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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 1er juin 2021

Le Comité sénatorial permanent des Finances nationales se réunit par vidéoconférence aujourd’hui à 9 h 30 [HNE] pour étudier le projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (utilisation des ressources).

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, en tant que parlementaires canadiens, en tant que sénateurs et aussi pour les témoins qui sont avec nous, c’est avec beaucoup de tristesse que j’aimerais demander aux membres du Comité des finances nationales et aux témoins que nous observions une minute de silence avant le début de la séance en soutien aux familles et pour partager leur deuil, face à la révélation accablante de la découverte des restes de 215 enfants enterrés à l’ancien pensionnat autochtone de Kamloops. Mesdames et messieurs, nous allons observer un moment de silence.

[Français]

Merci beaucoup, honorables sénateurs et sénatrices. Avant de commencer, j’aimerais rappeler aux sénateurs et aux témoins qu’ils sont priés de mettre leur micro en sourdine en tout temps, à moins que le président leur donne la parole.

[Traduction]

En cas de difficultés techniques, notamment en matière d’interprétation, veuillez le signaler au président ou à la greffière, et nous nous efforcerons de résoudre le problème. Si vous rencontrez d’autres difficultés techniques, veuillez contacter le Centre de services de la DSI à l’aide du numéro d’assistance technique fourni.

[Français]

L’utilisation d’une plateforme en ligne ne garantit pas la confidentialité des discours ou l’absence d’écoute. Ainsi, lors de la conduite des réunions des comités, tous les participants doivent être conscients de cette situation et limiter la divulgation éventuelle d’informations sensibles, privées et privilégiées du Sénat du Canada.

[Traduction]

Les participants doivent savoir qu’ils doivent participer dans une zone privée et être attentifs à leur environnement.

Honorables sénateurs et sénatrices, nous allons maintenant amorcer la portion officielle de notre réunion, conformément à notre ordre de renvoi reçu du Sénat du Canada.

[Français]

Je m’appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick, et j’ai l’honneur de présider le Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

J’aimerais maintenant vous présenter les membres du Comité des finances nationales qui participent à la réunion : le sénateur Boehm; le sénateur Dagenais; la sénatrice Deacon, de l’Ontario; la sénatrice Duncan; le sénateur Forest; la sénatrice Galvez; le sénateur Klyne; le sénateur Loffreda; la sénatrice Marshall; et le sénateur Smith. Nous accueillons aussi la sénatrice Pate, et je vais présenter officiellement la sénatrice Omidvar sous peu.

[Français]

Bienvenue à tous les Canadiens qui nous regardent sur le site sencanada.ca.

[Traduction]

Honorables sénateurs et sénatrices, nous commençons ce matin notre étude du projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (utilisation des ressources) qui a été renvoyé au comité par le Sénat du Canada, le 25 mai 2021.

Nous accueillons notre premier groupe de témoins : une de nos collègues, l’honorable Ratna Omidvar; Me Terrance S. Carter, associé directeur au cabinet d’avocats Carters, à titre personnel; et Mme Gloria Novovic, responsable de la politique chez Coopération Canada.

Bienvenue à tous et à toutes, et merci d’avoir accepté notre invitation à témoigner devant le Comité des finances nationales. Madame la sénatrice, bienvenue à notre comité, et merci de votre leadership.

L’hon. Ratna Omidvar, sénatrice, Sénat du Canada : Je souhaite le bonjour aux honorables sénateurs et sénatrices, et je vous remercie de m’avoir invitée à témoigner devant vous au sujet du projet de loi S-222, Loi sur l’efficacité et la responsabilité des organismes de bienfaisance. Merci de me donner cette occasion.

L’un des premiers témoignages que le Comité sénatorial sur le secteur de la bienfaisance a entendus était que, compte tenu de leur mandat, il faudrait dérouler le tapis rouge aux organismes de bienfaisance, mais ce n’est pas ce qui arrive : plutôt, ils se retrouvent à voir rouge, empêtrés comme ils le sont dans la bureaucratie qui commence avec la Loi de l’impôt sur le revenu. Actuellement, le libellé de la Loi de l’impôt sur le revenu permet seulement aux organismes de bienfaisance enregistrés de dépenser l’argent provenant de dons de bienfaisance pour leurs propres activités. Bien sûr, les organismes de bienfaisance peuvent faire des cadeaux ou des dons à d’autres organismes de bienfaisance ou à des donataires reconnus, mais la formulation actuelle de la loi les empêche de dépenser l’argent provenant des dons de bienfaisance pour autre chose que les activités qu’ils mènent eux-mêmes. On retrouve l’expression « des activités de bienfaisance que [les organismes] mènent [eux]-mêmes » à quelques endroits dans la loi. Donc, la Loi de l’impôt sur le revenu met l’accent sur les activités caritatives d’un organisme de bienfaisance plutôt que sur sa mission.

Cependant, je crois que nous sommes tous et toutes conscients du fait que, parfois — et en particulier par les temps qui courent —, la meilleure façon pour les organismes de bienfaisance de poursuivre et d’atteindre leurs buts caritatifs est de travailler et de collaborer avec d’autres organismes, comme des organismes sans but lucratif, des entreprises sociales, des coopératives, des groupes de la société civile et d’autres organismes sur le terrain qui pourraient s’avérer être les meilleurs partenaires pour que l’organisme de bienfaisance puisse obtenir les résultats recherchés.

C’est donc là que les problèmes commencent, chers collègues, parce que l’expression « propres activités » dans le libellé restreint les associations entre les organismes de bienfaisance et les autres types d’organismes. Lorsqu’ils s’associent, les lignes directrices de l’Agence du revenu du Canada — l’ARC — donnent une interprétation des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu selon laquelle toutes les activités de l’autre organisme doivent être dirigées et contrôlées par l’organisme de bienfaisance, comme si les activités de l’autre organisme étaient les activités propres de l’organisme de bienfaisance.

Cela crée pour l’organisme de bienfaisance des lourdeurs et des obstacles administratifs en plus d’entraîner des frais juridiques et de réduire l’efficacité, à l’échelle tant internationale que nationale. Certains organismes de bienfaisance renoncent simplement à des activités qui pourraient faire beaucoup de bien, parce que cela suppose trop de difficultés et de risques pour eux. D’autres acceptent de se conformer à la loi et de se soumettre à cette approche autoritaire, où les règles viennent d’en haut, et que l’on peut qualifier de coloniale et de raciste. Comme je l’ai dit devant la Chambre, cette loi a des conséquences démesurées, bien que non intentionnelles, sur les communautés qui demandent justice, par exemple les organisations autochtones et les groupes représentant les personnes autochtones, noires et de couleur, parce que cela les prive de leur autonomie, de leur voix et de leur emprise. Vous vous demandez peut-être : pourquoi cette loi existe-t-elle?

Dans les années 1950, le gouvernement voulait s’assurer que les organismes de bienfaisance doivent rendre des comptes en ce qui a trait à l’argent des dons de bienfaisance. Il voulait aussi empêcher les délits d’initié au sein des organismes de bienfaisance et entre eux. Cette loi n’a pas été examinée depuis, même si cela fait plus de 25 ans que le secteur réclame des réformes.

Le projet de loi S-222 propose une autre solution. Il assurera la reddition de comptes, tout en permettant aux organismes de jouir de partenariats efficaces et d’autonomie. La reddition de comptes et l’autonomie, chers collègues, ne s’excluent pas mutuellement, pas plus que la reddition de comptes et l’efficacité. Le projet de loi introduit des dispositions dans la loi pour la reddition de comptes au sujet des ressources. Je veux que ce soit très clair : la reddition de comptes est cruciale lorsqu’il est question d’argent non imposé. En rendant des comptes sur les ressources, les organismes de bienfaisance devront faire preuve de diligence raisonnable préalable; ils devront prévoir des accords quant aux produits livrables, aux activités, aux budgets, aux rapports et aux échéances. L’autre organisme qui n’est pas un organisme de bienfaisance devra rendre des comptes exhaustifs à l’organisme de bienfaisance en ce qui concerne la réception et l’utilisation des fonds.

Une fois les accords conclus, l’autre organisme rendra des comptes à l’organisme de bienfaisance sur la façon dont l’argent et les ressources sont utilisés ainsi que sur les progrès, les résultats et les impacts. Cependant, l’organisme de bienfaisance ne contrôlera pas ni ne dirigera l’autre organisme. Dans cette approche, l’organisme de bienfaisance n’assume plus un contrôle opérationnel continu des activités. Il se charge plutôt de la gestion des projets. Le but de cette approche est que l’organisme prenne des mesures raisonnables et appropriées pour veiller à ce que les ressources soient utilisées pour atteindre son objectif de bienfaisance.

Chers collègues, grâce à cet amendement, nous serons en phase avec d’autres pays aux vues similaires, comme le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Australie.

Pour conclure, j’espère que vous soutiendrez ce projet de loi. Je suis prête à répondre à vos questions avec plaisir.

Le président : Je vais maintenant donner la parole à Me Carter. Vous pouvez commencer votre déclaration.

Me Terrance S. Carter, associé directeur, cabinet d’avocats Carters, à titre personnel : Honorables sénateurs et sénatrices, je vous remercie de m’avoir invité à témoigner aujourd’hui en faveur du projet de loi S-222, « Loi sur l’efficacité et la responsabilité des organismes de bienfaisance », présenté par l’honorable sénatrice Omidvar.

Comme vous venez de l’entendre, la Loi de l’impôt sur le revenu — la LIR — renferme toujours certaines dispositions archaïques qui remontent aux années 1950, selon lesquelles l’organisme de bienfaisance doit consacrer la totalité de ses ressources à des activités de bienfaisance qu’il mène lui-même. C’est ce qu’on appelle le critère des « propres activités ». En conséquence, l’Agence du revenu du Canada a mis en œuvre une politique administrative dans le cadre de laquelle les organismes de bienfaisance sont tenus de diriger et de contrôler l’utilisation de leurs ressources quand ils travaillent avec un intermédiaire. Cependant, cette exigence restreint énormément les possibilités de collaboration des organismes de bienfaisance avec des tierces parties qui ne sont pas des donataires reconnus au sens de la LIR.

De nombreux acteurs dans le secteur de la bienfaisance ont soulevé des préoccupations à l’égard de l’interprétation de l’ARC du critère des « propres activités » et de l’obligation de diriger et de contrôler. D’ailleurs, 37 avocats du secteur de la bienfaisance ont récemment envoyé une lettre ouverte à cet égard. Même si l’ARC a mis à jour ses directives en novembre 2020 pour assouplir certaines de ses exigences les plus lourdes, il n’y a eu aucun changement important dans les politiques de l’ARC sur la direction et le contrôle. Le projet de loi S-222 — que j’appuie — propose de remplacer le critère des « propres activités » et les exigences relatives à la direction et au contrôle par le critère pratique de l’utilisation responsable des ressources.

Le projet de loi arrive en même temps que le rapport no 1 du Comité consultatif sur le secteur de la bienfaisance de l’ARC, dans lequel il est justement proposé d’éliminer le critère des « propres activités » de la LIR et de le remplacer par le critère de l’utilisation responsable des ressources.

J’aimerais souligner brièvement certains des principaux problèmes que causent le critère des « propres activités » et le régime connexe de direction et de contrôle de l’ARC.

Premièrement, l’exigence selon laquelle les programmes doivent être les « propres activités » de l’organisme de bienfaisance qui les finance crée une fiction juridique. Cette méthodologie est désuète, peu pratique, inefficace, indûment coûteuse et impopulaire, et elle ne remplit pas les objectifs de la LIR. Cette exigence est fondée sur une fiction voulant que tout ce qu’un organisme de bienfaisance fait en passant par un intermédiaire doit être structuré comme s’il s’agissait des activités de l’organisme de bienfaisance lui-même, même si toutes les parties savent que les activités sont en fait celles de l’intermédiaire. En conséquence, le régime de direction et de contrôle a créé une réalité parallèle fictive à laquelle les organismes de bienfaisance ont beaucoup de difficultés à se conformer.

Deuxièmement, le fait d’exiger une approche descendante pour dicter l’exécution des activités de bienfaisance va à l’encontre de la philosophie actuelle du développement international, qui met l’accent sur l’importance de partenariats habilitants avec les collectivités locales.

Troisièmement, le fait d’exiger une microgestion de la part des organismes de bienfaisance, qui sont alors tenus d’assurer une surveillance et une reddition de comptes, les empêche de se concentrer sur leurs programmes et de poursuivre leurs objectifs caritatifs.

Quatrièmement, le besoin de se conformer aux lourdes exigences de l’ARC mobilise des ressources déjà minces qui pourraient être utilisées pour des œuvres de bienfaisance. Par exemple, un organisme est peut-être obligé de s’acquitter de frais juridiques pour s’assurer d’être en conformité, même s’il fait confiance à son partenaire étranger ou canadien, et qu’il n’a pas de préoccupations.

Cinquièmement, l’exigence relative à la direction et au contrôle impose une relation paternaliste et condescendante entre les organismes de bienfaisance et les collectivités autochtones qui ne sont pas des organismes de bienfaisance enregistrés ou un autre type de donataire reconnu.

Sixièmement, le régime de direction et de contrôle fait figure d’aberration dans la communauté internationale du développement. Il va à l’encontre de ce qui se fait dans toutes les autres administrations crédibles, comme les États-Unis, l’Angleterre et le pays de Galles.

La modification la plus importante apportée par le projet de loi S-222 est l’élimination du critère des « propres activités » en modifiant la LIR de façon à ce que l’organisme de bienfaisance soit simplement tenu d’exécuter des « activités de bienfaisance » dans le cadre de sa mission, plutôt que des « activités de bienfaisance qu’il mène lui-même ». L’accent n’est plus mis sur le responsable de l’activité, mais plutôt sur son but.

Le projet de loi propose de permettre aux organismes de bienfaisance de mettre leurs ressources à la disposition de donataires non reconnus, pourvu que l’organisme de bienfaisance prenne des mesures raisonnables pour s’assurer que ces ressources sont utilisées exclusivement à des fins de bienfaisance. Un nouvel article serait ajouté pour définir l’expression « mesures raisonnables », pour veiller à ce que les ressources soient exclusivement utilisées à des fins de bienfaisance. Cela comprendrait faire preuve de diligence raisonnable pour obtenir de l’information sur les tierces parties et imposer des restrictions et des modalités relativement au transfert de ressources à la tierce partie à des fins de bienfaisance.

En conclusion, les amendements proposés dans le projet de loi S-222 auraient pour effet, premièrement, de soulager les organismes de bienfaisance du Canada d’un fardeau inutile qui leur nuit depuis bien trop longtemps, à cause des dispositions désuètes dans la loi de l’impôt sur le revenu, qui ne reflètent plus la réalité et les normes internationales; et, deuxièmement, de remplacer cela par un régime d’utilisation responsable des ressources qui permettrait aux organismes de bienfaisance de travailler avec des donataires non reconnus, à l’étranger et au Canada, afin de remplir efficacement leur mission caritative.

Merci.

Le président : Merci, maître Carter. C’est maintenant au tour de Mme Novovic, de Coopération Canada. Vous avez la parole.

Gloria Novovic, responsable de la politique, Coopération Canada : Je remercie les honorables sénateurs et sénatrices. Je m’appelle Gloria Novovic, et je suis responsable de la politique chez Coopération Canada. Je suis aussi doctorante spécialisée en développement des politiques internationales. Je vous parle aujourd’hui depuis le territoire non cédé et non abandonné de la Nation algonquine anishinaabe, colonialement appelée le Canada.

Je m’adresse à vous au nom de Coopération Canada, une association nationale de 90 organisations vouées au travail humanitaire et au développement ici au Canada et à l’étranger. Nos membres travaillent aux quatre coins du monde pour intervenir en cas de catastrophe, pour fournir des services essentiels et pour aider à bâtir un monde plus sécuritaire, plus sain et plus durable pour nous tous. Je suis sûre que vous conviendrez qu’il s’agit d’un mandat très ambitieux, mais notre tâche a été d’autant plus compliquée par les dispositions législatives désuètes et normativement préjudiciables auxquelles sont soumis les organismes de bienfaisance du Canada, que l’on appelle le régime de « direction et de contrôle ».

Nous nous attendons à ce que le Canada ait un cadre qui, comme l’a déclaré la Cour suprême, « [...] s’adapte et répond aux réalités de la vie moderne ». Cependant, le secteur de la bienfaisance du Canada, qui emploie plus de deux millions de personnes et qui compte pour plus de 8 % du PIB du pays, est toujours réglementé par des dispositions dans la Loi de l’impôt sur le revenu qui ont plus de 70 ans. Notre secteur a beaucoup progressé depuis les 70 dernières années. Le problème, c’est que la loi n’a pas suivi le mouvement.

C’est pour ces raisons que nous appuyons fortement le projet de loi S-222, proposé par la sénatrice Omidvar, qui, d’une part, élimine ces dispositions coûteuses, peu pratiques et reflétant les préjugés ethnocentriques et raciaux, tout en, d’autre part, créant un cadre solide pour l’utilisation responsable des ressources. À dire vrai, les changements proposés ne sont pas surprenants. La plupart des organisations vouées au développement, comme, d’après moi, Affaires mondiales Canada et les organisations des Nations Unies, ont comme principe directeur l’utilisation responsable des ressources.

Concrètement, les organismes de bienfaisance canadiens qui travaillent avec des organisations qui n’ont pas le statut d’organisme de bienfaisance doivent se soumettre à des processus administratifs lourds qui ralentissent les processus décisionnels contextuellement éclairés et qui minent l’autonomie des entités locales. On peut comparer le problème à un feu de circulation en panne. Dans les pays semblables au Canada, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres, on utilise toujours le feu jaune, c’est-à-dire : avancer prudemment. Les partenaires, qui se sont soumis à des contrôles de diligence raisonnable comme ceux prévus dans le projet de loi, peuvent poursuivre leurs activités en faisant des rajustements opérationnels et tenant compte du contexte. Ensuite, ils rendent des comptes sur leurs efforts et expliquent comment ils ont utilisé les fonds pour atteindre des fins de bienfaisance très précises.

Mais dans le cas des organisations de développement mondial canadiennes, le feu est toujours rouge. Le plus petit changement apporté aux activités d’un seul projet doit, en vertu de la loi, être approuvé par l’organisme de bienfaisance canadien. Cela veut dire que le programme s’arrête et que les employés doivent remplir de nouveaux formulaires, et ce, même s’ils travaillent dans un domaine complexe, celui du travail humanitaire et du développement, où les choses auront peut-être changé à nouveau lorsqu’ils recevront enfin l’approbation.

Pour les organismes de bienfaisance canadiens, ce feu rouge les empêche de conclure des partenariats très novateurs et de collaborer avec d’autres pays donataires qui ne veulent pas être obligés de se conformer à des dispositions législatives vieilles de 70 ans. Fait plus important encore, cela freine depuis toujours la participation des communautés marginalisées, par exemple les communautés autochtones, noires et racialisées, qui ne méritent pas d’être traitées comme plus que de simples intermédiaires dans leur propre développement.

Cette « exception canadienne », comme l’appelle la communauté mondiale du développement, est devenue une vraie farce. Dans le cadre de projets humanitaires, cependant, ces retards coûtent des millions de dollars et compliquent des interventions dont le but est de sauver des vies. L’exigence de la « direction et du contrôle » va aussi à l’encontre du principe de propriété nationale, lequel fait partie des engagements internationaux que le Canada a pris, par exemple, dans ses objectifs de développement durable et dans sa propre Politique d’aide internationale féministe.

Les organismes de bienfaisance du Canada œuvrent dans des pays où — cela est bien connu — les organismes occidentaux parlent depuis toujours en leur nom, prennent des décisions sans les consulter et tiennent pour acquis que « l’Occident fait toujours ce qu’il y a de mieux ». Notre secteur s’est efforcé et s’efforce toujours de corriger cet héritage colonial. Aux quatre coins du monde, plus un groupe est marginalisé, et moins il est susceptible d’avoir le statut d’organisme de bienfaisance. Actuellement, la loi décourage les organismes de bienfaisance canadiens de travailler avec des groupes qui n’ont pas le statut d’organisme de bienfaisance, ce qui revient à fermer les yeux sur les inégalités existantes et contre lesquelles nous luttons de toutes nos forces.

Coopération Canada croit que la confiance du public est la ressource la plus précieuse pour tout organisme de bienfaisance. Notre existence dépend de notre capacité de rendre des comptes aux communautés que nous soutenons ainsi qu’aux Canadiens et Canadiennes et au gouvernement canadien. Nous avons mené des études, consulté des spécialistes du droit et discuté avec des dirigeants d’un bout à l’autre du spectre politique, et tout le monde s’entend pour dire que les dispositions de la LIR visées par le projet de loi S-222 doivent être mises à jour. Nous espérons que vous conviendrez également que, après 70 ans et compte tenu des besoins actuels en matière d’aide humanitaire et de développement, il est plus qu’urgent de mettre ces dispositions à jour. Merci.

Le président : Merci de vos commentaires. Je tiens à rappeler aux sénateurs que vous aurez pour la séance d’aujourd’hui un maximum de trois minutes lors du premier tour. Je vous demande donc de poser vos questions directement, et je demanderais aussi aux témoins de répondre avec concision.

La sénatrice Marshall : Je souhaite la bienvenue à la sénatrice Omidvar, à Me Carter et à Mme Novovic. Vous avez tous parlé de reddition de comptes. Pouvez-vous nous parler un peu plus de ce que vous prévoyez comme régime de reddition de comptes, si ce changement va de l’avant? Je me demandais s’il allait y avoir un modèle normalisé pour les rapports à des fins de surveillance ou un contrat normalisé. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la forme que prendra ce régime de reddition de comptes?

La sénatrice Omidvar : Merci, madame la sénatrice. Vous posez une excellente question, et je vais essayer d’y répondre, si vous me le permettez. Les mécanismes de reddition de comptes sont expliqués dans le projet de loi lui-même. Nous expliquons ce que nous entendons par diligence raisonnable, par la production de rapports, et cetera. Cependant, si le projet de loi entre en vigueur — et je l’espère bien —, l’ARC devra ensuite entreprendre elle-même des consultations pour déterminer quels seront les garde-fous, les particularités, les modèles et les mécanismes de production de rapports.

Si je me mets à la place de l’ARC — et vous pourrez vous-même poser la question à ses fonctionnaires —, j’imagine que l’une des conséquences sera l’ajout de nouvelles questions dans le formulaire T3010 que tous les organismes de bienfaisance doivent remplir. Il pourrait y avoir des questions demandant à l’organisme de bienfaisance combien d’argent il a versé à une organisation qui n’est pas un organisme de bienfaisance. Cela va être élaboré à la suite des consultations.

La sénatrice Marshall : L’un d’entre vous a dit que d’autres administrations avaient mis en œuvre ce genre de choses. Cette approche soulève tout de même quelques risques. A-t-on procédé à une évaluation des risques ou à un examen de cette possibilité?

La sénatrice Omidvar : Puisqu’il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi n’est pas passé par les processus habituels du gouvernement. Je peux vous assurer que, aux États-Unis, où le régime privilégie le plus la sécurité au monde, suivi du Royaume-Uni et de l’Australie... Tous ces pays ont ces régimes, et comme les experts qui ont fait des études là-dessus l’ont dit, le Canada est une exception, et pas dans le bon sens du terme. De plus, il n’y a pas eu dans ces trois régimes le genre de problèmes que... Vous savez, vous avez tout à fait raison. Le risque nul n’existe pas. Mais, jusqu’ici, les risques ont été bien maîtrisés grâce aux processus de diligence raisonnable qu’ils utilisent.

La sénatrice Marshall : Merci.

Me Carter : J’aimerais ajouter quelque chose à ce que la sénatrice vient de dire : notre cabinet a réalisé une étude sur les dispositions similaires en vigueur aux États-Unis, en Angleterre et au pays de Galles, et il est clair que le Canada est différent. Le genre de dispositions dans ces autres pays met l’accent sur ce qu’on appelle aux États-Unis le « critère de la responsabilité des dépenses », qui est une approche très similaire à celle de la responsabilité des ressources dont la sénatrice parlait. L’Angleterre a un programme d’orientation des subventions, qui permet le transfert de fonds à des bénéficiaires, mais d’une façon responsable qui permet de s’assurer que les objectifs de bienfaisance sont atteints.

Je crois que, grâce à ce projet de loi, le Canada sera en phase avec les autres acteurs internationaux. Ce sont aussi des acteurs très importants — les États-Unis et l’Angleterre —, et nous ne serons plus différents d’eux. Nous allons être sur la même longueur d’onde qu’eux, par rapport à l’obligation redditionnelle.

Le président : Merci, maître Carter.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci à nos invités d’être parmi nous. Sénatrice Omidvar, j’aimerais d’abord vous remercier et vous féliciter pour le travail qui a été accompli par le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance.

Je sais que vous êtes totalement engagée dans ce projet, tout comme les autres membres du comité, d’ailleurs. À mon avis, vos travaux témoignent d’une façon très concrète de la contribution exceptionnelle qu’un Sénat renouvelé peut apporter à notre pays. Ma première question s’adresse donc à vous. J’aimerais que vous nous fassiez bénéficier des nombreuses heures que vous avez passées avec les organismes de bienfaisance. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets des aberrations et des absurdités que même ces lignes directrices de l’Agence du revenu du Canada sur la direction et le contrôle peuvent générer dans le cadre de la réalisation de projets sur le terrain?

[Traduction]

La sénatrice Omidvar : Merci de cette question, sénateur Forest. Nous imaginons l’avenir, et c’est quelque chose que j’adore faire. J’imagine que si ce projet de loi est adopté, les lignes directrices vont s’adapter à ce que nous entendons par l’utilisation responsable des ressources. Les ressources, ce n’est pas seulement l’argent, par exemple. Les ressources, ce sont aussi les gens, les bénévoles et la technologie. Ce serait donc possible que la définition des ressources soit élargie par l’ARC dans ses lignes directrices.

Ce serait possible qu’un modèle soit élaboré, comme la sénatrice Marshall l’a proposé. J’espère sincèrement que les consultations nous permettront d’avoir la rigueur dont nous avons besoin pour que nous ayons ce feu jaune, comme ma collègue, Mme Novovic, l’a si bien décrit, qui nous permettra d’avancer avec prudence.

[Français]

Le sénateur Forest : Ma deuxième question s’adresse à M. Carter. Dans la lettre ouverte dont vous avez parlé et que vous avez cosignée avec 37 avocats du secteur caritatif, vous avez affirmé que les règles actuelles sont inefficaces, trop complexes et aux antipodes des règles qui existent chez d’autres acteurs mondiaux. Quels mécanismes les autres juridictions ont-elles mis en place pour assurer un meilleur équilibre entre la liberté d’action des organismes de bienfaisance et les mécanismes de contrôle, pour s’assurer que les fonds sont utilisés conformément à la volonté des donateurs et qu’ils ciblent bien les personnes que nous voulons aider?

[Traduction]

Me Carter : Merci beaucoup, monsieur le sénateur. Vous posez une très bonne question.

Je dirais que c’est une approche en deux parties : premièrement, on élimine l’exigence archaïque relative aux activités de bienfaisance que l’organisme mène lui-même. Nous serons ainsi en phase avec les autres administrations dans le contexte international. Nous soulageons aussi les organismes de bienfaisance de ce fardeau. Grâce aux dispositions dont la sénatrice a parlé sur l’utilisation responsable des ressources et aux dispositions dans la loi, il y aura des garde-fous en place pour que l’Agence du revenu du Canada puisse élaborer des directives qui aideront les organismes de bienfaisance à s’assurer qu’il y a une reddition de comptes.

Deuxièmement, j’aimerais attirer votre attention sur une partie du projet de loi : le paragraphe 149.1(27), qui concerne les indicateurs qui seront utilisés pour veiller à ce que des mesures raisonnables soient prises pour atteindre les objectifs de bienfaisance. Je ne vais pas les passer en revue, mais ces points de repère importants sont compris dans la loi, et l’ARC, dans le cadre de son travail, pourra s’y fier pour élaborer ses directives d’aide.

Ce sont donc les deux façons dont nous allons de l’avant.

Le président : Merci, maître Carter.

Le sénateur Klyne : Bienvenue aux témoins de ce matin. Je souhaite tout spécialement la bienvenue à ma collègue, la sénatrice Omidvar.

Pendant la deuxième lecture du projet de loi S-222, la sénatrice Omidvar a déclaré, et je cite :

Je propose de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu de manière à délaisser la notion de « propres activités » pour parler plutôt d’« utilisation responsable des ressources ».

Si je comprends bien, l’utilisation responsable des ressources veut dire que le gouvernement ou l’entité intergouvernementale doit rendre des comptes sur la façon dont il remplit son engagement à utiliser ses ressources de façon suffisante, équitable et efficace, au nom des personnes qu’il gouverne.

J’ai eu de la difficulté à trouver une autre définition juridique de l’utilisation responsable des ressources. Ce que j’ai trouvé qui s’en rapproche le plus est le « critère de la responsabilité des dépenses », dont Me Carter a parlé, et la « responsabilité des dépenses », utilisée par l’agence nationale du revenu — l’IRS, aux États-Unis — et dans d’autres pays. Cela fait référence au critère utilisé pour demander des comptes aux organismes de bienfaisance par rapport à leurs décisions de financement et à leur surveillance des résultats, sans pour autant les obliger à tout faire eux-mêmes.

Dans la section 2.4 des lignes directrices du gouvernement fédéral sur les organismes de bienfaisance, intitulée « Utilisation d’un intermédiaire afin de mener les activités d’un organisme de bienfaisance au Canada », il est expliqué que la Loi de l’impôt sur le revenu exige que l’organisme de bienfaisance exerce toujours une direction et un contrôle sur les activités réalisées par un intermédiaire, afin d’empêcher que l’organisme de bienfaisance ne devienne un point de transit.

Pouvez-vous expliquer au comité comment l’utilisation responsable des ressources est définie en droit dans d’autres pays comme le Royaume-Uni et les autres pays du Commonwealth? En quoi l’utilisation responsable des ressources ou la responsabilité des dépenses sont-elles différentes de la responsabilité de diriger et de contrôler? Quel est l’avantage de l’utilisation responsable des ressources par rapport à l’exigence de diriger et de contrôler?

Me Carter : Je serai heureux de vous répondre.

Premièrement, il n’y a aucune autre administration qui utilise l’expression « utilisation responsable des ressources ». C’est un terme canadien, adapté à la situation unique du Canada, qui est reflété dans le projet de loi S-222. L’expression la plus équivalente serait la « responsabilité des dépenses », aux États-Unis. Il y a beaucoup de choses qui sont similaires entre les dispositions de nos deux pays, mais elles ne sont pas identiques. Pour être honnête, je crois que le Canada a l’occasion de faire un peu mieux les choses. La loi aux États-Unis crée quelques difficultés.

Plutôt, en ce qui concerne le concept de l’utilisation responsable des ressources, il y a deux dispositions qu’il faut regarder, l’une étant la mise à disposition de ressources, notamment sous la forme d’une subvention, d’un don ou d’un transfert, et l’autre expliquant que cela doit être fait à des fins de bienfaisance, d’une façon qui met en lumière les mesures raisonnables prises.

Il y a une autre disposition qui explique ce que sont des mesures raisonnables. Il faut que l’organisme de bienfaisance, avant de faire un transfert à un donataire reconnu, ait fait son devoir de diligence raisonnable. Puis, au moment de transférer les ressources, l’organisme de bienfaisance doit avoir une structure de reddition de comptes en place.

Le sénateur Klyne : Merci. Je dois poursuivre, mais merci. Je ne m’intéressais pas vraiment au maintien de la reddition de comptes. Merci.

Le président : Merci.

[Français]

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup, sénatrice Omidvar, de votre diligence et de votre persévérance sur ce dossier très important pour les Canadiens.

[Traduction]

Il y a une question que j’aimerais vous poser, mais je vous demanderais de ne pas utiliser trop de termes techniques, dans l’intérêt du public qui nous écoute.

Je crois comprendre que nous voulons délaisser le critère des « propres activités » afin que les organismes de bienfaisance puissent traiter et travailler avec d’autres organismes dans le secteur de la bienfaisance.

Cependant, je crois comprendre que les entreprises peuvent aussi être de nouveaux partenaires pour les organismes de bienfaisance, alors quand vous parlez du partage des ressources — et vous dites que ce n’est pas seulement de l’argent, mais que cela pourrait être des terrains, des gens ou de la technologie —, comment pouvons-nous nous assurer qu’il y a une relation symbiotique entre les deux et qu’il n’y a pas d’abus, lorsque des entreprises participent aux activités? J’aurai ensuite une question pour Mme Novovic.

La sénatrice Omidvar : Merci de la question, sénatrice Galvez.

Je peux vous donner un exemple de cas où des organismes de bienfaisance travaillent avec des entreprises. Cela se fait surtout dans le secteur du développement international, alors peut-être que Mme Novovic pourrait aussi formuler des commentaires là-dessus. Par exemple, prenez un organisme de bienfaisance canadien qui veut offrir des prêts d’amorçage à des femmes entrepreneures dans certaines régions de pays en développement. La meilleure façon de procéder consiste à recourir à une banque locale, soit une entreprise. Elle a la structure, les systèmes et les contrôles. Donc, dans ce contexte, l’organisme établirait une relation avec une banque donnée, encore une fois en faisant preuve dès le départ de diligence raisonnable, en vérifiant sa réputation et ses références, ses contrats, ses accords, ses échéances et sa production de rapports. Il est question non seulement d’argent, mais aussi d’autres ressources. C’est de cette façon dont les choses fonctionneraient, selon moi.

Je devrais aussi dire que ce n’est pas habituel, ce genre de relation entre les entreprises et les organismes de bienfaisance, mais cela arrive. J’espère que je l’ai clairement expliqué : il faut que la collaboration entre l’organisme et l’entreprise serve à faire progresser les objectifs de bienfaisance.

La sénatrice Galvez : Merci. J’ai une question pour Mme Novovic. Vous avez dit plusieurs fois que le régime actuel perpétue le colonialisme et le racisme. Pouvez-vous nous fournir plus de détails et nous donner un exemple de ce genre de situation présentement? Merci beaucoup.

Mme Novovic : Bien sûr. Même quand notre secteur travaille avec le secteur privé, c’est très souvent à notre avantage. De façon générale, les organisations du secteur privé travaillent avec nous de façon à renforcer nos propres ressources qui nous permettent d’agir à l’intérieur du système. Je pourrais vous donner un exemple intéressant où des entreprises de taxis motorisés ont été mobilisées pour sensibiliser les jeunes hommes qui sont littéralement partout dans les rues de l’Ouganda, afin d’empêcher et de prévenir la violence fondée sur le sexe. On sort vraiment des sentiers battus, en ne se limitant pas aux ressources à sa disposition, pour s’attaquer aux problèmes qui persistent depuis plus de 70 ans.

En ce qui concerne votre question sur le colonialisme, il y a essentiellement un document que vous, en tant qu’organisme de bienfaisance, devez présenter à votre groupe dirigé par des femmes, par exemple, ou à un groupe de jeunes Autochtones, et qui dit essentiellement qu’ils ne sont que vos mandataires. Ils ne mènent pas leurs propres activités, et ils n’ont pas l’autonomie pour modifier leurs propres activités qui sont liées aux projets proprement dits. Ils sont seulement vos mandataires. Cela me fait de la peine de le dire, mais c’est quelque chose que nous avons beaucoup observé dans notre secteur.

Le président : Merci.

La sénatrice M. Deacon : Bonjour, et merci à tout le monde d’être avec nous aujourd’hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Si ce projet de loi est adopté, je me demandais qui serait responsable si, par exemple, un organisme de bienfaisance enregistré verse des fonds à un donataire non reconnu en vertu de la loi modifiée, puis que cet argent est dépensé d’une façon jugée inappropriée. Est-ce l’organisme de bienfaisance qui est toujours entièrement responsable de la mauvaise utilisation des fonds, ou suffirait-il de conclure que l’organisme a pris les mesures responsables requises de son côté? Pourriez-vous répondre, sénatrice Omidvar?

La sénatrice Omidvar : Merci de la question, sénatrice Deacon. Je crois bien que M. Carter aurait probablement la bonne réponse juridique à vous donner, mais je peux toutefois dire ceci : l’organisme de bienfaisance peut aussi intenter des actions contre l’autre organisme qui n’a pas respecté leur accord, et l’ARC pourrait aussi y jouer un rôle.

Me Carter : Merci. La responsabilité incombe à l’organisme de bienfaisance canadien de veiller à ce que les ressources sont correctement dépensées à des fins de bienfaisance, et il devrait aussi s’assurer, dans le cadre de cette relation, qu’il dispose de recours. Ce sont toutes des choses qui devront être expliquées à l’organisme de réglementation, l’Agence du revenu du Canada, pour que l’on puisse s’assurer que les mesures appropriées sont prises.

Dans une très grande mesure, cela fait déjà partie de ce que les organismes de bienfaisance font quotidiennement dans le cadre de leurs activités. Ce n’est pas quelque chose de nouveau.

La sénatrice M. Deacon : Merci. J’essaie de comprendre les choses du point de vue d’une personne qui fait un don à une organisation non gouvernementale internationale. Quand je fais un don à un organisme de bienfaisance, je tiens pour acquis, à juste titre, qu’il contrôle la façon dont l’argent est dépensé. Même avec cette modification, il revient toujours à l’organisme de décider à qui les fonds sont versés, mais après cela, l’argent est entre les mains d’une tierce partie. Donc, est-ce que chaque organisme de bienfaisance va décider de la mesure dans laquelle il veut surveiller les projets entrepris par des donataires non reconnus? C’est similaire à la partie B.

Me Carter : Le conseil d’administration de l’organisme de bienfaisance doit avoir le contrôle total des ressources qui sont mises à sa disposition pour remplir sa mission de bienfaisance. La seule différence, c’est qu’au lieu d’entretenir cette fiction selon laquelle l’argent et les ressources qu’on transfère à une tierce partie restent à nous, à mesure que les fonds sont transférés à la tierce partie, l’organisme de bienfaisance doit s’assurer que la tierce partie exécute ses activités de façon à atteindre les objectifs de bienfaisance fixés par l’organisme. Il y a une obligation redditionnelle complète, ce qui est très similaire à ce qui se fait dans tous les autres pays en voie de développement qui œuvrent à l’étranger.

Le sénateur Boehm : Tout d’abord, je veux remercier notre collègue la sénatrice Omidvar de la passion et de l’énergie qu’elle a mises dans ce projet de loi, que je soutiens à 100 %. J’aimerais qu’il soit adopté au cours de la présente session. Je sais au moins un peu de choses sur le développement international. C’est quelque chose que j’ai suivi de près.

Ma question s’adresse à Mme Novovic. Avec l’avènement de la Politique d’aide internationale féministe, à laquelle j’ai participé dans une autre vie... Mais maintenant qu’il y a la pandémie par-dessus tout ça, diriez-vous que les problèmes que vous aviez à cause de ce système archaïque, qui a été mis en place avant même qu’il existe un programme d’aide internationale au Canada, sont aggravés pour les membres de Coopération Canada?

Mme Novovic : Merci de la question, monsieur le sénateur. Évidemment, tous les organismes de bienfaisance du Canada, ici et à l’étranger, traversent une période très difficile. Cependant, pour les organismes internationaux, cela fait qu’il existe un obstacle insurmontable lorsqu’on essaie de comprendre ce qui se passe sur le terrain, et les projets s’arrêtent d’une façon qui est difficilement gérable, parce qu’on travaille dans 20 pays et qu’on reçoit incessamment des demandes d’approbation pour des changements minuscules concernant le niveau d’activité. Le temps que les agents de projet ici au Canada puissent examiner certaines de ces demandes, la situation sur le terrain a déjà changé. Tout à coup, il y a un confinement, et les activités doivent être suspendues. Le temps qu’on puisse communiquer avec vous à nouveau, le gouvernement local a probablement mis en place d’autres restrictions, ce qui veut dire que ces organisations doivent encore modifier leurs activités. Ce que nous voyons, c’est que les organismes canadiens sont plus lents que leurs homologues dans tous les autres pays et qu’ils ont plus de difficultés à s’adapter, même en comparaison de certaines grandes organisations multilatérales des Nations Unies, par exemple.

Le sénateur Boehm : Merci. L’idée qui sous-tend la nouvelle politique était également de travailler davantage avec les acteurs sur le terrain, et d’après ce que j’entendais avant de quitter mon poste de sous-ministre du Développement international, la situation était vraiment ce que j’appelle la « mort par le formulaire ». Les acteurs sur le terrain étaient obligés de remplir énormément de formulaires et de faire une multitude de choses pour respecter les exigences auxquelles sont soumis les partenaires canadiens en vertu de la loi.

Avez-vous ressenti une ouverture de la part d’Affaires mondiales Canada? Après tout, l’ARC va devoir travailler sur le cadre comptable, et sur les modèles, comme la sénatrice Marshall l’a dit, mais elle ne pourra pas faire cela sans l’aide des experts en politiques de votre secteur ainsi que de l’autre ministère concerné.

Mme Novovic : Absolument. D’abord, c’est effectivement le but principal de... s’assurer que tout est dirigé par les organisations et par les collectivités que nous voulons soutenir. Habituellement, plus il y a de formulaires à remplir, plus, à mon avis de spécialiste en politique publique, il y a de confusion. Cela ne vous permet pas d’avoir une idée claire et transparente de ce qui se passe sur le terrain, mais cela est possible grâce à des registres financiers clairs et simplifiés, comme l’a dit le sénateur Boehm. C’est aussi la force de l’ARC, d’avoir du personnel qui peut se pencher sur les registres financiers et non sur les activités de développement.

Le sénateur Boehm : Excellent. Merci.

La sénatrice Duncan : Merci à la sénatrice Omidvar et à nos témoins de ce matin. Je vous parle depuis le territoire traditionnel de la Première Nation Kwanlin Dün et du conseil Ta’an Kwäch’än.

On a mentionné des consultations et l’importance de mettre l’accent sur le travail international. Il y a quelques très petits organismes de bienfaisance qui me viennent à l’esprit qui travaillent à l’étranger depuis le Yukon.

Je serais curieux de savoir si on a communiqué avec les petits organismes de bienfaisance pour recueillir leurs commentaires à propos de ces changements. Je suis très satisfait du travail que le comité sénatorial a fait sur les organismes de bienfaisance et sur le besoin d’apporter ces changements. La sénatrice Omidvar a mentionné que des consultations allaient avoir lieu par l’entremise de l’Agence du revenu du Canada. Je me demandais quelles consultations ont été menées jusqu’ici auprès des petits organismes de bienfaisance, sur ces changements et sur le besoin d’apporter ces changements.

La sénatrice Omidvar : Merci de poser cette question, sénatrice Duncan. C’est une excellente question. Le Comité sénatorial sur les organismes de bienfaisance a mené de vastes consultations d’un bout à l’autre du pays, et nous avons aussi lancé quelque chose d’unique, un sondage en ligne. Plus de 750 personnes ainsi que des leaders du secteur de tout le pays et de toutes les régions l’ont rempli, même si je crois que les répondants venaient surtout de l’Ontario et de la Colombie-Britannique.

De plus, nous avons consulté des organisations membres — et nous avons leur soutien —, comme Coopération Canada; Imagine Canada, qui va témoigner devant vous; l’organisme Fondations communautaires du Canada, qui est présent dans tout le pays, autant dans les grandes villes que dans les petites villes; le Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes, qui a une présence au Canada et à l’étranger; et les 37 principaux avocats eux-mêmes — qui, je dois l’avouer, gagnent beaucoup d’argent en conseillant les organismes de bienfaisance à propos de cette loi — ont pris position et ont proposé d’abandonner cette loi. Beaucoup d’entre eux fournissent des conseils aux organismes de bienfaisance, autant les petits organismes que les grands.

J’ai parlé avec d’innombrables organismes de bienfaisance pour les jeunes d’un bout à l’autre du pays et d’innombrables organismes petits et grands d’un océan à l’autre. Le secteur de la bienfaisance est unique. Il y a de petits organismes, des moyens et des grands. Ils sont partout dans notre pays. Il y en a qui sont voués au sport, d’autres à la religion, à l’environnement, à la culture, aux arts, à l’apiculture, et cetera.

Bien sûr, d’autres consultations seront nécessaires dans l’avenir, mais je dois vous dire que vous avez ici d’excellents représentants des conseils du secteur.

La sénatrice Duncan : Merci beaucoup.

Le sénateur Loffreda : Bienvenue à la sénatrice Omidvar et aux témoins. Merci d’être avec nous ce matin.

J’appuie de tout cœur ce projet de loi. J’y vois de nombreux aspects positifs qui, selon moi, permettront d’accroître la créativité et d’améliorer les résultats de nombreuses façons lors des activités futures.

Je sais que le secteur de la bienfaisance va très bien accueillir ce projet de loi. Nous avons justement parlé des petits organismes de bienfaisance.

Malgré tout, est-ce que certains des grands organismes de bienfaisance préfèrent le modèle actuel, parce qu’il leur permet de contrôler les dépenses ou de veiller à ce que les fonds soient bien dépensés? Je pose la question à tous les témoins, mais à la sénatrice Omidvar en particulier.

La sénatrice Omidvar : Merci. Je peux vous dire, sénateur Loffreda, qu’en toute honnêteté, aucun des organismes de bienfaisance avec qui j’ai discuté n’est contre ce projet de loi. Ils ont posé des questions, évidemment, et j’ai dû leur expliquer comment cela allait fonctionner. Mais aucun organisme de bienfaisance ne m’a dit : « Cela va rendre notre travail plus compliqué, parce que nous allons perdre notre contrôle. » C’était même tout le contraire.

Comme pour n’importe quel autre texte de loi, il y a des gens qui ont des questions et qui veulent comprendre comment cela fonctionne, mais les principes d’autonomisation et de reddition de comptes n’ont pas été remis en question.

Me Carter : Peut-être que je pourrais aussi ajouter quelque chose? Au cours de mes 41 années d’expérience dans le secteur de la bienfaisance, aucun organisme de bienfaisance ne m’a jamais dit qu’il aimait les dispositions sur la direction et le contrôle, mais beaucoup d’entre eux m’ont dit que ces dispositions les frustraient et que cela entraînait des dépenses inutiles. Autant les grands organismes de bienfaisance que les petits ont dit qu’ils voulaient indubitablement du changement, afin qu’ils soient libérés de ces restrictions inutiles.

Le sénateur Loffreda : Merci de votre réponse. Madame Novovic, voudriez-vous ajouter quelque chose?

Mme Novovic : Je me disais seulement que je devrais mentionner que ce sont justement les plus grandes organisations qui subissent présentement énormément de pressions pour changer leurs modèles afin que les acteurs locaux aient davantage d’autonomie. Donc, ce sont ces organisations qu’on dénonce en premier sur la scène internationale parce qu’elles ne peuvent pas respecter certains de nos engagements mondiaux que nous avons pris envers l’OCDE, les Nations Unies, et cetera.

Le sénateur Loffreda : Je suis en faveur de ce projet de loi, oui. Nous avons parlé brièvement de la reddition de comptes quant aux sommes exonérées d’impôt dans le secteur de la bienfaisance, et je suis sûr que tous les organismes de bienfaisance sont en faveur de ces changements. Je crois qu’il est temps de les apporter, de les proposer et d’adopter le projet de loi. Merci.

Le sénateur Smith : J’ai une question pour la sénatrice Omidvar. Dans votre discours, lors de la deuxième lecture, vous avez donné un exemple hypothétique de cas où il était plus avantageux pour un YMCA de s’associer à un organisme à but non lucratif pour enseigner l’anglais à des femmes afghanes, plutôt que de s’associer avec un organisme de bienfaisance qui n’avait pas les moyens d’exécuter ces activités. Quels autres problèmes concrets le secteur de la bienfaisance a-t-il tenté de régler, sans y arriver, parce qu’il devait se conformer aux règles techniques de l’ARC?

La sénatrice Omidvar : Le secteur a des problèmes avec bon nombre des règles techniques de conformité de l’ARC. L’ARC interprète très bien le libellé actuel de la loi. Je ne veux absolument pas laisser entendre que l’ARC est le monstre à abattre dans cette situation. Elle ne l’est pas. Elle fait son travail, et ses fonctionnaires s’assurent que la loi est appliquée et s’acquittent de leur devoir de surveillance. Le problème, c’est la loi, pas les directives ou l’orientation de l’ARC, et c’est bien pourquoi mes efforts visent à modifier le libellé de la loi. Est-ce que cela répond à votre question, monsieur le sénateur?

Le sénateur Smith : Je ne voulais pas dire que l’ARC ne faisait pas son travail.

J’ai une autre question pour vous ainsi que pour Me Carter. Me Carter disait que les grands organismes de bienfaisance se plaignent depuis des années de ces règles. Pourquoi nous a-t-il fallu si longtemps pour réagir et mettre cela en place?

Me Carter : Peut-être que je pourrais répondre, monsieur le sénateur. La gronde s’est amplifiée au cours des deux dernières décennies. Nous parlons entre nous, nous parlons avec nos clients. Les acteurs du secteur discutent entre eux. C’est grâce au leadership de la sénatrice que ce projet de loi est allé de l’avant.

Je vais vous donner un exemple qui montre à quel point la loi actuelle est problématique. Présentement, conformément aux lignes directrices, un organisme de bienfaisance peut investir dans une institution de microfinancement dans un autre pays, en conformité avec les règles d’investissement du programme. Cependant, cela est seulement permis si vous dirigez et contrôlez les activités de l’institution de microfinancement. Imaginez essayer de faire cela avec une banque en Inde ou dans un autre pays. C’est tout simplement impossible. Donc, le principe de vouloir aider est là, mais la loi restreint la capacité.

Enfin, il y a cette gronde qui prend de l’ampleur dans tout le secteur. J’ai été très impressionné de voir que le Sénat avait fait preuve de leadership dans ce dossier et que la sénatrice a mené l’offensive. C’est quelque chose de bon pour le Canada et pour la réputation du Canada à l’étranger.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Carter et est dans la même veine que la question du sénateur Smith.

Monsieur Carter, les textes de loi méritent toujours d’être éclaircis et simplifiés, et je crois qu’il ne faut pas perdre de vue le contrôle nécessaire de l’Agence du revenu du Canada.

Je serais curieux de savoir si les 2 millions de Canadiens qui travaillent pour des organismes de bienfaisance sont directement employés par ces organisations ou s’ils travaillent pour des sous-traitants des quelque 90 organismes que vous représentez.

Quelle est la proportion des travailleurs directs et indirects? Est-ce que l’Agence du revenu du Canada peut exercer un contrôle sur la nature des liens qui pourraient exister entre les dirigeants des organismes de bienfaisance et les propriétaires des entreprises de sous-traitance?

[Traduction]

Me Carter : Actuellement, les organismes de bienfaisance peuvent travailler avec des tierces parties en mettant en place des relations contractuelles compliquées pour prétendre que leurs activités sont celles de l’organisme de bienfaisance. Ce qui va être différent, dans l’avenir, c’est que nous pourrons toujours travailler avec les tierces parties et avoir des contrats qui prévoient une reddition de comptes, mais nous n’aurons plus à prétendre que leurs activités sont celles des organismes de bienfaisance canadiens.

C’est un enjeu important par rapport à la responsabilité qui revient à l’organisme de bienfaisance canadien. Quand nous devons prétendre que toutes les activités sont celles de l’organisme de bienfaisance canadien, cela soulève des questions par rapport à l’autonomie, aux principes, à la responsabilité des fautes... C’est problématique. Nous exposons les organismes de bienfaisance canadiens à un risque pour faire respecter des dispositions vieilles de 70 ans dans la Loi de l’impôt sur le revenu.

Nous avons toujours la capacité d’obliger les sous-traitants à rendre des comptes avec le nouveau système, mais d’une meilleure façon, une façon qui nous débarrasse des dispositions encroûtées en place.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup à tous les témoins.

Merci en particulier à la sénatrice Omidvar. Je suis très contente de voir le travail que vous avez fait. Comme vous le savez, j’étais dans le secteur du travail bénévole avant d’être sénatrice, et vous avez beaucoup d’expérience à l’étranger.

Par rapport à ce qui se passe au Canada, il est arrivé de nombreuses fois qu’on nous a empêchés d’aider des groupes des Premières Nations, des groupes d’ascendance africaine et d’autres groupes racialisés en particulier, ainsi que des groupes de lutte contre la pauvreté, à faire leur travail.

Je serais curieuse de savoir quelles sont les options pour les tierces parties intermédiaires et s’il y a des façons dont nous pouvons nous assurer que les entreprises et les organisations accordent véritablement la priorité à ces groupes qui ne sont souvent pas représentés, qui n’ont pas le statut d’organisme de bienfaisance et qui n’ont donc pas accès au type de partenariats dont vous faites la promotion, même si cela est très louable.

La sénatrice Omidvar : Merci de poser cette question, sénatrice Pate. Je sais qu’il y a beaucoup de fondations dans notre pays qui aimeraient travailler avec les collectivités autochtones, qui aimeraient mettre en place une relation qui leur permettrait de remplir leur mission de bienfaisance en versant des fonds de bienfaisance à des donataires non reconnus comme des organismes à but non lucratif, mais cela leur est interdit. Pour être honnête, le risque, on le sait, est très élevé, et c’est pourquoi les organisations noires et autochtones reçoivent moins que leur part équitable des dons de bienfaisance. Seulement 6 % des organismes subventionnaires du Canada accordent des subventions à des organisations autochtones, et 7 % des dons de bienfaisance vont à des organisations noires. Donc, tout comme ces organisations sont victimes d’injustice raciale, madame la sénatrice, elles sont aussi victimes d’injustice philanthropique, et elles sont traitées inéquitablement, sous le régime de la loi.

Le président : Voilà qui met fin à notre temps avec notre premier groupe de témoins. Madame Novovic et maître Carter, merci beaucoup.

Honorables sénateurs et sénatrices, nous poursuivons notre étude du projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (utilisation des ressources) qui a été renvoyé au comité par le Sénat du Canada, le 25 mai 2021.

[Français]

Pour ce deuxième groupe de témoins, nous accueillons Bruce MacDonald, président et chef de la direction, Imagine Canada; de l’Agence du revenu du Canada, nous recevons également Tony Manconi, directeur général, Direction des organismes de bienfaisance, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires; enfin, du ministère des Finances Canada, nous accueillons Blaine Langdon, directeur, Section des organismes de bienfaisance, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt.

[Traduction]

Merci d’avoir accepté notre invitation. Nous allons commencer par la déclaration de M. MacDonald, puis ce sera au tour de M. Manconi.

Bruce MacDonald, président et chef de la direction, Imagine Canada : Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de me permettre de témoigner dans ces circonstances uniques, sans précédent et parfois difficiles.

Les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif et les entreprises sociales ont, comme la plupart des secteurs, été durement et négativement touchés par la pandémie de COVID-19. Presque la moitié des organisations rapportent toujours que la demande pour leurs services continue d’augmenter depuis le début de la pandémie, mais en même temps, leurs revenus se sont effondrés, chutant en moyenne de 46 %.

Le secteur à but non lucratif et de la bienfaisance est une composante essentielle de l’économie canadienne, contribuant à hauteur de 8,7 % du PIB canadien et employant plus de 2,5 millions de personnes, dont 77 % sont des femmes. Ce secteur comprend un vaste ensemble de missions et de causes, de la prestation de services de santé mentale au bien-être des animaux, en passant par la formation professionnelle et l’emploi, pour ne nommer que ceux-là.

La pandémie mondiale a montré à quel point nous n’avons jamais eu autant besoin d’un secteur à but non lucratif et de la bienfaisance qui soit vivant et dynamique, et à cette fin, le secteur doit pouvoir bénéficier d’un environnement propice à l’innovation et à la modernisation continue et qui encourage le bien public plutôt que d’y nuire.

Imagine Canada est ici aujourd’hui pour exprimer son soutien à l’égard du projet de loi S-222, la Loi sur l’efficacité et la responsabilité des organismes de bienfaisance. Il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles nous pensons qu’il est plus que temps que le régime juridique et réglementaire dans ce secteur évolue.

Premièrement, le système actuel reflète une approche archaïque et coloniale à l’égard des partenariats. Il exige que les organismes de bienfaisance canadiens exécutent leurs « propres activités » et exercent une direction et un contrôle sur les activités des autres organismes avec lesquels elles ont noué des liens. Le régime réglementaire actuel ne permet pas la création de partenariats équitables et respectueux. Quand les organismes de bienfaisance concluent des partenariats de financement, ils le font parce que l’autre organisme a une présence sur le terrain, parce qu’il comprend la collectivité ou le contexte et qu’il est mieux placé pour décider de la façon dont les fonds doivent être utilisés. L’exigence relative à la direction et au contrôle oblige les organismes de bienfaisance à conclure des engagements condescendants et peu utiles, qui peuvent nuire à des relations qui seraient autrement productives. Cet obstacle réglementaire nuit aussi à notre priorité nationale commune de réconciliation.

Deuxièmement, le système actuel crée des fardeaux administratifs et redditionnels pour les organismes de bienfaisance. Ces organismes sont obligés de conclure des accords intermédiaires, d’avoir des documents de politiques et des protocoles et des processus distincts, d’obtenir des conseils juridiques coûteux et de dépenser beaucoup d’argent pour la planification. Il leur est donc difficile et coûteux de remplir leurs missions. Beaucoup d’organismes font face à un manque de fonds critique, et il serait donc plus judicieux qu’ils puissent utiliser leurs ressources pour leurs programmes.

Troisièmement, les problèmes au Canada et à l’étranger deviennent de plus en plus complexes. Les organismes de bienfaisance à eux seuls ne peuvent pas les régler. Ils ne sont pas assez nombreux, et ils ne sont pas présents partout. En conséquence, des partenariats avec des organismes à but non lucratif, avec des entreprises sociales et avec des coopératives, par exemple, seront nécessaires pour apporter les ressources et la souplesse nécessaires à l’élaboration de solutions durables.

Il y a quelques autres points que je veux soulever, car ils sont essentiels à la discussion.

Nous devons dire clairement que le soutien que nous exprimons à l’égard de la modification des règles actuelles sur la direction et le contrôle ne veut pas dire que les organismes de bienfaisance seront moins responsables ou moins transparents.

Les organismes de bienfaisance savent bien qu’ils doivent s’assurer d’avoir la confiance des Canadiens en ce qui a trait à l’utilisation de leurs dons pour remplir la mission de bienfaisance de l’organisme. Nous avons besoin de cette confiance, et la modification proposée maintient le devoir de rendre des comptes.

Ce projet de loi est un autre exemple du besoin de faire progresser le cadre réglementaire et législatif dans lequel s’inscrit le bien social. En tant que leaders au sein du gouvernement, je crois que vous conviendrez qu’il serait insensé d’utiliser une loi sur la protection de la vie privée remontant à 1980 pour régler des problèmes de confidentialité dans le monde numérique d’aujourd’hui. Donc, pourquoi la réglementation des pratiques de bienfaisance reste-t-elle coincée dans le passé? L’entrée en vigueur du projet de loi S-222 sera un pas important vers l’évolution de l’environnement dans lequel œuvre notre secteur.

En conclusion, nous vous demandons de voter en faveur du projet de loi S-222. Il s’agit d’une approche logique pour améliorer la capacité des organismes de bienfaisance de conclure des partenariats utiles avec des organisations qui ne sont pas des organismes de bienfaisance, d’une façon qui garantit à la fois la reddition de comptes et la transparence. Merci beaucoup.

Tony Manconi, directeur général, Direction des organismes de bienfaisance, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires, Agence du revenu du Canada : Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui. Je suis le directeur général de la Direction des organismes de bienfaisance de l’Agence du revenu du Canada. Au cours des prochaines minutes, j’aimerais vous donner un aperçu du processus de gestion des changements législatifs de l’ARC. Cependant, avant de le faire, j’aimerais préciser que le ministère des Finances est responsable de la politique et des lois fiscales fédérales, y compris les politiques et les lois relatives aux organismes de bienfaisance enregistrés en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le rôle de l’ARC est d’interpréter et d’appliquer les dispositions de cette loi.

En ce qui concerne le programme des organismes de bienfaisance de l’ARC, il y a une question de compétence à prendre en considération, car le paragraphe 92(7) de la Loi constitutionnelle de 1867 accorde aux provinces un pouvoir général sur les organismes de bienfaisance. Néanmoins, en raison des privilèges fiscaux qui leur sont offerts par la Loi de l’impôt sur le revenu, l’ARC est le principal organisme de réglementation des organismes de bienfaisance au Canada depuis plus de 50 ans. Le programme des organismes de bienfaisance de l’ARC fonctionne à l’intérieur de ces limites fédérales et provinciales. Le programme comprend un processus d’enregistrement, une variété de services à la clientèle, un processus d’observation et l’élaboration des lignes directrices pour aider les organismes de bienfaisance à se retrouver dans les règles de la Loi de l’impôt sur le revenu en ce qui a trait au statut d’enregistrement.

En ce qui concerne l’approche de l’ARC en matière d’orientation, y compris nos lignes directrices sur la façon dont les organismes de bienfaisance peuvent financer les organismes intermédiaires qui ne sont pas des donateurs reconnus et qui doivent respecter les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu ainsi que les décisions de la Cour d’appel fédérale relatives à ces dispositions; nos lignes directrices actuelles reflètent cette approche. En cas de modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu, comme celles proposées dans le projet de loi C-222, l’ARC évaluerait d’abord leur incidence sur le programme des organismes de bienfaisance. Ensuite, elle élaborerait de nouvelles lignes directrices, tant à des fins internes que pour informer le secteur de la bienfaisance et le public de son approche à l’égard des modifications législatives.

Durant le processus d’élaboration des lignes directrices, nous avons consulté des intervenants du secteur de la bienfaisance pour nous assurer que notre approche répond à leurs besoins. Cela se passe au début du processus d’élaboration des lignes directrices, quand nous recueillons des renseignements auprès de sources internes et externes. Nous rédigeons ensuite une ébauche interne des lignes directrices et consultons les groupes de travail sur les questions techniques spécialisées et d’autres intervenants clés. Nous pourrions également publier en ligne l’ébauche des lignes directrices aux fins de consultation. Il s’agit d’un processus itératif qui entraîne habituellement de nombreuses révisions de l’ébauche. Une fois les lignes directrices élaborées, nous les publions sur les pages Web de l’ARC réservées aux organismes de bienfaisance et élaborons des produits de sensibilisation et de communication. À l’interne, nous devons informer nos employés des nouvelles directives puisque ce sont eux qui répondent aux questions du secteur sur tous les aspects de la réglementation qui régit les organismes de bienfaisance. Puisque nous privilégions une approche axée d’abord sur l’éducation dans le cadre de notre programme d’observation, les nouvelles directives doivent aussi être intégrées à notre examen des activités de bienfaisance et d’application. Notre objectif est d’examiner les lignes directrices nouvelles ou révisées un an après leur publication afin d’en améliorer le contenu. Toutefois, nos lignes directrices sont en constante élaboration et nous accueillons toujours les commentaires qui pourraient entraîner des modifications.

J’aimerais terminer en exprimant ma reconnaissance à tous les intervenants qui travaillent avec nous pour améliorer nos produits d’orientation. Au plaisir d’échanger avec vous aujourd’hui. Merci.

Le président : Merci, monsieur Manconi. Je tiens à rappeler aux sénatrices et aux sénateurs présents que nous avons également avec nous aujourd’hui M. Langdon, le représentant du ministère des Finances.

La sénatrice Marshall : Ma question s’adresse à M. Manconi, de l’Agence du revenu du Canada. Ce projet de loi a beaucoup de soutien, et je pense qu’il sera adopté. Vous avez parlé de l’ébauche des lignes directrices. Je crois que vous avez même mentionné les formulaires. J’aimerais en savoir plus sur le régime de reddition de comptes. Comment envisagez-vous cela, pour la suite des choses? Préciserait-il quels documents de contrôle et quels rapports seraient exigés d’un organisme de bienfaisance enregistré? Serait-il nécessaire d’avoir un contrat, avec des exigences spécifiques dans le cadre de ce contrat? Pourriez-vous simplement nous en dire un peu plus au sujet des informations pour la reddition de comptes?

M. Manconi : Merci, madame la sénatrice. Tout d’abord, nous devrions effectuer une évaluation approfondie du nouveau projet de loi pour voir quels changements ont été apportés entre les dispositions législatives actuelles et les nouvelles dispositions législatives proposées. Nous devrions ensuite déterminer quel serait ce régime de reddition de comptes. Nous devons garder à l’esprit que nous travaillons avec l’argent des citoyens canadiens. Les citoyens canadiens font des dons et ont certaines attentes à cet égard; ils veulent s’assurer que leur argent ira là où l’organisme de bienfaisance a dit qu’il irait. Nous devons assurer cette reddition de comptes.

En même temps, les encouragements fiscaux dont disposent les organismes de bienfaisance sont assez complexes. Nous devons nous assurer qu’il y a une reddition de comptes pour l’argent des contribuables canadiens également. Cependant, pendant les consultations relatives à l’élaboration des lignes directrices, nous demanderions également aux organismes de bienfaisance comment élaborer la structure de reddition de comptes, que ce soit au moyen d’accords, de formulaires ou de contrats. Nous devons mettre quelque chose en place pour nous assurer que la reddition de comptes existe toujours.

La sénatrice Marshall : Pensez-vous que ce système présente plus de risques que le système actuel, ou pensez-vous qu’il est à peu près le même? Parce que, quand je pense à ce qui se passe actuellement et à ce qui se passera, je me dis que l’on pourrait soutenir que le système proposé présente moins de risques. Examinez-vous cet aspect?

M. Manconi : Nous ne l’avons pas encore fait, mais nous devrons le faire parce que le projet de loi traite du caractère raisonnable et que nous devons examiner ce que cela signifie et ensuite définir la mesure de ce caractère raisonnable. Évidemment, ce sera ensuite probablement contesté au fur et à mesure qu’il sera interprété et finira par être soumis aux tribunaux en vue d’une décision ou d’une jurisprudence. Pour le moment, nous n’avons pas évalué le risque. Nous prendrons certainement la question en considération.

La sénatrice Marshall : Comme je l’ai dit, ce projet de loi sera probablement adopté. Selon vous, combien de temps faudra-t-il pour que la loi entre en vigueur?

M. Manconi : Je pense que le projet de loi nous laisse deux ans pour la mettre en place après la sanction royale.

La sénatrice Marshall : Je me rappelle maintenant avoir vu cela. Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Ma première question s’adresse à M. Manconi. Depuis plusieurs années, les organismes de bienfaisance se plaignent, avec raison, des lignes directrices de direction et contrôle. Les organismes de bienfaisance nous disent que ces lignes directrices ont plusieurs effets pervers et qu’elles les empêchent de jouer pleinement leur rôle et d’assurer une place au Canada dans le secteur de la bienfaisance sur la scène internationale. Est-ce que des études ont été faites par l’agence? Avez-vous été proactifs? Vous dites que cela pourrait prendre deux ans avant d’être en mesure d’appliquer ces lignes directrices. À l’heure actuelle, vous n’avez aucune analyse portant sur les méthodes utilisées par d’autres juridictions ou d’autres pays pour enrayer ou colmater les brèches qui pourraient donner lieu à des abus, ce que vous tentez de contrôler avec justesse. Dites-vous donc qu’aucune analyse n’a été faite dans ce sens-là pour moderniser les lignes directrices sur la direction et le contrôle?

[Traduction]

M. Manconi : Si je comprends bien la question, nous savons que les gens n’apprécient pas les lignes directrices dans leur forme actuelle. Nous offrons des services en lignes. Les gens peuvent nous appeler en tout temps pour poser des questions et obtenir des éclaircissements. Nous examinons en permanence nos lignes directrices. Nous consultons les gens sur le terrain. Nous avons également un groupe de travail sur les questions techniques, formé de 15 ou 17 membres du secteur, qui nous permet de modifier les lignes directrices.

Comme il a été mentionné dans la précédente séance, nous avons publié l’automne dernier des lignes directrices mises à jour sur la direction et le contrôle. Nous sommes donc à l’écoute du secteur. Nous savons que le secteur évolue au fil du temps. Les mandats changent, et nous encourageons ces changements et nous les soutenons. Notre rôle est d’aider les organismes de bienfaisance qui souhaitent évoluer et étendre leur mandat, leurs objectifs et leurs activités. C’est ce que nous faisons. Pour nous assurer qu’ils agissent dans le respect de la loi, nous les aidons à faire ces changements.

[Français]

Le sénateur Forest : Ma question s’adresse à Imagine Canada. Quand j’étais en politique municipale — et encore aujourd’hui —, je parlais souvent du principe de subsidiarité. Pour moi, il est fondamental que les décisions soient prises par l’entité compétente la plus proche de ceux et celles qui reçoivent le service ou qui subissent l’action. Pouvez-vous illustrer en quoi les lignes directrices de direction et contrôle nuisent à la prise de décisions dans la sphère la plus proche du citoyen ou de l’organisation, afin d’assurer une reddition de comptes totale?

[Traduction]

M. MacDonald : Merci beaucoup de poser la question. Oui, comme vous l’avez déjà entendu dire, les dispositions actuelles font qu’il est très difficile pour les organismes d’atteindre leurs objectifs caritatifs, parce que les types de relations qu’ils veulent établir avec les organismes sans vocation de bienfaisance ne sont pas les types de relations que nous voulons avoir avec eux. Nous ne voulons pas établir nos relations avec eux en insistant sur le fait que nous contrôlons chacune de leurs décisions et chacun de leurs choix.

La bonne nouvelle, avec cette loi, c’est que la reddition de comptes n’est en aucun cas diminuée. Ce que nous envisageons de faire, essentiellement, c’est de passer de la responsabilité opérationnelle à la responsabilité financière. Les instruments de responsabilité sont donc toujours en place, mais ils permettent de créer une relation et une façon de remplir ces objectifs caritatifs plus respectueuses et plus authentiques.

Le président : Merci, monsieur MacDonald.

Le sénateur Klyne : J’ai quelques remarques à faire avant de poser une question qui s’adresse à M. MacDonald et au représentant du ministère des Finances du Canada. Les lignes directrices du gouvernement fédéral concernant les organismes de bienfaisance prévoient comment un tel organisme peut travailler avec un intermédiaire pour mener ses propres activités à l’extérieur du Canada. Que l’organisme de bienfaisance fasse le travail lui-même au Canada ou à l’étranger en ayant recours à un intermédiaire, il faut définir des critères pour tenir l’organisme de bienfaisance responsable de ses décisions en matière de financement et de son suivi des résultats pour protéger comme il le faut les intérêts des donateurs et des contribuables. Au bout du compte, quand un organisme de bienfaisance travaille avec un organisme intermédiaire, l’organisme de bienfaisance demeure responsable des activités menées en son nom et de l’utilisation de ses ressources.

M. MacDonald, comment le fait de remplacer la responsabilité directe et le contrôle par la responsabilité relative à l’utilisation des ressources permet-il d’accroître l’efficience et de maintenir l’intégrité de la responsabilité envers les donateurs et les contribuables? Pour le représentant du ministère des Finances Canada, j’ai une autre question. La Loi de l’impôt sur le revenu exige que les organismes de bienfaisance qui exercent leurs activités en ayant recours à un intermédiaire conservent la direction et le contrôle de leurs activités à titre de garantie. Je pense que le projet de loi sera adopté par le Sénat. Le projet de loi exigera-t-il une modification de la Loi de l’impôt dur le revenu? Monsieur MacDonald, allez-y.

M. MacDonald : Merci beaucoup de poser cette excellente question. En ce qui concerne le fonctionnement des organismes, comme je l’ai dit, la reddition de comptes est maintenue. La diligence raisonnable s’impose. Il faudra des accords pour s’assurer que l’argent des donateurs canadiens est utilisé à des fins caritatives.

La reddition de comptes n’est donc pas réduite par cette loi. Il s’agit d’un changement dans la manière de rendre des comptes...

Le sénateur Klyne : La question est donc la suivante: si tout cela reste intact, comment les gains en efficacité sont-ils réalisés? Allez-vous réduire les formalités administratives ou...

M. MacDonald : Absolument. Vous réduisez la paperasse. Vous réduisez le nombre de contrats ou d’accords qui pourraient devoir être conclus avec plusieurs partenaires. Vous réduisez les frais juridiques que les organismes doivent assumer chaque fois qu’ils veulent créer l’un de ces partenariats. Cela crée donc un système plus efficace et plus efficient.

Le sénateur Klyne : Et y a-t-il toujours des critères à respecter? Il y a des critères.

M. MacDonald : Oui. Sauf qu’il s’agit du critère de la personne raisonnable.

Le sénateur Klyne : D’accord. Et selon le représentant de Finances Canada?

Le président : Monsieur Langdon, s’il vous plaît?

Blaine Langdon, directeur, Section des organismes de bienfaisance, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt, Ministère des Finances Canada : Je suis désolé, j’aimerais demander des éclaircissements sur la question. La question était de savoir s’il faudrait modifier la Loi de l’impôt sur le revenu? Demandez-vous s’il faudrait apporter d’autres modifications, parce que ce qui est proposé, c’est une modification à la Loi de l’impôt sur le revenu?

Le sénateur Klyne : Oui. Est-ce clair, noir sur blanc, ou d’autres modifications seraient-elles nécessaires?

M. Langdon : Je ne suis pas ici pour exprimer une opinion sur le projet de loi, mais plutôt pour répondre aux questions sur son fonctionnement. Ce que je puis dire, c’est que du point de vue du ministère des Finances, des précisions supplémentaires concernant les règles de reddition de comptes seraient bénéfiques.

Le sénateur Klyne : D’accord. Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Manconi.

Monsieur Manconi, le scandale de l’organisme UNIS a mis en lumière certains avantages que les organismes de bienfaisance pouvaient procurer à un groupe plutôt restreint de privilégiés, dirais-je. Par définition, les organismes de bienfaisance peuvent tirer parti de ce statut s’ils prouvent qu’ils représentent un réel bénéfice pour la population en général ou pour une partie importante de la population. Ceux qui ont observé ces organismes ont constaté que, dans certains cas, les dirigeants se payaient un train de vie coûteux, pour ne pas dire luxueux.

J’aimerais vous entendre sur les mécanismes de contrôle dont vous disposez et sur la fréquence de vos vérifications diligentes quant à l’usage des fonds. Par exemple, pour l’organisme UNIS, combien de fois, depuis 10 ans, avez-vous posé des questions sérieuses sur leurs rapports de dépenses? Avez-vous les outils nécessaires pour les vérifier?

[Traduction]

M. Manconi : Merci de poser la question, monsieur le sénateur. Il existe aujourd’hui des règles qui définissent combien d’argent doit être consacré aux activités, par rapport à l’administration; donc, lorsque je parle de salaires, cela fait partie des coûts administratifs. Aujourd’hui, les règles précisent que la plus grande partie de l’argent gagné ou des dons que vous recevez par l’entremise d’un organisme caritatif doivent être dépensés dans des activités qui servent ses objectifs, et les organismes doivent gérer le montant des coûts administratifs, y compris les salaires. Nous pouvons donc contrôler les différences. Les organismes de bienfaisance doivent déclarer le montant qu’ils dépensent réellement pour l’administration, chaque année, dans le cadre des renseignements relatifs aux formulaires T3010. Nous disposons donc de ces informations et nous effectuons des contrôles, et, quand nous faisons la vérification des organismes de bienfaisance, nous examinons également ce poste de dépenses.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Pourriez-vous nous dire dans quelle proportion les organismes de bienfaisance reconnus, comme ceux qui sont notamment liés au monde artistique, remplissent les critères qui, selon vous, satisfont à la notion de bénéfice réel pour la population?

Le président : À qui s’adresse la question, sénateur Dagenais?

Le sénateur Dagenais : Toujours à M. Manconi.

[Traduction]

M. Manconi : Je m’excuse, pourriez-vous préciser la question?

[Français]

Le sénateur Dagenais : Dans quelle proportion les organismes de bienfaisance reconnus, comme ceux qui sont notamment liés au monde artistique, remplissent-ils les critères qui, selon vous, satisfont à la notion de bénéfice réel pour la population?

On sait qu’il y a beaucoup d’organismes de bienfaisance qui sont liés au monde artistique. En quoi cela bénéficie-t-il à la population?

[Traduction]

M. Manconi : Nous n’avons pas encore effectué cette analyse, et je n’ai malheureusement pas cette information.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Est-ce que quelqu’un d’autre pourrait répondre?

[Traduction]

Le président : Le sénateur Dagenais a-t-il d’autres commentaires sur cette question?

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci; je n’ai pas d’autres questions.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Merci d’être ici ce matin. La plupart de mes questions ont été posées. Il reste un petit élément que j’ajouterais pour compléter une autre question, qui s’adresse au représentant de l’ARC.

Le projet de loi assouplit certaines des restrictions concernant la façon dont les organismes de bienfaisance peuvent utiliser leur argent et l’endroit où ils peuvent le faire. On m’a convaincue que c’est une bonne chose, mais je me demande si cela exigera plus de travail de votre côté. Vous avez commencé à aborder la question du processus de vérification. Sera-t-il plus difficile de mener des vérifications auprès des organismes de bienfaisance, d’autant plus que les lignes directrices sur les mesures raisonnables pourraient elles-mêmes être subjectives pour ce qui est de leur application? Merci.

M. Manconi : Merci, sénatrice. Comme je l’ai dit tout à l’heure, actuellement, nous avons une idée générale du projet de loi. Nous n’avons pas effectué l’examen complet de l’incidence de nos activités, et ce sera la première mesure que nous devrions prendre. Comme je l’ai mentionné tout à l’heure, quand nous avons utilisé les mots « caractère raisonnable », c’est un aspect que nous devrons examiner pour savoir comment le mesurer et l’interpréter, comment garantir l’objectivité et nous assurer de la compréhension de l’organisme de bienfaisance, en tant qu’administrateur, et du secteur, qui essaie d’utiliser cette approche du caractère raisonnable.

Le sénateur Boehm : Ma question s’adresse également à M. Manconi.

Je vous ai entendu dire qu’il faudrait deux ans pour mettre en œuvre le règlement si le projet de loi est adopté. Ma préoccupation concerne le secteur international, en particulier le développement international et les divers groupes canadiens, les ONG et les autres qui assurent le financement, et parfois, le gouvernement verse un financement de contrepartie pour ce qu’ils font et pour le travail entourant les projets.

Le monde évolue très rapidement. La politique d’aide canadienne a considérablement changé au cours des dernières années et, bien sûr, nous sommes en pleine pandémie, et une autre pourrait survenir. Est-il possible d’accélérer le travail relatif à l’élaboration des règlements?

M. Manconi : Merci, monsieur le sénateur. La loi elle-même autorise une mise en œuvre de deux ans, mais en moyenne, cela nous prend environ 12 à 18 mois pour élaborer les lignes directrices. Quelque chose de nouveau, comme ceci, entraîne plusieurs changements. Vous avez tout à fait raison, un des inconvénients du nouveau projet de loi est qu’il met les choses sur pause, en quelque sorte. Les gens chercheront de nouvelles façons de faire des affaires selon les nouvelles règles proposées, et beaucoup d’entre eux nous attendront.

Nous ferons de notre mieux pour nous assurer que, si le projet de loi est adopté, les lignes directrices seront élaborées aussi vite que possible, mais il faudra du temps pour mener le processus de consultation et nous assurer que tout est correct dès la première fois.

Le sénateur Boehm : En réponse à une question que ma collègue, la sénatrice Marshall, a posée tout à l’heure, vous avez dit que vous travaillerez en étroite collaboration avec le secteur de la bienfaisance pour élaborer ces règlements, parce que, selon moi, nous savons tous que vous ne voulez pas vous retrouver dans une situation où les règlements doivent être modifiés à nouveau en raison d’un problème ou d’une lacune dans la manière dont ils ont été élaborés. Auriez-vous également l’intention de travailler en étroite collaboration avec Affaires mondiales Canada, en particulier en ce qui concerne l’aspect international, puisque l’on sait que les représentants du gouvernement communiquent régulièrement avec d’autres pays donateurs par l’entremise du Comité d’aide au développement de l’OCDE?

M. Manconi : Absolument. Affaires mondiales est un de nos partenaires les plus proches. Nous travaillons main dans la main avec ce ministère tout au long de l’année, chaque année. Il participe bien évidemment à tous les changements que nous apporterions en matière de direction et de contrôle. Comme l’a mentionné M. Carter lors de la précédente séance du comité consultatif, des conversations ont été tenues à ce sujet, et je les ai communiquées à mes collègues d’Affaires mondiales; ils sont donc bien au courant des conversations qui ont lieu là-bas et nous les ferons certainement participer aux consultations.

Le sénateur Boehm : Merci beaucoup.

La sénatrice Duncan : Merci aux témoins qui sont ici aujourd’hui. Durant la dernière série de questions, et ce matin, nous avons également parlé des consultations et de la collaboration avec les organismes de bienfaisance. Ma question s’adresse à M. Manconi, qui a parlé du travail fait avec les organismes ainsi qu’avec d’autres intervenants. Personne n’a parlé de travailler avec des comptables agréés. Nous avons parlé des avocats, mais je pense aux petits cabinets comptables qui pourraient également travailler avec les organismes de bienfaisance pour s’assurer qu’ils se conforment aux exigences en matière de vérification. D’abord, je me demandais si M. Manconi peut parler du travail fait avec les cabinets comptables au moment de proposer ces changements à une loi très complexe.

M. Manconi : Absolument, nous communiquons avec les comptables professionnels agréés du Canada de tout le pays pour nous assurer qu’ils sont eux aussi au courant de ce qui se passe, sachant que, au bout du compte, un organisme de bienfaisance aura besoin de conseils juridiques et comptables sur ces questions, et nous recevons des commentaires de ces firmes tout au long de l’année; dans le cadre de notre consultation, oui, nous invitons également les représentants du secteur comptable.

La sénatrice Duncan : Durant vos consultations préliminaires et le travail que vous avez fait à ce chapitre, avez-vous, ou quelqu’un a-t-il, cerné des lacunes? Souvent, dans les discussions du comité des finances, mes collègues m’ont entendue dire qu’il n’y a pas de solution unique pour tous, dans les programmes du gouvernement. Des anomalies se produisent partout dans le pays. A-t-on cerné des lacunes potentielles dans les changements proposés?

M. Manconi : Nous n’avons pas encore commencé les consultations. Nous attendons que le projet de loi soit adopté.

La sénatrice Duncan : D’accord. La sénatrice Omidvar, ou quelqu’un d’autre, souhaiterait peut-être répondre à cela. Quelqu’un pense-t-il qu’il y a des domaines que nous aurions négligés?

La sénatrice Omidvar : C’est une excellente question, sénatrice Duncan. La loi qui régit les organismes de bienfaisance n’a pas été revue depuis 50 ans. Il y a d’autres questions, notamment une question centrale, à savoir comment nous définissons les organismes de bienfaisance? Encore une fois, nous sommes en décalage par rapport à nos administrations partenaires, parce que nous utilisons toujours la définition élisabéthaine du terme « bienfaisance ». Ce projet de loi ne va pas dans cette direction, pas encore, mais j’ai pris un engagement envers le secteur; un de rempli, d’autres à venir.

La sénatrice Duncan : Merci.

Le sénateur Loffreda : Bienvenue au groupe de témoins.

J’ai une question pour M. Manconi de l’Agence du revenu du Canada. Avez-vous constaté de nombreux manquements ou de nombreuses violations ou infractions à la loi actuelle, pour les organismes de bienfaisance?

J’ai également une question pour les autres témoins. Je poserai mes deux ou trois questions en même temps, et j’aurais peut-être une réponse par écrit si vous ne pouvez pas y répondre maintenant.

Le Canada est-il le seul pays parmi les membres du G7 qui a un libellé et des conditions similaires dans sa Loi de l’impôt sur le revenu en ce qui concerne les organismes de bienfaisance et leur association ou leur travail avec des tierces parties sans vocation de bienfaisance?

J’ai une autre question, peut-être pour la sénatrice Omidvar. Nous avons beaucoup parlé, ici, de la reddition de comptes; de quels outils le Canada dispose-t-il pour faire face à la très minime possibilité qu’il existe un organisme de bienfaisance véreux qui soutient le financement du terrorisme? Ce serait une préoccupation à l’avenir, compte tenu du changement apporté à la reddition de comptes, et cetera. Merci de vos réponses.

M. Manconi : Merci, sénateur. Je vais répondre à la première et à la dernière partie de votre question.

En ce qui concerne le nombre de personnes qui ne respectent pas les règles, il y en a quelques-unes. Nous menons des vérifications auprès d’environ 700 à 800 organismes de bienfaisance par année. Dans le cadre de ces vérifications, nous trouvons quelques organismes de bienfaisance qui ne se conforment pas aux règles. Nous recherchons et nous poursuivons ces organismes.

Nous ne pouvons pas déterminer leur nombre. Comme je l’ai dit, il y a 86 000 organismes de bienfaisance dans tout le pays. Nous menons des vérifications auprès de 800 organismes, chaque année, mais nous révoquons le statut de 10 à 20 organismes de bienfaisance par an seulement, que ce soit pour un motif valable ou parce qu’ils n’ont pas respecté quelques-unes de ces règles. Leur nombre n’est pas si élevé.

En ce qui concerne la dernière partie de votre question, le financement du terrorisme, encore une fois, la direction et le contrôle font également partie de cela. La direction et le contrôle font en sorte que nous devons cerner et traiter tout risque potentiel de financement du terrorisme; il s’agit donc d’un facteur clé de notre évaluation.

M. MacDonald : Je répondrais peut-être à la partie concernant les autres pays. Si nous avons bien compris, le Canada est une exception pour ce qui est de son libellé et de son approche. Dans le cadre de notre examen, nous avons constaté que nous sommes la seule nation à utiliser cette approche, qui n’a pas été modifiée depuis très longtemps. Comme le premier groupe de témoins vous l’a dit, en Australie, aux États-Unis et au Royaume-Uni, ils sont tous passés à une approche qui ressemble à celle que le projet de loi prévoit maintenant.

M. Langdon : Je suis plutôt d’accord avec M. MacDonald pour dire que, oui, nous sommes une exception en ce qui a trait à l’utilisation du critère de « ses propres activités » et le critère de la direction et du contrôle.

En ce qui concerne votre question sur le terrorisme et la capacité de ces organismes, dans le cadre des changements proposés, à échapper au flair de l’Agence du revenu du Canada, on ignore encore si les changements apportés permettront d’assurer la même reddition de comptes ou si la reddition de comptes sera moindre.

Comme je l’ai laissé entendre dans ma précédente réponse, les exigences en matière de reddition de comptes manquent de précision, et nous devons les examiner de plus près. L’Agence du revenu du Canada fournira évidemment des lignes directrices, mais il s’agit simplement de directives administratives. Les exigences n’auront pas la même force de loi que si vous les aviez intégrées dans la loi. C’est tout ce que dirai à ce sujet.

Le président : Merci, monsieur Langdon.

Le sénateur Smith : Ma question s’adresse au représentant de l’ARC.

Un des sujets de préoccupation que mon collègue, le sénateur Plett, a soulevés, c’est que, dans le cadre de la réglementation actuelle, les organismes de bienfaisance canadiens ne peuvent pas faire des dons au fonds commun d’urgence international, pour les mesures d’aide liées à la COVID-19 ou à d’autres catastrophes majeures, par exemple. L’ARC exigerait des organismes de bienfaisance canadiens d’assumer le plein contrôle du programme international et de rendre des comptes pour tous les fonds. Pourriez-vous dire si cela est effectivement le cas, et en expliquer les raisons? Quel type de conséquences subiraient les organismes de bienfaisance canadiens s’ils font des dons dans le cadre d’un fonds commun international sans assumer un contrôle total et direct comme le prévoit la réglementation de l’ARC? Pourriez-vous m’éclairer là-dessus?

M. Manconi : Sénateur, comme nous l’avons mentionné, nous appliquons les règles en vigueur aujourd’hui. Les règles exigent qu’un organisme de bienfaisance enregistré au Canada dirige et contrôle l’utilisation des fonds. La préoccupation liée au fait d’utiliser un fonds commun, c’est qu’il diminuerait la capacité de déterminer où vont les fonds. Pour revenir à mon commentaire précédent, les donateurs veulent s’assurer que leurs dons vont là où l’organisme de bienfaisance a dit qu’ils iraient. Si les dons vont dans un fonds, il est possible que l’argent n’aille pas là où il devait aller à l’origine. Par conséquent, la direction et le contrôle sont nécessaires, et les organismes de bienfaisance devraient rendre des comptes et être responsables de l’endroit où vont les dons.

Le sénateur Smith : À l’avenir, envisagez-vous une certaine forme de modification, de rajustement ou de changement? La loi que la sénatrice Omidvar veut faire adopter est un grand pas en avant, mais cela s’applique-t-il également à des situations internationales?

M. Manconi : Encore une fois, la sénatrice peut peut-être répondre. Il faudra vérifier cela pour savoir si le projet de loi proposé porte sur les fonds internationaux.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie de me laisser répondre à la question. Mon projet de loi modifiera la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif en ce qui concerne les organismes de bienfaisance qui travaillent à l’échelle nationale et internationale.

Une fois que la loi sera adoptée et que des consultations seront organisées, comme M. Manconi l’a dit, la question des fonds communs pourrait bien être une partie distincte des consultations. Actuellement, vous avez absolument raison. Il est très difficile pour les autres pays de travailler avec le Canada quand il s’agit de fonds communs, parce que nous ne pouvons pas les diriger ni les contrôler, alors que la loi nous y oblige.

Le sénateur Smith : Durant vos délibérations, sénatrice, vous avez mentionné que vous aviez parlé aux responsables d’un grand nombre d’organismes de bienfaisance. Avez-vous recueilli beaucoup de commentaires à l’échelle internationale?

La sénatrice Omidvar : En fait, cela a commencé par des commentaires d’un organisme appelé Radios rurales internationales, ensuite il y en a eu de PLAN Canada, de Samaritan’s Purse Canada et de Mercy Ships. Tous ces organismes de bienfaisance veulent simplement dépenser leurs ressources caritatives d’une manière qui leur permet d’atteindre leurs objectifs caritatifs. La loi les freine.

Le sénateur Smith : Selon vous, sera-t-il possible un jour de mettre sur pied des projets internationaux plus concrets, comme je viens de le demander? Envisagez-vous cette possibilité? Ou est-ce que ce sera à plus long terme si la mise en œuvre de la loi actuelle prend deux ans?

La sénatrice Omidvar : C’est une bonne question. Pourquoi cela va-t-il prendre deux ans? Franchement, c’est la consultation qui prendra du temps. Si elle se fait en moins de deux ans, tant mieux pour le gouvernement. Cependant, les responsables des organismes de développement international basés au Canada, qui connaissent ce monde beaucoup mieux que moi, m’ont dit que cela permettrait au Canada d’aller plus loin et de faire partie d’un plus grand nombre de fonds internationaux. Parfois ces fonds sont de seulement 250 000 $. Parfois, ils s’élèvent à des millions de dollars. Nous deviendrions alors partenaires avec d’autres pays pour aller de l’avant et faire ce bon travail.

Le sénateur Smith : ... consolider notre position de chef de file.

La sénatrice Omidvar : Et améliorer notre réputation. Nous avons une réputation qui est franchement un peu fragile en ce moment... pour de nombreuses raisons. Dont celle-ci.

Le président : Avant de demander à la sénatrice Omidvar si elle a une question à poser ou des observations finales à faire, Me Carter m’a informé qu’il est toujours connecté. À titre de président, je lui donnerai la permission d’intervenir et de répondre à une question qui a été posée par le premier groupe de témoins et qui est pertinente pour notre discussion.

Maître Carter, m’entendez-vous? Si vous m’entendez, veuillez vous connecter.

Me Carter : Je pensais vous aider en répondant à la question de savoir s’il y aurait un risque associé au financement du terrorisme en raison du projet de loi S-222. Je pense que la réponse est : pas du tout.

Au Canada, nous avons une loi solide qui traite du financement du terrorisme. Le Code criminel prévoit de nombreuses dispositions très sévères sur l’interdiction du financement du terrorisme.

La partie 6 de la Loi antiterroriste contient également un article qui permet au ministre de la Sécurité publique et au ministre du Revenu national de révoquer l’enregistrement d’un organisme de bienfaisance s’il y a des motifs raisonnables de croire qu’il est impliqué dans le financement du terrorisme.

En 2014, une modification de la Loi de l’impôt sur le revenu a permis la révocation immédiate du statut d’un organisme de bienfaisance s’il était concerné par un don fait par un État étranger figurant sur la liste établie dans la Loi sur l’immunité des États, comme la Syrie ou l’Iran. De plus, dans le budget fédéral publié cette année, il y avait deux dispositions, dont une qui traitait de la révocation immédiate du statut d’un organisme de bienfaisance s’il était désigné entité terroriste. Cela peut être fait par le ministre de la Sécurité publique et par le gouverneur en conseil. Une extension de la définition de personne admissible permet aussi maintenant d’inclure les directeurs, les administrateurs et les agents des organismes figurant sur la liste des organisations terroristes.

Un grand nombre de dispositions en place, monsieur le président, portent sur les préoccupations légitimes relatives au financement du terrorisme. De plus, selon la common law, les organismes de bienfaisance ne peuvent évidemment pas être impliqués dans des activités criminelles, cela va à l’encontre de la politique publique. Donc, le projet de loi S-222 ne contient aucune disposition qui pourrait avoir une incidence sur la capacité de s’assurer que des organismes de bienfaisance ne sont pas impliqués dans le financement du terrorisme.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de cette clarification. C’est très rassurant.

Le président : Merci, maître Carter, de cette clarification.

La sénatrice Omidvar : J’apprécie le temps qui m’a été accordé, ainsi qu’aux témoins, pour répondre aux questions et éclaircir les questions en suspens.

J’apprécie particulièrement les questions qui ont été posées sur la raison pour laquelle il faudra deux ans pour que la loi entre en vigueur. S’il n’en tenait qu’à moi, ce serait beaucoup plus tôt, mais je pense être prudente, à juste titre, en ce qui concerne le temps qu’il faut pour que ces choses passent par le processus d’élaboration des lignes directrices.

J’aimerais particulièrement remercier M. Manconi, parce que j’ai beaucoup eu à traiter avec l’ARC tout au long de mes 30 années de carrière dans le secteur. Il n’y était pas encore, mais il y en avait d’autres. L’ARC fait un excellent travail pour éclaircir la loi et aider les organismes à respecter les limites imposées par la loi. La révocation du statut d’organisme de bienfaisance est très grave. L’ARC a en particulier publié des lignes directrices éducatives pour aider les organismes de bienfaisance à se mettre à niveau.

Cela dit, j’ai une question pour M. Manconi. Est-ce que vous, ou les membres de votre équipe, connaissez des organismes qui vous ont dit qu’ils avaient du mal à faire leur travail avec des donateurs non reconnus au Canada, comme des organismes autochtones ou des organismes internationaux?

M. Manconi : Il y a des organismes qui ont des problèmes avec les règles actuelles. Parfois, il y a des défis à relever en raison de ce qu’ils essaient de faire. Mais pour être honnête, il y a également des moments où les gens ne comprennent tout simplement pas quelles sont les règles. Nous prenons le temps de les informer. Notre rôle a beaucoup changé et est beaucoup plus axé sur les sources. Nous informons donc les gens quand ils nous appellent et qu’ils veulent essayer de faire quelque chose ou quand ils hésitent à le faire ou qu’ils s’inquiètent de quelque chose. Nous les aiderons pour ce qui est des règles pour qu’ils puissent faire ce qu’ils veulent faire.

En ce qui concerne la complexité des règles, il est également possible de les éclaircir, parce qu’il y a des moments où les gens ne comprennent tout simplement pas quelles sont les règles.

La sénatrice Omidvar : Pourrais-je également confirmer avec vous que les règles et les directives, quand vous les appliquez, doivent refléter l’esprit et l’intention de la Loi de l’impôt sur le revenu? Sans modifier la Loi de l’impôt sur le revenu, ces directives continueront-elles à évoluer en ce qui concerne la direction et le contrôle ou d’autres mesures similaires?

M. Manconi : Tous nos produits sont une extension de l’interprétation de la loi. Quelle que soit la loi, nous disposons ensuite de nos directives pour la soutenir ou y apporter des précisions, et, à mesure qu’elle change, tous nos produits et notre mode de fonctionnement changent également.

La sénatrice Omidvar : Merci, monsieur Manconi. Je remercie mes collègues. J’apprécie réellement les questions qui ont été posées et l’attention que vous avez portée à ce projet de loi. Comme je l’ai précédemment dit, le secteur a estimé qu’il s’agissait de la principale priorité en matière de changement découlant des 42 recommandations du Sénat sur les organismes de bienfaisance.

Je souhaite remercier tous les membres du comité sénatorial des organismes de bienfaisance qui ont travaillé si dur. D’une certaine façon, je suis simplement leur porte-parole. Je vous exhorte à voter sur le projet de loi et à le renvoyer à la Chambre dès que possible pour qu’il puisse être débattu en troisième lecture et, espérons-le, être adopté. Merci.

Le président : Honorables sénatrices et honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que nous avons fait preuve d’une diligence raisonnable sur ce sujet.

Les commentaires des témoins ont été très instructifs. Merci encore une fois de votre professionnalisme.

Honorables sénatrices et honorables sénateurs, notre prochaine séance se tiendra jeudi prochain, le 3 juin, à 15 heures HNE.

(La séance est levée.)

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