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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 7 juin 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 19 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants.

Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour à tous. Avant de commencer, j’aimerais demander aux sénateurs de se présenter.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Sénatrice Paula Simon du territoire visé par le Traité no 6 en Alberta.

La sénatrice Busson : Bev Busson de la Colombie-Britannique, marraine de ce projet de loi.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas de l’Alberta.

La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Klyne : Marty Klyne du territoire visé par le Traité no 4 en Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, division sénatoriale De Lorimier, au Québec.

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, division sénatoriale La Salle, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Kim Pate. Je vis sur le territoire non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Bienvenue au ministre et aux fonctionnaires qui l’accompagnent.

La sénatrice Batters : Denise Batters de la Saskatchewan.

Le président : Je m’appelle Brent Cotter. Je suis un sénateur représentant la Saskatchewan et je préside ce comité.

Nous entreprenons aujourd’hui notre étude du projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants. Je tiens à souligner que la sénatrice Busson, qui est des nôtres aujourd’hui, est la marraine de ce projet de loi, comme elle vient elle-même de l’indiquer, et que le sénateur Boisvenu est le porte‑parole en la matière.

Avant de présenter nos témoins, je veux juste mentionner que le ministre Lametti est en fait virtuellement présent à la Chambre des communes, et qu’il pourrait devoir participer à un vote par voie électronique. Il est donc possible que nous devions nous interrompre brièvement pour lui permettre d’exercer son droit de vote. Nous prendrons ainsi une brève pause lorsque la situation se présentera.

Nous accueillons donc l’honorable David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Il est accompagné aujourd’hui de Me Matthew Taylor que nous nous réjouissons de recevoir encore une fois. Me Taylor est avocat général et directeur de la Section de la politique en matière de droit. Nous souhaitons également la bienvenue à Me Joanna Wells, avocate principale par intérim, Section de la politique en matière de droit pénal. Est également présente, bien qu’elle ne soit pas avec nous à cette table, Me Isabelle Desharnais, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal.

Comme toujours, vous avez cinq minutes, monsieur le ministre, pour nous présenter vos observations préliminaires, après quoi les sénateurs pourront échanger avec vous. À vous la parole.

[Français]

L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui du projet de loi S-12.

[Traduction]

Je reconnais d’emblée que ce projet de loi traite de questions délicates et complexes. Les crimes sexuels sont un véritable fléau que les dispositions de notre droit pénal doivent nous permettre d’endiguer. C’est précisément ce que l’on souhaite faire avec le projet de loi S-12.

[Français]

Ce projet de loi est une priorité pour le gouvernement pour de nombreuses raisons. L’ensemble de ces réformes s’appuie sur les efforts considérables déployés par notre gouvernement pour lutter contre la délinquance sexuelle et pour mieux soutenir les victimes d’actes criminels.

[Traduction]

Nous n’avons d’autre choix que de passer à l’action. Si ce projet de loi ne reçoit pas la sanction royale d’ici le 29 octobre, les tribunaux ne pourront plus exiger que le nom d’un délinquant sexuel soit inscrit dans le registre national. C’est un résultat qui serait inacceptable. En outre, le projet de loi comporte d’importantes mesures visant à fournir de nouveaux outils aux victimes de violence sexuelle grâce à la réforme du régime des interdictions de publication.

Les victimes ne vivent pas toutes leur expérience de la même façon. Il est crucial de permettre à ceux et celles qui le désirent de raconter leur histoire. Nous sommes fiers de collaborer avec les victimes afin de veiller à ce que notre système de justice pénale les traite avec le respect et la dignité qu’elles méritent.

[Français]

Permettez-moi maintenant de vous décrire les éléments essentiels du projet de loi. Dans l’affaire Ndhlovu, la Cour suprême du Canada a jugé que certains aspects du registre étaient incompatibles avec la Charte canadienne des droits et libertés. C’était notamment le cas pour l’exigence d’enregistrement automatique, ainsi que l’enregistrement à perpétuité pour les délinquants condamnés pour des infractions multiples dans le cadre d’une même poursuite.

Notre réponse propose d’exiger l’enregistrement obligatoire pour un petit groupe de cas particulièrement graves et d’exiger par présomption l’enregistrement pour tous les autres individus.

Dans ces cas de présomption, un individu devra démontrer que, dans son cas, l’enregistrement porterait indûment atteinte à ses droits.

Certains types d’infractions sexuelles sont manifestement haineuses et préjudiciables à la société. Dans ces cas, l’inscription automatique demeure appropriée.

[Traduction]

C’est pour cette raison que le projet de loi S-12 propose le maintien de l’enregistrement automatique dans deux situations, soit pour les personnes ayant commis un crime sexuel grave à l’encontre d’un enfant et pour tous les délinquants sexuels qui récidivent.

Selon nous, l’approche que nous adoptons permet d’en arriver à un juste équilibre entre la protection du public et le respect des droits conférés par la Charte. Pour ceux que cela pourrait intéresser, j’ai déposé l’énoncé relatif à la Charte pour ce projet de loi et il peut être consulté sur le site Web du ministère de la Justice.

[Français]

Le projet de loi S-12 propose d’autres changements pour répondre à la décision de la Cour suprême concernant l’enregistrement automatique à vie.

Les réformes proposées permettraient aux tribunaux d’ordonner l’enregistrement à vie dans les cas où le profil indique que l’individu présente un risque de récidive.

Quelques autres formes incluraient les éléments suivants : premièrement, l’ajout de nouvelles infractions à la liste de celles pouvant faire l’objet d’une ordonnance, telles que la distribution non consensuelle d’images intime et la sextorsion, afin qu’un plus grand nombre de personnes puissent être enregistrées lorsque cela est approprié.

Deuxièmement, il y a l’obligation pour les personnes condamnées à l’étranger pour délit sexuel de fournir davantage d’informations à la police en arrivant au Canada. Cela renforcerait la capacité de la police à déterminer si ces personnes devraient être obligées de s’enregistrer au Canada.

Troisièmement, il y a l’obligation pour les personnes enregistrées de fournir un préavis de 14 jours pour tout voyage, ainsi que l’adresse précise de leur destination. Cela permettrait à la police de mieux évaluer les risques et, si nécessaire, alerter d’autres forces de l’ordre au sujet du voyage de l’individu.

Enfin, le projet de loi S-12 met en place de nouveaux mécanismes pour faciliter l’application et le respect de la loi. Il s’agit notamment de nouvelles dispositions relatives au mandat qui permettrait à la police d’arrêter un délinquant qui ne respecte pas ses obligations en matière de déclaration et de l’amener dans un bureau d’inscription afin de faciliter le respect de ses obligations.

[Traduction]

Le cadre que nous proposons pour l’application de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels sera plus efficace que le système actuel. Nous voulons nous assurer que les forces de l’ordre disposent des meilleurs outils possible pour protéger les Canadiens contre les crimes sexuels.

Cela m’amène à vous parler du second objectif du projet de loi S-12 qui est tout aussi important. On y propose des changements cruciaux pour répondre aux besoins des survivants et des victimes, y compris dans les cas de violence sexuelle. Il s’agit de procurer de meilleurs moyens d’action aux personnes survivantes en modernisant les règles applicables aux interdictions de publication et en consolidant le droit pour une victime d’avoir accès à l’information conformément à la Charte canadienne des droits des victimes.

Le régime des ordonnances de non-publication a été instauré au départ pour permettre aux victimes, aux survivants et aux témoins de participer au processus judiciaire sans avoir à subir les conséquences négatives de la divulgation de leur identité. Le fait d’avoir la certitude qu’une interdiction de publication sera décrétée peut aussi inciter les victimes à signaler des crimes qui ne sont pas toujours dénoncés, ce qui comprend les crimes sexuels.

Cependant, certaines victimes ont exprimé la volonté d’avoir davantage leur mot à dire par rapport aux interdits de publication, aussi bien lorsqu’ils sont décrétés au départ que lorsque vient le temps par la suite de les révoquer ou de les modifier. Certaines victimes voudraient en fait que le système judiciaire leur permette de partager plus librement leurs expériences avec d’autres, si c’est ce qu’elles choisissent de faire.

J’ai la ferme conviction qu’il faut permettre aux survivantes de la violence sexuelle de relater à leur guise les expériences qu’elles ont vécues.

Suivant les nouvelles mesures proposées, les procureurs seraient tenus de prendre des mesures raisonnables pour consulter les victimes avant de demander une interdiction de publication. On apporte de plus des éclaircissements quant au processus de révocation ou de modification de ces interdictions, car certaines survivantes ont indiqué que ce processus était compliqué et qu’il était difficile de s’y retrouver.

Je tiens à préciser que toute personne souhaitant que son identité soit protégée par un interdit de publication pourra encore s’en prévaloir. Il s’agit d’offrir à chacun la liberté d’agir à sa guise en veillant à ce que la loi assure une protection à ceux qui le souhaitent sans toutefois réduire au silence ceux qui veulent s’exprimer.

Le projet de loi fera entrer le régime d’interdiction de publication dans l’ère numérique en faisant en sorte que les dispositions s’appliquent au matériel archivé sur Internet. On réglera ainsi les enjeux liés à l’information publiée avant que l’interdiction s’applique.

Enfin, le projet de loi S-12 répond aux préoccupations exprimées par l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels et d’autres défenseurs des droits des victimes qui ont fait valoir qu’il est souvent difficile pour les victimes d’avoir accès à l’information au sujet d’un dossier criminel après le procès et la détermination de la peine.

S’inspirant de la Charte canadienne des droits des victimes, le projet de loi S-12 exigera du tribunal qu’il demande à la victime si elle veut avoir accès à de l’information sur le cas la concernant après l’étape de la détermination de la peine. Dans le cas des contrevenants dont la peine d’incarcération est de deux ans ou plus, le tribunal devrait transmettre les coordonnées de la victime au Service correctionnel du Canada afin que celui-ci ainsi que la Commission des libérations conditionnelles du Canada puissent lui communiquer plus facilement de l’information.

Grâce à ces changements, les survivantes et les survivants pourront obtenir des informations importantes sur leur cas quand ils le souhaiteront. Ceux et celles qui veulent plutôt passer complètement à autre chose pourront le faire également. C’est un choix qui doit appartenir aux victimes, et non au gouvernement.

Je sais que certains militants ont fait valoir que des changements pourraient être apportés à ce projet de loi afin que les réformes proposées soient encore plus efficaces. J’ai entendu les préoccupations ainsi exprimées, et je suis déterminé à faire en sorte que le projet de loi S-12 atteigne ses objectifs en parvenant au juste équilibre recherché. Nous voulons nous assurer de bien faire les choses.

C’est dans cette optique que les gens de mon bureau ont travaillé en étroite collaboration avec les victimes et leurs défenseurs au cours des dernières semaines. C’est ainsi que j’ai eu l’honneur de rencontrer plusieurs personnes survivantes qui ont pu me raconter leur expérience à l’occasion de l’initiative Ma voix, mon choix au début du mois de mai.

Je tiens à remercier les survivantes de la violence sexuelle qui nous ont exposé leur vécu, ainsi que leurs défenseurs, de l’aide qu’ils nous apportent pour améliorer ce projet de loi. Sachez que nous vous avons entendu. Vos efforts vont faire du Canada un pays encore plus solide. Merci.

Le président : Merci, monsieur Lametti.

Nous passons aux questions des sénateurs en commençant par le vice-président du comité, le sénateur Boisvenu, qui sera suivi de la marraine du projet de loi, la sénatrice Busson.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bonjour, monsieur le ministre. Je salue également vos collègues.

Il y a une partie du projet de loi avec laquelle je suis très mal à l’aise.

Vous avez dit que l’inscription sera obligatoire dans les cas d’agressions sur des enfants. Pour une femme agressée sexuellement, l’inscription ne sera pas obligatoire. Est-ce exact?

M. Lametti : Ce ne sera pas obligatoire, mais il y a une présomption de base permettant que ce soit enregistré. La Cour suprême a dit que les enregistrements automatiques étaient, grosso modo, contraires à la Charte. Elle nous a donné un an pour apporter des changements.

Le sénateur Boisvenu : Si elle est contraire à la Charte, pourquoi incluez-vous juste les enfants? C’est aussi contraire à la Charte.

M. Lametti : On a ciblé une tranche très mince de cas où les victimes sont particulièrement vulnérables. Nous croyons que nous restons dans les dispositions de la Charte en faisant ça.

Le sénateur Boisvenu : Lorsqu’on est devant un professeur qui agresse des étudiants ou des personnes qui sont sous leur autorité, ces derniers sont des gens qui ont une certaine vulnérabilité aussi.

M. Lametti : C’est vrai, mais on veut respecter la décision de la Cour suprême. On a établi la base comme une présomption d’enregistrement, comme la Cour suprême nous l’a dit et comme le comité l’avait recommandé au gouvernement conservateur en 2010. On accepte donc une suggestion faite par nos collègues parlementaires.

Le sénateur Boisvenu : Vous comprendrez que je ne partage pas votre point de vue. Je pense qu’on aurait dû inclure les femmes dans ce projet de loi, tout comme les enfants. Il faut penser aux femmes qui sont dans une situation de vulnérabilité, par exemple, dans les cas de violence conjugale, où elles sont dominées par un homme et agressées sexuellement.

M. Lametti : La Cour suprême a clairement dit, monsieur le sénateur, qu’un enregistrement automatique était difficile à justifier en vertu de la Charte. On a trouvé...

Le sénateur Boisvenu : Votre raisonnement, monsieur le ministre, devrait s’appliquer aux enfants aussi. Vous faites une dichotomie intellectuelle, et cela ne me satisfait pas.

Vous dites que vous donnez aux victimes les pleins pouvoirs. Pourquoi, dans la loi, considère-t-on comme un acte criminel une victime qui dévoile par erreur de l’information sur sa cause, de l’information qui ne peut être divulguée? Dans un tel cas, lorsque la victime a commis une erreur en donnant de l’information, est-ce qu’on n’aurait pas pu au moins lui donner le bénéfice du doute?

L’autre élément, c’est que dans le cas d’une victime qui parlerait à un médecin ou un thérapeute dans un contexte où elle ne peut divulguer les informations liées au procès, cela serait aussi considéré comme un acte illégal.

M. Lametti : À ma connaissance, dans le contexte médical, un professionnel est obligé de garder le secret. Je vais demander aux experts qui sont à côté de moi de répondre à votre question.

Le sénateur Boisvenu : Ce n’est pas indiqué dans le projet de loi. Dans le projet de loi, on dit que les victimes ne peuvent parler de rien à personne, y compris à un thérapeute. Par exemple, on a adopté le projet de loi S-206 concernant la divulgation de renseignements par des jurés et on devrait adopter la même attitude en ce qui a trait aux victimes, à savoir qu’elles ont le droit de parler à un thérapeute. N’êtes-vous pas d’accord?

M. Lametti : À ma connaissance, c’est déjà prévu dans le projet de loi, mais on peut regarder cela plus précisément.

Le sénateur Boisvenu : On pourrait proposer un amendement pour clarifier cette question.

[Traduction]

Le président : Il faut laisser au ministre et à ses collaborateurs la chance de répondre à la question.

Me Matthew Taylor, avocat général et directeur, Section de la politique en matière de droit, ministère de la Justice du Canada : Il est difficile de répondre précisément à cette question dans l’absolu, car cela dépendra de la façon dont le tribunal... mais ce sont d’abord et avant tout les faits en cause qui seront déterminants. Cela dépendra également du niveau de connaissance de la personne, mais nous comprenons certes la question. Comme le ministre vous l’indiquait, cela fait partie des éléments qu’il s’est engagé à considérer de plus près.

Le président : Sénatrice Busson?

La sénatrice Busson : Je crois que le ministre a besoin d’un petit moment.

Le président : Vous avez une question très pointue à lui poser, et…

La sénatrice Busson : C’est bien cela.

Le président : Vous voulez vous assurer d’avoir toute son attention. Nous allons attendre un instant.

De ce côté-ci de la table, monsieur Lametti, nous étions en train de nous demander si vous paraissiez mieux avec ou sans lunettes.

M. Lametti : Il arrive que le logiciel de reconnaissance faciale fonctionne mieux sans le reflet de mes lunettes, surtout avec l’éclairage.

La sénatrice Busson : Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur le ministre, Me Wells et Me Taylor de votre présence aujourd’hui.

Je suis fière d’être la marraine de ce projet de loi important et urgent. J’ai une question à propos des dispositions touchant l’interdiction de publication.

L’amendement proposé au paragraphe 486.4(1) du Code criminel vise à faire en sorte que le juge qui reçoit une requête d’interdit de publication soumise par le procureur demande à celui-ci si des mesures raisonnables ont été prises pour consulter la victime.

Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette exigence de consultation et la mesure dans laquelle elle permet aux victimes d’agression sexuelle d’avoir davantage leur mot à dire dans le processus?

M. Lametti : Merci, d’abord et avant tout, d’avoir accepté de parrainer ce projet de loi. Je peux vous assurer, sénatrice, que le gouvernement vous est très reconnaissant du travail que vous accomplissez.

Avant même ce projet de loi, il est d’ores et déjà présumé qu’une interdiction de publication sera décrétée. Des victimes nous ont indiqué n’avoir jamais eu la chance de s’exprimer quant à cet interdit de publication avant le début du procès.

Nous sommes conscients que ce n’est pas toujours chose facile. Nous savons qu’il arrive que la victime ne soit pas présente à la toute première audience.

Nous voulions faire en sorte que le juge soit tenu, de concert avec le procureur de la Couronne particulièrement, de parler à la victime pour savoir ce qu’elle pense de l’interdiction de publication. C’est ce qu’on appelle en justice une obligation de moyens, c’est-à-dire que l’on doit faire de son mieux pour obtenir le résultat visé.

De plus, nous avons apporté des éclaircissements quant à la suite du processus de telle sorte qu’une victime qui ne souhaitait pas d’interdit de publication au départ, ou qui a décidé pendant le procès ou par la suite qu’elle voulait pouvoir raconter publiquement son histoire, puisse dorénavant le faire. C’est un droit issu de la common law. Comme les victimes et les survivants nous ont dit que le processus était souvent très lourd, nous avons voulu nous assurer que chacun comprenne bien qu’il avait le droit de s’adresser au juge pour demander un changement.

La sénatrice Busson : Pour que les choses soient bien claires, je ne sais pas si vous voudriez nous expliquer le sens exact que l’on donne aux termes « consultation » et « consentement » dans le contexte de ce projet de loi.

M. Lametti : Il y a encore une présomption implicite qu’il y aura un interdit de publication au début des procédures judiciaires afin de protéger aussi bien les témoins que les survivants et les victimes. C’est en fait à la victime de s’exprimer pour indiquer qu’elle ne souhaite pas une telle interdiction.

Le point de vue de la victime sera déterminant à moins qu’un motif prépondérant nous oblige à ne pas acquiescer à une telle requête — par exemple, lorsqu’il y a plusieurs victimes et qu’elles ne sont pas toutes du même avis à ce sujet. On pourrait parler en l’espèce d’un processus enrichi de consultation, en ce sens que son résultat sera déterminant dans la plupart des cas.

La sénatrice Busson : Merci beaucoup pour votre réponse.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Bienvenue, monsieur le ministre, encore une fois. Nous nous voyons presque toutes les deux semaines.

Ma question est au sujet des procédures pour enlever l’interdiction de publication. Je vois qu’on ajoute un article où on dit que la victime peut demander à la cour de modifier l’ordonnance. Qu’est-ce que cela veut dire, « la victime peut demander »? Faut-il qu’elle engage un avocat ou qu’elle fasse une demande à la cour? Est-ce la Couronne qui va dire à la victime qu’elle souhaiterait qu’on enlève cette interdiction de publication et prendra l’affaire en main et ira voir le juge?

J’ai rencontré, comme vous, ces groupes dont My voice, My choice. Je me rappelle le cas de la mairesse de Longueuil, qui a rendu publique sa situation, ce qui a eu un effet très positif. Plusieurs autres personnes sont allées dénoncer des agressions sexuelles, ce qu’elles n’auraient pas fait auparavant.

J’aimerais savoir si la procédure sera simplifiée pour faire en sorte que ces victimes n’aient pas à engager des frais pour obtenir une levée de l’interdiction.

M. Lametti : C’est certainement l’intention, le but et l’esprit dans lesquels on a conçu l’idée de faciliter la capacité d’une victime de faire une demande. C’est une demande simple, et comme on l’a dit publiquement à plusieurs reprises, on s’attend à ce qu’un juge accepte la volonté d’une victime sans hésitation.

Cela dit, nous sommes toujours prêts à chercher des façons de clarifier ou simplifier la procédure. C’est vrai que c’est quelque chose qui a été soulevé par My voice, My choice. Donc, nous sommes en train de travailler avec ce groupe et nous sommes prêts à travailler avec vous, justement, pour clarifier cette procédure.

Il faut que ce soit simple et facile et non pas lourd, donc dans l’esprit nous sommes avec vous.

Le sénateur Dalphond : Si je comprends bien, il y a une ouverture de la part de votre ministère de considérer peut-être un amendement qui expliquerait clairement comment la procédure peut être extrêmement simple pour la victime qui s’adresserait, par exemple, au procureur de la Couronne, et lui demanderait de faire une demande au tribunal plutôt que d’engager un avocat pour faire la demande au tribunal.

M. Lametti : La demande pourrait même être faite directement aux juges. On peut chercher...

Le sénateur Dalphond : Je sais que les gens ne connaissent pas les palais de justice ni les procédures.

M. Lametti : C’est vrai, donc on peut trouver la meilleure façon d’aller de l’avant.

Le sénateur Dalphond : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Je veux remercier encore une fois le ministre et ses fonctionnaires. Concernant la situation que vous venez d’évoquer où il y aurait plusieurs victimes, il pourrait devenir problématique de leur octroyer ce qui équivaut à un droit de veto. Je ne doute pas par ailleurs que vous êtes au fait de l’existence de dispositions en ce sens dans certains pays du Commonwealth, comme l’Australie. On permet là-bas aux survivantes de s’identifier comme telles et de raconter leur histoire pour autant qu’elles ne révèlent pas l’existence d’autres victimes et qu’elles protègent ainsi la vie privée de celles qui ne souhaitent pas que leur identité soit dévoilée.

Est-ce que votre ministère a envisagé une approche semblable? Si vous l’avez fait, pourquoi ne pas l’avoir retenue? Sinon, est-ce que cela pourrait faire partie des modifications que vous seriez prêts à considérer pour améliorer le projet de loi?

M. Lametti : Permettez-moi de répondre d’abord à votre seconde question en vous disant que nous serions certes prêts à l’envisager.

Nous avons dû procéder très rapidement en raison du délai d’un an que nous a accordé la Cour suprême du Canada. Il ne fait aucun doute que nous voulons donner de nouveaux moyens d’action aux victimes. Nous avons jugé qu’il était préférable de prévoir implicitement au départ un interdit de publication dont la victime pouvait demander l’annulation par la suite. Nous sommes toutefois certes disposés à considérer également l’idée que vous avancez.

La sénatrice Pate : Je voudrais que nous parlions d’un autre aspect du projet de loi. Malgré les données accumulées, notamment grâce aux efforts de votre gouvernement — pas nécessairement de votre ministère, mais de Sécurité publique Canada — concernant le taux de récidive relativement faible chez les délinquants sexuels — et la Cour suprême du Canada en a d’ailleurs traité dans son jugement qui est à l’origine de ce projet de loi —, on propose ici d’accroître la peine minimale obligatoire.

Nous avons notamment eu vent de critiques suivant lesquelles les juges s’interrogent déjà sur leur capacité d’appliquer l’article 718.2 du Code criminel, et tout particulièrement l’alinéa 718.2e) quand on sait que le taux d’incarcération des Autochtones accusés de crimes sexuels est plus élevé que celui des allochtones. Avez-vous déjà réfléchi à ces questions et seriez-vous disposés à revoir également ces dispositions?

M. Lametti : Je veux m’assurer qu’une chose est bien claire. Il n’est pas question ici de détermination de la peine. On parle plutôt de l’inscription à un registre.

La sénatrice Pate : Je sais, mais la peine minimale obligatoire a été augmentée en vertu de ces dispositions. C’est du moins ce que j’ai cru comprendre.

M. Lametti : Si je ne m’abuse, c’est en fait la peine maximale qui est augmentée, et non la peine minimale. C’est pour les cas où une personne vivant avec une déficience est victime d’un crime sexuel. Il s’agit simplement d’assurer une certaine cohérence avec les crimes similaires. Les défenseurs des personnes handicapées ont signalé que l’on semblait considérer comme une infraction moins grave un crime équivalent commis à l’endroit de ces personnes. Ce n’est donc pas une peine minimale; c’est plutôt une peine maximale que l’on rehausse pour qu’elle soit conforme à celle imposée pour une infraction du même ordre.

C’est différent des mesures que nous avons prises relativement au registre des délinquants sexuels. Quant à la question de la récidive que vous soulevez — parce que cela va continuer de s’appliquer —, les règles habituelles concernant le registre prévalent dans le cas d’une première infraction. Il est implicite que l’on va inscrire le nom du délinquant au registre, mais le juge chargé de la détermination de la peine peut décider du contraire en fonction de la preuve produite.

Dès la deuxième infraction, l’individu est considéré comme un récidiviste. C’est une faible proportion des cas, comme vous l’avez souligné, mais nous estimons que nous respectons ainsi la Charte. En raison de la récidive, nous jugeons que l’inscription automatique est justifiée en pareil cas.

La sénatrice Pate : Devons-nous comprendre que ces dispositions ont été adoptées en réponse aux revendications des groupes de défense des personnes handicapées qui réclamaient un mécanisme semblable à celui mis en place par exemple pour les femmes autochtones, ou est-ce que cela faisait suite à des demandes bien précises de leur part?

M. Lametti : Vous parlez ici en fait d’une disposition de la loi qui traite de la détermination de la peine. On voulait que l’on impose la même peine, peu importe que la victime vive ou non avec une déficience. C’est en quelque sorte une anomalie dans la loi. L’étendue des sentences possibles demeure la même. Nous avons simplement haussé la peine maximale pour une infraction punissable par mise en accusation.

Les autres principes liés à la détermination de la peine continuent de s’appliquer, qu’il s’agisse de la prise en compte des facteurs énoncés dans l’arrêt Gladue ou de tous les autres éléments qu’un juge doit considérer à ce moment-là.

La sénatrice Pate : Sauf lorsqu’il y a une peine minimale obligatoire.

M. Lametti : Il ne s’agit pas d’une peine minimale obligatoire. C’est la peine maximale qui est touchée.

La sénatrice Batters : Monsieur Lametti, je vous remercie de comparaître devant le comité aujourd’hui. Je dois dire, avant de commencer, que j’ai été très surprise de lire dans les médias il y a quelques heures seulement que vous entendez rejeter certains des amendements au projet de loi C-9 proposés par notre comité et confirmés par le Sénat. On ne donnait aucun détail quant aux amendements qui seraient rejetés. Un porte-parole de votre cabinet a fait des remarques dans l’article.

Vous avez décliné l’invitation de notre comité à comparaître à nouveau sur ce projet de loi, même si nous aurions pu discuter du contenu des témoignages que nous avons entendus et des changements proposés par d’importants témoins à notre comité. Puisque vous témoignez devant nous maintenant, j’aimerais savoir pourquoi les sénateurs doivent apprendre de votre attaché de presse dans les médias si vous acceptez ou non les changements importants proposés par le Sénat. Est-ce ainsi que le gouvernement entend transmettre ses messages sur le projet de loi au Sénat?

M. Lametti : Je vous remercie.

Je souligne que le titre de cet article de La Presse canadienne ne reflétait pas son contenu. Il a été modifié depuis pour indiquer que certaines de vos propositions m’ont fait réfléchir, c’est vrai. Je répète ce que j’ai dit lors de ma dernière comparution devant vous : le Conseil canadien de la magistrature a travaillé rigoureusement, en collaboration avec l’Association canadienne des juges des cours supérieures, à préparer un ensemble de propositions sur lequel nous nous sommes fondés et que nous avons intégré à ce projet de loi. Tout ce qui contreviendrait au principe d’indépendance judiciaire, un principe fondateur de notre système judiciaire, me porte à réfléchir. Je n’ai rien rejeté, et l’article dit clairement désormais que je veux prêter attention à tout cela. Je vais me pencher sur ces propositions avec attention. Nous en débattrons à la Chambre lorsque le projet de loi y sera renvoyé. Je donnerai mon opinion à ce moment-là.

La sénatrice Batters : Ce qui est la bonne façon de faire, plutôt que de passer par les médias, surtout lorsque l’article ne précise pas quels amendements sont rejetés.

M. Lametti : Vous avez raison. Ma réponse était ouverte, et j’ai été honnête. Certaines propositions m’ont donné à réfléchir, mais je n’en ai rejeté aucune d’emblée, comme on peut le voir clairement dans l’article maintenant.

La sénatrice Batters : Oui, vous avez dit que l’Association canadienne des juges des cours supérieures appuie le droit de pouvoir faire appel à une cour d’appel fédérale.

Parlons justement du projet de loi S-12. Souvent, les victimes ne savent pas qu’une interdiction de publication s’applique et elles y dérogent sans le savoir. Le projet de loi les protège-t-il d’un tel acte involontaire ou innocent? Ou les victimes seraient‑elles passibles d’une sanction criminelle si elles racontent leur histoire à un groupe de soutien ou à un thérapeute? Si elles bénéficient d’une protection, où se trouve-t-elle dans votre projet de loi?

M. Lametti : Je vous remercie, sénatrice.

Votre question est légitime. Les victimes et les survivants nous ont dit qu’ils ne savaient pas nécessairement qu’une interdiction de publication s’appliquait. Nous espérons éliminer le doute dans la plupart des situations grâce à ce projet de loi, qui prévoit une obligation pour le juge qui préside le procès de collaborer avec les procureurs de la Couronne pour connaître l’opinion de la personne ou nous aider à clarifier la situation. Cette obligation positive nous permettra d’améliorer la position de départ, de manière à ce que le survivant ou la victime ait son mot à dire dans la décision d’imposer une interdiction ou non.

J’ai déjà répondu à votre collègue que le fait de parler à un professionnel de la santé, par exemple, est déjà protégé par le secret professionnel, mais je suis ouvert à rendre ce droit plus clair. Nous pouvons y travailler ensemble.

Ensuite, dans le petit nombre de cas restants, nous permettons à la victime ou au survivant de changer le statut de l’interdiction assez facilement. Si la personne veut raconter son histoire, elle pourra facilement présenter une demande au juge pour qu’il retire l’interdiction de publication. Ce genre de chose arrive, et c’est ce que les survivants et les victimes nous ont dit. Parfois, ils sont à l’aise avec l’interdiction durant les premiers jours ou les premières semaines, mais plus le procès avance, plus ils sentent le besoin de raconter leur histoire. Parfois, ce besoin se fait sentir plus tard. Nous essayons de rendre la chose possible dans tous les cas.

En tenant compte de toutes les possibilités, nous évitons le risque de commettre une erreur, sénatrice. Nous donnons l’information au départ et précisons que le changement peut se faire à tout moment pour permettre toutes les possibilités.

La sénatrice Batters : Je veux brièvement vous demander si vous avez effectué une ACS Plus de ce projet de loi. Dans l’affirmative, pourrions-nous l’obtenir? Je répète qu’il serait utile d’avoir ce genre d’information avant votre comparution, plutôt qu’après votre passage devant le comité.

M. Lametti : Oui, nous avons réalisé cette analyse. Je sais que vous faites écho à la sénatrice Jaffer et je vous remercie.

Le sénateur Klyne : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre, à vous ainsi qu’aux autres témoins.

Le projet de loi S-12 limite les ordonnances obligatoires au titre de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels à deux circonstances, soit aux infractions particulièrement graves et aux récidives. Dans tous les autres cas, les juges conservent le pouvoir discrétionnaire de ne pas imposer d’ordonnance, et le projet de loi S-12 énonce les facteurs que le tribunal doit prendre en compte dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Quelles mesures ont été prises ou sont envisagées pour que les juges aient accès à toutes les ressources et à la formation nécessaires pour les orienter dans l’application de ces facteurs et l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire de prendre des ordonnances au titre de cette loi?

M. Lametti : Je vous remercie de la question, sénateur.

Si vous le permettez, je vais d’abord situer le contexte. Oui, le juge peut employer son pouvoir discrétionnaire, mais la disposition prévoit l’enregistrement par défaut. Il existe une présomption en faveur de l’enregistrement pour toutes les infractions. En cas de doute, il y a enregistrement.

Comme je l’ai rappelé dans une réponse précédente, c’est ce que le comité avait initialement recommandé en 2010 : d’accorder un pouvoir discrétionnaire au juge avec présomption en faveur de l’enregistrement.

Il est évident que la liste des facteurs contribue à orienter le pouvoir discrétionnaire du juge, qui doit préciser ses motifs lorsqu’il exerce son pouvoir en faveur du non-enregistrement. Encore une fois, il existe des balises qui pointent vers l’enregistrement, mais pas dans tous les cas. Bien sûr, j’espère que l’Institut national de la magistrature se penchera sur la question dans l’élaboration de la formation qu’il dispense aux juges de la Cour supérieure et aux autres juges nommés par le gouvernement fédéral et, à l’occasion, aux juges nommés par les gouvernements provinciaux. J’espère qu’il y verra un nouveau besoin en matière de formation.

Je pense que le pouvoir discrétionnaire est pourvu de balises claires, qui satisfont aux critères de la Cour suprême et à l’intérêt de la population canadienne en matière de sécurité publique.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

À votre avis, comment le projet de loi S-12 contribue-t-il à changer les attitudes dans la société relativement aux infractions de nature sexuelle, qui sont considérées comme étant les formes de violence les plus haineuses et les plus dégradantes, en faisant la promotion d’une culture de prévention, de sensibilisation et de soutien aux victimes? S’agit-il là d’une stratégie que le nouveau Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe peut appuyer?

M. Lametti : Je pense que oui. Tout d’abord, nous envoyons le message selon lequel il y a encore une série d’infractions qui nécessitent une inscription au registre. Mais nous indiquons également à quel point nous prenons ce type d’infraction au sérieux.

Je pense qu’il y a un message tout aussi positif qui peut autonomiser les victimes et les survivants de violence sexuelle. Il s’agit de reconnaître non seulement leur humanité, mais aussi leur autonomie et leur capacité à prendre des décisions qui reflètent la meilleure façon d’aller de l’avant. Je pense que c’est un message extrêmement important.

Troisièmement, nous avons ajouté — puisque cela n’a pas encore été mentionné, je vais le faire brièvement — un certain nombre d’autres critères pour l’inscription automatique au registre. La distribution sans consentement d’images intimes est un phénomène qui est apparu avec Internet, tout comme l’extorsion sexuelle et ce genre de choses, par exemple le fait de surmonter la résistance en utilisant la suffocation, ce qui se produit souvent dans les cas de violence entre partenaires intimes. En désignant tous ces comportements, nous envoyons un message selon lequel les auteurs de ces crimes seront inscrits dans le registre. Ce sont des comportements graves. Je pense que l’autonomisation et les messages que nous envoyons font partie d’un tout cohérent. Je pense que cela s’inscrit dans notre stratégie globale.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie.

Le président : Monsieur Lametti, est-ce que vous ou vos collègues avez une idée générale de l’efficacité du Registre national des délinquants sexuels et de la façon dont il est utilisé? J’aimerais savoir dans quelle mesure cet outil utile permet réellement d’obtenir les avantages que nous espérons en matière d’enquête et dans d’autres domaines.

M. Lametti : Je vais répondre à la question et céder ensuite la parole à l’un de mes collègues. Les forces de l’ordre nous disent que cet outil est utile pour regrouper des cas, en particulier ceux concernant les occurrences de violence sexuelle commises par des inconnus. C’est une chose que la police trouve utile. Le grand public est rassuré de savoir qu’il existe un tel registre. Même s’il ne peut pas y avoir accès — le registre n’est pas public —, il sait que la police peut y accéder, et on fait suffisamment confiance aux institutions concernées.

Cela dit, un examen du registre lui-même est prévu dans un peu plus d’un an. Nous répondons ainsi à la Cour suprême et nous devons le faire avant une certaine date. Nous aimons poser la même question que vous posez, et nous tentons de collecter de meilleures données dans tous les domaines, comme vous le savez et comme je l’ai dit à bon nombre d’entre vous, à plusieurs reprises, ces dernières années.

Il y a longtemps qu’on aurait dû collecter ces données et réaliser une étude plus ciblée sur l’efficacité du registre.

Le président : J’ai vu Me Taylor acquiescer. Cela signifie, monsieur le ministre, que vous avez donné la bonne réponse.

La sénatrice Simons : Je vous remercie. J’ai deux questions complètement distinctes. Je poserai d’abord celle qui me semble la plus simple.

Pour les personnes assujetties à une interdiction de publication, peut-être de 20, 30 ou 40 ans, quelle sera la procédure à suivre pour revenir sur ces interdictions antérieures? Qu’en est-il des personnes qui ont déjà présenté une demande devant un tribunal et qui ont essuyé un refus? Auront-elles la possibilité de déposer une demande dans le cadre du nouveau protocole?

M. Lametti : La réponse est oui. Avez-vous posé les deux questions ou était-ce seulement la plus simple?

La sénatrice Simons : Non, c’était seulement la première question.

M. Lametti : La réponse est oui. Ces personnes pourront présenter une demande au tribunal. L’objectif est d’ouvrir l’accès à tous, y compris aux personnes visées par des interdictions de publication antérieures.

La sénatrice Simons : Y compris les personnes qui ont déjà présenté une demande au tribunal et…

M. Lametti : Oui. Le principe dans ce cas-ci, c’est que tout le monde, victime ou survivant, peut changer d’avis à tout moment.

La sénatrice Simons : Ce n’est pas la question que je pose. Il y a des personnes qui se sont déjà présentées devant le tribunal pour demander la levée d’une interdiction de publication et qui ont reçu un refus. Pourront-elles interjeter appel de cette décision?

M. Lametti : La réponse courte, c’est oui.

La sénatrice Simons : D’accord.

Ma deuxième question porte sur la disposition concernant l’inversion du fardeau de la preuve. Oui, du point de vue d’une personne qui est pour la création de ces registres, la présomption d’inscription au registre peut sembler une bonne chose.

Pour ma part, je crains que le pouvoir de l’État ne soit inversé dans ce cas-ci. Je comprends qu’il s’agit de personnes qui ont déjà été déclarées coupables. En règle générale, comme nous le savons tous, il incombe au ministère public de plaider en faveur d’une condamnation et en faveur d’une peine plus sévère. Dans ce cas-ci, on demande à l’accusé, qui est maintenant la personne condamnée, de pouvoir se défendre contre l’État dans une position de vulnérabilité et dans une situation où il n’y aura pas de présomption en sa faveur. La présomption est inversée. Pourtant, lorsque nous examinons une cause type, soit l’affaire Ndhlovu, qui s’est déroulée à Edmonton, nous voyons le cas d’une personne qui n’est pas le monstre stéréotypé que nous imaginons lorsque nous nous représentons le pire en matière de délinquant sexuel.

Je crains donc que certaines personnes soient gravement désavantagées et ne soient pas en mesure de lutter efficacement contre cette inversion du fardeau de la preuve.

M. Lametti : Je comprends vos inquiétudes. Je dois cependant admettre que je ne les partage pas tout à fait.

Tout d’abord, il ne s’agit pas d’un inversement du fardeau de la preuve en droit pénal pour la détermination de la culpabilité ou de l’innocence. C’est très différent. Le droit pénal prévoit plusieurs normes et protections très différentes, ainsi qu’un certain nombre d’exceptions. En ce sens, un individu est innocent jusqu’à preuve du contraire.

Dans le cas présent, supposons que l’individu ait été déclaré coupable et qu’il ait reçu une peine. Il s’agit donc de déterminer si cet individu doit être inscrit au registre, car il a déjà été reconnu coupable d’un délit sexuel. À ce moment-ci, compte tenu du cadre que nous avons fourni au juge, je pense que la société fait valoir un très bon argument compréhensible selon lequel il y a une présomption d’inscription au registre à l’égard de cet individu, afin qu’il ne puisse pas faire d’autres victimes. Toutefois, il a l’occasion, comme dans l’affaire Ndhlovu, d’expliquer pourquoi il ne devrait pas se retrouver sur ce registre. Je pense donc que nous avons atteint un juste équilibre.

Même si j’étais prêt à faire des pieds et des mains pour éviter qu’il y ait plus d’inversions du fardeau de la preuve que nécessaire dans la détermination de la culpabilité ou de l’innocence, je pense que nous avons trouvé un équilibre différent, mais mieux adapté, dans le cas présent. Encore une fois, il y a une déclaration de culpabilité. Il est également nécessaire d’assurer la sécurité de la société et de faire en sorte que les gens se sentent en sécurité. L’inversement du fardeau de la preuve est donc justifié dans ce cas-ci.

La sénatrice Simons : Puisque j’ai été journaliste pendant de nombreuses années, je connais très bien l’idée d’une interdiction de publication qui affecte la publication. J’ai été un peu déconcertée par la question de la sénatrice Batters, car si j’ai bien compris, il n’est pas interdit — je me trompe peut-être — de parler à un thérapeute ou à un groupe de soutien. L’interdiction s’applique aux personnes qui publient, n’est-ce pas?

M. Lametti : C’est également ce que je comprends. Je serai heureux d’apporter des précisions, comme je l’ai dit au sénateur Boisvenu et à la sénatrice Batters.

La sénatrice Simons : Je vous remercie beaucoup.

Le président : Avant d’entamer la deuxième série de questions, monsieur le ministre, puis-je poser une question qui fait suite à celle de la sénatrice Simons?

Je suis tout à fait d’accord avec votre observation selon laquelle il y a une déclaration de culpabilité et qu’il incombe au ministère public d’établir cela. Toutefois, l’enregistrement obligatoire a des allures de détermination de la peine. Nous ne l’appellerons peut-être pas une « détermination de la peine », mais cela ressemble à une conséquence de la condamnation.

Habituellement, nous avons une structure dans laquelle le ministère public doit établir le fondement de la peine. Parfois, la loi fixe des peines minimales, mais en général, le fardeau incombe au ministère public. On pourrait faire valoir que c’est le ministère public qui devrait établir la conséquence à infliger à une personne, et non l’inverse. Pourriez-vous répondre à cela dans le contexte de la question de savoir si cela ressemble ou non à une peine?

M. Lametti : Je suis d’accord, monsieur le président, sur le point qu’il s’agit d’un élément de détermination de la peine. Cela ne fait aucun doute. L’incarcération ou la peine purgée, quelle qu’elle soit, n’a pas d’incidence sur le fait que la personne soit ou non en prison. Il est possible de profiter d’une grande liberté même en étant inscrit au registre. Nous avons imposé certaines restrictions en matière de déplacements, une mesure qui, selon nous, contribuera à rendre les collectivités plus sécuritaires, par exemple avec le préavis de 14 jours.

Même s’il s’agit d’un élément de la peine, un individu qui a purgé sa peine et qui réintègre la société peut encore profiter d’une grande liberté.

Le président : Puis-je revenir sur ce point?

Je comprends le point que vous faites valoir en ce qui concerne la liberté. Il ne s’agit pas d’une privation de liberté dans le sens où une personne est emprisonnée, mais il s’agit d’une conséquence restrictive, et il existe des décisions précédentes de la Cour suprême du Canada qui établissent que le fardeau de la preuve incombe au ministère public lorsqu’il s’agit de la détermination de la peine.

Si nous considérons qu’il s’agit d’une forme de détermination de la peine, il me semble qu’il faut démontrer que le fardeau devrait soudainement être inversé pour un élément de cette détermination de la peine.

M. Lametti : Si j’ai bien compris, la Cour suprême ne considère pas qu’il s’agit d’une peine, mais plutôt d’une conséquence de celle-ci. Selon nous, la Cour suprême nous a donné une feuille de route avec l’affaire Ndhlovu, et nous l’avons suivie.

Je reviens encore une fois sur le fait qu’un comité de l’autre endroit a étudié cette question en 2010 et a recommandé, en fait, ce que nous faisons maintenant. Le gouvernement de l’époque a choisi d’aller plus loin, et la Cour suprême nous a dit qu’il était allé trop loin.

Le président : Je vous remercie.

Il ne nous reste que 10 minutes. Nous avons quatre intervenants pour la deuxième série de questions. J’aimerais que les interventions ne durent pas plus de quelques minutes chacune.

La sénatrice Busson : Je serai aussi brève que possible.

Une partie de ce projet de loi concerne également l’information liée à la peine du délinquant et le droit des victimes d’avoir accès à cette information. Pourriez-vous nous donner une idée de l’obligation que cela crée pour le Service correctionnel du Canada? Ce droit à l’information est-il encadré par des échéanciers ou craint-on qu’il ne crée un faux sentiment de sécurité?

M. Lametti : Je vous remercie de votre question, sénateur.

Je ne pense pas qu’il s’agisse de créer un faux sentiment de sécurité. Il s’agit de tenir les victimes informées, et encore une fois, nous avons déjà entendu cela.

L’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels y tenait beaucoup et nous a envoyé une lettre officielle dans laquelle il nous demandait de faire cela. C’est donc ce que nous faisons et, lorsque nous en avons fait l’annonce, il était à mes côtés et il était très enthousiaste.

Au fil du temps, il est arrivé qu’une famille apprenne qu’une décision avait été rendue, qu’il s’agisse d’une libération conditionnelle ou d’autre chose — je peux penser à un exemple récent — et cette famille aurait aimé être informée qu’une décision avait été prise concernant l’incarcération ou autre chose au sujet du délinquant. Nous voulons donc que les victimes soient mieux informées, et la Charte canadienne des droits des victimes leur confère ce droit.

Nous essayons donc de créer un mécanisme par lequel les juges seraient automatiquement incités à noter ces informations, qui seraient ensuite transmises au Service correctionnel du Canada. Cet organisme aurait maintenant l’obligation de veiller à ce que les victimes soient informées.

La sénatrice Busson : C’était ma question. Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vais revenir à la question de l’inscription non obligatoire des femmes.

Vous avez adopté le projet de loi C-5, qui a d’ailleurs été dénoncé par le ministre de la Justice du Québec. Ce projet de loi permet aux gens qui ont agressé des femmes de purger leur peine à domicile. Vous avez modifié le Registre national des délinquants sexuels. Vous rendez le registre obligatoire pour les infractions visant des enfants pour les enfants, mais pas pour les femmes qui se font agresser.

Qu’est-ce que les femmes peuvent décoder à partir de cela?

M. Lametti : La distinction qu’on vient de faire, monsieur le sénateur, c’est entre enfants et adultes.

Le sénateur Boisvenu : Avez-vous un avis légal comme quoi...

[Traduction]

Le président : Sénateur Boisvenu, vous avez posé une question et le ministre essaie d’y répondre.

[Français]

M. Lametti : Pour répondre à votre question, on croit que c’est une distinction valable, soit que les enfants sont particulièrement vulnérables.

Cela dit, dans ce projet de loi, monsieur le sénateur, on est en train de protéger le registre, qui a été créé par la Cour suprême.

Le sénateur Boisvenu : Avez-vous un avis légal sur le fait que ce n’est pas contesté en ce qui a trait aux enfants?

M. Lametti : On applique la décision de la Cour suprême qui dit que l’ancien registre était inconstitutionnel. Avec tout mon respect, monsieur le sénateur Boisvenu, on est en train de protéger le registre en créant une présomption de base d’enregistrement pour tout le monde.

Le sénateur Boisvenu : Cependant, vous laissez tomber les femmes.

M. Lametti : On ne laisse pas tomber les femmes. La présomption de base d’enregistrement est dans le projet de loi. On envoie le message que c’est très sérieux. Grâce aux mesures en place pour ce type d’infraction et aux autres mesures qu’on est en train de prendre ici, on envoie un message assez clair, à savoir que c’est sérieux. C’est la raison pour laquelle l’ombudsman est venu lors de l’annonce pour appuyer ce projet de loi. On envoie un message assez clair.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Je vous remercie, monsieur le ministre, de m’avoir aidée à préciser mon commentaire précédent, qui était moins bien formulé, au sujet de l’augmentation de la peine maximale, ainsi que... Je suis désolée, je me rends compte que vous êtes en train de voter.

M. Lametti : Je vous promets que le président arrêtera le chronomètre.

Je vous présente mes excuses.

La sénatrice Pate : Je vous remercie. Lorsqu’on augmente les dispositions relatives à la peine maximale et que l’on confie le fardeau à l’accusé, on donne l’impression de prendre ces approches plus au sérieux, ce que je peux comprendre. Toutefois, l’un des points que je tente de faire valoir, c’est que ce sont surtout des personnes marginalisées qui se retrouvent devant les tribunaux et qui sont ensuite déclarées coupables, et je comprends que je n’ai pas exprimé cela très clairement. J’espère l’avoir fait plus clairement cette fois-ci.

Comment pouvons-nous nous assurer que la preuve que nous connaissons, à savoir que c’est en réalité la modélisation du comportement et les autres interventions qui préviennent plus efficacement la récidive, alors que ces dispositions créeront… Le fardeau réel de l’accusé n’est pas clairement établi. Les personnes pauvres et racisées auront plus de difficulté à assumer ce fardeau, surtout si elles se représentent elles-mêmes ou si elles sont représentées par l’aide juridique et qu’elles ne disposent pas des ressources dont profitent certains accusés, dont la plupart se retrouvent devant la Cour suprême du Canada plutôt qu’en prison, contrairement aux autres dont je parle.

Je suis curieuse de savoir comment vous avez tenu compte de cela et comment vous envisagez de garantir que les juges disposeront des renseignements adéquats pour éviter les schémas discriminatoires qui existent actuellement lors de la détermination de la peine dans ce domaine.

M. Lametti : Je vous remercie, madame la sénatrice. Je partage vos préoccupations, comme vous le savez. Ma réponse comporte deux volets.

En premier lieu, nous recueillerons de meilleures données. Nous avons prévu de réaliser un examen peu après, soit un peu plus d’une année plus tard, pour évaluer directement en profondeur si le registre demeure pertinent, et j’espère que nous aurons un meilleur tableau.

En ce qui concerne la détermination de la peine, j’imagine que des facteurs semblables à ceux de l’affaire R. c. Gladue devraient s’appliquer. Un accusé pourrait invoquer ces arguments pour ne pas figurer sur le registre — à ce stade-ci, il s’agirait plutôt d’une personne déclarée coupable.

Nous nous pencherons sur les lignes directrices relatives à l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Je partage toutefois votre préoccupation, et je ne veux pas que le mécanisme devienne d’une certaine façon une circonstance aggravante pour des personnes marginalisées déjà surreprésentées dans notre système.

La sénatrice Pate : Je vous remercie.

Le président : J’ai simplement une réflexion à ce sujet. Il serait selon moi utile de connaître l’identité de ceux qui font une demande pour ne pas être inscrits au registre, et de savoir s’ils réussissent ou non, selon les catégories de personnes. L’information permettrait de savoir si la mesure pèse par mégarde sur certains pans de la société et pas sur d’autres.

Ce n’était pas vraiment une question.

Le sénateur Klyne : Monsieur le ministre, quels programmes de réhabilitation sont ou seront offerts aux personnes inscrites au Registre national des délinquants sexuels pour qu’elles soient le moins susceptibles de récidiver lorsque leur obligation d’inscription prendra fin, et quel mécanisme de surveillance sera en place pour vérifier la mise en œuvre et l’exécution de ces programmes de réhabilitation?

M. Lametti : Pour le meilleur ou pour le pire, monsieur le sénateur, le volet du projet de loi ayant trait aux Services correctionnels du Canada relève du ministre de la Sécurité publique.

Le sénateur Klyne : C’est dommage.

M. Lametti : Je n’aime pas toujours que cette distinction soit apportée, et à l’instar de certains de vos collègues à la table — plus particulièrement la sénatrice Pate —, je voudrais que nous réformions de fond en comble ce système correctionnel.

Cela étant dit, nous pouvons nous adresser au ministre de la Sécurité publique pour voir le genre de programmes qui sont actuellement offerts. Voilà qui vous donnerait une meilleure idée des suggestions d’amélioration.

Le sénateur Klyne : C’est une suggestion. Je vous remercie.

Le sénateur Dalphond : Pour conclure, je crois comprendre que les auteurs d’infractions sexuelles commises à l’égard d’enfants seront automatiquement inscrits au registre, étant donné que, selon l’analyse du ministère, ils répondent au critère de l’article 1 de la Charte, n’est-ce pas?

M. Lametti : C’est vrai pour les infractions graves à l’égard des enfants. Le terme « grave » correspond à plus de deux ans.

Nous ne voulons pas cibler une personne qui a 17 ans, et qui atteint 18 ans alors que son ou sa partenaire n’a pas cet âge. Puisque nous ne voulons pas inclure cette situation, nous avons fixé la durée à deux années. J’espère que nous sommes tous d’accord pour dire qu’une infraction grave à l’égard d’un enfant est un crime odieux. Nous pensons pouvoir maintenir un registre automatique pour cette catégorie restreinte de crimes. Je pense que la société serait d’accord et que l’équilibre de la Charte serait maintenu.

Le président : Monsieur le ministre, j’ai oublié la sénatrice Batters au deuxième tour. Elle a promis de poser une question brève sur ce projet de loi.

M. Lametti : Allez-y, je vous prie.

La sénatrice Batters : Au sujet de la réponse que vous venez de donner, monsieur le ministre, vouliez-vous dire que toutes les infractions impliquant des enfants ne seraient pas visées, mais seulement celles où l’auteur encoure une peine de deux ans et plus?

M. Lametti : C’est exact.

La sénatrice Batters : Wow. Je vois. Je vous remercie.

M. Lametti : J’ajouterais cependant qu’il y a toujours une présomption d’enregistrement. Il s’agit de l’enregistrement automatique dont nous parlons.

Le président : Voilà qui conclut notre temps avec le ministre. Permettez-moi de remercier le ministre Lametti, ainsi que tous mes collègues pour leurs questions et leurs échanges avec le ministre. Nous allons poursuivre la discussion avec les fonctionnaires.

M. Lametti : Merci à tous.

Le président : Chers collègues, nous souhaitons encore la bienvenue à Me Taylor, Me Wells et Me Desharnais. Puisque vous prenez la place du ministre, nous allons essayer de vous adresser toutes nos questions.

Nous allons commencer ce tour avec la sénatrice Pate.

La sénatrice Pate : Je vous remercie infiniment de prendre le relais. Si l’information n’est pas dans l’Analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS Plus, ou dans l’énoncé concernant la Charte, j’aimerais avoir toutes les données dont vous disposez sur le nombre de personnes qui sont actuellement inscrites au registre, le nombre de contestations du registre, ainsi que leur ventilation. Ces données nous seraient extrêmement utiles. Si vous ne les avez pas, il serait également important de le savoir pour la suite de nos discussions sur le projet de loi.

Me Joanna Wells, avocate principale par intérim, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Je peux certainement vous donner maintenant le nombre de délinquants inscrits au registre. Je ne suis toutefois pas certaine s’il existe des chiffres sur les contestations du registre. Nous pourrons vous le confirmer. Veuillez me donner un instant pour que je trouve les données.

Selon la GRC — et ces chiffres sont à jour en date d’hier —, il y a actuellement 63 528 délinquants inscrits au Registre national des délinquants sexuels, dont 43 786 sont encore soumis à des obligations de déclaration. Quant aux autres, certains renseignements demeurent dans le registre, mais ces personnes ne sont plus tenues de rendre des comptes.

Nous savons que 45 847 d’entre eux sont considérés comme des agresseurs sexuels d’enfants, c’est-à-dire que leur victime était âgée de moins de 18 ans. De ce nombre, 32 098 délinquants sont toujours soumis à une obligation.

La sénatrice Pate : Connaissez-vous la ventilation des chiffres par sexe, origine ethnique et région du pays?

Me Wells : Vous ne serez probablement pas surprise d’apprendre que la majorité d’entre eux sont des hommes, à hauteur de 99 %. Je crois que 64 % des délinquants sont Blancs, que 20 % d’entre eux sont Autochtones, et que 4 % sont Noirs.

La sénatrice Pate : Je vous remercie. Avez-vous également des chiffres par région?

Me Wells : Non, nous n’avons pas la ventilation régionale.

La sénatrice Pate : Savez-vous si elle existe?

Me Wells : Il faudrait vérifier auprès de la GRC.

La sénatrice Pate : Ce serait formidable. Je vous remercie.

Le président : Maître Wells, seriez-vous en mesure de nous transmettre par écrit les renseignements que vous venez de fournir?

Me Wells : Oui, nous pourrons bel et bien le faire.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J’ai quelques petites questions techniques.

En ce qui a trait à la question que j’ai posée tout à l’heure à savoir lorsqu’une victime qui est sous ordonnance de non-publication divulgue des informations par erreur, avons-nous la certitude que cette victime ne commettra pas un crime?

Me Taylor : Comme je l’ai déjà expliqué, il est difficile de répondre à cette question parce que cela dépend des faits de chaque cas. Par exemple, si la victime ne sait pas qu’une interdiction de publication est en place, c’est une question de mens rea.

Le sénateur Boisvenu : Je comprends. Lorsqu’une victime va parler de ce qui s’est passé devant sa famille, puis que quelqu’un décide de la dénoncer, est-ce un crime?

[Traduction]

Me Taylor : C’est une question difficile, et je n’essaie pas d’éviter d’y répondre. C’est notamment parce qu’il n’y a pas beaucoup de jurisprudence sur ces enjeux.

Ce que je peux dire, par exemple — et je pense que la sénatrice Simons l’a évoqué —, c’est que le concept de « publier » ne s’applique certainement pas dans ce contexte puisqu’il faudrait que l’information soit disponible à grande échelle, ou qu’elle soit diffusée largement.

Le problème — et c’est ce qui me fait hésiter — se rapporte aux autres éléments de la disposition ayant trait à la transmission. Dans certaines décisions, le terme « transmission » a été interprété de manière assez large. Si l’interprétation est large, sénateur Boisvenu, vous avez raison de dire que c’est préoccupant. Je pense que c’est pourquoi le ministre Lametti s’est dit ouvert à clarifier un peu mieux ces éléments.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : C’est le même principe que l’ordonnance de non-publication pour une victime qui aurait besoin de soins thérapeutiques. Disons qu’une victime divulgue à un médecin toute l’information relative à sa cause, le projet de loi prévoit-il une protection pour cette victime?

Me Taylor : Je pense que c’est la même situation que celle que j’ai déjà expliquée.

Le sénateur Boisvenu : Mais c’est flou, dans le sens où il pourrait y avoir une plainte et la victime pourrait faire l’objet d’une enquête; elle n’est pas automatiquement disculpée, d’après ce que je comprends.

Me Isabelle Desharnais, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Il n’est pas interdit aux victimes de parler de leur cas. Les ordonnances de non-publication couvrent tout ce qui parle de publication ou de diffusion, alors que deux personnes ayant une discussion entre elles au sujet de la situation ne font pas partie des ordonnances de non-publication ni d’un bris d’ordonnance de non-publication.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce pareil même si la victime parle à un ami?

Me Desharnais : Dans une discussion privée, on n’est pas dans le terme de publication ou de diffusion, comme le dit le libellé.

Le sénateur Boisvenu : Je comprends.

Me Desharnais : Comme l’indiquait Me Taylor, c’est à partir du moment où il y a une transmission par courriel, où on transmet le jugement, où l’on va s’identifier soi-même comme victime que ce sera associé au dossier de la cour, mais une discussion entre deux personnes n’est pas couverte par l’objectif général de la disposition des ordonnances de non-publication.

Le sénateur Boisvenu : Lorsqu’une personne est inscrite au registre, il existe des conditions qui découlent de cela. Entre autres, si elle déménage, elle doit donner l’information aux policiers. Il y a des conditions à respecter, comme celle de ne pas être près d’une école.

Cependant, le Code criminel ne prévoit aucune disposition si l’individu manque à ses obligations. Il n’y a rien dans le Code criminel qui ferait en sorte, par exemple qu’il pourrait être accusé de quelque chose. On n’a pas corrigé cela non plus dans la loi actuelle, un individu qui part, dont on perd la trace pendant quatre ou cinq ans.

J’étais en Alberta, où une femme et un enfant ont été assassinés par une personne qui était inscrite au registre, qui était à côté d’une école et qui ne s’est jamais rapporté aux policiers, après six ou sept déménagements. Il n’y a rien au Code criminel qui permettrait d’accuser un tel individu. Le Code criminel est silencieux à ce sujet, n’est-ce pas?

[Traduction]

Me Wells : Il existe assurément des outils en droit pénal pour surveiller les délinquants à haut risque. Vous avez raison de dire qu’il n’y a rien dans le code pour empêcher un citoyen...

Le sénateur Boisvenu : Le fait d’avoir été accusé...

Me Wells : Si la personne a été seulement accusée d’une infraction, vous avez raison de dire qu’il n’y a rien de prévu dans le code à ce sujet. Toutefois, il y a d’autres outils pour les délinquants qui purgent une peine, par exemple, la surveillance.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Cela veut dire qu’on a quand même quelque 60 000 prédateurs sexuels au registre, n’est-ce pas? Ce sont les chiffres de tantôt.

[Traduction]

Me Wells : Il y a 60 000 personnes qui ont dû s’inscrire au registre. Il n’y en a pas 60 000 qui sont encore soumis à une obligation.

La sénatrice Pate : Il y en a 43 000.

Me Wells : Je vous remercie, sénatrice Pate. Il y en a 43 000 qui sont actuellement soumis à une obligation.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : On est certains que ces personnes ne peuvent être suivies à la trace par les policiers. Puis, on dit qu’il n’y a pas de disposition dans le Code criminel pour sévir contre ces prédateurs s’ils ne respectent pas les conditions liées au registre. N’est-ce pas un peu une faiblesse du projet de loi? N’aurait-il pas fallu inscrire des mécanismes plus sérieux en matière de non-respect de conditions?

Ces gens savent que s’ils déménagent sans aviser les policiers et vont près d’une école, ils ne seront pas trop inquiets. Le registre, dans ce cas, n’a pas d’effet dissuasif; il a un effet plus informatif. Si un crime est commis, les policiers interrogeront le registre et sauront qu’il y est inscrit, mais le registre n’a pas d’effet préventif.

[Traduction]

Me Wells : Je pense que je comprends mieux vos préoccupations, sénateur.

J’attire votre attention sur trois éléments qui se trouvent dans le projet de loi S-12 et qui pourraient répondre en partie à ces préoccupations. Une disposition qui est proposée crée un mandat pour favoriser le respect du registre. Comme vous le savez, le registre exige que les délinquants signalent certains renseignements sur une base régulière. S’ils ne le font pas, le seul outil dont dispose la police consiste à les arrêter et à porter des accusations pour manquement à cette obligation. Le Code criminel prévoit deux infractions pour ceux qui ne respectent pas la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels ou qui fournissent de fausses informations. Cela ne veut pas nécessairement dire que cette obligation est respectée et que l’information est à jour.

Le projet de loi S-12 propose donc de créer un mandat qui donnerait aux agents de police le pouvoir d’arrêter une personne, de l’amener à un centre d’enregistrement et de lui donner l’occasion de respecter son obligation. Si elle le fait, il n’y aurait pas d’accusation de portée, car l’objectif est la conformité à la loi et non l’administration de la justice. Le projet de loi S-12 prévoit une mesure pour remédier à ce problème.

Le président : Sénateur Boisvenu, je vais devoir vous demander d’attendre la deuxième série de questions pour poursuivre. La discussion est tellement intéressante que nous avons perdu la notion du temps. Nous allons reprendre plus tard.

J’aimerais avoir quelques renseignements en lien avec les questions du sénateur Boisvenu.

Premièrement, savez-vous combien il y a de personnes, par exemple, qui ont été accusées d’avoir omis de fournir les informations exigées sur les 43 000 mentionnées par la sénatrice Pate? Arrive-t-il souvent que des personnes soient accusées de cela?

Deuxièmement — maître Taylor, vous en avez parlé —, est-il fréquent que des gens soient accusés d’avoir publié des informations en contravention d’une interdiction de publication? Avons-nous cette information? Je comprends que cela touche au pouvoir discrétionnaire des procureurs, mais a-t-on cette information? Il me semble qu’il s’agit d’une information qui vous serait utile, tout comme cela le serait pour le comité.

Me Wells : Nous n’avons pas de données précises à ce sujet, mais nous savons que cela se produit. Nous savons aussi que ces accusations peuvent être compliquées et fastidieuses à porter quand le but ultime est le respect du registre.

Bref, pour répondre à votre question, je n’ai pas de données à ce sujet. Nous pourrions demander à Statistique Canada s’il est possible d’obtenir cette information.

Le président : N’est-ce pas le genre d’information que collige le Centre canadien de la statistique juridique? Je vois que Me Taylor hoche la tête.

Me Taylor : Pour répondre à votre deuxième question, s’il s’agit d’une infraction précise liée à une interdiction de publication, soit l’article 486.6, nous pouvons obtenir l’information auprès du Centre canadien de la statistique juridique. Nous pourrions faire de même pour ce qui est de la Loi sur l’enregistrement des renseignements sur les délinquants sexuels.

Soit dit en passant, les accusations relatives au non-respect d’une interdiction de publication, où le non-respect est présumé concerner la personne qui bénéficie de l’interdiction de publication sont, je pense, très rares. Je suis au courant d’un cas, dont vous avez assurément entendu parler aussi. Le problème est généralement de savoir comment on peut révoquer cela plutôt que « que dois-je faire maintenant que je suis accusé? »

Le président : Si vous pouvez avoir accès à cette information et nous la faire parvenir, cela nous serait utile. C’est tout le temps dont je disposais.

Le sénateur Klyne : Je souhaite la bienvenue à nos nouveaux invités.

Quelles sont les différences ou les ressemblances entre notre registre national des délinquants sexuels et les bases de données qu’on trouve ailleurs, notamment en Ontario, au Royaume-Uni et aux États-Unis? Mon autre question qui est en lien avec cette question porte sur les pratiques exemplaires et les leçons apprises. Quelles analyses ont été entreprises pour savoir si l’on utilise bien les pratiques exemplaires et les leçons apprises des autres pays dans notre registre?

Me Wells : Notre registre est très semblable à celui de l’Ontario. Les deux registres fonctionnent étroitement ensemble. Les délinquants doivent souvent se conformer aux deux. L’échange d’information se fait sans problème.

Pour ce qui est des autres pays, la plupart des pays auxquels le Canada se compare habituellement ont des registres. Les États‑Unis utilisent une approche différente. La plupart des éléments du registre sont publics et consultables, et ils imposent beaucoup plus de restrictions aux activités des délinquants dont le nom apparaît dans le registre. Leur approche est moins centrée sur la réhabilitation que celle qu’on trouve dans la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.

Pour ce qui est des pratiques exemplaires, comme l’a mentionné le ministre, le gouvernement entreprend une évaluation du registre pour s’assurer qu’il est efficace et qu’il est utile pour la police, et les pratiques exemplaires feront sans doute partie de l’évaluation.

Le sénateur Klyne : A-t-on effectué une comparaison avec les autres registres? A-t-on adopté des éléments provenant d’autres registres?

Me Wells : On a sans doute fait ce travail au début, lors de l’adoption du registre en 2004. En tant que fonctionnaires, nous cherchons toujours des idées auprès des autres pays pour savoir si on peut s’en inspirer. Jusqu’à maintenant, dans l’ensemble, le gouvernement est satisfait du modèle canadien, qui établit un équilibre entre la réhabilitation et la sécurité publique et...

Le sénateur Klyne : Il n’y a donc pas de nouveaux éléments à adopter qui proviennent d’autres registres?

Me Wells : Non. Le projet de loi S-12 vise expressément à donner suite à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Ndhlovu, de même qu’à intégrer d’autres éléments de notre...

Le sénateur Klyne : J’ai une autre question qui porte sur les chiffres. Quels effets pourraient avoir les modifications proposées dans le projet de loi S-12 sur le nombre de personnes inscrites au registre chaque année? De plus, quels effets les modifications proposées ont-elles pour ceux déjà inscrits au registre? Savez-vous combien de personnes sont susceptibles d’être touchées par les modifications?

Me Wells : Au sujet de votre première question, on s’attend à ce que le nombre de personnes devant s’inscrire au registre diminue. À l’heure actuelle, ils doivent tous le faire. On s’attend à ce que le pouvoir discrétionnaire fasse en sorte que certains n’auront pas à le faire. On s’attend à ce que leur nombre ne soit pas aussi faible que lorsque le pouvoir discrétionnaire des procureurs faisait aussi partie du régime entre 2004 et 2011. Nous ne pouvons pas prévoir la nature de la diminution, mais nous nous attendons à une certaine baisse.

Pour ce qui est des personnes dont le nom est déjà inscrit au registre, le projet de loi S-12 prévoit un mécanisme par lequel celles qui estiment que leur nom ne devrait pas se trouver dans le registre peuvent présenter une demande pour qu’il soit supprimé, en se basant sur les mêmes critères qui sont proposés pour les autres.

Le sénateur Klyne : Est-ce qu’on a fait une analyse des probabilités quant au nombre de personnes qui seront touchées dans ce cas?

Me Wells : Nous savons qu’il y a actuellement plus de 45 000 personnes qui sont soumises à une obligation et qui pourraient potentiellement présenter une demande.

Le sénateur Klyne : Avez-vous une idée du pourcentage?

Me Wells : C’est une prédiction qui serait très difficile à faire.

Le sénateur Klyne : Merci.

La sénatrice Busson : Je voudrais revenir sur une question que j’ai posée quand le ministre était ici, à propos de l’interdiction de publication. Encore une fois, j’ai un peu de mal à essayer d’entrer dans les détails, mais il y a toujours l’interprétation de l’expression « mesures raisonnables », concernant la consultation d’une victime dans le cas d’une interdiction de publication et, comme nous l’avons entendu, dans d’autres circonstances. La définition de « consultation » au sens juridique fait toujours l’objet de débats dans certaines circonstances.

Le ministre a répondu qu’il s’agirait d’un processus enrichi de consultation. Je suis ravie d’entendre cela, mais je me demande si vous envisagez des lignes directrices ou un moyen d’être un peu plus précis, car, bien sûr, il y a des victimes qui ne veulent absolument pas être traitées comme des victimes, mais plutôt comme des survivantes.

Me Taylor : C’est une excellente question, et « processus enrichi de consultation » correspond très bien à ce dont il s’agit. Quand le projet de loi a été rédigé, l’idée derrière cette disposition était vraiment de signaler au système judiciaire que les interdictions de publication ont pour but de protéger les victimes et que, par conséquent, il est impératif que les procureurs de la Couronne fassent tous les efforts possibles pour demander l’avis des personnes qui seraient soumises à l’interdiction de publication, tout en assurant la flexibilité du système. Comme vous le savez, l’administration de la justice est dispersée à travers le Canada et il peut être difficile de contacter une victime à un moment donné. Par ailleurs, on veut veiller à ce que les intérêts de cette victime soient protégés.

Le but est d’inciter le système à véritablement consulter la victime lorsque c’est possible et de solliciter son avis. Si cela a été fait et que la victime ne souhaite pas l’interdiction de publication, en principe, on communiquera l’information au tribunal et il n’y aura pas de demande d’interdiction de publication.

Si le procureur ne connaît pas le point de vue de la victime ou n’est pas en mesure de l’obtenir, il devrait demander l’interdiction de publication afin de préserver les intérêts de la victime, puis, dès que possible, consulter la victime pour vérifier si elle souhaite l’interdiction de publication. Si c’est le cas, la situation est résolue. Dans le cas contraire, il faudrait, comme pour l’autre amendement, pouvoir retourner devant le tribunal et lui signaler qu’en fait, l’interdiction de publication n’est pas nécessaire dans ce cas.

La sénatrice Busson : C’est la réponse que j’espérais. Je vous remercie.

J’avais la même préoccupation concernant l’autre question que j’ai également posée au ministre, à savoir le droit aux renseignements postsentenciels de la victime de ces crimes désignés. Pourriez-vous me décrire comment le Service correctionnel du Canada répondrait à cette obligation? Une fois que cette attente aura été créée, le respect des délais sera extrêmement important pour que cette obligation ait un sens.

Me Taylor : Je ne peux qu’effleurer la question, et si mes collègues souhaitent compléter ma réponse, je les invite à le faire. Le mieux serait évidemment de demander l’avis du Service correctionnel, mais pour l’élaboration de ce projet de loi, en tant que fonctionnaires du ministère de la Justice, nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues de Sécurité publique Canada et du Service correctionnel du Canada. Je suis d’accord avec vous. Il est nécessaire d’agir en temps utile pour donner corps à l’esprit et au sens de ces dispositions.

Je tiens à vous signaler qu’une disposition particulière n’entrera pas en vigueur à la date de la sanction royale. C’est plutôt par décret qu’elle entrera ultérieurement en vigueur. Il faut donner à nos collègues du Service correctionnel du Canada le temps dont ils ont besoin pour mettre au point leurs systèmes et leurs processus, afin de garantir une mise en œuvre efficace.

La sénatrice Busson : J’espère que le Service correctionnel est conscient de cette nécessité.

Me Taylor : Tout à fait.

La sénatrice Batters : Dans sa réponse au sénateur Boisvenu, quelqu’un — je ne sais plus qui — a dit quelque chose que j’aimerais clarifier. Est-ce que la publication inclut la transmission par courriel?

[Français]

Me Desharnais : C’était effectivement moi. Avec votre permission, je vais répondre en français.

Lorsque l’ordonnance a été modifiée en 2005, l’objectif était d’inclure tout ce qui se faisait par Internet. Effectivement, cela inclut la transmission par courriel d’un jugement, de notes sténographiques qui permettraient d’identifier la victime et de la relier à un dossier.

[Traduction]

La sénatrice Batters : D’accord. Donc, cela pourrait également inclure les courriels envoyés par les personnes qui font l’objet des interdictions de publication, les victimes. Je me demande si cela inclurait aussi les messages de ces victimes sur les médias sociaux.

Me Taylor : Je peux amorcer la réponse.

Je pense que cela représente un défi. J’ai essayé de l’expliquer un peu au sénateur Boisvenu tout à l’heure. Il est certain que lorsque les interdictions de publication ont été inscrites pour la première fois dans le Code criminel, elles visaient essentiellement la presse écrite, les journaux, les journalistes qui publiaient des articles. Le concept de publication, qui figure dans les dispositions, est vraiment destiné à répondre à cela. Comme l’a dit ma collègue, l’ajout de la notion de diffusion a modifié le champ d’application de l’interdiction de publication. Comme je l’ai dit précédemment, nous n’avons pas beaucoup de jurisprudence à ce sujet. Il est certain qu’une partie de la jurisprudence de l’Alberta, par exemple, interprète le concept de diffusion de manière très large. C’est pourquoi je pense que le ministre Lametti a indiqué sa volonté d’essayer de répondre à certaines des préoccupations que vous avez exprimées, sénatrice Batters.

La sénatrice Batters : C’est très préoccupant.

Comme nous l’a appris la sénatrice Busson dans son discours, au moment de la deuxième lecture — et quelqu’un a mentionné cela aujourd’hui —, dans le cadre du régime actuel, de nombreux délinquants sexuels ne s’enregistrent pas. C’est la raison pour laquelle ce projet de loi contient une disposition visant à obliger à s’enregistrer ceux qui sont tenus de le faire en tant que délinquants sexuels. Dans l’état actuel des choses — je crois que c’est Me Wells qui l’a dit dans l’une des réponses qu’elle a données aujourd’hui —, le seul mécanisme qui existe pour faciliter le respect du registre est d’arrêter l’individu et de porter une accusation en vertu du Code criminel. Cependant, la perspective d’une accusation criminelle s’avère inefficace. Le projet de loi S-12 va donc plus loin et crée un mandat lié à la conformité qui permet à la police d’arrêter et d’amener un délinquant sexuel non conforme à un centre d’enregistrement pour qu’il s’acquitte de son obligation. Si le délinquant fournit les renseignements requis, il ne sera pas accusé d’une infraction criminelle.

En quoi cela nous permet-il d’aller plus loin? Si le délinquant sexuel n’a pas respecté ses obligations alors qu’il risquait une accusation, comment cette nouvelle procédure, qui aboutit également à une accusation éventuelle, sera-t-elle plus efficace, alors que 20 % de ces délinquants s’en moquent totalement? Est‑ce la perspective d’être escorté par la police qui est intimidante? Qu’est-ce que c’est?

Me Wells : Je voudrais tout d’abord mentionner que ce sont les provinces et les territoires qui nous ont recommandé d’inclure ce type de mandat. Ils espéraient l’inclure dans le registre national. Ce type de mandat existe pour le registre de l’Ontario. L’Ontario affirme y recourir fréquemment pour favoriser le respect de la loi. Il s’agit d’un mandat en matière criminelle; le mot « favoriser » n’est peut-être pas assez fort.

On espère que cela facilitera les choses. Si les gens ne viennent pas, il y a peut-être une raison. Je pense que la meilleure solution est de les amener au centre de contrôle et de leur donner l’occasion de le faire. S’ils n’obtempèrent pas, ils feront l’objet d’une accusation. C’est presque la première étape. Ils peuvent toujours être arrêtés et accusés de l’infraction. Mais il s’agit là d’un moyen d’éviter les frais d’administration de la justice et de faciliter le respect de la loi. Toutefois, s’ils ne se conforment pas, des accusations sont toujours possibles.

La sénatrice Batters : Merci.

La sénatrice Simons : Je voudrais revenir sur la question de l’interdiction de publication. Je voudrais d’abord préciser que, comme je l’ai dit, j’ai été journaliste pendant 30 ans, et d’après ce que j’ai compris — veuillez me corriger si je me trompe —, la principale façon d’appliquer une interdiction de publication est de recourir à une citation pour outrage au tribunal, et non à des accusations criminelles. Si vous violez une interdiction de publication, vous commettez un outrage au tribunal.

Me Taylor : Le Code criminel prévoit, à l’article 486.6, un délit particulier en cas de transgression d’une interdiction de publication.

La sénatrice Simons : Est-ce qu’on ne procède pas plutôt à une citation pour outrage au tribunal?

Me Taylor : Je n’ai pas cette information. Nous pouvons poser la question et fournir la réponse à la prochaine occasion.

La sénatrice Simons : Quant à la question de la diffusion, elle a toujours été présente. Autrefois, seuls les éditeurs de journaux, les chaînes de télévision et les stations de radio pouvaient publier. Mais avec les progrès d’Internet, tout le monde peut être éditeur, que ce soit avec un blogue, un compte Twitter, Discord ou Mastodon, peu importe la plateforme. Je suppose que vous parlez de diffusion parce que c’est ce que vous cherchez à inclure. On peut supposer que ces personnes auraient toujours pu être accusées en vertu de l’ancienne loi, mais qu’elles ne l’ont pas été. Vous traquez des comptes anonymes sur Internet au lieu de vous en prendre à Post Media ou à CBC/Radio-Canada.

Me Taylor : J’ai quelques observations à faire là-dessus. Comme je l’ai dit précédemment, le concept de publication s’inscrit dans le contexte de la diffusion d’information au grand public. La diffusion fait, bien sûr, double emploi avec cette notion. Cependant, les législateurs, au moment de modifier la loi pour y inclure ce concept plus large, cherchaient à englober, avec ce concept supplémentaire de diffusion, d’autres situations préoccupantes qui ne concernaient pas nécessairement la diffusion au grand public, mais qui avaient tout de même pour effet de saper les objectifs qui sous-tendaient la disposition relative à l’interdiction de publication en premier lieu. Il est certain que nous avons entendu, comme vous d’ailleurs, des préoccupations concernant le fonctionnement de ces dispositions et leurs effets non intentionnels, je dirais. Je pense que c’est ce que le projet de loi essaie de faire en ce moment. Comme l’a dit le ministre, il est disposé à essayer de préciser davantage ce point.

La sénatrice Simons : L’une des conséquences souvent involontaires de l’interdiction de publier le nom d’une victime est qu’on finit par protéger le nom de l’accusé. On se retrouve avec des procès qui se déroulent presque dans le secret. On ne peut pas nommer l’accusé parce qu’on risquerait de nommer la victime par inadvertance. Je me demande si les gens peuvent contester cela, et dans quelle mesure cela peut faire partie de la réflexion du juge. Cela me préoccupe que certains des délinquants sexuels les plus odieux ne soient jamais nommés publiquement en raison de l’interdiction de publication.

Me Taylor : Je dirais tout d’abord que, d’après la jurisprudence, les tribunaux ont déclaré que l’interdiction de publication n’est pas destinée à protéger l’identité de l’accusé. Deuxièmement, si une victime cherche à révoquer ou à modifier une interdiction de publication et qu’un tribunal est appelé à examiner cette question, la jurisprudence confirme également qu’en Ontario, le point de vue d’un accusé à ce sujet n’a aucun poids. Nous disposons d’une certaine jurisprudence sur ces points, bien que la situation soit compliquée lorsque la victime elle-même demande l’interdiction de publication pour se protéger. Comme vous l’avez dit, cela pourrait avoir pour conséquence que le nom de l’accusé ne soit pas rendu public.

La sénatrice Simons : Je dois dire qu’en 30 ans de journalisme, je n’ai vu qu’une seule personne accusée d’avoir violé une interdiction de publication. Cette personne l’a fait sans le vouloir, parce qu’elle ne comprenait pas. Il s’agissait d’un gardien de prison à qui un détenu avait exposé ses parties intimes. Ni lui ni son éditeur ne comprenaient qu’il s’agissait d’une agression sexuelle. Il le sait maintenant. Je dois dire qu’il est maintenant avocat, alors tout s’est arrangé.

Le sénateur Dalphond : Je remercie les fonctionnaires d’être présents pour répondre aux questions plus techniques.

La disposition relative au mandat est prévue au paragraphe 490.03121(1) qui est proposé. Le libellé devient pire que celui de la Loi de l’impôt. Voici ce qu’il dit : « Le juge de paix qui est convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une personne a contrevenu à... »

Si une personne ne fournit pas sa nouvelle adresse, par exemple, c’est un cas. Mais pour demander un mandat à un juge ou à un juge de paix, il faut savoir que la personne a déménagé, ce qui limite les possibilités. Le système doit savoir qu’il y a eu violation pour qu’il soit possible d’agir.

Me Wells : Il existe également des dispositions correspondantes au mandat qui permettraient l’échange de renseignements sur ces questions.

D’après mes entretiens avec la GRC, je crois comprendre que la majorité des personnes qui ne sont pas en conformité ont manqué à leurs obligations de déclaration annuelle. Cela semble être une preuve de plus que...

Le sénateur Dalphond : Oh, je vois. [Difficultés techniques] le système automatiquement.

Me Wells : Exactement.

Le sénateur Dalphond : Je comprends. Il y aurait une vérification au moins une fois par année?

Me Wells : C’est exact. La Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels confère actuellement ce pouvoir. Le projet de loi propose de préciser le pouvoir de la police de vérifier la conformité en se rendant sur place et en confirmant que le délinquant vit à tel endroit, par exemple. C’est une autre façon de confirmer le respect de la loi. Si les policiers se rendent au domicile et que personne du nom du délinquant n’y habite, ils sauront que celui-ci n’est pas en règle. Ils chercheront probablement dans le registre d’autres moyens de le localiser, et il y aura probablement une enquête policière générale.

Le sénateur Dalphond : Ce que vous assurez, c’est la vérification annuelle de la conformité?

Me Wells : Je crois comprendre que c’est la raison pour laquelle la plupart des gens ne sont pas en conformité.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : La décision de la Cour suprême a été prise à cinq juges pour et quatre juges contre. Il semblait y avoir unanimité quant à l’interdiction de l’inscription à vie. Les juges dissidents étaient d’accord avec ça.

Toutefois, les quatre juges dissidents ont déclaré que l’inscription obligatoire sur une période précise, 10 ans ou 20 ans, n’était pas anticonstitutionnelle. Les juges ont aussi dit quelque chose d’intéressant, à savoir que cela servait vraiment d’outil important et utile pour les policiers pour l’identification des prédateurs, et que la décision d’abolir l’obligation d’inscrire des prédateurs sexuels, même pour de courtes périodes, ferait en sorte que les policiers auraient un outil de moins pour identifier les criminels.

Cela veut dire qu’aujourd’hui, avec cette loi, les policiers sont moins bien équipés qu’ils ne l’étaient avant, n’est-ce pas?

[Traduction]

Me Wells : Comme je l’ai dit précédemment, on s’attend certainement à ce que moins de délinquants soient tenus de s’enregistrer. Quant à savoir si cela se traduit par une diminution du travail de la police, je pense que la GRC serait la mieux placée pour vous parler des incidences que cela pourrait avoir sur son travail en tant qu’organisation chargée de préserver les renseignements contenus dans le registre.

Vous avez raison, la décision a été très serrée, à 5 voix contre 4. Cinq juges ont estimé que la loi était inconstitutionnelle, et quatre l’auraient maintenue. Cela ne change pas le résultat en fin de compte, mais c’était très serré.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : C’est quand même une mauvaise nouvelle pour les femmes. Merci, maître Wells.

[Traduction]

Le président : Je vous signale à tous que les gens de la GRC vont venir témoigner. Nous aurons peut-être l’occasion de revenir sur cette question avec eux lorsqu’ils seront ici.

La sénatrice Pate : Ma question porte sur les données. Disposez-vous de données sur la durée pendant laquelle les gens ont été inscrits au registre avant d’en être retirés? Combien de temps restent-ils dans le registre, en général? Est-ce que ces chiffres existent?

Quelle est l’augmentation graduelle? Le registre compte actuellement 45 847 personnes. Depuis combien de temps ces personnes sont-elles enregistrées? Combien de personnes sont enregistrées chaque année? J’aimerais suivre l’évolution de l’augmentation si les données sont disponibles. Si ce n’est pas le cas, pouvons-nous en faire la demande, s’il vous plaît?

Me Wells : Pour répondre à votre première question, personne n’est retiré du registre. Une fois que vos renseignements sont inscrits dans le registre, ils y restent pour toujours.

Le projet de loi S-12 propose de réduire cette période à 50 ans. La GRC a indiqué qu’un enregistrement à vie, c’est trop long, et qu’une période de 50 ans est plus appropriée. Même si un délinquant n’a pas d’obligation de déclaration, ses renseignements restent dans le registre.

La durée de l’obligation de déclaration est définie dans le Code criminel. Elle est principalement liée à la peine maximale prévue dans le cadre de la condamnation pour laquelle une ordonnance de déclaration a été prononcée au titre de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. La durée est toujours fixe; il existe des ordonnances de 10 ans, de 20 ans et à vie.

En ce qui concerne l’augmentation graduelle, cela change tous les jours. Je ne vais pas essayer de deviner. Nous avons posé cette question à la GRC il y a quelques semaines. Je ne me souviens plus du chiffre, mais nous allons essayer de vous fournir une moyenne du nombre de personnes qui s’ajoutent chaque jour ou chaque semaine.

Le sénateur Dalphond : Pourriez-vous expliquer plus en détail la différence entre l’enregistrement automatique des cas les plus graves impliquant des enfants et les anciens systèmes? Il semble que le sentiment général soit que les gens n’ont peut-être pas besoin de s’enregistrer. Veuillez expliquer les mécanismes. Dans un cas, l’enregistrement est automatique, il n’y a donc pas de mécanisme. L’enregistrement se fait dans le système. Qu’est‑ce qui se passe avec tous les autres cas?

Me Wells : Je serais heureuse de le faire. Le projet de loi S-12 propose que lorsqu’une peine est prononcée, une autre étape du processus consiste à déterminer si le délinquant devrait être tenu d’inscrire ses renseignements au registre.

Le régime actuel du Code criminel, qui a été invalidé par l’arrêt Ndhlovu, stipulait qu’il fallait inscrire au registre les renseignements de toute personne qui avait été condamnée ou déclarée non criminellement responsable d’une infraction. C’était comme cela, point final.

La Cour suprême a déclaré que cette disposition était trop large et qu’elle visait trop de personnes pour lesquelles l’inscription au registre n’était pas liée à l’objectif poursuivi par la loi. En somme, le projet de loi S-12 répond à cette décision avec l’inscription au registre par défaut pour tout le monde. Si une personne est condamnée ou déclarée non criminellement responsable, on présume que ses renseignements seront inscrits au registre à moins qu’elle puisse répondre aux deux critères proposés dans le projet de loi S-12 : l’inscription de ses renseignements au registre a des effets nettement démesurés par rapport à ses intérêts en matière de protection de renseignements personnels, ou, l’inscription au registre n’est pas liée à l’objectif poursuivi par le registre.

C’est la règle générale. Le projet de loi S-12 propose de créer deux catégories pour lesquelles l’enregistrement automatique des renseignements sera toujours possible. Comme l’a indiqué le ministre, il s’agit des personnes qui commettent des infractions sur des enfants, sur des personnes de moins de 18 ans, pour lesquelles la Couronne procède par voie de mise en accusation et pour lesquelles une peine de deux ans ou plus est imposée. Il s’agit de cas très graves. Avec cette modification, le gouvernement est convaincu qu’il pourra établir un juste équilibre entre la sécurité publique et le respect de la Charte.

La deuxième catégorie concerne les récidivistes, donc toute personne qui a déjà été déclarée coupable d’une infraction sexuelle ou qui a dû se conformer à la Loi sur l’enregistrement des renseignements sur les délinquants sexuels, parce que, par exemple, elle venait de l’étranger. Ces personnes ont manifestement récidivé une fois et sont susceptibles de le refaire. Le gouvernement est d’avis que l’enregistrement des renseignements automatique est approprié dans ces cas. Tel est le cadre général.

Le sénateur Dalphond : Mais pour les autres cas, est-ce que ce serait à la personne qui a été déclarée coupable de répondre aux deux critères? On présumerait donc que leurs renseignements seraient inscrits?

Me Wells : Absolument.

Le sénateur Dalphond : Et c’est à elles de dire que leurs renseignements ne devraient pas être consignés au registre. Ce n’est pas automatique, alors à moins qu’elles n’entreprennent des démarches, les renseignements seront inscrits au registre.

Me Wells : Il faut présenter une preuve devant la cour comme quoi l’inscription au registre serait nettement démesurée, ou aurait une trop large portée et serait sans rapport avec l’objectif poursuivi par le registre. Dans le cas contraire, l’inscription par défaut l’emporterait et le délinquant serait tenu de se conformer à l’inscription au registre.

Le sénateur Dalphond : Et c’est à la personne déclarée coupable qu’il incomberait de le faire?

Me Wells : Oui.

Le sénateur Dalphond : Je pense que certaines personnes autour de la table ne comprennent pas cela.

Je vous remercie.

La sénatrice Greenwood : Je vous remercie de vos commentaires aujourd’hui. Je suis nouvelle à ce comité et j’ai donc écouté attentivement ce qui s’est dit.

Comme vous étiez en train de l’expliquer, je pensais aux délinquants qui purgent une peine d’emprisonnement de plus de deux ans pour des infractions visant des enfants. Y a-t-il des échantillons d’ADN dans le registre?

Me Wells : Les échantillons d’ADN ne sont pas inclus dans le régime du registre des délinquants sexuels, en soi, mais le Code criminel contient un régime d’ADN très complet. Il fonctionne séparément du Registre national des délinquants sexuels, mais les infractions désignées sont presque identiques. Il s’agit de régimes parallèles, régis par des lois différentes, mais qui sont tout aussi complets.

La sénatrice Greenwood : Pourra-t-on combiner ces deux régimes un jour? Il me semble qu’il serait très important, dans le cas d’infractions particulièrement odieuses, d’avoir le plus d’informations possible.

Me Wells : Les forces policières ont déjà accès à ces renseignements. Il ne nous a jamais été suggéré qu’il était nécessaire de combiner ces deux bases de données. Je pense que la police est en mesure de les utiliser toutes les deux, séparément. Nous n’avons jamais eu connaissance d’une proposition visant à les fusionner.

La sénatrice Greenwood : Je vous remercie.

Le président : Voilà qui nous amène à la fin de notre réunion. Maître Taylor et maître Wells, je vous remercie pour le temps que vous nous avez consacré, une fois de plus.

Je vous remercie aussi, maître Desharnais, de votre contribution.

Cette discussion nous a été très utile, et je sais que nous vous reverrons d’ici peu pour parler d’un autre sujet. Nous vous remercions.

Chers collègues, je vous remercie de votre participation, et je remercie les membres du personnel qui nous soutiennent dans nos travaux. Sans eux, nous ne serions pas en mesure d’accomplir ce travail.

Nous poursuivrons la discussion et l’examen du projet de loi S-12 demain au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

(La séance est levée.)

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