’avant la mise en place du programme. Une demande pourrait aussi être rejetée si le client a d’autres fonds disponibles, par exemple dans un compte d’épargnes, qui pourraient lui donner une marge de manœuvre.

Le sénateur Richards : J’aimerais remercier les témoins. Monsieur Parmenter, certains de ces reports entraîneront des faillites, n’est-ce pas? Compte tenu des effets de la COVID-19 sur les revenus, les salaires et même le coût de la vie, il y aura nécessairement des faillites. Les paiements qui sont reportés vont devoir être faits tôt ou tard, et beaucoup de ménages partout au Canada ne pourront pas les faire. La situation poussera également des entreprises à l’insolvabilité. Je me demande si vous avez un programme pour cela.

Sur une autre question, les 240 millions de dollars accordés par le gouvernement servent-ils à verser des dividendes aux actionnaires? Peut-être que vous pourriez éclairer notre lanterne à ce sujet, aussi.

M. Parmenter : Il est raisonnable de supposer qu’il y aura une augmentation des insolvabilités. Cela dit, surtout en ce qui concerne les prêts hypothécaires résidentiels, les Canadiens s’acquittent très bien de leurs obligations, même en périodes de difficulté. À son plus haut, au Canada, le taux d’hypothèques en souffrance s’élevait à environ 0,64 % — autrement dit, un peu plus de la moitié de 1 % des Canadiens avaient trois mois de retard ou plus dans leurs paiements d’hypothèque. Par contraste, en périodes de prospérité aux États-Unis, ce chiffre s’élève à bien plus de 1 %. Pour mettre les choses en contexte, le taux de 0,65 % que j’ai cité était un sommet que les Canadiens ont atteint dans la récession du début des années 1990.

Je ne comprends pas ce que vous voulez dire à propos des 200 millions de dollars du gouvernement. Si vous parlez des programmes comme le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, cela va directement du gouvernement au client. Il n’y a aucune source de revenu là-dedans, si vous me permettez l’expression, pour les banques.

Le sénateur Harder : Je remercie beaucoup les témoins. J’aimerais revenir à Martha Durdin sur la question du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes et les membres plus modestes pour lesquels vous vous êtes battue pour qu’ils aient accès au programme. J’aimerais connaître le bilan des mesures de soutien que ceux-ci auraient pu offrir aux petites entreprises qui ont un compte avec eux.

S’agit-il d’un pourcentage globalement proportionnel des petites entreprises avec lesquelles vous travaillez, ou bien y a-t-il eu un nombre disproportionné de demandes, comparativement à la part que vous avez pu obtenir? Autrement dit, j’essaye de comprendre le raisonnement du ministère des Finances durant la première étape. Compte tenu de la participation au programme qui a été prolongé, lui donnez-vous tort?

Mme Durdin : Avant de répondre à votre question, j’aimerais signaler que le ministère des Finances offrait le programme par l’entremise d’EDC. Or, EDC, ou Exportation et développement Canada, n’a pas grande expérience avec les coopératives de crédit puisque celles-ci ne servent pas beaucoup le marché des exportations. L’organisme comprenait donc assez mal la nature des coopératives de crédit ni le fait que, à l’échelle nationale, la part du marché des coopératives de crédit est d’environ 20 % des petites entreprises. Dans les régions rurales, comme les Prairies et à certains endroits au Manitoba, elles représentent 50 % du marché.

Je pense donc qu’on s’était dit que si on pouvait parler aux six grandes banques et les amener à participer au programme, celles‑ci pourraient aider le plus grand nombre de Canadiens, ce qui n’est pas faux. Elles sont de loin la plus grande part du marché; la part du marché des coopératives de crédit au Canada est de seulement 8 %, mais ce chiffre est bien plus élevé parmi les petites entreprises.

Il s’agissait juste de trouver un moyen de distribuer les fonds. À un certain point, on a fait marche arrière parce que les coopératives de crédit étaient trop nombreuses, et en réponse nous avons dû prendre des démarches vigoureuses dans l’intérêt des petites entreprises, surtout dans les régions rurales, pour nous assurer de leur participation au programme.

Je doute que cela ait été déterminé d’avance. Je pense qu’on a agi rapidement, sans vraiment comprendre le marché, et qu’on pensait pouvoir rejoindre tout le monde si on offrait le programme aux grandes banques.

Le sénateur Harder : Mais ensuite, les plus petites coopératives de crédit ont-elles pu obtenir un soutien proportionnel à leur taille pour aider leurs petites entreprises associées?

Mme Durdin : Oui. Les petites entreprises ont participé en grand nombre au programme, par l’entremise de leur coopérative de crédit, une fois que celui-ci a été mis en œuvre.

Le sénateur Smith : Je remercie les témoins. J’ai une question pour M. Parmenter. Le secteur bancaire a-t-il dressé ses propres prévisions quant aux créances hypothécaires en souffrance? Qui en sera responsable, au bout du compte?

Deuxièmement, quelles démarches le secteur bancaire a-t-il pris en prévision d’une éventuelle deuxième vague? Lorsque le gouverneur de la Banque du Canada a comparu, nous avons parlé des divers programmes. Mais s’il y a une deuxième vague, qui pourrait être bien pire que ce que nous connaissons aujourd’hui, j’aimerais que vous me donniez un peu plus d’information là‑dessus.

M. Parmenter : Merci pour la question, sénateur. Vous avez répondu à la première question sur les portefeuilles de prêts hypothécaires. Chaque banque fera ses propres évaluations pour déterminer son niveau de confort dans le contexte de son portefeuille de prêts hypothécaires. Lorsqu’elles sont en période d’acquisition de nouveaux clients, les banques grossissent leur portefeuille, et à d’autres moments elles préfèrent réduire leurs activités et leur portefeuille. Elles font toutes leur propre évaluation des risques.

Quelque 66 % des hypothèques au Canada ne sont pas assurées, ce qui veut dire qu’elles ne sont pas couvertes par des organismes d’assurance hypothécaire comme la SCHL. En cas de défaut de paiement hypothécaire, cette perte non assurée devrait être absorbée par la banque elle-même, à moins d’avoir un autre type de couverture.

En réponse à votre question à propos d’une deuxième vague, quand j’ai parlé des provisions pour pertes sur créance, globalement, celles-ci sont passées d’environ 2,9 milliards de dollars à près de 11 milliards de dollars durant le dernier trimestre. En conséquence, les banques, en consultation avec leurs économistes, leurs prêteurs et les autres dirigeants d’entreprise, se sont penchées sur leurs portefeuilles de prêts pour tenter de déterminer leurs prévisions économiques sur les 3, 6 ou 12 prochains mois. Comme vous pouvez l’imaginer, c’est une tâche d’autant plus difficile en période de pandémie mondiale sans précédent, mais c’est justement ce qui motive l’augmentation des réserves pour couvrir les prêts qui pourraient éventuellement être en souffrance. Comme vous l’avez constaté, dans certains cas, les provisions pour pertes sur créance des grandes banques ont quintuplé durant le dernier trimestre.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Parmenter. Je voudrais revenir sur le marché immobilier résidentiel. Croyez-vous qu’il y aura une diminution importante du nombre de ménages qui seront en mesure de se qualifier pour un prêt hypothécaire auprès des banques? Dans quelle mesure les programmes actuels du gouvernement permettront-ils d’éviter des reprises de finance pour les résidences personnelles?

[Traduction]

M. Parmenter : Comme je le disais plus tôt, sénateur, le taux de prêts hypothécaires en souffrance s’élève à une fraction de 1 % au Canada; il est donc extrêmement faible.

Les facteurs qui contribuent à l’accès au logement et à l’admissibilité aux hypothèques sont le revenu et l’emploi. Si on prend l’ensemble du Canada, les petites différences dans les taux d’hypothèques en souffrance sont principalement attribuables aux taux d’emploi dans les diverses provinces. L’Ontario, par exemple, aurait le plus faible taux d’hypothèques en souffrance comparativement aux autres provinces. Il en est ainsi parce que, si l’on exclut les marchés comme Toronto où le prix du logement est incroyablement élevé comparativement à d’autres régions du pays, les niveaux d’emploi sont plus élevés que dans les autres provinces.

[Français]

Le sénateur Dagenais : En raison de la pandémie actuelle, quelle sera la valeur de l’argent comptant pour les consommateurs? Les consommateurs vont-ils moins l’utiliser? On ne peut pas l’utiliser du tout actuellement.

[Traduction]

M. Parmenter : La question porte sur l’utilisation d’argent comptant. Nous pensons certainement qu’il y aura toujours une place pour l’argent comptant. Pour diverses raisons, il s’agit d’un avis qui est également partagé par la Banque du Canada au sujet des gens de différentes collectivités. Il ne fait aucun doute que, pendant la pandémie, nous avons remarqué une réduction assez prononcée de l’utilisation d’argent comptant. Paradoxalement, dans les premiers jours de la crise, nous craignions que les gens se ruent sur l’argent comptant, c’est-à-dire qu’ils se précipiteraient aux guichets automatiques à la recherche d’argent. Cela ne s’est pas concrétisé. Nous avons certainement constaté une utilisation continue de crédit et de débit tout au long de la pandémie. Pour répondre à votre question, je pense qu’il y aura toujours une place pour les devises et l’argent sonnant.

La sénatrice Galvez : Je vous lis une question de la sénatrice Marilou McPhedran qui s’adresse à M. Parmenter : étant donné que l’institution financière fédérale a établi des règles pour les six grandes banques, y compris des exigences en matière de divulgation, le site Web de Finances Canada a-t-il raison d’affirmer que les six grandes banques ont augmenté leur part de tous les actifs dans le sous-secteur bancaire depuis la crise financière de 2008 et qu’elles représentent maintenant 93 % de tous les actifs bancaires?

Est-il exact que les six grandes banques ont versé à leurs PDG un total de 75 millions de dollars en salaires et primes en 2018?

Étant donné l’énorme écart entre la richesse des six grandes banques, des PDG et des Canadiens ordinaires, est-il exact que, selon les prévisions, les profits générés par les six grandes banques pendant la pandémie de COVID-19 devraient être encore plus importants? Pour ma gouverne, pouvez-vous citer le nom des six grandes banques?

M. Parmenter : Madame la sénatrice, vous me posez un bon nombre de questions. Les six grandes banques sont la Banque TD, la RBC, la Banque Scotia, la CIBC, la Banque de Montréal et la Banque Nationale.

En réponse à la question sur les salaires des PDG, je n’ai pas cette information sous la main. En ce qui concerne l’ensemble des actifs, la part des six grandes banques varie selon les produits. Vous faites état d’actifs, mais je ne sais pas de quelle catégorie de produits vous parlez. Je n’ai certainement pas ce chiffre sous la main.

En réponse à votre question sur les profits, madame la sénatrice, si vous examinez les bénéfices qui ont été annoncés la semaine dernière pour le deuxième trimestre, vous constaterez que c’était pour le trimestre qui a pris fin le 30 avril. Par conséquent, selon votre point de vue, en raison de l’incidence générale de quatre à six semaines de pandémie de COVID-19 sur les revenus de ce trimestre, les bénéfices ont baissé en moyenne de plus de 50 %. Si vous commencez à envisager des trimestres qui sont entièrement touchés par la COVID-19, comme le troisième trimestre dans lequel nous nous trouvons actuellement, il serait très difficile d’enregistrer des hausses de bénéfices par rapport aux niveaux actuels étant donné que les bénéfices ont baissé de plus de 50 % après seulement six semaines de pandémie.

La sénatrice M. Deacon : Je remercie les représentants de l’Association canadienne des coopératives financières et de l’Association des banquiers canadiens d’être présents ce soir.

Ma question s’adresse aux représentants de l’Association des banquiers canadiens et porte sur la santé actuelle du secteur bancaire, alors que nous endurons cette pandémie et que nous nous en remettons. Lors de la grande récession, les banques canadiennes étaient considérées comme un modèle d’excellence et ont plutôt bien résisté à la tempête. Je me demande comment elles s’en sortiraient cette fois-ci. Avant même que nous commencions ce chapitre de notre histoire, le niveau d’endettement des ménages canadiens était plus élevé que jamais. Personne ne peut le prédire, mais nous espérons être sur la voie de la reprise d’ici la fin de 2020. De toute évidence, c’est loin d’être garanti.

Dans quelle mesure croyez-vous que les banques canadiennes sont vraiment préparées à traverser une éventuelle pandémie prolongée?

M. Parmenter : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Les banques canadiennes sont vraiment parmi les plus solides au monde, voire les plus solides au monde. Il y a deux grandes raisons à cela. Sur le plan de la gestion des risques, les banques canadiennes sont très conservatrices. De plus, la surveillance et la réglementation prudentes du secteur bancaire canadien sont parmi les plus sévères au monde. Les organismes de réglementation canadiens comme le Bureau du surintendant des institutions financières sont considérés comme des organismes de calibre mondial parmi leurs pairs à l’échelle internationale. C’est dans ce contexte que fonctionnent les banques canadiennes.

Cela dit, sur le plan de la gestion des risques des banques individuelles ainsi que de la surveillance prudente, les banques poussent à l’extrême les simulations de crise sur leurs portefeuilles de prêts et leurs activités. Je pense que nous pouvons tous convenir que leurs simulations de crise sont parmi les plus extrêmes que nous ayons jamais vues. Cela dit, elles sont onéreuses et effectuées régulièrement, y compris tout au long de la crise actuelle. Nous sommes très confiants que non seulement le secteur bancaire continuera à faire preuve de résilience et de force, mais aussi que l’économie canadienne en général fera de même avec le temps.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

Le sénateur Klyne : Ma question s’adresse à l’un ou l’autre des groupes de témoins. Je pense qu’elle pourrait être répondue par écrit par l’une ou l’autre des associations ou les deux.

Le plus récent article de Paul Martin, l’un de nos journalistes d’affaires vénérés en Saskatchewan, a suscité quelque chose en moi.

L’une des conséquences de la pandémie de COVID est la réduction des demandes de prêts par les consommateurs. Cela ne devrait pas être une surprise, compte tenu de la fermeture d’une grande partie des magasins de détail, des services non essentiels et de l’industrie de l’accueil. Paul Martin a fait part d’un récent article sur ce sujet qui a été écrit par des économistes de la Banque Scotia. Il a montré que la croissance du niveau d’endettement des consommateurs et des ménages avait ralenti, bien que, fait intéressant, notre appétit pour les prêts hypothécaires n’ait pas diminué. Ce sont les emprunts à des fins de consommation qui ont changé. Ce changement est partiellement attribuable au fait que les prêteurs et les compagnies de cartes de crédit offrent des conditions plus généreuses ou ont des programmes de report. Je dois supposer que les acheteurs de maisons qui restent à l’écart ont décidé qu’un marché d’acheteurs est le meilleur moment pour faire un achat.

Les agriculteurs profitent-ils du fait que le gouvernement fédéral assouplit les restrictions en matière de prêts et encourage les prêteurs à les soutenir? Je reconnais qu’il existe de nombreux problèmes dans le secteur agricole, particulièrement pour les éleveurs de bétail, mais les prêteurs pourraient offrir des modalités attrayantes, ce qui pourrait rendre les agriculteurs plus enclins à en profiter étant donné que la demande de denrées alimentaires est élevée et ne disparaîtra pas. Malgré tous les problèmes auxquels les agriculteurs sont confrontés, profitent-ils de cet environnement pour se procurer de nouveaux stocks?

M. Parmenter : En réponse à votre question, je n’ai malheureusement pas beaucoup d’information sur l’utilisation agricole de ces produits. Je vais vérifier auprès de mon collègue Darren Hannah, qui, je le sais, travaille dans le secteur agricole, pour voir s’il a des renseignements précis à ce sujet.

Darren Hannah, vice-président, Finances, risques et politiques prudentielles, Association des banquiers canadiens : Je n’ai pas de données précises à ce sujet, si ce n’est pour dire que les banques travaillent généralement de façon régulière en étroite collaboration avec leurs clients agricoles. Il s’agit d’un secteur très important pour nous, qui a une longue histoire avec l’industrie et dans lequel les banques travaillent en étroite collaboration avec leurs clients pour exploiter les possibilités qui se présentent à eux.

La sénatrice Pate : Je remercie les témoins. Ma question s’adresse principalement à l’Association des banquiers canadiens, mais si l’Association canadienne des coopératives financières a aussi quelque chose à dire, je serais très heureuse d’entendre ses observations.

L’Association des banquiers canadiens et d’autres organismes ont certainement aidé le gouvernement à traiter les versements de la Prestation canadienne d’urgence. De plus, la semaine dernière, l’association a publié des renseignements sur les prêts sur salaire au Canada et la mesure dans laquelle ils sont utilisés. Je me demande si vous avez des données sur les gens qui ne bénéficient pas de la PCU et qui sont encore laissés pour compte sur le plan de l’accès à la PCU, ainsi que sur les personnes qui utilisent principalement les prêts sur salaire.

Si vous possédez ces données démographiques, pourriez-vous également indiquer s’il existe des similitudes entre ces deux groupes? Si vous ne disposez pas actuellement de cette information, je vous serais très reconnaissant de la fournir au comité par écrit. Merci.

M. Parmenter : Je n’ai pas de statistiques sur la PCU. Le seul rôle des banques à l’égard de la PCU consiste à permettre aux clients qui souhaitaient utiliser leurs services bancaires en ligne d’accéder à la PCU par dépôt direct. L’Agence du revenu du Canada doit posséder l’ensemble des données sur l’admissibilité à la PCU, car ce ne sont pas les banques qui traitent les demandes de PCU de leurs clients. Toutes les approbations sont données par l’Agence du revenu du Canada.

La sénatrice Pate : Avez-vous des données démographiques sur les prêts sur salaire?

M. Parmenter : Je n’ai pas cette information. Il existe une association des prêteurs sur salaire. Elle doit gérer ces statistiques. Je ne les ai certainement pas vues.

Le président : Merci. Madame Durdin, avant que nous passions au prochain sénateur, voulez-vous répondre à la question de la sénatrice Pate ou vous avez de l’information dont vous souhaitez nous faire part?

Mme Durdin : Je n’ai pas de statistiques. Cependant, en réponse à votre question sur les gens qui sont laissés pour compte, nos membres nous ont informés que la nouvelle version 3.0 de la PCU, si vous voulez l’appeler ainsi, qui permet jusqu’à 40 000 $ de dépenses, ne tient toujours pas compte des travailleurs autonomes qui possèdent une très petite d’entreprise. Les coopératives de crédit ont tendance à servir les membres qui se trouvent au plus bas de l’échelle du marché et elles sont d’avis que la PCU ne répond toujours pas aux besoins des très, très petits propriétaires d’entreprise.

Le président : Merci.

La sénatrice Duncan : Je remercie nos invités de leur présence. Je vous suis reconnaissante du temps que vous nous accordez et de vos exposés.

Je tiens à dire à Mme Durdin qu’à ma connaissance, les coopératives de crédit ne mènent aucune activité dans les trois territoires du Nord.

L’an dernier, j’ai eu le privilège de siéger au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a publié le rapport Un système bancaire ouvert, qu’est-ce que cela signifie? en juin 2019. Dans ce rapport, le CRTC s’est dit inquiet des conséquences grandissantes d’un fossé numérique au Canada. Le 16 mai, si je ne me trompe pas, le Globe and Mail consacrait une page entière à une annonce publicitaire des six grandes banques intitulée Committed to Canadians: Here’s How. On pouvait y lire que les banques avaient également aidé leurs clients à utiliser les canaux numériques pour effectuer leurs transactions bancaires à partir de la maison, ce qui est plus pratique et plus sécuritaire.

Ma question porte sur l’accès des Canadiens vulnérables et des régions rurales, en particulier. Pourriez-vous expliquer les mesures que les banques ont prises pour aider les Canadiens en milieu rural, ceux qui n’ont pas nécessairement accès aux technologies, aux canaux ou aux services bancaires numériques?

Encore une fois, lorsqu’on parle des gens vulnérables, quelles mesures les banques prennent-elles pour inclure ces Canadiens? Si vous préférez fournir votre réponse par écrit afin de laisser du temps au sénateur Loffreda, ce serait bien. C’est à la discrétion de la présidence. Je vous remercie.

M. Parmenter : Je peux répondre très rapidement. Grâce à l’Association des banquiers canadiens, dès le départ, au moment où on a décrété la fermeture des succursales dans les régions en raison du confinement et de la distanciation physique, les banques ont su collaborer pour éviter que les deux ou trois succursales d’une localité rurale soient fermées.

J’ai mentionné les personnes vulnérables dans ma déclaration, notamment les personnes âgées. Les banques ont pris diverses mesures. Elles ont par exemple affecté des préposés à l’accueil dans les succursales pour veiller à ce que les personnes âgées ne fassent pas la queue et puissent entrer et sortir rapidement, comme on l’a vu dans les épiceries.

Or, en ce qui concerne les services numériques, malheureusement, c’est plus difficile dans les régions où il y a peu d’accès à Internet haute vitesse. C’est un problème auquel nos membres sont confrontés également.

Le président : Merci. Madame Durdin, souhaitiez-vous ajouter quelque chose?

Mme Durdin : C’est un peu la même chose avec les coopératives de crédit, mais je dirais qu’il y a plus de 350 localités rurales au Canada où les coopératives de crédit sont les seules institutions financières à offrir des services traditionnels, sur place, à la population. Il n’y a pas de banques. Il n’y a pas de succursales autres que les coopératives de crédit. Bien que certaines aient réduit leur empreinte et leurs heures d’ouverture dans ces localités, la grande majorité des coopératives ont maintenu leurs succursales ouvertes et ont pris les mêmes mesures; elles ont des préposés à l’accueil pour s’assurer que les gens puissent entrer en toute sécurité. Elles continuent d’offrir leurs services, mais le manque d’accès à Internet haute vitesse demeure toujours un problème dans certaines régions.

Le président : Merci.

Le sénateur Loffreda : Je remercie nos témoins d’être avec nous ce soir. Ma question s’adresse à M. Parmenter. Vous avez indiqué que les provisions pour pertes sur créances étaient passées de 2,9 milliards à 11 milliards de dollars. Je présume qu’à l’heure actuelle, une partie de ces 11 milliards est liée aux prêts productifs des grandes banques et non uniquement aux prêts improductifs.

Je suis curieux de savoir quel est le pourcentage des provisions pour pertes sur prêts productifs ainsi que les mesures que la Banque du Canada peut prendre, que nous pouvons prendre. La Banque du Canada a probablement fait tout ce qu’elle pouvait, mais à ce stade-ci, nous avons besoin de politiques financières. Quelles politiques financières pouvons-nous mettre en œuvre pour faire en sorte que les prêts productifs demeurent productifs? Voilà pour ma première question qui, comme je l’ai dit, est importante. Que pouvons-nous faire?

Deuxièmement, ce qui m’inquiète, ce n’est pas le report des paiements hypothécaires, car la dernière chose que les Canadiens cessent de payer, c’est leur hypothèque. Je sais qu’ils veulent rembourser leur prêt hypothécaire. Ce qui me préoccupe, c’est plutôt le renouvellement. Lorsque les gens devront renouveler leur prêt hypothécaire après la pandémie, la SCHL a prédit que le prix des maisons pourrait fondre de 18 %. C’est une prévision, bien sûr, et en tant que banquier, je suis plutôt optimiste. Or, nous savons tous ce qui pourrait se produire à l’avenir.

Je suis inquiet. À l’avenir, les banques vont-elles examiner la valeur des maisons au moment du renouvellement et dire que les gens n’ont plus droit au montant qu’ils ont eu pour leur prêt hypothécaire initial? C’est un problème, et c’est ce qui m’inquiète principalement. Les banques feront-elles preuve de souplesse? Que pouvons-nous faire pour maintenir la valeur lors du renouvellement, surtout dans les villes qui connaissent des hausses appréciables comme Vancouver, Toronto et Montréal? Voilà pour mes questions. J’espère que vous pourrez y répondre brièvement ou nous transmettre une réponse par écrit. Certaines de ces questions me préoccupent beaucoup.

M. Parmenter : Merci pour vos questions. Vous avez abordé plusieurs sujets. Ce qui a aidé, c’est lorsque des groupes comme le BSIF ont annoncé que les prêts hypothécaires pour lesquels les institutions auront accordé un report de paiement continueront d’être traités comme des prêts productifs. Je pense que cela préoccupe davantage les banques. Le fait d’offrir des sursis de paiement à ceux qui éprouvent des difficultés financières ne risque-t-il pas de les placer en défaut par rapport aux organismes de réglementation? Il y a une grande collaboration et une grande compréhension, et je pense qu’on continue de suivre la situation de près.

Pour ce qui est du marché immobilier...

Le sénateur Loffreda : J’imagine que ces 11 milliards de dollars ne sont pas uniquement attribuables à des prêts improductifs. Cela doit aussi couvrir les prêts productifs, n’est-ce pas? Vous n’avez peut-être pas cette information.

M. Parmenter : Je n’ai pas les chiffres avec moi, mais encore une fois, c’est en raison de la prudence dont font preuve les banques, à la lumière des prévisions économiques qui sont faites dans la situation actuelle et de certains facteurs, alors je ne crois pas qu’il y ait autant de prêts improductifs en définitive.

Au sujet de l’immobilier, nous avons vu les chiffres de la SCHL dont vous parlez. Si on prend les chiffres de certaines banques, on constate un écart, mais on pense que le pourcentage sera inférieur à 10 %. Les six grandes banques ont avancé que le prix moyen des demeures pourrait chuter de 5 à 7 %.

Il est très difficile de prévoir l’avenir, mais je peux dire que les banques font preuve de beaucoup de compréhension, de souplesse et de bonne volonté à l’égard de leurs clients. Je m’attends à la même chose dans la prochaine phase de cette crise.

Le sénateur Loffreda : Je suis heureux de vous entendre. Les banques doivent continuer de faire partie de la solution. Comme vous l’avez dit, notre système bancaire est le plus solide au monde, et j’espère que les banques travailleront avec nos entreprises et les Canadiens pour maintenir la viabilité de notre économie. Je vous remercie.

La sénatrice Martin : Je tiens à remercier notre dernier groupe de témoins. Ce fut une longue journée, n’est-ce pas?

Ma question s’adresse à Mme Durdin. Vous avez indiqué que, dans les régions rurales, les coopératives de crédit représentaient 50 % du marché. Je m’interroge sur les communautés ethniques où — parfois en raison de la langue et des services qui doivent être offerts dans une langue étrangère — la part de marché des coopératives de crédit pourrait atteindre 80 % et même presque 100 %. Vous avez été très polie lorsque vous avez dit que le ministère des Finances avait choisi EDC, qui ne comprenait rien au marché. Vous nous avez donné d’excellentes explications. Pourquoi auraient-ils fait fi de ce fournisseur de services bancaires aussi important — les coopératives de crédit — et commis une telle erreur? Il y a eu des retards, et j’ai peine à imaginer tout ce que vous avez dû faire, en tant qu’association nationale, pour essayer d’aider les coopératives de crédit partout au pays.

Mme Durdin : Il y a six grandes banques qui détiennent entre 80 et 93 % des parts de marché. Les coopératives de crédit occupent une très petite part du marché, et les coopératives de crédit ont tendance à être absentes du marché à Ottawa. En Ontario, la part de marché est quelque peu inférieure, où vivent beaucoup de personnes qui travaillent dans le secteur financier et qui établissent les règlements. C’est un peu difficile. Nous travaillons dur pour nous assurer d’avoir voix au chapitre et faire en sorte que ceux qui prennent les décisions politiques comprennent que nous sommes vraiment la seule solution de rechange aux banques, d’un point de vue concurrentiel, car aussi petits que nous soyons, nous jouons un rôle important.

Nous ne sommes pas vraiment dans le secteur des exportations. EDC gérait le processus. Ils ont dû apprendre beaucoup de choses très rapidement. Ils ont grandement appris et nous travaillons maintenant en collaboration avec eux.

La sénatrice Martin : Merci pour tout le travail que vous avez accompli au nom des clients des coopératives de crédit. Le gouvernement aura également beaucoup de leçons à tirer de cette expérience. Je ne peux même pas imaginer combien de petites entreprises auraient eu à attendre et à subir des conséquences parce qu’elles font affaire avec les coopératives de crédit. Je vous remercie pour le travail que vous faites.

Le président : Merci aux témoins de nous avoir fait part de vos idées et vos recommandations. Vos observations ont été fort instructives et votre apport sera très utile dans le cadre de notre étude sur la COVID-19. Si vous pensez avoir autre chose à ajouter dans les prochaines semaines, n’hésitez pas à communiquer avec la greffière du comité.

Honorables sénateurs, notre prochaine réunion est prévue pour le mardi 9 juin à 14 h 30, heure de l’Est. Avant de lever la séance, je demanderais aux sénateurs Forest et Richards de rester pour la brève réunion du comité de direction qui nous permettra de préparer notre prochaine réunion.

Honorables sénateurs, membres du personnel et témoins, je vous remercie de votre excellent travail.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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