LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 9 mai 2023
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 18 h 32 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner la teneur des éléments des sections 20 et 36 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.
La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je m’appelle Rosa Galvez. Je représente le Québec et je préside ce comité.
Nous tenons une réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Lors de la période des questions, je demanderai aux sénateurs comme aux témoins présents dans la salle d’éviter de se pencher trop près du microphone ou de retirer leur oreillette à proximité du micro. Cela permettra d’éviter un effet Larsen qui pourrait avoir une incidence négative sur le personnel du comité présent dans la salle.
Je vais maintenant demander à mes collègues membres du comité de se présenter, à partir de ma droite.
[Français]
La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta.
La sénatrice Anderson : Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest.
La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.
Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.
La présidente : Bienvenue à vous toutes et tous et aux téléspectateurs qui nous suivent de partout au pays.
Conformément à la motion adoptée par le Sénat le 27 avril 2023, nous commençons notre étude préalable de la teneur des sections 20 et 36 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi no 1 d’exécution du budget de 2023.
Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons deux représentants de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada. Mme Georgina Lloyd, sous-ministre adjointe, Affaires du Nord, est ici en personne avec nous. M. Alain Therriault se joindra à nous très bientôt, je l’espère, par vidéoconférence. Il est gestionnaire, Politique et gouvernance. Du ministère de la Justice, nous accueillons Me Tom Isaac, avocat-conseil principal. Merci beaucoup.
Madame Lloyd, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire et nous passerons ensuite aux questions. Vous avez la parole.
Georgina Lloyd, sous-ministre adjointe, Affaires du Nord, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Madame la présidente, distingués membres du comité, avant de commencer, je tiens à souligner que nous sommes situés sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Merci pour cette invitation et cette opportunité de venir vous parler aujourd’hui de modifications importantes que le gouvernement du Canada se propose d’apporter à la Loi sur le Yukon. Ces propositions de modifications visent à assurer la santé et la sécurité des résidants du Yukon et de l’environnement, et ce, tout en favorisant les perspectives économiques des habitants du Nord et des partenaires autochtones.
Ces propositions ont reçu le support du gouvernement du Yukon et des Premières Nations concernées. Après de nombreuses concertations et consultations des partenaires concernés dans l’ensemble du Yukon, il y a consensus pour que cette proposition de modifications aille de l’avant.
L’Accord de transfert au Yukon d’attributions a été ratifié le 1er avril 2003. Cet accord de transfert a fait du Yukon le premier territoire à prendre le relais du gouvernement fédéral en assumant les responsabilités de gestion des terres et des ressources.
On comptait alors plusieurs sites miniers abandonnés au Yukon. Certains de ces sites ont été répertoriés comme présentant ou pouvant présenter des obligations environnementales non financées liées à leur assainissement ou à leur fermeture.
La mine Faro figurait parmi ces sites. Cette mine a déjà été la plus grande mine de plomb et de zinc à ciel ouvert du monde. Aujourd’hui, c’est le site de l’un des projets d’assainissement de mines abandonnées parmi les plus complexes au Canada.
Cette mine abandonnée en 1998 a produit 70 millions de tonnes de résidus et 320 millions de tonnes d’amas de stériles. Ces déchets pourraient occasionner l’infiltration de métaux et d’acide dans le sol et dans l’eau.
En vertu de l’accord de transfert de 2003, le gouvernement du Canada avait la responsabilité financière de l’assainissement de la mine Faro. Aussi, le gouvernement du Yukon était chargé de la gestion du projet d’assainissement. Le financement de l’assainissement du site est assuré par le Programme de remise en état des mines abandonnées du Nord, qui cherche à obtenir 6,9 milliards de dollars supplémentaires sur 12 ans dans le cadre de la Loi d’exécution du budget de 2023.
Cependant, il était devenu évident que ce modèle de gouvernance conjointe présentait certaines difficultés, compte tenu de la complexité, du risque élevé et de l’ampleur du projet. Cela étant, le gouvernement du Yukon a demandé au gouvernement fédéral de prendre le projet à sa charge, une approche que toutes les Premières Nations du Yukon ont appuyée.
C’est pourquoi, en septembre 2020, les gouvernements du Yukon et du Canada ont signé un accord de transition pour faire passer le site sous le contrôle total du gouvernement fédéral. Depuis la signature de l’accord de transition, le gouvernement du Canada assume la responsabilité du Projet d’assainissement de la mine Faro. Cela dit, cette transition a été réalisée en vertu du pouvoir du gouvernement du Yukon. Cette solution était censée être temporaire jusqu’à ce que le Canada puisse modifier la Loi sur le Yukon afin d’accorder au ministre fédéral le même pouvoir qu’au ministre du Yukon.
En vue d’assumer cette responsabilité, le Canada est chargé de l’entretien et du suivi du site, ainsi que des travaux urgents, et de promouvoir le plan d’assainissement général. En collaboration avec le directeur de la construction principal et pour protéger l’environnement, le Canada fait avancer la construction de l’usine permanente de traitement des eaux comme un travail urgent. Un appel d’offres a été lancé et l’attribution du marché est prévue à l’automne 2023.
Avec ces modifications proposées à la Loi sur le Yukon, nous donnons suite à l’engagement pris de modifier la Loi sur le Yukon afin d’accorder au ministre fédéral responsable des Affaires du Nord les mêmes pouvoirs à l’égard des sites contaminés sur le territoire domanial que le ministre responsable au Yukon pour les sites situés sur des terres administrées et contrôlées par le gouvernement du Yukon.
Avant de proposer ces modifications, nous avons consulté toutes les Premières Nations du Yukon et le gouvernement du Yukon. Tous les partenaires et les collectivités consultés ont clairement indiqué qu’ils voulaient que les modifications et les travaux sur le site aillent de l’avant.
Avant de conclure, j’aimerais souligner que ces pouvoirs n’ont aucun effet à moins que le gouvernement du Canada et le gouvernement du Yukon ne procèdent au transfert officiel de la gestion d’un site contaminé, tel que le site minier de Faro, au gouvernement fédéral.
Le Canada et le gouvernement du Yukon continuent de travailler en collaboration vers leur objectif commun d’assainissement du site minier Faro et d’autres sites contaminés au Yukon.
Madame la présidente, les propositions de modifications à la Loi sur le Yukon sont nécessaires pour aller de l’avant afin de créer la prospérité économique, protéger l’environnement et appuyer les communautés concernées. Merci.
La présidente : Merci. Nous allons commencer la période des questions.
Le sénateur Arnot : Merci à nos témoins pour leur présence.
J’ai quelques questions à poser, mais je commencerai par établir le contexte, au cas où je me tromperais.
J’aimerais savoir si les modifications qui pavent la voie à l’assainissement des quatre sites miniers convenus... je sais qu’il s’agit de sites miniers complexes, et qu’il existe un gros risque d’impacts négatifs sur l’environnement. De plus, comme vous l’avez souligné, 20 ans se sont écoulés depuis l’entente de transfert des responsabilités, et le site de la mine Faro est en phase d’assainissement depuis 15 ans.
Pouvez-vous nous donner un échéancier pour l’assainissement des quatre sites miniers ciblés? Plus on étire ces travaux et plus cela me semble accentuer ou aggraver les effets négatifs sur l’environnement.
Deuxièmement, en ce qui concerne la mine Faro, je comprends que vous ne pouvez pas déterminer les coûts, mais vous devez avoir une idée de la façon dont vous parviendrez à assainir les quatre mines visées et du moment où cela pourrait se produire.
Mme Lloyd : Je vous remercie de votre question. Pour ce qui est de l’échéancier, je dirais que cela dépend du site. Vous en avez mentionné quatre. Le Programme de remise en état des mines abandonnées du Nord compte huit sites, dont quatre sont situés au Yukon et relèvent du gouvernement du Yukon. Ils cherchent à transférer la responsabilité de la mine de Faro au Canada.
Je dirais que ce sont tous des sites très différents pour ce qui est du volume de résidus et de l’ampleur des travaux de remise en état nécessaires. Il est assez difficile de donner un échéancier global pour tous les sites. Pour ce qui est de la mine Faro, comme je l’ai dit, le volume et la toxicité des résidus en cause sont tels que le projet durera beaucoup plus longtemps.
Ensuite, pour ce qui est de la question de... Désolée, j’ai manqué la deuxième partie de votre question.
Le sénateur Arnot : Les 6,9 milliards de dollars ne vous permettront pas d’atteindre le résultat recherché. Cela va essentiellement prendre des décennies.
Mme Lloyd : Nous considérons certains de ces projets comme des projets d’assainissement sur plusieurs décennies.
L’autre partie de votre question portait sur le plan d’assainissement. Dans tous les sites, on peut vraiment parler d’un modèle de collaboration. Il faut donc travailler avec des partenaires comme le gouvernement du Yukon et, dans le cas des autres sites des Territoires du Nord-Ouest, avec le gouvernement territorial et les Premières Nations touchées. Les plans d’assainissement sont élaborés en collaboration entre les partenaires afin de fixer l’approche à adopter.
Le sénateur Arnot : Merci.
[Français]
La sénatrice Verner : J’ai quelques courtes questions que je poserai en français. Si j’ai bien compris, dans le budget de 2023, on parle de 6,9 milliards de dollars en plus des 2,2 milliards de dollars qui avaient été consentis dans le budget de 2019? C’est une addition?
Mme Lloyd : Oui.
La sénatrice Verner : En 2020, vous avez conclu une entente de transition pour assumer la responsabilité de l’assainissement des sites. Si vous avez signé cette entente de transition en 2020, pourquoi a-t-il fallu trois ans pour déposer un budget supplémentaire? Est-ce à cause des consultations que vous avez menées, comme vous l’avez indiqué plus tôt dans vos remarques liminaires?
Mme Lloyd : Je vous remercie de la question. Je vais répondre en anglais pour que ce soit plus clair.
[Traduction]
Vous avez raison de rappeler qu’en 2020, nous avons signé une entente de transition avec le gouvernement du Yukon. Il a fallu trois ans pour en arriver là où nous en sommes aujourd’hui pour un certain nombre de raisons. D’abord et avant tout, l’accord de transition exigeait la consultation et la mobilisation des Premières Nations touchées et du gouvernement du Yukon. De plus, l’annonce budgétaire de 2023 concerne l’ensemble du Programme de remise en état des mines abandonnées du Nord, qui couvre les huit sites au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Il s’agit donc d’une vue d’ensemble de ce qui est visé par la demande de budget.
[Français]
La sénatrice Verner : Je comprends que le budget supplémentaire qui est déposé maintenant, en 2023, couvrira un plus grand nombre de sites que le budget de 2,2 milliards de dollars qui avait été adopté en 2019?
[Traduction]
Mme Lloyd : On recense 162 sites fédéraux contaminés dans le Nord. Bon nombre de ces sites sont de petite taille et sont très loin de ce dont nous parlons ici. Afin de pouvoir établir des priorités et d’aller de l’avant, nous avons isolé les huit projets de longue haleine les plus complexes, et c’est à peu près ce que représente le Programme de remise en état des mines abandonnées du Nord, dont 2,2 milliards de dollars et 6,9 milliards de dollars sont consacrés à ces huit sites les plus complexes. Il y a 174 autres sites dans le Nord qui doivent également être assainis.
[Français]
La sénatrice Verner : Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente : Je vais profiter de la question de la sénatrice Verner pour en poser une autre qui me brûle les lèvres. Comment en sommes-nous arrivés au point où nous devons investir massivement dans le Nord parce que nous avons abandonné des mines? Qu’en est-il du principe du pollueur-payeur? Qu’en est-il du principe de la restauration censée intervenir immédiatement après la fermeture d’une mine? Le problème remonte à 1998, et nous sommes en 2023.
Le maire d’une petite collectivité a comparu devant notre comité. C’est une histoire très triste parce que la mine de charbon est en train de fermer. Faro est une grande ville. Pouvez‑vous nous parler de la communauté touchée? Je dirais que vos propos sont rassurants, soit qu’il y aura du travail pour les Autochtones et les résidants de la ville après cette injection de fonds massive. D’un autre côté, nous devons être sensibles au discours sur le racisme environnemental, et je ne peux m’empêcher de faire la part entre ces deux pôles.
Pourriez-vous nous parler de la collectivité et des Premières Nations qui y habitent?
Mme Lloyd : C’est effectivement une question qu’on nous pose souvent. Vous avez raison de dire que le principe du pollueur-payeur est entré en vigueur après l’abandon de ces mines, de sorte que c’est le Canada, en tant que propriétaire de dernier recours, qui doit assumer la responsabilité.
De nos jours, le principe du pollueur-payeur et des politiques appropriées sont en place, de sorte qu’avant même l’ouverture d’une mine, l’exploitant doit déposer une caution adossée à la mine elle-même. En cas d’insolvabilité ou de faillite, nous pouvons utiliser la caution pour couvrir les coûts d’assainissement. Ces politiques et principes n’existaient pas encore à l’époque, et nous avons hérité de mines abandonnées, partout dans le Nord, qui nécessitent d’importants travaux d’assainissement. J’ajouterai que les coûts d’assainissement dans le Nord sont beaucoup plus élevés que dans le Sud, et puis la taille des mines y est plus impressionnante.
Vous avez raison de dire que Faro avait l’allure d’une communauté. L’héritage des mines n’a pas toujours été fantastique pour les peuples autochtones et les habitants du Nord. Nous prenons donc très au sérieux la responsabilité qui incombe au Canada d’assainir les sites comme il se doit.
Nous réfléchissons à la façon dont nous pouvons le faire de manière à mobiliser divers intervenants et à faire entendre différentes voix. Un exemple que je pourrais donner en ce qui concerne l’engagement communautaire et certaines des décisions que nous prenons d’une façon différente, c’est que dans le cas de projets d’assainissement très traditionnels, s’il y a un bassin de résidus, l’une des choses qui sont envisagées, c’est de le recouvrir et de donner au site une nouvelle vocation. Vous avez vu dans d’autres régions du pays — et partout dans le monde, en fait — qu’il est possible de construire des parcs sur ces sites, de remettre ces sites en état et d’en changer la vocation pour l’usage de la collectivité.
À certains endroits dans le Nord, des partenaires autochtones sont venus nous dire qu’ils ne voulaient pas oublier ce qui s’était passé là et qu’ils ne voulaient pas que ces sites soient transformés en parcs. Ils souhaitent se rappeler à quel point cela était énorme et ce que cela signifiait pour leur collectivité à l’époque. Nous cherchons donc des façons différentes et nouvelles d’assainir les sites miniers, afin de respecter leur apport et leur héritage, en particulier pour les collectivités autochtones et pour tous les habitants du Nord.
C’est quelque chose que nous prenons très au sérieux dans la façon dont nous abordons ce travail, compte tenu de l’héritage important qui a été laissé.
La présidente : Merci.
La sénatrice Sorensen : Merci d’être ici. Je vous suis certainement reconnaissante pour la leçon d’histoire, qui a été très instructive pour moi. Ce ne sont pas des sujets que je connais très bien personnellement, alors c’est très intéressant. Il est rafraîchissant d’entendre que le gouvernement du Canada, le gouvernement du Yukon et les collectivités collaborent si bien ensemble. Ce n’est pas non plus un message que nous entendons souvent. Il est bien de voir — d’après ce que je comprends — que tout le monde est d’accord sur l’amendement. Je suis prête à lui donner mon aval si vous êtes tous d’accord.
J’aimerais parfaire mes connaissances. Vous parlez de huit sites, dont quatre au Yukon. Je suis curieuse de savoir où sont les quatre autres. J’ai une petite idée, mais j’aimerais que cela soit précisé.
Je m’adresse à Mme Lloyd ou à Me Isaac. Je crois comprendre, d’après mes notes, qu’un accord de transition est en cours de négociation pour transférer au gouvernement fédéral le site de la mine Clinton Creek et la zone minière de la rivière Ketza au Yukon. J’aimerais savoir si vous avez des données à jour sur ce processus, et combien de temps cela prendra. Je ne m’attends pas à ce que vous me donniez une année précise, mais s’agit-il de ce genre de projet qui prend tant de temps?
Pour revenir au commentaire du sénateur Arnot au sujet des risques associés à la gestion de tels sites, on doit se préoccuper de la responsabilité. Est-ce le gouvernement fédéral qui serait tenu responsable de tout problème ou préjudice pouvant survenir dans le processus de fermeture des mines?
Mme Lloyd : Je vous remercie de vos questions. Je veux être claire au sujet des huit sites visés par le Programme de remise en état des mines abandonnées du Nord. Il y a cinq sites au Yukon et trois dans les Territoires du Nord-Ouest, qui font partie des plus grands sites fédéraux contaminés au Canada.
La sénatrice Sorensen : Il s’agit donc de 8 sites parmi les 160 les plus importants?
Mme Lloyd : Oui, et les 8 représentent plus de 90 % du travail concernant les 162. Sur le plan de la portée et de l’échelle, ils sont beaucoup plus complexes et beaucoup plus vastes.
La sénatrice Sorensen : Ce sont donc les trois en question? La mine Faro et les deux que j’ai mentionnées?
Mme Lloyd : Au Yukon, il y a la mine Faro, la mine United Keno Hill, la mine du mont Nansen, la mine Clinton Creek et la zone minière de la rivière Ketza. Et dans les Territoires du Nord‑Ouest, il y a la mine Giant, la mine du Grand lac de l’Ours et la mine Cantung.
Pour ce qui est de savoir si la mine Clinton Creek et celle de la rivière Ketza pourraient faire l’objet d’un transfert, il y a eu des discussions, mais les gouvernements n’ont pas décidé d’aller de l’avant. Je pense qu’il y a un intérêt à l’égard de ce processus, et que si la transition de la mine Faro fonctionne bien pour nous tous et peut servir d’exemple et de modèle de gouvernance, nous pourrions avoir une conversation au sujet des autres.
Pour ce qui est de la question ou du commentaire sur le risque et la responsabilité en jeu, c’est un aspect important pour toutes les parties concernées. À l’heure actuelle, la responsabilité environnementale des 162 sites du Canada dépasse les 6 milliards de dollars. Évidemment, plus nous procéderons au nettoyage et plus nous ferons de progrès en matière d’assainissement, plus le passif environnemental diminuera. C’est en partie la raison pour laquelle le gouvernement du Yukon cherche à faire le transfert au Canada, pour s’assurer que la responsabilité incombe au Canada. C’est une énorme responsabilité pour un petit gouvernement territorial qui ne veut pas porter un fardeau aussi excessif. Si quelque chose tournait mal, le Canada, en tant que propriétaire de dernier recours, assumerait cette responsabilité.
La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup. Votre projet est devenu un projet pilote. Nous verrons comment les choses se dérouleront.
La sénatrice McCallum : La question que j’avais a été posée. Je continue d’être abasourdie par toutes ces activités d’extraction de ressources, par toutes ces entreprises qui viennent ici, qui prennent ce qu’elles veulent, qui partent, en déclarant faillite dans certains cas et en lançant une nouvelle entreprise dans d’autres, des entreprises de l’extérieur du pays, et je me demande pourquoi cela a été permis. Savez-vous si certaines des entreprises qui possédaient ces mines sont en activité aujourd’hui?
Mme Lloyd : C’est une bonne question. En fait, je ne sais pas si l’une ou l’autre de ces entreprises est en activité aujourd’hui. Nous pourrions probablement faire la recherche et vous revenir. L’application du principe du pollueur-payeur a vraiment changé la dynamique pour les entreprises. La responsabilité qu’elles doivent assumer dès le départ, avant de pouvoir ouvrir une mine aujourd’hui, est très différente de ce qu’elle était avant l’adoption de ces politiques. Elle leur confère des responsabilités, notamment celle de bien s’en occuper. Bien sûr, c’est ce qui se passe aujourd’hui, mais ce n’est pas rétroactif.
La sénatrice McCallum : Donc, avec cet amendement, vous dites que le gouvernement fédéral va assumer la responsabilité. Ou est-ce que le territoire aura des pouvoirs semblables pour prendre des mesures raisonnables pour prévenir et contrer cela, notamment? Pensez-vous que cela créera de la confusion ou des chevauchements entre les deux ordres de gouvernement?
Mme Lloyd : Nous savons que la mine Faro est celle pour laquelle un accord de transition a été conclu et des discussions, des consultations et des négociations ont eu lieu. Les autres mines qui sont sous le contrôle du Yukon sont appelées des sites de type II, et elles demeureraient sous le contrôle du gouvernement du Yukon. Conformément à l’accord sur le transfert des responsabilités, le Canada est responsable financièrement et le gouvernement du Yukon est chargé de l’assainissement.
Dans ce cas-ci, cet amendement permettra au ministre fédéral des Affaires du Nord d’avoir les mêmes pouvoirs que le ministre du Yukon en ce qui a trait à la responsabilité de l’assainissement. Le contrôle du plan d’assainissement reviendrait au Canada dans le cas de la mine Faro. L’amendement prévoit les mêmes pouvoirs pour le ministre des Affaires du Nord canadien que pour le ministre compétent du Yukon.
Il s’agit de projets d’assainissement complexes, et je pèse mes mots. Il n’y a pas de méthode unique pour l’assainissement d’un site minier. Il faut compter sur l’expérience, sur les leçons que nous pouvons tirer, partout au pays et dans le monde, concernant la façon de bien faire les choses, mais nous voulons aussi nous assurer de tenir compte de l’avis des habitants du Nord et des groupes autochtones.
Nous avons une structure de gouvernance pour chacune des mesures d’assainissement de site minier, qui comprend un comité de surveillance et un comité technique. Même après la transition, le gouvernement du Yukon et le Canada auront des rôles distincts à jouer. Le gouvernement du Yukon jouera un rôle important au sein du comité de surveillance et du comité technique. Toutes les parties qui participent à l’assainissement comprennent très bien quels sont les rôles et les responsabilités, ce qui fait en sorte qu’il n’y a pas de chevauchement.
La sénatrice McCallum : L’examen de tous les résidus miniers et des mines à ciel ouvert permet-il de déterminer s’il y a des émissions de gaz de ces sites abandonnés?
Mme Lloyd : Nous surveillons régulièrement tous les sites. Je dirais que dans le cas de la mine Faro, par exemple, l’élément auquel nous accordons le plus d’attention est la qualité de l’eau. L’an dernier, au Yukon, il y a eu beaucoup d’inondations par suite de la fonte printanière, et cela a vraiment changé les niveaux d’eau à l’intérieur et autour du site de la mine Faro. Nous étions très conscients de l’influence que cela peut avoir sur la qualité de l’eau et sur le maintien de niveaux sécuritaires à ce chapitre. Ce sont les aspects de l’entretien et de la maintenance que nous surveillons de très près, jusqu’à ce que nous procédions activement à la remise en état.
L’une des choses que j’ai mentionnées plus tôt, c’est que pour le site de la mine Faro, étant donné que la qualité de l’eau y revêt une très grande importance, la première chose qui est prévue est une usine de traitement de l’eau. Le processus d’approvisionnement a été entrepris, ce qui nous permettra de gérer la qualité de l’eau de façon beaucoup plus directe et de ne pas subir nécessairement autant les répercussions des pluies abondantes ou des crues abondantes. Le fait d’avoir une usine de traitement nous permettra d’avoir un impact direct sur la qualité de l’eau.
La présidente : J’ai une question. Je crois comprendre qu’en 2018, des firmes d’ingénieurs-conseils ont obtenu des contrats pour planifier toutes ces usines de traitement de l’eau, le captage et le traitement des eaux d’infiltration dont vous parlez. Je m’interroge au sujet des sommes massives qui seront consacrées à cela et du processus d’approvisionnement. À votre avis, combien d’entreprises seront intéressées, et quel est l’échéancier pour l’assainissement? Je sais que cela va durer environ 35 ans, mais quelle forme prendra l’approvisionnement? Sera-t-il de compétence fédérale?
Mme Lloyd : C’est une question importante. Dans le cas des sites dont il est responsable, le Canada est aussi chargé de l’approvisionnement et de l’assainissement, et cela comprend tous les mécanismes d’approvisionnement.
Notre expérience nous a appris qu’une pratique exemplaire pour ce type de projet à grande échelle consiste à avoir recours à ce que l’on appelle un gestionnaire de chantier. Un gestionnaire de chantier peut intervenir dans la gestion de l’assainissement et du plan d’assainissement global. Il est en mesure d’établir la portée de tous les groupes de tâches, d’une manière qui correspond à la capacité d’une collectivité, par exemple. Il sait quand la présence d’une grue sera nécessaire. Il sait à quel moment les travailleurs sont disponibles dans une collectivité donnée, alors il est en mesure d’établir la portée des groupes de tâches en conséquence, afin de veiller à ce que les groupes autochtones participent davantage, mais aussi à ce que les collectivités du Nord en général contribuent à l’assainissement.
L’économie de l’assainissement repose sur le principe qu’il s’agit de projets à long terme. On en a beaucoup parlé. Lorsqu’il est question de décennies et de décennies de mesures correctives, on peut parler d’économie, et la façon de gérer cette économie peut être importante.
Nous avons été très clairs à ce sujet avec les gestionnaires de chantier, et compte tenu de tous les mécanismes d’approvisionnement à notre disposition, nous sommes en mesure d’améliorer ce que l’on appelle les considérations relatives aux débouchés pour les Autochtones. Nous utilisons cela de deux façons, la première étant de tenir le gestionnaire de chantier responsable de certains pourcentages, ou encore d’évaluer les soumissions qu’il fait pour des choses comme la formation et le renforcement des capacités pour les collectivités, l’embauche de citoyens locaux et l’approvisionnement. L’autre élément, c’est que lorsqu’un gestionnaire de chantier procède à l’approvisionnement, il est tenu de respecter une norme en ce qui a trait à la formation, à l’embauche de citoyens locaux et aux offres en matière d’approvisionnement pour les Autochtones également.
Le sénateur Arnot : J’aimerais comprendre un peu mieux. Les 6,9 milliards de dollars seront-ils dépensés au cours d’un exercice?
Mme Lloyd : Non. Cela s’étendra sur 12 exercices.
Le sénateur Arnot : Comment, où et quand ces ressources seront-elles utilisées? Et comment le ministre va-t-il faire preuve de transparence dans l’utilisation de ces 6,9 milliards de dollars?
Mme Lloyd : Nous faisons rapport très activement. Il y a deux éléments. Étant donné que ces sites représentent plus de 6 milliards de dollars en responsabilité environnementale, il y a une composante de déclaration de responsabilité environnementale. Il y a aussi l’engagement habituel du ministre et la transparence entourant ces types d’investissements. Cette reddition de comptes se fait au moyen des outils d’information financière habituels dont dispose le ministre.
Le taux de participation et le rythme des dépenses dépendront des jalons atteints pour chaque site et de la mesure dans laquelle chaque plan d’assainissement est actif. Certains des huit sites sont en cours d’assainissement, et d’autres en sont encore aux premières étapes de la mobilisation des collectivités, en vue de leur permettre de comprendre la situation et d’élaborer un plan d’assainissement ensemble.
Plus tôt, j’ai donné l’exemple de l’usine de traitement de l’eau pour laquelle l’approvisionnement est prévu cette année. C’est une étape importante. Si nous sommes en mesure d’atteindre ce jalon, cela modifiera l’échéancier et le rythme des travaux sur un site aussi important que Faro. Cela pourrait s’appliquer à la façon dont le gestionnaire de chantier peut déplacer les groupes de tâches.
Cela dit, il est important que le gestionnaire de chantier tienne compte des possibilités offertes aux Autochtones. Si l’on offre des débouchés aux collectivités, dans certains cas, elles pourraient avoir besoin de plus de temps. C’est pourquoi il serait peut-être intéressant de prévoir une partie de cette démarche sur une plus longue période, afin de s’assurer de la capacité nécessaire dans le Nord pour pouvoir soumissionner ces projets et y participer.
La sénatrice McCallum : Quel est l’effet du pergélisol et du glissement dû au dégel? Est-ce qu’il y a un effet à l’heure actuelle?
Mme Lloyd : Oui. Comme tout le monde le sait, je crois, les changements climatiques ont les répercussions les plus graves dans le Nord. Parmi les éléments dont nous devons nous occuper pour tous les sites figurent toutes les répercussions des changements climatiques, et le pergélisol est un aspect important de cela.
Nous travaillons avec l’ensemble des projections différentes de modélisation dans le cadre du processus de la COP, le processus international de modélisation des changements climatiques. Nous avons collaboré avec différents chercheurs pour assurer un contrôle et pouvoir être en mesure de planifier l’assainissement, en tenant compte de la façon dont le pergélisol pourrait évoluer à l’avenir. À l’heure actuelle, certaines de nos projections concernent les 50 ou même les 100 prochaines années pour ce qui est du pergélisol à Yellowknife et dans les environs, par exemple, dans les Territoires du Nord-Ouest.
Nous recommençons ce processus régulièrement. Même une fois le plan d’assainissement terminé, il y aura une surveillance continue à long terme de certains sites. L’un des aspects du contrôle consistera à suivre des choses comme le pergélisol et les changements climatiques.
La sénatrice McCallum : J’ai lu au sujet de l’Alaska et de ses pipelines, ainsi que des déplacements qu’ils subissent sous le pergélisol. Quelles ont été les répercussions sur la faune, terrestre ou aquatique?
Mme Lloyd : C’est une bonne question. Je ne sais pas si j’ai des exemples précis. Les répercussions sur la faune seront très spécifiques au site.
Une partie du plan d’assainissement consiste à obtenir les commentaires des chercheurs et d’autres intervenants, mais aussi des collectivités autochtones, en ce qui a trait au partage des connaissances traditionnelles. Dans le cadre d’un plan d’assainissement, il faut tenir compte de l’environnement avant l’ouverture de la mine et de l’objectif du plan visant à rétablir l’environnement dans un certain état. Cela a des répercussions sur la faune, alors il s’agit de réfléchir à la façon d’intégrer cela dans une perspective holistique. C’est le genre de facteurs qui sont pris en compte dans le cadre des consultations entourant le plan d’assainissement.
La sénatrice Anderson : Ma question porte sur les 700 millions de tonnes de résidus miniers et les 320 millions de tonnes d’amas de stériles. Où vont les polluants? A-t-on l’intention de les laisser là ou de les retirer? Si on les retire, où iront-ils? Resteront-ils dans le territoire ou seront-ils relocalisés?
Mme Lloyd : Je dirais que l’une des pratiques courantes consiste à les laisser sur le site, car le fait de déplacer les résidus peut avoir d’autres répercussions. Je ne sais pas si la décision a été prise pour la mine Faro à ce stade-ci, mais ce serait quelque chose à prendre en compte, pour ce qui est de savoir quelles seraient les répercussions du déplacement de ces résidus.
La question clé pour la mine Faro est vraiment l’impact sur la qualité de l’eau. Au cours de la période de surveillance à la mine Faro, nous avons appris qu’un site doit être assaini et qu’il faut être en mesure d’effectuer des tests pour tous les différents produits chimiques. C’est vraiment une question de qualité de l’eau, et c’est là-dessus que nous nous sommes concentrés.
Je ne sais pas si Alain Therriault a pu se joindre à nous. Malheureusement, mon collègue est en déplacement pour participer à un important examen annuel de cette mine, et c’est lui qui est le mieux placé pour parler des détails techniques relatifs aux résidus.
La sénatrice Anderson : Pour poursuivre dans la même veine, les deux sites sont pollués par des métaux lourds. Si vous les laissez sur place, ne craignez-vous pas qu’ils s’infiltrent dans la terre et soient absorbés, non seulement par les plantes, mais aussi par les animaux? La question ne devrait-elle pas être la suivante : quel est l’impact de les laisser là? Quelles sont les répercussions sur les gens, la terre, les plantes et les animaux, et pas seulement sur l’eau?
En tant qu’Autochtone des Territoires du Nord-Ouest, je sais que la chasse de subsistance fait partie intégrante de notre quotidien, et j’imagine que c’est le cas aussi au Yukon. Les animaux se déplacent, et nous mangeons ces animaux. Il y a un polluant absorbable qui est présent et qui pose un risque — pas seulement dans le réseau hydrographique, mais aussi dans la terre proprement dite et dans les animaux et les plantes.
Je tiens à souligner qu’au moment de l’examen de cette question, il faudrait élargir la portée.
Mme Lloyd : Absolument. C’est vraiment la façon la plus sûre et la meilleure. Il y a une surveillance exhaustive. Si des métaux lourds, par exemple, devaient s’infiltrer dans l’environnement, cela sera pris en compte dans la surveillance. Dans le cas de la mine Faro, ce n’est pas le cas actuellement. Cela ne veut pas dire que ce ne sera pas le cas à l’avenir, mais nous avons fait des recherches pour nous assurer que notre capacité de prévision est plus grande et que nous savons sur quoi nous pencher. À l’heure actuelle, il s’agit de la qualité de l’eau.
Pour ce qui est de la façon dont les métaux lourds peuvent s’infiltrer, la surveillance qui est assurée est vraiment très complète pour pouvoir réagir à cela.
Me Tom Isaac, avocat-conseil principal, ministère de la Justice Canada : De plus, au Yukon, le plan d’assainissement de la mine Faro suit un processus environnemental rigoureux, dans le cadre de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon. Toutes les répercussions sont prises en compte au moment de déterminer la façon d’assainir le site minier.
Par la suite, il y aura un processus très rigoureux de délivrance de permis d’utilisation des eaux, qui s’applique à des aspects comme le conditionnement de l’eau, afin de déterminer la présence de matières potentiellement dangereuses ou de contaminants. Un processus réglementaire s’applique également.
La sénatrice Anderson : Je viens de Tuktoyaktuk. Tuktoyaktuk a subi d’énormes répercussions au chapitre du climat, du pergélisol et de l’eau. J’entends tout ce que vous dites. Je suis d’accord pour dire que c’est la bonne chose à faire, mais je sais aussi, d’après ce que j’entends dans ma collectivité, que certaines des répercussions que nous constatons remontent à des décennies. Selon mes estimations, il s’agit d’un projet dont la réalisation prendra 15 ans et pour lequel la surveillance sera assurée pendant 25 ans. Ces métaux lourds demeurent dans le sol. Je dis cela parce que quand je me promène sur la plage de Tuktoyaktuk, des déversements de carburant et d’autres polluants qui remontent à loin sont visibles dans les endroits où l’érosion par l’eau a fait son œuvre.
Ce qui m’inquiète, c’est que nous ne serons plus ici dans 20, 30 ou 40 ans. Les gouvernements changent. Les priorités changent. On peut laisser ces polluants dans la nature, et il se peut qu’ils réapparaissent plus tard et qu’ils soient plus problématiques. C’est ce qui me préoccupe. Les technologies changent, les gens changent et les priorités changent, mais si on laisse ces polluants dans la nature, on les oubliera jusqu’à ce qu’ils refassent surface plus tard.
Je tiens à souligner que les plans que vous examinez devraient être non seulement des plans à court terme, mais aussi des plans à moyen terme et à plus long terme, sur une période de 40 ans. Je pense qu’il est important de le souligner.
Mme Lloyd : Merci. En ce qui concerne le processus de réglementation, comme Me Isaac l’a mentionné, il prévoit une surveillance et un suivi rigoureux. Dans le cas d’un permis d’utilisation des eaux, par exemple, une fois le permis délivré, il fait l’objet d’un examen régulier, puis d’une surveillance. La question de savoir si ces polluants doivent rester en place ou dans quelles conditions fait l’objet d’un programme d’examen et de surveillance.
La présidente : Je veux revenir sur ce que les sénatrices McCallum et Anderson ont dit. Je suis de près le projet de la mine Giant dans les Territoires du Nord-Ouest, près de Yellowknife. Mes collègues ont conçu la barrière de glace. Selon leurs prévisions, elle devait durer X nombre d’années. Cependant, avec les changements climatiques, la donne a changé.
Le problème avec les changements climatiques, c’est que la pluie et le pergélisol apportent une grande quantité d’eau, qui crée une dilution. Nous savons que la dilution n’est pas la solution. On peut continuer à surveiller la situation, mais plus il y a d’eau, plus la concentration est faible. Toutefois, les contaminants sont toujours là. Si ma mémoire est bonne, il y a encore de l’arsenic à Yellowknife.
Je suis d’accord pour dire qu’il faut trouver des solutions à long terme, et pas seulement à moyen ou à court terme. Nous devons également tenir compte des changements climatiques et météorologiques, surtout en ce qui concerne l’eau.
Mme Lloyd : Je suis d’accord. Dans le cas de la mine Giant à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, le produit chimique est le trioxyde d’arsenic, qui pose un risque tellement important pour la santé et la sécurité, que la surveillance continue sera très longue dans le cas de cette mine abandonnée. Même lorsque le plan d’assainissement sera terminé, il y aura une surveillance à long terme. Une partie du plan de surveillance à long terme consiste à suivre les modèles climatiques sur lesquels nous nous sommes fondés et à nous y adapter. Nous savons que les modèles correspondent aux dernières données disponibles, mais les choses évoluent et nous savons que les changements climatiques ont des répercussions nouvelles et différentes, particulièrement dans le Nord. Cela a été intégré dans le plan, surtout pour les sites de grande taille, où nous savons que les répercussions des changements climatiques se feront sentir directement.
La présidente : Pouvez-vous demander à Alain Therriault de nous faire parvenir ses notes sur les différents projets, ainsi que les détails des projets concernant les résidus?
Monsieur Therriault, êtes-vous là?
Alain Therriault, gestionnaire, Politique et gouvernance, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Oui, je suis là.
La présidente : Avez-vous entendu certaines des questions concernant les bassins de résidus et les plans d’assainissement? Pouvez-vous nous parler de cela, s’il vous plaît?
M. Therriault : Pourriez-vous répéter la question? Je viens de descendre d’un avion qui a été dérouté, alors je m’excuse de mon retard. J’aimerais beaucoup entendre de nouveau ces questions.
La présidente : En général, il s’agit d’en savoir plus sur le processus de traitement des résidus.
M. Therriault : Je vous remercie de la question. Il y a des questions sur le traitement des résidus, etc. Parlons-nous du site de la mine Faro ou d’autres sites? Ce sont certainement des renseignements que je peux facilement obtenir pour en faire part au comité.
La présidente : Le site de la mine Faro.
M. Therriault : Pour le site de la mine Faro en particulier? La question est donc de savoir comment nous gérons les bassins de résidus.
La présidente : Oui.
M. Therriault : À ma connaissance, et je vais certainement vérifier auprès de tous nos ingénieurs, il est prévu de recouvrir le bassin de résidus. Celui-ci mesure environ quatre kilomètres de long et environ un kilomètre de large. Il y a donc un plan pour recouvrir les résidus. Ainsi, toutes les eaux de ruissellement seraient captées, puis pompées et traitées à l’usine de traitement de l’eau. Cela nous permettrait de nous assurer que l’eau est propre, et de capter n’importe quelle eau — ce que nous appellerions de l’eau de contact, c’est-à-dire de l’eau sale.
La présidente : Qu’en est-il des eaux souterraines?
M. Therriault : Pour les eaux souterraines, à ma connaissance, il y a des systèmes d’interception des eaux d’infiltration. Il y a des puits souterrains qui captent les eaux souterraines plus profondément dans le site. Ils sont nombreux, et il y a des points de surveillance pour s’assurer que les eaux souterraines sont contrôlées et gérées de cette façon. D’après ce que je comprends, il y a encore ces systèmes d’interception des eaux d’infiltration qui sont placés stratégiquement pour capter les eaux souterraines.
La sénatrice McCallum : Comment recouvrirez-vous le bassin? Avec du ciment ou avec quelque chose de plus temporaire?
M. Therriault : Je vous remercie de cette question. Puis-je vous demander de la répéter? J’ai manqué le début.
La sénatrice McCallum : Le recouvrement du bassin de résidus, sera-t-il temporaire ou en ciment? Combien de temps restera-t-il en place? Allez-vous le laisser là en permanence?
M. Therriault : Je vous remercie de cette question. Je crois comprendre qu’il s’agit d’un recouvrement permanent. C’est le plan. Encore une fois, je vais certainement faire un suivi et m’assurer de vous donner des renseignements techniques exacts, mais, oui, à ma connaissance, il s’agit d’un recouvrement permanent de la zone des résidus.
La sénatrice McCallum : Ce serait donc du ciment?
M. Therriault : Je ne sais pas. Je comprends qu’il y a différents produits, différents recouvrements possibles. À ma connaissance, je ne me souviens pas qu’il s’agisse de ciment. Il s’agirait davantage d’autres composés, mais cela dit, encore une fois, nous vous fournirons certainement les détails exacts.
La sénatrice McCallum : Dans le cas du ciment, aux États-Unis, on a constaté qu’il y avait beaucoup de fuites. Avec le déplacement lié au pergélisol, on pourrait penser que cela pourrait s’effondrer. Allez-vous donc laisser simplement cela en permanence?
M. Therriault : D’après ce que je comprends, les détails techniques visent à garantir la résistance aux inondations maximales probables, aux séismes et autres incidents. Il s’agirait donc d’un... J’ai le mot français en tête, mais ce serait une matière plus souple. Est-ce assez clair?
La sénatrice Anderson : Pouvez-vous nous dire ce qu’on entend faire des 320 millions de tonnes de stériles?
M. Therriault : Oui. Je crois comprendre que quelques plans sont envisagés. Sauf erreur, on songe à des solutions et aussi à... Je cherche mes mots. On songe à transporter les sols vers des zones stratégiques. C’est ce que je crois comprendre, mais je peux poser la question aux ingénieurs. Nous avons beaucoup de modèles et de renseignements que je vais certainement communiquer au comité.
La sénatrice Anderson : Serait-il juste de dire que le plan consiste à laisser la majorité des polluants sur les terres où ils se trouvent actuellement?
M. Therriault : Merci de cette question. Je présume que oui. Il ne s’agit pas de tout enlever. Il s’agit de gérer ces matières à l’intérieur de la zone existante.
La sénatrice Anderson : Votre plan s’étend sur quelle période? Est-ce 5, 10, 15 ou 20 ans?
M. Therriault : Excusez-moi si je répète ce qui a déjà été dit et veuillez aussi excuser mon retard. La phase actuelle est celle de l’entretien et du suivi, et elle comprend des travaux urgents. Elle est dans la droite ligne de celle de la réglementation. Il faut donc obtenir toutes les approbations réglementaires. Une fois tout cela en place, la phase de construction commencera. Elle devrait durer de 12 à 15 ans.
C’est notre estimation actuelle. Le plan consiste à franchir cette étape qui, encore une fois, s’étendra probablement de 2026 à 2029, selon la rapidité du processus d’approbation réglementaire. Ensuite, la période de construction, selon nos estimations, durera de 12 à 15 ans environ. Nous ne sommes pas encore fixés là-dessus.
La sénatrice McCallum : Avec autant d’argent, vous ne pouvez pas garantir les résultats, n’est-ce pas? Votre plan d’évaluation environnementale vous inspire-t-il confiance?
M. Therriault : Désolé. Je présume que la question s’adresse à moi, mais je ne veux pas empiéter sur les plates-bandes de quelqu’un d’autre. Madame Lloyd, j’interviens spontanément pour répondre aux questions. Je veux m’assurer que c’est bien à moi qu’on s’adresse et que je ne m’impose pas.
Mme Lloyd : Je dirais que le plan d’assainissement de l’environnement s’est accompagné de recherches approfondies et a été élaboré en collaboration avec de nombreux partenaires. Il a été tenu compte des pratiques exemplaires, de la recherche et des connaissances qui peuvent contribuer à la qualité du plan. Nous avons multiplié les efforts afin d’être en mesure d’élaborer un plan réfléchi et digne de confiance.
Nous avons parlé tout à l’heure de réglementation et de surveillance. Nous n’allons pas appliquer des mesures d’assainissement pour ensuite nous désintéresser de la question. Nous devrons faire des évaluations constantes pour voir dans quelle mesure le plan donne de bons résultats, car, assurément, il n’y a pas de plan à toute épreuve. Des processus intégrés au plan nous permettent de voir si cela fonctionne, comment cela fonctionne et s’il y a lieu d’apporter des rajustements.
Monsieur Therriault, quelque chose à ajouter?
M. Therriault : Non, c’est parfait. Nos plans se fondent sur les leçons apprises. Nous avons eu de nombreux autres sites à gérer, ce qui va dans le sens des propos de Mme Lloyd. Cette approche nous inspire confiance. Nous reconnaissons qu’il s’agit d’un projet à la fois considérable et complexe. Néanmoins, à ma connaissance, on fait largement confiance à l’approche actuelle sur le plan technique.
La présidente : Merci beaucoup.
Le deuxième groupe de témoins est formé de deux représentantes d’Environnement et Changement climatique Canada : Laura Farquharson, directrice générale, Affaires législatives et réglementaires, et Paola Mellow, directrice exécutive, Division des combustibles à faible teneur en carbone. Bienvenue et merci d’être parmi nous.
Madame Farquharson, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire.
Laura Farquharson, directrice générale, Affaires législatives et réglementaires, Environnement et Changement climatique Canada : Merci.
Les modifications proposées à la partie 4 — section 36 modifieraient la partie 11 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, la LCPE. La partie 11 de la LCPE contient des dispositions relatives à l’utilisation de mesures économiques et aux approches axées sur le marché.
Les modifications ciblées proposées établiraient, parmi les comptes du Canada, un fonds appelé Fonds de mesures économiques pour l’environnement pour administrer les sommes reçues à titre de contributions à certains programmes de financement établis par règlement qui relèvent du ministre de l’Environnement et du Changement climatique.
À l’heure actuelle, l’utilisation du Fonds de mesures économiques pour l’environnement n’est envisagée qu’en vertu du Règlement sur les combustibles propres. Le règlement, qui exige que les fournisseurs de combustibles fossiles liquides réduisent progressivement la quantité de pollution provenant des combustibles qu’ils produisent et vendent pour être utilisés au Canada, comprend un certain nombre de mécanismes de conformité visant à atténuer les coûts de conformité, tout en maintenant l’objectif de réduire réellement les émissions de gaz à effet de serre. L’un de ces mécanismes permet aux parties réglementées de satisfaire jusqu’à 10 % de leur exigence annuelle de conformité, à compter du 1er janvier 2024, en versant des paiements à un programme de financement qui investit dans les réductions des émissions de gaz à effet de serre à court terme et obtient ces réductions.
[Français]
Le budget de 2021 a octroyé un financement sur sept ans pour contribuer à la mise en œuvre et à l’administration du Règlement sur les combustibles propres, qui jouent un rôle important pour aider le Canada à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Un fonds fédéral, prévu par ces modifications, sert de mécanisme de conformité intégrale dans le règlement, et il offre une option de conformité fiable pour assurer le bon fonctionnement du règlement.
Les modifications proposées apporteraient également une clarification technique en remplaçant les expressions « permis échangeables » et « unités échangeables » par l’expression « unités de conformité » dans la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et apporteraient des modifications corrélatives à la Loi sur l’Agence canadienne pour l’incitation à la réduction des émissions de la même façon. Les modifications proposées entreraient en vigueur à la sanction royale.
[Traduction]
La présidente : Passons aux questions.
[Français]
La sénatrice Verner : Merci à vous deux d’être ici ce soir. J’ai une question à poser sur l’article 622, qui précise que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique sera responsable d’administrer ce fonds ou d’effectuer des paiements à partir de celui-ci pour réaliser des initiatives fédérales de réduction des gaz à effet de serre. Vous savez peut-être qu’au Québec, depuis 2006, nous avons le Fonds vert, qui vise à faire fructifier les revenus recueillis dans le cadre du marché provincial du carbone.
Maintenant, après des reportages dans les médias, nous avons constaté au fil des ans que ce fonds n’avait pas toujours été utilisé pour financer ce genre de projets. Or, l’article 622 semble indiquer que ce nouveau fonds sera utilisé uniquement pour des initiatives spécifiques du ministère. Autrement dit, on souhaite éviter la situation qu’on a vécue avec le Fonds vert au Québec. Ce fonds sera donc consacré à des initiatives spécifiques du ministère; c’est exact?
Mme Farquharson : Oui, c’est cela.
La sénatrice Verner : J’aimerais savoir ce qu’il en est de la reddition de comptes au Parlement ainsi qu’aux contribuables canadiens en ce qui concerne la gestion annuelle de ce fonds, parce qu’on ne trouve pas d’information à ce sujet à l’article 622. Or, comment, chaque année ou de façon régulière, le Parlement et les contribuables canadiens seront-ils tenus au courant de la gestion annuelle de ce fonds?
Mme Farquharson : Il est vrai que tous les détails sur le fonctionnement du fonds ne sont pas décrits dans le projet de loi. Par contre, je dois vérifier cette information, mais je crois qu’il y a une exigence de publier un rapport annuel sur l’argent qui a été dépensé et sur la façon dont les fonds ont été utilisés. Les détails seront ventilés dans le fonds. Est-ce que cela répond à votre question?
La sénatrice Verner : Oui. Effectivement, ma question avait trait à la reddition de comptes. Comment s’assurer de la reddition de comptes au Parlement et aux contribuables pour ce qui est de la gestion de ce fonds?
Avez-vous évalué le montant que vous serez en mesure de percevoir et de transférer au nouveau fonds? Est-ce que vous avez un ordre de grandeur, une évaluation approximative des montants qui seraient perçus et transférés au nouveau fond, sur un horizon de cinq ans?
[Traduction]
Paola Mellow, directrice exécutive, Division des combustibles à faible teneur en carbone, Environnement et Changement climatique Canada : Comme Mme Farquharson l’a dit, le fonds est un mécanisme de conformité prévu par le Règlement sur les combustibles propres, et il peut être utilisé chaque année par les parties réglementées pour satisfaire un maximum de 10 % de leur exigence.
L’un des problèmes du fonds, c’est son caractère facultatif. Au cours d’une année donnée, les parties réglementées pourraient ne verser aucune contribution ou contribuer un maximum de 10 % de leur exigence prévue au règlement.
L’autre difficulté concerne l’estimation du montant à verser : il faut un prix. C’est pourquoi le règlement précise que la contribution au fonds est de 350 $ la tonne, montant auquel s’applique l’indice des prix à la consommation.
Nous n’avons pas d’estimation sous la main, mais vous pourriez faire une estimation approximative, disons de 350 $ la tonne, jusqu’à concurrence de 10 % de l’exigence prévue. Quel est le chiffre? Le problème, c’est qu’il faut faire des prévisions. Le règlement s’applique aux volumes de carburant. Il faut donc faire des hypothèses sur la quantité de carburant utilisée dans l’économie au fil du temps, ce qui, bien sûr, comme vous le savez, dépend d’une multitude de facteurs. Nous n’avons donc pas d’estimations pour l’instant, mais c’est de cet ordre de grandeur que nous parlons.
[Français]
La sénatrice Verner : À l’article 622, on indique que, par simple arrêté ministériel, le ministre de l’Environnement peut déléguer les responsabilités d’administrer ce fonds ou d’effectuer des paiements à partir de celui-ci.
Pourquoi cette forme de délégation d’autorité ne serait-elle pas soumise à l’examen du Parlement? Pourquoi est-ce que c’est inscrit dans le projet de loi? Est-ce qu’on envisage que la gestion du fonds sera éventuellement confiée à un administrateur particulier? Comment pouvons-nous nous assurer, en tant que parlementaires, que la personne nommée sera responsable devant le ministre, et surtout devant les contribuables canadiens?
Mme Farquharson : En fait, il y a d’autres options pour déléguer les responsabilités. Par exemple, la Loi d’interprétation autorise la délégation sans décret. L’idée d’avoir un décret était d’être transparent sur qui est délégué. Vous avez demandé pourquoi la règle n’exige pas également d’obtenir l’approbation du gouverneur en conseil, n’est-ce pas? C’est seulement le ministre.
La sénatrice Verner : En fait, en déléguant les pouvoirs à un autre gestionnaire et en l’indiquant de cette manière, je me demandais pourquoi le Parlement n’était pas consulté quand cela se faisait par décret. Je me demandais pour quelle raison cela a été conçu comme cela.
Mme Farquharson : C’est inutile qu’on l’utilise, et dans le décret, les noms, les rôles et les fonctions seraient énoncés.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Je crois comprendre que le Fonds de mesures économiques pour l’environnement permettra en fait à une organisation de compenser 10 % de l’exigence de conformité en versant de l’argent qui sera utilisé pour réduire les émissions ailleurs. C’est l’idée.
Pour une partie ou une organisation qui contribue au fonds, que signifie la libération de 10 % de l’exigence de conformité? Deuxièmement, comment le plafond de 10 % est-il déterminé? Pourquoi l’avez-vous fixé à ce niveau?
Mme Mellow : Ce que cela signifie pour une partie, c’est qu’elle devra s’acquitter de 90 % de son exigence au moyen d’autres mesures. Je pourrais peut-être revenir en arrière et dire un mot du Règlement sur les combustibles propres. Il s’agit donc d’une exigence réglementaire imposée aux fournisseurs de combustibles fossiles liquides qui produisent ou importent des combustibles fossiles liquides pour utilisation au Canada, donc principalement les raffineries.
Il s’agit d’un mécanisme axé sur le marché qui permet la conformité au moyen d’une série de possibilités d’obtention d’unités. Le choix est très vaste et porte sur l’ensemble du cycle de vie de ces combustibles fossiles liquides; donc, en amont de la raffinerie, l’extraction des sables bitumineux, par exemple; en aval, l’ajout d’éthanol à l’essence, par exemple; plus en aval encore, l’utilisation de véhicules électriques. Toutes ces différentes options et tous ces moyens d’obtenir des unités de conformité sont définis.
La contribution de 10 % — que nous appelons un mécanisme de flexibilité — est essentiellement un outil auquel les parties réglementées ont recours si elles le souhaitent. Le prix, comme je l’ai déjà dit, est précisé dans le règlement : 350 $ la tonne. On prévoit que ce sera le moyen le plus coûteux d’assurer la conformité. Nous nous y sommes pris de cette manière parce que nous voulions encourager le recours aux autres moyens de réduire des émissions définis dans le règlement.
Essentiellement, les organisations savent que, pour se libérer de 10 % de leur exigence de conformité, elles peuvent verser au fonds 350 $ la tonne et obtiendront des unités de conformité en échange. En somme, elles achètent des unités de conformité à 350 $, puis le fonds, comme Laura Farquharson l’a dit, est tenu d’assurer des réductions réelles des émissions à court terme. Aux termes du règlement, le court terme correspond à une période de cinq ans. Ce que cela signifie pour elles, fondamentalement, c’est qu’elles disposent d’un mécanisme de flexibilité connu pour se conformer.
Pourquoi 10 %? Un certain nombre de facteurs ont joué, mais avant tout, l’objectif de la politique est de réduire les émissions dans le cycle de vie de ces combustibles fossiles liquides, et nous voulions obtenir des résultats. Pour la majeure partie de l’effort, il faut recourir aux mesures donnant lieu à la création d’unités, et les 10 % sont un mécanisme de flexibilité qui donne aux parties réglementées un peu de souplesse et un peu de certitude parce qu’il s’agit d’un mécanisme axé sur le marché. Il y a un degré moindre de certitude que dans les règlements de type « commandement et contrôle ». Il s’agissait donc simplement d’un mécanisme visant à offrir un certain degré de certitude.
Le sénateur Arnot : Un plafond de 20 % aurait-il été un meilleur incitatif?
Mme Mellow : Je le répète, il s’agit d’un moyen facultatif de se conformer. Un plafond de 20 % aurait pu entraîner une augmentation des montants versés au fonds.
L’objectif de la politique est de réduire les émissions tout au long du cycle de vie de l’essence et du diésel consommés au Canada, et les moyens d’assurer la conformité dans le cycle de vie sont définis dans le règlement. La contribution financière à un fonds ne veut pas dire que cet argent ne peut pas servir à réduire les émissions dans le cycle de vie de ces produits, mais il a simplement été décidé que nous voulions garantir que la majorité des réductions se fassent par les moyens que nous avons définis pour tout le cycle de vie.
Le sénateur Arnot : Je voudrais mieux comprendre la Loi canadienne sur la protection de l’environnement qui met l’accent sur la conformité. Vous remplacez « unités échangeables » par « unités de conformité », ce qui ouvre la possibilité d’utiliser des unités antérieurement non échangeables. Pourquoi ces modifications? Quels en sont les avantages ou l’impact pour les parties visées par la loi? Je pense en particulier aux personnes et aux parties réglementées par la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et le Règlement sur les combustibles propres. Quels sont les répercussions pratiques ou les avantages pour le gouvernement?
Mme Farquharson : Si l’expression « unités échangeables » a été remplacée par celle d’« unités de conformité », c’est pour englober à la fois les unités échangeables et les unités non échangeables. Par exemple, dans le Règlement sur les combustibles propres, certaines unités seront non cessibles et non bancales, et donc non négociables. Nous voulions nous assurer d’utiliser un terme qui décrit ce que nous savons être l’une des utilisations de ce nouveau pouvoir habilitant.
La sénatrice Sorensen : Le sénateur Arnot vient de poser ma question. Merci.
La sénatrice Anderson : À ce même propos, le Protocole de Kyoto est mentionné également. On utilise le terme « unités échangeables ». Je présume donc que le Protocole de Kyoto s’applique toujours, n’est-ce pas?
Mme Farquharson : Le Protocole de Kyoto est mentionné parce qu’une modification corrélative a été apportée à la Loi sur l’Agence canadienne pour l’incitation à la réduction des émissions, une loi qui n’a en fait jamais été utilisée, mais qui devait l’être pour appliquer le protocole. Il reste que le Protocole de Kyoto a été supplanté par beaucoup d’autres accords internationaux. Néanmoins, cette loi est toujours en vigueur et utilise l’expression « unités échangeables ». Nous avons simplement réglé le problème en les appelant des unités de conformité au cas où cette loi serait utilisée.
La sénatrice Anderson : Le Protocole de Kyoto s’applique‑t‑il de quelque façon que ce soit au Canada en ce qui concerne... Adhérons-nous toujours au Protocole de Kyoto?
Mme Farquharson : Le Canada y adhère toujours, mais ce texte a été remplacé en 2015 par de nouveaux accords internationaux. C’est pourquoi on ne s’y reporte plus guère. Maintenant, nous avons d’autres obligations internationales qui sont plus strictes et nous les respectons grâce à des mesures comme la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité pour tâcher d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050.
Je ne réponds peut-être pas à votre question.
La sénatrice Anderson : J’essaie d’y voir clair. Le Protocole de Kyoto permet les échanges, c’est-à-dire la vente de capacités excédentaires à des pays qui ont dépassé leur cible. Cela s’applique-t-il toujours?
Mme Farquharson : D’accord. Donc, je ne suis pas...
Mme Mellow : Nous pourrions peut-être parler de... Dans le contexte du Règlement sur les combustibles propres, il s’agit d’une exigence pour quiconque produit ou importe de l’essence ou du diésel pour consommation au Canada. Ce carburant est réglementé, mais toute unité prévue au règlement n’a de valeur que pour la conformité à ce règlement. Ces unités ne sont donc pas assimilables à quelque autre unité ou autre type d’exigence.
La sénatrice Anderson : [Difficultés techniques] ne s’appliquent qu’au Canada en particulier et il n’y a pas d’application internationale ou d’avantages internationaux possibles pour d’autres pays si le Canada maintient les émissions à un niveau plus bas, n’est-ce pas? Je dis : si le Canada atteint le seuil, mais il reste en fait en deçà du seuil.
Mme Mellow : Il n’existe aucun autre règlement ou accord, à l’échelle nationale ou internationale, qui accorde à cela une valeur quelconque. Les unités ne peuvent pas servir à d’autres fins.
La sénatrice Anderson : Je comprends. Merci.
[Français]
La sénatrice Verner : Vous avez fait référence au budget de 2021, dont cette mesure découlait.
Pourquoi est-ce qu’on revient à la charge maintenant avec le projet de loi C-47? Pourquoi ne pas avoir simplement présenté un projet de loi qui traiterait de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et qui nous permettrait de faire une étude plus approfondie, puisque la mesure a déjà été adoptée dans le budget de 2021?
Mme Farquharson : Oui, mais les mesures soutiennent une mesure du budget. Il y a beaucoup de choses à prendre en considération pour déterminer comment on présente un projet de loi, et je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Merci. La sénatrice Verner a posé la question plus tôt, mais je veux simplement mieux comprendre la réponse.
L’administration du Fonds de mesures économiques pour l’environnement relèvera entièrement du ministre de l’Environnement. Quels engagements le ministre a-t-il pris pour rendre compte publiquement de l’utilisation de ce fonds, de l’utilisation prévue et réelle de cet argent et des avantages qu’il procure? Je me soucie vraiment de l’impact et de la transparence à garantir si nous voulons que les Canadiens aient confiance.
Mme Mellow : [Difficultés techniques] le Règlement sur les combustibles propres prévoit des critères qui régissent le fonds, l’un étant la réduction réelle des émissions, un autre, la réduction à court terme des émissions, le court terme étant limité à cinq ans, et un autre encore, la transparence et la reddition de comptes. Je n’ai pas cette information sous les yeux, mais nous pouvons vous la communiquer par écrit.
La présidente : Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de... Vous avez parlé de raffineries, et vous dites que les options se situent aussi bien en amont qu’en aval. Vous nous aideriez à comprendre si vous preniez un exemple et nous l’expliquiez.
Mme Mellow : Le Règlement sur les combustibles propres est très particulier parce qu’il vise l’ensemble du cycle de vie. Je le répète, il vise l’essence et le diésel qui sont produits et importés pour consommation au Canada. Je n’arrête pas d’insister là‑dessus, parce que, comme vous le savez, de grandes quantités de pétrole brut et de combustibles fossiles sont exportées du Canada. Le règlement porte sur ce qui est consommé au Canada.
Le lieu d’application du règlement est la raffinerie. Cependant, comme le règlement porte sur le cycle de vie et qu’il s’agit d’un mécanisme axé sur le marché prévoyant des unités, nous avons défini une série de mesures de conformité pour lesquelles nous accordons des unités. Ces mesures de conformité se divisent en trois catégories. Il y a d’abord les projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre tout au long du cycle de vie de ces combustibles fossiles, qui pourraient être, par exemple, l’efficacité énergétique dans une raffinerie; le captage et le stockage du carbone dans une raffinerie; l’électrification; et l’électricité renouvelable, ce qui est différent de l’électrification, qui correspond à notre avis au raccordement au réseau d’électricité.
La deuxième catégorie de mesures permettant d’acquérir des unités est celle des combustibles à faible intensité en carbone. Cela se situe en aval de la raffinerie. Il s’agit d’ajouter à l’essence ou au diésel comme de l’éthanol ou du diésel de sources renouvelables. Il y a en fait une série de combustibles avancés à faible intensité en carbone qui sont de plus en plus courants.
La troisième catégorie de mesures de conformité est celle des unités pour la technologie de pointe des véhicules, c’est-à-dire les véhicules électriques et les véhicules à hydrogène. Il s’agit essentiellement de remplacer l’essence et le diésel par un autre carburant à plus faible intensité en carbone.
Voilà donc tous les moyens d’acquérir des unités.
Étant donné que le Règlement sur les combustibles propres est un mécanisme axé sur le marché, nous avons créé un fonds qui permet aux parties réglementées de verser un montant de 350 $ la tonne, jusqu’à concurrence de 10 % de leur exigence réglementaire annuelle, et elles peuvent obtenir des unités correspondant à 10 % de l’exigence annuelle en contribuant à ce fonds.
Selon les paramètres énoncés dans le règlement, le fonds doit assurer des réductions réelles des émissions à court terme, et il faut rendre des comptes et garantir la transparence. Nous vous ferons parvenir cette information par écrit.
Il nous faut apporter cette modification à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement pour créer le fonds. Lorsque ce travail sera terminé, nous nous pencherons sur les détails de la mise en œuvre du fonds. Une fois qu’Environnement et Changement climatique Canada aura dans ce fonds de l’argent provenant des parties réglementées, il faudra avoir un mode de fonctionnement très précis, qui respecte les critères du règlement : la réduction réelle des émissions à court terme. La modification rendra ce travail possible.
La présidente : Merci beaucoup. C’était très bien.
L’autre partie de l’équation est la suivante : à quoi servira l’argent? Vous avez dit ne pas avoir toute l’information ou la stratégie, mais pouvez-vous nous dire ce que vous pensez des utilisations de cet argent?
Mme Mellow : Encore une fois, les seules précisions que nous avons données, c’est qu’il faut des réductions réelles des émissions à court terme. Les autres critères sont la transparence et la reddition de comptes. Nous n’avons rien précisé de plus. J’imagine que d’autres détails viendront. Mais en réalité, l’accent est mis sur des cibles de réduction réelle des émissions à court terme, puisque l’objectif principal du règlement est de réduire ces émissions pendant le cycle de vie de l’essence et du diésel consommés au Canada.
La sénatrice McCallum : Comment en êtes-vous arrivés à ces trois éléments à court terme? Il semble que le gouvernement ne cesse de proposer des stratégies différentes, mais qu’aucune d’entre elles ne fonctionne. Je songe au captage du carbone, par exemple.
Qu’est-ce qui a motivé ce choix? Et quand vous parlez de court terme, de combien de temps s’agit-il? Que se passe-t-il après le court terme?
Mme Mellow : Le court terme est défini comme une période de cinq ans. Il y a reddition de comptes, je le répète. Il faudra rendre compte de la réalisation de ces réductions qui doivent se concrétiser dans les cinq ans.
Si je comprends bien votre question, vous voulez savoir ce qui arrivera si les réductions ne se font pas. C’est une bonne question à laquelle il faudra réfléchir en mettant le fonds en place : que ferait-on en cas de circonstances imprévues? Je ne m’occupe pas de la conception du financement des programmes. Je ne peux donc pas vous dire exactement comment le programme sera conçu. Je peux dire néanmoins que les projets ne seraient acceptés que si on a confiance qu’il y aura des rapports de faisabilité ou d’autres éléments qui permettent de croire que les résultats seront au rendez-vous.
Pour répondre à votre question sur ce qui se produirait si les résultats ne sont pas là, c’est un problème qu’il faudra résoudre lorsque le fonds sera pleinement déployé. Nous étions dans l’attente. Une fois la modification obtenue, les autres services du ministère qui s’occupent de l’élaboration des programmes utiliseront leurs connaissances du domaine et préciseront les détails.
La sénatrice McCallum : On parle du court terme, des émissions de GES tout au long du cycle de vie, mais il n’a pas été question de la combustion.
Mme Mellow : Parmi les trois catégories de mesures de conformité, la troisième est celle de la combustion. Il s’agit de remplacer le moteur à essence par un moteur électrique ou à hydrogène. Il y a même des moteurs au gaz naturel. Il s’agit à la fin du cycle de faire diminuer la combustion d’essence et de diésel. Encore une fois, puisque le règlement porte sur l’essence et le diésel, la grande majorité de ces produits est utilisée dans les transports. C’est la dernière partie du cycle de vie, et cette troisième catégorie d’unités de conformité vise à agir sur ce problème.
La sénatrice McCallum : Pour ce qui est de l’électrification, elle en est encore à ses premiers balbutiements. Nous ne nous sommes pas vraiment penchés sur la question. À propos des batteries qu’on entend utiliser, force est de constater que la question de l’exploitation minière n’a pas été abordée. Je crois savoir qu’elles ont un cycle de vie de 10 à 12 ans. Que va-t-on en faire? Ce sont les grosses batteries des voitures. Il semble qu’il n’y ait rien de concret en place.
L’électrification se fait déjà dans d’autres pays. Lorsque nous sommes allés en France il y a environ trois semaines, nous avons constaté que tous les autobus sont des véhicules électriques. Toutes les voitures ont leur prise électrique. Je crois que le début de l’électrification remonte à 2019. Je viens du Manitoba, et il ne semble pas que nous y soyons en avance. Quel est votre avis?
Mme Mellow : Si la discussion porte sur la politique d’électrification, je ne crois pas être la mieux placée pour en parler.
Mme Farquharson : J’allais dire que c’est justement cela. Le changement concerne le fonds et son lien avec le Règlement sur les combustibles propres. Les intentions du gouvernement sont énoncées dans le Plan de réduction des émissions pour 2030. Donc, si vous voulez connaître les plans concrets et les moyens d’atteindre la carboneutralité, je vous dirai que tous les différents éléments se trouvent dans le plan de réduction. Nous ne sommes pas les mieux placées pour parler de ces initiatives.
La sénatrice McCallum : Shell Oil a rencontré une bande autochtone. Elle avait 6 stations-service, et il y en a maintenant 12. J’ai demandé si ces gens leur avaient dit qu’ils étaient censés... Qu’a-t-on répondu? Non. On va construire ces stations‑service. On dirait que la question n’est pas prise au sérieux. Je ne pense pas que j’achèterais un véhicule électrique maintenant. C’est mon impression.
Mme Farquharson : Puis-je apporter une rectification? Il a été question du Protocole de Kyoto. Je me suis trompée : le Canada s’est retiré du Protocole de Kyoto en 2011. Je n’y avais pas pensé depuis bien longtemps parce que l’Accord de Paris a remplacé le protocole. Je voulais simplement rectifier les faits.
La présidente : Merci. Une autre façon de poser une question un peu semblable. Vous faites certainement des prévisions ou une modélisation des réductions des émissions de gaz à effet de serre que le programme permettra de réaliser.
Mme Mellow : Je pourrais vous en parler. Le Règlement sur les combustibles propres devrait réduire les émissions d’un maximum de 26,6 mégatonnes d’ici 2030. Il s’agit en fait d’un règlement très important. C’est certainement l’un des aspects les plus importants parce qu’il réglemente toute l’essence et le diésel consommés au Canada. C’est un règlement de grande portée.
La présidente : Merci.
La sénatrice Anderson : Je voudrais revenir à vos stratégies de conformité. Tiennent-elles compte des différences entre les provinces et les territoires? Je viens des Territoires du Nord‑Ouest, et je sais que le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut dépendent beaucoup des combustibles lourds. Qui plus est, à cause des températures, de l’état de nos réseaux routiers et de nos infrastructures vieillissantes, je ne peux même pas imaginer un véhicule électrique — désolée — à moins 40, dans la tempête, sur une route de gravier sans recharge pendant deux heures et demie. Ce n’est tout simplement pas possible. Je ne vois pas comment on pourrait brancher des véhicules électriques sur cette route.
D’une certaine façon, vu la situation actuelle des territoires, l’égalité et l’équité au Canada ne sont pas possibles. Ce qui me préoccupe, c’est que les territoires seront pénalisés à cause des conditions qui nous obligent à utiliser le pétrole et le gaz en raison de l’infrastructure, de l’environnement dans lequel nous vivons et de notre mode de vie. Dans le Nord, nous sommes aussi des chasseurs de subsistance, c’est-à-dire qu’il faut utiliser des motoneiges et des véhicules tout-terrain, des VTT.
Mme Mellow : Le règlement ne s’applique pas à l’essence et au diésel utilisés dans les collectivités éloignées. De plus, il s’agit d’une réglementation fondée sur le marché, et l’exigence est imposée aux fournisseurs principaux de combustibles fossiles. La grande majorité du carburant est assujettie au règlement dans les raffineries.
Comme il s’agit d’un mécanisme fondé sur des unités, nous avons parlé de la série de mesures de conformité, dont les véhicules électriques sont, à n’en pas douter, un élément clé. Aucune de ces mesures n’est obligatoire. Ce sont toutes des mesures facultatives. La partie réglementée peut choisir celle qui lui convient le mieux. Mais je tiens à souligner que le carburant destiné aux collectivités éloignées échappe au règlement.
La sénatrice Anderson : Vous parlez de choix, mais lorsque vous êtes dans cet environnement, vous n’avez aucun choix.
Mme Mellow : Les parties réglementées choisissent la façon dont elles peuvent se conformer...
Mme Farquharson : Ce sont les raffineries qui choisissent comment elles vont se conformer, ce qui réduit...
La sénatrice Anderson : Mais on demande aussi aux provinces et aux territoires de réduire leurs émissions, n’est-ce pas?
Mme Mellow : Pas dans ce règlement.
La sénatrice Anderson : D’accord.
Mme Mellow : Je crois maintenant comprendre votre question. Elle porte de façon plus large sur la politique relative aux changements climatiques, sur l’approche du gouvernement du Canada à l’égard de cette politique et des exigences pour les collectivités du Nord et éloignées. Il n’y a rien dans le règlement qui impose des exigences à ces collectivités, mais ce pourrait être différent pour d’autres politiques du gouvernement du Canada. Je ne suis pas bien placée pour en parler.
La sénatrice Anderson : J’ai compris ce que vous disiez, mais je reconnais aussi que, peu importe le ministère ou la section dont vous faites partie, le Canada est un pays, et il englobe l’Arctique. À dire vrai, cette région est souvent laissée de côté. Quand on demande aux organisations nationales qui elles représentent, quand on leur demande si elles ont des représentants du Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest ou du Yukon, de 90 à 95 % du temps, on répond que non. C’est assez courant, alors je veux simplement m’assurer que, dans votre travail, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le Yukon sont pris en compte dans le tableau d’ensemble.
Mme Mellow : Je ferai remarquer que les territoires ont été largement consultés au cours de l’élaboration du règlement. Ils ont la possibilité de participer volontairement et d’obtenir des unités. Telles ont été les interactions que nous avons eues avec eux jusqu’à maintenant. Mais ils ont été invités à participer de façon constante depuis le début. Nous les rencontrons encore pour expliquer divers aspects de la mise en œuvre. Mais, oui, ils ont été consultés.
La sénatrice McCallum : Est-ce que tous les projets seront contraints de se plier au règlement? Je me demande simplement ce qui arriverait si un projet, en soi, réduisait les émissions.
Mme Mellow : Les mesures à prendre pour assurer la conformité sont exposées dans le règlement. La partie réglementée, ce sont les raffineries, pour dire les choses simplement. Il y en a une poignée au Canada, et elles ne sont pas tenues de faire quoi que ce soit. Elles peuvent choisir parmi une série de mesures de conformité. Elles peuvent aussi se rendre sur le marché des unités et acheter des unités de conformité qui sont associées à des mesures prises par d’autres parties, qu’elles soient réglementées ou volontaires. Comme pour les autres mécanismes axés sur le marché, elles ont le choix des moyens. Elles peuvent choisir les mesures de conformité.
Les parties doivent se conformer, mais nous ne leur dictons pas les modalités. Nous définissons une série de mesures de conformité, et certaines des options sont celles que j’ai énumérées plus tôt : l’efficacité énergétique, l’électrification, l’électricité renouvelable, le captage et le stockage du carbone, divers carburants à faible intensité en carbone, comme l’hydrogène, l’éthanol, le biodiésel, le diésel de source renouvelable, les véhicules électriques, les véhicules à hydrogène, les véhicules au gaz naturel. Il y a une série d’options que nous avons définies, et les parties peuvent faire leur choix.
Le sénateur Arnot : Vous pensez, je présume, que le Fonds de mesures économiques pour l’environnement accumulera très rapidement des montants très importants, est-ce vrai? Avez-vous fait des prévisions sur son mode de fonctionnement?
Mme Mellow : Le problème du fonds, c’est la contribution de 10 %. Les parties réglementées, encore une fois, parce qu’il s’agit d’un mécanisme axé sur le marché et qu’elles peuvent choisir leurs mesures de conformité, peuvent faire une contribution d’un maximum de 10 % de leur exigence annuelle, mais elles ne sont pas tenues de verser quoi que ce soit. Vous avez raison de dire qu’on peut envisager un scénario maximal où tout le monde choisirait de se prévaloir de ces 10 % chaque année.
Le problème des prévisions, c’est qu’elles sont fondées sur des projections de la consommation de carburant dans l’économie au fil du temps, mais nous n’avons pas ces données-là. Nous n’avons pas fait ce calcul. Vous avez raison de dire qu’il pourrait y avoir des contributions conséquentes, et c’est pourquoi il est important que le fonds soit conçu en fonction des critères énoncés dans le règlement, et qu’il soit responsable et transparent. Vous avez raison, il pourrait accumuler des sommes considérables, et il faut les gérer correctement.
Le sénateur Arnot : Nous pouvons deviner qu’il y aura peut-être dans le fonds une somme importante. L’un des indicateurs serait la rétroaction que vous recevez actuellement des parties réglementées au sujet de ce fonds. Vont-elles contribuer à hauteur de 10 %? Est-ce un incitatif suffisant? Si vous connaissez la réponse à ces questions, vous savez quelle sera la taille du fonds.
Mme Mellow : Absolument. L’exigence réglementaire ne s’applique pas encore. Elle s’appliquera à compter du 1er juillet 2023. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas reçu beaucoup de réactions au sujet des mesures de conformité que les parties réglementées ont choisies. Je dirais néanmoins qu’elles choisiront d’investir dans leur entreprise, du moins dans une certaine mesure, plutôt que de donner de l’argent à un fonds qui sera ensuite investi comme les gestionnaires du fonds le jugeront bon. Mais je n’ai pas beaucoup de réactions au sujet de leurs stratégies de conformité, et je pense qu’elles sont encore en train de les mettre en place.
La présidente : Vous avez répété à plusieurs reprises que le règlement vise les combustibles fossiles produits et utilisés au Canada et qu’il concerne les raffineries. Mais nous savons qu’une grande partie du pétrole que nous produisons — notamment celui des sables bitumineux — est acheminé vers des raffineries aux États-Unis et revient chez nous pour être consommé. Ces combustibles ne sont donc pas visés?
Mme Mellow : Ils seront visés lorsqu’ils reviennent au Canada. S’ils sont importés pour notre usage, ils font partie de tout ce qui est consommé chez nous. Si nous exportons le brut et le réimportons comme produit raffiné, le règlement s’appliquera.
La sénatrice McCallum : Comment les réductions d’émissions seraient-elles contrôlées et rendues publiques?
Mme Mellow : L’exigence réglementaire est exprimée en grammes d’équivalent de dioxyde de carbone par mégajoule. Étant donné qu’il s’agit d’un règlement sur le cycle de vie, on a pris toutes les émissions tout au long du cycle de vie — extraction, raffinement, transport et combustion —, on les a additionnées et exprimées en une unité d’énergie, et c’est l’exigence qui s’applique en fait au volume de combustible consommé au Canada. Pour passer de cette exigence réglementaire à une mégatonne, il faut faire des estimations de la consommation de carburant au Canada au fil du temps. Il est juste de dire qu’il s’agit d’une prévision et d’une estimation, et que ce dont nous assurerons la conformité, c’est en fait l’intensité en carbone du combustible.
Il y a aussi les rapports plus généraux que le gouvernement du Canada produit sur les émissions. Toutes les réductions que ce règlement permet de réaliser seraient prises en considération lorsque le gouvernement du Canada rend compte de ses émissions et de ses progrès vers l’atteinte des cibles.
La sénatrice McCallum : Un témoin nous a dit que les rapports avaient un décalage de deux ans, ce qui, en fait, signifie qu’ils ne peuvent pas vraiment signaler quoi que ce soit. Comment éviter cet écueil et assurer la production de rapports?
Mme Mellow : Le règlement prévoit un dispositif annuel de conformité. C’est en vertu de la LCPE. Cela relève du pénal. Il y a une obligation légale de se conformer au règlement. Ce mécanisme nous permettrait d’assurer la conformité. Cela permettrait d’atteindre les objectifs d’intensité en carbone.
La sénatrice McCallum : Tenez-vous compte des subventions? Lorsque des entreprises obtiennent des subventions pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, ou le CUSC, que faites-vous?
Mme Mellow : Pour ce qui est de l’ensemble des mesures de conformité, quand nous nous sommes interrogés sur celles que nous voulions retenir pour créer des unités dans notre régime, nous nous sommes demandé si elles apportaient des réductions additionnelles, supplémentaires, s’il ne s’agissait pas de choses qui se seraient faites de toute manière. Cette évaluation tient compte d’un certain nombre de facteurs.
Nous surveillons ces mesures de conformité. En fait, elles se situent en dehors de la réglementation, et le contrôle nous permet de les actualiser. Par exemple, si nous constatons qu’une technologie entre dans le cours normal des choses et n’apporte rien de plus, nous pouvons retirer cette mesure et décider qu’elle ne donne plus droit à des unités. Voilà le mécanisme. Avec le temps, l’idée est d’ajouter de nouvelles mesures au fur et à mesure que des technologies apparaissent, pour essayer de les encourager, puis de supprimer les pratiques qui sont devenues monnaie courante pour diverses raisons, notamment parce qu’elles sont devenues économiques puisqu’elles ont été suffisamment financées, et ainsi de suite.
La sénatrice McCallum : Merci.
La présidente : Nous sommes arrivés au bout des questions. Merci de votre présence et de vos réponses.
(La séance est levée.)