LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 23 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 47 (HE), pour étudier toute question concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général et d’autres questions financières.
Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonsoir, honorables sénateurs et sénatrices.
Avant de commencer, je voudrais demander à tous les sénateurs et autres participants qui sont ici en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son. Veuillez tenir votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez‑la, face vers le bas, sur l’autocollant placé sur la table à cet effet.
Merci à tous de votre coopération.
Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices, et aussi à tous les Canadiens qui nous regardent sur sencanada.ca.
Je m’appelle Claude Carignan, sénateur du Québec et président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais maintenant demander à mes collègues de se présenter, en commençant par ma gauche.
Le sénateur Forest : Éric Forest, de la division du Golfe, au Québec.
[Traduction]
La sénatrice MacAdam : Bienvenue. Jane MacAdam, de l’Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Loffreda : Bienvenue. Tony Loffreda, de Montréal, au Québec.
[Français]
Le sénateur Boudreau : Victor Boudreau, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, division De Lorimier, au Québec.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Kim Pate, et je vis ici sur le territoire non cédé de la nation algonquine anishinabe. Bienvenue.
La sénatrice Osler : Bienvenue. Flordeliz Gigi Osler, du Manitoba.
Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec.
[Français]
Le président : Le comité se réunit aujourd’hui pour accueillir la vérificatrice générale du Canada, Mme Karen Hogan. Elle est accompagnée de différents membres de son équipe : Andrew Hayes, sous-vérificateur général, Mathieu Lequain, directeur principal, Nicholas Swales, directeur principal, et Sami Hannoush, directeur principal. Je vous laisse la parole. Par la suite, les sénateurs auront sûrement plusieurs questions.
[Traduction]
Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Je suis heureuse d’être ici aujourd’hui pour discuter des trois rapports qui ont été déposés au Parlement en juin.
Je tiens d’abord à reconnaître que nous nous trouvons à Ottawa, sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Je vais d’abord parler de notre audit des contrats de services professionnels. Nous avons examiné si les organisations fédérales qui ont accordé des contrats à la firme McKinsey & Company entre 2011 et 2023 avaient respecté les politiques d’approvisionnement applicables, et si ces contrats avaient représenté une utilisation optimale des ressources publiques. Il s’agit de contrats passés par 20 organisations fédérales, dont 10 sociétés d’État. La valeur totale des contrats accordés à McKinsey & Company pendant cette période s’élève à 209 millions de dollars, dont environ 200 millions ont été dépensés.
Nous avons constaté que les organisations contractantes n’avaient fréquemment pas respecté les politiques et directives fédérales de passation de marchés et d’approvisionnement. Nous avons aussi constaté que les pratiques propres à chaque organisation n’avaient souvent pas permis d’optimiser l’utilisation des fonds publics.
L’ampleur de ce non-respect et des risques pour l’optimisation des fonds publics variaient d’une organisation à l’autre. Par exemple, pour 10 des 28 contrats accordés à l’issue d’un processus concurrentiel, nous avons constaté que la documentation de l’évaluation des soumissions n’était pas suffisante pour appuyer le choix de McKinsey & Company comme fournisseur.
[Français]
Nous avons aussi constaté que la justification qui est exigée pour octroyer un contrat sans processus concurrentiel était souvent manquante. Environ 70 % des 97 contrats que nous avons examinés avaient été octroyés à McKinsey & Company de façon non concurrentielle. Leur valeur s’élevait à environ 118 millions de dollars.
Lorsque nous avons examiné un échantillon de 33 contrats pour en évaluer les résultats, nous avons constaté que, dans plus de la moitié d’entre eux, il manquait un ou plusieurs des éléments qui auraient permis de démontrer que les contrats avaient optimisé l’utilisation des fonds publics. Par exemple, nous avons relevé la justification insuffisante de la nécessité du contrat, l’absence d’un énoncé clair des produits livrables attendus et l’absence d’une confirmation que le gouvernement avait obtenu tous les produits livrables.
Nous avons constaté que Services publics et Approvisionnement Canada, en tant qu’organisme central responsable des achats et des marchés et expert en la matière pour le gouvernement du Canada, n’avait pas remis en question les décisions des organisations fédérales lorsque le ministère avait attribué certains contrats en leur nom. Le ministère n’a pas remis en question le caractère approprié de la stratégie d’approvisionnement lorsque l’organisation a demandé de multiples contrats à la firme McKinsey, à des fins similaires et sur une période rapprochée.
[Traduction]
Si cet audit se penche sur les contrats attribués à la firme McKinsey & Company, il fait néanmoins aussi ressortir les exigences de base et les bonnes pratiques que toute organisation fédérale devrait suivre lorsqu’elle achète des services professionnels pour le gouvernement du Canada. Les politiques fédérales en matière de passation de marchés et d’approvisionnement existent pour garantir un processus équitable et transparent, qui optimise l’utilisation des fonds publics au nom de la population canadienne — toutefois, ces politiques ne sont efficaces que si elles sont appliquées.
Passons maintenant à notre audit de la fondation Technologies du développement durable Canada. Dans cet audit, nous avons examiné si la fondation avait géré les fonds publics conformément aux modalités des accords de contribution et à son mandat légal. Nous avons aussi examiné la surveillance et la gestion des fonds publics exercées par Innovation, Sciences et Développement économique Canada.
Entre mars 2017 et décembre 2023, la fondation a approuvé 856 millions de dollars en financement pour 420 projets. Nous avons constaté des défaillances importantes de la gouvernance et de la gestion des fonds publics assurées par Technologies du développement durable Canada. Plus précisément, la fondation a accordé 59 millions de dollars à 10 projets qui ne répondaient pas à des exigences essentielles découlant des accords de contribution conclus entre le gouvernement et la fondation. Ces projets n’étaient pas admissibles à un financement parce que, par exemple, ils ne soutenaient pas le développement ou la démonstration d’une nouvelle technologie, ou encore parce que l’évaluation des avantages environnementaux possibles était exagérée.
Je suis également très préoccupée par les manquements dans la gouvernance assurée par la fondation.
[Français]
La fondation n’a pas toujours respecté les politiques en matière de conflits d’intérêts et elle n’a pas respecté la Loi sur la Fondation du Canada pour l’appui technologique au développement durable.
Selon cette loi, la fondation doit nommer 15 membres en plus de son conseil d’administration. Ces 15 membres ont le mandat de représenter la population canadienne et ils sont appelés à nommer la majorité des membres du conseil d’administration. L’audit a constaté que la fondation n’avait pas respecté la loi, car elle n’avait que 2 membres, et non les 15 exigés par la loi.
En ce qui concerne les conflits d’intérêts, la fondation ne disposait pas d’un système efficace pour consigner les déclarations de conflits d’intérêts ni les mesures prises à cet égard. Les dossiers de la fondation montrent que les politiques sur les conflits d’intérêts ont été enfreintes dans 90 cas. Ces 90 cas étaient liés à des décisions de financement qui ont accordé près de 76 millions de dollars à des projets.
Comme toute organisation financée à même les fonds publics, Technologies du développement durable Canada se doit d’opérer de manière transparente, responsable et légale. Nos constatations montrent que lorsqu’il y a des manquements à cet égard, il devient difficile de prouver que les décisions de financement prises au nom de la population canadienne ont été appropriées et justifiées.
Notre dernier audit s’est intéressé à la lutte contre la cybercriminalité. Nous avons examiné si la Gendarmerie royale du Canada, le Centre de la sécurité des télécommunications Canada, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et Sécurité publique Canada avaient la capacité et les compétences requises pour appliquer efficacement les lois qui visent à contrer la cybercriminalité et à protéger la population canadienne sur Internet.
[Traduction]
Nous avons constaté que ces organisations n’avaient ni la capacité ni les outils requis pour lutter efficacement contre la cybercriminalité, alors que les cyberattaques sont de plus en plus fréquentes et sophistiquées. Une partie du problème réside dans l’approche cloisonnée et déconnectée du gouvernement fédéral. Nous avons constaté des lacunes dans les interventions, la coordination, le suivi et l’échange de renseignements tant au sein des organisations responsables qu’entre celles-ci.
De plus, compte tenu les liens entre les pourriels et la cybercriminalité, l’interprétation étroite que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes fait de son rôle a limité la mesure dans laquelle il contribue à protéger la population canadienne. Pour lutter efficacement contre la cybercriminalité, il faut d’abord que les incidents soient signalés aux organisations qui sont les mieux outillées pour les recevoir et ensuite, il faut que ces organisations y donnent suite. Le système actuel pour signaler les incidents de cybercriminalité porte à confusion et ne répond pas aux besoins des personnes qui rapportent ces crimes.
[Français]
D’une part, nous avons constaté que de nombreux incidents avaient été signalés à la mauvaise organisation. D’autre part, les organisations qui avaient reçu ces signalements n’avaient pas fait un retour auprès des personnes concernées et n’avaient pas réacheminé les signalements à l’organisation compétente. Par exemple, le Centre de la sécurité des télécommunications Canada a jugé que près de la moitié des 10 850 signalements qu’il avait reçus entre 2021 et 2023 ne relevaient pas de son mandat, parce qu’ils touchaient des particuliers canadiens et non des organisations. Cependant, il n’a pas avisé plusieurs des personnes qui avaient signalé un incident qu’elles devaient s’adresser à une autre organisation.
[Traduction]
Même si la GRC, le Centre de la sécurité des télécommunications Canada et Sécurité publique Canada ont discuté de créer un guichet unique où les gens pourraient signaler les incidents de cybercriminalité — guichet unique dont le public a d’ailleurs grandement besoin —, l’idée ne s’est toujours pas concrétisée. Nous avons aussi constaté que la GRC a peiné à recruter du personnel pour doter ses équipes d’enquêtes en cybercriminalité. Nous avons estimé qu’en date de janvier 2024, près du tiers des postes au sein de ces équipes étaient vacants.
À notre avis, un plan pour réduire les pénuries de personnel au sein des organisations qui luttent contre la cybercriminalité, y compris la GRC, est une composante importante d’une stratégie nationale de cybersécurité. Ce qu’il faut retenir de ces rapports, c’est que lorsque la gouvernance n’est pas adéquate, la solution n’est pas forcément de mettre en place de nouveaux processus, d’augmenter les effectifs ou de dépenser plus d’argent. Il s’agit plutôt d’appliquer les règles existantes et d’avoir en poste les personnes qui ont l’expertise voulue pour faire le travail à accomplir.
[Français]
Monsieur le président, je conclus ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.
Le président : Merci beaucoup, madame la vérificatrice générale. Nous commençons la période des questions avec le sénateur Forest.
Le sénateur Forest : Merci; c’est toujours un plaisir de bénéficier de vos rapports.
Madame la vérificatrice, c’est assez incroyable de voir que, pendant 12 ans, on a octroyé 70 des 97 contrats qui ont été examinés à la firme McKinsey pour une valeur de 110 millions de dollars.
Comment se fait-il que personne n’ait été en mesure de faire une vérification de diligence? Ces gens n’avaient aucun compte à rendre à aucun supérieur, ils n’étaient absolument pas responsables dans la gestion de ces fonds publics?
Mme Hogan : J’avoue que quand on a examiné les contrats octroyés à McKinsey, cela m’a rendue perplexe de voir qu’il y avait autant de non-respect. L’ampleur du non-respect variait selon les organisations, mais il existait dans plusieurs d’entre elles. On parle de 9 sur 10 pour les ministères qu’on a examinés et de 8 sur 10 pour les sociétés d’État.
Je me questionnais souvent sur la raison de tout cela, et c’est pour cela que nous avons recommandé au gouvernement de prendre du recul pour examiner pourquoi il y avait tellement de politiques et de pratiques qui n’étaient pas bien suivies.
Est-ce qu’il y en a trop, donc les gens ne les connaissent pas toutes très bien? Est-ce qu’il y en a trop, donc ils les contournent pour accélérer l’octroi de contrats? On n’a pas pu trouver une cause profonde et c’est une activité que le gouvernement devrait faire. Est-ce que le fait d’imposer plus de règlements est la réponse à ce problème? À mon avis, ce ne l’est pas. Il faut s’assurer que les règlements qui existent sont bien respectés.
Le sénateur Forest : Ce serait totalement incroyable si vous nous aviez dit qu’un ministère sur 10 n’avait pas suivi les règles; or, c’est l’inverse, c’est 9 ministères sur 10. C’est aberrant et inimaginable.
Mme Hogan : C’est pour cela que je n’ai aucune raison de croire que les résultats sont limités seulement aux contrats octroyés à McKinsey. Je m’attendais à ce que les règles soient suivies, mais à voir un résultat comme celui-là pour d’autres organisations. J’espère que le gouvernement n’examinera pas seulement les contrats qui ont trait à la passation de marchés.
Le sénateur Forest : Avez-vous constaté dans votre enquête qu’il y a des règles pour octroyer un contrat de gré à gré? Par exemple, d’où je viens — soit le monde municipal —, pour octroyer un contrat de gré à gré, il y a des règles très précises qui doivent être mises au dossier pour s’assurer qu’il y a réellement une gestion efficace des fonds publics.
Avez-vous vu de telles règles à l’intérieur des ministères ou des organisations qui ont été concernés par l’octroi de contrats de gré à gré?
Mme Hogan : Vous parlez en général ou par rapport aux conflits d’intérêts et à la gestion?
Le sénateur Forest : Je parle surtout d’un contrat sans appel d’offres. Pour le faire, je dois remplir des conditions, par exemple, il faut que ce soit un marché captif, qu’il y ait un délai ou qu’il y ait des conditions vraiment strictes à remplir, pour qu’on puisse octroyer de gré à gré un volume aussi important de contrats.
Mme Hogan : C’est un peu difficile de répondre à cette question. Lorsqu’on regarde les sociétés d’État, elles ont des règles qui sont très différentes. Cependant, si on regarde les ministères, c’est très facile de savoir si un contrat sera octroyé dans le cadre d’un processus qui est non concurrentiel et qui devrait avoir la bonne documentation pour en justifier la raison. Il y a de rares exceptions, mais on a constaté souvent que cette explication manquait. Sans cette justification, c’est difficile de savoir pourquoi la firme McKinsey avait été choisie ou s’ils étaient les meilleurs fournisseurs pour les besoins. Je m’attendais à ce que ce soit mieux et j’avoue que j’ai déjà vu la fonction publique faire mieux.
Le sénateur Forest : Dans votre rapport, vous constatez que 30 % des postes dans la lutte contre la cybercriminalité à la GRC sont vacants. Je ne peux pas m’empêcher de constater que, pendant ce temps, avec le projet de loi C-63, on prévoit d’engager 330 nouveaux fonctionnaires pour lutter contre la haine et l’exploitation sexuelle en ligne, deux formes importantes de cybercriminalité. Comment pensez-vous qu’on va arriver à faire cela quand on voit que déjà 30 % des postes du Groupe national de coordination contre la cybercriminalité à la GRC ne sont pas pourvus?
Mme Hogan : Je crois que c’est un enjeu dont la GRC est au courant. On a recommandé qu’ils fassent une analyse du marché de travail. Ce sont des postes avec des compétences uniques et spécialisées. Il faut vraiment faire une bonne analyse pour être en mesure de recruter les individus dont ils ont besoin.
À mon avis, cela commence par un bon plan. La GRC a une pénurie de main-d’œuvre en général et le bon plan est peut-être manquant pour bien déterminer de quelles compétences ils ont besoin et pourvoir les postes spécialisés comme ceux-ci. Ils ont un défi devant eux, c’est certain; beaucoup d’organisations fédérales l’ont, mais cela commence par un bon plan.
Le sénateur Forest : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Smith : Bienvenue, madame Hogan, ainsi qu’à tout votre excellent personnel de soutien.
Votre audit des contrats de services professionnels révèle que bien des organismes fédéraux, surtout ceux qui octroient des contrats sans processus concurrentiel, n’ont pas de processus proactifs en place pour déceler ou gérer les conflits d’intérêts. C’est préoccupant, parce que cela pourrait nuire à l’équité et à l’intégrité du processus d’approvisionnement.
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le manque de surveillance des conflits d’intérêts partout au gouvernement est un enjeu important, et dans quels ministères ou organismes ce problème est plus répandu?
Mme Hogan : Je vais me tourner vers M. Swales au cas où je m’égarerais. J’espère qu’il pourra me corriger si je me trompe.
Nous avons constaté que les pratiques pouvaient varier en matière de conflits d’intérêts. La fondation, les ministères et les organismes nous ont dit qu’ils se fiaient à la déclaration annuelle des fonctionnaires. Mais nous cherchions une stratégie plus ciblée et mieux adaptée au processus d’approvisionnement.
Nous avons vu que les pratiques variaient, même dans les sociétés d’État. Nous avons d’ailleurs souligné qu’Exportation et développement Canada avait une bonne pratique et demandait aux responsables de la passation de marchés, issus d’un processus concurrentiel ou non concurrentiel, d’indiquer proactivement s’ils croyaient qu’un conflit d’intérêts était lié à l’approvisionnement.
Nous avons fait une recommandation au gouvernement pour qu’il exige — en plus de la déclaration annuelle — que tous ceux qui participent aux processus d’approvisionnement prennent du recul et évaluent s’ils doivent déclarer ou non qu’ils pourraient être en conflit d’intérêts perçu ou réel. Il est donc possible de bien gérer la situation, mais quand les conflits d’intérêts ne sont pas déclarés, ils sont mal gérés.
Parfois, la perception est pire que la réalité. C’est important de tenir ces discussions.
Monsieur Swales, voulez-vous ajouter quelque chose?
Nicholas Swales, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : La seule chose que j’ajouterais, c’est que nous avons constaté un manque d’uniformité dans les pratiques. Des déclarations ont été produites pour certains processus concurrentiels organisés par les ministères et les organismes, mais pas pour d’autres. De même, des déclarations ont été faites pour des scénarios concurrentiels, mais pas pour des scénarios non concurrentiels.
Selon nous, la logique sous-jacente à cette approche n’était pas cohérente et il fallait la rendre plus cohérente.
Le sénateur Smith : Je ne sais pas si c’est répétitif, mais dans votre rapport, vous indiquez que les ministères et les organismes s’appuyaient sur la divulgation proactive, dont vous avez parlé, et sur les déclarations de conflits d’intérêts annuelles. Il peut se passer beaucoup de choses en un an. Je me demande pourquoi de nombreux ministères s’appuient sur la divulgation des conflits d’intérêts annuelle. Pourquoi ne le signaleraient-ils pas dès qu’ils le constatent?
Mme Hogan : C’est une excellente question à poser à certains d’entre eux.
Comme l’a souligné M. Swales, nous avons constaté que les processus variaient. Certains le font, d’autres non. Nous avons fait une recommandation pour que ce soit fait de manière plus cohérente.
Le sénateur Smith : Vous a-t-on donné une raison ou une réponse pour justifier ce type de pratique?
Mme Hogan : Je vous cède la parole, monsieur Swales.
M. Swales : Non. Nous avons simplement constaté qu’il y avait des pratiques et des politiques différentes dans le cas des sociétés d’État.
Le sénateur Smith : Examinez-vous les pratiques des provinces ou d’autres endroits dont le gouvernement fédéral pourrait s’inspirer en matière de divulgation proactive afin d’améliorer le processus?
Mme Hogan : Comme je l’ai dit, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de regarder du côté d’autres ordres de gouvernement. Nous le voyons au sein du gouvernement fédéral. Certains ministères et organismes ont été proactifs. Certaines sociétés d’État ont été proactives. Les outils existent ici. Il faut simplement faire preuve de cohérence et, je pense, exiger qu’ils soient utilisés.
Parmi les changements qui ont été apportés à la suite de notre audit — ou je crois que c’était juste avant la publication de notre audit —, Services publics et Approvisionnement Canada a mis en place quelques exigences supplémentaires. Par exemple, une attestation est exigée à la fin d’un processus d’approvisionnement pour vérifier que les personnes ont fait tout ce qu’elles étaient censées faire. Ce rappel de ce dont les gens sont responsables et de leurs rôles et responsabilités contribuera, je l’espère, à améliorer la situation.
Le sénateur Smith : Parle-t-on simplement d’un problème d’attitude ou d’un processus que certains des ministères en question utilisent pour éviter toute forme d’examen supplémentaire ou tout simplement pour fonctionner? Il semble tout simplement incroyable que ce genre de situation puisse se produire, compte tenu de la taille des ministères et de l’argent qui est accordé à ces personnes pour qu’elles fassent leur travail.
Mme Hogan : Je suis sûre que M. Hayes voudra intervenir pour parler de la question des valeurs et de l’éthique dans la fonction publique et je pense qu’il s’agit d’une conversation plus vaste qui est en cours.
Bien des fonctionnaires que je rencontre au cours de nos audits sont très bien intentionnés et veulent bien faire les choses pour les Canadiens. C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit de passation de marchés, nous devons comprendre pourquoi nous avons vu ce qui se passe dans la fonction publique et nous attaquer à la racine du problème. Est-ce que les gens essaient simplement de faire les choses rapidement et contournent donc les règles, ou est-ce qu’ils ne connaissent tout simplement pas toutes les règles, ou est-ce qu’ils essaient intentionnellement de s’y soustraire?
Le sénateur Smith : Cela relève-t-il de la responsabilité de la haute direction des différents ministères?
Andrew Hayes, sous-vérificateur général, Bureau du vérificateur général du Canada : Cela en fait certainement partie. Les gestionnaires devraient s’assurer que les personnes qui travaillent aux approvisionnements déclarent leurs conflits d’intérêts, réels ou perçus, en temps opportun. Il ne doit pas s’agir simplement de cocher des cases. Il faut le faire dès le départ, avant que des décisions sur les contrats ne soient prises. L’une des recommandations que nous avons formulées va dans ce sens.
Je pense que ce qui se passe probablement, c’est que le processus d’approvisionnement comporte de nombreuses tâches et que les conflits d’intérêts n’en constituent pas un élément central. Certains des rapports que nous avons présentés, qu’il s’agisse du rapport sur ArriveCAN, de celui sur McKinsey ou de celui sur TDDC, ont vraiment mis en lumière ce problème. Nous espérons que grâce à l’attention accrue que le greffier du Conseil privé a accordée aux valeurs et à l’éthique, ainsi qu’à nos recommandations, la situation s’améliorera sensiblement.
[Français]
Le sénateur Boudreau : J’ai une question d’ordre général. J’ai un peu d’expérience au provincial, mais pas tellement au fédéral, alors le système fonctionne peut-être un peu différemment. On semble avoir quand même une situation assez systémique, avec 20 organismes et 97 contrats sur une période de 12 ans sous deux différents gouvernements, deux administrations gouvernementales. Je comprends le rôle du Bureau du vérificateur général qui fait des recherches à l’occasion sur divers dossiers, mais le Bureau du contrôleur général du Canada, quel est son rôle dans ce dossier? Selon moi, du moins au Nouveau-Brunswick, ils sont là pour surveiller ce qui se passe. Y a-t-il eu un manque à cet égard, ou est-ce que le rôle du Bureau du contrôleur général a été pris en considération dans cette situation?
Mme Hogan : Le Bureau du contrôleur général a un groupe d’audit interne qui fait des audits horizontaux à l’échelle du gouvernement. Chaque ministère et organisme, que ce soit une société d’État ou un ministère, fait ses propres audits internes sur la passation de marché. Ici, ce sont vraiment les règlements qui n’ont pas été suivis. Cela aurait pu être constaté par des audits à l’interne. Il faut avoir un bon équilibre. Souvent, les groupes d’audits internes examinent des enjeux plutôt pour appuyer le sous-ministre, mais il faut aussi regarder les éléments essentiels et les mécanismes de temps en temps. Je pense que parfois, on oublie de faire cela dans les audits à l’interne.
Le sénateur Boudreau : Ici, je dirais que les éléments essentiels et les mécanismes ont été manqués.
[Traduction]
Les aspects concrets ont été manqués.
[Français]
C’est là le nœud du problème, non? Si votre bureau avait attendu 20 ans pour faire cette étude, est-ce que les mêmes problèmes se seraient répétés pendant 20 ans? Quelqu’un aurait dû se rendre compte de ce qui se passait au fil des ans, que ce soit au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, au ministère des Finances ou au Bureau du contrôleur général.
Mme Hogan : Le Conseil du Trésor émet les politiques et le Bureau du contrôleur général fait partie du Secrétariat du Conseil du Trésor. Alors, eux aussi émettent des politiques. Oui, ils donnent des conseils pour faire en sorte qu’il y ait un bon suivi des politiques, mais c’est vraiment le sous-ministre qui est responsable de s’assurer que le ministère suit toutes les règles et politiques. Notre bureau examine souvent la passation de marché. On constate souvent des enjeux. C’est pour ça que je dis qu’à mon avis, le problème n’est pas limité aux contrats octroyés à McKinsey & Company et qu’on verrait la même chose dans d’autres contrats. C’est le moment de s’assurer que tous ceux qui travaillent dans des groupes qui s’occupent de la passation de marché sont au courant des règlements. Parfois, un petit rappel global est important.
Le sénateur Boudreau : C’est bien, merci.
Le président : Un petit rappel. Je vais attendre mon tour.
Le sénateur Dalphond : La période est longue pour les contrats de McKinsey. Il y a 97 contrats et on parle de 200 millions de dollars. Cela fait une moyenne de 2 millions par contrat. Je vois, dans la liste des contrats détaillés, qu’il y en a de 25 000 $ et d’autres qui étaient de 24 millions de dollars. On ne parle pas du même genre de contrat. Quand les montants sont petits, 25 000 $, 50 000 $, 100 000 $, 1 million de dollars, pour un ministère qui administre 1 milliard de dollars, 1 million de dollars, c’est sous le seuil de vérification. Y a-t-il une culture de relâchement lorsque les montants sont petits ou nos exigences d’approbation sont-elles trop élevées? Si c’est écrit 20 000 $, il faut avoir deux autorisations, alors est-ce que ce devrait être 100 000 $ plutôt que 25 000 $? Ainsi, on serait moins en situation de non-respect des règles pour des petits contrats par rapport aux grands.
Mme Hogan : Les règlements pour les passations de marché ont un seuil. Auparavant, si c’était sous 25 000 $, un processus non concurrentiel était acceptable. Le seuil a été augmenté à 40 000 $ parce qu’on ne peut pas acheter beaucoup avec 25 000 $ ces jours-ci. Je m’attendrais quand même à ce qu’il y ait une reddition de comptes, même si un ministère dépense 25 000 $. Dès que cela monte au-dessus du seuil, il est recommandé que ce soit un processus concurrentiel, mais on a constaté que la plupart des contrats octroyés à McKinsey l’ont été de façon non concurrentielle.
Dans ce cas, je m’attends à avoir une explication sur le besoin de ce contrat et sur la raison pour laquelle ce fournisseur a été choisi. C’est souvent ce qui manque; c’est pour cela qu’on a conclu que démontrer la valeur reçue pour les fonds dépensés manquait souvent dans la passation de marché.
Le sénateur Dalphond : Est-ce que le seuil est trop bas?
Mme Hogan : Ce n’est pas à moi de décider du seuil qui devrait figurer dans la politique.
Le sénateur Dalphond : Je comprends cela avec 25 millions de dollars, mais pour 100 000 $, il faut 56 autorisations et 56 redditions de comptes. J’ai l’impression que le gouvernement va mettre plus d’argent dans les processus et la reddition de comptes que dans le montant dépensé.
Mme Hogan : C’est pour ça que je pense que le gouvernement devrait prendre du recul pour examiner les règles. On fait souvent des audits sur la passation de marché et les ministères également. J’ai l’impression qu’on rajoute toujours une exigence sur une autre exigence. C’est le temps de prendre du recul et se demander s’il y en a qui ne sont plus nécessaires en raison d’un changement de processus ou d’autres règlements sont plus efficaces. Ce recul n’a pas été fait. C’est pour ça que j’ai toujours dit que j’aimerais que le gouvernement prenne un recul et évalue les politiques existantes avant d’en ajouter d’autres parce que c’est clair avec les exigences qui existent en ce moment qu’elles ne sont pas toujours suivies. Il y a un manquement, peut-être est-ce parce qu’il y en a trop ou peut-être qu’elles sont trop compliquées.
Le sénateur Dalphond : Ce que je crains, c’est que la machine ajoute d’autres couches de règlements et d’encadrement, mais pour la même soumission.
Je crois avoir lu dans les journaux — je sais que vous n’avez pas examiné cela — que McKinsey était un petit fournisseur de services comparativement à beaucoup de fournisseurs de services, notamment certaines grandes boîtes comptables qui ont des bureaux de consultants. Dois-je comprendre que l’on découvrirait le même genre de problèmes si on regardait ces contrats?
Mme Hogan : Je m’attendrais à faire des constats semblables. On a inclus deux graphiques dans notre rapport pour répondre à la question que vous nous posez, afin de démontrer que les fonds dépensés en services professionnels durant la période d’audit étaient d’environ 68 milliards de dollars; McKinsey représente 0,3 % de ces contrats. C’est donc un petit fournisseur. Si on voit des lacunes chez un petit fournisseur, je m’attendrais à les voir aussi dans d’autres contrats.
Le sénateur Dalphond : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre présence, madame Hogan, vous et les membres de votre équipe. Ma question porte sur le Rapport 5 — Les contrats de services professionnels et, à cet égard, j’aimerais en savoir plus sur votre évaluation selon laquelle les politiques de passation de marchés des organisations ne favorisaient souvent pas une optimisation des ressources. Veiller à ce que les fonds publics soient dépensés de façon à en assurer l’optimisation est l’un des principaux objectifs de notre comité des finances nationales, en particulier lorsque nous examinons les priorités du gouvernement en matière de dépenses dans le cadre du cycle budgétaire.
J’ai été frappé par le fait que dans 45 % des contrats de l’échantillon de votre audit de l’optimisation des ressources, les dossiers d’achat ne comportaient pas de renseignements suffisants pour justifier la nécessité du contrat et que, dans certains cas, il n’y avait pas un énoncé clair des produits livrables prévus au contrat.
Pouvez-vous nous parler de ces constatations? Quelles sont les mesures correctives que vous recommanderiez et qui doivent être mises en œuvre dans de tels cas afin de garantir l’optimisation des ressources et de s’assurer que les ministères reçoivent tous les produits livrables attendus?
À mon avis, si on laisse faire, on autorise. Comment faire pour ne pas laisser ce genre de choses se reproduire à l’avenir et comment ont-ils justifié la décision?
Mme Hogan : Vous avez très bien résumé les aspects que nous avons examinés lorsque nous avons essayé de déterminer si le gouvernement en avait eu pour son argent dans le cadre des contrats. Dans l’échantillon que nous avons examiné, pour au moins un ou deux éléments sur les trois, nous ne pouvions pas prouver que les contrats avaient permis d’optimiser les ressources.
Je pense que tout commence par le premier élément : justifier pourquoi le contrat est nécessaire. Est-il nécessaire pour augmenter la capacité ou combler une lacune en matière de compétences? Ce serait une bonne raison d’obtenir des services professionnels. Ensuite, il faut un énoncé des travaux qui soit clair, afin que l’on sache très précisément ce que l’on attend en retour et que l’on puisse évaluer si l’on a reçu les biens et les services. Selon moi, ce sont là des éléments fondamentaux lorsqu’il s’agit de gérer un contrat et de déterminer si l’on a obtenu un bon rapport qualité-prix.
Nous n’avons pas émis de recommandations à ce sujet parce que beaucoup de choses existent déjà sur ce plan. Ce sont des pratiques qui devraient être appliquées. Dans une transition vers l’abandon des services professionnels, j’aimerais également que le gouvernement réfléchisse à la manière d’intégrer ces compétences dans la fonction publique afin qu’il ne soit plus nécessaire de faire appel à des fournisseurs externes et que l’on puisse intégrer les compétences dans la fonction publique pour l’avenir.
Le sénateur Loffreda : Dans le cadre de l’examen que fait notre comité du Budget principal des dépenses et du Budget supplémentaire des dépenses, j’ai souvent soulevé la question de la cybercriminalité auprès des hauts fonctionnaires et de notre capacité à dissuader les criminels, à enquêter sur eux et à les poursuivre en justice. Dans votre rapport, vous indiquez que la GRC ne s’était pas dotée des capacités requises pour lutter contre le problème croissant que représente la cybercriminalité et qu’elle ne disposait peut-être pas d’un nombre suffisant de personnes ayant les compétences nécessaires pour mener des enquêtes sur la cybercriminalité.
Dans le cadre de votre audit, quelles sont les difficultés à recruter et à maintenir en poste du personnel que vous avez observées à la GRC qui font qu’elle a du mal à lutter contre la cybercriminalité? La situation pourrait-elle être corrigée à l’avenir? La cybercriminalité est une préoccupation majeure dans le monde de nos jours et nous savons tous pourquoi, sans entrer dans les détails. La GRC a-t-elle suffisamment de fonds pour rémunérer correctement son personnel et rester compétitive sur le marché du travail? Vous soulevez un bon point. J’ai une note ici pour m’indiquer d’aller point 19 de votre déclaration préliminaire, mais vous l’avez lu et vous savez de quoi il s’agit : la GRC peine à recruter du personnel pour doter ses équipes d’enquête en cybercriminalité. Je ne le lirai pas entièrement, car vous savez à quoi je fais référence.
Mme Hogan : Il est important de souligner que nous n’avons pas procédé à un audit de la dotation en personnel ou des effectifs lorsque nous nous sommes penchés sur la cybercriminalité. Nous avons constaté que la GRC manque non seulement des talents dont elle a besoin — la capacité de s’occuper des cas liés à la cybercriminalité —, mais aussi de certains des outils qui lui permettraient de lutter efficacement contre la cybercriminalité.
Il ne s’agit pas de prévention ou d’éducation. Il s’agit de savoir ce qu’il faut faire une fois que quelque chose a été signalé. Nous avons demandé à la GRC pourquoi environ 30 % des postes de son équipe d’enquête en cybercriminalité étaient vacants. Elle nous a répondu que c’était en raison de la concurrence — avoir une rémunération concurrentielle pour attirer les talents dont elle avait besoin. C’est pourquoi je pense qu’il est important que l’organisation fasse une analyse du marché et qu’elle ait un plan de recrutement plus complet. La GRC a des difficultés à recruter du personnel. Nous l’avons constaté dans d’autres audits, qu’il s’agisse de celui portant sur les services de police autochtones ou de celui-ci. Il faut qu’elle prenne du recul et qu’elle détermine les compétences dont elle a besoin et qu’elle essaie de les acquérir.
Le sénateur Loffreda : Avez-vous demandé pourquoi il y avait des problèmes de recrutement?
Mme Hogan : Nous en parlons en termes généraux, mais, comme je l’ai dit, ce n’est pas ce que nous avons examiné dans le cadre de l’audit. Il pourrait s’agir de lacunes en matière de compétences — on parle d’un ensemble de compétences très spécialisées. Si les salaires ne sont pas concurrentiels, cela rendra les choses difficiles. Par ailleurs, il pourrait s’agir de l’endroit où s’accomplit le travail. Je pense que la GRC est confrontée à de nombreux problèmes de recrutement et je suis certaine que si vous invitiez des représentants de la GRC à venir témoigner, ils seraient ravis de vous donner plus de détails. Ce sont eux qui connaissent le mieux les difficultés qu’ils rencontrent.
Le sénateur Loffreda : Merci.
La sénatrice MacAdam : Tout d’abord, je tiens à vous remercier d’être ici et de servir les Canadiens. Ce sont trois excellents rapports.
J’ai d’abord une question sur les contrats de services professionnels. Vous avez formulé une recommandation axée sur les conflits d’intérêts et nous en avons déjà parlé un peu. Je vais simplement lire la recommandation :
Pour veiller à ce que les responsables participant au processus d’approvisionnement ne se placent pas en conflit d’intérêts et pour assurer une surveillance efficace à cet égard, toutes les organisations fédérales qui ne l’ont pas déjà fait devraient mettre en œuvre un processus proactif pour recenser les conflits d’intérêts réels ou apparents dans le cadre du processus d’approvisionnement et devraient conserver dans le dossier d’achat le résultat de ce processus et les déclarations de conflit d’intérêts.
J’ai consulté la partie intitulée « Recommandation et réponses » de votre rapport et j’ai constaté que les ministères concernés avaient accepté la recommandation — je pense qu’il s’agissait principalement de sociétés d’État dans ce cas. Pour ce qui est des réponses qui figurent dans le rapport, s’agit-il de toutes les entités qui ne se sont pas conformées à cela?
Mme Hogan : Dans le cadre de l’audit, les 20 organismes étaient tous ceux qui avaient déclaré avoir conclu des contrats avec McKinsey & Company. Un organisme, l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada, n’a pas participé. Nous ne sommes pas ses vérificateurs et je ne peux donc pas vous dire s’il avait des contrats ou comment il les a gérés. Il s’agit là des 20 organismes qui ont des contrats avec McKinsey. Nous nous serions donc attendus à ce que tous ceux qui n’ont pas eu recours à ce processus répondent et acceptent la recommandation.
M. Hayes : Toutes les sociétés d’État ont répondu, mais le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada a donné une réponse globale au nom du gouvernement.
La sénatrice MacAdam : Et il a également accepté la recommandation?
Mme Hogan : Il a convenu qu’une déclaration annuelle devrait être différente d’une déclaration que l’on fait lorsqu’on examine un processus d’approvisionnement auquel participent des sociétés et des fournisseurs donnés. Une personne doit savoir si elle a des relations qui pourraient l’empêcher de faire preuve d’impartialité et d’équité.
La sénatrice MacAdam : Dans votre rapport, il est indiqué que vous n’avez pas répété les recommandations qui avaient été faites précédemment ou les travaux qui avaient été effectués, tout type d’examen...
Mme Hogan : L’ombud de l’approvisionnement s’est également penché sur les contrats. Nous n’avons donc pas jugé nécessaire de répéter une recommandation qui existait déjà. Nous nous attendons à ce qu’elles soient toutes mises en œuvre.
La sénatrice MacAdam : C’est la seule recommandation dans le rapport. Allez-vous faire un suivi auprès de tous les organismes qui ne se sont pas conformés, et quand pensez-vous le faire par rapport au suivi d’audits antérieurs? Vous avez un processus cyclique.
M. Hayes : Les conflits d’intérêts feront partie de nos travaux. Il est évident que cette question est devenue centrale pour le gouvernement et, par conséquent, pour nous.
En ce qui concerne les sociétés d’État, nos travaux d’audit annuel couvriront le sujet en partie. Nous ne sommes pas toujours présents dans les sociétés d’État pour les audits de performance, mais lorsque nous effectuerons les futurs audits de performance de l’approvisionnement au gouvernement, nous nous pencherons certainement sur la question des conflits d’intérêts.
La sénatrice MacAdam : Vous l’intégrerez donc dans vos futurs audits.
Vous avez examiné les contrats qui ont été accordés par les sociétés d’État et par les ministères. Avez-vous constaté une différence entre les sociétés d’État et les ministères pour ce qui est de l’optimisation des ressources, en ce qui concerne les problèmes que vous avez observés?
Mme Hogan : Je pense qu’il faut tout d’abord souligner que de nombreuses sociétés d’État établissent leurs propres règles d’approvisionnement, de sorte qu’elles ne suivent pas les politiques du Conseil du Trésor en la matière, et qu’il faut donc qu’elles répondent à leurs attentes. Elles ne sont pas toujours aussi claires et dans bon nombre de cas, on n’est pas tenu de fournir une justification si l’on a recours à un processus non concurrentiel. En revanche, dans les ministères, il s’agit d’une exigence incontournable.
Je m’attends néanmoins à ce que tout le monde s’assure de la nécessité d’un contrat, à ce que l’on assure le suivi des produits livrables et à ce que l’on dispose d’énoncés des travaux clairs. Nos constatations sur l’optimisation des ressources ont porté à la fois sur certaines sociétés d’État et sur des ministères, de sorte que nos conclusions s’appliquent à l’ensemble du groupe. Plus de la moitié d’entre eux n’ont pas pu répondre à l’attente de démontrer que leurs contrats favorisaient l’optimisation des ressources.
La sénatrice MacAdam : Vous avez mentionné que dans le cas des contrats non concurrentiels qui ont été octroyés, la justification de ne pas lancer un appel d’offres n’était pas suffisante. Vous n’avez pas pu voir les documents à l’appui de la justification, mais parmi les contrats non concurrentiels y en a‑t‑il qui, d’après vous, répondaient aux critères d’admissibilité pour ne pas avoir à lancer un appel d’offres?
Mme Hogan : Je pourrais diviser les résultats entre les sociétés d’État et les ministères. Dans les sociétés d’État, il n’y avait pas de justification pour les contrats non concurrentiels dans environ la moitié des cas. Toutefois, comme je l’ai dit, il arrive que leurs propres règles ne l’exigent pas.
Dans les ministères, cela arrivait dans environ 95 % des cas, mais la plupart de ces contrats étaient liés à une offre à commandes principale et nationale, ou OCPN. Je pense qu’il y a une certaine confusion dans ce domaine. Il s’agit d’un instrument de Services publics et Approvisionnement Canada auquel les ministères peuvent avoir recours, et qui sert à réduire les délais dans l’attribution des contrats. Un grand nombre de ces ministères n’ont pas compris que lorsqu’ils avaient recours à l’OCPN, il s’agissait de l’émission du contrat — l’OCPN n’étant pas un contrat en soi — et ils n’ont donc pas produit de justification.
Toutefois, au cours de notre audit, Services publics et Approvisionnement Canada a clairement indiqué que le ministère devait produire une justification. Depuis ce temps, la plupart de ces offres à commandes ont été annulées et de nouvelles sont mises en place. Je pense que tous les intervenants comprennent qu’ils doivent fournir plus de précisions lorsqu’ils les utilisent et qu’ils doivent expliquer les raisons du choix d’un fournisseur ou d’un service données.
La sénatrice MacAdam : Je vous remercie.
[Français]
Le président : J’aimerais confirmer une chose : vous ne faites pas la vérification de l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public (Investissements PSP)?
Mme Hogan : On fait la vérification d’Investissements PSP, mais pas d’Investissements RPC. Je suis désolée, je ne connais pas les acronymes en français.
Le président : Le fonds de pension des employés du secteur public, vous le faites, mais pas celui du Régime de pensions du Canada.
Mme Hogan : Nous ne sommes pas les vérificateurs de ce fonds.
Le président : D’accord. Je voulais m’assurer d’avoir bien compris.
[Traduction]
La sénatrice Osler : Je remercie tous les témoins d’être ici aujourd’hui. Ma question comporte deux volets. Tout d’abord, avez-vous observé des lacunes constantes en matière de gouvernance dans le cadre des audits que vous avez effectués? Pouvez-vous nous en dire plus sur les contrôles internes? Dans le Rapport 6 — Technologies du développement durable Canada, ainsi que dans le Rapport 5, dans lequel vous avez examiné 20 organismes fédéraux, y compris 10 sociétés d’État, avez‑vous observé des contrôles internes cohérents entre les différents ministères, organismes et fondations? Ces contrôles sont‑ils adéquats sur le plan de la portée, de la conception, de la mise en œuvre et de l’efficacité?
Mme Hogan : C’est une question complexe. Lorsque nous nous sommes penchés sur les contrats de McKinsey, nous n’examinons pas les contrôles d’une entreprise, nous nous sommes donc concentrés sur les contrôles relatifs aux contrats. Je ne voudrais pas parler des contrôles en général dans les 20 ministères et organismes. Il est très difficile de faire une telle déclaration en se fondant seulement sur le processus d’approvisionnement.
Je vous dirais certainement que je me serais attendue à un meilleur suivi et à des processus de meilleure qualité au sein du processus d’approvisionnement de tous ces organismes. Chaque année, il faudrait vérifier un échantillon de contrats. L’établissement de contrats devrait être un processus de routine. Il ne devrait pas y avoir de différence entre les contrats de biens et de services et les contrats de services professionnels. Ils devraient être parfaitement identiques.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose, monsieur Hayes? J’aborderai ensuite la question de la gouvernance.
M. Hayes : J’aimerais souligner deux contrôles précis qui devraient être améliorés ou qui devraient faire l’objet d’un suivi.
Tout d’abord, comme nous l’avons indiqué dans le rapport McKinsey, dans 91 % des contrats, nous avons conclu que les organismes fédéraux n’avaient pas effectué des calculs suffisamment détaillés de l’estimation des coûts avant de recevoir les propositions. Il est important de connaître les sommes qui seront dépensées.
Nous avions également observé cette absence de budget préalable au projet dans le cadre de l’audit sur ArriveCAN. Il est difficile de déterminer si les dépenses sont trop élevées lorsqu’on n’a pas de budget.
Je tiens également à signaler qu’il est important de s’assurer que l’on obtient les biens et les services prévus dans le contrat. Certaines dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques exigent que les fonctionnaires confirment que les biens et les services ont été fournis conformément aux modalités du contrat. Dans les cas de McKinsey et d’ArriveCAN, nous avons observé des lacunes dans le processus de confirmation de la livraison des biens et des services.
Nous examinons donc toujours ces deux mécanismes de contrôle fondamentaux.
Mme Hogan : En ce qui concerne votre question sur la gouvernance, je ne suis pas sûre de pouvoir parler de la gouvernance concernant les contrats de services professionnels, car il s’agit d’un processus de routine.
Mais nous avons certainement observé des lacunes importantes en matière de gouvernance et de gestion des fonds publics au sein de Technologies du développement durable Canada. Selon moi, le conseil d’administration n’a pas respecté les exigences imposées par la loi et sa propre loi habilitante. À mon avis, il s’agit d’un véritable échec en matière de gouvernance, même en ce qui concerne la gestion des conflits d’intérêts.
Nous avons observé des lacunes semblables sur le plan de la gouvernance dans le cadre de nos travaux sur ArriveCAN, et je pense donc que cela dépend de la portée de l’audit. Dans le cas d’ArriveCAN, on n’a pas exercé un contrôle adéquat sur la gestion financière, on n’a pas établi de budget adéquat et on n’a pas pris les mesures nécessaires à l’arrivée d’un nouveau système informatique. Cet audit a également mis en évidence un grand nombre de lacunes en matière de gouvernance.
Je ne vous dirai pas que c’est toujours le cas, mais dans les cas où nous avons observé cela récemment, c’était assez flagrant.
La sénatrice Osler : Je pense que ce sont ces importantes lacunes en matière de gouvernance qui m’ont incitée à consulter le Rapport 6, et j’ai remarqué qu’il contenait 15 recommandations, dont 13 avec lesquelles Technologies du développement durable Canada était d’accord, et 2 recommandations avec lesquelles l’organisme n’était que partiellement d’accord. Pouvez-vous formuler des commentaires sur les recommandations partielles formulées par les intervenants de TDDC et sur leur réponse à vos recommandations? Est-ce satisfaisant, à votre avis?
Mme Hogan : J’aimerais qu’on me rafraîchisse la mémoire sur les recommandations partielles. J’ai une bonne mémoire, mais de temps en temps…
La sénatrice Osler : Il s’agit des recommandations 6.26 et 6.29. L’organisme était d’accord avec toutes vos autres recommandations.
Mme Hogan : Oui. Nous pensons notamment que TDDC devrait réexaminer tous les projets pour déterminer si les conditions d’accessibilité sont remplies dans tous les cas.
Même si les intervenants ont affirmé qu’ils étaient partiellement d’accord, j’ai regardé les témoignages des trois nouveaux membres provisoires qui ont été nommés au conseil d’administration. L’organisme a décidé, sur le fondement des conseils de ces trois membres, d’examiner tous les projets. Non, je n’étais pas satisfaite d’une acceptation partielle. Toutefois, je suis heureuse d’apprendre qu’ils procèdent actuellement à cet examen.
Pourriez-vous parler de la prochaine recommandation partielle, s’il vous plaît? Je vous remercie.
M. Hayes : Les intervenants de TDDC n’étaient pas entièrement d’accord avec la recommandation relative à la réévaluation des projets approuvés parce qu’ils estimaient, entre autres, que les documents écrits ne rendaient pas pleinement compte des délibérations approfondies qui avaient eu lieu à l’étape de l’approbation du projet. De notre point de vue, ce n’est pas satisfaisant. Ces discussions devraient être documentées. Les raisons justifiant l’octroi de fonds publics doivent être clairement établies. Tout le monde devrait rendre des comptes à cet égard. Même s’il y a un désaccord partiel dans ce cas-ci, par principe, il faut tout documenter.
La sénatrice Osler : Je vous remercie.
La sénatrice Pate : Je remercie tous les témoins de leur travail.
Mes collègues ont bien présenté certaines des questions relatives au contrat de McKinsey et d’autres points. J’aimerais discuter avec vous des audits que vous avez menés sur Service correctionnel Canada. Je vous en remercie. Vous avez fait un travail remarquable. Les dernières semaines ont nettement démontré que nous assistons à une érosion virtuelle de la responsabilité externe de Service correctionnel Canada.
Le mandat de l’organisme consultatif ministériel qui avait été mis en place pour surveiller la mise en œuvre du projet de loi C-83 a pris fin. Il n’y a eu aucun suivi. L’organisme a publié un rapport révélant que la loi n’était pas respectée et que l’intention du projet de loi qu’il surveillait avait été détournée.
Cette semaine, j’ai reçu des appels de décideurs externes indépendants qui ont été embauchés à forfait pour examiner les décisions des services correctionnels de placer des personnes dans des unités d’intervention structurée, c’est-à-dire la solution de remplacement à l’isolement qui a été mise en œuvre. Ils pensent que les contrats des personnes qui n’ont pas automatiquement approuvé les décisions des services correctionnels n’ont pas été renouvelés.
On est donc en droit de se demander quel type de surveillance est susceptible d’être mis en place à la suite du non‑renouvellement de certains de ces contrats, ce qui est légèrement différent de l’affaire McKinsey.
Compte tenu des antécédents des services correctionnels et d’autres types de décideurs externes, comme les présidents indépendants qui étaient censés être nommés dans chaque établissement pour superviser les accusations graves, et compte tenu du fait qu’un grand nombre d’entre eux n’ont pas été nommés — en fait, des gardiens occupent ces postes —, prévoit‑on d’évaluer la situation en ce qui concerne les conflits d’intérêts et la manière dont les contrats sont attribués, s’ils sont attribués à d’anciens employés des services correctionnels? C’est un peu ce qui s’est passé dans le cas des décideurs externes indépendants dont le contrat a été renouvelé. Par ailleurs, quel est l’objectif général de ces postes lorsqu’ils sont pourvus? Il me semble qu’il est nécessaire, à ce moment-ci, d’exercer ce type de surveillance.
Par ailleurs, de nombreuses affaires judiciaires sont en cours pour dénoncer les lacunes en matière de surveillance et les infractions à la loi qui en découlent. Il me semble qu’un mécanisme de reddition de comptes doit être utilisé dans ce cas‑ci et que la vérificatrice générale pourrait se prononcer sur la question.
Mme Hogan : Je remercie la sénatrice de nous avoir fait part de son point de vue sur la question.
Nous avons effectivement mené quelques travaux visant les services correctionnels il y a quelques années. Ces travaux étaient axés sur les résultats pour les personnes incarcérées. Nous avons certainement observé des problèmes systémiques et des différences de résultats en fonction de la race et de l’appartenance ethnique.
C’était un audit difficile qui a débouché sur des conclusions difficiles. Nous avons formulé de nombreuses recommandations. Nous tentons toujours de déterminer le bon moment pour revenir en arrière et réexaminer la situation.
Vous nous aidez à envisager de rapprocher cet examen dans le calendrier et peut-être modifier le champ d’application de l’audit. Je vous remercie d’avoir communiqué vos points de vue. Tout ce que je peux dire, c’est que nous en tiendrons compte lorsque nous examinerons notre plan de travail au fil des prochaines années.
La sénatrice Pate : Je vous remercie. C’est précisément en raison de la rigueur et de la valeur que ces audits apportent aux nombreuses personnes qui tentent de faire ce travail, et je pense aussi qu’une approche plus proactive dans le cas des services correctionnels serait avantageuse pour les contribuables canadiens, plutôt que de payer maintenant ou de payer plus tard — et de payer encore plus tard. Je vous remercie.
[Français]
Le président : J’ai deux questions. La première vient de la sénatrice Marshall. Vous allez voir la distinction entre une ancienne vérificatrice générale et un avocat. La question de la sénatrice Marshall est la suivante.
[Traduction]
Avez-vous approuvé les comptes publics pour le dernier exercice financier, soit 2023-2024?
Mme Hogan : Vous pourrez probablement constater que les réponses d’une vérificatrice générale diffèrent de celles d’une avocate.
Non, nous n’avons pas encore approuvé notre rapport de l’auditeur indépendant sur les états financiers de 2024 du gouvernement du Canada. Le gouvernement n’a pas encore fermé ses comptes. Le gouvernement doit fermer ses comptes et compléter ses états financiers avant que nous puissions terminer notre travail d’audit et émettre une opinion d’audit sur ces états financiers.
[Français]
Le président : C’est assez long, parce que l’année financière est passée de sept mois. Voyez-vous cela souvent?
Mme Hogan : Habituellement, on signe notre rapport des vérificateurs indépendants au mois de septembre, alors c’est un peu plus long. Il y a des enjeux comptables que le gouvernement essaie de régler et c’est vraiment leur processus. Je les suis un peu dans ce processus. Ils doivent fermer leurs livres et terminer leurs états financiers pour que je puisse conclure mon audit.
Le président : La question de l’avocat, maintenant. Vous avez noté à plusieurs endroits des motivations qui étaient absentes sur les contrats. Vous dites :
La nécessité d’un contrat n’était souvent pas documentée dans 15 des 33 contrats d’échantillon du bureau, les dossiers d’achat ne comportaient pas de renseignement suffisant pour justifier la nécessité du contrat.
C’est gros comme constat; c’est de l’argent public. Est-ce que vous avez pensé à recommander de transmettre le dossier à la GRC?
Mme Hogan : Trois enjeux ont été pris en compte quand on regardait si la valeur avait été reçue pour les fonds des contribuables qui avaient été dépensés. Et oui, dans 45 % des cas, il manquait l’explication sur le besoin du contrat.
J’ai mentionné auparavant que c’est important de savoir si le contrat est là pour combler des besoins. Si on a besoin d’une hausse de capacité, c’est très temporaire; on ne veut pas engager quelqu’un à temps plein quand le besoin n’est qu’une hausse de capacité ou quand ce n’est pas un manquement de compétence. Ce à quoi vous pourriez vous attendre par la suite, quand vous connaissez la justification du contrat, c’est de savoir qu’il y a des livrables qui seraient un peu différents. Est-ce un transfert de compétences qui était le besoin ou était-ce seulement une nécessité d’augmenter la capacité?
Sans cette question, il est difficile d’évaluer s’il y a eu de la valeur. Notre bureau a subi le même processus pour déterminer si nous aussi, quand on veut octroyer un contrat, on étudiait la raison d’être. Parfois, on le faisait et parfois, on ne le faisait pas. J’ai demandé qu’on s’améliore à cet égard, parce que c’est important de prendre du recul pour voir si on a la capacité et les compétences à l’interne de la fonction publique avant de les chercher à l’externe. Ces règles existent, alors je m’attends à ce qu’elles soient respectées.
Le président : Vous avez produit un autre rapport qui est très publicisé à cause de la question du Fonds vert. Quand je lis votre rapport et que je regarde celui du Fonds vert, je vois des similitudes, comme la question des conflits d’intérêts ou des risques de conflit d’intérêts et la question des justifications. Est‑ce que je me trompe ou il y a des éléments de similitude? On a fermé l’organisme, alors il ne faudrait quand même pas fermer nos ministères.
Mme Hogan : À mon avis, les sujets sont un peu semblables. Le conflit d’intérêts apparaît dans les deux rapports, mais je dirais que les constatations étaient très différentes.
Dans les contrats de services professionnels, on veut augmenter la transparence des fonctionnaires pour faire en sorte qu’il y ait une déclaration proactive. Ce que l’on a vu dans Technologies du développement durable Canada, c’est qu’il y avait des processus très élaborés pour gérer les conflits d’intérêts, mais qu’ils n’ont pas été suivis. On a vu dans 90 cas que des directeurs du conseil d’administration qui avaient déclaré des conflits d’intérêts ont quand même voté pour donner de l’argent dans ces situations. C’est une situation très différente de déclarer proactivement par opposition à ne pas bien gérer un conflit d’intérêts. Personne ne devrait recevoir un bénéfice des fonds publics à cause de son vote. Je m’attendrais à ce que ce soit vraiment mieux géré dans la fondation. Je suis encouragée par le fait que les projets seront maintenant transférés à la fonction publique dans le but d’améliorer la transparence et la reddition de comptes.
Le président : On l’espère. Dans les documents qui ont été justement transmis sur la question du Fonds vert, plusieurs sont caviardés. C’est entre autres une des raisons pour lesquelles on a des enjeux de l’autre côté. Est-ce que vous avez vu les documents non caviardés?
Mme Hogan : Oui, absolument. Les documents qu’on a reçus de la fondation et du ministère n’étaient pas caviardés du tout.
Le président : Très bien.
Mme Hogan : On a vu tous les documents. J’ai un accès très large aux documents protégés et la loi qui gère mon bureau comporte un article qui exige que je m’assure de respecter aussi la cote de sécurité de leurs documents. On a reçu des documents non caviardés.
Le président : Parfait, merci.
Le sénateur Forest : Un peu dans la même veine, une des grandes questions que je me pose ici touche la responsabilité. Cela remonte même au système de paie Phénix; à un moment donné, il faut que des gens soient responsables à l’intérieur des organisations. Le Fonds vert a été fermé, mais je me dis que s’il y a eu du laxisme au sein du conseil d’administration, il y a eu du laxisme chez les gestionnaires qui ont vu tout cela passer sans réagir. Sur le plan de la responsabilité des organisations ou des ministères, si je suis par exemple responsable de superviser une organisation et que je ne le fais pas, il me semble qu’il faut une responsabilité quelque part. Je ne la sens pas, cette responsabilité, au sein de notre gestion publique.
Mme Hogan : Je pense que cela dépend de la situation. Comme je l’ai mentionné plus tôt, la plupart des fonctionnaires avec qui l’on travaille pendant nos audits montrent vraiment de la bonne volonté et font une bonne reddition de comptes. Mais quand cela vient à la passation de marché, il y a beaucoup de règlements qui doivent être suivis et il y a vraiment un manque en ce qui concerne le suivi de ces règlements. Ce qu’on a vu à Technologies du développement durable Canada, c’était vraiment, à mon avis, des lacunes extrêmement importantes dans la gestion et la responsabilité du conseil d’administration. Les conflits d’intérêts auraient dû être mieux gérés. Il y a des fonds qui ont été fournis à des entreprises qui n’étaient pas admissibles, et je m’attendrais à ce que les fonds publics soient mieux gérés.
Le sénateur Forest : Je ne doute pas que la très grande majorité des fonctionnaires font une bonne gestion, sauf qu’à un moment donné... Le réflexe que vous avez eu de vous demander : « Dans notre propre organisation, est-ce que nous suivons nos règles? » C’est un réflexe que la haute fonction publique devrait avoir normalement; on s’attendrait à ce que, compte tenu des responsabilités qu’ils ont par rapport à ces fonds publics, il y ait cette forme de responsabilité et de réflexe, et ne pas se dire qu’on ferme les yeux. On parle de 11 ans — je prends le cas de McKinsey — ou de 12 ans, et c’est passé comme du beurre dans la poêle. Il y a quelque chose d’intrigant et inquiétant.
Mme Hogan : Ce n’est pas un des rapports dont on discute aujourd’hui, mais si je regarde notre rapport sur ArriveCAN, je pense que c’est pour cela que c’est un peu frustrant de demander : qui est responsable? C’est la question que tout le monde se pose : qui a pris la décision? C’est pour cela qu’on a dit dans notre rapport que quand un fonctionnaire signe son nom sur des documents, il faut reconnaître que cela vient avec une responsabilité et qu’on reconnaît les responsabilités qui viennent avec cette signature. Si tu ne te sens pas à l’aise de signer, tu devrais soulever cette préoccupation. Il y a tout un mécanisme pour que les fonctionnaires puissent soulever ces préoccupations. C’est pourquoi la discussion sur les valeurs et l’éthique au sein de la fonction publique est si importante.
Le sénateur Forest : J’ai une dernière question sur un autre sujet. On est en train de rédiger notre rapport sur le Budget principal des dépenses. Dans le cadre des témoignages, plusieurs agents du gouvernement nous ont dit être insatisfaits par la façon de faire et les budgets. Vous avez dit que ce n’était pas nécessairement le cas, mais notre rapport va peut-être s’attaquer à cette question. Avez-vous des recommandations à nous faire quant au mode de financement des agents du gouvernement?
Mme Hogan : Des agents du Parlement?
Le sénateur Forest : Oui.
Mme Hogan : Comme notre bureau?
Le sénateur Forest : Exactement. Des agences indépendantes comme la vôtre.
Mme Hogan : Je pense que j’ai été très claire. Cela fait quatre ans que je crois être très claire. J’ai le financement que j’ai pour gérer mon bureau en ce moment. Il y a beaucoup de sujets que l’on pourrait vérifier. Comme tout agent du Parlement, je vous dirais que si vous voulez me donner plus d’argent, je vais en faire plus. Je m’attendrais à ce que des agents du Parlement aient un mécanisme de financement qui est indépendant des ministères qu’ils vérifient. Dans notre cas, on fait une reddition de comptes au ministère des Finances. Je ne veux pas que notre système de financement ne comporte pas de reddition de comptes, mais je pense qu’on ne devrait pas faire une demande de financement à un ministère que l’on vérifie.
Le sénateur Forest : Merci. Cela a été particulier cette année, car plusieurs agents qui doivent avoir une certaine indépendance pour exercer leur mandat se sont montrés un peu inquiets par rapport à cela.
Mme Hogan : Certains agents du Parlement ont un mécanisme de financement indépendant. Il y a quand même une reddition de comptes pour ces agents et il y en a plusieurs autres, comme notre bureau, qui n’en ont pas.
Le sénateur Forest : Merci, et continuez votre excellent travail.
[Traduction]
Le sénateur Smith : L’une des principales conclusions de votre rapport sur la lutte contre la cybercriminalité est qu’il n’est pas facile de s’y retrouver dans le système actuel de signalement de ces crimes et qu’en conséquence, de nombreux signalements ne sont pas envoyés à l’organisme approprié. Vous avez souligné que, dans de nombreux cas, les organismes qui reçoivent ces signalements ne font pas de suivi auprès des personnes concernées pour les aider à signaler leurs préoccupations à l’organisme approprié.
J’ai donc l’impression que nos organismes responsables des politiques et de la sécurité travaillent en vase clos et qu’ils ne collaborent peut-être pas suffisamment entre eux.
Pouvez-vous nous parler de cette préoccupation que vous avez soulevée et nous expliquer pourquoi elle représente un risque pour la sécurité des Canadiens?
Mme Hogan : L’une des principales conclusions de notre audit, c’est que la réponse du Canada à la cybercriminalité est entravée par l’approche cloisonnée et déconnectée que nous observons dans les organismes responsables dans ce domaine.
Je sais qu’un grand nombre d’entre eux n’ont pas les capacités et les outils nécessaires, mais ce qui dérange les Canadiens, c’est qu’ils ne savent plus où adresser leurs signalements. Un grand nombre de ces organismes estiment qu’il faut créer un guichet unique pour les signalements et laisser le gouvernement fédéral choisir l’entité la mieux équipée pour répondre à ce type de situation. Toutefois, cela n’a pas été fait, et c’est la raison pour laquelle nous avons formulé une recommandation à cet égard. Nous aimerions vraiment que cela soit fait.
Les Canadiens devraient pouvoir signaler un crime. J’imagine qu’à l’heure actuelle, ils sont exaspérés et qu’ils se demandent ce qui est advenu de leurs signalements. Par exemple, le Centre de la sécurité des télécommunications Canada a déclaré qu’environ la moitié des signalements qu’il a reçu ne relevaient pas de son mandat parce qu’une personne les signalait, alors que le centre est responsable des infrastructures et des entreprises essentielles. Des intervenants du centre ont répondu à certaines des personnes qui avaient fait un signalement, mais des milliers d’autres n’ont pas reçu de réponse.
J’avais osé espérer que les intervenants transmettraient au moins les renseignements à l’organisme le mieux équipé pour réagir, mais cela ne s’est pas produit. Ils nous ont répondu que, pour des raisons de confidentialité, ils n’allaient pas communiquer ces renseignements, mais cela laisse les Canadiens perplexes et exaspérés. J’espère que ce guichet unique sera mis sur pied pour faciliter les choses aux Canadiens.
Si je me souviens bien, la GRC a conclu que 5 à 10 % des cybercrimes sont signalés. Ne serait-il pas préférable que les forces de l’ordre disposent de tous ces renseignements pour pouvoir agir en conséquence? J’encourage les Canadiens à faire des signalements, mais j’encourage le gouvernement à leur faciliter la tâche.
Le sénateur Smith : Dans le cadre de votre mandat, vous devez mener certaines analyses, et ce n’est peut-être pas de mon ressort, mais pourriez-vous recommander à ces organismes d’améliorer le partage et la coordination des renseignements? Est-ce que cela dépasse la portée de votre mandat? Ou si vous êtes en mesure de cerner deux ou trois domaines qui pourraient être très utiles pour ces organismes, pouvez-vous le faire?
Mme Hogan : Nous leur avons certainement dit d’améliorer le partage des renseignements. Nous avons constaté que les renseignements étaient communiqués de manière adéquate au niveau international, mais que ce n’était pas du tout le cas au sein de la famille fédérale — ou du moins qu’ils n’étaient pas communiqués efficacement.
Comme je l’ai mentionné, les règles en matière de protection de la vie privée ont souvent été invoquées pour expliquer cette situation, et c’est la raison pour laquelle, en vue d’éliminer ce problème, il faudrait que tous les signalements soient envoyés au même endroit et qu’une personne décide ensuite quel est l’organisme le mieux équipé avec les capacités, les compétences et le mandat nécessaires pour répondre à un signalement d’acte criminel.
Le sénateur Smith : Dans votre rapport sur la lutte contre la cybercriminalité, vous avez indiqué que la GRC ne parvenait pas à doter ses équipes d’enquêteurs d’un effectif suffisant. Vous avez également souligné, dans votre déclaration préliminaire, qu’il ne suffira pas nécessairement d’embaucher plus de personnes et de réserver plus de fonds pour résoudre les nombreux problèmes que vous avez soulevés dans vos audits.
D’une part, il semble y avoir un manque de… Je ne veux pas dire de fonctionnaires qualifiés. Mais d’autre part, il semble que la fonction publique fédérale a connu une croissance rapide au cours des dernières années, sans que les niveaux de productivité ne semblent augmenter en conséquence. La productivité semble être un problème, et j’aimerais donc avoir votre avis — ou peut‑être un point de vue extérieur — sur le plan en matière de ressources humaines — ou l’absence d’un tel plan — au sein du gouvernement fédéral.
Vous êtes-vous penchés sur cette question? Avez-vous des préoccupations à cet égard ou cela dépasse-t-il votre mandat?
Mme Hogan : Dans l’ensemble, au sein de la fonction publique fédérale, je n’ai pas examiné de plan des ressources humaines. Nous avons constaté, lors de l’audit de la cybercriminalité, que la GRC a besoin d’un plan exhaustif prévoyant l’établissement des compétences particulières dont elle a besoin au chapitre de la cybercriminalité, mais aussi dans d’autres domaines.
J’ai dit qu’il ne fallait pas plus d’argent; les ministères en ont. Ils ont simplement des postes vacants, n’est-ce pas? Ils doivent donc attirer les compétences nécessaires dans la fonction publique.
En termes généraux, si je prends du recul, je vous dirais que dans l’ensemble de la fonction publique, il faut examiner les compétences dont on a besoin pour l’avenir. On peut former les fonctionnaires existants et engager des employés qui possèdent les compétences manquantes. J’aimerais que cela se produise, de façon générale, mais je ne me suis pas encore penchée sur la question.
Ce que je pourrais vous dire, c’est que nous envisageons un audit du recrutement à la GRC au printemps 2026. J’espère donc que nous serons en mesure de répondre à certaines questions qui ont été posées ici, car nous avons observé le problème au cours de certains de nos audits et nous admettons que c’est peut-être quelque chose que nous pouvons faire pour aider la GRC.
Le sénateur Smith : Je reviens toujours à mon dernier point. Dans votre allocution de ce soir, vous avez fait remarquer que l’amélioration de la gouvernance ne consiste pas à ajouter des processus, mais à appliquer les règles existantes avec l’expertise nécessaire. Je sais que certaines de ces questions peuvent dépasser les paramètres de votre mandat, mais je vois simplement qu’il s’agit d’un fait évident et sensé qui doit être renforcé à tous les échelons par les hautes instances, pas seulement par vous et votre équipe, mais aussi grâce à votre capacité de parler à d’autres personnes occupant des postes clés au gouvernement. Il me semble simplement que cela n’a pas de bon sens de se retrouver dans ce genre de position.
Mme Hogan : Tout ce que je peux dire, c’est que l’honorable député tient de sages propos.
Je conviens qu’à la fonction publique, nous devrions être en mesure de connaître les compétences dont nous avons besoin et de veiller à ce qu’elles soient au bon endroit pour offrir des services aux Canadiens. C’est certain.
Le sénateur Smith : Je vous remercie.
[Français]
Le président : Vous dites que vous faites un audit sur les ressources humaines ou le recrutement à la GRC?
Mme Hogan : Le recrutement à la GRC.
Le président : Étudiez-vous aussi le ministère de la Défense nationale?
Mme Hogan : On fait actuellement un audit sur le recrutement au ministère de la Défense nationale.
Le président : Qui est en cours, d’accord.
Mme Hogan : Mais il y a un autre audit sur le recrutement à la GRC une année plus tard.
Le président : Parfait. On porte plusieurs chapeaux ici au Sénat, dont celui de la défense nationale et de la sécurité, et je sais qu’il y a des enjeux dans les deux.
Mme Hogan : On examine les deux.
Le président : Parfait. Merci.
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : Nous avons abordé de nombreux sujets ce soir, mais nous n’avons pas beaucoup parlé de Technologies du développement durable Canada, ou TDDC. Selon les constatations de votre rapport, il y a manifestement eu des conflits d’intérêts à TDDC dans certains cas, et les politiques sur les conflits d’intérêts de la fondation n’ont pas été suivies. Nous savons, par exemple, que les membres du conseil d’administration doivent déclarer les conflits d’intérêts potentiels et s’abstenir de participer à toute discussion portant sur des questions qui pourraient donner lieu à un tel conflit.
Comme TDDC fait rapport au Parlement par l’intermédiaire du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, j’aimerais que vous nous expliquiez le rôle du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique du Canada dans la surveillance des conflits d’intérêts à la fondation, et ce qui explique l’absence d’évaluation, de contestation et de surveillance adéquates en matière de conflits d’intérêts à TDDC? Quelles lacunes avez-vous relevées pour rappeler aux gens ce qu’il ne faut pas faire?
Mme Hogan : Il y a beaucoup de questions là-dedans.
Je crois que les conflits d’intérêts à Technologies du développement durable Canada n’étaient pas bien gérés parce que l’organisme ne disposait pas de système efficace à cette fin. L’organisme utilisait les procès-verbaux des réunions du conseil pour enregistrer une déclaration, puis se rappelait, peut-être plusieurs réunions plus tard, que quelqu’un avait déclaré un conflit d’intérêts.
Nous avons vu des cas bien gérés où les membres du conseil ont déclaré un conflit d’intérêts, puis se sont récusés, comme on s’y attendrait quand une discussion et un vote ont lieu, mais dans 90 cas, ce n’est pas ce qui s’est passé.
Quant à Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE, c’est le ministère qui était chargé de surveiller la conformité à l’entente de contribution entre le gouvernement du Canada et la fondation. En ce qui concerne précisément les conflits d’intérêts, le ministère était censé recevoir des rapports de la fondation. Il n’en pas reçu, mais il n’en a pas non plus demandé au sujet des conflits d’intérêts. Il s’en est remis aux rapports annuels pour connaître le montant des fonds versés et les organismes bénéficiaires. À notre avis, cette méthode ne permettait pas de surveiller adéquatement les dépenses.
Au cours de notre vérification, nous avons constaté que le ministère a rapidement pris des mesures pour tenter de corriger certaines de ces situations. En fait, il y avait même un sous‑ministre adjoint, ou SMA, présent aux réunions du conseil. Nous avons constaté que son rôle était mal compris. Les membres du conseil pensaient que la présence d’une personne signifiait un accord implicite de tout ce qui se passait à la réunion du conseil, mais ce n’est pas ainsi que le SMA voyait sa responsabilité.
Même au cours de notre audit, nous avons vu la lumière se faire à cet égard, car cette situation existe dans d’autres fondations qui relèvent de la surveillance d’ISDE. Nous avons vu le gouvernement réagir rapidement à nos découvertes, mais à mon avis, tout se résume à l’échec du conseil d’administration au chapitre de la bonne gouvernance et à la nécessité pour ISDE de mieux surveiller les ententes de son côté.
Le sénateur Loffreda : Il doit faire mieux. Pensez-vous qu’il y parviendra? Ici encore, si on laisse faire, on autorise.
Pour revenir à mes années de vérification — qui remontent à très, très loin —, la nature et l’étendue de votre audit changent‑elles quand vous détectez des irrégularités ou des non‑confirmations, surtout dans des affaires de conformité aussi importantes que celles-ci?
Je pourrais vous parler des contrats de McKinsey & Company et de ce que vous avez récupéré. Le sous-ministre des Services publics et de l’Approvisionnement a déclaré que l’ombudsman de l’approvisionnement a retourné chaque pierre et n’a trouvé aucun cas d’ingérence politique, de faute ou de fraude, et pourtant, voilà où nous en sommes.
[Français]
Cela saute aux yeux, comme on dit.
[Traduction]
Vous avez découvert tout cela. Chacun raconte sa propre histoire. Cela change-t-il la nature et l’étendue de votre audit lorsque vous faites de telles découvertes? Comment nous assurer que nous ne permettrons pas de telles choses dans l’avenir?
Mme Hogan : Je crois que votre première question visait à savoir si je pense qu’ISDE va changer les choses. Nous l’avons vu réagir pendant notre audit. Il a accepté nos recommandations. Je m’attends à ce qu’il tienne ses engagements et donne suite à cette affaire.
Je pense que le transfert de tous les projets à un ministère améliorera certaines lacunes que nous avons relevées. La structure de gouvernance et la surveillance seront différentes. Nous espérons que cela conférera plus de transparence à certains des processus que nous avons observés une fois que tout sera transféré à un ministère.
Vous avez parlé d’ingérence politique chez McKinsey. Nous n’avons pas observé d’ingérence politique lorsque nous avons examiné les contrats de McKinsey. Nous avons trouvé un contrat approuvé par un ministre, mais c’était parce qu’il dépassait les seuils auxquels le ministère était autorisé à conclure des contrats. Ce qui s’est passé était tout à fait approprié.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie.
Mme Hogan : Je n’ai probablement pas répondu à votre question sur l’étendue. Je sais que vous aviez une troisième question sur la nature et l’étendue. Merci.
Le sénateur Loffreda : C’est une question importante.
Mme Hogan : Nous entreprenons une tâche, sans nous attendre à trouver un niveau élevé de non-conformité, mais quand c’est le cas, nous nous adaptons. Parfois, nous examinons alors une plus grande proportion de la population ou l’ensemble de la population. Tout dépend vraiment de la situation.
Le sénateur Loffreda : Comme nous le faisions dans le monde des affaires.
Mme Hogan : De telles situations ont certainement des répercussions, parfois même sur le délai de publication du rapport, parce que nous devons faire plus de travail pour...
Le sénateur Loffreda : Le délai dépend des résultats du contrôle de la conformité, n’est-ce pas, tout comme dans le cas des vérifications de la conformité?
Mme Hogan : Oui, et en ce qui concerne les conflits d’intérêts, on s’attendrait à ce que l’organisation suive ses propres politiques, n’est-ce pas? Leurs dossiers devraient refléter adéquatement ce qui s’est passé durant les réunions du conseil d’administration, mais ce n’est pas le cas.
Le sénateur Loffreda : Je suis heureux d’apprendre que vous avez élargi votre audit et votre échantillonnage parce que vous avez trouvé des irrégularités. J’espère que ce sera possible de faire un suivi. Merci.
[Français]
Le président : Le marché boursier serait en chute libre.
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : Il y a eu des conséquences quand les choses ont mal tourné; je pense qu’il doit aussi y avoir des conséquences pour redresser la situation — il faut des conséquences, de la reddition de comptes et de la transparence.
La sénatrice MacAdam : J’ai quelques questions sur le Rapport 7 — La lutte contre la cybercriminalité. En général, votre audit a révélé que la main-d’œuvre en cybersécurité du Canada devait être renforcée au sein de toutes les organisations. Nous avons déjà parlé du 30 % des postes vacants dans les équipes d’enquête sur la cybercriminalité de la GRC. Avez-vous constaté des pénuries de main-d’œuvre dans d’autres organisations ayant des responsabilités liées à la cybercriminalité?
Mme Hogan : Notre vérification a révélé que le Centre de la sécurité des télécommunications Canada avait omis d’agir sur des dossiers qui ne relevaient pas de son mandat. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou le CRTC, a aussi omis d’agir sur un grand nombre de signalements qu’il a reçus ou de les transférer à une autre organisation. On nous a dit à maintes reprises que c’était une question de capacité. Les règles relatives à la protection des renseignements personnels et la capacité de traiter les dossiers seraient en cause.
Je vous donne un exemple. Le CRTC a reçu plusieurs centaines de milliers de signalements d’infractions à la loi antipourriel. Quelque 75 000 de ces infractions s’apparentaient à des cybercrimes; pourtant, le conseil n’a mené que 6 enquêtes. La raison invoquée était souvent le manque de ressources ou le fait que les signalements ne relevaient pas du mandat de l’organisation; toutefois, l’organisation n’a pas transféré les signalements à l’organisme compétent et elle n’a pas dit à la personne ayant fait le signalement qu’elle devait l’envoyer ailleurs. Selon moi, c’est préoccupant pour la population canadienne. L’organisation n’a pas procédé à une évaluation de la capacité, mais elle l’a invoquée comme raison.
La sénatrice MacAdam : Vous considérez le CRTC comme une organisation ayant un rôle à jouer dans la lutte contre la cybercriminalité. Devant le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, vous avez affirmé qu’il ne faisait pas encore partie de la stratégie nationale de cybersécurité, mais qu’il serait important qu’il y participe. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez aussi dit que le CRTC avait une interprétation étroite de son rôle. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’effet de cette situation sur les résultats? Qu’entendez-vous par « interprétation étroite » et quelle incidence a-t-elle sur les services que le conseil fournit à la population canadienne?
Mme Hogan : J’espère ne pas me tromper. Si c’est le cas, je vais demander à M. Sami Hannoush d’intervenir. En ce qui concerne le rôle du CRTC dans le régime de la loi antipourriel — le rôle qu’il joue dans l’application de la loi —, il vaut la peine de souligner que ce régime a été mis en place à une époque où la cybercriminalité n’était pas aussi sophistiquée qu’elle l’est aujourd’hui. Comme nombre d’entre nous le savent, beaucoup de pourriels que nous recevons sont en fait des pièges de la cybercriminalité. L’expéditeur veut que nous cliquions sur un lien, que nous lui répondions ou que nous lui envoyions quelque chose. Les signalements finissent au CRTC, qui interprète étroitement son rôle puisque selon lui, il doit seulement agir lorsqu’il y a infraction à la loi antipourriel. Il ne tient pas compte de la dimension criminelle; cependant, il ne transfère pas non plus les dossiers qui sont peut-être de nature criminelle aux organismes d’application de la loi. Il se justifie en invoquant des raisons liées à la capacité ou à la protection des renseignements personnels.
C’est là que son interprétation étroite ne rend pas service à la population canadienne. Un particulier canadien croit qu’il a signalé un crime potentiel à une organisation compétente, puis il ignore ce qu’il en advient. M. Hannoush vient d’acquiescer d’un signe de tête; je pense avoir tout dit.
La sénatrice MacAdam : Je présume qu’il y a une recommandation à ce sujet. Le conseil appuie-t-il votre recommandation?
Mme Hogan : Certes, il arrive qu’il s’oppose à nos conclusions, mais c’est la raison pour laquelle nous avons recommandé que son rôle dans la lutte contre la cybercriminalité soit bien défini. Son absence dans la version actuelle de la stratégie nationale de cybersécurité est préoccupante étant donné la relation étroite entre les pourriels et la cybercriminalité. Je me serais attendue à ce que son rôle soit plus important et mieux défini.
La sénatrice MacAdam : Absolument.
Quand vous avez témoigné devant le comité en février dernier, vous avez parlé de quatre catégories de modifications majeures que vous aimeriez qu’on apporte à la Loi sur le vérificateur général en vue de la moderniser. Ces modifications sont liées, entre autres, au besoin de clarifier l’accès de votre bureau aux renseignements confidentiels, à votre mandat auprès des sociétés d’État et à des éléments administratifs, y compris l’utilisation d’un langage inclusif. Ce ne sont là que quelques-uns des éléments que vous avez mentionnés. Avez-vous eu d’autres discussions à ce sujet? Le dossier avance-t-il? Avez-vous des faits nouveaux à nous présenter?
Mme Hogan : Je vais peut-être demander à M. Hayes d’ajouter des détails parce qu’il a eu des discussions à ce sujet. Nous sommes toujours heureux de parler des modifications à apporter à la loi, la principale se rapportant à la clarification de notre accès. Cet enjeu demeure pertinent; il faut non seulement protéger notre vaste accès, mais aussi préciser quel type d’accès nous avons et à quel moment. La loi a presque 50 ans, et il y a longtemps que les dispositions relatives à l’accès ont été actualisées.
Par ailleurs, nous cherchons toujours à accroître notre flexibilité auprès des sociétés d’État, afin d’avoir une plus grande latitude relativement aux examens spéciaux. Il doit absolument être clair que les sociétés d’État peuvent faire l’objet d’audits de performance.
Pour ce qui est de l’autre catégorie de modifications, je vous dirais qu’elle regroupe divers éléments, dont deux que je trouve particulièrement importants. D’abord, il faut rendre explicite l’obligation de déposer nos rapports au Sénat. Le Sénat doit être placé sur le même pied que la Chambre des communes. À l’heure actuelle, nous sommes seulement obligés de déposer nos rapports à la Chambre des communes, mais nous les soumettons toujours aux deux chambres. J’aimerais enchâsser cette obligation dans la loi.
Ensuite, je tiens vraiment à ce que, d’ici à la fin de mon mandat, le langage utilisé dans la loi soit remplacé par des termes épicènes. Monsieur Hayes, voulez-vous parler des discussions que vous avez eues?
M. Hayes : Oui. L’accès aux renseignements a toujours posé problème. Je préciserais que cela concerne surtout l’accès aux renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat. Ces renseignements sont très importants lorsque nous examinons les passifs éventuels dans le contexte des comptes publics. Ils sont également importants lorsque nous réalisons des audits de performance, mais si je devais choisir un domaine où ils sont essentiels, ce serait les comptes publics.
Au cours des 20 dernières années, des décisions des tribunaux, y compris des décisions de cours d’appel, ont souligné l’importance d’un libellé clair relatif aux circonstances dans lesquelles les renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat devraient être accessibles. Il existe d’autres exemples dans le droit canadien ; la Loi sur le vérificateur général de la Nouvelle-Écosse, par exemple, contient une disposition très claire à ce sujet. En Ontario, on se penche également sur cette question. Nous avons fait valoir auprès du sous-ministre des Finances et de la sous-ministre de la Justice que notre loi devait être mise à jour pour qu’elle soit adaptée à notre époque.
La sénatrice MacAdam : Je vous remercie.
La sénatrice Osler : Madame Hogan, je vais revenir sur un commentaire que vous avez formulé en réponse à ma question précédente, et qui fait suite à quelques réponses que vous avez données au sénateur Loffreda à propos des problèmes de gouvernance. Vous semblez convaincue que l’on s’attaque à ces problèmes. Je pense que vous avez mentionné que vous avez regardé ou lu le témoignage des trois nouveaux membres du conseil d’administration.
Il n’y a que trois administrateurs qui figurent sur le site Web du conseil, alors que 15 administrateurs votants sont requis, et il n’y a que trois membres, et non 15 membres, qui représentent les gens, les entreprises et les organismes sans but lucratif. Selon les biographies des trois membres, ils ont tous travaillé dans la fonction publique; je pense qu’ils ont tous été sous-ministres adjoints et que deux d’entre eux ont travaillé à Industrie Canada.
Je me demande si vous pouvez nous en dire un peu plus sur la façon dont ils s’attaquent aux défaillances en matière de gouvernance et sur ce que vous avez vu ou lu jusqu’à présent qui vous donne le sentiment qu’ils règlent cette question comme il se doit.
Mme Hogan : Je ne me suis pas penchée sur ce dossier depuis l’audit. Évidemment, j’ai regardé les réunions du comité lors desquelles ces administrateurs ont comparu.
Je crois comprendre qu’il s’agit d’une situation très temporaire. Ces trois membres du conseil d’administration se sont fait confier un mandat d’un an pour mettre en œuvre les recommandations que nous avons formulées dans notre audit et transférer les employés et tous les dossiers vers la fonction publique. Je pense qu’il est logique que le conseil ne suive pas sa loi habilitante, car il s’agit d’une période de transition pour faire avancer les choses.
La sénatrice Osler : Un examen juridique externe a été effectué en même temps que votre audit, n’est-ce pas? Un cabinet externe examinait également cette question.
Mme Hogan : Il s’est passé beaucoup de choses. En février 2023, d’anciens employés nous ont fait part d’allégations de mauvaise gestion financière. Nous les avons transmises au Bureau du Conseil privé, car le conseil d’administration comptait de nombreuses personnes nommées par le gouverneur en conseil. Le Bureau du Conseil privé a immédiatement demandé au ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique de faire quelque chose.
En mars 2023, il a engagé un consultant pour qu’il recueille des faits. Ce consultant a publié un rapport en septembre de la même année. Le ministère a ensuite engagé un cabinet d’avocats pour examiner les pratiques en matière de travail et d’emploi. Selon nous, la réponse de la fondation à cet examen et à certaines des conclusions n’était pas satisfaisante. C’est pour cette raison que nous avons décidé d’effectuer un audit.
Alors que nous effectuions cet audit, l’équipe des ressources humaines des relations de travail a publié son rapport qui indiquait qu’elle n’avait décelé aucun problème. Nous nous sommes donc concentrés sur la mauvaise gestion financière. Il s’est passé beaucoup de choses à la fondation au cours des deux dernières années.
M. Hayes : J’aimerais seulement ajouter qu’un représentant du conseil nous a parlé, à M. Lequain et à moi-même, de ce que le conseil avait l’intention de faire pour répondre à la recommandation concernant la réévaluation de tous les projets, que nous avons déjà abordée. Il voulait d’abord nous consulter quant à la façon dont ils allaient procéder. Nous avons convenu que ce qu’ils allaient faire nous paraissait logique; je ne dis pas que nous avons effectué un audit à ce sujet, mais cette façon de procéder était logique.
Le conseil d’administration voulait que l’on rétablisse le financement accordé aux entreprises admissibles. Il voulait rouvrir le robinet, si je peux m’exprimer ainsi, pour les entreprises admissibles, et il voulait s’assurer que nous étions d’accord avec les principes qu’il allait mettre en œuvre.
Je répète que nous ne pouvons pas nous prononcer sur l’approche formelle qu’il emprunte et le travail qu’il a effectué, mais, en général, l’approche adoptée nous semblait acceptable.
La sénatrice Pate : Merci. J’aimerais revenir sur vos rapports sur la cybercriminalité. J’ai été quelque peu troublée par certaines de vos conclusions et ce que l’on a appris. Vous avez également dit cela.
Samedi, je vais prononcer un discours dans le cadre d’une conférence internationale de psychiatres, et juste avant la session lors de laquelle je vais prendre la parole, il y en aura une sur les liens entre la cybercriminalité et les personnes atteintes d’autisme. Cela me fait penser à la question des vols de voitures que nous avons récemment abordée lors de l’examen du budget. Bon nombre des mesures se concentrent sur les personnes les plus faciles à attraper, et je me demande si l’un de vos audits examine l’efficacité des interventions : nous permettent-elles vraiment de régler un problème qui existe depuis longtemps? Je dis cela, car le fait de s’en prendre aux jeunes autistes ou même aux adultes autistes qui, dans certains cas, se retrouvent dans ces situations par inadvertance ne permet pas de saisir où se trouvent les véritables menaces, à mon avis.
Vous avez parlé des infrastructures. J’aimerais toutefois me concentrer plus particulièrement sur la cyberinfrastructure désuète, si je puis dire, car la plupart de nos systèmes datent de 50 ou 60 ans. Y a-t-il eu un audit sur la manière la plus efficace de les mettre à jour, notamment pour lutter contre la cybercriminalité? Il me semble — je ne m’y connais pas trop en technologie, alors vous me direz peut-être que je n’ai aucune idée de ce dont je parle, et ce serait vrai — que si nous disposions d’un système actualisé et d’approches simplifiées, nos interventions seraient plus efficaces. Nous reposerions moins sur la capacité des gens à prendre des décisions arbitraires quant à savoir qui fait rapport à qui. Cela peut s’appliquer aux systèmes de rapports de police ou ces types de systèmes. Si je fais totalement fausse route, dites-le-moi. Ce n’est vraiment pas mon domaine.
Mme Hogan : J’ai l’impression que tous mes collègues ici présents veulent m’aider à répondre à cette question, alors je leur donnerai la chance d’intervenir.
Tout d’abord, nous avons mené des activités de sensibilisation au sein des populations vulnérables, et nous publierons bientôt un rapport d’audit sur les services offerts aux personnes âgées. Nous essayons de toujours penser à ceux qui sont souvent oubliés, et nous tentons d’intégrer cela dans autant de rapports que possible. Parfois, nous rédigeons des rapports qui leur sont consacrés.
Ensuite, j’ai deux commentaires au sujet de la cybercriminalité et des infrastructures désuètes. Le rapport sur la cybercriminalité se concentrait sur la réponse du gouvernement après la commission d’un crime ou d’un possible crime. Je pense qu’il faut parler de la vétusté des infrastructures dans le contexte de la prévention et de la cybersécurité, plutôt que dans celui de la cybercriminalité.
Récemment, nous avons publié deux rapports sur l’état des technologies de l’information au sein de la fonction publique fédérale. Je doute que vous trouviez mes conclusions encourageantes : la fonction publique estime que près de 7 500 systèmes jugés essentiels sont en mauvais état. Nous nous sommes concentrés sur le remplacement du programme de Modernisation du versement des prestations, qui concerne, en fait, la Sécurité de la vieillesse, entre autres.
On consacre beaucoup d’efforts à la réparation et à l’entretien de ces vieux systèmes. C’est comme avec une vieille voiture : même si on investit beaucoup d’argent pour la réparer et l’entretenir, elle pourrait finir par tomber en panne un jour. Il faut donc réfléchir au moment où il faudra en acheter une nouvelle. Le gouvernement se penche là-dessus en ce moment, mais cela va prendre beaucoup de temps. Nous ne voulons pas que le système de la Sécurité de la vieillesse tombe en panne, car il soutient beaucoup de gens.
Je vais laisser mes collègues intervenir et réagir.
M. Hayes : Je soulignerais deux autres rapports. Il y a quelques années, nous avons rédigé un rapport sur l’achat de systèmes informatiques complexes, et le programme de Modernisation du versement des prestations en faisait partie, tout comme le processus de remplacement du système de rémunération Phénix. Nous surveillons les progrès accomplis par le gouvernement dans ce dossier.
Nous avons également réalisé un rapport d’audit sur la protection des renseignements personnels stockés dans le nuage. S’il est vrai que nous n’avons pas pu rendre compte publiquement de toutes nos conclusions au Parlement, nous avons néanmoins rédigé une lettre à l’intention de la direction de quelques-uns de ces ministères afin de souligner les secteurs vulnérables que nous avons recensés. Nous avons également signalé au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes que nous avions formulé une recommandation qui ne faisait pas partie du rapport, sur laquelle nous reviendrons et à propos de laquelle nous espérons que le Comité permanent des comptes publics nous interrogera. L’objectif de ce rapport était d’examiner les garde-fous que la fonction publique devrait mettre en place pour garantir la protection des renseignements personnels.
Tous ces audits sont effectués au début ou à mi-parcours des initiatives gouvernementales, et nous allons continuer sur cette voie. Au lieu de dresser un bilan et dire que le gouvernement aurait dû faire ceci et cela, nous voulons nous assurer d’apporter notre contribution au moment où des améliorations doivent être faites.
[Français]
Le président : Cela me fait penser à mon ancienne vie, dans laquelle je siégeais à un établissement où l’on disait que, de toute façon, il ne fallait pas s’inquiéter du fait que les systèmes étaient si vieux, car les pirates étaient trop jeunes pour les connaître. Ils étaient donc protégés parce qu’ils étaient vieux.
Le sénateur Boudreau : J’aurais aussi une question à propos de la cybercriminalité et au fait de revenir à la solution nationale de la GRC.
Lorsqu’on entend dire que 531 millions de dollars ont été perdus en 2022 et qu’il n’y a que 5 % à 10 % des crimes qui sont rapportés, la situation est assez sérieuse, selon moi.
Vous avez indiqué dans votre rapport que la mise en œuvre de la solution nationale avait été repoussée de plus de deux ans, soit à mars 2025, ce qui n’est que dans cinq mois et demi. Ce n’est pas si loin. Typiquement, on entend dire qu’on n’a pas d’argent pour faire le nécessaire, mais dans votre rapport, vous disiez qu’en date du 31 décembre 2023, la GRC avait encore près de 40 millions de dollars à mettre dans ce projet. On a également parlé des ressources humaines et technologiques qui manquent. À quel point avez-vous confiance dans le fait que la date de mars 2025 sera respectée par la GRC? Le fait que vous ayez fait une vérification sur le sujet vous permet-il de demander une mise à jour pour en être certaine? Comme je le mentionnais plus tôt, il restait 40 millions sur la table, mais mars 2025 n’est pas loin. Quelle sorte de réponse ou de résultat vous attendez-vous à obtenir de la part de la GRC?
Mme Hogan : C’est un logiciel très intéressant. Ce système est censé fournir une image globale de la cybercriminalité et faciliter le partage d’information avec des partenaires dans la lutte contre la cybercriminalité ainsi que les signalements par des individus. Cela devrait améliorer la réponse de la GRC à la cybercriminalité.
Je ne sais pas si une mise à jour est disponible, mais on pourrait toujours leur poser la question. Nous avons terminé nos travaux en 2023, nous avons déposé le rapport en juin et la mise à jour a été effectuée à ce moment-là. Je m’attendrais à ce qu’ils aient peut-être devancé le projet, mais pour le moment nous n’avons rien d’autre. Toutefois, chaque fois qu’un ministère comparaît devant le Comité permanent des comptes publics, il est tenu de fournir un plan d’action détaillé pour donner suite à nos recommandations. Cela pourrait être une façon pour vous d’obtenir plus d’information à ce sujet. En ce moment, on n’a pas l’intention de faire un suivi sur le logiciel uniquement, mais quand on examine le processus de mise en œuvre de toutes nos recommandations, on va le considérer comme en étant une question sur laquelle il faut vraiment se pencher.
Le sénateur Boudreau : D’accord.
Le président : Il nous reste quelques minutes. Est-ce que quelqu’un d’autre aurait des questions ou a-t-on tout couvert? Je pense que c’est le cas.
Le sénateur Forest : Ce n’est pas une question, mais plutôt une clarification.
Le conseil d’administration, en ce qui a trait à la gestion du Fonds vert, est actuellement un conseil de transition.
Mme Hogan : Je le décris ainsi, car ils ne sont que trois individus...
Le sénateur Forest : Exactement.
Mme Hogan : ... et leur mandat est de s’attaquer aux recommandations et de s’assurer de la transition des employés et des contrats à la fonction publique.
Le sénateur Forest : Personne parmi ces trois individus n’était dans l’ancien conseil d’administration?
Mme Hogan : Non, pas du tout; ce sont trois nouveaux membres.
Le sénateur Forest : Parfait, merci.
Le président : Merci beaucoup pour votre travail et vos informations; c’est toujours très précieux. Comme agente du Parlement, vous êtes un peu nos yeux et nos oreilles. Merci pour votre excellent travail.
Mme Hogan : Merci beaucoup.
Le président : Chers collègues, notre prochaine réunion aura lieu le mercredi 30 octobre, à 18 h 45. Nous avons congé mardi. Merci beaucoup à tout le monde pour tout le soutien, et à mercredi.
(La séance est levée.)