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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 17 mai 2023

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs ainsi qu’à tous les Canadiens d’un bout à l’autre du pays qui nous regardent sur sencanada.ca.

[Français]

Je m’appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais maintenant demander à mes collègues de se présenter, en commençant par ma gauche.

Le sénateur Forest : Éric Forest, du Québec, région du Golfe.

Le sénateur Gignac : Clément Gignac, du Québec.

Le sénateur Loffreda : Tony Loffreda, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Duncan : Je vous souhaite la bienvenue. Je suis la sénatrice Pat Duncan, du Yukon.

Le sénateur Boehm : Je suis Peter Boehm, de l’Ontario.

La sénatrice Pate : Je vous souhaite la bienvenue. Je m’appelle Kim Pate. J’habite ici, sur le territoire non cédé et non abandonné de la nation algonquine anishinabe.

Le sénateur Smith : Je m’appelle Larry Smith, sénateur de Montréal.

La sénatrice Marshall : Je suis la sénatrice Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le président : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude de la teneur complète du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement du Canada le 28 mars 2023.

[Français]

Nous accueillons aujourd’hui par vidéoconférence des représentantes des Syndicats des métiers de la construction du Canada, soit Mme Rita Rahmati, spécialiste en relations gouvernementales, ainsi que Mme Kate Walsh, directrice des communications.

[Traduction]

Nous recevons CJ Hélie, président de Bière Canada.

[Français]

De l’Association des banquiers canadiens, nous accueillons M. Darren Hannah, vice-président, Services bancaires aux particuliers et aux entreprises, et Me Angelina Mason, avocate générale et vice-présidente, Affaires juridiques et Risque.

[Traduction]

Enfin, nous recevons Jan Westcott, président et chef de la direction de Spiritueux Canada. Je souhaite la bienvenue à tous les témoins, et je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales au sujet du projet de loi C-47.

Je crois comprendre que chaque organisation présentera un exposé de cinq minutes avant que nous passions aux questions des sénateurs. Nous allons procéder dans l’ordre dans lequel les témoins ont été présentés. La parole est à Rita Rahmati et Kate Walsh, des Syndicats des métiers de la construction du Canada.

Kate Walsh, directrice des communications, Syndicats des métiers de la construction du Canada : Bonsoir. Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à votre comité au sujet du dernier budget fédéral et du projet de loi C-47.

Je m’appelle Kate Walsh. Je suis la directrice des communications des Syndicats des métiers de la construction du Canada. Je suis accompagnée de ma collègue Rita Rahmati, spécialiste en relations gouvernementales.

Les Syndicats des métiers de la construction du Canada représentent 14 syndicats internationaux de la construction et plus de 600 000 travailleurs des métiers spécialisés d’un océan à l’autre.

Le budget de 2023 apporte une aide considérable aux travailleurs de la classe moyenne, et je suis ravie de pouvoir aujourd’hui mettre en lumière certaines de ces politiques.

Le budget de l’an dernier proposait une déduction pour la mobilité de la main-d’œuvre destinée aux gens de métier, ce qui a aidé ces travailleurs au cours de la dernière saison fiscale. Ils ont ainsi pu se rendre là où il y a du travail et déduire de leur revenu les frais de déplacement connexes. La politique a été bien accueillie par l’industrie de la construction et a un effet tangible pour les gens de métiers spécialisés au Canada.

Le budget de cette année et la loi d’exécution du budget qui en découle viennent doubler la déduction pour l’outillage des gens de métier, qui passe de 500 à 1 000 $, ce qui redonne de l’argent directement aux travailleurs qui bâtissent notre pays. Nous appuyons cette mesure et espérons que tous les partis adopteront cette disposition du budget.

Rita Rahmati, spécialiste en relations gouvernementales, Syndicats des métiers de la construction du Canada : Aussi, le budget de 2023 prévoit cinq crédits d’impôt à l’investissement pour soutenir la transition de l’économie vers la carboneutralité, qui comportent l’une des définitions des salaires courants les plus robustes de l’histoire du Canada. Pour recevoir le plus gros montant en crédits d’impôt à l’investissement, les employeurs devront offrir de bonnes conditions de travail aux travailleurs, y compris remplir les exigences relatives au taux courant de rémunération et à la formation des apprentis.

La définition du taux courant de rémunération sera fondée sur la rémunération au sein d’un syndicat, ce qui englobe les avantages sociaux et les cotisations de retraite de la plus récente convention collective multipatronale à grande échelle, ou de la convention collective liée au projet correspondant de l’instance pertinente. En outre, 10 % des heures travaillées par les gens de métier doivent être effectuées par des apprentis inscrits aux métiers désignés Sceau rouge afin de recevoir le montant maximum des crédits.

Associer ces incitatifs aux taux courants de rémunération et à la rémunération au sein d’un syndicat haussera le niveau de vie de tous les travailleurs, maximisera les retombées pour l’ensemble de notre économie et laissera en héritage des emplois bien rémunérés pour la classe moyenne tout au long de la transition.

Les États-Unis ont adopté l’Inflation Reduction Act, qui comprend plus de 300 milliards de dollars d’incitatifs fiscaux dans les technologies propres pour les projets d’infrastructure énergétique et hausse les crédits d’impôt jusqu’à cinq fois lorsque certaines conditions de travail sont respectées. Nous savions alors que le Canada devait répondre avec ses propres investissements musclés. Le Canada est désormais sur une voie similaire grâce aux engagements annoncés pour la première fois dans l’énoncé économique de l’automne, puis bonifiés dans le budget de 2023.

Les métiers de la construction se réjouissent à la perspective de travailler avec le gouvernement fédéral afin de mettre en application le taux courant de rémunération et les exigences en matière de formation des apprentis associés à ces crédits remarquables. Nous allons aussi continuer à réclamer ces crédits pour inciter davantage les employeurs à offrir de bons emplois en bonifiant les avantages lorsque les exigences sont respectées et en les diminuant dans le cas contraire. Ainsi, les fonds publics consacrés à ces crédits reviendront aux bons emplois et soutiendront les familles de travailleurs.

Dans le cadre de la transition du Canada vers une économie carboneutre, nous allons arrêter de dépendre des combustibles fossiles. La demande énergétique du Canada pourrait doubler d’ici 2050. Nous devons bâtir une infrastructure énergétique propre au Canada qui élargira notre secteur manufacturier et fera croître la classe moyenne tout en respectant nos objectifs de carboneutralité.

Bon nombre des engagements pris dans le budget de 2023 nous aident en ce sens, mais il reste encore beaucoup de pain sur la planche. Nous avons besoin que les dispositions législatives sur la transition équitable soient déposées et que le secrétariat des emplois durables soit créé pour définir nos besoins énergétiques et les exigences de notre main-d’œuvre afin qu’aucun travailleur ne soit laissé pour compte. Nous devons avoir des données convenables sur le marché du travail pour planifier la transition. Nous devons aussi continuer de nous pencher sur la disponibilité de la main-d’œuvre grâce aux investissements dans des initiatives comme le Programme pour la formation et l’innovation en milieu syndical, et les programmes visant à recruter et à recycler les groupes sous‑représentés. Il faut aussi apporter des changements à notre système d’immigration pour faire venir plus de travailleurs des métiers spécialisés.

Le budget de 2023 comprend des politiques importantes qui soutiennent notre transition économique et les travailleurs de la construction partout au Canada. Au nom de nos 14 syndicats internationaux affiliés, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous. Nous sommes impatients de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie. La parole est maintenant à M. Hélie, de Bière Canada.

CJ Hélie, président, Bière Canada : Je vous remercie. Bonjour. Je m’appelle CJ Hélie, et je suis le président de Bière Canada. Je vous remercie d’abord de nous laisser vous donner notre point de vue sur le projet de loi C-47, en particulier en ce qui concerne les modifications proposées à la Loi sur l’accise.

À titre informatif, Bière Canada est la seule association nationale inclusive qui représente les brasseurs canadiens de toutes tailles et de toutes régions. Nos brasseurs membres représentent plus de 90 % de toute la bière produite au Canada. Ce qui est pratiquement unique dans le secteur de la transformation agroalimentaire au Canada, c’est que plus de 88 % de la bière consommée par les Canadiens est brassée ici par plus de 20 000 Canadiens employés directement par les brasseurs canadiens, dont plusieurs représentés par le Syndicat canadien des travailleurs de brasseries et travailleurs en général, le Syndicat international des employés de services, Teamsters ou Unifor. Il y a de bons emplois payants et de nombreux avantages sociaux qui offrent un bon soutien aux familles.

[Français]

La bière fait partie de l’histoire et de la culture de notre pays et demeure d’une importance primordiale pour les communautés, grandes et petites, d’un océan à l’autre. Non seulement le brassage de la bière à partir de grains cultivés localement crée des emplois et de la richesse, mais la bière fait également partie intégrante du bien-être social de plusieurs d’entre nous. Nous sommes, à tous égards, une industrie locale.

[Traduction]

Partout au Canada, la production, la distribution et la vente de bière soutiennent près de 150 000 emplois, contribuent 14 milliards de dollars au PIB et 5,7 milliards de dollars en taxes fédérales, provinciales et municipales, près de 50 % du prix de détail typique de la bière étant les taxes fédérales et provinciales ou majorations.

[Français]

Les dernières années ont été extrêmement difficiles pour les brasseurs canadiens, petits et grands. La bière est avant tout une boisson sociale qu’il vaut mieux partager en famille, entre amis ou entre voisins, notamment au pub du coin, pendant un barbecue, lors d’un festival, d’un événement sportif ou d’un concert.

En grande partie en raison de la fermeture et des restrictions de capacité liées à la COVID qui ont été imposées au secteur de l’accueil et du tourisme, les volumes de ventes de bière ont diminué de 6 % depuis 2019. Les ventes de bière hors domicile pour les 12 mois se terminant le 31 mars 2023 restent 15 % inférieures à celles d’avant la pandémie.

[Traduction]

Dans un même temps, les brasseurs continuent de faire face à une pression sur les coûts incroyable sur l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement, du doublement des coûts de transport à une augmentation de 60 % du coût de l’orge et de 40 % des coûts d’emballage. De nombreux brasseurs et partenaires restaurateurs ont contracté de nouvelles dettes considérables afin de simplement garder leurs portes ouvertes pendant le pire de la pandémie, dans l’espoir d’un retour rapide à la « normale ». Nous sommes encore très loin d’un retour à un marché domestique sain de la bière et du secteur de l’accueil.

En fait, les dernières données disponibles des Statistiques relatives à l’industrie canadienne indiquent que la majorité des brasseurs qualifiés de PME — ceux dont le chiffre d’affaires est inférieur à 5 millions de dollars par année — ne sont pas rentables, et que l’environnement d’affaires a continué de se détériorer depuis.

Nous constatons une activité accrue de brasseurs en vente, de nouvelles coentreprises ou de nouveaux accords de distribution — les brasseurs cherchent des moyens de réduire les coûts et trouver de nouveaux gains d’efficacité.

Le marché de vente hors domicile de bière est déprimé et peine toujours à survivre aux coûts des intrants qui montent en flèche. Voilà la tempête parfaite qui a nécessité une correction de la politique fédérale sur la taxe sur la bière.

Les membres de ce comité savent peut-être — la sénatrice Marshall est particulièrement au courant — que, malgré les préoccupations exprimées par ce comité à l’époque qui ont été appuyées par le Sénat dans son ensemble, une augmentation annuelle automatique fondée sur l’inflation des droits d’accise fédéraux sur la bière est entrée en vigueur le 1er avril 2018 conformément au budget de 2017.

Cette indexation annuelle sur l’inflation imposée par la loi a entraîné une augmentation cumulative des droits d’accise fédéraux sur la bière de 11,5 % sur une période de six ans, avec une augmentation annuelle moyenne de près de 2 %. Ces augmentations annuelles de la taxe fédérale sur la bière se sont poursuivies chaque année alors même que le secteur était confronté à des restrictions sans précédent liées à la COVID qui restreignaient considérablement l’accès des brasseurs au secteur de l’accueil, y compris les sites sportifs, les festivals et autres rassemblements sociaux à l’extérieur de chez soi.

De plus, comme nous le savons tous très bien, l’inflation de l’IPC a ensuite grimpé en flèche en 2022 à un point où l’application inflexible de la formule législative aurait entraîné une augmentation de 6,3 % des droits d’accise fédéraux sur la bière le 1er avril 2023. Cela aurait représenté la plus forte augmentation imposée aux consommateurs de bière canadienne en 40 ans. Heureusement, les députés de tous les partis, lorsqu’ils ont parlé à leurs brasseurs locaux, à leurs pubs du coin et à leurs électeurs amateurs de bière, ont compris l’impact négatif qu’une telle augmentation démesurée de la taxe sur la bière aurait sur leurs communautés. Ce message a été transmis à Ottawa, et la ministre a inclus dans le budget de cette année une solution temporaire au problème immédiat.

La « solution » est une réduction de l’augmentation des taux à appliquer en 2023, qui fait chuter le taux basé sur l’inflation de 6,3 à 2 %. Pour être franc, bien que la proposition ne soit pas tout à fait ce que nous préconisions au sein d’une vaste coalition, nous pensons qu’il s’agit d’un compromis très raisonnable. Nous sommes reconnaissants que cet allégement critique des droits d’accise ait été inclus dans le budget, compte tenu surtout de toutes les pressions budgétaires à court terme auxquelles le Trésor public fédéral fait face en raison d’une confluence de facteurs mondiaux, comme les guerres mondiales, le ralentissement de l’économie nationale et la fragilité des entreprises et des consommateurs.

Compte tenu de la situation, nous encourageons le comité à adopter l’article 124 de la loi d’exécution du budget pour réduire l’augmentation prévue des droits d’accise fédéraux sur la bière de 6,3 à 2 % rétroactivement au 1er avril 2023. Je vous remercie, et je serai ravi de répondre à vos questions à la fin.

Le président : Nous allons maintenant écouter Darren Hannah, de l’Association des banquiers canadiens. Monsieur Hannah, vous avez la parole, je vous en prie.

Darren Hannah, vice-président, Services bancaires aux particuliers et aux entreprises, Association des banquiers canadiens : Bonsoir. Je vous remercie de m’avoir invité à m’adresser aux membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales au sujet du projet de loi C-47, la loi d’exécution du budget. Je m’appelle Darren Hannah. Je suis le vice-président chargé des services bancaires aux particuliers et aux entreprises à l’Association des banquiers canadiens, ou ABC. Je suis accompagné de ma collègue Angelina Mason, avocate en chef et vice-présidente des Affaires juridiques et Risque.

L’ABC est la voix de plus de 60 banques canadiennes et étrangères qui contribuent à l’essor et à la prospérité économique du pays. L’ABC préconise l’adoption de politiques publiques favorisant le maintien d’un système bancaire solide et dynamique, capable d’aider les Canadiens à atteindre leurs objectifs financiers.

Le projet de loi C-47, dont vous examinez de nombreuses dispositions, est vaste. Nous limiterons nos commentaires aux articles 114 à 116 de la partie 2, qui modifient rétroactivement la Loi sur la taxe d’accise. Il s’agit d’une très petite composante du projet de loi d’exécution du budget. Or, ses répercussions seront immenses sur la vision qu’auront les sociétés, les entrepreneurs et les investisseurs, tant canadiens qu’étrangers, des occasions d’affaires au Canada et des risques afférents.

En bref, le gouvernement essaie d’utiliser la loi pour contourner une décision de la Cour d’appel fédérale et modifier le traitement de la TPS sur les services de compensation des cartes de paiement rétroactivement jusqu’en 1991, date de mise en œuvre de la TPS, en faisant fi explicitement des délais de prescription au titre de l’article 298 de la Loi sur la taxe d’accise. Ainsi, les transactions effectuées il y a plus de 30 ans seront taxées rétroactivement. Ce faisant, le gouvernement ignore carrément les situations acceptées par les contribuables et les fiscalistes et publiées dans les lignes directrices fédérales, de l’usage adéquat et exceptionnel de la rétroactivité dans la législation. La position du gouvernement est en contradiction avec son propre traitement des services du réseau des cartes de paiement, qu’il considère comme des services financiers aux fins de la surveillance réglementaire par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, ou ACFC.

En outre, en adoptant une telle position, le gouvernement ajoute un fardeau fiscal alors qu’il prétend réduire le coût de l’acceptation des cartes de crédit pour les petites entreprises. L’augmentation des taxes sur les émetteurs et les acquéreurs des cartes aura inévitablement un impact sur le coût de l’acceptation des cartes de crédit par les marchands.

Par ailleurs, la taxation rétroactive des transactions antérieures, surtout en présence de décisions judiciaires, minera absolument la confiance que les investisseurs ont dans le marché canadien. En effet, les investisseurs, les sociétés et les propriétaires d’entreprises y verront un signe inquiétant. Il va sans dire que la certitude d’un entrepreneur de pouvoir accéder à un système judiciaire équitable lorsqu’il considère que la loi est mal appliquée pèse autant dans la balance décisionnelle que la présence de lois et leur application.

Or, la mesure proposée remet en cause l’essence même de la notion traditionnelle du droit fiscal, ce qui soulève de sérieuses questions sur l’équité et sur la certitude juridique, et ce qui risque surtout de freiner l’activité économique future. L’imposition d’un fardeau rétroactif sape la confiance dans la stabilité du système fiscal. Il est donc important d’évaluer les retombées à long terme d’une telle décision, qui établit un précédent, même si, aujourd’hui, elle semble apporter une solution facile pour combler les déficits fiscaux.

Les mesures fiscales rétroactives contenues dans la partie 2 s’opposent à ces principes. Ces mesures ébranleront la confiance des investisseurs à un moment où le Canada a besoin d’attirer de nouveaux investissements tant internes qu’étrangers.

Selon une récente étude de la Banque Royale, afin de pouvoir financer la transition vers une économie faible en émissions de carbone, le Canada aura besoin d’environ 2 billions de dollars au cours des 30 prochaines années. Il s’agit d’investissements massifs, à long terme, que le Canada recherche auprès d’investisseurs dans le but d’avoir une économie carboneutre à l’avenir. Aucun investisseur ne s’engagera dans une telle entreprise sans avoir la certitude que les conditions et le climat d’affaires sur lesquels il a basé sa décision ne changeront pas, que le gouvernement n’aura pas l’envie soudaine de modifier rétroactivement les modalités, et que le système juridique lui sera accessible s’il en a besoin.

Ainsi, nous encourageons vivement le Sénat à agir en vue de rétablir la confiance des investisseurs dans les environnements économique et juridique canadiens, et ce, en supprimant les dispositions rétroactives de la partie 2. Nous sommes conscients que l’amendement d’un projet de loi portant sur le budget est une demande énorme; et nous ne faisons pas cette demande à la légère. Ce n’est également pas la première fois qu’une demande pareille est acceptée. Ce même comité a apporté un amendement au projet de loi C-29, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget de 2016 afin d’en supprimer une modification à la Loi sur les banques qui portait sur la compétence fédérale. Il est bien en votre pouvoir d’apporter une telle modification que, vu les raisons précitées, nous estimons indiquée, voire nécessaire.

Je remercie le comité pour l’invitation. Nous sommes heureux de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie, monsieur Hannah. Nous allons maintenant conclure avec M. Westcott. Vous avez la parole.

Jan Westcott, président et chef de la direction, Spiritueux Canada : Je vous remercie, monsieur le président. Je m’appelle Jan Westcott et je suis président de Spiritueux Canada, l’association commerciale nationale qui représente les fabricants et les distributeurs de spiritueux de première qualité de partout au pays. Nos membres produisent et distribuent près de 75 % de tous les spiritueux vendus au Canada.

Je vous remercie de m’offrir l’occasion de témoigner sur le budget fédéral 2023 et, en particulier, sur les dispositions relatives à la réduction de la taxe d’accise sur les spiritueux, qui passerait des 6,3 % prévus à 2 %, comme l’a mentionné un témoin précédent.

Nos membres sont grandement préoccupés par l’effet qu’a la taxe d’accise fédérale sur leurs produits et sur les milliers de Canadiens ordinaires qui aiment relaxer et socialiser en prenant un verre avec leurs amis et leur famille. Nous sommes particulièrement conscients de la réalité des exploitants de lieux d’accueil et de tourisme, qui sont essentiels pour nous. Je ne vous apprends rien en disant qu’ils ont subi la lourde part des restrictions imposées à cause de la pandémie au pays et que bien des établissements dans ce secteur ont dû fermer leurs portes à cause de la COVID. Sachez que pas plus tard qu’hier ou aujourd’hui, Restaurants Canada a signalé une hausse de 116 % des faillites de restaurants dans les deux premiers mois de 2023 seulement. Le secteur du tourisme d’accueil ne partage pas tout à fait le point de vue que nous sommes sortis de la pandémie.

Dans ma municipalité d’Oakville, en Ontario, de nombreux restaurants et bars ont mis la clé sous la porte. Il s’agissait de lieux de rassemblement que mes voisins et moi-même fréquentions depuis des décennies, dans certains cas. Les établissements qui ont réussi à garder leurs portes ouvertes pendant la COVID ont été durement mis à l’épreuve. La plupart des commerçants ont contracté d’importantes dettes, et ils travaillent fort présentement pour les rembourser, tout en peinant à rebâtir leurs entreprises.

D’un côté, les Canadiens ordinaires ont du mal à absorber la hausse des prix pour à peu près tout ce dont ils ont besoin. De l’autre, nos partenaires d’affaires tentent de sauver leurs entreprises tout en devant payer des prix plus élevés eux aussi. Ils sont aussi touchés par une grave pénurie de main‑d’œuvre, une ressource essentielle pour ouvrir leurs restaurants. Aucun d’entre eux n’aurait profité de l’augmentation de 6,3 % de la taxe d’accise qui devait entrer en vigueur le 1er avril.

Depuis le budget de 2017, le gouvernement du Canada impose des augmentations annuelles automatiques de la taxe d’accise sur l’alcool, chaque augmentation annuelle se fondant sur l’indice du prix à la consommation. Lorsque la mesure a été mise en œuvre, le Canada affichait un taux d’inflation de l’ordre de 1 à 1,5 % depuis des années. En 2022, à la suite de la pandémie et de la hausse de l’inflation, l’indice du prix à la consommation est passé à 6,3 %, un taux bien plus élevé qu’on ne l’a vu de mémoire récente.

Les représentants de Spiritueux Canada, de concert avec la Chambre de commerce du Canada, Bière Canada, Vignerons Canada, Restaurants Canada et la Fédération canadienne de l’agriculture, ont sensibilisé de nombreux législateurs, fonctionnaires et citoyens sur l’effet qu’une hausse de 6,3 % de la taxe d’accise aurait en 2023 sur les commerces. Si le gouvernement avait laissé la taxe d’accise augmenter au rythme prévu en fonction de l’IPC le 1er avril, les Canadiens paieraient 18,4 % de plus en taxe d’accise que lorsque la mesure a été mise en œuvre en 2017.

Même avec le plafond actuel de 2 %, les Canadiens paient quelque 310 millions de dollars de plus pour les spiritueux en 2023 qu’en 2017. Pensez-y : 310 millions de dollars de plus. Les Canadiens paient déjà les taxes parmi les plus élevées au monde pour les alcools, en particulier pour les spiritueux. De nos jours, environ 80 % du prix de détail d’une bouteille de spiritueux se compose de taxes. Ce taux ne cesse d’augmenter année après année, étant donné l’augmentation programmée de la taxe d’accise.

Dans certaines régions du Canada, les taxes sur les spiritueux représentent bien plus de 80 % du prix de détail. Étant donné que les décideurs n’avaient pas prévu les hausses qu’on connaît de nos jours lorsqu’ils ont créé le mécanisme de hausses automatiques, Spiritueux Canada et d’autres leur demandent de mettre sur pause l’augmentation prévue en 2023 pour éviter de nuire aux Canadiens ordinaires avec des prix plus élevés encore quand ils veulent socialiser avec des amis et de la famille en prenant un verre.

Compte tenu de tout ce que j’ai mentionné, le gouvernement a bien fait de plafonner la hausse à 2 % cette année, le taux d’inflation que la Banque du Canada cible et travaille fort à atteindre. Cette mesure aide notre secteur, mais aussi les restaurants, les bars et d’autres petites entreprises du secteur du tourisme d’accueil à reprendre de la vigueur après avoir perdu des ventes durant la pandémie.

Bon nombre de ces petites entreprises peinent toujours à reprendre du poil de la bête. Des prix plus élevés pour les cocktails, la bière et le vin risquent de nuire encore davantage à leur viabilité. Pour aider les travailleurs canadiens, ainsi que les employés et les exploitants du secteur du tourisme d’accueil et du nôtre, Spiritueux Canada vous exhorte à approuver ces dispositions du budget de 2023.

Nous vous sommes reconnaissants de votre temps et de votre intérêt. Nous répondrons avec plaisir à vos questions. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie, monsieur Westcott.

Honorables sénateurs, nous allons entamer la première série de questions de cinq minutes chacune. Les questions de la deuxième série dureront trois minutes chacune.

La sénatrice Marshall : Je vais poser des questions à tous les témoins, mais je vais commencer par une question très simple à l’Association des banquiers canadiens. Quelle est la valeur en dollars de cette hausse rétroactive, monsieur Hannah? Est-il juste de parler de 300 millions de dollars?

M. Hannah : Je crois que l’estimation du gouvernement s’élève à 200 millions de dollars. C’est la valeur en dollars de ce qu’il pense recouvrer. La valeur en dollars pour le gouvernement est un concept très intéressant, car son effet sur la confiance des investisseurs est important, tout comme la réduction que ce montant entraîne sur les gains à long terme. Il s’agit d’une question ouverte.

La sénatrice Marshall : Vous avez dit représenter 60 banques. Ce changement rétroactif touche-t-il toutes ces banques ou seulement certaines d’entre elles?

M. Hannah : Au fond, tous les établissements financiers, les banques, les coopératives financières et toutes les autres organisations qui participent au secteur des cartes de crédit sont touchés. Tous les marchands qui utilisent un terminal comptable et qui acceptent les cartes de crédit sont touchés. Dans une certaine mesure, toutes les entreprises acceptant les cartes de crédit sont touchées, car la facture leur sera refilée.

La sénatrice Marshall : J’ai l’impression que vous préféreriez que la taxe ne soit pas rétroactive, qu’elle ne s’applique qu’après la date d’entrée en vigueur. Est-ce que je me trompe? Sans aller jusqu’à dire que vous êtes en faveur d’une telle taxe, le problème vous semblerait moindre, n’est-ce pas?

M. Hannah : Notre principale préoccupation et la principale raison pour laquelle nous sommes ici, c’est la rétroactivité. Nous ne pensons pas que le changement politique qu’apporte le gouvernement est cohérent avec l’objectif plus vaste de réduire le coût d’acceptation des cartes, mais notre grande préoccupation, c’est l’application rétroactive.

La sénatrice Marshall : J’ai une dernière question. Lorsque les représentants du ministère des Finances ont témoigné, ils ont dit que certaines banques ou certains établissements financiers recevaient des remboursements. En effet, ces remboursements se sont révélés être une véritable manne pour eux, puisqu’ils ont touché la plus grande partie des 200 ou 300 millions de dollars versés.

Est-ce bien ce qui s’est produit? Pensez-vous que le gouvernement en a tenu compte dans sa décision d’appliquer une taxe rétroactive, parce qu’il a constaté que les établissements financiers recevaient une vaste manne en remboursements fiscaux?

M. Hannah : Je vais répondre à la question de deux façons. Premièrement, n’oubliez pas que, dans bien des cas, ce qui est à l’origine de cette mesure, c’est que les institutions payaient la taxe et présentaient ensuite un avis à l’Agence du revenu du Canada, l’ARC, pour dire que la taxe avait été payée par erreur et qu’on n’aurait jamais dû demander de la payer. C’est ce qui s’est fait, dans bien des cas, pendant 20 ans, et l’ARC ignorait tout simplement les demandes.

Deuxièmement, une fois que la décision a été rendue, un certain nombre d’institutions — car le gouvernement n’a vraiment rien dit et il a ensuite accordé des fonds pendant les deux années et demie suivantes, et l’ARC a commencé à payer l’argent demandé — ont commencé à en tenir compte dans leurs modèles d’établissement des prix et leurs contrats. Maintenant, nous avons soudainement des demandes rétroactives qui arrivent de nulle part et qui n’étaient pas prévues. Les institutions ont déjà commencé à faire des plans, à conclure des ententes, à changer leurs structures de prix, et elles doivent maintenant penser à ce qu’elles feront à cet égard.

La sénatrice Marshall : Je comprends la situation.

Pour Bière Canada et Spiritueux Canada, le sursis est passé à 2 %, mais on dirait que ce n’est pas vraiment cela que vous voulez.

Qu’aimeriez-vous voir à propos des hausses? Préféreriez-vous que le gouvernement se manifeste chaque année lorsqu’il veut une hausse? Quelle est l’option que vous privilégiez? Que voulez-vous voir? Vous êtes satisfaits avec le taux de 2 % puisque ce n’est pas aussi punitif que 6,3 %, mais qu’aimeriez‑vous voir?

M. Hélie : À Bière Canada, notre opinion est fondamentalement différente de celle du gouvernement et du ministère des Finances. Ils pensent que les taxes devraient augmenter automatiquement en fonction de la formule qu’ils envisagent, et nous croyons fondamentalement que les taxes, en particulier pour la production et la consommation, devraient être du ressort du Parlement. Les députés et les sénateurs devraient se prononcer sur les taux en votant.

La sénatrice Marshall : Nous l’avons fait pour l’amendement adopté en 2017, mais il est applicable jusqu’à la fin des temps. Voulez-vous plutôt une sorte d’approbation annuelle?

M. Hélie : Le ministre des Finances — ou la ministre — devrait examiner la conjoncture, décider des ambitions du gouvernement en matière de recettes, prendre connaissance des circonstances propres aux entreprises et aux consommateurs et ensuite, lorsqu’il croit qu’un changement s’impose, il devrait pouvoir s’adresser au Parlement et à la Chambre pour dire qu’il semble judicieux de hausser ou de réduire les taxes. C’est de cette façon que le Canada a toujours fonctionné jusqu’à tout récemment.

M. Westcott : Je souscris au point de vue de mon collègue. Fondamentalement, le rôle des parlementaires est de décider combien de taxes les Canadiens vont payer. On leur a retiré ce rôle, et ils devraient le récupérer.

La sénatrice Marshall : Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci aux témoins d’être avec nous. D’entrée de jeu, je rappellerais qu’en 2017, on s’était insurgé contre l’idée d’une augmentation automatique à l’indice des prix à la consommation dans le cadre de la loi budgétaire. Monsieur Hélie, lorsque vous dites que les ventes de bière hors domicile ont diminué de 15 %, est-ce que cela a diminué aussi pour ce qui est des consommations à domicile ou y a-t-il une augmentation?

M. Hélie : Aujourd’hui, les ventes à la maison sont revenues au niveau d’avant la pandémie. Il y a une baisse de 15 % sur les ventes hors domicile. C’est donc 6 % au total lorsqu’on les joint l’une à l’autre.

Le sénateur Forest : Lorsqu’on regarde le coût des taxes, il représente 50 % du prix d’une bière, environ 75 % du prix d’une bouteille de vin et plus de 80 % pour l’alcool fort. C’est une très grande portion du prix que l’on paie.

Je viens de Rimouski. À titre d’exemple, il y a là-bas un brasseur qui s’appelle Distillerie du St. Laurent. Or, pour acheter une bouteille de Gin St. Laurent de 700 millilitres, le prix de base est de 44,75 $. À côté, la bouteille de Beefeater de 750 millilitres coûte 26,05 $.

Comment expliquer cette différence? Est-ce que le pourcentage de taxes est le même? Nos brasseurs sont devenus un élément attractif sur le plan touristique. Comment expliquer cet écart important entre des produits fabriqués à grande échelle et des produits plus domestiques, comme le Gin St. Laurent?

[Traduction]

M. Westcott : Chaque fournisseur choisit assurément le prix auquel il vend ses produits. De nombreux petits producteurs — peu importe s’il s’agit de brasseurs, de vignerons ou de distillateurs — veulent un prix plus élevé parce qu’ils croient que cela ajoute encore plus de valeur au produit; cela envoie un message au consommateur. S’ajoute à cela le fait que l’économie d’échelle n’est pas un facteur pour eux, ce qui signifie que leurs coûts d’exploitation sont un peu plus élevés. Ce sont des décisions prises individuellement par les fournisseurs.

S’ils veulent vendre leurs produits à un prix moins élevé, c’est tout à fait possible, selon le coût de production. Comme je l’ai dit, ils n’ont pas toujours les mêmes moyens que les grands producteurs. Comme dans tous les domaines, les grands producteurs profitent de leur taille. Il revient au producteur de prendre ces décisions.

Je ne peux pas parler pour tous les producteurs. D’après mon expérience dans toutes les industries — la bière, le vin et les spiritueux —, les petits producteurs ont tendance à percevoir leurs produits comme étant un peu plus raffinés. Ils utilisent souvent l’expression « fait à la main ». Ils cherchent à établir les prix de manière à ce que le consommateur en soit conscient.

[Français]

Le sénateur Forest : Ils doivent donc fonctionner avec un volume beaucoup plus restreint. Comme la grande partie des coûts et des taxes, est-ce que cela peut expliquer la différence de prix?

[Traduction]

M. Westcott : En effet.

[Français]

Le sénateur Forest : J’ai une question qui s’adresse à Mme Walsh ou à Mme Rahmati.

La section 35 de la partie 4 du projet de loi C-47 propose de prolonger le projet pilote pour les travailleurs saisonniers en leur donnant jusqu’à cinq semaines de plus d’assurance-emploi.

Je comprends que cette section est étudiée actuellement par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, mais j’aimerais entendre vos commentaires sur le report de l’assurance-emploi.

Quelles sont les solutions pour les travailleurs de l’industrie saisonnière, comme celle de la construction? Cette industrie touche de nombreuses régions au Canada, y compris le Québec.

[Traduction]

Mme Rahmati : Merci de poser la question. Dans le domaine de la construction, nos membres sont à l’œuvre jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de travaux à exécuter. Lorsqu’un projet est terminé, on passe au suivant. Il y a parfois un décalage entre les deux. Il faut parfois s’installer ailleurs, se rendre dans une autre région du pays pour pouvoir travailler.

Nos membres doivent souvent utiliser le programme d’assurance-emploi jusqu’à ce qu’ils décrochent un autre emploi. Le budget propose quelque chose que nous appuyons en théorie. Nous pensons que beaucoup d’autres changements doivent être apportés au système d’assurance-emploi.

Depuis environ deux ans, nous discutons avec le gouvernement de la réforme de l’assurance-emploi. Nous aimerions voir un ensemble plus complet de mesures qui comprennent des changements à la façon dont les indemnités de départ sont traitées. On a d’ailleurs amélioré temporairement la manière de procéder pendant la pandémie. Les mesures temporaires ont toutefois pris fin, et nous sommes de retour au point où nous étions avant, surtout lorsque nous discutons de l’augmentation du coût de la vie et du risque de récession.

Nous devons avoir un programme d’assurance-emploi très solide pour pouvoir soutenir les travailleurs de la construction au Québec et ailleurs au Canada, pour que des choses comme les indemnités de départ et les prestations d’assurance-emploi soient remises plus rapidement. Notre industrie fait face à une situation unique, car nous avons des apprentis sur les chantiers. Lorsqu’ils doivent suivre la formation en classe prévue dans leur programme, le délai avant le traitement de leurs demandes d’assurance-emploi peut les empêcher de faire leurs paiements, de joindre les deux bouts, et ils peuvent retarder le moment où ils retourneront en classe pour terminer leur formation.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci.

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins.

Ma question s’adresse aux représentants de l’Association des banquiers canadiens. Je vais poursuivre la conversation que vous avez eue avec ma collègue la sénatrice Marshall. Évidemment, j’ai été très surpris quand j’ai vu que, 26 mois après la décision de la cour, le gouvernement est allé de l’avant avec ce projet de loi.

Nous avons eu la chance d’interroger les représentants du ministère des Finances. Le parrain du projet de loi, le sénateur Loffreda, la sénatrice Marshall, d’autres collègues et moi avons posé des questions. On nous a dit qu’il a toujours été entendu par le gouvernement et l’industrie que les services de compensation relatifs aux cartes de paiement seraient exclus de la définition des « services financiers ».

Êtes-vous d’accord sur cette assertion? Selon les représentants du ministère des Finances, leur décision ne devrait pas vous surprendre, d’après ce que je comprends.

[Traduction]

M. Hannah : Le gouvernement a perdu devant la Cour d’appel fédérale dans ce dossier. C’est la deuxième cour en importance au pays. Il n’aurait pas perdu si on avait su clairement à quoi s’en tenir.

De plus, s’il avait vraiment pensé avoir raison, il aurait porté l’affaire en appel devant la Cour suprême du Canada, mais il s’est abstenu. Il a tout de suite opté pour une mesure législative rétroactive.

Me Angelina Mason, avocate en chef et vice-présidente, Affaires juridiques et Risque, Association des banquiers canadiens : J’ajoute que la cour a indiqué que les communiqués de presse qu’on a cités n’étaient pas clairs. À ce sujet, nous ne respecterions pas la décision de la Cour d’appel.

Le sénateur Gignac : Voici ma prochaine question : est-il inhabituel que le gouvernement attende 26 mois après avoir perdu devant les tribunaux? Avez-vous rencontré entretemps les gens du ministère des Finances qui vous ont signalé que ce n’était pas compatible ou que ce n’était pas un objectif de leur politique? Avez-vous été prévenu, ou vous a-t-on plutôt pris par surprise?

M. Hannah : Sénateur, mes membres me disent qu’il n’y a pas eu la moindre consultation, et c’est la raison pour laquelle ils étaient étonnés.

Quand on a demandé aux représentants du gouvernement de produire des preuves pour expliquer et étayer ce qu’ils affirmaient, à savoir que tout le monde était généralement au courant, ils ont présenté un extrait d’un communiqué de presse de 1991. Bien franchement, je pense que cela en dit long.

Sénateur, entre le moment où la cour a rendu sa décision en janvier 2021 et le dépôt de ce projet de loi en mars 2023, le ministère des Finances a publié 169 communiqués de presse. Je le sais; je les ai comptés. Il n’y en a pourtant pas un seul qui en parle. Ne peuvent-ils vraiment pas faire mieux que de présenter un extrait d’un communiqué de presse publié en 1991?

Le sénateur Gignac : Je sais que vous avez reçu l’appui de l’Association du Barreau canadien. Nous avons posé des questions à ce sujet au comité des banques ou notre comité.

En fait, ce qui est nouveau aujourd’hui, et vous l’avez mentionné — et je veux que vous en disiez plus long à ce sujet —, c’est qu’il s’agit d’une contradiction, c’est-à-dire la façon dont l’autre mesure législative encadre les cartes de paiement. Pouvez-vous en dire plus à ce sujet? Cela semble incohérent. Quand il est question du règlement, il s’agit des services financiers. Mais il est maintenant question de l’impôt sur le revenu. Non, c’est administratif. Est-ce que je comprends bien? Pouvez-vous en dire plus à ce sujet? Vous en avez parlé dans votre déclaration liminaire.

Me Mason : Au pays, les réseaux de paiement sont surveillés par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada puisqu’ils offrent un service financier. D’un point de vue réglementaire, c’est considéré comme un service financier. Il est alors incohérent de dire que les services offerts aux participants dans le système ne sont pas des services financiers.

Cela ne correspond également pas à la façon dont les réseaux de cartes de paiement sont traités à l’échelle internationale. Ailleurs dans le monde, ce serait également considéré comme des services financiers.

Quand on regarde le contexte national, en plus de l’absence de certitude attribuable au libellé des règlements concernant la TPS — et les participants dans le système ont indiqué que c’était une préoccupation pour eux —, on constate que le gouvernement n’avait donné aucune directive. Il a fallu attendre 20 ans avant qu’il le fasse.

Le sénateur Gignac : Je suis juste économiste. Je ne suis pas fiscaliste. Avez-vous de l’information qui démontre que l’Europe ou d’autres pays ailleurs dans le monde traitent cela, qu’il s’agisse de la réglementation ou de l’impôt sur le revenu, comme des services financiers plutôt que comme, pour donner l’exemple de l’Europe, une taxe sur la valeur ajoutée? Pouvez-vous nous fournir l’information à ce sujet?

Le sénateur Smith : J’ai une question pour les syndicats des métiers de la construction.

Nous avons beaucoup entendu parler de la nécessité d’accorder la priorité aux programmes de reconnaissance des titres de compétences étrangers pour les nouveaux immigrants au Canada, d’autant plus que le gouvernement augmente considérablement ses cibles d’immigration. Nous entendons encore parler de près d’un million de postes vacants d’un bout à l’autre du pays, ce qui continue de nuire à l’activité économique.

Dans votre mémoire budgétaire, vous recommandez, entre autres choses, que le gouvernement accorde la priorité à l’entrée d’un plus grand nombre de travailleurs qualifiés au Canada pour combler l’important écart entre l’offre et la demande, notamment au moyen du système Entrée express.

Le gouvernement a-t-il consulté votre organisation à ce sujet? Ce qui nous intéresse, ce sont non seulement les conseils fournis, mais aussi les consultations qui sont menées. De quelle façon les syndicats des métiers de la construction conseillent-ils le gouvernement pour accroître le nombre de travailleurs qualifiés à l’aide du processus d’immigration?

Mme Rahmati : Merci de poser la question.

Nous avons des discussions avec le gouvernement au sujet de l’immigration et du programme Entrée express. À vrai dire, l’annonce faite par le ministre Fraser l’automne dernier à propos de l’augmentation à 500 000 du nombre d’immigrants a eu lieu à l’un de nos centres de formation à Toronto.

C’est une chose sur laquelle nous continuons de nous pencher. Le gouvernement nous a demandé de recueillir des données pour savoir précisément à quels endroits et dans quels métiers nous avons besoin de travailleurs. Nous nous sommes penchés là‑dessus au cours des derniers mois, et nous espérons être en mesure de fournir bientôt ces données au gouvernement pour l’orienter.

Nous nous sommes réjouis de voir un plus grand nombre de métiers admissibles dans le programme Entrée express, y compris certains de nos métiers, mais nous pensons qu’il est possible d’en ajouter d’autres à la liste.

Le sénateur Smith : C’est une chose de simplifier les demandes pour les travailleurs qualifiés au Canada, mais c’en est une autre de veiller à ce qu’ils répondent aux normes de l’industrie. Le gouvernement fédéral, en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, fournit-il des ressources adéquates pour reconnaître les titres de compétences de ces travailleurs qualifiés après leur arrivée au Canada?

Mme Rahmati : C’est un autre domaine dans lequel nous pourrions aussi voir une certaine amélioration. Nous voulons nous assurer de cibler et de faire venir des travailleurs qualifiés qui répondent déjà à certaines normes, mais lorsque ce n’est pas le cas, nous voulons les aider à développer leurs compétences pour intégrer le système canadien, ce qui comprend les compétences linguistiques. Nous savons qu’il y a beaucoup de pays où les gens ont les compétences nécessaires, mais pas nécessairement sur le plan linguistique. Pour assurer la sécurité sur les chantiers, il est donc très important pour nous de travailler avec les nouveaux venus au Canada afin qu’ils répondent aux exigences linguistiques.

Le sénateur Smith : Avez-vous eu la chance de parler avec des gens d’autres pays pour savoir ce qu’ils font? Quand je vous ai posé la question, vous semblez avoir hésité un peu, et je n’étais donc pas sûr si vous saviez exactement ce que vous alliez m’expliquer.

L’une des choses que nous avons constatées aujourd’hui grâce aux questions que nous avons posées à différentes personnes, c’est la différence entre la communication et les consultations. Y a-t-il des consultations, ou se contente-t-on de vous dire quoi faire et comment le faire, mais sans nécessairement vous consulter? C’est une chose de donner des conseils, mais c’en est une autre d’être consulté. Quelles sont vos observations à ce sujet?

Mme Rahmati : Le gouvernement nous consulte. À l’heure actuelle, nous nous concentrons beaucoup sur les crédits d’impôt à l’investissement, comme nous l’avons mentionné dans nos observations. C’est une chose pour laquelle nous avons eu énormément de consultations avec le gouvernement, surtout à propos de la définition de salaire courant. Dans le présent dossier, nous n’avons toutefois pas été beaucoup consultés, pour reprendre votre mot, mais au cours des prochains mois, c’est une chose sur laquelle nous allons mettre l’accent et nous pencher avec le gouvernement. J’espère qu’on ne se contentera pas de conseils et qu’il y aura des consultations.

Le sénateur Smith : Menez-vous des consultations ou avez‑vous des contacts avec des organisations étrangères ou d’autres pays qui vous présentent différents types de commentaires que vous pouvez ajouter au portrait ici?

Mme Rahmati : C’est le cas pour certains de nos syndicats affiliés, et ils travaillent plus directement pour faire venir des travailleurs étrangers au Canada. Nous défendons nos intérêts auprès du gouvernement fédéral, et nous ne nous occupons donc pas de l’embauche. Certains de nos syndicats affiliés s’occupent de ce genre de contrats. Je serais heureux de vous transmettre un autre jour de plus amples renseignements à ce sujet.

Le sénateur Smith : Quel a été jusqu’à maintenant votre taux de réussite en ce qui a trait aux nouveaux travailleurs qui arrivent au pays et à leur capacité de réaliser le rêve ou le scénario canadien? Est-ce positif, négatif ou neutre? Avez-vous des chiffres pour justifier ce que vous essayez de faire pour améliorer la situation?

Mme Rahmati : Je ne connais pas les chiffres par cœur, mais ce que nous savons, c’est que l’industrie de la construction a toujours été très ouverte aux immigrants, surtout lorsqu’on prend, par exemple, la communauté italienne au Canada. C’est une excellente occasion pour les immigrants, car les exigences en matière de compétences linguistiques et d’études ne sont pas aussi élevées que dans d’autres industries, et elles sont plus faciles à transférer que dans d’autres domaines.

Nous travaillons avec le gouvernement pour permettre aux travailleurs qui ne sont plus dans le système, les travailleurs sans statut, de décrocher un emploi. Ce que nous constatons, c’est qu’ils n’étaient peut-être pas admissibles dans le passé compte tenu de notre système d’immigration strict qui privilégiait les doctorats et les autres diplômes universitaires plutôt que les diplômes d’études collégiales, et ils étaient laissés pour compte, mais nous faisons marche arrière compte tenu de ce qu’ils apportent à notre économie.

Le sénateur Smith : Merci.

Le président : Madame Rahmati, dans sa dernière question, le sénateur Smith a demandé des chiffres. Pourriez-vous les transmettre par écrit à la greffière pour que nous ayons une idée du nombre de personnes qui entrent au pays?

Mme Rahmati : Oui. Je vais m’en occuper et en parler à mes collègues pour vous remettre ce que nous avons.

Le président : Merci.

Le sénateur Boehm : Je remercie nos témoins. Comme c’est souvent le cas au comité, la sénatrice Marshall a posé mes questions plus tôt, et j’ai donc essayé de me réajuster et d’en trouver d’autres.

Je vais d’abord m’adresser à Bière Canada et à Spiritueux Canada. J’ai écouté attentivement ce que vous avez dit à propos des limites imposées aux parlementaires pour assurer une surveillance, et j’aurais tendance à être d’accord avec vous à ce sujet, mais vous étiez satisfaits de la réduction de 6,3 à 2 %. Je me questionne sur les répercussions financières de ces hausses pour les petits producteurs.

Vous avez dit, monsieur Westcott, que la COVID a nui à tout le monde. Il me semble qu’avant la pandémie, le secteur des microbrasseries s’épanouissait d’un bout à l’autre du pays, tout comme, de plus en plus, le secteur des spiritueux artisanaux. Avez-vous une idée de ce qu’il en est vraiment pour les petites distilleries, par exemple, et certainement pour les brasseries et l’industrie de l’accueil dans son ensemble lorsqu’on en tient compte? Là-dessus, et c’est là que le bât blesse, s’il n’y avait pas d’obstacles au commerce interprovincial et que je ne devais pas me rendre au Québec pour acheter le Gin St. Laurent que mes collègues recommandent fortement, est-ce que cela aurait aidé dans cette situation précise ou est-ce que cela contribuerait à la croissance future?

M. Westcott : Ce serait certainement utile. Pour répondre à votre question sur les petits producteurs — je pense que M. Hélie le confirmerait —, le groupe des petites distilleries de partout au pays nous a fortement appuyés dans notre travail et dans nos efforts pour obtenir une exonération des hausses automatiques de la taxe d’accise. Nous avons fait front commun.

Il y a un an, avant le budget de 2022, nous avons mené une campagne avec les petites distilleries pour nous attaquer au problème. Un petit producteur dont le chiffre de ventes est modeste dépend beaucoup plus de ce qu’il gagne, et le gouvernement en prend une énorme partie.

L’autre point que je veux soulever, c’est que nous ne vendons pas nos produits seulement au Canada. Nous les vendons partout dans le monde. Personne n’ignore que les taxes sur les boissons alcoolisées au Canada sont beaucoup plus élevées que ce qu’on voit presque partout ailleurs dans le monde. Lorsque l’indexation a commencé en 2017, la taxe d’accise sur les spiritueux — et je ne parle que de cette catégorie — était 68 % plus élevée ici qu’aux États-Unis. Aujourd’hui, elle est 85 % plus élevée. Nous concurrençons très énergiquement les distilleries américaines. La nature automatique de la hausse n’en tient pas compte. Elle ignore tout cela, exactement comme c’était pendant la pandémie, et la taxe ne cesse d’augmenter.

Je souligne que nous devons revenir au système précédent, dans lequel les parlementaires examinaient la situation et disaient si c’était logique ou non. Il est très facile pour les gens du ministère des Finances de procéder de cette façon. Ils n’ont vraiment aucun travail à faire. D’après ce que je comprends, essentiellement, le ministère est censé faire une analyse des répercussions et comprendre ce qu’il en est. Je soupçonne que ce n’est pas le cas en grande partie, car ce n’est pas nécessaire.

Oui, les répercussions sur les petits producteurs sont énormes. Nous faisons front commun pour trouver des solutions au problème, et les conséquences sur les entreprises en général sont très importantes.

M. Hélie : La menace d’une hausse de 6,3 % a mobilisé l’ensemble de l’industrie puisque c’était quelque chose qui allait faire du mal à tout le monde partout, peu importe la taille de l’entreprise. De toute évidence, un grand producteur à une plus grande marge de manœuvre pour faire face à la situation.

J’ai parlé d’une vaste coalition. Lorsque nous étions sur la Colline du Parlement au début de l’année, des représentants syndicaux étaient là puisque nous commencions à voir l’incidence de ces hausses annuelles sur les règlements salariaux et à la table des négociations. C’était une façon pour les grands producteurs, dont les travailleurs sont syndiqués, de compenser les effets de l’indexation.

J’ai dit plus tôt que 54 % des brasseries dont les ventes sont inférieures à 5 millions de dollars ne sont pas rentables. Une hausse de 6,3 % aurait acculé ces entreprises à la faillite. D’un côté, les grands producteurs auraient réduit les coûts, l’innovation ainsi que la recherche et développement; de l’autre côté, des petits producteurs auraient cessé leurs activités. Les conséquences ne sont pas les mêmes, mais il y en a toujours.

Le sénateur Boehm : Merci.

La sénatrice Pate : Je remercie tous les témoins pour leur comparution.

Ma question s’adresse à l’un ou l’autre des représentants de l’Association des banquiers canadiens.

Dans votre mémoire présenté lors des consultations prébudgétaires de l’an dernier du Comité permanent des finances de la Chambre des communes, vous recommandiez en troisième lieu au gouvernement d’entreprendre un examen exhaustif du régime fiscal canadien. Un récent sondage d’Abacus a révélé que 62 % des Canadiens croient que le régime d’imposition est injuste, 57 % croient que la pandémie a entraîné un accroissement des inégalités et 89 % d’entre eux veulent voir l’adoption d’un impôt de 1 % sur la fortune des Canadiens les mieux nantis pour favoriser la reprise post-pandémie.

Étant donné que le dernier examen approfondi de notre régime fiscal a eu lieu dans les années 1960, je soupçonne que vous répondrez que vous êtes favorables à cet examen. Quels types de comparaisons devrions-nous faire, à votre avis? Nous savons qu’il y a eu des changements aux États-Unis, mais qu’en est-il du marché mondial et de la mise à jour des protocoles fiscaux? Qui devrait mener cet examen du régime fiscal, selon vous?

M. Hannah : Nous sommes absolument favorables à un examen exhaustif du régime fiscal. Nous l’avons demandé. À notre avis, il s’impose depuis longtemps, précisément pour la raison que vous avez énoncée. Bien franchement, la majorité de la population n’était même pas née la dernière fois que nous avons entrepris un examen de cette ampleur. L’époque actuelle est intéressante. Notre économie se transforme. Nous avons de la concurrence. Nous devons nous assurer que le régime fiscal canadien est adapté à nos besoins pour favoriser la croissance de l’économie et de l’emploi. Il doit répondre aux défis de la composition changeante de notre économie et, comme je l’ai mentionné au début, aux défis de la décarbonation et de la transition vers une économie faible en carbone.

Voilà autant d’aspects sur lesquels il faut se pencher. Le moment serait bien choisi pour mener cet exercice.

La sénatrice Pate : Comme vous le savez, les secteurs de la finance, des assurances et de l’immobilier ont enregistré certaines des marges de profit les plus élevées des deux dernières décennies relativement à d’autres secteurs. La plus forte hausse des marges de profit a eu lieu en 2021, où elle a atteint 22 %. Étant donné que les marges de profit élevées des grandes sociétés contribuent non seulement à l’inflation, mais aussi à l’accroissement des inégalités et à la perte d’abordabilité des produits et services, que proposeriez-vous pour nous attaquer aux profits excessifs au sein du secteur financier?

M. Hannah : Il est bon que les banques enregistrent des profits. Il faut avoir des banques solides, solvables et fiables. Laissez-moi aussi préciser que les banques canadiennes paient certains des impôts les plus élevés au pays. Les banques ont versé 18 milliards de dollars à l’impôt en 2022. De plus, la plupart des bénéfices des banques canadiennes sont rendus aux Canadiens. Les banques versent des dividendes de 22 milliards de dollars, et la majeure proportion de cette somme est versée à des Canadiens. La solidité des banques contribue à la solidité du pays. Elles sont parmi les plus grands employeurs du pays; elles emploient un quart de million de personnes.

La sénatrice Pate : J’ai reçu beaucoup d’appels et de courriels de la part de la population au moment où les banques ont augmenté leurs frais de service sans qu’il y ait une différence remarquable dans les services rendus. Quels sont les commentaires de l’association sur la question? J’admets que chaque banque est particulière, mais cette hausse semble avoir eu lieu partout.

M. Hannah : Les services bancaires canadiens étaient abordables, le demeurent et le seront à l’avenir. Dans bien des cas, les Canadiens ne paient rien du tout pour leurs services bancaires de base et, lorsqu’ils les paient, généralement, les frais sont minimes. En fait, on obtient de plus en plus de services en échange, dont un accès en temps réel, un accès par plusieurs canaux, des opérations sécurisées, la capacité de payer immédiatement au point de vente ou en ligne et le sentiment de sécurité corollaire au fait de savoir son argent à l’abri dans une institution financière solide et accessible, en plus d’être en mesure d’obtenir des conseils de gestion de ses finances.

La sénatrice Pate : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma première question s’adresse à M. Westcott.

Monsieur Westcott, les barrières interprovinciales relatives à la distribution de l’alcool sont assurément un frein à la capacité des producteurs canadiens d’augmenter leur marché au Canada.

C’est probablement pour cela que certains se tournent vers l’étranger quand ils peuvent le faire. Lorsque j’ai visité la vallée de l’Okanagan, en Colombie-Britannique, les producteurs de vin vendaient la majorité de leur production à l’État de Washington, parce que c’était plus facile que de la vendre au Canada. J’aimerais vous entendre sur l’impact qu’ont les monopoles de la SAQ et de la LCBO sur les difficultés d’expansion des petits producteurs de gin ou de bière.

[Traduction]

M. Westcott : Nous avons un seul client dans l’ensemble des provinces et territoires du Canada : la régie des alcools. Même en Alberta, où la vente au détail est privatisée, et dans bien d’autres provinces où la vente privée au détail fait maintenant partie du système, nous avons tout de même un client unique. Nous croyons à la concurrence. Les monopoles ne permettent pas la concurrence. La concurrence entraîne l’amélioration des produits et du service et crée de l’innovation. On ne peut en dire autant des monopoles — je dois être prudent, car, comme je l’ai dit, partout au pays, mes membres ont un seul client.

Ils freinent notre capacité de réussite. Je pense que le Canada n’a plus besoin du type de monopoles stricts que nous avons. Nous constatons des progrès; cela ne fait pas de doute. La plupart des provinces de l’Ouest offrent aujourd’hui un accès mixte aux consommateurs. Il y a quatre ou cinq ans, l’Ontario a commencé à permettre la vente d’alcool dans les épiceries. Nous faisons du progrès, nous sommes sur la bonne voie, mais la situation reste difficile. Cela ne fait pas de doute. Les monopoles ont parfois des répercussions qui ne sont pas dans l’intérêt du marché. Il s’agit certainement d’un défi.

En ce qui concerne les obstacles interprovinciaux, si on pouvait régler cette question, nous verrions une immense croissance. Tous les acteurs du secteur soulignent l’occasion qui se présente pour le Canada si l’on règle la question des obstacles interprovinciaux.

C’est peut-être dans le secteur des alcools qu’ils sont le plus pernicieux, et ils s’expliquent par deux facteurs. D’abord, les provinces et territoires veulent qu’on leur garantisse leurs sources de revenus, ce qui est parfaitement acceptable. La Constitution leur donne ce droit. Ensuite, ils veulent aussi s’assurer d’être en mesure de protéger leurs consommateurs et être certains que les produits qui entrent sur leur territoire sont sûrs. Il existe des moyens d’obtenir ces garanties efficacement. Il nous faut agir. Ce serait un énorme avantage si on pouvait le faire.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Hannah, j’ai une question. Je veux revenir sur la taxation rétroactive sur les cartes de crédit dont vous avez déjà parlé.

La semaine dernière, des représentants du gouvernement nous ont dit candidement que les sommes d’argent que cela représentait étaient minimes, voire sans importance. Pouvez‑vous répondre à cette affirmation et nous éclairer sur les montants en cause?

[Traduction]

M. Hannah : Il s’agit de montants représentant 5/100 de 1 % des recettes fiscales fédérales. D’après l’une des lignes directrices du ministère des Finances quant à la taxation rétroactive, les sommes doivent être conséquentes. Dans le cas présent, elles ne le sont pas.

Me Mason : Le gouvernement a le pouvoir de créer des lois rétroactives, mais il sait qu’il doit en faire un usage prudent, parce que s’il emploie ce pouvoir dans des cas non justifiés, cela mine la primauté du droit et le système judiciaire. Pourquoi porter une affaire devant la Cour d’appel fédérale si le gouvernement, s’il est déçu de la décision, décide de changer la loi de manière proactive, ce qu’il est évidemment en droit de faire, mais aussi rétroactivement? Cela mine le pouvoir judiciaire de déterminer ce qu’est la loi.

La primauté du droit, c’est la compréhension que le citoyen a de la loi et le fait qu’il s’y conforme. Voilà pourquoi il existe des limites quant à la rétroaction possible par rapport à une décision qui est devenue contraire à la loi. Ce projet de loi, en gros, a supprimé toutes les règles relatives aux limites et énoncé qu’il était possible de remonter aussi loin dans le temps que nécessaire.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J’aurais une autre question, monsieur le président.

Le président : Pour le prochain tour.

Le sénateur Dagenais : Si vous voulez.

[Traduction]

Le sénateur Shugart : Merci à nos invités. Ma question s’adresse à Mme Walsh.

Vous avez mentionné le Secrétariat des emplois durables. Je me demande si vous pouvez en parler davantage. Quelles attentes avez-vous quant à la fonction de cette entité et quels écueils doit éviter le gouvernement? Quelles sont les activités moins productives du secrétariat qu’il faut garder à l’œil? Pourriez-vous en dire un peu plus long?

Mme Walsh : Je m’en remets à ma collègue, Rita Rahmati, au sujet du secrétariat.

Mme Rahmati : Merci, madame Walsh. Nous espérons que le secrétariat sera une entité qui fera plus que simplement prendre des décisions relatives à la main-d’œuvre au sujet de l’avenir de la transition vers une économie carboneutre et des mesures prises par le gouvernement pour y arriver. Nous espérons que ce sera une entité où la main-d’œuvre sera un chef de file qui ne se fera pas présenter des lois et des changements comme des faits accomplis, mais qui fera véritablement partie du processus législatif et décisionnel au sujet de la carboneutralité. Parmi ces activités se trouvent la collecte de données sur le marché de la main-d’œuvre quant aux secteurs d’emploi d’avenir, des discussions et une collaboration avec des parties prenantes et le secteur des énergies traditionnelles, et un travail de concert avec le gouvernement sur les investissements pour la transition; tout cela afin d’être un vrai partenaire du gouvernement.

Le sénateur Shugart : Il me semble que c’est la description du travail de la fonction publique telle qu’elle existe actuellement : conseiller le gouvernement et œuvrer avec les autres, mener des consultations, recueillir des données et effectuer des analyses. Nos autres invités l’ont suggéré; le ministère des Finances devrait mener ce travail relativement aux circonstances économiques du jour dictant le niveau d’imposition.

Je suis curieux de connaître la valeur ajoutée de cette nouvelle entité. Vous y êtes favorables, n’est-ce pas?

Mme Rahmati : En effet. À mon avis, on constate que la transition vers une économie carboneutre exige la participation aux décisions de nombreux ministères différents. Il y a les ministères des Finances, fédéral et provincial, Ressources naturelles, Environnement et Changement climatique. Selon nous, il importe d’avoir une entité qui peut rassembler toutes ces voix et prendre ces décisions, plutôt que de mener ce travail séparément.

Madame Walsh, vous avez peut-être quelque chose à ajouter.

Mme Walsh : Oui. Nous défendons ardemment cette idée entre autres parce que la transition vers une économie faible en carbone ou décarbonée est une période de grande transformation pour notre économie. Un grand nombre des membres que nous représentons travaillent dans le secteur traditionnel du pétrole et du gaz. Ils sont inquiets. Quand on parle d’« économie sans carbone », ils craignent que cela veuille dire « économie sans emplois » et qu’ils perdront leurs emplois bien rémunérés qui leur assurent un régime de retraite, des avantages sociaux et un mode de vie confortable pour leur famille.

Nos gens de métier du secteur pétrolier et gazier ont beaucoup de compétences transférables qui peuvent servir à élaborer de nouvelles technologies, des technologies propres, comme le captage et le stockage de carbone, l’hydrogène et les projets de gaz naturel liquéfié. Afin de nous assurer d’optimiser l’utilisation des compétences existantes et de cerner les lacunes pour faire la transition vers de nouveaux emplois, quelles sont les formations supplémentaires nécessaires? Le secteur public et la collecte de données sont importants, certes, mais il compte aussi d’écouter les directeurs de formation qui sont sur le terrain, les experts du secteur qui connaissent et comprennent les compétences qui seront requises pendant la transition. Le Secrétariat des emplois durables offre l’occasion en or de mobiliser les gens qui travaillent au quotidien dans le secteur et de les consulter de manière significative.

Le sénateur Shugart : Eh bien, au fil de vos échanges avec le gouvernement et de la mise sur pied de cet organisme, je vous encourage à insister sur l’efficacité. Toutes les questions que vous avez soulevées sont entièrement valables et il faut y répondre. La manière la plus sûre d’éliminer le cloisonnement est de faire collaborer les personnes qui travaillent entre cloisons directement les unes avec les autres, pas de les contourner en créant une nouvelle structure. Je voulais vous faire part de ce point de vue. Merci.

La sénatrice Duncan : Je remercie infiniment les témoins.

J’ai plusieurs questions, mais j’aimerais poser les premières à M. Hannah et à Me Mason, du secteur bancaire, si vous le permettez.

D’abord, vous avez distribué ce livre, Canadian Banking Basics, à tous les sénateurs. Merci beaucoup. C’est un excellent outil. J’ai offert mon exemplaire à Yukon Learn, un organisme de littératie au service de tous les Yukonnais.

Cela étant dit, j’aimerais aussi discuter de la situation dont il est question. Nous étudions un amendement du projet de loi d’exécution du budget. Avant d’y venir, j’aimerais faire remarquer que 10 % des Canadiens ne font pas de déclaration de revenus. Canadian Banking Basics pourrait être suivi de Comment faire votre déclaration de revenus et nous pourrions aborder la Loi de l’impôt sur le revenu.

La situation dont nous parlons ce soir concerne le fait que le ministère des Finances a été décrié pour un enjeu très précis : la rétroactivité. C’est l’enjeu clé de cet amendement. Je ne suis ni économiste ni banquière professionnelle. Je suis une ancienne politicienne et je sais très bien comment frapper à la porte des gens. Bien franchement, je ne connais aucun Canadien qui dira que les banques ne devraient pas rembourser 200 millions de dollars au gouvernement.

Que faire de cet enjeu, alors? La législatrice que je suis se demande s’il s’agit d’une erreur de rédaction ou d’un élément qui a échappé à tous; s’il s’agit du ministère des Finances ou de l’Agence du revenu du Canada, l’ARC. Où est le véritable problème? Vous nous avez suggéré un amendement et nous pourrions faire une observation. Que pourrait-on faire d’autre? Avez-vous songé à une autre solution pour résoudre le différend? Vous serait-il possible de parler à la ministre des Finances et à la ministre responsable de l’ARC? Avez-vous tenté de le faire? Songez-vous à cette option?

M. Hannah : Sénatrice, merci pour la question. Je dirai deux choses. D’abord, quand le projet de loi a été présenté, nous avons discuté avec le ministère des Finances. Il ne s’est pas montré réceptif et nous a indiqué clairement qu’il irait de l’avant avec cette mesure.

En ce qui concerne l’ARC, elle avait déjà commencé à se conformer à la décision. Elle commençait déjà à octroyer des remboursements. Voilà pourquoi nous avons été abasourdis quand le projet de loi a été présenté sans qu’il y ait eu de consultations, car tous les signaux avaient indiqué le contraire.

La sénatrice Duncan : Il est impératif que la ministre responsable de l’ARC et la ministre des Finances se parlent. Si vous finissez par faire le remboursement, peut-être pourriez-vous produire un livret sur la Loi de l’impôt sur le revenu et faire des suggestions sur la manière d’utiliser cette somme.

Alors, nous sommes dans un cul-de-sac, d’après ce que vous dites, et aucune autre communication n’est prévue avec le ministère ou la ministre des Finances ni avec la ministre responsable de l’ARC. Est-ce exact?

M. Hannah : Madame la sénatrice, nous comparaissons devant votre comité aujourd’hui pour demander votre aide et pour vous faire part de notre perspective et de ce qui, selon nous, doit être fait. Nous croyons que ce changement est réaliste. Selon nous, l’amendement est minime, mais il est important et il changera la donne.

La sénatrice Duncan : Merci.

J’aimerais adresser ma prochaine question à l’industrie de la construction.

Tout d’abord, j’appuie de tout cœur la déduction pour outils et l’augmentation. À mon arrivée ici, j’ai aussi discuté avec le gouvernement, et nous avons abordé la Loi d’exécution du budget qui édictait la Loi fédérale sur le paiement rapide des travaux de construction. C’était en 2019, dans le projet de loi C-97. Cette loi n’a toujours pas été proclamée.

L’industrie de la construction poursuit-elle ses efforts de sensibilisation pour le paiement rapide des travaux de construction? Si vous désirez répondre au comité par écrit, je vous en serais extrêmement reconnaissante, et je suis persuadée que le président vous donnera une date butoir. Merci.

Mme Walsh : Je vous remercie de la question. Oui, nous avons toujours dans notre mire de faire adopter cette loi. C’est toujours un enjeu dans l’industrie de la construction, et nous ne voulons aucunement que les travailleurs portent ce fardeau. Nous pourrons vous revenir à ce sujet.

La sénatrice Duncan : Merci.

Le président : Nous donnons la parole au parrain du projet de loi C-47, le sénateur Loffreda.

Le sénateur Loffreda : Je remercie nos témoins d’être parmi nous tard en soirée.

Je vais poursuivre la discussion avec M. Hannah et Me Mason. Comme je l’ai mentionné, j’ai passé de nombreuses années dans le secteur bancaire — près de quarante ans —, alors je connais bien le milieu. La situation actuelle est fâcheuse. Personne ne contestera le fait que notre appareil judiciaire devrait être indépendant. Les taxes rétroactives ne sont jamais acceptables, pas plus qu’un retard de deux ans.

J’ai demandé des explications aux fonctionnaires du ministère des Finances aujourd’hui, au Comité des banques, et je crois que mes collègues pourraient le confirmer. En tant que parrain, j’ai à tout le moins posé des questions difficiles au témoin. Ses réponses étaient très éloquentes. Elle a répondu de façon appropriée. Elle s’appelle Mme Riddell. Je vous invite à consulter la transcription, qui sera publique, et à nous répondre par écrit si vous le souhaitez.

J’ai quelques questions. S’il n’y avait eu aucun retard et que l’amendement avait été légiféré tout de suite après les procédures judiciaires — et qu’il était bien appliqué de façon prospective —, l’appuieriez-vous sans réserve? Vous pouvez répondre par un simple oui ou non.

M. Hannah : Est-ce que je... pour revenir à ce que je disais tout à l’heure...

Le sénateur Loffreda : L’appuieriez-vous pleinement?

M. Hannah : Désolé. Répétez la question.

Le sénateur Loffreda : S’il n’y avait eu aucun retard dans les procédures judiciaires — si la décision CIBC avait été rendue sans retard —, que le texte de loi était entré en vigueur et que la taxe avait été appliquée après coup, auriez-vous pleinement approuvé cette taxe?

M. Hannah : Sans l’enjeu de la rétroactivité, serais-je ici aujourd’hui? Non, je ne serais pas ici aujourd’hui.

Le sénateur Loffreda : Vous appuieriez la taxe sans réserve, n’est-ce pas? Le gouvernement a le droit de taxer ce qu’il croit...

M. Hannah : Le gouvernement a le droit de taxer ce que bon lui semble de façon prospective. Nous sommes ici en raison de la rétroactivité.

Le sénateur Loffreda : C’est ce que je voulais savoir. Je vous remercie.

Je m’y perds un peu quant à la définition de « services financiers », car Me Mason en a donné une, et vous en avez donné une autre. Mais je saisis maintenant votre position sur la taxe : vous l’appuieriez pleinement à l’avenir. Le gouvernement est en droit de définir les « services financiers » comme il le fait — je parle de la définition dans la Loi de l’impôt sur le revenu. La décision revient au gouvernement. Nous avons discuté du fait que les parlementaires devraient être responsables de... Quoi qu’il en soit, ce sera une discussion pour une autre fois.

J’aimerais aussi entendre votre avis, parce que c’est important pour les Canadiens et pour tous. Lorsque j’ai mis Mme Riddell sur la sellette aujourd’hui, et lorsque mes collègues en ont fait autant, sa réponse était quelque peu différente de la vôtre. J’étais satisfait de sa réponse. Nous allons faire une observation. Il faudrait la présenter. J’en conviens.

Elle a toutefois mentionné que, sans rétroactivité, les banques empocheront des sommes exceptionnelles. Au bout du compte, si les banques s’enrichissent, les contribuables canadiens doivent payer le prix. Elle a dit croire — et j’étais satisfait de sa réponse — que la communication a été maintenue pendant tout le processus, que les banques auraient dû s’attendre au changement et ne pas être surprises. Elle a fait référence aux communiqués de presse et à la réglementation. Elle s’était bien préparée pour la réunion de cet après-midi. Elle était fin prête.

J’aimerais poser une question. Vous représentez 60 banques. Vous avez affirmé que vos membres n’étaient pas du tout au courant du changement, mais je suis persuadé que les 195 millions de dollars — la majeure partie de la somme — ne seront pas payés par la totalité des 60 banques. Les grandes institutions financières ont-elles été consultées? Sont-elles au courant de ce qui s’en vient? Comme j’ai travaillé dans le secteur bancaire pendant près de 40 ans, je peux vous dire que, parfois... Et je lui ai posé la question directement. Je lui ai demandé : « Pourquoi n’avez-vous pas communiqué avec les banques pour leur dire que la pratique n’était pas permise, acceptable? » Quand je travaillais dans le secteur, nous recevions des messages et, mon Dieu, la seule mention des organismes de réglementation, du BSIF — j’ai passé ma carrière dans le volet des prêts —, nous faisait trembler. Le BSIF, le Bureau du surintendant des institutions financières, était tellement important. Les organismes de réglementation étaient tellement importants. J’ai donc été vraiment étonné que les organismes ne communiquent pas l’information aux banques. Mme Riddell a dit qu’ils ont communiqué l’information.

Par conséquent, êtes-vous certains — je vous pose la question — que, si la majeure partie des 195 millions de dollars est défrayée par deux, trois, quatre ou cinq banques, ces dernières n’ont pas été consultées? Aucune communication n’a eu lieu avec ces banques? La surprise était-elle totale?

M. Hannah : Monsieur le sénateur, mes membres me disent qu’il n’y a eu aucune communication, que le changement a causé tout un émoi et que l’ARC avait déjà commencé à le mettre en œuvre.

Bien franchement, monsieur le sénateur, je travaille pour l’Association des banquiers canadiens depuis 23 ans. Je suis fier de dire que j’ai comparu devant des comités parlementaires près de 30 fois, y compris devant celui-ci à de nombreuses reprises. Depuis près de 20 ans, je me penche par intermittence sur des questions liées à la TPS. Jamais je n’ai vu de réaction aussi forte, négative et répandue que celle que cette mesure a provoquée.

Le sénateur Loffreda : Ainsi, le témoignage de Mme Riddell... Je vous invite à le consulter et à voir ce qu’elle a mentionné cet après-midi. Je saisis ce que vous dites, je comprends tout à fait. Je vous remercie de votre réponse.

Le président : Veuillez vous en tenir à une dernière question courte, monsieur le sénateur.

Le sénateur Loffreda : Je peux sans problème poser une dernière question courte.

Je pourrais vous poser une dernière question brève, mais j’avais dit que je poserais une courte question aux Syndicats des métiers de la construction du Canada, alors c’est ce que je ferai.

Madame Walsh, les prestations prévues dans la loi aideront‑elles à atténuer les pénuries de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction? Je vous serais reconnaissant de fournir tout autre commentaire, ainsi que des renseignements à jour à ce propos, étant donné l’augmentation des coûts, l’inflation et les prix inabordables des logements qui nous causent des soucis. Vous avez mentionné que l’immigration pourrait être la solution. J’accueillerais tout autre fait, explication ou commentaire. Merci.

Mme Walsh : Je suis désolée, monsieur le sénateur. Je n’ai pas entendu le début de votre question. Avez-vous dit « loi »?

Le sénateur Loffreda : Oui, je parlais de la Loi d’exécution du budget. Y trouve-t-on des prestations supplémentaires pour les travailleurs qui aideraient à atténuer les pénuries dans l’industrie de la construction? En d’autres mots, comment cette loi influera-t-elle sur l’industrie? Aidera-t-elle à augmenter le nombre de ressources et de travailleurs et à réduire les pénuries que nous voyons dans tout le pays?

Mme Walsh : Je vous remercie de la question.

On retrouve dans la Loi d’exécution du budget moins de mesures que dans l’intégralité du budget. ConstruForce Canada vient de publier des chiffres. Le taux de chômage actuel est le plus faible jamais enregistré depuis 1976. Nous sommes confrontés à des problèmes de disponibilité de la main-d’œuvre dans tout le pays, et il nous faut absolument remédier à la situation. Rita Rahmati en a glissé un mot tout à l’heure lorsqu’elle a décrit nos efforts pour accroître l’immigration pour les métiers spécialisés en particulier.

Nous devons en faire davantage pour appuyer nos travailleurs — pour les attirer et les maintenir en poste dans l’industrie de la construction — afin de remédier aux pénuries de main-d’œuvre. Nous prévoyons que, en dépit de nos plus grands efforts et de nos initiatives entourant les formations d’apprentis, la formation et le perfectionnement de la main-d’œuvre, il nous manquera 61 000 travailleurs d’ici 2032. Il faut remédier très rapidement aux pénuries actuelles. Il faut beaucoup de temps pour attirer des travailleurs et les maintenir dans le système de formations d’apprentis, et c’est à ce sujet que nous aimerions voir des changements en immigration.

Madame Rahmati, je ne sais pas si vous voulez renchérir sur ma réponse.

Mme Rahmati : J’ajouterais que, dans les budgets antérieurs — soit en 2022 —, on prévoyait le programme du Service d’apprentissage et le doublement du Programme pour la formation et l’innovation en milieu syndical, ou PFIMS. Ce sont là des mesures d’appui qui nous ont grandement ravis, et nous espérons en voir d’autres similaires dans les prochaines années. En ce qui a trait à la Loi d’exécution du budget, il reste du travail à faire.

Le sénateur Loffreda : Merci.

La sénatrice Marshall : La question s’adresse aux Syndicats des métiers de la construction du Canada. L’an dernier, la déduction pour la mobilité de la main-d’œuvre a été adoptée et elle était déductible d’impôt. Je suis simplement curieuse de savoir si vous savez dans quelle mesure les travailleurs s’en sont prévalus et aussi quelle a été votre expérience avec l’Agence du revenu du Canada. Elle est connue pour pincer les cibles les plus faciles et pour s’en prendre aux particuliers plutôt qu’aux contribuables aisés et aux grandes sociétés. Si vous détenez des renseignements à ce sujet, je souhaiterais grandement les entendre. Puis, s’il me reste du temps, j’aurai une deuxième question.

Mme Rahmati : Je vous remercie de la question. La fin de la saison des impôts étant maintenant derrière nous, nous sommes fiers de dire que, pour la première fois, nos membres ont pu se prévaloir de cette déduction. Nous avons mené une campagne d’envergure pour nous assurer que nos membres étaient au courant de cette nouvelle prestation et qu’ils comprenaient les exigences quant à l’admissibilité puisqu’elles sont très précises. Nous voulions aussi veiller à ce que tous ceux qui l’ont demandé y avaient bien droit.

Je n’ai pas de statistiques quant au pourcentage de nos membres qui s’en sont prévalus ou quant aux montants qu’ils ont reçus, mais je crois que notre organisation aimerait étudier la mesure plus en détail afin de déterminer si c’est le type d’appui qu’il faudrait prolonger. Si nous recueillons de tels renseignements, nous veillerons à vous les transmettre.

La sénatrice Marshall : Merci. Ma question est complémentaire à celle du sénateur Shugart. Dans le cadre de tous les programmes créés par le gouvernement... Des crédits d’impôt sont offerts, et on s’assure que les salaires courants sont payés et que les prestations sont versées. Je sais que vous avez parlé de l’établissement d’un secrétariat. Mon collègue a mentionné que la responsabilité devrait relever de la fonction publique.

Peu importe la façon dont le régime serait créé, avez-vous réfléchi à la façon dont il serait régi et surveillé? J’ai l’impression que ce ne sera pas une mince affaire. Avez-vous réfléchi à la façon dont vous régirez un tel système ou, bien honnêtement, à la façon dont vous maintiendrez l’ordre?

Mme Rahmati : À titre de précision, était-ce aussi une question pour nous? Oui. D’accord, parfait.

Oui, absolument. Ce sera un élément de base du salaire en vigueur. En fait, j’ai une rencontre demain avec le ministère des Finances sur le point précis afin de voir comment cette base de données sera mise sur pied afin de définir le salaire en vigueur et la façon dont le programme fonctionnera dans diverses provinces. Ce sera un peu complexe. D’après ce que j’ai entendu jusqu’à présent, le gouvernement effectuera plus de consultations cet été au sujet de ces éléments. C’est en partie pourquoi ces éléments du budget ne figurent pas dans le projet de loi d’exécution du budget; il y aura peut-être un projet de loi déposé cet automne.

Vous avez tout à fait raison : ce sera un élément important qui permettra de faire les choses correctement. Nous espérons être des partenaires et participer à la conversation afin de fournir tout le soutien possible pour faire en sorte que tout se passe adéquatement.

La sénatrice Marshall : Le programme n’a pas encore été complètement élaboré?

Mme Rahmati : C’est exact.

[Français]

Le sénateur Forest : Monsieur Hannah, je veux m’assurer d’avoir bien compris vos remarques d’introduction. Vous réclamez que notre rapport recommande le retrait de la clause de rétroactivité dans le projet de loi C-47. Cela aurait pour effet de priver le gouvernement de plusieurs centaines de millions de dollars. Nous n’avons pas le chiffre exact. Si l’on disait que l’on règle la clause de rétroactivité pour 300 millions de dollars, votre association serait-elle d’accord?

[Traduction]

M. Hannah : Je suis désolé, je ne comprends pas tout à fait la question.

[Français]

Le sénateur Forest : Vous nous demandez de retirer du projet de loi la clause de rétroactivité. Si le gouvernement décidait de régler la question et offrait un montant forfaitaire de 300 millions de dollars, votre association serait-elle d’accord?

[Traduction]

M. Hannah : Ce que je dirais, sénateur, c’est que c’est principalement en raison de nos préoccupations relatives à l’imposition rétroactive que nous témoignons aujourd’hui. Aimons-nous l’idée de payer des impôts supplémentaires après les quelque 6 milliards payés au titre du dividende pour la relance au Canada et l’impôt sur les institutions financières? Non. Toutefois, nous sommes ici aujourd’hui à cause des questions liées à la rétroactivité.

[Français]

Le sénateur Forest : D’accord, merci.

[Traduction]

Le sénateur Gignac : Merci. Je vais poursuivre avec M. Hannah. Comme mon collègue et parrain du projet de loi l’a fait remarquer, la rétroactivité constitue une source de préoccupation pour le comité. Par ailleurs, il s’agit d’un projet de loi de mise en œuvre du budget, alors ce n’est pas facile pour nous.

Je sais que vous avez reçu l’appui de l’Association du Barreau canadien. Corrigez-moi si je me trompe, mais le Groupe Desjardins et d’autres institutions financières non bancaires seraient touchés par cette mesure. Connaissez-vous leur position? Avez-vous sondé le terrain auprès de ces institutions pour savoir si elles partagent la même position que vous à cet égard? Il serait utile que le comité sache si les institutions financières non bancaires au Canada — en particulier le Groupe Desjardins, qui pourrait avoir une incidence sur 20 millions de personnes, puisqu’il s’agit de la plus importante institution financière au Québec — ont quelque chose à dire sur la question. Je ne pense pas que nous ayons reçu quelque commentaire que ce soit de notre côté.

M. Hannah : Je n’ai pas parlé directement avec Desjardins. Je vous inviterais certainement à en inviter des représentants afin de discuter de la question. Je serais fort étonné que leurs points de vue soient très différents.

Sachez que nous avons discuté directement avec un certain nombre de marchands qui s’interrogeaient à ce sujet; ils ne sont pas membres de l’Association, mais ils se sont adressés directement à nous à ce sujet. Ils sont inquiets parce que cette mesure les touche, car elle s’applique rétroactivement et que cela touche directement leurs entreprises. Les conséquences vont bien au-delà des banques; la mesure a des répercussions que toute personne qui s’occupe de la délivrance de cartes de crédit ou de l’acceptation de cartes.

Le sénateur Smith : J’aimerais poser une autre question aux témoins des Syndicats des métiers de la construction.

Vous avez indiqué plus tôt que votre organisation réclame également du soutien pour les travailleurs du secteur de l’énergie qui sont touchés par la transition vers une économie verte. Le gouvernement a annoncé des milliards de dollars en crédits d’impôt pour le développement de technologies propres, l’exploration des minéraux critiques et la prolongation de la réduction des taux d’imposition pour les revenus tirés de la technologie sans émissions.

À votre avis, le gouvernement fédéral en fait-il assez pour soutenir les travailleurs du secteur de l’énergie alors qu’il redouble ses efforts de transition dans les industries qui émettent beaucoup de carbone? Où en est la transition? En est-elle au tout début ou est-elle partiellement en route? Si vous pouviez nous dire ce qu’il en est, cela nous serait utile.

Mme Rahmati : Je vous remercie de votre question. C’est quelque chose qui nous préoccupe considérablement en ce moment. En fait, nous avons tenu notre conférence la semaine dernière, réunissant des membres des métiers de la construction de toutes les régions du pays. Le sujet principal de la conférence était la transition vers une économie à zéro émission nette.

Je dirais que nous avons commencé la transition. Comme nous l’avons dit dans nos observations, nous sommes maintenant en chemin, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Nous n’avons toujours pas vu de projet de loi sur la transition équitable. On nous dit qu’il sera déposé au printemps ou à l’automne. Nous sommes impatients de voir ce projet de loi et les mesures qu’il comprendra pour soutenir nos membres.

Nous pensons également que d’autres mécanismes qui existent déjà peuvent être utilisés, comme le programme d’assurance-emploi, potentiellement, afin de soutenir les membres des Syndicats des métiers de la construction et les travailleurs du secteur de l’énergie traditionnel qui doivent se recycler ou déménager pour le travail. C’est pourquoi nous pensons que des mesures comme le crédit d’impôt pour la mobilité de la main-d’œuvre qui a été adopté l’an dernier pourraient être utiles, mais on pourrait avoir besoin de soutien supplémentaire à la mobilité.

Nous avons aussi besoin de plus de données sur les répercussions sur le marché du travail pour comprendre où les travailleurs sont actuellement dans le secteur de l’énergie, ce que nos besoins énergétiques seront à l’avenir, quelles seront les compétences dont les travailleurs auront besoin pour faire la transition et où ils pourraient devoir se réinstaller.

Ainsi, nous sommes en chemin, mais la route sera longue. Nous devons examiner la question à court et à long terme et travailler en étroite collaboration avec le gouvernement et l’industrie — et donc avec des organismes comme la Pathways Alliance — pour réunir tous les acteurs à une même table.

Le sénateur Smith : À ce stade-ci, est-il trop tôt? Une forme d’insécurité règne-t-elle au sein de la main-d’œuvre alors qu’on fait toutes ces annonces, lance tous ces programmes et annonce tous ces éléments différents?

Mme Rahmati : Oui, certainement. Il y a une certaine inquiétude parmi nos membres, car ils veulent êtres certains de pouvoir mettre de la nourriture sur la table et de ne pas subir des réductions de salaire en raison de la transition. Ils travaillent fort et paient leurs dus. Ils ont fait leur apprentissage et travaillent dans le secteur depuis de nombreuses années, façonnant leur mode de vie et choisissant leur maison en fonction d’un certain salaire et de la région où ils habitent. Ils sont donc fort préoccupés. Nous les avons sondés l’an dernier par l’entremise d’Abacus Data, et nous avons constaté que bon nombre d’entre eux sont préoccupés par la transition. Je pense que Mme Walsh a quelque chose à ajouter également.

Mme Walsh : Oui. Je voulais souligner que les Syndicats des métiers de la construction du Canada font partie des Syndicats des métiers de la construction de l’Amérique du Nord, et que nos homologues américains ont effectué récemment une étude comparant les emplois de l’industrie des énergies renouvelables avec ceux du secteur pétrolier et gazier traditionnel. Nous pourrions transmettre cette étude au comité. Les échelles salariales n’étaient pas les mêmes entre ces industries, raison pour laquelle nous sommes si favorables à la définition d’un salaire en vigueur fondé sur la rémunération des employés syndiqués pour que quand nous investirons dans les nouvelles technologies, les salaires des emplois afférents soient comparables à celui que nos membres gagnent actuellement dans le secteur pétrolier et gazier. Nous nous ferons un plaisir de vous remettre cette étude.

Je dirais qu’il y a une certaine appréhension, car les gens se demandent si les emplois seront comparables au chapitre du régime de rémunération total et des ensembles de compétences qui existent et qui sont exigés. Y aura-t-il suffisamment d’emplois? Quelle sera la durée de ces emplois? Par exemple, dans de nombreux grands projets de sables bitumineux de Fort McMurray, en Alberta, il y a chaque année des fermetures et des réorientations qui leur permettent d’employer des centaines et des milliers de travailleurs. Les gens peuvent compter sur ces emplois.

Par contre, un projet comme la construction d’un champ solaire ne requiert qu’un nombre limité de travailleurs spécialisés pendant une brève période; le champ est ensuite construit. Les gens se demandent avec inquiétude en quoi consistent les emplois, combien de temps ils dureront, quels seront les salaires et quelles sont les occasions qui s’offriront à eux dans ces secteurs.

À cet égard, j’ajouterai également que quand il s’agit d’attirer des gens de l’industrie, les gens — surtout les jeunes, car on a beaucoup parlé de la carboneutralité et de la transition vers une économie verte — ne voient pas toujours les métiers spécialisés comme des emplois verts, alors que cette perception est très éloignée de la réalité. Nous avons des projets enthousiasmants, comme « Bâtir en vert », qui est...

Le sénateur Smith : Excusez-moi, le président me fait signe, madame Walsh. Si vous pouvez nous envoyer quelque chose par écrit, comme vous l’avez proposé plus tôt à la greffière, ce serait fantastique.

Mme Walsh : Bien sûr.

Le sénateur Smith : Merci beaucoup.

La sénatrice Pate : La question suivante s’adresse à Bière Canada et à Spiritueux Canada. Comme vous le savez, en janvier dernier, de nouvelles lignes directrices en matière de santé ont été publiées concernant la consommation d’alcool et sur ce qui est recommandé ou non, précisant notamment qu’aucune quantité d’alcool n’est sécuritaire.

J’aimerais savoir quelles mesures vos organisations prennent en ce qui concerne ces lignes directrices en matière de santé et si vous envisagez d’afficher des mises en garde. Je sais que l’un de nos collègues a un projet de loi d’initiative parlementaire pour encourager les entreprises à faire des mises en garde sur les bouteilles. Est-ce que vous et vos membres êtes aux prises avec d’autres problèmes que nous devrions connaître à ce sujet?

Je tiens à dire — je ne pense pas que cela ait déjà été dit — que la capacité de rebondir témoigne de la réactivité du secteur aux préoccupations en matière de santé, comme l’illustre notamment tout ce qu’il a fait pour tenter d’apporter de l’aide en mettant au point des désinfectants pour les mains et tout le reste pendant la pandémie. Je m’intéresse vivement à ce que vos organisations respectives sont en train de faire.

M. Hélie : Au risque de vous corriger, sénatrice, le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, ou CCDUS, a présenté au gouvernement un rapport que le ministère de la Santé mentale et de la Toxicomanie est en train d’étudier. Ce ne sont pas encore de nouvelles lignes directrices. Nous ferions remarquer à la ministre et au gouvernement que l’examen technique indépendant par des pairs n’a pas encore eu lieu. C’est en quelque sorte l’étape qui devrait faire suite à ce rapport.

Les brasseurs, dont un grand nombre de nos membres, ont, de leur propre chef, décidé d’apposer des étiquettes de mise en garde sur de nombreuses bouteilles, notamment en ce qui concerne la conduite en état d’ébriété et la consommation d’alcool chez les femmes enceintes. Nous examinons d’autres mesures, comme peut-être d’autres ajustements des taux de droit d’accise pour l’alcool et les bières à moins de 4 % d’alcool afin d’encourager les consommateurs à choisir des boissons à faible teneur en alcool. Le gouvernement pourrait peut-être envisager d’imposer un prix minimal national pour l’alcool.

Nous travaillons à de nombreuses initiatives avec les ministères fédéral et provinciaux de la Santé mentale et de la Toxicomanie afin de réduire les méfaits liés à l’alcool. Nous pourrions discuter de la question pendant une réunion entière, si vous le voulez. Je serai ravi de revenir pour en parler.

La sénatrice Pate : D’accord. Je vous remercie de cette mise au point. Ce sont les témoins qui ont parlé de la consommation de substances qui nous ont fourni cette information.

M. Westcott : Nous venons d’avoir une rencontre avec les cabinets de la ministre de la Santé mentale et de la Toxicomanie et du ministre de la Santé, parlant notamment de ce que nous voudrions voir pour être en mesure de mieux communiquer et de fournir de l’information à nos clients. Il y a des obstacles à cet égard, et certains d’entre eux se trouvent au sein même du gouvernement. Une certaine confusion règne à l’intérieur de certains organismes quant à la définition de verre standard. Bien franchement, je pense que les deux cabinets des ministres ont été surpris d’apprendre que cette définition varie. Une définition adoptée par un organisme indique en fait que le verre est deux fois plus grand que le verre standard.

Nous sommes en train de discuter avec eux de façon active. Nous avons de bonnes idées sur la façon d’améliorer les communications et d’obtenir l’information que les gens recherchent, mais il y a des choses qui doivent être réglées au fur et à mesure.

Comme je l’ai indiqué, nous sommes en train de découvrir nous-mêmes certains problèmes. Je pense que les deux ministères ont été étonnés quand nous leur avons présenté ce problème la semaine dernière. Les acteurs sont déterminés à tenter d’aplanir les difficultés pour que nous puissions améliorer les communications, et nous sommes sûrs d’y parvenir.

La sénatrice Duncan : Je vais poser les deux questions suivantes pour qu’elles figurent au compte rendu, et si les témoins peuvent y répondre par écrit, ce serait probablement la meilleure option.

Monsieur Westcott et monsieur Hélie, vous avez indiqué que les taxes forment un pourcentage du prix d’achat de l’alcool. Monsieur Westcott, je crois que vous avez dit que ce pourcentage est de 80 %. Or, je pense qu’il faut également inclure la taxe provinciale et territoriale quand nous lançons ces pourcentages en public, car elle varie d’une région à l’autre du pays. En toute honnêteté, puisque j’ai été ministre des Finances à une époque, ces revenus sont très importants. Pourrions-nous inclure cette information dans les données que vous fournissez au comité?

M. Westcott : Je ferai une simple observation. Dans le cas des spiritueux — je laisserai M. Hélie parler de la bière —, environ 60 % du prix va dans les coffres des gouvernements provinciaux, qui gèrent les régies des alcools qu’ils financent avec ces fonds, alors qu’approximativement 20 % va au fédéral au titre de la taxe d’accise et de la TPS et 20 % va à l’industrie des spiritueux. Je vous remettrai une ventilation détaillée avec plaisir. La situation varie selon les provinces. Dans certaines provinces, le taux est beaucoup plus élevé que dans d’autres.

La sénatrice Duncan : Quelques provinces et territoires affichent des excédents substantiels.

Je demanderais seulement une autre observation écrite de la part des Syndicats des métiers de la construction. Nous avons vu dans les budgets précédents et dans les budgets provinciaux et territoriaux d’importants investissements dans les programmes d’apprentissage, notamment dans les programmes d’apprentissage et de formation destinés aux femmes et aux femmes membres d’associations professionnelles.

Quand vous nous fournissez des renseignements sur les perspectives d’emploi, pourriez-vous aussi nous donner des renseignements sur le nombre de femmes qui travaillent dans les métiers au pays afin que nous puissions déterminer si, oui ou non, ces programmes remportent du succès et savoir quelles recommandations présenter au gouvernement? Pourriez-vous aussi inclure les Autochtones s’ils s’identifient comme tels? Si vous pouviez fournir cette information par écrit, ce serait très utile. Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Hélie, vous avez parlé des réductions de vente de bière en raison des contraintes occasionnées par la pandémie. Vous avez parlé, si j’ai bien compris, d’un recul de 15 % des ventes dans les établissements.

Mes informations sont typiquement québécoises. Je ne sais pas si c’est la même chose partout au Canada, mais je voudrais aborder avec vous la question de la production et de la distribution de bière après la pandémie. Au Québec, depuis au moins un an, certains établissements sont incapables d’obtenir régulièrement les produits qu’ils commandent. Dans certains cas, les brasseurs ne peuvent même pas faire la livraison hebdomadaire d’un minimum de produits, même si ce n’est pas ce qu’ils ont commandé. S’ils n’ont pas de bière, c’est sûr qu’ils ne peuvent pas la vendre. Est-ce que les brasseurs ont diminué leur production, leur inventaire ou leur personnel de livraison afin de mieux faire face au ressac de la pandémie? Dans ce cas, comment faire face à cette situation?

M. Hélie : Merci pour la question. Au Québec, la situation a été particulière en raison de la fermeture d’une grande usine pendant plusieurs semaines. La fermeture était causée par les actions de certains employés. C’était la source du problème dont vous parlez.

Le sénateur Dagenais : C’était la faute des syndicats?

M. Hélie : Non, non, pas du tout.

Le sénateur Dagenais : D’accord, merci.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie encore une fois de votre présence. Ma question s’adresse à M. Hannah et à Me Mason. Je l’ai déjà indiqué que Mme Riddell a répondu à ma question lorsque je l’ai interrogée sur le fait qu’il n’y avait pas de communications avec les banques, demandant notamment pourquoi si le délai est un problème, il n’y a pas de communication entretemps. Pour que l’information figure au compte rendu et vous éviter de vous y référer, je prendrai quelques instants pour revenir sur ce témoignage et donner un aperçu de la situation à mes collègues qui ne participent pas à la réunion du Comité des banques aujourd’hui non plus.

Lorsque j’ai demandé à Mme Riddell pourquoi les fonctionnaires ne communiquent pas avec les banques, elle a répondu qu’ils ont en fait des communications régulières, poursuivant en indiquant ce qui suit :

Souvent, c’est avec l’Association des banquiers canadiens plutôt qu’avec les banques individuelles, mais nous avons des communications régulières avec elles.

Nous sommes également en communications régulières avec le Tax Executives Institute et d’autres organisations fiscales professionnelles. Chaque fois que la question est soulevée — et elle l’est, puisque chaque fois qu’un tribunal rend une décision, les acteurs du milieu nous demandent toujours notre avis —, nous leur indiquons toujours clairement que cette décision ne correspond pas à notre position stratégique.

Le problème quand on est fonctionnaire, c’est à moins que la ministre des Finances ne prenne une décision, on ne peut engager le ministère de quelque manière que ce soit. Nous devons donc faire preuve de doigté en indiquant que ce n’est pas notre position stratégique. Tout fiscaliste travaillant dans le domaine depuis un certain temps comprendra que nous voulons dire que nous penchons pour un amendement rétroactif. C’est le message que nous transmettons à chaque occasion quand nous parlons à des fiscalistes et à l’Association des banquiers canadiens.

Mais c’est aussi loin que nous pouvons aller à titre de fonctionnaires.

J’aimerais pouvoir continuer pendant un instant, monsieur le président, car c’est important. Je veux éclaircir les choses et que l’information figure au compte rendu pour que tous puissent la consulter. Je vous remercie de m’accorder du temps.

Lorsque j’ai posé une autre question, elle a ajouté ce qui suit :

Les banquiers savaient que c’était une possibilité, mais plus que cela, cette décision visait à prévenir les gains excessifs. Quand elle a été rendue, cette décision avait elle-même un effet rétroactif. Sans rétroactivité, la taxe ne se serait pas appliquée au service pendant une longue période de quatre ou cinq ans et les gens qui ont payé la taxe sur ce service par le passé en vertu de contrats négociés sur la foi que la taxe s’y appliquerait pourraient se la faire rembourser.

Puis elle donne un exemple, mais à la fin, elle a déclaré ce qui suit :

Nous savons que ce n’est pas parfait, mais dans l’ensemble, les bénéfices exceptionnels qui auraient pu tomber aux mains des grandes banques dépassent de loin la période de TPS de deux ans que les fournisseurs devront peut-être compenser. Je suis désolée que cela ne soit pas très clair.

Elle a longuement témoigné aujourd’hui devant notre Comité des banques. Comme je l’ai indiqué, c’est la raison pour laquelle je tenais à ce que les choses soient claires et à ce qu’elles figurent dans le compte rendu. En outre, nous tenons toujours à être factuels et précis, et c’est ce qu’il en est. Si vous souhaitez ajouter quelque chose, n’hésitez pas à le faire.

Le président : Monsieur Hannah, avez-vous des observations à formuler par rapport aux propos que vous venez d’entendre?

M. Hannah : Oui. Monsieur le sénateur, le ministère a eu deux ans et demi pour dire quelque chose — quoi que ce soit — à ce sujet. Il a publié 169 communiqués de presse, mais n’a rien dit à cet égard. Lorsqu’on leur demande d’indiquer où ils ont communiqué cette information, ils nous renvoient à un extrait d’un communiqué de presse datant de 1991. Sénateur, j’étais étudiant de premier cycle en 1991, et je ne le suis plus depuis très longtemps.

En outre, quand quelqu’un décrit une mesure de la manière dont elle vient d’être décrite, on en déduit que l’on devrait raisonnablement supposer que c’est ce que le ministère fera parce que c’est ce qu’il fait toujours. Attendez un peu. Vous me dites donc que cette mesure est routinière. Une mesure ne peut pas être à la fois exceptionnelle et routinière. Si elle est exceptionnelle, vous ne devriez pas vous attendre à ce qu’elle soit prise. De plus, à moins qu’il ne soit communiqué que vous allez prendre cette mesure, il ne faut pas croire que cela va se produire, surtout lorsque l’ARC a déjà commencé à se conformer à la décision du tribunal. S’il s’agit d’une mesure routinière, vous violez les principes existants selon lesquels cette mesure ne doit être prise qu’à titre exceptionnel. La mesure ne peut pas être à la fois exceptionnelle et routinière.

Me Mason : Les observations qu’elle a formulées ne tiennent pas la route. Elles ne correspondent pas aux faits qui vous ont été présentés par nous, par l’Association du Barreau canadien et par la conduite qui a eu lieu. Des acquéreurs marchands ont reçu ces remboursements et les ont transmis à leurs clients. Si le signal indiquait très clairement qu’il n’y avait aucune chance que vous puissiez conserver ces remboursements, ils ne les auraient pas transmis. Pourquoi sortiriez-vous de l’argent de votre poche et le donneriez à vos clients si vous saviez que vous deviez le rendre? L’approche selon laquelle nous étions tous censés nous attendre à cela n’est tout simplement pas étayée par les faits.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de vos observations.

Le président : Merci, sénateurs. En tant que président, j’ai été très indulgent ce soir à cause des témoins que nous entendions. Au nom du comité, je tiens à remercier les témoins de leur présence. Vos interventions ont été, sans l’ombre d’un doute, très instructives et révélatrices.

[Français]

Vous avez ouvert plusieurs portes, et c’était aussi très révélateur.

[Traduction]

C’est la raison pour laquelle nous avons accepté que vous témoigniez de ce soir, et le comité vous en remercie. Nous avons un dénominateur commun qui remonte à loin, et je sais, monsieur Hannah, que vous êtes déjà venu ici. Notre dénominateur commun concerne la transparence, la reddition de comptes, la fiabilité et la prévisibilité, si nous voulons améliorer la croissance de notre économie.

Cela dit, avant de lever la séance, je demande aux témoins de bien vouloir remettre leurs réponses écrites à la greffière avant la fin de la journée du mercredi 31 mai 2023. Avons-nous votre accord à ce sujet? Je vous en remercie.

Honorables sénateurs, notre prochaine réunion aura lieu le mardi 30 mai, à 9 heures, pour nous permettre de poursuivre notre étude du projet de loi C-47. Merci à tous et bonne soirée.

(La séance est levée.)

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