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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 26 mai 2021

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), par vidéoconférence, pour examiner la teneur des éléments des sections 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8 et 9 de la partie 4 du projet de loi C-30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 avril 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Le sénateur Howard Wetston (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir à vous tous, honorables sénateurs.

J’aimerais commencer par souhaiter la bienvenue aux membres du comité, aux témoins, ainsi qu’aux personnes qui suivent cette réunion sur le Web. Je m’appelle Howard Wetston, et je suis le président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude préalable de la teneur de certaines sections du projet de loi C-30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 avril 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures, avant que le Sénat en soit saisi. Plus précisément, le comité examinera aujourd’hui les dispositions ou les éléments contenus dans les sections 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8 et 9 de la partie 4 du projet de loi. Nous avons du pain sur la planche, ce soir.

Avant de commencer, j’aimerais rappeler aux sénateurs et aux témoins qu’ils doivent garder leurs microphones en sourdine en tout temps, à moins d’être nommés par le président. Comme nous l’avons fait dans le passé, veuillez signaler votre désir de prendre la parole, de soulever un problème ou de poser des questions en utilisant la fonction « lever la main ».

J’aimerais maintenant que les membres du comité se présentent. Commençons par les vice-présidents et ensuite, comme nous avons l’habitude de le faire, nous irons d’est en ouest, en commençant par la sénatrice Marshall, qui vit dans la belle province de Terre-Neuve. Commençons par les vice-présidents et ensuite nous irons d’est en ouest à travers le pays.

La sénatrice Wallin : Sénatrice Pamela Wallin. Je suis une sénatrice de la Saskatchewan.

Le sénateur Smith : Sénateur Larry Smith, sénateur du Québec.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Bellemare : Sénatrice Diane Bellemare, du Québec.

Le sénateur Loffreda : Sénateur Tony Loffreda, du Québec.

La sénatrice Moncion : Sénatrice Lucie Moncion, de l’Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Marty Klyne de la Saskatchewan. Je me trouve sur le territoire du Traité 4, le territoire des Métis.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le président : Si vous n’êtes pas à l’aise avec cette façon de vous présenter, nous passerons une demi-heure à discuter d’une autre façon de procéder à un moment donné. Merci, sénateurs.

Les témoins du premier groupe se concentreront sur la section 7 du projet de loi C-30. Nous avons avec nous des membres du ministère des Finances du Canada, du CANAFE et de Transparency International Canada.

Je ne vais pas présenter les témoins, mais avant de commencer, j’aimerais demander aux sénateurs et aux témoins de faire des interventions brèves et de veiller à ce que chaque membre puisse au moins poser une question et répondre. Si le temps le permet, nous ferons un deuxième tour.

Je vous remercie tous de vous joindre à nous ce soir. Nous commencerons par la déclaration liminaire de M. Brown, qui sera suivie de celle de la surintendante Bradshaw, puis de celle de M. Cohen. Je crois savoir que M. Wallace, du CANAFE, aidera le ministère des Finances à répondre aux questions et qu’il sera à notre disposition pour répondre à toute autre question. Nous vous écoutons, monsieur Brown.

Justin Brown, directeur général par intérim, Gouvernance et opérations des crimes financiers, ministère des Finances du Canada : Bonjour. Je m’appelle Justin Brown. Je suis le directeur principal de la politique sur les crimes financiers au ministère des Finances, et je suis ici pour parler de la partie 4, section 7.

Le gouvernement s’est engagé à adopter une approche globale de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme qui favorise l’intégrité du système financier et la sécurité des Canadiens. Dans le cadre de cette approche, le gouvernement travaille régulièrement à renforcer et à moderniser le régime de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes, par exemple pour répondre aux changements technologiques et à l’évolution des menaces.

La section 7 de la partie 4 propose des modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes afin d’élargir l’application de la loi aux entreprises qui se livrent au transport d’espèces et de certains autres instruments financiers, comme les services de véhicules blindés; de resserrer les peines prévues par la loi et les exigences d’enregistrement des entreprises de transfert de fonds; d’améliorer l’efficacité opérationnelle de l’organisme de réglementation de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes, le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE, en permettant un modèle de recouvrement des coûts pour ses activités de conformité; de clarifier ses pouvoirs de faire un suivi auprès des entités déclarantes pour obtenir des renseignements; et d’élargir le champ des renseignements qu’il peut communiquer aux organismes d’application de la loi et aux autres destinataires des cas communiqués.

Enfin, les modifications proposées comprendraient des modifications techniques, telles que la clarification des définitions de « national politiquement vulnérable » et de « dirigeant d’une organisation internationale ». Je vous remercie.

Le président : Merci d’avoir été si bref. C’est très apprécié. Je crois que nous allons passer à la surintendante Bradshaw. Merci beaucoup.

Kelly Bradshaw, directrice générale par intérim, Criminalité financière et cybercriminalité, Gendarmerie royale du Canada : Merci beaucoup. Je suis la surintendante Kelly Bradshaw, et je suis la directrice générale par intérim, Criminalité financière et cybercriminalité, Police fédérale, Gendarmerie royale du Canada. Je suis ravie de comparaître devant ce comité dans le cadre de l’étude de la Loi d’exécution du budget.

La GRC a pour mandat, en vertu du Code criminel et de la Loi sur les infractions en matière de sécurité, d’enquêter sur les infractions susceptibles de constituer des menaces pour l’intégrité économique et la sécurité nationale du Canada, comme la criminalité financière, la cybercriminalité, l’espionnage et les activités d’influence étrangère. Ces types d’enquêtes sont des priorités de longue date de la Police fédérale et de la GRC.

À l’appui de ses efforts pour assurer la sécurité des Canadiens et pour prévenir, détecter et perturber les crimes qui menacent l’économie et la sécurité du Canada, la GRC travaille avec des partenaires partout au Canada dans les secteurs public et privé. De plus, la GRC collabore avec ses partenaires internationaux d’application de la loi afin de remédier à ces problèmes. Cette collaboration nécessaire témoigne de la responsabilité partagée de combattre ces types de crimes non seulement au Canada, mais partout dans le monde.

Les États et entités non étatiques hostiles, y compris les groupes qui s’adonnent au crime transnational grave et organisé, représentent une menace importante pour la sécurité des Canadiens et l’intégrité économique du Canada. Les groupes du crime organisé et les acteurs hostiles comptent sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme pour perpétuer leurs activités illégales.

Je tiens à dire que la GRC entretient une solide relation de travail avec le CANAFE, et que les communications du CANAFE fournissent des renseignements précieux à l’appui des opérations criminelles. Les modifications proposées pourraient renforcer les communications du CANAFE et ainsi soutenir plus efficacement les enquêtes de la GRC sur les crimes financiers.

En raison des listes aux frontières et de la nature complexe du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme, la collaboration avec le secteur privé ainsi qu’avec les organismes d’application de la loi nationaux et internationaux demeurera un élément essentiel de la lutte contre le crime organisé transnational, les réseaux internationaux de blanchiment d’argent et les financiers du terrorisme.

La GRC continuera de travailler avec ses partenaires nationaux et internationaux pour appliquer les lois relevant de sa compétence afin de lutter contre les problèmes complexes liés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. Merci.

James Cohen, directeur général, Transparency International Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m’avoir invité à m’adresser à vous aujourd’hui. Je m’appelle James Cohen et je suis le directeur général de Transparency International Canada. TI Canada est un organisme de bienfaisance enregistré et constitue la section canadienne de Transparency International, le plus important mouvement anticorruption au monde.

Le budget fédéral de 2021 a apporté de bonnes nouvelles pour les défenseurs canadiens de la lutte contre le blanchiment d’argent. Bien que le projet de loi C-30 n’en traite pas explicitement, il convient de profiter de l’occasion pour citer la proposition de la ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, de consacrer 2,1 millions de dollars à Innovation, Sciences et Développement économique Canada en vue de l’établissement d’un registre des bénéficiaires effectifs des sociétés qui soit accessible au public d’ici 2025.

Dans la foulée de la fuite des Panama Papers et des Paradise Papers, un avocat a inventé l’expression « snow washing », ou blanchiment à la neige, pour décrire la pratique consistant à blanchir de l’argent sale au Canada par l’entremise de sociétés fictives, de façon à ce que l’argent ressorte aussi pur que la neige. Les entreprises habilitantes, comme celle qui est au cœur des Panama Papers, Mossack Fonseca, présentent le Canada à leurs clients comme étant un refuge pour l’argent illicite parce que personne ne pense au Canada pour le blanchiment d’argent, et à cause de la faiblesse des lois anti-blanchiment et de leur application au Canada.

Avec l’annonce du registre public dans le budget de 2021, le Canada a pris une mesure importante pour se défaire de sa réputation d’endroit où il est facile pour les criminels de cacher de l’argent illicite. Nous avons devancé les États-Unis, qui ont adopté en janvier de cette année la Corporate Transparency Act, une loi qui n’établit qu’un registre privé de propriété effective. Le Canada rejoindra ses partenaires internationaux qui disposent de registres publics, notamment le Royaume-Uni, la France et d’autres pays de l’Union européenne.

TI Canada et les experts et représentants de la société civile qui sont nos partenaires soulignent à quel point il est important pour le Canada de saisir cette occasion de créer le registre de propriété effective le plus efficace au monde, capable de freiner l’entrée de l’argent sale dans notre économie et d’avoir une incidence positive sur les affaires et la sécurité publique.

Tout d’abord, nous devons nous assurer que le registre est réellement accessible au public. Cela signifie qu’il ne doit pas être payant. Le registre doit également être facile à consulter et ouvert aux citoyens non canadiens.

Deuxièmement, un bénéficiaire effectif au sens de la loi canadienne doit détenir 25 % de la propriété directe ou indirecte d’une société. Ce pourcentage est conforme à celui des pairs internationaux, mais il est également arbitraire. Certains États fixent le seuil de propriété effective à 10 % seulement. Le Canada devrait suivre cet exemple et abaisser son seuil, de même qu’exiger de tout candidat qu’il déclare qui il représente dans le contrôle de la société.

Troisièmement, le registre a besoin de systèmes de vérification des données. Cet aspect est essentiel pour garantir la légitimité et l’efficacité du registre. Diverses organisations capables d’apporter leur contribution, comme le Conseil d’identification et d’authentification numériques du Canada, travaillent actuellement aux ID numériques. Pour dissuader et même punir ceux qui falsifieraient volontairement de l’information, le registre doit être assorti d’un large éventail de sanctions, y compris des peines d’emprisonnement pour les auteurs de crimes graves. Cela contribuerait grandement à empêcher les criminels d’abuser des entreprises canadiennes.

Quatrièmement, il faut une ligne téléphonique anonyme pour que le public puisse signaler aux autorités toute information inexacte ou tout propriétaire suspect. Cette ligne pourrait ressembler à celle de l’Agence du revenu du Canada, qui permet de dénoncer les personnes qui fraudent le fisc. Un registre disposant d’un effectif suffisant peut donner suite aux enquêtes appropriées. Les pistes fournies par la société civile et les journalistes d’enquête seront certes importantes, mais le personnel responsable du registre devrait être autorisé à user de son pouvoir discrétionnaire pour examiner les données, produire des rapports sur les tendances, émettre des rappels de conformité et imposer des sanctions.

Le gouvernement fédéral devra créer ce registre en l’harmonisant avec les provinces et les territoires. Certaines provinces ont déjà amorcé un mouvement qui correspond à celui d’Ottawa.

Le président : Monsieur Cohen, il va falloir abréger votre déclaration, car nous avons beaucoup de questions et de témoins. Je reconnais que vous abordez des sujets qui seront examinés à l’avenir. Profitons de cette occasion pour essayer de rester dans les limites de ce que nous essayons de faire aujourd’hui.

M. Cohen : En ce qui concerne la teneur du projet de loi C-30, je voudrais souligner les modifications proposées dans la section 7, à l’alinéa 161(1)c), et aux paragraphes 161(2) et (4). Il s’agit de modifications proposées concernant les nationaux politiquement vulnérables, au pays ou à l’étranger, dans la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. TI Canada recommande que le ministère des Finances publie une évaluation des risques qui expose les raisons pour lesquelles il estime que des organismes tels que les organisations sportives internationales et les maires devraient désormais être explicitement identifiés dans la loi. Le ministère des Finances n’a pas publié un tel rapport depuis l’Évaluation des risques inhérents au recyclage des produits de la criminalité et au financement des activités terroristes au Canada réalisée en 2015. La publication d’un tel rapport aiderait le public et les parties prenantes à comprendre d’où viennent ces recommandations.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

La sénatrice Wallin : Je vous remercie tous de vos déclarations. Si c’est possible, j’aimerais avoir un aperçu général de l’état des lieux ou du contexte, je vous prie.

Selon l’Institut C.D. Howe, plus de 100 milliards de dollars par an sont blanchis ici au Canada, ou « blanchis à la neige », comme nous l’a dit l’un de nos témoins. À l’heure actuelle, 99 % des activités de blanchiment ne sont pas repérées au Canada. Y a-t-il quelque chose de particulier qui a déclenché cette motion maintenant? Comme vous l’avez tous dit, cela dure depuis toujours. Les chiffres augmentent chaque année. Pourquoi cela? Pourquoi maintenant? Est-ce qu’un événement heureux à l’échelle mondiale ou nationale a provoqué cela?

Monsieur Brown, si vous voulez bien commencer, nous entendrons ensuite la surintendante Kelly.

M. Brown : Le gouvernement du Canada continue de financer le régime et d’analyser les différents risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, et il prend régulièrement des mesures pour faire face à ces risques, que ce soit par des modifications aux règlements, comme nous l’avons fait au cours des deux dernières années — un grand nombre de règlements prendront effet le 1er juin —, ou par des modifications législatives comme celles dont nous discutons aujourd’hui. Il pourrait également s’agir du financement de différentes initiatives ou agences impliquées dans la lutte contre le blanchiment d’argent.

Ce projet de loi propose une série de modifications relativement ciblées visant à combler les lacunes qui ont été récemment relevées, mais des améliorations permanentes sont apportées au régime sur une base assez régulière.

La sénatrice Wallin : Surintendante Kelly, j’aimerais que vous nous disiez si une activité particulière est à l’origine de cela. Y a-t-il quelque chose de nouveau ou de différent, compte tenu des devises et de tout cela, qui a déclenché cela?

Mme Bradshaw : Je vous remercie de votre question. Le blanchiment d’argent est complexe, et c’est un problème important auquel sont confrontés de nombreux pays, dont le Canada.

Les groupes du crime organisé comptent sur le blanchiment d’argent pour dissimuler leurs profits et leurs activités illicites, et pour soutenir et accroître leurs activités criminelles. Les groupes criminels ont de plus en plus recours à des blanchisseurs d’argent professionnels qui offrent leurs services contre rémunération. Ils s’efforcent de donner une légitimité aux produits du crime.

Les groupes criminels organisés utilisent de plus en plus les cryptomonnaies, comme nous le constatons dans nos enquêtes. Il s’agit d’un moyen sophistiqué de déplacer de la valeur. La GRC doit s’assurer d’avoir la technologie, les compétences spécialisées et la formation nécessaires. Nous y travaillons, et nous sommes en mesure d’enquêter sur ces types de crimes et sur la façon dont ils déplacent leurs valeurs.

Le volume, la taille et la rapidité des transactions de blanchiment d’argent, combinés à ces avancées technologiques, aux cryptomonnaies — nous voyons cela même dans les opérations de blanchiment d’argent haut de gamme maintenant, ce qui présente des défis pour l’application de la loi lorsque nous essayons de suivre l’argent. À ce titre, nos enquêteurs et nos analystes doivent veiller à se tenir au courant et à posséder cette expertise afin de pouvoir décourager efficacement ces activités illégales au Canada.

La sénatrice Wallin : Merci.

Le sénateur Smith : Monsieur Wallace, en ce qui concerne le CANAFE et les relations internationales avec d’autres groupes qui tentent de faire respecter les règles, pourriez-vous nous donner un aperçu de certaines des relations que vous entretenez à l’échelle internationale et nous dire si vous travaillez à des projets en collaboration afin de retrouver ensemble les parties en cause? S’agit-il d’une pratique courante ou avez-vous votre propre direction et procédez-vous de manière isolée?

J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, s’il vous plaît.

Bruce Wallace, gestionnaire, Politiques stratégiques et révisions, Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada : Je vous remercie de votre question. La réponse courte est oui. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos homologues étrangers, en particulier les pays du Groupe des cinq et les principaux partenaires commerciaux. Il est logique de penser que, souvent, l’argent suit le commerce. Si vous examinez les transactions financières, notamment en ce qui concerne le blanchiment d’argent basé sur le commerce, c’est souvent avec nos grands partenaires commerciaux que nous travaillons le plus.

Cela étant dit, nous avons plus de 100 protocoles d’entente avec d’autres unités du renseignement financier à l’échelle du monde. Et nous échangeons régulièrement de l’information avec les autres unités du renseignement financier, ou URF. Comme l’a indiqué ma collègue de la GRC, le blanchiment d’argent est complexe et de portée internationale. Nous comptons sur les autres institutions financières pour nous fournir des renseignements qu’elles détiennent dans leurs banques de données afin de faire progresser notre propre travail.

Le sénateur Smith : Avez-vous des indicateurs de rendement pour faire chaque année un suivi par rapport à l’année précédente? Parlez-vous à d’autres intervenants à l’échelle internationale pour vous faire une idée des progrès réalisés? Avez-vous des observations à faire pour nous au sujet de la façon dont vous mesurez votre rendement?

M. Wallace : Il y a deux critères. Pour ce qui est des activités d’une année à l’autre, nous faisons un suivi du nombre de demandes que nous présentons à d’autres institutions, ainsi que du nombre de demandes que nous recevons et du nombre de demandes auxquelles nous répondons. Nous avons les chiffres et les paramètres pour ce qui est de nos activités. De plus, chaque fois que nous divulguons des renseignements à l’échelle internationale, nous fournissons ce qui équivaut à un formulaire de rétroaction pour qu’on nous indique à quel point l’information s’est révélée utile. Était-elle utile? Ce n’est pas tout le monde qui nous répond, mais nous faisons un suivi de la rétroaction lorsque nous effectuons ce genre de divulgations. La plupart du temps, ce qu’on nous dit, c’est que l’information a aidé l’unité de renseignement financier d’une certaine façon.

Le sénateur Smith : Merci.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ma question sera plutôt globale. Je suis économiste de formation et j’aimerais comprendre l’enjeu financier de ce projet de loi. Je pense que la sénatrice Wallin a donné des chiffres, mais je voudrais les valider auprès de vous. Avez-vous une idée de ce qu’on vise ou de la somme des fraudes et du blanchiment d’argent? Quel est le volume d’argent auquel on s’attaque? Combien cela rapporte-t-il?

En essayant d’empêcher les gens de commettre des fraudes et de punir ceux qui en commettent, réussit-on à récupérer le coût de cette recherche d’argent? Le budget est-il couvert par ce que vous récupérez? Pouvez-vous me faire un portrait des coûts-avantages de cet exercice?

M. Brown : Malheureusement, je ne pense pas avoir de bonne réponse à votre question. Les coûts du blanchiment d’argent sont difficiles à mesurer. Je pense que la sénatrice Wallin a présenté un chiffre, mais on ne connaît pas nécessairement la somme du blanchiment d’argent au Canada. C’est une question mondiale. Les autres pays ont des défis semblables.

En même temps, il est difficile de dire précisément quel est le montant du blanchiment d’argent ou du financement du terrorisme que ces mesures particulières vont permettre de récupérer; il est très difficile de faire une analyse de coût-avantage. Je peux dire que les modifications proposées vont renforcer le régime. On croit que cela renforcera les efforts visant à enrayer le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, mais je n’ai pas de chiffres indiquant les coûts précis, malheureusement.

La sénatrice Bellemare : Peut-on aussi dire qu’on veut réduire des coûts humains grâce à toutes ces mesures? Par exemple, si on s’attaque à la traite des personnes, il y a des bénéfices humains qui en valent le coût, mais qui ne se mesurent pas tellement; toutefois, il est important d’essayer de régler ce problème.

M. Brown : Oui, tout à fait. On sait que les Canadiens et les Canadiennes sont les victimes de crimes et les efforts pour renforcer le régime antiblanchiment d’argent vont sûrement aider les Canadiens et les entreprises qui sont également victimes des crimes. Cependant, lorsqu’il s’agit de vous fournir des données sur l’impact particulier sur les personnes, je ne suis pas en mesure de le faire.

On continue notre analyse. Il y a de la recherche effectuée à l’échelle internationale, des rapports qui présentent des montants, mais souvent, l’éventail des sommes ou du coût du blanchiment d’argent est très vaste; ce n’est pas une science exacte.

La sénatrice Bellemare : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Je remercie nos témoins de s’être joints à nous.

Ma question porte sur la prévention et la détection des produits de la criminalité, le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes en ce qui a trait aux monnaies virtuelles, qui gagnent de plus en plus de terrain, comme nous le savons. Les opinions diffèrent quant à la mesure dans laquelle elles prendront de la place à l’avenir. Nous savons tous que la technologie de la chaîne de blocs fait en sorte qu’elles sont difficiles à suivre et à retracer, et qu’elle rend les utilisateurs anonymes.

Vous pouvez peut-être parler de la façon dont le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE, et vous enquêteront sur les soupçons d’activités de blanchiment d’argent. Comment pouvons-nous au Canada ne pas nous contenter de suivre les autres en étant plutôt des leaders dans le domaine? Mettons-nous en commun des pratiques exemplaires, ou cette loi fait-elle suffisamment ce qu’elle est censée faire pour ce qui est des monnaies virtuelles ainsi que de la prévention et la détection?

M. Brown : Merci. Je vais céder la parole à M. Gabriel Ngo, qui est analyste principal dans mon équipe à Finances. Il s’est beaucoup penché sur la question des actifs virtuels. Il peut en dire plus sur le cadre législatif, auquel on a apporté des améliorations. Et ensuite, bien entendu, la GRC ou le CANAFE peut en dire plus sur le renseignement ou les enquêtes.

Gabriel Ngo, conseiller principal, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur le sénateur, et merci, monsieur Brown, de votre introduction.

En ce qui concerne le Canada, nous avons fini de préparer la réglementation sur les monnaies virtuelles en 2019. Elle est entrée en vigueur pendant la période de transition en 2020. La gamme complète de règlements entrera en vigueur le 1er juin 2021.

Ces exigences réglementaires visent les entreprises qui utilisent des monnaies virtuelles : celles qui font des transferts et celles qui offrent des services de change. Cette réglementation viserait toutes les entreprises qui convertissent des monnaies fiduciaires en monnaie virtuelle ou une monnaie virtuelle en monnaie virtuelle.

C’est conforme aux normes internationales qui sont établies par le Groupe d’action financière et dont on a aussi réglé les derniers détails en 2019. Le Canada est un chef de file grâce à la mise en place de ces règlements et d’un régime pour réglementer les entreprises, et pour que les forces de l’ordre et plus précisément le CANAFE aient de l’information à leur disposition.

Grâce à ces règlements, mises à part les exigences relatives à la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, comme un programme de vérification, la formation et la tenue de dossiers, il y a aussi la déclaration des transactions. Les entreprises qui utilisent des monnaies virtuelles devront déclarer au CANAFE toutes les sommes de 10 000 $ ou plus qu’elles reçoivent en monnaies virtuelles, ce qui devrait faciliter le travail effectué par le CANAFE pour analyser les renseignements financiers et les communiquer ensuite aux forces de l’ordre.

Je souligne que l’obligation de faire rapport au CANAFE s’appliquerait à tous les secteurs d’entités déclarantes. Toutes les entreprises assujetties au CANAFE, il y en a environ 24 000, qui reçoivent 10 000 $ ou plus en monnaie virtuelle seraient également tenues de le signaler, ce qui comprend les entreprises du secteur immobilier, les marchands de pierres et de métaux précieux, et essentiellement tous les autres domaines, comme celui du courtage en valeurs mobilières.

J’ai un autre point à soulever. Vous avez parlé de la technologie de la chaîne de blocs et du fait qu’elle accorde un certain anonymat. À vrai dire, la chaîne de blocs permet aux forces de l’ordre et aux services de renseignements de mettre à profit cette technologie pour assurer une surveillance, mais aussi pour identifier des gens.

Ce serait ma réponse avant de céder la parole à la GRC ou au CANAFE, s’ils veulent ajouter quelque chose du point de vue opérationnel.

M. Wallace : C’est une petite précision, monsieur le sénateur. Vous avez parlé de préoccupations liées à ce qui se fait en matière d’enquêtes. Le CANAFE est un service de renseignement financier. Notre mandat ne prévoit pas la tenue d’enquêtes. Nous analysons l’information que nous recevons d’entités qui doivent faire des déclarations. Une fois nos critères satisfaits, nous communiquons l’information aux forces de l’ordre et à la GRC.

Je dirai que même avant les modifications apportées en 2019 à la réglementation et à la législation sur les monnaies virtuelles, il y avait des références à des transactions en monnaie virtuelle dans nos déclarations d’opérations douteuses. À mesure que la quantité de transactions en monnaie virtuelle et d’information connexe augmente dans nos fonds de données, je pense qu’un plus grand nombre de renseignements seront transmis aux forces de l’ordre. Parmi mes préoccupations, il y a certainement le recours accru aux monnaies virtuelles et aux nouvelles technologies pour blanchir de l’argent.

Comme l’a dit M. Ngo, nous sommes bien placés pour obtenir l’information des entités déclarantes et la remettre aux forces de l’ordre, notamment pour ce qui est de certains changements proposés dans le projet de loi C-30. Je vais m’arrêter ici pour l’instant.

Mme Bradshaw : Nous observons sans aucun doute une augmentation des transactions en monnaie virtuelle dans les enquêtes sur le crime organisé au Canada. À mon avis, la technologie peut sans aucun doute compliquer les enquêtes, mais son utilisation offre aussi des possibilités — aux agents de police qui portent l’uniforme ou aux civils spécialisés qui travaillent avec nous — pour faire avancer les enquêtes.

Il est important de noter que nous comprenons que c’est une responsabilité partagée. La GRC est déterminée à poursuivre le travail avec tous les ordres de gouvernement, le secteur privé, d’autres organismes d’application de la loi ainsi que des partenaires privés et publics. Ces partenariats sont essentiels compte tenu de la nature supranationale des crimes financiers et de leurs aspects tributaires des données, surtout face à l’utilisation courante des cybertechnologies.

Nous avons besoin de cette information pour nous aider à nous orienter et pour comprendre les défis auxquels nous faisons face, ainsi que les crimes sur lesquels nous devons enquêter davantage. Cela nous montre ce que nous devons faire pour nous adapter, pour faire preuve de souplesse et pour surmonter les obstacles. Merci.

Le sénateur Klyne : Je souhaite à la bienvenue à nos invités ce soir.

Vous pouvez tous les trois répondre, monsieur Brown, madame Bradshaw ou monsieur Cohen. Je suis certain que M. Cohen voudra intervenir.

La section 7 de la partie 4 propose des modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes qui vont élargir la définition de dirigeant d’une organisation internationale pour inclure le dirigeant d’une entité affiliée de l’organisation internationale, et elle propose d’ajouter le dirigeant d’une organisation sportive internationale. De plus, elle propose d’élargir la définition de national politiquement vulnérable pour accorder plus de place aux deux paliers supérieurs de gouvernement. Pouvez-vous expliquer au Comité ce qui justifie les deux définitions élargies et dire pourquoi on le fait maintenant?

M. Brown : Dans le cas de la définition de dirigeant d’une organisation internationale, c’était pour donner suite à des scandales récents de corruption, comme ceux impliquant le Comité international olympique et la FIFA. Les efforts internationaux pour lutter contre la corruption rendaient nécessaire d’accorder une attention particulière aux dirigeants d’organisation internationale investis de fonctions importantes et...

Le sénateur Klyne : C’était déjà le cas. Vous proposez d’ajouter les entités affiliées, les organisations sportives et les deux autres paliers supérieurs de gouvernement. Pourquoi maintenant?

M. Brown : Dans le cas des dirigeants d’organisation internationale, encore une fois, c’était lié à des problèmes et à des scandales de corruption observés dans le monde.

Le sénateur Klyne : Je comprends. Ils étaient déjà là. Vous voulez maintenant ajouter le dirigeant d’une entité affiliée de l’organisation ainsi que les organisations sportives internationales, et vous redéfinissez les nationaux politiquement vulnérables pour inclure les deux paliers de gouvernement.

Pourquoi le faisons-nous maintenant? Je comprends pourquoi nous mentionnons le dirigeant d’une organisation internationale.

M. Brown : À propos des nationaux politiquement vulnérables, il est reconnu au Canada et selon les normes internationales qu’ils sont susceptibles d’être victimes de tentatives pour blanchir de l’argent et commettre d’autres infractions connexes, comme la corruption. C’est pour cette raison que la loi concernée, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, exige la déclaration de noms pour connaître les clients qui sont des nationaux politiquement vulnérables et pour faire preuve d’une diligence renforcée auprès de ces personnes hautement à risque.

La modification de la définition de national politiquement vulnérable, dans ce cas-ci, fait expressément mention de postes équivalents à celui de maire. L’idée est de préciser la définition et d’atteindre l’objectif stratégique global, soit inclure les fonctionnaires qui pourraient avoir un contrôle ou une influence sur de grandes sommes de fonds publics compte tenu de la nature de leur poste.

Le sénateur Klyne : Merci.

Quelqu’un veut-il ajouter quelque chose à cela? J’ai une autre question.

M. Cohen : Je ne peux pas dire au nom du ministère des Finances pourquoi ces points sont ajoutés maintenant. Ils semblent logiques.

Je vais juste répéter qu’une pratique exemplaire consisterait à présenter de façon préventive un rapport ou une évaluation des risques à propos de ce qui se fait au Canada. Par exemple, pourquoi le poste de maire doit-il être étoffé? Y a-t-il un certain nombre de cas cités où l’esprit de la loi n’est pas conforme à la lettre de la loi? Ce serait utile pour aider tous les législateurs, les intervenants et la population à comprendre les décisions et les risques?

Le sénateur Klyne : Pour approfondir la question, il faudrait peut-être s’adresser à la GRC et peut-être au CANAFE.

Tous les casinos du Canada seraient enregistrés auprès du CANAFE. Si les paris sur une seule épreuve sportive se concrétisent, et que la question est déléguée aux provinces et aux territoires, un salon de paris sportifs non affilié à un casino canadien devra-t-il s’enregistrer auprès du CANAFE? Sera-t-il également obligé de tenir un registre des identificateurs de transactions en monnaie virtuelle?

M. Wallace : À titre de précision, les seules entités déclarantes qui doivent s’enregistrer auprès du CANAFE sont les entreprises de transfert de fonds. Nous connaissons tous les casinos en activité parce qu’ils relèvent des provinces, mais il n’y a pas de registre proprement dit.

À propos des paris, différentes discussions ont eu lieu à ce sujet dans des examens parlementaires précédents. Ce serait une question pour le ministère des Finances pour savoir si on souhaite accroître les obligations en matière de déclaration dans des secteurs autres que celui des casinos. Pour le savoir, je céderais la parole à M. Brown ou à M. Ngo.

Le sénateur Klyne : Si un casino acceptait 10 000 $ ou plus, il n’aurait pas à le déclarer au CANAFE, n’est-ce pas?

M. Wallace : Un casino est sans aucun doute tenu de déclarer les grandes transactions au comptant, les transactions douteuses. J’ai peut-être mal compris, mais je pensais que vous aviez parlé d’un registre. Nous ne tenons pas de registre des casinos. Nous ne le faisons que pour les entreprises de transfert de fonds. Cependant, les casinos ont certainement des obligations en matière de déclaration. Ils doivent tenir des dossiers et ont aussi des obligations pour vérifier l’identité de leurs clients. Ces obligations existent déjà.

Le sénateur Klyne : Il faut appeler un chat un chat. Merci.

La sénatrice Ringuette : Ma première question serait: combien d’infractions avez-vous relevées au cours des deux dernières années? Combien de personnes ont été accusées?

M. Brown : Je n’ai pas le nombre de poursuites pénales ou d’enquêtes. Je ne sais pas si d’autres fonctionnaires présents ont ces chiffres sous la main. Je suis désolé.

La sénatrice Ringuette : Quelqu’un est-il au courant?

Mme Bradshaw : Avec tout le respect, je vous demanderais de préciser un peu plus la question. Des poursuites par rapport à quelles infractions?

La sénatrice Ringuette : Des infractions aux règles du CANAFE.

Mme Bradshaw : Oh, aux règles du CANAFE. Désolée.

M. Wallace : Je n’ai pas cette information sous la main. Je peux certainement m’engager à vous la fournir.

Nous avons relancé dernièrement notre processus de vérification et d’examen, juste avant la COVID. Il y a quelques années, une contestation judiciaire nous a essentiellement amenés à remanier ou à adapter notre programme de vérification. Nous avons donc eu une petite interruption pendant ces démarches. Nous avons remis plus récemment un certain nombre de constats d’infraction et, selon ce que prévoient des modifications antérieures à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, lorsque nous faisons cela, nous nommons l’organisation. C’est affiché sur notre site web. Mais si vous me le permettez, je vais vous transmettre ces chiffres.

La sénatrice Ringuette : J’en serais très reconnaissante, car il y a quelques années, les membres du Comité ont été très surpris de voir le peu de suivi effectué. Nous devons avoir cette information, car je constate que cette section donne aussi plus d’argent au CANAFE.

J’ai aussi une question très brève pour vous : vous dites qu’il faut déclarer les montants de 10 000 $ et plus, mais de nos jours, la technologie et les cryptomonnaies font en sorte qu’on peut transférer 9 000 $ une centaine de fois par jour. Votre somme de 10 000 $ doit donc être revue à cause des cryptomonnaies et de la technologie. Comme il est facile de faire des transactions, on peut en faire beaucoup qui vous échappent. J’aimerais entendre vos observations là-dessus, car le seuil de 10 000 $ pour les déclarations a été mis en place il y a 15 ans.

M. Wallace : Merci. C’est une bonne observation. Je pourrais peut-être répondre en soulevant deux points. Premièrement, lorsqu’une entité déclarante fait affaire avec un client qui effectue ce genre de transactions, nous nous attendons à recevoir une déclaration d’opérations douteuses, car il structure manifestement ses transactions dans le but de se soustraire à ses obligations en matière de déclaration. Nous devrions donc être informés au moyen d’une déclaration d’opérations douteuses.

L’autre chose...

La sénatrice Ringuette : Avez-vous reçu beaucoup de déclarations de la sorte au cours des deux dernières années?

M. Wallace : Nous en recevons habituellement entre 200 000 et 400 000 par année. Je n’ai pas de ventilation précise qui indique combien de transactions sont liées à la structuration de transactions.

L’autre point que je soulèverais, peut-être maladroitement, c’est que lorsque quelqu’un effectue de nombreuses transactions de plus de 10 000 $ en 24 heures, l’entité déclarante est obligée de nous le signaler. Je parle de 24 heures de suite. Donc, lorsque quelqu’un fait de nombreuses transactions de 9 000 $ ou de 9 999 $, s’il en fait plus d’une la même journée ou une transaction de 6 000 $ et une autre de 4 000 $, nous nous attendons à ce que l’entité déclarante nous transmette une déclaration d’opérations importantes en espèces puisque le total de ces transactions dans une période de 24 heures dépasse 10 000 $.

La sénatrice Ringuette : Ces entités répondent-elles à vos attentes?

M. Wallace : J’allais dire oui, en général. Il y a toujours des améliorations possibles. C’est une chose que nous regardons très régulièrement lorsque nous nous rendons sur place pour évaluer les entités déclarantes. Je mentirais si je disais que c’est tout le temps accompli parfaitement. Lorsque nous constatons qu’une entité déclarante ne se conforme pas à la règle, nous lui disons. Lorsque c’est grave et continu, nous pouvons imposer une amende.

Le président : Je n’ai pas proposé de deuxième tour puisque je peux voir que des sénateurs veulent poser une question complémentaire, mais nous allons manquer de temps, et les sénateurs ont d’autres questions.

Le sénateur C. Deacon : Je remercie les témoins. En tant que national politiquement vulnérable, je comprends maintenant le fardeau administratif attribuable au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE, pour nos institutions financières. Je me suis aussi beaucoup renseigné sur nos taux de réussite ayant trait à vos partenaires dans le monde qui collaborent aux améliorations continues. Je respecte vraiment votre travail, mais je trouve inquiétant que nous procédions d’une manière... Les taux de réussite à l’échelle mondiale se situent entre 0,2 et 1,1 %. Il semble que les criminels réussissent à 99 %; c’est ce que je pense. S’ils étaient des étudiants universitaires, ils réussiraient avec très grande distinction. Ils vaincraient le système.

Je vois les changements qui sont apportés, mais je crains qu’ils ne soient trop graduels. Vous avez parlé des améliorations en cours, mais je pense simplement que nous avons trop de retard. Un article publié dans l’Economist en avril révélait qu’à l’échelle mondiale, la somme atteignait 5,8 billions de dollars par année, ce qui représente 6,7 % du PIB mondial. Il y a tellement d’argent qui se gagne. Avez-vous cherché des moyens de renverser ce système?

Je regarde Verafin...

Le président : Pardonnez-moi, sénateur Deacon, mais il faut en arriver à la question.

Le sénateur C. Deacon : ... dans la province de la sénatrice Marshall. Cette entreprise a obtenu beaucoup de succès en créant un logiciel pour s’attaquer au problème différemment. Envisagez-vous d’autres méthodes?

Le président : Je vous remercie. Je suis désolé de vous avoir interrompu.

Le sénateur C. Deacon : J’aimerais si possible que chacun d’entre vous réponde à la question.

M. Brown : Je vais donner une réponse assez générale. C’est un problème connu. Il s’agit d’un enjeu international quand on pense au nombre de criminels qui sont coincés par les systèmes de lutte contre le blanchiment d’argent. Je dirais que l’effet dissuasif du système est important compte tenu de l’autre solution, qui consiste à ne pas mettre en place ces règles et ces exigences de déclaration. Nous devons également trouver un équilibre entre ces exigences et le fardeau qui pèse sur les entités tenues de faire des déclarations et sur les particuliers canadiens, qui doivent souvent répondre à des questions lorsqu’ils cherchent par exemple à obtenir des services financiers.

Nous contribuons donc à l’analyse non seulement des risques nationaux, mais aussi des pourparlers internationaux sur les normes mondiales, par exemple au sein du Groupe d’action financière, ou GAFI. Nous cherchons à mettre en œuvre... Toutes les normes mondiales sont révisées par le GAFI après plusieurs années, à intervalles réguliers. C’est un processus continu visant à répondre à l’évolution des menaces et des technologies émergentes.

Le sénateur C. Deacon : Pour ce qui est d’envisager les choses différemment, il s’agit tout de même d’un changement progressif plutôt que fondamental.

Est-ce que d’autres témoins ont une suggestion ou une réflexion? Je vous en serais très reconnaissant. Je vous remercie infiniment, monsieur Brown.

M. Cohen : Je peux répondre, sénateur. Pour revenir à ma déclaration d’ouverture, je ne dirais jamais qu’un outil est une solution miracle pour résoudre la corruption ou la lutte contre le blanchiment d’argent. Or, le registre public qui est proposé dans le budget, même s’il n’est pas dans le projet de loi C-30, pourrait changer la donne s’il est bien fait. Je pense qu’il incombe au gouvernement de regarder ce que ses pairs ont fait, comme le Royaume-Uni, voire l’Europe, avec la mise en place de la directive européenne sur le blanchiment d’argent. Ces mesures ont eu un effet dissuasif en Écosse pour l’enregistrement des sociétés en commandite écossaises, qui étaient fortement impliquées dans le blanchiment d’argent en provenance d’Europe de l’Est.

Une telle mesure peut décourager de nombreux criminels à venir au Canada, et permettre à la société civile, aux forces de l’ordre, au gouvernement canadien et à d’autres entreprises de suivre la trace de ceux qui veulent encore déjouer le système. Si nous harmonisons comme il se doit nos activités à celles des autres pays, nous pourrons compter sur l’aide d’autres services de renseignement financier, et inversement.

Je pense qu’il s’agit d’un changement énorme, en plus de la réglementation qui entrera en vigueur le mois prochain, comme M. Brown l’a dit. Il y aura encore plus d’organisations réglementées par le CANAFE qui devront prendre des mesures de vigilance ayant trait aux renseignements sur la propriété effective. Je dirais que ce sont des changements importants.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie, monsieur Cohen.

Le président : Je tiens à remercier le sénateur. Je m’excuse d’avoir interrompu votre question.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie d’être avec nous ce soir. Je suis très heureuse de vous voir, mais je dois dire qu’il est décevant que vous ayez autant tardé. Dès 2017, le gouvernement s’est engagé à agir contre le blanchiment d’argent. Il semble que la Colombie-Britannique mène le bal dans ce domaine et que nous tentons simplement de rattraper notre retard.

Je vais poser ma question sans détour. Je crois savoir que le registre de la propriété effective est désormais un élément central pour réaliser des progrès en matière de blanchiment d’argent. Le budget prévoit 2,1 millions de dollars sur une période de deux ans, mais précise que le registre est censé être achevé d’ici 2025.

Ma question est la suivante : les 2,1 millions de dollars seront-ils suffisants pour terminer le registre? Dans le cas contraire, quel en sera le coût total?

J’ai une autre question : pourquoi est-ce aussi long? Nous parlons de lutter contre le blanchiment d’argent depuis 2017. Le comité des finances de la Chambre des communes a publié un rapport il y a une dizaine d’années.

Pourquoi faut-il autant de temps? Pourquoi devons-nous attendre jusqu’en 2025?

M. Brown : Je vous remercie. Je vais faire un commentaire général, d’autant plus que le projet de loi ne contient aucune proposition précise de modification législative ayant trait à la propriété effective.

La sénatrice Marshall : Mais l’argent...

M. Brown : En effet. Dans le budget, le gouvernement propose de fournir un financement de 2,1 millions de dollars sur deux ans à Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Cette somme servirait à la mise en œuvre d’un registre public de la propriété effective d’ici 2025.

Ces fonds seraient principalement consacrés à la phase initiale d’examen des options techniques. Il se pourrait que d’autres fonds soient prévus afin d’assurer la mise en œuvre complète du registre.

En ce qui concerne le calendrier, il ne faut pas oublier qu’au Canada, contrairement à d’autres nations, le fédéral, les provinces et les territoires se partagent la responsabilité du droit des sociétés. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les provinces et les territoires, et nous continuerons à le faire, afin que toute mesure visant à renforcer la propriété effective au Canada respecte les responsabilités juridictionnelles des sociétés. L’échéance de 2025 a été fixée suivant nos observations d’autres pays, comme le Royaume-Uni, qui a mis en place un régime public de la propriété effective.

La sénatrice Marshall : Dites-vous que le registre sera accessible au public d’ici 2025, ou suis-je déraisonnablement optimiste?

M. Brown : C’est l’engagement qui a été annoncé dans le budget.

La sénatrice Marshall : D’accord. Nous ne le verrons donc pas d’ici 2025. Je suis déçue. Je vous remercie.

Le président : Monsieur Brown, vous devez évidemment comprendre que le Royaume-Uni a mis en place son registre public de la propriété effective il y a déjà quatre ans.

M. Brown : Il faudrait que je vérifie les dates. Je m’en excuse.

Le président : Je vous suggère de le faire pour vous rendre compte que nous aurons sept ou huit ans de retard sur le Royaume-Uni. Il y a quand même des limites à attribuer aux relations provinciales-fédérales le fait que le registre n’ait pas été mis en place plus tôt. C’est un commentaire gratuit de ma part.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à Mme Bradshaw. Madame Bradshaw, on parle beaucoup des changements qui visent à améliorer l’efficacité de la GRC sur le plan de la lutte au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. Si l’on veut parler plus particulièrement du terrorisme, pourriez-vous nous donner des exemples des pouvoirs supplémentaires qu’on vous a accordés? Pouvez-vous nous dire si vous avez maintenant des pouvoirs aussi étendus que les services de police de pays alliés?

[Traduction]

Mme Bradshaw : Je vous remercie de votre question. Il est important de noter que je suis responsable de la Criminalité financière et de la cybercriminalité. Je serai ravie de demander à mon collègue de la sécurité nationale à la GRC de soumettre la réponse écrite au comité. Je peux parler expressément des défis que posent le blanchiment d’argent, les produits de la criminalité et la cybercriminalité. Je m’en excuse.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Par contre, si l’on veut parler du blanchiment d’argent — vous dites que c’est votre spécialité —, depuis 2018, soit en 2019, 2020 ou 2021, a-t-on augmenté votre personnel ou vos ressources pour combattre la criminalité, entre autres en matière de blanchiment d’argent, lequel, quant à moi, ne cesse d’augmenter?

[Traduction]

Mme Bradshaw : Oui. Sur les 98,99 millions de dollars que le gouvernement fédéral a récemment accordés à la GRC, une partie est consacrée à la modernisation des systèmes de gestion de l’information et technologie de l’information, ou GI et TI de la GRC, ce qui est important pour que nous puissions saisir, analyser et classer les données. Comme vous le savez, les enquêtes sur le blanchiment d’argent sont complexes. Elles prennent beaucoup de temps. Il n’est pas rare de voir aujourd’hui des téraoctets de données. Nous devons les passer au crible, leur donner une signification, les préparer pour qu’elles puissent servir de preuves devant le tribunal, puis entamer le processus judiciaire. Il est donc crucial d’investir dans ces systèmes de GI et TI.

Nous avons également créé des Équipes intégrées d’enquête sur le blanchiment d’argent, ou EIEBA, dans les quatre principales divisions du pays, qui accueilleront d’autres partenaires de l’Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, de l’Agence du revenu du Canada, ou ARC, du Groupe de gestion juricomptable, ou GGJ et d’autres organismes d’application de la loi.

Nous nous efforçons d’assurer un suivi précis de l’argent. Pour toute enquête prioritaire et à grande échelle sur le crime organisé et la sécurité internationale, il faut d’emblée avoir un plan sur la façon dont nous allons suivre l’argent et appliquer les outils de la criminalité financière à cette enquête.

Le président : Je vous remercie. Je pense que ce sont toutes les questions que nous voulions poser à ce groupe-ci. Permettez-moi de demander une précision.

Vous abordez de nombreux sujets auxquels j’ai beaucoup réfléchi au fil des ans dans le cadre de mon travail. Vous conviendrez peut-être tous que le crime organisé, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme sont le fait d’individus très rationnels. Nous aimerions croire qu’ils ne le sont pas, mais c’est faux. Ce sont également des individus qui, à mon avis, ont tous les outils des forces de l’ordre. Ils ont accès à bon nombre des mêmes outils, mais ils ne se conforment pas à la Charte canadienne des droits et libertés. Ils n’ont pas à se soucier de ces questions pour commettre leurs crimes.

Un certain nombre de sénateurs ont plus ou moins abordé cette question. Croyez-vous que, jusqu’à présent, la réputation du Canada a souffert de notre incapacité à appliquer activement la loi dans ces domaines d’activité criminelle?

J’allais poser à la surintendante Bradshaw une question au sujet des EIPMF. Il me semble que ces équipes sont maintenant devenues spécialisées en GI et TI, ou qu’elles utilisent d’autres acronymes. Je n’en suis pas certain, mais c’est ma supposition. Êtes-vous désormais responsable de ces divisions? Étiez-vous responsable de l’Équipe intégrée de la police des marchés, ou EIPM? Je connais bien cette équipe, mais pas les autres. Est-ce qu’un des témoins veut répondre brièvement?

Mme Bradshaw : Je peux répondre à la dernière partie de votre question, monsieur le président.

Nous avons des EIPM. Elles sont toujours en place dans les grandes divisions, et elles donnent de bons résultats. En plus de ces équipes, nous avons maintenant des EIEBA, qui se trouvent dans les principales divisions. Nous avons également une expertise financière dans le programme de Lutte fédérale contre le crime organisé et grave.

Le président : C’est la multiplication des acronymes.

Mme Bradshaw : Nous avons des ressources en matière de criminalité financière dans des équipes données, mais aussi de manière générale. Soyons réalistes : les membres du crime organisé commettent des crimes parce qu’il y a de l’argent en jeu. Le résultat ultime est le gain monétaire. Je suis certaine qu’il y a d’autres exemples, mais c’est en général une question d’argent.

Chaque enquête comporte un volet monétaire. Nous en sommes conscients, et nous recherchons des compétences spécialisées pour améliorer notre capacité d’enquête. Nous faisons preuve de créativité et essayons de sortir des sentiers battus dans notre façon d’aborder ces enquêtes et de recruter des personnes à intégrer à l’équipe. De plus, il est essentiel de s’associer à des partenaires privés et publics puisqu’il s’agit d’une responsabilité commune. Nous devons travailler en équipe si nous voulons réussir.

Le président : Je vous remercie. Est-ce que les autres témoins ont quelque chose à ajouter?

Monsieur Brown, voulez-vous parler de la réputation du Canada en ce qui concerne les crimes économiques, ou êtes-vous satisfait de vos interventions jusqu’à présent?

M. Brown : Encore une fois, je peux uniquement donner une réponse générale à la question. En tant que fonctionnaires, nous lisons évidemment les critiques. Nous sommes évalués par un comité parlementaire et par le GAFI à intervalles de quelques années. Il y a une enquête en cours en Colombie-Britannique, à laquelle nous avons participé, et que nous appuyons pleinement.

En outre, de nombreux rapports sur divers enjeux ont été publiés par différents experts et intervenants, comme Transparency International. Nous prenons tout cela en considération et cherchons des façons d’améliorer le régime. C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui. C’est le financement qui a été annoncé dans le budget. Ce sont les mesures législatives qui sont proposées. Chez tous nos pays de comparaison, si vous regardez comment nous sommes évalués [Difficultés techniques], nous rencontrons tous des difficultés dans nos propres domaines. Ce n’est pas une excuse. Nous faisons tous de notre mieux pour suivre le rythme de ces criminels et pour lutter contre les risques émergents à mesure qu’ils se présentent.

Encore une fois, tout ce que je peux dire, c’est que les modifications proposées dont nous discutons aujourd’hui ne sont qu’une infime partie du travail que nous continuons à réaliser dans cette optique.

Le président : Monsieur Brown, nous sommes ravis du travail que vous effectuez tous. Nous comprenons son importance. Je n’insinue pas que vous ne faites pas de votre mieux dans les circonstances. J’espère que nous pourrons continuer sur cette voie, et que vous, monsieur Cohen, ferez encore avancer ce registre de la propriété effective. C’est indispensable. Je pense que les fonctionnaires en sont bien conscients. Je tiens à remercier tout le monde.

Voilà qui conclut les témoignages de ce groupe-ci. Nous vous en sommes très reconnaissants. Je vous remercie d’être venus nous transmettre tous ces renseignements ce soir. Nous vous souhaitons beaucoup de succès et la meilleure des chances.

Nous pouvons passer directement au deuxième groupe. J’invite la greffière à me faire un signe de la tête si c’est possible. Je vois que Mme O’Brien est en ligne. Nous l’avons déjà vue. Elle en fait une carrière, je crois. Il y aura une fin à un moment donné.

Avant de passer au deuxième groupe, je dois dire que nous avons beaucoup plus de témoins pour ces sections. Je vous prie d’être brefs et de vous limiter à une question par personne. Si nous devons faire un deuxième tour, ce sera possible. Nous verrons évidemment comment les choses se déroulent.

Plutôt que de demander à chacun de se présenter, ce qui prendrait beaucoup de temps, peut-être pourrions-nous simplement indiquer quels ministères sont présents. Je crois que les noms complets se trouvent sur l’avis de convocation de la séance d’aujourd’hui. J’espère que nous pourrons procéder ainsi.

J’ignore qui sera le présentateur pour cette partie. J’imagine que ce sera probablement un représentant du ministère des Finances. Nous accueillons les représentants de la Société d’assurance-dépôts du Canada, de l’Association des banquiers canadiens, de la Banque du Canada, du Bureau du surintendant des institutions financières et du Bureau de transition canadien en valeurs mobilières. Qui sera la personne-ressource? Il n’y a personne? Je m’en chargerai, dans ce cas. Ma foi, c’est risqué.

Commençons si possible par quelques mots d’introduction. Le premier intervenant est M. Girard. Pouvez-vous vous présenter et faire quelques remarques liminaires? Je pense que vous parlerez des sections 1 et 5, tandis que M. Moreau traitera de la section 2. Mme O’Brien s’occupera de la 3e section, M. Dussault de la 4e, et Mme Wrye, de la 9e. Je vous prie de me corriger plus tard si j’ai mal prononcé vos noms.

Commençons par M. Girard. J’espère que les sénateurs pourront suivre la direction que nous prenons.

Jean-François Girard, directeur principal, ministère des Finances Canada : Je vous remercie, monsieur le président. Je m’appelle Jean-François Girard et je suis le directeur principal de la Stabilité financière au ministère des Finances.

La modification proposée à la section 1 renforcerait la stabilité des mécanismes de surveillance du système financier canadien, qui s’appliqueraient dans le cas peu probable d’un défaut des institutions de dépôt sous réglementation fédérale ou de l’infrastructure des marchés financiers. La modification viserait également la supervision des systèmes de paiement.

Ces modifications sont assez techniques et diversifiées, et elles apportent des améliorations ciblées à la loi actuelle.

Commençons à l’article 126. La Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada, ou LSADC, accorde des pouvoirs permettant d’imposer un arrêt — aussi appelé une suspension des procédures. L’objectif est de suspendre les droits de certains prédateurs afin de faciliter la résolution pour l’institution et de préserver la valeur. L’amendement proposé modifierait la portée de ces dispositions dans certaines circonstances. Plus particulièrement, elles excluraient les entités souveraines au sein des banques centrales des dispositions de la loi relatives à l’État.

Il y a également des dispositions qui modifieraient le pouvoir de la Société d’assurance-dépôts du Canada, lorsqu’elle prend le contrôle d’institutions en faillite de taille petite ou moyenne afin d’en faciliter la vente. Le délai de cette vente, qui se situe actuellement à 60 jours, serait porté à 12 mois.

Nous avons également des amendements à la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada et à la Loi sur la compensation et le règlement des paiements pour modifier les dispositions d’indemnisation de ces lois qui font en sorte que le prédateur n’est pas défavorisé par l’action d’une autorité de résolution en liquidation à ce moment-là. En particulier, nous proposons de modifier le mécanisme d’appel dont disposent les prédateurs lorsqu’ils demandent une révision d’une décision prise par la Société d’assurance-dépôts du Canada ou la Banque du Canada.

Enfin, nous proposons de modifier des dispositions de la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada, afin d’élargir son pouvoir d’effectuer certains paiements de dépôts en fiducie assurés lorsque les registres de l’institution membre de la Société d’assurance-dépôts du Canada en faillite contiennent des omissions ou des erreurs. C’est ce qui conclut ma déclaration préliminaire.

Le président : Je vous remercie beaucoup. La parole est maintenant à M. Moreau; il nous parlera de la section 2.

[Français]

Nicolas Moreau, directeur général, Division de la gestion des fonds, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Bonsoir, je suis Nicolas Moreau, directeur général, Division de la gestion des fonds, Direction de la politique du secteur financier du ministère des Finances Canada.

Je vais couvrir la section 2 de la partie 4, les articles 140 à 150. La section 2 concerne la modernisation du cadre des actifs non réclamés et propose des modifications législatives visant à accroître l’efficacité du programme des actifs non réclamés et à permettre aux Canadiens de récupérer les sommes qu’ils ont perdues ou oubliées.

Les actifs non réclamés sont des dépôts détenus dans des comptes par des institutions financières fédérales et qui sont inactifs depuis plus de 10 ans. À la fin d’une période de 10 ans, les activités sont transférées à la Banque du Canada, qui joue le rôle de dépositaire de tous les actifs non réclamés initialement détenus par les sociétés de fiducie ou les banques.

Les modifications législatives proposées visent à améliorer et à élargir le cadre des actifs non réclamés. Premièrement, la Loi sur la Banque du Canada est modifiée afin de conférer un pouvoir explicite à la Banque du Canada de publier en ligne les renseignements sur les soldes non réclamés. La Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension est aussi modifiée afin de fournir un cadre législatif pour les régimes de pension sous réglementation fédérale qui permettent — en vertu de certaines conditions — de transférer les soldes de pensions non réclamés à une entité désignée à laquelle le paiement des soldes pourrait être demandé.

Finalement, la Loi sur la Banque du Canada et la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt sont modifiées afin d’élargir la définition des actifs non réclamés pour y inclure les dépôts en devises étrangères, d’obliger les institutions financières à aviser les détenteurs de soldes par voie électronique en plus de les aviser par la poste, et d’obliger les institutions financières à communiquer plus de renseignements à la Banque du Canada, par exemple, le numéro d’assurance sociale et la date de naissance, et ce, afin de faciliter la validation de réclamations.

Cela met fin à l’aperçu des changements proposés au programme des actifs non réclamés. Merci.

[Traduction]

Erin O’Brien, directrice générale, ministère des Finances Canada : Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureuse d’être à nouveau parmi vous ce soir.

En ce qui concerne la section 3 de la partie 4, le gouvernement du Canada a présenté, en 2018, des modifications à la Loi sur les banques en vue de faire progresser les droits et les intérêts des consommateurs lorsqu’ils traitent avec leur banque.

Le nouveau cadre de protection des consommateurs de produits et de services financiers, qui n’est pas encore en vigueur, vise à protéger les consommateurs au détail, notamment les particuliers et les petites et moyennes entreprises. En effet, les consommateurs au détail n’ont généralement pas les ressources et les connaissances nécessaires pour négocier avec les banques sur un pied d’égalité.

C’est pourquoi nous proposons d’apporter une modification technique à la Loi sur les banques, afin de préciser que le droit général accordé par la loi d’annuler un contrat avec une banque ne s’applique qu’aux consommateurs au détail, c’est-à-dire les particuliers et les petites et moyennes entreprises, et exclut les grandes entreprises. Je vous remercie.

Manuel Dussault, directeur principal, Division des institutions financières, ministère des Finances Canada : Je vous remercie. Je m’appelle Manuel Dussault et je suis directeur principal de la Direction de la politique du secteur financier au ministère des Finances Canada.

La section 4 modifie la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés d’assurances et la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt afin de prolonger de deux ans les dispositions de temporisation actuelles, soit jusqu’au 30 juin 2025. Les lois fédérales régissant les institutions financières du Canada contiennent actuellement des dispositions de temporisation qui interdisent aux institutions financières sous réglementation fédérale d’exercer leurs activités après le 21 juin 2023. Ces dispositions de temporisation sont une caractéristique importante du cadre régissant le secteur financier canadien.

En exigeant le renouvellement de la loi tous les cinq ans, les dispositions de temporisation donnent l’occasion au gouvernement et au Parlement d’examiner régulièrement ce cadre pour s’assurer que les lois demeurent à jour, qu’elles sont valables sur le plan technique et qu’elles répondent aux changements apportés par les tendances émergentes dans le secteur financier. La prolongation de deux ans de la date de temporisation actuelle, soit jusqu’en 2025, permettra de tenir pleinement compte de l’impact de la pandémie sur le secteur financier dans le cadre de la prochaine révision de la législation. Je vous remercie.

Kathleen Wrye, directrice par intérim, ministère des Finances Canada : Je vous remercie. Je m’appelle Kathleen Wrye. Je suis directrice par intérim de l’équipe de la Politique des pensions au ministère des Finances, et je suis ici pour parler de la section 9 du projet de loi C-30, qui propose des modifications législatives dans le cadre de l’établissement d’un cadre révisé pour les régimes de retraite à cotisations négociées qui renforce la gouvernance prévue, la transparence et la durabilité des prestations.

Les régimes de retraite à cotisations négociées sont un type de régime à prestations déterminées, où les cotisations sont fixées par l’entremise d’une entente et où les employeurs ne sont tenus de cotiser que le montant prévu dans cette entente. Les modifications proposées à la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension à l’appui du cadre révisé établiraient de nouvelles garanties pour maintenir la sécurité des prestations de ces régimes, par l’entremise d’exigences liées aux régimes à cotisations négociées, afin d’établir et de maintenir des politiques de gouvernance et de financement et d’accorder de nouveaux pouvoirs réglementaires au gouverneur en conseil relativement à ces exigences et aux modifications aux régimes à cotisations négociées. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie beaucoup. Nous entendrons une brève déclaration préliminaire de Mme Walker, qui représente la Société d’assurance-dépôts du Canada. Je vous remercie.

Christa Walker, chef des Services juridiques, secrétaire générale et conseillère générale, Société d’assurance-dépôts du Canada : Je vous remercie. Bonsoir. Je suis heureuse d’être ici pour fournir quelques détails sur les modifications proposées à la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada.

Je m’appelle Christa Walker, et je suis chef des Services juridiques à la Société d’assurance-dépôts du Canada, ou la SADC. À titre d’information, la SADC protège actuellement près de 1 billion de dollars en dépôts. Cela comprend pratiquement tous les dépôts de particuliers canadiens dans plus de 80 institutions financières fédérales. Nous sommes également l’autorité de résolution des membres, ce qui signifie que nous sommes responsables de la gestion de leur faillite dans les rares cas où cela se produirait.

Je peux maintenant formuler de brefs commentaires sur les modifications. La SADC appuie les mesures proposées. Bien qu’elles soient de nature technique, elles améliorent la capacité de la SADC à protéger les déposants, à promouvoir la stabilité financière et à résoudre les difficultés des institutions financières de toutes tailles au Canada. Je pourrais fournir plus de contexte, mais je vais peut-être attendre de voir s’il y a des questions.

Le président : C’est excellent. Je vous remercie beaucoup, madame Walker. Nous entendrons maintenant M. Hannah, qui représente l’Association des banquiers canadiens.

Darren Hannah, vice-président, Association des banquiers canadiens : Au nom de l’Association des banquiers canadiens, je tiens à remercier les membres du comité de m’avoir invité à donner le point de vue de l’ABC sur les sections 1, 3 et 4 de la partie 4 de la Loi d’exécution du budget modifiant la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada, la Loi sur la compensation et le règlement des paiements et la Loi sur les banques. Je m’appelle Darren Hannah et je suis vice-président, Finances, risques et politiques prudentielles à l’Association des banquiers canadiens.

L’Association des banquiers canadiens est le porte-parole de plus de 60 banques canadiennes et étrangères qui contribuent à la croissance économique et à la prospérité du Canada. Nous préconisons des politiques qui favorisent la solidité et la stabilité du secteur bancaire, ce qui permet ainsi aux Canadiens de réaliser leurs aspirations financières. L’ABC appuie les mesures proposées dans les sections 1, 3 et 4.

Les modifications à la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada visent à faciliter la mise en œuvre du cadre de recapitalisation des banques du gouvernement fédéral — communément appelé « recapitalisation interne » — en donnant à la Société d’assurance-dépôts du Canada le pouvoir d’invoquer une suspension d’instance temporaire à l’égard des contreparties de contrats financiers admissibles si la conversion de la dette disponible en capitaux propres déclenche par inadvertance des dispositions d’inexécution dans ces contrats. Cela donnera le temps au processus de recapitalisation de faire son travail, c’est-à-dire de recapitaliser une banque et de lui redonner une assise financière solide en convertissant les détenteurs de dettes à long terme en investisseurs en actions, sans que les déposants ou les contribuables ne soient touchés.

Les modifications à la Loi sur la compensation et le règlement des paiements précisent que l’échange de directives relatives au paiement fait partie du processus de compensation et de règlement, conformément au fonctionnement des systèmes de paiement modernes. En effet, dans ces systèmes, le mouvement de fonds est souvent précédé par un échange de directives relatives au paiement.

Les modifications à la Loi sur les banques expliquent l’intention initiale du gouvernement, à savoir que le droit de résiliation d’un contrat, qui est prévu par la loi, ne vise que les consommateurs au détail, soit les particuliers et les petites et moyennes entreprises, et exclut les grandes entreprises. En effet, les grandes entreprises sont des clients commerciaux complexes et leurs relations avec les banques comportent de multiples volets, et les modalités des services bancaires sont le plus souvent négociées et comportent des clauses contractuelles, y compris un droit de résiliation.

En outre, le projet de loi C-30 propose de prolonger jusqu’en 2025, plutôt que 2023, l’examen périodique du cadre législatif régissant les institutions financières sous réglementation fédérale, dont la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés d’assurances, et la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt. Le gouvernement a précisé que l’objectif de cette prolongation — que nous comprenons bien — est de permettre une étude approfondie des retombées de la pandémie de COVID-19 sur le secteur financier dans le cadre du prochain examen législatif.

De tels examens périodiques sont essentiels pour que le Canada puisse maintenir un encadrement moderne et adéquat de ses institutions financières. Nous serons heureux de collaborer avec les responsables et les parlementaires à ce sujet. Sénateurs et sénatrices, je vous remercie du temps que vous m’avez accordé. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie, monsieur Hannah. Nous entendrons maintenant Mme Carol Brigham, de la Banque du Canada.

[Français]

Carol Brigham, directrice générale, Département des opérations bancaires et des paiements, Banque du Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci de m’avoir invitée à témoigner devant vous.

Je suis ravie de m’exprimer au nom de la Banque du Canada sur les dispositions du projet de loi C-30, qui modifiera la gestion des soldes non réclamés par la banque.

[Traduction]

À titre d’information, lorsqu’un compte, un dépôt ou un titre négociable en dollars canadiens auprès d’une institution financière sous réglementation fédérale est inactif depuis 10 ans et que le propriétaire ne peut être contacté, il est considéré comme un solde non réclamé. Une fois l’an, le 31 décembre, les soldes non réclamés sont transférés à la Banque du Canada. Nous en recevons, en moyenne, environ 125 000 par année.

À la fin de 2020, environ 2,3 millions de soldes non réclamés d’une valeur de 973 millions de dollars figuraient dans les registres de la banque. L’an dernier, la banque a versé 10,6 millions de dollars aux détenteurs de soldes. Comme M. Moreau l’a indiqué, les modifications proposées apporteraient trois changements importants à la façon dont nous administrons les soldes non réclamés, ce qui, en fin de compte, permettra aux Canadiens de retrouver plus facilement des fonds qu’ils avaient peut-être perdus ou oubliés.

Si cette loi entre en vigueur, nous serons heureux de travailler avec le ministère des Finances Canada et de poursuivre les consultations avec les principaux intervenants, afin d’aider à élaborer des règlements et des directives pour appuyer ce nouveau cadre. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie beaucoup. Nous entendrons maintenant Judy Cameron, qui représente le Bureau du surintendant des institutions financières.

Judy Cameron, directrice principale, Affaires réglementaires et politique stratégique, Bureau du surintendant des institutions financières : Je vous remercie de m’avoir invitée à comparaître aujourd’hui. Je m’appelle Judy Cameron, et je suis directrice principale, Affaires réglementaires et politique stratégique au Bureau du surintendant des institutions financières, ou le BSIF.

Comme vous le savez, le BSIF est un organisme fédéral de réglementation prudentielle des institutions financières fédérales, notamment les banques et les sociétés d’assurances les plus importantes du Canada. Nous contribuons à la stabilité financière en encadrant et en surveillant la solvabilité, la liquidité, la sûreté et la solidité des entités financières sous réglementation fédérale. Nous exerçons notre fonction de réglementation en établissant des règles et des lignes directrices, et notre fonction de surveillance en évaluant le respect de ces règles et en veillant à ce que les institutions comblent les lacunes que nous relevons.

Le BSIF collabore également avec des organismes nationaux, des organismes internationaux de normalisation et d’autres groupes d’experts pour mettre en place au Canada un système résilient qui tient compte de la nature concrète des activités de fonctionnement dans un système financier mondial. Notre rôle a toujours été de nous concentrer sur la préparation et les réponses aux scénarios graves, qu’ils touchent une seule institution financière ou l’ensemble du système financier.

Même si l’environnement économique a été affecté par la COVID-19, notre mandat demeure un élément important des efforts en vue d’inspirer confiance à l’égard du système financier du Canada. Le BSIF continue de surveiller la situation économique et, si les conditions le justifient, il est prêt à prendre les mesures appropriées.

La Loi d’exécution du budget contient un certain nombre de rajustements qui tiennent compte de l’évolution du secteur financier. Il s’agit là d’étapes positives vers le renforcement continu du régime législatif fédéral. Les Canadiens peuvent compter en toute confiance sur notre système financier, car il est résilient et bien préparé à gérer les imprévus.

Je serais heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie. Nous entendrons maintenant le dernier témoin, M. Hyndman, qui représente le Bureau de transition canadien en valeurs mobilières.

Douglas M. Hyndman, président et premier dirigeant, Bureau de transition canadien en valeurs mobilières : Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, de m’avoir invité à comparaître devant le comité.

Je m’appelle Doug Hyndman, et je suis président et premier dirigeant du Bureau de transition canadien en valeurs mobilières. Nous sommes un petit bureau fédéral responsable de préparer la mise en œuvre de la Loi sur la stabilité des marchés des capitaux proposée, une loi qui est en préparation depuis un certain temps. La disposition du projet de loi que vous examinez aujourd’hui est assez simple. En effet, elle permet au gouvernement de verser 12 millions de dollars supplémentaires pour assurer le fonctionnement du Bureau de transition canadien en valeurs mobilières pendant deux années supplémentaires, à savoir jusqu’en juin 2023, afin qu’il puisse poursuivre ses travaux.

Nous avons remis un court mémoire au comité. Il explique essentiellement la nature de la Loi sur la stabilité des marchés des capitaux et les travaux menés par notre bureau. Je vais donc m’arrêter ici et je répondrai aux questions du comité. Je vous recommanderais également de consulter notre mémoire dans le cadre de votre examen. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie, monsieur Hyndman. Nous avons le mémoire, et il est utile pour comprendre les rôles et les responsabilités de votre bureau à l’égard de la Loi sur la stabilité des marchés des capitaux.

La sénatrice Wallin : Je tiens à remercier tous les témoins.

J’aimerais tout d’abord préciser que nous avons cette loi pour tirer au clair la situation d’une industrie en évolution, comme vous l’avez souligné et, espérons-le, renforcer le régime. J’ai une question, mais je ne sais pas à qui elle devrait s’adresser étant donné la longue liste de témoins que nous avons devant nous. Les représentants de la Banque du Canada ou du ministère des Finances pourraient peut-être répondre à cette question.

Ma question concerne Paiements Canada et la place que cet organisme occupe dans l’ordre général des choses, ainsi que son origine. Nous suivons ce dossier depuis quelques mois.

Il est important de renforcer les régimes financiers afin d’assurer une certaine reddition de comptes. À ma connaissance, Paiements Canada ne présente pas de rapports au Parlement. Il semble s’agir d’une coopérative dirigée par les banques. L’organisme n’est pas très transparent. Quelqu’un peut-il répondre à ma question sur Paiements Canada?

Mme O’Brien : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Je ne sais pas si j’ai bien compris l’objectif de votre question, mais n’hésitez pas à m’interrompre si je rate la cible.

Paiements Canada est un organisme d’intérêt public qui a été créé en vertu d’une loi. La semaine dernière, j’ai eu une discussion avec les membres d’un comité au sujet du cadre de surveillance des activités associées aux paiements de détail qui se trouve dans la section 8, et cette section a des répercussions sur Paiements Canada.

Cependant, les sections présentées ce soir n’ont pas de répercussions sur Paiements Canada. Y a-t-il une question ou un enjeu particulier que vous souhaitez approfondir avec nous?

La sénatrice Wallin : J’essaie d’aborder cette question, car nous l’avons vue dans la dernière section, ainsi que dans la section actuellement à l’étude. Nous essayons d’apporter quelques correctifs à la loi existante, afin d’accroître son efficacité, mais aussi sa transparence, surtout dans ce secteur particulier. Je tente de comprendre la place de cet organisme dans l’ordre général des choses, car il ne rend de comptes à personne, à ma connaissance.

Mme O’Brien : Les modifications que nous examinons ce soir apportent quelques modifications techniques à la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. Elles ne concernent pas spécifiquement Paiements Canada.

La sénatrice Wallin : C’est ce que je voulais dire, car cela devrait probablement être le cas.

Mme O’Brien : Comme je l’ai mentionné, Paiements Canada est un organisme d’intérêt public qui possède et exploite l’infrastructure de compensation et de règlement des paiements du Canada, notamment le système de transfert de paiements de grande valeur que les banques utilisent quotidiennement pour compenser et régler toutes les transactions au cours d’une journée. De plus, il gère le système automatisé de compensation et de règlement, ou SACR, et va mettre au point un nouveau système de paiements de détail, soit le système de paiements en temps réel.

Il joue un rôle extrêmement important en ce qui concerne la propriété et l’exploitation de ces systèmes, mais les modifications que nous apportons à la Loi sur la compensation et le règlement des paiements sont des modifications techniques, comme l’a mentionné mon collègue, M. Girard, qui visent à faciliter la résolution pour les banques. L’autre modification apportée à la Loi sur la compensation et le règlement des paiements vise à clarifier la définition des termes « compensation » et « règlement » dans la loi, afin de faire en sorte que nous puissions couvrir les services d’échange de paiements dans le cadre de la loi.

La sénatrice Wallin : Nous pouvons donc ajouter cela à la liste de choses à examiner, car c’est une question que bon nombre d’entre nous se posent concernant le fonctionnement de cet organisme. Merci.

Mme O’Brien : Merci.

Le sénateur Smith : Ma question s’adresse aux représentants du ministère des Finances et de l’Association des banquiers canadiens. Vous avez parlé de l’importance des actifs non réclamés dans les banques et vous nous avez donné quelques chiffres. Pourquoi y a-t-il autant d’argent dans des comptes inactifs dans les banques? Quelqu’un pourrait-il m’aider à comprendre? Que se passe-t-il? Est-ce que c’est parce que les gens meurent? Est-ce que l’argent est transféré et les gens ne savent pas ce qui se passe? On parle d’une somme importante.

Publier les montants des soldes, augmenter le nombre de réclamations sur les actifs : Cela aidera-t-il si vous commencez à prendre des mesures proactives pour publier les soldes de comptes qui sont inactifs? Cela aidera-t-il à résoudre le problème de l’argent non réclamé et du nombre de comptes inactifs?

M. Moreau : Je vous remercie de la question. Si vous me le permettez, je vais commencer, et ma collègue de la Banque du Canada pourra ajouter de l’information.

Pourquoi voit-on un si grand nombre de comptes non réclamés et autant d’argent transféré à la Banque du Canada? De toute évidence, les gens oublient tout simplement certains de leurs comptes bancaires qu’ils ont auprès de leurs institutions financières. Ma collègue de la Banque du Canada pourra vous dire la valeur moyenne de ces comptes, mais en général, elle est faible. Ce sont de petits montants dans des comptes que les gens ont oubliés.

Le problème, c’est que l’institution financière transfère peu de renseignements à la Banque du Canada après une période de 10 ans. Il ne suffit pas d’informer la Banque du Canada de la dernière transaction effectuée, de l’endroit où la dernière transaction a eu lieu et du nom du propriétaire. C’est pourquoi nous voulons ajouter d’autres renseignements qui seront transférés à la Banque du Canada, afin d’augmenter la probabilité qu’on puisse prendre contact avec quelqu’un qui a oublié l’existence d’un compte.

L’ajout du numéro d’assurance sociale et de la date de naissance facilitera également le travail de la Banque du Canada lorsqu’il s’agit de trouver qui sont ces propriétaires et de s’assurer qu’ils pourront récupérer leur argent.

Mme Brigham : Je suis entièrement d’accord avec mon collègue. Je pense que ce sont des gens qui, en général, ont oublié leurs comptes.

Dans plus de 90 % des cas, le solde des comptes est inférieur à 1 000 $, ce qui représente environ 75 % du montant en dollars. Il s’agit en gros de personnes qu’on a perdues ou oubliées. Pour les gens qui ne le savent pas, il existe une liste sur le site Web de la Banque du Canada qu’ils peuvent consulter pour vérifier s’ils ont des soldes non réclamés.

Le sénateur Smith : Qu’en est-il des coûts administratifs? Il s’agit d’un petit montant; vous avez dit que c’était 1 000 $ en moyenne. Était-ce 900 millions de dollars? On parle d’un montant substantiel. Quel type de fardeau administratif cela représente-t-il pour les banques ou la Banque du Canada? Il semble qu’il s’agit d’une tâche pénible.

Mme Brigham : Une fois par année, les institutions financières sous réglementation fédérale nous envoient les renseignements détaillés des individus et, à l’heure actuelle, un nombre limité de renseignements. Nous avons un système qui inclut une petite équipe de personnes qui suivent cela. Ensuite, les individus soumettent des renseignements pour récupérer ces soldes. Nous les traitons. Comme l’a dit M. Moreau, si nous disposions de renseignements supplémentaires, comme un numéro d’assurance sociale ou une date de naissance, nous serions beaucoup mieux en mesure d’établir une correspondance entre ces demandes et les individus.

Le sénateur Smith : Fournir de l’information, c’est-à-dire non seulement le nom et l’adresse, mais la date de naissance, ne constitue-t-il pas une condition préalable? En tant que client d’une banque, je trouve en quelque sorte étrange que la banque ne dispose pas de ce type de renseignements pour pouvoir gérer ou du moins mieux connaître l’identité de la personne qui détient le compte inactif et la raison pour laquelle il est inactif. Il semble étrange qu’elle ne dispose pas de ces renseignements.

Mme Brigham : Je vous remercie de la question. C’est tout à fait juste. Les institutions financières ont l’information, mais à l’heure actuelle, la loi prévoit qu’un nombre limité de renseignements doit être envoyé à la Banque du Canada avec les fonds.

Nous avons leur adresse, nous connaissons la date de la dernière utilisation et le numéro de compte bancaire. Parfois, les gens ont déménagé, 10 ans plus tard, et ils n’ont pas nécessairement l’information nous permettant de confirmer que c’était une adresse exacte. Si l’institution financière pouvait envoyer ces renseignements à la Banque du Canada — numéro d’assurance sociale, date de naissance —, nous pourrions les conserver dans notre système, et nous serions en mesure de faire la validation beaucoup plus rapidement.

Le sénateur Smith : Merci, madame Brigham.

Le sénateur Klyne : J’ai une question qui s’adresse à M. Hyndman. Comme vous l’avez dit dans votre déclaration préliminaire, le budget de 2021 propose de verser 12 millions de dollars sur deux ans au Bureau de transition canadien en valeurs mobilières. Je crois comprendre que les fonds seront utilisés pour appuyer les efforts que mène le gouvernement fédéral pour établir un régime coopératif de réglementation des marchés de capitaux. Il s’agit d’un cadre de réglementation coopératif qui vise à remplacer les régimes de réglementation des valeurs mobilières régionaux par un régime unique harmonisé dans toutes les provinces et tous les territoires participants.

Le projet de loi C-30 prévoit également, à l’article 158, de la section 5 de la partie 4, que la ministre soit autorisée à faire des paiements directs d’un montant global ne dépassant pas 119,5 millions de dollars au Bureau de transition canadien en valeurs mobilières. Veuillez donner au comité une vue d’ensemble de la façon dont cet organisme national commun de réglementation des valeurs mobilières renforcerait l’intégrité des marchés canadiens. En outre, existe-t-il d’autres exemples, dans le Commonwealth, de pays qui ont mis en œuvre une approche similaire?

Bien que je puisse penser à de nombreux avantages de créer un organisme national de réglementation des valeurs mobilières, la Confédération permet aux provinces et aux territoires de créer leur propre organisme. Dans quelle mesure les provinces ou les territoires conserveront-ils le contrôle de leur réglementation sur les valeurs mobilières s’ils décident de ne pas adhérer ou de ne plus adhérer au régime régi par le gouvernement fédéral? S’ils le jugent opportun, pourront-ils revenir à un régime régional après avoir adhéré au régime national proposé?

M. Hyndman : Je vous remercie beaucoup de la question, monsieur le sénateur. Je dois dire que ce à quoi travaille le Bureau de transition canadien en valeurs mobilières en majeure partie, ce n’est pas au régime coopératif, mais bien à l’élément fédéral du régime coopératif, qui est la Loi sur la stabilité des marchés des capitaux.

Pour répondre à vos questions sur le régime coopératif, je dirais qu’il s’agit principalement d’une initiative des provinces participantes, que le gouvernement fédéral a soutenue et financée, mais il s’agit surtout d’un effort provincial : les provinces élaborent des mesures législatives communes. Il s’agit d’un régime volontaire. Certaines y ont adhéré et d’autres non. L’accord permet aux provinces de se retirer si elles le souhaitent.

C’est de cela qu’il s’agit, lorsqu’on parle du régime coopératif et, comme vous le savez probablement, le processus a pris du retard et a été ralenti par un certain nombre de facteurs, dont la COVID au cours de la dernière année. En outre, l’élaboration des mesures législatives par les provinces a pris beaucoup plus de temps que prévu.

Le président : Monsieur Hyndman, vous faites preuve d’une certaine retenue dans vos observations. Je vais laisser cela pour une autre discussion.

M. Hyndman : Je vous laisse le soin de le décider.

Le sénateur Klyne : Toutefois, je veux savoir à quoi sont destinés les 119 millions de dollars.

M. Hyndman : Le montant de 119 millions de dollars est un montant cumulatif qui remonte à 2009. Le projet de loi modifie donc le montant de 107 millions, ce qui nous a été fourni jusqu’à il y a quelques années, et ajoute 12 millions de dollars pour nous permettre de poursuivre notre travail pendant encore deux années.

Je dois dire que le travail que nous accomplirons au cours des deux prochaines années est presque entièrement axé sur le développement de capacités pour appliquer la Loi sur la stabilité des marchés des capitaux, qui est l’élément fédéral du régime coopératif. Évidemment, des décisions doivent encore être prises quant à la façon dont le tout sera mis en œuvre et à quel moment.

Le sénateur Klyne : Est-ce que cela va en quelque sorte renforcer l’intégrité des marchés du Canada?

M. Hyndman : Certainement : cela renforcera la stabilité, l’intégrité. Nous avons traversé, bien sûr, la crise financière mondiale de 2008 et, l’an dernier, en mars, il y a eu beaucoup de remous sur les marchés. Nous avons simplement besoin de beaucoup plus de données pour comprendre ce qui se passe dans les parties critiques des marchés, et il nous faut pouvoir intervenir sur le plan réglementaire.

Le sénateur Klyne : Est-ce que le Bureau du surintendant des institutions financières assure une certaine surveillance à cet égard?

M. Hyndman : Le Bureau du surintendant des institutions financières est responsable de surveiller les institutions financières. Je vais le laisser parler en son propre nom, mais il s’agit d’institutions. On parle ici du marché. L’une des choses qui se sont produites au fil des ans, c’est que de plus en plus d’activités de financement se sont déplacées vers les marchés, en partie en réponse aux règlements qui ont resserré les exigences de fonds propres pour les institutions. Nous avons simplement besoin de meilleures capacités à l’échelle nationale pour surveiller et atténuer les risques qui surviennent dans ce secteur.

Le président : Merci.

Le sénateur Loffreda : Bienvenue à tous les témoins. Ma question concerne la section 9, qui porte sur la Loi sur les normes de prestation de pension. Compte tenu de la composition démographique de notre pays et du vieillissement de la population, la solvabilité de nos régimes de retraite doit être bien surveillée, comme nous le savons tous. Les régimes à cotisations négociées sont-ils exemptés des exigences de capitalisation de la solvabilité? Quelles mesures sont prises pour veiller à ce que les prestations déterminées de ces régimes soient bien capitalisées?

Mme Wrye : Je vous remercie de la question. À l’heure actuelle, les régimes de retraite à cotisations négociées sont assujettis à des exigences de capitalisation de la solvabilité. Toutefois, étant donné que les cotisations sont fixes pour ces types de régimes, si un régime est en déficit de solvabilité, il doit généralement réduire les prestations afin de résoudre la situation.

Dans le cadre qui est proposé pour ces régimes et que le gouvernement a présenté dans un document de consultation l’année dernière, il y a l’élimination d’exigences de capitalisation de la solvabilité, afin d’aider ces régimes à offrir des prestations plus durables sans avoir à réduire les prestations pendant la durée des régimes.

Ces éléments du cadre seront réalisés par des règlements. Notre loi contient une disposition habilitante concernant les exigences de capitalisation, mais certaines des mesures de protection proposées à défaut d’une capitalisation de la solvabilité figurent dans les mesures législatives, à savoir l’obligation pour ces régimes d’établir des politiques de gouvernance et de capitalisation qui définiraient la façon dont les régimes seront administrés; favoriseraient une transparence accrue pour les participants et les retraités quant aux risques pris par le régime; établiraient la façon dont les prestations pourraient être ajustées; et définiraient des voies claires pour résoudre tout problème.

Les modifications réglementaires proposées et à venir concernant les exigences de capitalisation visent également à renforcer la capitalisation selon l’approche de continuité. À cet égard, on présume que le régime poursuit ses activités. Il s’agit de chercher à utiliser des réserves afin de renforcer les exigences de capitalisation de cette façon également et d’assurer la durabilité des prestations pour ces régimes.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ma question sera horizontale. Au fond, nous étudions ici plusieurs éléments qui mériteraient d’être approfondis et nous n’avons pas tous nécessairement les connaissances suffisantes pour pleinement apprécier le bien-fondé de ce qui nous est proposé.

Ma question comprend un piège, mais je vais la formuler quand même; elle s’adresse en particulier aux représentants du ministère des Finances Canada.

Notre rôle, lorsque nous étudions une loi, c’est de veiller à ce qu’elle soit constitutionnelle, bien sûr, mais aussi à ce qu’il n’y ait pas de groupes ou de provinces qui soient lésés par certaines dispositions. J’ai entendu ce que chacun d’entre vous a dit. Certains ont parlé davantage des valeurs mobilières. Nous savons qu’il y a des provinces qui ont des susceptibilités en la matière.

Ma question est la suivante. Elle s’adresse aux représentants du ministère des Finances, mais à tous les témoins également : à votre connaissance, des critiques fortes ont-elles été formulées à l’égard de certaines dispositions du projet de loi que nous étudions actuellement?

M. Moreau : Je n’ai rien de négatif à rapporter de mon côté. Je peux seulement parler des actifs non réclamés. On a fait des consultations avant d’apporter des changements. Tous les groupes de consommateurs ont été consultés. Comme on l’a mentionné, on ne fait que des changements positifs : on veut s’assurer que les personnes sont en mesure de toucher les fonds qui leur reviennent. Après tout, c’est leur argent qui a été oublié. De notre côté, c’est tout à fait positif. Aucun commentaire négatif n’est ressorti.

La sénatrice Bellemare : En ce qui concerne les aménagements qu’on veut faire en matière de pensions à la section 9, est-ce qu’il y a des critiques ou des craintes provenant des syndicats, par exemple, ou des entreprises en particulier?

[Traduction]

Mme Wrye : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Nous avons mené des consultations au sujet des changements proposés à ce cadre révisé pour les régimes à cotisations négociées. Nous avons consulté tous les régimes concernés. Il y en a environ 14 au Canada. Nous avons également consulté les syndicats, les retraités et les spécialistes de l’industrie. En général, je peux dire que les changements que nous proposons ont reçu un vaste appui lors de nos consultations.

La plupart des commentaires que nous avons reçus concernaient les exigences de capitalisation. Nous n’avons pas reçu de commentaires négatifs au sujet de l’élimination d’exigences de capitalisation de la solvabilité, mais nous avons reçu un grand nombre de commentaires sur ce que nous devrions faire pour renforcer, d’autre part, la capitalisation selon l’approche de continuité. Comme cette partie du cadre sera réalisée au moyen d’une modification réglementaire, nous mènerons d’autres consultations sur les changements proposés et nous aurons l’occasion d’entendre d’autres commentaires à ce sujet.

[Français]

La sénatrice Bellemare : En ce qui concerne la section 5, monsieur Hyndman, est-ce qu’il y a de l’animosité de la part des provinces par rapport à ce que le ministère des Finances fédéral est en train d’entreprendre, ou a-t-on accepté le futur régime coopératif?

[Traduction]

M. Hyndman : En ce qui concerne le régime coopératif, manifestement les points de vue diffèrent d’une province à l’autre, madame la sénatrice, comme vous le savez certainement. Pour ce qui est de ce à quoi le Bureau de transition canadien en valeurs mobilières travaille en ce moment — Loi sur la stabilité des marchés des capitaux —, nous n’avons pas entendu beaucoup de choses de la part des provinces dernièrement. Il y a quelques années, une décision judiciaire a quelque peu clarifié les choses au sujet des compétences et nous continuons notre travail. Nous sommes impatients de collaborer étroitement avec les provinces pour nous assurer que la mise en œuvre se fait de manière coopérative — « coopérative » sous un autre angle — et coordonnée avec les organismes de réglementation provinciaux. Nous n’avons certainement eu aucun commentaire négatif jusqu’à présent.

La sénatrice Bellemare : Merci.

Le sénateur C. Deacon : Ma première question s’adresse à M. Hannah et à Mme O’Brien.

Il s’agit encore une fois de la section 3. Vous et moi savons qu’il est difficile de présenter de nouvelles mesures législatives et de les faire adopter. Le processus peut être un long. Il semble s’agir d’un élément simple qui concerne le service à la clientèle à bien des égards. Pourquoi a-t-il fallu trois ans, et probablement deux ou trois années, auparavant, concernant la rédaction, pour que quelque chose d’aussi simple soit promulgué et entre en vigueur?

Mme O’Brien : Merci beaucoup. C’est effectivement complexe, et je crois malheureusement que certaines choses exigent plus de temps que nous le souhaiterions. Comme je l’ai mentionné, nous avions déjà apporté des modifications à la Loi sur les banques en 2018, et nous avons alors élaboré un cadre de protection des consommateurs de produits et de services financiers. Ce cadre n’a pas encore été mis en œuvre, mais nous espérons que cela pourra se faire sous peu.

Nous proposons maintenant cet amendement simplement parce que nous avons jugé, avec le recul et un nouvel examen des dispositions, que le libellé n’est pas aussi clair qu’il le devrait dans cette partie de la loi. La Loi de mise en œuvre du budget nous offre l’occasion d’apporter les éclaircissements nécessaires dans ce contexte.

Le sénateur C. Deacon : Pour préciser des dispositions qui n’ont peut-être pas été aussi bien rédigées qu’elles l’auraient dû?

Mme O’Brien : C’est tout à fait cela, et ce, avant leur entrée en vigueur, plutôt que d’avoir à corriger le tout à un moment ou à un autre dans l’avenir.

Le sénateur C. Deacon : Merci.

Monsieur Hyndman, j’applaudis vos efforts pour en arriver à une plus grande coopération dans nos marchés des capitaux au Canada. Vous n’êtes pas le premier à vous heurter à des difficultés semblables, car la situation perdure sans doute depuis une centaine d’années déjà.

Quelles seraient les conditions de réussite ou les étapes à franchir au cours des deux prochaines années de telle sorte que vous puissiez dire que les efforts déployés jusqu’à maintenant en ont vraiment valu la peine et que nous commençons peut-être à cheminer sur la bonne voie dans ce dossier crucial?

M. Hyndman : Merci, sénateur, pour la question. Il va de soi que nous concentrons actuellement nos efforts sur la gestion des risques systémiques et que nous voudrions que la Loi sur la stabilité des marchés des capitaux soit adoptée, mais c’est au gouvernement qu’il incombe de décider si cela va se faire et à quel moment on le fera. Quoi qu’il en soit, notre bureau poursuit son travail pour déterminer quelles données pourraient être disponibles et quelles sont les principales données manquantes pour nous permettre de bien comprendre le fonctionnement des marchés des capitaux au Canada.

J’aimerais que nous puissions corriger ces lacunes et continuer d’élaborer des méthodologies pour détecter les risques, évaluer l’ampleur de la menace qu’ils font peser sur les marchés des capitaux au Canada ainsi que sur notre économie, et concevoir, en consultation et en coordination avec les différentes instances réglementaires, des solutions nous permettant de réagir à ces risques lorsque nous y sommes exposés.

Le sénateur C. Deacon : Avez-vous songé à collaborer avec des entités du secteur privé pour vous aider dans cette analyse? De toute évidence, il y a d’excellentes possibilités de recourir à des tierces parties pour l’analyse des données. Je me demande pourquoi la réflexion en matière de réglementation exclut souvent les entités du secteur privé ou les approches visant à mettre la technologie au service du gouvernement ou de la réglementation. Est-ce une avenue qui a été envisagée? J’ai l’impression que c’est l’occasion rêvée d’utiliser une approche semblable.

M. Hyndman : Tout à fait. Dans l’état actuel des choses, nous ne disposons pas des pouvoirs qui nous permettraient d’obtenir des données d’autres sources que les fournisseurs commerciaux auxquels nous devons faire appel. Nous profitons d’une bonne coopération de la part de ces fournisseurs qui acceptent de créer de nouveaux flux de données répondant à nos besoins. Ces données qui leur sont également utiles pour des raisons commerciales nous servent aussi pour l’analyse de différents éléments comme les bases de référence ou les fonds d’investissement. Il y a de nombreux services que nous pouvons ainsi obtenir auprès de fournisseurs commerciaux, notamment pour ce qui est des capacités analytiques dont nous ne disposons assurément pas à l’interne. Ce sera un élément clé dans la poursuite du projet.

Le sénateur C. Deacon : Merci pour cette réponse, et merci également pour la créativité et la persévérance dont vous faites montre dans votre travail.

La sénatrice Ringuette : Merci, monsieur Hyndman, d’être des nôtres aujourd’hui. Ce budget prévoit un montant de 12 millions de dollars par année, soit 24 millions de dollars au total, ce qui portera à 119 millions de dollars sur une période de 14 ans les sommes consenties pour faire la transition des marchés provinciaux de valeurs mobilières vers un régime coopératif à libre adhésion.

Je suis loin d’être une spécialiste des marchés boursiers. Il y a une chose que j’arrive difficilement à comprendre. Il y a seulement trois provinces qui ont indiqué jusqu’à maintenant ne pas vouloir adhérer à ce régime coopératif. Elles ont déjà leur propre système en place. Elles font l’analyse des risques systémiques et tout le reste, dans la mesure de leur exposition à ce marché.

Je suis donc vraiment perplexe. Pourquoi faut-il 14 ans pour effectuer la transition? Parce que c’est effectivement votre mandat, en plus d’avoir à conseiller Finances Canada. C’est beaucoup de temps. C’est aussi beaucoup d’argent, mais je m’intéresse ici à la durée de l’exercice. Pourquoi est-ce si long? Qu’est-ce qui m’échappe relativement aux étapes nécessaires pour réussir cette transition?

M. Hyndman : Merci pour cette question, madame la sénatrice. Permettez-moi d’abord de préciser une chose. C’est en fait un montant de 12 millions de dollars sur une période de deux ans. C’est donc 6 millions de dollars par année pour que notre bureau puisse poursuivre son travail pendant deux ans encore.

La sénatrice Ringuette : D’après ce que j’ai pu comprendre — et veuillez me corriger si j’ai tort —, vous en étiez rendu à 96 100 000 $, et ce budget porte le total à 119 500 000 $. C’est donc 24 millions de dollars sur une période de deux ans.

M. Hyndman : Le total de 96 millions de dollars est passé à 107 millions de dollars il y a quelques années, je ne me souviens plus quand exactement. C’est ainsi maintenant 107,5 millions de dollars que le gouvernement a versés. Je pourrais vous dire comment cet argent a été dépensé, mais je ne sais pas si vous souhaitez que je fournisse tous ces détails, monsieur le président?

Le président : Ce ne sera pas nécessaire. Il était important d’apporter cette clarification, mais je crois que nous comprenons ce que vous voulez nous dire. Vous pouvez poursuivre.

M. Hyndman : L’exercice est en cours depuis le milieu de l’année 2009. Le projet s’est déroulé en plusieurs phases. Au départ, c’était une proposition du gouvernement fédéral, mais la Cour suprême a déterminé que cela outrepassait la compétence fédérale. Les efforts pour mettre en place un régime coopératif se sont amorcés en 2013. C’est d’abord et avant tout une initiative des provinces, mais le gouvernement fédéral a offert le financement pour l’administration des travaux.

Nous utilisons maintenant les fonds pour nous donner les capacités voulues notamment en matière de gestion des risques systémiques et de cueillette des données, soit dans les domaines qui, selon la Cour suprême, relèvent sans équivoque du gouvernement fédéral en vertu de sa compétence générale en matière de commerce. Si l’on devait aller de l’avant avec le régime coopératif, ce serait la composante fédérale de ce régime, mais c’est un dossier que nous considérons comme une priorité distincte à l’échelon fédéral. Vous avez raison de dire que les provinces s’intéressent aux risques systémiques, mais elles ne le font que dans les limites de leurs marchés respectifs. Nous considérons les risques systémiques dans une perspective nationale, ce qui est plus complexe qu’un simple cumul des différentes perspectives provinciales.

Quant au temps que cela nécessite, je suis tout à fait d’accord avec vous. C’est bien évidemment beaucoup plus long que ce que nous aurions espéré. La question précédente portait également sur les raisons pour lesquelles cela prend autant de temps. Je suppose que c’est l’un des inconvénients de l’administration publique. Il n’en reste pas moins que nous avons beaucoup progressé. Nous espérons ainsi pouvoir aller de l’avant dans un avenir rapproché.

Le président : Dans un souci de transparence, je dois vous dire que j’ai déjà travaillé en étroite collaboration avec M. Hyndman dans le secteur des valeurs mobilières, ce qui fut pour moi une expérience agréable en tout point. Il a peut-être une opinion différente de la mienne à ce sujet, mais nous avons tout de même été témoins en 2016 de la présentation de la première ébauche de ce projet de loi. Nous voilà rendus en 2021, et M. Hyndman est toujours actif dans ce dossier. Vous pouvez continuer.

La sénatrice Ringuette : J’aimerais certes pouvoir prendre connaissance de la plus récente ébauche du projet de loi. Cela dit, j’ai une question rapide pour vous. Avez-vous dit que les provinces participent également au financement de votre bureau?

M. Hyndman : Non.

La sénatrice Ringuette : Ce sont donc seulement des fonds fédéraux?

M. Hyndman : C’est bien cela.

La sénatrice Ringuette : Que font alors les provinces?

M. Hyndman : Elles élaborent les dispositions législatives pour le régime coopératif proposé. Ce sont les fonctionnaires provinciaux qui s’en chargent. Ce travail s’effectuait en partenariat avec l’Organisme de mise en place de l’Autorité des marchés des capitaux qui a dû interrompre récemment ses activités parce que l’on a considéré qu’elles allaient trop loin dans le contexte de la nouvelle loi à venir. Les provinces s’emploient à définir les aspects provinciaux du régime coopératif. Notre bureau s’intéresse principalement aux aspects fédéraux de ce régime.

La sénatrice Ringuette : Et ce travail se poursuit depuis 12 ans?

M. Hyndman : Disons que cette portion du travail qui porte sur le régime coopératif est en cours depuis huit ans.

Le sénateur Klyne : J’ai une question pour la représentante de la Banque du Canada. C’est concernant la section 8 de la partie 4 qui vise l’adoption de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail dont la supervision sera confiée à la Banque du Canada. C’est donc pour vous un nouvel ensemble de responsabilités et de pouvoirs pour assurer le respect des exigences opérationnelles et financières, sans compter la nécessité de tenir à jour un registre des fournisseurs de services de paiement basés sur la technologie financière et le portefeuille numérique.

À l’heure actuelle, bon nombre de grandes organisations, comme Google, Apple et Venmo, utilisent les technologies de portefeuille numérique et de cryptomonnaie pour travailler en partenariat avec les grandes banques canadiennes de telle sorte que les Canadiens puissent avoir accès à une forme quelconque de portefeuille numérique. En quoi les changements proposés vont-ils offrir au gouvernement les outils nécessaires pour créer un cadre réglementaire strict et axé sur la responsabilisation tout en offrant une liberté d’action suffisante pour la conception de technologies permettant de poursuivre les efforts d’innovation? Compte tenu des nouvelles responsabilités qui incomberont à la Banque du Canada, de combien de temps et de ressources supplémentaires devrait-on avoir besoin pour mettre le tout en marche si le projet de loi C-30 est adopté?

Mme Brigham : Merci pour cette question.

Le président : Vous avez deux minutes, madame Brigham.

Mme Brigham : Je crois que l’un de mes collègues, M. Morrow, va témoigner devant le comité. Cela relève d’une section autre que la mienne. Je vous prierais donc de vous en remettre au témoignage de M. Morrow. Merci.

M. Moreau : Je suis désolé, mais peut-être que quelqu’un d’autre saurait mieux vous répondre. Je vais demander à Mme O’Brien si elle veut venir à mon aide encore une fois.

Mme O’Brien : Il a effectivement été indiqué que la Banque du Canada agirait à titre d’autorité réglementaire aux fins de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail. Au cours des prochaines années, nous comptons élaborer, en coopération avec la Banque du Canada, les instances provinciales et territoriales et l’industrie, les dispositions réglementaires nécessaires à la mise en place du cadre de surveillance.

Nous travaillons en étroite collaboration avec la Banque du Canada et nous verrons au respect du principe de proportionnalité au fil de l’élaboration des règlements et du cadre de surveillance de telle sorte que les facettes importantes que représentent l’innovation et la concurrence puissent continuer à s’épanouir dans le secteur du paiement de détail. Nous sommes donc tout à fait conscients de l’importance que prendra dorénavant cette considération.

J’espère avoir répondu à votre question. J’ai essayé de ne pas prendre trop de temps.

Le président : Sachez bien que ce n’est pas une requête que je vous adresse, madame O’Brien, mais si vous pensez avoir des informations pouvant être utiles au Sénat, vous pouvez les transmettre par écrit à notre greffière. Je ne suis pas en train de dire que vous êtes tenue de le faire, mais le sénateur Klyne pourrait vous en être reconnaissant.

Le sénateur Klyne : Certainement, et si M. Hannah a quelque chose à ajouter à ce sujet, je le prierais également de le faire. Merci.

Le président : Il n’est pas nécessaire que ce soit un traité, même si c’est peut-être ce que souhaite le sénateur Klyne.

Je tiens à remercier tous nos témoins pour leur participation à la séance de ce soir et l’information qu’ils nous ont communiquée. Nous en sommes arrivés à l’heure prévue pour la fin de notre séance et nous ne pouvons pas aller plus loin. Un grand merci à vous tous, et merci également à mes collègues sénateurs pour les questions qu’ils ont posées et l’information qu’ils nous ont ainsi permis d’obtenir. Merci encore et bonne soirée à tous.

(La séance est levée.)

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