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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 12 novembre 2020

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui par vidéoconférence à 11 heures [HE] pour examiner la teneur du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada).

Le sénateur Percy Mockler(président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, avant que nous ne commencions, je vous rappelle, ainsi qu’à nos témoins, que vos microphones doivent être éteints en tout temps, à moins que la présidence ne vous nomme.

[Français]

Si vous éprouvez des difficultés techniques, notamment en matière d’interprétation, veuillez le signaler au président ou à la greffière et nous nous efforcerons de résoudre le problème.

Si vous éprouvez d’autres difficultés techniques, veuillez contacter le centre de services de la DSI en utilisant le numéro d’assistance technique qui vous a été fourni.

[Traduction]

Nous allons maintenant commencer la partie officielle de notre réunion.

Je m’appelle Percy Mockler, et je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je vais maintenant nommer les membres du comité des finances nationales ici présents : les sénateurs Boehm et Dagenais, les sénatrices Deacon et Duncan, le sénateur Forest, la sénatrice Galvez, le sénateur Klyne, le sénateur Loffreda, la sénatrice Marshall, le sénateur Richards, le sénateur Smith, la sénatrice Gagné et la sénatrice Martin. D’autres sénateurs assistent également à la réunion.

Je souhaite la bienvenue à tous, ainsi qu’aux Canadiens qui nous regardent.

Avant d’entendre nos témoins, nous devons régler une question administrative. Il semble qu’on s’est entendu pour donner un poste de vice-président du Comité des finances nationales au Groupe progressiste du Sénat. Or, nous ne l’avons pas fait lors de notre dernière séance d’organisation et j’en assume la responsabilité entière. Nous allons immédiatement rectifier la situation.

Je crois que le sénateur Richards souhaite parler au comité.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup, sénateur Mockler. Je démissionne de mon poste de vice-président et je propose la candidature du sénateur Klyne. Je conserverai une place au sein du comité de direction à titre de quatrième membre. Merci beaucoup.

Le président : Merci, sénateur Richards.

Honorables sénateurs, on propose que le sénateur Richards renonce à son poste de vice-président, lequel sera confié au sénateur Klyne, membre du Groupe progressiste du Sénat. Êtes-vous tous d’accord, chers collègues? Merci. Le Comité des finances nationales en a décidé ainsi.

Êtes-vous tous d’accord, honorables sénateurs, que le sénateur Richards soit le quatrième membre du comité de direction? D’accord. Merci.

Mesdames et messieurs, attaquons-nous à notre ordre du jour. Nous commençons une étude de la teneur du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada), dont a été saisi le Comité des finances nationales le 5 novembre 2020 par le Sénat du Canada.

Notre premier groupe de témoins d’aujourd’hui est constitué des représentants de trois organisations. Tout d’abord, nous entendrons Dan Kelly, président et chef de la direction de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, suivi de Lauren van den Berg, vice-présidente exécutive des Relations gouvernementales de Restaurants Canada, qui est accompagnée de David Lefebvre, vice-président des Affaires fédérales et Québec. Viendra ensuite le tour d’Am Lidder, première vice-présidente des Services fiscaux de MNP s.r.l., qui est accompagnée de Kim Drever, associée et responsable régionale de la fiscalité.

Bienvenue à vous tous, et merci d’avoir accepté de comparaître au sujet de la teneur du projet de loi C-9.

M. Kelly, Mme van den Berg et Mme Lidder auront chacun cinq minutes pour faire leurs exposés. Monsieur Kelly, vous avez la parole.

Dan Kelly, président et chef de la direction, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante : Sénateur Mockler, merci beaucoup. Mesdames et messieurs, c’est un plaisir de comparaître virtuellement aujourd’hui. J’ai bien hâte au jour où nous pourrons le faire de nouveau en personne.

Mon organisation, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, se fait la voix des petites entreprises du Canada qui ont accusé un coup terrible et qui demandent de l’aide et du soutien pendant cette période critique. Je suis heureux que vous étudiiez le projet de loi, car il est important. Je vous encourage à l’adopter rapidement.

Hier soir, j’ai envoyé à votre greffière, Maxime Fortin, des diapositives qui présentent des données sur les propriétaires de petites entreprises du Canada. Nous recueillons régulièrement des données sur nos 110 000 membres, des PME du Canada. Cela vous donnera une bonne idée des dommages attribuables à la COVID-19 au sein de la communauté des entreprises indépendantes du Canada.

Alors que nous nous réunissons aujourd’hui, d’autres mesures de confinement frappent des petites entreprises du Canada. Je suis à Toronto maintenant, mais ma province natale du Manitoba se fait imposer un confinement général qui ressemble beaucoup à ce qu’ont subi la plupart des provinces en mars. C’est une crise énorme pour les petites entreprises et il faut prendre des mesures immédiatement.

Nous recueillons des données presque chaque semaine sur les petites entreprises du Canada, et sachez qu’actuellement, seulement 66 % d’entre elles sont entièrement ouvertes. Un tiers des petites entreprises sont carrément ou partiellement fermées, même maintenant, huit mois après le début de la pandémie. Ce chiffre a oscillé autour de 70 % pendant la majorité des huit mois de la crise de la COVID.

Seulement 42 % des petites entreprises ont pu rembaucher tout leur personnel. Cela veut dire que presque 60 % d’entre elles ont moins de personnel qu’elles n’en avaient avant la pandémie. La statistique la plus inquiétante, bien sûr, c’est que seulement 29 % des petites entreprises ont un chiffre d’affaires normal. Cela veut dire que 70 % des petites entreprises enregistrent moins de ventes que normalement à cette période de l’année, et elles sont nombreuses, plus d’un tiers, à toujours connaître une baisse des ventes de 50 % ou plus à ce stade-ci de la pandémie. La situation s’aggrave et ne s’améliore pas. Depuis la deuxième vague, 51 % des petites entreprises ont vu leurs ventes fléchir davantage, ce qui a suscité des craintes. Nous sommes très inquiets.

Actuellement, 37 % des petites entreprises canadiennes nous disent qu’elles perdent de l’argent tous les jours qu’elles ouvrent leurs portes. Plus d’un tiers perdent de l’argent chaque jour, et elles sont nombreuses à se poser la question : « Combien de jours nous restent-ils avant de devoir mettre la clé sous la porte? »

Nous avons effectué de la recherche pour savoir combien de petits entrepreneurs songent sérieusement à la faillite ou à la fermeture; 14 % y pensent. Cela correspond à une petite entreprise canadienne sur sept menacée de fermeture par la COVID-19. Les chiffres varient d’un secteur à l’autre. Bien évidemment, le secteur de l’hospitalité a été le plus durement frappé, ainsi que les secteurs des arts et loisirs et des services.

Le gouvernement a prévu des programmes utiles pour les petites entreprises, et les changements contenus dans le projet de loi C-9 sont, pour la plupart, fort positifs. Ce sont des mesures que nous avons demandées au gouvernement au fur et à mesure que la pandémie s’est prolongée.

En ce moment, 70 % des petites entreprises, nos membres, ont eu recours au programme de prêt CUEC et 63 % ont demandé la Subvention salariale d’urgence du Canada, la SSUC, à un moment donné au cours des derniers mois. Le programme AUCLA, qui offrait une aide avec le loyer, a été pour nous un échec colossal, car seulement 22 % des petites entreprises ont pu s’en prévaloir. L’une des plus grandes lacunes du programme, c’était qu’il fallait que le propriétaire accepte d’y participer, et la plupart des propriétaires ont boudé le programme.

Lorsque nous avons annoncé la bonne nouvelle des intentions du gouvernement contenues dans le projet de loi C-9, plus de la moitié des entreprises interrogées sur leurs projets ont indiqué qu’elles pensaient demander la subvention salariale modifiée pour les aider au cours des prochains mois. La moitié ont dit qu’elles feraient une demande au titre de la nouvelle mouture du CUEC, qui accordera désormais un prêt de 20 000 $, soit une autre mesure salutaire proposée par le gouvernement. Seulement un tiers de nos membres ont indiqué qu’ils considéreraient la subvention pour le loyer. Je ne crois pas que le faible pourcentage soit attribuable à un manque d’intérêt, car aux yeux d’un grand nombre de petites entreprises, la subvention au loyer est impraticable. Nous avons donc un grand défi de communication devant nous, afin que les propriétaires d’entreprises comprennent que le programme a été revu en profondeur.

Ces programmes contiennent de nombreux aspects positifs. Lorsque nous avons demandé à nos membres si les trois principaux programmes de soutien du gouvernement, soit la SSUC, la SUCL et le CUEC, leur donneraient le coup de main nécessaire pour survivre à la pandémie, 25 % des petites entreprises ont indiqué qu’elles étaient fortement d’accord, et un autre 39 % ont indiqué qu’elles étaient plus ou moins d’accord.

Ce ne sont pas des programmes parfaits, honorables sénateurs. Chacun de ces programmes de soutien gouvernementaux comprend de grandes lacunes. Les nouveaux entrepreneurs n’ont droit à presque rien.

Je vois que mon temps de parole est presque échu. Dans la plupart des cas, les programmes ne suffiront pas pour empêcher la fermeture d’autres entreprises.

Le président : Merci, monsieur Kelly. Je dois vous arrêter là. Vous nous avez fourni des documents, et je vous en remercie. Je demanderai à Mme van den Berg de faire son exposé.

Lauren van den Berg, vice-présidente nationale, Relations gouvernementales, Restaurants Canada : Merci beaucoup de nous recevoir ce matin. Pour ceux d’entre vous qui ne nous connaissent pas, je vous dirais rapidement que Restaurants Canada est une association industrielle nationale qui se fait la voix du secteur des services alimentaires. Je suis Lauren van den Berg, vice-présidente exécutive, chargée des Relations gouvernementales.

Alors que votre comité commence son étude du projet de loi C-9, qui prévoit des mécanismes de soutien critiques pour de nombreuses entreprises en difficulté du pays, j’aimerais vous faire part de certaines de nos inquiétudes en ce qui concerne les conséquences non voulues des subventions au salaire et au loyer en particulier, ainsi que de solutions qui aideront les entreprises les plus durement touchées à survivre.

Tout d’abord, la SSUC a joué un rôle primordial pour permettre aux restaurants de rouvrir et de continuer à exister. Notre industrie se serait effondrée sans ce mécanisme de soutien critique. Le programme visant le loyer et les prêts d’urgence aux petites entreprises ont certes joué un rôle crucial, mais comme notre industrie repose fondamentalement sur sa main-d’œuvre, le programme de subvention salariale nous a été plus utile que la PCU ou l’assurance-emploi. Voilà un des grands constats : nous créons des emplois. Le premier ministre a souligné à de nombreuses occasions que l’objectif consistait à créer un million d’emplois. Je vous le dis franchement, nous sommes le seul secteur qui puisse créer ces emplois [Difficultés techniques] au début de l’apocalypse. En fait, le secteur des services alimentaires a perdu plus d’emplois pendant les six premières semaines de la pandémie que n’a perdus l’économie canadienne dans son ensemble pendant la récession de 2008-2009. Aucune industrie n’a connu des pertes semblables.

Voilà ce qui nous amène à un deuxième constat important. Lorsque le gouvernement a proposé la prolongation de la subvention salariale en juin et en juillet, le pays était plus optimiste. Le soleil et le beau temps étaient au rendez-vous, les gens pouvaient profiter des terrasses et les perspectives économiques étaient positives. Or, nous voilà au milieu d’une deuxième vague. L’hiver frappe à la porte et les salles à manger sont fermées partout au pays. L’embellie du mois de juin ne correspond plus au milieu opérationnel et à la situation économique des entreprises canadiennes et surtout des restaurants.

Malgré les pertes de revenus découlant des fermetures et des restrictions opérationnelles, nous avons pris le temps d’investir des ressources considérables, soit 750 millions de dollars à ce jour, pour la formation du personnel, l’achat d’ÉPI et d’autres équipements sanitaires afin de protéger nos gens et les Canadiens.

Voilà ce qui témoigne de la nature innovatrice de notre industrie. De nombreux petits restaurateurs ont pu réorienter leurs cuisines vers les plats à emporter et à livrer et ainsi survivre, mais je vais être franche : ils vivotent. Les plateformes de livraison par un tiers que nous connaissons maintenant tous, Uber Eats, SkipTheDishes, exigent des frais exorbitants pour le privilège de livrer les repas des restaurateurs aux Canadiens. Nous payons une commission allant de 30 à 35 % pour le privilège. Aucun restaurant ne réalise des recettes au moyen de ces plateformes.

N’oublions pas les frais supplémentaires qui découlent de la nécessité de protéger les clients qui commandent des plats à emporter ou à livrer. Notre industrie doit maintenant utiliser beaucoup plus de contenants à usage unique qu’autrefois. Les frais engendrés par ces contenants à eux seuls pèsent lourdement sur les petits restaurateurs. Ajoutons à cela la taxe d’accise sur la bière, le vin et les spiritueux, et l’espoir d’une reprise économique pour les restaurants canadiens commence à se rétrécir comme peau de chagrin.

Tous ces frais, associés à une conjoncture économique moins encourageante que celle de l’été, veulent dire que la formule proposée du programme de la SSUC ne nous aidera pas à l’avenir. Nous proposons plutôt, et nous serons heureux de vous transmettre la formule et les documents à l’appui, un modèle qui aidera un nombre maximum de petits entrepreneurs du pays. La Subvention salariale d’urgence du Canada a fourni aux entreprises en situation difficile une subvention égale à 75 % des salaires. Ce montant a baissé de façon considérable à une époque où les restaurants ont toujours des difficultés et, dans de nombreux cas, encore plus qu’avant.

Restaurants Canada propose une subvention salariale égale à 1,6 fois la baisse [Difficultés techniques] des ventes, jusqu’à concurrence de 75 %. La SSUC est une aide primordiale pour notre industrie. Je sais que cela semble énorme de la doubler, mais les projections faites en juin ont été réduites de moitié. Le modèle aiderait également à compenser les pertes encourues depuis le début de la crise, mais elle ne tient pas compte des frais d’exploitation supplémentaires que j’ai décrits plus tôt qu’ont dû assumer les restaurants en 2020, tels que la livraison par un tiers, la formation du personnel, l’achat d’ÉPI, etc. Ce que nous proposons aidera notre industrie à survivre. La SSUC est essentielle à la survie du secteur de la restauration et des services alimentaires.

Nous sommes un grand pilier de la culture et de l’économie canadiennes. Nous jouons un rôle essentiel dans la reprise inclusive et musclée post COVID-19, et c’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’une formule qui appuiera un maximum de petits entrepreneurs du pays.

Je remercie le comité de son temps et de son écoute. Je serai heureuse de répondre à vos questions, le cas échéant.

Am Lidder, première vice-présidente, Services fiscaux, MNP s.r.l. : Honorables sénateurs, merci. Il y a quelque 240 jours, la vie des Canadiens a été profondément chamboulée et marquée par une incertitude et des tensions que nous n’avions pas connues depuis des générations. Nous remercions le gouvernement du Canada et tous les ordres du gouvernement du pays de leurs efforts soutenus visant à protéger les Canadiens pendant la pandémie.

Aujourd’hui, nous vous proposons quelques modifications au projet de loi C-9 pour rendre les programmes plus simples et accessibles et aider les entreprises à survivre à la pandémie. C’est important, autant à titre d’aide d’urgence immédiate que de garantie de la viabilité à long terme de notre économie. Notre cabinet, le plus grand fournisseur de services de comptabilité et d’experts-conseils et de conseils fiscaux dont le siège est au Canada, a pu observer la pandémie et les conséquences économiques connexes dans un contexte privilégié. À titre de conseiller de confiance auprès de plus de 180 000 clients, nous les avons accompagnés alors qu’ils faisaient face aux défis de la COVID-19. Grâce à notre réseau de plus de 80 bureaux au Canada, nous avons travaillé au sein des collectivités qui sont les nôtres et nous connaissons intimement la réalité complexe d’une entreprise qui se retrouve dans un monde où les questions sont plus nombreuses que les réponses.

De manière générale, les modifications législatives proposées dans le projet de loi C-9 méritent des félicitations, car elles apportent aux entreprises un soutien financier d’urgence dont elles ont grand besoin en période de crise prolongée. En même temps, ces modifications démontrent la complexité de notre système fiscal et des programmes gouvernementaux. L’allègement du fardeau administratif et financier imposé aux entreprises pour avoir accès aux programmes et répondre à leurs exigences pourrait permettre à un plus grand nombre d’entreprises d’obtenir un soutien.

Nous présentons au comité certains amendements techniques spécifiques au projet de loi C-9 qui, selon nous, pourraient améliorer le projet de loi et, au bout du compte, les résultats pour les petites et moyennes entreprises qui font partie intégrante de notre économie canadienne, les Canadiens employés par ces entreprises et les collectivités qu’elles soutiennent. La simplicité et l’accessibilité sont essentielles au bon fonctionnement des programmes d’aide d’urgence. Nous espérons que grâce au processus du projet de loi C-9 et à toute délibération future sur les mesures de soutien, les entreprises ne seront pas indûment accablées par une administration excessive. Selon nous, il est approprié de faire de la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer un programme pour les locataires, et nous croyons que cela permettra aux personnes qui en ont besoin d’y avoir accès plus facilement.

En ce qui concerne les préoccupations liées à la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer, on peut mentionner le fait que le libellé du projet de loi exclura un certain nombre d’entreprises du programme. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

Les entreprises qui modifient les conditions de leur bail, pour quelque raison que ce soit, seront exclues. Les entreprises qui déménagent dans des locaux différents pourraient également entraver l’accès du locataire à la subvention. Il y a aussi une certaine incertitude dans le cas des entreprises qui sont propriétaires de leur propre édifice, mais qui perçoivent des revenus en louant un espace excédentaire comme, par exemple, une librairie locale qui partage un espace avec un café. Si les revenus de la librairie se retrouvent sous le revenu locatif à cause de la pandémie, cette librairie sera-t-elle encore admissible à la subvention? Enfin, les critères d’admissibilité exigent que les locataires à court d’argent trouvent les fonds nécessaires pour payer le loyer afin d’avoir accès au programme.

Quant à la Subvention salariale d’urgence du Canada, elle fonctionne bien et sa prolongation a été bien accueillie par les Canadiens. Ce programme est une bouée de sauvetage pour les entreprises canadiennes. Par contre, le projet de loi C-9 contient des modifications relatives à la vente d’actifs qui pourraient avoir des répercussions négatives sur la planification de la relève des petites et moyennes entreprises. Étant donné l’importance de la Subvention salariale d’urgence du Canada, la prise de certaines décisions opérationnelles cruciales pourrait être remise à plus tard.

Prenons l’exemple d’une entreprise familiale de vente de fleurs qui possède deux magasins. Les propriétaires ne pourraient pas transférer l’un de ces magasins à leur fille, par exemple, car cette dernière ne serait pas admissible à la Subvention salariale d’urgence du Canada. Toutefois, si les propriétaires décidaient de vendre ce magasin à un concurrent, le nouveau propriétaire serait admissible à la subvention. La viabilité à long terme de l’entreprise est donc compromise. Pendant que le programme fait l’objet de rajustements et de changements, il est essentiel que les responsables des politiques tiennent compte du fait que la Subvention salariale d’urgence du Canada représente un défi administratif pour les entreprises. Nous recommandons de veiller à ce que tout autre changement n’accroisse pas la complexité du processus.

Au bout du compte, nous croyons que les objectifs fondamentaux de toute mesure de relance devraient viser à produire une économie plus robuste et concurrentielle, afin que tous les Canadiens et toutes les entreprises canadiennes puissent prospérer dans notre réalité économique en évolution. La relance idéale est celle qui permet à notre pays d’être en mesure de faire face à tout défi qui se présentera à l’avenir. Les Canadiens et les entreprises dans lesquelles ils travaillent ou investissent continuent de faire face à une crise de confiance. Ainsi, on ne saurait sous-estimer la nécessité des mesures de protection et de la stabilité que leur offrent des programmes adaptés comme la Subvention salariale d’urgence du Canada et la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer.

Le président : Je vous remercie beaucoup, monsieur Lidder. Vous avez tous fait une excellente déclaration. Nous vous remercions de vos renseignements et de vos commentaires. Nous allons maintenant passer aux questions. Je tiens à vous informer et à informer les sénateurs que, tout comme au printemps dernier, nous fonctionnerons avec une liste d’intervenants préétablie et qu’il y aura une rotation entre les groupes. Honorables sénateurs, vous aurez chacun au maximum cinq minutes pour ce groupe de témoins. Veuillez donc poser vos questions directement aux témoins. Je demanderais également aux témoins de fournir des réponses brèves et concises. La greffière fera un signe de la main lorsque le temps sera écoulé et je donnerai ensuite la parole au sénateur suivant.

La sénatrice Marshall : J’aimerais remercier les témoins d’être ici aujourd’hui.

Lorsque j’ai lu le projet de loi, j’ai été très déçue de constater qu’il ne contenait aucune information sur les programmes après le 19 décembre. J’aimerais que vous nous parliez des difficultés que cela cause à vos clients ou à vos membres. Puisqu’il ne reste que cinq semaines avant le 19 décembre, quand aimeriez-vous recevoir ces informations?

M. Kelly : Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. C’est une très bonne question. Nous sommes inquiets, car les entreprises ont besoin de planifier et de mieux comprendre le type de subventions qui leur sont offertes pour estimer combien de temps elles pourront survivre pendant la pandémie. Ce qui me plaît dans la formule établie par l’entremise des changements apportés à la Subvention salariale d’urgence du Canada et de la nouvelle Subvention d’urgence du Canada pour le loyer, c’est qu’elle permet d’ajuster ces deux bons programmes à la hausse ou à la baisse selon les circonstances économiques du moment.

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire, à ce stade-ci, que le plan du gouvernement s’étende jusqu’au mois de juin. Il est bien de prévoir quelques mois à l’avance, mais vous avez fait valoir un très bon point, c’est-à-dire qu’il ne reste que cinq semaines avant la fin de la période de subvention, à la fin décembre. Il faut avertir les gens bien plus tôt que cela. Je pense que si nous étions toujours deux ou trois mois à l’avance, nous pourrions atteindre un équilibre qui permettrait au gouvernement de faire sa planification, mais aussi aux entreprises de se faire une idée des subventions à venir.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie. Puis-je entendre l’avis des autres témoins?

David Lefebvre, vice-président, Affaires fédérales et Québec, Restaurants Canada : Je vous remercie de votre question. Manifestement, nous voyons la situation et la prévisibilité du point de vue des petites entreprises et, dans notre cas, du point de vue des services alimentaires et des restaurants. Mais en ce qui concerne le marché du travail en général, nous aimons aussi cette prévisibilité parce que nous savons que nos employés et les autres employés de notre secteur ont hâte de revenir au travail. La subvention salariale rend cela possible et c’est la raison pour laquelle toute certitude au sujet du prolongement à moyen ou à long terme de ce programme est une bonne chose, car autrement, de nombreux employés du secteur des services alimentaires pourraient envisager de trouver du travail dans un autre secteur ou une autre entreprise. Il est donc essentiel pour nous que nos employés aient la certitude qu’on s’occupera d’eux.

Mme van den Berg : J’aimerais m’appuyer sur les excellents points soulevés par M. Kelly et mon collègue, M. Richards, car l’un des défis particuliers auxquels font face les propriétaires de restaurant est de tenter de suivre l’évolution des directives en matière de santé publique et la réalité de devoir fermer leur entreprise après un préavis de seulement 24 ou 48 heures. Cette situation a causé énormément de tort à une industrie qui, même dans les meilleures conditions, générait des profits d’environ 3,8 % avant impôts. Ce n’est pas une industrie lucrative, et il sera essentiel que nos entreprises puissent planifier et avoir accès à ces programmes de soutien pour survivre, et encore plus pour être en mesure de prospérer.

Je comprends certainement votre argument. J’aimerais répéter que cinq semaines, ce n’est pas beaucoup de temps. Nous espérons que d’ici 2021, les témoignages d’experts entendus ici et l’examen du Comité contribueront à combler certaines des lacunes que nous avons cernées dans le projet de loi actuel.

[Français]

Le sénateur Forest : Je remercie les témoins. Êtes-vous prêts à répondre à une question en français? Ma question s’adresse dans un premier temps à M. Kelly, de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. La Subvention salariale d’urgence du Canada et la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer sont assez complexes à administrer, notamment parce qu’on a renouvelé les programmes à plusieurs reprises en changeant les règles d’une période à l’autre. Les médias rapportent que plusieurs entrepreneurs qui ont agi de bonne foi craignent de se faire prendre en défaut par l’Agence du revenu du Canada.

J’aimerais savoir, selon votre expertise et l’information que vous avez de la part de vos membres, quelles principales recommandations nous devrions faire afin de simplifier ces programmes pour les rendre beaucoup plus facilement accessibles aux petites entreprises qui n’ont pas toujours le personnel nécessaire pour gérer des programmes très complexes. Monsieur Kelly, si les deux autres intervenants pouvaient compléter votre réponse, je l’apprécierais.

[Traduction]

M. Kelly : Je vous remercie beaucoup de votre question, sénateur Forest. Vous avez tout à fait raison, c’est-à-dire que les entreprises doivent suivre un million de règles différentes et cela crée beaucoup de confusion. Je suis heureux de dire que mon organisme travaille étroitement avec l’Agence du revenu du Canada, en coulisse, pour veiller à ce que les modèles et les calculateurs mis en place soient aussi simples que possible. Il y a toutefois quelques changements qui pourraient être utiles à ces programmes.

Je le dis tout en vous priant instamment d’adopter le projet de loi le plus rapidement possible. Cependant, l’un des changements nécessaires les plus importants concerne le fait qu’il faut payer le loyer avant de demander la subvention au loyer — du moins pour le moment, à cause du libellé du projet de loi. Cela crée un énorme problème du type de « l’œuf ou la poule » pour les petites entreprises. En effet, elles ont besoin de la subvention parce qu’elles n’ont pas les fonds nécessaires pour payer leur loyer, mais le programme exige de payer d’abord le loyer pour ensuite demander un remboursement. Nous exhortons le gouvernement — qui a été réceptif — à apporter les changements nécessaires dans ce cas. Je sais que cette proposition a été présentée au Parlement la semaine dernière. Elle n’a pas été retenue, mais je sais qu’on se penche activement sur la question.

Deuxièmement, il faut simplifier la subvention au loyer. L’un des principaux obstacles qui ont empêché de nombreuses entreprises d’avoir accès à ce programme est l’exigence selon laquelle elles doivent déjà avoir un numéro d’entreprise et présenter un bilan pour 2018 et 2019. De nouvelles entreprises qui n’ont peut-être pas besoin d’un numéro d’entreprise — par exemple, une école exemptée de la TPS ou de la TVH — ne peuvent donc pas présenter une demande dans le cadre de ce programme, qui leur est donc inutile.

Nous avons une liste de quatre pages qui énumèrent les exemptions et les problèmes liés au projet de loi et nous exhortons donc les gouvernements à envisager d’apporter des changements à ces programmes. Ils ont été réceptifs à nos demandes, mais il reste beaucoup à faire avant que les programmes soient accessibles à tous.

Mme van den Berg : J’aimerais m’appuyer sur les points déjà soulevés pour indiquer que l’une des difficultés liées aux demandes présentées dans le cadre de la première version de la subvention au loyer a été réglée, c’est-à-dire que les obstacles à l’accès ont été réduits et nous en sommes reconnaissants. Toutefois, les éléments qui nous posent toujours problème sont ceux qui ont déjà été cernés. Il s’agit de l’exigence de payer le loyer avant de présenter une demande dans le cadre du programme d’aide au loyer, surtout dans le cas des restaurants puisque, je le répète, dans le meilleur des cas, ces entreprises ont peut-être quatre à six semaines de liquidité en réserve.

Cette apocalypse — je n’essaie pas d’être désinvolte, mais il semble certainement que nous sommes en pleine apocalypse — s’est prolongée sur six, sept, huit et maintenant neuf mois. Nous sommes au beau milieu d’une deuxième vague, et les propriétaires de restaurant n’ont pas les fonds nécessaires en réserve. Ils ne peuvent pas payer leur loyer. C’est la raison pour laquelle ils paient pour la subvention au loyer.

De plus, ce qui nous préoccupe depuis longtemps, c’est une conséquence imprévue qui pénalise les franchisés qui exploitent plusieurs unités et qui possèdent un restaurant dans un centre-ville où le loyer est, par définition, beaucoup plus élevé et où la limite cause donc de nombreux problèmes aux franchisés.

Le président : Je vous remercie.

Kim Drever, associée et responsable régionale de la fiscalité, MNP s.r.l. : Pour ma part, j’ajouterais que le programme est complexe. Nous comprenons que la complexité permet l’équité, un programme adapté à diverses situations. Mais cela étant dit, nous en convenons, le versement des loyers risque d’entraîner des difficultés financières pour beaucoup d’entreprises canadiennes qui doivent le payer au propriétaire avant de demander la subvention.

Nous comprenons que ça pose un problème épineux, parce que le loyer doit être payé. Le gouvernement a besoin de s’assurer que toute subvention au loyer reçue avant le versement du loyer ira aux propriétaires. Ces derniers exploitent eux aussi une entreprise et doivent conserver leurs propres liquidités.

Le président : Merci.

Mme Drever : En ce qui concerne le programme de la subvention salariale d’urgence du Canada, certains des calculateurs publiés par l’Agence du revenu du Canada ont été très utiles. Le programme est très complexe. Évitons de le modifier, de le rendre plus complexe.

Je n’ai pas eu l’occasion de répondre à la sénatrice Marshall. Pour revenir à l’échéancier, plus l’information qui permettra de prendre des décisions sera accessible tôt, mieux ce sera pour la prise de décisions et la certitude. L’incertitude est l’un des problèmes les plus importants pour les entreprises, actuellement, et nous devons faire preuve d’agilité pour prescrire les bonnes valeurs aux bonnes grandeurs, mais nous tenons à nous assurer que les entreprises pourront prendre des décisions, ce qui implique qu’elles connaîtront le montant des subventions.

Le président : Merci, madame Drever.

Le sénateur Klyne : Je suis certain que ces excellents exposés ont répondu à beaucoup de questions présumées. Nous savons que l’industrie touristique et hôtelière a été heurtée de plein fouet par la réduction des déplacements non essentiels sur de longues distances en plus de subir les contrecoups des lignes directrices et des limites établies pour protéger les employés et les clients.

L’aide pour le loyer et la subvention salariale sont toutes les deux destinées à ce secteur, mais pouvez-vous nous dire quels autres secteurs risquent de traverser les mailles du filet simplement en raison de la nature de leurs entreprises qui ne coïncident pas avec la structure ou la nature des programmes ou des subventions?

De même, faut-il se soucier d’un facteur saisonnier? Des entreprises pourraient se trouver dans un creux ou sur un plateau saisonnier et il serait habituel que, dans le même creux, antérieurement, les ventes aient déjà baissé. Autrement dit, il n’y aurait rien à signaler, parce qu’elles pourraient faire mieux dans les mois suivants.

En ce qui concerne les autres secteurs qui risqueraient de passer inaperçus, peut-être que la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante pourrait répondre à cette question. J’apprécierai les interventions des autres témoins. Merci.

M. Kelly : Merci pour la question. Oui, je donne absolument raison à votre intuition. Nous enverrons bientôt à chaque sénateur une liste des problèmes, des difficultés et des lacunes, qui tient en quatre pages, de tous les grands programmes gouvernementaux d’appui. La subvention salariale, la nouvelle subvention au loyer et le programme de prêts au titre du compte d’urgence pour les entreprises canadiennes y figurent.

Quelques-uns des groupes que vous avez mentionnés se rangent sans contredit dans cette catégorie de lacunes majeures. Les entreprises saisonnières trouvent que ces programmes sont d’un accès incroyablement difficile, parce que le volume de leurs affaires est difficilement comparable d’une année à la suivante. Et même si le gouvernement a effectivement ajouté un deuxième facteur de comparaison — il permet de comparer les chiffres de l’entreprise à ceux de janvier et de février de cette année, non seulement pour le même mois de l’année dernière —, ce qui, également, pose des limites à certaines entreprises qui sont incapables de s’en servir.

Une autre catégorie, que j’ai mentionnée, est celle des nouvelles entreprises. Celles dont on n’a pas trace de leur existence en 2018-2019 ne peuvent utiliser presque aucun des programmes, ni celles qui ne possèdent pas de numéro d’entreprise.

Les personnes qui sont à leur propre compte se démènent pour se prévaloir de la plupart des programmes. Souvent, elles ne satisfont pas à certains critères, et j’incite vivement le gouvernement à envisager des mécanismes pour les aider. Les mailles du filet du programme les laissent traverser de toutes parts.

Les écoles de musique me viennent à l’esprit. Nous avons vu que, pour beaucoup d’académies, celles qui sont exonérées de la TPS, les programmes sont inutiles. Je comprends la situation des gouvernements. Au début de la COVID, on ne songeait même pas à ces programmes. Ils ont donc dû se dépêcher pour en créer de fonctionnels. Je ne veux pas que le mieux devienne l’ennemi du bien, mais si on se trouve dans l’une des catégories pour lesquelles il n’y a absolument aucun appui de prévu et qu’on voie d’autres groupes bénéficier de l’aide salvatrice de l’État, le sentiment d’injustice est réel, et l’entreprise privée d’aide risque de se sentir sanctionnée et de subir des torts irréparables.

Les correctifs doivent se succéder au fur et à mesure, et nous collaborons quotidiennement avec le gouvernement à cette fin. La ministre Freeland, je dois le dire, s’est montrée très réceptive, elle nous a écoutés et elle a réparé de nombreux problèmes depuis qu’elle tient les rênes des Finances.

M. Lefebvre : C’est une excellente question, particulièrement alors que certaines provinces arrivent en zone rouge, ce qui entraîne de nouvelles fermetures de restaurants et de services alimentaires. Comme le temps des Fêtes approche, il sera difficile d’organiser des réceptions de Noël dans beaucoup de provinces. D’ordinaire, la fin décembre et le mois de janvier sont des périodes difficiles dans notre secteur. J’avoue qu’il y a des inquiétudes.

Une autre cause d’inquiétude découle davantage de la géographie que du passage des saisons. Un sous-secteur de la restauration pose des problèmes particuliers dans les centres-villes, que ce soit de Vancouver, Calgary, Toronto, Montréal, Halifax ou d’autres endroits où d’autres entreprises dont les employés télétravaillent deviennent des victimes collatérales.

Ça pose un problème, particulièrement en relation avec l’aide au loyer, parce, habituellement, les loyers sont plus chers dans les centres-villes qu’ailleurs dans la province. Avec le gouvernement, nous avons travaillé à une sorte de programme destiné aux centres-villes. Il ne s’est pas matérialisé. Assurez-vous seulement d’en tenir compte pour le plafond et les paramètres de l’aide au loyer et des subventions. Merci.

Mme Lidder : Nous avons également communiqué une liste des lacunes dont nous soupçonnons l’existence et qui constituent autant de mailles par lesquelles les entreprises ont traversé le filet. L’une d’elles est le supplément de la subvention pour les loyers et les restrictions en matière de santé publique.

C’est là où une partie ou la totalité des activités doivent cesser pour pouvoir avoir droit au supplément. Il n’est pas tenu compte des situations où les restrictions sont attribuables à la limitation du nombre de personnes qui peuvent être admises dans le restaurant ou la réduction des heures. Dans les deux cas, les revenus des entreprises diminuent, mais, dans un cas, l’entreprise serait admissible au supplément; dans l’autre, non. Merci.

Le sénateur Richards : On a répondu en partie à ma question. Vous avez raison. On a du mal à imaginer qu’il faut payer le loyer avant de toucher l’argent nécessaire.

Monsieur Kelly, d’après votre graphique, 29 % des entreprises tournent à un régime presque optimal ou sont en assez bonne situation financière. Desquelles s’agit-il? Sont-elles réparties dans l’ensemble des secteurs ou se trouvent-elles dans certains secteurs?

Ensuite, lesquelles sont dans une situation vraiment désespérée?

M. Kelly : Merci pour la question. Mon exposé comprend des données sur les entreprises le plus ou le moins durement touchées. Les secteurs qui ont tendance à s’en tirer un peu mieux sont notamment la construction, les finances et l’assurance, les services professionnels et l’agriculture, mais, dans toutes ces catégories, on trouve des exceptions. Les secteurs qui s’en tirent le moins bien sont notamment l’hôtellerie et la restauration, les arts et les loisirs, les services personnels et divers, les services sociaux et le transport. Ils ont tendance à être les plus durement touchés de l’économie.

Dans la vente de détail, c’est mitigé. Nous sommes profondément inquiets du récent confinement, presque universel, décrété au Manitoba. On a également assisté à des transferts importants des petits magasins aux gros, bien sûr, puisque les grandes surfaces et les détaillants en ligne ont largement profité de certaines des mesures de confinement. Les petits écopent vraiment beaucoup.

Mme van den Berg : Il est sûr que la restauration et les services d’alimentation, en général, font partie des secteurs les plus durement touchés par la pandémie. Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous avons perdu plus d’emplois dans les six premières semaines de la pandémie que l’économie canadienne en a perdu pendant la récession de 2008-2009. La cruelle vérité, pour notre secteur, c’est que l’animation des terrasses pendant l’été n’a été qu’une illusion. Même si tous les sièges étaient occupés, ce qui, maintenant, signifie la moitié d’entre eux, la plupart des restaurants faisaient à peine leurs frais. En effet, au mieux, leur exploitation se faisait bien au-dessous du rendement normal, mais avec les mêmes coûts sur les bras.

D’après nos prévisions récentes, il faudra attendre au moins 2022 pour que les ventes du secteur de l’hôtellerie et de la restauration ne reviennent à leur niveau d’avant la pandémie. Nous estimons que plus de 10 000 restaurants avaient déjà fermé, en août. Il y en a peut-être beaucoup plus aujourd’hui et il y en aura encore plus demain.

Le sénateur Richards : Merci.

Mme Drever : Merci pour la question. Je serais d’accord avec M. Kelly, selon qui certaines entreprises ont bien tiré leur épingle du jeu, comme les grandes surfaces, ou les épiceries. Mais beaucoup ont été durement touchées. Même l’immobilier présente beaucoup de reculs. Nous constatons des baisses dans l’hôtellerie, la restauration et les gymnases. Nous observons aussi quelques baisses dans des endroits comme les cliniques médicales et dentaires, dans tous les secteurs soumis à n’importe quelle sorte de restrictions en matière de santé publique.

La vente au détail est touchée, comme les restaurants, et les hôtels sont gravement touchés. Dans notre mémoire, nous avons proposé, pour la reprise économique, un crédit d’impôt pour le confinement à la maison et les déplacements locaux pour relancer les dépenses locales de consommation.

Le président : Merci.

Le sénateur Smith : Vos témoignages m’inspirent ces réflexions : Beaucoup de petites entreprises et de petits propriétaires craignent que les programmes de soulagement ne fassent que retarder la faillite inévitable si on ne les autorise pas à ouvrir, à cause des directives sanitaires. Les mêmes entreprises ont dépensé des milliers de dollars en écrans de plexiglas, en équipement de protection individuelle, en produits désinfectants et en d’autres mesures sanitaires. D’après vous, quelles mesures le gouvernement fédéral peut-il prendre, en collaboration avec les provinces et les autorités locales pour maintenir ouvertes les entreprises sans qu’elles présentent de risques?

Mme van den Berg : Si vous permettez, je me lancerai la première.

J’y vais carrément. On nous cache les données, et c’est particulièrement irritant pour l’industrie de la restauration. J’y ai fait allusion quand on nous a fait fermer nos établissements, presque sans préavis. Depuis mars seulement, en 2020, nous investissons plus de 750 millions de dollars, dans l’équipement de protection individuelle et des cours de formation du personnel très divers. Nous payons double prix pour l’entreposage d’une partie de nos meubles tout en ne servant que la moitié de la clientèle que nous pouvons accueillir. Et la liste ne s’arrête pas là.

Les restaurants sont la solution sûre de rechange aux réunions privées qui sont à l’origine de l’actuelle propagation communautaire. Les données rendues publiques sur les taux de transmission — et non le nombre de cas ni le nombre d’hospitalisations, mais les taux de transmission à la faveur d’événements surcontaminateurs — incriminent ces réunions privées. À défaut de prendre un bon repas au restaurant, dans un lieu sûr, on va chez un ami, un voisin, sur le balcon d’un condo. Voilà où a lieu la majorité de la propagation. Nous avons demandé à rencontrer les gouvernements des provinces. Nous avons fait des investissements énormes, et il a littéralement fallu y mettre le prix.

Dites-nous seulement, s’il nous faut fermer, comment mieux nous y prendre? Si, j’ignore comment, nous sommes les sources de transmission, communiquez-nous les données pour que nous puissions, ensemble, déterminer les améliorations qui s’imposent. Parce que, si on nous sanctionne sans nous informer sur nos erreurs, ça rend un peu plus difficiles les éventuelles améliorations. Nous le constatons par l’augmentation du nombre de cas dans certaines régions de l’Ontario où les restaurants ont fermé pendant 28 jours, dans certains cas avec prolongation jusqu’à la mi-décembre, et le nombre de cas continue d’augmenter.

La conclusion logique est que les restaurants ne sont pas la source de la propagation. Alors, que faisons-nous ensuite?

M. Kelly : Votre intuition ne vous trompe pas. Une tâche très difficile attend les décideurs publics, mais, de plus en plus de gens d’affaires commencent à se sentir comme des boucs émissaires ou ont essentiellement l’impression qu’on les fait fermer, pour que le public comprenne bien qu’il doit prendre la COVID au sérieux, non parce que la maladie provient des entreprises visées par les fermetures, mais pour, essentiellement, se servir d’eux comme avertissement pour que le public s’éveille et prenne la situation au sérieux.

Les entreprises ont beaucoup fait pendant les premiers temps des confinements, et j’ai été impressionné par ce qu’elles ont fait à leur propre péril pour protéger la société, mais la patience commence à s’éroder. Le message du premier ministre à ceux des provinces, l’autre jour, a été : « Ne vous inquiétez pas pour ces fermetures, parce que nous vous avons bien compris. Mon gouvernement s’occupera tout de suite des pertes des entreprises pour que vous ne vous sentiez pas gênés de les fermer. »

Je sais que le premier ministre veut appuyer les petites entreprises. Mais là n’est pas la question. La réalité, malheureusement, pendant que nous discutons, est que les programmes ne sont pas prêts. Le programme de soutien au loyer n’a pas été en vigueur pendant de nombreux mois, et même quand il l’était, ç’a été une catastrophe.

Ces programmes nous sont indispensables. Je vous implore, chers sénateurs, d’adopter le projet de loi et de l’appliquer aussi humainement que possible et aussitôt que possible, parce que, chaque jour, des entreprises, faute de ces programmes, succombent.

Mme Lidder : Je vais revenir à l’exemple que j’ai donné au sujet des restrictions sanitaires. Prenons par exemple un restaurant à Winnipeg, où la décision a été prise de fermer toutes les salles à manger des restaurants. Ce restaurant pourrait bénéficier de la subvention complémentaire pour le loyer, contrairement à un restaurant à Surrey, en Colombie-Britannique, ma ville natale, où une telle restriction n’existe pas en ce moment, mais les restaurants doivent toutefois fermer à une certaine heure et respecter certaines exigences en matière de distanciation physique. Les deux restaurants subissent des répercussions, mais le restaurant à Winnipeg peut demander la subvention complémentaire, et le restaurant à Surrey ne peut pas la demander, et pourtant, les deux restaurants subissent peut-être les mêmes pertes de revenus.

Vous devriez garder cela à l’esprit lorsque vous examinez le projet de loi et tenir compte de cette situation.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Kelly. Monsieur Kelly, je ne suis pas certain que vous avez eu le temps de compléter votre exposé concernant l’absence d’une aide pour les nouveaux entrepreneurs. Y a-t-il des gens qui sont prêts à se lancer en affaires actuellement? Évidemment, on vit une situation économique très particulière. Quel impact cela peut-il avoir sur l’état de l’emploi au pays? S’il n’y a pas de nouveaux joueurs, la situation de l’emploi ne s’améliorera pas.

[Traduction]

M. Kelly : Votre question témoigne d’une grande sagesse, sénateur Dagenais. Le fait est qu’il y a tout le temps des entreprises qui font faillite. Même lorsque l’économie va bien, des petites entreprises et des entrepreneurs font faillite. Habituellement, de nouvelles entreprises prennent leur place au même endroit ou embauchent davantage de personnes lorsque cela se produit.

Ce n’est pas ce que nous observons en ce moment. Nous voyons un nombre accru de faillites. Cela n’a pas encore été consigné. Il ne s’agit que de la pointe de l’iceberg, car la déclaration des faillites est ralentie par la COVID-19. À mon avis, des centaines de milliers d’entreprises sont essentiellement en faillite, mais elles n’ont pas terminé le processus en tant que tel. Elles ont installé un écriteau qui dit « Fermé temporairement ». Nous allons voir que ces entreprises vont officiellement faire faillite et nous verrons davantage de ces écriteaux. Nos recherches démontrent qu’une petite entreprise sur sept fera faillite d’ici la fin de la pandémie.

Les démarrages d’entreprises sont également ralentis. Celles qui m’inquiètent le plus sont les entreprises qui ont démarré en 2020. Des centaines d’entreprises ont communiqué avec moi pour me dire qu’en raison de l’exigence de fournir les déclarations de revenus de 2018 et de 2019, celles qui ont démarré en 2020 ne sont pas admissibles à la subvention salariale, à la subvention pour le loyer et au compte d’urgence pour les entreprises. Elles devaient déjà posséder un numéro d’entreprise avant le début de la pandémie. Ce problème a été réglé en partie dans le cadre de la nouvelle subvention pour le loyer, mais j’exhorte le gouvernement — et vous, sénateurs — à examiner des moyens de permettre aux nouvelles entreprises qui ont effectué des investissements d’avoir accès aux programmes, et même de permettre aux entreprises qui commencent actuellement leurs activités de bénéficier d’un certain soutien.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma prochaine question s’adresse à Mme van den Berg. Quand on parle des restaurants, il y a les chaînes et les regroupements de bannières appartenant à de grosses compagnies qui sont inscrites en bourse, mais il y a aussi les petits restaurants locaux. Est-ce que la situation est différente pour les grandes chaînes par rapport aux propriétaires de restaurants locaux? Croyez-vous que l’intervention actuelle du gouvernement arrive trop tard pour plusieurs restaurateurs?

[Traduction]

Mme van den Berg : C’est une excellente question. Ce qu’il est important de retenir, c’est que, bien qu’il s’agit de grandes entreprises, comme celles que je ne nommerai pas, elles sont gérées localement par de petits entrepreneurs. C’est le modèle des franchises. Au bout du compte, dans les collectivités, ce sont de petits entrepreneurs qui sont les propriétaires de votre petit restaurant préféré, de votre endroit favori pour prendre un verre, de votre restaurant préféré qui offre le service aux tables. Selon nous, le principal problème concerne la différence qui existe entre les restaurants qui ont une salle à manger intérieure et les établissements de restauration rapide, où vous pouvez commander pour emporter. Il faut préciser que ces établissements ont également été considérablement touchés par la pandémie, mais en raison de leur modèle d’affaires, ils ont été en mesure de se tourner beaucoup plus rapidement vers la livraison et les commandes pour emporter. Il y a aussi les services de livraison, qui coûtent les yeux de la tête.

Le principal problème pour nous a été la décision, fondée sur aucune donnée publique, de fermer les salles à manger. Nous sommes au mois de novembre au Canada, et l’hiver est à nos portes. Personne ne voudra s’asseoir sur une terrasse à -10 ou -15 degrés pendant plus de 30 secondes. Ces restaurants seront très durement touchés dans les prochains mois, d’autant plus que l’hiver est habituellement une saison où les affaires sont au ralenti au sein de notre industrie. Une fois les fêtes de Noël terminées, les gens ne sortent pas beaucoup jusqu’au mois de mars. C’est le temps de l’année durant lequel les restaurants font habituellement preuve de prudence et tentent d’économiser. À l’heure actuelle, ils sont frappés par une hémorragie, et les subventions promises sont pour certains insuffisantes et pour d’autres, elles arrivent trop tard.

La sénatrice Galvez : Après avoir entendu tous vos propos, j’ai l’impression en quelque sorte que nous les avons déjà entendus lors de l’étude de projets de loi antérieurs. J’ai trois questions à poser : une à M. Kelly, une à Mme van den Berg et la dernière à Mme Lidder.

À ce stade-ci, je pense que nous devrions peut-être annexer des observations au projet de loi pour exprimer notre inquiétude et nos préoccupations. Pour revenir à ce que M. Kelly nous a dit, il y a des écarts très importants dans des secteurs précis entre les nouvelles entreprises, les entreprises saisonnières, les services professionnels et les professionnels indépendants. Pourrions-nous ajouter des observations en vue d’expliquer comment le gouvernement devrait englober ces entités dans le projet de loi?

Ce que j’entends, c’est que le gouvernement n’a pas suffisamment confiance dans certains secteurs, comme celui de la restauration, par exemple. Nous ne sommes pas sûrs que les entreprises de ce secteur peuvent suffisamment respecter les exigences sanitaires afin que les clients se sentent en sécurité.

Cela m’amène à parler de l’équité fiscale. Une des témoins a dit que nous pourrions offrir des incitatifs fiscaux et des exemptions fiscales aux entreprises pour qu’elles puissent effectuer des rénovations en vue, par exemple, d’améliorer la ventilation ou de modifier l’aménagement de sorte que les gens puissent pratiquer le yoga ou la gymnastique ou bien suivre des leçons de musique de façon sécuritaire.

En ce moment, vous devez nous voir comme les personnes qui peuvent transmettre votre message au gouvernement — peut-être pas sous la forme d’un amendement, mais à tout le moins sous la forme d’observations.

Mme van den Berg : Je vous remercie, sénatrice Galvez.

J’aimerais apporter une précision. Je ne veux certes pas donner l’impression que nous pensons que les gouvernements n’ont pas confiance en la capacité des restaurants d’assurer la sécurité du public. En fait, c’est tout le contraire. Nous avons investi 750 millions de dollars dans des mesures visant précisément à assurer la sécurité des gens. Nous avons ajouté des employés qui ont exclusivement la responsabilité de désinfecter tout ce qui a été touché par des clients. Nous avons acheté des masques, des visières et de nouvelles stations de désinfection. Les restaurants constituent une solution de rechange sécuritaire aux rassemblements privés ou aux rassemblements dans un parc, car nous prenons la sécurité très au sérieux. Nous sommes passés très rapidement de spécialistes en salubrité des aliments à spécialistes en salubrité des aliments et en désinfection.

J’aimerais rassurer le comité quant au fait que les restaurants constituent des endroits sécuritaires pour se réunir et célébrer avec famille et amis, car nous avons fait les investissements nécessaires et nous avons formé nos employés. Nous nous tenons au courant de l’évolution des directives en matière de santé publique afin de nous assurer que les Canadiens et nos employés demeurent en sécurité et en santé et qu’ils puissent contribuer à l’économie.

M. Kelly : Madame la sénatrice, j’aime beaucoup l’esprit de votre suggestion, à savoir demander aux sénateurs de mettre en lumière les lacunes dans le projet de loi tout en veillant à ce qu’il soit adopté le plus rapidement possible.

En temps normal, je vous exhorterais à veiller à ce que les amendements qui s’imposent soient apportés et je vous donnerais une longue liste de ces amendements. Aujourd’hui, je vous prie de veiller à ce que le projet de loi soit adopté. Compte tenu des fermetures imposées au Manitoba, au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique, nous devons nous assurer que les entreprises qui subissent une fermeture pour la deuxième fois bénéficient rapidement d’un soutien pour le loyer, car autrement elles ne survivront pas. Même si le projet de loi est adopté, les propriétaires d’entreprises recevront de l’argent au plus tôt en décembre pour payer leur loyer du mois d’octobre. Nous avions besoin de ce projet de loi hier.

Je vais formuler une petite suggestion au sujet de la subvention salariale. Le gouvernement a annoncé un complément de 25 % en ce qui concerne la subvention pour le loyer dans le cas des entreprises qui subissent une fermeture pour la deuxième fois. Je pense qu’il devrait envisager la même chose relativement à la subvention salariale. En ce moment, la subvention salariale maximale s’établit à 65 % dans le cas des entreprises qui enregistrent une baisse de 70 % de leurs revenus. Au printemps dernier, une entreprise qui subissait une réduction de 30 % de ses revenus avait droit à une subvention salariale de 75 %.

En ce qui a trait à ces entreprises qui doivent fermer pour une deuxième fois, j’exhorte les sénateurs à recommander au gouvernement d’offrir un complément de 25 % à la subvention salariale. Cela permettrait de porter le taux de la subvention salariale à 90 %.

Le président : Madame Drever ou madame Lidder, avez-vous des commentaires à ce sujet?

Mme Lidder : Pour ce qui est de proposer différentes idées pour relancer l’économie, nous avons fourni le mémoire que nous avons préparé dans le cadre des consultations prébudgétaires. Dans ce document, nous parlons de mettre en place un crédit d’impôt remboursable pour la rénovation des commerces qui permettrait de créer des milieux de travail plus sécuritaires pour les employés. Cela permettrait d’améliorer le bien-être des employés, leur productivité et leur confiance.

Nous parlons également d’instaurer un crédit d’impôt pour la rénovation domiciliaire. Nous savons que durant la pandémie un grand nombre d’entre nous avons accueilli nos parents dans notre domicile pour des raisons de santé, alors nous aimerions obtenir un appui pour ce type de mesure.

Le président : Merci.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie tous pour votre présence ce matin. Nous savons tous que le temps presse, mais nous sommes heureux de pouvoir examiner en détail un grand nombre de questions importantes.

Je vais commencer par deux questions. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, ma première question va s’adresser à M. Kelly. Elle concerne les entreprises indépendantes. J’ai écouté ce que vous avez dit de différentes façons à quelques reprises ce matin. J’aimerais obtenir des précisions concernant la période d’admissibilité à la Subvention salariale d’urgence du Canada.

J’ai lu dans le document que vous avez fourni — et je vous en remercie — que les entreprises qui ont démarré en janvier et février derniers ne pouvaient pas être admissibles à la subvention d’urgence en raison du critère de baisse des revenus moyens. Je crois comprendre que le projet de loi C-9 modifie certains de ces critères d’admissibilité. Il remplacerait notamment le critère de baisse des revenus moyens sur trois mois par un critère sur 12 mois comparant les revenus mensuels aux revenus d’il y a 12 mois ou aux revenus moyens gagnés au cours des mois de janvier et février 2020.

Est-ce que ce changement et d’autres modifications contenues dans le projet de loi C-9 atténuent vos préoccupations en ce qui concerne l’admissibilité aux fonds d’urgence des entreprises qui ont démarré en janvier ou en février derniers?

M. Kelly : Je vous remercie, sénatrice Deacon. Je ne pense pas. Il y a deux éléments dans le projet de loi. Il y a la période par rapport à laquelle vous devez comparer vos revenus et il y a le complément. Le changement apporté à la subvention complémentaire permet de se fonder, en ce qui concerne la subvention salariale, sur la moyenne des trois derniers mois pour voir s’il est possible d’obtenir cette subvention complémentaire pour atteindre le taux maximum de 65 % ou de comparer les revenus à ceux du mois précédent. Ce sont les deux options qui existent.

En ce qui concerne la subvention en tant que telle, on peut comparer les revenus à ceux enregistrés durant le même mois de l’année dernière pour déterminer la baisse des revenus ou aux mois de janvier et février 2020. Ce que nous avons constaté, c’est que des entreprises ont démarré en juin et ont procédé à des investissements. Des restaurants franchisés ont ouvert leurs portes et ont investi à hauteur de 470 000 $ pour démarrer leur entreprise. Elles ont ouvert leurs portes en juin, mais elles ont dû fermer ensuite, et elles sont donc entièrement inadmissibles à la subvention. Ce problème n’a pas été réglé dans le projet de loi. Ce sont là certains des exemples que j’ai donnés.

Le projet de loi règle toutefois certains problèmes, mais, en ce qui concerne certaines subventions, on exige encore de présenter les déclarations de revenus de 2018 ou 2019, et cela cause des problèmes. Je dirais que la nouvelle subvention pour le loyer contribue à régler quelques problèmes.

La sénatrice M. Deacon : D’accord. Je vous remercie. Je vais continuer à réfléchir à cela.

Je vais maintenant m’adresser aux représentants de Restaurants Canada. Je veux vous interroger précisément au sujet de cette mesure qui permettra aux entreprises de présenter une demande pour obtenir des fonds d’urgence supplémentaires si elles ont été forcées de fermer en raison d’une ordonnance de santé publique, que leurs activités aient cessé complètement ou, comme on le précise dans la loi, qu’elles aient considérablement diminué. Ainsi, une entreprise peut présenter une demande pour obtenir des fonds supplémentaires si elle cesse une partie ou la totalité de ses activités et s’il est raisonnable de conclure que les activités qu’elle a cessées contribuaient à au moins 25 % de ses revenus à l’endroit en question.

Je pense qu’il s’agit d’une mesure positive, et elle me plaît. Je m’inquiète un peu toutefois du fait qu’elle soit trop vague. Est-ce que cela entraînera de la confusion ou affaiblira son application? Pensez-vous qu’un restaurant pourrait présenter une demande si, par exemple, il a dû cesser d’offrir les spectacles qu’il présentait trois ou quatre soirs par semaine avant la pandémie? Je pense même aux soirées de jeux qui attirent des clients; toutes ces choses qui attiraient des gens au bar ou au restaurant auxquelles on a dû mettre fin. J’aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

Mme van den Berg : Je vous remercie, madame la sénatrice. C’est une excellente question. Pour revenir à ce que vous avez dit, je pense tout à fait qu’il risque fort d’y avoir de la confusion. Encore une fois, je tiens à souligner que le gouvernement a les meilleures intentions à cet égard. C’est la première fois que nous vivons ce type de pandémie; il n’existe pas de manuel d’instructions.

D’un autre côté, nous avons eu six, sept et huit mois pour nous préparer à cette deuxième vague, alors nous espérions davantage de précisions et de clarté en ce qui a trait à ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. S’il y a des mesures qui ne fonctionnent pas, nous voulons savoir pour quelles raisons. Je pense que, dans notre cas, pour revenir précisément aux exemples que vous avez donnés, il n’est pas clair si le fait d’avoir dû cesser la présentation de spectacles rend admissible aux fonds supplémentaires.

En apparence, je le répète, les intentions sont bonnes. Je crois que cette mesure permet d’inclure un bien plus grand nombre d’entreprises durement touchées qu’auparavant. Mais encore une fois, le diable se cache dans les détails. En ce qui nous concerne, nous avons encore beaucoup de questions qui restent sans réponse en ce qui a trait à l’admissibilité, aux obstacles à l’admissibilité et à la façon dont nous pouvons aider nos membres qui n’ont pas nécessairement le temps d’attendre que l’ARC, par exemple, recommunique avec eux pour leur donner des précisions. Je vais laisser M. Lefebvre répondre également s’il a quelque chose à ajouter.

Mme Drever : Madame la sénatrice, j’aimerais ajouter quelque chose. Je sais qu’on précise que certaines activités doivent avoir cessé, mais cela fait partie des problèmes que nous pose la définition d’ordonnance de santé publique. Selon la province où vous êtes, vous n’êtes peut-être pas forcé de cesser certaines activités, mais les conséquences peuvent être les mêmes. En raison de l’ordonnance de santé publique, vous n’avez pas été absolument obligé de fermer votre salle à manger, qui pouvait demeurer ouverte, mais vous avez dû respecter des restrictions concernant la capacité. La loi précise que le respect de restrictions quant aux heures ou à la capacité n’est pas considéré comme une cessation des activités. C’est là où il y a certains problèmes en ce qui concerne cette mesure législative à notre avis.

Le président : Je vous remercie.

Le sénateur Boehm : Je tiens à remercier nos témoins de leur savoir-faire et de leur volonté à répondre à l’ensemble des questions. D’habitude, lorsque mon tour arrive à ce stade-ci de la réunion, je suis rempli d’admiration devant mes collègues sénateurs, qui ont bien sûr posé toutes les questions les plus pointues et intéressantes. Je vais tout de même essayer de revenir sur quelques-unes.

Monsieur Kelly, je vous remercie infiniment des chiffres que vous nous avez fait parvenir. Ils sont très révélateurs et mettent vraiment en lumière la crise qui frappe notre secteur de l’hébergement et de la restauration.

Mes questions vont en ce sens. Il est bien de discuter avec l’Agence du revenu du Canada pour savoir à quoi son gabarit ressemble. Par contre, avez-vous dans le secteur des conversations plus vastes sur le plan politique avec le gouvernement à propos des répercussions possibles en aval?

À l’approche de l’hiver, il y a par exemple une pénurie de calorifères au propane; nous en avons eu vent. Aussi, le propane n’est pas vraiment bon marché et représente des frais supplémentaires pour les restaurants qui essaient de garder leur terrasse ouverte.

Y a-t-il des mesures incitatives qui pourraient être mises en place au moyen d’une campagne publique? Si vous prenez ce que le premier ministre Boris Johnson a fait au Royaume-Uni — il accorde une subvention aux clients des restaurants —, j’ignore si c’était purement symbolique ou si la mesure a vraiment porté ses fruits, mais elle a assurément remonté le moral à bien des gens — là encore, tout dépend des conseils de santé publique à venir.

J’aimerais savoir si votre fédération a jeté un coup d’œil à ce qui se fait ailleurs, et à la façon dont les autres gèrent la situation afin de trouver de nouvelles idées, en supposant que la pandémie pourrait être très longue, que la deuxième vague pourrait se prolonger et que nous pourrions même subir une troisième vague au printemps.

M. Kelly : Je vous remercie, monsieur le sénateur. Il y a beaucoup de choses à dire là-dessus.

Nous regardons bel et bien ce qui se fait ailleurs pour voir les mesures qui ont fonctionné ou non. Ce que les entrepreneurs du secteur de l’hébergement et de la restauration veulent par-dessus tout — et c’est vrai pour tous les secteurs —, c’est de remplacer les subventions par des ventes à long terme. La seule façon de surmonter la crise est de faire en sorte que les entreprises puissent rouvrir leurs portes en toute sécurité pour servir la population. Voilà les objectifs à court, à moyen et à long terme de pratiquement toutes les entreprises au pays.

Pour les aider en cours de route à composer avec les répercussions des mesures de santé publique qui sont actuellement en place, nous devons absolument orienter les entreprises dans la situation d’urgence attribuable à la COVID et les soutenir.

Mon organisation rejette les subventions aux entreprises. Nous trouvons l’idée horrible puisqu’elles créent toutes sortes de conséquences imprévues. Les petites entreprises ne semblent jamais en profiter grandement. Il s’agit d’un rare cas où nous sommes favorables aux subventions aux entreprises, étant donné que les propriétaires d’entreprise sont tenus de fermer leurs portes ou de servir moins de clients afin de protéger la société. Il est profondément injuste de leur demander d’en assumer la totalité du coût.

Les deux principales choses que les gouvernements doivent faire, c’est de réduire leurs coûts et d’assumer une partie de leurs dépenses, en plus de trouver des moyens leur permettant de rouvrir en toute sécurité. En plus des subventions prévues au projet de loi, il faudra prendre des mesures comme retarder d’un an la bonification du Régime de pensions du Canada, ou RPC. Le 1er janvier, les cotisations au RPC de chaque employeur vont augmenter, et l’argent sera dorénavant retiré du chèque de paye de chaque employé. La meilleure chose à faire serait d’annuler les hausses d’impôt et de faire en sorte que ces programmes de subvention fonctionnent afin de protéger le monde des affaires.

Des mesures de stimulation pour encourager les consommateurs à dépenser ne seraient probablement pas aussi efficaces qu’en temps normal, étant donné que les citoyens ne peuvent pas fréquenter les établissements qui sont les plus durement touchés, comme ceux du secteur de la restauration. Les gens ne peuvent pas aller au restaurant.

Mme van den Berg : Je vous remercie infiniment de la question. Nous avons bel et bien gardé un œil rivé sur le modèle britannique. Nous avons d’ailleurs tenté d’en faire une version canadienne.

Toutefois, notre milieu opérationnel se limite littéralement à l’aire de repas intérieure. L’initiative « Eat Out to Help Out » lancée au Royaume-Uni pour inviter les gens à fréquenter les terrasses suppose un temps clément et est moins pratique à la mi-février au Canada.

Voici ce qui nous pose encore problème. Lorsque des données sont divulguées, celles sur la transmission révèlent que moins de 0,1 % de tous les cas sont attribuables aux restaurants. À la lumière de ces chiffres, nous pouvons rouvrir en toute sécurité, un point c’est tout. Nous sommes parmi les rares entreprises à pouvoir le faire de façon sécuritaire et responsable, puisque nous avons été formés en ce sens. Étant donné que nous sommes des créateurs d’emploi, nous pouvons faire en sorte que chaque dollar versé en subvention salariale ait une portée bien plus grande que la Prestation canadienne d’urgence ou l’assurance-emploi, par exemple.

En termes clairs, ces programmes de subvention vont nous aider à survivre. Mais pour qu’il y ait une reprise, il faut absolument que les Canadiens reviennent dans les restaurants du pays.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Duncan : D’entrée de jeu, je tiens à préciser à mes collègues et à nos témoins que je marraine le projet de loi C-9 au Sénat. Je sais très bien qu’il faut adopter le projet de loi, mais qu’il faut aussi en faire un second examen objectif et poussé, ce qui comprend peut-être des observations sur le projet de loi, comme certains sénateurs l’ont proposé.

Si vous pouviez formuler une seule observation — juste une —, quelle serait la plus importante?

M. Kelly : Le plus important serait de corriger la Subvention d’urgence pour le loyer de façon à ce que l’entreprise n’ait pas à payer son loyer à l’avance afin de toucher la subvention. Si je pouvais choisir une seule chose à modifier, ce serait celle-là.

Mme van den Berg : Si M. Kelly s’attarde au loyer, je peux volontiers parler de la subvention salariale. Restaurants Canada recommande fortement que la subvention salariale proposée soit équivalente à 1,6 fois la baisse des ventes, jusqu’au maximum de 75 %.

Mme Drever : Si nous devions choisir une seule chose au sujet du projet de loi C-9, ce serait la subvention pour le loyer. Pour l’instant, des restrictions s’appliquent à la subvention de sorte qu’une entreprise pourrait ne plus y être admissible si elle a renégocié son bail très différemment, ou si le montant n’est pas sensiblement le même qu’avant le 9 octobre. Par conséquent, si vous avez dû prendre la décision difficile de réduire votre empreinte immobilière ou que vous avez dû déménager, vous n’avez plus droit à la subvention pour le loyer. Nous pensons toutefois que ces entreprises en ont encore grandement besoin.

Le président : Madame la sénatrice Duncan, vous avez encore une minute.

La sénatrice Duncan : Je vais céder mon temps. Je vous remercie.

Le sénateur Loffreda : Je suis toujours ravi de fermer le bal. Je remercie nos témoins d’être avec nous. Ma question s’adresse aux représentantes de MNP s.r.l. J’invite aussi M. Kelly à intervenir s’il le souhaite, et si le temps le permet.

Ma question porte sur les crédits d’impôt à l’investissement, notamment pour la recherche scientifique et le développement expérimental, de même que sur la corrélation qui existe entre ces crédits et les subventions pour les salaires et les loyers qui sont proposées dans le projet de loi C-9. J’ai lu que ces subventions pourraient avoir des conséquences imprévues pour certaines entreprises, par exemple les sociétés de recherche et développement qui ont droit à d’autres crédits d’impôt, comme le crédit d’impôt à l’investissement pour la recherche scientifique et le développement expérimental. Pour éviter le cumul de déductions, je comprends que les dépenses admissibles des différents crédits d’impôts fédéraux sont réduites en raison des subventions reçues pour les salaires et le loyer, ce qui est tout à fait normal.

Je sais qu’il y a des crédits d’impôt à l’investissement similaires dans l’industrie cinématographique ou pour les entreprises des milieux de la science, de la santé et de la haute technologie. Par exemple, les entreprises canadiennes de technologie et de recherche et développement se plaignent d’être désavantagées par rapport aux autres entreprises si elles reçoivent la subvention salariale ou la subvention pour le loyer.

Ma question est la suivante : pourriez-vous aborder cette question de façon générale? Se pourrait-il que les entreprises de certains secteurs ou de ces industries aient un manque à gagner ou soient désavantagées si elles réclament les subventions pour les salaires ou le loyer? Nous voulons favoriser la recherche et le développement, surtout en cette période. Ces industries ont plus que jamais besoin d’une aide supplémentaire, en particulier l’industrie de la santé.

Mme Lidder : Je peux répondre. Nous avons étudié la question, monsieur le sénateur. Je pense que dans un cas de figure, si vous avez réclamé la Subvention salariale d’urgence du Canada ou la subvention pour le loyer, peu importe le nombre d’employés, toutes ces charges doivent être exclues de la demande de crédit d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, ou RS&DE.

Un autre cas de figure, qui me semble plus raisonnable, consiste à divulguer la proportion du temps que ces employés ont consacré aux différents travaux de RS&DE par rapport aux autres tâches. Il est alors possible d’exclure une partie pour que les différentes industries soient sur un pied d’égalité. Il serait donc très utile d’avoir plus de certitude à ce sujet.

M. Kelly : Les détails qui entourent cette question sont très intéressants. Je ne me suis pas renseigné là-dessus, mais je vais le faire.

Le sénateur Loffreda : Bien. Madame Drever, j’aimerais aussi connaître votre point de vue à ce sujet.

Mme Drever : Il y a une autre chose que nous aimerions voir en ce qui concerne le crédit d’impôt pour la RS&DE et d’autres crédits d’impôt...

Le sénateur Loffreda : J’aimerais préciser qu’en tant que comptable professionnel agréé, je sais ce qu’est le crédit d’impôt pour la RS&DE, mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. Nous ne voudrions pas dérouter les sénateurs. J’essaie donc de m’en tenir à des concepts simples et élémentaires.

Mme Drever : Le crédit d’impôt pour la RS&DE est un encouragement fiscal à la recherche scientifique et au développement expérimental qui est offert aux entreprises ayant créé une nouvelle technologie ou une innovation de pointe. Le programme cible vraiment l’innovation et la recherche scientifique. Ces entreprises peuvent donc obtenir un crédit d’impôt, qui est remboursable pour certaines petites entreprises, et qui réduit l’impôt sur le revenu pour d’autres.

Une des choses que nous proposons, c’est que l’encouragement devienne un crédit d’impôt remboursable pour toutes les entreprises pendant cette période. C’est dans nos notes d’information ayant trait aux consultations prébudgétaires, mais nous pensons qu’il serait fort utile que toutes les entreprises qui font de la RS&DE puissent bénéficier d’un remboursement en ce moment. Comme ma collègue, Mme Lidder, l’a dit, nous pensons que les crédits d’impôt relatifs à la Subvention salariale d’urgence du Canada devraient être harmonisés dans tous les secteurs.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de la réponse. Comme je l’ai dit, c’est très important, et j’aimerais que nous puissions l’ajuster — peut-être pas maintenant. J’appuie le projet de loi C-9, mais peut-être que nous pourrons y apporter un ajustement plus tard dans le processus budgétaire et en informer notre ministre des Finances.

Le président : Vous avez encore le temps de poser une autre question, sénateur Loffreda.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de vos exposés, et je remercie tous les sénateurs de leurs questions, qui sont toutes excellentes.

J’ai une inquiétude. Pour reprendre ce que le sénateur Smith a souvent dit, je considère que ces subventions sont un investissement. Parmi ces entreprises, combien survivront réellement? Je pense qu’il serait honteux d’investir toutes ces subventions et tout cet argent en sachant d’emblée que nous ne faisons que retarder leur faillite. Peut-être que M. Kelly ou un autre témoin pourra répondre. Pour conclure, j’aimerais entendre que cet investissement vaut le coup et que nous ne donnons pas l’argent à des entreprises qui feront de toute façon faillite dans quelques mois.

M. Kelly : Bien sûr. Vous voulez avoir un peu d’optimisme et connaître l’heure juste. Cette aide sera utile. Les subventions vont aider, et elles ont déjà contribué à éviter la faillite, le déclin, les licenciements ou les dommages irréparables à des centaines de milliers d’entreprises. Si elles sont bien conçues, je crois qu’elles aideront encore beaucoup d’autres entreprises.

Toutefois, un grand nombre d’entreprises bénéficiant d’une aide feront tout de même faillite, car elles seront nombreuses à subir un tort irréparable malgré tout. Pour notre part, nous essayons de limiter les dégâts économiques dans le milieu de l’entreprise indépendante afin que les Canadiens puissent retrouver un emploi. Lorsque cette question sera examinée plus tard et que le vérificateur général rendra sa décision à ce sujet, je peux vous assurer que les responsables constateront qu’une partie des subventions ont été versées à des entreprises qui ont essentiellement fermé leurs portes et fait faillite en cours de route. Pourtant, je vous conseille vivement de verser des subventions et d’adopter le projet de loi. Les conséquences de l’inaction seraient bien pires que le gaspillage de l’argent des contribuables sur des entreprises qui pourraient finir par faire faillite.

Le sénateur Loffreda : Quel serait le pourcentage? Dix pour cent?

M. Kelly : Il me serait pratiquement impossible d’en faire le calcul maintenant. À vrai dire, 14 % des entreprises nous ont dit être déjà en train de planifier la réduction progressive de leurs activités. C’est une petite entreprise sur sept. Nous avons estimé qu’il y aurait entre 55 000 et 225 000 faillites d’entreprise. À notre avis, tout dépend de ce qui se passera pendant la deuxième vague, et de ce que les programmes vont donner. Nous pourrions probablement sauver près de 200 000 entreprises si nous veillons au bon fonctionnement de ces programmes de subvention.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie.

Le président : Merci, monsieur Kelly.

Mme van den Berg : Pour en quelque sorte résoudre la quadrature du cercle au sujet de la question précédente, 82 % de nos membres nous ont dit trouver que la subvention salariale est extrêmement utile, et qu’elle a même été indispensable à leur survie pendant la première vague de la pandémie. Grâce aux modifications proposées à propos des salaires et des loyers, nous pourrons aider de nombreux restaurants à survivre au pays.

À ce jour, nous avons assisté à la fermeture de 10 % des 98 000 restaurants du nord au sud et d’est en ouest. Je ne pourrais pas vous dire ce que l’avenir nous réserve, mais je peux vous assurer que la situation va empirer à l’arrivée des mois d’hiver. Je pense que le modèle de subvention salariale que nous proposons contribuera à assurer la survie des restaurants qui sont les mieux placés pour réussir. Il s’agit d’une subvention équivalente à 1,6 fois la baisse et jusqu’à un maximum de 75 % au lieu de 65. En fin de compte, tous ces changements et ajustements minimes sont absolument essentiels aux bénéfices nets d’une foule de propriétaires de petites entreprises au pays.

Je répète une fois de plus que le secteur de la restauration est un élément névralgique de l’économie et des communautés locales dans lesquelles nous nous trouvons. À lui seul, notre secteur reflète la diversité canadienne : 58 % de notre industrie est composée de femmes, et 31 % de la main-d’œuvre du secteur de la restauration appartient à une minorité visible. Nous soutenons une grande variété d’entreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement. Ainsi, lorsque des fonds sont investis dans un restaurant, ils ont une incidence indirecte sur plus de 290 000 emplois par le truchement de différentes entreprises d’approvisionnement et de fabrication. Nous dépensons plus de 30 milliards de dollars par année en aliments et en boissons, et nous jouons un rôle déterminant pour les agriculteurs canadiens et le secteur agroalimentaire.

Une fois encore, je vous invite à considérer les restaurants comme la pierre angulaire des communautés locales, et comme des lieux sécuritaires pour les célébrations.

Le président : Je vous remercie.

Mme Drever : Je vous remercie. J’aimerais moi aussi répéter que les subventions ont été essentielles à la survie des entreprises, ou qu’elles les ont aidées à assumer les deux plus gros postes budgétaires de leurs états des résultats : les salaires et le loyer. Elles ont donc été accueillies très favorablement.

Toutefois, pour assurer la réussite à long terme des entreprises, nous devons favoriser la certitude et la prévisibilité pour qu’elles sachent ce qui les attend au lendemain de la pandémie. Je parle notamment de la certitude sur le plan de la politique fiscale, et du maintien d’une grande partie des mesures qui sont en place, sur lesquelles nous travaillons ou qui sont des piliers de notre système. La constance de ces éléments rétablira une grande partie de la confiance. Il y a eu beaucoup de bavardages sur les différentes options possibles. Je pense que nous devons veiller à ce que les gens sachent avec certitude ce que l’avenir leur réserve.

Le président : Je remercie infiniment nos témoins. J’aimerais vous mentionner que le mot d’ordre du Comité des finances est certainement la transparence, la responsabilité, la prévisibilité et la fiabilité. Merci beaucoup de nous avoir transmis ces renseignements et votre savoir-faire. Vous nous avez beaucoup appris.

Je souhaite maintenant la bienvenue à tous pour la deuxième partie de la réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-9.

[Français]

Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons la vice-première ministre du Canada et ministre des Finances, l’honorable Chrystia Freeland. Elle est accompagnée de fonctionnaires du ministère des Finances, soit Andrew Marsland, sous-ministre adjoint principal, Direction de la politique de l’impôt, et Maude Lavoie, directrice générale, Division de l’impôt des entreprises. Bienvenue à tous et merci d’être là.

[Traduction]

Et je remercie la ministre Freeland de prendre le temps de comparaître devant le Comité des finances nationales du Sénat du Canada.

Madame la ministre, je vous invite maintenant à faire votre déclaration liminaire, qui sera suivie d’une période de questions des sénateurs. Vous avez la parole.

L’honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre des Finances, ministère des Finances du Canada : Merci, monsieur le président, et bonjour, honorables sénateurs. Merci beaucoup de me donner l’occasion de vous parler du projet de loi C-9.

Je vous remercie beaucoup d’avoir accepté de tenir la réunion cette semaine et de vous pencher avec autant de célérité sur cette importante mesure législative. Je vous en suis très reconnaissante. Je vous remercie sincèrement.

Comme on l’a déjà mentionné, je suis accompagnée aujourd’hui — virtuellement, bien entendu — de M. Andrew Marsland, sous-ministre adjoint principal de la Direction de la politique de l’impôt ainsi que de Mme Maude Lavoie, directrice générale de la Division de l’impôt des entreprises.

Dans sa réponse à la pandémie de COVID-19, le gouvernement a accordé la priorité à deux objectifs. Le premier est la protection de la vie et de la santé des Canadiens. Le second est la préservation et la protection des emplois et du gagne-pain des Canadiens. Tout au long de nos démarches, nous avons été guidés par l’idée que la meilleure politique économique consiste à prendre de solides mesures sanitaires. C’est l’objectif de ce projet de loi et ce qui explique l’urgence.

La deuxième vague de coronavirus a commencé. L’hiver approche, et on devra bientôt payer le loyer de décembre, ce qui signifie que nous devons tous agir rapidement. Nous savons que freiner la propagation du coronavirus a un coût économique immédiat pour les gens, les entreprises, les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif. C’est pourquoi le gouvernement fédéral prend des mesures et continuera d’en prendre avec énergie pour offrir un soutien financier aux gens et aux entreprises, afin que tous les Canadiens fassent la bonne chose en matière de santé publique.

[Français]

Sur le plan économique, le Canada est bien placé pour y parvenir. Au début de l’année, notre situation financière était la meilleure de tous les pays du G7. Aujourd’hui, même en comptant les mesures sans précédent que nous avons prises au cours des derniers mois, nous sommes encore dans la situation financière la plus solide parmi les pays du G7.

Le projet de loi C-9 propose de soutenir les employeurs qui en ont besoin, avec de nouvelles mesures de soutien ciblées, pour faire en sorte qu’ils puissent surmonter la crise et continuer à payer leurs travailleurs.

[Traduction]

Je vais vous parler un peu des mesures que nous proposons. Tout d’abord, le projet de loi C-9 instaure la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer, qui offre un soutien au loyer ou à l’hypothèque jusqu’en juin 2021 aux entreprises et aux autres organisations admissibles qui ont perdu des revenus à cause de la COVID-19. La subvention couvrirait jusqu’à 65 % du loyer ou des paiements d’intérêts hypothécaires des entreprises les plus durement touchées et, surtout, le soutien serait directement remis aux locataires.

Deuxièmement, le projet de loi C-9 propose un nouveau programme de soutien en cas de confinement qui couvrirait 25 % du loyer, ce qui s’ajoute à la subvention pour le loyer de 65 %, pour les entités dont les activités sont considérablement limitées à cause d’une ordonnance de santé publique. Cela signifie que jusqu’à 90 % du loyer des organisations admissibles serait couvert.

En le mentionnant, honorables sénateurs, je pense plus particulièrement aux entreprises au Manitoba; dans la ville que je représente, Toronto; et dans une grande partie du Québec aujourd’hui.

[Français]

Troisièmement, le projet de loi C-9 prévoit la prolongation de la Subvention salariale d’urgence du Canada jusqu’en juin 2021, comme nous l’avons promis dans le discours du Trône.

[Traduction]

Je sais que les sénateurs ont des préoccupations à propos de l’amendement présenté par le gouvernement en ce qui a trait à l’admissibilité au nouveau programme de subvention pour le loyer.

Nous avons une solution provisoire pour faire en sorte que le loyer à payer soit une dépense pouvant être déduite dès le premier jour. Après l’adoption du projet de loi C-9 — s’il est adopté, comme je l’espère —, nous allons publier et rapidement présenter une mesure législative pour que le loyer à payer soit officiellement considéré comme une dépense pouvant être déduite.

Comme il s’agit de notre intention manifeste et déclarée publiquement, nous sommes convaincus que l’Agence du revenu du Canada considérera le loyer à payer comme une dépense pouvant être déduite à partir du moment où le nouveau programme sera lancé. Il n’y aura pas d’intervalle.

Nous avons déjà fait part à l’Agence de l’intention du gouvernement et nous allons lui faire parvenir une communication officielle lorsque le projet de loi C-9 entrera en vigueur.

[Français]

Nous savons que cette crise laissera des traces, mais nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour limiter les pertes d’emplois et les fermetures d’entreprises. Ces mesures démontrent donc à la fois notre compassion et notre pragmatisme.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous avons collectivement le pouvoir d’aider les Canadiens et les entreprises du pays à traverser cette pandémie mondiale.

C’est ce que nous devons faire, et nous devons le faire sans tarder.

J’espère que nous pourrons agir maintenant et que tous les honorables sénateurs présents appuieront le projet de loi C-9. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

[Français]

Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup, madame la ministre, pour vos commentaires et votre déclaration.

[Traduction]

Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Je leur signale que nous aurons un maximum de quatre minutes par personne. Je demande donc votre entière collaboration en vous priant de poser des questions directes et succinctes. Je demanderais aussi aux témoins de répondre de manière concise. Le greffier fera un signe de la main au président lorsque les quatre minutes seront écoulées. Je vais alors passer au prochain sénateur.

La sénatrice Marshall : Madame la ministre, monsieur Marsland, madame Lavoie, bienvenue.

Lorsque j’ai lu le projet de loi C-9, ce qui a retenu mon attention, c’est l’absence d’obligation visant la publication de renseignements, y compris de l’information financière, sur les deux programmes visés par le projet de loi C-9.

Je sais que le gouvernement publie un tableau de bord sur la subvention salariale, mais il le fait volontairement et peut cesser à tout moment. J’ai trouvé de l’information sur le programme de subventions locatives précédent dans un communiqué, mais l’information sur les programmes et les renseignements financiers laissent beaucoup à désirer.

Vous avez publié le rapport bihebdomadaire sur la COVID-19 jusqu’en août. Nous ne le recevons plus. Nous sommes saisis du projet de loi C-9 avant d’avoir obtenu la mise à jour économique. C’est très problématique. Le manque de renseignements financiers et d’information sur les programmes est une de mes principales préoccupations.

Pourquoi le projet de loi ne prévoit-il pas d’obligation de produire des rapports sur ces deux programmes? Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de fournir de l’information sur les programmes et des renseignements financiers aux parlementaires?

Mme Freeland : Tout d’abord, madame la sénatrice, merci de poser la question, et merci de déployer des efforts soutenus et d’avoir examiné en profondeur le projet de loi. Permettez-moi de vous donner quelques renseignements financiers. Je vais vous faire part d’estimations du ministère des Finances sur le coût des programmes.

La Subvention salariale d’urgence du Canada, aux taux que nous proposons jusqu’à décembre 2020, coûterait un total de 65,5 milliards de dollars. Pour ce qui est du nouveau programme — et ce que je vous ai donné, c’est le coût du programme jusqu’à maintenant —, encore une fois, l’estimation du ministère des Finances pour la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer et le soutien lié au confinement se chiffre à 2,2 milliards de dollars pour les périodes dont nous avons parlé jusqu’à décembre 2020.

Quant à l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer, soit l’ancien programme de subventions locatives, elle a permis d’aider 139 000 entreprises grâce à un soutien de plus de 2 milliards de dollars.

Il s’agit de certains coûts associés aux mesures dont nous parlons. Comme vous l’avez mentionné, madame la sénatrice, nous nous sommes engagés dans le discours du Trône à fournir une mise à jour économique à l’automne, et c’est évidemment ce que nous ferons.

La sénatrice Marshall : Merci. Pourquoi ne pouvons-nous pas recevoir les renseignements financiers tous les mois? Là est le problème. Nous ne les recevons pas régulièrement.

Mme Freeland : Merci de poser la question. Je comprends qu’on veuille les renseignements financiers. C’est pour cette raison que je viens tout juste de vous en donner. Nous allons offrir amplement de précisions dans la mise à jour économique de l’automne. Je sais que les sénateurs vont la lire attentivement, et je m’en réjouis.

La sénatrice Marshall : La question demeure : pourquoi le gouvernement ne fournit-il tout simplement pas l’information tous les mois aux parlementaires, y compris les sénateurs? À l’heure actuelle, nous devons nous tourner vers différentes sources pour tenter d’établir et de rassembler les renseignements financiers nous-mêmes. Nous nous tournons vers la Banque du Canada et le directeur parlementaire du budget, mais le gouvernement devrait fournir ces renseignements une fois par mois.

Mme Freeland : Je vous comprends, madame la sénatrice. Votre demande est très claire.

Nous cherchons à fournir des renseignements financiers. Nous comprenons très bien que c’est une chose à laquelle les sénateurs et les députés ont droit et que c’est nécessaire pour faire leur travail, comme tous les Canadiens.

Je souligne que la situation évolue très rapidement, surtout maintenant que la deuxième vague est à nos portes, et le gouvernement met en place des programmes à un rythme qui est sans précédent selon moi dans l’histoire du gouvernement du Canada. J’accepte toutefois le principal point, à savoir qu’il est important que nous soyons accessibles et disponibles pour les sénateurs et les députés.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci d’être parmi nous, madame la ministre. Par souci d’équité, je vais céder mon temps de parole à mon collègue le sénateur Loffreda.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Madame la ministre, merci de vous être jointe à nous, et je remercie également M. Marsland et Mme Lavoie d’être ici.

J’appuie le projet de loi C-9, mais je viens tout juste d’avoir une discussion intéressante avec les fiscalistes de la firme MNP. Les crédits d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental sont importants, tout particulièrement ces temps-ci. C’est un secteur extrêmement important, surtout pendant la période que nous traversons.

Je suis préoccupé par ce que des dirigeants dans ces industries m’ont dit, à savoir que les entreprises de la haute technologie sont désavantagées dans le projet de loi C-9 par rapport aux autres, car la subvention salariale et la subvention pour le loyer sont déduites des dépenses admissibles dans le calcul des crédits d’impôt.

Nous n’avons pas beaucoup de temps pour en discuter ici et, comme je l’ai dit, j’appuie le projet de loi C-9. Il aide beaucoup de monde dans le secteur. J’aimerais toutefois ajouter une note de bas de page pour le prochain budget. Ils vont présenter une recommandation en bonne et due forme à cet égard, et je veux donc que ce soit dans le compte rendu si vous avez quelque chose à me dire à ce sujet. En a-t-on discuté? Sinon, j’ai une autre question.

Mme Freeland : Merci beaucoup de soulever ce point très important. Comme je l’ai dit au début, les fonctionnaires extrêmement expérimentés du ministère des Finances sont virtuellement parmi nous, et je me permets de leur demander maintenant, comme ils l’ont certainement déjà fait, de prendre note de cette importante note de bas de page, comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur.

Je conviens qu’un des défis importants dans l’élaboration d’une politique pour soutenir l’économie pendant la pandémie de COVID consiste à faire en sorte que le secteur de la haute technologie, les entreprises en démarrage, les entreprises de recherche et développement ainsi que les autres entreprises essentielles à notre économie ne sont pas désavantagés à cause des mesures que nous mettons en place. C’est une chose à laquelle nous devons beaucoup réfléchir.

Ce que je dirais, et je pense que vous l’avez déjà compris, c’est que la première mouture de nos efforts vise à créer des programmes de portée générale qui sont les plus simples possible pour soutenir la majeure partie des Canadiens et des entreprises du pays, et c’est ce que nous cherchons à faire au moyen du projet de loi C-9. Je tiens toutefois à vous dire clairement que je crois que vous avez soulevé un point important. Nous en sommes très conscients, et vous nous avez amenés à souligner ce problème particulièrement délicat.

Le sénateur Loffreda : Merci beaucoup. Comme je l’ai dit, j’appuie le projet de loi et je vous remercie de l’excellent travail accompli. Je sais que nous posons les rails à mesure que le train accélère, et je vous remercie donc pour ce projet de loi; je l’appuie.

On s’est posé une question sur l’amendement qu’on a tenté de faire adopter à la Chambre des communes. À propos des crédits d’impôt à l’investissement, je comprends à un moment donné pourquoi le loyer doit être payé avant que la subvention soit mise en œuvre. C’est ainsi que fonctionnent les crédits d’impôt à l’investissement: il faut payer le montant du crédit d’impôt et présenter sa demande, et le gouvernement rembourse ensuite le montant.

Je comprends le concept et je ne pense pas qu’il est étranger. Nous vivons à une époque où beaucoup de personnes n’ont pas les ressources pour le faire, mais, en tant que banquier, permettez-moi de dire qu’il existe de nombreuses façons pour les Canadiens d’obtenir des fonds. Les propriétaires devraient peut-être verser le montant. Les banques pourraient examiner la question et dire qu’il sera possible d’investir. Je ne crois pas que c’est si mauvais et je voulais le dire pour le compte rendu.

Et enfin, au Canada, et pour les employés à l’étranger, je veux que vous disiez une chose ou deux, car beaucoup d’intervenants de l’industrie disent...

Le président : Sénateur Loffreda, auriez-vous l’obligeance de poser votre question?

Le sénateur Loffreda : ... que la subvention salariale ne s’applique pas à l’étranger. Qu’en pensez-vous?

Mme Freeland : À propos du premier point, je vous remercie beaucoup de vos observations à ce sujet. Dans le projet de loi, nous tentons toujours de trouver un équilibre entre la mise en place de programmes réellement intègres et la prestation de l’aide urgente dont les entreprises ont besoin pendant une pandémie mondiale sans précédent.

Pour répondre à votre deuxième question, monsieur le sénateur, notre objectif consiste d’abord à soutenir les Canadiens et les entreprises canadiennes, c’est-à-dire les gens qui travaillent et vivent au Canada.

Le sénateur Loffreda : Merci.

Le sénateur Klyne : Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Je suis particulièrement ravi de voir la ministre ici. Merci de votre comparution.

Je vais parler du caractère saisonnier de certaines entreprises. Plusieurs entreprises, alors que l’hiver est à nos portes, entament leur saison intermédiaire, le ralentissement de leurs activités. Leurs revenus vont donc diminuer jusqu’au printemps. Je sais que le gouvernement a offert plusieurs options pour comparer les revenus d’un mois à l’autre en 2020 par rapport à la période précédente afin de déterminer l’admissibilité d’une entreprise. Cependant, pour les entreprises saisonnières dont je viens de parler, même si la comparaison avec la période précédente peut avoir révélé une légère diminution, s’il y en a une, il est fort probable qu’elles aient épuisé leurs réserves de liquidités de mars à juin cette année et qu’une lente reprise de juillet à octobre a compliqué leur saison écourtée.

De quelle façon le gouvernement tient-il compte de l’incidence de la COVID-19 sur une entreprise qui a épuisé ses réserves de liquidités pendant la première partie de ce qui aurait été une saison productive de mars à juin et qui a ensuite perdu la majorité de l’autre partie de sa saison productive à cause d’une reprise lente de juillet octobre? Encore une fois, cette situation est entièrement attribuable aux pratiques exemplaires concernant la COVID. Pourtant, de novembre à mars, pour beaucoup d’entreprises, la comparaison des revenus d’une année à l’autre n’a pas de conséquence négative par rapport aux critères d’admissibilité.

Mme Freeland : Merci beaucoup de poser la question, monsieur le sénateur.

Vous soulevez un problème important, plus particulièrement l’incidence particulière de la crise sur les entreprises saisonnières. Nous pouvons dire qu’elles sont saisonnières. Nous pourrions aussi parler du secteur du tourisme et de l’hôtellerie. Je crois, un peu comme dans la réponse à la question concernant la recherche et développement ainsi la haute technologie, qu’il y a des cas précis d’entreprises sur lesquels nous devons nous pencher pour faire en sorte que les mesures que nous mettons en place permettent de leur offrir un soutien.

Au moment de concevoir le projet de loi C-9, nous avons d’abord cherché à créer un programme simple, robuste et de portée générale pour soutenir sans tarder le plus grand nombre possible d’entreprises canadiennes. Je suis parfaitement d’accord avec vous : le caractère saisonnier est une chose à laquelle nous devons bien réfléchir. Lorsque nous avons réfléchi aux périodes de comparaison que les entreprises pourraient utiliser pour calculer la mesure dans laquelle leurs revenus ont diminué et, par conséquent, le niveau de soutien auquel elles ont droit, notre objectif était d’aider les entreprises qui ont besoin d’aide, pas d’en laisser pour compte. Cependant, comme je l’ai dit, je conviens que les entreprises saisonnières sont dans une situation particulière.

Je mentionne également, monsieur le sénateur, si vous vous inquiétez au sujet de certaines entreprises dans votre province, plus particulièrement, par exemple, dans le secteur du tourisme et de l’hôtellerie, qu’on a accordé des ressources considérables aux organismes de développement régional pour offrir partiellement une solution à certaines des entreprises qui ne sont pas entièrement couvertes par des programmes généraux compte tenu de leur type d’activités.

Permettez-moi de conclure en disant qu’une fois que ces mesures seront adoptées, jusqu’à 65 % des salaires d’une entreprise pourraient être couverts, et si elle est touchée par des mesures de confinement, 90 % du loyer ou des paiements hypothécaires seront couverts. C’est un soutien considérable, et j’estime que c’est adéquat.

Le sénateur Klyne : Merci, madame la ministre.

Le sénateur Richards : Merci, madame la ministre, d’avoir pris le temps d’être parmi nous aujourd’hui.

Je suis d’accord avec la sénatrice Marshall. J’aimerais qu’il y ait des mises à jour sur les dépenses et qu’elles soient plus rapides, plus pertinentes et plus opportunes.

Ma question porte sur le secteur de l’hôtellerie et des salles de réception, qui a été contraint de fermer partout dans les Maritimes et en Ontario. Les salles de banquet qui pouvaient accueillir des centaines ou des milliers de personnes ont été réduites à n’accueillir que 50 ou 60 personnes.

Est-ce qu’il y a un moyen, avec le projet de loi C-9, de pallier ce qu’ils vivent et de les aider avec les loyers et les frais généraux qu’ils doivent payer actuellement?

Mme Freeland : Je vous remercie beaucoup de cette question, sénateur. Là encore, cela dépendra des particularités de l’entreprise et de l’endroit où elle se situe précisément, en raison de l’interaction entre ces mesures législatives et les ordonnances des autorités de santé publique locales. Mais l’une des mesures dont nous discutons aujourd’hui est la mesure de soutien en cas de confinement. Cette mesure, qui prévoit un pourcentage compensatoire pour le loyer de 25 % s’appliquant aux entreprises touchées par une mise en confinement particulière, pourrait aider les types d’entreprises dont vous parlez.

Le principe sous-jacent est que nous savons que certaines entreprises ont dû se soumettre à des restrictions rigoureuses pour protéger la santé publique, même si ce n’est absolument pas de leur faute. C’est pourquoi nous espérons, avec votre appui, mettre en place le pourcentage compensatoire pour le loyer de 25 % pour ces entreprises. Cela signifierait que les entreprises soumises à des mesures de confinement pour des raisons de santé publique pourraient obtenir une aide correspondant à un maximum de 90 % de leur loyer. C’est une aide importante, surtout si l’on ajoute à cela la possibilité d’obtenir une subvention salariale pouvant couvrir un maximum de 65 % des salaires.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup.

Le sénateur Smith : Merci, madame la ministre, d’être parmi nous aujourd’hui. Je dois revenir sur un point que la sénatrice Marshall a évoqué précédemment. J’ai besoin que vous nous expliquiez votre raisonnement. Nous reconnaissons tous que ce que le gouvernement a fait pour aider les entreprises est la bonne chose à faire. Cela n’est pas mis en doute. Bien sûr, le premier ministre, dans sa récente allocution devant la Chambre de commerce du Canada, a dit clairement qu’il n’y aura pas de cible budgétaire dans la mise à jour financière du gouvernement. Puis, la même semaine, lorsque vous avez pris la parole au Forum mondial de Toronto, vous avez déclaré :

La vaste approche que nous adoptons sur le plan budgétaire pour lutter contre le coronavirus ne s’étendra pas à l’infini. Elle a ses limites et elle sera mise en place temporairement. Un gouvernement sensé et prudent s’impose des limites...

Ce sont deux opinions différentes. Je reconnais qu’il s’agit d’une situation qui évolue rapidement. Je suis d’accord, mais cela étant dit, comment allez-vous faire pour fournir le type d’information qui permettra non seulement aux parlementaires, mais aussi à l’ensemble des Canadiens, de suivre réellement le leadership, l’orientation et l’exécution de ce que vous essayez d’accomplir?

Mme Freeland : Merci beaucoup, sénateur. Vous avez réussi à regrouper de nombreux éléments différents dans une courte question. Je vais essayer de les aborder tous.

Permettez-moi de commencer par dire quelque chose de très important, à savoir qu’il n’y a aucune divergence d’opinions sur cette question ou, en fait, sur toute autre question à laquelle je peux penser en ce moment, entre le premier ministre et moi. Nous avons la même vision des choses et nous travaillons en étroite collaboration. Il est bien sûr le premier ministre et, donc, mon patron. En ce qui concerne notre approche financière, je vous remercie d’avoir cité une partie de mon discours. Mes propos étaient tout à fait intentionnels.

En ce moment, avec cette pandémie mondiale sans précédent, nous pensons — le gouvernement du Canada, moi-même, et je dirais même tous les Canadiens, sénateurs et députés — qu’il faut vraiment apporter un soutien sans précédent aux particuliers et aux entreprises canadiennes. La deuxième vague du virus fait rage, et je sens que cela vient confirmer l’approche que notre gouvernement a adoptée pour apporter ce soutien. Cette approche est d’une grande importance, car elle permet aux autorités de santé publique de faire ce qui s’impose et de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre le virus.

De plus, nous avons tous à l’esprit, je l’espère, l’objectif très important de travailler dur pour éviter de marquer inutilement l’économie, pour éviter de couper inutilement dans le muscle économique de notre pays, de sorte que lorsque nous aurons un vaccin, nous serons vraiment en mesure de permettre à l’économie de revenir en force.

Ce que j’ai également dit, et ce que je crois — et je sais que le premier ministre en est aussi convaincu —, c’est que nous devons faire une distinction très claire entre notre approche en temps normal et la situation exceptionnelle, ponctuelle et temporaire que nous vivons et qui exige la prise de mesures extraordinaires qu’aucun d’entre nous n’aurait pu imaginer il y a un an pour lutter contre le coronavirus. Je pense que nous perpétuons, depuis que nous formons le gouvernement, la fière tradition du Canada sur le plan de la prudence financière et de la bonne gestion des finances publiques. Notre gouvernement poursuit cette tradition, et c’est grâce à cette tradition, en fait, que nous étions en si bonne position au début de cette crise.

Je vous vois hocher la tête, sénateur, alors j’espère que vous êtes d’accord avec moi. Je pense que nous devons tous faire une distinction très claire entre les circonstances extraordinaires dans lesquelles nous nous trouvons actuellement, avec les mesures financières extraordinaires que nous devons prendre, et la situation dans laquelle nous nous trouverons une fois que notre pays, notre société et notre santé se seront remis du coronavirus.

Le président : Merci, madame la ministre.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Madame la ministre, ce matin, on a entendu que plusieurs suggestions vous ont été faites par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante afin que le programme soit plus facilement accessible et moins restrictif, notamment pour les jeunes entreprises. Vous allez sûrement répondre que vous avez entendus les membres de cette organisation, ce qui est normal, puisque c’est la rhétorique du gouvernement de répondre cela.

Par contre, pour être pratique et par souci d’efficacité, si nous proposions des amendements dans notre rapport, seriez-vous prête à en débattre à l’autre endroit dans le but d’améliorer le projet de loi? Croyez-vous qu’il s’agit des derniers programmes d’aide que vous allez nous présenter sur le sujet, ou faut-il s’attendre à vous revoir prochainement et à ce que vous nous présentiez d’autres changements?

Mme Freeland : Merci, sénateur, pour ces deux questions. En ce qui concerne la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, je veux vous assurer que mon équipe et moi entretenons un dialogue très ouvert avec cette organisation, ce qui nous aide beaucoup dans la création de nos programmes. Évidemment, on ne peut pas être d’accord sur tous les points, mais je tiens vraiment à remercier cette organisation pour son ouverture dans les discussions et les échanges. Cela nous est très utile. Pour ce qui est des amendements, il s’agit d’une décision qui revient aux sénateurs. Par contre, je tiens à souligner que nos entreprises, partout au Canada, ont besoin d’aide maintenant. La deuxième vague frappe très sévèrement. Comme je l’ai dit dans mes commentaires d’ouverture, des restrictions de confinement sont appliquées de nouveau dans de nombreuses villes et dans les provinces partout au pays. À mon avis, la chose la plus importante est de faire tout ce que nous pouvons pour aider notre économie et nos entreprises dès maintenant. Quand je parle avec des gens d’affaires et avec des leaders des organisations commerciales partout au Canada, ils me disent qu’ils ont besoin de cette aide maintenant.

En ce qui concerne votre deuxième question, vous demandez si c’est la fin. Je vous répondrai ceci : grâce à ce projet de loi, le Canada bénéficiera de l’appui le plus complet au monde, grâce notamment aux subventions d’urgence qui fournissent une aide directe aux citoyens.

Avec la Subvention salariale d’urgence du Canada, la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer commercial et les subventions supplémentaires accordées en raison du confinement, nous aurons un ensemble complet de mesures qui interagissent et qui resteront en vigueur jusqu’à l’été ou à l’automne 2021, et cela est une bonne chose. C’est aussi un groupe de mesures souples. Nous paierons davantage si la crise empire et nous paierons moins si nous réussissons à aplanir la courbe.

En terminant, nous comprenons tous que le coronavirus est un nouveau virus. Il est impossible de prévoir précisément ce qui se passera avec le virus et l’économie mondiale à l’avenir, et je crois que nous devons tous en être conscients.

Le président : Merci beaucoup, madame la ministre.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Merci d’être avec nous aujourd’hui, madame la ministre. C’est tellement important.

Ma question porte sur la mesure de soutien en cas de confinement pour les endroits où les entreprises font face à d’importantes restrictions sanitaires. Bien sûr, j’applaudis votre gouvernement pour avoir inclus une telle aide dans cet important projet de loi. Il est clairement indiqué que si votre entreprise est fermée en raison d’une ordonnance de santé publique — un centre de conditionnement physique, par exemple —, vous pouvez bénéficier d’une aide supplémentaire en cas de confinement. C’est assez clair et net, mais cela couvre aussi les entreprises qui ont été forcées de mettre fin en partie ou en totalité à leurs activités lorsqu’il est « raisonnable de conclure qu’approximativement au moins 25 % du revenu admissible était lié aux activités qui ont cessé », comme le précise le projet de loi. Il y a beaucoup de zones grises, d’après moi, en ce moment. Les entreprises seront sans doute impatientes de démontrer leur admissibilité à ce financement d’urgence supplémentaire.

La fonction publique, qui a fait un travail sensationnel, est-elle en mesure de se prononcer sur les entreprises qui peuvent prétendre à cette aide financière en cas de confinement en se fondant sur ces critères d’admissibilité imprécis? Y aura-t-il un mécanisme de recours? Avez-vous de l’information à nous donner à ce sujet aujourd’hui? Merci.

Mme Freeland : Sénatrice Deacon, je me permets de souligner que c’est une excellente question. C’est une chose à laquelle nous avons longuement réfléchi.

Cette disposition visant l’aide en cas de confinement est, à ma connaissance, une mesure entièrement nouvelle qui a été créée ici au Canada, et ce, parce que nous savions à quel point il était angoissant pour les responsables de la santé publique de partout au pays de prendre les décisions nécessaires. Ils font un excellent travail. Vous pouvez voir la douleur sur leurs visages lorsqu’ils nous parlent, parce qu’ils vivent dans leurs collectivités et qu’ils ne veulent pas nuire à leurs entreprises, mais ils savent que certaines restrictions vont nous permettre de passer au travers et, en fait, d’obtenir de meilleurs résultats en matière de santé ainsi que de meilleurs résultats économiques. Nous sommes convaincus que ces entreprises ont besoin d’aide et que les personnes qui prennent la décision d’imposer un confinement à l’échelle locale vont trouver qu’ils peuvent prendre de meilleures décisions, sachant que l’aide est là.

Dans nos réflexions, nous avons atteint le point que vous avez évoqué, à savoir qu’en effet, certaines mesures de confinement locales sont absolues et que les entreprises touchées doivent tout simplement fermer. Ce sont des situations claires et nettes, mais nous avons poursuivi nos réflexions et avons pensé qu’en réalité — cela s’est déjà produit en divers endroits —, des restrictions considérables peuvent être imposées aux entreprises, sans qu’une fermeture complète soit exigée. Par exemple, dans les restaurants, les repas en salle à manger sont interdits, mais les plats à emporter sont toujours possibles. Dans les centres de conditionnement physique, une certaine forme d’activité est autorisée, mais pas toutes les activités.

L’objectif est d’adopter les mesures les plus inclusives possible. Notre volonté n’est pas d’exclure des entreprises. Nous voulons trouver un moyen de couvrir les entreprises qui sont fortement touchées par les restrictions — de là le seuil de 25 % —, sans créer l’effet pervers de les inciter à opter pour la fermeture complète.

Nous avons travaillé fort avec la fonction publique afin de proposer des mesures que nous pensons pouvoir mettre en œuvre. Vous me donnez une bonne occasion de remercier l’ARC, qui en a tant fait pour que l’aide soit acheminée aux Canadiens. C’est en étroite collaboration avec l’ARC que nous avons travaillé à cela.

Le sénateur Boehm : Madame la ministre, je suis ravi de vous revoir. Je vous remercie de votre travail acharné.

J’ai deux questions. Premièrement, j’aimerais savoir si vous êtes capable de mesurer ou d’évaluer le taux de réussite de la subvention salariale. Je pense en particulier aux grandes entreprises canadiennes, comme Air Canada, WestJet et Indigo Books, qui avaient initialement mis à pied de nombreux employés, qui ont réembauché leurs employés grâce à la subvention salariale, puis qui ont dû de nouveau les mettre à pied à cause des résultats négatifs causés par les sommes que ces entreprises continuaient de verser pour les régimes de retraite et les avantages sociaux, ainsi qu’en raison de la nature du marché, en fait. J’aimerais savoir si vous avez un moyen de mesurer cela et si vous avez des indicateurs possibles.

Deuxièmement — et cette question ne vous surprendra pas venant de moi —, en tant que ministre des Finances, vous avez bien sûr l’obligation d’être en contact avec vos homologues du monde entier. Il s’agit d’une pandémie mondiale. Je me demande si vous êtes en mesure de nous faire part de votre expérience sur le plan des initiatives gouvernementales du Canada par rapport à celles d’autres pays, en particulier les fédérations comme le Canada.

Mme Freeland : Sénateur Boehm, je vous remercie de ces deux questions vraiment utiles.

Premièrement, permettez-moi quelques observations concernant la subvention salariale. Nous savons que le programme a jusqu’à présent aidé plus de 3,8 millions de personnes à garder leur emploi. C’est une très bonne chose.

Comme vous le savez, sénateur, nous avons créé des programmes pour aider les Canadiens qui ont perdu leur emploi à cause de la COVID, mais il est bien mieux pour les particuliers et pour l’économie que les gens conservent leur emploi et gardent ce lien d’emploi. C’est ce qui explique que j’aime tant le programme de subvention salariale et que je suis si heureuse que nous le prolongions jusqu’à l’été — avec votre soutien, je l’espère.

L’autre moyen d’en mesurer l’efficacité que je mentionnerais, sénateur, est que nous constatons une reprise assez robuste de l’emploi au Canada, en particulier en regard de l’économie du G7 avec laquelle nous entretenons le lien le plus étroit, c’est-à-dire les États-Unis. En fait, je pense que la Banque TD a récemment publié un rapport qui souligne à quel point la reprise de l’emploi a été plus forte au Canada qu’aux États-Unis. Ils ont été si frappés par la différence qu’ils ont déclaré qu’au lieu de dire que, quand les États-Unis éternuent, le Canada s’enrhume, il faudrait plutôt dire que, quand les États-Unis éternuent, le Canada fabrique des anticorps.

La question de savoir ce qui se passe ailleurs est excellente, et c’est une question que j’attends de vous pour des raisons évidentes, sénateur Boehm. C’est une chose à laquelle j’accorde beaucoup d’attention parce que je pense que nous avons tout intérêt à tirer parti des mesures brillantes que les autres pays adoptent.

Je vais parler de quelque chose que vous connaissez bien. Je pense que le Canada devrait accorder une grande attention au programme allemand Kurzarbeit, que j’ai d’ailleurs beaucoup étudié.

Je pense qu’au Canada, en ce moment, comme je l’ai dit en réponse à une question précédente, ce que nous avons essayé de faire est de créer un ensemble de mesures qui nous permettront de tenir jusqu’à l’été. Nous sommes maintenant dans la deuxième vague. Nous ne savons pas ce qui va se passer pendant l’hiver. Nous avons certaines mesures qui sont flexibles.

Je vais m’arrêter de parler, car le président me fait signe. Je suis désolée.

Le président : Merci, madame la ministre.

La sénatrice Duncan : Monsieur le président, je vous remercie d’avoir reconnu que je parraine ce projet de loi au Sénat. Madame la ministre, je vous remercie, vos fonctionnaires et vous, de votre présence aujourd’hui. Nous vous en savons gré.

Ma question porte sur la Subvention salariale d’urgence du Canada. La SSUC est très appréciée, ici dans le Nord et dans tout le pays, par les petites compagnies aériennes. Nous avons vu les grands transporteurs aériens réduire leurs services dans l’Est du Canada et continuer de faire concurrence aux petits transporteurs.

Nous avons entendu ce matin, comme nous le savions, que dans l’industrie de la restauration, il y a un certain degré de concurrence ou de manque de soutien aux efforts de la part de SkipTheDishes, avec ses frais de 30 %. On constate ce genre de manque de coopération dans l’industrie. Pourtant, dans ce projet de loi, nous voyons que l’on reconnaît l’échange de renseignements entre les provinces et territoires et le gouvernement fédéral. Il est clairement indiqué dans le projet de loi qu’il y aura de la coopération et de l’échange de renseignements.

A-t-on l’intention, à l’avenir, avec ce projet de loi — à moins que ce soit déjà le cas —, de travailler avec les provinces et les territoires et d’adopter des mesures visant à encourager tous les secteurs de l’économie à reconnaître que nous sommes tous dans le même bateau et que nous travaillons tous ensemble pour reconstruire l’économie?

Merci encore de comparaître et de me donner la chance de poser ma question.

Mme Freeland : Merci, sénatrice Duncan. Je vous remercie de tout le travail que vous avez entrepris de faire pour parrainer ce projet de loi au Sénat.

Je pense que vous touchez à deux points très importants. Tout d’abord, en ce qui concerne la coopération avec les provinces et les territoires, ce projet de loi en a vraiment bénéficié. Je parle régulièrement avec les ministres des Finances des provinces et des territoires. Dans votre territoire, c’est la même personne qui est ministre des Finances et premier ministre. Il fait de l’excellent travail et est un excellent partenaire. En particulier concernant le soutien au loyer, la contribution des provinces et des territoires a été absolument déterminante dans la façon dont nous avons conçu ce programme, notamment en ce qui concerne le versement direct aux locataires qui est préconisé.

Dans votre question, vous abordez également, au sujet du coronavirus, une tendance très marquée, et je pense que nous devrions chercher à contrer cette tendance ensemble, à savoir que les plus vulnérables sont plus durement touchés par la pandémie, qu’il s’agisse des particuliers ou des entreprises les plus vulnérables. Ainsi, si vous avez une petite entreprise, vous serez frappé plus durement que si vous avez une grande entreprise qui possède beaucoup de liquidités et de réserves, et un accès facile au crédit bancaire. Je pense qu’au gouvernement fédéral — ainsi qu’à l’échelon des provinces et des territoires —, nous devons contrer cela, car ce sont les petites entreprises qui font vivre nos collectivités et qui y créent de l’emploi. Entre autres, le projet de loi et le Compte d’urgence pour les entreprises, le CUEC, ont comme objectif de garantir aux petites entreprises le soutien dont elles ont besoin pour traverser cette crise.

La sénatrice Pate : Merci à la ministre et aux fonctionnaires d’être avec nous aujourd’hui. Ma question s’harmonise fort bien à celle de la sénatrice Duncan.

Madame la ministre, vous prônez depuis longtemps des changements sociaux, économiques et politiques ambitieux qui ne profitent pas seulement aux plus riches. Comme vous le savez, depuis le début de la pandémie de COVID, en mars 2020, et la mise en place de mesures de confinement, la richesse totale des 20 Canadiens les plus riches a augmenté de quelque 37 milliards de dollars.

Madame la ministre Freeland, j’ai deux questions à vous poser. Que faites-vous pour vous assurer que des projets de loi comme le projet de loi C-9 ne profitent pas indûment aux riches propriétaires tout en laissant les plus vulnérables de la société dans l’incapacité de payer leur loyer?

Deuxièmement, compte tenu de l’information et du travail qui se fait dans des territoires comme le Yukon et le Nunavut et dans des provinces comme l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador et la Colombie-Britannique, quelles mesures sont prises pour mettre en œuvre un modèle fondé sur l’impôt négatif sur le revenu afin de mettre en place un revenu de subsistance de base ou un revenu de subsistance garanti pour s’assurer que les gens ne tombent sous un seuil minimal qui leur rendra très difficile de rebondir?

Mme Freeland : Merci beaucoup de vos questions, sénatrice Pate.

Vous avez tout à fait raison, et je partage votre inquiétude quant aux incidences pernicieuses de l’inégalité croissante des revenus. Je pense qu’il est vraiment important de soutenir nos petites entreprises, de soutenir les Canadiens et de soutenir la classe moyenne. C’est la clé non seulement d’une économie saine, mais aussi d’une société saine.

En ce qui concerne ces mesures de soutien, comme je l’ai dit en réponse à la question de la sénatrice Duncan, ce qui compte d’abord et avant tout, pour nous, est d’apporter un soutien aux petites entreprises. Nous pensons que ce sont elles qui vivent la plus grande détresse. Je voudrais également rappeler aux gens que le CUEC et les organismes de développement régional sont là pour apporter un soutien supplémentaire à ces entreprises.

Je dirais aussi que nous sommes actuellement en pleine pandémie mondiale. Nous sommes dans une deuxième vague qui est pire que la première. Ma principale préoccupation aujourd’hui est de faire en sorte que le Canada et les Canadiens s’en sortent, de mettre en place des mesures qui facilitent l’adoption de mesures sanitaires fortes et efficaces.

C’est pourquoi la mesure de soutien en cas de confinement est si importante, pour permettre à tous les Canadiens de faire ce qu’il faut en matière de santé et, surtout, pour limiter, dans la mesure du possible, les dommages causés à notre économie, pour limiter le nombre de personnes qui perdent leur emploi de façon permanente et pour limiter le nombre d’entreprises qui ferment leurs portes, car il y aura une fin à cela. L’hiver arrive maintenant, mais le printemps suivra. À ce moment-là, nous voudrons tous nous concentrer sur la reprise en force de l’économie — en effet, sénatrice, pour reconstruire en mieux — et nous serons dans la meilleure position possible pour le faire si les ménages canadiens et les entreprises canadiennes sont encore viables et solvables.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci, madame la ministre, d’être parmi nous aujourd’hui, car c’est fort important. J’ai deux brèves questions. Voici la première : nous sommes dans un contexte où toute l’économie canadienne est durement touchée. Je pense en particulier à trois secteurs : celui du tourisme, celui de la culture et l’ensemble du secteur aérien. Au-delà des programmes fort pertinents que vous avez mis en place rapidement, est-ce qu’il ne serait pas possible d’envisager la création d’un programme d’aide sectoriel pour ces trois secteurs?

Deuxièmement, vous avez notamment présenté un programme de subventions salariales. On constate aujourd’hui que certaines compagnies cotées en bourse, qui ont bénéficié ou bénéficient encore de ce programme, versent des dividendes à leurs actionnaires. Cela me paraît un peu indécent. Je pense par exemple à une compagnie comme TFI International, qui a même eu l’audace d’augmenter ses dividendes. En date du 30 septembre, l’entreprise a reçu près de 63 millions de dollars en subventions salariales; au cours de la même période, elle a versé près de 46 millions de dollars en dividendes.

Dans le contexte actuel, vous parlez de survie, et des exemples comme celui-là ne sont pas souhaitables, à mon avis. Je vous remercie d’avance de vos réponses.

Mme Freeland : Merci beaucoup, sénateur Forest, pour cette question très importante.

J’ai quelques réponses pour les questions concernant les secteurs qui sont plus spécifiquement touchés. Vous avez évoqué le tourisme, la culture et le secteur aérien. Premièrement, nous avons commencé par instaurer des mesures très générales, très simples, qui peuvent aider le plus grand nombre possible d’entreprises canadiennes. Avec le projet de loi C-9, je pense que nous aurons un ensemble complet de mesures qui pourront aider notre économie à survivre jusqu’à la fin de la pandémie. J’espère que tout le monde s’entendra pour dire que c’était, à coup sûr, la première chose qu’il fallait faire. J’ajouterais que ces mesures générales aident aussi les secteurs plus particulièrement touchés. Par exemple, le secteur aérien a déjà bénéficié d’une somme de plus d’un milliard de dollars grâce à la subvention salariale. Cependant, vous avez raison de dire qu’il y a des secteurs particulièrement touchés. On peut affirmer en général que le tourisme et le secteur aérien sont davantage touchés en raison des restrictions à la frontière et des mesures de quarantaine. Nous essayons actuellement de voir comment nous pouvons aider ces secteurs. J’ajouterai seulement un autre élément, et c’est que les organismes régionaux de développement ont déjà beaucoup aidé ces secteurs. C’est une bonne chose et c’est nécessaire. Dans le cas du secteur culturel, je pense que les mesures d’aide spécifiques pour les entreprises qui sont plus affectées par les consignes actuelles de reconfinement émises par les agences de santé publique aideront également beaucoup d’entreprises culturelles. Je pourrais vous donner davantage d’explications, mais le président me dit que je dois mettre fin à mes propos.

Le président : Merci beaucoup, madame la ministre.

[Traduction]

Nous en sommes à la fin de notre séance. Madame la ministre, nous tenons à vous remercier, votre personnel et vous, de vous être rendus disponibles pour le comité des finances nationales. Comme vous l’avez vu partout au Canada, de la côte Est à la côte Ouest, et du Nord au Sud, nous continuons en majorité à porter nos masques, à nous laver les mains et à maintenir la distance nécessaire. Notre comité a toujours visé la transparence, la responsabilité, la prévisibilité et la fiabilité des projets de loi dont le Sénat est saisi au nom des Canadiens, et il va continuer d’en être ainsi.

Sur ce, madame la ministre, je vais vous proposer, si vous le souhaitez, de prendre une dernière minute pour présenter votre conclusion avant que la séance soit levée.

Mme Freeland : Merci, monsieur le président. Je voudrais conclure en remerciant tous les sénateurs de vos questions très nettes et très éclairées, de votre mobilisation par rapport à ce projet de loi et de la mesure dans laquelle vous êtes proches des préoccupations des Canadiens, et je vais terminer en vous suppliant d’agir. La deuxième vague est là et je pense qu’elle est plus brutale que quiconque aurait pu le prévoir. Les entreprises canadiennes ont besoin de cette aide maintenant, et j’espère donc pouvoir compter sur vous tous pour vous empresser de faire adopter ce projet de loi afin que les entreprises canadiennes que nous aimons tous puissent traverser cette crise. Je vous remercie.

Le président : Merci, madame la ministre.

(La séance est levée.)

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