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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 20 avril 2023

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier de nouvelles questions concernant son mandat.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bonjour, honorables sénateurs et sénatrices. Je m’appelle Rosa Galvez. Je suis une sénatrice du Québec et je suis présidente du comité.

Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

J’aimerais commencer par un petit rappel. Avant de poser des questions et d’y répondre, je demanderais aux sénateurs et aux témoins présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près du microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité qui se trouve dans la salle.

Je vais demander à mes collègues du comité de se présenter, en commençant par ma droite.

La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec.

La sénatrice Audette : [Mots prononcés en innu-aimun] Michèle Audette [mots prononcés en innu-aimun], du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique, en remplacement, aujourd’hui, du sénateur Arnot.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.

La sénatrice Anderson : Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

La présidente : Je vous souhaite la bienvenue, chers collègues, ainsi qu’à tous les téléspectateurs de partout au pays qui regardent nos délibérations.

Avant d’aborder le sujet principal de notre réunion, je dois vous aviser que le comité directeur a approuvé la version finale de notre rapport sur l’hydrogène. Il ne reste qu’à incorporer les corrections mineures et les formalités pour impression, et je serai en mesure de le déposer au Sénat bientôt.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur l’industrie canadienne du pétrole et du gaz. Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons en personne Patricia Elaine Perkins, professeure à l’Université de York.

[Traduction]

Enfin, par vidéoconférence, Tzeporah Berman, directrice des programmes internationaux de STAND.earth.

Soyez les bienvenus. Merci d’être avec nous. Chacun de vous disposera de cinq minutes pour sa déclaration liminaire. Nous entendrons d’abord la professeure Perkins, puis Mme Berman.

Patricia Elaine Perkins, professeure, Université York, à titre personnel : Merci beaucoup, madame la présidente. Je remercie également le comité et son personnel pour son invitation à contribuer à cette importante étude.

Je me nomme Patricia Perkins, comme vous le savez, écolo‑économiste féministe et professeure à l’Université York. J’enseigne la science et la politique des changements climatiques, la justice climatique et l’écolo-économie. J’ai également enseigné l’économie au Mozambique et, pendant 25 ans, j’ai dirigé des travaux de recherche participative sur la gouvernance des bassins hydrographiques, le changement climatique et la justice climatique avec des partenaires de pays d’Amérique latine et d’Afrique. J’ai été le principal auteur du sixième rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat — le GIEC — publié en avril 2022. J’ai contribué à la rédaction d’un chapitre sur la demande, les services et les aspects sociaux de l’atténuation.

Je suis sensible à votre invitation à venir témoigner devant vous sur le territoire non cédé des Algonquins anishinabes, dans le bassin hydrographique de la rivière des Outaouais sur lequel veillent toujours de nombreux gardiens des connaissances autochtones. Mes observations, qui seront brèves, se focalisent sur deux grands aspects touchant mes propres domaines de recherche et, également, la transition énergétique du Canada.

Les politiques climatiques sont d’abord renforcées par l’équité économique, le mieux-être social, la démocratie participative et la confiance du public, lesquels agissent mutuellement en synergie. Ensuite, les mesures modestes et à plus grande échelle prises en vue du mieux-être se renforcent aussi mutuellement et accélèrent la transition énergétique en cours.

Sur le premier aspect, mes travaux pour le GIEC ont porté sur l’importance de la confiance sociale pour les transitions énergétiques. Cette confiance aide la population à considérer la transition en cours non pas du point de vue des pertes entraînées mais des gains, quand les plans de transition se focalisent sur un mieux-être peu carboné et équitable.

Les auteurs du GIEC ont revu plus de 100 000 sources revues par des comités de lecture de spécialistes du domaine — pas moi personnellement, mais collectivement. Bon nombre de faits empiriques multidisciplinaires prouvent que lorsqu’une population de tous les niveaux de revenus croit que le gouvernement protège ses intérêts, même en période de chaos climatique et d’importants changements économiques reliés à la transition énergétique, la confiance sociale rend possibles des politiques climatiques innovantes et stabilise la démocratie. Les politiques qui s’attaquent aux inégalités et non seulement à la dimension climatique en soi sont indispensables à l’éclosion de cette confiance sociale. Ça signifie que les politiques favorisant l’équité sont essentielles aux politiques climatiques.

Le document que j’ai fait distribuer est un graphique tiré du troisième rapport du GIEC. Il résume les principaux liens qui sont tous solidement documentés dans les publications possédant des comités de lecture. Le résultat net est que l’équité et le mieux-être pour tous facilitent et accélèrent la transition énergétique.

Sur le deuxième point, la transition postérieure aux combustibles fossiles est intrinsèquement éloignée de la centralisation — pipelines, raffineries, zones sacrificielles, gigantesques centrales d’énergie, forte dépendance à l’égard des réseaux étendus — et dirigée vers la décentralisation, le local, les systèmes énergétiques adossés sur les renouvelables et moins polluants. Les renouvelables ont une densité énergétique moindre que les combustibles fossiles et, à ce titre, ils ont besoin d’une plus grande superficie pour produire le même nombre de kilowatts. Il s’ensuit que les Prairies, amplement venteuses et ensoleillées, disposent d’un excellent avantage comparatif sur le plan des énergies renouvelables. Comme Terre-Neuve.

Transporter des énergies renouvelables sur de grandes distances est insensé et inutile. Les filières énergétiques écologiques sont locales, vu que l’énergie solaire et éolienne sont largement accessibles partout et sont mieux utilisées localement pour répondre aux besoins et éviter le gaspillage auquel le transport donne lieu. C’est un avantage. Les filières locales offrent de nombreux avantages. Elles ont besoin d’installations de stockage pour lisser les fluctuations des différents types d’approvisionnement énergétique, mais pas autant d’infrastructures de transport à distance, qui ne sont nécessaires que pour un soutien d’urgence.

Politiquement, ça signifie que la transition énergétique s’appuie sur les communautés et les autorités locales pour trouver des solutions synergiques et innovantes pour répondre simultanément et efficacement aux besoins locaux de nourriture, d’eau, d’abris consommant peu d’énergie et d’énergie même. Voici quelques exemples : le bétail peut s’abriter sous les panneaux solaires; la topographie locale créée des réservoirs d’eau et d’énergie si l’eau est pompée en amont pendant que le vent souffle et libérée par des turbines quand il ne vente pas; les serres solaires augmentent déjà la production alimentaire dans de nombreuses régions du Canada.

Dans chaque situation, l’ingéniosité locale alliée aux connaissances écologiques traditionnelles et à la prise de décisions participatives à une échelle financière réduite conduit à un choix approprié de filières énergétiques. Cette sorte de travail sur plusieurs fronts a besoin d’être reconnue et appuyée par les systèmes de planification qui doivent désormais prendre en charge l’agriculture et l’alimentation, le logement, la conservation, la forêt, l’eau, l’énergie et les finances.

La subsidiarité, qui désigne, comme vous le savez peut-être, la prise de décisions au niveau le plus décentralisé possible, est prometteuse, moyennant formation et perfectionnement des compétences, de nombreux emplois, et de nombreux syndicats appuient ce type de transition locale vers des énergies vertes. Ces transitions, comme nous le savons, sont entravées ou contrariées par l’establishment privé ou public du secteur énergétique, c’est‑à-dire les producteurs de combustibles fossiles et ceux des filières nucléaires du privé ainsi que les sociétés d’État productrices d’électricité, comme Hydro-Québec et Ontario Hydro, qui sont des acteurs de premier plan de gigantesques filières énergétiques centralisées.

Les conséquences stratégiques pour le Canada sont nombreuses. J’en énumérerai quelques-unes seulement, si je dispose d’une autre minute. L’une d’elles est d’aller dans le sens du leadership et de l’autodétermination autochtones. Il s’agit de suivre ceux qui connaissent le territoire. Cessez de subventionner les énergies fossiles, y compris la capture et le stockage du carbone, un énorme gaspillage de fonds publics, pour investir à la place dans le recyclage des travailleurs par l’entremise des syndicats, dans l’éducation, dans la redistribution des revenus et dans l’économie des soins. Supprimez les obstacles qui empêchent les entrepreneurs et les communautés de construire des filières énergétiques renouvelables, désormais la façon la plus économique de produire des kilowatts. Dirigez l’attention fédérale vers les monopoles naturels, comme les infrastructures d’urgence et les transports publics. Accélérez la redistribution des revenus et l’équité sociale grâce à une réforme fiscale progressive, à des appuis aux secteurs des services et à l’économie des soins. Actualisez la gouvernance de la transition énergétique pour fusionner l’énergie, l’eau, l’alimentation, l’agriculture, le logement, la conservation, la forêt et la gestion des mesures d’urgence, désormais fondamentalement interreliés. Enfin, ne prenez en considération que les politiques qui visent à la fois l’équité et le changement climatique, pour accélérer la transition vers des énergies d’origines non fossiles.

J’ai grand espoir que l’humanité relèvera le défi climatique et qu’elle y survivra collectivement, si nous accordons la priorité au mieux-être pour tous. Je remercie le comité pour son important travail.

La présidente : Merci beaucoup. Madame Berman, vous avez la parole.

Tzeporah Berman, directrice des programmes internationaux, STAND.earth : Honorables sénatrices et sénateurs, éminents conseillères et conseillers, invités de marque, je tiens à vous remercier de votre invitation à venir témoigner sur l’inévitable question du rôle du pétrole et du gaz et sur l’utilité de l’industrie pour notre pays et notre économie.

Je me nomme Tzeporah Berman. Depuis 30 ans, je travaille sur la politique de l’environnement au Canada et à l’étranger, plus particulièrement sur la politique climatique de la dernière décennie. Pendant cette période, les gouvernements de plusieurs provinces m’ont chargée de concevoir des recommandations stratégiques, notamment dans les deux années pendant lesquelles j’ai été coprésidente du groupe consultatif des sables pétrolifères de l’Alberta et les quatre que j’ai consacrées à des rencontres avec de hauts dirigeants de l’industrie pétrolière pour discuter de politiques climatiques. Ce matin, j’ai l’intention de vous présenter cinq observations importantes.

Si, par le passé, le secteur pétrolier et gazier a été très important pour notre économie, son influence et son importance diminuent. De plus en plus, il privatise des milliards de dollars de profits à des actionnaires majoritairement non canadiens, il laisse à la société un héritage toxique tout en employant de moins en moins de personnes.

La demande mondiale de pétrole et de gaz est faible et diminuera rapidement dans la prochaine décennie. Le pétrole et le gaz canadiens ne seront pas concurrentiels. La production croissante de pétrole et de gaz est un problème climatique majeur, et, à grande échelle, le captage, l’utilisation et le stockage du carbone sont inefficaces. Ils sont trop chers. La climatologie montre clairement qu’aucune expansion nouvelle du pétrole et du gaz n’est compatible avec nos objectifs climatiques, menaçant même la stabilité du climat et notre économie.

Le secteur pétrolier et gazier est responsable de la partie la plus importante — 27 % — et dont le taux de croissance est le plus élevé des émissions canadiennes qui ont un effet sur le climat, mais il représente moins de 7,5 % du produit intérieur brut et il n’emploie directement qu’un demi-pour cent de la main-d’œuvre dans l’économie. Malgré des profits sans précédent en 2022, il emploie aujourd’hui moins de Canadiens qu’en 2013, parce qu’il se focalise sur la réduction des coûts de main-d’œuvre grâce à une automatisation plus poussée.

Alliance Nouvelle voies par laquelle l’industrie prévoit de réduire ses émissions demeure en grande partie une stratégie secrète et, malgré ses affirmations concernant les réductions à venir de ses émissions, elle n’a consacré aucun financement important ni pris de décision importante d’investissement pour appuyer les mesures urgentes exigées pour sensiblement réduire ses émissions pendant la décennie actuelle. Le principe du pollueur-payeur, dont l’application relève de l’organisme canadien de réglementation du secteur énergétique, vise à protéger le public contre le coût de ce genre de mesures. Pour appuyer ce principe, le gouvernement doit exiger d’importants investissements de l’industrie et une décarbonation rapide, en accord avec l’objectif de carboneutralité, et cesser de subventionner l’industrie dans ces tentatives visant à capter et à stocker le carbone à grande échelle.

L’analyse récente du bilan du lobby réfute davantage ses prétentions à un engagement envers une stratégie de carboneutralité. Le groupe international de réflexion InfluenceMap a constaté, dans un rapport publié en février, que de nombreux joueurs importants du secteur pétrolier et gazier canadien, notamment des membres d’Alliance Nouvelles voies — CNRL, Cenovus, Suncor, Imperial Oil — ont fait pression contre les mesures mêmes qui aideraient l’industrie à atteindre ses objectifs climatiques.

Les plans de l’industrie pour augmenter la production de 500 000 et de 1,2 million de barils par jour dans la prochaine décennie réfutent encore plus sa prétendue mobilisation dans la lutte contre le changement climatique. Quatre-vingts pour cent des émissions de gaz à effet de serre par baril de brut extrait de sables pétrolifères proviennent de sa combustion dans un moteur de véhicule. Ces conséquences climatiques ne sont certainement pas prises en considération dans les plans de carboneutralité d’Alliance Nouvelles voies. Les producteurs qui exploitent les sables pétrolifères visent seulement à réduire les émissions des opérations d’extraction, mais sans obtenir, là non plus, de succès notable. L’industrie prétend également participer à la transition, mais plus de 90 % de ses dépenses en capital vont à l’expansion de la mise en valeur du pétrole et du gaz et non à des techniques renouvelables.

Le plan d’Alliance Nouvelles voies s’appuie beaucoup sur la capture et le stockage du carbone. Les projets mis en œuvre en ce sens jusqu’ici ont systématiquement manqué aux promesses de réduction des émissions. Par exemple, une enquête faite par Global Witness a permis de découvrir que l’installation de capture et de stockage du projet Quest de Shell, près d’Edmonton, exploité depuis 2015, avait, pendant ce temps, émis 7,5 millions de tonnes de gaz à effet de serre tout en n’en capturant que 5 millions, ce qui en fait un émetteur net et non une solution au problème climatique.

Même si on pouvait remédier aux lacunes technologiques qui ont plombé ce procédé, la technologie reste impuissante face à 80 % des émissions du domaine 3. Au mieux, la capture, l’utilisation et le stockage du carbone introduisent un retard coûteux dans l’affranchissement inévitable par rapport aux combustibles fossiles et, au pis, ils nous enferment dans un monde où nous outrepassons les limites de l’atténuation du changement climatique et de la sécurité climatique.

Dans le rapport le plus récent du GIEC, le sixième, il est affirmé très clairement que ce procédé est celui dont le rendement, par dollar dépensé, est le plus faible pour réduire les émissions et dont le potentiel de réduction de ses émissions est également le plus faible de toutes les voies envisagées pour l’atténuation. Dans un monde où les options climatiques s’amenuisent, il est capital pour le Canada de privilégier les réductions qui permettront au pays de bâtir son économie. Plus d’une décennie s’est écoulée depuis que le Canada s’est engagé, la première fois, à mettre fin aux subventions aux combustibles fossiles, pourtant, en 2022, son gouvernement a annoncé plus de 18 milliards de dollars de subventions et de financement public destinés au secteur du pétrole et du gaz.

Enfin, je tiens à situer le secteur gazier et pétrolier du Canada dans son contexte mondial. On pourrait qualifier le pétrole canadien, qui coûte le plus cher de la planète, de plus carboné. De nombreuses études ont fait observer que, à mesure que la demande de pétrole diminue, la production de ce genre de pétrole est la plus vulnérable. Déjà, un cortège d’importants investisseurs et assureurs s’est détourné des sables pétrolifères. Les scénarios de l’Agence internationale de l’énergie — l’AIE — prévoient un déclin de la demande mondiale de pétrole à mesure que les politiques climatiques s’affermiront. Les tendances portent à croire que, à compter de 2030, la demande mondiale de pétrole diminuera sensiblement. Même la société BP a fait observer, dans ses perspectives récentes, que la demande devrait culminer entre la fin des années 2020 et le début des années 2030.

L’Agence souligne que, pour que les températures se stabilisent à 1,5 oC, il ne faut pas mettre en exploitation de nouveaux champs gaziers et pétrolifères ni de mines de charbon et qu’il faut tripler, d’ici 2030, les investissements mondiaux dans les énergies propres tout en entreprenant une transition immédiate et rapide qui nous éloignera de la production de combustibles fossiles. D’après le Production Gap Report des Nations unies, des gouvernements sont encore en bonne voie pour plus que doubler leur production de combustibles fossiles par rapport à celle qui permettrait de respecter l’objectif de 1,5 oC de l’Accord de Paris.

On ne peut pas faire semblant de ne pas entendre les avertissements de la science selon qui les combustibles fossiles ne menacent pas seulement notre santé mais également l’avenir de la planète. Ces avertissements ont même été rendus plus clairs par suite de la dernière publication du GIEC. Sans ambages, l’ensemble des climatologues de premier plan du monde entier explique que la fin de la période favorable pour assurer à tous un avenir tolérable et soutenable approche rapidement. Cette fenêtre délimite une certitude scientifique. Nous ne pouvons tolérer de nouvelles mises en valeur de combustibles fossiles et nous devons graduellement mettre fin à la production en cours.

L’année dernière, en sa qualité d’ancienne ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna a affirmé, en publiant le rapport du GIEC sur la carboneutralité, que les nouveaux projets d’exploitation de pétrole et de gaz allaient à l’encontre des objectifs de cette carboneutralité. Proposer de nouveaux projets tout en s’affirmant sur la voie de la carboneutralité, c’est simplement de l’écoblanchiment. Le Canada doit élaborer des plans pour réduire spectaculairement sa production et ses émissions et les rendre conformes à la sécurité climatique et se préparer à un monde dans lequel la demande de pétrole et de gaz diminuera rapidement d’ici à 2050.

En fait, les énergies renouvelables sont désormais moins chères que la mise en valeur des combustibles fossiles et elles ne nous laissent pas d’héritage toxique ni un lourd passif de frais de dépollution. Actuellement, les faits montrent que l’industrie canadienne du pétrole et du gaz fait obstacle à l’atteinte de l’objectif d’atténuer le changement climatique et d’une économie plus forte, plus propre et plus sûre pour le Canada. Merci.

[Français]

La présidente : Nous passons maintenant à la période des questions. Je demanderais à mes collègues de dire le nom de la personne à qui s’adresse la question.

La sénatrice Miville-Dechêne : Madame Berman, au-delà du plaidoyer que vous avez fait, vous n’avez pas dit un mot sur un mot clé dont on entend parler de plus en plus : la « transition juste ». Il s’agit d’un concept amené par les syndicats pour assurer une transition moins difficile pour les employés. J’aimerais savoir si ce concept s’insère dans votre analyse, comment il s’y insère et comment vous le jugez.

[Traduction]

Mme Berman : Merci pour cette question très importante.

En fait, nous ne sommes pas en transition si nous contribuons encore à la croissance du problème. Malheureusement, l’industrie pétrolière et certains élus canadiens prétendent que nous devons augmenter la production de pétrole et de gaz dans le cadre de cette transition. En fait, nous continuons simplement à amplifier le problème. Pour assurer une transition équitable, il faut un plan, c’est-à-dire reconnaître la nécessité de diminuer à la fois les émissions et la production pour prévoir combien d’emplois pourront être occupés dans l’avenir et élaborer des plans de transition équitable en fonction de cette réalité. Actuellement, en maintenant la croissance de la production, nous bloquons toute possibilité de transition équitable, nous laissons la détermination des niveaux de production à l’initiative du marché alors que nous savons que le marché n’est ni juste ni équitable. Nous avons besoin des gouvernements pour réglementer la baisse de production qui permettra une transition équitable.

Dans cette discussion des notions d’équité, nous devons également songer au rôle du Canada dans ce problème mondial et dans l’économie mondiale. Beaucoup d’universitaires ont étudié la gestion de la baisse de production, à l’échelle mondiale, qui serait conforme à l’Accord de Paris tout en respectant les questions d’équité et de justice qui y sont imbriquées. Le Canada a un rôle important à jouer à l’échelle mondiale, et nous sommes également l’un des pays en mesure de gérer le déclin conformément aux objectifs des rapports du GIEC, ce qui signifie que notre gestion du déclin doit être plus rapide que dans les pays dont une fraction importante de leur produit intérieur brut dépend de la production et qui, sur le plan historique, ne sont pas responsables de ces émissions. Si nous voulons que cette transition soit équitable, nous devons planifier la baisse de production et cesser d’augmenter notre dépendance qui conduira à un cycle de surchauffe et de récession en laissant pour compte de nombreux travailleurs et leurs familles.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Madame Perkins, vous n’utilisez pas le concept de transition juste dans votre graphique. Dois-je comprendre que vous ne croyez pas en ce concept développé par les syndicalistes?

[Traduction]

Mme Perkins : Merci. Je pense que la transition juste est une notion très importante, que certains critiquent, mais, fondamentalement, ce dont je parle dans l’exposé, c’est la transition juste. C’est l’éducation et la formation pour que les travailleurs actuels soient indispensables à la création des filières énergétiques renouvelables, localement, et des processus économiques qui sont au centre de l’économie des soins.

Les possesseurs de compétences particulières dans les divers secteurs peuvent apprendre à s’en servir dans le secteur des renouvelables. Il y a amplement de place dans cette conception élargie du mieux-être peu carboné pour toute l’économie qui, essentiellement, est une économie des soins offrant de nombreux emplois aux femmes en éducation, dans le logement et la rénovation et dans la construction de différents types de structures de gouvernance à l’échelle locale pour intégrer tous les secteurs. Une transition juste est cruciale.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

La sénatrice Sorensen : Madame Perkins, vos titres de compétences m’impressionnent, mais je suis encore plus impressionnée par votre façon de les avoir fondus dans votre travail, particulièrement sur le plan de la justice climatique, du féminisme, de l’économie et du communautaire. Cet amalgame est simplement merveilleux. J’ai bien aimé, également, votre optimisme et le parcours que vous proposez pour nous conduire à bon port grâce à la confiance sociale. Très belle expression. Je m’en servirai.

Je suis d’origine albertaine, et nous sommes en période électorale. Alors que nous avons le regard tourné vers un avenir carboneutre, je suis convaincue que la plupart des Albertains comprennent la nécessité d’une transition, mais je vous demande d’en dire davantage sur nos travailleurs. Vous avez répondu dans une grande mesure à la question de leur protection, mais je reviens à votre proposition pour augmenter leur confiance en une issue favorable.

J’ajoute que j’ai déjà été mairesse de Banff, en Alberta, et je le dis pour qualifier ma dévotion à l’égard de la conservation. Mais vous avez également abordé le rôle des municipalités dans cette opération. Créatures des provinces et des territoires, les municipalités ont parfois de la difficulté à prendre l’initiative dans ces questions, sur le plan financier, en raison d’autres règles et ainsi de suite. Voilà les sujets qui m’intéressent.

Mme Perkins : Il me semble que pour établir un lien de confiance avec les travailleurs, il faut passer par leurs syndicats, soit les rallier et les placer au cœur du recyclage professionnel, de l’éducation et de la transition. Si, à l’échelle locale, il y a des initiatives pour construire des infrastructures renouvelables, par exemple concernant l’énergie, les batteries ou les moyens de stocker l’énergie, c’est différent de l’extraction. Or, lorsqu’on parle de compétences nécessaires à la construction d’une installation de stockage d’énergie ou de connaissances sur l’électricité et les batteries, de bon nombre des choses que les travailleurs font déjà, leurs compétences peuvent être améliorées et adaptées. Les syndicats sont essentiels pour que le tout se déroule d’une manière qui tienne compte des besoins des travailleurs et qui les place au premier plan parce qu’ils savent ce qui doit se passer. Ces compétences existent à l’échelle locale.

Votre deuxième question portait sur les municipalités. Il me semble qu’au Canada, les provinces ont des façons bien différentes de gérer les affaires intergouvernementales et d’intégrer ces structures de réglementations et de politiques sectorielles. Comme je le disais, nous devons réformer nos idées sur la gouvernance pour regrouper les éléments. Je discutais avec une femme qui témoigne devant un autre comité, de l’autre côté, dont la réunion porte sur les sols, et elle parlait de la même chose.

Quand je travaillais pour le ministère de l’Environnement de l’Ontario dans les années 1990, sous le gouvernement néo‑démocrate, alors que nous nous battions contre l’Accord de libre‑échange nord-américain, que l’on appelle également l’ALENA, j’ai été chargée d’établir un groupe interministériel pour parler des répercussions que l’ALENA aurait sur chaque secteur. Pour la plupart de ces personnes, c’était la première fois qu’elles avaient l’occasion de parler à des gens d’autres ministères. Il s’agissait d’un objectif plus vaste. Aujourd’hui, le grand objectif est la lutte contre les changements climatiques. Comment allons‑nous y faire face? Il faut réunir les gens pour en parler. Il existe des moyens de le faire.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie de vos exposés. Bienvenue au Sénat. Ma question s’adresse aux deux témoins.

Je voulais me pencher sur le mot « équitable » et sur la manière dont on construit des sociétés équitables, en particulier lorsqu’un gouvernement, des entreprises et d’autres organismes, y compris des gouvernements provinciaux, travaillent au modèle de néolibéralisme capitaliste qui favorise le consumérisme et qui n’est pas durable. En outre, vous savez, nous n’avons pas parlé des individus et de leur responsabilité dans la réduction de leur consommation, et qu’en est-il des promoteurs? Je ne pense pas que nous ayons déjà parlé des promoteurs et de la manière dont ils dirigent le processus, qu’il s’agisse du secteur du pétrole et du gaz, de l’hydroélectricité ou de toute autre énergie susceptible de leur rapporter de l’argent. Je ne sais pas quelle est leur responsabilité. Comment construire une société équitable si le capitalisme ne favorise pas l’équité? Il s’agit d’un modèle individuel et nous nous intéressons à un modèle collectif.

Mme Berman : Je vois que ce comité ne s’intéresse qu’aux questions faciles.

Vous avez souligné l’une des questions les plus difficiles de notre époque. Si nous voulons construire une société plus équitable dans le contexte de la structure capitaliste dans laquelle nous fonctionnons, cela renvoie au rôle que joue le gouvernement pour garantir l’équité et protéger le bien public. Nous savons très bien qu’essentiellement, le système et les marchés ne le feront pas. C’est pourquoi nous avons besoin de règles et de réglementations gouvernementales et c’est pourquoi, en particulier à ce moment critique de notre histoire, il faut que les gouvernements interviennent sur tous les plans pour concevoir des systèmes, des politiques et des lois qui donnent à chacun la possibilité de faire la bonne chose.

Il ne devrait pas être facile de réduire ses émissions ou sa consommation de combustibles fossiles uniquement si l’on est assez riche pour acheter une Tesla. Si le gouvernement met en place d’importantes politiques de réduction de la demande — ce que nous commençons à faire au pays avec l’adoption de mesures sur les véhicules sans émissions et sur les bâtiments sans émissions — qui donnent à l’industrie la certitude qu’il faut pour investir dans des solutions à faible teneur en carbone, cela nous donne la possibilité de changer le système, de sorte que nous ne soyons pas aussi dépendants des combustibles fossiles, que les gens aient accès aux pompes à chaleur parce qu’il y a une subvention sur les pompes à chaleur afin que leurs maisons ne soient plus chauffées au gaz et que les gens aient accès aux transports en commun au lieu de toujours conduire leur voiture. C’est la mise en place de ces systèmes qui permet d’accroître l’équité.

Cependant, comme il est question ici de l’industrie pétrolière et gazière, nous devons comprendre que pendant longtemps, nous avons permis à cette industrie de privatiser les bénéfices, tandis que les redevances et les impôts perçus par les gouvernements ont diminué. La population se retrouve avec les conséquences des bassins de résidus qui fuient et des puits abandonnés. Elle doit payer pour cela. Les contribuables doivent payer pour cela tandis que l’industrie s’est emparée des bénéfices. Ce n’est pas équitable, et c’est pourquoi nous devons renforcer la réglementation de cette industrie. Nous devons cesser de la subventionner avec l’argent des contribuables. Nous devons insister pour qu’elle utilise ses propres profits pour investir dans les technologies qui permettent d’assainir les exploitations pétrolières et gazières existantes. De plus, nous devons nous assurer que des politiques sont en place pour qu’elle ne puisse pas simplement nous laisser des puits abandonnés et un environnement qui a été mis en péril.

Le travail du gouvernement, et c’est ce qui constitue la base des principes d’équité et de justice, doit reposer d’abord sur l’objectif de faire en sorte que tous les habitants puissent respirer de l’air pur, boire de l’eau saine et manger des aliments sains. À l’heure actuelle, ce n’est certainement pas le cas pour les collectivités en aval.

Mme Perkins : Vous avez mis le doigt sur l’important défi auquel nous sommes confrontés pour lutter contre la crise climatique, qui est un défi de gouvernance. Je vois à quel point la sensibilisation du public... En fait, la population a toujours été plus en avance que le gouvernement dans sa volonté de lutter contre les changements climatiques, et ce, depuis 20 ans. Pour quelqu’un comme moi — et je pense que c’est aussi le cas de Mme Berman — qui travaille dans ce domaine depuis longtemps, soit depuis des décennies, je constate aujourd’hui que le public est sensibilisé. Les gens se demandent ce qu’ils peuvent faire personnellement pour réduire leurs émissions.

Lorsque des journalistes m’appellent, ils veulent me demander ce que peuvent faire les particuliers. Je réponds à leur question. Je veux dire que les gens peuvent certainement faire beaucoup de choses, comme arrêter de prendre l’avion ou réduire le nombre de voyages en avion, devenir végétarien et réduire le gaspillage alimentaire, essayer de changer de véhicule ou s’en débarrasser et opter pour le transport actif. On peut faire toutes ces choses, mais lorsque les gens sont conscients qu’ils doivent changer leur comportement, ils deviennent aussi des électeurs différents. Ils prennent conscience de ce que les gouvernements font ou ne font pas. Ils commencent à exercer des pressions politiques en faveur de différents types de processus.

Je crois que ces pressions mettent également en évidence les lacunes de notre système de gouvernance coloniale. Parallèlement à tout cela, on assiste à une résurgence du leadership autochtone et des modèles autochtones de coordination dont nous avons parlé. Ce n’est pas basé sur des hiérarchies et des secteurs. Il s’agit de réfléchir ensemble à ce que le passé a signifié, à ce que l’avenir va apporter et à la mesure dans laquelle, en tant qu’êtres humains, nous agissons de manière positive plutôt que négative à l’égard de l’environnement, puis d’établir la gouvernance qui permet de concrétiser cela.

Je pense que des changements se préparent, qui ne sont pas nécessairement favorisés... Eh bien, je veux dire que les intellectuels peuvent dire que le capitalisme constitue le problème et que nous devons décoloniser ces choses. C’est ce qui se passe. Je le vois arriver. Le système de gouvernance au Canada, en particulier, a besoin d’un leadership autochtone, car les sables bitumineux et le secteur pétrolier sont à l’origine de notre honte sur la scène internationale. L’empreinte carbone des Canadiens par habitant est l’une des plus élevées au monde. Seuls Dubaï, Abou Dhabi et les Émirats arabes unis nous dépassent sur ce plan. C’est une honte à l’échelle mondiale.

Par conséquent, nous avons la responsabilité de changer réellement notre position dans le monde et nous pouvons prendre l’initiative en mettant en place le type de politiques relatives à la transition juste dont nous avons parlé aujourd’hui.

[Français]

La sénatrice Verner : Je remercie les témoins qui sont avec nous ce matin. Comme vous le savez, l’évaluation des plans de transition vers un avenir plus durable pour les travailleurs de l’industrie pétrolière et gazière fait partie des objectifs de cette étude. Plusieurs témoins ont parlé du concept de transition juste et équitable, et cette question a donné lieu à des points de vue très opposés. Le 9 février dernier, le ministre O’Regan a déclaré qu’il avait besoin de plus de travailleurs dans les industries pétrolières et gazières. Il a estimé à 14 000 le nombre de nouveaux emplois, soit 13 % de plus, et ce, d’ici à 2031.

Madame Perkins, lorsque vous avez parlé de la confiance des travailleurs, ne pensez-vous pas qu’il s’agit là d’un message contradictoire que l’on envoie aux travailleurs de l’industrie, à qui l’on dit que des milliards de dollars seront investis pour les aider à faire la transition? De plus, le 11 avril dernier, le ministre a aussi mentionné dans un article qu’il estimait avoir besoin de plus de travailleurs dans les industries pétrolières et gazières. Il doit y avoir des gens qui se demandent ce que tout cela signifie et où tout cela va nous mener.

[Traduction]

Mme Perkins : Oui. Lorsqu’on parle des emplois qui sont nécessaires dans la nouvelle économie que nous envisageons — une économie à faibles émissions de carbone fondée sur le bien‑être pour tous — on y inclut les travailleurs du secteur de l’énergie. Or, nous imaginons également une économie qui offre des services de soins à domicile aux personnes âgées et qui accorde beaucoup plus d’attention à l’éducation, des enfants aux adultes — une éducation continue tout au long de la vie. La transition énergétique est une transition. C’est un changement de culture — un changement de mentalité — pour chacun d’entre nous.

La question sur les emplois ne concerne pas seulement les gens qui travaillent présentement dans l’industrie de l’énergie et ce qu’ils vont faire. Ils peuvent recevoir de la formation. Ils peuvent passer à autre chose. Toutefois, de nombreux autres types d’emplois sont nécessaires dans cette économie visionnaire de l’après-combustibles fossiles à laquelle nous faisons face.

Je ne sais pas si je réponds adéquatement à votre question. Peut-être pourrions-nous laisser Mme Berman y répondre et y revenir.

[Français]

La sénatrice Verner : Peut-être, effectivement, mais j’y reviendrai.

[Traduction]

Mme Berman : Je vous remercie de votre question. C’est tout à fait contradictoire. Notre gouvernement fixe des objectifs climatiques et prend note du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et l’approuve en s’engageant à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Nous devons donc réduire nos émissions et notre production de combustibles fossiles à zéro, puis commencer à réduire la pollution de l’atmosphère pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Cela signifie que d’ici 2030, dans sept ans, si nous sommes sur cette voie, selon les rapports que notre propre gouvernement a approuvés, nous devons réduire les émissions de combustibles fossiles de 50 % au cours des sept prochaines années. Il est absurde de dire que nous pouvons y parvenir tout en développant cette industrie.

L’ajout d’emplois dans le secteur pétrolier et gazier complexifie davantage les choses. Plus de gens sont alors dépendants d’une industrie que l’on doit éliminer et que l’on élimine progressivement. Nous savons que la demande est plus faible. Même BP l’a dit. La demande de pétrole et de gaz diminue considérablement puisque de plus en plus de pays s’engagent à bannir la voiture à carburant fossile. Près d’une centaine de pays dans le monde, dont le nôtre, mettent en place des politiques visant à ne plus vendre de voitures à carburant fossile. Nous avons vu ce qui s’est passé en Europe cette année. Elle a réduit de 18 % sa dépendance au gaz simplement grâce aux pompes à chaleur. Dans certains pays, 50 % de pompes à chaleur supplémentaires ont été mises en place, ce qui a permis de remplacer le gaz par l’électricité dans les maisons et, finalement, par des énergies renouvelables. Au fur et à mesure que cette transition s’opère dans le monde, les activités de l’industrie pétrolière et gazière diminueront. Nous devons nous y préparer au Canada afin de protéger nos travailleurs.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Madame Berman, ma question s’adresse à vous. Dans notre système capitaliste qui se base sur le marché, la meilleure façon de contrôler les émissions de CO2, c’est de viser les consommateurs. Forcer les entreprises pétrolières à couper volontairement dans leurs systèmes, c’est rêver en couleur. D’ailleurs, l’Agence internationale de l’énergie dit clairement que nous aurons besoin du pétrole pour au moins les 30 à 40 années à venir, car nous ne pouvons pas faire les mises à niveau requises assez rapidement pour remplacer le pétrole. Toutefois, on doit inciter tout le monde à le faire, évidemment.

À mon avis, il faut travailler auprès des consommateurs et sur la demande en particulier, pas nécessairement sur l’offre. Pour ce qui est de l’offre, l’Arabie saoudite et d’autres entreprises seront toujours prêtes à compétitionner très agressivement pour vendre leur pétrole, alors pourquoi ne pas prendre le nôtre?

Cela dit, y a-t-il autre chose que l’on peut faire pour contrôler la demande et encourager les consommateurs à moins utiliser le pétrole? Je crois que tout autre programme est voué à l’échec, car notre système se base sur l’offre et la demande.

J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

[Traduction]

Mme Berman : Je vous remercie de la question. Il ne fait aucun doute que nous devons réduire la demande, mais nous devons également limiter et réduire l’offre. Des économistes disent qu’on coupe avec une seule moitié des ciseaux. Pour tout autre grand problème que nous avons connu dans l’histoire, les pays ont dû imposer des restrictions et s’y attaquer. Prenons les chlorofluorocarbones, ou CFC, par exemple. C’est la même chose pour de nombreux pesticides. Nous savons aujourd’hui qu’ils sont toxiques et il en est de même pour l’amiante. Nous avons dû réglementer à la fois la production, la demande et l’offre.

Pendant 30 ans, les politiques de lutte contre les changements climatiques ont été conçues uniquement pour réduire la demande et il en résulte que nous sommes maintenant sur la bonne voie pour produire 110 % de plus de pétrole, de gaz et de charbon que nous ne pourrons jamais utiliser si nous voulons maintenir le réchauffement de la planète en deçà de 1,5 degré. En fait, il y a déjà suffisamment de pétrole, de gaz et de charbon à la surface de la planète ou en cours de production pour que, si nous utilisions tous ces produits, nous dépassions les 2 degrés.

En ce moment même, nous dépensons des milliards de dollars et le capital politique et intellectuel du monde entier dans nos propres pays pour produire des produits en sachant que nous ne pouvons pas les utiliser. Nous en inondons le marché. Le fait que nous ne limitons pas l’offre a une incidence sur les consommateurs.

Nous pouvons faire beaucoup de choses pour aider les consommateurs à réduire la demande, mais nous n’y parviendrons pas simplement en essayant de les convaincre de consommer moins. Ce qui commence à créer un changement systémique, ce sont les mesures législatives que nous mettons en place et la certitude dans les marchés de l’énergie renouvelable et de l’infrastructure d’énergie renouvelable qui découle de constats, de politiques selon lesquelles nous allons utiliser et produire moins de pétrole et de gaz.

Nous savons ce qui fonctionne. Nous avons mis en place des mesures pour encourager l’utilisation de voitures électriques et de pompes à chaleur. Si nous adoptons des politiques, comme cela vient de se produire hier dans plusieurs endroits du monde... En Allemagne, par exemple, on a fixé une date pour interdire l’installation d’appareils de chauffage au gaz dans les maisons. Cela modifiera certainement la réaction des consommateurs, mais nous ne pouvons pas simplement leur faire porter le fardeau. Nous devons également modifier les choses quant à la quantité de ces produits que nous introduisons sur le marché.

En fait, le marché aurait déjà limité la production de pétrole et de gaz s’il n’avait pas été altéré par des milliards de dollars de subventions aux combustibles fossiles qui maintiennent les projets en vie, même si la demande fléchit. Les énergies renouvelables à grande échelle sont moins chères. La première chose à faire est de couper dans les subventions aux combustibles fossiles, ce qui aura pour effet de renforcer les contraintes et de faire concorder l’offre et la demande.

Le sénateur Massicotte : Si je peux revenir à la question, cependant. Que feriez-vous pour le consommateur? Je suis convaincu que nous devrions faire davantage pour réduire la consommation et l’intérêt des consommateurs, mais vous dites non, réduisons l’offre. Nous réduisons donc l’offre de nos propres producteurs, mais en quoi cela nous aide-t-il? On peut fermer les ports au pétrole et au gaz. Que va-t-on faire pour couper l’approvisionnement? Va-t-on installer un camp militaire qui s’assurera qu’il n’y aura pas de déchargement de pétrole et de gaz dans nos ports?

Pour en revenir à ma question, comment résoudre ce problème quand le monde entier et l’Agence internationale de l’énergie, qui est un organisme indépendant, affirment que nous aurons besoin de pétrole et de gaz pendant encore 40 ou 50 ans parce que nous ne pouvons pas faire les mises à niveau requises assez rapidement? C’est bien d’en rêver, mais comment y arriver?

Mme Berman : Tout d’abord, je ne dis pas que nous devons seulement restreindre l’offre sans faire en même temps tout ce que nous pouvons pour réduire la demande. Ces options ne s’excluent pas mutuellement. Nous devons mener les deux de front. À ce stade de notre évolution, nous devons prendre tous les outils dont nous disposons pour éliminer notre dépendance aux combustibles fossiles et pour réduire les émissions qui s’emprisonnent dans l’atmosphère.

Personne ne dit qu’il faut fermer le robinet demain matin. Ce que nous disons et ce que dit clairement la science, y compris l’Agence internationale de l’énergie, c’est de refuser les nouveaux projets d’expansion du pétrole, du gaz et du charbon. Autrement dit, le projet Bay du Nord au large de la côte est du Canada, qui vient d’être approuvé, ne devrait pas voir le jour, pas plus que le projet Cedar LNG au large de la côte ouest du Canada, mais cela vaut pour n’importe quel autre pays. Comment y parvenir et nous assurer que les autres pays nous suivront? C’est une question fondamentale d’équité et de concurrence. Prenez les autres dossiers que le Canada a pilotés sur les mines antipersonnel, les chlorofluorocarbures et le Protocole de Montréal. Il faut du leadership pour mettre en place une nouvelle norme sociale. Cette nouvelle norme s’appuie sur la science, qui indique que nous ne pouvons pas poursuivre l’expansion. Même l’Agence internationale de l’énergie est de cet avis. Il faut dire non aux nouveaux projets.

Voilà pourquoi les initiatives comme la Beyond Oil & Gas Alliance, au titre de laquelle de nombreux pays dans le monde s’engagent à refuser tout projet d’expansion de la production de combustibles fossiles, sont essentielles si nous voulons mettre en place un nouveau leadership et une nouvelle norme sociale. Voilà pourquoi plusieurs pays réclament l’adoption d’un traité de non-prolifération des combustibles fossiles. Il faut instaurer des mécanismes de coopération et des ententes à l’échelle internationale pour mettre fin à l’expansion et gérer le déclin progressif de la production de façon équitable.

Plus de 3 000 scientifiques, 101 lauréats du prix Nobel, de même que l’Organisation mondiale de la santé et plusieurs pays demandent l’établissement d’un traité de non-prolifération des combustibles fossiles. Ce type d’accord aiderait à assurer une gestion équitable du déclin de la production. Cela dit, nous devons mener les deux options de front. Même s’il faut freiner l’expansion, il ne faut pas fermer le robinet pour autant, puisque nous allons continuer à utiliser du pétrole et du gaz dans l’avenir.

Nous allons par contre en consommer de moins en moins. Nous devons stopper l’expansion des énergies fossiles et nous devons planifier la façon dont nous allons gérer le déclin de la production actuelle, car il y aura bel et bien un déclin. Les tendances mondiales se répercutent très clairement dans les marchés.

Pour les Canadiens, la question est de savoir si le déclin de la production sera géré ou non. Si nous ne le gérons pas, davantage de personnes souffriront.

[Français]

La sénatrice Audette : Merci beaucoup, madame la présidente. Je tiens à vous féliciter pour votre prix, que je sais prestigieux.

La présidente : Merci.

La sénatrice Audette : Je remercie beaucoup nos témoins de leurs présentations. Je vais m’exprimer en français, parce que c’est un lien direct avec le territoire, et le territoire, c’est ma maison, mon université, ma médecine. C’est aussi un endroit que nous continuons d’habiter, et c’est là qu’il y a de l’extraction et de l’exploitation.

Est-ce que dans vos organisations et vos espaces, et selon vos expertises — et je vois que vous êtes également très engagés dans différents mouvements internationaux —, on construit des choses ou on collabore avec les peuples autochtones?

Je ne suis pas du tout une experte, mais chaque année, je vais à la Mushuau-nipi et j’imagine que c’est partout pareil. Les minéraux critiques et le virage vert, par exemple, sont à quelques kilomètres de nos campements. Comment pouvons-nous nous assurer que les populations autochtones des communautés, qu’elles soient pour, contre ou indécises lorsqu’on parle de compétences locales, participent aux discussions et qu’elles soient des leaders dans la protection et le développement économique, et pas seulement à la conciergerie ou à la cafétéria? Avez-vous des recommandations ou des réflexions à partager à ce sujet?

[Traduction]

Mme Perkins : C’est malheureux que vous deviez poser cette question. Merci de la poser.

Il y a un amalgame de plusieurs réalités. Les possibilités prévues dans les ententes sur les répercussions et les avantages dont parlent les grandes sociétés d’extraction sont justement des emplois à la cafétéria et à l’entretien des dortoirs.

La sénatrice Audette : Ce sont des emplois honorables...

Mme Perkins : Ce sont des occupations honorables, en effet, mais vous avez raison de dire que ce ne sont pas des rôles de leadership.

Certaines Premières Nations veulent... Les voix et les points de vue ne sont pas unanimes chez les Premières Nations. C’est ce que j’observe.

Pour revenir à la question du système de gouvernance dans son ensemble et des structures coloniales dans lesquelles nous évoluons, ces éléments ne sont pas immuables. Ils peuvent être modifiés. Ils peuvent changer. Je vois des changements se produire à certains endroits. Je pense au Cercle de feu dans l’ouest de l’Ontario et au projet d’intensifier l’extraction pour produire du lithium et du cobalt et d’autres métaux nécessaires à la transition énergétique. Par conséquent, des routes se construiront et des mines seront creusées. Les ententes traditionnelles sur les répercussions et les avantages porteront sur la manière d’acheter les Premières Nations pour mener à bien cette expansion.

Nous revenons à la question du sénateur Massicotte. Les exigences relatives à l’extraction et à l’énergie qui seront nécessaires dans l’avenir seront inévitablement façonnées en fonction des façons de faire et des besoins actuels. De fait, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat a été la cible de critiques parce que ses modèles étaient trop pessimistes.

Les modèles sont pessimistes s’ils projettent des pratiques actuelles dans l’avenir. Par contre, des efficacités innovantes apparaissent continuellement. Dans le secteur informel, des innovations locales côtoient les modèles traditionnels. Ces projections ne sont pas nécessairement la référence. Il faut plutôt regarder du côté des possibilités optimistes, notamment la baisse de la demande en énergie grâce aux efficacités technologiques innovantes qui réduisent les besoins, ainsi que le recyclage des métaux et les méthodes efficaces de recyclage. Ces innovations demanderont une conception axée sur la durabilité, et c’est là que le gouvernement entrera en scène.

Si les gouvernements décrétaient que dans leur pays, seuls les téléphones aux pièces détachables et remplaçables peuvent être vendus, cela faciliterait le recyclage des matériaux.

Pour revenir à votre question sur le rôle des Premières Nations, il me semble que le leadership autochtone, surtout celui des femmes, est au premier plan. Dans mes cours d’économie écologique, j’utilise le manuel d’un économiste écologique autochtone. Ce détenteur d’un doctorat en économie de l’Université Harvard a examiné... Pendant ses congés sabbatiques, il demande aux aînés comment leur peuple a fait pour vivre pendant des milliers d’années, depuis des temps immémoriaux, dans cet écosystème sans épuiser les ressources et sans l’anéantir. Il cherche à comprendre comment ils ont fait. Les réponses sont liées à la gouvernance et à la capacité des humains d’agir en facilitateurs de la prospérité écologique plutôt qu’en prédateurs de l’environnement. Ce changement de paradigme est l’élément clé de la nouvelle vision dont nous parlons.

Ayez confiance. Exprimez-vous. Dites-leur que dans ce territoire, vous allez faire les choses à votre manière avec votre système de gouvernance.

Bonne chance.

La présidente : Merci beaucoup.

La sénatrice Batters : Merci aux témoins.

Ma question s’adresse à Mme Perkins. Vous avez dit ce matin que la participation et la consultation des Autochtones doivent tenir une place primordiale dans toute politique de transition. Le comité a reçu récemment M. Dale Swampy, président de la Coalition nationale des chefs. Voici une remarque importante extraite de son témoignage :

Nous avons pour mandat de lutter contre la pauvreté dans les réserves. Nous travaillons à l’établissement d’ententes mutuellement avantageuses entre les Premières Nations et les partenaires de l’industrie des ressources dans le but d’accroître la prospérité économique des communautés des réserves au Canada.

Il a poursuivi en disant :

Nous croyons que l’industrie pétrolière et gazière au Canada est la plus avancée du monde sur le plan technologique et qu’elle devrait être applaudie et non diabolisée, comme le fait actuellement le gouvernement fédéral avec ses mesures législatives paralysantes.

Il a ensuite ajouté :

L’industrie pétrolière et gazière du Canada est unique. Elle possède le meilleur bilan sur le plan de la participation et de la consultation des Autochtones. Elle met tout en œuvre pour que les communautés des Premières Nations profitent elles aussi des possibilités d’emplois et des contrats. L’industrie favorise aussi les investissements dans les communautés et la participation au capital des Premières Nations.

Aucun pays au monde n’applique de politiques qui s’approchent de ce que l’industrie pétrolière et gazière accomplit au Canada. L’inclusion des Autochtones dans les grands développements pétroliers et gaziers, conformément aux lignes directrices ESG, auxquelles toutes les sociétés adhèrent, est devenue prioritaire dans l’acceptation sociale des projets.

Il conclut ainsi sa déclaration liminaire :

Faisons en sorte que la transition énergétique soit durable. Ne mettons pas la charrue devant les bœufs en détruisant une industrie sans avoir de sources d’énergie durable, verte et propre pour la remplacer. Soutenons nos concitoyens qui travaillent dans l’industrie pétrolière et gazière et ses 14 000 travailleurs qui s’identifient comme membres des Premières Nations. Prenons des décisions éclairées sur les politiques énergétiques qui seront avantageuses pour l’économie et le bien-être des Canadiens, y compris les Premières Nations.

C’était la fin de sa citation. Quelle est votre réaction aux commentaires de M. Swampy?

Mme Perkins : Comme je l’ai dit à d’autres interlocuteurs, il existe une diversité d’opinions, d’idées et de stratégies au sein des Premières Nations au Canada et ailleurs dans le monde au sujet de ce qui s’impose pour la suite.

Le dernier aspect des politiques sur lequel je voulais me pencher est le lien entre le climat et l’équité et la priorité à accorder aux politiques qui tiennent compte de ces deux éléments lors du déploiement de ressources gouvernementales et dans la réglementation au niveau local ou fédéral. Ces deux aspects doivent être intriqués.

Comme le disait la sénatrice McCallum, comment déterminer le caractère équitable de quelque chose? Quelles sont les caractéristiques d’une politique équitable? La gouvernance participative est essentielle. Il faut que les parties prenantes se réunissent afin de discuter des inconvénients et des avantages pour les membres de la communauté et pour le pays dans son ensemble.

Je pense que M. Swampy a exprimé un point de vue fondé sur son expérience et sur le leadership exercé dans sa nation. D’autres nations voient peut-être les choses très différemment.

La sénatrice Batters : Le comité a entendu plusieurs témoins issus des communautés autochtones qui sont devenus des leaders dans cette industrie au Canada. Ils ont dit que les emplois que l’industrie de l’énergie a procurés à leur peuple au Canada étaient beaucoup mieux que les autres types d’emplois à leur portée, notamment sur le plan des avantages pour leur communauté. Nous parlons d’emplois très bien rémunérés. Plusieurs témoins nous ont dit qu’ils voulaient plus d’emplois de ce type. Comme vous l’avez dit, les opinions sur le sujet sont variées au sein des Premières Nations.

Un grand nombre de témoins appuient sans réserve ce que fait le Canada, qui possède un excellent bilan en matière d’environnement et ainsi de suite. Ne serait-il pas préférable d’utiliser l’énergie produite au pays et de soutenir ces types d’emplois plutôt que de s’approvisionner dans des pays dont le bilan sur le plan des droits de la personne est moins reluisant?

Mme Perkins : Lors de la conférence sur la biodiversité qui s’est tenue récemment à Montréal, le Canada s’est engagé à protéger ou à conserver 30 % de son territoire. Cette décision entraînera la création de nombreux emplois de forestiers, d’agents de surveillance de la conservation pour des personnes qui valorisent les traditions écologiques autochtones, soit ce que les Occidentaux appellent intendance écologique. De très bons emplois existent ailleurs que dans le secteur de l’extraction des ressources, notamment dans le domaine de la captation du carbone par les arbres. Il faut sortir du modèle traditionnel. Voilà ma position.

La présidente : Merci beaucoup. Le temps pour cette portion de la séance est écoulé.

[Français]

Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons, par vidéoconférence, Alan Andrews, directeur du programme climatique à Ecojustice Canada, et Kyla Tienhaara, professeure adjointe à l’Université Queen’s. Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Vous disposez de cinq minutes chacun pour votre allocution d’ouverture. Nous allons commencer avec M. Andrews, qui sera suivi de Mme Tienhaara.

[Traduction]

Alan Andrews, directeur du programme climatique, Ecojustice Canada : Merci de m’avoir invité à témoigner devant le comité.

Je suis le directeur du programme climatique à Ecojustice Canada, le plus grand organisme sans but lucratif qui se consacre au droit de l’environnement au Canada. Nous nous servons des lois comme leviers pour lutter contre les changements climatiques et pour protéger l’environnement. Je dirige une équipe d’avocats qui travaillent partout au Canada sur la réforme juridique et sur des litiges liés aux changements climatiques.

Aujourd’hui, mes remarques vont porter plus précisément sur le rôle crucial que jouent les règlements, plus particulièrement les règlements financiers, dans la transition énergétique.

Le dernier rapport du GIEC nous rappelait brutalement que la latitude pour agir diminue inexorablement. Nous devons donc agir immédiatement pour réduire rapidement les émissions au cours de la prochaine décennie si nous voulons contenir le réchauffement à 1,5 degré et atteindre ainsi l’objectif que le Canada s’est fixé au titre des lois canadiennes et internationales.

Toutes les solutions qui permettraient vraisemblablement de respecter la limite de 1,5 degré pointent vers la réduction rapide de la production de pétrole et de gaz au cours des prochaines décennies. L’Agence internationale de l’énergie conclut qu’il faudra exclure toute forme d’expansion pétrolière et gazière pour y parvenir. Elle prévoit d’ailleurs une baisse substantielle de la demande mondiale d’ici 2030.

Le secteur pétrolier et gazier est le plus grand émetteur de gaz à effet de serre au Canada. Il est responsable de 28 % des émissions au pays. Tandis que d’autres secteurs commencent à réduire leurs émissions, le secteur des combustibles fossiles emprunte la direction inverse. Encore plus crucial, comme d’autres témoins l’ont souligné, ces chiffres tiennent seulement compte des émissions produites au pays, et non pas de celles que le Canada exporte, qui sont énormes et qui vont en s’accroissant.

Selon les données obtenues par Ecojustice au moyen d’une pétition environnementale, en 2021, les exportations de combustibles fossiles ont produit des émissions de carbone de 39 % supérieures au total des émissions au pays. Pour donner un peu de contexte, cette même année, les exportations canadiennes de gaz naturel ont produit à elles seules une quantité d’émissions plus élevée que le total des émissions produites par la province de l’Ontario l’année précédente.

Les lois du Canada ont un rôle vital à jouer dans la réduction des émissions produites par le secteur et dans la promotion d’une transition équitable vers une économie axée sur l’énergie propre et l’abandon du pétrole et du gaz. Les bonnes lois donnent des politiques stables qui attirent les investissements et l’innovation. Elles obligent les gouvernements et les sociétés à rendre compte des mesures qu’ils prennent pour contrer les changements climatiques. Elles protègent les consommateurs et les investisseurs contre la publicité fallacieuse sur le climat.

Les lois en vigueur actuellement au pays ne prévoient rien à l’égard de la pollution que le Canada exporte et finance ni à l’égard de l’écoblanchiment endémique qu’il laisse proliférer.

Le gouvernement fédéral a fait un pas important en 2021 en inscrivant dans la loi les engagements pris par le Canada au titre de l’Accord de Paris. Pour que le Canada atteigne ses objectifs, le gouvernement fédéral doit imposer un plafond strict d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier et prendre des règlements sévères sur les émissions de méthane. La réglementation permettrait également de freiner l’afflux financier dans le secteur des combustibles fossiles et de réorienter massivement le capital vers une économie axée sur la nouvelle énergie.

En continuant de financer l’expansion du pétrole et du gaz, le système financier canadien s’expose énormément aux risques climatiques. Les banques, les régimes de retraite et les assureurs canadiens comptent parmi les plus grands bailleurs de fonds au monde pour les projets de combustibles fossiles. Un rapport publié récemment révélait que la Banque Royale du Canada avait été le premier bailleur de l’industrie fossile au monde en 2022.

Le gouvernement fédéral continue lui aussi de financer l’expansion des combustibles fossiles. Il le fait par l’entremise de sociétés d’État comme Exportation et Développement Canada.

Au Canada, autant les gouvernements que les sociétés pétrolières et gazières et les institutions financières se livrent à l’écoblanchiment. Ils fixent des objectifs de carboneutralité sans établir de plans réalistes pour les atteindre. Peu leur importe que le financement et l’exportation d’émissions, qui causent une grande partie de la pollution, soient liés au secteur pétrolier et gazier. Ils continuent de promouvoir le financement de l’expansion du pétrole et du gaz, à contre-courant des efforts déployés pour contenir le réchauffement sous la barre du 1,5 degré.

Nous observons une tendance similaire quant à l’engagement du secteur envers la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Les infrastructures pétrolières et gazières canadiennes violent les droits des Autochtones au mépris des efforts visant à projeter une image éthique du pétrole et du gaz canadiens.

Je le répète, le laxisme du Canada à l’égard de la réglementation est la cause d’une grande partie de ces problèmes. Les initiatives volontaires comme la Glasgow Financial Alliance for Net Zero ne donnent pas de bons résultats. Il faut absolument que le gouvernement fédéral commence à faire preuve de leadership dans ce dossier, ce qui n’a pas du tout été le cas jusqu’à présent. Le gouvernement fédéral doit adopter un ensemble de règles contraignant les institutions financières, les sociétés d’État et les grandes entreprises à préparer des plans climatiques réalisables et conformes aux objectifs climatiques du Canada. De plus, les organismes de réglementation, les investisseurs et la population doivent être dotés des outils nécessaires pour obliger ces groupes à rendre des comptes. Ces recommandations concordent avec les objectifs du projet de loi relatif à la finance alignée sur le climat que la sénatrice Galvez a déposé il y a un an et qui mérite toute l’attention du comité.

La transition énergétique est déjà en cours. Les régimes juridique et financier du Canada doivent être repensés de façon à refléter cette réalité et à nous mettre en bonne posture de récolter les fruits de la transition, au lieu de continuer à soutenir l’industrie pétrolière et gazière. Je vous remercie pour votre attention. Je répondrai volontiers à vos questions.

La présidente : Madame Tienhaara, je vous invite à faire votre déclaration préliminaire.

Kyla Tienhaara, professeure adjointe, Université Queen’s, à titre personnel : Bonjour, sénateurs, bonjour, sénatrices. Je suis titulaire d’une chaire de recherche du Canada sur l’économie et l’environnement, en plus d’être professeure adjointe à l’École des études environnementales et au Département des études du développement mondial à l’Université Queen’s.

Je m’adresse à vous aujourd’hui depuis le territoire traditionnel des Anishinabes et des Haudenosaunee.

Durant ma déclaration préliminaire, j’aimerais essayer d’apporter une perspective différente de celles présentées par les autres témoins que vous avez reçus dans le cadre de votre étude. Au lieu de discuter des raisons pour lesquelles le Canada devrait abandonner ou non les combustibles fossiles et de plonger dans le débat sur le rythme auquel la transition devrait s’opérer, j’aimerais parler d’une autre question, soit à qui incombe la responsabilité de financer la transition.

Des investissements publics importants doivent être faits dans des secteurs tels que les énergies renouvelables, les transports en commun et la rénovation des bâtiments. Il est aussi urgent d’investir des fonds publics dans le recyclage professionnel et d’autres programmes de soutien social pour veiller à ce que les collectivités qui dépendent actuellement du secteur des combustibles fossiles ne soient pas laissées pour compte et pour assurer une transition équitable.

Cependant, les résultats de mes recherches me portent à craindre que les gouvernements soient obligés d’utiliser les ressources publiques destinées à ces secteurs critiques pour indemniser des investisseurs étrangers du secteur des combustibles fossiles.

Comme nous l’avons entendu à maintes reprises ce matin, pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, il faut renoncer à tout nouveau projet pétrolier ou gazier. Il faut aussi limiter la construction de nouvelles infrastructures pour les combustibles fossiles puisque ces infrastructures représentent des engagements de poursuivre l’extraction à long terme.

Toutefois, quand un gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral rejette un projet d’extraction ou d’infrastructures pour les combustibles fossiles, les investisseurs étrangers peuvent poursuivre le Canada en ayant recours au mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États, ou le RDIE. Comme la professeure Carter vous l’a dit il y a quelques semaines, le Québec joue un rôle de premier plan dans l’élimination progressive de la production de pétrole et de gaz, et il est membre de la Beyond Oil and Gas Alliance. De plus, le Québec a rejeté un projet prévoyant la construction d’un nouveau terminal de GNL parce qu’il augmenterait les émissions de gaz à effet de serre, en plus d’avoir des répercussions négatives sur les Premières Nations et les mammifères marins.

Or le mois dernier, la société américaine Ruby River Capital LLC a déposé une demande d’arbitrage contre le Canada. Elle réclame une indemnisation de 20 milliards de dollars américains pour le rejet du projet. Il importe de souligner que l’entreprise est loin d’avoir investi autant d’argent dans la conception de son projet; cependant, le RDIE lui permet de demander une compensation pour la « perte de profits futurs » éventuels.

Ce n’est pas la première fois qu’une entreprise de combustibles fossiles intente une action contre le Canada. En effet, la société américaine Westmoreland Coal Company a aussi déposé une poursuite en vertu du RDIE. Dans ce cas-là, l’affaire concernait l’élimination progressive de la production d’énergie à partir du charbon en Alberta. Le gouvernement fédéral a obtenu gain de cause grâce à une question de compétence, mais seulement parce que l’entreprise avait fait l’objet d’une restructuration après avoir déclaré faillite, et elle n’était donc plus protégée par l’Accord de libre-échange nord-américain, communément appelé l’ALENA.

Des actions semblables ont été intentées aux États-Unis et en Europe. Par exemple, l’entreprise canadienne TC Énergie réclame 15 millions de dollars américains au gouvernement des États-Unis pour l’annulation du pipeline Keystone XL. Récemment, l’Italie a été condamnée à verser plus de 300 millions de dollars canadiens de compensation à une société britannique d’exploration pétrolière parce qu’elle a interdit les nouveaux projets d’exploitation pétrolière et gazière à moins de 12 milles nautiques des côtes. Deux entreprises ont aussi intenté des actions contre les Pays-Bas pour son élimination progressive de la production d’énergie à partir du charbon.

La crainte que de telles affaires compromettent les politiques climatiques est rendue si vive que l’Union européenne prépare actuellement une stratégie pour se retirer du Traité sur la charte de l’énergie, le plus important traité d’investissement au monde. D’autres pays, comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ont déployé des efforts en vue d’exclure le RDIE de leurs accords commerciaux.

Le Canada n’est pas signataire du Traité sur la charte de l’énergie, et à compter de juillet, nous ne pourrons plus faire l’objet d’actions intentées au moyen du RDIE en vertu de l’ancien ALENA. Toutefois, nous demeurons assujettis au RDIE aux termes d’autres accords commerciaux, notamment l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, ou le PTPGP. Quand le Royaume-Uni adhérera officiellement au PTPGP, le risque que des sociétés de combustibles fossiles invoquent le RDIE pour déposer des demandes contre nous augmentera considérablement.

Les investisseurs dans les combustibles fossiles sont conscients de la part que l’industrie joue dans la crise climatique et du besoin pressant d’une action gouvernementale. Les entreprises qui continuent d’investir dans ce secteur malgré le risque évident que leurs projets soient rejetés ou abandonnés ne devraient pas être récompensées. La notion selon laquelle ces entreprises devraient recevoir une compensation et que la population devrait faire les frais du risque financier qu’elles ont pris est choquante, surtout à la lumière du nombre croissant de preuves montrant que l’industrie entrave activement la lutte contre les changements climatiques et contribue à répandre de fausses informations sur la science du climat.

En guise de conclusion, pour assurer une transition équitable au Canada, il faut repenser nos accords commerciaux et d’investissement, plus particulièrement notre adhésion au régime de RDIE, comme le font aujourd’hui de nombreux pays partout dans le monde.

Je répondrai avec grand plaisir à vos questions à ce sujet, ainsi qu’aux questions liées à d’autres aspects de votre étude relevant de mon domaine d’expertise. Je vous remercie chaleureusement pour votre invitation et votre attention.

La présidente : Merci beaucoup. Nous passons maintenant à la période de questions.

La sénatrice McCallum : Je remercie les témoins pour leur travail.

L’hydroélectricité est en voie de devenir la source d’énergie principale qui remplacera le pétrole et le gaz. Or les entreprises de ce secteur font aussi preuve de racisme environnemental, tout comme l’industrie pétrolière et gazière.

Quelle est la part des différents coûts liés au racisme environnemental dans le dilemme auquel nous faisons face aujourd’hui? À titre d’exemple, on autorise le sacrifice de peuples et de territoires autochtones, et l’existence de zones sacrifiées ajoute à la toxicité, aux coûts, et cetera. Puis-je vous entendre là-dessus?

Mme Tienhaara : J’appuie ce que la professeure Perkins a dit ce matin au sujet de l’importance d’accorder la priorité aux systèmes énergétiques localisés de petite envergure plutôt qu’aux systèmes de grande envergure, qu’on parle d’hydroélectricité ou de pétrole et de gaz. En effet, les systèmes à grande échelle dominés par des entreprises ont tendance à entraîner plus de racisme environnemental et d’effets néfastes sur l’environnement.

Mes recherches sont très focalisées sur le pouvoir des entreprises, ainsi que sur la manière dont les entreprises se servent du droit pour accroître leur pouvoir, en plus de faire du lobbying et de mener d’autres activités. Je suis d’avis qu’il faut limiter le pouvoir des entreprises et privilégier les systèmes énergétiques localisés, surtout dans les régions où vivent des peuples autochtones. Dans ces régions, les systèmes énergétiques devraient appartenir exclusivement aux collectivités, et non seulement être dirigés par elles, et ce sont les collectivités locales et autochtones qui devraient profiter de ces systèmes.

M. Andrews : J’appuie ces propos. Les politiques canadiennes relatives au pétrole et au gaz sont manifestement racistes sur le plan environnemental. J’ajouterais aussi, par rapport à la législation sur la transition équitable, que cette transition devrait reposer notamment sur la reconnaissance de la souveraineté des Premières Nations et sur la promotion du dialogue de nation à nation en ce qui touche l’avenir de l’industrie pétrolière et gazière.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question s’adresse à M. Andrews et concerne le secteur financier. Il est clair que les banques contribuent à ralentir la lutte aux changements climatiques en finançant l’industrie pétrolière. J’aimerais que vous m’expliquiez concrètement ce que l’on peut faire. Le système financier est au cœur de notre système capitaliste, et la recherche de profits pour les actionnaires est l’un des grands principes défendus par des lois qui disent que la principale responsabilité fiduciaire des entreprises, ce sont les actionnaires.

Comment peut-on réajuster le système et ne pas mettre les banques canadiennes dans une position moins concurrente que les autres? C’est toujours un peu la question.

[Traduction]

M. Andrews : Je vois les choses un peu différemment. Un des enjeux, c’est qu’en tardant à assujettir le secteur financier à des règles sur le climat, le gouvernement canadien risque de nuire à la rentabilité des banques canadiennes et de mettre en péril l’économie canadienne dans son ensemble. Nous avons déjà connu des crises financières, par exemple la crise des prêts hypothécaires à risque de 2008.

Le Canada s’est assez bien tiré de cette crise. Nous avons une bonne réputation sur la scène internationale en ce qui a trait à la réglementation du secteur financier. Le problème, c’est qu’en tardant à agir et en prenant du retard par rapport aux autres pays sur le plan du climat, on expose les clients des banques, les investisseurs et les actionnaires canadiens à de plus grands risques liés à la crise climatique. Par ailleurs, les occasions ratées ont aussi un coût. Plus le Canada continue à investir dans les combustibles fossiles, moins il peut investir dans les énergies renouvelables et les technologies essentielles à la transition.

D’après moi, la rentabilité du secteur et la réglementation relative au climat peuvent et doivent aller de pair.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Quel type de réglementation ou de cadre souhaiteriez-vous? Existe-t-il quelque part? Pouvons-nous nous inspirer des autres? Je sais que le projet de loi de ma collègue Rosa Galvez existe. Quel est l’état des recherches à ce sujet?

[Traduction]

M. Andrews : Certainement. Pour s’inspirer des autres, le Canada doit se tourner vers les pays partout dans le monde qui jouent un rôle de premier plan dans ce domaine. Ceux que je connais le mieux sont le Royaume-Uni et l’Union européenne; ils ont plusieurs années d’avance sur le Canada. Selon moi, l’outil de réglementation le plus important, c’est l’obligation de mettre en place des plans climatiques réalisables. À l’heure actuelle, le problème, c’est que les banques s’engagent volontairement à atteindre la carboneutralité d’ici à 2050, sans adopter les politiques nécessaires pour réaliser de tels objectifs.

Par conséquent, ces actions peuvent être considérées comme de l’écoblanchiment. Les mesures volontaires doivent être remplacées par des règles obligeant les banques et toutes les institutions financières à présenter un plan réalisable qui ne comprend pas uniquement un objectif lointain à atteindre d’ici à 2050, mais aussi des cibles intermédiaires arrivant à échéance en 2025 et 2030 — autrement dit, des objectifs à court terme beaucoup plus significatifs. En outre, les institutions financières doivent être tenues d’expliquer les politiques concrètes qui leur permettront d’atteindre leurs objectifs. Finalement, il est absolument essentiel que les règles obligent les banques à produire des rapports annuels pour informer les investisseurs, les actionnaires et les organismes de réglementation des mesures qu’elles prennent pour réaliser leurs plans.

[Français]

La sénatrice Audette : Dans ma communauté, nous avons une cohorte de 50 jeunes qui étaient sur le point de commencer l’école secondaire; cinq, six ou sept ans plus tard, seuls 15 d’entre eux ont obtenu leur diplôme de fin d’études secondaires. Lors de la pandémie de COVID, ils devaient entrer au collège, au cégep, et il y a eu 100 % d’échec. Personne n’a été capable de terminer. La raison de cette introduction est que le peuple mi’kmaq, un beau peuple, et le peuple innu, mon peuple, sont propriétaires des éoliennes, de certains projets éoliens. Pouvez‑vous imaginer l’impact du fait que nous avons de la difficulté à obtenir des diplômes, donc des connaissances précises, dans des milieux très pointus qui exigent des expertises très précises? Ce sont en majorité des gens venant de l’extérieur qui occuperont donc les postes clés. Je ne peux pas parler pour les territoires de mes autres collègues, mais c’est le cas dans notre région.

Madame Tienhaara, dans votre chaire de recherche, avez-vous étudié comment les populations autochtones, pour ceux et celles qui veulent faire ces choses peu importe l’industrie, peuvent vraiment participer à ces projets? On parle ici de formation. Avez-vous des recommandations à faire ou des suggestions à partager avec notre comité?

Je terminerai en faisant un lien avec des propos de la sénatrice McCallum au sujet du racisme environnemental. Nous le vivons dans le Grand Nord. Comment pouvons-nous inverser cette tendance, pour protéger et retrouver l’équilibre, pour ne pas être à la merci de milliards de dollars qui sortent des territoires et pour être en mesure de jouer un rôle dans l’économie et la protection des territoires et des terres sans être les plus pauvres à la fin de la journée? Merci.

[Traduction]

Mme Tienhaara : Oui, je vous remercie pour la question.

Cet enjeu ne relève pas de mon domaine d’expertise, mais j’ai fait des recherches sur la réussite ou l’échec de divers programmes d’investissement gouvernementaux, notamment à la suite de la crise financière mondiale et immédiatement après la pandémie de COVID-19. J’ai constaté une reconnaissance accrue, dans une certaine mesure, de la nécessité d’octroyer plus de fonds aux collectivités autochtones, pour aider les collectivités éloignées non seulement à abandonner les sources d’énergie polluantes comme le diesel, mais aussi à diriger des projets d’énergie renouvelable pour les raisons que vous avez mentionnées, y compris la création d’emplois. Cela dit, je pense qu’il est possible d’en faire beaucoup plus sur le plan du financement. J’ajouterais qu’il serait très profitable pour les collectivités d’apprendre les unes des autres — je ne sais pas à quel point elles le font déjà —, car certaines collectivités autochtones ont connu de belles réussites en assumant un rôle de chef de file.

Je le répète, d’après moi, le modèle de propriété est d’une importance capitale. Il faut favoriser une approche ascendante et placer la collectivité au centre. Ce faisant, on donne beaucoup plus de chances à la collectivité de réussir. De plus, une telle approche permet aux jeunes de prendre connaissance des avantages offerts par l’industrie. En voyant des gens de leur âge d’autres collectivités réussir dans l’industrie, ils seront encouragés à y participer. D’après moi, tous ces éléments peuvent avoir des effets réels.

C’est un dossier très complexe qui requiert la coordination de nombreux éléments. Ce n’est pas mon domaine d’expertise principal, mais c’est un enjeu crucial, et je suis heureuse que vous y portiez une attention particulière.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je ne sais pas qui peut répondre à ma question, mais j’aimerais faire suite à la discussion que j’ai eue un peu plus tôt avec Mme Berman. Je m’intéresse au traité de non-prolifération. Plusieurs personnes sont membres de l’accord. Il est facile d’en devenir membre si on ne fait pas partie de l’industrie du pétrole. Les gros producteurs de pétrole font-ils partie de cette entente? Pour être pertinent et obtenir les effets escomptés, il faut s’assurer que tout le monde s’implique. Si deux ou trois producteurs ne le respectent pas, le traité devient inutile. J’aimerais savoir qui est membre de ce traité. Les gros producteurs de pétrole ont-ils tous signé cette entente?

[Traduction]

La présidente : Je pense qu’il aurait fallu poser la question à Mme Berman, mais pouvez-vous tenter d’y répondre? Nous vous écoutons, madame Tienhaara.

Mme Tienhaara : Je ne connais pas aussi bien ces ententes que Mme Berman, mais ce que je peux dire, c’est que pour toute initiative, il y a, bien entendu, des premiers adhérents, et les premiers adhérents ne sont pas nécessairement les plus gros producteurs. Cela dit, le Danemark est l’un des promoteurs du traité, et c’est un pays qui produisait beaucoup de pétrole et de gaz. D’ailleurs, le Danemark a prouvé par un exemple intéressant que c’est possible pour une entreprise du secteur pétrolier et gazier de se transformer en grande société éolienne. Pour cette entreprise, la transition n’a pas été désavantageuse; au contraire, elle a été profitable.

Le Costa Rica est l’autre promoteur du traité. Selon moi, il s’agit d’un excellent exemple qui montre qu’un pays moins prospère que le Canada peut tenter de se développer davantage en exploitant ses ressources. Le Costa Rica a décidé de se fixer pour objectif d’avoir une économie verte et de privilégier le développement écologique, et il joue un rôle de premier plan en la matière.

Si vous parlez des gros producteurs de pétrole et de gaz partout dans le monde, je dirais que l’initiative est encore très jeune. D’après moi, ce qu’il faut retenir, c’est qu’elle est en train de transformer les idées relatives aux solutions possibles. Le Canada a l’occasion de devenir un chef de file dans ce domaine en adhérant à ce type d’initiative. C’est formidable de voir que le Québec a décidé d’agir, même si sa production est nettement inférieure à celle de l’Alberta. À mes yeux, c’est tout de même une grande preuve de leadership.

Le sénateur Massicotte : Si vous me permettez, ma seule réserve, c’est que j’hésiterais à dire que le Québec est un bon exemple. Après tout, c’est facile pour lui de signer puisqu’il n’y a pas de projet qu’il veut réaliser. En ce qui concerne le traité en tant que tel, savez-vous si l’Arabie saoudite y est favorable? L’Iran y est-il favorable? Qu’en est-il de la Russie? Y a-t-il des pays qui l’ont signé? On pourrait même soutenir que la Norvège aurait intérêt à s’y opposer. Les principaux acteurs l’ont-ils signé?

Mme Tienhaara : Non, l’Arabie saoudite et les autres n’y ont pas adhéré. Il est inexact à mon avis d’affirmer que le Québec n’a renoncé à rien. Il y avait des projets en développement. La province est poursuivie par des entreprises qui voulaient développer des projets. Elle a renoncé à ces projets, parce qu’elle a accordé la priorité à la protection de l’environnement, que ce soit par l’interdiction de toute extraction sous le Saint-Laurent pour protéger ce milieu naturel ou par des mesures plus axées sur le climat.

Actuellement, les principaux producteurs de pétrole et de gaz n’ont pas adhéré au traité, mais il fallait s’attendre à ce que des efforts supplémentaires soient nécessaires. De plus, cette initiative est très nouvelle.

Je ne crois pas que le fait qu’ils n’y aient pas encore adhéré signifie que l’initiative n’est pas pertinente. Ce ne sont pas tous les producteurs de charbon, j’en suis certaine, qui se sont joints à la campagne Beyond Coal ou à la Powering Past Coal Alliance, mais le Canada agit comme chef de file en la matière. Je ne crois pas qu’on puisse affirmer que ce rôle que tient le Canada ne vaut rien, simplement parce que le pays n’a pas beaucoup de charbon à offrir. Cela démontre tout de même au monde que le Canada comprend qu’il faut réduire radicalement l’usage des combustibles fossiles, ce qui requiert de réduire la production et de ne pas insister uniquement sur la demande.

Le sénateur Massicotte : Merci.

La présidente : Monsieur Andrews, voulez-vous nous faire part de votre opinion?

M. Andrews : Je n’ai rien à ajouter à cette excellente réponse.

La présidente : Merci.

La sénatrice Batters : Je remercie les témoins pour leur présence ici aujourd’hui. Ma question s’adresse à Mme Tienhaara. Pendant la séance, il y a environ 10 minutes, un nouvel article est paru au sujet d’un tout nouveau rapport du commissaire à l’environnement et aux changements climatiques, Jerry DeMarco. L’article affirme, entre autres :

Le gouvernement fédéral ne mesure pas le degré d’efficacité de ses politiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ou GES, a affirmé un rapport publié jeudi par le commissaire à l’environnement et au développement durable.

Il indique ensuite que le commissaire DeMarco a déclaré dans son audit que le fait qu’Environnement et Changement climatique Canada n’a pas évalué les politiques pourrait entraîner des problèmes pour le Canada dans ses efforts contre les changements climatiques.

Sans information complète sur les répercussions, le gouvernement fédéral ne sait pas s’il utilise les bons outils pour réduire suffisamment les émissions en vue d’attendre cette cible, a indiqué DeMarco dans un communiqué.

L’article affirme ensuite que l’examen du commissaire a constaté qu’Environnement et Changement climatique Canada se fonde sur une méthode de modélisation pour évaluer si ses efforts d’ensemble portent leurs fruits et que, en conséquence, il ne peut dire si chacun des règlements est efficace.

L’article poursuit :

Le rapport affirme qu’il est particulièrement inquiétant que le gouvernement ne sache pas dans quelle mesure ses efforts de réduction des émissions de méthane contribuent à la réduction des émissions.

Un autre passage du rapport de M. DeMarco est cité :

C’est inquiétant, parce que le méthane a un potentiel de réchauffement 25 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone sur une période de 100 ans.

Je me demande simplement si vous pourriez réagir à ces propos. Je sais que c’est tout nouveau, mais je suis certaine qu’il s’agit d’un sujet qui ne vous est pas étranger.

Mme Tienhaara : Merci pour la question. Je suis impatiente de lire ce rapport. Je n’ai pas encore eu l’occasion de le faire.

En ce qui concerne le méthane, il est absolument vrai qu’il s’agit d’un aspect essentiel des mesures à prendre en matière de politique sur le climat, parce que le méthane a un effet immédiat bien plus important. Il ne reste pas dans l’atmosphère aussi longtemps que le dioxyde de carbone, mais il a un potentiel de réchauffement plus élevé. Cela doit faire partie d’une réglementation accrue du secteur des combustibles fossiles, et celui-ci doit s’assurer que ses engagements en matière de réduction du méthane sont respectés. Les mesures doivent être strictes et, comme vous l’avez dit, il est très important que le gouvernement les contrôle et s’assure qu’elles sont mises en œuvre et efficaces.

J’ajouterai aussi que, de manière générale, la recherche suggère que le recours à des mécanismes axés sur le marché, qui constituent en bonne partie la politique publique canadienne de tarification du carbone, est vraiment central. Il est très difficile de démontrer que les taxes sur le carbone et la tarification du carbone, où que ce soit dans le monde, ont un effet véritable. Il faut insister bien davantage sur une réglementation plus stricte. Ce matin, j’ai mentionné qu’il sera très important d’interdire les voitures à combustible fossile. Je suis d’avis qu’il sera très important de réduire la production. Nous savons qu’il existe des politiques pour encourager l’utilisation d’énergies renouvelables et d’équipement comme les thermopompes, les voitures électriques et d’autres qui sont aussi efficaces.

Il existe des études qui démontrent que certains types de politiques sont efficaces à l’échelle mondiale. Si le gouvernement se penche sur ces études et s’en sert, il peut avoir une plus grande confiance.

J’ai hâte de lire ce rapport, et à mon avis, il importe que nous nous assurions que toutes les mesures que nous mettons en place ont l’effet voulu.

La sénatrice Batters : D’accord. Dans quelle mesure cela vous inquiète-t-il, en revanche, que le commissaire affirme que le gouvernement fédéral n’évalue pas ce type de politiques? Si nous ne les évaluons pas, comment peut-on s’attendre à convaincre les Canadiens qu’il s’agit de la voie à suivre, si le gouvernement qui a autant insisté sur ces politiques ne les évalue pas dans la bonne mesure?

Mme Tienhaara : C’est inquiétant, mais ma plus grande inquiétude vient du fait que nous n’avons de toute façon pas suffisamment d’ambition pour réduire nos émissions à un niveau qui serait juste relativement à notre bilan. Je ne suis pas en faveur de ne pas évaluer ce que nous faisons, mais ce qui compte encore plus, à mon avis, c’est que nous n’en faisons pas assez et qu’il nous faut être plus ambitieux.

Je crois que l’on présume souvent que toute réglementation mise en place aura des effets néfastes pour l’économie parce qu’elle est bénéfique pour l’environnement, et qu’il nous faut donc l’évaluer pour nous assurer qu’elle atteint les objectifs. Comme on l’a déjà affirmé ce matin, les effets de toutes nos politiques devraient aller au-delà de la simple réduction des émissions. Elles doivent servir à accroître l’équité et le bien-être des Canadiens, à leur rendre la vie meilleure, particulièrement pour ceux d’entre eux qui ont un faible revenu ou qui ont connu du racisme environnemental et d’autres formes de discrimination.

Si nous concevons des politiques qui ne concernent pas uniquement la réduction des émissions, l’évaluation importe, mais il ne faut pas en évaluer uniquement les effets sur la réduction des gaz à effet de serre. Il faut voir dans quelle mesure ces politiques profitent aux collectivités et aux travailleurs de manière plus large. Ce sont des aspects plus difficiles à évaluer, évidemment, mais il s’agit de l’approche que l’on devrait adopter.

La présidente : J’ai une question. Madame Tienhaara, vous avez parlé de certaines poursuites qui ont cours à l’international, mais vous avez aussi mentionné des poursuites contre le Canada. Quelle est l’incidence de l’apparition de ces poursuites relatives au climat? Quels en sont les effets non encore avérés, mais qui se concrétiseront au fil du temps et quelle est l’ampleur du risque pour le Canada?

M. Andrews peut également faire des commentaires à ce sujet, s’il en a. Merci.

Mme Tienhaara : Merci beaucoup pour la question. L’an dernier, avec des collègues de l’Université de Boston, j’ai fait une modélisation qui a été publiée dans le Journal of Science. Nous avons, en gros, examiné toutes les réserves de gaz et de pétrole dans le monde qui ont déjà obtenu des permis d’exploration, mais pas encore de décision définitive relative à l’investissement. Ce sont des actifs qui, en vertu de la trajectoire vers la carboneutralité d’ici 2050 de l’Agence internationale de l’énergie, ne devraient pas obtenir de permis d’extraction. Ce sont donc des dépôts de pétrole et de gaz qui ne devraient pas être exploités. Nous nous sommes ensuite penchés sur le nombre d’entre eux qui sont protégés par ces traités et nous avons évalué le risque potentiel pour les gouvernements, si ces projets devaient être rejetés et que les investisseurs intentaient des recours, à 340 milliards de dollars.

Pour le Canada, le risque n’existe pas uniquement pour le secteur pétrolier et gazier. L’éventail est large, mais il est très difficile de faire des prédictions. L’enjeu ne concerne pas uniquement les réserves que nous avons étudiées dans notre article scientifique, mais aussi les infrastructures, comme le terminal portuaire au Québec et l’élimination progressive des centrales au charbon en Alberta. Cela dit, tout pays ayant un grand secteur des combustibles fossiles fait face à un risque assez élevé.

Il faut dire que nous avons réduit radicalement notre risque avec l’abandon de l’ALENA, et le nouvel accord Canada—États-Unis—Mexique ne prévoit pas de mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et un État, si les investisseurs sont canadiens ou américains. Notre gouvernement a déclaré qu’il voulait ainsi protéger les politiques publiques. Toutefois, nous avons adhéré à d’autres ententes comme l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste. Cet accord n’inclut pas les États-Unis pour le moment, mais le Royaume‑Uni y a adhéré, ce qui signifie que les entreprises basées dans ce pays, comme Shell et BP, ont maintenant accès à ce mécanisme de règlement des différends. Il est très facile d’imaginer un cas où, par exemple, une usine de gaz naturel liquéfié très controversée en Colombie-Britannique souhaiterait développer davantage ses activités, ce qui ferait exploser le budget carbone de la province. Si le projet était rejeté, cette deuxième phase d’activités pourrait faire l’objet d’un différend entre un investisseur et un État. Les risques sont assez considérables.

À l’échelle mondiale, il faut nous inquiéter de ce qui se passe dans d’autres pays et des poursuites que pourraient intenter des entreprises canadiennes contre des gouvernements, particulièrement dans l’hémisphère sud. Ces pays n’ont pas la capacité de s’occuper de ces différends et pourraient décider de ne pas adopter de politique publique relative au climat afin de les éviter.

La présidente : Merci.

M. Andrews : Je n’ai rien à ajouter. Le mécanisme de règlement de différends entre un investisseur et un État est quelque peu hors de mon domaine d’expertise.

La sénatrice McCallum : Je veux revenir à M. Andrews et à la nécessité de se servir de la réglementation financière pour la transition énergétique, particulièrement en ce qui concerne les exportations. Comme 95 % du pétrole et du gaz canadiens vont aux États-Unis, quelles sont les répercussions économiques potentielles sur le secteur et sur l’ensemble de l’économie canadienne, si les États-Unis et d’autres pays...? Car je sais que la France se sert de l’électrification depuis 2019 pour ses autobus. Elle a beaucoup d’infrastructures en place pour changer ainsi son économie. Si d’autres pays pivotent plus rapidement vers des sources d’énergie renouvelable, quelles sont les tendances actuelles de la demande mondiale de pétrole et comment évolueront-elles, étant donné l’accent qui est mis sur la réduction des émissions? Quelles sont les répercussions potentielles pour l’économie et les emplois canadiens, si certaines sources de production pétrolière deviennent moins concurrentielles et plus réglementées?

M. Andrews : Je commence par votre dernière question. Les perspectives sont moroses pour le secteur canadien du pétrole et du gaz, en raison du déclin prévu à long terme dans la demande pour ses produits. La guerre en Ukraine a créé beaucoup d’incertitude et de turbulences sur les marchés, mais dans la foulée de la guerre, nous avons observé plusieurs pays, particulièrement européens, redoubler d’efforts dans leur transition énergétique. Plutôt que de créer de la demande et un marché pour le pétrole et le gaz canadiens, nous avons vu la porte se refermer plus vite qu’elle l’aurait fait, n’eût été la guerre en Ukraine.

Votre remarque sur les États-Unis est juste. Nous constatons bien sûr que les États-Unis, avec la Inflation Reduction Act, ont pris les choses en main en matière de changements climatiques, alors nous verrons une réduction rapide de la demande, particulièrement à mesure que les Américains électrifieront leurs véhicules et leur système de transport. La demande pour le pétrole déclinera, c’est évident.

Vous avez donné d’autres exemples, comme la France. Je pourrais parler de l’Allemagne, qui vient d’annoncer qu’elle éliminera progressivement le chauffage domestique au gaz.

Partout, la demande mondiale pour le pétrole et le gaz déclinera. On peut débattre de la vitesse à laquelle cela se produira et les prévisions changent constamment. Cependant, la tendance à long terme est certainement à la baisse. Le Canada doit se préparer à cette réalité et le système financier doit accepter cette réalité.

À partir de l’année prochaine, les institutions financières canadiennes devront divulguer les risques auxquels ils font face selon un scénario à 1,5 degré. Cet exercice révélera que le système financier canadien est particulièrement à risque dans ce genre de scénario, et qu’il devrait élaborer un plan pour s’ajuster, pour s’adapter et pour s’assurer que la transition est équitable et bien gérée, et que nous sommes en mesure de profiter des énormes avantages de la transition énergétique.

La présidente : Merci infiniment. Y a-t-il d’autres questions? Nous avons épuisé les questions. Merci beaucoup.

Je me permets un point d’information, chers collègues. Jeudi prochain, nous recevrons le commissaire à l’environnement et au développement durable. Nous serons ravis de lui poser plus de questions directement.

Sur ce, je vous remercie.

(La séance est levée.)

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