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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 20 mai 2020

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), par vidéoconférence, pour étudier la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19.

La sénatrice Chantal Petitclerc (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, avant de commencer officiellement, j’aimerais vous rappeler quelques points.

On vous demande de mettre votre micro en sourdine en tout temps, à moins que la présidente ne vous désigne par votre nom, et c’est vous qui êtes responsables d’allumer et d’éteindre votre micro pendant la réunion. Avant de prendre la parole, veuillez attendre qu’on vous nomme. Une fois que vous aurez obtenu la parole, veuillez faire une pause de quelques secondes pour laisser le signal sonore s’installer. Lorsque vous parlez, parlez lentement et gardez le microphone près de votre bouche.

Si vous avez choisi un canal d’interprétation, je vous demande aussi de vous exprimer uniquement dans la langue du canal. Si des difficultés techniques surviennent, particulièrement en ce qui concerne l’interprétation, veuillez le signaler à la présidente, et l’équipe technique s’efforcera de résoudre le problème. Si vous éprouvez d’autres difficultés techniques, veuillez communiquer avec le greffier du comité au moyen du numéro d’assistance technique qui vous a été fourni.

Enfin, veuillez noter que si le comité décide de siéger à huis clos, l’utilisation de plateformes en ligne ne garantit pas la confidentialité des échanges et ne protège pas contre l’écoute clandestine. Par conséquent, tous les participants devraient être conscients de ces limites et limiter la divulgation possible de renseignements confidentiels, privés et privilégiés du Sénat. Les participants doivent savoir qu’ils doivent participer à la réunion dans un endroit privé et être conscients de leur environnement, afin de ne pas partager par inadvertance des renseignements personnels ou des renseignements qui pourraient être utilisés pour déterminer l’endroit où ils se trouvent.

Bonjour. Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Français]

Je m’appelle Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec. C’est un plaisir et un privilège de présider cette réunion virtuelle.

[Traduction]

Avant de céder la parole à nos témoins, j’aimerais vous présenter les sénateurs qui participent à cette réunion. Nous sommes heureux d’accueillir la sénatrice Diane Griffin, la sénatrice Julie Miville-Dechêne, la sénatrice Kim Pate, la sénatrice Patti LaBoucane-Benson, la sénatrice Donna Dasko, le sénateur Jim Munson, la sénatrice Josée Forest-Niesing, la sénatrice Judith Seidman, la sénatrice Ratna Omidvar, la sénatrice Rose-May Poirier, la sénatrice Rosemary Moodie et le sénateur Stan Kutcher.

Aujourd’hui, nous poursuivons l’étude sur la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19.

[Français]

Ce n’est pas un hasard si, après avoir entendu les représentants du gouvernement la semaine dernière, nous commençons la séance d’aujourd’hui en nous penchant sur les enjeux auxquels font face les travailleurs essentiels de la santé.

Depuis le début de cette pandémie qui nous frappe, ils ont répondu à l’appel et sont quotidiennement aux premières lignes à mener ces combats sans relâche, dans des conditions que l’on sait risquées et difficiles. À chacun et chacune d’entre vous, nous disons : « Merci. »

Je vous présente sans plus tarder nos premiers témoins pour aujourd’hui : le Dr Sandy Buchman, président de l’Association médicale canadienne; Claire Betker, présidente de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada; la Dre Cornelia Wieman, présidente de l’Association des médecins indigènes du Canada.

[Traduction]

Je tiens à rappeler aux témoins qu’ils disposent de cinq minutes pour faire leur déclaration préliminaire. Nous allons commencer aujourd’hui par le Dr Buchman, qui sera suivi de Mme Betker et de la Dre Wieman.

Docteur Buchman, vous pouvez commencer votre déclaration préliminaire.

Dr Sandy Buchman, président, Association médicale canadienne : Merci, madame la présidente, et bonjour à tous.

Je comparais aujourd’hui devant le comité à titre de président de l’Association médicale canadienne, et j’ai l’honneur de m’adresser à vous au nom de nos membres — les médecins de première ligne. Je m’appelle Sandy Buchman. J’ai près de 40 ans d’expérience dans la pratique de la médecine familiale, avec des intérêts universitaires dans les soins primaires, les soins en cancérologie et les soins palliatifs, le VIH-sida, la santé globale et la responsabilité sociale de la profession médicale. Je pratique actuellement en soins palliatifs à domicile, y compris les soins palliatifs pour les sans-abri à Toronto.

Depuis 1867, l’Association médicale canadienne préconise l’amélioration de la santé des Canadiens et le renforcement du système de santé. Nous représentons des médecins dévoués, qui luttent contre la COVID-19 aux côtés d’autres fournisseurs de soins de santé.

Les médecins et les autres travailleurs de la santé représentés ici aujourd’hui dirigent l’intervention en santé, prennent soin des personnes atteintes de la COVID-19 et assurent la bonne marche de notre système de santé. Comme nous le savons tous, les travailleurs de la santé risquent davantage de contracter la COVID-19 que la population en général. Ils mettent leur santé et celle de leur famille en danger pour prendre soin d’autrui. Alors que nous envisageons de lever les mesures de confinement, nous devons veiller à ce que la santé de nos employés de première ligne ne soit pas éclipsée par les efforts visant à soutenir notre santé financière. Une économie ne peut pas prospérer si son système de santé est malade.

Notre système de santé est malade depuis un certain temps. Les lacunes dont nous avons été témoins avant la COVID-19 sont ressorties de façon encore plus évidente, qu’il s’agisse de l’accès limité aux soins, de nos réseaux de soins primaires affaiblis, de l’état lamentable de nos soins aux personnes âgées ou des services en santé mentale insuffisants et inadéquats. Bien avant la COVID-19, trop de Canadiens étaient laissés pour compte. Trop de médecins et d’autres professionnels de la santé étaient stressés jusqu’au point de rupture. Ces fissures n’ont fait que s’agrandir au point qu’elles sont devenues des crevasses.

Avant la COVID, le système de soins de santé était constitué d’un ensemble disparate de services non coordonnés, et c’est cette situation qui a contribué à notre manque de préparation. Il est clair qu’il est urgent de renforcer notre capacité en santé publique, en vue de nous préparer et d’intervenir advenant une urgence de santé publique. Nous ne pouvons pas nous considérer comme un pays avancé si nous continuons ainsi.

Madame la présidente, cet exposé dure cinq minutes. Il a une fin. La pandémie n’est pas quelque chose qui va simplement prendre fin. Ce n’est pas une situation temporaire, et nous n’avons pas la liberté de revenir à nos vieilles pratiques. Les médecins et les autres travailleurs de la santé continuent de risquer leur vie. Retourner en arrière n’est pas une option. La « normalité » aura une nouvelle signification. Nous apprendrons à vivre avec ce terrible virus, mais nous devons saisir l’occasion d’agir sur ce que nous avons appris pour créer un avenir plus sain.

Nous avons appris que nous pouvions tous bénéficier de la télémédecine et des soins de santé virtuels. Nous avons appris que cela peut fonctionner et permettre aux Canadiens de profiter de services de santé équitables. La pandémie a démontré de façon irréfutable le rôle important que les soins virtuels peuvent jouer dans la prestation des soins médicaux au Canada.

Notre population vieillit. Comme plus de la moitié des décès attribuables au virus surviennent dans les foyers de soins de longue durée, il est temps de reprendre la discussion sur une stratégie nationale coordonnée en matière de soins aux personnes âgées. Il y a beaucoup plus à faire pour bien prendre soin de nos aînés et les protéger.

Nous devons nous occuper de ceux qui prennent soin des Canadiens. Nos travailleurs de première ligne font face à une situation sans précédent. L’équipement de protection individuelle fait encore cruellement défaut. C’est un fait regrettable. Les médecins continuent d’exprimer de graves préoccupations au sujet du manque d’équipement de protection individuelle. On leur dit de le rationner et de le réutiliser dans certains cas, et que l’approvisionnement est insuffisant. Ce phénomène, combiné au grand nombre d’heures de présence, accroît les niveaux d’anxiété chez ces personnes. Nous avons grandement besoin de mesures supplémentaires qui tiennent compte des risques et du fardeau financier que ces personnes assument. Les pertes financières ne devraient pas faire partie de la myriade de difficultés que connaissent déjà nos travailleurs de première ligne.

En conclusion, madame la présidente, si nous n’appuyons pas nos travailleurs de première ligne en leur fournissant le matériel de sécurité, l’infrastructure technologique, les politiques et les mesures supplémentaires dont ils ont besoin pour aider les Canadiens, nous retournerons à la situation précaire dans laquelle nous nous trouvions avant cette période de transformation. Et personne ne peut se permettre cela. Merci, meegwetch.

La présidente : Merci. Madame Betker.

Claire Betker, présidente, Association des infirmières et infirmiers du Canada : Je vous remercie de m’avoir invitée à comparaître aujourd’hui.

Je vous parle de chez moi, près de Winnipeg, au Manitoba. Je reconnais que je me trouve sur le territoire visé par le Traité no 1, sur les terres traditionnelles des Anishinaabeg, Cris, Oji-Cris, Dakotas et Dénés, et sur le territoire de la nation métisse.

Je suis une infirmière autorisée. J’ai passé toute ma carrière dans la collectivité, surtout dans le secteur de la santé publique. Je suis ici aujourd’hui à titre de présidente de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada.

Il y a plus de 431 000 infirmières et infirmiers autorisés au Canada et ils constituent le plus grand groupe de fournisseurs de soins de santé dans nos systèmes de santé. L’Association des infirmières et infirmiers du Canada est l’organe professionnel, à l’échelle nationale et mondiale, des soins infirmiers au Canada. Nous représentons 135 000 membres, y compris des infirmières auxiliaires autorisées, des infirmières psychiatriques autorisées, des infirmières praticiennes et des infirmières autorisées.

Au cours des derniers mois, les répercussions du coronavirus sur notre pays, notre travail, notre économie et nos vies ont été considérables et bouleversantes. La santé et la sécurité de la population et des travailleurs de la santé du pays sont au cœur de nos préoccupations.

L’Association des infirmières et infirmiers du Canada apprécie les mesures prises par tous les ordres de gouvernement pour réduire la propagation de la COVID-19, réagir à la pandémie et prévoir la reprise. Nous avons bénéficié du leadership de nos agents de santé publique partout au Canada. Nous appuyons les communications solides de l’administratrice en chef de la santé publique, la Dre Theresa Tam, et de son équipe, et nous avons eu de bonnes communications avec Santé Canada, de même qu’avec la ministre de la Santé. Nous les remercions tous.

Je vais rapidement souligner huit questions clés dont les infirmières ne cessent de nous parler.

Premièrement, trois mois après le début de la pandémie, la fourniture constante, fiable et adéquate d’équipement de protection individuelle demeure problématique. Les décisions concernant l’utilisation de cet équipement doivent être fondées sur des données probantes, et non pas sur sa disponibilité ou la crainte de pénuries. Les travailleurs de la santé ont besoin de directives claires sur l’utilisation de cet équipement et l’accès à celui-ci.

Deuxièmement, la diffusion d’information et de directives cohérentes pose un défi dans une fédération regroupant des milliers d’employeurs dans de nombreux secteurs des soins de santé. Cela exige une plus grande collaboration, afin de réduire la confusion causée par les différentes lignes directrices et directives entre les administrations et les milieux de pratique.

Troisièmement, l’Organisation mondiale de la Santé préconise des tests à grande échelle, mais le Canada est en retard sur d’autres pays. Les infirmières craignent qu’en l’absence de ces renseignements pour contribuer à la surveillance de la santé publique, les efforts de prévention, d’atténuation et de rétablissement ne soient pas fondés sur des données probantes.

Quatrièmement, avant la COVID-19, les infirmières signalaient déjà des niveaux élevés de fatigue. Les infirmières font maintenant face à des défis importants pour leur bien-être mental et émotionnel. Il faut leur offrir un accès rapide à des services de soutien en santé mentale personnalisés et sans frais pendant la pandémie et longtemps après.

Cinquièmement, nous travaillons avec l’Association médicale canadienne et l’Institut canadien d’information sur la santé pour déterminer l’impact de la COVID-19 sur la santé des travailleurs de la santé. Toutefois, nous devons savoir qui ils sont et où ils se trouvent. Nous exhortons les gouvernements à financer des systèmes pour retracer ces données très importantes. Ce problème ne date d’ailleurs pas d’hier.

Sixièmement, les infirmières s’inquiètent des populations qui sont plus à risque de contracter la COVID-19, comme les Autochtones. Parmi les autres populations vulnérables, il y a aussi les sans-abri, ainsi que les personnes qui vivent dans des milieux fermés, comme les prisons et les refuges. Ces populations ont besoin d’un soutien stratégique continu.

Septièmement, compte tenu des leçons que l’histoire nous a apprises, nous demandons instamment une réouverture prudente et fondée sur des données probantes des services dans l’ensemble de la société. Nous sommes préoccupés par le fait que le virus est encore très vivant, qu’il se propage et qu’il n’est pas bien compris.

Enfin, en ce qui concerne la question des soins de longue durée, la pandémie a mis au jour le manque criant de normalisation, de financement, de leadership, de personnel, de formation et d’équipement pour les personnes qui fournissent des services dans les secteurs de soins de longue durée. Ces vulnérabilités sont bien documentées.

Nous devons repenser le vieillissement au pays, y compris le soutien à domicile, les soins de longue durée en établissements et les soins de fin de vie, et mettre en place les changements audacieux qui s’imposent.

Nous célébrons en 2020 l’Année internationale des sages-femmes et du personnel infirmier, et force est de constater que les infirmières de partout au pays ont très bien répondu à l’appel par suite de cette pandémie. Au nom des infirmières et infirmiers du Canada, je vous demande de faire jouer aux infirmières et infirmiers des rôles de premier plan dans les analyses à venir de la réponse à la COVID-19. Écoutez-les, faites-les participer et sachez qu’eux et nous produirons les meilleures données probantes pour aider les gouvernements et les décideurs du système de santé à réinventer et à élaborer des systèmes, ainsi qu’à mettre en œuvre les changements nécessaires. Merci.

La présidente : Vous avez la parole, docteure Wieman.

Dre Cornelia Wieman, présidente, Association des médecins indigènes du Canada : J’aimerais remercier la présidente, la vice-présidente et les membres du comité sénatorial permanent des affaires sociales de m’avoir invitée à comparaître devant vous. Je m’appelle Cornelia Wieman. Je suis originaire de la Première Nation de Little Grand Rapids, au Manitoba. Je suis psychiatre de formation, et je suis actuellement médecin hygiéniste en chef adjointe par intérim à la Régie de la santé des Premières Nations de la Colombie-Britannique. Je suis une Anishinaabe qui ne vit pas sur son territoire ancestral, et je reconnais respectueusement que le territoire où je travaille, vis et me divertis est le territoire ancestral traditionnel et non cédé des Salish de la Côte, des Musqueam, des Squamish et des Tseil-Waututh.

Je tiens à remercier les membres de l’Association des médecins indigènes du Canada, mes collègues médecins autochtones, qui travaillent en première ligne et dans des spécialités, comme la santé publique, de même que les résidents et les étudiants en médecine autochtones dont la formation a été retardée, interrompue ou perturbée d’une autre façon par la pandémie.

Parmi les principaux messages que l’Association des médecins indigènes du Canada aimerait transmettre, mentionnons la grande variabilité entre les collectivités, les régions, les provinces et les territoires en ce qui concerne l’incidence et la prévalence de la COVID-19. Certaines collectivités des Premières Nations de la Colombie-Britannique et du Nord de la Saskatchewan ont connu des éclosions. Certaines collectivités des Premières Nations n’ont eu qu’un ou deux cas, ou très peu, alors que d’autres n’en ont eu aucun.

Même si la réponse à la COVID-19 dans les collectivités a été dans certains cas positive, cela n’est pas généralisé. Certains de nos membres rencontrent régulièrement la ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord pour discuter des défis auxquels ils font face pendant cette pandémie. Certaines collectivités ont encore de la difficulté à se procurer des fournitures adéquates pour faire face aux risques liés à la COVID-19. Cela comprend l’équipement de protection individuelle, comme les masques et les blouses, et d’autres articles essentiels, comme le désinfectant pour les mains.

Les Autochtones et les Premières Nations ont été et continuent d’être victimes de racisme dans le système de soins de santé, et nous, en tant que médecins autochtones, continuons de travailler à assurer la sécurité culturelle des membres de notre famille et de notre communauté au sein du système de santé dans son ensemble.

Étant donné que les Premières Nations et les Autochtones continuent de connaître des disparités dans les déterminants sociaux de la santé, des lacunes importantes sont à signaler au chapitre de notre état de santé et de notre santé mentale, y compris des taux plus élevés de maladies chroniques, comme le diabète, les maladies cardiaques, les maladies pulmonaires et certains problèmes de santé mentale, dont le trouble de stress post-traumatique complexe chronique. Ces problèmes physiques et émotionnels préexistants nous exposent à un risque accru de mauvais résultats si nous contractons la COVID-19.

Nos expériences de traumatismes complexes — historiques, intergénérationnels et contemporains — ont un effet sur nos niveaux de détresse émotionnelle et notre capacité de faire face à cette pandémie, qui se poursuivra pendant encore un certain temps. Cette détresse émotionnelle est liée à des choses comme les problèmes de santé mentale, y compris les tendances suicidaires aiguës, la toxicomanie et l’alcoolisme, ainsi que la violence familiale.

Nous croyons qu’il faut en grande partie accorder le crédit à nos collectivités pour avoir empêché le virus de se propager. Les mesures qui ont été prises de façon autonome ont entraîné une réduction de la transmission du virus. La grande majorité des membres de notre communauté reconnaissent les risques que ce virus présente pour eux, et en particulier pour nos aînés, qui sont les gardiens de notre savoir, de notre langue et de notre culture.

Au moment où nos provinces et nos territoires entament les premières étapes du déconfinement, nous devons encore une fois nous rappeler que dans nos collectivités rurales et éloignées, les courbes affichent un certain décalage par rapport aux courbes provinciales et territoriales, ce qui veut dire que nous devons demeurer vigilants et adhérer aux mesures de santé publique recommandées. Les collectivités devront également réfléchir à la façon dont elles veulent gérer les déplacements potentiels des personnes à l’intérieur ou à proximité de leur territoire, une fois que les provinces et les territoires auront procédé au déconfinement.

Les collectivités méritent des félicitations parce qu’elles ont fait de leur mieux dans toutes les circonstances et qu’elles restent prêtes à toute recrudescence du nombre de cas ou à une deuxième vague possible.

L’Association des médecins indigènes du Canada élabore actuellement une campagne nationale de messages publics, qui mettront en vedette des médecins autochtones de partout au pays qui échangeront des conseils, des messages réconfortants et des encouragements en ces temps difficiles.

En terminant, je veux mentionner que nous ne sommes pas seulement des médecins, médecins résidents et étudiants en médecine autochtones, mais que nous faisons également partie de nos communautés. Nous voulons reconnaître nos forces et notre résilience collectives partout au pays. Nous continuons de servir en première ligne et à d’autres titres pour veiller à ce que les collectivités autochtones sortent de cette pandémie en santé et en situation de force, et que non seulement elles survivent, mais aussi qu’elles prospèrent. Merci, meegwetch.

La présidente : Merci à tous de vos déclarations préliminaires et de votre présence parmi nous aujourd’hui pour nous aider dans cette étude.

Avant de passer aux questions des sénateurs, je tiens à rappeler à chacun d’entre vous que nous disposons de cinq minutes pour les questions, y compris les réponses.

La semaine dernière, lors de notre première réunion, j’ai laissé assez de latitude, mais cela a un coût et ne permet pas toujours une deuxième ronde de questions qui, je le sais, est souvent très utile. Essayons donc de nous en tenir au sujet, et cela vaut également pour les témoins. Nous aimons obtenir des réponses précises, afin de pouvoir poser plus de questions.

Si vous souhaitez poser une question, veuillez utiliser la fonction de la main levée bleue dans Zoom. Nous vous ajouterons à la liste et votre main sera baissée une fois que vous aurez posé la question.

La sénatrice Poirier : Je remercie les témoins de leur présence et de leurs exposés, qui sont très appréciés.

Ma première question s’adresse au représentant de l’Association médicale canadienne. Dans votre dernier sondage, un tiers des médecins en pratique communautaire ont dit que moins de deux jours de stocks d’équipement de protection individuelle étaient disponibles. Pourtant, le 3 mai, près de deux mois après le début des mesures de confinement, le gouvernement a créé un nouveau Conseil sur l’approvisionnement lié à la COVID-19 pour, entre autres choses, « passer des commandes en lot au nom des provinces et des territoires ».

Il est difficile de commander quand on est déjà en crise. Je vous demande donc comment, à votre avis, le Conseil sur l’approvisionnement lié à la COVID-19 aidera les médecins canadiens à obtenir l’équipement de protection individuelle qui manquait déjà et quelle aide il peut fournir aux médecins et infirmières par ailleurs, si on ne leur accorde pas de sièges au sein de ce conseil?

Dr Buchman : Merci beaucoup de votre question. Je pense que la meilleure façon pour le conseil d’aider à obtenir l’équipement de protection individuelle et à épauler les professionnels de la santé est de coordonner l’achat de cet équipement, de créer un approvisionnement national, y compris une norme ou des critères de qualité, pour que l’équipement importé respecte les normes canadiennes, et de communiquer des renseignements cohérents et coordonnés aux fournisseurs de soins de santé et aux administrateurs régionaux de la santé, notamment, pour que ces derniers soient ensuite en mesure de distribuer l’équipement de façon coordonnée et socialement juste dans les endroits du pays où il est le plus nécessaire en ce moment. Je pense qu’ils auront un rôle important à jouer dans la promotion et la coordination de l’approvisionnement en équipement de protection individuelle.

Il est tard. Le gouvernement a travaillé très fort pendant toute la crise pour essayer d’obtenir de l’EPI, d’en acheter et de réoutiller nos installations de fabrication actuelles pour qu’elles assurent un approvisionnement national. Cela pose un défi. Nous ne devrions pas être dans une situation où nous devons faire des pieds et des mains pour obtenir cet équipement. Cela nous ramène à une question posée plus tôt au sujet de la réponse à la pandémie, et j’espère que le conseil pourra nous aider à nous préparer pour plus tard, à plus long terme, une fois que nous aurons traversé la majeure partie de cette crise.

La sénatrice Poirier : Je m’adresse encore une fois à l’association médicale. L’expérience passée de la pandémie de grippe laisse supposer que des vagues récurrentes de COVID-19 sont une forte possibilité. À l’heure actuelle, il semble que nous approchons de la fin de la première vague, mais à votre avis, le gouvernement a-t-il mis en place les mesures nécessaires pour que les professionnels de la santé soient prêts pour une deuxième ou une troisième vague, et sinon, que devrait faire le gouvernement différemment?

Dr Buchman : À mon avis, nous ne sommes pas tout à fait prêts pour une deuxième vague. Nous n’avons pas de tests de diagnostic adéquats, donc des tests originaux — des tests destinés aux gens qui ont la maladie, et nous ne faisons pas suffisamment de traçage des contacts. Lorsque nous assurons un dépistage adéquat des cas, ainsi que le traçage des contacts, nous pouvons mieux nous préparer à voir si le système de soins de santé sera débordé. Nous avons une bien meilleure idée de ce que nous devrons faire. De plus, nous n’avons pas entrepris de tests sérologiques, qui permettent d’évaluer l’immunité au sein de la population.

Nous n’avons pas suffisamment d’information sur ce qui se passe et nous ne pouvons pas prendre de bonnes décisions fondées sur des données probantes au sujet de la réouverture du système de soins de santé, par exemple, le nombre de chirurgies électives, le rétablissement des soins primaires, tout ce que nous faisons habituellement, et nous ne sommes pas en mesure de rouvrir l’économie et les écoles, et ainsi de suite, en se fondant sur des données probantes, alors nous faisons un pari en déconfinant.

Nous comprenons les défis que posent une économie, des entreprises et une société où les gens sont soumis à de telles restrictions. Le maintien des restrictions a d’énormes conséquences sur la santé. Il y a la violence conjugale, bien sûr, il y a les problèmes de santé mentale chroniques, il y a la pauvreté, il y a des gens qui ne reçoivent pas de soins primaires, qui ne s’occupent pas de leur hypertension et de leurs maladies cardiovasculaires, qui ne font pas de dépistage du cancer. Tout cela est vraiment important, mais nous avons besoin des tests, nous avons besoin du traçage et nous avons besoin des tests sérologiques pour prendre des décisions sur la suite.

La sénatrice Poirier : Merci beaucoup.

La sénatrice Seidman : Merci d’être avec nous aujourd’hui de façon virtuelle. Ma question s’adresse à vous, docteur Buchman, et elle porte sur les soins virtuels.

Le Groupe de travail sur les soins virtuels, dirigé par l’Association médicale canadienne, le Collège des médecins de famille du Canada et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, a été créé [Difficultés techniques] c’est la raison pour laquelle les soins de santé ont pris du retard par rapport à d’autres secteurs dans la prestation [Difficultés techniques] de services numériques. Dans un rapport publié en février 2020 — à un moment très opportun —, on peut lire ce qui suit :

Considérant la demande élevée et le fait qu’on a la capacité d’améliorer l’accès aux soins virtuels, on peut s’attendre à une prévalence accrue des soins virtuels dans le système de soins de santé canadien, mais un cadre national est nécessaire pour établir des critères d’excellence qui assurent la qualité des services de santé et qui appuient la continuité des soins au sein des équipes de soins. En l’absence d’un tel cadre, ces soins resteront fragmentés et offerts de manière inéquitable, ce qui minerait la continuité des soins et pourrait mener à des problèmes de qualité.

Fin de la citation.

Ce que j’attends de vous aujourd’hui, c’est ce qui suit : pourriez-vous nous en dire davantage sur les risques auxquels le rapport fait référence et sur les lacunes qui doivent être comblées, afin d’élargir les soins virtuels pour les rendre plus accessibles aux Canadiens? En fait, avons-nous tiré des leçons de cette pandémie qui seront importantes après la pandémie en ce qui concerne les soins virtuels?

Dr Buchman : Merci beaucoup de votre question et merci d’avoir mentionné le rapport du Groupe de travail sur les soins virtuels. Je rappelle que ce rapport était très opportun et que nous y travaillons depuis longtemps.

Il est clair que pendant la pandémie, lorsque les soins virtuels ont été mis en place si rapidement, presque partout au pays, ce n’est pas la technologie qui a posé un problème. La technologie existe depuis longtemps. Ce qui manque, une des lacunes, concerne la politique. C’est une question de réglementation. C’est une question de gouvernance. C’est une question de protection de la vie privée et de sécurité.

Les soins virtuels pourraient rendre les soins de santé beaucoup plus équitables partout au pays, particulièrement pour les populations éloignées et rurales. Mais l’un des risques graves qu’ils comportent, c’est qu’ils pourraient aussi entraîner une iniquité dans les soins destinés aux populations vulnérables, à ceux qui vivent dans des collectivités éloignées et rurales, à nos populations autochtones, à nos populations de sans-abri et aux groupes dont le statut socioéconomique est inférieur, qui n’ont pas la technologie nécessaire pour accéder à ces soins. Nous devons donc faire très attention à ce risque.

L’inclusion du secteur privé dans les soins virtuels — parce que ce secteur a comblé des vides — pose également un risque potentiel. Qui surveille la qualité de ces soins et veille à la protection de la vie privée?

Comment pouvons-nous éviter le recours ponctuel à ces soins? Je pense que les gens savent que l’un des aspects les plus importants des soins primaires est la relation entre le fournisseur de soins et le patient. Les soins virtuels pourraient se transformer en cliniques virtuelles sans rendez-vous, où il n’y a pas cette continuité de soins si essentielle dans le traitement des maladies chroniques, et ainsi de suite.

J’ai souligné certaines des lacunes. Nous devons nous assurer que les soins sont équitables. Nous devons nous assurer qu’ils sont sécuritaires, continus et de grande qualité, et que les questions de protection de la vie privée sont prises en compte.

Nous aimerions aussi que les médecins et les autres fournisseurs de soins aient un permis d’exercice national, afin que, en tant que médecin en Ontario, je puisse fournir des soins aux gens du Nord du Manitoba, des Territoires du Nord-Ouest ou du Nunavut. Il est très important de régler ce problème, afin d’améliorer l’accès et de se soutenir mutuellement en même temps.

La présidente : Merci.

[Français]

La sénatrice Mégie : J’ai deux questions. Elles s’adressent à Mme Betker et au Dr Buchman.

Ma première question concerne les ravages que la COVID-19 a faits dans les centres d’hébergement de soins de longue durée. J’ai appris dans les médias qu’en Colombie-Britannique, quand tout cela a commencé, ils ont trouvé une solution pour contenir la pandémie. Je crois que c’est la seule province qui n’a pas eu beaucoup de cas. Savez-vous quels moyens ils ont pris? Ces moyens pourraient être repris par les autres. Malheureusement, il est un peu tard, mais on ne sait jamais.

Ma deuxième question concerne les équipements de protection individuelle qui, selon la ministre de la Santé du Québec, étaient présents dans la réserve nationale stratégique, mais en quantité insuffisante. Mme McCann a mentionné qu’on ne devrait pas se baser seulement sur l’insuffisance d’équipement pour expliquer la gestion de la crise. Selon vous, où pourrions-nous aller chercher cet équipement si ce n’est dans la réserve nationale, ou alors comment pourrait-on enrichir celle-ci pour que cela n’arrive plus?

La présidente : Sénatrice Mégie, à qui s’adressent vos questions?

La sénatrice Mégie : Elles s’adressent au Dr Buchman et à Mme Betker.

[Traduction]

Mme Betker : Merci de la question. Pour ce qui est de l’équipement de protection individuelle, une grande distance sépare souvent l’endroit où se trouvent les stocks et l’endroit où se trouvent les fournisseurs de soins de santé, les travailleurs de la santé. C’est un grand pays. La géographie pose un problème. La distribution de cet équipement pose un problème. Et il y a de multiples contextes différents où non seulement des travailleurs de la santé, mais aussi des travailleurs des services sociaux, ont des contacts humains très étroits.

Il y a eu d’énormes efforts du côté de l’équipement de protection individuelle, pour l’obtenir et en avoir un stock suffisant, mais sa distribution dans tout le pays et par l’entremise des provinces et des territoires, dans ces contextes, continue de poser un problème. C’est ce que nous disent les infirmières.

Une autre priorité concerne le lieu où l’équipement se retrouve. Je pense que le Dr Buchman a parlé de l’application des principes de justice sociale également, dans le cadre de cette distribution, et d’une façon très juste et équitable de prendre ces décisions. Pour ce qui est de l’EPI, c’est ma réponse.

En ce qui a trait aux établissements de soins de longue durée, nous sommes au courant de bon nombre de ces problèmes depuis très longtemps. Beaucoup de recherche dans le domaine des soins infirmiers et concernant le système de santé porte sur les établissements de soins de longue durée. Je pense vraiment que cette situation mérite un examen sérieux et des mesures concrètes. Comme vous l’avez dit, la Colombie-Britannique est intervenue tôt et a obtenu de bons résultats. D’autres ne l’ont peut-être pas fait. Mais je pense qu’il est vraiment temps d’examiner très attentivement cette partie de notre système, et véritablement du point de vue de la population — les aînés, la population vieillissante au Canada — et de bâtir un système pour répondre à ces besoins, maintenant et à l’avenir.

La présidente : Docteur Buchman, voulez-vous ajouter quelque chose brièvement?

Dr Buchman : Bien sûr. Je peux ajouter quelque chose brièvement. Je suis d’accord avec Mme Betker. En ce qui concerne l’EPI, j’aimerais souligner que la transparence et la coordination entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux sont essentielles. L’une des choses qui rendent les médecins et les autres travailleurs de la santé très inquiets, c’est le manque d’information sur le moment où cet équipement sera livré et sur l’équipement proprement dit. Y en aura-t-il assez? Nous recevons de l’information selon laquelle les médecins, par exemple, n’en ont que pour une journée ou deux, et c’est pire dans la collectivité que dans les hôpitaux. L’information ne se rend pas jusqu’aux fournisseurs de services de première ligne, ce qui cause énormément d’anxiété. Le fait de disposer de cette information devrait enlever de la pression.

En ce qui concerne la question des soins de longue durée, oui, la Colombie-Britannique s’y est attaquée et a proposé des solutions. Qu’ont-ils fait? Par exemple, ils ont reconnu que les préposés aux services de soutien à la personne étaient sous-payés. Pour cumuler un horaire à temps plein, ils devaient travailler dans plusieurs établissements. La province a reconnu de nombreux aspects des soins qu’ils donnent.

Nous assistons à l’heure actuelle à une catastrophe dans le domaine des soins de longue durée, et j’utilise délibérément ce mot. Que s’est-il passé dans le domaine des soins de longue durée, où se sont produits plus de 80 % des décès attribuables à la COVID? Cela n’est pas uniquement dû à la vulnérabilité biologique des Canadiens âgés. Il y a des problèmes de système qui vont de l’infrastructure au manque de personnel et au sous-financement et qui obligent ces travailleurs à travailler à plusieurs endroits. Il est très clair que nous avons besoin d’une refonte complète et d’une nouvelle analyse des soins de longue durée.

Nous avons un système de soins de santé qui a été conçu dans les années 1960 et 1970 pour les soins actifs d’une population plus jeune sans comorbidités. À mesure que les gens vieillissent et développent des comorbidités chroniques, ils sont beaucoup plus vulnérables aux effets du virus, évidemment. Le système de soins de longue durée est le parent pauvre des soins actifs. Nous devons avoir un débat sur la nécessité de remanier l’ensemble du système. Devrait-on rouvrir la Loi canadienne sur la santé pour y arriver? Ce sont les questions sur lesquelles nous nous penchons en ce moment.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Munson : Je remercie beaucoup les témoins de ce matin. Je retiens trois affirmations du Dr Buchman : Nous ne devrions pas avoir à nous battre pour obtenir de l’EPI. Nous ne sommes pas tout à fait prêts pour une deuxième vague. Nous faisons un pari en déconfinant.

Il y a quelques mois, un certain nombre de médecins [Difficultés techniques] que le gouvernement chinois, par l’entremise de divers émissaires, faisait des pieds et des mains pour obtenir du matériel de protection individuelle, c’est-à-dire des masques, auprès de médecins ordinaires à Ottawa et partout au pays. Et des pressions ont été exercées. À l’Association médicale canadienne, avez-vous des exemples qui remontent à cette époque particulière où c’était la panique en Chine et où des masques étaient expédiés et où des demandes étaient présentées [Difficultés techniques] médecins ordinaires partout au pays, et que des masques ont été envoyés en Chine?

Dr Buchman : Sénateur Munson, j’ai eu un peu de difficulté à entendre la question. Il y a des ratés et de l’écho. Pourriez-vous répéter votre question?

Le sénateur Munson : La question fondamentale, c’est qu’il y a une pénurie d’équipement de protection individuelle au Canada.

En janvier, alors que cette crise se déroulait à Wuhan, le gouvernement chinois, par l’entremise d’émissaires, était à la recherche d’EPI, d’équipement de protection individuelle, c’est-à-dire des masques, et a fait pression auprès de médecins ordinaires, ici au pays, pour que des masques soient envoyés en Chine. L’AMC est-elle au courant de cela?

La présidente : Avez-vous compris la question? C’est un peu confus.

Dr Buchman : Oui. Pouvez-vous répéter, sénateur? Je crois que je comprends. Vous voulez savoir si l’AMC était au courant de la situation à Wuhan et si les médecins au Canada étaient inquiets à ce sujet. Étions-nous au courant de la situation? Ou pouvez-vous préciser?

Le sénateur Munson : Non. Je dis qu’il y a eu une campagne orchestrée pour faire sortir des centaines de milliers de masques du pays, que le gouvernement chinois appelait les médecins au Canada pour leur demander s’ils avaient des surplus de fournitures, et je me demande si cela n’a pas contribué à cette situation.

Dr Buchman : Je vois; je suis désolé. Merci.

Personnellement, je n’étais pas au courant de ce problème particulier et l’AMC non plus. Je ne pense donc pas pouvoir en dire davantage à ce sujet. J’aimerais pouvoir le faire, et nous pourrons certainement examiner la question de plus près et vous fournir des renseignements après la séance.

Le sénateur Munson : D’accord. Je vais donc poser une question plus délicate. Docteur, vous avez parlé — j’espère que vous m’entendez bien — de la télémédecine et des soins de santé virtuels.

Dr Buchman : Oui.

Le sénateur Munson : Encore une fois, je suis surpris de vous entendre dire que notre système de soins de santé est malade depuis un certain temps. Les soins de santé virtuels et la télémédecine sont-ils disponibles dans tous les coins du pays? Sinon, pourquoi pas?

Dr Buchman : Merci, parce que cette question me permet, en fait, de développer ma réponse précédente sur certaines lacunes. La télémédecine et les soins virtuels ne sont pas offerts de façon équitable et égale dans tout le pays. La situation des populations urbaines et rurales est très différente. Je pourrai vous fournir des statistiques plus tard, mais c’est environ 80 % de la population urbaine qui a accès à Internet haute vitesse à large bande contre environ 50 % de la population des collectivités rurales. Plus on s’éloigne, plus c’est difficile. Nous avons une infrastructure inadéquate dans de nombreuses grandes régions du pays, par exemple au Nunavut, où nous n’avons pas l’infrastructure à large bande et à haute vitesse adéquate pour pouvoir faire de la télémédecine de façon importante.

Je pense donc que les disparités sont entre les régions urbaines et rurales, et encore plus dans les régions éloignées. Nous avons besoin d’investir à grande échelle dans l’infrastructure d’un bout à l’autre du pays afin d’assurer un accès équitable aux soins.

Le sénateur Munson : Brièvement, madame la présidente, parce qu’il y a eu une interférence plus tôt. Une brève question. Nous avons parlé des foyers de soins infirmiers et de ce qui s’y passe. Ces foyers de soins ont été construits il y a tellement longtemps qu’ils ne devraient même pas être là aujourd’hui. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons un problème majeur dans ces établissements. Est-ce que l’un ou l’autre des médecins en ligne est d’avis que le gouvernement du Canada devrait utiliser son énorme milliard de dollars pour l’infrastructure pour construire des nouveaux foyers de soins infirmiers partout au pays?

Dr Buchman : Comme je suis ici, je vais répondre rapidement. La réponse est oui. L’infrastructure d’un bon nombre de nos établissements de soins de longue durée, dont certains ont été construits dans les années 1960 et 1970, compte, par exemple, quatre personnes par chambre, qui partagent une salle de bain. Il n’est pas possible d’offrir les soins de qualité dont nous avons besoin sans amélioration. De plus, comme Mme Betker l’a indiqué plus tôt, je crois que nous devons nous concentrer davantage sur le maintien à domicile des aînés âgés grâce à des soins de soutien à la personne, des soins à domicile adéquats. C’est essentiel pour régler le problème des soins de longue durée. Je vais céder la parole à mes collègues.

La sénatrice Dasko : Tout d’abord, je remercie les témoins d’aujourd’hui de leurs exposés très intéressants. Mes questions s’adressent au Dr Buchman. Je dois dire que j’ai été renversée par votre description du système de soins de santé comme étant un système malade, mais je ne veux pas aborder ce sujet en particulier.

Je tiens à dire, tout d’abord, que le mandat de notre comité est d’examiner la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID et d’en faire rapport. J’aimerais donc vous demander, de votre point de vue, comment a-t-il réagi? Pouvez-vous me dire si vous pensez que certaines des réponses ont été bonnes ou adéquates? Si oui, quelles réponses ont été bonnes ou adéquates?

Deuxièmement, pouvez-vous me dire lesquelles des réponses du gouvernement ont été mauvaises ou inadéquates? Et si tout ce qu’il a fait est mauvais ou inadéquat, vous pouvez peut-être dire ce qu’il a fait de pire et de moins mauvais.

Voilà mes questions, et si vous pouviez essayer d’y répondre, je l’apprécierais. J’aurai ensuite d’autres questions s’il reste du temps.

Dr Buchman : Je vous remercie de cette question difficile; je vais essayer d’y répondre en deux ou trois minutes.

Je vais commencer par ce que le gouvernement a fait de bien. Dans des circonstances exceptionnelles, dans des circonstances sans précédent — je crois donc très important de comprendre le contexte — sa volonté, du point de vue du système de santé, de préconiser et d’essayer de développer une chaîne d’approvisionnement d’équipement de protection individuelle a été exemplaire. Mais, comme je l’ai déjà dit, nous n’aurions pas dû avoir toutes ces difficultés. Il y a beaucoup de choses que nos gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral ont négligé de faire avant la pandémie.

Je crois que le gouvernement a eu la sagesse de faire confiance à l’Agence de la santé publique du Canada et à son leadership. Je pense que ce leadership s’appuie sur les meilleures données probantes disponibles à tout moment. Il est toujours facile de critiquer, avec le recul, en disant que nous devrions tous porter des masques, par exemple. Nous devons faire preuve de prudence, et il y a un équilibre à respecter. Je pense que notre leadership en matière de santé publique a été exemplaire pour ce qui est d’atteindre cet équilibre. C’est ce qui est très bien.

Ce qui n’a pas été si bon, encore une fois, c’est l’incapacité d’acheter ce matériel, d’avoir un approvisionnement national, de réoutiller nos installations de fabrication, d’importer du matériel standard, mais nous sommes confrontés à une concurrence mondiale sur ce plan-là. Il s’agit donc de la capacité de fournir cet équipement en première ligne. Le gouvernement n’a pas réussi à fournir des renseignements cohérents et transparents sur ce qui s’en vient, sur ce qui est en préparation, sur la façon dont nous distribuons l’équipement aux bons fournisseurs de soins, sur la façon de s’assurer que les régions du pays qui en ont le plus besoin l’obtiendront. Il n’a pas réussi à atténuer cette anxiété.

Donc, pour ce qui est d’appuyer le dépistage, je ne suis même pas certain des raisons pour lesquelles nous n’avons pas eu plus de tests comme ceux dont vous parlez, et le traçage de contacts. Je sais que cela relève de la compétence provinciale, mais pourquoi cela ne s’est-il pas produit? Pourquoi cela n’a-t-il pas fait l’objet d’une réponse coordonnée et d’un soutien? Je n’arrive vraiment pas à expliquer pourquoi nous n’avons pas été en mesure d’élargir le dépistage et cela beaucoup plus rapidement qu’actuellement.

La sénatrice Dasko : Permettez-moi de revenir sur les commentaires concernant le traçage de contacts, pour savoir ce que vous pensez de son efficacité du point de vue des médecins? Est-ce un processus efficace ou plutôt défectueux? Que pensez-vous de l’utilisation des téléphones mobiles pour faciliter un peu ce processus?

Dr Buchman : Lorsque nous comparons cela avec nos méthodes de traçage manuel méthodique des contacts, oui, cela fonctionne. Mais il est certain que sur le plan du nombre, de la rapidité nécessaire et des réponses obtenues, les résultats sont insuffisants. Nous sommes en mesure de nous comparer à d’autres pays qui ont mis en place le traçage technologique des contacts. Bien sûr, je pense que les Canadiens ont une perception quelque peu différente de la protection de la vie privée. Je pense que nous ne savons pas suffisamment si les Canadiens accepteraient ce genre de traçage. Nous ne comprenons pas encore pleinement ses répercussions sur la vie privée.

Nous devons faire un meilleur travail pour établir ce qu’il en est et le faire bientôt, parce qu’il ne fait aucun doute que l’utilisation de la technologie, des téléphones cellulaires, des renseignements sur les cartes de crédit, et autres moyens pour améliorer la recherche des contacts, serait très utile. Je pense que c’est une question très importante sur laquelle il faut se concentrer en ce moment.

La sénatrice Moodie : Merci de vous joindre à nous aujourd’hui, docteurs. Je vais commencer par une divulgation complète. Je suis moi aussi en première ligne.

Comme vous l’avez souligné dans votre déclaration, nos travailleurs de la santé ont fonctionné dans des conditions stressantes et précaires avant cette pandémie. J’en conviens totalement, dans un système de soins de santé qui est bancal à bien des égards.

Cette pandémie a évidemment rendu les conditions de travail beaucoup plus difficiles, et nous avons vu, à différents moments, des médecins, des infirmières et d’autres travailleurs de première ligne exprimer leurs préoccupations. Cette pandémie dure depuis de nombreuses semaines, et nous continuons d’entendre les mêmes voix exprimer leurs préoccupations. Nous entendons parler de problèmes d’approvisionnement et de distribution, de problèmes de communication et de l’incapacité de répondre aux besoins de nos soignants en première ligne. Ma question vous ramène un peu en arrière.

J’aurais deux questions. Que pensez-vous des efforts déployés par le gouvernement pour protéger les travailleurs de la santé? Je vous demanderais d’être très précis, car nous avons différents ordres de gouvernement et nous savons tous que la responsabilité des soins de santé ne relève pas entièrement du gouvernement fédéral, mais plutôt des provinces. Que pensez-vous de la façon dont vos gouvernements provinciaux protègent les travailleurs de la santé?

La deuxième partie de ma question est la suivante : que pensent actuellement les travailleurs de première ligne de continuer à travailler dans un environnement qu’ils considèrent comme dangereux, dans lequel ils disent craindre de travailler, dans des conditions de pandémie, et dans de nombreux cas, partout au pays, dans les situations d’urgence où ils sont obligés de se rendre — où ils doivent se présenter?

Dr Buchman : Merci. Vous me demandez, en fait, ce que je pense des efforts déployés par nos gouvernements pour protéger les travailleurs de la santé sur deux fronts principaux. Nous avons parlé, bien sûr, de l’EPI. En raison de notre manque de préparation et du fait que nous avons dû nous démener, je pense que nous avons mis en danger les travailleurs de la santé de première ligne. Non seulement nous les avons mis en danger, mais les médecins, les infirmières et les autres craignent d’infecter leurs patients et leurs proches. Nous n’avons donc pas eu suffisamment de soutien à cet égard, même si cela a été admis et reconnu. Mais comme nous faisons des pieds et des mains, en raison des difficultés que nous avons rencontrées, nous ne les avons pas vraiment protégés.

Les médecins, les infirmières et les autres travailleurs de la santé, des inhalothérapeutes aux préposés aux services de soutien à la personne, ont un devoir de diligence, l’obligation éthique de prendre soin de leurs patients. Mais ont-ils l’obligation de mettre en danger leur propre vie et celle de leurs proches? Je pense que nos droits sont limités. Nous avons besoin d’une protection adéquate pour y arriver. Nous n’autoriserions jamais un pompier à entrer dans un immeuble en flammes sans une protection adéquate. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que nos travailleurs de la santé de première ligne mettent leur vie en danger, et celle des autres aussi.

Cela cause une détresse morale importante. Un bon nombre des sondages que nous avons effectués jusqu’à maintenant le prouvent. Les médecins remettent parfois en question leur obligation d’intervenir s’ils ne sont pas adéquatement protégés. C’est un système de soins de santé qui s’effondre. Par conséquent, la détresse morale qu’ils ressentent s’ils ne peuvent pas aider leurs patients, si nous manquons d’équipement comme des ventilateurs et s’il faut choisir à qui les donner — les problèmes de santé mentale n’ont pas été adéquatement financés. Ce sont nos propres professions qui aident à régler les problèmes de santé mentale, et je pense qu’il faut augmenter le financement.

Les gouvernements ont l’obligation, la réciprocité, de fournir cette protection et aussi les ressources en santé mentale nécessaires pour aider les travailleurs de première ligne à traverser cette pandémie. Au cours des deuxième et troisième vagues, nous aurons de gros problèmes de dépression, de toxicomanie et peut-être de TSPT. Tout cela va se produire. Nous devons intervenir maintenant.

Mme Betker : Je suis d’accord avec tout ce que mon collègue a dit. J’ajouterais une chose au sujet de l’EPI. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit de professionnels. Ils peuvent faire une évaluation du risque et ils devraient être encouragés à le faire, et il faudrait qu’ils puissent avoir l’équipement et la protection qu’ils jugent nécessaires, tant pour eux-mêmes que pour les patients. Ce n’est pas seulement une question de lignes directrices, de protocoles et de choses de ce genre. Il faut se rendre compte que ces gens sont bien instruits, qu’ils sont parfaitement capables d’utiliser les données probantes disponibles et qu’ils doivent être écoutés en première ligne et au point de service. J’ajouterais donc cela.

Pour ce qui est de la détresse morale et des dilemmes éthiques auxquels ils font face, cette situation existe dans tout le système. À certains égards, c’est dû à l’effort contre la pandémie de COVID-19, mais aussi à ce qui a été laissé de côté à la suite de l’affectation de toutes les ressources à cet effort, alors qu’il y a de nombreux autres problèmes très graves au sein du système et dans nos collectivités. Je suis sûre que la Dre Wieman a d’excellents exemples de communautés éloignées des Premières Nations où ces problèmes continueront de prendre de l’ampleur pendant que nous nous concentrons sur la COVID-19. Le souci de ne pas laisser tomber les personnes qui étaient déjà vulnérables, en difficulté et accablées contribue à la détresse morale. Nous devons réfléchir à cela aussi, à l’ensemble du système.

Dre Wieman : Je suis d’accord avec mes deux collègues qui viennent de parler. Je tiens à souligner que certains des problèmes qu’ils ont cernés sont encore amplifiés pour différents groupes autochtones à l’échelle du pays. Je sais que les gens ont tendance à penser que nous ne parlons que des Autochtones ou des membres des Premières Nations qui vivent dans les réserves, mais ce n’est pas le cas.

Selon le recensement, environ la moitié d’entre nous vivent également en milieu urbain. Certains des besoins ou des vulnérabilités en question, si vous voulez les appeler ainsi, existent également pour de nombreuses personnes vivant dans les centres urbains, ainsi que dans les collectivités rurales situées près des centres urbains. Par exemple, lorsque nous avons parlé de la situation des soins de longue durée qui s’est dévoilée, pour ainsi dire, pendant cette crise, en tant que médecins autochtones, nous constatons notamment le besoin de plus de formation, dans divers domaines, pour tous les travailleurs de la santé autochtones qui peuvent fournir des services de soins de santé, y compris dans les établissements de soins de longue durée et dans les collectivités où les gens se trouvent.

La sénatrice Forest-Niesing : Permettez-moi tout d’abord de remercier nos témoins et, par leur entremise, de remercier tous leurs membres pour le courage et le dévouement extraordinaires dont ils font preuve, ce qui, bien sûr, rassure tous les Canadiens, non seulement ceux qui sont déjà touchés par le virus, mais tous ceux qui craignent l’infection.

Il est bon de savoir que nous avons des travailleurs de première ligne courageux sur le terrain.

Cela dit, j’aimerais aller un peu plus loin dans la même veine, en parlant un peu plus des conséquences possibles sur la santé mentale des fournisseurs de soins de santé. Ma question s’adresse à chacune des associations du groupe.

Compte tenu du niveau de l’incertitude et de l’anxiété qui sont les conséquences évidentes de ce virus, particulièrement et de plus en plus dans l’environnement médical, j’aimerais que nos panélistes nous parlent davantage du système qui est en place pour gérer et surveiller les problèmes de santé mentale que vivent leurs membres à cause de la crise. J’aimerais aussi en savoir un peu plus sur votre point de vue au sujet des mesures concrètes qui sont déjà en place et des mesures d’aide dont nous avons grandement besoin, mais certainement au sujet des mesures supplémentaires qui doivent être prises en réponse à cette très malheureuse conséquence.

Mme Betker : Je vais commencer par les infirmières. Je pense que nous devons leur parler et que nous devons adapter les ressources dont elles ont besoin et qui leur seraient utiles.

Ce qui est intéressant, c’est que nous avons eu des conversations avec notre conseil d’administration, mais aussi avec des infirmières, chaque semaine, au cours des derniers mois, et nous avons tenu une séance sur la santé mentale. L’une des questions que nous avons posées dans un sondage était de savoir combien de personnes bénéficiaient d’avantages sociaux leur donnant droit à des services de counselling ou de thérapie, par exemple. L’autre question était de savoir combien d’entre elles utilisaient ces services, même si elles parlaient de problèmes de santé mentale et de bien-être émotionnel. Elles étaient nombreuses à y avoir droit, mais la plupart n’y avaient pas recours.

Je pense que nous n’avons pas l’habitude de reconnaître le stress et son impact et il faut donc que cela se fasse avec la participation et la collaboration pleines et entières de nos membres et nos équipes. Les besoins peuvent sembler différents d’une région à l’autre du pays, et je ne pense pas qu’ils soient les mêmes que pour l’ensemble de la société. Nous encourageons certainement les infirmières à se prévaloir des services offerts au grand public.

N’oublions pas non plus que lorsque la pandémie de COVID-19 se calmera et que nous retrouverons un certain sentiment de normalité, ce sera suivi d’une longue période de rétablissement, de sorte qu’il ne faudra pas s’arrêter là, mais continuer à porter attention à la santé mentale et au bien-être émotionnel des infirmières.

Je mentionnerai aussi que nous avons lancé un appel au personnel infirmier à la retraite — pas nous, mais l’AIIC, ainsi que différentes administrations — et qu’il y a répondu en grand nombre. Une de nos hypothèses est qu’il connaît le stress qui existait déjà avant la COVID et la pandémie. Comme je l’ai mentionné, les infirmières disaient être fatiguées. C’est un problème complexe, comme l’a dit le Dr Buchman, en ce qui concerne non seulement la santé des gens, mais aussi les conditions sociales dans lesquelles ils vivent, et ce que cela fait sur le plan de leur santé et de leur bien-être. Ce problème existait déjà, mais il a été amplifié par la COVID-19. Je pense que nous devons vraiment prêter attention à cela.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : J’ai une deuxième question. Les réseaux de soins de santé des provinces subissent une pression exceptionnelle causée par la COVID-19. Les services médicaux destinés aux patients souffrant d’autres maladies que le virus sont différents. Les besoins de ces patients sont différents également. Pourtant, on repousse ou on annule des soins prévus pour ces derniers, sauf évidemment dans des situations d’urgence. Je suis particulièrement intéressée de savoir une chose : quelles sont, de votre point de vue, les conséquences moins apparentes de l’annulation ou du report de ces interventions et de ces traitements? À votre avis, combien de temps encore le système médical pourra-t-il continuer de cette façon?

[Traduction]

Dr Buchman : Je vous remercie de votre question sur les enjeux autres que ceux de la pandémie.

Tout d’abord, en ce qui concerne les interventions chirurgicales non urgentes, on en parle constamment dans la presse. Elles ne sont pas vraiment facultatives. On les a qualifiées de non urgentes parce qu’on avait une certaine latitude pour choisir le moment de procéder à l’intervention. Nous ne parlons pas des chirurgies esthétiques ou optionnelles. Nous parlons de procédures médicalement nécessaires, qui peuvent aller de la chirurgie cardiaque à la chirurgie du cancer en passant par la chirurgie de remplacement de médicaments.

Les conséquences du retard sont énormes, et nous devons maintenant, à mesure que nous retournons dans le système, déterminer la priorité de la reprise des interventions chirurgicales. Nous ne pouvons pas doubler le nombre de chirurgiens, par exemple. Nous ne pouvons pas doubler leur charge de travail. Le temps nous manque. Nous devons évaluer les cas en fonction de leur gravité et établir la priorité ou l’urgence.

Les retards dans les chirurgies ont déjà eu des conséquences. Nous n’avons pas une idée très précise de la situation, mais j’ai entendu parler de la mortalité associée, par exemple, au report des chirurgies du cancer et des chirurgies cardiovasculaires. Il y a des conséquences pour les personnes qui ont une douleur continue et sévère et qui ont besoin d’une arthroplastie, ou qui voient diminuer leurs fonctions et leur qualité de vie. J’ajouterai qu’il y a un retard dans la prise en charge, dans les soins primaires, des maladies habituelles comme les maladies cardiovasculaires, l’hypertension, le diabète, l’asthme et les maladies pulmonaires obstructives chroniques. Le report de ces mesures aura des conséquences importantes plus tard.

Je crois vraiment important d’examiner certains des modèles novateurs qui sont en train d’être élaborés, par exemple, pour régler la question des chirurgies, comme les modèles à entrée unique où les gens sont évalués par une équipe et affectés au prochain chirurgien disponible. Nous devons offrir davantage de soins virtuels, comme cela a été fait pour les soins primaires. Il existe de nombreuses solutions novatrices. C’est une grande question.

La présidente : Merci, docteur Buchman. Nous voudrons peut-être poursuivre dans la même veine au deuxième tour. Pour l’instant, je crois que la sénatrice Omidvar a une question.

La sénatrice Omidvar : Merci à tous nos témoins. C’est un grand plaisir d’accueillir des témoins qui répondent aux questions. Cela peut parfois devenir un défi en comité, mais j’apprécie vos réponses directes à nos questions.

J’ai trois questions. J’espère pouvoir les poser au complet. La première s’adresse au Dr Buchman.

Docteur Buchman, vous avez parlé des pressions qui s’exercent sur le système. Il y a aussi un stress sur l’offre et la demande de professionnels de la santé dans le système, avec des pénuries de personnel de première ligne, de personnel de soins primaires et de médecins. Je fais référence à une ressource disponible, mais latente, à savoir les professionnels de la santé internationaux qualifiés. Je sais que c’est un domaine complexe, les provinces étant responsables des soins de santé et les organismes de réglementation étant chargés de décider qui peut exercer ou non.

Dans la crise actuelle, la Colombie-Britannique et l’Ontario ont apporté quelques petits changements, mais rien de majeur. Lorsque je regarde ce que font d’autres États-nations, comme l’Espagne, l’Irlande, l’Allemagne, la France, le Pérou, la Colombie et l’Argentine, je constate qu’ils sont beaucoup plus proactifs pour ce qui est d’accueillir les talents qui se trouvent là-bas, de les déployer dans la crise.

Croyez-vous que le gouvernement central devrait en faire plus dans la crise actuelle pour ouvrir des voies, en collaboration avec les gouvernements provinciaux et les organismes de réglementation professionnelle? Je pense en particulier à la crise dans les foyers de soins de longue durée. N’y a-t-il pas là une occasion de répondre aux besoins de nos aînés et de déployer les talents qui sont déjà ici et qui sont sous-utilisés?

Dr Buchman : Merci de la question. C’est un sujet sur lequel l’Association médicale canadienne a porté son attention. Je tiens d’abord à dire que le groupe de médecins dont nous parlons sont des diplômés de facultés de médecine étrangères, c’est-à-dire des diplômés qui ont reçu leur formation. Le Canada est — nous n’aurions même pas un système de soins de santé ou ne fournirions pas les bons soins que nous offrons sans la contribution des diplômés internationaux en médecine. Ce sont souvent des médecins très bien formés qui sont prêts à se rendre dans les régions rurales et éloignées pour servir le public canadien et s’intégrer dans le système.

Cela dit, comme nous avons pu aplanir la courbe pendant la pandémie, l’augmentation prévue de la demande qui devait dépasser la capacité de notre système de soins de santé à faire face à la situation ne s’est pas entièrement matérialisée, et nous le devons à de bonnes mesures de santé publique, à la distanciation physique, et cetera. Nous avons été approchés par des diplômés internationaux en médecine qui veulent clairement nous aider et apporter leur contribution. Nous nous en remettons à la Fédération des ordres des médecins du Canada, la FOMC, qui chapeaute tous les collèges des médecins. Jusqu’à maintenant, elle n’a pas vu le besoin qui pousse d’autres pays à accréditer suffisamment de médecins formés à l’étranger pour qu’ils puissent exercer en ce moment-ci.

Toutefois, je pense que le problème va plus loin. Je crois que c’est attribuable à l’absence de planification nationale des ressources humaines en santé au Canada, c’est-à-dire les médecins, les infirmières, les infirmières praticiennes, les pharmaciens, les travailleurs sociaux, les ergothérapeutes, et cetera. Nous n’avons pas d’entité nationale qui se penche sur ce dont nous avons besoin, surtout en ce qui concerne les soins de longue durée et les personnes âgées. Nous n’avons aucune idée du nombre de gériatres dont nous aurons besoin à l’avenir. Nous sommes donc dans l’incapacité de planifier pour les prochains 10 ou 20 ans. Nous avons environ 10 fois plus de pédiatres diplômés que de gériatres.

Cela devient une question beaucoup plus complexe. Je pense, d’après ce que la FOMC nous dit, que le simple fait d’accorder un permis à un nombre suffisant de diplômés internationaux en médecine à l’heure actuelle ne réglerait pas le problème. La FOMC estime — et il faudrait la consulter — que nous devons nous assurer que tous les médecins formés à l’étranger sont compétents et capables d’exercer dans notre culture. Il vaut certainement la peine d’avoir une discussion nationale. Je ne pense pas qu’il y ait de réponses simples. Le problème est beaucoup plus large.

La sénatrice Omidvar : Merci beaucoup. Ma deuxième question s’adresse à la Dre Wieman. Vous avez souligné à juste titre que les Autochtones vivent non seulement en milieu rural, mais aussi dans les centres urbains du Canada. Malheureusement, un trop grand nombre d’entre eux vivent en prison. Pouvez-vous nous donner un aperçu de ce qu’ils vivent à cause de la crise, et nous dire si la réponse du gouvernement à l’égard des personnes sous la garde du Service correctionnel du Canada a été, à votre avis, appropriée?

Dre Wieman : Je vous remercie, sénatrice Omidvar, de cette question. Je vais devoir fonder ma réponse sur mon expérience ici, en Colombie-Britannique, qui, comme vous le savez, a connu une éclosion dans un des établissements fédéraux. Je dirais d’abord, en quelques mots, qu’à mon avis, les gens n’étaient pas préparés dans les établissements correctionnels pour faire face à la COVID-19, et c’est ce qui a entraîné l’éclosion qui s’est produite. Cependant, depuis lors, je pense que cela a forcé les gens à se démener pour se prévaloir des partenariats existants, par exemple, avec les autorités sanitaires provinciales, ici en Colombie-Britannique, avec d’autres organisations de la province, afin d’élaborer un plan plus complet pour réduire la contagion et, espérons-le, la prévenir.

Il y a de nombreux problèmes, non seulement pour la population carcérale où les Autochtones sont surreprésentés, mais aussi pour le personnel de ces établissements. À l’heure actuelle, notre expérience, du moins en ce qui concerne le système fédéral, à la Régie de la santé des Premières Nations où je travaille, grâce à nos partenariats existants, et en nous appuyant sur ces partenariats, nous avons établi différentes voies, par exemple, pour bien planifier la libération parce qu’on craint beaucoup qu’une personne qui est libérée, soit à l’expiration de son mandat soit en libération conditionnelle, se rende dans une collectivité rurale ou éloignée en emmenant avec elle le risque de contagion.

Cela a pris un certain temps. Je dirais que nous sommes probablement dans une meilleure situation qu’il y a un mois ou deux, mais nous n’étions pas prêts au départ, à mon avis. Bien sûr, comme je l’ai mentionné, il y a des situations dans les services correctionnels provinciaux et fédéraux où, parce que nous sommes surreprésentés dans cette population, nous risquons de connaître la majorité des résultats négatifs qui pourraient se produire.

J’ajouterais, parce que c’est un peu lié à cette question — et cela n’a pas été mentionné par le Dr Buchman lors d’une question précédente sur les conséquences d’autres choses qui se passent en même temps que la pandémie — que dans différents endroits du pays, et ici, en Colombie-Britannique, nous faisons face à deux urgences en santé publique : la crise des opioïdes et la pandémie de COVID-19. Toutefois, la crise des opioïdes se produit également à différents endroits du pays, dans les grands centres urbains, par exemple. Mais nous remarquons également des conséquences négatives imprévues en ce qui concerne la tendance à l’augmentation des cas de surdose, des incidents et décès par surdose, ici en Colombie-Britannique, avec malheureusement une surreprésentation des Autochtones, là aussi. Il reste donc beaucoup de travail à faire.

La sénatrice Omidvar : Merci.

La présidente : Merci, docteure Wieman. Avant de passer à nos prochains témoins — et nous aurons du temps pour un deuxième tour de questions —, permettez-moi de vous poser une question, madame Betker, parce que ce matin ou hier soir, dans ma province, le Québec, je lisais que l’Association des infirmières et infirmiers du Québec faisait savoir qu’après tant de semaines de travail supplémentaire dans des conditions extrêmement stressantes, ses membres disaient qu’à l’approche de l’été, ils voudront prendre des vacances bien méritées. Je me demande si c’est quelque chose que vous entendez partout au pays, et si c’est une chose à laquelle nous nous préparons, ou si nous allons réagir, si c’est déjà planifié afin de nous assurer qu’il n’y aura pas d’impact négatif?

Mme Betker : Merci de cette question. Je vais revenir sur le sujet de la santé mentale. Ces infirmières membres de ces équipes interdisciplinaires, ont besoin de vacances. Et rappelez-vous qu’elles ont aussi une famille, et que les enfants ne vont pas à l’école. Elles ont des parents âgés et d’autres membres de la famille dont elles s’occupent, des communautés dont elles font partie, et elles ont des responsabilités et des obligations à cet égard. Je pense qu’il ne serait pas sage de les dissuader de prendre leurs vacances, car elles en ont besoin. Elles ont besoin de se reposer de l’effort physique — c’est un travail difficile — donc de la dimension physique de leur travail. Mais, effectivement, chaque année, pendant les vacances, c’est le même cycle de pénuries successives, alors nous devons certainement nous pencher là-dessus.

Je pense aussi à ce qu’a dit la Dre Wieman. Il y a toutes ces autres choses qui se passent également, alors je pense à l’automne où il y a chaque année la saison de la grippe, ce qui exerce des pressions sur le système de santé. Nous sommes au printemps, mais l’automne viendra vite, et nous verrons donc un effet cumulatif. Par conséquent, les vacances, et ce genre de choses, aggravent également la situation, sans aucun doute.

La présidente : Merci. J’espère que nous serons prêts à les appuyer, mais aussi à nous assurer que nous pourrons continuer à réagir à cette pandémie.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci.

Ma question s’adresse à la Dre Wieman. Vous avez dit dans votre déclaration que le gouvernement a pris diverses mesures pour distribuer l’EPI aux travailleurs de la santé dans les communautés autochtones, ainsi qu’aux opérations et aux organisations de première ligne. Pouvez-vous nous décrire cette répartition et nous dire pourquoi certaines communautés et certains organismes ont reçu très peu et d’autres beaucoup?

Dre Wieman : Merci de la question. Je ne sais pas exactement pourquoi il y a cette variabilité, parce que cela varie d’une province et d’un territoire à l’autre, mais je sais qu’ici, en Colombie-Britannique, par l’entremise de la Régie de la santé des Premières Nations, nous sommes la seule autorité sanitaire provinciale des Premières Nations de ce genre au pays et, bien entendu, nous travaillons au nom des communautés des Premières Nations de la Colombie-Britannique et nous défendons ardemment leurs intérêts.

Nous avons donc un processus en place pour acheter, recevoir et distribuer l’EPI dans toute la province, mais si vous parlez à une de mes collègues, la Dre Lana Potts, qui est médecin autochtone en Alberta, elle a aussi parlé aux médias de son expérience de travail à temps partiel au centre-ville de Calgary, où l’acquisition d’EPI ne semble pas poser de problème. Cependant, dans le cadre du travail qu’elle fait auprès de la Première nation Siksika, dans sa clinique médicale, cela a posé des difficultés.

Je ne peux donc pas parler de l’expérience de l’Alberta, sauf que c’est ce que nos membres rapportent dans tout le pays. La réponse a varié. J’ai parfois entendu dire qu’il y avait des retards, par exemple au gouvernement fédéral, dans la réponse aux demandes d’EPI. Parfois, des gens qui ont envoyé des courriels ou fait des appels téléphoniques attendent des jours et même plus longtemps pour recevoir une réponse en général. Je ne pourrais peut-être pas vous donner d’exemples précis, mais je dirais que la variabilité entre les provinces et les territoires est problématique.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Avant de poser ma question, j’aimerais d’abord dire que, comme tous mes collègues, j’admire sans réserve le travail de nos travailleurs de la santé pendant cette crise. Merci.

La COVID-19 met en lumière le manque criant de soins palliatifs à domicile, particulièrement au Québec. Le fait que les médecins ne rendent pas ce service, au Québec plus particulièrement, explique en partie pourquoi nos institutions sont bondées, malgré le fait que les personnes âgées préféreraient vivre leurs dernières années à domicile. Ma question est un peu critique, car, ce qui me désole, c’est que la résistance vient notamment des ordres professionnels et des syndicats de médecins. Ce n’est pas seulement un problème systémique qui existe en dehors de la profession médicale.

À la lumière de cette crise, docteur Buchman, n’y a-t-il pas un examen de conscience à faire, pour déterminer s’il faut sortir des institutions et aller vers les patients?

[Traduction]

Dr Buchman : Merci beaucoup de votre question. C’est un sujet qui me tient à cœur. Au cours des 15 dernières années, je me suis consacré exclusivement aux soins à domicile, ainsi qu’à nos sans-abri, à titre de médecin en soins palliatifs.

Que je sache, les associations médicales n’ont rien contre cela. Il y a peut-être des raisons systémiques pour expliquer pourquoi cela ne s’est pas vu dans certaines provinces. La rémunération ou le financement n’ont pas été suffisants pour assurer l’efficacité des visites à domicile, alors que nous voyons aujourd’hui que les soins virtuels sont possibles dans tellement de domaines.

Nous devons abattre les murs de nos établissements. Les soins peuvent être assurés adéquatement. Mon groupe offre des soins à domicile 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Ce n’est pas compliqué. Nous pouvons diminuer le nombre d’hospitalisations en urgence. C’est extrêmement rentable. Nous avons les données qu’il faut. Les patients et les familles l’apprécient. C’est centré sur le patient. Nous devons investir beaucoup plus dans les soins palliatifs à domicile au Canada. Nous devons mettre en œuvre une approche de soins palliatifs dans nos établissements de soins de longue durée. Nous devons avoir des discussions sur les objectifs des soins, sur ce à quoi le patient attache du prix dans sa vie, et sur les indicateurs précurseurs d’une intervention particulière, comme les hospitalisations.

Lorsqu’elles comprennent les bienfaits des soins palliatifs et la planification des soins que peuvent permettre les discussions sur les objectifs des soins, la plupart des personnes sont parfaitement d’accord. Nous pouvons nous attacher à la prestation de soins efficaces qui n’est pas axée sur des interventions futiles. En tout cas, l’Association médicale canadienne est favorable à l’amélioration de l’accès aux soins palliatifs, surtout pour les patients qui préfèrent rester à la maison.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je comprends votre engagement. Par contre, il ne semble pas y avoir d’engagement de la part de toutes les sociétés et de tous les médecins. Voyez-vous de la résistance? Parce que les tarifs sont négociables. Un problème est que certains de vos collègues — et je ne parle pas de vous — aiment mieux travailler à l’hôpital ou dans un bureau que d’aller à la rencontre du patient. C’est donc un vrai problème. Comment pouvons-nous surmonter cette résistance?

Dr Buchman : Une partie de la réponse et une certaine résistance, c’est peut-être que, sur le terrain, les médecins ne sont pas capables de répondre aux besoins du grand nombre de patients requis. Autrement dit, ils ont trop à faire. Voir des patients à domicile, faire ces visites, parfois dans des régions isolées et rurales, au prix de se déplacer sur de longues distances, beau temps, mauvais temps — même dans une métropole comme Toronto avec ses problèmes de circulation — ce n’est pas une utilisation efficace et efficiente de leur temps.

Étant donné que les besoins du grand nombre sont ailleurs, je reconnais que certains médecins peuvent marquer leur résistance. Nous pouvons surmonter l’obstacle par des négociations tarifaires appropriées, des soins virtuels et une approche d’équipe, où les médecins, les infirmières, les infirmières praticiennes, les travailleurs sociaux — toute l’équipe interprofessionnelle — sont la formule à retenir. Cela peut se faire à très bon prix et très vite.

Vous avez donc un ardent défenseur de la cause, et nous devons faire circuler ces messages. Le problème peut être résolu.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup à tous. J’ai quelques questions. Au cours de cette pandémie, le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé a déclaré que nous faisions également face à une infodémie, à une abondance de renseignements faux et trompeurs sur la COVID-19.

Que doivent faire les organismes de santé et le gouvernement pour contrer efficacement cette infodémie?

Dre Wieman : Merci, sénateur Kutcher, pour cette question. Je prendrai 20 secondes pour dire que vous avez été mon examinateur au Collège royal. Je me sens un peu comme il y a 22 ans.

Je suis d’accord avec vous. L’information et la désinformation peuvent non seulement distraire, mais encore être dangereuses, comme cela s’est vu dans de nombreux médias populaires. À l’Association des médecins indigènes du Canada et à la Régie de la santé des Premières Nations, nous nous sommes fait un devoir, depuis le début de la pandémie, de nous concerter afin de fournir à nos collectivités des messages clairs, directs, culturellement sûrs et pertinents en matière de santé publique. Avec les Médecins indigènes dans notre prochaine campagne de messages, nous ajouterons à l’information qui est déjà là.

Il est difficile d’intéresser les gens aux séances d’information quotidiennes de la Dre Theresa Tam et d’autres administrateurs de la santé publique, mais nous constatons, ici en Colombie-Britannique, que ces séances sont une belle occasion pour les médecins de la santé publique de se faire valoir.

En Colombie-Britannique, nous avons fourni de l’information culturellement pertinente et exacte, parce que nous savons que la peur gagne nos collectivités. Nous savons qu’il y a une foule de personnes qui se parlent entre elles, que le mot se passe d’une personne à l’autre, et que cela peut perpétuer la stigmatisation de diverses façons différentes. L’un des problèmes dont nous avons parlé dans nos collectivités des Premières Nations est que certaines personnes peuvent avoir de la difficulté ou de la réticence à se soumettre à un test de dépistage, par crainte de la stigmatisation ou du blâme dont elles risqueraient d’être la cible dans leur collectivité, qui pourrait les tenir responsables de l’arrivée du virus dans la collectivité.

Il y a beaucoup à dire pour les initiatives de diffusion d’une information de qualité, pertinente et, dans notre cas, culturellement sûre et adaptée à nos collectivités. Ici en Colombie-Britannique, à la Régie de la santé des Premières Nations, nous nous sommes affirmé comme chefs de file dans la diffusion de ces messages, qui ont été utilisés dans tout le pays, et même par certains de nos frères et sœurs aux États-Unis, par exemple, la nation navajo. C’est nécessaire, et il faut continuer. De toute évidence, il faut du financement pour bien communiquer ce genre de messages. Merci. Meegwetch

Mme Betker : Je suis d’accord avec ma collègue, la Dre Wieman, surtout en ce qui concerne la sécurité culturelle, mais je voudrais vous ramener au niveau des systèmes.

La santé publique, le système, ont notamment pour responsabilité de communiquer les risques, et ils jouent bien leur rôle. Les responsables de la santé publique, les médecins en particulier, ont brillé dans cette tâche. La Dre Theresa Tam a fait preuve d’un leadership exceptionnel dans la communication des risques.

Les infirmières sont aussi des sources d’information fiables dans les familles, les collectivités et les organisations où elles travaillent. Nous avons essayé de nous assurer de leur donner des renseignements de qualité, solides et convergents, dont elles se servent pour informer les autres — les personnes avec qui elles travaillent ou les membres de leurs collectivités — et de vraiment encourager chacune et chacun à se tenir au courant dans le contexte de sa responsabilité dans cette réponse sociétale.

Merci de la question. C’est une question importante. Être un bon communicateur du risque demande un niveau élevé de talent. Cela demande de la pratique, et pas seulement pendant les situations urgentes et émergentes; cela demande aussi de savoir faire entendre sa voix dans le déroulement de nombreuses situations différentes.

Le sénateur Kutcher : Merci. Un récent article de Nature démontrait que le mouvement anti-vaccin prend de l’ampleur à la faveur de la pandémie, et que de nombreuses personnes disent aujourd’hui qu’elles refuseront le vaccin contre la COVID lorsqu’il sera prêt, notamment dans l’étude réalisée par la sénatrice Moodie. Le gouvernement et vos organismes peuvent-ils faire quelque chose maintenant pour apaiser ces craintes?

Dr Buchman : Merci, sénateur Kutcher. On se demande toujours si le mouvement anti-vaccin accepterait un vaccin contre la COVID-19. Il sera essentiel de prendre le temps de communiquer et de dialoguer. Les Canadiens ont un engagement moral ferme de se protéger les uns les autres. Quand je mets mon masque, ce n’est pas pour moi. C’est pour vous protéger, et vous mettez le vôtre pour me protéger. Je pense que la controverse entourant le vaccin peut être abordée de la même façon.

La vaccination sera-t-elle jamais obligatoire chez nous? Je ne crois pas. Elle n’est même pas obligatoire pour nos immunisations primaires normales. Nous devrons en discuter. Nous ne pouvons pas faire comme si le problème n’existait pas. Nous ne pouvons pas oublier ce segment de la population — sous prétexte qu’il est marginal. Ces mesures de santé publique sont importantes, et nos organismes peuvent se concerter et collaborer avec le gouvernement pour relever ce défi.

La sénatrice Pate : Je tiens également à remercier [Difficultés techniques] et je me joins à mes collègues; je rappelle également que la Dre Wieman est la première femme psychiatre autochtone au pays. Félicitations. J’oubliais que cela fait déjà 22 ans.

Je voulais [Difficultés techniques]. Des médecins ont soulevé des préoccupations. Il semble que leurs conseils n’aient pas été suivis. Plusieurs ont écrit au [Difficultés techniques] fédéral pour répondre à la question de la sénatrice Omidvar. [Difficultés techniques] préoccupation au sujet des prisons comme vecteurs du virus, qui font que les systèmes de soins de santé des collectivités locales risquent d’être dépassés, et aussi que le virus pourrait être prolongé inutilement.

Premièrement, la recommandation des professionnels de la santé était de dépeupler les prisons, de réduire le nombre de détenus pour faciliter les mesures d’hygiène; de même, la façon de permettre aux personnes d’échapper au virus, ou de ne pas le contracter, ne se limiterait pas au confinement solitaire. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

Vous avez mentionné à Mission, en Colombie-Britannique, que vous êtes au courant du problème, docteure Wieman, mais je sais que c’est la même chose dans tout le pays également, et que certaines provinces ont adopté des approches plus progressistes que le système correctionnel fédéral.

Deuxièmement, j’ai reçu ce matin une lettre de 160 [Difficultés techniques] de la santé, qui affirmaient que le plus grand déterminant de la santé et leurs [Difficultés techniques] étaient l’organisation, et [Difficultés techniques] l’initiative du revenu de base, particulièrement à la lumière des données qui tendent à prouver que la lutte contre la pauvreté, dans le contexte du projet MINCOME au Manitoba et du projet pilote sur le revenu de base en Ontario, a entraîné une réduction de 8,5 % [Difficultés techniques] soins de santé [Difficultés techniques]. Si nous découvrions un remède capable de réduire le nombre d’hospitalisations de 8,5 %, nous en mettrions dans l’eau.

J’aimerais bien connaître les commentaires de nos trois témoins sur ces domaines particuliers, pour ce qui est, notamment, des populations vulnérables. Merci.

La présidente : Docteure Wieman, j’espère que vous avez bien compris la question. Nous avons eu quelques problèmes avec le son. Allez-y, si vous êtes à l’aise.

Dre Wieman : Merci. La question était entrecoupée et j’ai eu du mal à comprendre tout ce que disait la sénatrice Pate, à qui j’envoie un beau bonjour, par ailleurs.

Merci beaucoup de ces questions. Il y a beaucoup à démêler. Si j’interprète bien les deux questions, les Canadiens vivent des inégalités fondamentales, comme la pauvreté ou d’autres déterminants sociaux de la santé, qui les mettent spécialement à risque de pauvreté ou de négativité, plus grave, pendant la pandémie. Cela s’ajoute à tous les défis qu’ils ont eu à relever, que ce soit avant la pandémie ou au moment où nous nous dirigeons vers un recul du taux de pandémie, mais nous ne reviendrons pas à la normale, pour ainsi dire. Cela met en lumière les grandes différences et les grands défis auxquels nous sommes confrontés, comme la pauvreté.

Ainsi, vous avez parlé d’un revenu de base. De nombreux Autochtones vivent dans des régions rurales et éloignées, par exemple. S’ils n’avaient pas déjà un revenu suffisant au départ pour avoir le sentiment de pouvoir subvenir aux besoins de leur famille pendant cette pandémie, ils vivraient un stress incroyable, par exemple, pour ce qui est de la sécurité alimentaire. Cela les a forcés à compter sur d’autres moyens pour assurer leur sécurité alimentaire, sur des services de soins fournis à la collectivité, ou à chasser pour manger.

Je laisserai du temps aux deux autres témoins pour répondre, mais certaines solutions à ces défis ne reposent pas nécessairement uniquement sur les modèles médicaux occidentaux de prestation de soins, ou sur nos organismes de services sociaux, destinés à aider les populations à traverser ces difficultés. Nous avons aussi nos propres systèmes, nos propres systèmes traditionnels de médecine, nos gens, nos traditions, nos cérémonies, et cetera, et nous avons encouragé les gens, par nos messages de santé publique, à se fier à ces endroits également. C’est ce que nous appelons une vision à deux yeux. J’estime que cette distinction est très importante lorsqu’il est question des difficultés qui se posent dans les services correctionnels et, comme la sénatrice Pate l’a aussi demandé, avec les déterminants sociaux de la santé. Merci beaucoup.

Mme Betker : Merci, docteure Wieman, de cette réponse très éloquente et merci de la question. J’ai quelques observations seulement.

Il est intéressant de voir les choses qui ont été préconisées et défendues, et pour lesquelles il existe une solide base d’indicateurs, comme le revenu, le logement, la sécurité alimentaire, la discrimination et la stigmatisation, le racisme, et ce genre de choses, surtout en ce qui concerne le travail de politique, où nous avons pu, dans l’ensemble du gouvernement, mettre en place des solutions en très peu de temps.

J’espère que nous examinerons cela de près et que nous ne reculerons pas, parce que ces iniquités sont à l’origine des enjeux de santé et que les enjeux de santé sont à l’origine de notre système de santé. Chose certaine, je recommanderais vivement ces approches intersectorielles et pangouvernementales à l’égard de ces questions, et de garder le cap sur certaines des choses que nous avons pu faire rapidement en tant que pays.

La présidente : Docteur Buchman, je sais que vous avez quelque chose à ajouter. Je vous demanderais de faire vite. Je voudrais garder du temps pour les deuxièmes questions.

Dr Buchman : Merci, madame la présidente. Je serai très bref. Il est très malheureux que l’expérience menée à Dauphin, au Manitoba, dans les années 1970, dont vous avez parlé, au sujet de la garantie du revenu de base n’ait pas été reprise récemment en Ontario, par exemple. Elle a été annulée. Nous savons que le revenu est le plus important déterminant social de la santé. Il est très important que le gouvernement fédéral appuie de nouvelles études sur le revenu de base.

La diminution de 8,5 % des soins de santé était très bien. Le chômage n’a pas augmenté non plus. Le seul groupe de chômeurs que nous avons vu a été celui des nouvelles mères. Il est donc très important de pouvoir reprendre cette étude. Comme nous le voyons avec la PCU et tout ce qui se fait, il est crucial d’aider les Canadiens. Nous pouvons améliorer la santé par ces simples mesures. Et permettez-moi de faire une petite pub pour le logement convenable. Nos populations vulnérables qui sont sans abri ont besoin de logement. Plus que toute autre chose, cela contribuera à leur santé et à leur bien-être d’ensemble.

La présidente : Nous avons le temps pour une deuxième série de questions, même si nous disposons seulement de 15 minutes et que nous devrons nous arrêter à 13 h 30 pour des raisons techniques. J’invite mes collègues à poser une brève question à un témoin, et j’invite les témoins à donner une brève réponse, si cela est possible.

La sénatrice Poirier : Ma question fait suite à la réponse du Dr Buchman tout à l’heure. Comme vous l’avez dit plus tôt, nous ne sommes pas prêts pour une deuxième ou une troisième vague éventuelle, en raison du manque de tests et de recherche des contacts. J’ai lu un article tout à l’heure qui disait que nous accusons un retard par rapport à d’autres pays sur le plan des tests. Ma question est la suivante : pourquoi prenons-nous du retard quant aux tests à un moment où le gouvernement devrait élargir l’accès à ces tests?

Dr Buchman : Je ne connais pas la réponse à cette question. De quoi s’agit-il, manquons-nous d’équipements pour faire des tests adéquats? Y a-t-il un manque de travailleurs qualifiés qui peuvent faire la recherche des contacts? Le simple fait de procéder manuellement nous fait prendre du retard. Nous pourrions embaucher beaucoup plus de dépisteurs de contacts et les former facilement à cet égard. Cette question doit être examinée. À l’heure actuelle, je ne sais pas pourquoi nous accusons un tel retard par rapport aux autres pays. J’aimerais bien le savoir.

La sénatrice Poirier : Merci. Nous pourrions peut-être faire un suivi.

La sénatrice Seidman : En passant, je suis désolée, docteur Buchman, parce que le son a été coupé lorsque vous avez répondu à ma question sur les soins virtuels, alors je tenterai de l’écouter dans le système plus tard. J’aimerais vous poser une autre question, si vous me le permettez.

À la suite de la pandémie de grippe H1N1 en 2009, la ministre de la Santé a demandé à ce comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie d’entreprendre un examen de l’intervention du Canada. En fait, ce comité a présenté son rapport en 2010, lequel a soulevé de graves questions, même à ce moment-là, au sujet des ressources humaines en santé et de leur capacité de composer avec les pics. Malgré la légère gravité de la pandémie de grippe H1N1, de nombreux témoins ont déclaré que les ressources du Canada avaient été poussées à leur limite. De nombreux témoins ont mentionné qu’il fallait mettre davantage l’accent sur la santé publique en général, que cela apporterait les changements nécessaires à l’infrastructure de santé publique qui, à leur tour, accroîtraient la capacité de notre pays à répondre aux urgences en matière de soins de santé.

Or, l’une de nos recommandations était que l’Agence de la santé publique du Canada mette à l’essai, sur une base régulière et rigoureuse, un plan canadien révisé de lutte contre la pandémie dans le secteur de la santé notamment, et que tous les intervenants, à savoir les professionnels de la santé, participent à ce processus.

J’aimerais savoir si cela s’est effectivement produit à la suite de la grippe H1N1 et des recommandations de ce rapport.

Dr Buchman : À ma connaissance, non, pas autant que cela aurait dû l’être. Au fil des ans, de nombreux autres problèmes de santé ont attiré notre attention. En tant qu’êtres humains, nous avons tendance à passer à autre chose, à être négligents et à nous occuper souvent de ce qui est devant nous. Nous avons donc une crise de santé publique, la crise des opioïdes, par exemple, qui demande notre attention. Mais d’autres facteurs entrent en jeu : le racisme systémique, les déterminants sociaux de la santé, tout ce qui y contribue, le manque d’accès aux services de santé mentale et aux traitements de la toxicomanie. Tous ces facteurs entrent en ligne de compte. Nous détournons notre attention et nous passons à autre chose. Le financement de la santé publique a donc été insuffisant au fil du temps.

Les leçons qui en découlent et la planification des ressources humaines dans le domaine de la santé, entre autres, sont toutes pertinentes aujourd’hui, et ce comité doit commencer à reprendre ce genre de discussions dès maintenant. Il s’agit de la crise de la COVID; s’il existe une lueur d’espoir, elle consisterait peut-être à présenter ces recommandations antérieures. Les gens portent attention maintenant et nous devrions les mettre en œuvre et ne plus négliger cela.

La sénatrice Seidman : Merci. Bonne leçon.

La sénatrice Forest-Niesing : Ma question va dans le même sens. Une deuxième vague et peut-être même une troisième vague sont prévues. J’aimerais surtout savoir quelles leçons nous avons tirées. Il me semble que vos membres sont privilégiés parce qu’ils possèdent des connaissances et de l’expérience. Ils peuvent et devraient être en mesure de partager ces connaissances et d’éclairer les préparatifs en vue des vagues anticipées.

Je me demande précisément quels mécanismes existent déjà pour la circulation de l’information et le partage de ces connaissances. Et s’il n’y a pas de mécanismes en place ou s’il n’y en a pas suffisamment, quelles mesures supplémentaires peuvent et devraient être prises pour assurer la circulation de ces connaissances afin d’éclairer les préparatifs en vue des interventions futures?

J’aimerais aussi que la Dre Wieman nous donne son avis sur la façon de tirer parti de l’expérience découlant de l’approche à double perspective.

Dr Buchman : Merci de la question. Il s’agit vraiment de déterminer quels mécanismes sont disponibles pour obtenir la contribution et les renseignements des travailleurs de première ligne qui ont l’expérience et les connaissances nécessaires pour s’occuper des préparatifs, si cela est exact.

Je vais certainement parler au nom de l’Association médicale canadienne, mais je sais que nos associations médicales provinciales et territoriales ont des portails. Nous faisons des sondages. Nous avons des forums régionaux. Nous avons des tables rondes. Nous demandons constamment à nos membres de nous fournir des renseignements sur l’état de leurs préparatifs, et c’est ce que nous faisons maintenant.

Les renseignements que j’ai fournis tout à l’heure sur les problèmes de santé mentale, entre autres, proviennent de nos récents sondages sur les ÉPI, et ainsi de suite. Je crois que nous faisons un bon travail. Nous cherchons constamment à obtenir cette information et nous sommes toujours disposés à le faire. Nous demeurons en contact avec le gouvernement, avec l’Agence de la santé publique du Canada, afin de leur fournir l’information de première ligne.

Mme Betker : L’Association des infirmières et infirmiers du Canada a les mêmes mécanismes. Une bonne partie de ce que j’ai dit vient de nos membres. Nous avons également des contacts avec l’Agence de la santé publique du Canada, Santé Canada, nos membres provinciaux et territoriaux et leurs gouvernements. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec l’AMC, l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, les pharmaciens et les représentants de diverses disciplines. Nous sommes bien branchés et avons un bon réseau, et je sais que nos membres seraient heureux qu’on leur demande d’identifier les problèmes et les solutions aussi, parce que ce sont des gens très pratiques, qui ont des connaissances et des solutions.

Dre Wieman : Merci. Je ne peux qu’abonder dans le même sens que les deux collègues qui m’ont précédée.

Afin de tirer parti de l’expérience ou d’en apprendre davantage, afin de nous préparer à de futures vagues ou pandémies, je pense qu’il est extrêmement important que nous continuions d’avoir des séances comme celle-ci qui mettent l’accent sur l’expérience des peuples autochtones. Par exemple, je proposerais, avec tout le respect que je vous dois, qu’une séance différente comprenne, par exemple, les médecins autochtones, mais aussi l’Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada et d’autres travailleurs de première ligne dans nos collectivités rurales, éloignées et urbaines.

La façon dont nous tirons parti de cette expérience est un sujet trop vaste pour être entamé en réponse à une brève question. Mais les médias ont beaucoup fait état des données, de la façon dont les données sont recueillies et de leur incidence sur nos populations, et cela comprend à la fois des données narratives et quantitatives.

J’espère que nous aurons l’occasion d’en discuter davantage. Il reste encore beaucoup d’information à recueillir sur la façon dont nous utilisons ces renseignements et nous préparons aux vagues ou aux pandémies futures.

La sénatrice Moodie : Ma question porte sur les organismes de santé publique et leur rôle dans les pandémies et dans l’ensemble du Canada. Constatez-vous une différence, une variabilité dans les ressources des organismes de santé publique au Canada? Quelle incidence cela a-t-il pu avoir sur la façon dont chaque région a pu gérer et jouer son rôle dans la gestion de l’intervention contre la COVID?

Les capacités de dépister efficacement et de tester et d’accélérer les tests sont liées aux ressources disponibles et à l’infrastructure qui existe à l’échelle régionale. Pouvez-vous nous dire qui a bien réussi et nous expliquer quelles ressources sont disponibles à l’échelle du Canada? Une diminution importante des ressources en santé publique a-t-elle eu lieu dans certaines régions? Quelle incidence cela a-t-il pu avoir sur la capacité d’intervention?

Mme Betker : Je vais tenter de répondre en premier. Je vais poursuivre dans le même sens que la Dre Wieman. Je pense qu’une conversation ou une réunion comme celle-ci, où l’on se pencherait sur le système de santé publique à l’échelle du pays, devrait avoir lieu.

Je travaillais dans le domaine de la santé publique pendant la crise du SRAS, et nous avons vu des améliorations, absolument. L’Agence de la santé publique du Canada et la mise en place de certaines des structures entourant le conseil du réseau de santé publique et d’autres ont vraiment contribué à la communication. Mais on n’a pas vraiment examiné cette capacité dans chaque province et territoire, et au sein de chacune des organisations responsables de la prestation des services de santé publique. On s’est éloigné de cette question en amont, c’est-à-dire la prévention et la promotion de la santé.

Du point de vue des soins infirmiers, plus de la moitié de ces employées sont des infirmières. Il s’agit de ceux et celles qui s’occupent du dossier et de la recherche des contacts. Ils font le suivi et sont présents dans la collectivité. Votre question demeure en suspens, et je vous encourage fortement à examiner le système de santé publique dans son ensemble au pays.

Dr Buchman : Pour ajouter à ce que Mme Betker a dit, nous avons subi des compressions. Je ne peux pas me prononcer sur les ressources, mais il y a eu des compressions. Je viens de l’Ontario. Nous l’avons vu à Walkerton, où l’inspection des installations de traitement de l’eau a subi des compressions. Nous le voyons maintenant dans le cas des soins de longue durée, où les évaluations de la qualité des soins fournis aux résidents ont été considérablement réduites. Encore une fois, il s’agit d’une question financière. Donc, sur le plan des ressources. Je ne vois pas quelles sont les ressources. Je suis tout à fait d’accord que cette question doit absolument être étudiée plus à fond et que nous devons respecter les normes fédérales.

Le sénateur Munson : Docteur Buchman, avez-vous une idée de ce à quoi ressemblera la deuxième vague? Comment allons-nous nous en sortir cette fois-ci? Vous avez dit au tout début de ces deux heures que nous ne sommes pas prêts. Que devons-nous faire précisément pour nous préparer? Avez-vous une idée de ce à quoi ressemblera une deuxième vague?

Dr Buchman : La deuxième vague peut souvent être pire que la première. Nous avons des mesures de santé publique, l’éloignement physique, la fermeture de notre économie, et cetera. Si nous ne mettons pas en œuvre ces mesures de santé publique, au moment de rouvrir, en l’absence d’un vaccin et de tests diagnostiques adéquats, d’une recherche adéquate des contacts, d’un test sérologique adéquat, c’est que nous serons repartis trop vite.

Nous tomberons alors dans une alternance d’ouvertures et de fermetures risquant d’être difficiles à gérer. Je pense donc qu’il sera important de prendre des mesures permanentes en matière de santé publique, et nous devons toujours être prêts à faire face aux pics dans le système de santé et à tous les problèmes que nous anticipions lors de la première vague. Nous avons démontré que ces mesures de santé publique sont efficaces, et il faudra trouver un équilibre. Tout, du port de masques à une recherche des contacts adéquate, fera une différence et, espérons-le, n’aura pas d’incidence sur la capacité du système de santé à gérer une deuxième vague.

La sénatrice Omidvar : Permettez-moi de poser rapidement ma question au Dr Buchman. La collecte de données fondées sur la race aiderait-elle à gérer la crise?

Dr Buchman : Je vais répondre rapidement. La réponse est oui, absolument. Le fardeau de la maladie est disproportionné selon la désignation des gens. Le racisme a grandement contribué à cette expérience disproportionnée, disons, dans les communautés noires des centres urbains. Ce genre de choses se produit.

Nous devons être en mesure d’obtenir des données fondées sur la race afin de pouvoir faire les choses dont nous avons parlé plus tôt, comme la recherche adéquate des contacts, et la protection de ces populations qui sont beaucoup plus vulnérables. Certaines populations sont très à risque. Les travailleurs de la santé — souvent des femmes de couleur qui sont exposées à un risque accru en raison d’un manque d’ÉPI adéquats — en sont un exemple. Donc, en fin de compte, oui, absolument.

La présidente : Docteure Wieman, voulez-vous ajouter votre point de vue sur cette question précise?

Dre Wieman : Merci. J’ajouterai seulement que nous, les Autochtones, désirons sérieusement avoir la souveraineté sur nos propres données. Donc, oui, je suis d’accord que les données doivent être recueillies, mais nous devons le faire nous-mêmes. C’est un principe qui sous-tend une bonne partie de la recherche en soins de santé qui se fait partout au pays, par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada et de l’Institut de la santé des peuples autochtones.

La sénatrice Dasko : Merci. Certains militants dans le domaine du soin des personnes âgées demandent en fait que le gouvernement fédéral joue un rôle plus actif, le même genre de rôle qu’il joue à l’égard de la Loi canadienne sur la santé, c’est-à-dire qu’il utilise le pouvoir fédéral de dépenser et qu’il réglemente dans ce secteur.

Docteur Buchman, vous y avez fait allusion tout à l’heure. Je sais que la situation est différente dans les collectivités autochtones, alors ma question s’adresse au Dr Buchman et à Mme Betker. Vos organisations ont-elles revendiqué l’adoption de ce modèle?

Dr Buchman : La réponse est que nous avons entamé un processus. Nous sommes en train de mettre sur pied un comité consultatif d’experts pour commencer à examiner ces questions. Il est trop tôt pour répondre à vos questions, mais nous sommes en train d’essayer d’obtenir une réponse à ce sujet.

Mme Betker : L’Association des infirmières et infirmiers du Canada travaille aussi à la rédaction d’un document. Nous proposons également la création d’une commission d’enquête sur le vieillissement de la population. Pas seulement en matière de soins de longue durée, mais pour toute la population.

La sénatrice Dasko : Ma question portait sur le rôle du gouvernement fédéral.

Mme Betker : Le rôle du gouvernement fédéral, oui.

La sénatrice Dasko : Merci.

Le sénateur Kutcher : L’hôpital général, comme nous le connaissons, n’est-il plus un établissement de soins de santé viable? Nous avons eu le H1N1, le SRAS, le MERS, l’Ebola, même si aucun cas n’a été rapporté ici, et maintenant la COVID. Chaque fois, on ferme les hôpitaux.

Y a-t-il une autre façon de fournir les soins de santé? Notre dépendance à l’égard de l’hôpital général est-elle terminée?

Dr Buchman : Je pense que ces pandémies, et plus récemment la COVID, bien sûr, révèlent bon nombre des lacunes de notre système de santé. Par exemple, il faut mettre beaucoup plus l’accent sur les soins primaires comme fondement du système de santé. Tant de choses peuvent être faites hors du milieu hospitalier. Cinq millions de Canadiens n’ont ni médecin de famille ni accès à une équipe interprovinciale de soins de santé. Nous avons, bien sûr, un problème de mauvaise distribution des soins à l’échelle du pays.

Nous avons parlé plus tôt de la capacité de fournir des soins à domicile et d’abattre les murs des établissements. Nous pouvons mettre sur pied beaucoup plus de modèles novateurs, comme les soins virtuels et ce que fait le Women’s College Hospital de Toronto, qui est un hôpital ambulatoire.

Pour répondre à votre question, cela fait partie de l’examen de l’ensemble du système de soins de santé qui doit être entrepris alors que nous sortons de la crise de la COVID.

[Français]

La présidente : Merci, sénateur Kutcher. Merci à tous, à nos collègues et à nos invités, de même qu’à nos témoins pour la qualité et la précision de leurs réponses. C’est très apprécié.

Nous poursuivons avec nos prochains témoins. Nous accueillons la Dre Margaret Tromp, présidente de la Société de la médecine rurale du Canada; le Dr Barry Power, directeur principal, Contenu numérique, et la Dre Shelita Dattani, directrice, Développement de la pratique et application des connaissances, de l’Association des pharmaciens du Canada; Pierre Poirier, directeur général de l’Association des paramédics du Canada.

[Traduction]

Nous allons commencer par la Dre Tromp, qui sera suivie du Dr Power, de la Dre Dattani et de M. Poirier.

Vous avez la parole, docteure Tromp.

Dre Margaret Tromp, présidente, Société de la médecine rurale du Canada : Merci beaucoup. Et merci de me donner l’occasion de témoigner de ce qu’ont vécu les collectivités rurales pendant la pandémie de COVID-19.

Nous qui travaillons dans les collectivités rurales avons un dicton : « Une fois qu’on a vu une collectivité rurale, on n’en connaît toujours qu’une. » C’est une façon de souligner le caractère unique de chaque collectivité rurale, qui a ses forces propres et ses difficultés bien à elle à surmonter. Je voudrais parler aujourd’hui de deux collectivités rurales différentes et uniques.

Je travaille à Picton, une localité de 4 000 habitants, dans le Sud de l’Ontario. Elle se situe dans le comté de Prince Edward, et il s’agit d’une destination touristique, car c’est là que se trouve le célèbre parc provincial Sandbanks. La population augmente en été, avec l’afflux de touristes de l’Ontario et du Québec.

L’OMS a déclaré la pandémie le 11 mars, un mercredi. Dès le vendredi, il était évident que nous devions cesser de recevoir les patients non urgents au bureau. Nous avons passé une partie du week-end à téléphoner à des patients qui avaient rendez-vous le lundi et nous leur avons proposé une consultation téléphonique. Nous avons également réaménagé notre bureau pour isoler le personnel des patients au moyen de mesures barrières. Nous avons retiré les jouets et les revues de la salle d’attente et disposé les sièges à six pieds les uns des autres. En ce moment, nous ne voyons que des femmes enceintes, des bébés à immuniser, des patients qui prennent des médicaments par injection et des patients susceptibles d’avoir des problèmes urgents parce qu’ils craignent d’avoir un cancer.

Nous avons installé dans le parc de stationnement un véhicule de dépistage de la COVID pour pouvoir évaluer, sans qu’ils pénètrent dans les bureaux, les patients qui éprouvaient des problèmes respiratoires Ensuite, nous avons commencé à mettre sur pied un centre d’évaluation de la COVID dans le stade situé à proximité de nos bureaux et de l’hôpital. Il était opérationnel dès le 2 avril.

Les visites au service d’urgence de l’hôpital ont diminué radicalement, ce qui a donné aux médecins urgentistes le temps de beaucoup se renseigner sur la COVID-19, y compris sur les scénarios de réanimation. À l’heure actuelle, la Hastings and Prince Edward Public Health Unit revendique le plus faible nombre de cas positifs de COVID dans tout le Sud de l’Ontario. Mais la saison touristique est toute proche, et nous craignons que les touristes provenant des villes ontariennes et québécoises ne propagent le virus chez nous.

Faisons maintenant un grand bond pour nous rendre à La Loche, en Saskatchewan. Il s’agit d’un village métis et déné situé dans le Nord de la province, près de l’Alberta. Deux cents kilomètres de route le séparent de Fort McMurray. Comme la plupart des services de santé publique du Nord, la Northern Saskatchewan Population Health Unit redoute vivement que les localités isolées du Nord ne soient touchées par la COVID-19, car elles sont aux prises avec des problèmes comme le surpeuplement des logements et d’autres difficultés liées aux déterminants sociaux de la santé.

Le service de la santé publique travaille également en étroite collaboration avec les camps d’extraction d’uranium. Les travailleurs vivent dans des logements où ils sont proches les uns des autres. Il y a eu deux cas de professionnels de la santé qui sont retournés dans le Nord après avoir contracté la COVID-19 à l’extérieur de la collectivité ou à l’étranger. Ces malades ont été repérés et isolés, de sorte qu’il n’y a eu aucune propagation de la maladie dans la collectivité. Puis, un habitant de La Loche qui travaillait dans le secteur pétrolier en Alberta a contracté la COVID-19 et est rentré chez lui, où les logements sont surpeuplés. La COVID a commencé à se propager dans la collectivité.

Les communications entre le nord et le sud de la province ont été rigoureusement limitées, mais les habitants du Nord se sont demandé pourquoi ces restrictions n’avaient été imposées qu’après une éclosion dans le Nord. Les choix alimentaires sont devenus encore plus limités. Comme de nombreux habitants qui devaient s’isoler n’avaient nulle part où aller, on y a transporté des unités ATCO et des caravanes. Les habitants de La Loche ont reçu de l’argent grâce à divers programmes locaux, provinciaux et fédéraux. Plusieurs de ces montants sont arrivés à peu près en même temps, si bien que, peu après, les cas de violence familiale et d’autres formes de violence liées à l’alcool se sont multipliés.

Les dirigeants locaux ont travaillé en étroite collaboration avec le service de la santé publique et ont fermé le magasin d’alcools, et un programme de surveillance de l’alcool a été lancé pour les malades alcooliques qui devaient s’isoler. Ceux-ci ont reçu de l’alcool trois fois par jour à leur lieu d’isolement.

Il y a eu deux décès causés par la COVID-19 dans l’établissement de soins de longue durée de La Loche, et il a fallu envoyer certains patients dans le Sud pour y recevoir des soins. Compte tenu des caractéristiques démographiques de la collectivité, dont l’âge moyen est de 20 ans, bon nombre de ceux qui ont contracté la COVID-19 étaient jeunes et n’ont donc pas été gravement atteints. À l’heure actuelle, le service de santé publique du Nord vient largement en tête, en Saskatchewan, pour le nombre de cas actifs de COVID-19.

La pandémie de COVID-19 a mis en lumière les inégalités sociales à l’échelle du Canada. Il faut des fonds pour intensifier la recherche sur les disparités en matière de santé et les meilleures modalités de prestation des soins en fonction des circonstances propres à chaque collectivité.

Il nous faut une meilleure collaboration intraprovinciale, surtout pour les collectivités situées près des frontières provinciales. Les ressources limitées en équipement de protection individuel et en écouvillons devraient être coordonnées à l’échelle nationale. Il faut être conscient que les collectivités rurales estiment que leurs services de santé sont constamment sollicités outre mesure et que l’afflux de touristes qui pourraient avoir besoin de ces services suscite une grande inquiétude.

Je me ferai un plaisir de discuter plus à fond de ces questions. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous.

La présidente : Merci, docteure Tromp, de nous avoir présenté le point de vue unique des collectivités rurales.

Dre Shelita Dattani, directrice, Développement de la pratique et application des connaissances, Association des pharmaciens du Canada : Je vais prendre la parole en mon nom personnel et aussi au nom du Dr Power, à titre de représentants de l’Association des pharmaciens du Canada. Nous serons heureux de répondre ensuite tous les deux à vos questions.

Bonjour et merci de nous avoir invités à comparaître. Nous représentons les 42 000 pharmaciens du Canada et ses 10 000 pharmacies communautaires qui sont demeurées ouvertes pendant la crise.

Pendant les urgences nationales, les pharmacies sont considérées comme des services essentiels, ce qui signifie qu’elles restent ouvertes tandis que d’autres établissements sont fermés. La pandémie qui sévit en ce moment ne fait pas exception. Les pharmacies ont appliqué d’importantes mesures d’adaptation pour continuer de servir leurs patients en toute sécurité et leur fournir des médicaments salutaires. Elles ont notamment proposé des services de livraison pour les aînés et d’autres patients vulnérables, prévu des heures d’ouverture spéciales pour les aînés et mis en place des mesures de protection comme des écrans de plexiglas afin de réduire au minimum le risque de contamination. Ce ne sont là que quelques exemples.

Les pharmaciens communautaires sont également pour le public une source clé d’information sur la COVID-19. D’après un récent sondage que nous avons réalisé, plus de la moitié des pharmaciens au Canada donnent des renseignements sur cette maladie à au moins cinq patients par jour.

Certes, les pharmaciens ont été reconnaissants de pouvoir faire leur part, mais ils ont été soumis à une dose supplémentaire de pression et de tension. Un sondage mené auprès des pharmaciens en avril a mis en lumière deux grandes préoccupations : une gestion plus difficile de l’approvisionnement en médicaments et la protection du personnel des pharmacies.

Les pénuries de médicaments ne sont pas un phénomène nouveau au Canada, mais la pandémie a certainement rendu plus difficile et complexe la gestion de l’approvisionnement. Lorsqu’on a commencé à s’inquiéter davantage de la COVID-19 au Canada, à la fin de février et au début de mars, nous avons constaté une hausse énorme de la demande de nombreux produits comme le papier hygiénique, les masques, les désinfectants pour les mains et les médicaments. La demande de médicaments d’ordonnance a même augmenté de 200 %, ce qui a beaucoup sollicité la chaîne d’approvisionnement dans l’ensemble du Canada. Notre travail de pharmaciens est de veiller à ce que nos patients obtiennent les bons médicaments au bon moment. Nous devons donc nous organiser pour pouvoir les distribuer équitablement entre tous nos patients. Voilà pourquoi nous avons alors estimé que la seule solution responsable était de recommander une distribution limitée à 30 jours.

Les limites imposées à la distribution ont contribué à stabiliser l’approvisionnement et, même si nous devons continuer de gérer soigneusement les stocks, nous sommes en réalité dans une bien meilleure situation qu’il y a deux mois. Toutefois, au fur et à mesure que la pandémie progressera, nous savons qu’il y aura une demande accrue de nombreux médicaments utilisés pour traiter la COVID-19 ou ses symptômes.

Santé Canada a dressé une liste de plus de 70 médicaments actuellement utilisés dans le contexte de la COVID-19. Leur disponibilité est surveillée de près. Nous craignons également que les perturbations dans le secteur manufacturier de pays comme la Chine et l’Inde n’entraînent des pénuries au cours des prochains mois. Par conséquent, nous devons demeurer vigilants afin de pouvoir affronter toute éventualité.

Nous espérons que le gouvernement du Canada continuera d’accorder la priorité à cette question et d’étudier avec nous les répercussions à long terme.

La deuxième question que nous voulions aborder est celle de la pénurie persistante d’équipement de protection individuel pour les professionnels de la santé et les travailleurs essentiels. La collègue qui m’a précédée et les représentants de l’Association médicale canadienne et de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada que vous avez accueillis ce matin vous en ont beaucoup parlé. Inutile de répéter ce qu’ils ont dit, mais précisons que les pharmaciens ont eu tout autant de mal à se procurer l’équipement de protection dont ils ont besoin en première ligne et en tant que travailleurs de la santé de première ligne. Selon nous, le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer pour aider les fournisseurs de soins de santé et les travailleurs essentiels à cet égard.

Enfin, il nous semble important de commencer à réfléchir à ce qui se passera à l’automne et au risque d’une deuxième vague. Pour être plus précise, il sera particulièrement important que nous ayons cette année une campagne de lutte contre la grippe encore plus ambitieuse pour éviter d’alourdir le fardeau du système des soins de santé. Nous devons donc commencer dès maintenant à nous préparer en veillant à avoir des stocks suffisants de vaccins pour répondre à une demande accrue et à garantir un accès satisfaisant à l’équipement de protection individuel pour tous ceux qui donnent les vaccins, et notamment pour les pharmaciens, qui administrent plus du tiers des vaccins contre la grippe chaque année.

Dans l’hémisphère sud, dans des pays comme l’Australie, où la saison de la grippe est déjà commencée, la demande de vaccins contre la grippe a augmenté, mais l’accès aux vaccins a été quelque peu chaotique. Une approche coordonnée s’impose si nous voulons que tous les Canadiens, où qu’ils vivent, puissent se faire vacciner contre la grippe de façon pratique et sécuritaire. Voilà pourquoi nous devons nous préparer maintenant.

Merci beaucoup. Mon collègue et moi serons heureux de répondre à vos questions.

[Français]

Pierre Poirier, directeur général, Association des paramédics du Canada : Bonjour à tous, honorables sénateurs et sénatrices.

[Traduction]

Bienvenue et merci beaucoup de me donner l’occasion de m’exprimer. Je m’appelle Pierre Poirier. Je suis le directeur général de l’Association des paramédics du Canada, qui n’est pas un syndicat, mais plutôt une association professionnelle chargée de défendre les intérêts de la profession dans son ensemble.

Il y a plus de 40 000 ambulanciers paramédicaux au Canada, et ils ont accompli et continuent d’accomplir un travail incroyable pendant la crise de la COVID-19. Je tiens à souligner que les ambulanciers paramédicaux ont récemment effectué des prélèvements dans des établissements de soins de longue durée, à Ottawa et à divers autres endroits. Leur contribution a été appréciable. Ce qui m’amène au point suivant : nous estimons faire partie du système de soins de santé. C’est là un aspect important, un point important à faire valoir.

Si je considère la question dans son ensemble, et ce n’est pas la première fois que j’en parle, il est probablement temps que le Canada revoie la Loi canadienne sur la santé. En Saskatchewan, par exemple, celui qui se fait transporter à l’hôpital en ambulance et reçoit des soins paramédicaux peut se faire facturer 400 $. Pis encore, avec la pandémie de COVID-19, certains préfèrent ne pas aller à l’hôpital, si bien que leur état s’aggrave et qu’un plus grand nombre de malades meurent à la maison.

Nous avons maintenant le loisir d’examiner la Loi canadienne sur la santé en deux temps. Premièrement, il faut aborder la question par le début, en reconnaissant que, lorsqu’une personne appelle le 911 pour obtenir de l’aide, cela devrait constituer le point de départ. Et à l’autre extrémité du parcours, il faut reconnaître que les aînés et les personnes les plus vulnérables qui se trouvent dans les établissements de soins de longue durée et les maisons de retraite méritent également sollicitude et respect. Les soins qui leur sont dispensés doivent également faire partie intégrante du système, comme il se doit. Et il est certain que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour protéger tous les Canadiens. C’est la première étape.

Il y a eu des discussions sur l’EPI, l’équipement de protection individuel. Les ambulanciers paramédicaux de tout le pays ont eu du mal à s’en procurer. Ils se sont fait dire qu’ils ne devraient utiliser l’EPI approprié qu’en cas d’absolue nécessité. Ils ont été appelés à en rationner l’utilisation. Ils ont eu un accès limité aux masques N95. C’est vraiment une situation déplorable dans ce qui est considéré comme un pays industrialisé de premier ordre.

Malheureusement, la responsabilité revient au gouvernement fédéral, en un sens, car la Réserve nationale stratégique d’urgence du Canada, la RNSU, est de son ressort. À l’occasion de différents épisodes, dont ceux du SRAS et de la H1N1, il s’est engagé à renouveler, à reconstituer, à réapprovisionner et à gérer cette réserve. Nous voici en 2020 et, pour quelque raison, nous sommes incapables de fournir l’EPI approprié non seulement aux ambulanciers paramédicaux, mais aussi à tous les travailleurs de la santé. Pour notre pays, c’est déplorable. Le gouvernement fédéral n’a pas la responsabilité exclusive. Il la partage avec les provinces. Mais il a la responsabilité première si, encore aujourd’hui, nous n’avons toujours pas de masques N95 à la disposition des ambulanciers paramédicaux partout au Canada.

Voilà le point le plus important qu’il nous faut établir. Le problème ne se limite pas aux masques N95. Il y a aussi trop peu de blouses. On a l’impression qu’il ne faut utiliser l’équipement approprié qu’en cas d’absolue nécessité, ce qui va à l’encontre de l’information donnée au départ, qui définissait l’équipement de protection individuel à utiliser.

Les ambulanciers paramédicaux continuent d’offrir des services dans l’ensemble du Canada. Ils se surpassent. Ils ont modifié leur façon de dispenser les soins. On entend beaucoup plus parler des soins à domicile. On entend beaucoup plus parler de la façon dont ils ont pu aider l’infrastructure hospitalière à soutenir les établissements de soins de longue durée et les maisons de retraite. Ils continueront de le faire.

Encore une fois, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer au nom des ambulanciers paramédicaux.

[Français]

Merci à tous les sénateurs et sénatrices.

La présidente : Merci à tous de vos présentations.

[Traduction]

Passons maintenant aux questions des sénateurs. Je leur rappelle qu’ils ont cinq minutes pour poser leurs questions et recevoir les réponses. Pour poser une question, il faut utiliser la fonction « main levée » de Zoom. Elle permet d’ajouter le nom du sénateur à la liste, qui est déjà longue. Je rappelle gentiment aux sénateurs qu’ils doivent adresser leur question à un témoin bien précis, ce qui facilite grandement les choses. Nous allons commencer par la vice-présidente du comité, la sénatrice Poirier.

La sénatrice Poirier : Ma première question s’adresse à la Société de la médecine rurale du Canada.

Nous avons beaucoup entendu parler du manque d’EPI aux quatre coins du Canada. Pourriez-vous nous en dire davantage sur la disponibilité, en ce moment, de l’équipement de protection individuel et des tests dans les localités rurales et éloignées? Avez-vous facilement accès aux trousses de dépistage et aux services de recherche des contacts dans ces collectivités?

Dre Tromp : La situation avec l’EPI, c’est un peu comme une cible mouvante. Avant la COVID, à l’urgence, j’utilisais en moyenne zéro masque par jour, peut-être un ou deux par semaine. Là, nous nous retrouvons dans une situation où nous utilisons un masque neuf pour chaque patient rencontré. C’est ainsi que nous sommes censés procéder idéalement, parce que si un patient expire sur nous, le virus pourrait se retrouver sur notre masque, puis, lorsque nous parlons au patient suivant, le virus qui a atterri sur notre masque pourrait être transmis à cet autre patient. Dans un monde idéal, nous changerions de masque chaque fois que nous rencontrerions un patient.

Dans mon service d’urgence, nous voyons entre 60 et 100 patients par jour. Cela signifie que, dans un monde idéal, nous aurions besoin de 60 à 100 masques par jour. Cela représente environ 1 000 fois plus de masques qu’auparavant.

Comment décider qu’on en a assez? Maintenant, au lieu de changer notre masque à chaque patient, on nous donne un masque au début de chaque quart de travail et on nous encourage à l’utiliser pendant tout ce quart de travail. S’il est souillé, on nous en donne un deuxième. Comme je l’ai dit, il n’y a pas eu beaucoup de cas de COVID-19 dans notre collectivité, alors je pense qu’en général, les gens qui travaillent à l’urgence ne sont pas très anxieux à ce sujet. Mais si vous vivez dans une collectivité comme La Loche, où on vous dit d’utiliser le même masque toute la journée, le niveau d’anxiété est tout à fait différent.

L’un des problèmes que les gens m’ont signalé, c’est ce véritable bouleversement émotionnel lié au fait de devoir poser des gestes qui, avant la COVID, auraient été considérés comme une faute professionnelle ou comme des soins infirmiers ou médicaux médiocres. On n’aurait jamais gardé le même masque d’un patient à l’autre. Si on l’avait fait, on aurait été réprimandé pour mauvaise pratique. Maintenant, on nous demande de le faire, et cela bouleverse les gens.

Par exemple, dans mon cabinet, il y avait une femme qui travaillait pour une entreprise de soins à domicile, et c’est son travail de fixer des rendez-vous — elle n’était pas dans mon cabinet, mais nous avons parlé au téléphone — aux préposés aux services de soutien à la personne pour entrer chez les gens. Elle a dit : « Je sais que ce n’est pas correct. Ils doivent utiliser le même masque toute la journée, alors qu’ils passent de maison en maison. » Elle pleurait en me disant cela. Elle a dit : « Je ne peux pas faire cela. C’est tout à fait inacceptable. On nous a dit que ce n’est pas ce qu’il faut faire, mais c’est ce que nous devons faire. »

Comme nous utilisons tous le même EPI, le même masque pour la journée, nous ne sommes pas à court. Il ne m’est jamais arrivé d’aller au travail et de me faire dire : « Nous n’avons pas de masque pour vous aujourd’hui. » Il y en a toujours un pour moi tous les jours, mais à l’hôpital et dans mon cabinet privé, je fournis mes propres masques. À l’hôpital, il y en a toujours, mais c’est parce que nous les utilisons à un niveau qui, avant la COVID-19, aurait été considéré comme contraire aux recommandations en matière de santé publique.

C’est donc la même chose dans toutes les collectivités rurales de ce type.

La sénatrice Poirier : Selon vous, le gouvernement en fait-il assez pour s’attaquer aux problèmes de santé mentale apparus à la suite de la pandémie et des mesures d’éloignement physique subséquentes pour les collectivités rurales? Que peut-on faire de plus?

Dre Tromp : Les problèmes de santé mentale arrivent un peu plus tard. Au départ, il y a l’isolement social. Vous avez probablement vu les courbes que les gens montrent au sujet de la vague initiale qui s’est élevée, puis il y a l’après-vague, lorsque certaines personnes sont rentrées à la maison et sont de nouveau tombées malades. Ensuite, il y a la vague des soins chroniques, où les gens qui devraient recevoir des soins, mais qui n’en reçoivent pas, tombent malades. Enfin, il y a la vague de la santé mentale qui est plus progressive et qui arrive plus tard. Les principaux effets sur la santé mentale apparaissent donc des semaines ou des mois plus tard.

Pendant la première ou les deux premières semaines, les gens ne vont pas trop mal, mais stressent de plus en plus à mesure que leur isolement augmente. Comment pouvons-nous régler ces problèmes? Beaucoup d’entre nous ne connaissent même pas encore les effets sur la santé mentale, parce que ces patients ne se présentent pas à nous parce qu’ils ont ce message — que je ne leur ai pas transmis; j’ai écrit à mes patients et je leur ai dit de téléphoner et de faire ceci et cela —, mais il y a beaucoup de patients qui hésitent à appeler ou à venir à moins d’avoir l’impression d’être littéralement en train de mourir. Ils n’ont donc pas de problèmes de stress ni de santé mentale à l’heure actuelle, mais je pense que cela viendra plus tard.

À l’heure actuelle, il n’y a pas beaucoup de gens qui prennent rendez-vous par téléphone avec moi pour discuter de problèmes de santé mentale. La plupart de ceux que j’ai vus avec ce problème ont déjà eu des facteurs de stress dans leur vie et peut-être qu’ils commencent à s’en ressentir, mais ce sont des gens que je n’aurais pas été totalement surprise de voir s’ils étaient venus me consulter pour des problèmes de santé mentale non liés à la pandémie.

La présidente : Merci, docteure Tromp. Vous décrivez un environnement très stressant.

La sénatrice Griffin : J’aimerais remercier nos panélistes. C’est très intéressant.

Ma première question s’adresse à la Dre Tromp. Je viens de l’Île-du-Prince-Édouard. Nous sommes une province où l’industrie touristique est présente et, bien sûr, les chalets y jouent un rôle important, à la fois pour les résidants, mais aussi pour beaucoup de gens qui viennent de l’extérieur de la province et qui possèdent ou louent un chalet ici. Je suppose que c’est facile pour nous. Nous pouvons les empêcher d’accéder au pont qui nous relie au continent.

Cependant, dans une plus grande province, est-ce que c’est beaucoup plus difficile? Les gens viennent de la grande ville pour se rendre dans une région rurale. Quels seront les principaux problèmes si nous n’agissons pas prudemment pour assouplir les restrictions?

Dre Tromp : Oui. En général, dans la population rurale, il y a un certain consensus, mais il n’y a pas d’accord complet sur cette question. De nombreuses populations rurales veulent vraiment limiter le tourisme. Certaines collectivités rurales ont demandé que les gens n’aillent pas à leur chalet cette année et qu’ils restent à l’écart pour toute l’année.

Personnellement, j’estime qu’il n’est peut-être pas nécessaire d’être aussi restrictif. Si les gens s’isolent des autres à leur chalet, je ne pense pas que le risque soit très élevé, mais nous sommes préoccupés.

Il existe différents types de tourisme, celui où 500 personnes vont à la plage et se parlent, et celui où quelqu’un a un chalet dans le bois.

Je pense que c’est un problème et que nous n’avons pas déterminé ce que nous devrions faire à ce sujet. Dans les collectivités où il y a des propriétaires de chalets, nous savons que, sur le plan économique, ces personnes paient beaucoup d’impôts. Les taux d’imposition sont élevés pour les propriétés riveraines, et l’argent de leurs impôts contribue grandement à l’économie locale. Comment trouver un équilibre entre les deux? Nous devons discuter davantage de cette question, y travailler et parvenir à un consensus.

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de tenir tous les touristes à l’écart pendant toute la saison touristique. J’espère qu’on peut mettre en place une solution d’éloignement physique. Si j’habitais au 23e étage d’un condo au centre-ville de Toronto et que je devais prendre l’ascenseur avec un groupe de personnes qui toussent et éternuent sur moi, je voudrais aller à mon chalet.

La sénatrice Griffin : Merci beaucoup. Ce sont les mêmes problèmes que nous avons ici, sauf que nous n’avons pas d’immeubles de 23 étages.

Ma deuxième question s’adresse à Mme Dattani. On a déjà dit qu’il est vraiment important de ne pas oublier les autres problèmes qui se posent. Par exemple, les gens se tiennent loin des salles d’urgence et autres, par peur. Mais nous aurons aussi une saison de grippe l’an prochain, comme c’est le cas chaque année. Y a-t-il une bonne collaboration entre les différents paliers de gouvernement en ce qui a trait à la préparation d’une situation comme la prochaine saison de grippe?

Mme Dattani : Merci beaucoup. Je pense que c’est une très bonne question. Il y a environ une heure, j’ai reçu un appel du Forum des professionnels de l’administratrice en chef de la santé publique, et nous en avons parlé un peu. Nous avons souligné l’importance d’une excellente coordination entre les niveaux national et provinciaux de la santé publique, parce qu’une bonne partie de tout cela est coordonnée à l’échelle provinciale, mais regroupée à l’échelle nationale. Nous avons donc discuté de la valeur et de l’importance de cela, du fait qu’on prévoit une très forte demande cette année, et de ce que j’ai mentionné plus tôt dans mes remarques, c’est-à-dire que même l’Australie connaît des problèmes d’approvisionnement irrégulier en médicaments. Il faudra coordonner nos actions à tous les paliers de gouvernement.

Je pense qu’on en est conscient, mais qu’il faut continuer de discuter de l’importance de cela et du fait qu’il faut vraiment commencer dès maintenant à mettre en place la stratégie de préparation, alors que nous parlons d’obtenir non seulement des vaccins, mais des seringues, des tampons d’alcool, des masques et toutes les autres fournitures, dont les fournisseurs de soins — tous les fournisseurs, y compris les pharmaciens, mais d’autres, les infirmières et les médecins — ont besoin pour s’assurer de répondre aux besoins préventifs des Canadiens qui en voudront plus que jamais cette année.

La sénatrice Griffin : Merci.

La sénatrice Moodie : Je souhaite la bienvenue aux témoins d’aujourd’hui. Merci de votre travail acharné et de relever les défis quotidiens pour aider les Canadiens, tous les Canadiens.

Ma question s’adresse aux pharmaciens, à Mme Dattani et à M. Power. Le gouvernement du Canada nous dit qu’il surveille activement l’approvisionnement en médicaments d’ordonnance et en vente libre, et il a également prévenu que l’approvisionnement pourrait être interrompu en raison de la COVID-19. Pouvez-vous nous parler des médicaments particuliers qui ont subi des perturbations, des pénuries de médicaments critiques ou essentiels?

J’aimerais aussi, si vous le pouvez, que vous nous disiez comment vous gérez les médicaments qui font l’objet de restrictions. Quel partenariat avez-vous avec les gouvernements fédéral ou provinciaux pour gérer cette pénurie et qui a le dernier mot sur les médicaments qui sont utilisés et sur la façon dont ils sont distribués?

La dernière partie de ma question est la suivante : étions-nous bien préparés? Le stock de médicaments pour lesquels on s’attendait à une pénurie était-il approprié?

Barry Power, directeur principal, Contenu numérique, Association des pharmaciens du Canada : Je vous remercie de votre question, sénatrice Moodie. Vous soulevez d’excellents points. Santé Canada a recensé 17 ou 18 médicaments qui figurent sur une liste de pénurie de niveau 3, ce qui signifie que le ministère gère activement l’approvisionnement. Plusieurs des plus connus sont des inhalateurs qui contiennent un médicament appelé salbutamol. Il est parfois vendu sous le nom de Ventolin. Il est utilisé par des gens qui ont des problèmes respiratoires, que ce soit de l’asthme ou une MPOC. À l’heure actuelle, il y en a très peu. Santé Canada a collaboré avec un certain nombre de fabricants pour faire venir des fournitures du Royaume-Uni et, je crois, de l’Amérique latine, afin d’augmenter les stocks existants au Canada.

La pénurie de salbutamol s’explique en partie par un changement de politique dans les hôpitaux pour tenter de réduire la propagation de la COVID-19. Les hôpitaux ont commencé à utiliser l’inhalateur qui est habituellement employé en milieu communautaire au lieu d’une autre forme du même médicament. Cela a été un changement de dernière minute.

L’hydroxychloroquine est un autre médicament dont on a un peu parlé. Comme vous le savez tous, il a gagné en popularité grâce à certaines déclarations d’un de nos voisins. En général, il ne fait pas partie des 100 médicaments les plus populaires. Il est utilisé par un nombre relativement restreint de personnes, habituellement pour la polyarthrite rhumatoïde, le lupus et d’autres affections. Encore une fois, Santé Canada, par l’entremise de son unité des pénuries de médicaments, a collaboré très étroitement avec un certain nombre de fabricants pour essayer d’augmenter l’approvisionnement. Le ministère a eu beaucoup de succès avec l’hydroxychloroquine, à tel point que ce médicament ne figure plus sur la liste des pénuries de niveau 3. Il est tombé au niveau 2.

La plupart des autres médicaments qui figurent sur la liste des pénuries de niveau 3 sont utilisés pour l’intubation ou la sédation de patients aux soins intensifs. On a signalé qu’il s’agissait d’un approvisionnement essentiel.

C’est l’une de ces situations où je crois que M. Poirier a soulevé l’idée d’une réserve nationale d’urgence. Comme rien ne s’est produit, les gens ont tendance à oublier. Je suis sûr que tout le monde qui participe à la vidéoconférence a oublié de changer l’huile de sa voiture à un moment donné et a ensuite eu des problèmes. C’est une situation semblable où, s’il n’y a pas de problème, on peut avoir tendance à essayer d’étirer l’approvisionnement, un peu comme avec tout l’équipement de protection.

La sénatrice Moodie : Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Power, mais pourriez-vous nous parler également des médicaments administrés aux soins intensifs, s’il vous plaît?

M. Power : Bien sûr. Les quantités de nombreux médicaments administrés aux soins intensifs sont assez importantes. Il s’agit de certains bloqueurs neuromusculaires, de beaucoup d’agents sédatifs, du fentanyl, d’un certain nombre d’autres opioïdes qui sont utilisés pour endormir les gens lorsqu’ils sont intubés ou pendant leur séjour prolongé en unité de soins intensifs. Je dirais qu’ils sont très bien gérés et rationnés. Mais ils font l’objet d’une grande partie du travail qui se fait dans les hôpitaux. Les pharmaciens d’hôpitaux ont fait énormément d’efforts pour essayer d’obtenir des quantités appropriées, et il y a eu beaucoup de collaboration entre les hôpitaux et les grossistes pour s’assurer que les fournitures sont utilisées.

L’un des problèmes que cela a soulevé, c’est que beaucoup d’interventions chirurgicales ont été reportées parce qu’un grand nombre des médicaments dont on a besoin aux soins intensifs seraient aussi utilisés par les anesthésistes pendant l’intervention. Ils prennent des mesures semblables pour obtenir des médicaments auprès d’autres pays. Il y a un sédatif appelé propofol qui est importé d’un approvisionnement international pour aider à augmenter les quantités. Un certain nombre de mesures sont donc prises pour les médicaments essentiels ainsi que pour les médicaments utilisés en milieu ambulatoire.

Pour ce qui est de savoir qui a le dernier mot sur les médicaments utilisés, idéalement, c’est le médecin traitant qui dirait que tel ou tel médicament est nécessaire. Mais dans la situation où nous nous trouvons, il y a beaucoup de restrictions. Bon nombre des sédatifs sont utilisés dans le cadre de protocoles établis par l’établissement. À ce stade-ci, c’est souvent l’établissement qui aura le dernier mot, et cela dépendra des médicaments dont il dispose à un moment donné.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup d’être avec nous et, en fait, comme l’ont dit d’autres collègues, nous vous remercions des valeureux efforts déployés par vos membres en première ligne en cette période difficile.

J’adresserai probablement ma question à la Mme Dattani, de l’Association des pharmaciens du Canada, et à M. Poirier, de l’Association des paramédics du Canada.

En 2010, la ministre de la Santé a demandé que ce comité, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, entreprenne un examen de l’intervention du Canada face à la pandémie de grippe H1N1 de 2009.

Suivant l’une des conclusions de notre comité — car j’avais déjà la chance d’y siéger à l’époque —, il fallait envisager l’adoption de méthodes novatrices en matière de prestation de services de soins de santé afin d’accroître la capacité de pointe. Des témoins avaient laissé entendre qu’il serait possible de recourir davantage aux services de fournisseurs de soins de santé autres que ceux qui sont habituellement appelés à intervenir en cas d’urgence sanitaire. Le comité a entendu des ambulanciers paramédicaux, qui estimaient ne pas avoir été mis à contribution comme il se doit pendant la pandémie de grippe H1N1, et des pharmaciens, qui avaient expliqué comment certaines administrations avaient élargi l’étendue de leur pratique afin d’atténuer les pressions sur les ressources humaines.

J’adresse donc ma question à vous deux, qui parlez au nom des pharmaciens et des ambulanciers paramédicaux. En quoi votre rôle a-t-il changé au service du public dans la crise sanitaire que nous vivons actuellement? Vous en avez tous deux parlé dans vos exposés. J’aimerais vous donner l’occasion d’approfondir la question.

Je sais, monsieur Poirier, que vous avez été très catégorique et enthousiaste au sujet de cet aspect particulier du rôle des ambulanciers paramédicaux. Et j’aimerais savoir, particulièrement en ce qui concerne les ambulanciers paramédicaux, si vous êtes actuellement considérés comme une ressource en soins de santé autre que les ressources plus traditionnelles? À quoi ressemble votre rôle pendant cette pandémie?

Je demande à l’Association des pharmaciens du Canada en quoi votre rôle habituel a-t-il changé pour ce qui est de fournir des soins aux patients? Par exemple, votre personnel a-t-il suivi une formation polyvalente dans les hôpitaux ou lui a-t-on demandé d’interagir avec les patients à l’aide de plateformes virtuelles?

Enfin, dans l’avenir, comment votre rôle pourrait-il changer de façon permanente? Je signale ici que dans son rapport de 2010, le comité a recommandé d’élargir le rôle des ambulanciers paramédicaux et des pharmaciens, surtout pendant les pandémies.

Mme Dattani : Je ne sais pas qui veut commencer, mais je suis prête à le faire. Au nom des pharmaciens, je vous remercie beaucoup de ces commentaires et de certaines des recommandations du rapport de 2009.

Pour ce qui est de l’étendue de la pratique des pharmaciens, elle a effectivement été élargie partout au pays. Malheureusement, l’absence d’harmonisation est l’une des difficultés auxquelles nous sommes encore confrontés. Le système est donc un peu fragmenté, comme c’est souvent le cas au Canada. Contrairement à d’autres fournisseurs de soins de santé toutefois, les pharmaciens ne peuvent pas offrir le même niveau de soins à leurs patients, selon l’endroit où ils vivent. Un patient qui vit au Nouveau-Brunswick ne peut profiter de l’étendue de la pratique à laquelle a droit un patient de l’Alberta, par exemple, où les pharmaciens peuvent prescrire tous les médicaments, à l’exception des opioïdes et des substances désignées.

J’ai parlé un peu de l’immunisation et de la façon dont les pharmaciens ont permis d’élargir l’accès aux vaccins contre la grippe et à d’autres vaccins. Il y a beaucoup de données à l’appui qui ont vraiment changé la donne en ce qui concerne les soins préventifs et l’accès à la santé publique, en ce qui concerne les vaccins et les injections.

Il y a cependant d’autres domaines où les pharmaciens ont les connaissances, les compétences et la formation nécessaires, mais n’ont pas la capacité d’offrir les mêmes soins harmonisés partout au pays. Par exemple, dans le traitement et le diagnostic d’affections légères, comme l’infection des voies urinaires ou le reflux gastro-oesophagien, dans certaines provinces, les pharmaciens ont la capacité de diagnostiquer et de traiter ces affections, de sorte que nous pourrions peut-être éviter que des patients se rendent à l’urgence ou dans les cliniques sans rendez-vous, ou permettre à des médecins de rester dans les milieux de soins primaires pour s’occuper des patients aux cas plus complexes qu’ils doivent traiter. Les pharmaciens pourraient offrir à ces patients des services très pratiques et accessibles, parce que la plupart des pharmacies sont ouvertes sept jours sur sept, plusieurs heures par jour.

Il nous reste encore des défis à relever en ce qui concerne l’harmonisation, et nous estimons que l’étendue de la pratique devrait être harmonisée à l’échelle du pays, pour que chaque patient ait accès aux mêmes soins de la part de son pharmacien, qu’il vive à Terre-Neuve ou en Colombie-Britannique.

Votre deuxième question portait sur l’utilisation des plateformes virtuelles. C’est un sujet très intéressant qui prend de l’ampleur. Nous savons que les médecins et leurs collègues infirmières et infirmiers utilisent les plateformes virtuelles de diverses façons et qu’ils ont adopté une sorte de modèle hybride de prestation de soins aux patients.

Dans les provinces où ils peuvent prescrire des médicaments — par exemple, en Nouvelle-Écosse —, les pharmaciens ont pu offrir ces services de façon virtuelle dès le début de la pandémie, ce qui a été très utile. Les soins virtuels ont explosé dans certains domaines.

Dans d’autres domaines, certains services, comme l’évaluation des médicaments, commencent à être offerts de façon virtuelle. Comme pour d’autres enjeux, on assiste à une augmentation des préoccupations relatives à la protection de la vie privée et au souci de s’assurer que le patient donne son consentement, et qu’il cherche la bonne plateforme, mais certaines plateformes tiennent compte de ces préoccupations.

Donc, même si les pharmacies demeurent ouvertes et accessibles, il est également important que les patients et le public sachent qu’ils peuvent aussi obtenir au moyen de plateformes virtuelles des conseils, des prescriptions ou des services d’évaluation des médicaments.

La sénatrice Seidman : Merci. Je suis désolée de vous interrompre, mais j’espère qu’il me reste quelques secondes pour permettre à M. Poirier de répondre à son tour.

La présidente : Nous allons prendre une minute pour entendre la réponse de M. Poirier.

M. Poirier : Je vous remercie de votre question. L’année 2010 a été importante pour ce qui est de reconnaître la contribution que les ambulanciers paramédicaux peuvent apporter aux soins de santé. À l’époque, il y a eu un véritable changement dans l’évolution des soins paramédicaux. Quand j’ai commencé comme ambulancier paramédical, il y a plusieurs années, tout tournait autour des aspects neurovasculaires, respiratoires et cardiovasculaires, et des soins d’urgence.

Au milieu des années 2000, il y a eu un changement important pour reconnaître la promotion de la santé et la prévention des maladies. Le profil de compétences des ambulanciers paramédicaux a évolué pour commencer à inclure les déterminants sociaux de la santé et une compréhension globale de toutes les étapes de la santé, des soins pédiatriques aux soins gériatriques.

Nous avons vu vers 2010, avec la grippe H1N1, les ambulanciers paramédicaux commencer à administrer des vaccins. Aujourd’hui, l’évolution du personnel paramédical communautaire se poursuit un peu partout au pays, et l’accent n’est pas mis sur les soins urgents, mais plutôt sur la promotion de la santé et la prévention des maladies, comme fournir des soins des pieds aux diabétiques, donner de l’information pour les personnes qui glissent, trébuchent ou chutent, ou encore faire des visites à domicile. On le voit très bien, même dans le comté de Renfrew, juste ici à l’extérieur d’Ottawa, où il y a un programme important qui permet de s’occuper de la collectivité dans son ensemble.

Il s’agit d’une évolution remarquable, même au point où les patients sont suivis à distance, où les ambulanciers paramédicaux sont mobilisés, où des personnes ou des patients à la maison peuvent prendre leurs signes vitaux tous les jours et les enregistrer à un endroit central. En fonction de ces signes vitaux, il est possible qu’un ambulancier paramédical leur rende visite ou non. Voilà où en est rendue l’évolution des soins de santé. Je ne pense pas qu’elle soit assez rapide, mais les choses s’améliorent peu à peu.

Le dernier point que vous soulevez, qui me paraît important — puisque c’est ce que nous constatons à différents endroits au pays — c’est qu’il n’y a pas d’approche coordonnée. Ce problème rejoint en partie, selon moi, votre dernière déclaration selon laquelle les ambulanciers paramédicaux doivent être inclus dans le groupe des professionnels de la santé pour être invités aux tables décisionnelles. C’est ce qui nous pose problème, il faut bien l’admettre, mais nous continuons de travailler pour obtenir cette reconnaissance. Grâce à des témoignages et à un soutien comme celui que nous constatons ici, nous pourrons progresser peu à peu en vue de pouvoir offrir de meilleurs soins partout au pays.

À bien des égards, depuis 2010 et encore aujourd’hui, nous continuons de croire — même si nous sommes toujours très occupés — qu’on ne nous utilise pas à pleine capacité dans le continuum de soins.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Comme je l’ai fait pour le groupe de témoins que nous avons reçus plus tôt ce matin, je tiens à remercier sincèrement les témoins que nous recevons maintenant, non seulement de leur témoignage aujourd’hui, mais aussi du travail de première ligne qu’ils accomplissent pour tous les Canadiens. Nous comptons sur vous et nous sommes bien heureux que vous soyez au rendez-vous.

Ma question s’adresse à l’Association des paramédics du Canada et se rapporte à la fiabilité des données. Je voudrais mieux comprendre la politique qui est mise en place lorsqu’une équipe d’ambulanciers paramédicaux est appelée à se rendre au chevet d’une personne qui souffre possiblement de la COVID-19.

Est-ce que les patients subissent un test de dépistage du virus si leurs symptômes ressemblent à ceux qui sont attribuables au virus? S’il y a un décès, quelles sont les mesures mises en place pour veiller à ce que la cause du décès soit correctement attribuée au virus? Est-ce qu’il y a beaucoup de cas où la cause indiquée du décès reste une pneumonie, des difficultés respiratoires, un arrêt cardiaque, sans qu’on vérifie s’il y a un lien avec le virus?

M. Poirier : Je vous remercie de votre question. En ce qui concerne la manière dont les ambulanciers paramédicaux se comportent avec les patients, on ne sait jamais si quelqu’un a le virus. C’est la raison pour laquelle, si quelqu’un a une toux, ne se sent pas bien ou souffre de difficultés respiratoires, on devrait avoir l’équipement de protection individuelle approprié, comme le masque N95 ou autre. C’est toujours un élément que les ambulanciers paramédicaux doivent prendre en considération quand ils se rendent dans une résidence et ils doivent être en mesure d’adapter leur comportement, car ils ne savent pas nécessairement quelle est la condition du patient.

En ce qui concerne le décès possible, nous, ambulanciers paramédicaux, sommes depuis tout récemment en mesure de savoir si le patient ou l’individu qui est décédé a eu la COVID-19. Les ambulanciers paramédicaux à travers le pays peuvent connaître cette information depuis environ quatre à six semaines. Je crois que, même s’il s’agit d’une information privée, c’est très important pour les ambulanciers paramédicaux de savoir si le patient a la COVID-19.

Pouvez-vous me répéter votre dernière question?

La sénatrice Forest-Niesing : Je voulais savoir si la cause du décès pouvait parfois être attribuée de façon erronée à une pneumonie ou à une autre cause, sans qu’on ait pu s’assurer qu’elle n’était pas liée à la COVID-19.

M. Poirier : Je pense que nous ne connaissons pas la réponse à cette question. Il y a eu beaucoup de décès liés à des problèmes cardiaques et respiratoires dont les ambulanciers paramédicaux parlent entre eux, et ils pensent qu’ils sont peut-être liés à la COVID-19. C’était en janvier et en février. Depuis tout récemment, le test de dépistage de la COVID-19 est effectué plus fréquemment. Nous avons bon espoir de connaître la raison des décès.

Le fait que les ambulanciers paramédicaux aient de l’information au sujet du décès d’un patient atteint de la COVID-19 est très important, et nous avons cette information depuis quatre à six semaines.

La sénatrice Forest-Niesing : Est-ce que j’ai encore un peu de temps?

La présidente : Vous avez environ 45 secondes, et je vous demanderais de respecter ce temps de parole.

La sénatrice Forest-Niesing : Je vais continuer dans la même veine, mais en parlant maintenant de l’uniformité des données.

Quand on consulte les sites Web qui donnent des informations sur le nombre de décès à travers le pays, et particulièrement quand on examine les grandes villes, on remarque un écart assez inquiétant en ce qui a trait au nombre de décès. Par exemple, pour la ville de Montréal, dont la population est inférieure à celle de la ville de Toronto, le taux de décès est trois fois plus élevé que celui de Toronto.

Est-ce que, d’une province à l’autre, les directives sont différentes quant à l’enregistrement ou à la documentation des causes de décès? Cela rejoint un peu le point que j’ai soulevé dans ma première question; est-ce que cela pourrait être une des explications de cet écart?

M. Poirier : Je ne crois pas que ce soit la raison de la différence entre Toronto et Montréal. Je crois que tout cela est plutôt lié au fait que le congé pour la relâche du printemps avait lieu au début de mars pour les résidants du Québec et une semaine plus tard pour les résidants de l’Ontario. C’est une des raisons qui pourraient expliquer cette différence.

Une autre raison de cet écart pourrait être liée aux maisons de retraite et à leur fonctionnement. Ce n’est pas que ce soit beaucoup mieux en Ontario, mais peut-être que, pour ce qui est des renseignements, des données et des façons de gérer les patients ou les résidants dans les maisons de retraite, les deux provinces ne fonctionnent pas de la même façon.

La présidente : Je vous remercie de votre réponse. Merci, sénatrice Forest-Niesing. Nous poursuivons avec la sénatrice Omidvar.

[Traduction]

La sénatrice Omidvar : Je remercie tous nos témoins d’être parmi nous et de travailler sans relâche pour assurer notre sécurité. Ma question s’adresse à M. Poirier et à la Dre Tromp. Vous avez tous les deux dit aujourd’hui, comme d’autres témoins avant vous, souhaiter que le rôle du gouvernement fédéral dans le paradigme des soins de santé soit revu. C’est évidemment difficile parce que les soins de santé et la prestation des services de santé relèvent des provinces, ce qui rend l’intervention du fédéral délicate. J’oublie si c’est vous qui en avez parlé, docteure Tromp, mais on nous a signalé aujourd’hui la nécessité d’un plan national des ressources humaines en santé. Je crois que vous avez parlé de l’approvisionnement et de la distribution de l’équipement de protection individuelle.

Monsieur Poirier, vous vouliez que la Loi canadienne sur la santé soit modifiée. Selon vous, que devrait faire le gouvernement pour donner suite à ces recommandations visant à mieux définir le rôle du palier fédéral, cela afin que nous soyons prêts pour la prochaine pandémie sans que les luttes de pouvoir et de compétence ne viennent nuire à la protection des soins de santé pour les Canadiens?

M. Poirier : Je vais être bref. Il est plus facile pour le gouvernement fédéral de gérer la Réserve nationale stratégique d’urgence. Il ne s’agit pas seulement de civières et de bandages. On parle aussi de produits pharmaceutiques et d’équipement de protection individuelle. Je pense donc que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans le dossier de la Réserve nationale. Cela consisterait en partie à s’assurer que l’Agence de la santé publique du Canada discute avec Sécurité publique Canada, afin que nous comprenions nos vulnérabilités et nos risques, et que nous puissions ajuster la Réserve pour répondre aux besoins dans le cadre d’une approche tous risques. Je pense que c’est une mesure facile à adopter, s’il existe une telle chose au gouvernement.

Deuxièmement, je pense qu’il serait temps pour nous d’avoir ce dialogue. Il arrive parfois qu’une catastrophe révèle de nouvelles possibilités. C’est vraiment un événement important — comme en fait foi le nombre de personnes dans les établissements de soins de longue durée et de retraite qui sont décédées. Je pense qu’il est temps de revoir la Loi canadienne sur la santé à l’échelle nationale et de se demander comment nous pouvons vraiment mieux servir la génération de nos aînés. Nous devons lancer cette discussion. Merci de m’avoir posé la question.

Dre Tromp : J’aimerais parler d’un problème souvent soulevé à la Société de la médecine rurale du Canada. Nous constatons que les médecins qui travaillent surtout dans les régions nordiques de chaque province, ainsi que d’autres travailleurs de la santé, ont des besoins beaucoup plus semblables à ceux d’autres médecins qui travaillent dans le Nord qu’à ceux de leurs collègues dans le Sud. Or, la santé relève des provinces.

Pourtant, les médecins du Nord de l’Ontario travaillent de concert avec ceux du Sud de la province, mais ils ont beaucoup plus en commun avec les médecins du Nord du Manitoba et du Nord de la Saskatchewan, parce qu’ils sont en formation et qu’ils doivent en apprendre beaucoup plus. Nous parlons donc beaucoup de ce problème à la Société de la médecine rurale du Canada.

Je ne suis pas parlementaire. Je ne connais pas vraiment la Loi canadienne sur la santé et son incidence sur la Constitution, mais je sais que la Réserve est très importante. Il me semble qu’il n’aurait pas fallu oublier complètement ce qui est tombé en désuétude il y a trois ans et qui n’a pas été remplacé. Comme nous le disions tout à l’heure, si vous avez tendance à oublier de faire votre vidange d’huile ou de remplacer la pile de votre détecteur de fumée, vous devez trouver une astuce pour vous les rappeler régulièrement.

Nous n’avons pas toutes les réponses, mais c’est une bonne occasion d’examiner quels étaient les problèmes et de voir comment nous pouvons aider à régler les problèmes qui ont été cernés, même si nous n’avons pas encore les réponses.

Pour les médecins ruraux, de nombreuses régions rurales se trouvent dans des régions isolées d’une province, mais à proximité d’un centre de soins tertiaires dans une autre province. Par exemple, les gens du sud-est de la Colombie-Britannique sont à quelques heures de route de Calgary, mais s’ils ont un patient en pédiatrie qui est malade, ils doivent envoyer le patient à Vancouver, c’est-à-dire en avion, ou une balade en voiture de 16 heures pour les parents qui doivent ramener l’enfant à la maison. Y a-t-il moyen de coordonner certaines de ces situations, en particulier les obstacles interprovinciaux, pour faciliter les choses?

Nous avons plutôt beaucoup de questions à discuter et à régler. Je ne pense pas que nous ayons encore les réponses, mais ce sont assurément des problèmes dont nous devons commencer à discuter.

La sénatrice Omidvar : Merci. Vous représentez tous les principaux groupes d’intervenants dans les professions de la santé : les pharmaciens, les ambulanciers paramédicaux et les médecins des régions rurales. Nous avons accueilli ce matin l’Association médicale canadienne et l’Association des infirmières et infirmiers du Canada. Est-ce que vous mettez vos cerveaux et vos meilleures idées en commun pour formuler des recommandations, non pas individuellement à titre d’associations, mais collectivement à titre de groupe d’intervenants importants, pour aider le gouvernement à comprendre quelles sont les priorités et ce qu’il devrait faire, ou est-ce que vous travaillez tous en vase clos?

Dre Tromp : Non. Il y a un organisme qui s’appelle le Forum médical canadien, qui est axé d’abord sur les médecins, et je m’en excuse. À titre d’exemple, l’Association médicale canadienne, notre société, le Collège des médecins de famille, le Collège royal et les organismes d’enseignement participent aux discussions de ce forum. Je crois qu’il y a 11 organisations qui travaillent ensemble, et nous essayons de formuler des recommandations.

Nous avons fait deux déclarations depuis le début de la pandémie. La première recommandation portait sur l’accès à l’équipement de protection individuelle, qui est très important. La deuxième recommandation visait à appuyer nos apprenants résidents, c’est-à-dire qu’ils soient reconnus et, si des incitatifs financiers et une prime de risque devaient être accordés, qu’ils y aient également droit, car ils sont aussi des travailleurs de première ligne.

De toute évidence, nous devons collaborer encore plus et adopter une approche plus multidisciplinaire, mais le Forum médical canadien est un groupe qui se penche activement, à l’heure actuelle, sur certaines de ces questions.

La sénatrice Omidvar : Pourrions-nous obtenir une copie de ces deux recommandations pour notre comité?

Dre Tromp : Bien sûr.

La sénatrice Omidvar : Merci.

La présidente : Merci. Nous vous en saurions gré.

Mme Dattani : Puis-je ajouter quelque chose très brièvement? Nous participons à d’autres forums interdisciplinaires à l’échelle nationale. Comme je l’ai mentionné plus tôt, l’administrateur en chef de l’Agence de la santé publique du Canada organise un forum des associations de professionnels de la santé. Nous avons abordé de nombreuses questions indépendantes des fournisseurs, y compris les soins virtuels, les EPI et d’autres sujets soulevés par les participants. Nous avons fait des déclarations conjointes et nous avons examiné ensemble la prescription et la délivrance responsables, dans le contexte des pénuries de médicaments et d’autres questions, de sorte que ces forums ont donné d’assez bons résultats sur le plan de la collaboration interdisciplinaire.

La présidente : Merci pour ces réponses, et merci pour la question. Depuis des années, chaque fois que nous nous réunissons pour travailler sur des questions de santé, tous les membres du comité des affaires sociales et tous les sénateurs constatent que les défis du cloisonnement sont toujours présents, davantage encore dans des périodes comme celle-ci. Je vous remercie de l’avoir dit publiquement.

Le sénateur Kutcher : Merci aux témoins. Nous vous remercions d’avoir pris le temps de nous aider.

J’ai deux questions à poser aux pharmaciens. Tout d’abord, nous sommes tous conscients de la présence en ligne de pharmacies légitimes et du rôle qu’elles jouent, mais nous avons vu au cours de cette période de COVID une pléthore de pharmacies en ligne irrégulières et frauduleuses. Elles vendent toutes sortes de produits qui pourraient nuire à la santé des Canadiens. Quel rôle vos organisations ont-elles joué pour essayer de régler ce problème, quel rôle le gouvernement fédéral a-t-il joué, et pensez-vous que cela a été suffisant?

Mme Dattani : Je peux répondre à cette question. Nous — pas moi en particulier, mais mes collègues — avons participé à certaines organisations qui se sont penchées sur la sécurité et les préoccupations liées aux pharmacies en ligne et qui ont veillé à ce que les Canadiens reçoivent des soins de santé et des ordonnances sécuritaires et légitimes. Nous y avons participé activement. Nous avons également participé avec nos homologues américains à des discussions à ce sujet.

Le sénateur Kutcher : Est-ce que cela a permis régler le problème en ligne? J’ai entendu dire qu’environ 28 000 sites web avaient été fermés au cours de la pandémie de COVID, mais il ne cesse de s’en créer. C’est comme le jeu de la taupe. En fait-on assez?

Mme Dattani : Nous avons beaucoup travaillé dans ce domaine. Il est difficile de dire si nous avons réussi à les faire fermer tous, mais il y a une voix et une présence, et c’est quelque chose que nous continuons de surveiller.

Le sénateur Kutcher : Merci. Ma deuxième question porte sur les vaccins. Je suis heureux de vous entendre dire que vous vous préparez pour la saison de la grippe, mais j’ai une préoccupation qui est légèrement différente de la question de la préparation, bien qu’elle soit essentielle.

Dans de nombreuses provinces, moins de 30 % de la population est vaccinée contre la grippe. C’est triste à dire, mais dans de nombreux organismes de santé comme les hôpitaux, moins de 70 %, parfois 50 %, des fournisseurs de soins de santé se font vacciner. Quel travail fait-on et devrait-on faire pour améliorer les taux de vaccination, du moins chez les fournisseurs de soins de santé?

Mme Dattani : Je suis d’accord avec vous. Les personnes les plus vaccinées sont les personnes âgées, et nous voulons qu’elles le soient, parce qu’elles sont vulnérables aux complications et aux risques de la grippe, mais il y a une proportion importante de la population qui ne se fait pas vacciner pour toutes sortes de raisons.

Il existe un large spectre de réticence vaccinale. Je sais que les pharmaciens ont contribué de façon importante et qu’ils doivent continuer de le faire en qualité de fournisseurs de vaccins. Il ne s’agit pas seulement de l’aspect technique de la fourniture du vaccin. Il s’agit de passer du temps avec les patients dans leur communauté, de les éduquer, de les encadrer et de comprendre les raisons de leur réticence vaccinale. Ce sont souvent les travailleurs de la santé qui, dans certaines circonstances, sont encore plus réticents. Je pense qu’il est important d’avoir recours à des pharmaciens, ainsi qu’à d’autres fournisseurs, pour avoir ces conversations et comprendre pourquoi il y a une réticence à l’égard de la vaccination, et pour aider les gens à obtenir de meilleurs soins préventifs, en plus de simplement administrer le vaccin. Plus grand sera le nombre de fournisseurs de soins de santé que nous pourrons faire participer à ces conversations avec nos communautés et le public, mieux ce sera pour notre société.

M. Poirier : Dans la communauté des ambulanciers paramédicaux de l’Ontario, la vaccination est obligatoire en vertu de la loi, de sorte qu’environ 95 % s’y soumettent. Les seules exceptions sont les personnes qui peuvent apporter la preuve d’une allergie ou éventuellement pour une raison religieuse. Le taux de vaccination des ambulanciers paramédicaux est assez élevé, et ce, depuis plusieurs années.

Dre Tromp : C’est la même chose pour les médecins. Si vous avez des droits hospitaliers, ce n’est pas obligatoire, mais si vous n’êtes pas vacciné et qu’il y a une épidémie de grippe, vous n’avez pas le droit de travailler.

Le sénateur Kutcher : Puis-je faire une observation?

J’ai entendu des gens parler de l’importance d’être informé, du fait que lorsque l’équipement de protection individuel est périmé, il faut que quelqu’un agisse. Je voulais vous faire remarquer que ma voiture m’indique quand elle a besoin d’une vidange.

La présidente : Bonne remarque.

Le sénateur Munson : Merci beaucoup d’être ici cet après-midi. Nous avons entendu des témoignages révélateurs toute la journée. Ce que nous entendons nous donne de l’espoir, et pourtant, nous avons beaucoup d’inquiétudes au sujet d’une deuxième vague.

Il y a eu un grand soupir de soulagement au Canada hier lorsqu’on a annoncé, des deux côtés de la frontière, que celle-ci demeurerait fermée jusqu’au 21 juin. C’est vraiment important, imaginez les grappes et les gens qui se déplacent. Docteure Tromp, vous avez dit qu’il fallait essayer de trouver un équilibre. J’essaie encore de comprendre où se situe cet équilibre à l’échelle locale. Vous avez parlé de Picton, par exemple, et du fait que les plages seront bondées. Récemment, nous avons vu des photos montrant une distanciation sociale très relative et pourtant, si vous êtes propriétaire d’un chalet et que vous êtes un contribuable, vous pouvez aller à votre chalet et vous isoler. À quoi cela sert-il d’y aller si vous devez rester chez vous pendant deux semaines à regarder non pas un plan d’eau virtuel, mais un véritable plan d’eau?

J’essaie de comprendre où se situe cet équilibre. Je vis en Ontario. Je voudrais bien aller à notre chalet dans le Nord du Nouveau-Brunswick, mais je suis prêt à faire le sacrifice et à payer le prix, qui est justifié puisqu’il s’agit de sauver des vies. Si les autres veulent donner leur avis — je ne sais pas où est l’équilibre en l’absence de discipline.

Dre Tromp : Nous ne pouvons pas établir un point d’équilibre précis parce qu’une grande partie de tout cela est fondée sur les valeurs personnelles et communautaires, et ces valeurs ne sont pas clairement tranchées. Il y a de nombreuses nuances.

Si nous revenons à la question de la vaccination dont nous avons parlé, certaines personnes décident consciemment de ne pas être vaccinées parce qu’elles ne veulent pas trop médicaliser leur vie. Notre vie au Canada repose sur un système de valeurs que tout le monde ne partage pas nécessairement, c’est-à-dire que plus on reçoit de soins médicaux, mieux c’est, plus on médicalise sa vie, mieux c’est, et plus on vit longtemps, mieux c’est, et il faut tout mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs. Mais tout le monde n’adopte pas ce système de valeurs.

Ma famille a un chalet sur la rivière des Outaouais. Nous y allons et faisons du canot. Nous n’y sommes pas allés cette année. Mais nous pourrions y aller. Nous allons sur la rivière. On peut nager. C’est essentiellement ce que nous faisons lorsque nous allons là-bas. Nous n’allons pas dans des cafés ou ailleurs. Lorsque nous allons au chalet, c’est pour être dehors. Il y a beaucoup de gens qui vont à leur chalet pour profiter du plein air plus que pour fréquenter d’autres êtres humains.

La différence dans le cas d’une pandémie, c’est que, de toute évidence, vos décisions ont une incidence sur les gens qui vous entourent, donc c’est différent que de vous demander si vous voulez prendre ou non votre pilule contre l’hypertension, parce que si vous ne prenez pas votre traitement, la décision vous appartient, et vous êtes le seul directement touché.

Si vous allez dans votre chalet, peut-être que d’autres personnes peuvent être touchées. Nous devons donc avoir des discussions communautaires à ce sujet. Il y a de très nombreuses nuances, et nous devons décider où nous voulons nous situer. Si nous décidons qu’il ne faut pas se rendre dans les chalets, nous pourrons prendre cette décision comme communauté. Mais je ne pense pas que ce soit la seule décision raisonnable qui puisse être prise. D’autres décisions raisonnables sont également possibles.

Le sénateur Munson : Merci beaucoup.

Monsieur Power, nous n’avons pas eu beaucoup de questions à vous poser. Ceux d’entre nous qui prennent une pilule de temps à autre la tiennent pour acquise. D’où vient cette pilule? Qui en est responsable? Y a-t-il un programme d’approvisionnement? Est-ce que ces pilules contre l’hypertension — ou tout ce que vous voudrez... il a été question d’une pénurie et il y avait une inquiétude, surtout au début de tout ceci, quand les gens ne se contentaient pas d’accumuler du papier hygiénique, mais allaient se faire prescrire des médicaments d’avance parce qu’ils craignaient une pénurie. Comment tout ce processus que les Canadiens prennent pour acquis fonctionne-t-il? Comment en connaissons-nous l’efficacité, comment savons-nous que c’est fait correctement et que c’est à notre avantage? Qui y participe? C’est un mystère pour moi.

M. Power : C’est un mystère pour beaucoup de gens.

La chaîne d’approvisionnement au Canada est assez complexe. Entre 50 et 80 % des médicaments sont fabriqués en Chine ou en Inde, ou contiennent un ingrédient actif ou un ingrédient important provenant de Chine ou d’Inde. Une partie du problème avec la COVID–19, c’est qu’avec les mesures de fermeture en Chine en janvier et la fermeture subséquente en Inde, nous n’avions pas une idée claire de l’état des expéditions de médicaments au Canada.

Nous savons qu’au cours des deux premières semaines de mars, le nombre d’ordonnances de médicaments exécutées a doublé. Donc, dans un système où il y a déjà beaucoup de fragilité et de fréquentes pénuries de médicaments, le fait que la chaîne d’approvisionnement ait été perturbée par une augmentation de la demande a été un problème.

Il y a une série d’étapes. Les fabricants mettent au point leurs médicaments. On les fait venir s’ils ne sont pas produits au pays. Ils sont ensuite vendus par le fabricant à un grossiste, puis à une pharmacie. Il y a plusieurs étapes à franchir. À peu près tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement ont mis en place une forme de rationnement.

Nous estimons que l’approvisionnement a été stabilisé. Les pharmaciens ont signalé qu’ils avaient des difficultés à obtenir des médicaments contre la tension artérielle. Mais ils sont toujours en mesure d’en obtenir, et nous avons pu constater qu’en ce qui concerne la grande majorité des médicaments, très peu de gens ont été privés de leurs traitements.

Pour ce qui est de la chaîne d’approvisionnement et du consommateur, comme c’est le cas pour de nombreux biens de consommation, la plupart des gens savent simplement qu’ils vont à la pharmacie et que les médicaments y sont disponibles. C’est le système que nous voulons rétablir.

Nous devons examiner certains des problèmes que pose la mondialisation de la chaîne d’approvisionnement. À Santé Canada, il y a un groupe qui travaille fort sur les pénuries de médicaments. Nous siégeons à un comité avec ce groupe. C’est une partie du problème qu’il faut régler.

Ensuite, en ce qui concerne les stocks nationaux, nous devons nous assurer qu’il y a des fluctuations, des entrées et des sorties, afin que les médicaments entrent au pays. Ils ne sont pas périmés, mais ils peuvent être utilisés dans d’autres parties du système de santé.

La présidente : Merci pour ces questions.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question vient d’être posée par le sénateur qui m’a précédée. Cependant, il y manquait un petit volet. Est-ce que ce sont surtout les médicaments d’usage courant, comme les médicaments pour la tension artérielle ou pour le diabète que les gens vont chercher à la pharmacie? Y avait-il des médicaments particuliers dont on avait peur de manquer? Enfin, quelle est la leçon à tirer de cela pour l’avenir?

[Traduction]

M. Power : Merci de la question. En mars, les gens faisaient provision de tous leurs médicaments, mais l’accent était particulièrement mis sur les médicaments pour les difficultés respiratoires. Le salbutamol, que j’ai mentionné plus tôt, dont la marque commerciale est Ventolin; certains essayaient d’en obtenir de grandes quantités parce que les gens au Canada savaient qu’il s’agissait d’un virus respiratoire et que l’essoufflement était l’un des symptômes courants. Ce médicament était particulièrement concerné.

Il y en a eu d’autres pour lesquels nous savons qu’il y avait beaucoup de demande, mais pas de pénurie. Les diabétiques essayaient d’obtenir de grandes quantités d’insuline et d’autres médicaments contre le diabète, et à peu près tous les gens qui prenaient des traitements pour les maladies chroniques, donc le cholestérol, les maladies cardiaques, l’hypertension, à peu près tout. Donc, ce n’était pas vraiment une demande ciblée, cela concernait l’ensemble du système.

Le sénateur R. Black : Ma question s’adresse aux trois témoins. En ce qui concerne les collectivités rurales, éloignées et nordiques, selon vous, quelles mesures doivent être prises pour aider à renforcer la capacité humaine dans ces régions afin de mieux réagir à cette pandémie et aux épidémies futures?

Ma deuxième question porte sur les producteurs agricoles ou les agriculteurs. Constatez-vous une évolution des chiffres s’agissant des agriculteurs qui viennent vous voir, qui sont touchés par la pandémie ou qui ont besoin de vos services?

Dre Tromp : Je répondrai d’abord à la deuxième question parce qu’il y a des agriculteurs dans ma collectivité.

Je n’ai pas vu [Difficultés techniques] de services particuliers qui dépassent ceux d’autres groupes. Je dirais qu’en moyenne, nos demandes de services ont diminué de façon généralisée. Les consultations avec mes patients se font surtout par téléphone, et je vois entre un tiers et la moitié du nombre de patients que je vois normalement. Certaines semaines sont plus occupées, d’autres moins, mais je dirais qu’en moyenne, c’est de cet ordre et je n’ai pas remarqué de différence en ce qui concerne la population agricole.

Quand vous demandez comment nous réagissons à cette pandémie, quels sont les soins dont nous avons besoin — le défi est que nous avons besoin de quelque chose de flexible. Par exemple, j’ai parlé au Dr James Irvine, médecin hygiéniste dans la région de La Loche, en Saskatchewan, et je lui ai demandé ce dont il avait besoin pour gérer toutes ces personnes touchées par la COVID. Il a répondu qu’ils n’avaient pas besoin de médecins et d’infirmières. Ils avaient besoin de gens de la santé publique, ils avaient besoin de gens pour rechercher les contacts et pour téléphoner à tout le monde. Il a dit qu’il y avait beaucoup de responsables de la santé publique à La Loche, que le bureau régional était à La Ronge, qu’il avait fallu y faire venir beaucoup de gens et que beaucoup de gens à Saskatoon travaillaient pour eux.

Lorsque la pandémie frappe, les besoins varient tellement d’une collectivité à l’autre qu’il faut un système très souple en quelque sorte, et c’est ce qui rend la situation particulièrement difficile. Là où j’habite, nous n’avons pas eu d’augmentation des besoins médicaux parce qu’il n’y a pas eu d’épidémie, et beaucoup de gens ont partiellement mis à pied leur personnel parce que leurs bureaux sont moins occupés. Nous n’avons donc pas besoin de travailleurs de première ligne dans notre collectivité, mais il y a d’autres collectivités qui en ont besoin. Dans certains cas, les besoins ne concernent pas les travailleurs de première ligne. Il peut s’agir d’un autre [Difficultés techniques] professionnel de la santé. Ils ont peut-être besoin de pharmaciens dans certaines régions, d’ambulanciers paramédicaux ou d’infirmières. Dans les collectivités du Nord, comme vous le savez probablement, beaucoup de collectivités autochtones sont dotées d’infirmières dans des postes de soins infirmiers. Cela pourrait aussi être nécessaire dans certaines collectivités. Si une épidémie se déclare dans l’une de ces collectivités, vous aurez besoin de beaucoup d’infirmières supplémentaires pour vous aider.

Les besoins sont imprévisibles et le véritable défi consiste à faire preuve d’assez de souplesse pour répondre à ces besoins au fur et à mesure qu’ils se présentent.

Mme Dattani : Je vais renchérir sur ce qu’a dit la Dre Tromp. Elle a soulevé un bon point en mentionnant la nécessité d’être souple. Dans la plupart des collectivités rurales et éloignées du Canada, il y a une pharmacie qui souvent — et j’ai entendu quelqu’un le dire ce matin — est la seule pharmacie et qui parfois fait presque office de service d’urgence dans la collectivité. Elles font le plus possible pour leurs clients.

Les facteurs habilitants de cette capacité pourraient être, par exemple, l’élargissement du champ de pratique. Nous avons des exemples de situations d’urgence antérieures, comme les feux de forêt en Alberta, où les pharmaciens ont prescrit et livré des médicaments aux gens et ont pu composer avec la situation pendant deux ou trois semaines parce que l’élargissement de leur champ de pratique leur donnait la capacité et la souplesse nécessaires et parce qu’ils étaient déjà sur place dans les collectivités touchées.

Il y a eu des exemples semblables pendant la tempête de neige qui a frappé Terre-Neuve plus tôt cette année, où les activités ont été interrompues et où les pharmaciens ont pu, du fait de leur présence dans les collectivités et aussi grâce à l’élargissement de leur champ de pratique, renforcer rapidement les capacités et servir les patients, particulièrement dans les régions éloignées.

Nous devons réfléchir dès maintenant à l’impératif de souplesse et aussi à la nécessité de bien planifier la préparation aux urgences et le renforcement des capacités et de tirer des leçons de la situation actuelle et d’autres pandémies pour se préparer à la prochaine phase ou à la prochaine pandémie, en mettant à profit ce que chacun des fournisseurs de soins de santé est en mesure d’apporter aux gens dans ces collectivités.

M. Poirier : Je voudrais faire une observation à ce sujet. Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur.

Il y a environ quatre ans, nous avons commencé à travailler avec la ministre de la Santé, puis avec le ministre des Services aux Autochtones, étant donné que les collectivités autochtones et leur santé sont du ressort du gouvernement fédéral. Notre défi a été d’amener les ambulanciers paramédicaux dans les collectivités autochtones rurales et éloignées, ce qui a été un travail de longue haleine. À l’heure actuelle, nous avons une personne qui travaille avec la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits ici à Ottawa et nous avons fait tout le travail préparatoire. Nous sommes en négociation avec la NNA, le groupe autochtone du Nord-Ouest de l’Ontario, en vue de pouvoir envoyer des ambulanciers paramédicaux dans ces collectivités.

Voilà un exemple de la façon dont nous essayons d’étendre au domaine fédéral les activités des ambulanciers paramédicaux et de surmonter les difficultés de détail pour faire en sorte que les ambulanciers paramédicaux puisent soutenir, et non pas prendre en charge, le travail des infirmières, et apporter ainsi une contribution de valeur à ces communautés. C’est pourquoi il est si important de travailler avec la DGSPNI et le groupe de la NNA.

Le sénateur R. Black : Je tiens à féliciter la Dre Tromp d’avoir débuté son exposé en disant que « nous qui travaillons dans les collectivités rurales avons un dicton : “Une fois qu’on a vu une collectivité rurale, on n’en connaît toujours qu’une.” » Je suis tout à fait d’accord avec elle sur ce point et je la remercie vivement de l’avoir exprimé.

La présidente : J’ai une question qui m’est venue à l’esprit, monsieur Poirier, depuis que vous avez pris la parole. Dans le cadre de notre étude, nous restons toujours conscients des différentes compétences et décisions qui appartiennent aux provinces et nous étudions la réponse du gouvernement à une pandémie qui couvre tout le territoire canadien. Tout à l’heure, vous avez dit que, dans certaines provinces, cela peut coûter cher d’appeler les ambulanciers paramédicaux et que certaines personnes, faute de pouvoir les payer, pourraient choisir de ne pas recourir à leurs services. Votre remarque a piqué mon intérêt, vu les conséquences que cela peut avoir.

Dans sa réponse à la COVID-19, le gouvernement s’est fermement engagé à demeurer au contact des provinces et à les aider, même dans les champs de compétence des provinces. Je voudrais savoir si votre organisme, et peut-être aussi la Dre Tromp, estime que ce contact et cette aide existent effectivement. Peut-être pourriez-vous nous donner des exemples montrant que cet engagement face aux provinces se répercute réellement sur vos différents organismes.

M. Poirier : Voilà une excellente question. Il y a déjà des données recueillies à New York qui font voir que le nombre d’arrêts cardiaques a augmenté parce que les gens ne prêtent pas attention à une douleur thoracique. Nous commençons à le constater de façon anecdotique partout au pays dans les grands centres urbains, où des gens choisissent de ne pas se rendre à l’hôpital par crainte d’y contracter la COVID-19. C’est une idée très étrange, mais qui a néanmoins cours dans la société à l’heure actuelle. Je crois qu’il existe de réelles inquiétudes à ce sujet. L’autre facteur, que j’ai mentionné plus tôt, tient aux coûts qui divergent à l’échelle du pays.

Cela a toujours eu cette incidence nuancée sur les gens. En Ontario, une personne couverte par l’assurance-maladie ne paie pas plus de 50 $ pour les services paramédicaux, alors qu’en Alberta, en Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick, les gens peuvent avoir à payer des centaines de dollars, selon la distance parcourue. Je sais bien qu’il s’agit d’une responsabilité provinciale, mais c’est l’une de ces disparités dans les soins de santé qui, à mon avis, n’est pas justifiée.

Dre Tromp : Je ne travaille pas à l’Île-du-Prince-Édouard, mais on m’a dit que la couverture du régime d’assurance-médicaments de l’Île-du-Prince-Édouard est vraiment minimale. En Ontario, si vous avez plus de 65 ans, la plupart de vos ordonnances vous sont remboursées, ce qui n’est pas le cas à l’Île-du-Prince-Édouard, selon ce que m’a dit une collègue. Cette travailleuse, je crois qu’elle est infirmière, m’a dit passer la plus grande partie de sa journée à tenter de trouver des moyens de faire payer les médicaments des gens. Mme Dattani, mieux que moi sans doute, saurait dire si c’est effectivement le cas.

Il y a donc de grandes disparités. Comment mettre en équilibre le respect de la responsabilité provinciale et le désir d’une certaine uniformité entre les provinces? Encore une fois, je suppose que la réponse à cela tient à la problématique constitutionnelle.

La Société de la médecine rurale du Canada a examiné avec les organismes d’attribution des permis la possibilité d’avoir des permis transférables, de sorte que je puisse, moi qui suis autorisée à pratiquer la médecine en Ontario, aller prêter main-forte à La Loche, en Saskatchewan, par exemple, s’il y avait là un grand besoin de médecins, ce qui n’est pas le cas actuellement. Mais je n’ai pas le permis de pratiquer la médecine en Saskatchewan. Les permis sont provinciaux.

Je veux dire un mot sur le ministère des Services aux Autochtones, parce que nous avons travaillé avec lui et que les gens, je pense, en ont gardé une impression générale très positive. Tom Wong semble y faire un excellent travail. Il a préparé, pour les communautés autochtones, des plans d’urgence en cas d’intensification. S’il devait se produire une éclosion épidémique importante, les listes de gens, de partout au pays, qui se sont portés volontaires pour y prêter main-forte, sont prêtes. Ces listes comprennent des gens de diverses disciplines. Je travaille surtout du côté des médecins, mais je sais qu’il a aussi des gens d’autres disciplines qui se sont portés volontaires. À ce stade-ci, on doit tous les faire venir de la même province. On ne peut pas faire venir quelqu’un de l’Ontario pour travailler en Saskatchewan. Cela aussi pose des difficultés.

Certains organismes d’attribution des permis facilitent les déplacements pendant la pandémie. Par exemple, les Territoires du Nord-Ouest ont assoupli la réglementation, accordant le droit de pratiquer aux médecins de l’Alberta, mais de l’Alberta seulement. L’un de mes collègues de la Colombie-Britannique voulait se rendre dans les Territoires du Nord-Ouest, mais il n’a pas pu y aller parce qu’il n’était pas de l’Alberta.

Je tiens à dire très brièvement que je suis très favorable aux soins multidisciplinaires et consciente de la valeur des apports de chacun. L’une des difficultés que je constate, c’est la communication. Je ne fais aucune objection à ce qu’un pharmacien voie et traite mon patient, mais je voudrais quand même qu’on me communique le dossier, ce qui ne se fait pas automatiquement. Je dois donc attendre de revoir ce patient pour tenter de comprendre ce qui a été fait.

À mesure que nous mettrons en place les soins multidisciplinaires, ce que je trouve formidable, il faudra faire un effort sérieux au chapitre de la communication, afin que chacun puisse comprendre ce que font les autres. Ce sera tout un défi.

Mme Dattani : J’abonde dans le même sens. Les médecins ont besoin de dossiers de santé électroniques pour les aider sur ce plan. Mais la communication et la documentation sont importantes pour nous tous.

La sénatrice Pate : Je vous remercie tous de votre travail et de vos exposés. J’ai deux questions. La réponse à l’une sera peut-être simple, mais la réponse à la première question risque de ne pas l’être.

Vous avez tous parlé de variations entre les provinces. Beaucoup d’entre nous ont vécu cela non seulement pendant cette pandémie, mais aussi lors d’un déménagement d’une province à l’autre. Plusieurs lacunes dans les services se sont manifestées pendant cette pandémie. Existe-t-il quelque part une bonne description de ce qui est couvert dans les différentes provinces, une compilation que les sénateurs pourraient facilement examiner en groupe? S’il n’y en a pas, ce serait évidemment nécessaire.

Ma deuxième question porte sur l’une des choses que la ministre Hajdu a dites — je crois l’avoir citée la semaine dernière ou celle d’avant —, à savoir qu’au cours de cette crise beaucoup de gens se sont rencontrés pour établir d’importantes lignes directrices en matière de soins de santé; elle a spéculé sur la possibilité d’en faire des normes nationales à l’avenir.

Est-ce un sentiment que vous partagez?

Dre Tromp : Je dirais qu’il faut être prudent quand il s’agit d’une ligne directrice, par opposition à une norme, parce qu’elle suppose toujours un jugement. La norme ou la ligne directrice pourrait bien affirmer que tout le monde doit avoir une tension artérielle inférieure à 140 sur 90, mais il se peut que vous ayez un patient qui a des problèmes — peut-être la pauvreté, peut-être simplement d’autres priorités dans sa vie ou autre chose —, et vous devez alors respecter ses choix personnels et ses valeurs. Quand vous parlez de norme nationale, je ne sais pas trop ce que vous entendez par « norme ». Ces textes doivent être adaptables à la collectivité concernée.

Dans les collectivités rurales, ce qui pourrait être tenu pour une norme ou une ligne directrice dans un grand centre urbain n’est pas applicable. Par exemple, le professionnel de la santé appelé technicien en thérapie respiratoire ou technologue respiratoire — un TR — s’occupe du fonctionnement des ventilateurs, aide à l’intubation et met tout cela en place. Or, il n’y a pratiquement aucune collectivité rurale au Canada où un TR travaille en milieu hospitalier.

S’il y a une ligne directrice sur la façon d’intuber, c’est ce que font le médecin, le TR et l’infirmière, il faut évidemment l’adapter aux collectivités rurales qui n’ont pas de TR. Ce n’est qu’un exemple.

Nous devons faire preuve de grande prudence dans notre choix de mots. Les lignes directrices ou les normes, quel que soit le terme employé, doivent être adaptables aux besoins de la collectivité concernée et de la main-d’œuvre locale. S’agissant des soins multidisciplinaires dont nous avons parlé, on pourrait, dans certaines collectivités, constater que tel professionnel est disponible, qu’il appartient à telle discipline, qu’il serait ravi d’apporter son aide et qu’il faut faire appel à lui. Dans une autre collectivité, ce ne serait peut-être pas approprié.

Comment établir des normes tout en conservant la capacité d’adaptation appropriée?

Mme Dattani : Si vous me permettez d’ajouter quelque chose à ce qu’a dit la Dre Tromp. Je suis d’accord avec elle sur bon nombre des points qu’elle a soulevés. Nous devons être prudents, surtout dans le contexte de cette pandémie, quand on emploie des mots comme « normes » et « lignes directrices ». En fait, nous sommes réellement dans une situation où un virus jusqu’ici inconnu fait des ravages et où tout dans notre façon de pratiquer est très fluide. Je crois qu’elle procède davantage d’un consensus d’experts et d’une approche interdisciplinaire menant à consensus d’experts.

Par exemple, nous avons élaboré ce que nous estimons être des pratiques exemplaires, rédigé des documents de consensus d’experts sur l’utilisation de l’EPI dans les pharmacies communautaires, parce que si nous avions attendu les directives nationales en matière de santé publique, nous serions toujours dans l’ignorance des exigences détaillées. Nous devons utiliser ce que nous croyons être le mieux et faire appel à certains experts, dont des médecins, des infirmières et d’autres qui travaillent de cette façon, pour en arriver à un consensus, pour être en mesure de produire des documents évolutifs qui, par nature, demeureront fluides et pour comprendre qu’ils seront adaptables et changeants parce que nous vivons une période sans précédent.

Je pense que cela s’applique également au travail interdisciplinaire qui met à profit les travaux dans d’autres champs de pratique, même s’ils ne comportent pas d’essais cliniques randomisés montrant, par exemple, telle incidence sur la mortalité de patients atteints de troubles liés à la consommation d’opioïdes. Pour revenir à ce que vous disiez, docteure Tromp, il faut faire preuve de souplesse et travailler ensemble en tant que fournisseurs de soins de santé, là où nous estimons que les fournisseurs appartenant à différentes disciplines peuvent être mis à contribution. Donc, au niveau de la pratique et plus encore au niveau du consensus d’experts.

La présidente : Merci beaucoup de ces interventions. Nous avons le temps pour une dernière série de questions. Vous remarquerez que M. Poirier a dû nous quitter, mais nos autres témoins sont toujours là et le demeureront encore 20 minutes, jusqu’à la fin de la séance.

Au cours de la prochaine série de questions, je demanderais à mes collègues de s’en tenir à une seule question par témoin. Nous pourrons ainsi maximiser pour tous les chances de poser une question.

La sénatrice Poirier : Je comptais adresser ma question à M. Poirier, qui vient de partir. Je vais donc m’abstenir, mais je tiens quand même à vous remercier, madame la présidente.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup. Si vous voulez envoyer votre question par écrit, nous nous assurerons d’obtenir une réponse et de la partager.

[Traduction]

La sénatrice Forest-Niesing : Ma question s’adresse à l’Association des pharmaciens du Canada, à Mme Dattani, et peut-être à M. Power.

Dans le monde entier, des chercheurs travaillent d’arrache-pied pour trouver un vaccin. Cela fait évidemment partie de la réponse des gouvernements partout au monde. Il faut prévoir, une fois le vaccin trouvé et disponible, une demande extraordinaire à l’échelle mondiale, et je me demande dans quelle mesure le Canada sera prêt. Une fois qu’il sera disponible, comment pouvons-nous nous assurer que le vaccin sera disponible partout, en quantité suffisante et rapidement?

Sur un point peut-être secondaire, quel sera le rôle des pharmaciens quant à sa disponibilité?

Mme Dattani : D’accord. Je répondrai en premier. Pour ce qui est de la disponibilité rapide d’un vaccin, nous n’avons aucune action directe. Mais nous avons certes une action indirecte. Comme vous le savez sans doute, des essais cliniques rapides sont en cours partout dans le monde. Il y a du financement international. Une vaste étude est actuellement en cours dans notre propre pays, à l’Université Dalhousie, sous forme d’essais cliniques de phase 1 et de phase 2. C’est emballant de savoir qu’une partie de l’effort de mise au point de médicaments se fait aussi à l’intérieur du pays. Je pense que cela nous permet de penser que nous n’aurons pas à attendre 18 mois pour obtenir un vaccin, mais que nous en verrons un, espérons-le, d’ici un an. Les avancées scientifiques sont très rapides dans ce domaine, comme vous le savez sans doute.

Je suis d’accord avec vous pour dire que le vaccin sera en forte demande. Je pense qu’il se produira un changement dans la façon de procéder à toutes les vaccinations. Si on examine le rôle des pharmaciens dans les précédentes campagnes de vaccination contre la grippe saisonnière, que j’ai déjà décrit, on constate que les pharmaciens ont vraiment fait évoluer la façon dont les Canadiens accèdent à leurs soins préventifs, puisque ce sont eux qui ont administré 30 % de tous les vaccins contre la grippe. Encore une fois, compte tenu de l’accessibilité, de la commodité et de la possibilité d’aller à la pharmacie sept jours par semaine, je ne vois pas pourquoi les choses se passeraient différemment pour le vaccin contre la COVID.

Il est important de reconnaître — comme nous l’avons dit tout à l’heure en réponse à une remarque d’une sénatrice au sujet de la réticence vaccinale — que, même s’il convient d’administrer le vaccin, l’éducation et le rôle que peuvent assumer les pharmaciens à cet égard, sur le plan de la santé publique, ne doivent pas être négligés. Compte tenu de leur accessibilité et de leurs relations à long terme avec les patients, ils auront également un grand rôle à jouer.

La sénatrice Omidvar : Ma question s’adressait à M. Poirier, mais je vais la poser à Mme Dattani et à M. Power. J’espère qu’ils vont pouvoir y répondre.

La question porte sur le lien entre le virus et la race. Nous savons que le virus n’est pas neutre par rapport à la race. Aux États-Unis, nous savons que la communauté noire a été durement touchée, mais nous ne recueillons pas ce genre de données au Canada.

Ma question est la suivante. Étant donné que vos membres, monsieur Power et madame Dattani, sont au contact de leurs clients, pouvez-vous nous dire si l’on a observé le même phénomène? Et si nous recueillions des données à cet égard, en quoi aideraient-elles vos membres?

Mme Dattani : C’est une très bonne question. Vous avez raison, il est difficile de spéculer sans données et nous n’avons donc pas de données au Canada sur la façon dont la démographie, les déterminants raciaux et les déterminants sociaux de la santé influent sur les effets de ce virus. Cependant, comme vous le dites, le virus ne semble pas neutre face à la race. D’après les informations en provenance des États-Unis, il semble que la communauté afro-américaine ne s’en sort pas aussi bien que les autres.

Je ne dis pas cela en me fondant sur ma propre expérience, mais simplement sur des discussions que j’ai eues avec des collègues de partout dans le monde. J’ai vu et entendu des collègues pharmaciens dans des pays comme l’Italie et le Royaume-Uni. Nous avons constaté l’impact énorme sur les communautés italiennes, même sur ma propre communauté sud-asiatique, au Royaume-Uni. On peut supposer que cela peut être en partie dû au fait que les familles intergénérationnelles vivent souvent ensemble et que cette situation peut poser problème. Il demeure, quant à moi, que tout cela ne sont que pures spéculations. Des fournisseurs de soins de santé ont également été touchés. Il est difficile d’expliquer certaines différences raciales ou génotypiques, à moins d’avoir ces données.

La sénatrice Omidvar : Si nous avions ces données, cela aiderait-il vos membres partout au pays?

Mme Dattani : Je pense que cela nous aiderait à savoir comment éduquer nos patients. Il y a même des différences dans la façon dont les gens métabolisent les médicaments en fonction du génotype, et les différences de phénotype en fonction de la race. Cela pourrait aussi aider à certains de ces aspects. Malheureusement, nous n’avons pas l’information.

La sénatrice Omidvar : Ai-je le temps de poser une deuxième question, sénatrice Petitclerc?

La présidente : Je vous inscris au troisième tour si cela vous convient.

La sénatrice Dasko : J’avais plusieurs questions, mais mes collègues en ont posé la plupart. J’ai une question pour la Dre Tromp. Je sais que nous avons parlé des chalets, mais j’aimerais y revenir, si vous n’avez rien contre.

Je suis Torontoise. J’ai plusieurs amis qui sont partis pour leur maison de campagne ou leur chalet dès que la crise a éclaté. Le premier ministre de l’Ontario nous a dit : « Vous ne devriez pas aller au chalet parce que, en cas de problème, les hôpitaux ruraux risquent d’être débordés à cause des citadins. »

D’après ce que vous avez dit jusqu’ici, je conclus qu’il est possible que pas un seul hôpital rural n’ait été touché par ce genre de cas. Je sais que vous avez parlé de votre expérience personnelle dans votre hôpital. Y a-t-il des hôpitaux en Ontario qui ont été débordés? Je cherche des preuves.

Dre Tromp : Oui. Je pense que nous nous en sommes assez bien tirés. À ce que je sache, aucun hôpital en Ontario n’a été débordé.

Peut-être qu’à La Loche, en Saskatchewan, il y a eu un problème de débordement. Je ne sais pas. Nous savons que les résultats ont été excellents dans certaines régions, en ce qui concerne les soins de longue durée, comme à Bobcaygeon et à Hagersville. Je n’ai pas entendu parler précisément de la situation des hôpitaux. Beaucoup de patients de soins de longue durée choisissent de ne pas aller à l’hôpital à cause du niveau de soins dont ils ont besoin. Je n’ai pas entendu dire que les milieux hospitaliers ont été débordés.

Le problème en cas de pandémie, c’est que nous ne savons pas ce que nous réserve l’avenir. Il est difficile de se livrer à une quelconque prédiction. Nous ne savons pas ce qui va se passer. Dans l’ensemble, on s’en sort, mais comme quelqu’un l’a dit, si nous faisons du bon boulot et qu’il n’y a pas d’épidémie majeure, tout le monde dira que nous avons exagéré, que nous en avons beaucoup trop fait. En revanche, si nous n’allons pas aussi loin et qu’il y a une nouvelle éclosion, alors on dira que nous n’avons pas fait assez. C’est une question de jugement. C’est souvent la même chose avec mes patients quand je leur propose un médicament pour prévenir une éventuelle crise cardiaque, mais la probabilité que le médicament serve est en fait de 1 sur 100. Nous prenons maintenant le même genre de décisions, mais à l’échelle de la société tout entière, et il faut que la société tout entière participe à ces décisions. Voulons-nous donc interdire l’accès aux chalets parce qu’il existe une possibilité que l’arrivée des citadins cause une épidémie?

La différence entre cette situation et le médicament hypotensif que je prescris à un patient tient à ce que, dans le dernier cas, je me fonde sur des preuves, sur des études, ce qui me permet probablement d’affirmer que la probabilité que le médicament s’avère utile est de 1 sur 100 ou de 3 sur 100, ou quelque chose comme ça. Or, à l’échelle de la société tout entière, je ne suis pas en mesure de qualifier le risque, en termes probabilistes, que les gens qui viennent dans les chalets provoquent une épidémie.

La sénatrice Dasko : Je comprends. Je pense que vous avez répondu à ma question. Soit dit en passant, j’ai toujours eu l’impression que mes amis, qui se sont réfugiés dans leur chalet, se seraient rués à Toronto au premier signe de malaise pour y consulter leur médecin. J’ai donc eu l’impression qu’il ne pouvait pas y avoir d’engorgement. Quoi qu’il en soit, c’est vous la spécialiste, alors merci.

Le sénateur Munson : Nous arrivons à la fin de cette conversation, docteure Tromp. Au début de la séance, il y a environ deux heures, vous étiez très émotive, et vous êtes encore très émotive au sujet de la médecine rurale. Vous avez maintenant l’occasion de dire au gouvernement ce qu’il doit faire en matière de médecine rurale. Nous avons entendu parler de la télémédecine, de tout ce concept, et de ce qui manque dans les régions rurales du Canada, à savoir que les ruraux n’ont pas le même accès à cette médecine que les urbains. On parle depuis des années des services à large bande et de la nécessité d’améliorer la connectivité du Canada. En matière de communications, nous avons l’impression d’être branchés, mais ce n’est pas le cas.

Qu’avez-vous donc à dire au gouvernement fédéral à l’heure actuelle au sujet de la connectivité des régions rurales du Canada, des dépenses qui seront nécessaires pour y arriver? Je ne vois vraiment pas où les choses bloquent.

Dre Tromp : Ce qui bloque? Je pense que le Canada rural est composé d’une myriade de localités différentes les unes des autres. Je vais être honnête. Je pense... je crains que, comme dans le cas des communautés autochtones isolées du Nord, nous n’ayons affaire à un jugement moral. Je pense... je crois que c’est le cas. Je crois qu’une des raisons pour lesquelles nous avons des communautés autochtones isolées dans le Nord... si nous affirmons que c’est notre territoire, nous devons le revendiquer en faisant en sorte que des gens aillent y vivre. Je crois que c’est la raison pour laquelle on a mis tout un tas de gens à Grise Fjord, où il n’y a rien à faire. On a déplacé des Autochtones du nord du Québec à Grise Fjord parce qu’on veut que des gens vivent sur les terres que nous revendiquons face aux Russes. S’il est important d’avoir des gens là-bas, il faut leur offrir les services. Si nous avons besoin d’agriculteurs pour cultiver nos aliments, nous devons leur fournir des services en retour.

D’un autre côté, et je m’exprime au nom des communautés médicales rurales que je représente, je dirais que si l’on vit dans une communauté rurale qui fonctionne bien, on bénéficie probablement d’un meilleur service que dans bien des centres urbains. Certes, ce n’est pas partout pareil, mais il y a des communautés qui travaillent très bien ensemble. Elles peuvent compter sur d’excellents, travailleurs de la santé dans différentes disciplines, qui travaillent très bien ensemble. Je crois honnêtement que, dans de nombreuses collectivités rurales, on obtient de meilleurs soins qu’en ville. Mais il y a aussi des communautés rurales où il n’y a pas de médecins de famille, où il y a très peu d’infirmières, où il n’y a pas de travailleurs de la santé. La variabilité est beaucoup plus grande dans les collectivités rurales. Je pense que nous devons reconnaître et applaudir les collectivités qui font un excellent travail, nous devons apprendre d’elles et nous demander comment nous pouvons transposer les bons modèles dans les collectivités qui éprouvent des difficultés.

Je pense que la large bande est importante. Je ne travaille actuellement pas dans le Nord, mais je suis sur le point de déménager à Moose Factory. J’y ai passé quelques semaines l’an dernier et l’Internet me convenait. Notre hôpital est au cœur du réseau de DME qui dessert toutes les communautés périphériques, et cela fonctionne assez bien. Il n’y a pas eu de panne d’Internet. Le service de DME n’a pas été interrompu. Cela ne veut pas dire que toutes les collectivités sont comme ça.

Je pense que nous devons célébrer les collectivités qui fonctionnent bien et aider celles qui sont en difficulté. L’Internet a un rôle à cet égard, mais je ne pense pas que ce soit la chose la plus importante. J’ai toujours dit que le plus important outil de soins virtuels dont je dispose est le bon vieux téléphone, inventé en mille neuf cent et quelques. Le fait qu’il nous permette de parler avec un spécialiste dans une grande ville ou avec un patient à distance en fait notre outil de soins virtuel le plus important. Internet est mieux, mais...

La présidente : Merci, docteure Tromp.

Le sénateur Kutcher : Parlons des pharmaciens. Nous nous sommes réjouis des changements apportés à l’élargissement du champ de pratique de nombreux professionnels de la santé, des fournisseurs de soins de santé, y compris des pharmaciens, ce qui met d’ailleurs en exergue la compétence des pharmaciens en matière de santé mentale. A-t-on essayé, durant cette période de COVID, de favoriser l’intervention des pharmaciens dans le domaine de la santé mentale, sur la base des preuves scientifiques recueillies dans le cadre d’initiatives comme le Bloom Program mis sur pied par les Drs David Gardner et Andrea Murphy?

Mme Dattani : C’est vrai que vous venez de la Nouvelle-Écosse, et vous connaissez donc le Bloom Program. C’est fantastique. Juste une précision, sénateur Kutcher, vous parlez de santé mentale, n’est-ce pas?

Le sénateur Kutcher : Oui, du champ de compétence des pharmaciens.

Mme Dattani : C’est cela. Même dans le cadre de leur champ de pratique actuel, les pharmaciens — et vous le savez puisque vous connaissez le Bloom Program — notamment grâce aux relations qu’ils ont avec leurs patients, avec ces gens qu’ils voient sept à huit fois plus souvent que les médecins traitants pour des problèmes chroniques — ces pharmaciens, donc, sont en mesure, dans les limites de leur champ de pratique actuel, de fournir une partie des soins décrits dans le programme Bloom. C’est un domaine dans lequel les pharmaciens peuvent fournir une capacité extraordinaire au réseau. C’est comme dans d’autres domaines. Je pense que la Dre Tromp en a parlé plus tôt. Ce projet ne fait sans doute pas l’objet de toute l’attention nécessaire en raison de la grave crise que nous traversons, mais je crois que, comme pour toutes les maladies chroniques, les pharmaciens ont une occasion extraordinaire d’aider les patients.

Il sera très important de déterminer si, au sortir de la crise, nous allons tomber sur des afflictions comme le trouble de stress post-traumatique et d’autres problèmes de santé mentale aigus et chroniques, tant chez les patients que chez les soignants. Je pense que le rôle des fournisseurs de soins primaires dans le soutien aux patients et dans la réponse à leurs besoins en santé mentale sera inestimable, notamment de la part des pharmaciens.

Il n’y a pas eu de changements immédiats en termes de champ de pratique pour ce qui est de la capacité de prescrire des médicaments en santé mentale, si c’est là votre question. Cependant, je pense que même dans les limites actuelles, ce genre d’intervention est possible. Il faudrait simplement que nous ayons le temps de nous concentrer sur certaines de ces initiatives, parce qu’il se trouve que les soignants en général ont actuellement d’autres défis à relever. Mais on ne doit pas sous-évaluer cette initiative. Nous prenons bonne note de votre remarque.

La sénatrice Forest-Niesing : Merci. Je ne m’attendais pas à avoir l’occasion de faire un troisième tour. Merci beaucoup, madame la présidente.

Vous avez déjà répondu en partie à la question que j’allais vous poser, docteure Tromp, mais j’aimerais que vous nous en disiez plus au sujet de cette nouvelle dépendance que nous aurons à l’avenir, à l’égard des rendez-vous médicaux par vidéo, des rendez-vous virtuels, et de la nécessité pour cela d’avoir accès à Internet. Vous avez parlé de Moose Factory et de votre expérience là-bas. J’ai été heureuse de vous entendre dire que la dépendance à l’Internet peut être compensée par une utilisation généralisée et plus sensée du téléphone, mais vous avez été interrompue au moment où vous alliez expliquer en quoi Internet est meilleur. Compte tenu des avantages évidents d’une rencontre en personne, puisqu’elle permet une forme d’interaction, pouvez-vous me dire quel défi se pose alors aux collectivités? À votre connaissance, quel pourcentage de communautés ne sont pas suffisamment bien desservies par Internet?

Dre Tromp : Je ne connais pas ce pourcentage, mais je dirais que les seules collectivités qui n’ont pas un bon service Internet sont plutôt éloignées, ce qui est le cas de Moose Factory. Il y a Kashechewan et Attawapiskat et d’autres lieux du genre qui sont seulement accessibles par avion, mais je n’ai eu aucun mal à me brancher sur le réseau des dossiers médicaux électroniques et à parler avec les infirmières.

Mon expérience de ce qu’on appelait les unités de soins intensifs virtuelles a été excellente. Un jour, je me suis occupée d’un patient qui était arrivé dans un état critique dans un poste de soins infirmiers. Les infirmières m’ont téléphoné et nous avons fait le travail initial, puis elles m’ont dit : « Pourquoi ne pas faire des soins intensifs virtuels? » Nous avons alors tenu une téléconférence à trois : le spécialiste des soins intensifs de Sudbury, moi-même à Moose Factory et les infirmières dans un des postes de soins infirmiers, plus le patient que nous pouvions voir. Nous avons parlé de la gestion du cas.

Là où je vois vraiment un besoin ou une bonne utilisation des soins virtuels, c’est dans ces situations aiguës. Là c’est utile, mais je pense que cela peut aussi être très utile pour la prise en charge des maladies chroniques. À Moose Factory, il y a un avion qui fait la navette entre Moose Factory et Kingston, où se trouve le centre de soins tertiaires. Cet appareil de 35 place fait l’aller-retour tous les jours et il ne fait que transporter des patients pour les rendez-vous médicaux. Ce sont des patients qui peuvent évidemment s’asseoir dans un avion ordinaire, parce qu’ils ne sont pas en soins intensifs, qu’ils ne sont pas sur civière et qu’ils ne sont pas perfusés. Ils vont voir un spécialiste pour un suivi médical, qu’il s’agisse d’un problème cardiaque, de polyarthrite rhumatoïde, d’insuffisance rénale ou que sais-je encore.

Je pense que c’est un outil prometteur sur lequel nous devons nous concentrer afin de pouvoir commencer à faire beaucoup de rendez-vous par téléconférence à trois avec le patient dans sa collectivité, le médecin de famille à Moose Factory et le spécialiste à Kingston, tout le monde voyant le patient en même temps et se posant réciproquement des questions. Certains patients aiment aller dans les grandes villes de temps à autre, mais ceux qui doivent y aller à répétition trouvent cela monotone et très difficile à la longue.

J’aimerais que les soins virtuels soient élargis afin d’accroître l’accès aux services spécialisés dans les collectivités isolées. Je pense que c’est une grande chose que nous devrons faire ensuite.

La sénatrice Forest-Niesing : Il est intéressant de noter que l’exemple que vous avez donné incluait Sudbury. C’est de Sudbury que je m’adresse à vous aujourd’hui.

Dre Tromp : Très bien. Eh bien, vos médecins en soins intensifs soutiennent le Nord-Est de l’Ontario.

La présidente : Merci beaucoup. Avant de conclure, sénatrice Omidvar, je tiens à vous donner l’occasion de poser une question, car vous en avez peut-être une autre pour ce dernier tour. Nous pouvons certainement prendre quelques minutes pour vous entendre, si vous le souhaitez.

La sénatrice Omidvar : Merci. Je ne poserai pas ma question.

La présidente : Merci. Nous allons conclure cette séance très instructive et productive. Je tiens à remercier chaleureusement nos témoins. Nous avons eu une longue réunion ponctuée de questions très détaillées, et nous vous remercions d’être venus nous rencontrer pour nous faire profiter de votre expertise. Cela est très utile pour notre étude.

(La séance est levée.)

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