LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 12 décembre 2023
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 h 30 (HE), avec vidéoconférence et à huis clos, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques ainsi que les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
(La séance se poursuit à huis clos.)
(La séance publique reprend.)
Le président : Honorables sénateurs, j’aimerais tout d’abord reconnaître que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine, où vivent maintenant de nombreuses Premières Nations, ainsi que de nombreux Métis et Inuits de toute l’Île de la Tortue.
Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis d’Epekwitk, lieu aussi appelé Île-du-Prince-Édouard, et je suis le président du Comité des peuples autochtones. Je vais maintenant inviter les membres du comité à se présenter, en se nommant et en précisant la province ou le territoire qu’ils représentent.
Le sénateur Arnot : Je suis le sénateur David Arnot, de la Saskatchewan. Je vis sur le territoire du Traité no 6.
La sénatrice Hartling : Bonjour. Sénatrice Nancy Hartling, du territoire non cédé du peuple mi’kmaq, au Nouveau-Brunswick.
Le sénateur McNair : Bonjour. Je suis le sénateur John McNair. Je viens également du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta, au parc national Banff, sur le territoire du Traité no 7.
Le sénateur Prosper : Sénateur P.J. Prosper, de la Nouvelle-Écosse, terre des Mi’kmaqs.
La sénatrice White : Judy White, fière Mi’kmaq de Ktaqmkuk, lieu mieux connu sous le nom de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, dans le Mi’kma’ki.
[Français]
La sénatrice Audette : Bonjour, [mots prononcés en innu-aimun], Michèle Audette, division sénatoriale De Salaberry, au Québec.
[Traduction]
Le président : Sénateurs, nous poursuivons aujourd’hui notre série de séances d’information qui visent à éclairer et à orienter les travaux futurs de notre comité. Avant d’aller plus loin, je précise que la présente réunion porte sur les pensionnats indiens, un sujet que certains peuvent trouver troublant. Du soutien est accessible en tout temps et sans frais pour toute personne qui en a besoin. Vous n’avez qu’à appeler à la ligne d’écoute téléphonique de Résolution des questions de pensionnats indiens, au 1-866-925-4419, ou à la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être, au 1-855-242-3310. Vous pouvez aussi clavarder à www.espoirpourlemieuxetre.ca.
J’aimerais maintenant vous donner quelques renseignements concernant la journée d’aujourd’hui. Vous vous rappellerez peut-être que, en mars dernier, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a entendu le Centre national pour la vérité et la réconciliation et le Bureau de l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats autochtones, qui nous ont parlé de leur travail destiné à honorer la mémoire des survivants et des victimes, à mettre en lumière la situation et à exposer toute la vérité concernant le système des pensionnats et ses conséquences douloureuses et durables.
À la lumière des témoignages reçus le 19 juillet, le comité a publié un rapport provisoire intitulé Honorer les enfants qui ne sont jamais rentrés auprès des leurs : vérité, éducation et réconciliation. Ce rapport recommandait notamment la tenue d’audiences publiques avec les gouvernements, les organisations religieuses et les autres entités qui continuent de refuser de divulguer les documents concernant les pensionnats et les sites qui y sont associés.
Au cours de la séance d’aujourd’hui, nous entendrons les témoins suivants : Mary Flynn, archiviste, et sœur Donna Geernaert, ancienne supérieure générale, des Sœurs de la Charité de Halifax. Wela’lin et merci à vous deux d’être des nôtres aujourd’hui.
Les témoins feront une déclaration liminaire de cinq minutes environ, puis il y aura une période de questions par les sénateurs. J’invite maintenant Mary Flynn et sœur Donna Geernaert à faire leur déclaration liminaire.
Mary Flynn, archiviste, Sœurs de la Charité de Halifax : Bonjour. Je remercie les membres du comité pour leur invitation.
Nous nous adressons à vous de Halifax, en Nouvelle-Écosse, dans le Mi’kma’ki. J’aimerais vous expliquer un peu la participation des Sœurs de la Charité dans les pensionnats indiens et les gestes que la congrégation a posés pour soutenir le travail de la Commission de vérité et réconciliation du Canada et du Centre national pour la vérité et la réconciliation.
De 1930 à 1967, les Sœurs de la Charité étaient affectées au pensionnat de Shubenacadie, ici, en Nouvelle-Écosse, où elles étaient enseignantes et domestiques. En 2015, l’équipe de direction de la congrégation, en collaboration avec sœur Geernaert, a approuvé l’accès à tous ses documents liés aux pensionnats. J’ai donc commencé à les numériser.
Au total, nos archives comptent environ 7 centimètres linéaires de documents écrits et environ 40 photos associés au pensionnat de Shubenacadie. Ils comprennent un livre d’information sur les dates importantes et la liste des missions des sœurs, les annales du couvent, de la correspondance et des photos. Les documents ont été créés par les sœurs du couvent. Bien qu’il ne s’agisse pas de dossiers scolaires officiels, on y trouve des références au pensionnat et à ses élèves.
En mai 2015 et en octobre 2016, les documents numérisés ont été envoyés au Centre national pour la vérité et la réconciliation, à Winnipeg, au Manitoba. Ces documents ont été transmis en entier, sans la moindre contrainte associée à la confidentialité.
En décembre 2018, j’ai envoyé les références de nos annales sous forme de tableur au centre pour soutenir son travail de création d’un registre commémoratif, de même que pour l’aider à établir où pourraient être inhumés les élèves qui sont morts au cours de leur séjour au pensionnat.
Le centre a publié les documents des archives des Sœurs de la Charité de Halifax sur son site Web en septembre 2021.
Je suis prête à répondre à toute question que pourrait avoir le comité sur les documents dans nos archives. Merci.
Le président : Merci, madame Flynn.
Sœur Donna Geernaert, ancienne supérieure générale, Sœurs de la Charité de Halifax : Bonjour à tous. J’ai été supérieure générale des Sœurs de la Charité de Halifax de 2002 à 2014.
J’ai fait partie de la Corporation des organismes catholiques signataires de l’entente sur les pensionnats indiens et j’ai pris part aux négociations qui ont mené à la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Pendant mon mandat de supérieure et après celui-ci, je me suis engagée à ce que la congrégation respecte les modalités de la convention dans l’optique des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Dans ce contexte, je suis reconnaissante de pouvoir vous rencontrer aujourd’hui pour en arriver à une meilleure compréhension de tout document d’archives que nous pourrions selon vous avoir omis de transmettre au centre. Je ne suis pas archiviste, donc je vais laisser ces détails à Mary Flynn. Toutefois, j’aimerais préciser certaines des mesures qui les Sœurs de la Charité de Halifax ont prises dans la foulée de la convention et de la commission.
Tout comme plusieurs autres membres de ma congrégation, j’ai participé aux audiences de la commission à Halifax, à Edmonton et à Vancouver, de même qu’à des activités de clôture à Ottawa. À Halifax,. On m’a invitée à prendre la parole à un cercle de réconciliation, où j’ai exprimé la profonde tristesse que m’ont inspirée les histoires des survivants, où j’ai admis que les pensionnats faisaient partie d’un système raciste et oppresseur, et où j’ai insisté sur l’importance de travailler ensemble à des projets communs. À Vancouver, j’ai fait partie d’un groupe qui a pris la parole devant un cercle de réconciliation au nom des religieuses pour présenter des excuses et nous engager à soutenir les efforts des Autochtones pour obtenir justice au Canada.
En 2018, un groupe spécial a reconnu qui reconnaît notre engagement à l'égard des pensionnats de Shubenacadie et de Cranbrook a été ajouté au jardin du patrimoine de la résidence Caritas. De plus, j’appartiens au Cercle Notre-Dame-de-Guadalupe, ce qui me permet de participer à des réunions de toutes les parties prenantes à la convention en compagnie de représentants d’autres signataires. Dans le cadre de ces réunions, nous assurons le suivi de la mise en œuvre des appels à l’action de la commission. La congrégation fournit des subventions, des bourses et des bourses d’études [difficultés techniques], le Collège Unama’ki de l’Université Cape Breton, la Women Rising Bursary de Resist Exploitation Embrace Dignity, ou REED, à Vancouver, et l’École du Sacré-Cœur de Halifax. Nous contribuons financièrement au développement du Centre culturel Mi’kmawey de Debert, en Nouvelle-Écosse, et à la Régie de la santé des Premières Nations de la Colombie-Britannique.
En collaboration avec d’autres intervenants, nombre de sœurs font la promotion de l’exercice des couvertures, y prennent part et, parfois, en assurent l’animation. Par l'intermédiaire de KAIROS, les sœurs ont contribué à soutenir le rapport sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées, nous avons participé aux efforts de promotion de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et nous avons œuvré à la révision du programme scolaire des écoles primaires de la Nouvelle-Écosse.
Par l’intermédiaire de SHARE, les sœurs collaborent avec des investisseurs à la conception de directives annuelles relatives au travail équitable et à la formation des peuples autochtones. En collaboration avec d’autres intervenants, les sœurs appuient des projets de fracturation hydraulique au Nouveau-Brunswick, ainsi que les protestations et les audiences judiciaires relativement à la protection de la rivière Shubénacadie contre un projet de stockage de sel dans des grottes, ce qui met en péril les pêches des Mi’kmaqs, et elles contribuent à l’approvisionnement et au soutien des Mi’kmaqs en Nouvelle-Écosse dans le différend sur le homard.
J’espère que ce résumé de la gamme des activités entreprises par les Sœurs de la Charité permet de brièvement illustrer notre engagement soutenu envers les peuples autochtones du Canada et la concrétisation des appels à l’action de la commission.
Merci.
Le président : Merci, sœur Geernaert.
Les sénateurs peuvent maintenant poser leurs questions.
Le sénateur Arnot : Merci aux témoins d’être des nôtres aujourd’hui. Nous vous remercions pour votre contribution.
J’aimerais vous poser une question, madame Flynn, car je veux bien saisir ce que vous avez dit. Vous avez dit que vous aviez une mesure linéaire. Qu’est-ce que c’est que cette mesure? J’ai compris sept centimètres. Ce n’est sûrement pas correct.
Mme Flynn : C’est bien cela, sept centimètres. Il ne s’agit que de quelques volumes, donc ce n’est pas beaucoup. Ils ne remplissent pas une boîte, par exemple. Il ne s’agit que de quelques chemises de renseignements. Nous ne parlons pas de mètres et de mètres, comme ce qu’ont fourni d’autres entités. Il y a très peu de documents.
Le sénateur Arnot : Comment expliquez-vous qu’il y en ait si peu? Y a-t-il eu un tri préalable? Avez-vous retenu des documents de quelque façon? Comment se fait-il que vous ayez une si petite mesure ou, manifestement, si peu de documents?
Mme Flynn : C’est on ne peut plus normal dans le cas d’une école où les sœurs enseignaient, mais qu’elles ne possédaient pas. Je l’ai constaté dans d’autres couvents à New York ou en Nouvelle-Écosse. Si les sœurs enseignaient dans une école, nous disposons essentiellement de dossiers relatifs au couvent. En revanche, si les sœurs possédaient l’école, comme dans le cas de la Mount Saint Vincent Academy, nous avons des dossiers d’élèves et plus de dossiers administratifs. Toutefois, quand les sœurs étaient enseignantes et domestiques, nous n’avons rien qui pourrait ressembler à des dossiers d’élèves, des registres d’élèves ou quoi que ce soit émanant des directeurs, parce que les sœurs n’occupaient pas ce rôle dans les écoles.
Le sénateur Arnot : Où sont ces dossiers, les dossiers scolaires détaillés? Si vous ne les avez pas en votre possession, où sont-ils? Le savez-vous?
Mme Flynn : Je vous suggère de communiquer avec Bibliothèque et Archives Canada. L’archidiocèse de Halifax-Yarmouth était également lié au pensionnat, à sa création en 1930, de même que les oblats à compter de 1956, je crois. Ce serait les trois sources que je vous recommanderais de joindre.
Le sénateur Arnot : Sœur Geernært, vous semblez militer pour la réconciliation. Vous participez à beaucoup de choses qui touchent les Autochtones et qui font la promotion de la réconciliation. Y a-t-il quoi que ce soit d’autre que vous aimeriez nous dire sur ce que vous avez fait ou ce que vous avez vu les Sœurs de la Charité de Halifax accomplir?
Sœur Geernaert : En fait, j’ai dû résumer pour respecter le temps alloué. Il y a des renseignements sur le site Web des Sœurs de la Charité de Halifax, dans le cadre de notre 175e anniversaire. Si vous consultez les activités de la semaine 6, vous trouverez des renseignements sur d’autres activités auxquelles nous avons pris part.
Nous avons un très grand intérêt pour l’éducation. Certaines de nos membres ont donc acheté différents livres de femmes autochtones ou d’auteurs autochtones et les ont fait circuler au sein de notre communauté. Nous estimons que l’éducation est une chose très importante.
Nous avons également fourni du financement à quelques femmes qui travaillaient sur différents projets, dont un sur la décolonisation de l’eau, sur les approches autochtones en matière de sécurité de l'eau, et puis un, ici, en Nouvelle-Écosse, portant sur une femme qui se souvient de son expérience en pensionnat. C’est un livre intitulé Les bas du pensionnat. C’est vraiment une très bonne histoire qui raconte comment cette femme s’est affirmée.
Ce sont là certaines des choses que nous faisons. Quelques sœurs sont également très habiles pour tisser des liens avec leurs frères et sœurs autochtones. Nous avons quelques sœurs qui apprennent des langues autochtones. Je crois que c’est une merveilleuse idée.
Le sénateur Arnot : Merci.
Le président : J’ai une question pour l’une de vous deux. Vous pouvez aussi y répondre toutes les deux. Y a-t-il d’autres dossiers, comme les dossiers du personnel, gardés par les Sœurs de la Charité? Avez-vous poussé les communications avec le centre, puisqu’il a établi que les Sœurs de la Charité retiennent encore des documents liés au pensionnat de Shubenacadie?
Mme Flynn : Je n’ai pas échangé avec le centre relativement aux documents que nous retenons selon son évaluation. Je ne suis pas au fait de la situation. J’ai été plutôt surprise par l’invitation à comparaître devant le comité, car je n’étais même pas au courant du rapport, mais si le centre s’intéresse à certains documents comme les dossiers du personnel, nous pouvons certes communiquer avec lui à cet effet. Dans notre livre d’information qui figure sur le site Web du centre, il y a une liste de toutes les sœurs qui ont œuvré au pensionnat, donc ce type de renseignements est public depuis toujours, soit depuis les années 1930. Tout dépend de ce que le centre cherche à obtenir d’autre et ce qui lui serait utile. Je présume que je devrais communiquer avec le centre là-dessus et en discuter avec les responsables.
Sœur Geernaert : L’une des choses que j’ai remarquées, c’est que de toutes les sœurs qui ont œuvré à Shubenacadie, il n’y en a qu’une qui soit toujours vivante. Elle y a enseigné la 4e et la 5e année de 1963 à 1967. Elle vit actuellement dans un centre de retraite de Wellesley et est atteinte de démence.
Le président : Merci de ces précisions.
Pour revenir à ma question complémentaire, allez-vous faire un suivi auprès du centre? Merci.
La sénatrice White : Ma question fait suite à celle du sénateur Arnot, et elle s’adresse à sœur Geernaert. Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que vous avez aidé différents groupes autochtones. Le cas de la Régie de la santé des Premières Nations m’intrigue. C’est la première organisation en son genre, en Colombie-Britannique, et elle est bien connue au pays pour son approche en santé autochtone. J’aimerais connaître votre contribution à cette organisation en particulier et la façon dont vous avez collaboré avec elle pour qu’elle arrive là où elle en est aujourd’hui.
Sœur Geernaert : Je ne sais trop qui a pris l’initiative. Nous avons fait une contribution de 10 000 $ à un projet de purification de l’eau. C’est ce que je sais en ce moment. En tant que congrégation, nous avons un énoncé de politique en matière d’eau, donc, évidemment, nous sommes prêtes à faire autre chose dans ce domaine si on nous en fait la demande.
La sénatrice White : Donc, pour que ce soit clair, vous avez fourni des fonds ou de l’argent à ce groupe?
Sœur Geernaert : Oui.
La sénatrice White : Pas de travail de développement de l’organisation, donc.
Sœur Geernaert : Non, nous n’avons pas participé à cela.
La sénatrice White : Merci.
La sénatrice Sorensen : On a répondu à certaines de mes questions, mais pour que ce soit clair, madame Flynn, j’allais vous demander, comme je l’ai demandé à d’autres, si, d’après les renseignements qui viennent d’être fournis, il y a encore des membres du personnel de Shubenacadie en vie qui pourraient répondre à des questions. Sœur Geernaert a précisé ce qu’il en est. Je souhaite simplement confirmer qu’il n’y a personne d’autre, aucun administrateur, par exemple, qui pourrait fournir des renseignements en chair et en os.
La deuxième partie de ma question porte sur ce que vous avez dit sur les documents envoyés en 2021. J’ai une note ici. Je trouver cela intriguant et je vous demande de répondre en votre nom et, peut-être, en celui des autres. Il est écrit que l’auteur Chris Benjamin a demandé des renseignements d’archives en 2021 dans le cadre de ses recherches pour son livre, Legacies of the Shubenacadie Residential School, et qu’on les lui a refusés. Quand les médias ou un auteur demandent des renseignements qui ont été envoyés là où il le fallait, est-il normal qu’ils essuient un refus? Y a-t-il une raison pour ce refus? Cette question s’adresse à Mme Flynn.
Mme Flynn : Merci.
Pour répondre à votre première question, les documents ont d’abord été soumis en 2015 et en 2016. Ils ont été mis en ligne sur le site Web du centre en 2021. Ils sont donc maintenant accessibles.
Si je me souviens bien, le livre de M. Benjamin a été écrit avant que je commence à travailler pour les sœurs, donc je ne connais pas tous les détails, puisque je n’ai pas traité la demande, s’il s’agit du livre auquel je pense. C’est la supérieure principale qui traite toutes les demandes liées aux pensionnats dans nos communications. Je peux faire un suivi auprès de l’équipe de direction, si cela peut être utile.
La sénatrice Sorensen : Je ne crois pas que ce soit nécessaire. C’était davantage une question générale pour les fins de nos discussions. Si les documents sont ailleurs, qui y a accès? J’imagine qu’ils ont été mis en ligne à un moment donné. Je trouvais seulement cette histoire intéressante.
Sœur Geernaert, vous venez peut-être de répondre à cette question dans votre échange avec la sénatrice White, mais j’ai une note ici disant que l’organisation que vous avez coprésidée s’appelait la Moving Forward Together Campaign et qu’elle recueillait des fonds pour des programmes de guérison et d’éducation. Pouvez-vous nous dire quelle somme les Sœurs de la Charité de Halifax ont recueillie dans le cadre de cette initiative et de quelle façon ces fonds ont été utilisés? La réponse que vous avez fournie quand vous avez cité les 10 000 $ pour un projet relatif à l’eau était peut-être complète là-dessus.
Sœur Geernaert : C’est une question différente. La Moving Forward Together Campaign faisait partie de la convention. Les signataires de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, qui forment la corporation, sont toutes des organisations catholiques qui ont pris part aux négociations, dont de nombreuses congrégations de religieuses, les oblats et quelques diocèses. La corporation a été formée à titre de partie prenante des négociations de la convention.
Dans le cadre des modalités de la convention, il y avait une contribution immédiate en argent, puis une contribution en nature, qui a été établie par un comité présidé par des Autochtones. Il y a ensuite eu ce que nous appelions une campagne des « meilleurs efforts ». Il s’agissait d’une campagne dont l’objectif de collecte était de 25 millions de dollars. C’est peut-être plus de renseignements que ce que vous souhaitez en obtenir. Dites-moi si c’est trop. La campagne comportait trois volets. Il y avait un volet public avec un objectif de collecte de 15 millions de dollars. Il y en avait un autre avec un objectif de 6 millions de dollars. C’était une campagne locale. Puis, le troisième volet, lui, visait à recueillir 4 millions de dollars après des organisations religieuses.
J’ai coprésidé ce comité pour recueillir des fonds auprès d’organisations religieuses. Dans le cadre de cette campagne, on nous avait donné l’objectif de 4 millions de dollars [difficultés techniques], ce qui n’était pas ce que nous souhaitions, mais c’est ce que nous pouvions faire. Malheureusement, la campagne publique n’a pas permis de collecter les moindres fonds, tout comme la campagne locale d’ailleurs. La Moving Forward Together Campaign n’a donc pas atteint son objectif de 25 millions de dollars; c’était une campagne des « meilleurs efforts ». Les résultats ont été acceptés comme étant les meilleurs efforts.
Est-ce utile?
La sénatrice Sorensen : Où se sont retrouvés ces fonds? Nous avons brièvement perdu le son et je n’ai pas entendu le montant total recueilli, mais où se sont retrouvés ces fonds?
Sœur Geernaert : Les fonds recueillis ont été remis à la Fondation autochtone de guérison.
La sénatrice Sorensen : Merci.
La sénatrice Coyle : Merci aux deux témoins d’aujourd’hui.
Je serais curieuse de savoir si l’incendie qui a rasé la première maison mère de Mount Saint Vincent a entraîné la perte de dossiers scolaires ou de dossiers sur les sœurs qui ont travaillé au pensionnat.
Mme Flynn : Oui, sans l’ombre d’un doute. La maison mère a été rasée par un incendie en 1951, et tout ce qui avait trait à l’ouverture des écoles a été perdu et rien n’a été récupéré. Malheureusement, c’est la réalité des archives.
La sénatrice Coyle : De ce que j’en comprends, deux sœurs avaient la responsabilité de reconstituer certains des documents perdus dans l’incendie. Je ne suis pas certaine de comprendre comment cela fonctionne. Savez-vous si elles ont été en mesure de reconstituer le moindre document relatif aux sœurs qui ont œuvré au pensionnat de Shubenacadie?
Mme Flynn : Quelques sœurs ont participé, et elles sont arrivées à reconstituer les documents biographiques des sœurs avec beaucoup de succès; il s’agit de renseignements de base comme la date de naissance et de décès et les endroits où elles sont allées servir. De ce point de vue, l’effort a été une réussite puisque nous avons des renseignements de base sur les sœurs qui ont œuvré au pensionnat les premières années, car, assurément, il en a une qui est morte avant 1951. Cette information est perdue. Il n’y avait rien de pertinent sur le pensionnat en soi, comme les dossiers scolaires ou ce genre de choses. Il s’agit, par exemple, de ce que nous appelons des dossiers sur le personnel, des listes des personnes qui étaient là et des endroits où elles étaient à l’œuvre.
Le président : Pourriez-vous s’il vous plaît décrire de quelle façon les Soeurs de la Charité contribuent aux efforts de recherche des communautés autochtones qui ont trait aux enfants disparus et aux tombes anonymes?
Sœur Geernaert : Madame Flynn, vous avez travaillé là-dessus.
Mme Flynn : Oui. Quelques années après la soumission de tous nos documents numérisés au centre, j’ai vu aux nouvelles que le personnel du centre essayait de créer un registre commémoratif des élèves décédés de même que de cerner où ces enfants seraient inhumés. C’était quelques années avant que les tombes anonymes fassent les manchettes. J’ai consulté toutes les annales que nous avons et créé un tableur comprenant — je vous prie de m’excuser, c’est assez délicat — chaque référence à un enfant décédé ou malade. Nous savons qu’il y a eu des épidémies de différentes maladies. Dans ces références, si les enfants sont décédés, que leur est-il arrivé? Est-ce que leur dépouille a été envoyée à la maison, dans leur communauté d’origine? Ce genre de choses.
J’avais communiqué avec le centre et demandé s’il serait intéressé par ces renseignements, si ces renseignements seraient utiles. Ils ont les documents, mais j’avais le temps de faire ce travail. Je l’ai donc fait, ainsi que pour Shubenacadie et le pensionnat de St. Eugene’s, à Cranbrook, où les sœurs ont aussi œuvré comme enseignantes et domestiques. J’ai transmis le tout. Je crois que cela s’est avéré utile aux pages commémoratives qui figurent sur le site Web du centre, qui nomment les enfants. J’ai toutefois transmis ces renseignements avec un avertissement indiquant que, à mon avis, ce n’était qu’une fraction de ce qui était probablement arrivé. Je crois que nous savons qu’il y a plus d’enfants qui étaient malades et qui sont décédés que ce qui a probablement été noté dans nos archives, mais c’est quelque chose qui contribuait à ce travail.
Le sénateur Prosper : Merci à vous deux, sœur Geernaert et madame Flynn, de nous présenter les grandes lignes de vos efforts pour fournir des renseignements et favoriser l’avancement de la réconciliation. Je suis certes reconnaissant que vous nous en fassiez part.
Ma question porte sur la nature des renseignements que vous avez fournis plus tôt dans votre réponse à une question du sénateur Arnot. Vous avez parlé de la nature des documents compte tenu des sept centimètres de renseignements fournis sous forme numérisée. Vous avez également fait allusion à des photos. Je serais curieux de connaître la nature de ces photos. De quelle façon avez-vous décidé du type d’information à fournir? Merci.
Mme Flynn : Merci. Les photos sont en ligne. Elles sont publiques. Elles illustrent surtout des enfants et parfois des sœurs qui ont travaillé au pensionnat. Nous avons fourni toute l’information que nous avions, ce qui, quand on regarde le site Web, ne représente malheureusement pas grand-chose. Il arrive que nous ne soyons même pas certaines de l’année ou de la décennie où ces photos ont été prises. Nous pouvons parfois hasarder une année d’après un habit de sœur. Il manque beaucoup de renseignements, comme les noms. Il n’y a pour ainsi dire aucun nom de sœur ou d’enfant. Il arrive que le prêtre ou le directeur d’école soit nommé. Tout cela nuit énormément à l’accès, car nous ne pouvons même pas établir une décennie dans certains cas. Il n’y a pas beaucoup de photos, mais nous avons envoyé celles que nous avions. Les survivants et les membres de leur famille, espérons-le, peuvent tenter d’identifier leurs proches sur ces photos, car ce n’est pas quelque chose que nous sommes en mesure de faire. Je ne peux même pas identifier certaines des sœurs plus âgées sur les photos, parce que celles encore en vie ne connaissent pas ces personnes de 1930. C’est un énorme obstacle.
Sœur Geernaert : À l’audience sur la réconciliation, ici, à Halifax, nous avons entre autres affiché des photos au rez-de-chaussée. D’anciens élèves, des survivants, étaient rassemblés là et échangeaient des souvenirs évoqués par les photos. Certaines de ces personnes auraient une meilleure idée de qui était là.
Le sénateur Prosper : Merci.
La sénatrice Hartling : Merci aux témoins d’être des nôtres aujourd’hui.
Je dois dire que c’est un sujet fort troublant. J’ai grandi non loin de Shubenacadie, mais nous ne savions rien sur tout cela. Personne n’en parlait. Cette omerta est regrettable. Je suis toutefois heureuse de voir que nous obtenons des documents. J’ai regardé une vidéo hier sur certains des survivants. Leur histoire est très touchante.
Je me demande si vous pouvez me dire combien d’enfants étaient au pensionnat de 1930 jusqu’à sa fermeture, en 1967. Savons-nous si certains sont toujours vivants? A-t-on trouvé d’autres choses? Certains des pensionnaires ont mentionné avoir apporté des poupées, ce genre de choses. A-t-on trouvé le moindre de ces objets, ou des vêtements peut-être? Quel type de compensation ces survivants ont-ils reçue? Pouvez-vous me fournir un résumé pour certaines de ces choses, s’il vous plaît?
Mme Flynn : Je crains de ne pas pouvoir répondre à la moindre de ces questions. Je ne sais pas si le centre pourrait répondre à la question sur le nombre de pensionnaires. Je sais qu’ils ne venaient pas strictement de la Nouvelle-Écosse. Il y avait des enfants de partout dans les Maritimes, du Canada atlantique et du Québec également, il me semble. Je ne sais pas trop combien sont encore en vie. Nous n’avons pas d’artefact de Shubenacadie, et je ne peux pas parler de la compensation. Je suis désolée.
Sœur Geernaert : Je sais que, au départ, il y avait peut-être 50 ou 60 enfants, mais, à l’année de fermeture du pensionnat, j’ai vu le chiffre de 137 dans une classe, ce qui ne vous dit pas combien il y en a eu durant toute la période. Je suis désolée.
La sénatrice Hartling : D’accord. Dites-vous que nous pourrions obtenir ces renseignements auprès du centre, ou y a-t-il d’autres endroits où ils seraient accessibles?
Mme Flynn : La première ressource à laquelle j’ai pensé est la trame historique créée par le gouvernement et qui figure sur le site Web du centre. Elle fournit un aperçu des dates importantes du pensionnat et précise qui était en charge et différents renseignements connexes. Il pourrait y avoir des statistiques là. Je l’ai consultée pour mieux comprendre l’histoire, car, comme je l’ai dit, nous n’avons qu’un aperçu basé sur le couvent avec des références au pensionnat. Je dois avoir une idée à la fois plus générale et plus précise de ce qui s’est passé, et c’est la ressource vers laquelle je me tourne.
La sénatrice Hartling : Merci.
Le président : Il est toujours possible de poser des questions, si les sénateurs ont des questions complémentaires. Personne ne semble en avoir, alors il est temps de conclure avec ce groupe de témoins.
Je tiens à remercier tous les témoins d’avoir été des nôtres aujourd’hui. Si vous souhaitez soumettre d’autres renseignements, veuillez les acheminer par courriel à notre greffière dans les sept jours à venir. Voilà qui conclut la séance d’aujourd’hui.
(La séance est levée.)