LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 15 février 2023
Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 16 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-228, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension.
La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonsoir aux gens qui sont dans la salle avec nous et à ceux qui nous regardent en ligne. Il s’agit d’une réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Pamela Wallin. Je suis la présidente du comité.
Je vais demander à beaucoup d’entre vous de patienter un instant avant que nous commencions nos audiences officielles aujourd’hui. Nous avons des remerciements et un au revoir à faire, et nous devons souhaiter la bienvenue à quelqu’un.
Aujourd’hui même, nous avons déposé au Sénat un rapport intitulé L’état de l’économie canadienne et l’inflation. Il s’agit maintenant d’un document public, et nos analystes y travaillent depuis très longtemps et dans des délais très serrés. Je tiens à remercier chaleureusement Adriane Yong et Édison Roy-César, qui ont travaillé avec nous sur ce rapport et sur de nombreux autres, pour le miracle qui a été nécessaire, ainsi que Karine Déquier, notre greffière, qui ont rendu possible le dépôt du rapport aujourd’hui.
De plus, Édison nous quitte pour reprendre son ancien emploi. Nous voulons que vous nous disiez où vous vous en allez, puis je présenterai votre remplaçant. Ne soyez pas timide. Ne soyez pas timide. Je savais que je vous ne le feriez pas si je vous le disais à l’avance.
Édison Roy-César, analyste de la Bibliothèque du Parlement : Il est un peu inhabituel qu’un analyste prenne la parole. Je vais reprendre mon poste de gestionnaire, alors je vais continuer d’appuyer le comité, mais en gérant le travail de Mehrab et d’Adriane. Merci.
La présidente : À la Bibliothèque du Parlement?
M. Roy-César : Oui.
La présidente : C’est parfait. Merci beaucoup pour tout votre travail. Adriane reste avec nous parce qu’elle n’arrive tout simplement pas à nous dire au revoir. Elle adore rédiger tous ces rapports que nous produisons.
J’aimerais également souhaiter la bienvenue à Mehrab Kiarsi, qui se joindra à nous. Je vous invite tous à consulter son site Web. Il est professeur d’économie, chercheur à Columbia et professeur à Concordia. J’ai trois ou quatre pages devant moi. Je ne vais pas tout lire à haute voix. Il travaillera avec nous à partir de maintenant. Bienvenue, et nous espérons vous tenir très occupés.
Mehrab Kiarsi, analyste de la Bibliothèque du Parlement : Merci beaucoup. Je suis très heureux d’être ici.
La présidente : C’est merveilleux. Merci.
C’est juste un petit coup d’œil dans les coulisses pour ceux qui nous regardent aujourd’hui. C’est ainsi que les choses fonctionnent. Nous faisons notre travail, et nous entendons des témoins, mais c’est eux qui font le gros du travail et qui nous aident à rédiger ces rapports, alors c’est bien de tourner les projecteurs vers eux pendant un instant, de temps à autre.
Merci encore. Nous allons maintenant reprendre nos travaux. Je vais vous présenter les membres du comité qui sont ici aujourd’hui : le vice-président, le sénateur Deacon; la sénatrice Bellemare; le sénateur Gignac; le sénateur Loffreda; je crois que la sénatrice Marshall n’est pas ici parce que le sénateur Wells y sera pour examiner ce travail aujourd’hui. Il y a aussi la sénatrice Ringuette, le sénateur Smith, le sénateur Marwah et le sénateur Yussuff. Je vous souhaite la bienvenue.
Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-228, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension. Nous avons entendu le témoignage du parrain du projet de loi à l’autre endroit et celui de certaines personnes qui ont des préoccupations. Aujourd’hui, nous poursuivons notre discussion. Pour notre premier groupe de témoins, nous avons le plaisir d’accueillir Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada. Elle se joint à nous virtuellement. Chris Roberts, directeur national, Politiques sociales et économiques, Congrès du travail du Canada, est ici en personne. Se joignent à nous, virtuellement aussi, Marty Warren, directeur national, Syndicat des métallurgistes unis, et Meg Gingrich, adjointe au directeur national, Syndicat des métallurgistes unis. Bienvenue à tous. Merci de vous joindre à nous. Nous allons commencer par la déclaration préliminaire de Mme Bruske, qui sera suivie de M. Warren. La parole est à vous.
Bea Bruske, présidente, Congrès du travail du Canada : Bonjour, madame la présidente, merci de m’avoir invitée, et bonjour aux membres du comité. Je suis heureuse d’avoir l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui.
Je m’appelle Bea Bruske. Je suis présidente du Congrès du travail du Canada, le CTC, qui est la plus importante centrale syndicale au Canada. Le CTC se prononce sur les questions d’intérêt national au nom des travailleurs de partout au pays.
Ce que nous vous demandons est simple : adoptez le projet de loi C-228 sans autre amendement. Il a été examiné de près et amendé à la Chambre. Les membres du comité qui l’étudiait ont décidé d’en faire rapport à l’unanimité. Il a franchi l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes avec un appui unanime : 318 voix contre aucune. Ce projet de loi est important pour les pensionnés, les travailleurs et leurs représentants élus. Nous exhortons les honorables sénateurs à maintenant l’adopter à leur tour.
Les pensions sont essentielles à la sécurité financière et au bien-être des travailleurs. Après leur maison, l’épargne-retraite est l’un des plus importants actifs que les travailleurs bâtissent au cours de leur vie. Il est important de garder à l’esprit que les prestations de retraite versées par l’employeur ne sont pas un cadeau de sa part. Les prestations de retraite déterminées sont en fait un salaire différé. Ce sont les travailleurs qui les gagnent et qui les paient.
Les travailleurs comptent sur le fait que cet argent sera là lorsqu’ils prendront leur retraite. Les employeurs sont légalement tenus de verser leur pension aux travailleurs qui prennent leur retraite. Il est frustrant et injuste que cette obligation légale puisse être niée lorsque l’entreprise devient insolvable. Lorsqu’une entreprise entame une procédure d’insolvabilité, les travailleurs et les pensionnés se retrouvent à l’arrière de la file. Ils sont essentiellement traités comme des créanciers involontaires et non garantis de l’entreprise, passant derrière les banques et les créanciers garantis. Personne n’a demandé aux participants au régime de retraite s’ils consentaient à prêter la valeur de leurs prestations de retraite à leur employeur. En fait, c’est tout le contraire : ils s’attendent à ce que leur employeur respecte les conditions négociées du régime de retraite.
Contrairement aux créanciers commerciaux, les employés et les pensionnés sont généralement incapables de se protéger contre le risque d’insolvabilité de leur employeur. Si leur ancien employeur fait faillite, les pensionnés ne peuvent pas facilement retourner au travail et trouver de nouvelles sources de revenus.
En 2018, les pensionnés de Sears Canada à l’extérieur de l’Ontario ont appris que leurs prestations de retraite seraient réduites de 30 %. Un retraité de Sears de Calgary — qui avait travaillé pendant 44 ans — a subi une réduction de sa pension mensuelle de 800 $. Il a travaillé toute sa vie seulement pour se faire couper à la retraite la pension qu’il avait payée. Un autre retraité qui avait travaillé pendant 35 ans a vu ses prestations de retraite mensuelles diminuer de 450 $. En prévision de la réduction de ses prestations, ce pensionné de 72 ans a accepté un poste de préposé à l’accueil chez Home Depot. Pour beaucoup d’autres gens, il n’est pas réaliste d’accepter un emploi au salaire minimum pour compenser une réduction de pension.
La façon dont les pensions et les avantages sociaux sont traités en cas d’insolvabilité est franchement scandaleuse et injuste. Ne laissez personne vous dire que le régime d’insolvabilité du Canada est juste, ou qu’il réalise « [...] un équilibre délicat entre les intérêts des employeurs et ceux des employés [...] ». Les données probantes et l’expérience vécue par les travailleurs et les pensionnés en cas d’insolvabilité contredisent cette affirmation.
Malgré l’injustice, les gouvernements n’ont pas pris de mesures adéquates pour protéger les pensionnés et les participants aux régimes de retraite. Le gouvernement fédéral a modifié des dispositions législatives en réaction à la situation désastreuse à Sears Canada, mais les changements étaient loin d’être suffisants. C’est particulièrement frustrant parce que les données montrent que de nombreuses entreprises dont les régimes de retraite sont sous-capitalisés pourraient éliminer le déficit de solvabilité de leurs régimes en y affectant une partie seulement de l’argent versé aux actionnaires. De nombreuses entreprises choisissent consciemment de récompenser les actionnaires et les cadres supérieurs, ce qui fait grimper le cours des actions, plutôt que de financer entièrement leurs obligations au titre des pensions. Cela expose les pensionnés et les participants au régime de retraite à des risques en cas d’insolvabilité de l’entreprise.
Au fil des ans, le CTC a appuyé de nombreux projets de loi d’initiative parlementaire du NPD et du Bloc québécois sur ces questions. Aucun de ces projets de loi n’a été adopté. Les pensionnés et les travailleurs disent : « Ça suffit. » Le CTC appuie l’adoption rapide du projet de loi C-228 sans autre amendement.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci.
La présidente : Merci beaucoup, madame Bruske. Je m’excuse d’avoir mal prononcé votre nom. J’aurais dû faire attention. Je vous remercie de vos observations. Nous allons donner la parole à M. Warren pour qu’il nous présente les siennes.
Marty Warren, directeur national, Syndicat des métallurgistes unis : Merci, madame la présidente. Par votre entremise, je remercie aussi la greffière et les membres du comité de me donner l’occasion de me joindre à vous aujourd’hui.
Je suis le directeur national du Syndicat des métallurgistes unis. C’est le plus grand syndicat du secteur privé en Amérique du Nord. Il compte 225 000 membres qui travaillent dans presque tous les secteurs économiques partout au Canada, en plus de milliers de retraités.
Nous sommes déterminés à veiller à ce que nos membres et les autres travailleurs du Canada soient traités avec dignité, respect et équité. Nous négocions des conventions collectives solides pour que nos membres aient de bons salaires et que leur santé et leur sécurité soient protégées, et nous faisons une priorité de la négociation de bons régimes de pension et d’avantages sociaux afin que les travailleurs qui prennent leur retraite aient accès à la stabilité financière. Les pensions sont négociées sous forme de salaire différé et elles sont gagnées chaque jour au travail.
Le projet de loi C-228 se fait attendre depuis longtemps. Des versions en sont déposées et débattues depuis 20 ans. Pendant ce temps, des milliers de travailleurs sont passés entre les mailles du filet et ont été victimes du fait que la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies place les travailleurs à l’arrière de la file. L’exemple le plus récent ayant touché nos membres date de 2015, et c’est celui de Cliffs Natural Resources, anciennement une mine de Wabush, où 1 700 retraités, anciens travailleurs et conjoints survivants à un travailleur au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador ont vu leur sécurité financière détruite et leur épargne décimée. Leur pension a été réduite de 21 %, et leur assurance-vie et leur assurance-médicaments ont été évidées.
Bernard Theriault a pris sa retraite en 2008. La pension qu’il avait gagnée a été coupée de 550 $ par mois et il a été obligé de retourner au travail. Il n’était pas le seul. Comme certains de ses collègues retraités, bon nombre ont dû envisager de vendre leur maison familiale pour joindre les deux bouts. Ce n’est pas normal. Un autre retraité, René Richard, a dit :
C’est de l’argent qui nous a été volé, de l’argent que nous avions mis là, en renonçant à une partie de notre salaire pour avoir une belle retraite jusqu’à notre mort. Nous nous sommes battus pour cet argent.
Vous vous dites peut-être que les entreprises traversent parfois des périodes difficiles. Même si c’était vrai, ce ne sont pas les retraités qui devraient payer. C’est pour cette raison que le projet de loi est si important. Pendant que les travailleurs se faisaient voler leur pension, la loi en vigueur faisait en sorte que d’autres créanciers recevaient leur argent. À Cliffs Natural Resources, l’un des principaux créanciers était Cliffs elle-même — la société mère —, qui a récupéré tout son argent. Chez Sears, comme il a déjà mentionné, ce sont les actionnaires qui ont reçu de généreux dividendes pendant que les retraités se faisaient voler, ce qui est une infamie. Dans le cas de Cliffs, la société mère se porte encore très bien, et l’accroissement de ses profits après la faillite aurait suffi à couvrir de nombreuses fois les pensions des travailleurs canadiens.
Voilà un autre exemple de la nécessité de mieux protéger les travailleurs. Notre syndicat s’est battu pour ses membres. À Cliffs, nous nous sommes battus pour nos membres et nous sommes allés devant les tribunaux, mais il ne devrait pas être nécessaire d’intenter des poursuites de grande envergure pour protéger les pensions de travailleurs qui les ont méritées. Nous croyons que les réclamations au titre des régimes de pension devraient avoir une plus grande priorité dans les procédures de faillite. Nous croyons également que le même principe s’applique aux prestations de maladie, comme l’assurance-invalidité et l’assurance-vie, entre autres.
Donc, oui, nous avons été déçus de voir supprimer à la Chambre des communes certains des amendements de l’opposition qui avaient été acceptés. Mais je suis ici devant vous pour vous dire que nous ne sommes pas prêts à laisser le mieux devenir l’ennemi du bien. C’est un bon projet de loi. Il a reçu l’appui unanime de tous les partis à la Chambre. Il accroîtra la sécurité de millions de travailleurs à l’échelle du pays. En apportant des amendements et en attendant encore avant de l’adopter, vous mettriez cette sécurité en péril. Vous avez l’occasion d’empêcher que la tragédie vécue par les employés de Cliffs que nous représentons et tant d’autres se reproduisent.
Je crois que tous les retraités méritent cette petite protection supplémentaire. Je vous exhorte à adopter ce projet de loi sans tarder. Merci.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Warren. Nous allons passer directement aux questions. Nous allons commencer par le vice-président.
Le sénateur C. Deacon : Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui. Les gestionnaires de petits régimes de retraite à prestations déterminées ont soulevé des préoccupations au nom de travailleurs qui ne sont pas membres d’un grand syndicat ou qui n’ont pas le soutien d’un syndicat et à qui le projet de loi pourrait nuire à cause de la façon dont il est rédigé. Il ne protège pas les petits régimes de retraite qui n’exigent pas que l’entreprise protège le sien, alors que ceux dont vous avez parlé le font vraiment.
Je m’attendrais à ce que vous vous assuriez qu’il protège tous les pensionnés et qu’il ne cause de tort à aucun. Est-ce une bonne hypothèse, que nous nous assurons de veiller sur tous, et pas seulement les membres des régimes que vous avez nommés? Merci.
Mme Bruske : Nous ne voulons certainement nuire à aucun pensionné, mais, à l’heure actuelle, il y a une lacune flagrante pour la grande majorité des Canadiens qui exigent ou qui ont besoin d’une solution à ce problème particulier et qui sont couverts par des régimes de retraite à prestations déterminées. Ils sont vraiment très à risque à l’heure actuelle. Le projet de loi contribue grandement à combler cette lacune.
M. Warren : J’aimerais simplement ajouter, comme je l’ai dit à la fin de mes observations, que nous ne pouvons pas laisser le mieux devenir l’ennemi du bien. Le projet de loi est un grand pas en avant. Il n’est pas parfait, mais c’est un pas en avant, et il aidera à protéger beaucoup de Canadiens. Merci.
Le sénateur C. Deacon : Merci. J’ai une seconde question pour les deux témoins. Une autre préoccupation qui a été soulevée devant nous est que le projet de loi pourrait limiter les possibilités de restructuration d’entreprise. C’est ce que nous ont dit un certain nombre de groupes d’employés qui ont participé à la restructuration d’organisations en difficulté financière : qu’il pourrait limiter la capacité de ces organisations de sortir de la faillite.
Notre travail, au Sénat, est de voir s’il y a des points de vue qui n’ont pas été entendus dans un débat. Je pense qu’il est vraiment important d’entendre votre point de vue sur certaines des préoccupations qui ont été soulevées.
Mme Bruske : Il est certain que, lorsqu’un employeur traverse une période difficile, il incombe aux employés et à l’employeur de collaborer pour trouver une solution gérable à ce problème. Ayant passé de nombreuses années à la table de négociation et m’étant trouvée face à beaucoup d’employeurs, je comprends la nécessité pour nous de trouver ensemble des solutions à des problèmes difficiles. Mais cela ne peut pas toujours se faire au détriment de la pension des employés, surtout qu’il s’agit souvent d’employés sur le point de prendre leur retraite ou qui l’ont déjà fait et qui se retrouvent devant un important manque à gagner. Nous voulons tous essayer de trouver des solutions et nous voulons tous examiner les possibilités de restructuration, et ce sont des choses qu’il est préférable de faire à la table de négociation entre les parties.
M. Warren : C’est la clé pour rassembler les gens. Nous avons vu dans nos opérations à Sault Ste. Marie, chez Algoma et Stelco, et ici, à Hamilton… c’était des situations créées par la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et nous avons travaillé ensemble pour les en sortir. Je pense qu’il s’agit de rassembler les gens pour en discuter. Les travailleurs ont besoin de protection.
Le sénateur Smith : Madame Bruske, vous avez exprimé votre appui au projet de loi en disant que vous êtes heureuse que les travailleurs aient la priorité sur les banques et les PDG. Je suis certain que nous avons tous entendu les préoccupations selon lesquelles l’adoption du projet de loi pénaliserait les entreprises en faisant augmenter les taux d’intérêt ou en causant une réduction de financement. Le Congrès du travail du Canada a-t-il examiné ce qui se fait dans d’autres pays ayant adopté des lois semblables, et y a-t-il des données qui donnent à penser que les banques et d’autres prêteurs ont effectivement réduit les prêts aux entreprises touchées?
Mme Bruske : Nous avons fait ce travail. Je vais demander à M. Roberts, qui est dans la salle, de vous donner une réponse plus complète à cette question détaillée.
Chris Roberts, directeur national, Politiques sociales et économiques, Congrès du travail du Canada : D’autres administrations ont des fonds d’assurance-pension, comme le Fonds de garantie des prestations de retraite de l’Ontario, et les États-Unis sont un bon exemple. Il y a des administrations qui ont d’autres façons de protéger les pensions.
Au Canada, nous avons essayé de lancer une conversation sur ce sujet précis, mais en vain. Nous avons envisagé l’ordre de priorité dans les lois sur l’insolvabilité comme étant la meilleure façon de remédier à l’absence d’un fonds national d’assurance-pension au Canada. Nous pensons que cela n’empêchera pas du tout les restructurations. Il sera seulement plus difficile de restructurer une entreprise sur le dos des retraités et des travailleurs chaque fois.
Le sénateur Smith : Je suppose que c’est la même chose pour le Congrès du travail du Canada. Ce que je veux savoir, c’est si les grandes banques bluffent, faute d’un meilleur terme. Quand elle a été questionnée au sujet de cette préoccupation, la députée Gladu a fait remarquer que les banques ont fait des déclarations semblables en 2005 lorsque les salaires ont remonté dans l’ordre de priorité dans la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, mais que rien ne s’est concrétisé après coup. Qui aimerait dire quelque chose là-dessus?
M. Roberts : Bien sûr, les banques et les créanciers garantis ont un intérêt direct à toujours être au début de la file. Nous sommes ici pour dire que ce n’est pas juste, et que ce n’est pas non plus nécessaire.
Lorsque les banques et autres créanciers garantis décident de prêter ou non à une entreprise, ils tiennent compte de tout un éventail de facteurs, comme le risque, le rendement potentiel et les conditions dans lesquelles ils consentiraient le prêt. Il est très simpliste de dire qu’en changeant une dimension ou un facteur, on fera en sorte qu’il n’y aura plus de prêts, un point c’est tout, ou qu’ils seront prohibitifs. Comme vous dites, il n’y a tout simplement pas de preuve de cela.
Le sénateur Smith : Donc, d’après votre expérience, vous n’avez pas vu ce genre de réaction de la part des banques?
M. Roberts : Eh bien, non. Il n’y a pas de loi de ce genre en place, mais il y a des conventions de prêt très différentes d’une entreprise à l’autre et d’une situation à l’autre. Nous pensons simplement que le moment est venu de financer adéquatement les régimes à prestations déterminées. De toute façon, beaucoup de promoteurs chercheront à réduire les risques associés à leurs régimes. Nous croyons que c’est un bon moment pour mettre en place ce genre de mesures de protection, et il va continuer d’y avoir des prêts. Les prêteurs se livrent concurrence pour accorder ce genre de prêts à de bonnes entreprises bien gérées.
Le sénateur Smith : Merci beaucoup.
Le sénateur Loffreda : Je remercie les témoins de leur présence. Pour poursuivre sur le thème des employeurs qui traversent une période difficile, j’ai travaillé dans le secteur financier pendant 35 ans, principalement dans les services bancaires commerciaux, à titre de prêteur. Je peux vous dire que les prêts non garantis n’ont jamais été faciles, surtout lorsqu’il s’agit d’une restructuration.
Demandez-vous maintenant aux prêteurs canadiens d’être plus ouverts aux prêts non garantis? Il y a toujours des discussions, évidemment, mais les chiffres parlent habituellement d’eux-mêmes. Si vous avez une marge déficitaire et que vous avez devant vous un employeur en difficulté, comment cela pourrait-il ne pas avoir d’incidence sur sa capacité de se restructurer?
M. Roberts : Lorsque les banques ont une participation dans une entreprise à laquelle elles prêtent de l’argent, elles s’intéressent évidemment à la gestion et à la situation financière de cette entreprise. Elles ne se contentent pas de consentir le prêt, comme vous le savez bien, puis de tout oublier. Nous nous attendons à ce que les prêteurs garantis, comme les banques, s’intéressent activement à l’administration et au taux de financement du régime.
Ce n’est pas une mauvaise chose. Nous préconisons depuis de nombreuses années d’accroître la transparence et la reddition de comptes aux participants aux régimes et aux syndicats, mais aussi de veiller à ce que les régimes soient bien gérés, avec prudence. Bien sûr, les banques vont s’attendre à la même chose. Ce n’est donc pas du tout, à notre avis, une conséquence négative du projet de loi.
Le sénateur Loffreda : Eh bien, c’est beau de dire que les banques en tiendront compte, mais, comme vous le savez, cela se fait selon une formule : 75 % des comptes débiteurs, 50 % des stocks, moins les avances, moins les créances prioritaires, et c’est ce que nous vous donnerons comme marge.
Maintenant, quand une entreprise est en difficulté, il n’y a pas de profits. Il y a des pertes. On s’inquiète de la viabilité de ces entreprises pour l’avenir, et maintenant vous ajoutez la portion des pensions sans capitalisation. Il ne s’agit donc pas seulement de discussions parce que, comme je vous le disais, j’ai plus de trois décennies d’expérience comme prêteur, et je peux vous dire que ces discussions sont difficiles. Mais surtout, j’aimerais que vous nous disiez quels sont les régimes de retraite non capitalisés. Quelle incidence le projet de loi aura-t-il sur les prêteurs canadiens? Quelle incidence aura-t-il sur l’économie? Il ne suffit pas de dire : « Oui, il y aura des discussions et les banques canadiennes sont excellentes. » Évidemment, elles veulent que tous leurs clients prospèrent, surtout ceux qui sont en difficulté, et nous pensons tous aux travailleurs.
Je vais terminer en disant ceci : si nous examinons les données de Statistique Canada, en 2000, 21,3 % des régimes du secteur privé étaient des régimes de retraite à prestations déterminées. En 2020, c’était seulement 9,6 %. Premièrement, je crois que la restructuration va devenir plus difficile. Deuxièmement, cela dissuadera-t-il les futurs employeurs de créer des régimes de retraite à prestations déterminées? Ils ont des comptables, des experts et des spécialistes qui leur diront que c’est une créance prioritaire s’il n’y a pas de capitalisation. Quand les marchés vont bien, tout va bien. Mais si nous connaissons quelques années de récession, cela pourrait être difficile.
M. Roberts : Depuis des décennies, nous avons un régime d’insolvabilité qui place les pensionnés et les participants au régime à l’arrière de la file. Rien de tout cela n’a empêché les promoteurs de régimes à prestations déterminées de liquider leurs régimes, de les convertir en régimes à cotisations déterminées et, en général, d’abandonner les régimes de retraite à prestations déterminées. Ils l’ont fait sans se préoccuper du tout d’un changement touchant la priorité des créances en cas d’insolvabilité.
Nous trouvons un peu fort d’entendre certaines des personnes qui viendront témoigner dire que cela pourrait dissuader les promoteurs de créer de nouveaux régimes à prestations déterminées à l’avenir, alors que nous faisons tout ce que nous pouvons seulement pour les amener à conserver les régimes qu’ils ont déjà. Nous pensons qu’il y a d’autres forces en jeu.
L’autre chose que je dirais, c’est que, avec la hausse des taux d’intérêt, les régimes à prestations déterminées sont mieux financés aujourd’hui qu’ils ne l’ont été depuis longtemps. C’est en partie à cause de toutes les réductions du niveau des prestations et des compressions qui ont été imposées à ces régimes au fil du temps. Mais ils sont, à l’heure actuelle et probablement à court terme, en bien meilleur état qu’auparavant pour ce qui est du taux de financement.
Nous sommes persuadés qu’un grand nombre de promoteurs de régimes à prestations déterminées profiteront de la situation actuelle pour réduire les risques de leurs régimes, transformeront les prestations des participants en rentes et ainsi de suite. Nous pensons en fait que c’est un très bon moment, pendant que les régimes à prestations déterminées sont en assez bon état, pour adopter ce genre de changement touchant la hiérarchie des créances, ce qui n’empêchera pas la restructuration. Cela ne fera qu’empêcher une restructuration dont les retraités et les participants au régime assument tous les coûts. Cela forcera la tenue d’une discussion sur une répartition et un partage beaucoup plus équitables des coûts de restructuration.
Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre exposé. J’ai une question pour Mme Bruske et M. Roberts.
Une préoccupation a été exprimée à maintes reprises — ma question fait suite à celle de mon collègue, le sénateur Loffreda — au sujet du fait que le projet de loi incitera les employeurs à liquider leurs régimes de retraite à prestations déterminées. L’Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite a dit que, si le projet de loi C-228 est adopté, il est presque certain que les promoteurs des derniers régimes à prestations déterminées au Canada seront nombreux à liquider leurs régimes et que les passifs seront transformés en rentes ou supprimés autrement du bilan de l’organisation.
Pensez-vous que cette préoccupation est justifiée? Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Mme Bruske : Absolument. Je ne vois vraiment pas le bien-fondé de cette préoccupation et je vais vous dire pourquoi.
D’après notre expérience dans le secteur privé, où nous rencontrons tous les types d’employeurs — petits et grands — qui ont des régimes à prestations déterminées, dans 95 % des négociations collectives, ces employeurs proposent toujours de remplacer de tels régimes par des régimes à cotisations déterminées. Je ne m’attends pas à ce que cette tendance change et je ne m’attends pas non plus à ce qu’elle s’accentue ou qu’elle diminue suivant l’adoption du projet de loi.
Le sénateur Wells : L’opposition tend à dresser les participants actuels à un régime de retraite à prestations déterminées contre les futurs participants à un régime de retraite à prestations déterminées, qui soutiennent que, si on met un terme au régime, les futurs employés n’auront accès qu’à un régime à cotisations déterminées et non à un régime à prestations déterminées.
Si le pire des scénarios était imposé aux membres de votre syndicat, qui devraient choisir entre un régime à prestations déterminées non garanti et un régime à cotisations déterminées entièrement capitalisé, que choisiraient-ils, selon vous, madame Bruske?
Mme Bruske : Il y a effectivement déjà eu ce genre de discussions aux tables de négociation lorsque les employeurs présentent des propositions pour faire passer des groupes d’employés ou les futurs employés d’un régime à prestations déterminées à un régime à cotisations déterminées. Dans tous les cas, les syndicats s’opposent à une telle mesure, parce que nous croyons toujours que le meilleur moyen d’assurer une bonne retraite est un régime à prestations déterminées.
Lorsque de telles discussions ont lieu dans le cadre des négociations, des décisions difficiles doivent être prises par les membres de ce secteur précis et relativement à cet employeur précis, et il faut tenir compte de tous les enjeux, y compris les autres priorités susceptibles d’être invoquées durant la ronde de négociation.
Nous continuons de croire que les régimes à prestations déterminées constituent le meilleur moyen de protéger les travailleurs et de leur assurer une bonne retraite sur laquelle ils peuvent compter après de nombreuses années de dur labeur. Nous savons que, à ces tables de négociation, les travailleurs prennent des décisions difficiles, et ils doivent souvent décider, comme l’a dit mon collègue, M. Warren, de reporter une partie de leur salaire et de verser des fonds salariaux supplémentaires dans ces régimes de pension, plutôt que de recevoir immédiatement l’argent. Notre priorité est de veiller à la protection de ces salaires différés.
Le sénateur Wells : Merci.
M. Warren : Nous croyons que le régime à prestations déterminées est encore le meilleur régime pour les travailleurs et nos membres, parce qu’il offre une sécurité financière. Nous constatons que, lorsque les marchés fluctuent, les gens ne peuvent pas prendre leur retraite. Si une personne participe à un régime à cotisations déterminées, elle est exposée à toutes les fluctuations du marché. Encore une fois, à la table de négociation, comme l’a dit Mme Bruske… Faisons-nous face à des défis lorsque des employeurs nous proposent des régimes à cotisations déterminées? Et est-ce que nous repoussons de telles tentatives? Absolument, parce que nous croyons que les régimes à prestations déterminées offrent une certaine sécurité, une certaine protection contre la volatilité du marché et qu’ils constituent de meilleurs régimes pour les retraités.
Le sénateur Wells : Merci.
Le sénateur Yussuff : Tout d’abord, permettez-moi de remercier tous les collègues présents aujourd’hui — mes amis, bien sûr — d’être ici aujourd’hui.
Je suppose que c’est l’une des choses qui n’attirent jamais l’attention parce que, trop souvent, lorsqu’elles se produisent, nous ne rencontrons pas les victimes pour qu’elles racontent leur histoire. En moyenne — et je suis sûr que quelqu’un aura les données pour nous —, lorsqu’une entreprise fait faillite — et bien sûr, en vertu de la loi actuelle, les travailleurs se retrouvent au bout de la file —, quelles sont les réductions moyennes des régimes de retraite auxquelles les employés doivent s’attendre dans de telles situations?
Mme Bruske : Je peux vous donner l’information dans le dossier de Sears. Dans le cas de ces travailleurs, 17 000 d’entre eux — partout au Canada — ont fini par perdre 30 % de la pension qu’ils avaient accumulée. Dans le cas de Nortel, les employés ont pu recevoir la moitié de la valeur de leur régime de pension après sept ans de querelles juridiques pour établir ce à quoi ils avaient droit.
Je pense que mon collègue, M. Roberts, pourrait vous donner des renseignements plus précis sur la question des moyennes.
M. Roberts : Une des choses que les témoins disent au sujet de ce projet de loi, c’est que la collecte de données est très mauvaise. Les données des procédures d’insolvabilité sont essentiellement privées et détenues par les grandes sociétés de surveillance, et l’information n’est pas accessible au public. Je pense que ce que les travailleurs et d’autres personnes pourraient dire, c’est que la répartition varie considérablement d’une entreprise à l’autre. Dans le cas d’un régime qui est terriblement sous-financé, les réductions peuvent être très importantes. Dans d’autres circonstances, ils peuvent nous sembler relativement modestes. Mais bien sûr, si vous avez un revenu fixe et que vous attendez cinq, sept ou neuf ans pour une résolution et que vous vous en tirez avec un revenu mensuel inférieur de 15 % — alors que votre revenu était déjà modeste — les conséquences pour les particuliers et les ménages sont très importantes. Cependant, je pense que les résultats varient.
Le sénateur Yussuff : Monsieur Warren, en ce qui concerne les entreprises qui se placent sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité pour se restructurer, votre unité a eu une expérience extraordinaire avec Algoma et Stelco. Vous avez mentionné un certain nombre de choses ici. Pouvez-vous nous décrire le défi auquel vous êtes confrontés lorsque vous vous retrouvez dans ce genre de situation difficile, mais aussi les efforts déployés et l’énergie dépensée pour essayer de rendre l’entreprise solvable afin que vous puissiez rétablir une certaine normalité et, espérons-le, pousser l’employeur à financer le régime de retraite?
M. Warren : Oui, je peux vous en parler. Tout d’abord, l’une des choses que nous devons faire en tant que syndicat, c’est chercher un acheteur. Nous consacrons beaucoup de temps à cette tâche. Nous cognons à beaucoup de portes pour trouver un acheteur. Nous avons vu beaucoup d’entreprises internationales adopter une structure faisant en sorte que, lorsque des filiales font faillite ou se placent sous la protection de la LACC au Canada, comme je l’ai expliqué dans l’affaire Cliffs, il n’y ait pas de préjudice pour la société mère.
Une fois que nous pouvons trouver un créancier, eh bien sachez que, si l’entreprise a du sens et que l’ancien propriétaire l’a mise à mal, nous avons très bien réussi… Le capital adore les occasions. Les capitaux sont attirés par les possibilités. Avec le bon investisseur, quelqu’un qui a de l’expérience dans l’industrie de l’acier, qui veut travailler au sein de l’industrie de l’acier, qui comprend qu’il y a des hauts et des bas dans cette industrie et qui est prêt à faire les investissements nécessaires… Ce processus a été difficile.
Permettez-moi de vous dire que, pendant l’affaire Stelco, à Hamilton, lorsque la société U.S. Steel a invoqué la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, il y a eu une période durant laquelle nos pensionnés ne recevaient pas leurs prestations. En négociant, en participant, en trouvant un acheteur, en l’aidant à obtenir du financement et en concluant une convention collective qui fonctionne, nous avons pu rétablir les prestations. C’est beaucoup de travail, mais le jeu en vaut la chandelle.
Le sénateur Yussuff : Le projet de loi exige au moins que le gouvernement fédéral fasse rapport sur la santé des régimes de retraite à l’avenir. Ces renseignements seraient-ils utiles aux unités de négociation, afin de connaître la situation du régime de retraite de leur employeur?
M. Roberts : Il vaut toujours mieux avoir plus d’information. Les régimes de retraite de compétence fédérale, mais aussi de compétence provinciale ont habituellement l’obligation de communiquer le statut de capitalisation ou, du moins, la position des régimes aux participants au régime et même aux retraités. Nous pensons qu’il est toujours préférable d’avoir plus de transparence dans les rapports. Oui, il est préférable que tous les intervenants — les créanciers, les participants au régime et ainsi de suite — sachent comment le régime est géré et puissent intervenir davantage avant qu’il y ait des problèmes.
[Français]
La sénatrice Bellemare : On a reçu certains témoignages d’entreprises comme Algoma Steel Inc. et d’autres organismes comme le Council on Aging, par exemple, qui s’inquiètent de la portée du projet de loi C-228 sur les régimes de pension à prestations déterminées ontariens, qui sont couverts par des dispositions spéciales et qui sont administrés par le Fonds de garantie des prestations de retraite.
Selon vous, est-ce que le projet de loi va interférer avec ces régimes?
[Traduction]
M. Roberts : Je ne le crois pas. Le Fonds de garantie des prestations de retraite continuera de fournir un soutien supplémentaire aux participants du régime dont le promoteur est insolvable et possède des actifs insuffisants pour s’acquitter de ses obligations définitives et combler les passifs du régime. Dans le cas des membres de l’Ontario, le FGPR demeurera pertinent et nécessaire. Nous aimerions que toutes les provinces et tous les territoires du Canada aient ce genre de filet de sécurité. Malheureusement, ce n’est pas le cas.
[Français]
La sénatrice Bellemare : L’adoption du projet de loi C-228 offrira une protection pour les personnes retraitées et celles qui cotisent actuellement à un régime de pension à prestations déterminées.
Cependant, à l’avenir, si on tente de réduire la pente des régimes à prestations déterminées, et donc qu’on essaie de fournir, comme vous l’avez bien dit, des protections comme celles qui existent notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni, pensez-vous que cela devrait provenir des régimes d’assurance provinciaux, ou plutôt d’un régime fédéral? Qu’est-ce qui serait le plus efficace pour l’avenir?
[Traduction]
M. Roberts : Eh bien, nous savons que deux régimes sur cinq au Canada sont enregistrés en Ontario. Le Québec a aussi une bonne partie des régimes du pays. Le défi, bien sûr, dans une fédération comme le Canada, tient au fait que les lois sur les normes de pension et les assurances de ce genre relèvent probablement de la compétence des provinces.
Nous avons demandé au gouvernement fédéral de diriger une discussion nationale avec les provinces pour établir un fonds commun national qui pourrait jouer le rôle que joue le FGPR en Ontario. Il y a beaucoup de résistance à cet égard, comme vous pouvez l’imaginer. Nous n’avons tout simplement pas pu avoir ce genre de conversation ni même bénéficier d’une étude exploratoire. La meilleure avenue pour nous est celle qui est à l’étude ici actuellement.
La sénatrice Bellemare : Oui, mais l’un n’empêche pas l’autre. J’espère que vous allez continuer à travailler de ce côté de façon à disposer d’une protection dans chaque province ou à assurer une protection à l’échelle fédérale. Vous verrez ce qui est mieux. Merci.
La présidente : À ce sujet, nous avons entendu parler de la constitutionnalité, à savoir qu’il pourrait y avoir des conflits de compétence. Certains disaient que ce n’était absolument pas le cas, que tout ça est clairement défini, tandis que d’autres disaient que c’était un problème. Qu’en pensez-vous, monsieur Roberts?
M. Roberts : Je ne suis pas avocat spécialisé dans les pensions, mais les avocats à qui j’ai parlé estiment qu’il n’y a aucun enjeu constitutionnel. C’est une pratique courante dans le cadre des procédures d’insolvabilité que les dettes provinciales qui sont créées soient évaluées en vertu des lois fédérales sur l’insolvabilité et selon la hiérarchie des réclamations établies dans ces lois. C’est une caractéristique habituelle des procédures, et il n’y a pas de zones grises ni de flou constitutionnel.
La présidente : Merci.
Le sénateur Marwah : Je remercie les témoins. Ma question concerne un sujet plus vaste. Y a-t-il des aspects de ce projet de loi qui vous préoccupent? Monsieur Warren, vous avez dit que des amendements avaient été apportés à la Chambre et que vous étiez déçu. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Je vous ai entendu dire que la perfection n’est pas l’ennemi du bien. En quoi consisterait la perfection, selon vous?
M. Warren : Merci de la question. Ce serait parfait si les prestations des retraités étaient enchâssées dans la loi, non seulement la pension, mais aussi les prestations des retraités, c’est-à-dire la couverture des médicaments d’ordonnance et une partie de la protection des yeux. L’entièreté des avantages constitue l’un des plus grands enjeux. Les indemnités de départ et de cessation d’emploi ont également été retirées. Nous aurions souhaité un certain nombre de choses, mais nous en sommes au point où les retraités et les travailleurs méritent une certaine protection. Quand quelqu’un qui dispose d’un revenu fixe perd 20, 10 ou 30 % après des années de travail, ce n’est pas une situation digne du Canada que j’envisage. Je pense que nous devons intervenir et adopter ce projet de loi comme mesure de protection.
Le sénateur Marwah : J’ai une autre question d’intérêt public. Je crois que mes collègues, les sénateurs Loffreda et Wells, y ont fait allusion. Il ne fait aucun doute que les régimes à prestations déterminées profitent aux travailleurs. Je pense que nous sommes tous d’accord là-dessus.
Cela dit, ne craignez-vous pas que ce projet de loi tue la poule aux œufs d’or, dans la mesure où les régimes à prestations déterminées sont en déclin depuis des décennies et continuent de diminuer? Ils représentent maintenant seulement une petite partie des régimes de pension. En fait, le changement envisagé en ce moment accélérerait un tel déclin. Vous mettez en place une loi pour vous protéger, mais, au bout du compte, elle vous nuira. Cette situation ne vous inquiète-t-elle pas?
Mme Bruske : D’après mon expérience, la plupart des employeurs du secteur privé réclament l’abolition des régimes à prestations déterminées depuis de nombreuses années déjà. Cette tendance va se poursuivre. À l’heure actuelle, alors que les taux d’intérêt sont élevés et que les évaluations des régimes de retraite sont meilleures, nous sommes mieux placés que nous ne l’avons été depuis longtemps pour conserver ces régimes à prestations déterminées. Les syndicats et leurs membres doivent constamment se battre à chaque table de négociation. Je ne m’attends pas à ce que ce projet de loi change la situation.
M. Warren : Je veux être optimiste et croire que le projet de loi ne nous arrêtera pas, dans le secteur de l’extraction minière et dans toute l’économie verte avec laquelle nous allons devoir composer. Les sociétés minières et la sidérurgie représentent beaucoup d’argent, et pour que nous arrivions à la table des négociations et que nous obtenions leurs profits dans leur situation et notre capacité de négocier trois conventions collectives… j’espère que nous pourrons infléchir la courbe et revenir aux régimes à prestations déterminées. Mais, encore une fois, je ne pense pas qu’il empêchera l’employeur de le proposer à la table des négociations ou qu’il nous empêchera de le proposer également.
La sénatrice Ringuette : Je vous remercie d’être des nôtres aujourd’hui. J’ai eu l’impression, lors de notre séance de la semaine dernière, que nous concentrions beaucoup notre attention et notre discours sur le fait que les prestations déterminées sont les grandes gagnantes dans cette affaire. J’irais même jusqu’à dire que le projet de loi prévoit aussi une certaine protection pour les cotisations déterminées, parce qu’à ce jour, personne ne nous a parlé d’un déficit touchant ces cotisations puisque, d’après ce que je comprends, la cotisation des employés est retirée directement du chèque de paye, mais la loi ne prévoit pas que l’employeur la verse dans un régime à cotisations déterminées. Nous n’avons pas encore abordé de cette dette. Avez-vous des renseignements que vous pourriez nous communiquer?
La vice-présidente : Monsieur Roberts, s’agit-il de votre champ de compétences?
M. Roberts : C’est possible. Les régimes à prestations déterminées sont uniques, en ce sens que le promoteur conclut un pacte à l’égard des prestations. L’employeur doit les financer à un certain niveau, peu importe l’expérience relative au régime ou le rendement des placements, et ainsi de suite. Il s’agit d’un accord conclu entre les employés et l’employeur, et il est protégé par la loi.
Une prestation à cotisations déterminées n’en est pas une prestation capitalisée. Il n’y a pas d’obligation de payer une certaine prestation, mais il y a une obligation de verser certaines cotisations au régime. La situation est donc légèrement différente. Je sais que les lois sur l’insolvabilité exigent que les cotisations de pension retenues qui n’ont pas été versées au régime soient assorties d’un droit de super-priorité, ce qui pourrait englober les régimes à cotisations déterminées.
Je suis vraiment d’accord avec vous quant au fait qu’il est nécessaire d’examiner les mesures de protection pour les participants à divers régimes, et pas seulement ceux à prestations déterminées. Cependant, les régimes de retraite à prestations déterminées ont un statut unique, à mon avis. Les syndicats négocient des régimes à prestations déterminées au nom de leurs membres pour de bonnes raisons, notamment la prévisibilité et la sécurité qu’ils offrent. Je pense que le projet de loi C-228 posera enfin la dernière pièce du casse-tête pour ce qui est d’assurer la sécurité des prestations des participants aux régimes.
[Français]
Le sénateur Gignac : Je souhaite la bienvenue aux témoins.
J’ai eu une expérience avec l’entreprise Papiers White Birch au Québec alors que j’étais ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation. J’avais alors rencontré les retraités de l’entreprise, qui avaient vu les rentes de leur régime de retraite diminuer de 40 %.
D’entrée de jeu, je peux vous dire que je voterai en faveur de ce projet de loi; il n’y a aucun doute là-dessus.
Je veux aussi mentionner que je crois moi aussi qu’un régime de retraite à prestations déterminées est bien meilleur qu’un régime de retraite à cotisations déterminées pour les travailleurs.
Cela dit, j’ai été surpris d’entendre, à la question du sénateur Wells, la réponse des représentants du Congrès du travail du Canada, qui ont affirmé qu’ils allaient refuser systématiquement toute demande des employeurs qui voudraient introduire un régime à cotisations déterminées pour les nouveaux employés.
J’aimerais que les représentants me rassurent, car j’ai une crainte en ce qui a trait aux entreprises canadiennes qui opèrent des deux côtés de la frontière; cela n’aura-t-il pas pour effet d’introduire un incitatif additionnel pour les entreprises canadiennes à investir davantage dans leurs usines aux États-Unis au lieu de faire ces investissements au Canada, étant donné que les nouveaux employés ne seraient pas soumis au régime de retraite à prestations déterminées? Pouvez-vous me rassurer à cet égard?
[Traduction]
M. Roberts : Je m’excuse s’il y a eu un malentendu. Je ne pense pas avoir voulu laisser entendre que…
Le sénateur Gignac : Je vais répéter ce que j’ai dit. Essentiellement, je suis tout à fait d’accord pour dire que les régimes à prestations déterminées sont meilleurs que les régimes à cotisations déterminées. J’ai parlé de l’expérience de White Birch lorsque j’étais ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation.
Mais, ce qui me préoccupe en ce moment, à la suite d’une question que le sénateur Wells a mentionnée, c’est que, si, après l’adoption du projet de loi, des entreprises proposent aux prochaines négociations : « Vous savez quoi? Nous avons des investissements à faire ici, et nous pouvons créer beaucoup d’emplois. Êtes-vous ouvert à l’idée que nous ayons deux régimes? » Nous conservons le régime actuel pour les employés actuels, mais les nouveaux auront l’autre régime. Sinon, je crains que cet investissement ne soit effectué grâce à des subventions américaines plutôt qu’au Canada. Voudriez-vous m’en assurer?
M. Roberts : Je ferai de mon mieux. Comme vous le savez, il y a tout un éventail de considérations qui déterminent où les multinationales investissent, et il serait impossible d’en imputer toute la responsabilité à cette question. Il ne pourrait s’agir du facteur déterminant. Nous sommes tout à fait en faveur des régimes à prestations déterminées, et nous essayons de les négocier chaque fois que nous le pouvons, comme vous l’avez entendu.
Dans un marché du travail serré, compte tenu de la démographie et de la concurrence pour les talents et les travailleurs qualifiés, entre autres, les syndicats auront de plus en plus d’occasions de présenter des propositions de régimes à prestations déterminées à la table des négociations et d’amener les employeurs à les envisager. Nous savons que les travailleurs, même les jeunes, accordent une grande importance à la sécurité de la retraite. Ils connaissent les régimes à prestations déterminées et leur valeur. Selon nous, il y a une réelle possibilité de continuer à exercer des pressions pour que ces plans soient mis en œuvre, et nous continuerons de le faire. Je crois que l’idée d’ententes à deux niveaux où les régimes à prestations déterminées sont fermés aux nouveaux venus et où ces derniers obtiennent des régimes de qualité inférieure… je pense que de nombreux syndicats estiment eux aussi que ce n’est pas une voie que nous voulons emprunter. Je tiens à vous rassurer. Selon moi, on exercera continuellement des pressions afin de négocier de très bons avantages pour tous les travailleurs.
La présidente : Je pense que la question est de savoir si le projet de loi deviendrait alors un élément dissuasif. Si une entreprise décide d’investir au Canada ou aux États-Unis, est-ce qu’il va l’influencer d’une manière ou d’une autre?
Mme Bruske : À la table des négociations, lorsqu’on propose de faire passer les nouveaux employés à un régime à cotisations déterminées plutôt que de maintenir leur régime à prestations déterminées, il y a normalement beaucoup d’autres questions qui entrent en ligne de compte en ce qui a trait aux discussions qui ont lieu et aux raisons pour lesquelles l’employeur pourrait vouloir réaliser des économies du côté des pensions dans le but de réinvestir. À cette étape,, il revient au syndicat, aux employés et à l’employeur de discuter et de trouver le meilleur équilibre possible dans le contexte de ce qui se passe dans le secteur en question et dans notre économie à ce moment-là.
Le sénateur Gignac : Il ne s’agit pas de réduire les coûts d’exploitation. Là n’est pas la question. Si on doit demander 100 millions de dollars à la banque sur le marché des capitaux ou sur le marché des obligations industrielles, le prix ne sera probablement pas le même si, soudainement, on doit tenir compte... On ne parle pas des coûts d’exploitation; on parle des fonds disponibles pour d’énormes investissements à faire. Il est possible que les prêteurs aient deux scénarios en ce qui concerne le coût du prêt si on investit au Canada plutôt qu’aux États-Unis. Voilà ce que je voulais dire.
Le sénateur C. Deacon : Je remercie les témoins et mes collègues de leurs excellentes questions. J’aimerais approfondir un peu ma première question. J’ai trouvé les données. Je les cherchais dans ma tête et je n’y arrivais pas, mais j’ai trouvé le document qui les contenait. En Ontario, 1,5 million de pensionnés, soit 60 % des participants à un régime de retraite à prestations déterminées, participent à des régimes de retraite administrés conjointement ou interentreprises qui ne sont pas protégés. L’employeur n’a aucune obligation de protection. Ce qui est inquiétant, c’est que le libellé général du projet de loi C-228 pourrait les englober dans une situation où les employeurs seront tenus de les garantir et où ils seront assujettis à cette loi. La marraine du projet de loi, la députée Gladu, nous a exposé très clairement son impression selon laquelle ils ne seront pas visés par le projet de loi.
Toutefois, je tiens vraiment à obtenir des précisions de votre part et à connaître votre point de vue sur vos membres. L’intention est de ne pas causer de tort. Voilà l’intention. C’est de prévenir les préjudices. J’ose croire que vous voudrez vous assurer que 60 % des titulaires de régimes de retraite à prestations déterminées qui sont des entrepreneurs indépendants et de petits employeurs ne subiront pas de préjudice… c’est très différent des régimes de retraite à employeur unique, où il y a une protection de l’employeur. Vous voudrez vous assurer que le projet de loi ne leur causera pas de tort.
M. Roberts : Les régimes de retraite conjoints sont de très gros régimes du secteur public dont l’un des promoteurs est, par exemple, le gouvernement de l’Ontario. Il est très peu probable que ces régimes fassent l’objet d’une procédure d’insolvabilité. Dans la mesure où les régimes à prestations déterminées du secteur public sont susceptibles de se prévaloir d’une telle procédure, ce serait comme dans le cas des régimes à employeur unique, comme celui de l’Université Laurentienne, qu’il faudrait régler. À notre avis, c’est précisément dans les cas comme celui-là qu’il faut protéger les participants au régime et les retraités. Il est peu probable que les régimes de retraite administrés conjointement se retrouvent dans le genre de situation d’insolvabilité dont nous parlons.
Il en va de même pour les régimes à prestations cibles — les régimes interentreprises —, qui, conformément à la loi, peuvent régler un passif non capitalisé grâce à des réductions du niveau des prestations. Ils peuvent le faire en grande partie parce qu’ils sont gérés conjointement. C’est-à-dire que les syndicats ont une place et leur mot à dire à la table des négociations et que ces régimes sont souvent négociés collectivement. Cette particularité offre donc un niveau de protection supplémentaire lorsque le régime est en difficulté. Il peut y avoir une entente négociée.
Le problème que nous avons à cet égard tient au fait que les régimes à prestations déterminées à employeur unique du secteur privé ne sont généralement pas gérés conjointement. Les syndicats n’ont pas de place à la table des négociations à titre d’administrateur du régime, alors ce n’est pas eux qui décident. Ils n’ont pas de rôle direct à jouer à l’avance qui leur permettrait d’éviter l’insolvabilité. Ensuite, lorsque les régimes deviennent insolvables, bien sûr, ils se retrouvent à la fin de la file d’attente en tant que créance non garantie.
Le sénateur C. Deacon : Simplement pour obtenir une précision à ce sujet, pensez-vous que ces régimes ne seront pas visés par cette obligation?
M. Roberts : Pour les raisons que j’ai formulées.
Le sénateur C. Deacon : Merci.
Le sénateur Loffreda : Je voudrais poursuivre avec ma question précédente. Toujours en pensant aux travailleurs, je répète que les régimes de retraite à prestations différées dans le secteur privé sont passés de 21,3 % en 2000 à 9,6 % en 2020. Nous avons parlé de la restructuration des sociétés et abordé l’insolvabilité de façon détaillée. Permettez-moi de parler des entreprises en pleine croissance, des entreprises sous-capitalisées qui prennent de l’expansion; cette réclamation devra désormais être calculée dans leur marge, et la variabilité de la valeur du passif non capitalisé des régimes de retraite modifiera le profil de risque de ces entreprises. Alors, nous voulons tous le bien des travailleurs, mais ne craignez-vous pas que le projet de loi empêche ces entreprises de croître ou qu’il décourage l’adoption de régimes de retraite à prestations déterminées dans l’avenir?
La présidente : Veuillez répondre très rapidement. Merci.
M. Roberts : Les régimes à prestations déterminées peuvent être parrainés par des entreprises très rentables et attrayantes pour d’autres raisons, et il peut s’agir de régimes très bien gérés qui enregistrent des surplus. Nous ne pouvons pas présumer que les régimes à prestations déterminées seront déficitaires dans le futur. Le même principe s’applique aux régimes en croissance. Il y a toute une panoplie de raisons pour lesquelles les prêteurs se tournent vers une entreprise, et, actuellement, ils prêtent beaucoup aux promoteurs de régimes à prestations déterminées du secteur privé au Canada. Je pense que nous devrions en tirer des leçons.
La présidente : Merci beaucoup. Je tiens à remercier tous nos témoins d’aujourd’hui : Bea Bruske, Chris Roberts, Marty Warren et Meg Gingrich. Je vous remercie d’avoir été des nôtres et d’avoir répondu à nos questions.
Nous accueillions notre deuxième groupe de témoins qui se joint à nous aujourd’hui pour formuler des commentaires et répondre à des questions sur le projet de loi C-228. Nous accueillons Michael MacIsaac, président de l’Association des syndicalistes à la retraite du Canada; Les MacDonald, président du Comité exécutif du Conseil des travailleuses et travailleurs retraités d’Unifor; et Sandeep Kakan, directeur, Direction des pensions et des avantages sociaux d’Unifor. Soyez les bienvenus.
Nous allons commencer par une déclaration préliminaire de M. MacIsaac, qui sera suivie d’une déclaration de M. MacDonald.
Michael MacIsaac, président, Association des syndicalistes à la retraite du Canada : Merci. Comme je l’ai mentionné, je suis le président récemment élu de l’Association des syndicalistes à la retraite du Canada. Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser au Comité au sujet de ce projet de loi essentiel, le projet de loi C-228.
Permettez-moi d’abord de décrire brièvement notre organisation. L’Association des syndicalistes à la retraite du Canada est une organisation nationale fondée en 1993. Nous célébrons le 30e anniversaire de notre congrès de fondation. Nous parlons au nom de 500 000 syndicalistes retraités. Nous sommes un organisme affilié qui regroupe des centaines de sections locales de retraités dans tout le pays, et nous comptons également des membres individuels. Notre structure comprend un petit organe exécutif, et nous avons dans chaque province des fédérations provinciales qui, ensemble, forment un conseil qui exécute nos politiques et nos programmes. Nous appuyons les conseils régionaux de nombreuses collectivités, dans tous les recoins du pays, et leurs membres se réunissent régulièrement aux fins d’activités sociales et autres.
Toute la structure est gérée par des syndicalistes retraités. Nous n’avons pas de personnel rémunéré. Les compétences et l’expérience de nos membres, qu’ils ont acquises au cours de leur vie de travail et de militantisme, sont notre plus grand atout. Notre organisation a hâte que le projet de loi soit adopté et espère qu’il franchira rapidement l’étape du Sénat pour devenir loi.
En préparant mon exposé d’aujourd’hui, je n’ai pu m’empêcher de penser aux travailleurs de Sears et de Nortel et à d’autres que j’ai rencontrés tout au long de ma carrière. Je suis sûr que vous êtes nombreux à avoir entendu les histoires au fil des ans, vous aussi : des travailleurs d’âge moyen ont non seulement perdu leur carrière lorsque leur employeur a déclaré faillite; ils ont aussi perdu leur pension… des pensions qu’ils avaient gagnées et pour lesquelles ils avaient payé.
Une fois, j’ai rencontré à un souper-bénéfice un travailleur qui m’a décrit deux occasions dans sa vie active où la faillite et la fermeture de l’employeur avait eu des effets négatifs sur son épargne-retraite. À l’époque, il était au début de la cinquantaine et espérait qu’il lui resterait encore assez de temps pour gagner l’argent nécessaire afin de profiter de la retraite. Des milliers de travailleurs au fil des décennies ont raconté des situations semblables. Leurs histoires suscitent des inquiétudes et parfois de la colère à l’égard du système qui ne protège pas les pensions et les économies des travailleurs.
L’auteure du projet de loi a parlé de ce qui l’avait motivée à déposer ce projet de loi d’initiative parlementaire. Elle a raconté qu’une voisine avait perdu son épargne-retraite et affirmé que c’était injuste et que ces situations ne devraient pas se produire. Vous entendrez des partisans et des opposants au projet de loi. Les partisans ont des données probantes et ont des histoires à raconter au sujet de familles et de vraies personnes qui sont les victimes d’un système injuste. Ils ont témoigné devant de nombreux comités, tant à la Chambre des communes qu’au Sénat. Ils ont organisé des rassemblements, rédigé des lettres et publié des articles d’opinion décrivant en détail l’incidence des faillites de leur employeur sur leur vie. Ils ont vu les créanciers garantis être payés en premier, alors qu’ils étaient au bas de la liste. À maintes reprises, de nouvelles histoires et de nouvelles victimes sont présentées, et, à chaque fois, elles sont perdantes.
Récemment, j’ai été reconnu par mon syndicat, l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale, pour 50 ans d’adhésion... je n’ai pas l’air si vieux. Trois semaines après le début de mon premier emploi de machiniste, j’ai participé à une grève de 11 semaines. On m’a attribué un horaire de piquetage et un emplacement. C’était une nouvelle expérience pour moi. Je marchais avec des gens que c’était la première fois que je rencontrais. Nous étions sur les lignes de piquetage pour les salaires, la santé et la sécurité, et pour les pensions.
J’étais jeune à l’époque, et je ne pensais pas vraiment à la retraite, mais, comme je passais du temps à marcher et à discuter tous les jours, j’ai appris que les pensions sont essentielles et qu’elles doivent être protégées. J’ai retenu cette leçon toute ma vie. Je me souviens de toutes les personnes qui en ont parlé et qui arrivaient à l’âge où elles y pensaient.
Les pensions sont des salaires différés. Les travailleurs qui étaient sur ces lignes de piquetage comprenaient qu’il s’agissait de salaires qui étaient différés par l’employeur… la rémunération gagnée pendant les années de travail, mais versée pendant la retraite. En offrant un régime de pension, les employeurs diffèrent le versement de cette partie de la rémunération d’un employé en échange de la promesse d’une source fiable de revenu de retraite. Le salaire différé des employés doit être protégé en cas de faillite. Ces salaires sont dus à ces travailleurs pour leurs années de service. Les régimes de retraite sont un élément essentiel du filet de sécurité sociale, et leur protection est tout à fait logique sur le plan économique.
Nous savons tous que, parfois, les projets de loi sont adoptés rapidement et que, d’autres fois, il semble y avoir des retards. Des projets de loi semblables ont déjà été présentés à la Chambre, mais ils sont morts au Feuilleton avant d’être adoptés. Comme le gouvernement est minoritaire, on ne peut pas prendre de risques. Nous avons des décennies de témoignages et d’examens, et nous avons passé des décennies à essayer de mettre fin à cette injustice. Vous avez sous les yeux un bon projet de loi qui va finalement reconnaître les pensions des travailleurs comme une priorité en cas de faillite.
Je dois répéter ce qui a été dit plus tôt : le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a voté à 11 contre 0 en faveur du projet de loi. Les membres de ce comité en ont discuté et l’ont examiné. À l’étape de la troisième lecture, la Chambre des communes a voté à 318 contre 0. Donc, au nom de l’Association des syndicalistes à la retraite, je vous demande d’adopter rapidement ce projet de loi afin que nous puissions enfin obtenir justice.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur MacIsaac.
Les MacDonald, président du Comité exécutif du Conseil des travailleuses et travailleurs retraités, Unifor : Je vous remercie, madame la présidente et distingués sénateurs, de votre invitation à participer à cette table ronde et à l’étude de l’important projet de loi qui tient à cœur aux travailleurs d’Unifor, à nos sections des retraités et à l’ensemble de l’organisation ouvrière.
Je suis le représentant national du Comité exécutif du Conseil des travailleuses et travailleurs retraités d’Unifor. Je comparais au nom d’Unifor, qui représente 315 000 membres actifs et des dizaines de milliers d’autres retraités vivant dans toutes les régions du Canada et travaillant dans tous les grands secteurs de l’économie.
En tant que syndicat du secteur privé, nous défendons les intérêts de tous les travailleurs, et nous œuvrons à la négociation de conventions collectives qui procurent à des milliers de travailleurs des conditions de travail et des salaires équitables ainsi que de bonnes pensions. Dans le cadre des négociations, les pensions représentent une grande part des discussions monétaires. Les membres finissent par faire des sacrifices immédiats touchant leur salaire actuel afin de gagner des prestations de retraite garanties à long terme.
Cependant, l’actuelle LFI — la Loi sur la faillite et l’insolvabilité — et la LACC — la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies — n’offrent aucune protection qui puisse offrir la tranquillité d’esprit à la retraite pour une pension qui est tirée, en particulier d’un régime de retraite à prestations déterminées à employeur unique. Les lois permettent et encouragent l’ingénierie financière derrière les portes closes de salles de conseil, où le sort d’un travailleur moyen est décidé bien avant que l’entreprise ne déclare faillite ou ne procède à une restructuration.
Nortel Networks, un employeur représenté par Unifor, a déclaré 6 225 retraités touchant une pension annuelle moyenne de 12 430 $ à la fin de 2006. La société avait 7,3 milliards de dollars américains en fiducie pendant la faillite, et le déficit à la liquidation du passif du fonds de pension de Nortel s’établissait à 1,34 milliard de dollars. Si les lois avaient accordé une priorité absolue à la caisse de retraite en 2017, lorsque le règlement final a été annoncé, tout le déficit à la liquidation des régimes de retraite aurait facilement pu être éliminé. Quoi qu’il en soit, les retraités de Nortel ont dû accepter 40 ¢ par dollar et, avec l’application des 287 millions de dollars du Fonds de garantie des prestations de retraite, ou FGPR, de l’Ontario, leurs pensions se sont améliorées pour atteindre seulement 60 ¢ par dollar.
En 2010, le régime de pension à prestations déterminées parrainé de Papiers White Birch, un employeur représenté par Unifor, affichait un déficit de 250 millions de dollars; toutefois, le promoteur du régime a négocié une liquidation du régime de retraite qui a entraîné une réduction allant jusqu’à 50 % des pensions individuelles au moment où la société a amorcé sa restructuration.
Dès 2005, Eddie Lampert, le plus important actionnaire, propriétaire et fournisseur de Sears Canada, a versé 6 milliards de dollars pour racheter des actions et des dividendes dans le but de réaliser des profits. Pourtant, l’entreprise a continué d’afficher un déficit de 260 millions de dollars qui aurait été facilement éliminé si le projet de loi C-228 avait été en vigueur en 2017. À la fin de décembre 2015, Sears comptait 14 015 retraités touchant une pension viagère annuelle moyenne de seulement 5 141 dollars canadiens… exactement 428 $ par mois. Alors qu’Unifor n’a pas énagé les efforts pour représenter les retraités de Sears en situation d’insolvabilité, ceux-ci ont été contraints d’accepter une réduction de 30 % de ces prestations déjà peu élevées.
Ces événements continuent de se produire sans qu’on y mette un frein parce que les lois actuelles n’accordent pas la priorité aux engagements pris envers les travailleurs canadiens. Les retraités gagnent leur pension tout au long de leur carrière. Ces salaires différés doivent surtout être garantis.
Unifor appuie sans réserve le projet de loi C-228 dans sa forme actuelle, qui accorde la priorité aux paiements nécessaires pour éliminer les déficits des régimes de retraite plutôt qu’aux créanciers garantis et aux banques. Nous sommes extrêmement heureux que le projet de loi ait été adopté à l’unanimité avec l’appui de tous les partis, et nous avons hâte que les sénateurs le voient adopté par proclamation.
Encore une fois, je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup. Nous vous en sommes reconnaissants.
Le sénateur C. Deacon : Merci à vous deux d’être des nôtres. Vous êtes des orateurs très convaincants, alors il n’est pas étonnant que vous ayez été choisis en fonction des rôles et des responsabilités qui vous incombent.
Notre travail consiste à rechercher les conséquences imprévues et à nous assurer que toutes les questions et toutes les voix sont entendues dans le cadre de l’étude des projets de loi. Je pense que vous l’avez constaté dans le cas du groupe de témoins précédent. Ils étaient convaincus que tous les problèmes liés au projet de loi pourraient être réglés à la table des négociations.
Je voudrais que vous vous remémoriez les premiers jours où vous avez été membre d’un syndicat et que vous envisagiez les effets du projet de loi sur les jeunes travailleurs, ceux qui commencent leur carrière. Avez-vous réfléchi aux effets qu’il pourrait avoir sur eux — positifs ou négatifs — afin que nous puissions comprendre que nous ne nous contentons pas de l’examiner du point de vue des travailleurs à la retraite? Où commencent-ils au tout début?
M. MacIsaac : Je prends l’exemple de l’homme que j’ai rencontré lors du souper. Il avait suivi deux processus et avait été perdant dans les deux cas. Il a déménagé sa famille de Brantford à Niagara Falls à cause de ce qui s’était passé. J’espère qu’il a atteint l’âge de la retraite environ. J’espère qu’il a réussi à mettre quelque chose de côté à cette fin.
Quand les travailleurs commencent leur emploi, ils ne pensent pas à la retraite. Je n’y avais pas pensé, mais j’ai certainement appris à le faire, à cause des histoires que j’ai entendues au sujet de personnes qui sont nerveuses lorsqu’elles atteignent un certain âge, à l’idée de ne pas avoir assez d’argent pour survivre. Je savais pourquoi j’étais sur la ligne de piquetage. Alors, j’ai fait le piquet de grève pendant ces 11 semaines.
Sandeep Kakan, directeur, Direction des pensions et des avantages sociaux, Unifor : Merci. Je tiens à dire au groupe de sénateurs que ce ne sont pas tous les régimes de pension qui sont en situation déficitaire. Comme mes estimés collègues experts qui m’ont précédé l’ont mentionné, les taux d’intérêt plus élevés ont créé une situation de surplus. De fait, le moment est bien choisi pour adopter ce projet de loi.
Pour répondre à votre question au sujet des jeunes travailleurs, sénateur Deacon, je crois que le commentaire a déjà été formulé. Comme les médias vous l’ont probablement appris, le marché du travail est serré. En fait, le régime de retraite à prestations déterminées à employeur unique, ou les régimes de pension à prestations déterminées en général — même les MEPP, ou Management Employees Pension Plans, comme on l’a mentionné plus tôt, ainsi que les régimes à prestations cibles et les régimes de retraite administrés conjointement — peuvent être des outils de maintien en poste extrêmement précieux.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup.
Le sénateur Gignac : Merci à nos témoins. Je vous dirai, comme je l’ai dit au groupe de témoins précédent, que je vais appuyer le projet de loi sans amendement, mais nous pensons aux conséquences qu’il aura. La fois où j’ai fait affaire avec White Birch en tant que ministre du Développement économique, c’était effectivement avec votre ancien collègue d’Unifor, Renaud Gagné, que je connaissais très bien. Il avait mon numéro de téléphone cellulaire lorsque j’étais ministre.
Habituellement, les retraités ne sont pas à la table des négociations. Il y a l’entreprise et le syndicat, mais les retraités? Pas nécessairement. Il y a un arbitrage à faire entre ces derniers et les travailleurs actuels, peut-être lorsqu’il y a une restructuration, parce qu’il faut choisir entre des réductions pour les retraités ou des réductions de salaire. Essentiellement… parce que, sur papier, par exemple, dans le cas d’AbitibiBowater, la solution de rechange était de relocaliser l’activité aux États-Unis et de fermer l’usine canadienne, alors c’était quelque chose.
J’ai fait part de cette préoccupation au groupe de témoins précédent. Est-il possible, sous le régime de ce genre de projet de loi, qu’une papetière, par exemple, qui exerce ses activités des deux côtés de la frontière, fasse de nouveaux investissements du côté américain? Si on n’investit plus dans l’usine canadienne, c’est la recette parfaite qui mènera à la fermeture de l’usine plus tard. On économisera les coûts liés aux retraites et aux retraités, mais, plus tard, on fermera l’usine et les travailleurs perdront leur emploi. Ce n’est pas immédiat, mais, en cas de ralentissement économique, une telle situation pourrait se produire. Avez-vous une réaction à ce scénario possible?
M. Kakan : À l’heure actuelle, en raison du resserrement des marchés du travail et de choses du genre, ainsi que de la simplification de la réglementation de l’industrie, il y a beaucoup plus de solutions à des situations comme celle que vous décrivez, sénateur, en particulier l’histoire de White Birch, où, après la liquidation, l’employeur a négocié un régime à prestations cibles. Il existe d’autres régimes de retraite, ce qui ne signifie pas que les retraités participant à des régimes de pension à prestations déterminées à employeur unique doivent endurer d’autres souffrances.
Le projet de loi offre une protection et garantit que le retraité sera indemnisé, du moins, à notre avis. Au moins, il conférera davantage de pouvoirs discrétionnaires aux organismes de réglementation pour qu’ils puissent exercer celui qu’ils ont en matière de réglementation prudentielle et intervenir dans les cas où il est établi que la société a des liquidités et, par exemple, accorde la priorité aux dividendes des actionnaires, aux primes pour les cadres et aux rachats d’actions, tout en enregistrant des déficits des fonds de pension, comme vous en avez déjà entendu parler dans le cas de Sears.
La sénatrice Bellemare : J’ai une question sur l’effet qu’aura le projet de loi à la table des négociations. Je pense qu’il va être adopté. Cette question ne suscite pas beaucoup d’inquiétudes, mais on veut comprendre les avantages et les inconvénients du projet de loi.
S’il est adopté, quel genre d’effet incitatif aura-t-il à la table des négociations lorsque vous négocierez les régimes de pension?
M. MacIsaac : Nous sommes à la retraite; nous ne négocions plus.
M. Kakan : Il n’y aura peut-être pas d’avantage monétaire direct, mais, ce qu’offre le projet de loi, c’est l’effet de levier qu’aura l’élimination de la crainte. Lorsque les membres se présentent à la table des négociations, souvent… à de nombreuses occasions, les employeurs ont brandi la situation où, si on n’acceptait pas telle réduction dévastatrice maintenant, ne faisait pas d’autres concessions ou n’adhérait pas aux régimes de pension à cotisations déterminées qui ont déjà été mentionnés, ils allaient devoir procéder à une restructuration, sans quoi l’entreprise deviendra insolvable. Alors, cette crainte sera dissipée, car le projet de loi sera promulgué et tout passif non capitalisé aura été réglé. Merci.
La sénatrice Bellemare : Lorsque vous négociez, tenez-vous compte de la santé financière du régime de pension, du fait qu’il y a un déficit ou non? Intervenez-vous pendant vos négociations pour plaider en faveur de la santé financière des régimes de retraite? Le projet de loi aura-t-il un effet sur la façon dont vous agirez à la table des négociations?
M. Kakan : C’est tout à fait exact. Nous essayons d’obtenir l’information la plus récente possible. Dans de nombreuses administrations, ce n’est pas possible. Certaines des évaluations sont triennales. Mais oui, nous tentons d’obtenir les données les plus récentes possible sur la santé financière d’un fonds de pension avant d’entamer des négociations.
Cependant, comme on l’a mentionné dans le groupe de témoins précédent, les régimes de pension à prestations déterminées à employeur unique n’offrent pas de possibilités de gouvernance, de place à la table des négociations ni même de voix au chapitre. Le plus que nous pouvons obtenir, c’est un comité d’information sur les pensions, où nous pouvons comprendre quelles étaient les intentions de l’employeur ou les mesures qu’il a prises dans le passé. Mais, nous ne sommes pas en mesure d’exiger ni même de demander un changement de cap ou des mesures correctives en ce moment.
Le sénateur Wells : Merci, mesdames et messieurs. J’ai d’abord une observation à faire au sujet du fait que l’autre Chambre a adopté le projet de loi par 318 voix contre 0. Nous l’entendons dire tout le temps. Mme Gladu, la marraine du projet de loi, a dit : « Je vais leur dire qu’il a été adopté par 318 voix contre 0, et le tour sera joué. » Je lui ai dit de ne pas dire cela. Elle a fini par le faire, mais, ce que ces propos m’indiquent, c’est que le projet de loi n’a peut-être pas fait l’objet d’un examen suffisant et que quelque chose comme cela doit faire l’objet d’une étude minutieuse. Et je suis le parrain au Sénat.
Alors, je l’appuie sans amendement, mais, si l’un de mes collègues du Sénat ou de la Chambre proposait un amendement que j’estime être une bonne idée, je serais heureux de l’envisager. Le fait que l’autre endroit l’a adopté par 318 voix contre 0 ne m’ébranle pas du tout. Je le mentionne parce que beaucoup de gens en parlent.
Ma question est la suivante : les détracteurs du projet de loi C-228 affirment que les employeurs seront forcés d’opter pour un régime à cotisations déterminées afin d’éviter des coûts d’emprunt plus élevés, mais, ce faisant, je pense qu’ils ne tiennent pas compte d’autres options de pension à prestations déterminées, comme les régimes de retraite interentreprises.
Êtes-vous d’accord pour dire que l’argument n’est pas aussi polarisé que certaines personnes le laissent entendre? Parce que les régimes interentreprises, que nous connaissons bien, continueront d’offrir une solution attrayante et viable à tout employeur, surtout les petits, qui aimeraient offrir un régime de pension à prestations déterminées à leurs employés.
M. Kakan : Cette question a déjà été soulevée également en ce qui concerne les coûts afférents aux prêts. Si vous me permettez d’aborder ce sujet, avec tout le respect que je vous dois, sénateur, je dirais que, même si les créanciers garantis et les banquiers peuvent avoir d’innombrables façons de mesurer leur incidence sur ces coûts, certains sont déjà intégrés en ce qui a trait aux mauvais ratios d’endettement et aux risques de défaut de paiement.
Toutefois, l’incidence sur un retraité du fait que son entreprise devient insolvable, ainsi que le régime de pension qui était rattaché à cette entreprise, est incommensurable, surtout lorsqu’on voit les Eddie Lampert de l’industrie, qui ont délibérément décidé de s’enrichir et de maintenir leur fonds de pension sous-capitalisé.
Maintenant, pour répondre à la question concernant d’autres solutions… et, en fait, dans d’autres situations — par exemple, une restructuration —, comme l’a dit M. Warren du syndicat des métallurgistes, les syndicats font de leur mieux pour en arriver aux décisions de restructuration à venir, pour travailler et pour collaborer avec l’employeur afin de trouver ou d’offrir des mécanismes de consentement — ce qui est inscrit dans les dispositions législatives prescrites — et de procurer à la société un allégement du déficit de solvabilité, alors nous ne sommes pas opposés à ces discussions.
Ce que nous tentons essentiellement de combler, c’est cet énorme trou béant qui n’offre aucune protection au retraité qui a travaillé pendant 30 ou 40 ans pour gagner cette pension et qui se retrouve dans la misère et dans l’impuissance du simple fait que l’employeur a fermé ses portes. Personne ne défend les retraités derrière les portes closes des conseils d’administration. Merci.
Le sénateur Wells : Merci. Messieurs, avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. MacIsaac : Au sujet des 318 votes, je veux formuler un commentaire. J’ai vu des gens en discuter pendant des années. J’ai entendu tous les arguments. Je les ai écoutés, et ils ont fait l’objet de débats, d’examens et de tout le reste. Je ne sais pas, mais c’est peut-être la première fois qu’un projet de loi d’initiative parlementaire reçoit le consentement unanime et l’appui de tous les partis. Je ne sais pas, mais je n’en avais jamais entendu parler auparavant. C’est un grand pas dans la bonne direction pour beaucoup de gens. Ils l’applaudissent.
Le sénateur Wells : Je vous remercie.
Le sénateur Yussuff : Tout d’abord, permettez-moi de remercier certains de mes amis de leur présence et, surtout, du travail important qu’ils accomplissent.
Monsieur MacIsaac, je veux commencer par vous. Bien souvent, les gens ne comprennent pas la réalité de la vie. Vous comparaissez à titre de retraité, et vous défendez un projet de loi qui n’aura aucune incidence sur la vie des membres que vous représentez parce qu’ils sont déjà à la retraite. Pourquoi le faites-vous?
M. MacIsaac : Dans le mouvement syndical, j’ai appris très tôt qu’on écoute et qu’on essaie de trouver des solutions. Il y a beaucoup de gens qui ont eu beaucoup de problèmes au fil des ans. En 50 ans, j’ai peut-être parlé de problèmes à 300 000 personnes. Je ne possède pas de diplôme en travail social ni quoi que ce soit, mais j’essaie de trouver des solutions. C’est ce que j’ai appris dans le mouvement syndical. Nous tentons de trouver des solutions. Il s’agit d’une solution à un problème qui existe depuis 30 ans. Cela n’a pas été facile.
Je regarde notre société, et 25 % de notre population y est déjà ou y sera bientôt. Nous devons trouver une solution pour aider ces gens dans ce genre de situations. C’est là-dessus qu’il faut mettre l’accent, pas sur qui… je dis que le travailleur doit être en tête de liste. Dans quel genre de société dit-on qu’une personne qui a tout arrive en tête de liste? C’est la personne qui en a besoin qui doit y être. Voilà où j’en suis.
Le sénateur Yussuff : Combien de fois êtes-vous venu sur la Colline pour défendre une mesure législative de la forme de celle soumise à votre étude aujourd’hui?
M. MacIsaac : Depuis la première fois que j’ai entendu parler du problème. Je n’arrête pas d’en parler, de sensibiliser les gens et de faire avancer la cause dans le système. En tant que retraité qui maintenant a trouvé un poste volontaire, je continuerai à le faire, et beaucoup de gens m’appuient.
Le sénateur Yussuff : Je pourrais peut-être vous adresser deux ou trois questions. De toute évidence, la réglementation sur le financement des pensions est un élément essentiel des lois régissant l’insolvabilité au Canada. Si les employeurs s’acquittent de leurs obligations au titre de leurs règlements respectifs à l’échelon provincial, il ne devrait pas y avoir de contestations relativement à l’insolvabilité des régimes de pension dans une grande mesure. Il y aura toujours des fluctuations. Les règlements qui sont actuellement en vigueur et que vous connaissez — et ils varient d’une région à une autre du pays — sont-ils adéquats pour ce qui est de garantir que les employeurs s’acquitteront de leur obligation de financer leurs régimes de pension de façon à éviter certains des écueils que nous observons lorsqu’un régime devient totalement insolvable quand une entreprise fait faillite?
M. Kakan : Je vous remercie de cette question, sénateur Yussuff. À l’heure actuelle, les lois provinciales n’ont pas la capacité… il y a des dispositions sur les fiducies réputées, mais la primauté des dispositions législatives fédérales figurant dans la LFI et la LACC n’offre pas la garantie ou la protection qui doivent être accordées aux retraités parce que, chaque fois qu’un employeur déclare faillite ou entreprend une restructuration et qu’il se trouve à avoir un déficit de liquidation, la loi provinciale ne peut malheureusement pas offrir la protection requise. Merci.
Le sénateur Yussuff : En ce qui concerne l’entente avec l’Ontario — et je prends l’exemple des travailleurs de Sears —, si vous viviez en Ontario et que vous étiez un travailleur de Sears, vous auriez été dans une bien meilleure situation. Ai-je raison de supposer que ce serait le cas à la fin de la faillite de Sears?
M. Kakan : Vous avez tout à fait raison là-dessus aussi, sénateur Yussuff. Il y a un régime d’assurance, le Fonds de garantie des prestations de retraite — ou FGPR — qui n’existe malheureusement pas à l’échelle du pays. Oui, la demande et la pression sont énormes en ce qui concerne le FGPR lui-même, mais je dirais que c’est le moment idéal pour mettre en œuvre le projet de loi, car il ne pose pas un risque énorme pour le fonds de pension non plus. Nous avons des chiffres pour ce qui est des régimes de retraite fédéraux ainsi que ceux de l’Ontario. Si vous le souhaitez, nous serons heureux de vous les communiquer. Très peu de régimes de retraite sont financés à moins de 80 %. Nous avons des données de 2021 à ce sujet.
Le sénateur Yussuff : Merci.
La présidente : Ce serait utile. Vous pouvez envoyer cela à la greffière.
Le sénateur Loffreda : Je remercie les témoins de leur présence. Ce sont des histoires touchantes. Merci beaucoup. Je pense que les travailleurs ont besoin de protection, et la meilleure protection pour la retraite est un régime de retraite à prestations déterminées.
Nous avons discuté du sous-financement délibéré, et je suis d’accord pour dire que les travailleurs doivent être protégés. Je pense que ce qui existe déjà doit être financé, et que les travailleurs doivent être protégés. Mais ce qui me préoccupe, si vous avez entendu les témoins du groupe précédent, c’est la tendance que nous avons observée quant aux régimes de retraite à prestations déterminées depuis 2000. On est passé de 21,3 % à 9,6 % aujourd’hui au cours des deux dernières décennies. Je crains que la tendance ne se poursuive avec le projet de loi. Pourquoi? De façon prospective, si on examine non seulement l’insolvabilité et la restructuration, mais aussi les ventes et les capitaux propres des entreprises qui sont en croissance et qui sont sous-capitalisées, on constate que le trou s’agrandit. La banque le comble en quelque sorte au fur et à mesure que l’entreprise va de l’avant. Je pense que cela dissuadera l’adhésion à un régime de retraite à prestations déterminées, sachant que, maintenant, la variabilité de la portion non capitalisée doit être calculée et prise en compte dans le calcul.
Cela va changer le profil de risque. Je suis d’accord pour dire que le moment est peut-être bien choisi puisque les taux d’intérêt sont à la hausse, mais il est également très difficile d’obtenir des renseignements exacts, d’après ce que nous avons entendu. Ces renseignements, s’il y a un passif non capitalisé, doivent être pris en compte dans le calcul de la marge que les banques proposent. Les banques veulent toujours que les collectivités prospèrent, et elles veulent autant que nous protéger les travailleurs.
Mais ce que je crains, c’est que, peut-être dans 5 ou 10 ans, après être passé de 21,3 % en 2000 à 9,6 % en 2020, le régime en sera peut-être à 3,2 % en 2030, parce que le projet de loi dissuadera beaucoup de gens d’adhérer à ce type de régime. On ne peut pas élaborer un projet de loi en vue d’un sous-financement délibéré. Ce n’est pas la raison d’être d’un projet de loi. Le but est de protéger les travailleurs. Je pense que le sénateur Marwah l’a bien dit. Ne sommes-nous pas en train de tuer la poule aux œufs d’or?
M. MacIsaac : Le fait est que les banques s’en sont plutôt bien tirées pendant cette période. Elles s’en tirent bien depuis la première fois où elles m’ont prêté de l’argent il y a 50 ans pour l’achat d’une voiture. Elles vont changer si la loi change. Elles vont trouver des façons de s’adapter, de se protéger et de cheminer dans le système. Elles seront là. Elles se portent bien aujourd’hui; elles se porteront bien demain.
Le sénateur Loffreda : Il ne s’agit pas seulement des banques. Il s’agit des employeurs qui veulent mettre sur pied des régimes de retraite à prestations déterminées en sachant que les banques tiendront compte des réclamations antérieures.
M. MacIsaac : Si vous regardez en arrière, au moment de la mise en place des régimes à prestations déterminées, les choses allaient bien, et nous avons pu participer aux discussions à la table de négociation. Les choses vont bien maintenant aussi. Il y a des cycles, des hauts et des bas. Je dirais que si je cherchais du travail aujourd’hui, j’essaierais de trouver un endroit qui offre un régime à prestations déterminées et qui garantit que je les toucherai au bout du compte. L’employeur qui offre cela serait mon choix. À mes débuts, je pouvais traverser la rue et obtenir un emploi n’importe où dans le parc industriel. On en revient à cela. Nous en sommes déjà là, et il y aura des négociations en vue du rétablissement des régimes à prestations déterminées parce que les gens vont les rechercher. Ils veulent une garantie.
Le sénateur Loffreda : J’espère que vous avez raison.
M. MacIsaac : Ils veulent mettre leur argent de côté, ils veulent avoir l’assurance qu’ils toucheront cet argent au bout du compte, et ils veulent aussi obtenir une certaine garantie à cet égard. Cela va revenir. Les banques vont s’adapter; tout le monde va s’adapter. Ceux qui en profiteront sont ceux qui se trouvent actuellement au bas de la liste.
Le sénateur Loffreda : J’espère que vous avez raison.
Les autres témoins ont-ils des commentaires?
M. Kakan : Merci. L’autre volet de cette discussion, c’est l’équilibre important qui a été atteint par les différentes administrations en ce qui concerne l’obligation de financer un régime de pension en fonction de la solvabilité. Par exemple, l’Ontario et la Nouvelle-Écosse ont modifié leurs règlements pour ne financer que jusqu’à concurrence de 85 %. Pour en revenir à votre question de savoir s’il devient plus coûteux d’avoir un régime de retraite à prestations déterminées, je vous dirais, sénateur, qu’il est en fait devenu plus facile non seulement d’avoir un régime de retraite à prestations déterminées, mais aussi de le maintenir à long terme.
Comme on le sait tous, les gens du secteur des pensions de retraite et des avantages sociaux savent fort bien qu’un régime de retraite à prestations déterminées ouvert est beaucoup mieux qu’un régime de retraite à prestations déterminées fermé. Merci.
Le sénateur Smith : Il s’agit simplement d’un point que la députée Gladu a soulevé lorsqu’elle est venue nous voir en tant que marraine du projet de loi. Elle a insisté sur le fait que le projet de loi est une mesure préventive, et que la disposition relative aux quatre ans après l’entrée en vigueur donne l’occasion aux entreprises qui ont des problèmes avec leur régime de pension de mettre de l’ordre dans leurs finances et de s’assurer que leur régime de pension est entièrement solvable. Je ne veux pas être irréaliste — et je suppose qu’il y a deux ou trois banquiers ici —, mais si cela entrait en vigueur, est-ce que cela donnerait aux entreprises qui se trouvent dans des situations défavorables sur le plan du financement du solde des pensions la possibilité de s’organiser ou de faire le ménage de manière à pouvoir aller de l’avant? Est-ce une attente irréaliste?
Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous en pensez, messieurs, et M. Kakan pourra peut-être nous donner son avis à ce sujet.
M. Kakan : Je pense que c’est l’approche recommandée à ce moment-ci. En ce qui concerne les administrations, par exemple, en Ontario, si votre régime de retraite est capitalisé jusqu’à hauteur de 85 %, vous êtes tenu de présenter un rapport d’évaluation tous les trois ans. Surtout, si votre régime de retraite fonctionne bien et qu’il est géré par une équipe interne spécialisée — composée d’experts en la matière —, vous n’avez aucune raison de vous inquiéter.
Comme vous l’avez mentionné, sénateur, si votre régime de retraite est sous-capitalisé, vous avez amplement le temps de mettre de l’ordre dans vos finances. Je pense que quatre ans, c’est beaucoup de temps. À l’heure actuelle, les taux d’escompte sont plus élevés, et la valeur des passifs, plus faible. C’est donc le moment idéal.
Le sénateur Smith : Y a-t-il une mesure qui indique le nombre d’entreprises qui sont sous-financées? Combien y en a-t-il? Cela pourrait être une occasion pour elles, si elles se penchent sérieusement là-dessus, de faire quelque chose de positif.
M. Kakan : Oui, j’ai des statistiques qui s’étendent jusqu’au 31 décembre 2021, et je serai heureux de les communiquer à l’équipe. Je vais les envoyer à la greffière à la procédure. Elles concernent tant l’Ontario que l’administration fédérale.
Le sénateur Smith : Nous vous en serions reconnaissants. Cela nous donnera une idée de la situation exacte de certaines entreprises.
M. Kakan : Tout à fait.
Le sénateur Marwah : Monsieur MacIsaac, vous avez soulevé un point très intéressant qui fait contrepoids à ma crainte que la modification de la loi vienne effectivement accélérer le déclin des régimes à prestations déterminées. Ce que vous avez dit, c’est que, dans un marché du travail restreint, le fait d’avoir des régimes à prestations déterminées qui sont mieux protégés dans l’ordre des priorités au moment d’une faillite pourrait vraiment inciter les employés à intégrer les entreprises qui offrent des régimes à prestations déterminées garantis.
Avez-vous des données probantes à ce sujet? Avez-vous fait des recherches pour déterminer si, dans les faits, cela pourrait être une incitation? De cette façon, les employeurs commenceraient à offrir plus de régimes à prestations déterminées parce qu’ils sont garantis, et dans un marché du travail restreint, ces employeurs attireraient davantage de travailleurs que ceux qui n’offrent pas de régime de ce genre.
M. MacIsaac : Personnellement, c’est ce que je rechercherais.
Le sénateur Marwah : Mais ce n’est pas une preuve empirique.
M. MacIsaac : Eh bien, c’est un début de statistique.
Le sénateur Marwah : D’accord.
M. MacIsaac : Le fait est que tout le monde cherche un milieu de travail où il est possible de maximiser ses avantages sociaux et son salaire. Si un employeur ne vous offre pas les mêmes avantages sociaux qu’un autre, vous allez probablement choisir celui qui les offre.
Ainsi, je crois qu’il y aura probablement un redressement. En ce moment, tout le monde parle de la pénurie de main-d’œuvre. Il y a beaucoup de travailleurs qui sont à la recherche du meilleur endroit, et ils vont le trouver. Les employeurs vont examiner ce qu’ils peuvent faire pour attirer des employés.
Le sénateur Marwah : Avez-vous des données probantes sur la façon dont les membres de la jeune génération envisagent d’intégrer le marché du travail par rapport aux autres? Attachent-ils réellement de l’importance aux régimes à prestations déterminées? Je me souviens que, lorsque je travaillais, les gens ne comprenaient pas vraiment les régimes à prestations déterminées. Pour eux, ce n’était tout simplement pas important.
M. MacIsaac : Je ne veux pas trop parler de moi, mais j’ai élevé sept enfants, et je pense que chacun d’eux a toujours considéré que le meilleur endroit où travailler est celui qui permet d’épargner en vue de la retraite. Ils ont entre 27 et 45 ans. Pour chacun d’eux, le meilleur endroit où travailler est celui qui offre les meilleures perspectives de retraite.
Le sénateur Marwah : Je vous encourage fortement à signaler aux employeurs que cela pourrait exercer un attrait très important sur les employés. Du moins, lorsque j’étais sur le marché du travail, nous ne pensions jamais à cela. C’est tout un changement.
M. MacIsaac : Cela a été dit par le groupe de témoins précédent. Les gens qui négocient aujourd’hui en discutent probablement à chaque table. Les pensions sont constamment à l’ordre du jour.
Le sénateur Marwah : Merci.
La présidente : Merci beaucoup aux témoins et aux sénateurs. Nous vous sommes reconnaissants de votre contribution et de vos commentaires. Je sais que vous allez nous envoyer des renseignements supplémentaires.
Je vais demander aux membres du comité de rester. Nous allons nous réunir brièvement à huis clos, si vous le voulez bien. Encore une fois, merci à nos témoins. Vous pouvez nous quitter. Nous allons clore cette partie de la réunion et poursuivre à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)