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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 9 octobre 2024

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 52 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la pratique consistant à inclure des questions non financières dans les projets de loi exécutant les dispositions des budgets et des énoncés économiques.

Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonsoir à tous, honorables sénateurs et sénatrices. Avant de commencer, je voudrais demander à tous les sénateurs et aux autres participants qui sont ici en personne de consulter les cartes sur les tables pour connaître les lignes directrices qui visent à prévenir les incidents liés au retour de son. Veuillez tenir votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la, face fers le bas, sur l’autocollant placé sur la table à cet effet. Merci à tous de votre coopération.

Bienvenue aux sénateurs et sénatrices, et aussi aux Canadiens qui se joignent à nous sur sencanada.ca.

Je m’appelle Claude Carignan, je suis un sénateur du Québec et je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais maintenant demander à mes collègues de se présenter, en commençant par ma gauche.

Le sénateur Forest : Éric Forest, de la division du Golfe, au Québec.

Le sénateur Gignac : Clément Gignac, de la division de Kennebec, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice LaBoucane-Benson : Patti LaBoucane-Benson, territoire visé par le Traité no 6, Alberta.

La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Loffreda : Bienvenue. Je suis le sénateur Tony Loffreda de Montréal, Québec.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, de la division De Lorimier, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Fridhandler : Bonsoir. Je suis le sénateur Daryl Fridhandler, de l’Alberta.

[Français]

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Ross : Je suis Krista Ross, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Smith : Larry Smith, Saurel, Québec.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, ce soir, nous continuons notre étude sur la pratique consistant à inclure des questions non financières dans les projets de loi exécutant les dispositions des budgets et des énoncés économiques.

Nous avons le plaisir d’accueillir Charles Robert, qui est un ancien greffier du Sénat et de la Chambre des communes, et j’oserais même dire un ami du Sénat. La sénatrice de l’Australie-Occidentale Louise Pratt, qui est également présidente du comité des finances et de l’administration publique, devait faire une présentation par vidéoconférence, mais puisque nous avons éprouvé des difficultés techniques, elle nous l’enverra par écrit et nous pourrons la consulter par la suite.

Monsieur Robert, je vous invite à présenter votre introduction de 5 à 10 minutes.

Charles Robert, ancien greffier du Sénat et ancien greffier de la Chambre des communes, à titre personnel : Environ 10 minutes, mais il me faut toujours un peu plus de temps.

Le président : Allez-y; nous aurons ensuite des questions pour vous.

M. Robert : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le Comité des finances nationales a pour mandat d’étudier comment le Sénat pourrait améliorer le traitement qu’il accorde aux lois d’exécution du budget, ou LEB, et plus particulièrement les dispositions non financières qu’elles renferment. L’ordre de renvoi adopté en février dernier charge le comité d’examiner trois aspects relatifs à l’examen des LEB soumises au Sénat. Le premier concerne les procédures actuelles présidant à l’examen des aspects non financiers des LEB, le deuxième vise à amasser des renseignements sur les procédures suivies par d’autres assemblées législatives et le troisième vise à formuler des recommandations et des lignes directrices aptes à garantir un examen adéquat des aspects non financiers contenus dans les LEB.

[Français]

Compte tenu des fonctions que j’ai occupées au Sénat ainsi qu’à la Chambre des communes, je suis prêt à fournir des renseignements et peut-être des conseils susceptibles d’aider les membres du comité dans l’exécution de leur mandat.

Permettez-moi tout d’abord de dire que je suis honoré d’avoir l’occasion de témoigner devant vous dans le cadre de votre étude. Je crois fermement au travail effectué par le Sénat et à l’importance de sa contribution à l’étude législative et à l’examen des politiques mené par le Parlement, une responsabilité qu’il partage avec la Chambre des communes. Dans ma présentation, je me concentrerai sur les premier et troisième éléments de l’ordre de renvoi. Je pense qu’il existe d’autres ressources à votre disposition pour vous permettre de recueillir des renseignements sur les pratiques suivies dans d’autres assemblées législatives.

[Traduction]

Au cours de la première session de la 44e législature, qui a débuté en 2021, le Sénat a dû examiner cinq projets de loi d’exécution du budget distincts. Chacun d’entre eux est, dans une certaine mesure, une expression législative de l’exposé économique présenté par la ministre des Finances deux fois par an, généralement au printemps et à l’automne.

Or, ces projets de loi sont devenus énormes, et ils couvrent un large éventail de mesures législatives et modifient un nombre considérable de lois. En outre, ces projets de loi omnibus encombrants contiennent non seulement la matière budgétaire découlant de l’exposé économique de la ministre, mais aussi un grand nombre de dispositions non financières. C’est pour cette raison que le Sénat demande conseil à ce comité.

Cette pratique qui consiste à inclure autant de choses dans une loi d’exécution du budget se justifie par la commodité du procédé et par le fait qu’il manque de temps pour traiter tous ces enjeux par le truchement de lois distinctes. C’est un procédé commode que les gouvernements des deux partis utilisent depuis les 30 dernières années, si ce n’est plus.

Une autre raison est que, compte tenu de leur relation avec le budget et les affaires d’« aides » et de « crédits », les LEB sont traitées en accéléré au Parlement, à la Chambre des communes et au Sénat, comme si elles faisaient partie de la procédure d’établissement des budgets qui, depuis les réformes survenues à la fin des années 1960 à la Chambre des communes, sont examinés selon un calendrier fixe, un processus d’allocation de temps prédéterminé avec trois périodes distinctes se terminant en décembre, mars et juin de chaque année.

Sous ce régime, les LEB sont invariablement adoptées par les deux chambres du Parlement avant les ajournements prolongés de l’hiver et de l’été, parfois avec un délai serré au Sénat, ce qui ne manque pas d’irriter de nombreux sénateurs.

[Français]

La procédure suivie au Sénat pour chacun de ces cinq projets de loi a été la même et est devenue une pratique courante pour le traitement d’à peu près tous les projets de loi d’exécution du budget. Dans chaque cas, les sénateurs ont adopté une motion pour autoriser l’étude préalable du projet de loi d’exécution du budget alors que celui-ci était encore à l’étude à la Chambre des communes. En outre, cette motion a donné lieu à la répartition du contenu de chaque projet de loi entre les différents comités permanents, ce qui a favorisé un examen plus approfondi avant que le Comité sénatorial permanent des finances nationales ne présente au Sénat un rapport compilé des différentes études.

Les études préalables sont-elles utiles? Oui, selon toute vraisemblance. Est-ce suffisant? C’est une question qu’il appartiendra aux membres du comité et aux sénateurs de trancher.

[Traduction]

Le processus suivi par le Sénat a été le même pour chacun de ces cinq projets de loi. Ce qui semble clair, c’est que le Sénat a fait preuve d’une volonté d’adapter ses pratiques pour répondre aux exigences propres des LEB, notamment leurs délais serrés, tout en cherchant à faire en sorte que son examen de la loi ait un certain niveau de crédibilité.

Le temps est un facteur important, mais inconstant. La durée de la préétude peut varier considérablement, allant de moins d’un mois à six semaines, voire plusieurs mois. Quel que soit le temps accordé à la préétude, celui consacré aux trois lectures des LEB est invariablement limité.

Cette incertitude quant au temps adéquat requis pour l’étude préalable, combinée à un débat comprimé lors des étapes de lecture et à la perspective de LEB de plus en plus volumineuses, l’efficacité des efforts du Sénat pour ajuster ses pratiques actuelles sera inévitablement minée. Il sera de plus en plus difficile et frustrant d’essayer de respecter la « date limite » pour l’adoption des LEB tout en satisfaisant à l’obligation d’un examen suffisant de ces projets de loi difficiles à manier, notamment en ce qui concerne les dispositions non financières qu’ils renferment.

Existe-t-il une meilleure solution? Le Sénat semble le penser, si l’on en croit l’ordre de renvoi du 6 février.

La troisième partie de l’ordre de renvoi donne au comité la mission de formuler des recommandations et des lignes directrices sur les méthodes susceptibles de permettre un examen approprié des dispositions non financières contenues dans les lois d’exécution du budget, tout en permettant aux dispositions financières d’être examinées en temps voulu. La structure de cette proposition reconnaît implicitement que la séparation des aspects financiers et non financiers des LEB pourrait être une solution viable. En séparant ces deux aspects d’une LEB, nous nous acquitterions de l’obligation d’adopter rapidement les composantes budgétaires tout en donnant au Sénat plus de temps pour évaluer les dispositions non financières.

[Français]

La division au Sénat d’un projet de loi émanant de la Chambre des communes semble être une pratique inhabituelle et quelque peu douteuse. La division d’un projet de loi, ou la combinaison de deux projets de loi ou plus, a toujours été une option disponible pour la Chambre où le projet de loi a été mis en œuvre, mais il était moins clair qu’une telle procédure pouvait être suivie correctement par la seconde Chambre. Il semble que l’on dispose de quelques exemples à Westminster, mais ils n’ont pas été utilisés pour établir des principes directeurs pour la pratique canadienne. Le dernier de ces cas connus remonte à 1919 et concernait un projet de loi du ministère des Transports, mais l’instruction de diviser le projet de loi a été rejetée en raison de difficultés techniques, et les rédacteurs de la 20e édition d’Erskine May ont expliqué qu’on n’avait pas encore établi le bien-fondé de la procédure.

Ce n’est pas le cas au Canada, où il y a eu trois exemples pertinents : en 1941, 1988 et 2023. Aucun de ces exemples ne concernait une loi d’exécution du budget, mais ils illustrent la manière dont la Chambre des communes pourrait réagir à la division par le Sénat d’une loi d’exécution du budget en deux parties, l’une financière et l’autre non financière. En résumé, ils suggèrent de persuader les députés d’accepter la division d’un projet de loi d’exécution du budget si une certaine condition est respectée. Comme je l’expliquerai, je ne crois pas que le respect de cette condition soit nécessaire, mais jusqu’à ce que la Chambre des communes ajuste sa position ou étende la portée de ses précédents, le Sénat serait prudent de respecter cette condition sine qua non.

[Traduction]

Pour expliquer cela, je commencerai par le cas de 1988 avec le projet de loi C-103 qui visait notamment à établir l’Agence de promotion économique du Canada atlantique et Entreprise Cap-Breton.

Le Règlement est invoqué au Sénat lorsqu’une motion visant à ordonner au Comité des finances nationales de scinder le projet de loi est présentée le 1er juin, après la deuxième lecture. La décision du Président Charbonneau est rendue plusieurs jours plus tard, soit le 7 juin. Bien qu’il n’ait rien à redire du préavis donné ou de la forme de la motion, il l’a jugé irrecevable. Selon lui, une fois scindé, le projet de loi C-103 ne serait plus un projet de loi du gouvernement. Les deux nouveaux projets de loi ainsi formés seraient plutôt des projets de loi du Sénat, ce qui n’est pas chose possible étant donné qu’ils visent à affecter des fonds publics. Cette décision est par la suite annulée en appel par le Sénat plénier, et la motion d’instruction est adoptée.

Un mois plus tard, le 8 juillet 1988, la première partie du projet de loi divisé est renvoyée par voie de message à la Chambre des communes. Le Règlement est aussitôt invoqué pour s’opposer à l’action sans précédent du Sénat. Après avoir entendu les arguments sur la question, le Président de la Chambre remet le prononcé de sa décision pour la rendre finalement le 11 juillet 1988. Après avoir fait référence à des questions constitutionnelles dont il a reconnu qu’elles ne relevaient pas de sa compétence, le Président conclut que le message du Sénat porte atteinte aux privilèges de la Chambre des communes parce que le Sénat a décidé de scinder le projet de loi C-103 sans lui demander son accord, une condition sine qua non. Le privilège en question est fondé sur l’article 54 de la Constitution qui est lui-même exprimé dans l’article 87 du Règlement, affirmant que tous les projets de loi de nature financière, les projets de loi de subsides et de crédits, sont du ressort exclusif de la Chambre des communes d’où ils doivent provenir et qu’ils sont inaltérables par le Sénat.

Le Président Fraser a déclaré :

En ce qui concerne le projet de loi C-103, j’estime en toute déférence, bien sûr, que le Sénat aurait dû demander l’accord de la Chambre afin de diviser cette mesure, et qu’en ne renvoyant qu’une partie du projet de loi comme un fait accompli, il a porté atteinte aux privilèges des députés.

On ne sait pas exactement à quel privilège on a porté atteinte, bien que la référence faite dans la décision à l’article 87 du Règlement puisse nous mettre sur la piste. Malgré ce constat, le Président n’a pas pu déclarer le message irrecevable.

La solution est alors entre les mains de la Chambre, qui peut soit revendiquer ses privilèges, soit y renoncer et en informer le Sénat par voie de message. Le Sénat reçoit ledit message le 26 juillet et adopte ensuite le projet de loi C-103, en bloc et sans amendement, le 18 août.

[Français]

L’essentiel de la décision du Président Fraser était la nécessité pour le Sénat de demander l’assentiment, d’obtenir la permission ou l’accord de la Chambre dans son action visant à diviser le projet de loi C-103. Cette position, comme il l’a admis, était fondée, au moins en partie, sur le cas du 11 juin 1941. À cette occasion, le Sénat a été saisi de deux projets émanant de loi de la Chambre des communes et visant à modifiant la Loi spéciale sur les revenus de guerre, à savoir le projet de loi 88 et le projet de loi 101, cette dernière mesure législative étant un projet de loi non amendé comportant une seule disposition.

Le débat à l’étape de la troisième lecture sur le projet de loi 88 s’est déroulé sur deux jours et s’est concentré sur un amendement visant à suspendre l’entrée en vigueur d’un article particulier jusqu’à ce que la Cour suprême puisse en évaluer la constitutionnalité. Une fois l’amendement adopté, une motion a été déposée pour consolider le projet de loi 101 dans le projet de loi 88. Proposer la combinaison de deux projets de loi à l’étape de la troisième lecture, ce qui se fait normalement au stade de l’étude en comité, était certainement sans précédent, mais les sénateurs l’ont fait sans hésitation. Dans leur message, ils ont informé les députés qu’ils avaient adopté le projet de loi 88 avec un amendement et l’incorporation du projet de loi 101, pour laquelle ils souhaitaient avoir leur aval.

[Traduction]

La demande d’assentiment a été faite parce que le projet de loi 101 non amendé a été joint au projet de loi 88 amendé. Cependant, la présumée atteinte au privilège concernait l’amendement au projet de loi 88, et non la décision du Sénat de combiner deux projets de loi. C’est ce qui ressort du message de la Chambre en réponse au Sénat, envoyé plus tard le même jour, le 11 juin 1941. Le message a été proposé par le ministre des Finances, et il déclarait :

Que ledit amendement soit maintenant lu pour la deuxième fois et adopté; mais que cette chambre, tout en désapprouvant toute atteinte à ses privilèges ou à ses droits par l’autre chambre, renonce dans ce cas à ses prétentions d’insister sur ces droits et privilèges; mais la renonciation auxdits droits et privilèges ne doit pas être considérée comme un précédent; et, en outre, que cette chambre consente à l’incorporation dans ce projet de loi du projet de loi no 101, Loi modifiant la Loi spéciale sur les revenus de guerre...

Le message est adopté par la Chambre sans débat. Comme toujours, la Chambre se plaint du fait que l’amendement au projet de loi 88 établit une condition limitant l’autorité de la Chambre à l’égard des finances publiques. La décision du Sénat de combiner les deux projets de loi n’est pas contestée.

[Français]

Quoi qu’il en soit, la décision du Président Fraser a été invoquée par le Président Milliken en 2002 lorsque la Chambre a examiné le troisième exemple, à savoir la division du projet de loi C-10, visant à modifier le Code criminel du Canada en ce qui concerne les armes à feu et la cruauté envers les animaux, ainsi que la Loi sur les armes à feu.

Le message du Sénat reçu à la Chambre des communes le 5 décembre 2002 était composé de plusieurs parties. Il expliquait les éléments suivants : que le projet de loi C-10 avait été divisé en projets de loi C-10A et C-10B; que l’accord de la Chambre avait été demandé pour cette division; que le projet de loi C-10A avait été adopté sans amendement; enfin, que l’examen du projet de loi C-10B se poursuivait.

Le Président Milliken a statué au sujet d’un rappel au Règlement et d’une question de privilège contestant le bien-fondé du message du Sénat. Dans sa décision du 5 décembre, il a estimé qu’aucune des deux plaintes n’était fondée. Il n’y avait aucun motif de s’y opposer, puisque les sénateurs avaient demandé l’accord des députés pour la division du projet de loi C-10.

En outre, le Président n’a vu aucune preuve du fait que les mesures prises par les sénateurs avaient enfreint les termes de la recommandation royale jointe au projet de loi. Néanmoins, à la lumière de la division, le Président a déclaré qu’il appartenait aux députés de décider s’ils insistaient sur leurs privilèges ou s’ils y renonceraient dans ce cas. En fin de compte, la Chambre a accepté le message du Sénat et le projet de loi C-10A a reçu la sanction royale en mai 2003. Le projet de loi C-10B est mort au Feuilleton lors de la prorogation du Parlement.

[Traduction]

Alors que je préparais ma présentation, j’ai pris connaissance, en fin de journée, d’une décision du président du Sénat datant de 2017 qui concernait une loi portant exécution du budget. Permettez-moi de vous en dire quelques mots.

Lors de la première session de la quarante et unième législature en juin 2017, le Règlement est invoqué pour contester une motion d’instruction visant à permettre au Comité national des finances de diviser un projet de loi d’exécution du budget, le C-44. C’est donc une situation directement reliée à celle qui préoccupe actuellement le comité. La décision de la présidence fait écho au raisonnement fourni par le Président Charbonneau en 1988. Comme cela s’est produit à l’époque, la décision est contestée, mais cette fois-ci, elle est maintenue par un vote à égalité des voix. Comme dans le cas de la décision Charbonneau, le Président estime que la division d’un projet de loi de la Chambre des communes crée deux nouveaux projets de loi émanant désormais du Sénat. Cela signifie également qu’il ne s’agit plus de projets de loi du gouvernement. Tout aussi troublante, sinon plus, est la question de la recommandation royale requise, qui ne peut être octroyée que par la Chambre des communes.

Selon mon évaluation de ces antécédents procéduraux remontant à 1941, on peut vraiment s’interroger sur la logique de la décision rendue. La recommandation royale s’applique à toutes les dispositions du projet de loi initial qui prévoient l’affectation de fonds publics. Cette réalité ne change en rien si ces mêmes dispositions sont maintenant incluses dans un projet de loi qui a été scindé, et les deux projets de loi ainsi formés ne deviennent pas pour autant des projets de loi du Sénat. Lorsqu’ils sont renvoyés à la Chambre des communes, celle-ci n’a pas à les traiter comme des projets de loi « S », et on ne reprend pas le processus du début en procédant à la première, à la deuxième et à la troisième lectures.

Ces deux décisions ne peuvent guère guider le travail du comité. Si elles sont maintenues, elles annihileront tous les efforts déployés pour vous permettre de mieux examiner les projets de loi portant exécution du budget, des textes législatifs très volumineux que l’on vous demande d’étudier dans des délais restreints. Qui plus est, la décision de 2017 ne tenait nullement compte de celle rendue par le Président de la Chambre des communes en 2002 qui ne voyait aucun problème au fait que le Sénat avait choisi de scinder le projet de loi C-10, comme je l’ai indiqué précédemment. Le projet de loi ainsi divisé n’a pas été considéré comme un nouveau projet de loi émanant du Sénat, et le Président n’a soulevé aucune interrogation concernant la recommandation royale.

Il n’est pas arrivé souvent que l’une des deux chambres du Parlement décide de scinder ou de fusionner des projets de loi émanant de l’autre chambre. Les chances qu’une telle démarche soit couronnée de succès semblent dépendre de la teneur du message formulant la demande d’assentiment à cette fin. Bien que rien se soit garanti, on évite ainsi les actions pratiquement vouées à l’échec.

Si le Sénat souhaite procéder à un examen plus approfondi des projets de loi d’exécution du budget et disposer de plus de temps pour analyser leurs dispositions de nature non financière, la fragmentation du projet de loi est une piste de solution. En demandant expressément l’assentiment de la Chambre des communes à cette fin, on évite les récriminations pouvant entraîner le rejet de cette proposition. On ne peut pas être certain que la Chambre des communes va acquiescer à cette requête, mais on s’assure au moins que l’on va en débattre. Si l’accord de la Chambre est obtenu, le Sénat disposera d’une plus longue période pour étudier une partie considérable du projet de loi d’exécution du budget, et ce, sans risquer de manquer à son obligation d’analyser rapidement les dispositions de nature financière qu’il renferme.

C’est ainsi que se termine mon exposé. Merci de votre patience.

[Français]

Le président : Merci. C’est passionnant. On voit la passion et on s’y prend.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Merci, monsieur Robert, d’être avec nous aujourd’hui.

Je vous suis reconnaissante des exemples que vous nous avez soumis, mais je ne crois vraiment pas que la Chambre des communes se montrerait réceptive si nous devions lui demander sa coopération pour nous aider à régler cette question. Après vous avoir entendu nous dire tout cela, je demeure d’avis qu’il faut absolument que le Sénat se tienne debout et ne se tourne jamais vers la Chambre des communes pour obtenir son assentiment.

À la lumière de votre expertise des questions procédurales touchant le Sénat et la Chambre des communes, pouvez-vous nous dire si nous pourrions, lorsque nous sommes saisis d’un projet de loi d’exécution du budget de 600 pages, insister pour qu’il ne soit pas adopté avant que nous ayons eu suffisamment de temps pour bien l’analyser ou que nous ayons pu le scinder?

M. Robert : C’est une option que le Sénat peut envisager.

L’une des réalités qui se sont ancrées dans nos pratiques est que les projets de loi d’exécution du budget sont examinés dans le cadre du temps alloué pour les travaux des subsides. C’est ce qui fait en sorte que vous finissez par être coincés. Ces projets de loi font suite aux énoncés économiques du ministre des Finances, généralement deux fois par année. Ajoutez à cela les périodes d’ajournement de l’hiver et de l’été, et une pression s’exerce sur vous pour que ces projets de loi soient adoptés. Si vous ne ressentiez pas cette obligation, vous pourriez prendre tout le temps que vous estimez nécessaire, mais l’ordre de renvoi que ce comité a reçu semble indiquer que vous allez devoir continuer à voir à l’adoption des dispositions financières des projets de loi d’exécution du budget dans les délais qui sont devenus habituels tout en ayant plus de temps à votre disposition pour traiter des aspects non financiers.

C’est pourquoi la condition sine qua non est un élément que je voulais porter à votre attention. En 1988, lors de l’examen du projet de loi C-103, la motion originale qui devait être présentée à la Chambre visait à obtenir son assentiment. Le sénateur Flynn a toutefois indiqué qu’il ne jugeait pas cela vraiment nécessaire, et la Chambre a répondu qu’il avait sans doute raison. Ce fut cependant une tout autre histoire lorsque la Chambre des communes a été effectivement saisie de la question. Elle a alors en quelque sorte réagi comme suit : « Vous ne demandez pas notre assentiment; nous n’allons pas coopérer. Vous ne nous avez pas demandé l’autorisation. D’une manière ou d’une autre, c’est inapproprié. Votre façon de faire est une véritable insulte pour nous ». Si le tout se résume à une question de formulation, c’est à vous de décider de l’importance de la chose. Cela dépend de vos objectifs.

Tout le monde veut pouvoir s’appuyer sur des précédents, qu’ils soient bons ou mauvais. Nous pourrions discuter de leurs mérites, mais si la Chambre des communes considère qu’un précédent a été établi en l’espèce, pourquoi voudriez-vous essayer de procéder autrement? Comme je l’ai dit dans mon exposé, c’est une démarche pratiquement vouée à l’échec.

La sénatrice Marshall : Après avoir entendu les exemples que vous avez donnés, je ne pense pas que la négociation avec la Chambre des communes puisse fonctionner. Le problème est que nous avons, aux fins de la mise en œuvre du budget, des projets de loi omnibus qui prennent chaque année de plus en plus d’ampleur. Le projet de loi faisant suite à la mise à jour financière était également un projet de loi omnibus. Si nous ne faisons pas preuve de fermeté, nous devrons composer avec cette prolifération de projets de loi omnibus. Avec la possible arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement, je pense que le problème risque seulement de s’aggraver.

Il est loin d’être simple et évident de scinder un projet de loi omnibus pour séparer ses dispositions de nature financières de celles qui ne le sont pas. Pour certains, tel ou tel article sera d’ordre financier alors que d’autres verront les choses différemment, ce qui nous plongera dans un autre bourbier.

Il me semble que cela dépendra en grande partie de la volonté du Sénat d’aborder la question, mais je ne suis pas optimiste. Nous pourrions commencer par essayer de négocier avec la Chambre des communes, mais je ne suis pas convaincue que cela se produira.

M. Robert : Comme mon mandat visait les tâches confiées au comité par le Sénat lui-même, je m’en suis tenu à ces trois éléments.

Pour ce qui est d’éventuelles négociations, si nous demandons l’assentiment de la Chambre, le Président s’appuiera sur le précédent établi pour juger cette requête irrecevable. Il n’y aura donc pas de négociation. Les décisions du Président sont sans appel. Il n’y a pas d’autre avenue possible. Un message sera envoyé au Sénat pour lui dire de faire le nécessaire pour rectifier le tir.

La sénatrice Marshall : Je vais conclure en vous disant qu’avant d’entendre votre exposé, je voulais vous demander d’entrée de jeu quelles étaient nos options. Le Sénat doit analyser les options qui s’offrent à lui, et vous nous avez fourni des indications pour nous guider dans cette démarche.

M. Robert : D’autre part, si vous ne voulez pas considérer ces projets de loi comme faisant partie du cycle financier, vous pouvez faire valoir que vous n’avez pas à respecter les délais traditionnellement suivis par la Chambre et le Sénat.

La sénatrice Marshall : C’est effectivement une option. Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci d’être parmi nous, monsieur Robert. Nous apprenons beaucoup.

Il fut une époque, avant vous, où les projets de loi omnibus étaient des exemples de minceur et où l’on avait vraiment des lois d’exécution du budget qui ciblaient des mesures financières.

Nous nous trouvons maintenant dans la morbidité inflationniste, et les projets de loi omnibus sont de plus en plus volumineux et touchent de plus en plus de projets de loi. Voici ma question. Quelles étaient les conditions à cette époque où le Parlement arrivait à renvoyer au Sénat une loi d’exécution du budget qui était raisonnable et qui se concentrait sur les mesures financières?

M. Robert : Quand j’ai commencé à faire ma recherche en vue de la présentation de ce soir, j’ai lu un article rédigé par Aaron Wherry qui a été publié dans le magazine Maclean’s il y a au moins 10 ans. Il a étudié les projets de loi d’exécution du budget. Au début, c’était un projet de loi de 23 pages, puis, après un certain temps, le gouvernement a décidé que c’était convenable. On peut mettre toutes sortes de différents éléments dans ce projet de loi, étant donné que c’est étudié assez rapidement par les deux Chambres. Le problème que la sénatrice Marshall a soulevé quant à l’identification ou non des articles en matière de finances a eu lieu quand nous avons changé le message de la gouverneure générale avec la recommandation royale.

Par le passé — même possiblement bien avant moi —, les articles et les montants étaient identifiés et étaient approuvés par le gouverneur général pour les incorporer dans un projet de loi. Ce n’est plus le cas. C’est un message générique et c’est à vous de dire : « C’est terminé. » L’article porte-t-il sur les finances? Est-ce qu’on dépense de l’argent? Est-ce que c’est ce qui est autorisé ou non? Voilà le défi à l’heure actuelle. Puis, on réalise que dans les projets de loi, plusieurs articles ne touchent pas les finances en réalité. Ce sont seulement les projets de loi sur des estimations qui sont manifestement des projets de loi prévoyant des sorties de fonds et qui autorisent le montant que le gouvernement peut dépenser au cours de l’année financière en cours ou de l’année suivante.

[Traduction]

Il y a vraiment une distinction qui se dessine, et c’est devenu problématique.

[Français]

Pour les raisons que j’ai mentionnées, c’est convenable. Le gouvernement peut mettre n’importe quoi dans le projet de loi pour faire en sorte qu’il soit adopté, parce que l’habitude est déjà bien ancrée. C’est adopté rapidement par le Sénat avant l’ajournement de l’hiver ou avant l’ajournement de l’été, et le gouvernement dépend de cette réalité.

Le sénateur Forest : Je suppose que, étant donné les lois d’exécution du budget, les mesures financières et le fait que le Sénat ne s’opposera pas à l’obtention de crédits, le gouvernement en profite pour en faire passer quelques « petites vites » et nous faire adopter des mesures législatives qui, dans l’ensemble, passeront avec l’adoption des mesures financières?

M. Robert : Tout à fait.

Le sénateur Forest : C’est très clair. Je trouvais fort intéressante l’idée d’être en mesure de diviser une loi d’exécution du budget entre des mesures financières et des mesures non financières. Il me semble que c’est impossible. Le seul choix qu’il nous reste est de prendre le temps dont nous avons besoin et de faire une analyse en profondeur, et le gouvernement vivra avec les délais qu’il nous impose en tenant compte des échéances serrées. Ai-je raison?

M. Robert : Étant donné que je suis l’ancien greffier de la Chambre des communes et du Sénat, je réalise que, au début de la réforme de procédure qui a suivi les estimations adoptées vers les années 1960, le gouvernement a parfois essayé d’inclure des mesures législatives dans ce projet de loi d’estimations. Le Président a dit à l’époque : « Si vous faites cela, on ne peut pas suivre l’horaire établi par le Règlement, parce que vous dépassez les conditions absolues qu’il faut suivre. »

[Traduction]

C’est aussi ce qui s’est passé avec la Constitution australienne et les mesures fiscales. Les projets de loi doivent être épurés. S’il y a une quelconque pollution — si je puis m’exprimer ainsi —, le Sénat australien n’a plus l’obligation de les adopter sans amendement. La pratique était la même à la Chambre des communes. Le Président a déclaré que si l’on insère des mesures ne touchant pas des aspects financiers ou budgétaires dans un tel projet de loi, le Règlement qui fixe les dates d’adoption de ces mesures en décembre, mars et juin ne s’appliquera pas parce que l’on n’a pas respecté les conditions essentielles pour qu’un projet de loi soit considéré comme étant un projet de loi budgétaire ou de crédits.

[Français]

Le sénateur Forest : C’est donc la voie à privilégier, à votre avis, pour que nous ramenions l’étude de projets de loi comme les lois d’exécution du budget dans des conditions plus respectables?

M. Robert : Il faut que vous réalisiez qu’il y aura une anticipation de la part du gouvernement que ce sera adopté assez rapidement, comme vous l’avez fait depuis 30 ans.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Pour faire suite à l’intervention de la sénatrice Marshall quant à l’importance pour le Sénat de se tenir debout, étant donné que la Chambre ne sera peut-être pas aussi réceptive qu’on pourrait le croire, comme vous nous l’avez fait comprendre, je ne sais pas si vous pourriez nous dire si vous pensez que la composition du « nouveau Sénat indépendant » peut faciliter cette prise de position contre l’utilisation de projets de loi omnibus par le gouvernement fédéral.

M. Robert : Je n’en ai absolument aucune idée, comme c’est peut-être aussi votre cas.

Le sénateur Smith : Je ne vois pas trop ce que je pourrais ajouter à ce qui a été dit. Jusqu’en 2015, lorsque Trudeau est arrivé au pouvoir, il était établi que le leader du gouvernement au Sénat faisait partie du Cabinet. Est-ce que la présence de ce représentant au sein du Cabinet avait un impact véritable sur le processus décisionnel du gouvernement lorsqu’il s’agissait d’un projet de loi d’exécution du budget ou d’un projet de loi omnibus? J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Robert : Il faudrait que j’y réfléchisse pour pouvoir vous donner une réponse. Je ne suis pas sûr, cependant, qu’il soit arrivé souvent que le leader du gouvernement au Sénat soit membre du Cabinet.

Le sénateur Smith : Apparemment, c’était fréquent jusqu’en 2015. Je ne sais pas si c’était le cas tout le temps. Il est ressorti des discussions avec certains de nos membres que l’utilisation du temps est un enjeu. C’est assurément le cas pour le Sénat. Par ailleurs, la participation d’un représentant du gouvernement comme membre du Cabinet pourrait permettre à cette personne de mieux comprendre les rouages internes du gouvernement et peut-être d’exercer une influence via l’établissement de relations stratégiques qui feraient en sorte, non pas de nous rapprocher, mais de nous assurer un plus grand respect ou tout au moins une position plus forte dans nos interactions avec le gouvernement.

M. Robert : C’est chose possible. Ce n’est pas une proposition déraisonnable. Qu’il y ait ou non un représentant ou un leader du gouvernement affilié au Cabinet, je crois que le gouvernement s’attendrait tout de même à ce que les façons de faire du Sénat au fil des 30 dernières années soient maintenues. Si tel est effectivement le cas, il n’y a vraiment aucune raison de s’inquiéter du point de vue du gouvernement. Il n’y a aucune raison d’intervenir ou de modifier quoi que ce soit. Tout fonctionnerait selon le principe « Faisons comme nous l’avons toujours fait », que ce soit le leader du gouvernement ou son représentant qui gère la question du côté du Sénat.

Le sénateur Smith : Les études préalables nous permettent de consacrer plus de temps à l’examen des nombreuses dispositions incluses dans un projet de loi d’exécution du budget. Vous avez noté que les études préalables sont utiles, mais qu’elles peuvent ne pas suffire dans le cas d’un tel projet de loi. L’expérience nous a démontré à maintes reprises que les amendements apportés par l’autre Chambre font en sorte que nous sommes saisis d’une version du projet de loi qui est différente de celle qui a été soumise à notre étude préalable. J’aimerais que vous nous disiez ce que vous en pensez et que vous nous expliquiez pourquoi vous estimez que les études préalables sont un bon outil à avoir à notre disposition. Les études préalables ont-elles leurs limites? Si oui, quelles sont-elles?

M. Robert : Je pense que les avantages des études préalables dépendent des circonstances et des conditions auxquelles l’étude est menée. Par exemple, je ne verrais aucun problème à mener une étude préalable d’une loi générique au motif que cette loi est trop complexe ou trop controversée et que vous avez besoin de plus de temps. En revanche, les études préalables sur les projets de loi d’exécution du budget appartiennent à une autre catégorie.

Un point dont je n’ai pas traité dans ma déclaration, mais que j’ai étudié, c’est le caractère variable des échéanciers. J’en ai touché un mot. Certains échéanciers peuvent être aussi courts que deux semaines, tandis que d’autres s’étendent sur plusieurs mois. Quelles que soient les circonstances, là où les choses se corsent, c’est lors des débats au stade de la première, de la deuxième et de la troisième lecture, puisque ces projets de loi doivent être adoptés avant l’ajournement. Les débats se poursuivent sur une période allant de 2 à 12 jours. La plus longue période que j’ai recensée s’étendait sur 12 jours, ou environ trois semaines.

Les projets de loi d’exécution du budget de 660 pages, comme c’était le cas de la dernière version, représentent une somme de travail colossale en très peu de temps. Voilà la raison pour laquelle je pose la question. Les études préalables seraient-elles même suffisantes pour des projets de loi aussi volumineux? Je vous le demande. Il faut que vous soyez satisfaits du travail que vous accomplissez. Ce n’est pas ma responsabilité d’en décider.

Des études préalables ont été réalisées dans le passé pour d’autres types de projets de loi. Elles se sont avérées efficaces. Dans ce cas-ci, vous êtes allés un peu plus loin en répartissant le contenu du projet de loi d’exécution du budget entre différents comités. Ce que vous avez fait a aidé, mais vous devez déterminer si c’est suffisant. Cela fait partie du mandat que vous a confié le Sénat.

La sénatrice MacAdam : J’ai une brève question inspirée d’une pratique qui est en vigueur en Australie si je ne m’abuse. Est-ce une bonne idée d’essayer d’obtenir la coopération du gouvernement pour que les projets de loi sur les finances soient renvoyés au Sénat à une date qui permettrait à ce dernier de les étudier correctement?

M. Robert : Cette demande serait raisonnable, mais le hic, c’est que le gouvernement — encore moins s’il est minoritaire — ne contrôle pas le calendrier de la Chambre des communes.

La sénatrice MacAdam : Est-ce productif selon vous de joindre des observations aux projets de loi? Quel est leur poids? Je suis sénatrice depuis peu. Je ne vis que depuis un an la frustration due au manque de temps que nous avons pour étudier les projets de loi, qu’ils soient de nature financière ou non. Nous annexons souvent des observations aux projets de loi. C’est ce que nous avons fait au dernier exercice. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Robert : Sur le plan procédural, j’aime les observations. C’est un moyen très efficace de soulever une plainte ou une objection qui ne peut être contestée. Les observations n’ont pas de poids sur le plan procédural, mais du point de vue des ministères, selon ce que j’ai vécu ou selon les connaissances de base ou la forte impression que j’ai eues, elles envoient un message. Elles ne seront pas nécessairement prises en compte, mais si le Sénat est déterminé à prendre position, les observations lui permettent de le faire avec des gants blancs. Une attitude plus ferme serait, comme je l’ai dit plus tôt, de prendre plus de temps.

D’un point de vue externe, puisque le Sénat est un organisme autonome au sein du Parlement, il a le droit de décider lui-même combien de temps il veut consacrer à l’étude d’un projet de loi donné. Il peut résister à la pression du gouvernement et de la Chambre. S’il sent que c’est la bonne marche à suivre, il peut emprunter cette avenue. La décision peut être évaluée au cas par cas. Comme je l’ai souvent mentionné, la décision vous appartient.

La sénatrice MacAdam : Au titre du Règlement, que pouvons-nous faire que nous ne faisons pas actuellement pour accroître notre efficacité lors de l’étude de projets de loi? Comme je l’ai dit, je suis sénatrice depuis peu. Je ne connais pas encore très bien le Règlement. Vous savez probablement comment le Sénat a travaillé sur les projets de loi au cours des dernières années. Je me demande ce que le Règlement nous autorise à faire.

M. Robert : Le Règlement énonce que vous pouvez prendre votre temps, mais en pratique, il faut accepter l’échéancier établi pour l’adoption du projet de loi. C’est la date à laquelle la Chambre des communes renvoie le projet de loi au Sénat qui détermine le temps dont vous disposerez pour l’étudier. Comme j’ai essayé de l’expliquer, vous avez pris la décision d’adopter ces mesures législatives dans des délais serrés. De toute évidence, le gouvernement est ravi que vous procédiez ainsi, mais la décision d’accepter ou non de travailler sous ces contraintes vous appartient. C’est votre choix.

La sénatrice MacAdam : Nous avons donc établi un précédent.

M. Robert : C’est plus qu’un précédent. Cette pratique est profondément ancrée depuis 30 ans.

La sénatrice MacAdam : Nous avons établi une pratique.

M. Robert : Cette pratique n’est pas prévue dans le Règlement.

La sénatrice MacAdam : Voilà ce que j’essayais de dire. Nous avons établi une pratique, mais le Règlement n’énonce pas que nous devons continuer à la suivre.

M. Robert : Non. Le Règlement de la Chambre des communes établit des dates butoirs pour les projets de loi de crédits. Ces dates sont inchangeables ou presque, mais le Sénat n’a pas de dispositions équivalentes.

La sénatrice MacAdam : Merci.

La sénatrice Ross : Votre présentation était très intéressante. Je vous remercie de ce cours d’histoire.

J’ai lu quelque chose au sujet d’un rapport publié en avril 2017 par le Comité du Règlement et de la procédure. Le comité y décrit le processus à suivre pour diviser les projets de loi. Il n’était pas d’avis à l’époque que le Règlement devait être modifié pour faciliter la division des projets de loi omnibus. Deux mois plus tard, la question de la recommandation royale s’est posée lors des discussions sur la division du projet de loi de 2017.

Lorsque vous avez dit que la recommandation royale s’appliquait à l’intégralité du projet de loi et que la division du projet de loi ne produirait pas deux projets de loi du Sénat, mais bien un projet de loi divisé de la Chambre des communes, parliez-vous de votre position ou de la décision de la Chambre?

M. Robert : En fait, je parlais des deux parce que les décisions ne vont pas toutes dans le même sens.

La sénatrice Ross : Je vois.

M. Robert : La décision la plus importante selon moi a été prise à la Chambre des communes en 2002 par le Président Milliken qui statuait que la division du projet de loi pouvait fonctionner. Le Sénat a décidé de scinder en deux le projet de loi sur les armes à feu et la cruauté envers les animaux. En demandant l’approbation de la Chambre, il a employé les mots magiques. Après que le projet de loi a été renvoyé à la Chambre des communes, le Président a répondu à un rappel au Règlement et à une question de privilège en déclarant que les plaintes n’étaient pas valides et que la recommandation royale n’avait pas été violée.

J’utiliserais ces faits pour prouver que la décision du Président Charbonneau et la décision du Président Furey en 2017 ne sont plus applicables — ou pas nécessairement applicables pour être plus prudent — parce qu’un Président de la Chambre des communes a en essence donné le feu vert. Il règne une certaine confusion qu’il faut dissiper et des désaccords qu’il faut résoudre. Des arguments peuvent être invoqués des deux côtés.

De mon point de vue, lorsque la Chambre des communes vous renvoie un projet de loi, la recommandation royale se rattache par ses voies impénétrables à toutes les dispositions qui autorisent la dépense de fonds publics. Ces dispositions ne sont pas nécessairement faciles à dégager de l’ensemble, mais c’est la réalité procédurale. La division du projet de loi ne modifie pas les dispositions. Celles-ci ne se transforment pas en projet de loi du Sénat ou en projet de loi non gouvernemental. Elles sont réparties en deux projets de loi conformément à ce que le Président de la Chambre des communes a déterminé dans sa décision en 2002.

La sénatrice Ross : Le rapport du Comité du Règlement indique que le Sénat doit habiliter avant toute chose le comité auquel le projet de loi est renvoyé. Il faut pour ce faire présenter une motion d’instruction...

M. Robert : C’est exact.

La sénatrice Ross : ... il n’en faudrait pas plus pour aller de l’avant?

M. Robert : Non.

La sénatrice Ross : Lorsque la ministre Freeland a témoigné devant le comité, je lui ai demandé comment peut-on raisonnablement s’attendre à ce que nous étudiions ces projets de loi mammouth. Je siège moi aussi depuis peu au Sénat. J’ai été abasourdie par le court laps de temps dont nous disposons pour étudier des projets de loi volumineux qui traitent d’une grande diversité de sujets — le projet de loi n’était pas purement budgétaire. La réponse de la ministre ne m’a pas vraiment éclairée. Elle a invoqué les nombreuses manœuvres d’obstruction à la Chambre des communes. Elle ne m’a pas vraiment aidée à comprendre comment il était possible, même en menant une étude préalable, d’étudier tout ce contenu. Nous avions d’ailleurs réalisé une étude préalable dans ce cas-ci, mais la Chambre des communes a ensuite modifié le projet de loi. Nous avons donc reçu une version du projet de loi modifiée par rapport à la première version que nous avions examinée. Ces conditions sont très difficiles.

M. Robert : Oui. Par contre, comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est vous qui acceptez d’étudier les projets de loi selon un échéancier qui a été établi par une pratique.

La sénatrice Ross : Si le Comité du Règlement dit que nous pouvions le faire et que le Président de la Chambre des communes...

M. Robert : Je suis désolé. Que dit le Règlement?

La sénatrice Ross : Le Comité du Règlement a décrit le processus à suivre.

M. Robert : Il a décrit le processus à suivre pour diviser le projet de loi?

La sénatrice Ross : Oui.

M. Robert : Oui.

La sénatrice Ross : Puisque la Chambre des communes a décidé en 2002 que nous pouvions le faire, j’aurais pensé que tout était réglé. Le dossier n’est pas clos?

M. Robert : Comme je le disais, c’est le troisième élément de votre ordre de renvoi. La décision vous appartient. Vous pouvez utiliser ce que je vous ai dit sur la décision de 2002 du Président de la Chambre des communes pour étayer une proposition qui consisterait à diviser le projet de loi de façon à donner au gouvernement les fonds demandés parce que c’est important, mais aussi à étudier les aspects que vous ne considérez pas comme financiers. Nous revenons alors à la question soulevée par la sénatrice Marshall sur la netteté de la division entre les éléments financiers et non financiers. Peu importe qui serait chargé de...

La sénatrice Ross : Il faut nous assurer que la distinction est nette.

M. Robert : Je suppose, comme la sénatrice Marshall, que dans le doute, il faudrait considérer les dispositions comme financières seulement pour éviter que ce que nous essayons de faire à juste titre récolte des objections dans l’autre Chambre.

Votre objectif est d’obtenir ce que vous obtenez normalement lorsque vous envoyez un message à la Chambre des communes pour présenter des amendements dont l’objet est d’améliorer un projet de loi. Dans le cas d’un projet de loi d’exécution du budget, votre message indique que vous avez divisé le projet de loi. Vous présentez alors les dispositions sur la dépense de fonds publics que le gouvernement veut obtenir immédiatement. Vous avez fait votre travail. Conformément à l’interprétation large de l’article 57 du Règlement, vous renvoyez le projet de loi à la Chambre. Par contre, vous êtes d’avis que les dispositions non financières nécessitent un examen plus approfondi et que vous avez besoin de plus de temps. Ce serait tout à fait possible d’emprunter cette avenue si je me fonde sur les exemples de précédents que j’ai étudiés.

Je ne me suis pas penché sur la Chambre des lords. Des cas intéressants ont été mentionnés dans une discussion sur un rappel au Règlement qui s’est tenue en 1988 — les cas datent de 1808, de 1836, de 1919 et quelqu’un a parlé de 1852, mais je ne connais pas du tout la teneur de tout cela.

Le sénateur Loffreda : Monsieur Robert, je vous souhaite la bienvenue au Comité des finances. Je suis heureux de vous revoir. J’ai été enchanté de faire votre connaissance le mois dernier, durant la retraite du Groupe des sénateurs indépendants. Vous avez eu une brillante carrière et au Sénat et à la Chambre des communes. C’est un privilège de vous recevoir pour discuter d’un enjeu d’une telle importance pour nous.

Ma question concerne le fardeau administratif et logistique que l’Administration du Sénat aurait à porter si les projets de loi budgétaires étaient divisés. Prenons l’exemple du dernier projet de loi d’exécution du budget, que j’ai eu l’honneur de parrainer le printemps dernier; il a déjà été mentionné plusieurs fois ce soir. J’étais le parrain de la LEB. Comme on l’a déjà dit, le projet de loi faisait plus de 600 pages; il comptait 4 parties; et comme vous le savez, la partie 4 des LEB porte souvent sur des questions non budgétaires. C’était le cas du projet de loi C-69. La partie 4 contenait 44 sections.

Je comprends que certaines sections avaient des répercussions budgétaires ou financières. Cela dit, si chacune de ces dizaines de sections avait été déposée sous forme de projet de loi distinct, quelle incidence y aurait-il eu sur la charge de travail des sénateurs et de l’Administration du Sénat? Du point de vue pratique, trouvez-vous réaliste de demander aux sénateurs et aux comités sénatoriaux d’examiner autant de mesures législatives distinctes dans des délais serrés? Certaines sections concernaient des enjeux importants, comme celle sur le vol de véhicules. Ce ne sont pas des questions sans importance, au contraire. Certains comités sont déjà surchargés. Je pense entre autres au Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je mentionne celui-là, mais beaucoup d’autres comités sont aussi surchargés. Concrètement, est-ce faisable?

M. Robert : Je ne peux pas répondre à votre question, mais je pense que cela fait partie de la réalité avec laquelle vous devez composer. Au fil des dernières décennies, la durée des séances du Parlement a diminué, pour une multitude de raisons. Or, les affaires du gouvernement n’ont pas diminué pour autant; au contraire, elles semblent s’être multipliées. La croissance des projets de loi de cette nature témoigne de la complexité des activités du gouvernement, des demandes de la société et d’autres causes ayant mené à la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Il n’y a pas de réponse facile.

Votre travail, quoique important — et votre travail est indéniablement important —, doit souvent être source de frustration parce que vous n’avez pas le temps et les ressources nécessaires pour examiner en détail les mesures législatives complexes. Par son approche, le gouvernement tente aussi de s’adapter à cette réalité. Le nombre de jours de séance est limité; les heures du gouvernement à la Chambre des communes peuvent être détournées à tout moment; et le gouvernement peine à atteindre ses objectifs parce qu’on lui met des bâtons dans les roues. Le gouvernement cherche des moyens de s’adapter à cette réalité.

La LEB est devenue un outil très commode, comme je l’ai déjà dit — et je le dis en souriant, mais je ne plaisante pas —; elle permet d’inclure toutes sortes de mesures dans un seul projet de loi, parce que ces mesures sont importantes. Elles ne sont pas accessoires. Puisque le Sénat a pris l’habitude d’adopter rapidement ce type de projet de loi, pourquoi le gouvernement ne saisirait-il pas l’occasion de s’acquitter de ses responsabilités en déposant une seule mesure législative? Pourquoi attendrait-il, en disant : « Oh non, nous déposerons un projet de loi distinct demain. Nous déposerons 20 projets de loi au lieu d’un seul »? Je m’avancerais à dire qu’aucun gouvernement sensé ne croirait s’acquitter efficacement de ses responsabilités en agissant ainsi.

Le sénateur Loffreda : Vous avez travaillé sur la Colline pendant des dizaines d’années. Je sais que l’examen des projets de loi déposés au Parlement ne faisait pas forcément partie de vos tâches, mais vous rappelez-vous de cas dans lesquels des dispositions ou des politiques incluses dans des projets de loi budgétaires ont dû être corrigées ou modifiées après leur adoption au moyen d’un nouveau projet de loi?

M. Robert : Je sais qu’il y a eu des problèmes à l’occasion. À l’époque où il présidait le Comité des finances nationales, le sénateur Day examinait minutieusement les prévisions budgétaires. Il les passait au peigne fin, et le Sénat prenait le temps nécessaire pour le faire. On voyait que cela l’intéressait de s’attarder aux erreurs que le comité avait recensées dans ces prévisions budgétaires. Il faut toutefois savoir que la préparation de ces prévisions est complexe. Bien des ministères y ont un rôle à jouer. Il est certainement déjà arrivé que des erreurs soient commises, mais, dans un esprit de compassion, ces erreurs étaient accidentelles. Elles surviennent, tout simplement. C’est toutefois bien que certains y prêtent attention. Alors, oui, des erreurs peuvent survenir.

Le sénateur Loffreda : Comme un grand nombre de mes collègues, j’ai parfois l’impression que nous ne sommes pas en mesure de bien examiner les projets de loi. Nous avons l’occasion de cerner des défauts dans les textes de loi et de les corriger, mais cette occasion peut nous échapper, faute de temps.

M. Robert : Cela vaut, non seulement pour les lois d’exécution du budget, mais pour tous les projets de loi, d’où l’importance d’avoir une assemblée pour en faire un second examen objectif.

Le sénateur Loffreda : Tout à fait. J’aime bien votre réponse. Merci.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci beaucoup, monsieur Robert, d’avoir accepté notre invitation et merci de votre témoignage.

J’aimerais bien en apprendre plus sur les décisions du Président auxquelles vous avez fait allusion. Votre argument est fondé, en quelque sorte, sur la décision que le Président a rendue en 2002. À l’époque, le projet de loi C-10 a été divisé en deux parties, soit 10A et 10B, parce que les sujets étaient très différents. Il était question, d’un côté, de mesures concernant les armes à feu et, de l’autre, de dispositions sur la cruauté envers les animaux. Ces sujets sont très différents, et ils ont donc été séparés. La loi d’exécution du budget, par sa nature même, a pour but de financer un large éventail de programmes que le gouvernement souhaite mettre en œuvre. Ces programmes sont forcément différents les uns des autres. La décision du Président rendue en 2002 ne s’appliquerait donc pas nécessairement à une loi d’exécution du budget parce que cette décision était motivée, non pas par la présence de mesures financières et non financières, mais par la présence de deux sujets bien distincts.

M. Robert : Permettez-moi, je vous prie, de préciser ma pensée.

La sénatrice LaBoucane-Benson : J’ai peut-être mal compris.

M. Robert : Pour rendre une motion d’instruction, le projet de loi doit pouvoir se diviser logiquement. Le Sénat et ce comité ont déjà été saisis de projets de loi qui combinaient des mesures financières et non financières, et la question qui vous est posée en c) de votre ordre de renvoi est de savoir si l’on peut séparer les mesures non financières d’une loi d’exécution du budget. Vous êtes appelés à examiner un éventail de lois et de projets de loi, mais la question qui vous occupe est celle-là. De ce point de vue, la décision que le Président de la Chambre des communes a rendue sur le projet de loi C-10 est, à mon avis, raisonnablement pertinente.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Ma seconde question complémentaire porte sur l’approbation de la Chambre des communes. L’approbation revêt un double sens, celui de la coopération et celui du consentement. Faudrait-il que le Sénat demande la coopération de la Chambre ou bien son consentement?

M. Robert : Les deux sont inclus dans la notion d’approbation. Vous les demanderiez les deux. Pour moi, c’est expliciter ce qui est toujours implicite dans les messages envoyés du Sénat à la Chambre, et vice versa. Un message dit ceci : « Nous avons adopté ce projet de loi. C’est maintenant à vous d’en faire ce que vous voulez ». Ou si le Sénat a voté un projet de loi, le message dirait : « Nous avons adopté ce projet de loi, avec des amendements ». On peut supposer que vous voulez que ces amendements soient adoptés. Vous ne dites pas que vous leur demandez leur approbation pour que les amendements soient adoptés. Étant donné l’affaire de 1941, toutefois, cette expression est devenue, on ne sait trop comment, une expression à la mode qui décrit une condition qui doit être remplie.

Je vous donne mon avis, en tant que spécialiste de la procédure. Vous souhaitez diviser un projet de loi pour que vous ayez plus de temps pour en étudier les dispositions non financières. Pourquoi nuire à vos chances d’obtenir ce que vous voulez en omettant volontairement cette expression? Dans sa décision rendue en 1988, le Président Fraser a dit que le Sénat s’était mal comporté, qu’il n’avait pas reconnu que le projet de loi appartenait à la Chambre des communes, et qu’en omettant de demander l’approbation de la Chambre, le Sénat avait mis la Chambre basse devant un fait accompli, ce qu’elle considère comme une atteinte à ses privilèges.

Pour vous parler franchement, je ne comprends pas cet argument. C’est néanmoins la position qu’a adoptée la Chambre des communes. La Chambre maintiendra cette position à moins qu’elle décide dans l’avenir de modifier sa façon de faire et d’accepter d’autres types de messages envoyés par le Sénat. En attendant, je vous conseille vivement de prêter attention à la façon de faire de la Chambre parce que — permettez-moi un conseil stratégique — cela ne vous coûte rien.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je ne suis pas membre du comité, mais je vous remercie de me donner la parole.

Pour faire suite à la question de la sénatrice LaBoucane-Benson, je veux comprendre pourquoi la décision de 2002 semble prévaloir sur les décisions qui ont été prises après; y a-t-il matière à interprétation?

M. Robert : Oui, en effet. C’est une interprétation qui compte maintenant comme une procédure de la Chambre des communes.

Le sénateur Cormier : D’accord.

M. Robert : Nous avons maintenant une décision qui a été d’accepter que le Sénat ait le droit de diviser un projet de loi qui vient de la Chambre des communes.

Le sénateur Cormier : Même si dans les décisions suivantes, on dit que —

M. Robert : La décision suivante est celle du Sénat. Pour moi, cette décision n’a pas pris en considération la décision rendue par le Président de la Chambre des communes.

Le sénateur Cormier : D’accord.

M. Robert : Selon moi, c’est la décision de la Chambre des communes qui est la plus importante, parce que la décision de 2017 a suivi la décision de 1988, qui a été renversée par le Sénat lui-même.

Le sénateur Cormier : Merci.

Le président : Vous parlez de la décision de 2017; est-ce celle où on avait sorti du budget les mesures de protection du consommateur vis-à-vis des banques?

M. Robert : Je ne sais pas quels éléments ont été divisés. Je crois que c’était un élément. Je n’ai pas vraiment réétudié le projet de loi, mais j’ai réalisé que c’était un projet de loi.

Le président : Si c’est en 2017, ce doit être —

M. Robert : C’était le projet de loi C-44 à l’époque. Je ne sais pas de quoi il traitait.

Le président : Je pense que c’est cela. On avait sorti les dispositions de la Loi sur la protection des consommateurs qui touchaient tout le régime des banques.

M. Robert : Oui.

Le président : Mais il y avait un certain consentement là-dedans.

M. Robert : D’accord.

Le président : À cause de la négociation, le leader du gouvernement avait même accepté cette division. Cela a peut-être aidé.

[Traduction]

Le sénateur Fridhandler : Merci pour ces explications intéressantes et les manœuvres subtiles que vous proposez. Je ne connais pas l’historique de ce comité ni son mandat. Certains sénateurs disent qu’ils sont nouvellement dans leurs fonctions, mais j’en suis vraiment à mes tout débuts. J’ai assumé mes fonctions il y a un mois.

La sénatrice Marshall doute de la possibilité de négocier, mais cela ne veut pas dire, il me semble, que le Sénat ne peut pas prendre position sur la question. Il s’agirait de prendre les devants. Vous en avez peut-être déjà discuté, mais de deux choses l’une : soit nous allons dire qu’on ne peut rien faire, soit nous allons dire ce que nous allons faire. Nous pourrions recommander au Sénat dans un rapport qu’une LEB qui contient des mesures non financières puisse, à notre avis, être divisée, et qu’il reviendra au comité ou au Sénat de décider, si de telles dispositions y étaient présentes, de séparer ou non le projet de loi. Nous faisons savoir à la Chambre le plus tôt possible les motifs qui sous-tendent notre décision, y compris votre suggestion selon laquelle une LEB qui contient des dispositions non financières est considérée comme étant dénaturée, n’est plus vraiment un projet de loi financier et perd, de ce fait, ses caractéristiques. Il y a tout un éventail d’arguments subtils qu’on peut faire valoir. Si l’on dépose ce rapport sans tarder, tout en conservant le droit de décider, la Chambre n’aura pas son mot à dire. En fait, elle trouvera peut-être à redire, auquel cas ce sera un enjeu politique, mais au moins nous aurions affirmé notre position. Il revient à ce comité et à tous nos collègues au Sénat de décider ce que nous ferions et ce qui arriverait si nous avions un nouveau Président ou si le gouvernement devait changer.

Je pense que si nous sommes vraiment déterminés à régler cette question, nous devrions présenter un rapport afin d’indiquer qu’il y a un problème avec le projet de loi d’exécution du budget et que nous pourrions le diviser, surtout s’il contient des mesures non financières. Il ne s’agirait alors plus d’un projet de loi d’exécution du budget, et nous serions plus enclins à le diviser. Parlons de la procédure, aussi.

Je ne sais pas quelle est la procédure à partir de là, si le Sénat dans son ensemble acceptait de procéder ainsi, si cela viendrait changer les règles de fonctionnement du Sénat sur la façon de traiter les projets de loi d’exécution du budget. Nous renforcerions le message que nous n’allons plus accepter cela, même si certains affirment qu’il y a des précédents et des pratiques en ce sens. Je pense qu’il vaudrait mieux le faire plus tôt que tard afin que la même situation ne se représente pas avec le prochain projet de loi d’exécution du budget. Qu’en pensez-vous? C’est politique. Je pense vraiment que c’est politique et non technique.

M. Robert : C’est effectivement politique, et je n’entrerai pas là-dedans.

Je précise toutefois qu’une pratique ne constitue pas un changement de règle. Quand on veut intégrer une nouvelle façon de faire aux règles, il faut formuler la règle, en débattre et l’adopter officiellement. Nous avons déjà mentionné qu’il y a des pratiques dans la façon de traiter les projets de loi d’exécution du budget. Le Sénat s’est adapté à certains égards, pour essayer d’être plus efficace, mais rien de tout cela ne fait partie des règles; c’est simplement une façon de travailler.

Le sénateur Fridhandler : Je crois que nous avons notre réponse. La sénatrice Marshall l’a mentionnée lorsqu’elle a posé sa question, et d’autres collègues du comité l’ont dit également. Si une mesure non financière est liée d’une manière ou d’une autre à une mesure financière, je pense que vous nous avez avertis qu’il fallait la traiter comme une mesure financière et non comme une mesure non financière. Nous devons faire preuve de discernement ici.

M. Robert : Encore une fois, j’essaie d’expliquer que nous traitons les projets de loi d’exécution du budget comme faisant partie intégrante du processus d’octroi des crédits, de sorte que nous les adoptons dans les temps fixés pour les crédits et le budget. Ce n’est pas une obligation absolue. C’est une pratique que vous acceptez de suivre. Le Règlement de la Chambre des communes ne traite que des crédits et des trois cycles. Il ne régit rien d’autre. Dans les premières décisions qu’il a rendues, lorsque la nouvelle pratique a été mise en place, le Président a établi que si l’on introduisait quoi que ce soit de législatif, les échéances du cycle financier ne s’appliquaient plus. D’une manière ou d’une autre, on a toujours accepté que les projets de loi d’exécution du budget soient examinés dans les temps prévus, et le Sénat l’a accepté aussi. Aujourd’hui, vous n’en êtes pas contents et vous avez reçu le mandat du Sénat de régler le problème.

La sénatrice Pate : Je suis navrée d’être arrivée en retard, monsieur Robert. Je ne voulais pas vous manquer de respect.

J’aimerais beaucoup connaître votre avis sur les cas où des mesures non financières ont été intégrées au projet de loi d’exécution du budget et où il s’est avéré par la suite qu’elles contrevenaient à la Constitution, plus particulièrement à la Charte des droits et libertés. Je pense surtout aux questions de droit pénal. Est-ce que cela changerait votre opinion sur la question de savoir s’il y a une autre façon faire. Je m’excuse si vous avez déjà répondu à cela.

M. Robert : Je n’ai rien dit à ce sujet et je ne pourrais pas répondre à cette question. Comme l’a indiqué le sénateur Loffreda, ces projets de loi sont très gros. Lorsqu’on m’a demandé de comparaître devant le comité, je n’ai pas eu l’occasion d’étudier tout cela pour voir ce qu’il y avait de bon ou de mauvais dans les mesures non financières incluses au projet de loi d’exécution du budget. S’il s’avère qu’elles ne sont pas constitutionnelles, eh bien, si le Sénat ne le relève pas, on peut espérer que les tribunaux le feront.

La sénatrice Pate : Mais cela pourrait être un argument supplémentaire pour justifier de scinder le projet de loi en deux.

M. Robert : Si vous y voyez quelque chose qui semble contraire à la Constitution, absolument.

La sénatrice Marshall : Je n’ai jamais dit qu’il n’y avait pas de solution. J’ai simplement dit que je ne pense pas que la solution se trouve à la Chambre des communes.

J’ai regardé un peu du côté de l’Australie. J’avais hâte de parler à la sénatrice australienne Louise Pratt, parce que j’ai l’impression que les contraintes là-bas sont inscrites dans la loi, mais nous ne réussirons jamais à faire adopter à la Chambre des communes une loi qui restreindrait son pouvoir d’accepter des projets de loi omnibus.

Vous rappelez-vous — je mets votre mémoire à l’épreuve — une année où le Comité des finances avait continué de se réunir en juillet parce qu’il y avait quelque chose qui dérangeait le sénateur Lowell Murray? Nous sommes toujours contraints de boucler nos travaux avant la fin du mois de juin, mais cette année-là, nous avons continué de siéger jusque tard en juillet.

M. Robert : Le Sénat avait même siégé jusqu’en août.

La sénatrice Marshall : D’accord.

M. Robert : Il y a une information qui pourrait peut-être vous aider un peu : l’affaire avec l’Australie, et je n’ai étudié son régime que très brièvement, donc je suis loin de prétendre le maîtriser, mais j’ai vu que bien des choses relevaient de l’article 55 de la Constitution australienne. Il s’agit d’une disposition constitutionnelle. C’est plus qu’une simple loi.

La sénatrice Marshall : Nous n’obtiendrons pas cela ici.

M. Robert : Il y a l’article 54 pour la Chambre des communes. Les chiffres sont proches, mais c’est à peu près tout.

La sénatrice Marshall : Oui, mais cela dépend vraiment de la volonté du Sénat. Si nous voulons prendre plus de temps, c’est une option. Je ne dis pas que c’est l’idéal. Il faudrait alors que nous nous engagions à siéger en juillet et que nous disions au gouvernement que nous n’avons pas terminé notre examen, qu’il n’obtiendra pas le projet de loi tout de suite. Ce n’est pas la solution que je préférerais, mais je pense que c’est vraiment au Sénat d’en décider.

En ce qui concerne la division d’un projet de loi d’exécution du budget en deux pour les mesures financières et les mesures non financières, je pourrais faire valoir que bon nombre des articles de nature non financière sont plutôt de nature financière, parce que tout se ramène à l’argent.

M. Robert : Permettez-moi de vous donner une autre piste de solution, si je peux oser. Il y a des budgets supplémentaires des dépenses, des budgets provisoires et des budgets finaux, peu importe comment on les appelle, mais le reste du budget est toujours adopté en juin. Le gouvernement ne fera pas faillite si la loi d’exécution du budget n’est pas adoptée avant la fin du mois de juin. Si vous avez du mal à diviser le projet de loi, à la lumière de ce que vous venez de dire, le Sénat peut continuer de siéger pour examiner l’ensemble du projet de loi. Vous pouvez déterminer quelles sont les dispositions de nature financière que vous jugez moins importantes, qui ne seront pas l’objet principal de votre examen minutieux du projet de loi, et quelles sont les dispositions que vous jugez de nature non financière ou controversées parce qu’elles touchent peut-être des questions constitutionnelles ou relatives à la Charte, que vous voulez prendre le temps de bien étudier. S’il s’agit de l’ensemble du projet de loi, eh bien, je le répète, fondamentalement, le gouvernement ne fera pas faillite. Vous aurez adopté les crédits.

La sénatrice Marshall : Il y a des options pour le Sénat qui ne nécessitent pas l’accord de la Chambre des communes, n’est-ce pas?

M. Robert : C’est exact. Vous examinez l’ensemble du projet de loi, vous le renvoyez à la Chambre avec des amendements ou non, puis s’il y a des amendements, vous dites simplement : « Nous avons examiné le projet de loi, et voici ce que nous vous suggérons de faire. » Et si vous le faites pendant l’été, la Chambre n’examinera pas votre rapport avant septembre.

Le sénateur Smith : Je me disais que nous pourrions demander à M. Robert d’être notre consultant pour nous aider à scinder...

[Français]

Le président : On pourra en parler au comité de direction du Comité de la régie interne.

[Traduction]

La sénatrice MacAdam : J’ai une question d’ordre général. Nous venons d’avoir une excellente discussion et d’entendre un excellent exposé. Compte tenu de votre vaste expérience et de votre connaissance du fonctionnement du Sénat, avez-vous des recommandations à faire au comité à la lumière de l’ordre de renvoi dont il est saisi?

M. Robert : Je pense que vous demeurez libres de ce que vous faites et de comment vous le faites. Il y a diverses options qui s’offrent à vous. C’est vous qui en faites vraiment l’expérience. C’est vous qui vivez de la frustration. Vous devez déterminer s’il y aurait des moyens de rendre l’exercice plus gratifiant et moins frustrant pour vous, plus satisfaisant. C’est à vous d’en décider.

Comme l’indiquait la sénatrice Marshall, toutes les options demeurent possibles. Vous avez reçu le mandat d’examiner trois choses en particulier, mais cela ne signifie pas que vous ne pouvez pas en proposer d’autres qui pourraient s’appliquer et être plus pertinentes de votre point de vue.

Le projet de loi vous sera soumis d’une manière ou d’une autre. Il vous incombe de l’examiner et d’être satisfait de votre travail. Si cela prend du temps, soit. Si vous voulez diviser le projet de loi pour aider le gouvernement à respecter la procédure établie, libre à vous de le faire. C’est à vous d’en décider. Vous n’avez pas besoin de mes conseils. C’est vous qui vivez tout cela. Je ne suis qu’un observateur.

Le sénateur Loffreda : J’aime bien ce que disait la sénatrice Marshall, à savoir que même s’il s’agit d’un projet de loi omnibus, on pourrait toujours dire que toutes les dispositions sont de nature financière. On dit qu’il n’y a pas que l’argent dans la vie, mais on peut dire qu’on a besoin d’argent pour tout.

Monsieur Robert, si le Sénat devait modifier son règlement pour se fixer une date limite, un peu comme au Sénat australien, comment cela serait-il perçu à la Chambre des communes? Je comprends évidemment très bien que ce sont deux chambres séparées et que nos règlements respectifs ne s’appliquent pas dans l’autre Chambre; cependant, l’adoption d’un tel changement de règle serait-elle respectée par les députés, ou pourrait-elle seulement être perçue comme un signal fort que le Sénat ne s’obligera pas à adopter à la hâte les projets de loi d’exécution du budget afin de répondre aux attentes du gouvernement? Serait-ce seulement perçu comme une tentative du Sénat de montrer ses muscles? La Chambre ignorerait-elle complètement notre nouvelle façon de travailler?

Comme je l’ai mentionné, nous devons nous demander ce qui est le mieux pour les Canadiens et ce qui est le mieux pour le pays. Nombre des politiques et mesures contenues dans les projets de loi d’exécution du budget nécessitent une décision rapide. J’ai parrainé les deux derniers projets de loi de ce type. Ils contiennent des mesures urgentes et d’une importance capitale dans des domaines chers aux Canadiens. Les Canadiens accepteraient-ils qu’elles soient retardées de trois, quatre, cinq ou six mois de plus? Je veux bien que nous siégions jusqu’au mois d’août. Je fêterais mon anniversaire avec mes collègues du Sénat, et ce serait merveilleux. Je n’en ai jamais eu l’occasion.

M. Robert : Permettez-moi d’intervenir ici. On brasse toutes sortes d’idées dans ce processus. Il y en a une qui me vient tout juste à l’esprit et que j’aimerais porter à l’attention de la sénatrice Marshall.

Le fait de séparer les mesures financières des mesures non financières pourrait être considéré d’une certaine manière comme une diversion. Ce que j’ai dit précédemment reste vrai, que vous réussissiez ou non à décider quelles dispositions du projet de loi d’exécution du budget sont de nature financière ou non financière.

La recommandation royale, qui serait la pierre d’achoppement à la Chambre, ne serait pas comprise à moins que vous ne modifiiez des articles. Si vous ne modifiez pas un article, vous pouvez bien avoir déterminé qu’il est de nature non financière. La Chambre des communes peut avoir une opinion différente. Mais tant que l’article n’est pas modifié, la recommandation royale n’est pas compromise. Ce n’est que si vous amendez le projet de loi que la porte s’ouvre et que, d’une manière ou d’une autre, la recommandation royale devient plus incertaine. Il y a alors une objection qui pourrait venir de la Chambre.

Comprenez-vous ce que j’essaie de dire?

Le sénateur Loffreda : Oui. Absolument.

[Français]

Le président : Supposons qu’il y ait un amendement sur la question et qu’on réduise l’obligation financière, cela ne change rien quant à la recommandation royale?

M. Robert : Non, parce que cela n’excède pas le montant qui a été proposé.

Le président : Parce qu’on ne l’augmente pas. Donc, même avec un amendement, tout dépend du type d’amendement?

M. Robert : Oui.

Le président : Parce que si c’est moins onéreux, cela ne pose pas de problème.

M. Robert : Absolument. Et cela arrive assez souvent, n’est-ce pas?

Le président : Oui.

M. Robert : Et la Chambre ne dit pas que vous n’avez pas le droit de faire cela.

[Traduction]

Elle prescrit dans son règlement que les projets de loi adoptés qui traitent des crédits sont inaltérables, ou quelque chose comme cela. Eh bien, elle a beau dire cela, si le Sénat décide d’amender le projet de loi, la Chambre des communes devra en prendre acte d’une manière ou d’une autre. C’est pourquoi, la plupart du temps, elle renoncera à ses privilèges, mais il faudrait en faire l’analyse statistique. Chose certaine, il ne faudrait pas en faire un précédent pour la prochaine fois.

Le sénateur Loffreda : Et la date limite, qu’en pensez-vous? Pensez-vous que ce soit une bonne idée? On discute.

M. Robert : Le problème avec l’idée d’une date limite, c’est qu’elle suppose que le gouvernement est maître du temps à la Chambre, ce qui n’est pas le cas. Ce serait problématique pour le gouvernement. Cela créerait des situations délicates qui pourraient être difficiles à résoudre entre les deux Chambres.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie.

[Français]

Le président : J’ai une dernière question simplement pour conclure. Monsieur Robert, je sais que vous tenez des réunions avec les différents greffiers des parlements et que vous participez à plusieurs conférences internationales, pendant lesquelles vous échangez beaucoup.

M. Robert : Oui.

Le président : Est-ce que quelqu’un a fait une analyse comparée sur les pratiques des différents parlements du Commonwealth? Je parle du Commonwealth, mais cela peut aussi se faire dans les démocraties. On sait qu’aux États-Unis, les budgets, c’est l’enfer.

M. Robert : C’est l’enfer, oui.

Le président : On négocie le vote de l’un et le vote de l’autre.

M. Robert : Les pratiques sont très différentes.

Le président : Et on leur ajoute la liste d’épicerie.

M. Robert : La question se pose, mais ce serait difficile. Le mieux serait de se rendre dans les différents parlements du Commonwealth et de consulter les bibliothèques. Certains analystes ont fait des études et parlent plutôt de changements à apporter pour améliorer le processus avec les finances du gouvernement. Nous sommes parfois inspirés par les pratiques des autres.

[Traduction]

Les recherches que je mène actuellement montrent clairement que l’histoire procédurale du Canada repose sur l’imitation et l’adaptation. Nous suivons de près l’évolution du Parlement britannique de Westminster, en particulier. En 1968, lorsque nous avons évalué le processus budgétaire, nous avons adopté la procédure établie à Westminster. Cela a été une bonne décision parce qu’à ce moment, nous avions les mêmes objectifs, à savoir gagner du temps et rendre le travail du Parlement plus efficace.

[Français]

Il faut faire une analyse. Vous avez des analystes et des ressources sont disponibles dans les différents parlements. Ils peuvent faire une analyse pour montrer les façons par lesquelles les autres parlements utilisent le temps pour considérer les évaluations.

Le président : Je comprends que vous n’avez pas fait cette analyse et à votre connaissance, cela n’existe pas.

M. Robert : Cela peut être un sujet dont on discute, mais ces échanges sont confidentiels.

Le président : Merci. Je pense qu’on a fait le tour.

Merci beaucoup, monsieur Robert. C’est toujours un plaisir de vous voir et de vous revoir. On n’a pas vraiment pris d’engagement. Donc, la prochaine séance se tiendra au retour de la pause, le 22 octobre à 9 heures, pour que nous poursuivions nos travaux.

Merci à tous, à nos analystes et à toute l’équipe.

(La séance est levée.)

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