LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 25 octobre 2023
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui à 18 h 45 (HE) avec vidéoconférence, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones.
Le sénateur Brian Francis [président] occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, j’aimerais commencer par reconnaître que le terrain sur lequel nous nous réunissons fait partie du territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine Anishinaabe et abrite aujourd’hui de nombreuses populations des Premières Nations, métisses et inuites de toute l’île de la Tortue.
Honorables sénateurs, chers témoins et pour les autres personnes qui nous suivent aujourd’hui, j’ai le grand regret de vous annoncer le décès plus tôt aujourd’hui de l’honorable sénateur Ian Shugart. Nous aurons l’occasion de lui rendre hommage ultérieurement, mais pour l’instant, au nom de tous les sénateurs et des autres personnes associées à cette réunion, j’adresse mes plus sincères condoléances à son épouse Linda, à son fils James, à ses filles Robin et Heather et à toute leur famille.
Je demande un moment de silence.
Les participants rendent un hommage silencieux.
Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis d’Epekwitk, également connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je préside au Comité des peuples autochtones.
Avant de débuter, je demanderais aux membres du comité de se présenter en indiquant leur nom et leur province ou territoire, en commençant par ma gauche.
Le sénateur Arnot : David Arnot, sénateur de la Saskatchewan. J’habite le territoire du Traité no 6.
La sénatrice Hartling : Sénatrice Hartling, de Moncton au Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, Antigonish, Nouvelle-Écosse, Mi’kma’ki.
[Français]
La sénatrice Audette : Michèle Audette, division sénatoriale De Salaberry, au Québec.
[Traduction]
Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, Inuit, du Nunavut.
Le président : Aujourd’hui, nous poursuivons la série de séances d’information devant éclairer et orienter le reste de nos travaux.
Avant de poursuivre, je souligne que cette réunion porte sur les pensionnats indiens, un sujet potentiellement perturbant pour certaines personnes. Il est possible en tout temps d’obtenir une aide gratuite à la Ligne d’écoute téléphonique nationale sur la crise des pensionnats indiens au 1-866-925-4419 et à la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être, au 1-855-242-3310 ou à l’adresse www.hopeforwellness.ca.
Je mettrai maintenant en contexte les travaux d’aujourd’hui. En mars dernier, le Comité des peuples autochtones a entendu les témoignages de représentants du Centre national pour la vérité et la réconciliation, ou CNVR, et du Bureau de l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats indiens, concernant les travaux qu’ils mènent respectivement pour lever le voile sur la réalité du réseau des pensionnats et sur ses conséquences pénibles et durables, et pour rendre honneur à ses victimes. Sur la foi de ces témoignages, le Comité des peuples autochtones a publié le 19 juillet un rapport intérimaire intitulé Honorer les enfants qui ne sont jamais rentrés auprès des leurs : vérité, éducation et réconciliation.
Nous continuerons ce soir d’entendre des témoins sur cet important sujet.
J’aimerais maintenant présenter notre premier groupe de témoins. Du Bureau du commissaire aux traités de la Saskatchewan, Mme Mary Musqua-Culbertson, commissaire aux traités de la Saskatchewan; du Centre national pour la vérité et la réconciliation, M. Raymond Frogner, directeur des archives; et à titre personnel Mme Anne Panasuk, ex-conseillère spéciale au soutien des familles d’enfants autochtones disparus ou décédés au Québec, qui conseille actuellement l’association de familles Awacak. Wela’lin. Merci de votre présence aujourd’hui.
Les témoins feront un exposé préliminaire d’environ cinq minutes, puis répondront aux questions des sénateurs.
Je cède maintenant la parole à Mme Musqua-Culbertson, commissaire aux traités.
Mary Musqua-Culbertson, commissaire aux traités, Bureau du commissaire aux traités de la Saskatchewan : Meegwetch.
Je me nomme Mary Musqua-Culbertson, du territoire du Traité no 4, et je suis la commissaire aux traités du Bureau du commissaire aux traités de la Saskatchewan, situé sur le territoire du Traité no 6. Je viens du territoire non cédé ni concédé du Traité no 4, et j’appartiens à la nation Anishinaabe.
Meegwetch à cette honorable assemblée et à ses membres, je dis meegwetch pour me donner l’occasion de parler des documents relatifs aux pensionnats indiens et des obstacles rencontrés dans leur collecte par notre équipe.
Notre bibliothèque et nos archives ont officiellement été fondées en 2020, pour soutenir les activités de recherche des communautés des Premières Nations. Pour sauvegarder ce précieux fonds d’information, nous avons constitué un conseil des aînés, assisté de traducteurs. Pour la première fois, cette collection était cataloguée et mise à la disposition du public, dans un lieu spécialement aménagé pour l’abriter et la protéger.
Le processus de collecte a débuté en 1989 avec le premier commissaire, Cliff Wright. Par la suite, l’ex-commissaire David M. Arnot, aujourd’hui membre de cette chambre, a recueilli une abondante histoire orale.
La bibliothèque et les archives comprennent les dossiers des commissaires aux traités, ainsi que des documents historiques sur les traités conclus entre la Couronne et les nations autochtones. Ce sont les seules archives au Canada à porter exclusivement sur les traités entre la Couronne et les nations autochtones.
Dans les territoires où se situe aujourd’hui la Saskatchewan, il s’agit des traités nos 2, 4, 5, 6, 8 et 10. Nous possédons également d’importantes ressources sur le Traité no 3 et sur les autres traités numérotés de l’Ouest, ainsi que sur les traités antérieurs et postérieurs à la Confédération.
Dans les prochaines minutes, je parlerai des recherches archivistiques étayant l’histoire orale des Premières Nations et les fouilles archéologiques menées dans quatre pensionnats indiens de la Saskatchewan.
Les fonds d’archives traditionnels, comme ceux de Bibliothèque et Archives Canada, représentent souvent un obstacle intimidant pour les chercheurs autochtones qui souhaitent mener des recherches sur leurs propres communautés.
C’est encore pire pour les survivants des pensionnats indiens. Les règles et règlements d’archivage ont un effet déclencheur qui ne fait qu’exacerber le stress et la frustration. Il convient de noter que ce projet de recherche n’est pas couvert par le budget de base du bureau du commissaire aux traités. Actuellement, ces travaux sont financés par une subvention de collaboration entre le Bureau du commissaire aux traités et l’Université de la Saskatchewan. Notre chercheuse principale est Mme Wynona Wheeler, également membre d’une Première Nation.
Nos techniciens en numérisation et nos chercheurs sont tous des jeunes des Premières Nations, âgés de moins de 30 ans. Depuis quatre ans, nous avons formé et encadré plus d’une douzaine de jeunes individus des Premières Nations pour l’exécution de ce travail de recherche essentiel.
Ce projet vise à repérer et à recueillir les registres paroissiaux relatifs aux quatre pensionnats indiens du diocèse catholique de Prince Albert. Il servira à étayer les fouilles par géoradar et les études d’histoire orale communautaire actuellement menées au pensionnat indien de Thunderchild, à Delmas en Saskatchewan, au pensionnat indien de St. Anthony’s sur le territoire de la nation crie d’Onion Lake, au pensionnat indien de Beauval dans la réserve du lac La Plonge, et au pensionnat indien de St. Michael’s. Ce dernier site est maintenant occupé par la nation crie Beardy’s et Okemasis et la nation crie One Arrow.
Après avoir initialement centré nos recherches sur les pensionnats de St. Michael’s et de Beauval, nous avons rapidement constaté que les communautés auraient beaucoup de difficulté à rassembler les documents paroissiaux. Notre quête de documents a commencé peu après l’annonce de la découverte de 215 sépultures anonymes Kamloops dans la Première Nation Tk’emlúps te Secwépemc.
Le Bureau du commissaire aux traités a contribué à de nombreux projets de recherche, notamment sur les archives des pensionnats indiens, et il s’est heurté à de nombreux obstacles, notamment en ce qui a trait au Groupe d’archives 10 de documents relatifs aux affaires indiennes, également appelé RG10; aux listes de paiement des annuités découlant de traités; aux recherches généalogiques; et aux recherches sanitaires, y compris au sujet des sanatoriums pour tuberculeux. Dans bon nombre de ces recherches, nous nous sommes heurtés à des restrictions d’accès qui retardent énormément l’obtention des autorisations nécessaires. Je donnerai comme exemple les demandes d’accès à l’information et de renseignements personnels adressées à Bibliothèque et Archives Canada, ou encore les demandes de registres paroissiaux qui sont totalement bloquées par les autorités diocésaines. Les dossiers médicaux visés par la Health Information Protection Act font également l’objet de restrictions.
Des problèmes d’accès viennent contrarier les recherches archivistiques qui appuieraient les fouilles par géoradar, ou entraver l’obtention des listes de paiement des annuités découlant de traités qui pourraient permettre d’établir une corrélation entre deux enfants dans ces écoles. Les règles d’accès à l’information et de protection de la vie privée restreignent la divulgation des listes de paiement postérieures à 1908. Pour certaines demandes, nous attendons une réponse depuis plus de deux ans. Je suis la commissaire aux traités, et je ne peux pas obtenir les listes de paie associées aux traités.
Les signataires des premiers traités, les projets de recherche archivistique, les documents du Groupe d’archives 10, le code d’accès 32 d’Archives nationales du Canada.
Nous menons des recherches et des travaux importants qui sont éprouvants sur le plan émotionnel, étant donné que nous sommes majoritairement des membres de Premières Nations et que notre équipe de recherche est exclusivement composée d’individus des Premières Nations, à l’exception de notre directeur des archives, M. Sheldon Krasowski.
Souvent, je demande à nos jeunes chercheurs de me raconter comment ils sont reçus. Il a été pour eux traumatisant, mais aussi très révélateur, de se faire pour ainsi dire claquer la porte au nez et de constater par eux-mêmes les obstacles et les blocages mis dans leur chemin par le diocèse catholique de Prince Albert.
Pour ma part, cela n’a fait que renforcer le constat que j’avais déjà tiré dans mon travail d’avocate au processus d’évaluation indépendant, et comme individu ayant grandi dans une communauté abritant un pensionnat. J’ai joué sur ces terrains de jeu. Je suis la fille d’une personne ayant survécu aux pensionnats, et il est inimaginable de vouloir imposer ce fardeau à une grande partie de nos communautés. Ce fardeau repose sur les épaules des communautés. Sans l’aide et le soutien d’organisations comme le nôtre et des nombreux autres organismes et individus qui mènent ce travail partout au pays, j’estime que l’accès serait inexistant.
Détruire et retenir des documents entraîne une perte de vérité, de récits, de justice et d’occasions de réconciliation. Je joindrai à notre mémoire une chronologie complète de nos efforts. De juin 2021 jusqu’à aujourd’hui, vous y constaterez tous les obstacles auxquels nous nous sommes heurtés, en particulier pour les registres des écoles catholiques.
L’Interlocutrice spéciale indépendante, Kimberly Murray, nous a recommandé de signer un protocole d’entente avec le Centre national pour la vérité et la réconciliation afin de pouvoir accéder à ses registres d’église et pour lui donner accès à nos dossiers, sans obstacles.
En avril 2023, nous nous sommes rendus à Winnipeg. En mai, nous avons soumis notre projet de protocole d’entente. Nous avons reçu des commentaires en septembre. Nous espérons que le protocole d’entente sera en place avant le début de l’année prochaine.
Dans la chronologie que nous avons jointe, vous verrez tous les obstacles qui ont été érigés sur notre parcours. Il n’existe aucune approche régionale légitime et concertée en Saskatchewan. Une école fait une chose, un groupe fait autre chose. Tout le monde tente de s’appuyer et de se parler mutuellement, mais il n’y a pas d’approche régionale coordonnée.
Ce qui me trouble, c’est l’attitude envers les dossiers, la représentation dans les comités. Je crains l’attitude protectionniste de nombreux individus qui, pour des intérêts politiques ou à leurs propres fins, tenteront de mettre à l’abri les organisations religieuses, les gouvernements et les ministères, ou peut-être parce que, ayant été si profondément affectés par la colonisation, ils ne sont pas en mesure d’appréhender la situation dans son ensemble.
La réconciliation est un long périple. Elle progresse lentement, très lentement, mais nous sommes très découragés par le grand nombre d’obstacles rencontrés dans le dossier des sépultures d’enfants disparus. Quand on sert le public, comme la plupart d’entre nous le faisons, comme moi-même je le fais, cet état de choses vous amène à repenser tout votre rôle. Quels pouvoirs avez-vous? Lesquels n’avez-vous pas?
J’ai de nombreuses pages d’information. Nous vous remettrons un mémoire en bonne et due forme. Dans son rapport, l’Interlocutrice spéciale indépendante consacre également trois à cinq pages à notre travail et aux obstacles qui se dressent sur notre chemin. Nous appuyons le travail de l’Interlocutrice spéciale indépendante, nous souscrivons à toutes ses recommandations. Elle a énormément aidé de nombreuses écoles et bon nombre des projets entrepris dans notre région. Chaque fois que quelqu’un s’adresse à nous, notre premier geste est d’appeler l’Interlocutrice. Elle a en main l’information, ce qui met en lumière la nécessité de coordonner les approches et les ressources.
Alors je conclurai sur cela, mesdames et messieurs. Je répondrai maintenant à vos questions. Meegwetch.
Le président : Merci, madame Musqua-Culbertson.
Je donne maintenant la parole à M. Frogner.
Raymond Frogner, directeur des archives, Centre national pour la vérité et la réconciliation : [Le député s’exprime en langue autochtone.]
Je m’adresse à vous aujourd’hui depuis le territoire du Traité no 4 à Regina, où je travaille avec Cadmus Delorme, du Comité consultatif sur les documents relatifs aux pensionnats, pour recueillir davantage de documents du gouvernement fédéral.
Tout d’abord, je ferai remarquer que notre travail, aux archives du Centre national pour la vérité et la réconciliation, ou CNVR, est sans précédent à l’échelle internationale. Il n’existe pas de feuille de route pour ce que nous souhaitons accomplir, à savoir documenter complètement l’histoire et les retombées d’un des plus longs et plus exhaustifs projets d’ingénierie sociale de l’histoire du Canada.
Les ressources mémorielles contenues dans les archives du CNVR continueront à favoriser la guérison des communautés autochtones un peu partout au Canada; à offrir à la société colonisatrice un outil de savoir et d’éducation lui permettant de comprendre l’histoire des pensionnats indiens; à reconnaître les droits et l’autodétermination des peuples autochtones; et à rendre disponibles des ressources qui feront la promotion du concept de réconciliation aussi bien dans la société colonisatrice que dans les sociétés autochtones.
La réconciliation consiste à créer des relations qui perdurent. Dans cet esprit, ces archives représentent un bien public. Leur enrichissement, avec les constants conseils des communautés autochtones et le soutien continu des autorités colonisatrices, devrait être un projet couvrant des générations et qui servira d’assise à un nouveau Canada, un Canada réimaginé selon les principes de la dignité, du respect et des droits de la personne, où les peuples autochtones sont reconnus comme une composante fondamentale d’une nouvelle identité canadienne.
Il importe mettre en contexte les dossiers des pensionnats. Ces documents s’insèrent dans le processus d’érosion graduelle et délibérée du savoir et des visions du monde des autochtones, entrepris à l’époque coloniale : l’effritement progressif des liens sociaux cognitifs, de la mémoire commune, des identités culturelles et des lois naturelles normatives qui a résulté d’une affirmation écrasante de la souveraineté impériale et d’une intransigeante colonisation. Dans ce programme colonial, le réseau canadien de pensionnats a servi de solvant en désagrégeant les liens communautaires et familiaux et en effaçant les identités culturelles des enfants autochtones.
La Convention de règlement relative aux pensionnats indiens a donné naissance à la Commission pour la vérité et la réconciliation parce que les peuples autochtones l’exigeaient. À l’aube du XXe siècle, les institutions colonisatrices de droit, de politique et de gouvernance ont mis en place des programmes visant à assimiler entièrement les communautés autochtones aux sociétés colonisatrices. Au crépuscule du siècle, les sociétés autochtones étaient considérées comme des communautés uniques et détentrices de droits collectifs, vivant sous le régime de la constitution d’une entité coloniale. Le Canada a d’ailleurs inscrit cet état de choses dans l’article 35 de la Constitution rapatriée en 1982.
Dans les dernières décennies du XXe siècle, les populations autochtones ont cheminé, graduellement et par à-coups, vers une relation d’autodétermination vis-à-vis des autorités colonisatrices. En d’autres termes, on est passé d’une reconnaissance réticente de leurs droits à une véritable reconnaissance, intégration et gestion de leurs droits.
Comment doit-on percevoir le rôle du CNVR dans la promotion de l’autodétermination autochtone? Pendant très longtemps, les peuples autochtones ont été définis par les événements et par les instruments de droit et de gouvernance des autorités colonisatrices : le premier contact, la Proclamation royale, les traités, et les lois nationales comme la Loi sur les Indiens.
Nous, aux archives du CNVR, encourageons une redéfinition et un rééquilibrage de la compréhension cognitive de la relation qui existe entre la société colonisatrice et les sociétés autochtones, une compréhension qui reconnaît les modèles de savoir autochtones, qui permet de transcender la reconnaissance des droits collectifs autochtones pour cheminer vers un avenir de réconciliation mutuelle et respectueuse, une relation cognitive décolonisée qui comble le fossé colonial séparant ces deux types de sociétés et leurs modèles de connaissance, pour affirmer « Je vous vois, je vous entends et je commence à comprendre. »
Au départ, la Commission de vérité et de réconciliation a abordé selon une approche très légaliste la documentation sur le système des pensionnats. Basé sur les directives de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, le modèle de document d’archives de la CVR et ses modalités d’utilisation reposaient largement sur la législation relative à l’accès à l’information et à la protection de la vie privée. Une telle approche ne reconnaît pas les modèles de savoir holistique des communautés autochtones. Pour cette raison, les archives du CNVR contiennent aujourd’hui quelque quatre millions de documents qui portent principalement sur l’administration courante et le fonctionnement quotidien des pensionnats, comme le prévoyait la Loi sur les Indiens. Un des objectifs de votre comité sénatorial est de comprendre et de résoudre les problèmes d’accès aux documents du gouvernement fédéral qui ne sont pas actuellement dans les mains et sous le contrôle du CNVR, et dont sont par conséquent privés les peuples autochtones.
Je recommande qu’on délaisse cette optique strictement légaliste au profit d’une quête plus globale de l’expérience des pensionnats indiens. À cette fin, j’estime qu’il serait bon de documenter cette expérience sous l’angle d’au moins cinq champs d’intérêt actuellement inexplorés.
Premièrement, l’éducation. La Commission de vérité et de réconciliation s’est concentrée, à juste titre, sur l’expérience des enfants qui ont fréquenté les pensionnats indiens. Mais pour avoir une ressource permettant d’étudier l’expérience holistique des pensionnats, il importe de documenter l’administration des pensionnats et comment ils recrutaient leur personnel et élaboraient leurs programmes d’études. Par exemple, les profils des enseignants provenant d’ordres religieux et de la société laïque constitueraient une utile ressource documentaire.
Deuxièmement, la santé. Les maladies et les pandémies constituaient une cause bien connue de la mortalité dans les pensionnats. Les soins de santé relevaient principalement des provinces et, souvent, les dossiers des grandes cliniques et des soi-disant hôpitaux indiens sont dispersés dans les dépôts d’archives municipaux, provinciaux et universitaires. Cela dit, il devrait être possible d’appuyer un projet visant à dresser un guide complet des archives sur les soins de santé dans les pensionnats indiens.
Troisièmement, le protestantisme évangélique et le catholicisme missionnaire. Comme pour la formulation des programmes d’études, il serait bon de consacrer davantage d’efforts à regrouper les documents sur la planification des projets évangéliques et missionnaires des ordres protestants et catholiques, sur leur administration, sur leur dotation en personnel et sur les ressources qui y étaient affectées.
Quatrièmement, la justice. Actuellement, de nombreux documents d’intérêt pour l’histoire des pensionnats indiens sont retenus par les processus juridiques de divulgation et de présomption d’engagement dans des procès. Nous comprenons que les règles judiciaires empêchent la divulgation de ces documents, mais il n’est pas déraisonnable de demander une liste de ces documents pour pouvoir les acquérir ultérieurement lorsque les lois et les procédures judiciaires n’en empêcheront plus la divulgation.
Enfin, le traitement des documents. De vastes séries de documents sont en mode de conservation semi-active, en attendant d’être traités dans les ministères ou à Bibliothèque et Archives Canada, ou, éventuellement, d’être détruits. Il devrait être possible d’obtenir une liste de ces séries de documents pendant qu’ils sont en attente de traitement. Au moins, nous en connaîtrions l’emplacement et l’historique de conservation, et le CNVR pourrait en bout de course les acquérir s’ils sont pertinents.
C’était là quelques idées qui permettraient de délaisser le modèle de connaissance juridique pour la collection de documents du CNVR, au profit d’une approche privilégiant la mémoire sociale dynamique des communautés autochtones vis‑à‑vis de la société colonisatrice. Je vous remercie.
Le président : Merci, monsieur Frogner.
J’invite maintenant Mme Panasuk à faire son exposé.
[Français]
Anne Panasuk, ex-conseillère spéciale au soutien des familles d’enfants disparus, à titre personnel : Bonjour. Je suis honorée d’être avec vous pour vous parler d’une loi très novatrice au Québec et de la façon dont elle a été appliquée. Je vais m’exprimer en français, si vous me le permettez.
J’ai été pendant deux ans conseillère du ministre des Relations avec les Premières Nations et les Inuits pour le Québec pour la mise en œuvre d’une loi concernant les enfants disparus. Maintenant que c’est terminé, j’ai rejoint les rangs de l’Association des familles d’enfants disparus Awacak, ce qui veut dire « les petits êtres de lumière ».
Il ne s’agit pas d’enfants qui ont disparu des pensionnats, mais qui ont disparu à la suite d’une admission dans un établissement de santé. Il y a quelques cas d’enfants qui étaient dans des pensionnats. Les pensionnats les envoyaient à l’hôpital, mais dans la très grande majorité des cas, ce sont des enfants qui ont été envoyés pour subir une évacuation médicale dans un hôpital sans que les parents puissent les accompagner. Les parents perdent complètement la trace de leur enfant. Ils ne reçoivent pas d’avis de décès, ne voient pas l’enfant décédé, n’assistent pas à la mise en terre et ne savent pas où il a été enterré. Nous avons documenté jusqu’à présent 174 cas d’enfants et nous allons atteindre très facilement les 200. Malheureusement, nous pensons atteindre assez facilement le chiffre de 300 enfants qui ont disparu sans qu’on sache ce qui leur est arrivé.
Ce sont des membres des Premières Nations qui ont parlé et qui ont insisté pour avoir une loi. Les familles sont venues en grand nombre pour s’exprimer lors de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Elles sont venues raconter leurs enfants disparus. Merci, sénatrice Audette. Cela a été un moment important, parce qu’il y a eu un rapport spécial pour le Québec ayant trait à un appel à la justice, l’appel no 20, qui demandait au gouvernement du Québec de remettre aux familles toutes les informations qu’il possédait. Une première loi a été rédigée, mais elle ne plaisait pas aux organisations autochtones. Ensuite, le projet de loi no 79, Loi autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d’enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d’une admission en établissement, est devenu une loi qui existe depuis deux ans et que nous appliquons.
Comme les Premières Nations étaient impliquées dès le départ, elles ont accepté le projet de loi no 79, ce qui a été très novateur. Le gouvernement — et je lui lève mon chapeau — a accepté le conseil que je lui ai donné, soit d’impliquer dès le départ l’Association des familles d’enfants disparus Awacak. Awacak se rend dans les communautés pour donner de l’information concernant la loi. Awacak reçoit la procuration des familles pour aller de l’avant et obtenir ces informations. Awacak est toujours dans la boucle. Au sein du gouvernement, une division a été créée au Secrétariat des relations avec les Premières Nations. La division de soutien aux familles fait des recherches auprès des différentes institutions. Toutefois, Awacak est toujours dans la boucle et cela assure la transparence du processus et l’authenticité de la recherche. Les familles savent ce qui a été demandé et ce qui a été reçu. Rien n’est caché.
Que fait le projet de loi no 79? Il déverrouille les archives médicales et religieuses. Il oblige les institutions à remettre les dossiers médicaux non seulement aux parents, mais à tout membre de la famille élargie de l’enfant qui en ferait la demande. Cela outrepasse normalement la législation sur la protection des noms dans les ministères de la Santé. Les archives religieuses sont celles des congrégations religieuses qui ont parfois géré des hôpitaux. Pensez aussi aux diocèses, aux paroisses, aux cimetières. Toutes ces institutions sont obligées de remettre les informations demandées par la famille. La famille fait une demande et la recherche est menée par Awacak et la direction de soutien aux familles. Toute l’information est ensuite remise aux familles.
Il y a, malheureusement, des sépultures anonymes. Beaucoup d’enfants ont été enterrés dans des lots communs, mais en général, on arrive à les retracer. Si ce n’est pas grâce à un dossier médical, c’est au moyen d’une information qui existe au ministère de la Santé, soit le formulaire SP3.
Vous avez entendu la coroner Kronström, en septembre dernier, parler des exhumations, car la loi permet de soutenir les familles pour les demandes d’exhumation. Les deux premières exhumations ont eu lieu cet été et c’est Awacak qui était la demanderesse. L’association travaille avec un bureau d’avocat, si bien que les familles autochtones sont vraiment soutenues et n’ont pas à faire face à toutes les difficultés judiciaires, juridiques et législatives. C’est Awacak qui les appuie et qui assure une sécurisation culturelle, pour que le processus se fasse dans leur langue, à leur rythme et à leur façon.
Il reste quelques dossiers dont je voulais vous parler. Au Québec, il y a eu très peu d’hôpitaux dits « indiens », mais il y a eu un hôpital géré par le gouvernement fédéral, qui s’appelait l’Hôpital de l’immigration et qu’on appelait également l’Hôpital du Parc Savard, qui était situé à Québec. Beaucoup d’Inuits et de membres des Premières Nations y sont passés. C’était d’abord un établissement pour les immigrants, qui a ensuite accueilli des Inuits et des membres des Premières Nations qui étaient atteints de tuberculose. Nous n’avons toujours pas retrouvé les archives de cet établissement. Nous ne savons pas où elles sont. Il y a eu un hôpital semblable à Caughnawaga — Kahnawake — et nous ne savons pas non plus où se trouvent les archives.
Je voudrais aussi, peut-être un peu égoïstement, vous dire qu’il serait important que chaque province et chaque territoire ait une loi semblable. Je dis égoïstement, parce qu’il y a des enfants qui venaient d’autres provinces et qui ont été admis dans un établissement de santé au Québec. Nous pouvons retrouver l’information. Cela s’est passé notamment pour une famille du Manitoba. Nous avons reçu une demande du Nunavut. Cependant, dans le cas des enfants québécois, les enfants de Premières Nations ou les Inuits québécois qui ont été envoyés dans une autre province, comme à Terre-Neuve pour les enfants innus ou en Ontario pour les Cris ou les Anishinabes, nous ne pouvons pas retracer ces informations, puisque le projet de loi no 79 s’applique seulement aux institutions du Québec.
[Traduction]
Le président : Merci, madame Panasuk. Nous allons maintenant passer à la séance de questions. Pour nous aider à garder le cap et dans un souci d’équité, chaque sénateur ou sénatrice disposera de cinq minutes pour un échange de questions et réponses, et si le temps le permet nous aurons un deuxième tour de questions. J’invite le sénateur Arnot à poser la première question.
Le sénateur Arnot : Merci, sénateur Francis. Cette question s’adresse à Mme Musqua-Culbertson, commissaire aux traités. Je vous remercie de l’excellent travail que vous avez fait, et que vous continuez de faire, en Saskatchewan. Je vous félicite pour votre patience et votre persévérance face aux incessantes frustrations causées par les refus d’obéir, les pugnaces obstructions et les obstacles délibérés auxquels vous faites face dans votre travail. Je pense que la plupart des Canadiens seraient choqués et consternés de connaître la situation. Ce comportement est incompréhensible.
En sachant que cette conduite se poursuit, en sachant ce que vous demandez et en sachant que ces documents sont essentiels à la réconciliation, quelles conclusions les Canadiens ordinaires devraient-ils tirer?
Mme Musqua-Culbertson : Je pense qu’en général, les Canadiens peuvent conclure que des personnes responsables de sévices sexuels et de décès sont encore en vie, dans nos institutions, dans les églises et dans les organisations religieuses. Je pense que les organisations religieuses sont là pour se protéger en tant qu’organisations et pour protéger leurs membres.
Voici un des obstacles que nous avons rencontrés : un jour, un évêque, Mgr Thévenot, nous a annoncé qu’il divulguerait tous les documents d’archives détenus par le diocèse de Prince Albert, ce qui couvre les quatre pensionnats visés par cette étude, par notre travail. Deux jours plus tard, nous avons contacté le diocèse pour apprendre que l’évêque Thévenot avait pris sa retraite. En deux jours, il avait pris sa retraite.
Le nouvel évêque, Stephen Hero, a été nommé le lendemain par le diocèse catholique de Prince Albert. Après avoir effectué de nombreux appels en juin, nous avons reçu un courriel du chef de bureau, qui nous informait que le diocèse de Prince Albert n’avait jamais possédé ou dirigé de pensionnats, et niant que l’évêque Thévenot avait accepté de divulguer des documents des archives diocésaines, même si les journaux l’avaient révélé. Le chef de bureau nous a indiqué que certains des documents de St. Michael’s ont été microfilmés par le Saskatchewan Council for Archives and Archivists et sont conservés à Regina. Il ajoutait que les documents du diocèse de Prince Albert sont conservés à l’Université Saint-Paul. Tous nos efforts n’ont permis de localiser aucun document à l’Université Saint-Paul.
Mon personnel devait signer un accord de non-divulgation de 21 ans. C’est ce que nous a dit le diocèse après avoir fait examiner le dossier par ses avocats et son service juridique, mais je peux vous dire, en tant qu’avocate d’expérience, qu’un tel accord de non-divulgation n’a aucune valeur juridique — et il devait couvrir 21 ans. Qui demande expressément un accord de non-divulgation de 21 ans? Qui, au sein de l’organisation, doit décéder pendant ces 21 ans pour être protégé? Je suis très directe dans cette affaire parce qu’elle touche directement ma vie, mon héritage, mes enfants.
On nous a également mis des bâtons dans les roues quand, après avoir obtenu ces informations avec l’aide de l’ancien commissaire aux droits de la personne de la Saskatchewan — aujourd’hui le sénateur Arnot, qui a également été commissaire aux traités pour la Saskatchewan — et après que nous eûmes obtenu la permission des archives, l’évêque Hero a appelé le service des archives pendant que mon personnel s’y trouvait, pour donner l’ordre d’interdire sur-le-champ à mon personnel de faire des copies. Retour à la table de négociation. Cette fois, nous avons dû faire appel à la Federation of Sovereign Indian Nations, et le chef a fait les commentaires et pris les mesures nécessaires. Nous avons alors eu accès aux dossiers.
Depuis, nous avons tenté de communiquer avec différentes paroisses, comme St. Paul’s, et on nous a répondu que leurs dossiers se trouvaient à Saint-Boniface. Ce voyage a été annulé trois fois. Mon équipe a fini par s’y rendre. Pendant que l’équipe s’y rendait, le prêtre a quitté les lieux dans son véhicule avec les dossiers, et s’est rendu dans le Sud. Depuis, on nous a dit que ces dossiers ont été déposés à Saint-Boniface. À Saint-Boniface, on nous a ensuite affirmé qu’ils se trouvaient à Laval, au Québec. On nous a fait complètement tourner en rond.
J’ai été élevée et baptisée dans la religion catholique. Dans sa jeunesse, ma kokum, ma grand-mère, fréquentait un couvent où elle se destinait à la vie religieuse. Ma famille est une famille catholique très pieuse. Pour ma part, sachant dès mon plus jeune âge ce qui se passait et connaissant les histoires qui étaient racontées à la maison, je ne suis pas une catholique pieuse. Même si je connais la vérité grâce au processus d’accès indépendant, grâce aux clients que nous avons représentés et grâce au nombre de personnes d’intérêt désignées comme auteurs d’abus dans cette procédure, je sais trop bien jusqu’où les organisations religieuses sont prêtes à aller pour dissimuler des dossiers. Cependant, le voir sur papier et vivre ces expériences n’a fait que renforcer cette réalité, renforcer le fait que des prêtres m’ont menti.
Le sénateur Arnot : Madame Musqua-Culbertson, vous n’avez pas à répondre maintenant parce que d’autres personnes souhaitent poser des questions, et je suis sûr que vous pouvez le faire par écrit, mais que voulez-vous que nous fassions pour vous aider, vous et les futurs commissaires aux traités, à obtenir ces dossiers? Vous pouvez y réfléchir et nous dire ce que nous pouvons faire pour vous aider. C’est une histoire épouvantable, qui est choquante à entendre. C’est dégoûtant.
Mme Musqua-Culbertson : Je suis l’une des deux commissaires aux traités numérotés. Je ne crois pas que ma consœur de la Commission des relations découlant des traités du Manitoba ait des archives et elle ne fait pas le même travail. Cependant, nos archives, comme je l’ai dit, ne sont pas financées principalement. Nous nous sommes adressés à d’autres endroits et avons conclu des partenariats pour obtenir des fonds de recherche.
Je pense qu’il faut un effort régional coordonné dans chaque province et territoire, ce qui n’est pas le cas. Il faut un comité des archives beaucoup plus complet pour couvrir tous les domaines, car il y a des endroits que nous ne connaissons pas. Je sais que le comité dont ils disposent est très petit. Compte tenu de la gravité, du nombre d’écoles et des découvertes qui sont faites, il faut toujours plus de financement et de capacité. Le CNVR a besoin de plus de capacité pour pouvoir faire son travail. Chaque région a besoin de plus de capacité afin de pouvoir coordonner les efforts régionaux.
Lorsque des mesures protectionnistes et des barrières sont mises en place, quelles lois doivent être modifiées pour permettre l’accès à ces choses?
Le président : Merci, madame Musqua-Culbertson, commissaire aux traités.
La sénatrice Coyle : Merci, commissaire aux traités Musqua-Culbertson, d’être parmi nous. C’est un plaisir de vous voir en personne. Nous vous avons déjà vu à l’écran. Je suis encore en train de réagir à ce que je viens de vous entendre relater. Ce n’est pas que je ne vous crois pas, je vous crois absolument, mais ce que vous partagez avec nous ici est choquant.
J’ai quelques questions. J’essaie de comprendre et peut-être de décortiquer un peu les choses. Vous avez mentionné l’Église catholique et le diocèse de Prince Albert. Nous avons entendu des représentants des prêtres, qu’il s’agisse des Oblats ou des différents ordres de prêtres ou de sœurs qui géraient les écoles, et du diocèse, où se trouvent les écoles. Nous savons qu’il y a deux types de dossiers différents, si je ne m’abuse. Il semble qu’il n’y ait pas beaucoup de coopération entre les diocèses et les différents ordres parce qu’ils ont différents genres de dossiers.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus pour que je puisse comprendre? Vous avez parlé du diocèse. S’agit-il également de la relation entre le diocèse et les ordres de prêtres et de frères? Cela entre-t-il en ligne de compte?
Mme Musqua-Culbertson : Merci. D’après ce que nous savons, il semble effectivement que ces diocèses ne se parlent pas entre eux ou avec les paroisses. Je pense qu’il y a certainement un problème de capacité. Ils ont probablement peur, parce qu’il y a encore des gens qui sont parmi les vivants. Nous entendons encore parler de personnes inculpées. Je ne peux pas vraiment parler de ce qu’ils font à l’interne, mais je crois qu’il y a un problème de communication.
Si l’évêque Hero avait alerté tous les autres évêques ou diocèses en disant que la commission des traités travaille avec quatre collectivités et quatre écoles, et en demandant s’ils ont ceci et cela? C’est une simple question de communication. Peut‑être qu’ils ne savent pas comment communiquer, mais je pense qu’il faut que leurs entités religieuses rendent des comptes au plus haut palier. J’entends par là le sommet, quel qu’il soit. Nous avons besoin d’un organigramme pour comprendre ce qu’est un diocèse, ce qu’est une paroisse, qui sont les Oblats et qui relève de qui. Je crois qu’il y a beaucoup de malentendus, mais je ne peux pas vraiment parler des faits.
La sénatrice Coyle : Est-ce que l’un d’entre vous ou quelqu’un avec qui vous avez travaillé, ou encore, vous, le Centre national pour la vérité et la réconciliation — M. Frogner —, l’un de vous a-t-il eu des contacts avec l’organisation nationale, c’est-à-dire la Conférence des évêques catholiques du Canada? L’évêque au niveau du diocèse de l’Église catholique, mais ensuite il y a une organisation nationale de tous les évêques. Si je comprends bien, ils doivent communiquer à l’échelle nationale sur ces questions. Avez-vous eu ce contact? Et si ce n’est pas le cas, M. Frogner l’a-t-il eu?
Mme Musqua-Culbertson : Je ne peux pas parler pour M. Frogner ou le CNVR, mais notre bureau a écrit une lettre à cette conférence. Je ne crois pas qu’il y ait eu de réponse.
La sénatrice Coyle : Monsieur Frogner, pouvez-vous répondre?
M. Frogner : Oui. Au CNVR, il y a environ un an et demi, nous avons signé un accord avec l’ordre des Oblats pour faire du CNVR le principal dépositaire de tous les documents des Oblats relatifs aux pensionnats.
Depuis lors, nous avons découvert que nous devions également signer un accord distinct pour les dossiers du personnel. Nous en sommes aux dernières étapes de l’ébauche d’un protocole d’entente qui ouvrira l’accès aux dossiers personnels de la congrégation des Oblats.
Nous avons travaillé en étroite collaboration avec Saint-Boniface et la société historique de l’endroit, reconnaissant que le diocèse et les dossiers de plusieurs membres de la congrégation des Oblats de l’Ouest du Canada se trouvent à Saint-Boniface. Nous avons littéralement engagé un chercheur du CNVR pour y travailler pendant qu’il faisait sa maîtrise. Il a produit un rapport qu’il est sur le point de défendre comme thèse de maîtrise. Nous avons identifié plus de 600 prêtres qui ont enseigné dans des écoles partout au Canada. Tout cela est sur le point d’être publié. Nous disposons également d’un projet de protocole d’entente avec Saint-Boniface pour obtenir leurs dossiers.
Un aspect de notre problème est le fait que nous avons littéralement dû embaucher un chercheur au CNVR pour aller dans les archives de Saint-Boniface et passer au crible leurs dossiers afin de leur indiquer lesquels concernent effectivement les pensionnats.
Ces dossiers sont conservés depuis des décennies. C’est en 1991 que les Oblats ont promis d’ouvrir leurs dossiers dans une déclaration officielle dans le Nord de l’Alberta. Aujourd’hui, nous finançons des chercheurs pour qu’ils se rendent à Saint‑Boniface et qu’ils examinent les dossiers de Keewatin-LePas et les dossiers de l’archevêché de Winnipeg, afin de trouver tous les dossiers que la commissaire aux traités Musqua-Culbertson doit trouver. Il en va de même pour les Archives Deschâtelets dans l’Est du Canada, au Québec, où Mme Panasuk a travaillé en étroite collaboration. Là encore, nous avons financé et finançons actuellement des chercheurs pour qu’ils se rendent dans leurs archives, examinent leurs dossiers et leur disent quels dossiers ils possèdent — détiennent depuis des décennies — et leur disent lesquels sont pertinents pour les pensionnats.
Nous savons tous que l’Église catholique n’a pas versé l’indemnité à laquelle elle s’était initialement engagée en signant la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Ici, non seulement nous payons des chercheurs pour qu’ils se rendent dans ces établissements, ces archives et trouvent les documents, mais on nous demande également de payer pour la numérisation de ces documents parce qu’ils ne sont pas numérisés.
Le CNVR est déjà accablé par le poids énorme que représente le fait d’essayer de conserver les documents dont nous disposons. Je viens d’obtenir une subvention de 6 millions de dollars de la FCI, la Fondation canadienne pour l’innovation, pour repenser notre architecture numérique afin que nous puissions gérer cette énorme vague de documents qui nous parviendra.
Nous nous retrouvons donc à financer la numérisation de ces archives et la recherche de leurs documents afin que nous puissions les acquérir et les mettre à la disposition des chercheurs. Notre frustration est réelle et tout cela se fait à pas de tortue.
Une partie du problème que présente la hiérarchie des documents est que les documents sacramentels des Oblats sont dispersés dans toutes les paroisses, les archidiocèses et les différents paliers hiérarchiques de l’Église catholique. Les registres sacramentels documentent les naissances, les décès et les mariages, comme vous le savez. Ce serait la documentation essentielle concernant la mort des enfants dans l’Ouest du Canada où les Oblats dirigeaient des églises.
Il m’a fallu un an pour trouver les dossiers sacramentels de Tk’emlúps, la première sépulture anonyme qui a été révélée. Lorsque j’ai fini par les trouver, ils ne se trouvaient pas à l’archevêché de Vancouver, où tout le monde m’avait dit qu’ils seraient conservés. Ils se trouvaient dans une paroisse locale de Kamloops. Lorsque j’ai finalement obtenu une liste des dossiers de la paroisse de Kamloops, elle ne comprenait pas les documents d’inhumation. Elle comprenait les naissances et les mariages.
À leur décharge, dans le sud de l’Alberta, on nous dit qu’un groupe d’archivistes des archives catholiques s’est réuni et est en train de rédiger un guide pour les dossiers sacramentels. Nous avons besoin de quelque chose comme ce dont Mme Panasuk a parlé au Québec, c’est-à-dire d’un texte de loi qui reconnaît réellement que ces dossiers relèvent de la compétence du gouvernement fédéral et, fondamentalement, de celle des peuples autochtones.
Selon la décision Blackwater c. Plint en 2005, les églises ont une responsabilité du fait d’autrui pour les crimes commis dans les églises. Elles sont responsables de la production de ces documents. Nous ne devrions pas financer des chercheurs pour qu’ils aillent fouiller dans leurs archives, qu’ils trouvent leurs dossiers, qu’ils les numérisent, puis qu’ils établissent un processus de transfert permettant de les mettre à la disposition des collectivités autochtones. Je pense que la loi québécoise est un bon modèle pour le reste du pays.
Le président : Merci, sénatrice Coyle.
La sénatrice Hartling : Tout d’abord, je tiens à reconnaître la situation difficile et frustrante que vous vivez. Sans ressources, sans argent, c’est un obstacle après l’autre. Et puis il y a la double oppression, d’abord celle vécue dans les pensionnats, puis celle d’aujourd’hui. On dirait que c’est un autre abus de la double oppression.
Vous avez fait preuve d’un grand courage ce soir. C’est un très grand courage, mais il faut que quelque chose se passe.
Vous avez commencé à indiquer qui peut aider. Pouvons-nous aider? Y a-t-il d’autres personnes qui peuvent aider? Le projet de loi dont vous parlez au Québec a-t-il déjà été envisagé ou initié ici? Est-ce que c’est quelque chose qui pourrait se produire et qui pourrait aider? Qui d’autre et quoi d’autre pourrait aider à faire avancer les choses, peut-être un projet de loi?
Il semble que vous avez toutes les bonnes idées, mais il vous faut certainement plus de soutien. Si quelqu’un souhaite répondre, je vous laisse répondre. Je vous remercie.
Mme Panasuk : Puis-je dire quelque chose à ce sujet?
Le président : Oui.
[Français]
Mme Panasuk : Je crois qu’il faut obliger les institutions à donner les documents. Il ne faut pas attendre que les institutions aient la gentillesse ou le temps de remettre les informations. Il faut tout simplement les obliger à les fournir. Je crois qu’il faut avoir une loi pour obliger les institutions à remettre les informations.
Au Québec, la loi stipule que c’est une famille qui demande l’information pour un enfant. On ne demande pas la totalité des archives. Chaque fois que nous demandons de l’information, que ce soit auprès d’un hôpital, d’un diocèse ou d’une paroisse, nous l’obtenons. Le diocèse, la paroisse ou le cimetière nous remettent l’information pour la famille. Ils sont obligés de le faire, qu’ils aiment cela ou non. Je crois que cela devrait se faire un peu partout.
[Traduction]
Le président : D’autres témoins souhaitent-ils s’exprimer?
M. Frogner : À l’avenir, comme je l’ai mentionné, nous avons conclu des accords avec les Oblats. Nous espérons obtenir ces dossiers d’ici un an environ. Mais comme je l’ai dit, ces dossiers ont été promis à l’origine en 1991, lors des excuses initiales présentées par les différents ordres religieux. Tant qu’on ne les a pas reçus, le doute subsiste.
Le président : Merci, monsieur Frogner.
Mme Musqua-Culbertson : Merci. Je ne crois plus à l’optimisme avec ces églises ou organisations religieuses. En ce qui concerne les documents, des personnes d’intérêt ont été nommées dans le processus du PEI. L’entente relative à la CRRPI, qui était horrible au départ, n’était pas censée être litigieuse. En tant qu’avocat ayant participé à ce processus, je peux toutefois vous dire qu’elle était très litigieuse, et du côté du Canada. Des personnes d’intérêt ont été nommées dans ces dossiers, mais ces dossiers sont également destinés à être détruits, à moins que des survivants n’en fassent la demande expresse. Comment peut-on traumatiser à nouveau des personnes dont certaines ne sont plus là? Ils doivent parler de ces choses. Peut-être que la première fois qu’ils l’ont dit à haute voix, c’était lors de leur propre audience.
Vous disposez donc de longues listes de personnes d’intérêt. Où se trouve cette base de données? Est-ce une base de données? Les personnes d’intérêt sont toujours protégées. Ce sont des personnes d’intérêt ou des personnes désignées comme auteurs d’abus. Où sont les dossiers sur les personnes d’intérêt?
Une grande partie de l’histoire orale a disparu, et pourtant, elle se trouve consignée dans les comptes rendus d’audience sur ce que les gens avaient vu et entendu. Dans notre collectivité, il était courant de dire qu’on ne pouvait pas croire que les gens de l’extérieur ignoraient ce qu’était un pensionnat. Lorsque je suis allée à l’université, à la faculté de droit, je n’arrivais pas à y croire. Lorsque je travaillais pour le gouvernement fédéral, je portais un uniforme bleu au SCC. J’étais CS-1, 2 et je m’occupais de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Tous les agents avec lesquels j’ai travaillé jusqu’en 2012 n’avaient, pour la plupart, jamais entendu parler des pensionnats. C’est un gros problème.
Oui, nous travaillons à l’éducation dans ce pays, mais il faut aller plus loin. Dans le plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, il est question d’un bureau du protecteur des droits des Autochtones. Il faut que les choses bougent. Ce sont tous des projets de loi ou des lois qui ont été mis en place et qui sont passés par ces chambres, mais où sont-ils? Nous avons besoin de ces mécanismes. Il faut qu’il y ait des conséquences.
S’il n’y a pas de conséquences pour les organisations religieuses, pour les églises, pour les agences gouvernementales, pour les fonctionnaires, ce comportement se perpétue. Il doit y avoir une sorte de conséquence. Lorsque nous parlons de soutenir le travail de l’interlocutrice spéciale, il y a du dénialisme. J’ai été choquée lorsque je suis descendue dans ce trou noir de dénialistes se présentant avec des pelles pour réfuter les faits. Il faut redoubler d’efforts. L’opinion publique doit faire davantage d’efforts. Il faut légiférer et il faut qu’il y ait des conséquences. S’il n’y a pas de conséquences, pourquoi les gens s’en préoccuperaient-ils?
Le président : Merci, madame Musqua-Culbertson.
Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie pour votre témoignage troublant. Madame Musqua-Culbertson, monsieur Frogner et madame Panasuk, vous avez tous réussi à avoir accès à certains dossiers avec beaucoup de difficultés. Je sais que c’est très incomplet.
Madame Musqua-Culbertson, vous avez dit qu’il serait très difficile pour les peuples autochtones de consulter ces dossiers. C’était à l’époque où il n’y avait pas encore d’Internet et où le monde numérique n’existait pas encore. Je suppose qu’il s’agit de documents manuscrits. Chacun d’entre vous pourrait-il me donner une idée du degré de détail de ces documents?
La comparaison est peut-être inappropriée, mais je sais qu’après la Seconde Guerre mondiale, lorsque nous avons étudié l’Holocauste, nous avons constaté que les nazis étaient très méticuleux quant aux archives qu’ils conservaient sur l’horreur de l’Holocauste. Les dossiers que vous avez vus sont-ils aussi détaillés que je peux l’imaginer en ce qui concerne les histoires sur lesquelles nous sommes si soucieux d’enquêter? De quoi ont l’air ces dossiers?
Mme Musqua-Culbertson : Les dossiers que nous avons reçus de l’église étaient tous en français; par conséquent, nous avons donc dû engager des traducteurs, et nous avons dû trouver de l’argent pour engager des traducteurs, ou demander à l’un de nos amis qui parle couramment le français de venir s’asseoir là — et qui est aussi un avocat qui comprend les ententes de confidentialité — et d’essayer de traduire. Il y a donc eu cette barrière.
Mais, d’après ce que nous avons vu et ce que vous pouvez comprendre, il n’y a pas de renseignements explicites sur les décès, les abus sexuels. Les employés de l’entité religieuse ont gardé pour eux-mêmes cette information. Ils n’auraient pas écrit : « Aujourd’hui, j’ai tué cet enfant parce que je l’ai battu trop fort parce qu’il parlait sa langue. Puis nous l’avons enterré près de la rivière. » Nous ne trouverons pas cela.
Mais ces récits se trouvent dans certains des récits des écoles. Des aveux ont été faits dans le cadre du PEI, et je pense qu’ils sont accessibles par le truchement du CNVR, comme le fait que l’on savait depuis 1981 et 1982 que deux prêtres ou membres du personnel travaillant dans cette école particulière — je vais faire attention au langage parce que nous sommes en public — maltraitaient gravement, disons, cinq garçons particuliers ou sur les garçons de ce dortoir de telle date à telle date. Ce sont des renseignements contenus dans les documents d’admission des écoles. C’est très important, mais je ne pense pas que nous trouverons cela. Vous trouverez des indicateurs dans les registres paroissiaux des admissions, des décès et des baptêmes qui confirmeront ou non la présence d’enfants ou de jeunes.
Bien sûr, la traduction du français et la recherche de ces documents posent de nombreux problèmes, mais nous avons vu beaucoup de photos, et lorsque nous avons assisté à l’une des réunions du comité des survivants du pensionnat indien de St. Michael’s, nous avons amené nos chercheurs avec nous pour qu’ils sachent que ce sont des membres des Premières Nations qui font des recherches. Nous créons nos propres chercheurs. Je ne voulais absolument pas arriver là avec un groupe d’universitaires n’appartenant pas aux Premières Nations.
Nous leur avons dit que ces renseignements étaient sacrés et qu’ils étaient en sécurité chez nous. Nous allons nous occuper de ces jeunes gens qui font ces recherches parce que c’est aussi très éprouvant pour eux.
Les gens qui étaient là et qui faisaient circuler ces documents disaient des choses comme : « C’est ma grand-mère. Ce doit être son petit frère dont elle parlait ». C’est très important pour les gens. À l’époque, ils ne savaient même pas où se trouvaient ces dossiers. Nous leur avons dit que c’était là que se trouvaient leurs dossiers. C’est là qu’ils sont allés. C’est une communauté, et nous ne pouvons pas du tout attendre de notre communauté qu’elle soit capable de faire ce travail. Certaines sont tout à fait capables, et ont été très organisées et très stratégiques, mais il y en a beaucoup d’autres qui n’en sont tout simplement pas encore là.
Je pense en particulier au travail en cours à Beauval et aux deux dames qui avaient la charge de ce projet. Elles venaient à des séances d’information avec nous sur ce qui allait être annoncé et sur le nombre de tombes d’enfants, et nous aider à en parler?
Je crois que beaucoup de renseignements ne verront jamais le jour, mais je ne pense pas que ceux qui se trouvent là, dans des endroits et des espaces, doivent rester cachés. Il est de notre responsabilité à tous, au cours de notre vie, de veiller à faire le nécessaire pour les découvrir.
Le sénateur D. Patterson : J’espérais entendre brièvement M. Frogner et Mme Panasuk, monsieur le président, si c’est possible. C’est la même question.
Le président : Oui.
M. Frogner : Les archives des pensionnats ne sont pas à la hauteur des archives nazies quant à la rigueur. Ce n’est que dans les années 1930 que la Loi sur les Indiens a légiféré que le décès d’un enfant devait être officiellement déclaré par le directeur de l’école. Même à cette époque, nous avons constaté que dans les années 1940, certaines écoles de l’ouest du Canada ne respectaient pas cette règle et ne déclaraient pas officiellement les décès.
Sur les 141 écoles qui faisaient partie de la CRRPI — à la fin, nous en avons ajouté quelques-unes —, il n’y en avait pas une seule qui tenait un ensemble complet de dossiers d’admission, de dossiers de sortie ou de rapports trimestriels. Cela s’explique en partie par le fait que la qualité de la tenue des dossiers était lamentable, c’est le moins qu’on puisse dire.
Un article de la revue Archivaria — que j’ai revu — sortira la semaine prochaine. Il documente la période entre 1937 et 1947 au cours de laquelle des millions de documents ont été détruits pour être recyclés ou réutilisés dans le cadre de l’effort de guerre. C’était à l’époque où les Affaires indiennes s’appelaient en fait le Bureau des affaires indiennes. Il était sous-financé au point d’avoir le statut de bureau et ne disposait pas des ressources nécessaires pour maintenir un programme de gestion des documents à l’échelle nationale pour toutes ces écoles. Par exemple, ils avaient un index des sujets qu’ils utilisaient à Ottawa pour indexer les documents qui arrivaient des pensionnats, mais sur le terrain, aucun des pensionnats n’utilisait le même index.
Le degré de désorganisation au sein du système et la quantité de documents perdus et détruits font qu’il y a des lacunes dans toutes les écoles. Il y a des incohérences et des lacunes dans les dossiers qui les rendent impossibles à trouver.
Je n’arrive même pas à trouver le dossier de ma mère qui a fréquenté la mission de Shaftesbury dans le nord de l’Alberta. Je suis censé être le chef des archives du CNVR. Il y a beaucoup d’incohérences et de problèmes dans les dossiers. C’est pourquoi, comme je l’ai dit dans mon exposé, nous devons nous éloigner de l’idée juridique selon laquelle les archives répondent aux décrets de la Loi sur les Indiens et nous étendre à l’étude de la notion d’éducation tel qu’elle a été appliquée pour éliminer l’identité des peuples autochtones par l’éducation de leurs enfants.
Je pense que cette perspective plus large englobe les registres paroissiaux qui, comme je l’ai déjà dit, sont fondamentalement source de préoccupation, une préoccupation du gouvernement fédéral et, essentiellement, une préoccupation autochtone. Je pense que c’est ainsi que nous trouverons une idée plus complète de l’expérience des pensionnats, plutôt que la recherche juridique de chaque certificat de décès individuel, ce qui ne se concrétisera jamais. C’est tout simplement impossible.
Le président : Merci, monsieur Frogner. Nous devons passer à autre chose. Madame Panasuk, avez-vous quelque chose à ajouter?
[Français]
Mme Panasuk : Évidemment, pour nous, comme il s’agit d’enfants qui sont normalement décédés dans un hôpital, c’est à géométrie variable.
Il y a des enfants qui ont disparu dans les années 1940 et d’autres dans les années 1950. Pour la grande majorité des demandes que nous avons reçues, les enfants sont décédés dans les années 1960, 1970, et même au début des années 1980.
Lorsque c’était un sanatorium géré par une communauté religieuse dans les années 1940, les archives étaient assez incomplètes. Il faut aussi savoir que les hôpitaux ont des calendriers de conservation : ils ne sont pas obligés de tout garder lorsqu’une personne est décédée, mais normalement, ils doivent garder un feuillet sommaire. En général, on retrouve quand même la cause du décès et le document est signé par un médecin.
Nous avons aussi, au ministère de la Santé, retracé un formulaire qui existe pour toutes les personnes qui habitaient au Québec et qui indique la cause du décès, avec la signature du médecin, et qui indique à qui le corps a été remis et où l’enfant a été enterré.
Lorsque nous demandons aux diocèses, aux paroisses et aux cimetières des documents concernant les certificats de sépultures, nous les obtenons en général, c’est-à-dire que ces certificats existent. Il y a quelques cas malheureux où l’enfant est enterré à l’extérieur du cimetière et où l’on ne retrouve pas de certificat de sépulture, mais en général, cela existe et les certificats sont remis par les différents diocèses, paroisses ou cimetières, selon l’année dont on parle. Est-ce qu’on parle des années 1950 ou des années 1980?
À partir du moment où les cimetières ont été dirigés par des sociétés laïques plutôt que par des religieux, en général, on trouve quand même une information de base pour les parents pour qu’ils puissent faire le deuil de leur enfant, en sachant notamment de quoi il est décédé et où il est enterré, pour aller se recueillir sur place. Il s’agit parfois d’un lot commun où l’on fait une demande d’exhumation lorsque c’est possible. Si le lot est connu — comme vous en avez entendu parler par la coronaire Kronström —, il est donc possible de ramener l’enfant dans sa communauté.
Donc, lorsqu’on les oblige, ils cherchent, mais tout le processus est encore quand même à géométrie variable, parce que plus on recule dans le temps, plus il y a un risque que les documents aient été détruits, car c’était légal de les détruire. J’ai demandé un moratoire sur ce calendrier qu’on dit « de conservation » et que j’appelle le « calendrier de destruction ». J’ai demandé un moratoire là-dessus pour éviter que les hôpitaux qui n’ont pas encore détruit les documents ne les gardent avec eux.
Parfois, on trouve tous les diagnostics et les soins qui ont été apportés à l’enfant. On trouve parfois même des photos, mais c’est à géométrie variable, encore une fois.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie.
Je vais poser une brève question à M. Frogner. Monsieur Frogner, si vous pouviez fournir votre réponse par écrit à la greffière, ce serait formidable, mais je vais poser la question maintenant.
Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ce que vous pensez que les archives de Rome possèdent en ce qui concerne les dossiers du personnel et d’autres dossiers liés aux pensionnats? Quel type d’accès avez-vous eu à ces dossiers? Si vous pouviez me fournir cela par écrit, monsieur Frogner, je vous en serais reconnaissant.
M. Frogner : Si je peux ajouter quelque chose, j’ai rédigé un rapport de 45 pages sur ma visite aux archives administratives des Oblats à Rome. Je l’inclurai dans mon rapport.
Le président : Merci, je vous en suis très reconnaissant.
[Français]
La sénatrice Audette : Je veux dire à tout le monde merci du fond du cœur pour permettre cette guérison individuelle et collective.
Madame Panasuk, je comprends que votre mandat a pris fin et que vous n’êtes plus conseillère spéciale, mais vous restez conseillère dans nos cœurs et cela, c’est pour la vie.
Si on adopte un projet de loi, croyez-vous que des postes comme celui de l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes, Mme Kimberly Murray — cela pourrait être une autre personne, comme vous —, devraient être associés à cette loi durant toute sa durée de vie?
Mme Panasuk : Je ne sais pas si c’est nécessaire pour toute la durée de vie de la loi, mais certainement au début de sa mise en œuvre.
C’est dans l’ADN d’une administration gouvernementale de vouloir tout diriger, mais je crois qu’il faut assurer la mise en œuvre de la loi en respectant le rythme des associations autochtones et le rythme de leurs langues tout en s’assurant de la transparence. Il faut que les communautés autochtones soient certaines qu’elles obtiennent toutes les informations, parce que le défi de confiance est grand. Comment peut-on s’imaginer qu’une famille qui a perdu un enfant dans une institution allochtone fasse confiance à une loi allochtone, québécoise ou autre, et à des fonctionnaires — aussi extraordinaires soient-ils — pour leur donner la totalité des informations? Il faut donc s’assurer que les familles et les communautés autochtones sont certaines de ce processus.
De ce côté, il faut brasser le gouvernement, si vous me permettez l’expression; il faut l’obliger. Cela a été, et le ministre me l’a dit dans ces mots, un « tremblement de terre » au gouvernement du Québec, qui a accepté de travailler avec un OSBL autochtone, un organisme sans but lucratif autochtone, à son rythme et dans sa langue. Cela a été quelque chose.
Donc, il faut mettre tout cela en place et s’assurer que tout est bien mis en place. Est-ce qu’il faut être là pendant toute la durée de vie de la loi? La loi au Québec est prévue pour 10 ans, avec une possibilité de prolongation. Ce qui me rassure, même si je ne suis plus là, c’est qu’il y a un comité de suivi de la loi, dont font partie essentiellement les principales organisations autochtones qui ont envoyé un représentant, comme les Femmes autochtones du Québec, l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador et le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec.
Les principales organisations autochtones sont là, tout comme les représentants de l’opposition. Je trouvais cela extrêmement important qu’ils soient là, parce que si on a besoin de faire un changement législatif, si on a besoin d’un autre coup de main de la part du gouvernement, je voulais que toutes les parties sachent ce qui se faisait et que l’opposition ne mette pas de bâtons dans les roues pour des questions politiques.
Il y a un comité de suivi qui poursuit le travail et qui est là pour faire des recommandations, afin que les familles soient le mieux servies possible.
La sénatrice Audette : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président : Merci.
Le temps prévu pour ce groupe de témoins imparti est écoulé. Je tiens à remercier encore une fois tous nos témoins de s’être joints à nous aujourd’hui, et je vous remercie de votre leadership dans le cadre de ce travail sacré. Si vous souhaitez faire d’autres déclarations, veuillez les envoyer par courrier électronique à notre greffière d’ici une semaine.
J’aimerais maintenant présenter notre témoin suivant. Du Comité consultatif sur les documents relatifs aux pensionnats, Cadmus Delorme, président. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui. M. Delorme prononcera une allocution d’ouverture d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une séance de questions et réponses avec les sénateurs.
Cadmus Delorme, président, Comité consultatif sur les documents relatifs aux pensionnats : Merci, monsieur le président. Bonsoir à tous. Je viens du territoire du Traité no 4. Tansi. Bonjour.
Je viens de terminer notre deuxième réunion du Comité consultatif sur les documents relatifs aux pensionnats. Nous avons tenu notre réunion à l’Université des Premières Nations du Canada, dans la région du Traité no 4, en Saskatchewan.
En mars 2020, l’ancien ministre des Relations Couronne-Autochtones a reçu l’approbation du Cabinet pour la création de ce comité. J’y suis entré en février 2023, pour être exact. À cette époque, j’ai rencontré le personnel du gouvernement et le ministre pour comprendre le rôle, et j’ai accepté à ce moment-là le poste de président de ce comité.
Le mandat de ce comité est de délimiter le champ d’application, de concevoir et de mettre au point un processus afin de fournir un rapport de recommandation au ministre sur la manière de transférer les documents du gouvernement au Centre national pour la vérité et la réconciliation.
Notre mandat est bien parti. Nous avons commencé par finaliser les membres à l’interne. Le comité se compose des membres suivants : les cadres supérieurs des 13 ministères parties prenantes, des membres de communautés autochtones, y compris des témoins vivants et des survivants, des aînés, des experts en recherche, un représentant du Centre national pour la vérité et la réconciliation, un représentant de l’interlocutrice spéciale et moi-même, le président. Je suis un président indépendant. Je ne suis pas un fonctionnaire.
Au printemps, nous avons commencé par un exercice de délimitation du champ d’application. Nous avons fait appel à trois sociétés externes au gouvernement pour nous aider, ainsi qu’à des sociétés internes au gouvernement. Nous avons fait un exercice de délimitation du champ d’application, demandant aux 13 ministères de nous fournir un certain nombre de documents qui pourraient se trouver dans leurs services et qui seraient liés à la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, dans laquelle 140 pensionnats sont nommés.
À l’époque, nous avons reçu environ 23 millions de documents dans le cadre du premier exercice de délimitation du champ d’application. Nous sommes toujours en train de les évaluer, mais un grand nombre de ces documents sont des doubles, ce qui signifie que certains d’entre eux sont les mêmes documents repérés dans différents ministères.
Nous avons tenu notre première réunion officielle en juin 2023 à Gatineau, au Québec. Notre équipe s’est réunie. Lors de cette réunion, nous nous sommes concentrés sur la relation et la compréhension de notre mandat. Au cours des deux jours où nous nous sommes réunis, nous avons reçu la visite du ministre de la Relation Couronne-Autochtones de l’époque et nous avons défini notre mandat.
Lors de la réunion que nous venons de terminer aujourd’hui, nous avons passé en revue la définition de ce qu’est un document sur les pensionnats indiens. Nous avons également évalué les ministères et les agences qui les accompagnent, dont nous avons repéré pas moins de 46, y compris les agences. Grâce à cela, le comité a pu acquérir une très bonne compréhension.
L’une des choses que nous devons comprendre, c’est qu’il y a deux visions du monde dans la manière dont nous abordons cette question. La définition et la vision des documents du gouvernement bureaucratique de l’Ouest canadien sont différentes de ce qu’un témoin vivant ou une équipe de recherche à l’extérieur du gouvernement peut considérer comme un document.
Ce comité est le premier du genre au sein du gouvernement. Nous sommes un comité interne qui se penche sur les documents internes du gouvernement. Nous ne sommes pas une commission. Nous ne parcourons pas le pays pour interroger des témoins vivants ou des équipes de recherche. Il s’agit d’un processus interne au gouvernement. Une fois que nous aurons accompli cette mission, notre mandat pour les deux premières années consistera à finaliser les exercices de délimitation du champ d’application. Nous sommes sur le point de procéder à un deuxième exercice de délimitation. Cela a un impact sur le budget, les coûts et le temps.
Une fois l’exercice de délimitation du champ d’application terminé, nous mettrons au point une méthodologie sur la manière de rassembler, de gérer et de partager ces documents avec le Centre national pour la vérité et la réconciliation.
Nous présenterons un rapport pour demander l’approbation de la méthodologie et des coûts au sein du ministère et à la ministre de Services aux Autochtones Canada, de qui relève notre mandat.
Les deux dernières années, qui nous mèneront jusqu’en mars 2027, seront consacrées à la gestion des documents, à la transition et à leur partage avec le Centre national pour la vérité et la réconciliation.
Je vous remercie de m’avoir accordé ce temps. Je me réjouis à la perspective d’une conversation ou de questions sur le rôle du Comité consultatif sur les documents relatifs aux pensionnats et moi-même en tant que président.
Le président : Merci, monsieur Delorme. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Afin de respecter l’horaire et d’assurer l’équité pour tous, chaque sénateur disposera de cinq minutes pour un échange de questions et de réponses. Si nous avons le temps de faire un deuxième tour, nous ferons un deuxième tour. J’invite maintenant le sénateur Arnot à commencer les questions.
Le sénateur Arnot : Merci, monsieur Delorme, d’être venu aujourd’hui. C’est un plaisir de vous voir. Je vous remercie d’avoir accepté ce mandat très important. J’aimerais beaucoup explorer le choc de deux cultures que vous avez décrit. C’est peut-être plus profond que cela.
Nous venons d’entendre des témoins parler de la protection délibérée et intentionnelle de personnes ayant commis des actes criminels, et vous devez donc combler ces lacunes. Vous avez déterminé cela. Je pense d’ailleurs que vous êtes bien placé pour le faire. Vous avez un pied dans les deux camps. Vous communiquez bien, en tout cas avec le monde non autochtone, je peux en témoigner.
Selon vous, que devrait faire notre comité pour vous aider à réussir dans votre travail? Que faut-il faire pour s’assurer que vos recommandations sont effectivement mises en œuvre? Y a‑t‑il quelque chose que nous pouvons faire à ce sujet? On s’inquiète du fait que vous pouvez travailler dur pendant longtemps et formuler des recommandations valables et solides, mais que rien ne garantit qu’elles seront mises en œuvre. Pourriez-vous nous parler de cet aspect, s’il vous plaît?
M. Delorme : Merci, sénateur. Je suis heureux de vous voir aussi, virtuellement à cette heure-ci.
Les ministères disposent de différents modèles de dossiers. Je vais vous donner quelques exemples avant de répondre à votre question. Je serai très bref.
Nous recherchons des modèles dans notre définition. En ce qui concerne Services publics et Approvisionnement Canada, lorsque vous lui demandez de rechercher des documents sur les pensionnats indiens dans son histoire, il n’a pas la même définition qu’Affaires indiennes, ou aujourd’hui Services aux Autochtones Canada. Ce sont les modèles que nous recherchons.
Comment pouvez-vous nous aider? Je vais prendre l’exemple du ministère de la Justice. Nous avons certains documents que nous ne pouvons pas transférer d’ici deux ans ou plus en raison d’affaires concernant des obligations légales qui sont actuellement devant les tribunaux. Par exemple, les hôpitaux indiens sont un cas vraiment difficile en ce moment parce que l’obligation de diligence du ministère de la Justice est de protéger les intérêts du Canada. Ce n’est pas une mauvaise chose. C’est simplement le rôle de l’Ouest canadien qu’ils doivent jouer. Mais pour savoir si un enfant a contracté la tuberculose et a été transféré d’un pensionnat indien à un hôpital indien, ce qui aurait pu déboucher sur le pire des scénarios — une tombe anonyme — nous avons besoin de ces documents. Les équipes de recherche ont besoin de ces documents.
Le comité dans lequel vous siégez aurait tout intérêt à comprendre les zones d’ombre de ces documents. En ce qui concerne les documents en noir et blanc, je prédis que la moitié de ces 23 millions de documents sera transférée au cours des deux prochaines années parce qu’ils sont clairs — noir et blanc. C’est l’autre moitié qui est grise et qui est bloquée en raison de l’obligation de diligence pour certains ministères.
Il y a d’autres exemples, sénateur, mais je voulais juste vous donner l’exemple du ministère de la Justice.
Le sénateur Tannas : Merci d’être venu, monsieur Delorme. Pour ma propre édification et pour le compte rendu — merci d’avoir accepté ce rôle, comme l’a dit le sénateur Arnot — que faisiez-vous fait avant cela?
M. Delorme : Merci. Je souris parce que j’étais un peu occupé avant cela aussi. J’ai été élu chef de la Première Nation de Cowessess de 2016 à 2023. Avant cela, je faisais d’autres choses, mais j’ai été chef pendant les sept dernières années. Lorsque j’ai accepté ce rôle, j’étais encore le chef de service, tout en sachant que j’allais probablement me présenter pour un autre mandat. Le choix de cette présidence n’a pas changé ma décision de ne pas me présenter en tant que chef, mais en avril 2023, j’ai décidé de ne pas me représenter. J’ai été politiquement libre au cours des sept derniers mois — comme vous pouvez le voir sur mon visage, moins de stress.
Le sénateur Tannas : J’ai entendu dire que vous étiez un politicien en convalescence. Quoi qu’il en soit, je vous remercie d’avoir accepté ce travail important.
Je m’interrogeais, car il me semble qu’il faudra de nombreuses années pour que les 23 millions de documents soient dûment examinés et que les bons, les plus importants, ceux qui doivent être transmis au CNVR, soient retenus. J’ai deux questions.
Premièrement, avez-vous l’impression qu’un ministère ne coopère pas pleinement?
Deuxièmement, êtes-vous inquiet, à l’approche des prochaines élections et aux abords d’une ère potentiellement différente, je pense? Vous pouvez le voir dans les sondages, etc. Dans la société, c’est une nouvelle ère qui s’annonce. Avez-vous le sentiment que votre travail puisse être interrompu, perdu ou piraté? Ou pensez-vous qu’il s’agit d’une voie permanente, qu’il n’y aura pas d’interférence politique, que cela ferait partie d’une action normale du gouvernement, indépendamment de la personne responsable ou des circonstances futures? Je comprends que cela puisse être délicat. Je pense que je cherche simplement à savoir si vous avez des inquiétudes sur l’une ou l’autre de ces questions, et si vous pouvez nous les signaler.
M. Delorme : Merci beaucoup pour votre question. Je n’ai jamais été fonctionnaire, mais je comprends très bien le fonctionnement du gouvernement grâce à la collaboration que j’ai eue avec de nombreux grands gouvernements au cours de mon mandat.
Je vais d’abord répondre à votre deuxième question. Ma principale préoccupation est le budget. Nous sommes à 100 % internes au gouvernement dans cette transition. Nous préparons notre prochain budget. Le Cabinet actuel comprend la raison de cette démarche. Je constate qu’ils le comprennent. J’en ai parlé avec des ministres, jamais avec le premier ministre, mais je lui ai parlé d’autres choses par le passé. Chacun d’entre eux a compris. Ils disent oui, c’est nécessaire.
Si le Cabinet change, le budget risque d’être modifié. Afin de remplir cette mission au nom de chacun d’entre vous, du Sénat et de chaque représentant à la Chambre, notre budget est vital. Nous ne demandons pas grand-chose, mais les exercices de délimitation du champ d’application ne sont pas faciles. Lorsqu’il s’agit de 23 millions de documents, la recherche n’est pas simple.
Pour répondre à votre première question, je voudrais juste expliquer — et je vais prendre une minute; je sais que mon temps est limité — pourquoi c’est si important. Lorsque j’étais chef de la Première Nation de Cowessess, la recherche sur le pensionnat de Marieval était en cours. Si quelqu’un se souvient du géoradar et des 751 tombes, c’est la nation dont j’étais le chef.
Lorsque nous avons commencé nos recherches, nous nous sommes rendus aux archives de l’Église catholique. Lorsque nous y sommes arrivés, elles étaient tout en désordre, dans des boîtes, poussiéreuses, pas de documents numériques, uniquement des documents physiques. Nous avons ensuite consulté les dossiers RG10, qui contenaient de simples notes d’information pour les agents indiens et d’autres documents de ce genre. Nous nous sommes adressés au CNVR et avons obtenu ces documents.
Enfin, j’ai dit au ministre de l’époque, le ministre Miller, pourquoi ne pouvons-nous pas obtenir tous les documents du gouvernement auprès de tous les ministères? Je pense que c’est ce qui a conduit à la création de ce comité. Aucun ministère ne m’a dit non. Je vais les citer rapidement : RCAANC, Agriculture Canada, Justice Canada, Santé Canada, SAC, Conseil du Trésor, GRC, Emploi et Développement social Canada, Bibliothèque et Archives, Office national du film, Parcs Canada, Conseil privé et Services publics et Approvisionnement. Ils sont à la table avec nous.
Monsieur le sénateur, je trouve que la difficulté réside dans l’obligation de diligence. Ils essaient encore de comprendre pourquoi ils devraient protéger les intérêts du Canada avant ceux des témoins vivants. Ce comité est tellement unique; nous avons des témoins vivants au sein du comité, et ils éduqueront les représentants des ministères. Lors de la réunion d’aujourd’hui — je conclurai par ceci — nous avons fait un tour de table à la fin de la réunion. Les ministères ont pris la parole et ont dit : « Je vois maintenant ». C’était la réponse la plus fréquente. « Lors de la première réunion, je n’avais pas compris; maintenant, je comprends. »
C’est une question de relation et de ton. Pour l’instant, je ne vois pas de résistance. En tant qu’Autochtones, nous sommes tout simplement fatigués de devoir expliquer pourquoi. Nous en avons assez. Nous voulons simplement savoir à quelle vitesse nous pouvons le faire, et je pense qu’on y arrive.
Le sénateur Tannas : Merci, monsieur.
Le président : Monsieur Delorme, j’ai une question à vous poser. Ryan Shackleton, directeur général de Know History, a mentionné que le gouvernement fédéral pourrait accorder aux chercheurs qui travaillent au nom des peuples autochtones le statut de chercheur ministériel, ce qui leur permettrait d’accéder à tous leurs dossiers sans devoir passer par le processus d’AIPRP, ce qui peut prendre au moins un an dans certains cas. Êtes-vous d’accord avec cette suggestion? Cela permettrait-il d’accélérer l’identification et le transfert des dossiers?
M. Delorme : Merci pour cette question. Je suis un politicien, je vais donc y répondre indirectement plutôt que directement, et je vais prendre une minute et demie.
Le président : Je suis aussi un ancien politicien, un ancien chef, donc je comprends votre point de vue.
M. Delorme : C’est une vieille habitude. Je trouve que ce que nous faisons est très lourd. Je veux dire par là que le comité identifie les 23 millions de documents dans le cadre de l’exercice de délimitation du champ d’application, puis nous demandons à chaque ministère de procéder à une nouvelle recherche. La majorité de ces ministères, et ceux auprès desquels je suis mandaté gèrent cela sur le coin de leur bureau, de sorte que personne n’est réellement chargé à plein temps de le faire. Au sein de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, quelques employés de haut niveau s’en chargent jusqu’à 50 % de leur temps.
Nous faisons appel à de bonnes sociétés externes pour réaliser la délimitation du champ d’application, et elles l’ont déjà fait en 2010, ce n’est donc pas la première fois qu’elles le font. Je trouve que c’est une tâche très lourde, ce qui signifie que nous ne nous en déchargeons pas pour moins agir. Il faudrait que des personnes viennent examiner certains de ces dossiers — car une fois que nous les aurons examinés, je pense qu’il y aura beaucoup de modèles qui nous aideront à aller jusqu’en 2027.
Je m’en réjouirais, monsieur le président, mais en même temps, je trouve que la vision du monde de l’Ouest canadien est que nous avons tendance à protéger notre obligation de diligence uniquement envers le collectif, et nous ne voulons pas trouver de fautes ou d’erreurs. Que se passerait-il si quelqu’un prenait une photo et l’affichait publiquement ou la partageait dans une mauvaise conversation? Je pense qu’il y a toujours ce risque. J’ai signé une entente de confidentialité avec le gouvernement lorsque j’ai fait ce travail, je suis donc au courant. Je sais que nous avons les moyens de le faire. Il s’agit simplement de s’assurer que nous le faisons de la bonne manière.
Le président : J’aimerais également poser une question complémentaire. Je me demande si vous pouvez nous en dire plus sur les critères qu’utilise le comité pour déterminer la pertinence des documents détenus par le gouvernement fédéral. Son travail se limite-t-il aux pensionnats, ou inclut-il les établissements connexes comme les externats, les hôpitaux, les sanatoriums, etc.
M. Delorme : Merci beaucoup. Nous sommes mandatés par la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Je parle de « but à atteindre ». Quand je suis dans une réunion, je dis que les buts que nous devons atteindre sont les 140 pensionnats repérés. Mais dans cette approche, nous pouvons désigner d’autres choses qui se passent, parce qu’il y aura probablement d’autres mandats semblables à ce que nous faisons, alors assurons-nous de les dégager.
Nous avons des témoins vivants au sein du comité et des experts en recherche qui nous expliqueront ce qu’il faut. Qu’en est-il des Métis? Certains Inuits et certaines écoles ne sont pas désignés. Nous veillons à les respecter également. Mais notre mandat principal concerne les 140 pensionnats repérés.
En ce qui concerne le style et le mécanisme de recherche, le premier exercice de délimitation du champ d’application a été achevé avant notre première réunion officielle. La définition était très forte en ce qui concerne les modèles de pensionnats indiens. Si vous avez des documents relatifs aux pensionnats indiens — et d’autres termes ont été utilisés, par exemple si nous posons les bonnes questions lorsque nous abordons les modèles.
Après nos deux réunions avec le collectif, nous avons ajusté notre définition et nous nous sommes adaptés aux modèles. Les modèles peuvent être les suivants : avez-vous quelque chose dans votre ministère qui se rapporte à l’éducation et aux peuples autochtones à cette époque? Nous essayons de ne pas nous contenter du mot « pensionnat », mais d’utiliser des mots différents.
Un autre exemple est celui des équipes sportives. Je vais utiliser quelque chose qui pourrait être provocant et je sais qu’il y a de l’aide ici, mais je parle des cercueils. Nous essayons de trouver des modèles. Ce sont des recommandations venant de témoins vivants. Nous tentons d’élargir notre définition afin de pouvoir obtenir encore plus de détails lors du deuxième exercice de délimitation du champ d’application. Il pourrait y avoir plus de 23 millions de personnes dans notre deuxième exercice.
Ce que nous nous rappelons, c’est de ne rien laisser de côté, car nous ne voulons pas d’un autre de ces comités dans 15 ans; faisons bien les choses cette fois-ci.
Le président : Merci beaucoup pour cela.
La sénatrice Coyle : Je remercie beaucoup notre témoin, M. Delorme. Vous faites un travail vraiment important. Il semble que la bonne personne occupe le poste de président. Je suis très impressionnée par votre approche.
Je me pose des questions au sujet de l’échéancier. Si j’ai bien compris, l’objectif actuel est d’être en mesure de transférer les documents, après leur réduction et l’identification de ceux qui seront vraiment utiles, au Centre national pour la vérité et la réconciliation, ou CNVR, d’ici 2027? C’est ma première question. Est-ce bien ce que vous disiez?
M. Delorme : C’est exact.
La sénatrice Coyle : D’accord. Pourriez-vous me dire sur quoi repose cet échéancier? Pourquoi 2027? Pourquoi pas 2026 ou 2025? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?
M. Delorme : Je vous remercie de votre question. Je voudrais préciser que j’ai été nommé en février 2023 et que cet échéancier était déjà établi. Je ne dis pas que je suis en désaccord. Je crois que c’est faisable.
Ce sont les étapes. Les deux premières années sont consacrées à la réalisation de tous les exercices de délimitation du champ d’application, à élaboration d’une méthodologie pour recueillir, gérer et partager les documents, et à l’établissement du coût de cette méthodologie. Nous avons probablement fait à peu près 30 % du travail de ces deux premières années. Environ un an s’est écoulé. Je vais arrondir à un an. Nous avons encore un an pour déposer la demande d’approbation de la méthodologie. C’est le mandat de nos deux premières années. Les deux années suivantes seront consacrées à la gestion des documents et à leur transfert au CNVR.
Je voulais simplement vous donner l’heure juste; je vais maintenant vous dire ce que je pense. J’ai l’occasion et l’honneur de parler avec les comités de recherche. Jusqu’à maintenant, nous avons identifié 16 tombes non marquées grâce à la recherche par géoradar. Il y a 140 pensionnats, c’est donc un travail qui nous occupera pendant un certain temps. Il y en aura d’autres. J’ai parlé à au moins huit d’entre eux. Nous discutons avec eux, de leur mandat pour les témoins vivants; il s’agit de baby-boomers. Ils ne rajeunissent pas, et ils veulent des résultats et des mesures dès maintenant. C’est pourquoi il n’est pas question uniquement du 30 septembre ou du 21 juin, de célébrer certaines dates. C’est chaque jour, un jour à la fois. Nous devons assurer le transfert de ces archives en temps opportun et de façon professionnelle, conformément à notre devoir de diligence envers le gouvernement. En temps utile, avec professionnalisme et dans le respect des règles de bonne gouvernance. C’est notre mandat.
Deuxièmement, les survivants ont été traités de manière horrible. Maintenant, nous leur disons que les documents et archives concernant ce qu’ils ont vécu sont en désordre et éparpillés un peu partout et que nous ne trouvons même pas de moteurs de recherche? Nous décevons encore une fois les témoins vivants.
C’est pourquoi je crois que ce mandat équilibrera les deux aspects. Il nous obligera, en tant que gouvernement, à faire preuve d’une grande rigueur. Je suis indépendant, mais j’admets que je suis un membre de la famille du gouvernement qui fait ce travail. Cela nous oblige à faire les choses correctement. En même temps, il nous donne une marge de manœuvre suffisante pour nous assurer de ne pas travailler de manière précipitée.
Je m’en tiendrai à cela pour répondre à votre question. Je vais revenir au budget. Cela dépend du budget et nous avons un budget pour l’année prochaine. J’ai bon espoir que nous obtiendrons le financement que nous demandons dans le budget de l’an prochain.
La sénatrice Coyle : J’ai une brève question supplémentaire. Une augmentation du budget aiderait-elle à accélérer le travail?
M. Delorme : Pour répondre à votre question, le plus gros des dépenses actuelles est consacré à deux aspects. Le premier est l’exercice de délimitation du champ d’application. Un membre du comité a déjà demandé ce qui se passerait si nous avions recours à des experts en recherche pour nous aider. À l’heure actuelle, nous sommes très en amont, c’est-à-dire de comité à ministère. Allons-nous simplement remettre toutes les archives au CNVR? Le CNVR veut-il que tout soit numérisé?
Je vais vous donner un exemple. Le ministère des Services publics et Approvisionnement a des entrepôts remplis de boîtes dont le contenu n’est pas numérisé. Comment pouvons-nous savoir ce qu’elles contiennent?
Je crois que le coût du travail lié à l’exercice de délimitation sera très élevé. Ce sera fulgurant. Nous allons épuiser une bonne partie de notre budget simplement pour nous mettre en orbite. Lorsque nous serons en orbite, je crois que la suite devrait être plus facile.
Les deux principaux coûts sont l’exercice de délimitation que nous faisons pour nous assurer de bien regarder partout. Deuxièmement, comment le CNVR veut-il obtenir les archives? Nous devons être rigoureux en tant que gouvernement, nous ne pouvons pas simplement les remettre. Nous devons savoir de quelle façon il veut les obtenir. Ce sont mes deux réponses.
Le président : Merci, sénatrice Coyle.
Le sénateur Arnot : Monsieur Delorme, quel est votre budget actuel? Vous dites qu’il y a une progression géométrique que vous pouvez probablement anticiper. De quel type de budget aurez-vous besoin dans les années à venir pour réussir? Je sais que vous ne pouvez pas être précis, mais donnez-nous une idée des chiffres avec lesquels vous travaillez actuellement, et de ce que vous pensez que cela va donner.
M. Delorme : Merci.
Le sénateur Arnot : Cela fait suite à la question de la sénatrice Coyle, parce que si nous pouvons parler du budget dans notre rapport, en veillant à ce que vous soyez pleinement financés dans la mesure nécessaire pour réussir, c’est peut-être quelque chose que nous pouvons faire pour vous aider.
M. Delorme : En tant que président, je participe aussi à l’élaboration du budget. Au stade où nous en sommes actuellement, je ne veux pas donner des chiffres qui, je le sais, seront absolument erronés. Pour l’instant, notre budget a été approuvé, mais je suis désolé, sénateur. Je ne vais pas donner un chiffre parce que je discréditerais l’équipe.
Nous sommes en train de préparer notre prochain budget, mais je vous dirais toujours la vérité. Je ne veux pas vous donner de chiffres. Il me faudrait trois minutes pour fouiller dans mes notes et trouver l’information. Je ne veux pas que nous perdions du temps là-dessus. J’espère que c’est une réponse respectable, mais le budget est important.
Le sénateur Arnot : Cela ressemble à une réponse politique. Je plaisante. C’est très bien. Je voulais simplement connaître l’ordre de grandeur, ce qui est attendu pour que vous puissiez réussir.
M. Delorme : Oui, c’est très bien. J’espère pouvoir vous fournir une réponse plus tard. Je ne me sens pas prêt à répondre à cette question pour le moment.
Le président : J’allais simplement mentionner que vous pouvez la fournir à notre greffière. Y a-t-il d’autres questions?
Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie beaucoup de votre témoignage. Je sais que vous avez entendu les témoins précédents parler des défis que vous avez très bien décrits.
Vous n’en avez pas parlé, mais nous avons reçu Mme Panasuk, du Québec, qui nous a parlé de la loi adoptée dans cette province. Elle a expliqué qu’elle avait été très utile et elle recommandait l’adoption d’une telle loi par les autres provinces et territoires, si je me souviens bien de son témoignage.
Ce commentaire m’a amené à me demander si vous aviez envisagé de trouver une solution législative pour relever ces défis. Le sénateur Tannas vous a demandé si vous aviez des préoccupations relativement aux changements de gouvernement. Serait-il possible d’aider à ce que ce genre de travail se poursuivre durablement dans le cadre d’une loi? Y avez-vous déjà pensé?
M. Delorme : Merci beaucoup.
Le sénateur D. Patterson : Puis-je vous poser cette question?
M. Delorme : C’est une excellente question. Je connais assez bien les politiques. J’ai obtenu ma maîtrise en administration publique d’une école de politique publique. J’ai lu des politiques.
Le défi que j’y vois — pour répondre à votre question historiquement et clairement —, c’est que nous parlons d’abord et avant tout de documents historiques. Nous parlons d’archives qui datent de la fin des années 1800 et qui vont jusqu’en 1996.
La loi du Québec — qui m’a été expliquée par Raymond Frogner lors d’une discussion antérieure — protégerait probablement le cadre de notre travail, mais nous avons été mandatés par décret. La seule façon de modifier notre mandat est de prendre un autre décret qui l’annulerait, et cela repose sur les intentions du gouvernement en place.
Nous avons un mandat de quatre ans. Nous ne sommes pas vraiment actifs depuis des années. Avec un peu de chance, si tout fonctionne et que tout se met en place, lorsque nous élaborerons une politique ou une loi pour faire quelque chose du genre, je crois que nous aurons presque terminé. Je sais seulement qu’une politique doit passer par ses processus de vérification.
Si nous essayons de faire notre travail hors de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens et que nous incluons cela, ainsi que toutes les autres archives liées à la — si je peux m’exprimer ainsi — colonisation qui a plongé les Autochtones dans l’état où ils se trouvent aujourd’hui, je crois que ce serait bien à long terme, mais je trouverais difficile à court terme d’essayer de tout inclure, car je crois que nous serions frustrés par les détails.
J’aimerais vous donner un exemple de défis liés aux politiques. Comment peut-on tenir compte de ce qui suit dans une politique? Pendant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement a détruit des documents simplement — un article va paraître à ce sujet, si ce n’est déjà fait — parce qu’il y avait une pénurie de papier dans ce monde. Il devait utiliser et recycler du papier.
Les premiers documents détruits par le gouvernement à cette époque concernaient les Indiens, de sorte qu’il y a maintenant un vide dans les archives relatives aux pensionnats indiens, toute une série de documents ayant été détruite.
Deuxièmement, qui détient les droits sur ces documents lorsque nous les communiquons? Il serait difficile d’identifier les détenteurs dans une politique puisque nous transférons les documents au CNVR. Si quelqu’un se demande pourquoi le CNVR et pourquoi pas ailleurs? Il s’agit de la meilleure institution du pays qui est dirigée par des Autochtones, qui a un conseil d’administration autochtone et une direction autochtone. C’est un organisme sans but lucratif. Il n’est mandaté par aucune autre institution. Il est indépendant. Il est situé sur le campus de l’Université du Manitoba et est assujetti à certaines lois.
Je vais vous donner un exemple. Si Williams Lake voulait retirer des documents que nous aurions transférés au CNVR, il faudrait qu’il y ait des protocoles d’entente, etc., mais est-ce que ce sont les membres de la famille qui ont le droit de posséder ces documents? Je dirais probablement oui. Est-ce le chef et le conseil? Je ne pense pas. Est-ce l’équipe de recherche de Williams Lake? C’est une zone grise. Nous ne savons pas.
Pour répondre à votre question, il serait très difficile d’élaborer une politique. Je me pencherais davantage sur le mandat du Québec pour comprendre son objectif. Si son objectif fonctionne, cela pourrait également fonctionner pour nous.
Le sénateur D. Patterson : Merci beaucoup pour ce judicieux commentaire.
Le président : Merci, sénateur Patterson. Monsieur Delorme, je vais vous poser une dernière question.
Le coroner des Territoires du Nord-Ouest nous a dit que certaines archives concernant leur territoire sont conservées à Bibliothèque et Archives Canada, à Ottawa. Ils sont donc incapables de répondre aux questions sur ce qui est arrivé aux enfants autochtones avant une certaine période. Êtes-vous au courant de cette situation? Est-ce que ces documents sont ceux que vous recherchez?
M. Delorme : Merci. Pour le moment, nous examinons la situation dans son ensemble. Pour répondre à votre question concernant plus précisément ces documents; oui, ce sont ces documents. La grande réponse à la grande question est oui, nous sommes au courant.
Si cette école fait partie de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, qu’elle figure parmi les 140, nous voulons nous assurer de chercher partout de manière exhaustive. À l’heure actuelle, notre espoir et notre objectif sont de tout retrouver. Autrement dit, cibler tous les ministères et obtenir les meilleurs modèles de moteurs de recherche dans chaque ministère. Ensuite, nous devons commencer à examiner tous les documents et comprendre comment ils fonctionnent.
En tant que président, je ne pourrai jamais examiner tous les documents. J’ai hâte de connaître les modèles et les catégories qui serviront aux transferts. Pour répondre à votre question, si c’est dans le cadre de nos buts à atteindre, alors oui, certainement. Si cela n’est pas dans nos buts à atteindre, par exemple dans le cas d’un pensionnat non identifié dans la Convention, ou peut-être d’un hôpital indien ou quelque chose qui n’est pas lié directement, nous voudrons nous assurer de l’inscrire sur la liste de sorte que si autre chose se présente hors de la Convention de règlement, il y aura déjà une base et il ne sera pas nécessaire de partir à zéro.
Le président : D’accord. Merci beaucoup, monsieur Delorme.
Sur ce, le temps de parole prévu avec nos témoins est écoulé. Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont comparu aujourd’hui et qui nous ont offert des témoignages très convaincants. Je vous rappelle également que si vous souhaitez présenter d’autres mémoires, vous pouvez les transmettre à notre greffière par courriel au cours de la semaine. C’est ainsi que se termine notre réunion d’aujourd’hui.
(La séance est levée.)