LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 22 mai 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 14 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.
La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs.
[Traduction]
Je m’appelle Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique. Je suis présidente de ce comité.
J’inviterais mes collègues à se présenter, en commençant par la vice-présidente à ma gauche.
La sénatrice Batters : Sénatrice Denise Batters, de la Saskatchewan.
[Français]
Le sénateur Carignan : Bonjour. Claude Carignan, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Je suis le sénateur Don Plett, du Manitoba.
[Français]
La sénatrice Oudar : Bonjour. Manuelle Oudar, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Klyne : Bonjour. Marty Klyne, sénateur de la Saskatchewan, du territoire visé par le Traité no 4.
Le sénateur Prosper : P. J. Prosper, sénateur de Nouvelle-Écosse, du territoire mi’kmaq.
La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta, du territoire visé par le Traité no 6.
Le sénateur Cotter : Je m’appelle Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan.
La sénatrice Boyer : Yvonne Boyer, sénatrice de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
La présidente : Avant de commencer, je rappelle à tous les participants en personne qu’ils doivent consulter la carte devant eux pour prévenir les incidents de retour de son. Veuillez prendre note des mesures préventives mises en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris des interprètes. Si possible, veillez à vous asseoir de manière à augmenter la distance entre les microphones.
N’utilisez que les oreillettes noires approuvées. Nous devons cesser d’utiliser les anciennes oreillettes grises. Tenez votre oreillette loin de tous les microphones, et ce, en tout temps. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la face vers le bas sur l’autocollant placé sur la table à cet effet. Merci à tous de votre collaboration.
Sénateurs, comme vous le savez, nous sommes réunis pour poursuivre l’étude article par article du projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.
Pour nous aider dans cette étude, de hauts fonctionnaires de Justice Canada et d’Environnement et Changement climatique Canada se joignent à nous pour répondre aux questions techniques que les sénateurs pourraient poser.
Nous sommes ravis d’accueillir Me Joanna Wells, avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal; et Me Aleksander Godlewski, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice; Stephanie Lane, directrice exécutive, Gouvernance législative; et Basile van Havre, directeur général, Service canadien de la faune d’Environnement et Changement climatique Canada.
Vous êtes déjà venus ici un certain nombre de fois, et vous pourriez avoir à revenir encore; je n’en suis pas sûre. Je vous suis reconnaissante de votre aide.
Sénateurs, ces hauts fonctionnaires sont ici pour répondre à vos questions sur le projet de loi.
Sénateurs, comme convenu la dernière fois, le greffier a transmis tous les amendements et toutes les observations à l’ensemble du comité. Je rappelle aux sénateurs qu’il a été convenu de reporter l’adoption du titre et du préambule. Ainsi, nous reprenons notre débat sur le premier amendement à l’article 1, proposé par le sénateur Klyne, intitulé MK-S15-1-1-20.
Avant de commencer — désolée, sénateur Klyne —, c’est avec plaisir que nous vous accueillons, sénateur Cotter. Merci d’être parmi nous.
Le sénateur Klyne : Collègues, j’ai déjà présenté la première motion — ou le premier amendement —, et elle figure au compte rendu. Je vais situer le contexte et donner des précisions en complément du libellé très semblable à celui qui a été communiqué au public depuis plus de deux ans dans la loi de Jane Goodall.
Je comprends que le libellé était un peu long et répétitif. J’y ai ajouté les mots « ou un animal désigné » entre guillemets là où figurent actuellement les mots « éléphant » et « grand singe » dans les dispositions relatives au Code criminel présentées dans le projet de loi. Mon personnel a examiné la possibilité de rédiger une version plus courte comprenant des instructions générales à cet effet; malheureusement, cela pourrait causer des problèmes techniques ou des erreurs. Il en est ainsi.
Cet amendement répond à la demande conjointe de l’Institut Jane Goodall du Canada, de neuf autres ONG de premier plan qui s’occupent du bien-être des animaux et de zoos.
La première partie de la « disposition de Noé » établirait dans le Code criminel un pouvoir exécutif pour que le Cabinet fédéral protège, par décret, d’autres espèces sauvages en captivité afin de prévenir la cruauté envers les animaux et de protéger la sécurité publique. Si une espèce sauvage était protégée de cette manière, comme les lions ou les tigres, le même cadre juridique prévu pour les éléphants et les grands singes s’appliquerait. Grâce à ces mesures, tous les individus de l’espèce concernée seraient protégés par des droits acquis.
Dans le cas des nouveaux animaux en captivité, y compris pour ce qui est de la reproduction, il faudrait obtenir un permis pour leur bien-être, la conservation ou la recherche scientifique. On ne peut pas retirer les animaux de quiconque, sauf en cas de reproduction illégale ou de spectacle à des fins de divertissement, qui seraient aussi interdits.
Comme Mme Lazare nous l’a dit, le pouvoir exécutif visant à prolonger l’application valide de la loi fédérale s’apparente à ce qu’on trouve dans d’autres lois pénales, comme la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999).
La version présentée devant vous est le fruit d’années de consultations et d’élaboration réalisées par mon équipe et moi. Aux éléphants et aux grands singes qu’on trouve dans le code, cet amendement ajoute les animaux désignés. Ces espèces sont définies comme non domestiques; ce sont des sous-espèces ou des animaux hybrides sauvages. À la page 5 — à la page 9 du document d’information —, on présente les critères de sélection des espèces.
Pour prévenir la cruauté envers les animaux et protéger la sécurité publique, le gouverneur en conseil doit évaluer si l’espèce peut survivre en captivité selon des facteurs comme le comportement naturel, les caractéristiques et les besoins pertinents, les données qui font état de torts causés en captivité, et le risque pour la sécurité publique. De plus, la « disposition de Noé » comporte une exclusion qui empêche le gouverneur en conseil de désigner une espèce servant à la production alimentaire au Canada. Cela vise à assurer que cette disposition ne soit jamais utilisée comme faille pour désigner une espèce élevée à des fins agricoles au Canada.
Par ailleurs, concernant l’évaluation visant à désigner ou non une espèce sauvage canadienne, comme les ours ou les cougars, cette partie de la « disposition de Noé » n’entre pas en conflit avec les lois canadiennes qui prévoient la captivité légale pour protéger les biens ou la sécurité publique. Par exemple, l’Ontario dispose d’une telle loi. On exclut aussi clairement le piégeage légal.
Dans l’exercice de ces désignations, la « disposition de Noé » exige que le Cabinet fédéral se fie aux meilleures données disponibles en science, en médecine vétérinaire, en soins animaliers ou en matière de bien-être animalier. Cela exige la participation d’experts et d’organisations, comme celles qui proposent cette mesure. En confiant ce pouvoir au gouverneur en conseil, il sera assorti du plus haut degré d’imputabilité démocratique.
Merci.
Le sénateur Plett : Je comprends que le sénateur Klyne aimerait beaucoup que le projet de loi S-241 devienne loi, mais malheureusement, nous n’en sommes plus saisis — c’est plutôt le projet de loi S-15 que nous étudions. Je trouve que c’est un peu problématique d’essayer de ramener le projet de loi S-241 par la porte arrière.
J’invoque le Règlement concernant cet amendement, madame la présidente.
Même si le sénateur Klyne aimerait réécrire le projet de loi et que Jane Goodall se prête à l’exercice avec lui, c’est clair que cet amendement élargit beaucoup la portée du projet de loi et qu’il est irrecevable. Comme le signale la publication de la Chambre des communes Processus d’amendement des projets de loi aux étapes du comité et du rapport :
La deuxième lecture et le renvoi à un comité sont proposés dans une motion sujette à un débat portant sur les principes généraux du projet de loi. Une fois que la motion a été adoptée, les principes et la portée du projet de loi sont établis.
Qui plus est, on trouve ce qui suit à la page 770 de la troisième édition de La procédure et les usages de Chambre des communes :
Un amendement à un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture est irrecevable s’il en dépasse la portée et le principe.
Pour cette citation, honorables sénateurs, je vous renvoie au chapitre 16 de Bosc et Gagnon sur le principe et la portée.
Dans l’ouvrage d’Erskine May, Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, on mentionne ce qui suit au paragraphe 28.81 :
Tout amendement (ou tout nouvel article ou toute nouvelle annexe) proposé doit être compris dans la portée du projet de loi. La portée d’un projet de loi représente les limites raisonnables de ses objectifs réunis, comme le définissent ses articles et ses annexes. Dans des cas particuliers, de difficiles questions de jugement peuvent se poser. Surtout si un projet de loi comporte plusieurs objectifs, sa portée peut être plus large que son titre long, bien que le titre long puisse aider à déterminer sa portée. Par opposition, un projet de loi qui n’a qu’un seul objectif peut avoir une portée restreinte, même si son titre long est apparemment vaste (par exemple, « projet de loi modifiant la Loi X »).
Si un projet de loi a un ou deux objectifs, seuls les amendements liés à ces objectifs, ou touchant à des questions qui leur sont étroitement liées, s’inscrivent dans la portée du projet de loi.
Le 9 décembre 2009, le Président Kinsella a dit ce qui suit :
... tout amendement proposé en comité doit respecter le principe et la portée du projet de loi et être pertinent. En général, on considère que le principe d’un projet de loi est l’idée qui le sous-tend. La portée du projet de loi correspond aux paramètres fixés par le projet de loi pour atteindre les buts ou objectifs visés, ou aux mécanismes généraux envisagés pour parvenir aux fins voulues. Enfin, la pertinence concerne la mesure dans laquelle un amendement se rapporte à la portée ou au principe du projet de loi à l’étude. Un amendement doit respecter le principe du projet de loi visé, cadrer avec sa portée et être pertinent.
Bien que cet amendement relève du principe de ce projet de loi, je dirais qu’il élargit considérablement sa portée pour un certain nombre de raisons.
Tout d’abord, le gouvernement a dit explicitement que la portée de ce projet de loi se limitait aux grands singes et aux éléphants — il l’a dit clairement. Le sommaire du projet de loi le souligne :
Le texte modifie le Code criminel afin de créer des infractions concernant la captivité des éléphants et des grands singes, sous réserve de certaines exceptions.
Dans son discours en deuxième lecture du projet de loi, le sénateur Gold l’a confirmé en disant :
Honorables collègues, le projet de loi S-15 propose une approche plus ciblée que le projet de loi S-241, qui a été présenté au Sénat en mars 2022, en se concentrant uniquement sur l’élimination progressive de la mise en captivité des éléphants et des grands singes au Canada.
Nulle part dans le projet de loi S-15 n’envisage-t-on d’élargir les interdictions à d’autres espèces — nulle part.
Ensuite, non seulement l’amendement du sénateur Klyne élargit la portée du projet de loi pour inclure d’autres espèces, mais il inclut aussi des espèces indigènes au Canada. Le sénateur Klyne l’a mentionné clairement quand il a dit que son amendement pourrait permettre de désigner des espèces canadiennes sauvages, comme les ours et les cougars. Le gouvernement a dit explicitement que ce projet de loi renvoie à deux espèces seulement, et aucune de ces deux espèces n’est indigène au Canada. L’élargissement du projet de loi à d’autres espèces, y compris des espèces indigènes au Canada, constitue un élargissement important de la portée du projet de loi, comme on le verra de façon encore plus évidente dans mes prochains arguments.
Une des raisons pourquoi ce projet de loi a une portée limitée, c’est les préoccupations en matière de champs de compétence, comme l’ont bien expliqué le sénateur Gold et le ministre. Toujours dans son discours en deuxième lecture, le sénateur Gold a dit ce qui suit :
Les provinces et les territoires sont les premiers responsables d’assurer le bien-être des animaux, et le gouvernement fédéral reconnaît le rôle important que jouent de nombreuses provinces dans la réglementation visant les animaux en captivité. Cependant, il a été bien établi qu’il existe des différences d’une province à l’autre, et que ces écarts peuvent entraîner des lacunes dans la protection des animaux sauvages en captivité au Canada. C’est pourquoi le gouvernement du Canada s’est engagé à collaborer avec les provinces, les territoires et les intervenants et à tenir une discussion pour établir s’il y a lieu d’adopter une stratégie nationale pour assurer le bien-être des animaux et protéger le public des animaux sauvages en captivité en tenant compte des responsabilités fédérales et provinciales actuelles et des pratiques exemplaires.
En consultant des partenaires et des intervenants pour faire avancer les discussions sur des questions comme les petits zoos privés ou les animaux sauvages dangereux qui sont gardés en captivité par des particuliers, on pourra améliorer le sort des animaux sauvages en captivité. La portée et l’objet de la mobilisation nationale seront déterminés à la suite des consultations initiales avec les provinces et les territoires.
C’était le discours du sénateur Gold.
Puis, en comité, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a fait écho aux propos du sénateur Gold en disant ce qui suit :
Comme vous le savez peut-être, la compétence sur les animaux en captivité est partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Les provinces et les territoires canadiens sont les principaux responsables de la réglementation des zoos et de la protection du bien-être des animaux. Toutes les provinces et tous les territoires ont des lois sur la protection des animaux, et la plupart réglementent la captivité d’animaux sauvages par des particuliers et des zoos, y compris en établissant des normes pour leurs soins. Les lois criminelles fédérales qui protègent les animaux mettent principalement l’accent sur la prévention de la cruauté envers les animaux. C’est exactement ce que vise le projet de loi S-15.
Le ministre a été très clair : le projet de loi ne vise pas à traiter le bien-être des animaux, car il s’agit d’une compétence provinciale. Il a aussi dit sans détour qu’avant d’aller au-delà de ces deux espèces, il faudrait consulter les provinces.
Chers collègues, ce comité ne peut pas arbitrairement élargir la portée du projet de loi, que le gouvernement a défini clairement.
Afin de respecter ces balises constitutionnelles, on a intentionnellement rédigé le projet de loi S-15 de manière à régler l’enjeu de la cruauté envers les animaux, qui fait l’objet d’une définition très étroite en droit pénal dans le cadre de l’objectif pénal de protéger la moralité. Comme on l’a déjà dit, ce projet de loi ne concerne pas le bien-être des animaux ni la sécurité publique. En plus des arguments et des déclarations du gouvernement, il montre clairement que sa portée relève du droit pénal visant à protéger la moralité et à prévenir la cruauté.
Lorsqu’il a comparu en comité, le ministre Guilbeault a dit ce qui suit :
L’approche adoptée en vertu du projet de loi S-15 pour protéger les éléphants et les grands singes suit une approche semblable au régime existant, qui interdit la captivité des baleines et des dauphins au Canada. En 2019, le Parlement a interdit la captivité des cétacés au motif qu’elle est cruelle en raison de leurs capacités cognitives élevées, de leur structure sociale et des effets physiques et mentaux néfastes de la captivité sur ces créatures.
Je me suis informé auprès du personnel du ministre quant à l’objectif en droit pénal du projet de loi S-15 dans un courriel daté du 20 février. Ce courriel rédigé par mon personnel posait la question suivante :
Le sénateur Klyne a laissé entendre que les projets de loi S-241 et S-15 avaient en commun la sécurité et la moralité. Dans le document d’information de notre porte-parole, il semble qu’on ne mette l’accent que sur la moralité. Le gouvernement est-il aussi d’avis que l’objet valide en droit pénal du projet de loi S-15 concerne à la fois la sécurité et la moralité, ou seulement la moralité?
Le personnel du ministre a répondu ce qui suit :
Les modifications apportées au Code criminel par le projet de loi S-15 visent à éliminer progressivement la mise en captivité des éléphants et des grands singes au Canada, au motif qu’il est cruel et immoral de garder ces animaux en captivité, compte tenu de leurs caractéristiques intrinsèques et des expériences négatives qu’ils vivent en captivité. L’objectif du droit pénal de protéger la moralité est reflété dans le préambule et le résumé législatif du projet de loi. Il est indiqué dans le préambule que certains animaux, notamment les éléphants et les grands singes, ne doivent pas vivre en captivité en raison de la cruauté que cela représente. Si la sécurité ou la sécurité publique sont des objectifs valables en droit pénal, ce projet de loi focalise sur la moralité et la cruauté que représente la mise en captivité des éléphants et des grands singes. On ne mentionne pas la sécurité ni la sécurité publique dans le préambule ni dans aucune des dispositions du projet de loi.
C’est encore le cabinet du ministre qui écrit ce qui suit :
Le régime applicable aux éléphants et aux grands singes prévu par le projet de loi S-15 s’inspire des projets de loi adoptés par le Parlement en 2019 pour protéger les cétacés en captivité (les projets de loi S-203 et C-68), qui visent à éliminer progressivement la mise en captivité de cétacés en raison de son caractère immoral, et non pour des raisons de sécurité ou de sécurité publique.
Madame la présidente, le cabinet du ministre a été clair à ce sujet. L’amendement du sénateur Klyne va bien au-delà des intentions du gouvernement avec ce projet de loi. Le passage suivant de l’amendement l’illustre clairement lorsqu’il exige du gouvernement qu’il fasse ce qui suit, et je cite l’amendement :
2) Avant de faire cette recommandation, le ministre doit examiner les facteurs suivants :
b) la question de savoir si les conditions de la captivité sont suffisamment adaptées aux besoins biologiques des individus de l’espèce pour leur permettre de vivre convenablement, notamment en ce qui concerne :
i) la capacité des individus de l’espèce d’avoir un comportement naturel en captivité,
ii) l’intelligence, les émotions, les besoins sociaux, la taille corporelle et les habitudes de vie des individus de l’espèce, ainsi que leur utilisation potentielle à des fins de divertissement,
iii) les données qui font état de dommages aux individus de l’espèce qui vivent en captivité, comme l’apparition de stéréotypies, des problèmes de santé liés à la captivité, une réduction de la longévité ou un accroissement des taux de mortalité infantile;
c) les risques que posent les individus de l’espèce pour la sécurité publique.
Madame la présidente, ces considérations sont toutes très importantes, mais elles sont toutes liées au bien-être des animaux ou à la sécurité publique, alors que ni l’un ni l’autre ne sont visés par ce projet de loi et que tous deux sont en hors du champ d’application de ce projet de loi.
Si le sénateur Klyne voulait d’un tel projet de loi, il devait le présenter. Il nous a présenté le projet de loi S-15 et vient maintenant modifier la portée du projet de loi.
Madame la présidente, je vous demande de déclarer cet amendement irrecevable, car il dépasse clairement la portée du projet de loi pour toutes les raisons que je viens de mentionner. Je vous remercie, Madame la présidente.
La présidente : Merci, sénateur Plett. Sénateur Gold, avez-vous une réponse à nous donner?
Le sénateur Gold : Je crois que le parrain du projet de loi voudrait répondre à cela. J’attendrai mon tour.
La présidente : D’accord, mais c’est la sénatrice Batters qui est la suivante.
La sénatrice Batters : Dans sa déclaration préliminaire, aujourd’hui, le sénateur Klyne a déclaré quelque chose comme — et je n’ai évidemment pas noté exactement ce qu’il a dit : « Cet amendement est le fruit de deux années de travail pour mon équipe et moi. » Je suppose que le sénateur Klyne entendait par là le travail qu’il a effectué avec son équipe sur son projet de loi d’initiative parlementaire, l’ancien projet de loi S-241, qu’il a présenté il y a deux ans au Sénat. Mais le sénateur Klyne a retiré ce projet de loi au Sénat il y a plusieurs mois. Ce projet de loi était beaucoup plus vaste et n’a jamais été examiné par ce comité.
C’est pourquoi nous n’avons jamais entendu de témoignages à ce sujet. Si ce projet de loi, aujourd’hui enterré, a été dans les rouages du Sénat pendant un certain temps, notre comité ne l’a jamais examiné. Personnellement, je ne le connais pas très bien puisqu’il n’était rendu qu’à la deuxième lecture et qu’il n’a pas été étudié par ce comité, mais il était beaucoup plus vaste.
Je remarque également que cette situation est très inhabituelle parce que le sénateur Klyne est l’auteur d’un projet de loi du gouvernement et qu’il propose un amendement massue qui modifie la portée du projet de loi. C’est quelque chose que le ministre a mentionné lorsqu’il a comparu ici. C’est la nature même du projet de loi. Cet amendement ne s’en rapproche même pas. Il est beaucoup plus vaste.
Nous ne disposons d’aucune preuve nous permettant d’en évaluer correctement la portée. C’est la raison pour laquelle il est si important de bien examiner un rappel au Règlement comme celui-ci, parce que nous n’avons vraiment aucun moyen, en tant que comité, d’évaluer correctement un amendement aussi vaste que celui-ci.
Le sénateur Klyne : Nous étudions le projet de loi S-15 ici. L’amendement dont nous sommes saisis s’inscrit dans la portée du projet de loi S-15 tel qu’il a été adopté à la deuxième lecture.
Selon une décision rendue par le Président du Sénat le 9 décembre 2009, la portée d’un projet de loi :
... correspond aux paramètres fixés par le projet de loi pour atteindre les buts ou objectifs visés, ou aux mécanismes généraux envisagés pour parvenir aux fins voulues.
La décision rendue par le Président du Sénat le 13 avril 2017 aborde à la fois le principe et la portée d’un projet de loi. Ainsi, après avoir cité le passage précédent, le Président Furey a déclaré ce qui suit :
Les amendements doivent donc avoir un lien quelconque avec le projet de loi et ne peuvent introduire un élément ou facteur qui lui est étranger ou qui va à l’encontre de ses buts originaux. Ils doivent aussi respecter les objectifs du projet de loi. Pour juger de ces questions, il peut être nécessaire de définir l’orientation et les objectifs fondamentaux du projet de loi. On peut alors tenir compte de facteurs comme le titre intégral du projet de loi, sa teneur et le débat à l’étape de la deuxième lecture. Le débat à l’étape de la deuxième lecture est particulièrement pertinent, étant donné qu’en vertu de l’article 10-4 du Règlement, « À l’étape de la deuxième lecture, le débat porte habituellement sur le principe du projet de loi. »
Dans mon discours à la deuxième lecture du projet de loi S-15, en tant que parrain du projet de loi, j’ai fait mention de l’examen potentiel d’amendements par un comité. J’ai dit ce qui suit :
On pourrait aussi envisager d’amender le projet de loi S-15 pour interdire les promenades à dos d’éléphant; autoriser les procédures judiciaires pour la réinstallation des animaux sauvages en captivité ayant fait partie d’élevages ou de spectacles illégaux et imposer des coûts pour ces infractions au moment de la détermination de la peine... [puis] prévoir un mécanisme pour étendre les protections juridiques à d’autres espèces sauvages en captivité, par décision du Cabinet.
Je vous dirai que la dernière phrase renvoie à la « disposition de Noé ».
Concernant les différences entre le projet de loi S-15 et l’ancien projet de loi S-241, la loi Jane Goodall, j’ai dit ce qui suit :
... en tant que parrain, j’estime, au moment de débattre du projet de loi S-15 à l’étape de la deuxième lecture, que celui-ci nous permet d’envisager de tels amendements à des étapes ultérieures...
C’est ma propre citation.
... d’autant plus que les deux projets de loi modifieraient les deux mêmes lois relatives à la captivité des animaux sauvages.
Par ailleurs, lors de la deuxième lecture du projet de loi S-15, le 8 février, la porte-parole de l’opposition avait fait valoir que le projet de loi S-15 et le projet de loi précédent, le projet de loi S-241, étaient si semblables qu’ils étaient équivalents. Dans un tel cas, on s’attendrait à ce que les projets de loi aient la même portée ou une portée très semblable.
Comme nous le savons, le projet de loi S-241 contenait une « disposition de Noé ». Pourtant, nous entendons aujourd’hui que le projet de loi S-15 — d’après ce qu’on nous avait dit, ce serait le même projet de loi que le projet de loi S-241 — ne peut pas contenir de « disposition de Noé » en raison de sa portée. Il s’agit d’une contradiction.
Lorsqu’il a comparu devant ce comité sur ce projet de loi, le ministre Guilbeault à dit :« Je ne pense pas qu’il m’appartienne de dire aux sénateurs quels amendements ils devraient apporter. »
Il a poursuivi en ces termes :
Mon message pour vous est que le gouvernement est très ouvert aux amendements que les sénateurs jugent appropriés pour le projet de loi.
Dans ses propositions juridiques, le projet de loi S-15 modifie les deux mêmes lois afin de restreindre la mise en captivité d’espèces sauvages. Ces amendements s’inscrivent parfaitement dans ce cadre.
D’ailleurs, le titre long du projet de loi est assez général : « Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial ».
Par ailleurs, le Sénat dispose d’une grande latitude pour apporter des modifications touchant la portée d’un projet de loi. À la page 141 de La procédure du Sénat en pratique, on peut lire que Beauchesne souligne ce qui suit :
Il est loisible au comité de modifier les dispositions du projet de loi à tel point que, lorsqu’il en sera fait rapport à la Chambre, il se trouve être tout autre qu’il était avant son renvoi en comité.
En outre, le Sénat présume que les questions sont en ordre et que le débat peut avoir lieu.
À la page 83 de La procédure du Sénat en pratique, on peut lire ce qui suit :
Le Sénat fait souvent preuve de souplesse dans l’application des différentes règles et pratiques qui régissent les débats. Comme l’a déclaré le Président Molgat dans sa décision du 2 avril 1998 :
Je suis d’avis qu’il faut présumer, jusqu’à preuve du contraire, que les choses sont conformes ou régulières. Cette supposition m’indique que la meilleure règle à suivre pour le Président est d’interpréter le règlement de manière à permettre le débat au Sénat, sauf s’il est manifeste que la question à débattre est inadmissible.
Madame la présidente, je suis d’avis que ce n’est pas tranché au couteau, et quoi qu’il en soit, la présomption du Sénat que mon amendement respecte la portée du projet de loi devrait s’appliquer. Je vous invite donc à refuser ce rappel au Règlement, qui, s’il était accepté, aurait pour effet de limiter le débat et d’empêcher la prise d’une décision démocratique sur l’amendement dont nous sommes saisis et sur lequel nous avons entendu des témoignages.
Merci.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je suis d’accord avec le recours de Règlement qui a été soulevé. Le but du projet de loi était d’interdire la mise en captivité des grands singes et des éléphants et de la déclarer criminelle. Maintenant, on ajoute tout un pan de nouvelles catégories d’animaux. En fait, il n’y a aucune limite. La seule limite, ce sont les animaux qui servent pour la production alimentaire. Les milliers d’espèces qui peuvent exister dans le monde sont maintenant couvertes par le projet de loi. On ne peut pas avoir une plus grande expansion si l’on passe de deux espèces à des milliers d’espèces animales qui pourraient être couvertes par la décision du Cabinet.
Je ne vois pas comment un amendement pourrait causer une plus grande expansion que l’amendement que vient de faire notre collègue. Évidemment, il y a une limite dans le cas des animaux qui servent pour la production alimentaire. On parle d’une vingtaine d’espèces — je n’ai pas fait la liste, mais disons que c’est plutôt limité, alors qu’il y en a des milliers d’autres.
Je suis d’accord avec mon collègue le sénateur Plett pour dire qu’on passe de deux à des milliers d’espèces. Il ne peut pas y avoir une plus grande expansion du projet de loi. Pour moi, c’est hors de question.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Je serai bref. Je regarde le projet de loi dont nous sommes saisis et je regarde le préambule, qui est une bonne indication de l’intention de ceux qui l’ont rédigé, je suppose. Il y est écrit : « Attendu que le Parlement reconnaît l’évolution de l’opinion publique sur la captivité de certaines espèces animales non domestiques... ».
Le premier concept évoqué concerne les animaux non domestiques, ce qui élimine donc un certain nombre d’animaux.
Le deuxième « attendu que » est le suivant :
Attendu qu’il est d’avis que la science établit que certains animaux, notamment les éléphants et les grands singes, ne doivent pas vivre en captivité en raison de la cruauté que cela représente...
Il n’est pas écrit« Attendu que le Parlement est d’avis que les éléphants et les grands singes ne doivent pas vivre en captivité ». Il est écrit « certains animaux, notamment les éléphants », ils font donc partie d’une liste. Cette liste n’est ni exclusive ni limitée. Elle présente des exemples des animaux que nous essayons de protéger : ceux qui ne sont pas domestiqués et qui sont gardés en captivité.
Le troisième « attendu que » concerne justement les animaux gardés en captivité. Il renvoie aux mêmes concepts. On y reprend les termes et les définitions qu’on trouve à la page 10 sur 28, à savoir : « ... le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner toute espèce animale non domestique comme étant un animal désigné... ».
Il s’agit toujours du même concept du début à la fin, celui des animaux non domestiques. Il ne s’agit pas de tous les autres animaux de la planète. Il s’agit des animaux non domestiques, qui ne sont pas faits pour être gardés en captivité. C’est beaucoup plus restreint que le portrait dépeint par le sénateur Carignan.
Ensuite, il y a des critères qui s’appliquent pour que le gouverneur en conseil puisse utiliser ce pouvoir.
À mon avis, cela ne va pas à l’encontre de l’esprit ou de la portée du projet de loi tel qu’il est défini. Il est plus large que ce qui a été présenté, mais le préambule montre que l’intention n’était pas de se limiter à ces deux espèces. Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je pense que le sénateur Dalphond utilise le préambule comme s’il s’agissait des dispositions du projet de loi. Le projet de loi S-15 est composé des articles 445 et les suivants qui sont modifiés. Le projet de loi n’est pas le préambule. Même le préambule est assez limité. L’amendement sort complètement de ce qui est prévu dans le préambule. Un préambule, c’est une intention du législateur. On peut écrire 100 pages dans un préambule. Ce que les anciens collègues du sénateur Dalphond vont juger au tribunal, ce sont les articles 445 et les suivants du Code criminel. C’est le projet de loi.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Ces commentaires sur les limites inhérentes à ce projet de loi sont intéressants parce que l’auteur parle en fait de ce qu’il appelle la « disposition de Noé ». Cela fait référence à l’arche biblique de Noé, dans laquelle sont montés deux animaux de chaque espèce animale de la planète. Compte tenu des exceptions mineures prévues dans ce projet de loi, il se veut donc extrêmement vaste, et ce que mon collègue appelle un amendement en atteste bien.
Le sénateur Plett : Madame la présidente, je me demande si, pendant d’un rappel au Règlement, je serais autorisé à poser des questions aux fonctionnaires.
La présidente : Allez-y.
Le sénateur Plett : J’ai quelques questions à poser. Je vais simplement les poser et vous déciderez qui y répondra. Je suis certain que vous ou vos collègues avez été beaucoup mis à contribution dans l’élaboration de la politique que le projet de loi S-15 vise à codifier et que vous avez participé au processus de rédaction.
Ma première question est la suivante : que pouvez-vous dire au comité sur les raisons pour lesquelles le projet de loi n’inclut que les éléphants et les grands singes, et pas les animaux désignés comme le projet de loi S-241?
Stephanie Lane, directrice exécutive, Gouvernance législative, Environnement et Changement climatique Canada : Si l’un de mes collègues souhaite ajouter quelque chose, j’en serai ravie. Comme on l’indique dans le projet de loi, l’accent est mis sur ces espèces en raison des preuves scientifiques attestant du fait qu’il est intrinsèquement cruel de garder les éléphants et les grands singes en captivité — en raison de diverses caractéristiques biologiques telles que la taille et les caractéristiques sociales. C’est la raison pour laquelle ces espèces sont visées par ce projet de loi.
Le sénateur Plett : Merci. C’est donc seulement pour ces espèces-là. Si cet amendement était adopté, comment fonctionnerait ce nouveau processus d’ajout d’animaux désignés?
Mme Lane : Je ne suis pas sûre que nous soyons en mesure d’en parler maintenant, étant donné que le projet de loi qui nous est présenté — le projet de loi S-15 — n’a pas été modifié pour inclure les dispositions en ce sens. Je ne sais pas si vous avez des questions moins hypothétiques.
Le sénateur Plett : J’ai d’autres questions, mais je trouve étrange que le parrain du projet de loi propose de le modifier considérablement et que les fonctionnaires ne puissent même pas nous dire comment cela fonctionnerait. Je me demande comment il se fait que le parrain n’ait pas communiqué avec vous. Mais si votre réponse est que vous ne le savez pas, je l’accepte. Je suis désolé; ce n’est nullement un jugement sur ce que vous avez pu faire ou ne pas faire. Je dirais que le parrain du projet de loi a fait fausse route en ne vous soumettant pas cette question pour que nous puissions avoir ces réponses, parce qu’il propose vraiment des changements importants à son projet de loi.
L’amendement exige notamment que le ministre examine les facteurs suivants :
b) la question de savoir si les conditions de la captivité sont suffisamment adaptées aux besoins biologiques des individus de l’espèce pour leur permettre de vivre convenablement, notamment en ce qui concerne :
(i) la capacité des individus de l’espèce d’avoir un comportement naturel en captivité,
(ii) l’intelligence, les émotions, les besoins sociaux, la taille corporelle et les habitudes de vie des individus de l’espèce, ainsi que leur utilisation potentielle à des fins de divertissement,
(iii) les données qui font état de dommages aux individus de l’espèce qui vivent en captivité, comme l’apparition de stéréotypies, des problèmes de santé liés à la captivité, une réduction de la longévité ou un accroissement des taux de mortalité infantile;
c) les risques que posent les individus de l’espèce pour la sécurité publique.
S’agit-il d’un travail qu’Environnement et Changement climatique Canada effectue actuellement?
Mme Lane : Non, le ministère de l’Environnement et du Changement climatique ne le fait pas. M. van Havre pourrait peut-être vous parler des types de permis actuellement délivrés en vertu de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. Le ministère n’a cependant pas encore cette expertise.
Basile van Havre, directeur général, Service canadien de la faune, Environnement et changement climatique Canada : Ma collègue a raison; nous n’avons pas d’expertise relativement aux espèces qui ne sont pas indigènes au Canada. Nous administrons la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. Dans certains cas, il est nécessaire d’examiner le permis délivré par d’autres pays, et nous le faisons en ayant recours aux contrôles administratifs définis dans la Convention.
Le sénateur Plett : Environnement et Changement climatique Canada dispose-t-il actuellement des ressources nécessaires pour effectuer ce type de travail ou auriez-vous besoin, si cet amendement était adopté, de ressources et de fonds publics supplémentaires pour acquérir l’expertise voulue à l’interne ou conclure des contrats avec les scientifiques, vétérinaires et autres professionnels dont vous pourriez avoir besoin?
Mme Lane : Mon poste ne permet pas de vous dire si le ministère dispose ou non de ressources suffisantes. Les questions touchant les ressources sont réglées à des échelons plus élevés de l’organisation.
Le sénateur Plett : Il est regrettable que vous ne puissiez pas répondre à cette question, et je suppose que vous ne pourrez pas non plus répondre à la prochaine. J’allais vous demander quelles ressources supplémentaires seraient nécessaires.
Environnement et Changement climatique Canada est responsable de la mise en œuvre de la Loi fédérale sur les espèces en péril, qui protège les espèces en voie de disparition au Canada, et je crois savoir que c’est le COSEPAC, c’est-à-dire le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, qui procède à la classification des espèces sauvages menacées d’extinction et fait ensuite rapport au ministre. Considérez-vous ce modèle comme une voie possible pour permettre au ministre de remplir les nouvelles obligations qui découleraient de cet amendement, s’il est adopté, avec la création d’un groupe indépendant qui ferait rapport au ministre sur les espèces qui seraient protégées en vertu du projet de loi S-15?
Mme Lane : Mon collègue pourrait peut-être vous en dire plus long sur le travail effectué par le COSEPAC. Comme indiqué et d’après ce que je peux voir dans les amendements, il ne semble pas y avoir de disposition prévoyant le recours à un organisme externe qui conseillerait le ministre à ce sujet. Je ne saurais vous dire si le modèle du COSEPAC serait approprié dans ce contexte particulier.
Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter, monsieur van Havre.
M. van Havre : Comme vous le savez, le COSEPAC nous apporte depuis longtemps une aide précieuse aux fins de l’évaluation du statut des espèces du Canada. Ce comité fait appel à des spécialistes canadiens, et parfois étrangers, pour offrir son expertise qui porte toutefois uniquement sur les espèces présentes dans notre pays.
Si l’on demandait à ce comité d’examiner la situation d’espèces étrangères, ce serait un changement radical.
La présidente : Puis-je vous demander de répéter ce que vous avez répondu lorsque le sénateur Plett vous a demandé au départ pour quelles raisons ces deux espèces ont été les seules à être ciblées? Vous avez alors donné une réponse très précise. Pouvez-vous la répéter, s’il vous plaît?
Mme Lane : Je ne pourrai probablement pas la répéter mot pour mot, mais le fait est que le projet de loi S-15 a été conçu de manière à protéger expressément ces deux espèces — les éléphants et les grands singes — pour diverses raisons, y compris leurs structures sociales, leurs facteurs biologiques et leur taille, en plus du fait qu’il est intrinsèquement cruel de maintenir ces espèces en captivité.
La présidente : Sénateurs, je vais maintenant...
Le sénateur Plett : J’ai encore plusieurs questions.
La présidente : Sénateur Plett, je vous ai laissé beaucoup de latitude.
Le sénateur Plett : Je sais, mais nous sommes en train de débattre d’un rappel au Règlement, madame la présidente.
La présidente : Oui, mais vous ne pouvez pas continuer éternellement. Je vais vous permettre une dernière question.
Le sénateur Plett : Je suis désolé, madame la présidente.
La présidente : C’est ma décision. Une dernière question, si vous le souhaitez, et ce sera tout.
Le sénateur Plett : Madame la présidente, nous débattons d’un rappel au Règlement. J’ai des questions pertinentes à poser. Le représentant du gouvernement assis en face de nous ne se prononce pas à ce sujet. On a demandé à ce que son nom soit inscrit sur la liste et il l’a retiré. Nous n’avons pas de ministre, contrairement à ce que nous avions demandé. Je devrais pouvoir poser des questions...
La présidente : Posez votre question.
Le sénateur Plett : Je veux bien, mais j’en ai encore quatre que je souhaiterais poser.
La présidente : Vous n’avez qu’à les regrouper et les témoins répondront par la suite.
Le sénateur Plett : Très bien. Je vais les lire toutes en même temps, et j’espère que vous pourrez suivre. Je prie nos témoins de bien vouloir nous excuser.
Les arguments et les déclarations du gouvernement vont tout à fait dans le sens d’un projet de loi dont l’objectif en matière de droit pénal consiste à protéger la moralité en prévenant la cruauté.
À votre avis, cet amendement élargit-il la portée du projet de loi? Pourquoi le cabinet du ministre a-t-il insisté sur le fait que ce projet de loi n’engageait que l’aspect moral, et non des considérations liées à la sécurité publique, dans ses visées au chapitre du droit pénal? Seriez-vous d’accord pour dire que cet amendement aurait pour effet d’engager l’aspect sécurité publique du droit pénal en plus de l’aspect moralité? Êtes-vous préoccupés par le fait que cet amendement pourrait placer le gouvernement fédéral en situation de conflit en l’amenant à empiéter sur la compétence provinciale en matière de bien-être des animaux?
Enfin, le ministre a noté que le gouvernement fédéral avait l’intention de consulter les provinces avant de désigner d’autres espèces que les grands singes et les éléphants. Pouvez-vous me dire si ces consultations ont commencé et, si oui, à quel stade elles en sont rendues?
Mme Lane : En ce qui concerne la première question, je vais peut-être faire abstraction de la prémisse qui est liée au pouvoir en matière de droit pénal. La question était donc la suivante : est-ce que le changement proposé élargit la portée du projet de loi? Je dirais qu’il modifie la portée du projet de loi en ce sens qu’il permet d’ajouter d’autres espèces, dont certaines sont des espèces canadiennes.
Je ne peux toutefois pas vous répondre lorsque vous demandez pour quelles raisons le cabinet du ministre tenait absolument à ce que la sécurité publique ne soit pas incluse? Est-ce bien ce que vous vouliez savoir?
Le sénateur Plett : La question était la suivante : pourquoi le cabinet du ministre a-t-il insisté sur le fait que ce projet de loi n’engageait que l’aspect moral, et non des considérations liées à la sécurité publique, dans ses visées au chapitre du droit pénal?
Mme Lane : Je pense que le projet de loi S-15 dans sa forme actuelle s’articule autour de l’aspect moral du droit pénal. Peut-être que mes collègues pourraient vous dire...
Le sénateur Plett : C’était davantage une question de droit. Peut-être voulez-vous répondre aux autres...
Mme Lane : Parfait. Oui, je laisserai aux autres témoins le soin de répondre aux questions concernant la sécurité publique et les résultats des éléments qui y sont liés, puis mon collègue pourra peut-être parler du travail des provinces et des territoires.
Me Aleksander Godlewski, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice du Canada : Sénateur, je suis désolé, mais pourriez-vous répéter brièvement votre question relative à la sécurité publique?
Le sénateur Plett : Pourquoi le cabinet du ministre a-t-il insisté sur le fait que ce projet de loi n’engageait que l’aspect moral, et non des considérations liées à la sécurité publique, dans ses visées au chapitre du droit pénal? Seriez-vous d’accord pour dire que cet amendement aurait pour effet d’engager l’aspect sécurité publique du droit pénal en plus de l’aspect moralité?
Je ne sais pas si c’est vous qui pourriez répondre aux autres questions.
Êtes-vous préoccupé par le fait que cet amendement pourrait placer le gouvernement fédéral en situation de conflit en l’amenant à empiéter sur la compétence provinciale en matière de bien-être des animaux? Enfin, le ministre a noté que le gouvernement fédéral avait l’intention de consulter les provinces avant de désigner d’autres espèces que les grands singes et les éléphants — ce qui ne serait pas de votre ressort —, et je me demande où en sont rendues ces consultations.
Me Godlewski : En ce qui concerne le cabinet du ministre, ce n’est malheureusement pas une question à laquelle je peux répondre.
Pour ce qui est de l’aspect sécurité publique qui s’ajouterait à la moralité, je dois vous dire d’entrée de jeu que je ne suis pas en mesure d’émettre une opinion sur les incidences constitutionnelles du projet de loi. À sa lecture, je constate que les risques pour la sécurité publique posés par les animaux d’une espèce font partie des critères utilisés pour en arriver à la désignation de l’espèce en question. Mais je ne peux pas me prononcer sur les aspects constitutionnels du projet de loi.
Le sénateur Plett : Eh bien, madame la présidente, c’est justement pour cette raison que nous réclamons la présence du ministre. Mais si quelqu’un d’autre avait l’obligeance de me répondre...
M. van Havre : Pour ce qui est de la consultation de nos homologues provinciaux et territoriaux, je peux vous dire que ce point était à l’ordre du jour des récentes réunions avec les provinces et les territoires au niveau supérieur. Nous sommes en train de dresser une liste de spécialistes qui pourraient travailler avec nous pour déterminer ce qui peut être fait relativement à ces enjeux. L’accueil a été bon. Personnellement, je connais un certain nombre de collègues des administrations provinciales et territoriales qui participeront à ce travail, et je m’en réjouis.
Le sénateur Plett : Alors, vous n’avez pas encore commencé, mais c’est en cours de préparation.
M. van Havre : Oui.
Le sénateur Plett : Merci.
Le sénateur Gold : Avec tous les échanges qui ont eu lieu, je n’avais pas l’impression d’avoir quoi que ce soit à ajouter. C’est pour cette raison que j’ai retiré mon nom de la liste des intervenants en réponse à votre observation, sénatrice Batters. Il me semble que cela respecte en fait l’intention générale du projet de loi pour les raisons qui ont été exprimées. À cet égard, je m’en remets entièrement à votre jugement, madame la présidente.
Le sénateur Dalphond : J’aurais pour les représentants des deux ministères une question que mes collègues n’ont pas encore posée.
Si le projet de loi était adopté demain, y compris l’amendement proposé, qu’est-ce qui serait différent pour vous dans sa mise en œuvre selon que l’on retienne ou non cette disposition qui permet au gouverneur en conseil d’intervenir pour que l’on puisse aller de l’avant avec un processus qui n’est pas encore enclenché et pourrait ne jamais l’être, car je m’attends à ce que certains gouvernements ne veuillent jamais s’engager dans cette voie?
Alors, demain matin, l’adoption du projet de loi ne changerait rien dans l’immédiat si ce n’est cette disposition qui pourrait être utilisée à un moment ou à un autre. Si le gouverneur en conseil en vient à considérer qu’il doit le faire, je présume qu’il consultera le ministère quant à sa capacité de gérer l’ajout d’une espèce désignée. Avons-nous l’expertise pour le faire ou non? Si ce n’est pas le cas, avons-nous besoin d’argent? Faut-il embaucher du personnel ? Avons-nous besoin d’un budget plus important? Une autre recommandation royale est-elle requise pour mettre en œuvre le budget? Je suppose que cela fait partie de l’exercice normal d’adoption d’un décret. Est-ce que je me trompe? Je pense que demain matin, le ministère va continuer — avec ou sans l’amendement — de fonctionner de la même manière et que des mesures devront être prises sur le plan de la réglementation afin d’élargir le champ d’application du projet de loi.
Mme Lane : Merci de la question. Vous avez raison; le projet de loi n’ajoute pas automatiquement des espèces désignées à la liste. Les décrets du gouverneur en conseil sont pour ainsi dire des règlements exigeant une publication préalable dans la Gazette du Canada, ainsi que des consultations et une publication finale dans la partie II de la Gazette du Canada. Comme vous le dites, si le projet de loi S-15 était adopté demain avec les amendements proposés dans cette motion, les activités du ministère demeureraient inchangées.
Le sénateur Dalphond : Est-ce que les représentants du ministère de la Justice ont des commentaires? Non? Merci.
Le sénateur Carignan : Quand exactement? Parce que vous avez dit que ce ne serait pas le cas demain, alors quand y aurait-il des changements?
Mme Lane : Si j’ai parlé de demain, c’est parce que le sénateur Dalphond y faisait référence dans sa question. Le temps requis pour formuler une recommandation et mener à terme un processus de décret peut varier en fonction du mécanisme réglementaire, mais il faut souvent entre 12 et 18 mois pour prendre un règlement en tenant les consultations requises.
[Français]
Le sénateur Carignan : D’accord. Il faudrait en plus étudier l’ensemble des autres espèces qui pourraient être visées par une interdiction. Étudier scientifiquement chacune des espèces va demander des fonds?
Mme Lane : Je ne peux pas dire si on aura besoin plus de fonds à Environnement et Changement climatique Canada pour mettre en œuvre cet amendement.
[Traduction]
La motion indique une série de facteurs que le ministre doit prendre en considération avant de faire une recommandation au gouverneur en conseil ou au Cabinet en vue d’un éventuel décret. Il faudrait que le ministère compile assez d’éléments probants pour formuler des recommandations sur une espèce donnée.
La présidente : Sénateurs, je suis d’avis que l’amendement proposé respecte l’objectif du projet de loi et n’en outrepasse pas la portée. J’estime qu’il appartient au comité de débattre de la pertinence de cet amendement, après quoi, chaque sénateur pourra se prononcer dans un sens ou dans l’autre. C’est ma décision.
Sénateur Plett, vous pouvez faire appel de cette décision au Sénat.
Le sénateur Plett : Je suis étonné, car on vient de nous indiquer très clairement que cela élargissait la portée du projet de loi. Nous venons de l’entendre de la bouche même des fonctionnaires. Sans avoir le temps de reprendre notre souffle et sans que l’on puisse y réfléchir davantage et vraiment conclure le débat, voilà que nous avons une décision.
La présidente : Oui.
Le sénateur Plett : Je vais certes officiellement contester cette décision, et j’aimerais qu’il y ait un vote à ce sujet.
Je suis étonné que tous les experts constitutionnels, les avocats et les juges que nous avons autour de cette table soient tellement figés dans leur pensée stéréotypée qu’ils n’arrivent pas à réfléchir en tenant compte du contexte de la loi.
Je conteste votre décision.
La présidente : Vous allez la contester au Sénat ou vous voulez le faire ici même?
Le sénateur Plett : Je conteste votre décision ici même et dès maintenant.
La présidente : D’accord.
Le sénateur Carignan : Ici même, mais un autre jour au Sénat.
La présidente : La décision de la présidence est-elle maintenue?
Le sénateur Plett : Non.
La présidente : Nous allons procéder à un vote.
Le sénateur Plett : Personne n’a dit « oui ».
La présidente : Oui ou non?
Une voix : Oui.
La présidente : Je vais répéter la question.
La décision de la présidence est-elle maintenue?
Des voix : Non.
Des voix : Oui.
La présidente : À mon avis, les oui l’emportent.
Une voix : Non.
La présidente : Nous allons procéder à un vote par appel nominal.
Je ne vais pas me prononcer, car c’est ma décision qui est contestée.
Vincent Labrosse, greffier du comité : L’honorable sénatrice Jaffer?
La sénatrice Jaffer : Je m’abstiens.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Batters?
La sénatrice Batters : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Boyer?
La sénatrice Boyer : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Carignan?
Le sénateur Carignan : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Je m’abstiens.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Gold?
Le sénateur Gold : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Klyne?
Le sénateur Klyne : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Plett?
Le sénateur Plett : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Prosper?
Le sénateur Prosper : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Simons?
La sénatrice Simons : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Tannas?
Le sénateur Tannas : Non.
M. Labrosse : Pour, 7; contre, 5; abstentions, 2.
La présidente : Nous poursuivons avec le débat sur l’amendement.
La sénatrice Batters : Madame la présidente, j’aimerais présenter une motion à ce moment-ci, étant donné la portée toujours plus large du projet de loi et le nombre d’animaux qui pourraient maintenant être pris en compte dans le projet de loi.
La présidente : Nous n’avons pas encore discuté de l’amendement. Il s’agissait simplement d’un rappel au Règlement. Nous n’avons pas examiné l’amendement.
La sénatrice Batters : J’en suis consciente. J’aimerais présenter une motion pour que le comité entende des témoignages supplémentaires, afin d’entendre des témoignages sur les types d’animaux qui pourraient être visés par le projet de loi et sur sa portée toujours plus large, car nous avons eu de nombreuses réunions au cours desquelles nous avons entendu des experts sur les éléphants et sur les grands singes.
Nous n’avons toutefois pas entendu d’experts sur d’autres types d’animaux — nous avons entendu quelques propos sur les grands félins, mais c’est à peu près tout. Maintenant, des milliers d’animaux pourraient potentiellement être visés par le projet de loi, tout cela dans le cadre d’une directive de…
La présidente : Nous n’avons pas encore voté sur l’amendement.
La sénatrice Batters : J’en suis consciente. Toutefois, j’ai l’impression que…
Le sénateur Plett : Passons-nous à autre chose dans ce cas?
La présidente : Non. Nous en débattons. Nous n’en avons pas encore débattu.
La sénatrice Batters : Nous aurons un débat sur l’amendement, je le sais.
Je pense seulement que notre comité devrait entendre des preuves concrètes sur le sujet.
La présidente : Nous verrons ce qu’il en est après l’amendement. Je vais maintenant entendre une discussion sur l’amendement.
Dans le cadre du débat, nous entendrons d’abord le sénateur Klyne au sujet de l’amendement. Pouvez-vous répéter ce que vous avez dit au sujet de cet amendement?
Le sénateur Klyne : Je l’ai déjà lu pour le compte rendu.
La présidente : Veuillez donner la version courte.
Le sénateur Klyne : La version courte?
Le sénateur Plett : Je présenterai aussi un sous-amendement à un moment donné.
La présidente : J’y viendrai, sénateur. Il est sur la liste.
Le sénateur Klyne : Cet amendement répond à la demande conjointe de l’Institut Jane Goodall du Canada et de neuf des principaux zoos et ONG de protection des animaux au Canada.
La première partie de la « clause de Noé » établirait, dans le Code criminel, un pouvoir exécutif pour le Cabinet fédéral de protéger, par décret, d’autres espèces sauvages dans le contexte de la captivité.
Si une espèce sauvage est protégée de cette manière, comme les lions ou les tigres, le même cadre juridique s’appliquerait pour les éléphants et les grands singes.
Comme dans le cas de ces mesures, tous les individus des espèces concernées bénéficieraient de droits acquis. Toute nouvelle captivité, y compris dans le cadre de l’élevage, nécessiterait l’obtention d’un permis pour des raisons liées à l’intérêt supérieur de l’animal, à la conservation ou à la recherche scientifique. Personne ne peut se voir retirer ses animaux, sauf en cas d’élevage illégal ou de spectacles à des fins de divertissement, qui seraient également interdits.
Comme Mme Lazare nous l’a dit, ce pouvoir exécutif d’étendre une application valide de la loi fédérale va de pair avec d’autres lois pénales, comme la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999).
La version qui vous est présentée est le fruit de plusieurs années de consultations et d’élaboration par mon équipe et moi-même. Cet amendement ajoute des animaux désignés aux éléphants et aux grands singes, qui sont déjà visés dans le code. Ces espèces sont définies comme des espèces non domestiques. Il s’agit de sous-espèces ou d’hybrides sauvages.
À la page 5 — qui est la page 9 de la documentation —, nous avons les critères de sélection d’une espèce. Afin de prévenir la cruauté envers les animaux et de protéger la sécurité publique, le gouverneur en conseil doit déterminer si l’espèce peut survivre en captivité. Ces critères comprennent le comportement naturel, les caractéristiques et les besoins pertinents, les données faisant état de dommages en captivité et le risque pour la sécurité publique.
De plus, la « clause de Noé » prévoit une exclusion qui empêche le gouverneur en conseil de désigner une espèce servant à la production alimentaire au Canada. Je suis sûr que les agriculteurs et d’autres intervenants seront reconnaissants de cette exemption. Cela offre une plus grande certitude que cette mesure ne pourra jamais être utilisée pour des espèces d’élevage de gibier au Canada. Là encore, je suis sûr que ces mesures seront bien accueillies.
En outre, en envisageant la désignation future potentielle de certaines espèces sauvages canadiennes, comme les ours ou les couguars, cette partie de la « clause de Noé » n’interfère avec aucune loi canadienne qui permet la captivité pour protéger la propriété ou la sécurité publique. Elle exclut aussi clairement les activités de piégeage conformes à la loi applicable.
Aussi, pour toute désignation, la « clause de Noé » exigera du Cabinet fédéral qu’il s’appuie sur les meilleures données disponibles en matière de recherche scientifique, de médecine vétérinaire, de soins aux animaux ou de bien-être animal. Cela signifie qu’il faut consulter des experts et des organismes, par exemple les partisans de cette mesure.
Comme ce pouvoir est confié au gouverneur en conseil, il sera assorti du plus haut niveau possible de responsabilité démocratique.
Je vous remercie d’avoir procédé à une deuxième lecture.
La présidente : Je vous remercie.
La sénatrice Simons : J’éprouve une certaine sympathie pour le raisonnement qui sous-tend cet amendement pour la simple raison que, comme le sénateur Plett l’a si bien dit, les grands singes et les éléphants en captivité sont bien traités au Canada.
Les animaux qui semblent réellement menacés, comme nous l’avons entendu dans les témoignages, sont les grands félins, qui se retrouvent souvent dans des zoos itinérants ou dans des collections privées.
Nous avons également entendu des témoignages faisant état de préoccupations liées à la détention d’espèces reptiliennes, notamment des crocodiles, des alligators, des grands serpents et des tortues. Nous avons entendu des experts à ce sujet.
Cela m’inquiète un peu. Je n’étais pas certaine que l’amendement entrait dans le champ d’application, et j’ai donc voté en conséquence.
Maintenant que nous en débattons, j’ai quelques questions sur l’élevage des animaux à fourrure. Des efforts ont autrefois été déployés pour interdire l’élevage d’animaux à fourrure. Le projet de loi prévoit une exclusion pour les animaux servant à la production alimentaire — et c’est très explicite. J’aimerais savoir si le sénateur Klyne, et peut-être les fonctionnaires du ministère, pourrait nous expliquer ce que cela pourrait signifier pour les animaux qui ne sont pas… Je veux dire que les moutons sont évidemment domestiqués, ainsi que les alpagas. Les renards sont-ils considérés comme des animaux domestiques? Ils sont élevés pour leur fourrure. Qu’en est-il des martres ou des visons? Ces animaux ne sont pas domestiqués au sens où nous l’entendons habituellement. J’aimerais donc savoir si, selon vous, ils pourraient être inclus dans cette catégorie.
La présidente : Avant que vous ne répondiez, la sénatrice Boyer aimerait poser une question.
La sénatrice Boyer : Ma question concerne le processus. Elle n’a rien à voir avec l’élevage des animaux à fourrure.
La présidente : Posons la question aux fonctionnaires, puis nous reviendrons à vous.
M. van Havre : En ce qui concerne l’élevage des animaux à fourrure et les espèces concernées, les renards, les visons et les martres ne sont pas considérés comme des espèces domestiques. Ce sont des espèces sauvages.
La sénatrice Simons : En théorie, cela permettrait au gouvernement d’interdire, par l’entremise d’un décret, l’élevage d’animaux à fourrure au Canada.
Le sénateur Klyne : Cela exclut aussi explicitement les activités de piégeage conformes à la loi applicable.
La sénatrice Simons : Je ne parle pas des activités de piégeage. Le piégeage d’animaux sauvages est différent de l’élevage de renards. Je ne prends pas position sur la question de savoir si l’interdiction de l’élevage d’animaux à fourrure est une bonne ou une mauvaise chose. Je souligne simplement qu’il pourrait s’agir d’une conséquence involontaire — ou voulue — de la loi pour le gouverneur en conseil d’interdire cette économie en vertu de ce type de législation.
Mme Lane : Le projet de loi ou la motion ne contient aucune définition des mots « non domestique ». Il faudra donc déterminer ce que cela signifie. Comme vous l’avez souligné, la définition d’un animal désigné prévoit des exemptions précises, car il doit être non domestique, mais comme vous l’avez aussi souligné, les exceptions comprennent notamment les activités de piégeage conformes à la loi provinciale applicable ou en vertu d’un droit issu d’un traité autochtone, ou l’élevage servant à la production alimentaire.
La sénatrice Simons : Toutefois, à des fins d’éclaircissements, les activités de piégeage ne sont pas pratiquées dans une ferme d’élevage d’animaux à fourrure. Je veux dire que le piégeage consiste à poser un piège et à capturer un animal dans la nature, et non dans une grange ou dans un élevage. Les élans, par exemple, ne sont pas toujours considérés comme des animaux domestiques, mais ils seraient exclus parce qu’ils sont élevés à des fins de production alimentaire. Toutefois, les animaux qui sont élevés pour la fourrure ou les plumes ne seraient pas nécessairement exclus.
Mme Lane : Le projet de loi fait expressément référence à l’élevage servant à la production alimentaire.
La sénatrice Simons : D’accord.
La sénatrice Boyer : Ma question s’adresse à vous, sénateur Klyne, et elle porte sur le processus. C’est une chose qui m’intrigue. Comment avez-vous élaboré l’amendement que vous avez proposé pour les mots « animal désigné », et avez-vous travaillé avec le cabinet du ministre sur ces amendements?
Le sénateur Klyne : Cela a été envisagé dans le cadre de l’élaboration de la « clause de Noé » — l’amendement ajoute les animaux désignés, et ces espèces sont définies comme des espèces non domestiques. Les renards sont des sous-espèces sauvages ou des espèces hybrides.
La sénatrice Boyer : Avez-vous préparé tout cela en collaboration avec le cabinet du ministre?
Le sénateur Klyne : C’est le sénateur Sinclair qui a dirigé ces travaux.
La sénatrice Boyer : Je vous remercie.
La présidente : Sénateur Plett, c’est maintenant le moment de présenter votre amendement.
Le sénateur Plett : Je ne suis pas certain de vouloir présenter mon amendement tout de suite. J’aimerais d’abord formuler quelques commentaires.
Nous avons clairement entendu les fonctionnaires affirmer que cela élargissait la portée du projet de loi. Je n’ai aucun problème avec ce que le sénateur Klyne tente d’accomplir dans la mesure où il souhaite inclure toutes ces espèces — comme il l’avait fait dans le projet de loi S-241, qui visait 800 espèces. Toutefois, comme l’a dit la sénatrice Batters, il a retiré le projet de loi S-241. Mais ce n’est pas ce qui me pose problème. Je m’y opposerais parce que je ne suis pas d’accord. Mais il a le droit de le faire. Il est en train de créer un projet de loi différent et, ironiquement, il le fait avec l’aide du leader du gouvernement ici même. En effet, le leader du gouvernement aide le sénateur Klyne à modifier son propre projet de loi.
Les fonctionnaires nous disent que cela élargit le champ d’application. Il est tellement éloigné du premier projet de loi, madame la présidente, que je ne peux pas comprendre comment vous pourriez — tout d’abord, je ne peux pas... S’il vous plaît, madame la présidente, s’il vous plaît.
La présidente : Mais j’ai déjà rendu ma décision à ce sujet.
Le sénateur Plett : Je comprends que vous avez déjà rendu votre décision à ce sujet. Vous avez ensuite donné au sénateur Klyne l’occasion de relire son amendement au complet. Pourriez-vous donc maintenant me permettre de présenter mon argument, s’il vous plaît, madame la présidente?
La présidente : Non, dans le cas du sénateur Klyne, nous avons examiné l’amendement. Quant à ce que vous avez dit…
Le sénateur Plett : Ensuite, vous l’avez laissé parler à nouveau de son amendement. Maintenant, vous coupez court au débat.
La présidente : J’ai déjà rendu une décision au sujet du rappel au Règlement.
Le sénateur Plett : Je comprends cela. C’est déjà fait.
La présidente : Nous passons à autre chose.
Le sénateur Plett : Je passe à autre chose.
La présidente : Voulez-vous proposer votre amendement?
Le sénateur Plett : Madame la présidente, j’ai le droit de parler de mon sous-amendement, comme n’importe quel autre membre du comité.
La présidente : C’est la raison pour laquelle je vous pose la question. Vous avez également un amendement sur votre article. Je vous demande donc de le proposer. Je sais que vous en avez le droit. C’est la raison pour laquelle je vous demande de le faire.
Le sénateur Plett : Me permettez-vous de prendre la parole, maintenant, s’il vous plaît, madame la présidente?
La présidente : Oui, au sujet de cet article.
Le sénateur Plett : Je vous remercie. C’est ce dont je parle.
La présidente : Vous avez la parole.
Le sénateur Plett : Je parle de l’amendement et du sous-amendement que je présenterai en temps voulu.
La présidente : Allez-y.
Le sénateur Plett : Comme nous l’ont dit les fonctionnaires, cela n’entre pas dans le champ d’application. Cela concerne l’amendement, et non votre décision. Cela concerne l’amendement. J’espère qu’en cours de route, après une seconde réflexion objective, les sénateurs se rendront compte que le projet de loi dont nous sommes saisis maintenant est différent de celui sur lequel nous avons voté en deuxième lecture.
La présidente : Pouvez-vous aborder l’article que vous avez ici?
Le sénateur Plett : Eh bien, je vais présenter une motion dès maintenant, madame la présidente. Je vais proposer une motion pour suspendre la séance et inviter le ministre à comparaître devant le comité. Nous devons entendre d’autres représentants des zoos. Nous devons entendre d’autres biologistes, car nous sommes maintenant saisis d’un projet de loi qui contient une « clause de Noé », et qui est essentiellement le projet de loi S-241. Ce n’est pas le projet de loi dont nous avons débattu. Madame la présidente, je présente donc une motion.
La présidente : D’accord. Nous allons la mettre aux voix. Sénateurs et sénatrices, nous allons voter sur cette motion.
Le sénateur Klyne : [Difficultés techniques] nous ajoutons des espèces. Ce n’est pas le cas, car le libellé…
La présidente : Nous sommes saisis d’une motion, sénateur Klyne.
Le sénateur Klyne : Il faudrait que le premier ministre intervienne pour que nous puissions ajouter quoi que ce soit. Nous n’ajoutons rien dans le libellé. Le pouvoir est accordé au gouverneur en conseil. Ce pouvoir sera assorti du plus haut niveau possible de responsabilité démocratique. Nous n’ajoutons rien.
Le sénateur Plett : Madame la présidente, j’ai la parole. Et vous interrompez… C’est la première réunion de comité où vous interrompez les participants.
La présidente : Vous avez présenté une motion. Nous allons donc voter sur votre motion.
Le sénateur Plett : Je n’ai pas encore présenté la motion.
La présidente : Allez-y. Veuillez la présenter. Je pensais que vous aviez terminé votre motion.
Le sénateur Plett : Non, et j’ai encore beaucoup à dire avant de terminer ma motion.
La présidente : Allez-y.
Le sénateur Plett : Je vous remercie, madame la présidente.
Nous sommes saisis d’un projet de loi… S’il vous plaît, je sais que je vais me répéter, mais vous n’arrêtez pas de m’interrompre.
Nous sommes saisis d’un projet de loi qui n’a pas fait l’objet d’un vote en deuxième lecture. Nous en sommes donc saisis aujourd’hui. Le projet de loi S-241 visait 800 espèces. Je ne sais pas exactement combien d’espèces le sénateur Klyne inclut maintenant. Compte tenu du nombre d’espèces que le sénateur Klyne ajoute maintenant, madame la présidente, je m’attendrais à ce que les sénateurs ici présents — même ceux qui n’aiment pas le fait que je n’aime pas ce projet de loi et que je vote contre, et que je suis dur avec eux et que je dis des choses à leur sujet — fassent preuve de suffisamment de professionnalisme dans l’exercice de leurs fonctions pour au moins envisager de voir et d’entendre d’autres témoins avant de voter sur quelque chose qui est complètement différent de ce que nous avions décidé en deuxième lecture. Vous nous demandez maintenant de voter sur quelque chose qui n’a pas fait l’objet d’une discussion en deuxième lecture.
La présidente : Je n’ai pas demandé…
Le sénateur Plett : Vous l’avez fait en rejetant mon rappel au Règlement. Madame la présidente, je propose une motion pour suspendre la séance, pour demander à des témoins de comparaître à nouveau et pour établir une autre liste de témoins. Voilà ma motion.
La présidente : Mettons la motion aux voix. Mesdames et messieurs les sénateurs, avant de mettre cette motion aux voix, je veux seulement vous dire que nous n’avons pas adopté cette disposition; nous en débattons. Ce n’est pas comme si nous avions adopté cette disposition. Nous ne faisons qu’en débattre. Elle ne fait pas partie du projet de loi. Nous n’avons rien élargi. Tout le monde a le droit de présenter un amendement, comme vous le faites. Cependant, si vous présentez cette motion, nous la mettrons aux voix.
La sénatrice Batters : Je suis d’accord avec le sénateur Plett. J’allais déposer une motion semblable. Je pense que nous devons entendre le ministre de la Justice, que nous n’avons pas encore entendu parce qu’il était en déplacement. Nous devons aussi obtenir l’avis du ministre de l’Environnement pour savoir si le gouvernement soutient réellement cette proposition, car, si c’est le cas, il présente cette mesure législative par des moyens détournés, avec ce projet de loi de moindre importance. Le Parlement pourrait légiférer dans le domaine des grands singes et des éléphants, et ce serait tout. Par la suite, le Cabinet aurait la possibilité de prendre des mesures législatives qui toucheraient pratiquement tous les autres types d’animaux auxquels il pourrait penser, à quelques exceptions près. Ce n’est pas pour rien que l’on appelle cette disposition la « clause de Noé ». Pendant les semaines lors desquelles le comité a entendu des témoignages, aucun témoin n’a parlé de l’un de ces types d’animaux qui pourraient faire l’objet d’un simple décret du Cabinet. Il n’y a aucune reddition de comptes par le gouvernement.
Madame la présidente, je sais que vous avez dit que nous n’avions pas encore mis cet amendement aux voix. Si nous l’avions fait, nous n’aurions plus la possibilité de tenir des réunions du comité sur cette question et d’accueillir des témoins qui pourraient nous parler des avantages et des inconvénients de cette mesure. J’examine cet amendement et je pense qu’il contient des coquilles. Je ne sais pas d’où viennent certaines parties de l’amendement, et je suis donc impatiente d’en apprendre davantage.
Je suis simplement stupéfaite. Le leader du gouvernement au Sénat, qui est assis en face de nous, n’est pas intervenu. Le gouvernement est-il réellement favorable à cette mesure? Si c’est le cas, pourquoi n’a-t-il pas présenté un projet de loi du gouvernement à cet égard au lieu de celui-ci, qui ne porte que sur les grands singes et les éléphants qui sont déjà bien protégés au Canada? S’il s’agit là du véritable plan depuis le début, comme cela semble être le cas, le parrain du projet de loi au sein du gouvernement... C’est une chose que le parrain du projet de loi présente un amendement comme celui-ci... je m’attendais un peu à ce que le sénateur Klyne soit démis de ses fonctions de parrain du projet de loi parce que ce qui se passe est tout simplement sans précédent.
Il nous faut entendre de véritables témoins qui pourront nous parler des avantages et des inconvénients de ce genre de mesure. Aujourd’hui, des représentants du gouvernement nous ont dit que, en effet, cet amendement élargit considérablement la portée du projet de loi. Nous devons nous assurer de disposer de témoignages qui étayent ces dires, car nous ne sommes vraiment pas près de passer au vote.
Le sénateur Gold : Je pense avoir dit, au début de l’étude article par article, que le gouvernement ne s’était pas prononcé sur cette disposition. Vous vous souviendrez que lors de la première réunion, le débat avait déraillé assez rapidement. Je vais donc répéter ce que j’avais dit pour répondre à la question de la sénatrice Batters.
Étant donné qu’il s’agit d’un domaine de compétence partagée, le ministre et les fonctionnaires ont indiqué au comité — et je le fais au nom du gouvernement — qu’il faut poursuivre le dialogue avec les provinces, les territoires et les partenaires pour déterminer si d’autres éléments pourraient être requis. Certes, le gouvernement examinera toujours les amendements émanant du Sénat. Cependant, il n’a pas pris position pour ou contre cet amendement, bien qu’il se soit prononcé sur d’autres amendements. Nous en appuierons certains et nous nous opposerons à d’autres, lorsque nous les aborderons. Par contre, le gouvernement s’abstiendra de voter sur bon nombre de ces amendements par respect pour le comité.
Pour ceux qui nous regardent, je suis ici en tant que membre d’office, ce qui signifie que j’ai un droit de vote à titre de représentant du gouvernement. Il en serait de même pour mon collègue le sénateur Plett, s’il était membre d’office. Mais comme le gouvernement ne s’est pas prononcé sur cet amendement et que je représente le gouvernement au Sénat, je m’abstiendrai de voter sur la « clause de Noé ». Voilà ma réponse à la question de la sénatrice Batters.
Je suis impatient d’entendre la suite du débat sur la motion déposée par le sénateur Plett. Je prendrai peut-être la parole après avoir entendu d’autres interventions. Je ne suis pas convaincu qu’il soit nécessaire de suspendre la séance, mais je suis disposé à vous écouter. Je vous remercie.
Le sénateur Klyne : Comme beaucoup d’entre vous s’en souviennent, nous avons reçu de nombreux mémoires. Nous avons aussi entendu les témoignages de représentants de zoos, d’ONG et de l’Institut Jane Goodall. Ils étaient tous très favorables à l’inclusion de la « clause de Noé » dans ce projet de loi. Cela a été envisagé. On nous a donné le feu vert à cet effet.
[Français]
Le sénateur Carignan : Le sénateur Klyne se comporte comme si c’était un projet de loi privé. Or, ce n’est pas un projet de loi privé, c’est un projet de loi du gouvernement. Ceux qui auront à interpréter cette loi auront besoin de connaître l’intention du législateur. La personne responsable de ce projet de loi, c’est le ministre de la Justice — et également le ministre de l’Environnement. On n’a pas entendu les ministres de la Justice et de l’Environnement, sauf sur les éléphants et les grands singes.
Maintenant, on dit qu’on va étendre la portée de la loi à des milliers d’espèces. Il faut absolument entendre un des deux ministres, surtout le ministre de la Justice du Canada, si possible, sur un amendement de cette nature, pour savoir quelle sera l’intention du gouvernement à cet effet.
C’est un projet de loi qui commence avec la lettre « S », suivie de deux chiffres; c’est donc un projet de loi du gouvernement.
Le sénateur Klyne se comporte comme si c’était son projet de loi privé. Ce n’est plus son projet de loi privé, et le leader du gouvernement nous dit lui-même : « Je vais m’abstenir; je ne peux pas prendre position, parce que je ne connais pas la position du gouvernement. » Que voulez-vous que l’on fasse?
[Traduction]
La présidente : Nous allons maintenant mettre la motion aux voix. N’oubliez pas que la « clause de Noé » n’a pas encore fait l’objet d’un vote. Nous n’avons pas encore voté, donc nous n’avons encore rien élargi. Sénateur Dalphond, vous êtes le dernier témoin, excusez-moi, vous êtes le dernier intervenant au sujet de cette motion.
Le sénateur Dalphond : Je n’entends pas comparaître à titre de témoin.
La présidente : Je l’espère.
Le sénateur Dalphond : J’appréhenderais les questions que le sénateur Plett me poserait.
La présidente : Vous n’aurez jamais de craintes à cet égard.
Le sénateur Dalphond : La motion dont nous sommes saisis vise à ajourner le débat ou à le poursuivre. L’une des principales raisons étant qu’ils aimeraient entendre les ministres ou les représentants du gouvernement. Le représentant du gouvernement — le sénateur Gold — a dit que le gouvernement est disposé à examiner des amendements.
Le projet de loi en est à la première étape du processus, au Sénat, et pas à la deuxième étape où l’on effectue un second examen objectif. Notre chambre est la première des deux Chambres à être saisie de ce projet de loi. Si le projet de loi est renvoyé à la Chambre des communes, le gouvernement aura alors l’occasion de décider ce qu’il veut en faire. Il pourra décider s’il accepte cet amendement, ou encore, il pourra proposer d’autres amendements à l’étape de l’étude en comité. On préparera des rapports et bien d’autres choses. Nous devrions poursuivre notre examen et mener à bien le processus. Je vous remercie.
Le sénateur Plett : Le sénateur Dalphond a dit que la motion visait peut-être à ajourner le débat, mais ce n’est pas l’objectif de cette motion. Je l’ai déposée pour que nous suspendions la séance. Il y a une grande différence. Je ne vous demande pas de mettre fin au débat; je vous demande de faire ce qui est juste.
Le sénateur Klyne n’arrête pas de dire que Jane Goodall veut ceci ou que Jane Goodall pense que cela est une bonne chose. Peu m’importe; il a le droit de dire ces choses. Or, lors de son témoignage, un représentant de l’Institut Jane Goodall nous a dit qu’il ne parlait pas au nom de Jane Goodall et il a refusé de répondre à ma question. La question n’est pas de savoir ce que veut Jane Goodall. Nous débattons d’un projet de loi du gouvernement. Voilà ce dont il est question.
Si nous voulons étudier la loi de Jane Goodall, il nous suffit de convoquer des témoins à ce sujet. Mais ce n’est pas ce dont il est question ici. Je pense que le sénateur Klyne ne fait qu’ajouter des éléments à ce que je suggère. Il dit que Jane Goodall et l’Institut Jane Goodall veulent changer la portée de ce projet de loi. Alors, invitons Jane Goodall de nouveau pour l’écouter et entendre ses arguments. Nous pourrons ensuite décider si nous souhaitons modifier le projet de loi.
La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, vous plaît-il d’adopter la motion?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
La présidente : Nous allons procéder à un vote par appel nominal.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Jaffer?
La sénatrice Jaffer : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Batters?
La sénatrice Batters : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Boyer?
La sénatrice Boyer : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Carignan?
Le sénateur Carignan : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Gold?
Le sénateur Gold : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Klyne?
Le sénateur Klyne : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Plett?
Le sénateur Plett : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Prosper?
Le sénateur Prosper : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Simons?
La sénatrice Simons : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Tannas?
Le sénateur Tannas : Non.
M. Labrosse : Pour, 3; contre, 11; abstentions, aucune.
La présidente : Par conséquent, chers collègues, la motion est rejetée. Nous poursuivons le débat sur l’amendement présenté par le sénateur Klyne.
Sénateur Klyne, vous avez déjà traité du premier article, n’est-ce pas?
Le sénateur Klyne : Oui. Je dois toutefois corriger ce qu’on a dit, car je ne parle pas de la loi de Jane Goodall ici; je parle du projet de loi S-15. Cet amendement répond à la demande conjointe de l’Institut Jane Goodall du Canada et de neuf des principaux zoos et ONG de protection des animaux du Canada. Avec cet amendement, je réponds à leur demande.
La présidente : Honorables sénateurs, est-il proposé... Sénateur Plett, je vous ai demandé de présenter votre amendement à trois reprises. Vous avez dit que vous ne vouliez pas le faire.
Le sénateur Plett : Non, je n’ai pas dit que je ne voulais pas le faire.
La présidente : D’accord, faites-le.
Le sénateur Plett : Ciel... Pourquoi ne déclarez-vous pas tout simplement que le projet de loi est adopté? Nous pourrons ensuite rentrer à la maison.
La présidente : Je vous ai posé la question à trois reprises. Veuillez présenter votre amendement.
Le sénateur Plett : Nous étions saisis d’une motion, madame la présidente. Vous souhaitiez mettre cette motion aux voix et nous l’avons fait. J’ai maintenant un amendement, madame la présidente.
La présidente : Oui, allez-y.
Le sénateur Plett : Je propose l’amendement suivant :
Que la motion d’amendement soit modifiée au sous alinéa d)(ii) par adjonction, après le nouveau paragraphe 445.4(2), de ce qui suit :
« (2.1) Au moins cent quatre-vingts jours avant de faire la recommandation, il publie le projet de décret dans la Gazette du Canada, les intéressés se voyant accorder la possibilité de lui présenter leurs observations à cet égard.
(2.2) Avant de faire la recommandation, il consulte des représentants du secteur zoologique, des biologistes de la faune, des experts en soins animaliers et des représentants provinciaux responsables du bien-être animalier.
(2.3) Au moins trente jours avant de faire la recommandation, il fait déposer devant chaque chambre du Parlement un rapport exposant en détail :
a) les résultats des consultations prévues au paragraphe (2.2);
b) les données scientifiques ou autres à l’appui du projet de décret.
(2.4) Il publie le rapport sur le site Web du ministère de l’Environnement dans les dix jours suivant la date de son dépôt au Parlement. »
Il s’agit d’un sous-amendement à l’amendement du sénateur Klyne, qui obligerait le ministre à faire cinq choses. Premièrement, le ministre doit donner un préavis de son intention d’ajouter de nouvelles espèces, ce qui donnera le temps aux intervenants d’échanger avec le ministre, évitant ainsi des surprises dans l’industrie. Le sénateur Klyne avancera que le fait de prévenir les propriétaires les incitera à s’adonner à des pratiques répréhensibles, comme d’acheter des animaux dont l’acquisition est sur le point d’être interdite. Je dirais que cette mesure aura plutôt l’effet contraire. Lorsqu’ils apprendront qu’il leur sera interdit de se procurer une espèce donnée, les propriétaires qui ne répondent pas aux critères pour obtenir un permis réaliseront que leurs animaux sont sur le point de perdre toute valeur commerciale et qu’ils ne pourront plus les transporter au-delà des frontières provinciales et internationales.
Un jour, une personne peut posséder les animaux en toute légalité et ces animaux peuvent se reproduire sans sanction prévue par la loi, et le lendemain, cette personne commet un acte criminel si elle n’empêche pas ces animaux de se reproduire. N’oubliez pas que même si les gens qui gardent des animaux en captivité en ce moment jouiront d’un droit acquis, ce droit acquis ne s’appliquera pas à la reproduction des animaux, conformément au projet de loi qui prévoit que :
Quiconque possède des éléphants ou des grands singes en captivité est dans l’obligation légale de prendre des mesures raisonnables pour empêcher leur reproduction naturelle.
Cette mesure s’appliquerait également aux animaux désignés. Cela nécessitera des modifications immédiates des installations et des aires où se trouvent les animaux. Les animaux devront être séparés ou d’autres mesures devront être prises pour les empêcher de se reproduire. Des frais vétérinaires supplémentaires seront probablement engagés.
Par ailleurs, le propriétaire de l’animal devra déterminer s’il est admissible à un permis délivré par le gouvernement fédéral ou par une province lui permettant d’obtenir une exemption. Pour certains, il sera facile de le déterminer, tandis que pour d’autres, cela pourra prendre du temps. Quoi qu’il en soit, les propriétaires devront décider s’ils veulent garder ces animaux, sachant qu’il sera pratiquement impossible de les vendre, ou s’ils doivent les envoyer ailleurs.
Le sénateur Tannas a souligné que s’il s’agit d’ajouter de nouvelles espèces, ce projet de loi pourrait facilement causer beaucoup plus de tort que de bien aux animaux. Le zoo de Toronto ne peut accepter qu’un nombre limité de nouveaux félins. Qui s’occupera des quelque 7 000 félins qui appartiennent à des particuliers dans la seule province de l’Ontario, lorsque les propriétaires actuels décideront que les nouvelles formalités administratives et la menace de faire l’objet d’accusations criminelles ne valent pas les risques encourus?
Plutôt que de les inciter à acquérir davantage d’individus d’une espèce, un changement de statut juridique encouragera les propriétaires à se départir sans tarder des animaux avant que le gouvernement ne les interdise complètement. Nous serions bien malavisés d’accorder aux propriétaires actuels un délai raisonnable de six mois pour qu’ils puissent cerner les choix qui leur sont offerts, évaluer les risques et prendre des mesures correctives raisonnables.
La deuxième partie de mon sous-amendement oblige le ministre à mener des consultations avant de désigner une nouvelle espèce aux termes de ce projet de loi. Les deux parties suivantes de l’amendement exigent simplement que le ministre dépose deux rapports : l’un sur les données scientifiques qui appuient la désignation de la nouvelle espèce et l’autre sur les consultations qui ont été menées pour parvenir à cette décision.
La dernière partie du sous-amendement exige que les rapports soient publiés sur le site Web du gouvernement. Aucune de ces mesures ne devrait susciter la controverse.
Je vous exhorte à voter en faveur de cet amendement.
Le sénateur Tannas : Voilà un excellent exemple de la raison pour laquelle nous devrions communiquer nos intentions au sujet des amendements. J’ai eu l’occasion d’examiner cette question et de réfléchir à l’amendement du sénateur Klyne et à la « clause de Noé ». Je tiens à dire que nous n’en sommes plus à la partie étrange à laquelle nous étions confrontés. Madame la présidente, je pense que vous avez fait preuve d’une grande sagesse en décidant de nous donner le temps de démêler tout cela. Je vous en remercie.
L’amendement principal me pose problème. Le gouvernement a déposé une loi du Parlement après mûre réflexion et après avoir pris connaissance des souhaits de Jane Goodall et d’autres intervenants. Il a choisi cette voie. Nous sommes donc saisis d’une loi du Parlement qui vise à protéger les éléphants et les grands singes, et maintenant nous avons cette proposition, qui pourrait confier au Cabinet une grande partie du pouvoir du Parlement.
Je dois admettre que ce qui se trouve ici me rassure. Nous pourrions aller de l’avant avec cette idée. Le texte est très clair quant à la consultation qui doit avoir lieu, et il permet aux gens de prendre le temps de se préparer afin qu’il n’y ait pas d’abattage massif et d’autres conséquences imprévues.
C’est un peu exigeant, mais si nous déléguons des pouvoirs à un membre du Cabinet, je pense que le processus se doit d’être exigeant. Il se doit aussi d’être transparent. J’aime cette idée. Je peux imaginer de nombreux cas où cette idée du ministre...
La présidente : Excusez-moi de vous interrompre, sénateur Tannas. Lorsque vous dites « cette idée », faites-vous allusion à l’amendement du sénateur Plett?
Le sénateur Tannas : Oui, cette idée se trouve au paragraphe 445.4(2.3) proposé, qui stipule que le ministre est tenu de préciser qui il a réellement consulté. Je pense qu’il s’agit d’un bon amendement qui tient compte du souhait des membres du comité et d’autres acteurs d’adopter la « clause de Noé ». Il offre beaucoup de protection au Parlement et aux personnes touchées, et assure une protection contre les conséquences involontaires. La sénatrice Simons n’est pas experte en la matière, mais elle a immédiatement détecté une lacune à laquelle personne ne semble avoir pensé en ce qui concerne l’industrie de la fourrure. Quelles autres lacunes existe-t-il ?
Si nous allons de l’avant, il est entièrement responsable de prévoir un processus qui permet de tenir des consultations si on pense à quelque chose, et il faut que le ministre connaisse le résultat de ses consultations.
Je vais appuyer ce sous-amendement et, de ce fait, l’amendement. Je pense que cela renforce la mesure et montre, selon moi, que le Sénat, malgré ses imperfections, trouve parfois la bonne réponse. À mon avis, c’est la bonne réponse.
Le sénateur Cotter : Je suis d’accord avec les observations du sénateur Tannas.
Je voulais formuler une seule observation supplémentaire, que je considère respectueusement comme étant un argument encore plus fort que celui que le sénateur Plett a soulevé au sujet de ce sous-amendement. Le fait de désigner un animal en vertu de cet amendement en criminalise la possession. Nous devons prendre cette mesure avec grand sérieux. Si on place quelqu’un dans une situation où il commet — ou pourrait commettre — une infraction criminelle, il faut agir avec transparence, et il faut procéder de manière à ce que la décision de criminaliser cette activité soit prise avec prudence.
À l’heure actuelle, nous étudions ce projet de loi pour décider de la situation en ce qui concerne les éléphants et les grands singes, leur possession continue étant, dans certaines circonstances, une infraction criminelle. Pour ce qui est des autres créatures gardées en captivité, les gens qui ont — avec raison ou à tort — des préoccupations à cet égard ne disposent pas d’un comité sénatorial pour débattre de ce qu’il convient de faire. Je pense donc qu’il revient au ministre de mettre en place un processus pour que la décision soit délibérée et transparente. Je ne sais pas vraiment si les délais proposés par le sénateur Plett sont adéquats ou non, mais il me semble que c’est une approche parfaitement justifiable, si je puis dire, pour améliorer l’amendement qu’il n’aime pas tellement.
La présidente : Sénateur Tannas, puis-je vous demander un éclaircissement? Je suis désolée de vous poser cette question, mais avez-vous dit que vous seriez à l’aise d’appuyer l’amendement du sénateur Klyne si cet amendement était adopté? Est-ce bien ce que vous avez dit?
Le sénateur Tannas : Oui.
La présidente : Je vous remercie. Je voulais juste éclaircir ce point.
Le sénateur Dalphond : Je ne veux pas ajouter grand-chose au débat, sauf pour dire qu’il est ici question de la réaction du gouverneur en conseil par décret. Je pense que quelqu’un a fait allusion au fait que le gouvernement pourrait agir au moyen de règlements, de décrets et d’autres mesures, auquel cas le processus est différent. Le règlement doit être publié, et fera donc l’objet d’un préavis et de consultations. Il y aura ensuite une autre publication et toutes les autres dispositions. Il y a un processus à suivre. Le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation pourrait même invalider le règlement.
Je pense que ce que le sénateur Plett essaie d’obtenir, c’est un résultat similaire pour prévoir du temps — une pause — et disposer d’un moyen pour consulter les intervenants pour en connaître les intérêts et les considérations, et aussi pour s’adapter en vue à la transition, le cas échéant.
Il me semble que c’est une façon assez élaborée de procéder. Si nous n’utilisions que les mots « par règlement » — ou groupe de décrets —, nous parviendrions peut-être à nos fins. Cela étant dit, je ne m’oppose pas au principe et à l’idée qui le sous-tend, sous réserve de voir une copie du libellé exact, que je n’ai pas eu l’avantage de lire. Il semble concerner les paragraphes 445.4(2.1), 445.4(2.2), 445.4(2.3) proposés. Est-ce dans la documentation? Je ne l’ai pas vu, désolé. Eh bien, si c’est devant nous, je suis d’accord.
Le sénateur Klyne : Je vous en remercie.
Honorables sénateurs, ce sous-amendement imposerait des exigences administratives supplémentaires au gouvernement pour l’exercice de la « clause de Noé ». Il n’y a peut-être rien de mal à cela, mais il est question ici d’un préavis de six mois dans la Gazette du Canada, d’exigences de consultation et de rapports au Parlement. Je suis très intéressé par les réflexions de mes collègues à ce sujet. Je remercie le sénateur Tannas et le sénateur Cotter de leurs observations. Cependant, je m’inquiète du fait qu’on accorde aux zoos et aux amateurs d’animaux exotiques bénéficiant d’un droit acquis un préavis de six mois pour les espèces sauvages qui pourraient bientôt être interdites. Si nous avisons les gens six mois à l’avance, il pourrait survenir certaines choses que nous ne souhaitons pas voir se produire.
Par conséquent, je vous propose un délai d’un maximal de 60 jours. Merci.
Le sénateur Gold : Je me demande si les fonctionnaires pourraient nous expliquer dans quelle mesure le sous-amendement que nous examinons fait double emploi avec les dispositions actuellement en place, s’il y ajoute quelque chose ou s’il entre en conflit avec elles, qu’elles figurent dans la Loi sur les textes réglementaires, la Directive du Cabinet sur la réglementation ou d’autres mesures. Je sais qu’il y a des consultations, des publications et des démarches de ce genre. Aidez-nous à comprendre ce que cette disposition change, le cas échéant, et comment elle cadrerait avec le régime actuel pour les décisions du Cabinet.
Mme Lane : Une grande partie de ce que vous avez dit est juste. Je crois que le sénateur Dalphond a également parlé de certaines exigences de la Directive du Cabinet sur la réglementation et de la Loi sur les textes réglementaires, qui requièrent une publication préalable. Aucune exemption n’est proposée dans cette motion. Je présume donc qu’elle exige une publication préalable dans la Gazette du Canada.
La directive du Cabinet exige 30 jours, alors que d’autres lois et d’autres exemples en exigent 60. Ici encore, je n’ai pas fait de recherche exhaustive, mais je n’ai jamais vu de délai de 180 jours et je ne sais pas s’il en existe dans d’autres lois.
L’exigence supplémentaire de faire rapport de vos consultations est également requise en vertu de la directive du Cabinet. Certains ministères produisent un rapport intitulé Ce que nous avons entendu, alors que d’autres préparent le rapport au moment de la publication du règlement final ou, dans le cas présent, du décret final dans la Partie II de la Gazette du Canada et publieraient en quelque sorte un résumé des consultations menées auprès des parties prenantes et des peuples autochtones, ainsi qu’un résumé de l’étude d’impact de la réglementation qui expose les conséquences — économiques et autres — du règlement proposé.
Le seul élément supplémentaire que je vois dans ce projet de loi — et, je le répète, je ne connais pas d’autres précédents, et j’ignore si mes collègues en ont vu —, c’est simplement la publication supplémentaire d’un rapport par le ministre dans les chambres du Parlement, qui s’ajoute aux exigences en matière de consultation réglementaire. La motion ne précise pas à quelle fin le rapport doit être publié et si le Parlement peut y réagir ou non. Je pense que ce sont là les principales différences.
Essentiellement, je pense que l’esprit de la motion, qui vise à faire en sorte que les Canadiens sachent qu’une règle pourrait changer, figure déjà dans la Directive du Cabinet sur la réglementation.
Le sénateur Cotter : Puis-je poser une brève question complémentaire à celle du sénateur Gold? Y a-t-il d’autres dispositions dans le Code criminel qui permettent au Cabinet de criminaliser un comportement par voie de règlement? Ces mêmes règles s’appliquent-elles?
Me Godlewski : Merci de votre question, sénateur.
Il existe certainement d’autres processus faisant intervenir le gouverneur en conseil dans le Code criminel et dans le droit pénal en général. Par exemple — je ne me souviens pas quel sénateur en a parlé aujourd’hui —, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances prévoit une procédure selon laquelle des drogues peuvent être ajoutées aux annexes de cette loi par décret du gouverneur en conseil.
Le Code criminel et le droit pénal comprennent certainement d’autres processus faisant intervenir le gouverneur en conseil, mais, à ma connaissance, les exigences administratives qui seraient imposées en plus de celles dont mon collègue a déjà parlé constitueraient quelque chose de nouveau.
Le sénateur Cotter : Je vous remercie.
Le sénateur Dalphond : Vous avez fait référence à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, mais est-ce aussi le cas pour les armes? Le gouverneur en conseil peut-il ajouter des listes d’armes à feu qui peuvent être interdites?
Mme Lane : Je pense que vous avez probablement raison, sénateur Dalphond, mais je n’en suis pas absolument certaine. Si toutefois vous cherchez un autre exemple, je pourrais vous donner celui de la conduite avec facultés affaiblies, dans le contexte de laquelle le gouverneur en conseil peut, en vertu du projet de loi C-46, ajouter de nouvelles drogues à un règlement qui ferait en sorte qu’il soit criminel de conduire avec certaines drogues dans le sang. C’est un exemple du droit pénal que je connais mieux et qui crée une structure semblable lorsque le gouverneur en conseil prend un décret. Toutefois, comme mon collègue l’a indiqué, cela n’impose pas d’exigences administratives au ministre, à part celles déjà prévues dans le processus des textes réglementaires.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie.
La sénatrice Batters : Je voulais formuler une brève remarque. Un peu plus tôt dans le cadre de la présente discussion, le sénateur Dalphond a mentionné le fait que ces exigences pourraient être lourdes. Le sénateur Klyne a ensuite dit qu’il s’agirait effectivement d’exigences administratives supplémentaires pour le gouvernement. Eh bien, je l’espère, sérieusement. Il y a une grande différence ici. Le projet de loi fait mention des éléphants et des grands singes. Il y aura tout un éventail d’autres espèces qui seront dans un genre de situation différent. Bien entendu, il faut qu’il y ait des éléments administratifs lourds et très importants. Je remercie le sénateur Plett d’avoir présenté ce projet de loi pour essayer d’éviter des exemples vraiment terribles.
Je n’en reviens pas que nous soyons assis ici et que nous ne sachions même pas si les ministres de la Justice et de l’Environnement sont en faveur de cet amendement, et s’ils l’accepteront au nom du gouvernement, car le leader du gouvernement au Sénat a dit qu’il ne prend pas position à ce sujet. J’en suis encore stupéfaite.
Le sénateur Tannas : Je vous remercie de vos comparaisons et de vos autres observations. Je suis plus convaincu par ce que le sénateur Cotter a dit et le fait que l’ajout d’une espèce... Il n’existe pas d’association canadienne de propriétaires de python avec un bureau sur la rue Sparks qui va prendre cette mesure comme un signal pour agir. Nous instaurerions un acte criminel. Or, il s’agit de quelque chose que bien des gens font déjà, n’est-ce pas? Et maintenant, nous allons rendre cet acte illégal.
Je suis en paix avec l’idée d’accorder un délai plus long et d’imposer une obligation de rendre des comptes, parce que si quelqu’un est accusé et dit qu’il ne savait pas que c’est illégal, je pense qu’il est primordial d’avoir fait preuve de transparence jusqu’au Parlement dans le cadre des efforts déployés aux fins de consultation au sujet des personnes qui ont été consultées. Un grand nombre de citoyens ordinaires ne suivent pas ce qui se passe à Ottawa. Il faudra un certain temps pour que l’information leur parvienne. Par conséquent, je pense que le traitement mérite d’être différent.
[Français]
Le sénateur Carignan : J’écoute les gens. J’ai entendu votre réponse sur la consultation des peuples autochtones. Est-ce qu’on ne devrait pas l’ajouter dans la consultation? Pensez-vous que le ministre ou le Cabinet devrait le faire en vertu d’une autre loi?
[Traduction]
Mme Lane : Dès qu’il y a un risque d’atteinte aux droits autochtones ou issus de traités, le gouvernement du Canada a l’obligation de consulter les Autochtones et, dans la mesure du possible, de s’adapter à ces droits. C’est une obligation constitutionnelle. Quant à savoir si cette démarche s’ajoute ou non dans un contexte distinct de l’obligation de consulter, c’est au Sénat de décider s’il veut ajouter les peuples autochtones à cette liste.
[Français]
Le sénateur Carignan : On devrait peut-être ajouter les peuples autochtones. Avec votre permission, je proposerais un sous-sous-amendement au paragraphe 445.4(2.2).
La présidente : Le greffier m’a dit que ce n’était pas possible de proposer un sous-amendement.
Le sénateur Carignan : Pourquoi?
La présidente : Je suis désolée, c’est l’avis que l’on m’a donné. On m’a dit qu’il était nécessaire de —
[Traduction]
... rejetez le présent amendement, puis vous pourrez proposer le vôtre.
Le sénateur Carignan : Je dois rejeter...
La présidente : On ne peut amender un sous-amendement. C’est ce que le greffier m’indique.
Le sénateur Plett : J’ai une question à ce sujet. Si nous adoptons l’amendement, pourrait-il quand même proposer son amendement?
Le sénateur Prosper : J’avais une question pour le sénateur Klyne. Cela pourrait peut-être attendre son retour. Cela concerne le sous-amendement et je ne voudrais pas en parler alors qu’il est à l’extérieur de la salle. Je veux connaître son point de vue sur le délai. Il a parlé de certaines situations qui pourraient se présenter si le délai est plus long. Je voulais simplement savoir ce qu’il en pensait.
La présidente : Nous avons maintenant perdu deux personnes. Nous suspendrons donc la séance pour cinq minutes. Oui, sénatrice Simons?
La sénatrice Simons : Je ne peux pas parler de ce que le sénateur Klyne avait à l’esprit, sénateur Prosper, mais j’imagine qu’il s’agit de gens qui pourraient libérer leur lion dans les bois ou lui tirer une balle dans la tête. Je ne dis pas que c’est ce qu’ils sont susceptibles de faire, mais on peut certainement imaginer une situation hypothétique où, si quelqu’un découvre qu’il va être criminalisé parce qu’il possède un jaguar — pas la voiture —, il pourrait simplement le libérer dans les bois de la baie Georgienne, avec les conséquences fâcheuses que cela pourrait avoir.
La présidente : Chers collègues, le sénateur Klyne est là. Sénateur Klyne, pouvez-vous répondre à une question? Sénateur Prosper, veuillez répéter votre question.
Le sénateur Prosper : Je viens de poser une question au sujet du sous-amendement proposé par le sénateur Plett.
Au cours d’une de vos réponses, je vous ai entendu suggérer un délai plus court que celui proposé dans le sous-amendement, et ce, pour des raisons précises. Vous avez dit qu’avec un préavis plus long, certaines situations pourraient se présenter. Je suppose que ce que je veux principalement savoir, c’est pourquoi le délai plus court.
Le sénateur Klyne : Le délai plus court était justement l’idée. Je m’intéressais davantage aux animaux exotiques.
Le sénateur Prosper : Vous avez proposé un certain nombre de jours plutôt que le délai proposé, et il y avait des raisons à cela.
Le sénateur Klyne : Le délai est de six mois.
Le sénateur Prosper : Oui.
Le sénateur Klyne : Ce délai accorde trop de temps à ceux qui, par exemple, possèdent des animaux exotiques. J’ai fait référence aux zoos privés et aux animaux exotiques. Je considère que c’est trop de temps pour cette catégorie.
La présidente : Honorables sénateurs, nous allons passer à l’amendement du sénateur Plett. Honorables sénateurs, il est proposé par le sénateur Plett.
Que la motion d’amendement soit modifiée de nouveau à l’article 1, à la page 3, à la ligne 20.
Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter le sous-amendement?
Des voix : Oui.
La présidente : Sénateurs, je ne pense pas qu’un vote par appel nominal soit nécessaire
Une voix : Non.
Le sénateur Gold : Je veux que le procès-verbal indique que je m’abstiens.
Le sénateur Carignan : Puis-je proposer mon sous-amendement?
[Français]
La présidente : Donnez-moi un instant, s’il vous plaît.
[Traduction]
Sénateurs, est-ce que tout le monde est d’accord?
Le sénateur Carignan veut proposer un sous-amendement.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je m’excuse, j’improvise un peu. Au paragraphe 445.4(2.2), après les mots « des experts en soins animaliers », j’ajouterais les mots « des représentants des peuples autochtones ». Je ne sais pas si j’ai la bonne formulation, vous pourrez me corriger, mais vous comprenez mon intention.
[Traduction]
La sénatrice Boyer : Ce que je voulais vous dire, c’est qu’en ce qui concerne les représentants des peuples autochtones, nous avons besoin de représentants concernant l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, pour qu’il soit parfaitement clair qu’ils ont ces droits.
Le sénateur Carignan : Nous pourrions employer ces mots.
La présidente : Sénateur Carignan, le greffier législatif doit préparer l’amendement, et comme c’est le bon moment, nous l’aurons demain et le mettrons aux voix.
[Français]
Ne vous inquiétez pas, le sénateur Plett sera ici.
[Traduction]
Le sénateur Carignan : Le proposerez-vous?
Le sénateur Plett : Oui.
Le sénateur Carignan : Vous me représenterez équitablement et adéquatement?
Le sénateur Plett : Je veillerai à ce que votre remplaçant vote judicieusement.
Le sénateur Cotter : C’est une intervention valable en ce qui concerne le niveau d’amendement, mais il me semble que nous devrions dire que, puisque nous obligeons le ministre à consulter, cela devrait être là où c’est pertinent. Les Autochtones devraient-ils avoir à se prononcer sur les jaguars? Je ne sais pas.
La présidente : Nous pouvons le demander au greffier.
Le sénateur Cotter : Ce n’est qu’une question pour contribuer à établir le libellé.
La présidente : Sénateurs, vous avez été extrêmement patients. Je vous en remercie. Nous continuerons demain, en espérant que cela ira plus vite. Merci beaucoup.
Je tiens à remercier les fonctionnaires de leur contribution. Vous nous avez été d’une grande aide, et j’espère que vous reviendrez demain.
(La séance est levée.)