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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le vendredi 4 juin 2021

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 11 heures (HE), par vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-218, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs).

Le sénateur Howard Weston (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, bonjour et bienvenue. Je souhaite aussi la bienvenue aux témoins et à ceux qui nous suivent sur le Web. Je m’appelle Howard Wetston et je suis président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Avant de commencer, je vous rappelle que vos microphones doivent être en sourdine sauf lorsque je vous donne la parole. Avant de prendre la parole, veuillez utiliser la fonction « lever la main ». Nous poursuivons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-218, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs).

Je demanderais maintenant aux membres du comité de bien vouloir se présenter, en commençant par les vice-présidents. Je ne sais pas si nous pouvons entendre la sénatrice Wallin, de la Saskatchewan. Elle éprouvait des difficultés de connexion. Si elle réussit à se connecter, elle pourra se présenter à ce moment-là. Elle est vice-présidente du comité.

[Français]

Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Wells : David Wells, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, sénateur indépendant de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

La sénatrice Bellemare : Diane Bellemare, du Québec.

Le sénateur Loffreda : Sénateur Tony Loffreda, du Québec.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Marty Klyne, de la Saskatchewan. Je suis de Regina et je me trouve sur le territoire du Traité no 4, terre ancestrale des Métis de la Saskatchewan.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le président : Le sénateur Cotter est également des nôtres. Présentez-vous, je vous prie.

Le sénateur Cotter : Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, sénateur du Québec.

[Traduction]

Le président : Merci à tous.

J’aurais quelques observations préliminaires à faire. Il y a un léger changement de procédure aujourd’hui. J’espère que nous pourrons aller de l’avant sur la base que je propose. Je n’ai pas besoin d’insister sur les contraintes de temps que nous impose le calendrier des travaux du Sénat. Bien entendu, étant saisis de ce projet de loi, nous voulons procéder à son étude et nous y mettre sans tarder.

J’ai pensé que, pour progresser, vous ne devriez pas perdre de vue que nous avons cinq organismes qui comparaissent aujourd’hui et que nous souhaitons les entendre aussi longuement que possible. Pour cela, je demanderais aux membres de veiller à formuler avec soin leurs questions et d’éviter autant que possible les longs préambules. Soyons très précis et tenons-nous-en à la question à poser. Ainsi, nous pourrons entendre tous les témoins que nous accueillons aujourd’hui, qui ont des choses très importantes à nous dire.

Le deuxième point que j’aimerais que vous preniez en considération, c’est que l’occasion pourrait se présenter — cela peut arriver dans le cours d’une étude comme celle-ci, comme vous le savez tous — de formuler des observations sur le projet de loi en vue du rapport que nous présenterons éventuellement au Sénat.

Le troisième point que je veux faire valoir — qui sera pertinent si nous en arrivons à ce point aujourd’hui —, c’est qu’il s’agit d’un projet de loi court, mais important, qui aura de grandes répercussions. J’espère, compte tenu du peu de temps que nous laisse le calendrier des travaux du Sénat, que nous pourrons entreprendre l’étude article par article dès aujourd’hui. Si c’était le cas, le Sénat bénéficierait d’une plus grande latitude pour la tenue du débat sur le projet de loi et l’examen des modifications qui pourraient avoir été proposées.

Il va sans dire que j’espère que nous pourrons procéder de cette façon. À première vue, à moins qu’il y ait une objection à cette approche à ce moment-ci — vous en aurez peut-être une un peu plus tard —, je pense que nous pouvons passer dès maintenant aux témoignages. Comme je l’ai dit, nous accueillons aujourd’hui de très importants témoins, et j’aimerais entendre sans plus tarder ceux du premier groupe.

Êtes-vous d’accord pour procéder comme je le propose?

Des voix : D’accord.

Le président : Je n’entends aucune objection. Merci beaucoup.

Nous allons entendre notre premier groupe de témoins, représentant trois différents organismes. Je voudrais commencer avec M. Phillips, de la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario. Nous entendrons ensuite le porte-parole de la British Columbia Lottery Corporation, puis Mme White, du Conseil du jeu responsable.

J’invite les témoins à se présenter eux-mêmes. Je vous demande d’être concis. Nous voulons, bien sûr, entendre vos témoignages, mais nous voulons aussi avoir du temps pour vous poser des questions. Je tiens à remercier ceux qui nous ont présenté des mémoires. Nous vous en sommes reconnaissants.

David Phillips, directeur général des opérations, Commission des alcools et des jeux de l’Ontario : Bonjour, monsieur le président et honorables membres du comité. Au nom de la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario, je tiens à vous remercier de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui dans le cadre de votre étude du projet de loi C-218.

Je m’appelle David Phillips. Je suis le directeur général des opérations à la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario, l’organisme provincial chargé de réglementer les secteurs des alcools, de la vente au détail du cannabis, des courses de chevaux, des loteries et des jeux de hasard en Ontario.

Voilà près d’une trentaine d’années que la commission réglemente l’industrie du jeu en Ontario, qui comprend aujourd’hui les casinos non électroniques, les salles de jeux de bienfaisance, les loteries, les tombolas de bienfaisance en ligne et le seul site de jeu en ligne réglementé de la province, qui est exploité par la Société des loteries et des jeux de l’Ontario.

La CAJO s’assure de maintenir un très solide ensemble de compétences pour s’acquitter de son mandat de réglementation, soit des spécialistes des politiques dans des domaines comme le jeu responsable et la lutte contre le blanchiment d’argent, des professionnels de la technologie qui veillent à ce que les systèmes de jeu soient sûrs avant leur mise en marché, des spécialistes des permis qui mènent des enquêtes de diligence raisonnable auprès des exploitants et des fournisseurs de jeux de hasard avant leur mise en marché et un détachement interne de la Police provinciale de l’Ontario, déployé dans toute la province pour empêcher l’infiltration de la criminalité dans l’industrie du jeu légal.

La CAJO fait également partie d’un vaste réseau international regroupant des autorités de réglementation, allant du New Jersey au Nevada, en passant par Singapour et le Royaume-Uni.

Ces relations sont codifiées dans un protocole d’entente, ce qui permet un niveau élevé de coopération et un échange efficace et harmonieux d’information sur des questions d’intérêt commun.

Le gouvernement de l’Ontario s’est déclaré fermement en faveur de la légalisation au Canada des paris sportifs sur une seule partie.

De nos jours, des milliards de dollars sont pariés chaque année par le truchement de sites de paris sportifs non réglementés à l’étranger. S’il était adopté, le projet de loi pourrait permettre de reprendre rapidement ce marché et de donner aux Canadiens accès à des produits sûrs et réglementés au pays.

Comme le comité le sait peut-être, le projet de loi est à l’étude au moment même où l’Ontario donne suite à son engagement de devenir la première province canadienne à créer un marché du jeu en ligne concurrentiel et réglementé. Nous ne doutons pas de notre capacité d’assurer une surveillance rigoureuse et réglementaire de ce marché.

En prévision de l’ouverture du marché du jeu en ligne de l’Ontario et de la légalisation éventuelle des paris sportifs sur une seule partie advenant l’adoption du projet de loi C-218, la CAJO s’est employée à mettre à jour son cadre réglementaire. Cette activité comprend le jeu responsable, pour lequel nous avons récemment publié des normes réglementaires mises à jour qui limitent les activités publicitaires, rendent obligatoires les programmes d’auto-exclusion et obligent les exploitants à mettre en place des systèmes pour détecter les signes de jeu pathologique. Il comprend également de nouvelles normes et exigences en matière de permis qui obligeront les exploitants, les fournisseurs et leurs partenaires à mettre fin à toutes les activités commerciales sur le marché non réglementé de l’Ontario.

En dernier lieu, nous travaillons activement à l’élaboration de normes particulières pour les paris sportifs afin de limiter le risque de manipulation du marché au moyen de matchs truqués et de paris d’initiés. La lutte internationale contre le trucage de matchs exige un effort hautement coordonné entre les organismes de réglementation, les organismes d’application de la loi, les ligues sportives, les exploitants et les observateurs indépendants. La forte présence de la CAJO au sein du réseau international des autorités de réglementation nous sera très certainement utile à cet égard.

J’aimerais terminer en remerciant encore une fois le comité, non seulement en mon propre nom, mais au nom de toute l’équipe de la CAJO, de m’avoir invité à témoigner. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Phillips, pour la teneur et la brièveté de votre exposé. Je vous en suis très reconnaissant. Je crois que nous allons maintenant passer à la British Columbia Lottery Corporation.

Stewart Groumoutis, directeur, eGaming, British Columbia Lottery Corporation : Je salue les membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je suis accompagné de Jamie Wiebe, directrice de la Santé du joueur.

Depuis 1985, environ 25 milliards de dollars des revenus de la BCLC ont été réinvestis en Colombie-Britannique pour soutenir des programmes importants comme les soins de santé, l’éducation et les programmes communautaires. La Colombie-Britannique compte 16 casinos, 17 centres de jeux communautaires, 3 500 points de vente au détail et d’accueil pour les loteries et playnow.com, qui compte pour les deux tiers du marché du jeu en ligne en Colombie-Britannique.

Nous croyons que les paris sur une seule épreuve sportive offrent des possibilités intéressantes à la Colombie-Britannique et à l’ensemble du Canada. On estime à plus de 1 milliard de dollars les paris sportifs annuels en Colombie-Britannique, mais nous savons que les joueurs de la province, pour faire des paris sportifs sur une seule épreuve sportive, se rendent dans les casinos de l’État de Washington, au sud de la frontière, ou sur des sites Web non réglementés à l’étranger. Aucune de ces pratiques ne rapporte de revenu à la Colombie-Britannique ni ne soutient l’emploi dans la province. En fait, nous estimons qu’au cours des cinq dernières années la province a perdu des revenus de 250 millions de dollars au profit de sites Web à l’étranger parce que nous ne pouvons pas offrir des paris sur une seule épreuve et des paris sur les courses et les combats.

Avec l’approbation des paris sur une seule épreuve sportive, nous estimons que le marché total des paris sportifs en Colombie-Britannique représenterait entre 125 et 175 millions de dollars de revenus. Nous croyons que la BCLC pourrait conquérir la plus grande partie de ce marché. S’ils étaient légalisés, la BCLC pourrait offrir ces services aux joueurs presque immédiatement sur playnow.com, créant ainsi une série de nouvelles possibilités de paris sportifs, qui sont déjà offertes sur des sites Web à l’étranger. À moyen et à long terme, nous introduirions également les paris sur une seule épreuve dans les casinos non électroniques et dans nos points de vente et d’accueil des loteries.

Nous croyons également que les organismes de jeu provinciaux réglementés sont particulièrement bien placés pour offrir des paris sur une seule épreuve en toute sécurité et avec priorité donnée à la santé des joueurs.

Dans le cadre de nos améliorations à la santé des joueurs sur playnow.com, la BCLC travaille à déterminer les indicateurs de risque élevé et de jeu compulsif, afin d’intervenir de façon proactive lorsque nous estimons que les joueurs subissent des préjudices et d’explorer des incitations aux comportements de jeu sains par le truchement de récompenses aux joueurs. Ces nouvelles initiatives seront jumelées aux mesures de protection de la santé déjà en place sur playnow.com.

Playnow.com est aussi le seul site Web de jeu en ligne en Amérique du Nord, et l’un des rares au monde, où des spécialistes de la santé des joueurs sont disponibles en ligne, par téléphone et clavardage en direct, afin d’aider les joueurs à prendre des décisions éclairées et à jouer de façon saine.

Nous sommes tous prêts pour les paris sportifs sur une seule épreuve au Canada. Nous vous exhortons, vous et vos collègues du Sénat, à travailler en collaboration pour que cela se concrétise dans l’intérêt des joueurs canadiens et des provinces. Merci beaucoup de votre temps.

Le président : Je vous remercie de votre témoignage. Je vous suis reconnaissant de la teneur et de la brièveté de votre exposé. Je crois que nous passons maintenant au Conseil du jeu responsable, n’est-ce pas?

Shelley White, chef de la direction, Conseil du jeu responsable : Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Shelley White et, au nom du Conseil du jeu responsable, je vous remercie de nous avoir invités à faire connaître notre point de vue sur le projet de loi C-218.

J’aimerais vous présenter ma collègue Tracy Parker, directrice, Normes et accréditations, JR vérifié, Conseil du jeu responsable, qui m’accompagne aujourd’hui.

Le CJR est un organisme de bienfaisance canadien sans but lucratif qui a pour objectif de prévenir le jeu compulsif et d’en réduire les répercussions. Le Canada est considéré comme un chef de file en matière de jeu responsable, et nous sommes fiers d’en faire partie.

Au cours des dernières années, les paris sportifs ont gagné en popularité. Parallèlement, il y a une augmentation de données montrant qui joue et comment, données susceptibles de contribuer à la sécurité dans le secteur des paris sportifs.

En 2020, notre organisme a mené une étude longitudinale sur les répercussions de la COVID-19 sur les comportements de jeu en Ontario. Cette étude nous a permis de constater une augmentation du jeu en ligne et, concurremment, un nombre considérable de personnes s’adonnant aux paris sportifs. Fait important, 47 % des parieurs sportifs ont testé positif pour le jeu compulsif et 13 % pour l’anxiété sévère. Nous avons également constaté une augmentation de la consommation d’alcool et de cannabis par les joueurs. Même si cette étude portait sur le jeu pendant la COVID, nous savons que les impacts seront durables. Cette étude souligne clairement l’importance des mesures de prévention comme priorité pour l’avenir.

Bien que les jeux de hasard existent au Canada depuis de nombreuses années, il est important de noter à quel point les paris sportifs diffèrent des autres formes de jeu. Les paris sportifs associent le jeu à un passe-temps préféré de millions de Canadiens. Cette association normalise l’activité du jeu.

De plus, l’émotion associée aux moments forts de l’épreuve sportive, conjuguée à la possibilité de consommation simultanée d’alcool ou de cannabis, peut rendre plus difficile la prise de décisions éclairées quant à la dépense afférente et au temps passé à jouer.

Si les paris sportifs demeurent non réglementés, comme ils le sont actuellement, les personnes vulnérables sont à risque. C’est en pensant à ces gens que nous nous adressons à vous aujourd’hui. Le CJR croit qu’il est dans l’intérêt des Canadiens et de la société canadienne que le projet de loi C-218 soit adopté.

Cela permettrait aux autorités provinciales d’établir un cadre réglementaire pour les paris sur une seule épreuve sportive, mettant la protection des consommateurs au cœur de la réglementation.

La légalisation des paris sur une seule épreuve sportive doit inclure un cadre réglementaire solide qui oblige les organismes de réglementation provinciaux et chaque exploitant à prioriser et à intégrer la protection des consommateurs dans leurs stratégies, notamment à se conformer à des normes les plus sévères en matière de jeu responsable.

En deuxième lieu, il importe que le gouvernement fédéral continue de promouvoir la santé mentale, le bien-être mental et la prévention de la toxicomanie, conformément à la stratégie de la Commission de la santé mentale. Pour cela, il faut accorder la priorité à la sécurité des consommateurs et aider les autorités provinciales à renforcer davantage leur capacité de sensibiliser et de soutenir les particuliers et les collectivités.

La bonne nouvelle, c’est qu’en ce qui concerne les normes de jeu en ligne responsable, nous n’avons pas besoin de réinventer la roue. La plupart des normes existent déjà et sont en place pour les jeux non électroniques.

En conclusion, honorables sénateurs, le projet de loi C-218 aurait pour effet de mettre en place des stratégies d’atténuation des risques et de protéger les personnes vulnérables. Cette approche réfléchie et délibérée montrera l’engagement du Canada à l’égard de la sécurité des jeux de hasard dans l’intérêt de tous les Canadiens. Merci beaucoup de votre attention. Tracy et moi serons heureuses de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie, madame White, de votre exposé.

Le sénateur Smith : Je demanderais peut-être à la porte-parole du Conseil du jeu responsable de poursuivre la discussion. Vous avez parlé d’aider les gens qui sont tombés dans le piège du jeu illicite, où les principaux acteurs sont souvent liés au crime organisé. Croyez-vous que le projet de loi C-218 aidera à éliminer les exploitants et acteurs illégaux?

Nous pourrons peut-être entendre les autres témoins à la suite de votre réponse.

Mme White : Je vous remercie de la question, monsieur le sénateur. Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous croyons fermement qu’un cadre réglementaire solide, assorti d’une sélection minutieuse des exploitants répondant aux critères d’admissibilité appropriés et priorisant la protection des consommateurs, donnerait certainement aux Canadiens la possibilité de choisir des exploitants légitimes qui permettront au système — les autorités policières, les organismes de réglementation, et cetera — d’éliminer les exploitants illégaux.

Le sénateur Smith : À votre avis, combien de temps vous faudrait-il pour mettre en place, de concert avec les autorités provinciales, l’infrastructure nécessaire à la mise en œuvre de ce nouveau système?

Mme White : Nous travaillons déjà avec la CAJO, comme M. Phillips l’a dit, à l’élaboration de normes de jeu en ligne, dont une solide composante de normes de jeu responsable. Je crois comprendre que la CAJO souhaiterait faire le lancement du jeu en ligne, peut-être aussi des paris sportifs, dès la fin de cette année. Cela déterminerait ensuite, selon le moment où les autres provinces seront prêtes, l’échéancier de leur extension ailleurs au Canada.

Le sénateur Smith : Madame White, vous avez laissé entendre que votre association ou votre conseil appuierait le projet de loi C-218?

Mme White : Oui. Il est absolument essentiel d’aller de l’avant afin de protéger les populations vulnérables et de nous assurer d’avoir en place des règlements rigoureux et d’intégrer le principe de la protection des consommateurs dans les normes et règlements.

Le président : Merci. Je pense que nous devrions passer à autre chose. Je suis sûr que des témoins reviendront sur le sujet au fil de la discussion. En élargissant le champ des questions, nous donnons à tous les sénateurs l’occasion d’intervenir.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Tout d’abord, je ne suis pas une parieuse. Je ne connais pas vraiment le secteur du pari, et encore moins celui du pari en ligne. Je comprends bien que le jeu et les paris sportifs sont appelés à se développer, et cela existe déjà dans les jeux de loterie, mais on peut présumer qu’un secteur public va aussi se développer en ce qui a trait aux jeux de hasard sportifs.

Est-ce que chaque province fera affaire avec ses citoyens, ou les provinces pourront-elles compétitionner entre elles? Comment les joueurs actuels pourront-ils se tailler une place dans le secteur privé, notamment ceux qui font des paris sportifs en ligne dans les communautés autochtones? Comment cela fonctionnera-t-il? Ces gens seront-ils sous l’autorité du gouvernement provincial? Est-ce que les jeux sportifs organisés par le secteur public...

[Traduction]

Le président : Qui veut répondre? Allez-y, monsieur Phillips.

M. Phillips : Je suis heureux d’ouvrir le bal. Pour ce qui est de votre première question, à savoir si nous allons voir les provinces se livrer concurrence, de façon générale nous constaterons que le marché des paris sportifs, comme le reste du marché du jeu, sera cloisonné dans chaque province. Cela se fait de plusieurs façons. Dans un casino traditionnel, il va sans dire que les activités de jeu se déroulent forcément sur place. Quant au jeu en ligne — c’est certainement obligatoire en Ontario et, je crois, dans les autres provinces —, je peux dire sans risque de me tromper que la technologie de géolocalisation est nécessaire pour s’assurer que les résidants de l’Ontario jouent seulement sur les sites réglementés de l’Ontario et pas ailleurs. Certains disent que c’est un jardin clôturé, entièrement cloisonné dans une province donnée.

En ce qui concerne l’interaction entre la réglementation provinciale du jeu et les Premières Nations, il n’y a pas de réponse simple et directe à cette question. Tout dépendra, très franchement, du cadre réglementaire provincial qui sera établi. Cela dépendra aussi du genre de jeu dont il est question, s’il s’agit du jeu non électronique, du jeu à de fins de bienfaisance ou du jeu en ligne. La réponse n’est donc pas simple.

Ce que je peux dire, c’est qu’en Ontario, où nous travaillons activement pour ouvrir le marché concurrentiel et réglementé du jeu en ligne d’ici la fin de l’année, le ministère des Finances et le procureur général de la province mèneront des consultations directes avec nos communautés autochtones dans le but de régler des questions comme celle-là.

Le président : Merci. Y a-t-il d’autres commentaires avant que nous poursuivions? D’accord.

Le sénateur Loffreda : Je remercie nos témoins de leur présence.

L’une des principales préoccupations est le maintien de l’intégrité des événements sportifs dans ce projet de loi. Là où nous sommes les plus vulnérables, c’est du côté des personnes les moins bien rémunérées dans le sport. Tout le monde se préoccupe des athlètes, mais ce ne sont pas les athlètes; ce sont les officiels, comme les arbitres et les surarbitres. Nous l’avons vu dans les ligues européennes, où il y a eu manipulation des matchs pendant des années, et cela s’est fait par l’entremise des arbitres.

Toujours sur la question de la compétence étrangère, y a-t-il des leçons particulières à tirer de l’expérience d’autres pays dont vous pourriez nous faire part et que les législateurs canadiens devraient envisager dans ce projet de loi pour maintenir l’intégrité du sport, d’après votre expérience?

Le président : Cette question s’adresse-t-elle à tous les témoins, sénateur Loffreda?

Le sénateur Loffreda : Tous ceux qui ont de l’expérience dans ce domaine, donc tous les témoins, oui.

M. Groumoutis : Je peux répondre au nom de la British Columbia Lottery Corporation. Je pense que l’une des choses qu’il faut reconnaître, c’est qu’il n’y a pas de frontières. Même si un événement a lieu en Colombie-Britannique, un match des Canucks de Vancouver, par exemple, des paris peuvent être pris au New Jersey ou au Royaume-Uni. Je pense donc que la clé pour qu’une solution à la manipulation des matchs fonctionne, c’est qu’elle se situe au niveau international. Les ligues doivent collaborer avec les exploitants réglementés pour commencer à mettre en place des cadres. Le problème, c’est que dans la plupart des cas où les matchs sont arrangés, les paris ne se font pas dans le même territoire. Comme les paris se font dans nos secteurs de compétence et ailleurs dans le monde, nous devons aussi établir des partenariats avec d’autres secteurs de compétence.

Je pense que la clé dans tout cela, c’est de réglementer tous les paris sportifs, puis de réunir les exploitants réglementés pour commencer à élaborer des cadres. Le Royaume-Uni est le pays le plus avancé en ce qui concerne la détermination des paris inhabituels et le partage des données entre les exploitants. C’est la seule façon d’assurer un suivi dans ce domaine.

Le sénateur Wells : J’ai seulement une très brève question pour M. Groumoutis de la BCLC. J’aimerais obtenir une réponse rapide pour que nous ne perdions pas de temps.

Y a-t-il quelque chose de prévu dans votre programme de dépenses pour aider les organismes de sport amateur — je ne m’inquiète pas tellement de la Ligue canadienne de football ou de la Ligue nationale de hockey — qui ne sont peut-être pas aussi bien financés pour les problèmes liés à la manipulation des matchs ou à cet aspect du sport?

M. Groumoutis : Nous avons du financement communautaire, dont une partie va aux ligues sportives. À l’heure actuelle, nous n’avons rien qui porte précisément sur la manipulation des matchs. Je crois que c’est quelque chose qui pourrait être exploré. Je pense que c’est aussi quelque chose qui fait partie des exigences provinciales. Alors que la province commence à reconnaître les avantages des paris sur des épreuves sportives, nous devons aussi reconnaître l’importance d’investir de nouveau pour soutenir les ligues.

Le sénateur Wells : Excellent. Merci. Je n’ai plus de questions.

La sénatrice Moncion : Ma question porte sur les personnes vulnérables qui sont plus à risque. Je sais que vous avez déjà répondu à une question à ce sujet, mais j’aimerais y revenir.

Vous parlez souvent de la réglementation rigoureuse qui sera en place. Je veux savoir quelles autres mesures sont prévues pour protéger ces personnes vulnérables. J’aimerais savoir quel est l’investissement que vous faites dans le volet éducation du jeu responsable. Quel sera l’investissement dans le système?

Mme White : Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question sur le jeu responsable et la protection des personnes vulnérables au Canada.

Du point de vue du jeu responsable, il existe une myriade de programmes de prévention et d’éducation dans toutes les provinces du Canada. C’est une grande priorité. Cela comprend des programmes de sensibilisation à la prévention pour les jeunes et les adultes qui jouent. Certains de ces programmes sont offerts dans les collectivités et dans les systèmes scolaires. D’autres sont en fait disponibles dans les casinos proprement dits ou en ligne, si nous prenons l’exemple d’un organisme comme OLG.ca, par exemple. On accorde donc une très grande priorité à la prévention et à l’éducation, ainsi qu’aux programmes de détection précoce et aux programmes de traitement pour les personnes qui ont des problèmes.

Nous, du Conseil du jeu responsable, recommandons d’intégrer dans les modèles de revenus de chaque province l’obligation pour chaque exploitant de contribuer à un fonds de jeu responsable, afin qu’il y ait plus d’argent à investir dans des programmes élargis de sensibilisation à la prévention, de détection précoce, de recherche et d’évaluation continues, ainsi que de formation, pour s’assurer que nous continuons de tirer parti de la capacité qui existe déjà au Canada et de mobiliser tous les intervenants actuels qui participent à ces activités.

À l’heure actuelle, environ 125 millions de dollars sont consacrés au jeu responsable dans l’ensemble du pays, et un investissement supplémentaire serait certainement important, compte tenu de l’expansion et de la diversification du jeu.

Jamie Wiebe, directrice, Santé du joueur, British Columbia Lottery Corporation : À la BCLC, notre budget interne de l’an dernier, qui était axé sur la santé des joueurs, était d’environ 10 millions de dollars. De plus, la BCLC, de concert avec la Gaming Policy and Enforcement Branch, fournit un financement de 1,25 million de dollars au Centre for Gambling Research de l’UBC.

Pour ce qui est de la stratégie, ce domaine, même s’il est récent, a reçu beaucoup d’attention au chapitre de la recherche, et chaque année, nous apprenons énormément. Ce que nous savons, c’est que même si l’information est toujours importante pour aider les intervenants à prendre des décisions éclairées, elle ne sera jamais suffisante. C’est pourquoi la BCLC met l’accent sur le marketing et les produits. Chaque fois qu’un produit est acheté ou qu’une initiative de marketing est lancée, des évaluations sont faites du point de vue de la santé des joueurs. L’information est essentielle, mais l’intégration dans notre modèle d’affaires l’est tout autant.

Le sénateur Klyne : Bienvenue à nos invités. J’ai trois questions à poser aux commissions ou organismes de l’Ontario et de la Colombie-Britannique.

Pouvez-vous dire au comité combien il y a de casinos dans votre province et combien sont détenus ou contrôlés par des Autochtones?

Je suis certain que bon nombre d’entités de jeu ou de casinos de votre province seront intéressés à participer à des paris sportifs. Je me demande quel processus sera utilisé si ce projet de loi est adopté. Par exemple, en Colombie-Britannique, cela relèvera peut-être simplement de la BCLC.

Pour faire suite à la dernière question, quelle proportion des nouveaux revenus tirés des paris sportifs sera directement investie dans des programmes de jeu responsable, dans l’éducation et dans les sports pour régler le problème de la dépendance au jeu?

M. Phillips : Je vais commencer par dire qu’en Ontario, il y a une ligne de démarcation claire entre l’organisme de réglementation et la branche commerciale qui relève de la Société des loteries et des jeux de l’Ontario, qui est l’exploitant commercial.

Nous avons actuellement 28 casinos traditionnels dans la province. Je crois savoir qu’aucun d’entre eux n’appartient à des collectivités autochtones et n’est exploité par elles, mais nous en avons certainement deux — Casino Rama et Great Blue Heron Casino — où il y a des relations commerciales avec la collectivité locale.

Parallèlement, l’Ontario a une relation de longue date de partage des revenus avec les Premières Nations. Un nombre important de Premières Nations ont conclu une entente de partage des revenus avec la province. Cette entente est toujours en vigueur et a représenté beaucoup d’argent au fil du temps.

Pour ce qui est de la question de l’introduction des paris sportifs dans les casinos, au bout du compte, c’est la Société des loteries et des jeux de l’Ontario qui y répondra dans le cadre de négociations et de discussions avec les cinq exploitants privés des 28 casinos.

Je ne veux pas trop spéculer, mais je pense que nous verrons des paris sportifs être introduits dans nos casinos traditionnels. Je ne peux pas vous dire combien. La démarche sera probablement plus longue que pour les paris en ligne, par exemple, parce qu’il faudra apporter des changements à l’infrastructure et ainsi de suite. Je pense qu’on peut compter sur le fait qu’il y aura des paris sportifs dans au moins certains des casinos de l’Ontario.

Pour ce qui est du pourcentage des revenus qui sera consacré exclusivement aux programmes de jeu responsable, je commencerai par dire que — et je pense que les représentants du Conseil du jeu responsable peuvent en témoigner — l’Ontario a une longue tradition de financement public important en proportion des revenus tirés des jeux de hasard dans les aspects de la recherche et du traitement des programmes de jeu responsable, et c’est quelque chose qui est actuellement à l’étude. Nous avons invité Birgitte Sand, ancienne directrice de la Danish Gambling Authority, à diriger la consultation sur un certain nombre de questions, dont l’une sera notre modèle de revenus, y compris la question du fonctionnement du partage des revenus. Je n’ai pas de réponse précise, mais c’est à l’étude.

Le sénateur Klyne : Merci. J’aimerais beaucoup entendre le point de vue de la BCLC.

M. Groumoutis : Nous avons 16 casinos et 17 centres de jeux communautaires. Je ne suis pas certain qu’il y en ait qui appartiennent en tout ou en partie à des collectivités autochtones. La BCLC a un fonds, un pourcentage de ses revenus, qui est investi dans les communautés autochtones. Je ne connais pas le pourcentage exact. Malheureusement, je ne suis pas un expert dans ce domaine.

Ce que je peux dire, c’est que nous avons un plan pour rendre les paris sportifs accessibles aux exploitants de casinos, aux détaillants et au secteur de l’accueil. Nous n’avons pas encore défini comment cela fonctionnera, mais nous envisageons cela comme une offre de produits dans un certain nombre de nos emplacements.

Enfin, comme pour tous les produits, nous réinvestirons dans la santé des joueurs et le jeu responsable. Il s’agit d’un investissement, mais aussi, comme Jamie Wiebe l’a dit plus tôt, d’une culture, d’une conviction et de l’intégration de la santé des joueurs dans tout ce que nous faisons. Les démarches isolées ne font jamais vraiment partie du tissu d’une organisation, alors que c’est ce que nous nous efforçons de réaliser.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse aux représentants de l’Ontario et de la Colombie-Britannique.

Au Québec, les organismes de jeu en ligne sont très présents dans la publicité, notamment sur les réseaux de télévision et plus particulièrement durant les événements sportifs. Toutefois, ces organismes, pour se soustraire aux autorités réglementaires du gouvernement du Québec, installent leurs serveurs sur les réserves autochtones.

J’aimerais savoir si vous voyez le même phénomène dans vos provinces. Quel est l’impact de ces groupes de paris en ligne sur vos revenus?

[Traduction]

M. Groumoutis : Nous avons un modèle qui nous a permis de mettre à l’essai un certain nombre d’outils ou de façons pour faire sortir les exploitants illégaux de notre marché. Malheureusement, nous n’avons pas trouvé de solution à ce problème, contrairement aux États-Unis.

Pour tous les produits, nous sommes en concurrence directe avec eux. Dans le cas de la majorité des produits, comme les casinos en ligne, nous sommes en mesure de dominer le marché parce que nous pouvons montrer aux gens que les fonds retournent à la province de la Colombie-Britannique. Ce n’est pas le cas pour les sports, parce que nous ne pouvons pas offrir un produit équivalent. Si nous avons la capacité d’offrir un produit équivalent, je crois que, tout comme dans le cas des casinos en ligne, nous pourrons dominer le marché.

M. Phillips : L’Ontario ressemble au Québec et on y voit un nombre important de publicités sur les jeux en ligne. Ce sont ce que nous appelons les « dotnets », qui sont des sites de jeux gratuits.

Bien sûr, les groupes de propriétaires sont ceux qui offrent aussi des paris en espèces. Il s’agit d’exploitants de jeux de hasard situés un peu partout dans le monde, des exploitants étrangers. Fait intéressant, bon nombre d’entre eux sont réglementés à l’échelle nationale dans de nombreux États américains et dans l’Union européenne. C’est pourquoi, en Ontario, nous prenons des mesures énergiques cette année pour mettre en place un marché du jeu en ligne concurrentiel et réglementé, dans le but de canaliser les clients et les exploitants vers l’espace réglementé, afin d’éliminer certains des problèmes dont vous avez parlé.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Phillips, je sais que, sur la réserve d’Akwesasne, en Ontario, il y a de gros casinos. Quelle est votre relation avec ces casinos? Avez-vous une bonne relation? Vous me disiez que c’était assez compliqué.

[Traduction]

M. Phillips : De notre point de vue, il n’y a pas de relation officielle, et ils ne sont certainement pas assujettis à notre surveillance réglementaire ou à notre cadre.

La sénatrice Marshall : Le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer à cet égard ou se limite-t-il à appliquer la loi? Je sais qu’il peut participer au financement pour divers problèmes de santé, comme la toxicomanie ou la dépendance au jeu, mais a-t-il un rôle à jouer dans le cadre réglementaire dont vous parlez?

M. Phillips : Il y a différents modèles dans le monde, mais le Canada est semblable aux États-Unis en ce sens que la responsabilité de la réglementation au quotidien de l’industrie du jeu est largement dévolue aux provinces. De façon générale, la réglementation au jour le jour du marché du jeu au Canada relève exclusivement des provinces.

La sénatrice Marshall : Y a-t-il un problème d’uniformité dans la réglementation d’une administration à l’autre? Chaque administration fait ce qu’elle veut, le gouvernement fédéral demeurant à l’écart?

M. Phillips : Je suis sûr que le représentant de la Colombie-Britannique peut ajouter quelque chose à ce sujet. Il y a certainement des régimes de réglementation distincts d’une province à l’autre et des règles et des approches différentes en matière de réglementation.

En même temps, il y a une communauté chargée de la réglementation avec laquelle nous travaillons en étroite collaboration de façon régulière, par exemple, en Colombie-Britannique, il y a la Gaming Policy and Enforcement Branch. Parfois, nous menons conjointement des enquêtes de diligence raisonnable sur des exploitants qui arrivent sur nos deux marchés en même temps.

En général, les provinces élaborent leurs propres règles et ont leurs propres organismes et approches.

La sénatrice Marshall : Merci.

Le sénateur Massicotte : J’ai deux questions pour Mme White et une pour Mme Wiebe.

Madame White, j’ai lu un peu au sujet de votre organisation. Qui finance vos activités? D’où vient l’argent qui vous permet de faire votre travail?

Mme White : Merci beaucoup, sénateur Massicotte, de votre question. Notre financement est diversifié. Nous recevons des fonds du gouvernement de l’Ontario par l’entremise du ministère de la Santé et de la Société des loteries et des jeux de l’Ontario pour offrir des services. Le ministère de la Santé a pour mandat d’élaborer et de mettre en œuvre une myriade de programmes de sensibilisation du public associés au jeu responsable. Avec la Société des loteries et des jeux de l’Ontario, nous exploitons des centres Jouez Sensé dans les 28 casinos de l’Ontario et sur les sites de jeux en ligne.

Le reste de nos fonds est autogénéré. Nous avons un programme d’accréditation du jeu responsable que nous offrons aux exploitants partout au Canada et dans des administrations comme Singapour et d’autres qui génèrent des revenus pour nous.

Nous menons également des recherches et des évaluations, et nous avons des contrats avec un certain nombre d’organismes d’État et de réglementation, ainsi que d’exploitants, partout dans le monde, qui nous fournissent du financement pour mener ces recherches sur le jeu responsable.

Le sénateur Massicotte : Vous donnez à tous ceux qui nous écoutent l’impression que si l’exploitant du casino ou la maison de jeu fait bien les choses, il n’y aura pas de conséquences pour la société ou les personnes vulnérables.

J’ai travaillé pendant plusieurs années dans l’industrie du jeu, et nous avions tous les programmes modernes bien connus pour identifier les joueurs compulsifs. Mais, comme vous le savez, avec un nouveau produit, et lorsque les revenus augmentent, l’impact négatif sur ces gens est plus grand.

Je suis donc un peu surpris de vous entendre dire : « Si nous faisons bien les choses, ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas un problème. »

Je dis que si le jeu augmente, le problème augmentera aussi. Je ne prétends pas que nous ne devrions pas le gérer, mais n’ai-je pas raison d’affirmer que si vous augmentez l’attrait d’un produit, vous augmenterez le problème des parieurs vulnérables?

Mme White : Vous soulevez un point important, sénateur Massicotte, et c’est pourquoi nous préconisons fortement des investissements dans la prévention, l’éducation et la détection précoce. Plus tôt nous pourrons commencer, mieux ce sera pour ce qui est de fournir de l’information aux Canadiens.

Vous avez raison. Malheureusement, il y a des personnes dans la société qui risquent de développer un trouble du jeu pour une multitude de raisons, et ce qui est essentiel, c’est d’identifier ces populations vulnérables. Nous savons, d’après les recherches, que les jeunes, les jeunes adultes, les hommes qui jouent sur un certain nombre de plateformes de jeu et les personnes qui vivent une expérience quelconque en santé mentale ou qui ont un problème de santé mentale sont plus à risque. À mesure que nous élaborons des programmes de jeu responsable et de prévention des préjudices, il est impératif que nous les adaptions pour nous assurer que les messages que reçoivent ces populations sont pertinents, accessibles, adaptés à leur culture, et ainsi de suite.

Vous soulevez d’excellents points, et j’espère que j’ai bien répondu à votre question.

La sénatrice Wallin : Je veux revenir sur le point soulevé par la sénatrice Marshall, à savoir le rôle du gouvernement fédéral en ce qui concerne les lois. Est-ce que ce serait utile pour vous tous dans votre secteur d’activité qu’il y ait une disposition particulière dans le Code criminel qui rendrait illégale la manipulation des matchs? À l’heure actuelle, la loi est vague à ce sujet. Serait-il utile que cela figure dans le Code criminel fédéral?

M. Phillips : En tant qu’avocat qui a pris ses distances du droit, je n’exprimerai pas d’opinion juridique particulière sur la question de savoir si les dispositions actuelles du Code criminel sont suffisantes. Je sais que le groupe d’experts, dont fait partie Donald Bourgeois, qui est peut-être le spécialiste du droit du jeu le plus qualifié au pays, peut certainement donner son avis sur la question. Il fera sans doute référence à l’affaire Riesberry, qui s’est rendue jusqu’à la Cour suprême il y a quelques années. Cette affaire découle d’une enquête criminelle et réglementaire menée par notre prédécesseur, la Commission des courses de l’Ontario, avec laquelle nous avons maintenant fusionné. Les dispositions du Code criminel sur la fraude et le jeu ont été utilisées pour régler un problème de manipulation de course, ce qui est analogue à la question soulevée ici, de sorte que nous avons un précédent au pays où des cas de manipulation, dans un contexte de paris, ont été résolus grâce aux lois pénales.

Encore une fois, je vais laisser Me Bourgeois et d’autres se prononcer sur l’efficacité du Code criminel.

Le président : Nous aurons l’occasion de poser la question à l’expert. Madame la sénatrice Wallin, est-ce que la réponse vous satisfait?

La sénatrice Wallin : Oui, et je la poserai à nouveau au début du prochain tour, si je peux.

Le sénateur C. Deacon : Merci aux témoins. J’ai une question pour Mme White. Je vois que le Conseil du jeu responsable n’a des activités que dans cinq de nos provinces ou territoires. Pourriez-vous me dire s’il y a des organisations semblables qui offrent les mêmes services et la même accréditation dans les autres provinces, ou si aucune réglementation n’y est appliquée?

Mme White : Monsieur le sénateur Deacon, les provinces qui ne participent pas au programme d’accréditation du Conseil du jeu responsable sont réglementées, mais elles choisissent tout simplement de ne pas utiliser le programme d’accréditation JR vérifié. Bon nombre d’entre elles utilisent l’accréditation de la World Lottery Association et ont peut-être d’autres mesures d’évaluation, mais il n’existe pas d’autres programmes d’accréditation pour le jeu responsable au pays qu’elles pourraient utiliser.

Le programme JR vérifié est un programme très utile. Il devrait être utilisé par toutes les provinces parce qu’il fournit une approche vérifiable par un tiers pour s’assurer que chaque exploitant applique les normes de jeu responsable de la plus haute qualité qui existent.

Le sénateur C. Deacon : Vous êtes allés au-delà de mes attentes en répondant à cette question qui portait sur l’accréditation par un tiers. Merci beaucoup.

La sénatrice Ringuette : Le sénateur Massicotte a posé une question, et j’ai une brève question complémentaire pour Mme White. Êtes-vous un organisme à but lucratif ou sans but lucratif?

Mme White : Madame la sénatrice, nous sommes un organisme de bienfaisance canadien sans but lucratif.

La sénatrice Ringuette : Merci.

Mme White : Je vous en prie. Et nous sommes fiers de cela.

Le président : Je pense que la fierté est importante.

Le sénateur Massicotte : Madame Wiebe, je crois que c’est vous ou un témoin précédent qui avez dit qu’environ 1 à 3 % des gens deviennent des joueurs compulsifs. Parlez-moi de ces gens. Je pense que leurs habitudes ne se limitent pas aux paris. C’est probablement plus caractéristique de leur nature, et cela entraîne probablement aussi l’utilisation de cartes de crédit. Parlez-moi de ces gens. Quelles sont leurs caractéristiques et pourquoi devrions-nous nous inquiéter à leur sujet?

Mme Wiebe : Je serai brève. Les problèmes de jeu se présentent sous diverses formes, mais il y a certaines caractéristiques générales. Ceux qui ont un problème de jeu ont tendance à jouer sur tout. Il y a souvent un aspect de morbidité. Il y a les principaux déterminants sociaux et sanitaires. C’est compliqué, comme toute autre dépendance. De nombreux chemins y mènent, et c’est pourquoi il est si important, même à l’école déjà, que les gens apprennent comment cela fonctionne et qu’ils soient prêts à prendre des décisions éclairées lorsqu’ils atteignent l’âge légal.

Je pense qu’il est également important de savoir sur quoi nous pouvons avoir ou non une influence. À la BCLC, nous nous appuyons sur des données probantes. Nous voulons tout mesurer. Nous voulons voir l’impact que nous avons et connaître les niveaux de risque de nos joueurs. Nous utilisons des choses comme l’indice de gravité du jeu compulsif. Nous mettons vraiment l’accent sur les résultats maintenant, alors nous sommes passés de la simple question de savoir si nous appliquons ceci ou cela à celle de savoir si nous faisons une différence. C’est compliqué. Il est difficile de faire constamment une différence importante dans le comportement d’une personne, alors il faut faire de petits pas, et il faut savoir sur quoi il est possible ou non d’avoir une influence.

Certains jours, notre succès est complet. Quelqu’un est plus conscient du fonctionnement d’un jeu que la veille ou nous sensibilisons les gens au temps et à l’argent dépensés. Parce que lorsqu’ils jouent, les gens ont tendance à être uniquement dans le moment présent. Nous avons beaucoup d’outils pour rappeler aux gens quelles sommes d’argent ils ont dépensées.

Malheureusement, certaines personnes en arrivent à un point où la meilleure chose pour elles est de prendre une pause ou de ne pas jouer du tout, et pour cela, nous avons les conseillers en jeu responsable, qui sont spécialement formés et qui sont disponibles en ligne, ainsi que sur place, pour offrir du soutien.

Il faut envisager le jeu et les préjudices potentiels associés au jeu dans un continuum, et tenir compte du fait qu’il existe plusieurs cheminements. Ma réponse n’a pas été réellement succincte, même si j’ai bien essayé.

Le sénateur Massicotte : Merci.

Le président : Je comprends cela. Merci beaucoup.

Voilà qui met fin aux témoignages de ce groupe, à moins qu’un autre sénateur ait une question brûlante à poser à ce stade-ci. Je pense que nous avons couvert beaucoup de matière. Je tiens à remercier les témoins de leur témoignage et je remercie également les sénateurs de leur efficacité. Je pense que nous avons beaucoup accompli avec ce groupe de témoins.

Vos témoignages d’aujourd’hui ont été très appréciés. Merci d’être venus avec un préavis si court.

Je crois que nous allons passer au prochain groupe de témoins.

Nous accueillons Donald Bourgeois, ainsi que Paul Melia, du Centre canadien pour l’éthique dans le sport. Nous allons commencer par Me Bourgeois. Je pense que nous aurons l’occasion d’examiner plus en détail la question de la manipulation des matchs avec Me Bourgeois et peut-être avec M. Melia. Nous allons commencer par une brève déclaration de votre part, maître Bourgeois, si possible.

Me Donald Bourgeois, avocat, à titre personnel : Je vous remercie de l’invitation. Je veux commencer par dire que je pense que le projet de loi est un excellent pas en avant, qui aidera les organismes d’application de la loi et de réglementation à régler des problèmes comme la manipulation des matchs. Les organismes de réglementation modernes, comme la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario, disposent des outils et de l’expérience nécessaires pour déterminer et prévenir les risques pour les parieurs découlant de la manipulation des matchs et d’activités illégales semblables. Ces outils aident également les organismes d’application de la loi à obtenir les éléments de preuve nécessaires pour enquêter sur les allégations.

Avant d’en arriver au corps du sujet, j’aimerais vous parler un peu de moi-même. Je travaille dans le secteur des jeux depuis les années 1980, tant au gouvernement que, plus récemment, dans le secteur privé, à titre de conseiller en politiques et d’avocat. J’ai été avocat général et registrateur adjoint de la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario et représentant de l’Ontario au comité de coordination du Groupe de travail de cadres supérieurs sur le jeu. Le jeu est également un domaine sur lequel j’ai écrit et enseigné en tant que professeur adjoint et codirecteur d’Osgoode Professional Development.

Je copréside également le groupe de travail sur la réglementation de la Canadian Gaming Association, qui se penche précisément sur la structure de la réglementation qui devrait exister au Canada, avec les différents organismes de réglementation, fournisseurs et exploitants.

Je le mentionne parce que je pense que l’un des rares avantages d’avoir mon âge est que cela permet d’acquérir une expérience pertinente sur ce qui fonctionne et pourquoi. Dans les régimes d’application de la loi et de réglementation, il est important d’avoir des mesures de détermination et d’atténuation des risques pour prévenir, détecter et sanctionner les activités inappropriées.

Je pense que ce projet de loi est un excellent pas en avant. Le Code criminel traite adéquatement de la manipulation des matchs et des activités inappropriées semblables lorsqu’elles se déroulent dans le cadre d’un régime réglementé. La manipulation des matchs est illégale en vertu des articles 209 et 380, qui sont des dispositions relatives à la fraude. L’arrêt Riesberry de la Cour suprême du Canada est très clair. À mon avis, cela a dissipé toute préoccupation qui aurait pu exister et selon laquelle la manipulation des matchs n’est pas surveillée au Canada. Je pourrai vous en parler plus en détail plus tard, mais le tribunal a dit très clairement que c’est la malhonnêteté qui déclenche les accusations de manipulation de matchs et de tricherie.

Il y a deux points importants, je crois, dans l’affaire Riesberry. Premièrement, le public peut présumer qu’il y a conformité à un régime de réglementation. Deuxièmement, M. Riesberry s’est fait prendre à cause de ce régime de réglementation, et sa malhonnêteté a été mesurée dans ce contexte. Sans ce régime, il est peu probable qu’une affaire porterait son nom.

Le projet de loi C-218 offre la possibilité de mettre en place un régime de réglementation solide, qui n’existe pas actuellement. Le projet de loi n’autorise pas la prise de paris. Il autorise les sociétés d’État à mener et à gérer des loteries qui comportent des paris sportifs. Les paris sportifs seront fortement réglementés. Certains des intervenants précédents, l’autre jour et aujourd’hui, ont parlé de ce régime de réglementation. Le secteur du jeu légal au Canada est très réglementé, et cette réglementation est considérée comme l’un de ses plus importants atouts. Le règlement établit des règles du jeu équitables, qui permettent aux parieurs et au grand public d’avoir confiance dans les loteries.

La Commission des alcools et des jeux de l’Ontario et d’autres organismes de réglementation, comme la Gaming Policy and Enforcement Branch, ont mis en place des mesures de détermination, de prévention et d’atténuation des risques. On y établit qui est autorisé à offrir des services de jeu dans une région donnée et quels jeux sont permis. Ce n’est pas n’importe quel jeu. Il n’y aura pas de loteries ou de paris sur des sports pratiqués par des enfants ou sur des sports qui ne comportent pas déjà un modèle de réglementation et un système disciplinaire, comme la LNH, la NFL et d’autres. Le porte-parole de la LCF a commenté certains de leurs propos. Il ne s’agit pas d’un système de paris clandestins, mais plutôt d’un système hautement réglementé.

L’autre élément clé, c’est que dans cette structure réglementaire moderne, il y a des liens avec l’application de la loi. Les renseignements générés par la structure réglementaire sont mis à la disposition des organismes d’application de la loi pour qu’ils puissent s’acquitter de leur rôle en vertu du Code criminel.

Pour terminer, je dirai que nous ne sommes pas dans les années 1920. Nous ne sommes plus à l’époque des Black Sox. Au cours du dernier siècle, le secteur du jeu a connu des changements importants. Il n’est plus nécessaire d’interdire les paris sportifs. Les conditions qui ont permis la manipulation de matchs, il y a 100 ans, au sein des Black Sox n’existent plus. Merci.

Le président : Merci, maître Bourgeois.

Mesdames et messieurs les honorables sénateurs, j’aimerais prendre un moment avant l’intervention du témoin suivant, M. Melia. J’espère que cela ne vous dérange pas que je propose ceci. La sénatrice Wallin doit malheureusement partir, et je sais qu’elle veut poursuivre sur ce sujet, alors je vais lui donner la parole pour qu’elle puisse poser une question à Me Bourgeois. Nous pourrons ensuite passer à M. Melia et, bien sûr, avoir une discussion approfondie avec les deux témoins. Merci. Je vous en prie, sénatrice Wallin.

La sénatrice Wallin : Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous suis reconnaissante parce que je n’ai vraiment pas d’autre option pour prendre mon avion.

Je veux seulement obtenir une réponse très précise, et tout le monde s’entend pour dire, maître Bourgeois, que vous êtes l’expert en la matière. Avons-nous besoin d’une reconnaissance particulière dans le Code criminel ou d’un article qui rend expressément illégale la manipulation des matchs?

Me Bourgeois : Non.

La sénatrice Wallin : Vous pensez que c’est couvert par la réglementation?

Me Bourgeois : Je pense que c’est couvert de deux façons. Premièrement, il existe une disposition du Code criminel à l’article 209, qui traite de la fraude, en combinaison avec l’article 380. La Cour suprême du Canada a dit très clairement qu’il est suffisant qu’une activité malhonnête ait lieu, non seulement pendant un match, mais avant un match.

Le deuxième aspect est que la structure réglementaire, combinée à un lien avec l’application de la loi, ainsi qu’avec d’autres intervenants du secteur, fait en sorte de prévenir les problèmes découlant de la manipulation des matchs.

Je vais vous donner un exemple. Aucun Code criminel ni aucune structure réglementaire n’empêchera les gens de faire des choses malhonnêtes. Est-il possible de déterminer le risque et de l’atténuer? Est-il possible de prévenir ou de réduire les incidents? Deuxièmement, pouvez-vous empêcher la personne qui est le criminel d’en profiter?

Dans un système de paris sportifs, vous avez un organisme de réglementation qui surveille ce qui se passe; vous avez des exploitants qui surveillent ce qui se passe et qui déterminent les conditions à l’origine du risque. Si c’est Don Bourgeois, un manipulateur de matchs, qui essaie de prendre un pari qui crée une situation anormale, l’exploitant peut l’identifier à l’aide des données auxquelles il a accès, et il doit faire rapport à l’organisme de réglementation. De plus, l’exploitant ne verse pas d’argent à Don Bourgeois tant qu’il n’est pas convaincu qu’il n’y a pas eu de manipulation de matchs.

Dans une industrie réglementée, la capacité des tricheurs de vraiment profiter de leur tricherie diminue et finit par disparaître.

La sénatrice Wallin : Je vous remercie de cette réponse.

Le président : Sénatrice Wallin, je sais que vous devez partir bientôt, et vous pourrez réfléchir à cela dans l’avion pendant vos trois heures et demie ou quatre heures de voyage.

Monsieur Melia, nous vous écoutons. Je suis désolé de vous avoir interrompu.

Paul Melia, président-directeur général du Centre canadien pour l’éthique dans le sport : Bonjour, monsieur le président et distingués membres du comité. Merci beaucoup de m’avoir invité à m’adresser à vous aujourd’hui.

Le Centre canadien pour l’éthique dans le sport, le CCES, appuie le projet de loi C-218, car nous croyons qu’un cadre réglementaire est nécessaire pour gérer adéquatement les paris sportifs au Canada. La technologie et le crime organisé se sont combinés au fil des ans pour faire en sorte que les lois actuelles du Canada contre les paris sportifs n’ont pratiquement aucun sens. Légaliser et réglementer les paris sportifs au Canada serait une stratégie efficace de réduction des préjudices. Toutefois, cela comporte aussi des risques associés à la sécurité de nos athlètes et à l’intégrité du sport au Canada, du fait de la menace que représente la manipulation des matchs.

La manipulation des matchs est liée au crime organisé. Elle profite des athlètes vulnérables, des officiels, des entraîneurs et d’autres membres du personnel de soutien pour déterminer l’issue d’une épreuve sportive ou d’éléments de cette épreuve à des fins de pari. C’est un problème mondial qui existe aussi au Canada. Fait important, ce n’est pas un problème qui touche uniquement le sport professionnel. En fait, la manipulation des matchs cible souvent directement les sports de niveau inférieur où les athlètes ne sont pas payés ou sont sous-payés et sont donc beaucoup plus vulnérables.

Le CCES a demandé à Sportradar, un important fournisseur de données sportives et de services de paris et d’intégrité, d’effectuer une analyse du sport au Canada, afin d’évaluer les risques liés à la manipulation de matchs. Les sports jugés à haut risque comprennent le badminton, les sports de combat, le cricket, les sports électroniques, la Ligue canadienne de football, certaines ligues de la Ligue canadienne de hockey, la Ligue de hockey de l’Ontario, la Ligue de hockey de l’Ouest, le soccer et le tennis.

Une fois le projet de loi adopté, le risque pour ces sports pourrait augmenter encore. Le niveau de risque des sports actuellement évalué comme étant de faible à modéré peut augmenter, et de nouveaux sports peuvent se retrouver soudainement à risque, y compris les sports universitaires, les sports collégiaux ou les Jeux du Canada. De nombreux pays, comme l’Australie, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, s’attaquent activement à la manipulation des matchs au moyen de lois conçues pour prévenir, détecter et punir cela. Il n’existe actuellement aucun cadre législatif de ce genre au Canada.

Le CCES recommande que le gouvernement du Canada, par l’entremise de Sport Canada, soit tenu d’élaborer une politique universelle sur la manipulation des matchs, qui devra être adoptée par toutes les organisations sportives. Cette politique devrait comprendre des définitions de la manipulation des matchs, l’éducation des athlètes et d’autres éléments, comme des rapports confidentiels, des enquêtes, des sanctions et des appels, ainsi qu’une politique administrée par un organisme indépendant — semblable à la façon dont nous nous attaquons au dopage dans le sport au Canada.

Le CCES recommande en outre que le Canada examine la valeur de l’adhésion à la Convention Macolin comme moyen de mieux s’assurer que nous protégeons la santé et la sécurité de nos athlètes et l’intégrité du sport.

Avant de conclure, j’aimerais souligner un autre point qui a été soulevé par le secrétaire général du Comité olympique canadien, David Shoemaker, lors de l’audience du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Le COC avait fait une présentation conjointe avec le CCES devant ce comité.

Ce dernier point souligne l’importance pour le comité sénatorial d’examiner comment une partie des revenus supplémentaires qui découleront des paris sportifs peut être appliquée au sport amateur au Canada. Ce sont ces mêmes sports qui feront l’objet de plus en plus de paris à la suite de l’adoption du projet de loi. Il semble tout à fait approprié que les recettes provenant de l’augmentation du jeu servent, du moins en partie, à appuyer le sport amateur dans notre pays.

Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.

Le président : Merci, monsieur Melia. Je suppose que vous parliez du comité de la Chambre des communes?

M. Melia : Oui. C’est exact.

Le sénateur Smith : Entre nos deux témoins, je pourrais peut-être parler de la visite du commissaire de la LCF, Randy Ambrosie, plus tôt cette semaine. Il a souligné la constitution de la LCF, qui interdit toute forme de manipulation des matchs.

J’aimerais que vous nous donniez plus d’explications concernant certains des commentaires que vous avez faits tous les deux. Ayant joué pour la LCF pendant neuf ans, je peux vous dire que la plus grande crainte en tant qu’athlète professionnel de la LCF au Canada est de se faire évaluer à chaque match. Vous pouvez être éliminé très rapidement, et il n’y a aucune garantie. Il y a donc une sorte d’interdiction inhérente.

L’autre chose, c’est que l’association des joueurs est très stricte. Ayant été représentant au sein de cette association pendant neuf ans, je peux dire que la manipulation des matchs est prise au sérieux. Il est important d’avoir un équilibre dans tous nos commentaires. J’ai aussi présidé le Conseil des jeux du Canada pendant 10 ans. Les règles d’étiquette, les règles de jeu, et cetera, s’appliquent strictement aux responsables qui organisent des jeux. Il y a une excellente occasion de développer cette infrastructure.

J’aimerais que vous nous parliez tous les deux des principales étapes à suivre pour créer cette infrastructure, afin d’interdire toute tentative de manipulation des matchs.

M. Melia : Je serai heureux de commencer, si vous êtes d’accord. Merci de votre question, sénateur Smith.

Encore une fois, j’ai mentionné dans ma déclaration que, selon moi, dans la perspective sportive, notre approche de la manipulation de matchs pourrait reprendre le modèle des travaux qui ont été faits en antidopage. Ce que nous avons compris et appris très tôt dans l’antidopage, c’est que, bien sûr, les sports ne veulent pas que leurs athlètes se dopent et ne veulent pas que leur image soit ternie par le dopage, mais en même temps, ils sont en conflit d’intérêts. Ils veulent projeter une bonne image. Ils veulent que leurs athlètes réussissent. C’est ainsi qu’en matière de dopage, nous avons compris l’importance de charger un même organisme indépendant d’administrer une même politique antidopage.

C’est ce que nous préconisons aujourd’hui : une même politique contre la manipulation de matchs, qui pourrait rallier tous les sports. Cette politique comporterait des définitions de ce qu’est la manipulation; elle exigerait une formation obligatoire pour les athlètes, les officiels, les entraîneurs et les autres afin d’informer chacun de ses responsabilités en vertu de cette politique; et il y aurait un mécanisme de signalement confidentiel pour que quiconque est au courant de la manipulation de matchs puisse la signaler. Des enquêtes pourraient avoir lieu, des violations pourraient être dénoncées, l’application régulière du règlement pourrait être assurée et des sanctions pourraient être imposées.

Ce n’est pas une approche législative, mais une approche de politique sportive. Elle nous a bien servis en matière de dopage, et elle pourrait bien nous servir ici.

Le sénateur Smith : Merci.

Me Bourgeois : Je ne pense pas que les politiques sportives soient incompatibles avec d’autres politiques pour la prévention, la détection et l’éducation concernant les rôles et les responsabilités dans tout pari réglementé sur une épreuve. Pour moi, le problème, c’est de nous concerter pour atteindre ces objectifs finaux.

La deuxième partie de mon commentaire est que les sociétés d’État et les exploitants n’offriront pas de jeux de loterie ou de paris sur les épreuves dans tous les sports, mais plutôt dans ceux auxquels les gens s’intéressent généralement. Mon collègue a parlé du cricket, et cetera. Il y aura une analyse de risque pour établir s’il s’agit d’un sport que nous voulons ouvrir aux paris sportifs en Ontario, d’un sport que nous voulons ouvrir en Colombie-Britannique et ainsi de suite. Tout cela fait donc partie de l’analyse de risques, de l’approche d’atténuation du risque dans les matchs de sport.

Le sénateur Klyne : Bienvenue à nos invités. Votre exposé m’a donné à peu près toutes les réponses aux questions que je voulais poser, et je vous en remercie. Selon moi, les paris frauduleux sont couverts par le Code criminel.

J’aimerais revenir sur un point qui pourrait intéresser M. Melia, mais Me Bourgeois pourra certainement intervenir également.

Les provinces contrôlent la législation et la réglementation du jeu, et je me demande comment on pourrait organiser un programme pour assurer, au niveau national, la surveillance et la détection des fraudes sans violer l’autonomie ou la compétence et les lois provinciales en matière de jeu. Elles sont pour la plupart réglementées par les lois provinciales. Faudrait-il le consentement unanime des provinces et territoires pour signer une entente quelconque?

M. Melia : Merci de la question. C’est certainement une fonction de notre régime fédéral. Encore une fois, nos travaux en antidopage commencent par l’obligation imposée aux organisations sportives nationales, qui sont financées par le gouvernement fédéral, d’adopter la politique antidopage, c’est-à-dire le Programme canadien antidopage. En découle une politique fédérale-provinciale-territoriale contre le dopage dans le sport, et chaque province et territoire a alors la possibilité d’adopter ou pas cette politique, si bien qu’elle ou il peut exercer sa compétence à cet égard.

Nous avons constaté un appui unanime pour le travail contre le dopage. J’ose croire que nous pourrions faire la même unanimité sur cette question aussi.

Me Bourgeois : Permettez-moi de faire un commentaire sur l’aspect réglementaire également. C’est déjà sur le métier. Le groupe de travail que je copréside est en train d’élaborer ce que nous espérons être une approche nationale de la structure de réglementation. Cette approche déterminera les risques et les techniques d’atténuation de ces risques, et déterminera quels sports seront admissibles aux paris sportifs. Encore une fois, les gens ne veulent pas parier sur tous les sports ou à tous les niveaux des sports, et la réglementation ne le permettra pas.

L’autre aspect consiste à essayer de dégager une compréhension au niveau national au sujet de la publicité, du jeu responsable et ainsi de suite. Jusqu’ici, les organismes de réglementation qui sont représentés au groupe de travail ont marqué un solide appui pour la définition d’une approche nationale de cet enjeu. L’application sera l’affaire de chaque organisme de réglementation dans sa province.

De même, depuis 20 ou 30 ans, il y a la Canadian Gaming Regulators Association, qui se réunit annuellement, mais poursuit les discussions. Cette association, de même que la CAJO, la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario, ont conclu un protocole d’entente international avec plusieurs grands organismes de réglementation dans le monde, du New Jersey, du Nevada, du Royaume-Uni, de Malte, et cetera. On comprend ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et on sait comment gérer les risques. Donc, sénateur, je pense que ces types d’éléments sont sur le métier au niveau national et s’appuient sur les relations existantes en place depuis 20 ans et plus.

Le sénateur Klyne : Merci. Très éclairantes, vos réponses.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Bourgeois. Monsieur Bourgeois, vous savez que le trafic de drogue est interdit par le Code criminel, mais vous conviendrez qu’il y en a tout de même, tout comme il y a encore du trafic de cannabis illégal, même si la vente et la consommation sont permises au Canada.

Donc, ce n’est pas parce que le trucage de matchs est interdit, conformément au Code criminel, que cela n’arrivera pas. Cependant, si l’on tient pour acquis qu’il y aura du trucage, quelle contribution le projet de loi apportera-t-il aux services de police pour combattre une criminalité qui pourrait prendre de l’ampleur avec l’ouverture des paris sportifs? Puisque nous voulons apporter des modifications au règlement, nous pourrions le faire de façon plus rigoureuse. Avec toute votre expérience, croyez-vous que le crime organisé, qu’on soupçonne d’être derrière ces matchs truqués et qui mène des opérations sur des réserves autochtones ou dans des pays qui échappent à notre contrôle, sera impressionné par les dispositions du projet de loi C-218?

[Traduction]

Me Bourgeois : Pour une partie de la réponse, j’aimerais revenir au temps de la prohibition de l’alcool. Jadis, on pouvait reconnaître celui qui vendait de l’alcool illégalement. Chaque fois que je demande à quelqu’un s’il a déjà acheté de l’alcool à un trafiquant ces deux dernières années, personne ne l’avoue.

L’industrie des spiritueux au Canada est une industrie hautement réglementée, qui a effectivement fait disparaître les incitations pour la vaste majorité du trafic d’alcool. N’arriverons-nous jamais, comme société, à éliminer 100 % du trafic d’alcool? Non.

Dans le cas du cannabis, on commence à voir des effets du changement d’il y a quelques années à la loi fédérale. L’impact est-il de 100 % aujourd’hui? Non. Je pense que nous pouvons appliquer ces exemples, par analogie, aux paris sur une épreuve. Il ne s’agit pas d’éliminer 100 % des activités criminelles, du crime organisé. La question est de savoir si nous pouvons amener la majorité des Canadiens qui s’intéressent aux paris sportifs à délaisser l’activité illégale pour l’activité réglementée. Je crois, sénateur, que c’est ce que ce projet de loi nous permet de faire. La plupart des gens veulent et choisiront le site de jeu légal et réglementé, le jeu légal et réglementé pour les paris sportifs, s’ils ont le choix.

Quant au suivi des questions entourant l’activité illégale, nous pouvons maintenant consacrer des ressources à la répression de l’activité illégale. Nous recueillons ces renseignements. S’il y a une activité illégale dans l’environnement réglementé, les organismes de réglementation peuvent recueillir ces renseignements et les transmettre à la Police provinciale de l’Ontario ou à la Gendarmerie royale du Canada.

En Ontario, le Bureau des enquêtes et de l’application des lois, qui fait partie de la Police provinciale de l’Ontario, est intégré à la CAJO. Ils occupent le même immeuble. La capacité d’échanger de l’information afin de monter un dossier contre les tricheurs dans l’industrie réglementée est très forte.

Cela va-t-il éliminer 100 % des criminels? Non. Cela va-t-il éliminer, sur un temps assez court, la plupart des personnes désireuses de se livrer à une activité criminelle? Oui.

Le sénateur Loffreda : Ma question s’adresse à nos experts, Me Bourgeois et M. Melia, du Centre canadien pour l’éthique dans le sport. Bienvenue, et merci de votre présence.

Pouvez-vous nous parler des politiques ou des pratiques exemplaires d’autres pays où les paris sur une épreuve sportive sont légaux? Dans ces administrations, quelle est l’ampleur du trucage couvert par le Code criminel? En quoi diffère-t-il de chez nous?

Me Bourgeois : Permettez-moi de commencer. Chaque pays traite ces enjeux différemment. Aux États-Unis, par exemple, le trucage et ces genres d’activités criminelles sont traités au niveau des États. Il y a un rapport avec le côté jeu également. Le Royaume-Uni et l’Australie, qui sont d’importants pays où le pari sur une épreuve est légal, traitent ces questions-là à leur façon.

La clé, par contre, c’est de cerner les risques sur le marché réglementé, de pouvoir les éliminer, et de transmettre de l’information de la ligue à l’organisme de réglementation, puis de l’organisme de réglementation au service d’application de la loi, afin de dénicher les tricheurs. Telle est la base du succès dans le contrôle des risques.

L’autre aspect dont Mme White et d’autres ont parlé est l’éducation, qui est aussi un aspect important dans la lutte contre le trucage des matchs.

Je suis tout à fait d’accord pour dire que l’éducation des athlètes, professionnels et amateurs, fait partie de ce qu’il faut mettre en place. C’est ce que le secteur tente de faire par l’intermédiaire des sociétés d’État.

M. Melia : Je suis d’accord avec mon collègue qui parle du côté législatif et réglementaire. Nous avons vu des pays, comme l’Australie, la Finlande et d’autres, se demander comment équiper le sport pour mieux gérer le problème, s’il y a des politiques qui définissent la manipulation de matchs, de la formation obligatoire pour les athlètes et les autres, des sanctions efficaces qui sont proportionnelles à la gravité de la faute, et un mécanisme de communication de l’information confidentielle pour enquête sur ces genres de violations.

Au Canada, nous n’avons rien fait, absolument rien, de tout cela dans le réseau sportif. C’est pourquoi je continue d’attirer notre attention là-dessus.

Le sénateur Wells : Je remercie nos témoins.

Maître Bourgeois, j’ai une question qui va un peu plus loin que la question précédente de la sénatrice Wallin. Vous avez déjà parlé de la nécessité et des avantages de la mise en place d’une structure réglementaire, et c’est ce que ce projet de loi nous permettrait de faire. Plus particulièrement, avec la spécificité d’une loi qui mentionne le trucage des matchs, y a-t-il un risque à avoir une loi spécifique par opposition aux lois qui existent déjà au Canada en matière de pots-de-vin, de fraude, de tricherie, et ainsi de suite? Pouvez-vous nous en toucher un mot, s’il vous plaît?

Me Bourgeois : Certainement, sénateur. Les questions qui ont été soulevées par mon collègue, ainsi qu’auparavant, sont couvertes par les articles 209 et 380 et certaines autres dispositions du Code criminel, et elles sont combinées avec le côté réglementation des éléments qui préviennent, détectent, et cetera.

Lorsque la législation pénale devient très spécifique, il y a un risque que la Couronne soit incapable de faire la preuve de chacun des éléments. Donc, le risque lié à une disposition très détaillée est qu’il sera impossible de réunir la preuve, et de prouver tous les éléments particuliers au-delà de tout doute raisonnable. Plus on est spécifique, plus la Couronne doit prouver des éléments spécifiques pour obtenir une condamnation.

Selon moi, il y a un risque, surtout depuis que, dans l’arrêt Riesberry, la Cour suprême du Canada nous a indiqué très clairement ce qui constitue les éléments de l’infraction. Encore une fois, comme je l’ai dit, la seule raison pour laquelle nous connaissons l’existence de M. Riesberry, c’est qu’il y avait une structure réglementée qui a transmis l’information nécessaire pour obtenir une condamnation.

Le sénateur Wells : Merci beaucoup. C’est utile.

Monsieur Melia, compte tenu de la nécessité, comme Me Bourgeois l’a signalé, de mettre en place un règlement et compte tenu également du désir du Canada de signer la Convention sur la manipulation de compétitions sportives, auriez-vous quelque chose à dire sur la nécessité de commencer par mettre en place le règlement, puis d’inciter le Canada à signer la convention après avoir conclu une forme quelconque d’entente avec les provinces? Nous sommes conscients des questions de compétence. Pourriez-vous nous parler de la séquence que je viens d’énumérer : mettre le règlement en place ou signer la convention?

M. Melia : Je pense que l’adoption du projet de loi C-218 et du cadre réglementaire qui l’appuierait est une première étape nécessaire. Mais il serait important que le Canada, comme pays, se penche sur la Convention de Macolin et envisage de la signer, sinon de la ratifier ensuite, parce qu’elle propose des pratiques exemplaires en ce qui concerne certaines mesures qu’un pays peut prendre, dans sa législation et dans son réseau sportif. Ce serait, selon moi, extrêmement utile pour notre pays.

Le sénateur Wells : Merci beaucoup. Je n’ai pas d’autres questions. Je vous remercie de vos commentaires.

Le sénateur Cotter : Merci, monsieur le président, et merci au comité de m’avoir donné l’occasion de participer à son étude et de poser quelques questions à ces témoins. Nous avons eu d’excellents exposés, et je vous remercie tous les deux.

Ma question s’adresse peut-être à vous deux. Monsieur Melia, vous avez parlé de sports à haut risque. Je constate que dans les 23 États américains qui se sont mis en frais de légaliser les paris sportifs, 15 ont encadré et limité les sports sur lesquels il est légal de parier et ont rendu illégaux les paris sur les sports collégiaux et certains sports de ligues mineures. J’ai aussi l’impression, d’après ce que j’ai pu lire, qu’une grande partie de ces paris dans le cadre réglementaire juridique ne sont pas particulièrement fréquents ni rentables pour les agences de paris sportifs.

Monsieur Melia, est-il possible, dans le cadre canadien, si ce projet doit être adopté, que les organismes de réglementation fassent des choix semblables et soient guidés par la recherche qui a fait dire au centre qu’il faut exclure ces sports parce que les athlètes pourraient être plus vulnérables et ainsi de suite aux problèmes que vous avez soulevés?

Je vais poser ma deuxième question, puis me taire et écouter. J’ai lu et je connais la convention, monsieur Melia, qui a été signée en 2014. Elle semble constituer un excellent cadre pour de vastes stratégies de répression du trucage de matchs, d’éducation, et ainsi de suite. Mais seulement sept pays l’ont ratifiée en Europe. Ce faible nombre est un peu mystérieux pour moi, puisqu’il s’agit d’une convention davantage axée sur l’Europe, mais tout de même avantageuse pour le Canada. Savez-vous pourquoi l’adoption en Europe prend plus de temps que ce qu’on aurait pu prévoir? Merci.

M. Melia : Merci pour ces deux questions. Pour ce qui est de la première question, comme mon collègue l’a signalé, il semble que l’industrie du jeu, les commissions de loterie et le groupe de travail auquel participe Me Bourgeois analysent activement ces genres de mesures pour atténuer et amoindrir le risque en contrôlant les sports et les résultats sportifs où il est permis de parier. Selon moi, ce seraient là d’importantes mesures à prendre pour réduire la menace de manipulation de matchs.

Bien que je ne sois pas contre l’analogie de la prohibition et bien que les efforts pour légaliser un régime de paris sur une épreuve au Canada soient de plus en plus populaires, ils n’élimineront pas immédiatement les paris en ligne sur une épreuve, qui sont exploités en grande partie par le crime organisé, qui ciblent les sports de niveau inférieur et qui ont cours actuellement. Ils se poursuivront. Je suppose que le pari en ligne sur une épreuve continuera de cibler les sports de niveau inférieur au Canada et des occurrences particulières dans un sport; par exemple, au tennis, tel joueur commettra une double faute dans le deuxième jeu de la deuxième manche. Ce sont les manipulations qui se font. Il est facile de convaincre un joueur de niveau inférieur de s’y prêter parce qu’il n’a pas l’impression de compromettre l’intégrité du match. Il prend l’argent et le fait, mais il est alors entraîné dans ce réseau, et il a du mal à s’en échapper. C’est la même chose dans le basket-ball de la NCAA, la National Collegiate Athletic Association.

La stratégie serait importante et, en définitive, je pense, comme l’a expliqué mon collègue, efficace à long terme. Mais, à court terme, nous avons besoin des politiques dont j’ai parlé.

Pour revenir à la convention, je ne saurais vous dire en connaissance de cause pourquoi seulement sept pays l’ont ratifiée. Sauf erreur, 31 pays l’ont signée. Je suppose que, par leur signature, ils continuent d’explorer s’il y a lieu de la ratifier dans leur pays et leur administration.

Comme vous l’avez mentionné, la convention propose une foule de bonnes stratégies et approches que le Canada, comme pays, devrait envisager d’adopter.

Le sénateur Cotter : Puis-je poser une question complémentaire? Les deux témoins ont peut-être une idée des raisons pour lesquelles le Canada ne s’est pas intéressé plus sérieusement à cette convention, du moins jusqu’à maintenant.

M. Melia : Nous sommes certainement au courant. Le gouvernement canadien est au courant. Nous le savons parce que nous participons aux réunions de Conseil de l’Europe sur cet enjeu et l’antidopage. Mon organisation est au courant. Je sais que le gouvernement du Canada est au courant également. Je ne peux pas parler pour lui ni dire s’il a discuté de l’opportunité de préconiser que le Canada signe cette convention.

Je ferai quand même observer que le gouvernement du Canada s’attaque à de nombreuses priorités conflictuelles dans le domaine du sport canadien au niveau fédéral, soit la limitation des ressources et des capacités. De même, nous n’avons pas eu de scandale majeur en manipulation de matchs comme le scandale du dopage de Ben Johnson aux Jeux olympiques de Séoul en 1988, qui a donné l’impulsion nécessaire pour faire quelque chose contre le dopage. J’espère que nous n’attendrons pas un autre scandale comme celui-là au Canada avant de prendre des mesures sérieuses et importantes pour contrer la manipulation des matchs dans le sport.

Le sénateur Cotter : Il y a quelques années, un de vos conférenciers à la conférence sur le trucage de matchs a fait valoir qu’il faudrait peut-être malheureusement une catastrophe, côté trucage de matchs, pour nous faire réagir plus proactivement. Merci.

Le président : Voilà qui conclut les témoignages de nos deux témoins. Nous apprécions vraiment vos témoignages d’aujourd’hui. Encore une fois, s’il y a une question brûlante, nous serons heureux de la recevoir. Autrement, nous pouvons conclure les témoignages et passer à la prochaine partie de nos travaux. Merci encore une fois de vos témoignages d’aujourd’hui.

Je pense qu’il y a deux questions que nous pourrions aborder, dont l’une à huis clos, probablement. J’espère que nous pouvons maintenant procéder à l’étude article par article du projet de loi C-218. Êtes-vous d’accord pour que le comité procède à l’étude article par article du projet de loi C-218, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs)?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Cotter : Je vais maintenant me retirer. Je vous remercie de m’avoir invité pour la présentation et je remercie les témoins.

Le président : Merci de vos commentaires et de vos questions.

Le sénateur Massicotte : Je vais faire de même, étant donné que je ne vote pas.

Le président : Merci, sénateur Massicotte, de votre participation.

La sénatrice Ringuette : Je suis membre avec droit de vote, mais je dois partir pour assister à une très importante séance d’information. J’ai lu le projet de loi, obtenu les réponses à mes questions et suis satisfaite. Merci.

Le président : Merci de vos questions et de votre participation, comme toujours, sénatrice Ringuette. Merci de nous avoir informés. Nous avons quorum, et je pense que nous pouvons continuer.

Dois-je reposer la question, honorables sénateurs?

Êtes-vous d’accord pour que le comité procède à l’étude article par article du projet de loi C-218, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs)?

Des voix : D’accord.

Le président : L’étude du titre du projet de loi est-elle reportée?

Des voix : D’accord.

Le président : L’étude de l’article 1, qui renferme le titre abrégé, est-elle reportée?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 2 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 3 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 1 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Le comité souhaite-t-il étudier la possibilité d’annexer des observations au rapport?

La sénatrice Moncion : J’ai une question. Nous avons reçu de l’information du groupe mohawk. Est-ce quelque chose que nous voulons examiner, ou quelque chose que nous voulons ignorer?

Le président : Le comité sénatorial souhaite-t-il discuter de cette question?

Le sénateur Wells : Merci, de fait, je l’ai déjà fait. J’ai eu plusieurs réunions avec la chef Deer et d’autres membres de la communauté mohawk. J’ai reçu l’amendement que les Mohawks ont envoyé à la Chambre. Je lui ai parlé ce matin vers 9 heures. Leur principal problème est le partage des compétences avec le gouvernement du Québec. Nous pouvons toujours en parler, mais je ne sais pas s’il y a grand-chose à faire. Je l’ai dit à la chef Deer. Ils ont aussi parlé de leur échange de lettres avec le ministre Lametti du camp fédéral, mais cela échappe à notre contrôle. Cela n’a rien à voir au projet de loi. J’ai demandé si nous pouvions faire quelque chose, même sous forme d’observation. Elle a dit pendant notre entretien qu’à moins de retarder l’adoption du projet de loi, cela ne sert pas à grand‑chose. Je l’ai encouragée à maintenir ses contacts avec le gouvernement du Québec.

C’est tout ce que je peux dire à ce sujet. La Chambre a jugé bon de ne pas retenir l’amendement. La Chambre ne nous a pas proposé officiellement d’amendement. J’en ai une copie et je suis d’accord.

La sénatrice Moncion : Dans quelle mesure est-il nuisible d’ajouter ou de ne pas ajouter leur amendement au projet de loi? En quoi cela change-t-il le projet de loi? Je ne vois pas le problème. Je comprends le problème provincial, mais je ne vois pas où est le problème dans le projet de loi.

Le président : Je me demande si je pourrais interrompre momentanément la discussion, parce que je pense que vous soulevez une question très importante. Nous sommes tous sensibles à ces enjeux, et je pense que nous sommes conscients des enjeux liés aux relations avec le Québec au sujet de ce dont nous discutons.

Je proposerais — et je vois que le sénateur Klyne a un commentaire à faire — que nous en traitions dans le cadre d’observations et que nous en discutions à huis clos afin d’avoir un bon débat sur ces questions et sur les autres implications du projet de loi. Je suis d’avis que nous devrions envisager de le faire à ce stade-ci.

Si vous le souhaitez, nous pouvons passer au huis clos et en parler maintenant, quitte à revenir pour conclure si nous sommes prêts ou pas à faire rapport du projet de loi, avec ou sans observation. Cela serait-il acceptable pour le comité?

Des voix : D’accord.

Le président : Sénateur Klyne, vous avez levé la main. Trouveriez-vous cela acceptable?

Le sénateur Klyne : Oui, et je voulais simplement appuyer ce que le sénateur Wells a dit. C’est bien une question de compétence, et j’appuie votre commentaire proposant une observation sur ce qui a été présenté.

On demande essentiellement au gouvernement fédéral de s’immiscer dans les compétences provinciales. Comment est-ce allé aussi loin? Je n’en ai aucune idée. Comme nous le savons, le jeu et sa réglementation sont l’affaire des provinces, mais les Mohawks ont créé un précédent et continué. Ils n’ont pas créé le précédent. Lorsqu’il a été créé, le gouvernement du Québec n’a pas eu de réaction.

Si nous voulons l’accepter, nous devrons le mettre aux voix, et je ne sais pas où cela nous mènera, mais je pense qu’il y a plusieurs bonnes raisons pour lesquelles nous devrions poursuivre notre étude du projet de loi. Faire une observation maintenant pour apporter un amendement torpillerait le projet de loi. C’est un projet de loi d’initiative parlementaire, ne l’oublions pas.

Le président : Je n’entends pas nécessairement cela, mais il serait apprécié...

Le sénateur Klyne : J’appuie d’emblée ce que vous proposez, monsieur le président.

Le président : Merci.

Le sénateur Wells : Nous venons de faire deux observations au sujet du projet de loi S-3, et nous avons utilisé des mots comme « nous ne pouvons pas contraindre », à moins d’apporter un amendement et de renvoyer le projet de loi modifié à la Chambre, qui le renverra au Sénat. Dans les observations, nous pouvons utiliser des mots comme « nous incitons », « nous encourageons » ou « nous appuyons ». Nous pouvons utiliser ce genre de formulation.

De fait, en songeant aux observations qui pourraient être faites, j’en ai écrit une concernant la Convention sur la manipulation de compétitions sportives : « Le comité encourage le gouvernement fédéral à étudier la possibilité de signer ce traité afin de nous aligner sur les pratiques internationales en matière de lutte contre le trucage de matchs et de travailler avec les provinces qui ont compétence sur le jeu à cet égard. » Je serais heureux d’y aller d’un premier jet. Nous pourrions trouver une formulation qui ne force personne à faire quoi que ce soit, mais nous pourrions encourager les provinces à travailler avec les autorités compétentes — ce genre de formulation. Qu’en penseriez-vous, sénatrice Moncion? De fait, nous pourrions travailler ensemble à la formulation, si vous voulez, et nous pourrons revenir là-dessus par courriel.

La sénatrice Bellemare : Monsieur le président, nous ne sommes pas encore à huis clos.

Le président : Je le sais. J’aimerais pouvoir conclure cette discussion et passer au huis clos.

La sénatrice Moncion : Je pensais que nous l’étions déjà, car en lançant cette conversation, vous avez dit que nous allions siéger à huis clos.

La sénatrice Bellemare : Non, c’est public.

La sénatrice Moncion : Désolée.

Le président : C’est très bien. Nous n’avons fait que discuter de questions importantes, et je pense que nous pourrions conclure à huis clos. Ce serait probablement plus approprié et acceptable à ce moment-ci.

Madame la greffière, j’aimerais que nous discutions à huis clos des observations, après quoi nous pourrons reprendre la séance publique. Vous aurez besoin de quelques minutes pour passer au huis clos, si je comprends bien. Merci. Allez-y.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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