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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 21 avril 2021

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 heures (HE), par vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général, tel que précisé à l’article 12-7(9) du Règlement, et à huis clos, pour faire l’étude d’un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Chantal Petitclerc (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Je m’appelle Chantal Petitclerc, je suis sénatrice du Québec, et j’ai l’honneur et le privilège de présider ce comité. Avant toute chose, permettez-moi de remercier notre greffier, Daniel Charbonneau, et toute l’équipe qui est physiquement sur place à Ottawa, qui nous permettent de mener aujourd’hui par vidéoconférence cette réunion du Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Nous apprécions énormément ce que vous faites pour nous.

Avant de commencer, j’aimerais faire quelques recommandations utiles dans ce contexte de vidéoconférence, pour nous aider à avoir une rencontre productive et efficace.

[Traduction]

Tout d’abord, les participants sont priés de laisser leur micro en sourdine en tout temps, sauf si la présidence leur donne la parole, et ils seront responsables d’activer et de désactiver leur micro en conséquence pendant la réunion. Avant de prendre la parole, veuillez nous accorder quelques secondes et attendre que la présidence vous nomme. Je demanderais également aux sénateurs d’utiliser la fonction « Lever la main » — l’icône de la main jaune — pour indiquer leur souhait d’intervenir ou de poser des questions. Une fois que vous avez la parole, veuillez également faire une pause de quelques secondes pour laisser le temps au signal audio de s’établir, notamment pour les services d’interprétation.

[Français]

Si vous avez des difficultés techniques qui sont liées en particulier à l’interprétation, veuillez le signaler à la présidente ou au greffier et nous nous efforcerons de résoudre ce problème le plus rapidement possible.

Vous avez aussi un numéro d’assistance technique qui vous a été fourni. Donc, vous pouvez appeler à ce numéro.

[Traduction]

Il faudra peut-être suspendre la séance dans certains cas. Bien entendu, nous devons nous assurer que tous les membres sont en mesure de participer pleinement à la réunion, et ce, dans la langue de leur choix.

Enfin, je tiens à rappeler à tous les participants qu’ils ne doivent pas copier, enregistrer ou photographier les écrans Zoom. Pour consulter ou reproduire du contenu de la réunion, utilisez plutôt les délibérations officielles diffusées sur le site Web SenVu.

[Français]

J’aimerais vous présenter les membres du comité qui sont avec nous aujourd’hui. Nous accueillons les sénatrices Poirier et Bovey, vice-présidentes de ce comité, le sénateur Black, membre du comité directeur, la sénatrice Mégie, la sénatrice Omidvar, le sénateur Kutcher, la sénatrice Forest-Niesing, la sénatrice Moodie, la sénatrice Frum et le sénateur Manning. Merci d’être avec nous aujourd’hui.

Aujourd’hui, nous étudions la mise en œuvre par le gouvernement du Canada et la réussite d’un cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique. Sans plus tarder, je vous présente les témoins que nous avons le privilège d’accueillir parmi nous.

L’honorable Patty Hajdu, ministre de la Santé, qui est accompagnée de représentants de l’Agence de la santé publique du Canada, M. Iain Stewart, président, et Candice St-Aubin, vice-présidente, Direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques. Nous accueillons également des Instituts de recherche en santé du Canada, le Dr Michael Strong, président. Madame la ministre, je vous invite à prendre la parole. Encore une fois, je vous remercie de votre présence.

[Traduction]

L’hon. Patty Hajdu, c.p., députée, ministre de la Santé, Santé Canada : Merci beaucoup, madame la présidente. Pour faciliter le travail des interprètes, je ferai mon exposé uniquement en anglais. Merci encore de m’avoir invitée.

Comme je l’ai dit pendant mon test audio, je m’adresse à vous depuis le territoire traditionnel du peuple Anishinaabeg, dans la région visée par le Traité Robinson-Supérieur. Évidemment, de nombreux Métis ont contribué à cette région pendant de nombreuses années, et je suis très reconnaissante de vivre, travailler et passer de bons moments ici.

Je suis bien heureuse d’être parmi vous aujourd’hui pour faire le point sur la mise en œuvre du Cadre fédéral relatif au trouble stress post-traumatique. Je vais commencer par une mise en contexte.

Comme vous le savez, la Loi sur le cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique est entrée en vigueur en juin 2018. La loi a mené à la tenue, en avril 2019, d’une conférence nationale sur l’état de stress post-traumatique, dans le cadre de laquelle des experts de partout au pays, y compris des personnes atteintes de ce trouble, des personnes ayant une expérience directe, ont fait part de leurs connaissances et de leurs points de vue. Grâce à leur participation, nous avons élaboré le premier cadre fédéral en la matière au Canada.

Le cadre a été publié en février 2020, juste avant que la COVID-19 soit déclarée pandémie mondiale. Bien entendu, dans le contexte de la COVID-19, beaucoup plus de travailleurs, beaucoup plus de Canadiens œuvrant dans une foule de secteurs doivent faire face à des risques accrus qui les rendent plus vulnérables aux traumatismes et au stress post-traumatique. Je crois que nous avons tous entendu ce genre d’histoires dans nos bulletins de nouvelles du soir et même dans nos interactions avec des intervenants et d’autres gens que nous côtoyons. Il faudra peut-être attendre un certain temps avant de connaître toutes les répercussions de la pandémie sur la santé mentale des Canadiens, car, comme nous le savons, l’état de stress post-traumatique est parfois difficile à déceler ou à diagnostiquer, et les symptômes peuvent varier d’une personne à l’autre. Il est très urgent de comprendre l’état de stress post-traumatique, sa prévalence au Canada et la façon d’aider les gens à obtenir rapidement un soutien efficace. D’ailleurs, je dirais que le problème a sans doute été exacerbé par la situation dans laquelle se trouve notre pays en ce moment et par le traumatisme collectif lié à la COVID-19.

L’Agence de la santé publique du Canada et d’autres partenaires fédéraux se sont rapidement concentrés sur les efforts d’intervention dans la lutte contre la COVID-19, tout en mettant l’accent sur la nécessité d’atténuer immédiatement les répercussions de la pandémie sur la santé mentale des Canadiens dans tout le pays. Cela dit, les grands thèmes étudiés lors de la conférence et durant l’élaboration du cadre — à savoir les données et le suivi, les lignes directrices et les pratiques exemplaires, l’éducation et la collaboration — sont également très pertinents dans le contexte actuel.

J’aimerais maintenant m’attarder sur certaines des activités qui nous aident à mieux comprendre les répercussions du stress post-traumatique partout au pays. À l’heure actuelle, l’Agence de la santé publique du Canada, en collaboration avec Statistique Canada, effectue deux enquêtes nationales visant à améliorer le suivi du taux de stress post-traumatique chez divers Canadiens.

Il y a d’abord l’Enquête sur la COVID-19 et la santé mentale, qui a pour but d’évaluer les effets de la COVID-19 sur la santé mentale et le bien-être des Canadiens. On y trouve aussi des questions sur les symptômes de l’état de stress post-traumatique. D’après les résultats de la première collecte de données, 6 % des Canadiens ont obtenu un résultat positif au dépistage de l’état de stress post-traumatique et ont déclaré des symptômes modérés à graves. La prévalence était deux fois plus élevée chez les femmes — 8 % — que chez les hommes — 4 % —, et particulièrement élevée chez les femmes de 18 à 34 ans, soit 12 %, ainsi que chez les travailleurs de première ligne, comme les premiers intervenants, le personnel infirmier et les médecins — 10 %. Une deuxième collecte de données de cette enquête est en cours, et les résultats sont attendus pour l’automne.

En outre, l’Agence de la santé publique du Canada a élaboré une enquête plus axée sur l’état de stress post-traumatique, toujours en collaboration avec Statistique Canada, soit l’Enquête sur la santé mentale et les événements stressants. La collecte des données est en cours, et les résultats sont également prévus pour l’automne.

Enfin, l’Initiative sur la santé mentale et la COVID-19 des Instituts de recherche en santé du Canada recueille des données probantes pour appuyer la prise de décisions sur l’intervention en santé mentale à la suite de la pandémie, et ce, en temps réel afin de faire adapter les outils que nous mettons au point.

Bien entendu, ce travail est guidé par un groupe consultatif d’experts, qui conseille les Instituts de recherche en santé du Canada, Santé Canada et l’Agence de la santé publique du Canada sur la façon d’obtenir et d’utiliser les meilleures données probantes en vue de soutenir efficacement les systèmes et les services de santé mentale au Canada. L’information et les données recueillies dans le cadre de ces activités nous fourniront continuellement des éléments de preuve pour orienter l’adaptation, la modification, la conception et la prestation de services et de moyens de soutien en santé mentale partout au pays.

J’aimerais également mentionner que, dans le budget de 2021, on propose une nouvelle enveloppe de financement stratégique pour le portefeuille de la santé et pour Anciens Combattants Canada afin d’appuyer expressément les programmes portant sur l’état de stress post-traumatique et la santé mentale. Le budget propose d’accorder 50 millions de dollars sur deux ans à Santé Canada pour appuyer un volet de programmes de santé mentale axé sur le traumatisme et l’état de stress post-traumatique pour les populations ayant un risque élevé de vivre un traumatisme lié à la COVID-19 afin de les aider à gérer leurs symptômes et à s’en remettre.

L’Agence de la santé publique du Canada, pour sa part, recevrait un financement de 100 millions de dollars sur trois ans afin de soutenir les interventions en santé mentale pour les populations touchées de manière disproportionnée par la COVID-19, notamment les travailleurs de la santé, les travailleurs de première ligne, les aînés, les Autochtones, les jeunes et les Canadiens noirs et racisés. Bien sûr, nous savons que beaucoup d’autres personnes touchées dans tout le pays pourraient bénéficier d’interventions particulières en matière de santé mentale, adaptées à leur culture.

Le budget propose également de fournir au portefeuille de la santé un financement de 45 millions de dollars sur deux ans pour l’élaboration de normes nationales en matière de santé mentale — quelque chose que beaucoup de Canadiens réclament, d’une manière ou d’une autre, depuis longtemps. On n’emploiera peut-être pas le terme « normes », mais l’idée serait d’énoncer des principes comme celui de veiller à ce que tout le monde, peu importe la province ou le territoire de résidence, puisse accéder à des soins de santé mentale de qualité. Ces normes seraient évidemment élaborées en collaboration avec les provinces et les territoires, des organismes de santé et des intervenants clés.

De plus, le budget propose 62 millions de dollars pour le portail Espace mieux-être Canada afin que cette ressource utile puisse continuer d’être une source d’outils et de services en matière de santé mentale et de mieux-être accessible gratuitement à la population canadienne, et ce, jusqu’à l’année prochaine.

En conclusion, l’état de stress post-traumatique était certes un enjeu avant la pandémie, mais nous sommes aujourd’hui aux prises avec une nouvelle vague de gens qui pourraient en souffrir. Bien entendu, cela ne comprend pas seulement les individus, mais aussi les familles, les collègues et les collectivités.

Bien qu’il se soit écoulé un peu plus d’un an depuis l’annonce du cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique, nous continuons de répondre aux exigences législatives qui s’y rattachent et de lutter contre la pandémie de COVID-19, car le gouvernement s’inspire non seulement de la loi, mais aussi des efforts que nous déployons pour aider les Canadiens, en ce moment même, à gérer le traumatisme collectif qui touche le pays dans le contexte de la COVID-19.

J’ai bien hâte de connaître les résultats de votre étude sur l’état de stress post-traumatique, votre avis sur le rôle possible du cadre fédéral, ainsi que vos recommandations sur la façon de renforcer le soutien offert aux gens partout au pays qui ont été touchés par le stress post-traumatique ou qui pourraient être à risque.

Merci beaucoup.

La présidente : Merci, madame la ministre, de votre présence et de votre exposé. Nous avons certes des questions à vous poser.

[Français]

Avant de passer aux questions, je vous rappelle que, comme le veut la pratique, nous allons tenter d’accorder cinq minutes pour les questions et les réponses.

[Traduction]

Sénatrice Dasko, j’ai oublié de vous présenter, alors toutes mes excuses. Merci d’être là.

La sénatrice Poirier : Merci, madame la ministre, d’être des nôtres. Nous vous sommes très reconnaissants de comparaître pour faire le point et répondre à certaines de nos questions.

Le cadre porte sur l’état de stress post-traumatique lié aux professions et, dans une des annexes, il est mentionné que les survivants de violence physique, sexuelle ou psychologique peuvent également souffrir de stress post-traumatique. Pouvez-vous nous expliquer comment le cadre appuiera ceux qui souffrent de stress post-traumatique non associé au milieu de travail, puisque cette catégorie semble dépasser la portée du cadre?

Mme Hajdu : Je vais faire quelques observations générales, mais je céderai ensuite la parole aux fonctionnaires qui s’occupent du dossier.

Ce que je peux dire, c’est que, tout d’abord, ces deux choses ne sont pas mutuellement exclusives. Nous savons que de nombreuses professions présentent un risque accru de stress post-traumatique, mais nous savons aussi que de nombreuses personnes qui travaillent dans des professions souffrent déjà de traumatismes survenus dans leur vie, ce qui les prédispose au stress post-traumatique et en aggrave davantage les effets.

Je vais également vous raconter une histoire personnelle. J’ai eu le plaisir de diriger une organisation dans un domaine où les intervenants de première ligne affichent un taux énorme de stress post-traumatique, ce que l’on ne constate pas forcément tout de suite. En effet, avant de me lancer en politique, je dirigeais un refuge pour sans-abri. De nombreuses personnes qui étaient attirées par le travail au sein de cette organisation avaient elles-mêmes subi un traumatisme dans leur vie. Elles étaient motivées par l’idée d’aider d’autres gens qui vivaient un traumatisme, mais elles devaient aussi composer avec les cicatrices et, dans certains cas, les blessures non guéries du traumatisme qu’elles avaient vécu dans leur propre parcours. Leur traumatisme était souvent aggravé par l’exposition constante à l’immense souffrance des personnes auxquelles l’organisation venait en aide.

C’est une question très importante, et j’invite les fonctionnaires à intervenir s’ils ont d’autres observations à faire sur la distinction entre ces deux groupes.

La sénatrice Poirier : Merci, madame la ministre.

Iain Stewart, président, Agence de la santé publique du Canada : Bonjour, et merci de nous avoir invités.

Comme le disait la ministre, le cadre a vraiment une portée plus large. Prenons le cas des survivants de la violence fondée sur le sexe, qui risquent davantage de souffrir de stress post-traumatique et qui font face à un ensemble de circonstances particulières; nous considérons que cela s’inscrit dans la portée du cadre. Bien que le cadre soit axé sur les traumatismes liés aux professions, son application à d’autres groupes de personnes sera également prise en compte dans la mise en œuvre des mesures fédérales. Cela comprend, par exemple, la violence fondée sur le sexe et la violence familiale, qui sont évidemment de graves enjeux publics susceptibles d’entraîner des traumatismes de cette nature. Le gouvernement a investi près de 200 millions de dollars au cours des cinq dernières années en vue d’établir la stratégie pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe. Bien entendu, l’Agence de la santé publique du Canada fait également beaucoup de travail dans ce domaine. La mise en œuvre du cadre s’accompagne donc de certaines activités complémentaires, ainsi que d’autres activités synergiques connexes.

Je ne sais pas si Mme St-Aubin souhaite ajouter quelque chose.

Candice St-Aubin, vice-présidente, Direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques, Agence de la santé publique du Canada : J’ajouterai que, selon moi, le choix du moment est crucial. Le cadre a été publié à l’aube de la pandémie. À l’étape de son application et, bien sûr, au moment de présenter le plan de mise en œuvre, nous aurions tort de ne pas adopter une perspective plus large. Je sais qu’à l’Agence de la santé publique du Canada, lorsque nous travaillerons avec nos partenaires sur ce plan, nous irons au-delà de l’objectif principal pour y inclure les populations vulnérables dans leur ensemble. Je vous remercie.

La sénatrice Poirier : Merci.

Madame la ministre, vous avez également mentionné il y a quelques minutes, dans votre exposé, que le budget de 2021 prévoit environ 50 millions de dollars sur deux ans pour Santé Canada. Au sujet de ce programme, est-ce que cela fait partie du financement de l’Agence de la santé publique du Canada pour le cadre et le secrétariat chargé du dossier, ou s’agit-il d’une initiative tout à fait différente? Le cas échéant, pourquoi est-ce que cela n’a pas été intégré dans le cadre afin qu’il y ait un guichet unique pour tout ce qui concerne l’état de stress post-traumatique?

Mme Hajdu : L’expression « guichet unique » me fait sourire, car c’est le rêve de tous les fournisseurs de services, mais je vais inviter mes collaborateurs à vous parler des détails du budget. Je devine bien votre question sous-jacente, à savoir le labyrinthe parfois déroutant de programmes et de services qui pourraient être offerts par le gouvernement du Canada ou les sources de financement que doivent choisir les divers organismes qui fournissent ces services. Je vais m’en remettre à M. Stewart pour plus de détails sur le montant précis ou à Stephen Lucas, qui est également présent, je crois.

M. Stewart : Merci beaucoup. Le cadre, au fond, est censé porter sur les données, le suivi, les lignes directrices et les pratiques exemplaires, ainsi que l’éducation et le matériel didactique. Il est censé miser sur la force et la collaboration pour aborder un sujet, mieux le comprendre et mobiliser des ressources autour des idées principales qui s’y rattachent.

En ce qui a trait aux programmes proprement dits, j’ai fait allusion à certains des programmes complémentaires et connexes. Ainsi, au lieu de proposer un guichet unique de programmes d’intervention, nous avons eu l’idée d’établir un cadre d’une vaste portée qui permet de relier et d’orienter les efforts en vue d’une initiative future. C’est d’ailleurs ce que révèlent les récentes annonces faites dans le budget. Il y a des sujets précis qui s’inscrivent dans un cadre plus large.

Je ne sais pas si Mme St-Aubin souhaite parler de certaines des mesures prévues dans le budget de 2021. La ministre, dans sa déclaration préliminaire, a évoqué des exemples précis. Vous pourriez peut-être en parler un peu. Je pense qu’ils correspondent à ce dont il est question ici.

Mme St-Aubin : Je vous remercie.

C’est exact, le budget prévoit un montant de 50 millions de dollars destiné à Santé Canada expressément pour le stress traumatique lié à la COVID, sachant, bien entendu, que de nombreux fournisseurs de soins de santé font face à des préjudices moraux dans le contexte actuel. C’est le but précis. Comme le président l’a mentionné, le cadre comprend de multiples investissements, dont certains sont destinés à Anciens Combattants Canada également. Sécurité publique, qui est aussi un de nos proches partenaires, a reçu des fonds supplémentaires.

Pour ce qui est de l’agence, et de façon plus générale, des populations vulnérables touchées par la COVID et qui ne font pas nécessairement partie des travailleurs de première ligne, nous allons recevoir, selon ce qui a été annoncé dans le budget, un montant de 100 millions de dollars sur trois ans pour vraiment miser sur des programmes novateurs et basés en grande partie sur les données recueillies et la surveillance effectuée par nos collègues des Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC, dans le cadre de leurs recherches. Encore une fois, il y a le montant de 45 millions de dollars, destiné à Santé Canada et aux IRSC, pour élaborer des normes en santé mentale qui, je le répète, sont cruciales pour faire en sorte que les interventions soient adéquates, les mieux adaptées possible et efficaces. Ces normes sont un élément déterminant concernant notre façon d’évaluer et de mesurer.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie.

La sénatrice Bovey : Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. Je vous suis très reconnaissante, comme nous tous, d’être avec nous aujourd’hui pour discuter de ce sujet très important et exacerbé par la pandémie.

Madame la ministre, j’ai été très heureuse de lire le rapport concernant les soutiens offerts dans le budget à cet égard, et je remercie toutes les personnes concernées. J’aimerais en savoir plus en particulier au sujet du montant de 45 millions de dollars sur deux ans pour élaborer des normes de service nationales en matière de santé mentale. Ma question porte sur le cadre et trois des quatre points de la vision qu’il contient, en particulier le deuxième, soit la promotion de l’établissement de lignes directrices et le partage de pratiques exemplaires concernant le diagnostic, le traitement et la gestion du stress post-traumatique, puis on parle ensuite d’éducation. J’aimerais savoir où nous en sommes dans l’élaboration des normes nationales concernant le stress post-traumatique et comment évoluent les relations de travail entre les partenaires pour élaborer ces normes.

Mme Hajdu : Premièrement, élaborer des normes avec les provinces et les territoires, c’est comme tout autre travail de collaboration provinciale-territoriale. C’est parfois difficile, parce que les systèmes sont complexes et que les priorités varient d’un bout à l’autre du pays.

La COVID a, bien entendu, bouleversé ce travail. Je peux vous dire très honnêtement que les ministres de la Santé se concentrent presque exclusivement, à notre table politique, sur la crise de la COVID. Nous avons eu l’occasion de parler un peu des soins de longue durée et un peu du renouvellement du financement en santé, comme vous en avez sans doute entendu parler, mais nous n’avons pas eu beaucoup le temps, pour être très honnête, de discuter des autres enjeux. Cela ne veut pas dire qu’il n’en est pas question aux tables de travail, qui arrivent souvent mieux à concilier de multiples priorités.

C’est une priorité pour moi, personnellement. Comme j’ai travaillé dans le domaine pendant relativement longtemps et que j’ai une connaissance approfondie des répercussions importantes et à long terme des traumatismes dans la vie des gens — et en fait, pas seulement dans leur vie, mais dans celle des générations qui les suivent —, je sais que l’équité est un aspect important des normes. C’est une priorité pour moi, et j’espère que nous pourrons commencer à en discuter au niveau politique dans un contexte plus large que celui de la COVID. Quand on est en train d’éteindre un feu de grange, il est difficile, bien entendu, de parler des autres feux de grange.

Je vais demander à M. Stewart de vous parler de ce qui se passe à la table des sous-ministres.

M. Stewart : Je vous remercie, madame la ministre.

La ministre a tout à fait raison. La pandémie de la COVID-19 a monopolisé l’attention de la ministre Hajdu et de ses collègues provinciaux et territoriaux, mais au sein des tables de travail, il se passe beaucoup de choses. En fait, certaines activités de lutte contre la pandémie s’inscrivent bien dans le cadre, et nous espérons voir les synergies de ce travail le faire progresser. C’est vrai pour ce qui est des données et du suivi. La ministre Hajdu a mentionné deux enquêtes qui sont en cours. L’analyse des données a débuté et nous permet déjà de commencer à mieux comprendre les répercussions des traumatismes à l’heure actuelle.

Au sujet des lignes directrices et des pratiques exemplaires, il se passe beaucoup de choses du côté du consortium de recherche national concernant les blessures de stress post-traumatique dont souffre le personnel de la sécurité publique, que l’organisme de mon collègue, le Dr Strong, finance et dirige. Il y a beaucoup d’autres exemples, pour être honnête. Nous élaborons des pratiques exemplaires basées sur des données probantes pour le traitement du stress post-traumatique chez les anciens combattants que nous diffusons d’un océan à l’autre. Nous avons un autre projet concernant la GRC. Ce sont là quelques exemples concernant les lignes directrices et les pratiques exemplaires.

Au sujet du matériel didactique, notre personnel travaille dans ce dossier avec nos partenaires. Il travaille à l’élaboration d’une application mobile pair à pair à l’échelle nationale, un projet piloté par l’organisme de recherche de la Défense nationale. Il ne faut pas oublier aussi bien sûr des éléments comme le site Web Espace mieux-être Canada, une initiative très importante et qui constitue une ressource pour le volet éducatif du cadre.

Je vais m’arrêter ici parce que je vous bombarde d’information, mais ce sont là quelques exemples des efforts que nous déployons, même dans le contexte de la COVID et de ses répercussions sur notre travail, pour réaliser des progrès dans la mise en place du cadre afin de renforcer la collaboration. Comme la ministre Hajdu l’a mentionné, la COVID nous a fortement ébranlés, mais nous nous efforçons de poursuivre le travail dans ce contexte.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie.

Le sénateur R. Black : Je vous remercie, madame la ministre, d’être avec nous aujourd’hui.

Un des thèmes importants soulignés dans le cadre fédéral était celui de la disparité dans l’accès aux soins et aux ressources, en particulier dans les communautés rurales, éloignées et nordiques. Pouvez-vous faire le point avec le comité sur les mesures prises par le gouvernement pour remédier à ces inégalités?

Pourriez-vous aussi nous dire rapidement où en est le programme pilote de thérapie cognitivo-comportementale basé sur Internet, qui est pertinent en raison de tous les enjeux entourant Internet actuellement depuis que nous l’utilisons tous pour travailler, vivre et se divertir à la maison?

Je vous remercie.

Mme Hajdu : C’est une excellente question. Comme je représente une circonscription semi-rurale, je dirai que les inégalités dans l’accès aux soins avant la COVID étaient très marquées, non pas seulement du point de vue de l’absence de services, mais aussi de l’absence de confiance et de confidentialité. Je ne sais pas si vous venez d’une petite ville, sénateur, mais quand tout le monde connaît tout le monde, ce n’est pas facile de consulter un psychothérapeute.

Le sénateur R. Black : Vous avez tout à fait raison.

Mme Hajdu : En fait, ayant travaillé dans le domaine de la toxicomanie pendant de nombreuses années en santé publique, ayant des enfants qui ont passé par différentes étapes de leur vie, ayant vécu mes propres traumatismes et étant devenue plus connue dans ma communauté, même comme professionnel en fonction, il est devenu plus difficile d’avoir accès à des services. C’est la réalité.

Il y a beaucoup de circonstances qui posent problème, et c’est pourquoi je trouve Espace mieux-être si emballant. Je peux vous dire, sur une note personnelle, que même pour des gens ayant des avantages sociaux, il est en quelque sorte plus simple de se rendre sur le portail pour joindre un professionnel qui se trouve dans une autre ville, qui ne vous connaît pas et que vous ne connaissez pas. J’ai entendu des réponses anecdotiques voulant qu’il soit rassurant de savoir que cette solution existe. Même sans besoin financier, le besoin de confidentialité est là. Espace mieux-être nous a appris beaucoup de choses à certains égards.

Vous avez raison de dire qu’il y a encore des problèmes du côté de la connectivité Internet, et c’est pourquoi les gens peuvent utiliser le téléphone ou d’autres moyens. Le premier point de contact est le portail Web, c’est vrai, mais il y a d’autres façons pour les gens de continuer à obtenir du soutien sans utiliser Internet, pour tenir compte de ces barrières.

Cela a été toute une révélation pour moi d’apprendre à quel point, avant la COVID-19, nous tenions aux supports non numériques — aux consultations en personne qui, pour certains, sont irremplaçables. Pour d’autres, il est libérateur de savoir qu’ils peuvent demander de l’aide d’une façon non menaçante et sans que personne sache qu’ils ont cherché de l’aide pour leur problème de toxicomanie ou qu’ils veulent en parler à quelqu’un.

Je vais demander à mes collaborateurs de vous parler plus précisément des mesures.

M. Stewart : Je vous remercie beaucoup, madame la ministre.

Au sujet du projet de thérapie cognitive sur Internet, sénateur, je dois vous avouer qu’étant nouveau dans mon poste, je n’en sais pas autant que je devrais à ce sujet, alors je vais m’en remettre à ma collègue Mme St-Aubin qui peut en savoir plus long sur ce projet.

Mme St-Aubin : Je vous remercie, monsieur le président.

Nous avons eu des discussions sur les premiers résultats avec la Sécurité publique qui est responsable du projet. Je n’ai malheureusement pas de renseignements précis, mais je serais heureuse de vous les fournir par écrit pour bien vous répondre.

Dr Michael Strong, président, Instituts de recherche en santé du Canada : Je peux sans doute vous donner un peu d’information du point de vue des recherches. Depuis avril 2020, dans le cadre de la pandémie, nous avons financé des recherches pour vérifier si les activités de sensibilisation et le counseling à distance pour divers services en santé mentale pouvaient être efficaces. La bonne nouvelle est que les données montrent que c’est efficace. Comme la ministre l’a mentionné, cela peut remplacer, en fait, les soins dispensés en personne dans certains cas. Les données indiquent même que c’est une façon très efficace de travailler.

Le sénateur R. Black : Je vous remercie, madame la ministre, et je remercie vos collaborateurs.

La sénatrice Omidvar : Madame la ministre, je vous remercie, vous et vos collaborateurs, d’être avec nous en cette période difficile.

Madame la ministre, dans votre exposé et les commentaires, vos collaborateurs et vous avez mentionné que les données et le suivi seront au cœur même de la réalisation des promesses du cadre. Vous nous avez fourni des données de base sur l’âge et le genre. Puis-je présumer — ou non — que les données que vous recueillez et allez continuer d’utiliser et d’analyser pour offrir des services opportuns examineront aussi le stress post-traumatique du point de vue de la race et de l’intersectionnalité?

Mme Hajdu : Je vous remercie de poser la question, sénatrice.

Oui, l’intention est d’avoir des données aussi détaillées que possible parce que nous savons, bien entendu, que les traumatismes sont vécus différemment par différents groupes de gens, et que les résultats sont aussi différents. Je vais m’en remettre à mes collaborateurs pour vous expliquer ce qui est prévu, mais la bonne nouvelle est que lorsque nous recueillons nous-mêmes des données, nous pouvons prévoir la manière de les recueillir. Là où la situation se complique, comme nous l’avons appris pendant la pandémie, c’est lorsque nous sollicitons nos partenaires provinciaux et territoriaux. Il est très difficile de coordonner les données avec eux au niveau de détails que vous suggérez. Je vais céder la parole à mes collaborateurs.

M. Stewart : Je vous remercie, madame la ministre.

Tout d’abord, nous avons diverses lacunes dans les données, comme vous pouvez l’imaginer, en commençant par le fait de savoir quelles situations traumatisantes sont le plus souvent associées au stress post-traumatique — des lacunes vraiment fondamentales — et le lien qui existe entre le diagnostic et le dépistage des symptômes présents. Nous avons des lacunes dans les données pour simplement comprendre les mécanismes. Les enquêtes dont la ministre Hajdu a parlé dans sa déclaration liminaire sont pour nous une façon de tenter de faire la lumière sur ces sujets — l’enquête sur les événements stressants et la santé mentale, par exemple. Dans ces enquêtes, nous tentons d’obtenir de l’information sur des questions pour lesquelles il nous manque des données — les diagnostics de base — et les détails entourant les événements associés aux symptômes de stress post-traumatique.

Sénatrice, c’est une façon d’explorer plus en détail non seulement les groupes professionnels — pour revenir à votre question sur ce sujet —, mais aussi les diverses populations et les répercussions sociales du stress post-traumatique et les soutiens sociaux. Je pense que nous pouvons examiner ces questions et nous assurer, dans le cadre de nos travaux, de faire la lumière sur ce dont vous parlez. En général, nous avons simplement besoin de rassembler beaucoup de données et de nous concentrer sur ces sujets. C’est un domaine où les données sont incomplètes. Ces nouvelles enquêtes vont vraiment nous aider.

Mme St-Aubin pourrait vouloir ajouter quelque chose ici.

Mme St-Aubin : Je vous remercie.

Vous avez raison. Nous avons toujours une perspective globale, parce que nous nous concentrons sur les plus vulnérables, qu’ils soient des travailleurs de première ligne ou non. L’ensemble de données initial que nous avons obtenu de l’enquête a révélé que 62 % des Canadiens éprouvent des symptômes, sous une forme ou une autre, de stress post-traumatique lié à la COVID. Cela montre, en conséquence, que nous devons examiner cela plus en détail. Grâce à la deuxième collecte dont les résultats sortiront à l’automne, nous allons creuser pour nous assurer d’englober la race, tous les groupes ethniques et les lieux géographiques également, car nous savons qu’il y aura aussi des répercussions sociales et économiques. Il y aura un ensemble très vaste de critères. Nous travaillons encore une fois avec les provinces et les territoires pour nous assurer d’avoir accès à leurs données.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie. J’ai assurément hâte de voir ces données.

Madame la ministre, j’ai remarqué que les groupes professionnels visés par le cadre comprennent les premiers répondants, les pompiers, le personnel militaire, et cetera. Je pense à un autre groupe susceptible de souffrir du stress post-traumatique, et ce sont nos travailleurs humanitaires et ceux qui œuvrent au développement international et qui travaillent à l’étranger, souvent en temps de catastrophe ou de guerre. D’après ma lecture, ils ne sont pas inclus dans le cadre. Je vous demanderais de répondre brièvement par un oui ou un non. Vous voudrez peut-être les inclure.

Mme Hajdu : Je ne suis pas certaine qu’ils soient inclus, alors c’est une excellente question. Je suis ouverte à l’idée d’inclure d’autres groupes professionnels qui vivent des traumatismes parce que personnellement, en tant que ministre, je pense que nous définissons de manière trop étroite parfois quels sont les professionnels qui vivent des traumatismes. Je pense à d’autres professionnels pour qui ce n’est pas immédiatement apparent, comme ceux qui travaillent avec des enfants. Pensons aux enseignants, par exemple. Je ne sais pas si, comme moi, vous avez des amis enseignants. Une amie personnelle m’a raconté un fait très éloquent : « Je savais que certains de mes élèves vivaient dans des conditions épouvantables, mais je n’avais jamais vu leur salon avant de commencer à enseigner sur Zoom. » Elle pouvait voir la pauvreté et la négligence, en un sens, qu’elle n’avait pas pu voir simplement dans la classe. J’ai toujours ce genre de propos en tête. Je pense que c’est pour cette raison que des groupes ne feront pas nécessairement... On pourrait sans doute dire que les enseignants vivent du stress post-traumatique en raison de la nature même de leur travail, mais sans doute aussi pour des raisons qui ne sautent pas aux yeux. Je pense que c’est un point très important. Je vais toutefois m’en remettre à mes collaborateurs, car il se pourrait que je ne sache pas que ces professionnels sont inclus, et on me corrigera si je me trompe.

Mme St-Aubin : Oui, ils sont inclus, en fait. C’est la beauté du cadre, n’est-ce pas? Nous nous efforçons d’inclure tous les secteurs de la famille fédérale, donc les ministères qui soutiennent les travailleurs qui se rendent à l’étranger, bien sûr, auront une voix à la table. Je peux vous confirmer, en fait, qu’ils sont inclus.

La sénatrice Omidvar : Excellent. Je vous remercie.

La présidente : Je vous remercie de cette confirmation.

La sénatrice Moodie : Merci, madame la ministre Hajdu, de vous joindre à nous aujourd’hui, et merci aussi à votre équipe de collègues.

J’aimerais poursuivre cette série de questions en abordant le sujet des personnes que nous allons examiner dans ce cadre. Je pense ici aux réfugiés, et ma première question les concerne. Ce cadre prend-il réellement en compte cette population? Nous savons bien que les réfugiés ont d’importants problèmes de santé mentale en raison des nombreuses expériences traumatisantes qu’ils vivent lors de leur transition au Canada et qu’ils ont vécu dans leur ancienne vie.

La deuxième question que je voulais aborder concerne les enfants. Nous avons peut-être effleuré le sujet tout à l’heure lorsque nous avons parlé des enseignants, mais ce cadre sera-t-il vraiment axé sur les enfants? Serons-nous en mesure de comprendre, à partir des données recueillies, comment il faudra orienter les politiques afin de prendre des décisions concernant les enfants qui souffrent de stress toxique et de trouble de stress post-traumatique dans la petite enfance?

Mme Hajdu : Cette question laisse entendre que nous reconnaissons que de nombreux groupes de personnes subissent des traumatismes et qu’ils ne reçoivent pas de soutien, dans certains cas, assez tôt pour pouvoir s’en remettre un tant soit peu ou, à tout le moins, pour s’en remettre assez bien.

Tout d’abord, je dirais qu’il s’agit principalement d’une stratégie professionnelle, mais je pense qu’il y a une ouverture pour comprendre comment ces groupes de personnes se croisent. Je vais laisser Mme St-Aubin vous parler des populations que vous avez mentionnées, tout en gardant à l’esprit que nous ne pouvons pas tout faire pour tout le monde, sinon nous risquons de ne rien faire pour personne. En tant que ministre, je mettrais l’accent sur la façon dont nous évaluons les gens afin d’atteindre certains des objectifs fixés par l’intention initiale du cadre. Je vais me tourner vers ma collègue pour qu’elle réponde à votre question de façon un peu plus détaillée.

Mme St-Aubin : Merci, madame la ministre, et vous avez raison de dire que le cadre se concentre surtout ou principalement sur les professions susceptibles de souffrir de ces problèmes. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’investissements qui sont faits pour les populations vulnérables, ce qui comprend cet aspect de l’âge. Les 100 millions de dollars qui ont été annoncés dans le budget lundi comprennent des programmes qui ne font que cela : s’intéresser aux enfants et aux populations vulnérables, en particulier celles qui ont été touchées de multiples façons en raison de leur milieu, de leur emplacement et de leur situation, mais aussi en raison de la COVID. Il se peut que ces aspects ne soient pas saisis par un cadre parce que le cadre n’est rien d’autre que le renforcement de la collaboration de l’organisation pour atteindre certains de ces plateaux névralgiques, mais aussi parce que le budget qui a été annoncé a, malheureusement, bonifié le programme actuel. De plus, nous ne pouvons pas perdre de vue ces personnes, comme celles qui sont membres de jurys, ou ces situations difficiles. Bien sûr, la question des réfugiés a été soulevée lors de la conférence annuelle d’avril 2019, donc il y a une section qui traite précisément de cela, c’est-à-dire qui concerne ces conversations qui se sont produites là-bas, dans le cadre même.

La sénatrice Dasko : Merci, madame la ministre de votre présence, et merci également à votre équipe. C’est un plaisir de vous revoir. J’espère que vous allez tous bien.

Avant de poser ma question, permettez-moi simplement d’ajouter une observation au sujet d’une profession particulière. J’ai dit à un de mes amis que je lisais des documents sur le trouble de stress post-traumatique, et il m’a dit : assurez-vous d’inclure les conducteurs de dépanneuse dans votre liste. Je vais donc l’ajouter à votre liste. Il a dit que ces personnes ont vraiment de la difficulté et que leur profession les amène à vivre toutes sortes de situations horribles.

Bref, je vais passer à ma question principale. Je veux approfondir un peu les problèmes de mesure et de collecte des données. J’ai examiné certains des documents de l’Agence de la santé publique du Canada, et j’ai remarqué qu’un certain nombre de problèmes de recherche ont été soulevés. J’aimerais simplement savoir jusqu’où vous êtes allés en ce qui a trait à ces problèmes.

Un commentaire a été fait sur la mesure des symptômes par rapport au diagnostic du trouble de stress post-traumatique. C’est l’une des questions de recherche auxquelles vous vous intéressez.

Il y avait aussi la question des données couplées et des données administratives. Je me demande à quoi servent les données administratives. Je présume que leur raison d’être est de permettre un arrimage aux sources d’information provinciales. Pourquoi voudrait-on cela? S’agit-il d’être en mesure d’établir un lien avec les provinces quant aux options de traitement ou aux données sur l’incidence? Je ne suis pas tout à fait certaine de ce qu’il en est, alors j’aimerais que vous clarifiiez cela pour moi.

Le trouble de stress post-traumatique est-il mesuré sur une échelle, ou s’agit-il d’un diagnostic sur un problème de santé? Où se situe-t-il dans cette sorte de dynamique?

Par ailleurs, si je puis me permettre, quel est l’objectif du travail que vous effectuez sur les données? S’agit-il d’arriver à une définition quant à la manière de mesurer un trouble de stress post-traumatique? Est-ce que c’est ce que vous essayez de faire? Essayez-vous de trouver une façon de mesurer l’incidence? Est-il possible de faire un rapport sur l’incidence? Est-ce l’objectif, c’est-à-dire de trouver une mesure que vous pourrez adjoindre à divers mécanismes de collecte de données en cours de route, comme une façon de demander aux provinces de recueillir des données d’une certaine façon? Quel est l’objectif de la collecte de données et de la mesure des données?

De plus, où en êtes-vous dans la collecte et la mesure des données? Êtes-vous sur le point de sauter de joie parce que vous avez saisi ce que vous cherchiez à saisir, parce que vous avez trouvé une mesure adéquate, parce que vous avez trouvé la meilleure façon de procéder?

Je pense à la façon de mesurer les handicaps que Statistique Canada a mis tant d’années à mettre au point. J’ai fait partie du comité consultatif sur les conditions sociales de Statistique Canada pendant de très nombreuses années. Je me souviens qu’il y avait tellement de façons différentes de mesurer les handicaps. Il y a eu d’innombrables itérations, des années et des années à examiner les aspects problématiques des mesures et les façons de trouver les meilleures mesures. C’est à cela que je pense quand je regarde la situation qui nous occupe et je me demande s’il ne s’agit pas de même genre de dilemme.

C’est tout un tas de questions sur les données de recherche. Vous pouvez aussi me dire si vous vous intéressez également aux conducteurs de dépanneuses. Je ne dis pas cela pour rigoler. C’est une question sérieuse. Merci beaucoup.

Mme Hajdu : Sénatrice, je vais d’abord formuler des observations de portée générale, puis je laisserai le soin à mes collègues de vous parler plus en détail de l’objectif de la collecte de données et de la façon dont cette collecte étayera les prochaines étapes.

De manière générale, je dirai simplement que plus notre compréhension s’accroît — c’est-à-dire, plus les données sont efficaces et détaillées —, mieux nous sommes en mesure de concevoir des interventions ou de soutenir les interventions qui sont conçues dans une optique communautaire. Je suis une grande partisane des interventions à l’échelle communautaire, je dois le dire. Bien entendu, l’objectif principal est de mieux comprendre la situation.

Pour ce qui est de l’expérience traumatisante des conducteurs de dépanneuses, je pense que les gens peuvent subir un traumatisme dans le cadre de nombreuses fonctions qu’ils exercent les uns envers les autres. Ce sont des choses qui peuvent arriver quand nous interagissons avec d’autres. Dans le cas d’un conducteur de dépanneuse qui se retrouve parfois dans des situations terribles et qui tente de prêter main-forte au beau milieu d’une crise, il va se soi que le risque de subir un traumatisme est bien réel. Je pense que nous devons avoir un cadre différent et une manière différente d’en parler. Il faut trouver une façon de faire en sorte qu’il soit acceptable de parler des traumatismes et d’éviter de traumatiser de nouveau les personnes que nous aimons. Si je me réfère à mon expérience au refuge, j’ai passé les trois premiers mois dans un état de choc en voyant l’horreur de la vie des gens. J’ai également passé ces trois premiers mois à traumatiser involontairement toute ma famille, car j’ai essayé d’assimiler ce que je ressentais en en parlant avec mon partenaire et mes enfants plus âgés.

Je dis cela parce que nous sous-estimons parfois l’ampleur des traumatismes que les gens subissent dans leur vie et le fait qu’ils n’ont pas de façons de composer avec ces traumatismes. Toutes les personnes qui subissent un traumatisme ne souffriront pas forcément d’un trouble de stress post-traumatique, mais c’est là tout l’intérêt des données : essayer d’établir quelles interventions sont nécessaires à chaque point d’intersection entre ce que les gens vivent et les traumatismes qu’ils subissent. Comment pouvons-nous nous remettre sur pied plus rapidement? Encore une fois, je ne veux pas insister sur le programme Espace mieux-être, mais nous avons parfois besoin d’un coup de pouce, de quelqu’un à qui l’on pourra dire « je viens de vivre quelque chose de terrible et j’ai besoin d’en parler » ou « j’ai besoin de savoir quoi faire avec tous ces sentiments ou comment les gérer », ou encore « est-ce normal de me sentir comme je me sens? ». Voilà les discussions que nous devons avoir au Canada, et nous avons pour ce faire besoin d’outils plus efficaces et de plus grande portée.

En ce qui concerne vos questions particulières sur les données, je vais me tourner vers mes collègues, en commençant peut-être par le Dr Strong, qui pilote une grande partie de la recherche.

Dr Strong : Merci beaucoup, madame la ministre, et merci, sénatrice, pour votre question.

En ce qui concerne l’ampleur du travail qui est fait, la ministre a tout à fait raison. Votre question initiale va vraiment au cœur du problème : s’agit-il d’un seul syndrome? S’agit-il d’un seul syndrome, d’une seule maladie? S’agit-il d’un syndrome de par sa nature et de quelque chose de plus vaste? Une grande partie de l’investissement initial dans la recherche — un peu moins de 14 millions de dollars au cours des dernières années — a été consacrée précisément à la clarification de l’ampleur du diagnostic. Cela nous aidera, à mesure que nous progresserons, à fournir des conseils pour l’élaboration de politiques en matière de santé, d’interventions et de pratiques exemplaires dans la communauté. Tout cela est en préparation. Aussi, la démarche a été modifiée en profondeur en réponse à la pandémie, parce que maintenant, encore une fois, nous voilà en face d’un autre déclencheur, d’une autre façon pour le stress post-traumatique de s’insinuer.

Pour en revenir à une question qui a été posée tout à l’heure, nous avons également investi de façon particulière dans l’étude des populations pédiatriques afin de comprendre les répercussions sur ces dernières, car les outils de diagnostic ou les définitions utilisés pour étudier la réponse au stress chez les enfants ne sont pas les mêmes que pour d’autres tranches d’âge.

Tout cela est examiné très attentivement et fait l’objet d’un investissement soutenu, l’objectif étant de clarifier la composante diagnostique de base afin de préciser nos recommandations sur les pratiques exemplaires. Je vous remercie.

Le sénateur Kutcher : Merci, madame la ministre et merci à tous ceux qui sont présents aujourd’hui.

Nous sommes très heureux que le Canada ait un cadre pour le trouble de stress post-traumatique. Nous comprenons que ce cadre n’en est qu’à ses débuts et qu’il est assorti d’un examen quinquennal. Nous espérons que le temps que nous passons ensemble pourra avoir une incidence sur son utilité.

J’ai une question en deux parties, nommément les lignes directrices et l’éducation. Pour commencer, nous savons que les lignes directrices en matière de traitement sont du ressort des professions, et que les organismes de sécurité publique peuvent ne pas être à l’aise avec l’élaboration de lignes directrices opérationnelles. Nous savons également que les lignes directrices nécessitent des programmes de formation accrédités pour être appliquées et adoptées de manière efficace. La question est donc de savoir qui élaborera ces lignes directrices et si elles s’accompagneront de programmes de formation agréés pour une efficacité optimale.

Pour la deuxième partie de ma question, je dirai d’entrée de jeu que l’éducation est très prisée pour améliorer la sensibilisation, mais que nous savons qu’elle a un impact limité. L’une des choses qu’elle peut faire est d’augmenter la demande en matière de traitement. Or, comme les services sont déjà passablement sollicités, cela pourrait devenir un problème. Avec le bon travail qui se fait du côté du matériel éducatif, comment le gouvernement va-t-il réussir à arrimer l’amélioration de l’accès au traitement pour les groupes qui relèvent de lui — les forces armées, les anciens combattants, la GRC, les peuples autochtones — à l’amélioration de la sensibilisation?

Mme Hajdu : Merci, sénateur.

Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier personnellement pour l’aide que vous nous avez apportée concernant certains des outils qui ont été mis à la disposition des Canadiens. Je vous en suis reconnaissante.

En ce qui a trait aux lignes directrices, je devrai m’en remettre à mes collègues, mais pour ce qui est de votre question sur la sensibilisation et l’accès, je dirai que c’est un peu comme la vieille question de l’œuf et de la poule, et que je l’ai entendue à maintes reprises dans ma carrière professionnelle. Si nous sensibilisons les gens, cela va-t-il faire exploser les besoins? Je dirais qu’il y a là une occasion à saisir, car nous en sommes aux premiers stades du plan, c’est-à-dire là où nous avons la possibilité de sensibiliser les gens et de leur faire prendre conscience des signes avant-coureurs avant qu’ils n’aient besoin d’un traitement lourd.

Je pense que jusqu’à ma mort, je resterai résolument du côté de la prévention. Vous ne pouvez pas empêcher toutes les blessures traumatiques et vous ne pouvez pas empêcher les gens de tomber vraiment malades à cause de tout un tas de choses, mais vous pouvez aider les gens à reconnaître rapidement les symptômes avant-coureurs. Vous pouvez aider les gens à mieux gérer un travail très difficile en utilisant des outils qui ne sont peut-être pas aussi énergiques au début. Il existe de nombreuses façons d’aider les gens à gérer la douleur que l’observation de la souffrance peut provoquer, parce qu’en fin de compte, c’est de cela qu’il s’agit. La majorité des troubles de stress post-traumatique, je le crois sincèrement, sont liés à l’expérience du traumatisme indirect. Je remarque que nous n’avons pas entendu cette expression — peut-être est-elle démodée, je ne le sais pas. Il reste que je suis persuadée qu’il s’agit d’un phénomène réel, et que tant que quelqu’un ne l’identifie pas chez vous, vous aurez l’impression d’avoir quelque chose de brisé à l’intérieur.

La première fois que j’ai fait l’expérience d’un traumatisme indirect, c’était dans le milieu de la santé publique, alors que je travaillais avec des enfants autochtones dans le cadre d’un projet d’essai photo-voix. Regarder leurs photos était extrêmement pénible. Je ne réalisais pas ce qui m’arrivait. Je me souviens d’avoir atterri un jour dans le bureau de mon directeur, secouée de sanglots hystériques. J’étais d’ordinaire une employée fonctionnelle, alors c’était vraiment un comportement nouveau pour moi. C’est en fait une infirmière de la santé publique qui m’a dit : « Vous savez, vous subissez un traumatisme indirect. » À l’époque, croyez-le ou non, on ne parlait pas de cette sorte de traumatisme dans notre agence de santé publique. Il y avait quelques petits projets qui percolaient dans le réseau de santé publique de l’Ontario, mais il n’y avait rien de global. Cela a peut-être changé maintenant. Heureusement, j’avais une collègue qui a pu m’aider à mettre le doigt sur ce que je vivais. Et si on ne m’avait jamais dit de quoi il s’agissait? Et si j’avais continué à porter cette douleur sans comprendre qu’il existait des outils et des recours pour m’aider à gérer ce que j’avais ressenti à regarder la douleur des autres avec une telle intensité?

C’est pourquoi je pense que la sensibilisation n’est pas nécessairement une mauvaise chose, même en l’absence de soutien. Nous devons nous efforcer d’offrir un large éventail de recours aux personnes afin de pouvoir parler avec elles de ces traumatismes. Nous pouvons parler des traumatismes indirects. Nous pouvons être ouverts à ce sujet. Nous pouvons travailler dans les secteurs à prédominance masculine où les gens ont de la difficulté à parler de leur souffrance et encourager ces gens à aller chercher de l’aide avant qu’une intervention clinique ne soit nécessaire.

J’espère que ce n’est pas trop d’informations, mais je crois que c’est pertinent, car je pense que nous avons la possibilité d’en faire beaucoup plus en matière de prévention, ce qui nous permettra de concentrer les traitements intensifs sur les personnes qui ont subi un lourd préjudice psychologique et sur celles qui en ont besoin.

Je vais me tourner vers mes collègues pour qu’ils vous parlent plus en détail des lignes directrices.

M. Stewart : Docteur Strong, à deux reprises, vous avez financé et encouragé la création d’un centre névralgique, l’Institut canadien de recherche et de traitement en sécurité publique, comme plaque tournante de l’information. J’ai parlé tout à l’heure du Consortium national de recherche sur les blessures de stress post-traumatique. Ce sont là deux entités auprès desquelles les Instituts de recherche en santé du Canada jouent un rôle important. Je me demande si les IRSC peuvent répondre à la question du sénateur sur la façon dont nous mobilisons notre recherche et notre information pour les lignes directrices et le matériel éducatif.

Dr Strong : Merci pour cette mention et pour cette question.

J’ajouterais à cela l’Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances ainsi que certains des programmes de soutien qui s’adressent plus particulièrement aux adolescents qui ont des problèmes de santé mentale et qui cherchent à améliorer l’accès à un plus grand nombre de mesures de soutien au sein des collectivités, pour les nombreuses raisons que la ministre a déjà évoquées.

Mais pour répondre directement à votre question, en effet, nous avons utilisé les données qui ont été dérivées de plusieurs de ces programmes pour créer des lignes directrices. Un très bon exemple serait la série de lignes directrices qui ont été publiées très rapidement l’été dernier à l’intention des praticiens directement en réponse au stress mental et aux troubles particuliers qui ont été mis en évidence par la COVID. Ces directives n’ont pas été soumises à un mécanisme visant à garantir qu’elles sont intégrées à des programmes ouvrant la porte à une accréditation, c’est-à-dire en tant que partie intégrante du programme d’études ou même de la formation continue. Elles ont plutôt été transmises directement aux praticiens et à ceux qui dispensent les soins en tant que pratiques exemplaires en matière de soins virtuels.

M. Stewart a donc raison et son intervention complète la réponse du ministre. De nombreuses données sont utilisées pour des outils éducatifs et intégrés à eux, et ces outils se retrouvent directement dans les mains des praticiens. En fin de compte, l’objectif d’intégrer ces données dans un système d’accréditation afin qu’elles soient bien comprises dans nos systèmes d’éducation est une autre paire de manches, et cela devra se faire ultérieurement.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : J’ai deux questions, mais je crois qu’on a répondu à l’une d’elles. Ma question concernait le traumatisme indirect. Vous entendre en parler me réconforte. Merci d’avoir partagé votre expérience personnelle.

À titre d’avocate, il m’est arrivé d’agir dans des causes d’abus sexuels très graves. Ce sont des faits qui ne devraient pas hanter l’esprit de qui que ce soit, car ils ont un effet traumatique réel. C’est entre autres le cas chez les avocats. Bien qu’on ne les porte souvent pas dans notre estime, les avocats souffrent de ces traumatismes indirects. Je suis heureuse de savoir que cet aspect est sur votre radar et que vous comptez en tenir compte dans les mesures que vous envisagez.

Vous avez traité aussi de la question de la prévention. Mon commentaire fait suite à la question de mon collègue le sénateur Kutcher sur la sensibilisation que vous comptez faire auprès du gouvernement fédéral. La sensibilisation est très importante. L’accès à l’information par le public en général aura un impact direct sur la demande de services.

Je m’interroge toujours sur le thème de la prévention. Si on agit en amont, dès l’apparition de symptômes résultant d’une exposition au traumatisme qui pourrait mener à un état de stress post-traumatique, je me demande si à long terme, cela constituerait un investissement. Reconnaître cet état, bien que cela puisse augmenter la demande et mettre de la pression sur un système déjà très sollicité, permettrait d’éliminer la demande de services à plus long terme, à mesure que la condition évolue vers un stade beaucoup plus avancé.

Je cherchais les références auxquelles vous faisiez allusion quant aux mesures que vous envisagez en matière de prévention qui, comme nous le savons, est une forme d’investissement à long terme.

[Traduction]

Mme Hajdu : Je pense qu’il y a un cadre pour gérer le trouble de stress post-traumatique, et qu’il y a ensuite le travail que nous devons faire tous ensemble pour rendre les lieux de travail plus sécuritaires, avec ce cadre de prévention en vitrine. Nous avons besoin du cadre de gestion du trouble de stress post-traumatique, mais nous devons aussi être plus audacieux en poussant tous nos organismes à se concentrer sur le bien-être mental. C’est pour cette raison que je suis si enthousiaste à propos d’Espace mieux-être. Il y a le traitement, mais il y a aussi la prévention. Il y a un outil d’auto-évaluation. Il y a des outils en ligne qui montrent aux gens comment se recentrer et se rééquilibrer, et comment gérer les sentiments de détresse. Je pense que nous avons besoin d’élargir cela à une plus vaste gamme de milieux de travail, dont les lieux de travail fédéraux. Il s’agit évidemment d’un cadre pour la famille fédérale, mais nous devrions encourager nos homologues provinciaux à faire de même.

Par exemple, les services médicaux d’urgence de ma région et les premiers intervenants ont un nouvel outil texto qu’ils utilisent depuis plusieurs années et qui mise sur le recours à des mentors spontanés parmi les pairs. Si quelqu’un se rend sur les lieux d’un appel et qu’il n’a pas nécessairement besoin d’une aide soutenue, mais qu’il veut toutefois dire à un pair qui comprend son travail que l’appel en question a été éprouvant, il peut envoyer un texto et choisir à qui il aimerait parler parmi une liste de personnes disponibles. Ensuite, il reçoit un appel dans les deux heures qui suivent — je ne me souviens pas précisément du nombre d’heures — et il peut s’épancher auprès de ce pair et lui raconter à quel point les circonstances de son intervention lui ont été pénibles.

Il s’agit d’essayer de réduire les blessures au travail. Nous devons reconnaître que la douleur fait partie de bon nombre de professions. En reconnaissant cela, nous pourrions en fait élaborer des stratégies pour déstigmatiser le fait de recourir à des soins rapidement lorsque nous subissons ce genre de traumatismes.

Pour répondre à votre question, il est évident que les avocats vivent des traumatismes. Ils représentent des personnes brisées, des personnes effrayées, des personnes en colère, des personnes en situation de divorce; le droit de la famille doit être particulièrement éprouvant. Je ne peux pas m’imaginer ce que renferme le droit de la famille. Il y a un certain sentiment d’impuissance associé à cela, parce que vous travaillez dans un système défini.

Je pense que nous pourrions faire beaucoup plus dans le domaine de la prévention. J’apprécie vraiment le fait que vous nous ayez confié que vos expériences passées ont été pénibles pour vous aussi. Je vous remercie.

La présidente : Madame la ministre, je vous remercie beaucoup de votre présence. Voilà toutes les questions que nous avions. Je tiens à vous remercier, vous et toute votre équipe, d’avoir pris le temps de répondre à ces questions pour nous aujourd’hui.

Voilà qui met fin à la première partie de notre réunion virtuelle d’aujourd’hui. À ce propos, j’aimerais demander à mes collègues du comité s’ils ont des objections à ce que le reste de la réunion se déroule à huis clos. Comme je ne vois pas d’objection, nous allons maintenant passer à huis clos. Encore une fois, merci beaucoup à vous, madame la ministre, et à tout le monde d’avoir été là.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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