LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 16 mai 2022
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 heures (HE), avec vidéoconférence, pour effectuer une étude sur l’immigration francophone en milieu minoritaire.
Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Avant de commencer, j’aimerais rappeler aux sénateurs ainsi qu’aux témoins qu’ils sont priés de mettre leur micro en sourdine en tout temps, à moins que le président leur donne la parole.
Si vous éprouvez des difficultés techniques, notamment en matière d’interprétation, veuillez le signaler au président ou à la greffière et nous nous efforcerons de résoudre le problème.
Les participants doivent être conscients qu’ils doivent participer à la réunion dans une zone privée et être attentifs à leur environnement.
Nous allons maintenant commencer officiellement notre réunion.
Je m’appelle René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis président du Comité sénatorial permanent des langues officielles.
J’aimerais vous présenter les membres du comité qui participent à cette réunion : la vice-présidente du comité, la sénatrice Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Raymonde Gagné, du Manitoba, membre du comité directeur; le sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec, lui aussi membre du comité directeur; la sénatrice Bernadette Clement, de l’Ontario; la sénatrice Lucie Moncion, aussi de l’Ontario; la sénatrice Marie-Françoise Mégie et le sénateur Pierre Dalphond, tous deux du Québec; le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick. Nous avons également parmi nous aujourd’hui la sénatrice Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.
Je vous souhaite la bienvenue, chers collègues, ainsi qu’aux téléspectateurs de tout le pays qui nous regardent. Je tiens à souligner que les terres à partir desquelles je vous parle font partie du territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
[Traduction]
Nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur l’immigration francophone en milieu minoritaire.
Nous avons le plaisir d’accueillir l’honorable Sean Fraser, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, qui sera avec nous jusqu’à 18 heures. Il est accompagné de trois de ses fonctionnaires qui participent également à la réunion par vidéoconférence : Mme Caroline Xavier, sous-ministre par intérim; Mme Catherine Scott, sous-ministre adjointe, Établissement et intégration; et Mme Marie-Josée Dorion, directrice générale par intérim, Planification et rendement des opérations.
Bienvenue à notre comité, monsieur le ministre, et merci d’être des nôtres. Nous allons maintenant entendre vos observations préliminaires qui seront suivies des questions des sénateurs. À vous la parole, monsieur le ministre.
L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Merci non seulement de m’accueillir ce soir, mais aussi de vous être montrés conciliants à l’égard des difficultés techniques que nous avons éprouvées lors de ma dernière tentative de comparution. Comme vous l’avez mentionné, il devrait y avoir sous peu un vote à la Chambre des communes. Je vais faire de mon mieux pour limiter les inconvénients que cela pourrait vous causer.
[Français]
Assurer la promotion de la langue française par l’immigration continue d’être une priorité pour notre gouvernement.
[Traduction]
Notre gouvernement reconnaît que l’immigration renforce la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire partout au pays et qu’elle contribue au poids démographique de ces communautés.
[Français]
Grâce à la stratégie d’immigration francophone d’IRCC, nous nous efforçons d’atteindre notre objectif de 4,4 % d’immigrants francophones à l’extérieur du Québec d’ici à 2023.
Nous avons fait progresser cette stratégie par une promotion et un recrutement ciblés à l’étranger, ainsi qu’en offrant des voies d’accès déterminées au Canada pour les résidents temporaires francophones.
[Traduction]
Cette cible a été établie en consultation avec des intervenants communautaires. Notre stratégie a déjà fait ses preuves en contribuant à la hausse des admissions d’immigrants francophones. Les admissions d’immigrants francophones à l’extérieur du Québec sont ainsi passées de 2,82 %, en 2019, à 3,61 %, en 2020, ce qui constitue aussi une augmentation par rapport aux niveaux de 2017 et de 2018.
Les prévisions établies en 2020 indiquaient qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) allait atteindre — et même dépasser — sa cible d’ici 2023, mais la fermeture des frontières en raison de la pandémie a ralenti l’arrivée de tous les nouveaux venus souhaitant s’établir au Canada, et notamment des résidents permanents francophones, dont bon nombre proviennent de l’étranger.
[Français]
Durant la pandémie, nous avons continué à renforcer les stratégies en matière d’immigration francophone en mettant en place des initiatives ciblées, comme la création du volet réservé aux résidents permanents d’expression française, dans le cadre de voies d’accès temporaires à la résidence permanente s’adressant aux travailleurs essentiels et aux étudiants étrangers au Canada.
[Traduction]
Par le truchement de la Voie d’accès de la résidence temporaire à la résidence permanente, nous avions traité et approuvé, en date du 6 mai dernier, plus de 7 000 demandes. Il y avait aussi des volets réservés aux candidats francophones et bilingues qui ne comportaient pas de limites quant au nombre d’immigrants.
IRCC continue de travailler pour atteindre la cible de 4,4 % en tirant parti de plusieurs outils, y compris l’attribution de points supplémentaires aux candidats francophones et bilingues dans le cadre du système Entrée express en 2020, ainsi que l’amélioration des activités de promotion au Canada et à l’étranger. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de contribuer à cet effort de promotion lors d’une récente visite en France.
Mon ministère mène également pendant toute l’année des activités de promotion ciblées, au Canada et à l’étranger, afin d’étendre le bassin de candidats francophones et bilingues qualifiés. En 2021, plus de 450 activités de promotion de l’immigration francophone ont eu lieu au Canada, en plus de 277 autres à l’étranger, auprès de publics comme les employeurs, les agences de développement communautaire et économique et les établissements d’enseignement désignés.
[Français]
J’ai récemment participé à un événement promotionnel francophone à Paris, en France. J’ai parlé à des personnes intéressées à venir au Canada pour travailler ou étudier, et j’ai expliqué pourquoi le Canada continue d’accorder de l’importance à l’immigration francophone dans tous les pays.
[Traduction]
Compte tenu du virage vers des activités de promotion davantage en mode virtuel, on peut maintenant avoir accès à un bassin élargi de talents francophones ou bilingues au Canada et à l’étranger.
La 17e édition du Forum sur la mobilité de Destination Canada a été tenue virtuellement en novembre 2021. Un nombre sans précédent de demandes de participation a alors été enregistré, avec plus de 178 000 demandes provenant de plus de 180 pays et plus de 4 000 offres d’emploi affichées.
Grâce à cet engagement en ligne, nous pouvons être sûrs que notre message précisant que les nouveaux arrivants francophones sont en demande et sont les bienvenus dans toutes les régions du Canada commence à atteindre les personnes qui doivent l’entendre.
[Français]
Attirer les gens n’est toutefois qu’une étape de la stratégie. Une fois que les gens sont arrivés au pays, ils ont besoin de se sentir soutenus et confiants pour s’installer dans leur nouvelle vie.
[Traduction]
En 2019, nous avons créé le Parcours d’intégration francophone, qui offre un soutien ciblé aux nouveaux arrivants francophones avant leur arrivée, et jusqu’à l’obtention de leur citoyenneté. Il permet aussi de s’assurer que les nouveaux arrivants de tout horizon linguistique sont au fait des services offerts et des possibilités pour eux de s’établir dans des communautés francophones de tout le pays, et non seulement du Québec.
Le parcours est mis en œuvre par des organisations francophones selon l’approche « par et pour les francophones », qui renforce la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire à l’échelle du Canada.
L’Initiative des communautés francophones accueillantes d’IRCC est une autre composante salutaire de notre programme d’établissement. Cette initiative donne aux communautés francophones en situation minoritaire l’occasion d’accroître leurs capacités grâce à de nouveaux centres du Programme d’aide à la réinstallation, à des plans de partenariat communautaire visant l’établissement de réfugiés et à de l’orientation sur le parrainage privé de réfugiés.
Dans le cadre de notre Plan d’action pour les langues officielles, nous investissons en outre 40,8 millions de dollars sur une période de cinq ans. Cela comprend des montants de 36,6 millions de dollars pour des initiatives qui appuient la consolidation du Parcours d’intégration francophone, et de 4,2 millions de dollars pour l’élaboration de politiques horizontales sur l’immigration francophone, la gouvernance des langues officielles et la collaboration fédérale-provinciale/territoriale.
[Français]
En conclusion, nous savons que l’immigration francophone est importante d’un océan à l’autre. Les deux langues officielles du Canada font partie de notre histoire et de notre identité et, en tant que Canadiens, notre gouvernement et IRCC continueront de protéger et de promouvoir la langue française par le biais de notre stratégie d’immigration francophone.
[Traduction]
J’espère avoir pu donner au comité une bonne idée de ce que fait mon ministère pour offrir aux nouveaux arrivants des mesures les incitant à s’établir dans des communautés francophones en situation minoritaire, tant au Québec qu’ailleurs au Canada.
Nous demeurons résolus à faire en sorte que l’établissement dans les communautés francophones en situation minoritaire soit une expérience positive pour les nouveaux arrivants.
[Français]
Nous continuerons de travailler avec les provinces et les territoires et les parties prenantes francophones, y compris la FCFA, pour atteindre nos objectifs.
Le président : Merci beaucoup de votre déclaration d’ouverture. Nous allons maintenant passer à la période des questions. Comme d’habitude, j’invite les sénatrices et les sénateurs à utiliser la fonction « lever la main ».
Les sénateurs présents dans la salle peuvent signaler leur intention à la greffière. N’hésitez pas à attirer notre attention si nous ne vous confirmons pas que vous avez été inclus dans la liste. Conscient du temps limité dont nous disposons, j’accorderai donc cinq minutes par question, y compris la question et la réponse. Nous allons commencer un premier tour de questions avec la vice-présidente du comité, la sénatrice Poirier.
La sénatrice Poirier : Merci, monsieur le ministre, d’être avec nous et d’avoir accepté notre invitation.
Depuis le début des années 1990, l’accroissement migratoire des principales sources de croissance de la population canadienne dépasse largement l’effet de l’accroissement naturel.
En 2017 et 2018, 80 % de l’accroissement de la population canadienne était attribuable à l’immigration.
Selon vous, est-ce que l’immigration est le facteur principal du maintien du poids démographique des communautés de langue officielle en situation minoritaire?
M. Fraser : La réponse dépend de la définition de ce qu’est une communauté en situation minoritaire. Il y a une autre possibilité. Il y a une forte croissance chez les communautés autochtones. L’immigration est effectivement l’un des facteurs les plus importants pour la croissance démographique.
La sénatrice Poirier : Monsieur ministre, aidez-moi à comprendre le point de vue du gouvernement. L’immigration est le facteur principal qui favorise l’accroissement de la population canadienne, mais ce facteur ne contribue pas au maintien du poids démographique de la communauté de langue officielle en situation minoritaire. Les deux sont interdépendants. Pourquoi votre gouvernement les considère-t-il de manière séparée?
M. Fraser : Selon moi, il y a deux enjeux. Le premier est un défi économique et démographique. L’immigration est un facteur essentiel pour améliorer notre économie partout au pays.
Il est important d’accueillir beaucoup de jeunes familles et, pour assurer le succès de notre économie, il faut axer nos efforts sur l’embauche de travailleurs étrangers.
L’autre enjeu qui est très important, c’est que le gouvernement ne veut pas limiter le nombre de nouveaux arrivants ni leur fermer les portes. Il est essentiel d’augmenter le nombre de nouveaux arrivants francophones en même temps que le nombre de nouveaux arrivants, en général, qui arrivent au Canada.
Le président : Monsieur le ministre, nous avons de la difficulté à vous entendre.
[Traduction]
M. Fraser : J’essaie simplement de vous dire que l’immigration est essentielle pour notre économie et pour nous permettre de relever certains défis démographiques associés au vieillissement de la population. Si nous ne voulons pas minimiser l’importance de la culture francophone et des communautés francophones au Canada, nous devons absolument, dans le cadre de nos efforts pour accroître notre population totale — via l’immigration, mais aussi par d’autres moyens —, trouver une manière d’augmenter la proportion d’immigrants francophones. C’est ainsi que nous pourrons garder intacte notre dualité linguistique, une caractéristique essentielle de l’identité canadienne, tout en travaillant à l’atteinte des objectifs fondamentaux que représentent la croissance de notre économie et la gestion du vieillissement de notre population, un défi de taille auquel nous devons nous attaquer.
[Français]
La sénatrice Poirier : J’ai une question complémentaire à vous poser. Le projet de loi C-13 indique que vous devez adopter une politique en matière d’immigration francophone afin de favoriser l’épanouissement des minorités francophones du Canada.
Pouvez-vous nous dire quels changements vous envisagez d’apporter à la politique d’immigration? Est-ce que cette politique inclura les mesures et les indicateurs pour la rétention des nouveaux arrivants dans nos communautés de langue officielle en situation minoritaire?
M. Fraser : Merci de votre question. Je pense que le projet de loi C-13 prévoit de plus grandes possibilités pour notre pays.
[Traduction]
L’élaboration d’une stratégie nationale d’immigration francophone fait partie des engagements inscrits dans ma lettre de mandat. Je ne vais pas vous les répéter, mais certains éléments que j’ai décrits dans mes observations préliminaires vont contribuer à la concrétisation de cet engagement.
[Français]
Nous devons continuer de faire des investissements dans les organisations qui offrent des services d’établissement pour les nouveaux immigrants.
Je suis très heureux qu’on ait mis en place un plus important dispositif dans le projet de loi dans le cadre de la mise en œuvre du budget.
[Traduction]
Ce dispositif nous autorisera une plus grande flexibilité dans la gestion de notre système Entrée express. C’est un changement d’importance qui permettra, aux ministres qui vont me succéder comme à moi-même, d’avoir accès à un outil plus précis pour une sélection mieux ciblée des immigrants pouvant être admis au Canada dans le cadre du système Entrée express. Si nous souhaitons accueillir en priorité des professeurs de français ou des travailleurs de la santé dans certaines régions du pays, nous pourrons ainsi utiliser ce nouveau dispositif nous offrant une plus grande marge de manœuvre à cette fin.
Sans vouloir présumer des résultats finaux du processus de consultation — qui est loin d’être terminé — concernant la nouvelle Stratégie en matière d’immigration francophone que nous allons mettre en place, je peux vous dire que ce sont là des exemples de mesures grâce auxquelles nous allons tout mettre en œuvre pour protéger le poids démographique des francophones de tout le pays au fil de l’accroissement de la population canadienne.
[Français]
La sénatrice Gagné : Bienvenue, monsieur le ministre.
Nous sommes tous d’accord pour dire que la pandémie de COVID-19 a fortement touché le secteur de l’immigration. Je pense que nous avons vu ses effets dans tous les domaines.
Nous savons aussi que le secteur de l’immigration touche directement le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. En plus de la pandémie et de l’engagement du gouvernement à appuyer le développement dans ce secteur, nous avons constaté que la feuille de route d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a été parsemée d’embûches, notamment à ce qui a trait à l’atteinte de la cible de 4,4 % fixée par le gouvernement.
Seriez-vous en mesure de nous parler des obstacles auxquels vous faites face?
M. Fraser : Merci de votre question.
[Traduction]
Je tiens d’abord à vous remercier d’avoir porté à l’attention du comité les difficultés découlant de la pandémie. Il est vrai que les Manitobains sont des gens d’une grande politesse. Vous vous êtes montrée très courtoise en laissant votre collègue prendre la parole à votre place.
La COVID-19 a érigé deux obstacles d’envergure pour le bon fonctionnement de notre système d’immigration. Le premier découle de son impact sur nos activités. Vous savez comme moi que bien des bureaux ont dû, pour des considérations liées à la santé publique, fermer leurs portes à différentes étapes de la pandémie, au Canada comme ailleurs dans le monde. Ce ne sont pas tous les pays qui disposent des capacités dont nous bénéficions au Canada pour permettre le travail à domicile, ce qui a causé de graves difficultés, particulièrement dans les régions du monde où, par exemple, on ne peut pas toujours profiter d’une bonne connexion Internet.
L’autre obstacle tombe également sous le sens. Comme vous pouvez vous l’imaginer, les activités d’immigration deviennent extrêmement difficiles avec une frontière fermée aux voyageurs étrangers. Nous avons donc dû adopter une nouvelle stratégie pour permettre la réinstallation à titre de résidents permanents d’un plus grand nombre de personnes qui étaient déjà au Canada. Parallèlement à cela, nous recevions des demandes provenant de toutes les régions du monde. Bien des gens n’en sont pas nécessairement conscients, mais le Canada est devenu en 2021, et demeure encore aujourd’hui, la destination de choix pour les travailleurs des autres pays.
Cette situation a eu un impact particulièrement marqué sur l’immigration francophone. Malgré l’absence d’un plafond quant au nombre de personnes se trouvant au Canada avec un statut temporaire qui pouvaient faire la transition vers la résidence permanente, nous ne pouvions tout simplement pas compter sur un nombre illimité de francophones ayant un statut temporaire quelconque au Canada. C’est ce qui nous a compliqué la tâche l’an dernier. Cela me donne toutefois bon espoir de voir l’augmentation du nombre de demandes en provenance de l’étranger en vue d’une immigration au Canada, ce qui nous permettra d’atteindre…
[Français]
Ce n’est pas possible d’obtenir 4 % cette année, mais on peut vraiment atteindre cette cible; j’en ai fait la promesse.
La sénatrice Gagné : En 2017, une évaluation publiée par IRCC a indiqué que le Programme des candidats des provinces n’apportait pas une contribution satisfaisante. C’était assez limité en matière d’immigration francophone.
Avez-vous décelé une situation problématique assez particulière qui fait en sorte qu’il y a un manque à gagner dans ce programme?
M. Fraser : Les résultats varient selon les provinces. Quand la stratégie de la province tend à beaucoup appuyer les francophones [Difficultés techniques]. J’ai vu en Nouvelle-Écosse, ma province, qu’il est possible d’améliorer la situation et d’augmenter le nombre de nouveaux arrivants francophones.
[Traduction]
Mais il n’en va pas nécessairement de même dans toutes les provinces. J’aborde avec grand enthousiasme la mise en place de cette stratégie nationale pour l’immigration francophone notamment parce que cela va nous amener à chercher à mieux comprendre les nuances de chaque volet pour voir ce qui fonctionne ou non. Je pense qu’il peut être très avantageux de profiter de cette souplesse dont j’ai parlé avec le système Entrée express par l’entremise des canaux fédéraux. Si nous pouvons toutefois trouver le moyen de travailler en partenariat avec les provinces qui sont vraiment désireuses d’adopter des stratégies locales, nous pourrons nous appuyer sur les bons résultats déjà obtenus par certaines d’entre elles. Plutôt que de réinventer la roue, je pense que nous pourrions être tout aussi efficaces — ou faire mieux encore — en cherchant à travailler en partenariat avec d’autres provinces, ce qui nous offrirait une excellente occasion de veiller à ce que toutes les provinces canadiennes profitent de l’immigration francophone. Les perspectives s’offrant à nous sont vraiment très intéressantes. Si nous parvenons à faire savoir au reste du monde qu’il est possible d’avoir accès ici à des écoles, à des garderies et à des soins de santé dans la langue de son choix, nous ouvrirons toutes grandes les portes pour que, partout dans le monde, de nombreux francophones pleins de talent envisagent de s’installer au Canada.
Le président : Merci, monsieur le ministre.
[Français]
Je vous rappelle que vous avez cinq minutes pour la question et la réponse. À la fin de cette heure, les fonctionnaires ont accepté de rester avec nous pour répondre à des questions plus spécifiques.
Le sénateur Dagenais : Monsieur le ministre, je suis un sénateur du Québec et je vais vous poser une question sur le fameux chemin Roxham, le chemin que votre premier ministre refuse obstinément de fermer, malgré les coûts que cela engendre pour le Canada et surtout pour le Québec.
Combien de millions de dollars le chemin Roxham a-t-il coûtés depuis sa réouverture? À moins de ne pas en avoir conscience, on sait que tout cela est payé avec les impôts des Canadiens. Pouvez-vous nous dire jusqu’à quand on va garder ce chemin ouvert et accepter des immigrants illégaux qui passent devant des immigrants en règle? Ce sont les immigrants illégaux qui passent par le chemin Roxham.
M. Fraser : Merci de votre question. D’abord, c’est essentiel que notre système d’immigration soit robuste et humain, mais c’est aussi important de réaliser qu’il n’y a pas de solution magique. Ce n’est pas une question de changer le mal de place. C’est essentiel pour notre gouvernement de respecter les obligations domestiques et internationales.
[Traduction]
Pour régler les problèmes bien concrets que pose le chemin Roxham, il ne suffit pas de bloquer le passage pour empêcher les gens d’entrer. La frontière entre le Canada et les États-Unis est très longue. Je suis persuadé que ceux qui veulent entrer au Canada trouveraient un autre endroit pour le faire. Nous devons en arriver à une solution à long terme en modernisant l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis. Les échanges à ce sujet se poursuivent.
À mon avis, nous devons faire tout en notre pouvoir pour que les gens passent par le processus normal d’immigration. Cependant, lorsque certains parviennent à entrer au Canada et y revendiquent le statut de réfugié, je ne pense pas qu’il serait approprié que nous fassions fi des obligations juridiques nationales et internationales qui lient le gouvernement du Canada, quel que soit le parti au pouvoir.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur le ministre, je comprends qu’il faut respecter l’Entente sur les tiers pays sûrs, mais si j’étais Joe Biden, président des États-Unis, et que je voyais des immigrants illégaux quitter les États-Unis, je ne serais pas pressé de régler l’entente, comme vous le dites. Cela fait bien l’affaire des Américains de voir passer les immigrants illégaux du côté du Canada. D’ailleurs, ils s’efforcent de bloquer la frontière du Mexique. Combien de temps cela va-t-il durer?
Vous savez, cela occasionne des coûts énormes pour le Québec, qui doit les accueillir, les héberger dans des hôtels, leur trouver un logement et les envoyer à l’école. Je comprends bien que le gouvernement fédéral rembourse une partie des dépenses, mais entre l’argent qui n’est pas arrivé et les coûts que cela occasionne...
De plus, pour les réfugiés légaux, c’est frustrant de voir ces gens passer devant eux. Je sais, vous allez me dire que la frontière est longue et qu’ils peuvent passer ailleurs, mais il serait temps de renforcer les mesures de prévention à la frontière et d’augmenter les ressources pour bloquer les frontières. C’est ce que les Américains font avec la frontière du Mexique. Ils ont même bâti un mur au Mexique. Il faudrait prendre cela au sérieux. J’ai l’impression qu’on ne prend pas au sérieux la situation du chemin Roxham.
Le président : Vous avez une minute pour répondre, monsieur le ministre.
M. Fraser : Avant de commencer, on travaille bien avec les États-Unis. Je travaille très bien avec mon homologue québécois, M. Boulet.
En ce qui concerne les dépenses, on a transféré 374 millions de dollars au Québec dans le cadre du Programme d’aide au logement provisoire entre 2017 et 2020 pour compenser le nombre de demandeurs d’asile. C’est plus de 160 millions de dollars par année au terme de l’Accord Canada-Québec sur l’immigration. Dans le cadre du Programme fédéral de santé intérimaire, on offre aussi une protection en matière de soins de santé pour les demandeurs d’asile qui ne sont pas admissibles à un régime provincial d’assurance maladie.
On va toujours travailler avec le Québec. C’est essentiel.
[Traduction]
Je dirais en terminant que j’estime important — cela dit sans aucune intention malveillante — de bien choisir ses mots lorsqu’on parle de ces personnes qui présentent une demande d’asile après avoir fui des situations souvent très difficiles. Même si ces gens-là n’utilisent peut-être pas les canaux habituels, il faut nous en remettre au droit international, et notamment aux lois canadiennes, qui nous dictent le processus à suivre lorsqu’une personne arrive dans notre pays et revendique le statut de réfugié.
C’est pour cette raison que je prends bien soin de dire que l’on traverse la frontière « de manière irrégulière ». Tant que nous n’avons pas la possibilité de statuer sur la pertinence de leur demande d’asile et sur leur droit de demeurer au Canada, je pense qu’il faut nous abstenir de parler d’une activité illégale ou allant à l’encontre des lois canadiennes.
[Français]
Le président : Je vous demande encore une fois d’être concis dans vos questions pour que le ministre ait le temps d’y répondre.
M. Fraser : Monsieur président, avant de commencer, il reste 15 secondes avant le vote en Chambre. Peut-on prendre une petite pause et reprendre la réunion après le vote?
Le président : D’accord, monsieur le ministre. On vous attend le plus rapidement possible. On vous laisse aller voter, bien sûr.
Nous allons suspendre la séance, le temps que le ministre vote et revienne parmi nous.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
Le sénateur Dalphond : Merci, monsieur le ministre, d’être avec nous aujourd’hui.
Je ferai un bref commentaire avant de poser ma question. Le chemin Roxham se trouve dans ma division sénatoriale. J’y ai passé une journée et j’ai été fier de voir qu’en hiver, les gens qui arrivaient à pied avec leurs valises étaient accueillis par des gens de la GRC et qu’on faisait les vérifications en matière de sécurité; tout cela se faisait au chaud, pas au milieu d’un champ où l’on peut mourir gelé, comme j’ai pu le voir au Manitoba. De plus, on n’a pas besoin d’hélicoptère pour surveiller la frontière ni de motoneige pour courir après les gens au milieu des champs.
Il y a des avantages et des désavantages, mais je pense que rien n’est tout noir ni tout blanc.
Ma question porte également sur le Québec. En matière de traitement des dossiers concernant les immigrants économiques, on lisait dans le journal La Presse du 7 mai dernier que les demandes sont d’abord traitées par le gouvernement du Québec et que le gouvernement fédéral traite ensuite l’autre partie du dossier. Ce processus prend 27 mois en moyenne pour traiter les dossiers du Québec pour les immigrants économiques, alors que c’est quatre fois moins long pour les autres provinces. Allez-vous travailler à trouver une solution pour assurer que les délais pour l’immigration économique au Québec sont aussi rapides qu’ailleurs au Canada?
M. Fraser : Merci pour la question. Cependant, ce n’est pas vrai que le gouvernement fédéral observe un délai plus long pour le Québec que pour les autres provinces. Ce n’est pas le cas. En ce qui concerne le nombre, peut-être que les fonctionnaires pourront en parler davantage plus tard.
Il y a un enjeu très important. Le gouvernement du Québec est responsable de fixer les seuils d’immigration et il est essentiel pour le gouvernement fédéral de respecter ce que le gouvernement du Québec a décidé pour l’année en cours.
Conformément à l’accord entre le Canada et le Québec, il est possible pour la province de Québec de choisir 28 % du nombre d’immigrants pour tout le pays. Maintenant, on parle de 13 %. Quelle est la différence entre 13 % et 28 %? Cela représente environ 66 000 francophones par année; c’est énorme, c’est une plus grande [Difficultés techniques]. Ce n’est pas possible pour le gouvernement fédéral de faire une étude de cas que le gouvernement provincial ne demande pas. Je n’ai pas de problème avec le gouvernement du Québec. Il est essentiel pour le gouvernement provincial d’établir un seuil conforme à ses capacités d’accueil pour être en mesure de fournir les services établis. Je vais donner les détails plus techniques en anglais.
[Traduction]
Je suis très encouragé par le [Difficultés techniques] que mon homologue québécois a indiqué. Toutes les fois que nous avons la chance de discuter, nous parlons de ce que nous pourrions faire de plus pour faire venir ces gens au pays plus rapidement. Je crois qu’ils sont bien au fait des difficultés et qu’ils font le nécessaire pour accroître leurs niveaux d’immigration. Il ne fait toutefois aucun doute que s’il persiste un écart important entre les niveaux fixés et le nombre de demandes reçues, on va observer chaque année des délais de traitement qui s’allongent. Si les niveaux établis sont suffisamment élevés pour correspondre au total des demandes reçues, on élimine le principal facteur responsable des retards dans le traitement pour ce processus de migration économique. Ce serait selon moi un point de départ crucial. Si l’on nous indique que les niveaux seront plus élevés, nous allons tout mettre en œuvre pour déployer les ressources nécessaires au traitement de ces demandes plus nombreuses.
Si vous croyez que cela peut vous être utile, je vous invite à profiter de la présence de nos fonctionnaires pour examiner ces chiffres de plus près pendant la seconde heure de la réunion.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie, monsieur le ministre, et je tiens à vous féliciter pour votre maîtrise du français. Vous avez fait des progrès remarquables.
Le président : Nous sommes tout à fait d’accord avec la dernière affirmation du sénateur Dalphond.
La sénatrice Mégie : Merci, monsieur le ministre, d’être avec nous aujourd’hui.
Je vais vous poser deux questions que vous avez déjà entendues à un autre comité. J’aimerais qu’elles figurent également au compte rendu de ce comité.
Je voulais vous parler du gros bassin de francophones en Amérique qui se trouve à l’extérieur du Canada. Ce grand bassin, c’est Haïti. Pourquoi ce pays ne figure-t-il pas sur la liste des pays admissibles au Programme des travailleurs étrangers temporaires?
Dans ce bassin francophone, nous avons un grand besoin de main-d’œuvre et de soutien pour atteindre les cibles d’immigration pour les communautés francophones hors Québec. Avez-vous prévu d’admettre plus d’immigrants francophones qui viennent d’Haïti?
M. Fraser : Merci pour la question. Avant de commencer, je voudrais remercier le sénateur Dalphond de son compliment. J’ai travaillé fort pour être capable de parler en français, car lorsque je suis arrivé en politique, je ne parlais pas un mot de français. C’est un grand plaisir d’apprendre une nouvelle langue.
Premièrement, en ce qui concerne l’enjeu des travailleurs temporaires étrangers, il y a deux programmes. Pour ce qui est du programme Expérience internationale, ce programme fonctionne grâce à un accord bilatéral entre Canada et d’autres pays; il n’y a cependant pas d’accord entre le Canada et Haïti.
Pour les programmes réservés aux travailleurs étrangers, en général, il s’agit de programmes temporaires. Pour chaque programme temporaire dans le système d’immigration du Canada, il y a une règle qui exige que chaque ministère responsable doive considérer que le travailleur étranger retournera dans son pays d’origine.
[Traduction]
L’une des difficultés que je peux constater pour bon nombre de nos programmes temporaires est l’absence d’une règle générale indiquant qu’un individu provenant de tel ou tel pays n’est pas autorisé à venir au Canada, par exemple, à titre de travailleur temporaire.
Lorsque les conditions politiques ou économiques prévalant dans un pays peuvent toucher un grand nombre de personnes provenant de ce pays, il est possible que l’agent qui étudie le dossier soit davantage porté à faire savoir au demandeur que l’on va chercher à le faire passer par les voies régulières de l’immigration s’il souhaite s’installer en permanence au Canada. Nous pouvons ainsi mieux gérer la croissance totale de la population canadienne, plutôt que nous en remettre à un volet temporaire en sachant que la proportion de demandes d’asile est beaucoup plus élevée dans le cas de certains pays.
Je m’efforce de régler la question en offrant une voie d’accès à la résidence permanente à ceux et celles qui sont ici sur une base temporaire. C’est l’un des engagements de ma lettre de mandat, et c’est aussi l’objet de la motion 44 présentée à la Chambre des communes par mon collègue Randeep Sarai. Je pense d’ailleurs que le moment serait très bien choisi pour que les parlementaires des deux chambres soumettent leurs suggestions quant à la façon de s’y prendre pour établir le cadre prévu dans la motion 44 en le rendant aussi inclusif que possible, sans toutefois mettre en péril l’intégrité de notre régime d’immigration.
[Français]
La sénatrice Mégie : J’ai une autre question, monsieur le ministre. Lors des activités promotionnelles visant à attirer des francophones d’ailleurs, des témoins, lors de réunions précédentes, nous ont signalé que le choix se fait souvent à partir de la personne qui est la plus hautement qualifiée quand on remplit les formulaires. Cependant, la personne hautement qualifiée, quand elle met les pieds sur le territoire canadien, ses acquis ne sont pas reconnus. Je trouve que c’est une incongruité. Y a-t-il un moyen de réorganiser tout cela? Y avez-vous pensé, ou est-ce que quelqu’un d’autre vous l’a demandé? J’aimerais avoir votre réponse, s’il vous plaît.
M. Fraser : C’est un grand défi qui se pose non seulement pour moi, mais pour chaque ministre de l’Immigration depuis les 30 dernières années. Il est essentiel pour moi de trouver une solution afin de reconnaître les qualifications des demandeurs.
[Traduction]
La plupart des secteurs économiques dont les besoins en main-d’œuvre sont criants sont réglementés par les gouvernements provinciaux. Je me porte à la défense de mes homologues des provinces en vous disant que dans bon nombre des secteurs ayant des besoins élevés, ils doivent composer avec une instance indépendante comme le collège des médecins, ou un organisme de réglementation professionnelle pour les avocats, les ingénieurs ou les gens travaillant dans le secteur des transports. Il va de soi qu’il arrive que la question relève du fédéral.
Il sera primordial de trouver une façon de travailler en harmonie avec les provinces. Le récent budget fédéral prévoyait des investissements en matière de santé visant l’établissement de groupes de travail et de ce qui équivaudrait essentiellement à une table de concertation pour nous permettre de travailler avec les gouvernements provinciaux pour les aider à régler la question.
J’estime vraiment que les besoins en matière de mobilité de la main-d’œuvre sont plus grands que jamais.
Avant que le variant Omicron frappe nos collectivités, il y avait au Canada près d’un million de postes vacants. Il nous est impossible de pourvoir tous ces postes avec la population et les compétences actuellement à notre disposition au pays.
[Français]
La sénatrice Moncion : Bienvenue, monsieur le ministre Fraser. Ma question touche les établissements postsecondaires de la francophonie canadienne. Certains établissements, comme la Cité collégiale, ont créé un programme de recrutement avec les pays de l’Afrique du Nord pour attirer les étudiants et les inciter à venir étudier en français. À la fin de leurs études, lorsque ces personnes font une demande de citoyenneté permanente, on a entendu dire que le taux de refus est plus élevé chez les étudiants francophones qui ont étudié dans des établissements francophones. Pourriez-vous nous parler de cette anomalie qui existe dans le système?
[Traduction]
M. Fraser : Avant d’aller plus loin, ce serait peut-être l’occasion rêvée d’examiner de plus près les chiffres avec nos fonctionnaires, mais je vous inviterais à le faire après mon départ lorsque vous aurez plus de temps à consacrer à cet exercice.
L’optique dans laquelle on considère les différents chiffres est vraiment importante — et vous me permettrez de vous répondre ici dans ma langue maternelle, car je veux m’assurer de ne pas vous induire en erreur. Si l’on examine la situation dans différentes régions d’Afrique, on peut observer des taux d’approbation assez similaires qui varient davantage en fonction de la région que de la langue parlée.
Je voulais seulement m’assurer de bien préciser cela — et je vous prierais de me ramener à l’ordre si jamais je faisais fausse route par rapport à ce que vous nous disiez. À mon point de vue, l’enjeu est semblable à celui que nous avons abordé à la suite d’une question précédente concernant Haïti, en ce sens qu’un certain nombre de personnes doivent parfois essuyer un refus du fait qu’il y a peu de chances qu’elles retournent dans leur pays d’origine. Je ne note néanmoins pas d’écart considérable du point de vue linguistique lorsqu’on établit le parallèle avec des régions comparables en Afrique.
À mon avis, il y a quand même de bonnes nouvelles.
[Français]
Nous avons plus de possibilités, à mon avis, parce que la situation s’est améliorée pour les étudiants qui ont fait une demande au Sénégal et au Maroc. Il est possible d’améliorer la situation. Il ne s’agit pas seulement du taux d’acceptation, mais aussi du temps qu’il faut pour traiter les demandes.
[Traduction]
Il existe des outils que nous pouvons utiliser, et je pense que la présence supplémentaire qu’offrira le nouveau bureau que nous envisageons d’ouvrir au Cameroun prochainement aidera les pays de la région. Mais l’occasion qui se présente est énorme. Les étudiants qui sont approuvés sont d’une telle qualité qu’ils apportent une contribution importante non seulement aux établissements où ils étudient, mais aussi aux communautés où ils vivent.
La sénatrice Moncion : Merci. Vous m’avez dit de le dire si vous vous écartez du sujet. Ce n’est pas que vous vous écartez du sujet, mais quand on regarde les étudiants francophones qui demandent à devenir des citoyens permanents, il semble que s’ils ont étudié dans des établissements francophones au Canada, le taux de refus est plus élevé que si les mêmes étudiants avaient fréquenté des établissements postsecondaires anglophones. Dans ce dernier cas, le taux de refus est plus faible.
M. Fraser : D’accord. Je vais devoir examiner les chiffres pour m’assurer que ce que vous avez dit correspond bien à la réalité. Et je ne veux pas dire que ce n’est pas le cas; seulement que je ne peux pas le confirmer.
Je pense qu’il existe une solution évidente si cela se confirme. Franchement, que ce soit le cas ou non, nous pourrions vouloir utiliser cette solution. Avec les nouveaux assouplissements du système Entrée express dont j’ai parlé précédemment, je sais que nous devons augmenter l’immigration francophone au Canada.
[Français]
On doit le faire pour protéger et promouvoir la langue et la culture françaises. Si je peux identifier les besoins de l’économie dans une province, je pourrai, une fois le projet de loi adopté, choisir les catégories de personnes qui parlent français et qui ont les compétences nécessaires pour répondre aux besoins d’une communauté.
[Traduction]
Si nous pouvons trouver les étudiants qui ont les compétences dont les économies locales ou provinciales ont besoin, nous aurons la flexibilité de dire que nous allons puiser dans notre réserve de demandes pour trouver les francophones qui répondent à ces critères. Cela changerait énormément les choses. Il y a rarement une solution miracle quand on essaie de résoudre un problème compliqué comme celui-ci, mais je pense que ce sera l’un des outils les plus puissants dont nous disposons.
Je vais peut-être demander à l’avance aux fonctionnaires talentueux qui sont avec nous aujourd’hui de creuser les données qui pourraient s’appliquer à votre préoccupation.
[Français]
La sénatrice Jaffer : J’ai une question pour le ministre. Merci de votre présence aujourd’hui. Je viens de la Colombie-Britannique. Je voudrais bien que la communauté francophone hors Québec s’élargisse.
[Traduction]
Mon fils est le président de la Chambre de commerce francophone, et il me dit toujours : « Maman, on dirait qu’il est impossible d’accroître la présence des francophones à Vancouver ou en Colombie-Britannique. » Il adore la culture francophone et a toujours travaillé dans ce milieu, alors il pense que c’est une véritable perte pour les Britanno-Colombiens.
Il se trouve effectivement des francophones dans une partie de la Colombie-Britannique que vous connaissez peut-être, à Vancouver, mais cette présence ne correspond pas à celle qui devrait exister dans un pays bilingue.
Donc, monsieur le ministre, je sais que vous faites venir des francophones, mais nous devons en faire plus. Si nous voulons vraiment augmenter le bilinguisme — et pas seulement au Québec ou dans le centre du Canada... Je peux vous dire que les gens en Colombie-Britannique le souhaitent ardemment. Mais quelles sont vos idées à ce sujet?
M. Fraser : Nous avons le même désir d’accroître l’immigration francophone à l’extérieur du Québec. Je viens de la côte Est, et nous avons bien sûr des communautés francophones très fortes en Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le peuple acadien est un peuple essentiel dans l’histoire et l’avenir de la Nouvelle-Écosse.
[Traduction]
Une formidable occasion s’offre à nous également. Nous ne devons pas le faire simplement parce que c’est une bonne chose à faire. Nous ratons une occasion en choisissant de ne pas promouvoir l’immigration francophone dans toutes les provinces du Canada.
Il y a quelques mois, j’ai rencontré une association de développement économique à Calgary. Un des hommes qui aide à diriger l’organisation m’a dit qu’il ne savait pas, avant de venir au Canada, qu’il était possible de vivre [Difficultés techniques] en français en Alberta. Il a trouvé une garderie et des cours pour ses enfants et la possibilité de travailler dans sa langue au sein de la communauté, et il a dit : « J’ai trouvé; c’est ici que je veux être pour toujours. »
Il travaille maintenant à la tête d’une organisation qui emploie plusieurs autres personnes au Canada. Il faut que nous puissions reproduire cette histoire à succès en évitant de mettre l’accent sur le discours selon lequel il y a le Québec, puis le reste du Canada — perception généralisée du Canada dans le monde —, et en démontrant que dans chaque province, les gens ont la possibilité non seulement de parler français, mais aussi de vivre et d’élever leur famille en français.
Nous avons constaté, partout au Canada, que tant que vous n’avez pas une communauté d’intérêts où vous pouvez être qui vous êtes en tant que personne, vous avez très peu de chances de rester dans la première communauté où vous arrivez. Si vous vous rendez compte que vous pouvez bénéficier des services et du confort auxquels vous êtes habitué dans votre langue maternelle — la langue de votre choix au Canada —, alors vous pouvez réellement mener la vie que vous souhaitez.
Je vous assure que si nous ne relatons pas cette histoire, c’est à nos risques et périls. Les yeux de tant de personnes s’illuminent lorsqu’elles réalisent qu’elles pourraient vivre dans certaines des plus belles communautés du monde — dans un environnement côtier, comme dans votre cas et le mien, ou dans une communauté française historique au Québec. C’est une possibilité que beaucoup de gens dans le monde ne réalisent pas, et je pense que nous devons relater cette histoire aussi souvent et avec autant de force que possible.
La sénatrice Jaffer : J’aimerais poursuivre en disant que, même si je ne suis pas francophone, mes enfants... Enfin, ils ne sont pas francophones, mais ils sont entourés de la culture francophone; mes petits-enfants sont allés à une garderie francophone; ils sont en immersion; ils sont très francophones dans une communauté francophone. Le problème, c’est que cela n’augmente pas. Cela me frustre parce que, maintenant, nous devrions voir une augmentation.
Je vais peut-être manquer de temps, mais vous pourrez peut-être répondre à cette question plus tard. Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir plus de bureaux d’immigration en Afrique, afin d’inciter les francophones à venir dans le reste du Canada?
[Français]
M. Fraser : Je veux livrer la marchandise.
[Traduction]
Je veux vraiment être le ministre auquel on pourra attribuer l’augmentation du nombre de francophones qui s’installent au Canada — pas seulement au Québec, mais à l’extérieur du Québec. Je suis convaincu de pouvoir atteindre au moins l’objectif de 4,4 % d’ici l’année prochaine et peut-être avant. Nous allons continuer de chercher à faire croître ce chiffre d’année en année parce que c’est important, et je pense que c’est dans notre intérêt en tant que nation.
La sénatrice Clement : Merci d’être venu nous parler. Félicitations à la sénatrice Jaffer, qui a contribué à faire progresser la francophonie.
J’aime la façon dont vous avez terminé votre dernière réponse. La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, ou FCFA, et d’autres organisations nous disent que le taux visé de 4,4 % n’est pas suffisant. Vous devez atteindre ce taux, mais vous devez ensuite passer à 6 % ou 8 %, juste pour maintenir la situation actuelle. J’espère donc que votre gouvernement pense à cela en ce moment — à dépasser le taux de 4,4 %. Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions à ce sujet?
Ma prochaine question porte sur l’Initiative des communautés francophones accueillantes. Vous y avez fait allusion dans votre déclaration liminaire. Je dois vous dire qu’il y a une expression en français :
[Français]
Cette expression, c’est que vous avez fait des jaloux.
[Traduction]
Je pense que 14 communautés seulement participaient à ce programme et beaucoup, comme Cornwall, ma communauté, ont déploré d’être exclues et attendent de rejoindre ce groupe.
Pourriez-vous nous dire quels sont vos plans pour étendre la portée de ce programme? Je crois que vous avez utilisé le mot « consolidation » dans votre déclaration liminaire. Pourriez-vous nous parler de la cible de 4,4 %, de la volonté de dépasser cette cible et du calendrier établi à cette fin? Pourriez-vous également nous parler de l’expansion de l’Initiative des communautés francophones accueillantes et de ce que vous entendez par « consolidation »? Merci.
M. Fraser : Certainement. Si je me souviens de ce que j’ai dit, je pense que je parlais d’une consultation et non d’une consolidation. Si je me trompe, je reviendrai sur ce point.
Le taux de 4,4 % est un objectif qui a été fixé en collaboration avec les membres des communautés francophones de tout le Canada au cours des dernières années et qui devrait être atteint l’an prochain.
J’ai vu que la FCFA avait présenté un objectif très ambitieux à envisager pour l’avenir. Le seul objectif officiel aujourd’hui est le taux de 4,4 %, mais je suis tout à fait ouvert à l’idée de voir où l’avenir nous mènera. Je veux être prudent avant de pouvoir démontrer la capacité d’atteindre l’objectif dont nous avons convenu et que nous cherchons à atteindre depuis des années, afin de ne pas introduire un marqueur différent. Mais je tiens à souligner que nous tiendrons des consultations sur la Stratégie en matière d’immigration francophone du Canada dans les mois à venir, et je suis sûr que nous établirons ainsi la voie à suivre pour accroître l’immigration francophone au Canada. C’est la raison d’être de cette stratégie particulière. Je tiens également à souligner qu’un certain nombre de mesures ont été mises en place pour nous permettre de connaître une hausse constante de ce chiffre. Pour être franc, il y a quelques années, le taux était plutôt désastreux.
Nous avons fait diverses choses, comme ajouter des points pour les francophones et le bilinguisme dans le système Entrée express. L’Initiative des communautés francophones accueillantes en est une autre. Le volet de la RT à la RP — de la résidence temporaire à la résidence permanente — assorti d’une immigration francophone non plafonnée en serait une autre. Les investissements supplémentaires que j’ai annoncés il y a quelques mois, notamment dans les petites communautés rurales qui desservent les populations francophones, en sont une autre. Nous avons donc adopté un grand nombre de mesures qui facilitent, d’année en année, l’atteinte d’un nombre plus élevé.
Quant à votre deuxième question sur l’Initiative des communautés francophones accueillantes, je considère qu’il s’agit d’une seule et même initiative, dans le cadre de la stratégie nationale. Nous avons tiré des leçons des communautés qui ont pris part à cette initiative. C’est un succès, à mon avis.
Nous n’avons pas encore décidé du nombre de collectivités qui seront intégrées au programme ni des collectivités particulières qui le seront. Mais dans la mesure où nous pouvons parler aux personnes engagées à l’échelle locale pour déterminer ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné et appliquer ces leçons dans d’autres collectivités similaires... que ce soit dans le cadre d’un investissement ponctuel pour lequel on choisit des collectivités particulières qui adopteront des initiatives ou qu’il s’agisse d’un thème plus large que nous présentons en disant, par exemple, aux collectivités que si elles sont en mesure de fournir ces services, nous pourrions travailler avec elles pour déterminer les mesures de soutien appropriées qui fonctionnent pour elles, car les mesures de soutien qui peuvent être appropriées dans les régions rurales de l’Alberta ne le sont pas nécessairement dans le sud de la Nouvelle-Écosse. Dans la mesure où nous pouvons tirer des leçons de l’Initiative des communautés francophones accueillantes, je pense que nous pourrions les appliquer ailleurs.
Je pourrais continuer à parler, mais je pense que vous avez peut-être une autre question, alors je vous redonne la parole.
La sénatrice Clement : Non, c’est bon.
Le président : Merci, monsieur le ministre.
[Français]
Le sénateur Mockler : Monsieur le ministre, je veux aussi me joindre au sénateur Dalphond et à notre président pour vous féliciter de votre performance en français. La dernière fois que je vous ai rencontré, c’était lors de notre participation à la Journée internationale de la démocratie à StFX, avec MM. Mulroney et McKenna. Vous avez grandement amélioré votre français depuis, et je vous invite à continuer. C’est fort apprécié au Nouveau-Brunswick et partout au Canada, étant donné que vous représentez très bien les deux communautés sans toutefois être partisan.
J’ai eu l’occasion d’être ministre responsable de la Francophonie pour le Nouveau-Brunswick par le passé. Nous avions alors des dossiers très importants pour lesquels nous cherchons toujours des solutions aujourd’hui. Quelle solution proposez-vous pour améliorer la reconnaissance des titres de compétences étrangers, afin d’accroître la venue d’immigrants au Canada et d’encourager davantage les francophones de l’Organisation internationale de la Francophonie?
M. Fraser : Merci pour la question et pour le compliment. C’était une bonne journée dans l’histoire de StFX. Je suis un ancien élève de cette université.
Quant à votre question, il s’agit là d’un très grand défi. Dans le secteur de la santé, il est primordial que les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral participent à l’initiative présentée dans le budget de 2022. Il y a aussi d’autres possibilités.
[Traduction]
Par exemple, en ce moment, la Nouvelle-Écosse cherche à construire, au moyen du système de collèges communautaires, une installation qui permettra aux personnes qui sont des réfugiés, mais qui viennent en tant que migrants économiques, de faire reconnaître plus rapidement leurs compétences lorsqu’elles arrivent en Nouvelle-Écosse.
Je discute avec certains de mes homologues dans le monde pour savoir s’il est possible d’établir des centres de formation là où il y a de grandes réserves de talents. Cela pourrait permettre aux gens de se qualifier grâce à des instructeurs locaux qui visiteraient des installations de formation centralisées dans différentes parties du monde. De nombreuses propositions n’en sont qu’au stade de l’idée, et je pardonnerai à notre sous-ministre de lever les yeux au ciel en m’entendant spéculer sur ce genre de choses lors d’une réunion de comité, mais ce que je constate actuellement, c’est qu’il ne s’agit pas d’un défi unique au Canada. Il est peut-être unique dans une fédération d’avoir autant de territoires différents où une personne doit se qualifier avant de pouvoir exercer dans son pays de destination, mais il y a plusieurs choses que nous pouvons faire.
Premièrement, nous pouvons envisager d’accélérer la formation avant et après l’arrivée des personnes qui possèdent les compétences, mais pas les qualifications officielles. Deuxièmement, nous pourrions intégrer un élément de qualification dans nos systèmes d’entrée provinciaux. Je suis prêt à travailler avec tout gouvernement provincial qui souhaite proposer des solutions à ce sujet. Pouvons-nous réellement intégrer un élément de qualification dans le processus d’immigration? Est-ce que la solution serait simplement de faciliter le partenariat avec des territoires qui ont des qualifications de formation très similaires?
Ce n’est pas seulement une question d’immigration. Ma sœur est médecin. Nous avons des amis qui ont grandi en Nouvelle-Écosse ou en Ontario, et qui ont suivi une formation et se sont qualifiés pour pratiquer la médecine dans un autre pays. Aujourd’hui, ils ne peuvent pas rentrer chez eux pour pratiquer, même s’ils veulent travailler comme médecin dans une communauté rurale. Ce genre d’histoires vous brise le cœur lorsque vous entendez parler de communautés où les salles d’urgence sont fermées par manque de médecins et que vous entendez des histoires horribles de gens qui attendent une ambulance pendant quatre heures dans leur entrée.
Il y a urgence, à mon avis, et pas seulement dans le secteur de la santé. Je vois que notre économie compte 965 000 emplois disponibles à la fin de l’année, et pourtant il y a des obstacles qui étaient peut-être plus appropriés en temps normal, quand les travailleurs essayaient de faire leur entrée dans un secteur alors qu’ils étaient en surnombre. Nous voulons assurer la qualité des travailleurs; je le comprends, mais le gouvernement et moi-même voulons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour coopérer avec les gouvernements provinciaux. Cela doit se faire en partenariat, car nous gérons l’immigration, pour l’essentiel, et les professions sont généralement réglementées à l’échelon provincial. Nous devons simplement nous asseoir à la table comme des adultes et trouver des solutions ensemble. Et sachez que tous mes homologues ont été d’excellents interlocuteurs.
Le président : Merci, monsieur le ministre. Je sais que vous devez partir bientôt, mais je vais vous poser une petite question sur la gouvernance.
[Français]
On entend souvent les communautés nous parler des défis sur le plan des interactions avec votre ministère et les différents ordres de gouvernement, et on entend souvent dire que la compréhension de l’immigration francophone à l’extérieur du Québec n’est peut-être pas toujours aussi bonne qu’elle pourrait l’être.
Bref, on entend souvent dire qu’un poste de sous-ministre adjoint devrait être créé au sein de votre ministère, ainsi qu’un programme spécifique destiné à l’immigration francophone.
J’aimerais vous entendre sur cette question de gouvernance au sein de votre ministère; est-ce une réflexion qui est en cours?
M. Fraser : Oui, je réfléchis chaque jour à chacun des enjeux, mais il n’y a que 24 heures dans une journée. Cet enjeu est très important, et mes collègues de la Chambre des communes ne me laissent pas l’oublier, puisque plusieurs d’entre eux représentent des communautés francophones.
[Traduction]
Il est vraiment important que nous ayons la bonne structure de gouvernance si nous voulons avoir le bon processus décisionnel et obtenir les bons résultats. J’ai deux pistes de réflexion. Premièrement — et ce n’est un secret pour personne, après la pandémie —, j’ai des défis extraordinaires à relever en matière de traitement. Je peux les résoudre. Il faudra un peu de temps et beaucoup de ressources, mais je peux les résoudre. J’ai confiance en ma capacité de les résoudre, notamment pour les francophones qui cherchent à venir au Canada.
Lorsque vous commencez à multiplier les programmes de différents types, vous perdez sur le plan de l’efficacité de traitement. Cela dit, lorsque les membres d’une communauté particulière ne se voient pas représentés dans un système, c’est une piètre consolation pour eux, car ils se disent : « Vous allez améliorer le traitement de tout le monde, sauf le mien. » Cela ne fonctionne pas dans un pays comme le Canada.
[Français]
Notre culture repose sur la dualité linguistique; c’est essentiel pour la culture et l’identité du Canada.
[Traduction]
À l’heure actuelle, nous avons quelques options qui se profilent à l’horizon. J’ai mentionné la flexibilité du système Entrée express. Je pense que cela va beaucoup changer les choses.
Je me demande toujours si nous devons créer quelque chose de distinct pour des communautés particulières afin de les traiter en priorité. Je n’ai pas encore pris de décision officielle sur la création d’un nouveau volet, en partie parce que nous avons certaines initiatives à venir qui, je pense, apporteront des progrès tangibles. Nous lancerons prochainement un processus de consultation pour la Stratégie en matière d’immigration francophone du Canada. Je ne dis pas que nous allons tout de suite mettre en place une mesure parce qu’une partie prenante ou un particulier me dit que c’est une bonne idée. Avant de prendre une décision définitive, je veux m’assurer de pouvoir consulter les communautés francophones de tout le Canada, pour m’assurer que c’est une initiative qui est souhaitée et qui sera efficace. Mais pour répondre à votre question, je suis en fait très ouvert à cette idée.
Le président : Merci infiniment, monsieur le ministre.
[Français]
Merci de votre présence, de vos commentaires et de vos réponses à nos questions, qui ont été fort appréciées.
Nous allons poursuivre avec une période de questions qui s’adressent maintenant aux fonctionnaires du ministère. Merci d’être avec nous, mesdames Xavier, Scott et Dorion.
La sénatrice Gagné : Bienvenue aux fonctionnaires du ministère.
Je voulais revenir à la cible de 4,4 % qui a été fixée en 2001 et qui n’a jamais été atteinte.
La FCFA propose au ministère de fixer une cible qui augmenterait progressivement de 12 % en 2024 jusqu’à 20 % en 2036, et ce, afin d’effectuer un rattrapage, puisque la cible n’a jamais été atteinte et qu’on a constaté une perte du poids démographique assez importante.
Est-ce réaliste d’établir une cible aussi ambitieuse, ainsi que des programmes, des stratégies et des mesures qui nous permettraient d’atteindre cette cible? J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
Caroline Xavier, sous-ministre par intérim, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Merci de cette question. Nous sommes très heureuses d’être parmi vous aujourd’hui pour répondre à vos interrogations.
Comme le disait le ministre, la cible concrète qui est en place est de 4,4 %, et on se sent très confiant et à l’aise de l’atteindre avant 2023. Évidemment, à l’origine, lorsque la cible a été identifiée, les personnes qui ont travaillé conjointement avec nous à établir la cible nous avaient dit que cela prendrait peut-être 15 ans. Déjà, si on l’atteignait d’ici 2023, on serait peut-être un peu en avance, mais nous sommes en train d’évaluer quelle sera la prochaine cible.
Nous travaillons très étroitement, spécialement avec la FCFA ainsi qu’avec des consultants partout au pays, pour nous assurer de comprendre le raisonnement derrière l’établissement de la prochaine cible, par le biais des études qu’ils vont partager avec nous. Il nous faut une cible que nous serons confiants d’atteindre. En même temps, comme vous dites, il faut être en mesure d’établir d’autres stratégies qui nous permettront d’aller au-delà de la cible et de ne pas perdre ce que nous avons déjà réussi à faire du point de vue de l’immigration francophone.
Comme le ministre l’a dit plus tôt, on veut utiliser la flexibilité de notre système, comme le programme Entrée express, mais pour cela, on doit être capable de faire ce changement, ce qu’on n’est pas encore en mesure de faire, et d’aller chercher les personnes qui respectent les critères nécessaires afin atteindre la cible. En résumé, nous sommes très ouverts à continuer d’écouter les communautés, qui auront beaucoup de choses à nous dire et à partager au sujet des cibles à mettre en place.
Il faut s’assurer d’être ambitieux, mais surtout, il faut que cette cible soit atteignable pour ne pas décevoir les communautés. On doit également s’assurer que les communautés où se rendront les immigrants francophones — comme on en a discuté lors de la première heure — ont des organismes d’intégration pour leur donner le soutien nécessaire dans leur communauté. On doit s’assurer de leur succès. L’une des choses que l’on garde en tête lorsqu’on crée les différents programmes et stratégies, surtout en matière d’immigration francophone, c’est de s’assurer qu’il y a un potentiel de succès dans les programmes établis et qu’une communauté de soutien est en place.
La sénatrice Gagné : Merci de la réponse et enfin, merci de tenter d’équilibrer l’approche pour atteindre la cible de 4,4 %. Je pense aussi qu’il faut être en mesure d’aller au-delà pour s’assurer de renflouer les coffres, si vous voulez.
Pour ce qui est des étudiants étrangers et de la capacité des établissements de les accueillir, de les encadrer et de leur offrir un aperçu du marché du travail, est-ce qu’il ne pourrait pas y avoir des mesures en place pour assurer une certaine transition de l’université ou du collège vers une possible demande de résidence permanente?
Mme Xavier : Merci de la question, madame la sénatrice.
Une des choses sur lesquelles on travaille étroitement avec les universités et les collèges partout au pays, c’est qu’ils doivent s’assurer de fournir le soutien nécessaire aux étudiants, particulièrement aux étudiants internationaux.
Nous, en regardant les demandes d’admission des étudiants internationaux — comme le ministre l’a mentionné et comme vous le savez —, nous nous assurons que les formulaires sont remplis d’une façon adéquate, mais nous nous assurons également qu’ils ont les moyens d’obtenir du succès dans leurs études et qu’ils viennent pour étudier en ayant la capacité requise pour le faire. On veut qu’ils viennent au pays pour étudier, pas seulement pour trouver un emploi. On veut s’assurer que lorsqu’ils viennent au pays pour étudier, ce sera leur priorité, parce que c’est la raison pour laquelle ils ont rempli une demande pour venir au Canada.
Il est aussi possible qu’au-delà de cela, ils puissent s’intégrer dans notre communauté et devenir des résidents permanents. En effet, on sait que les étudiants, surtout ceux qui ont étudié dans des domaines où il y a des pénuries, c’est un besoin que nous avons. On veut qu’ils aient l’option de s’intégrer dans la communauté pour devenir éventuellement des résidents permanents.
Cela dit, une grosse partie des conversations que nous avons avec les universités — et c’était vraiment intéressant, surtout pendant les deux dernières années de la pandémie, car nous avons montré beaucoup de flexibilité avec les universités et les collèges — sont liées à la possibilité d’avoir des cours en ligne. Cependant, la partie la moins intéressante, c’est que l’étudiant n’a pas l’occasion de vraiment s’intégrer à la communauté canadienne et de vraiment comprendre comment fonctionne le marché du travail, quand ils ont la possibilité de le faire et de vivre une expérience canadienne. Pour nous, c’est un élément qui est très important pour s’assurer de leur succès à l’avenir.
Si je comprends bien votre question, c’est important de s’assurer que lorsqu’un étudiant remplit une demande pour venir au Canada que, oui, il vient pour avoir du succès dans ses études et que, à la fin, il a la possibilité de devenir résident permanent, et peut-être même citoyen canadien éventuellement. On doit d’abord s’assurer qu’il vient vraiment pour étudier et qu’il s’intègre dans la communauté, notamment en faisant des stages de travail, et qu’il s’adapte vraiment au Canada en intégrant la communauté.
Le président : Je vais poser une question complémentaire avant de donner la parole au sénateur Dagenais. Vous mettez beaucoup l’accent sur le fait qu’on doit s’assurer que les étudiants viennent réellement au pays pour étudier. Est-ce que vous avez identifié un problème à cet effet pour insister sur ce point?
Mme Xavier : Merci de votre question, monsieur le président.
Souvent, on se fait critiquer en raison du taux de refus pour des étudiants, et c’est sûr que c’est une chose que nous prenons très au sérieux. Cependant, on doit s’assurer que lorsqu’une personne vient étudier dans une institution canadienne, elle a des moyens financiers suffisants. Elle doit avoir les moyens de vivre, non seulement pour payer les frais de scolarité, mais aussi les frais de la vie en résidence. Elle doit être capable de vivre de façon plus ou moins indépendante pour s’assurer qu’au final, elle réussira et ne sera pas dépendante des soins des provinces.
Il y a beaucoup de façons différentes de faire. On a remarqué que parfois, dans certains domaines d’étude, il y a des problèmes d’intégrité. On doit continuer d’évaluer et de prêter attention à tout cela, parce que certaines personnes disent qu’elles viennent pour étudier, mais au final, elles ne se sont jamais présentées en classe.
C’est un des éléments que l’on examine quand on surveille la qualité des services des institutions. Il y a un programme en place avec les institutions — sauf pour le Québec, mais c’est une chose qu’on est en train d’établir avec eux — et les universités nous disent comment vont les étudiants, s’ils sont vraiment venus au pays et s’ils se sont présentés comme ils ont promis de le faire. À partir de ce programme de qualité, lorsqu’on fait la révision et qu’on fait la surveillance, on remarque que certains ne se sont jamais présentés en classe. Il faut se demander où ils sont, et on découvre parfois qu’ils se sont trouvé un travail; c’est très bien, mais ce n’est pas toujours un travail qui va au-delà des heures durant lesquelles ils ont le droit de travailler, ni même un travail lié directement aux études.
C’est une analyse que l’on continue de faire, parce qu’on veut s’assurer de l’intégrité et de l’efficacité de nos programmes d’immigration.
Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à Mme Xavier, mais elle s’adresse peut-être à ses collègues aussi.
Je ne sais pas si vous avez pris le temps de consulter les différents témoignages que le comité a entendus. Selon ce que j’en ai retenu, personne n’a donné de note positive pour la rapidité à traiter les dossiers des immigrants francophones, et c’est la même chose pour les réfugiés. On sait pourtant que le gouvernement en place ne cesse de proclamer qu’il est ouvert à l’accueil.
Pensez-vous que ce sont les règles des ministères qui sont trop strictes, ou que ce sont tout simplement les gens du ministère qui ont de la difficulté à comprendre les règles ou à les appliquer dans un délai raisonnable?
Comprenez-moi bien, ne me dites pas les correctifs que vous pourriez apporter; je veux connaître les vraies raisons de ces délais.
Mme Xavier : Merci de votre question, monsieur le sénateur.
Comme le ministre l’a dit plus tôt, on a vécu deux années assez extraordinaires. On a tous vécu une pandémie qui a changé la façon dont notre ministère doit fonctionner et on a dû s’adapter rapidement.
Je peux vous dire qu’une grande partie de certains délais qu’on est en train de vivre s’expliquent par le fait qu’on a dû déterminer quelles étaient les priorités sur le plan des restrictions aux frontières.
Par exemple, quand les restrictions aux frontières étaient les plus strictes, nous savions qu’il y avait des cohortes internationales qui ne pouvaient pas venir au Canada. On a fait une analyse à ce moment-là, pour savoir comment on pouvait continuer d’atteindre les buts et les objectifs en matière d’immigration, comment on pouvait s’assurer de faire entrer des immigrants économiques aux pays et de respecter nos échéanciers d’une manière légale, tout en s’assurant de ne pas avoir trop de délais.
On a donc mis temporairement en pause les personnes qui venaient d’outre-mer, parce qu’il n’y avait pas de façon de les faire venir au Canada, et on a continué à se concentrer sur les personnes qui étaient déjà au Canada, comme le ministre l’a mentionné plus tôt. C’est là qu’on a fait la transition de statut temporaire à statut permanent pour être en mesure de donner cette occasion aux immigrants temporaires qui étaient déjà ici.
Pour ce qui est des demandes comme celles-là, on a pu aller au-delà de notre cible, avec plus de 407 000 résidents permanents. Il s’agit, pour la plupart, de personnes qui se trouvaient à l’intérieur du pays et de personnes qui avaient la possibilité de rentrer au pays, malgré les restrictions aux frontières.
Nous continuons d’évaluer les candidatures que nous avons. Malgré le fait qu’on avait pris la décision d’accorder la priorité aux personnes qui étaient déjà au Canada, on n’a pas arrêté d’accepter les demandes qui venaient d’outre-mer. Le bassin de candidatures devient de plus en plus large. Étant donné que les frontières sont un peu plus ouvertes, on fait tous les efforts possibles pour étudier les demandes des personnes qui attendent depuis longtemps. Cela dit, les délais pour évaluer les demandes continuent d’augmenter. Donc, les personnes qui sont dans le bassin et qui attendaient déjà avant la pandémie, juste avant les restrictions aux frontières, pensent qu’on les a oubliées, mais au contraire, on fait tout pour s’assurer de ne pas les oublier. Toutefois, le bassin continue d’augmenter. Le volume des demandes continue d’augmenter. C’est une bonne chose pour le Canada. Le Canada est un pays qui attire les immigrants. Cela fait partie de notre rôle et on veut continuer de jouer ce rôle à l’échelle internationale.
Le sénateur Dagenais : Merci, madame Xavier.
La sénatrice Moncion : Ma question porte sur les critères d’acceptation qui sont dans le système informatique que vous utilisez.
Il y en a un, entre autres, qui fait référence au fait qu’une fois que la personne a terminé ses études, elle doit retourner dans son pays.
Avant d’aller plus loin, j’aimerais savoir ce que vous avez à dire au sujet des critères d’acceptation qui permettent à des gens de rester au Canada à la fin de leurs études.
Mme Xavier : Merci de votre question.
Comme je le disais plus tôt, quand quelqu’un fait une demande pour venir étudier au Canada, pour venir travailler ou pour immigrer de façon permanente, surtout pour ce qui est des demandes d’immigration temporaire, par exemple, lorsqu’un étudiant fait une demande pour venir étudier au Canada, il fait une demande en ce sens. Selon les critères qui existent, l’étudiant doit être capable de prouver qu’il a les moyens de payer les frais de scolarité et de vivre au Canada sans dépendre des provinces et des avantages sociaux du pays. L’étudiant doit avoir un permis de travail, être en mesure de travailler et être capable de vivre par ses propres moyens de façon indépendante.
Dans les critères, on demande aussi que les candidats soient capables de retourner dans leur pays. L’une des choses que l’on fait à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, c’est de s’assurer qu’on a un plan d’immigration complet pour le gouvernement du Canada, qui est déposé chaque année au Parlement. On a un plan pluriannuel qui nous permet de déterminer le pourcentage de types d’immigrants qui va entrer au pays. Il y a un volet économique, un volet familial, etc.
On a un énorme bassin d’étudiants qui viennent au Canada, ce qui est une bonne chose, car cela rend notre pays très compétitif. Si on prenait chaque étudiant qui vient au Canada et qu’on lui donnait automatiquement le statut de résident permanent, on aurait peut-être moins d’espace pour les candidatures qui font partie du volet d’immigration complet, du plan d’immigration complet. Il faut aussi être capable de respecter les autres critères, notamment les critères économiques, sociaux et humanitaires.
Cela ne veut pas dire que ces étudiants n’auraient pas la possibilité de devenir résidents permanents, mais on ne peut pas dire que tous les étudiants vont le devenir automatiquement. C’est pour cette raison qu’on doit s’assurer qu’ils ont l’intention de retourner dans leur pays et de là, ils peuvent voir quels sont les voies ou les chemins qu’ils peuvent suivre pour devenir des résidents permanents. Ces chemins existent, mais une personne qui vient comme résident temporaire ne deviendra pas automatiquement résident permanent.
On a utilisé cette possibilité l’année dernière lors de la fermeture des frontières. On a donné la possibilité de convertir le statut de résident temporaire au statut de résident permanent, notamment pour des étudiants. Cela a donné de très bons résultats, notamment un bassin illimité pour les candidats bilingues ou francophones.
La sénatrice Moncion : Merci.
Certains autres témoins que nous avons entendus ont présenté des cas spécifiques. Ils ont parlé du système informatique que vous utilisez et qui rejette automatiquement plus de 80 % des demandes qui vous sont soumises. C’est pour cela que je revenais à la question des critères.
Je voudrais entendre ce que vous avez à dire au sujet du système informatique comme tel.
Mme Xavier : Merci de votre question et de la précision. Le système auquel vous faites allusion s’appelle Chinook. Ce système est, en quelque sorte, un chiffrier Excel.
Le système Chinook donne simplement une autre visualisation des données qui sont déjà dans le système d’immigration, qu’on appelle le système mondial de gestion des cas. Le système Chinook ne prend pas les décisions. Les décisions sont prises par l’agent d’immigration. Ce n’est pas le système qui rejette les demandes.
Le système Chinook améliore simplement la visualisation pour aider l’agent d’immigration à être plus efficace. Ce système permet de passer à travers les multiples écrans de façon plus efficace. Surtout pour les personnes qui travaillent outre-mer, le système global qu’on utilise peut être très difficile sur le plan de la connexion Internet. Cela ralentit le processus. On veut s’assurer qu’il y a une façon plus efficace de passer par toutes les applications, et c’est ce que le système Chinook nous aide à faire. Ce système ne prend pas de décisions. Il montre simplement l’information d’une autre façon. Les décisions sont prises par les agents.
La sénatrice Moncion : Merci.
Le président : Avant de donner la parole à la sénatrice Clement, je veux être sûr d’avoir bien compris ce que vous avez dit sur la question d’accepter tous les étudiants et de donner accès à la résidence permanente aux étudiants étrangers qui viennent au Canada. Vous avez dit que, s’il fallait accepter tous les étudiants en leur donnant une résidence permanente, cela enlèverait des places pour accueillir d’autres types d’immigrants, que ce soit des immigrants économiques, des familles, etc.
Je vous pose la question parce que, dans la francophonie canadienne, on a un énorme déficit d’immigrants francophones. On doit faire face au vieillissement de la population. Accueillir plus d’étudiants et leur permettre d’accéder à la résidence permanente, cela pourrait être une solution dans nos communautés.
J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet plus particulièrement.
Mme Xavier : Merci de votre question. En effet, comme je le disais, on reçoit au-delà de 500 000 demandes. Ma collègue Mme Dorion aura peut-être plus de détails à vous donner. Du point de vue de nos statistiques pour le bassin d’étudiants, c’est un secteur qui représente plus de 23 milliards de dollars pour l’économie canadienne, ce qui est une bonne chose.
Pour atteindre la somme de 23 millions de dollars, il faut un gros volume d’étudiants. Si on s’assurait que chaque étudiant devient résident permanent, on risquerait d’éliminer des possibilités pour d’autres personnes que l’on souhaiterait voir au pays grâce aux progrès en matière d’immigration au Canada.
Ce n’est pas qu’on ne considère pas les étudiants comme des immigrants économiques ou des immigrants très importants. Au contraire, ils représentent l’un des éléments qui peuvent nous aider avec l’immigration francophone. Comme l’a dit le ministre, nous avons ajouté des points surtout pour les gens issus de nos systèmes. S’ils sont déjà bilingues ou francophones, on cherchera à augmenter leur capacité à rester au pays. Toutefois, les demandes que l’on reçoit ne viennent pas toujours de personnes bilingues. Soyons clairs. Certaines personnes posent également leur candidature pour fréquenter des écoles anglophones. On doit trouver un équilibre en matière d’immigration en général.
Le président : Merci de cette précision.
La sénatrice Clement : Merci aux témoins de passer tout ce temps avec nous. J’ai un intérêt particulier pour la relation entre le gouvernement fédéral et les municipalités. On sait que le gouvernement fédéral a l’habitude de travailler avec les provinces. Toutefois, les gouvernements municipaux sont plus proches des communautés.
Je reviens au programme des communautés accueillantes. Quels succès avez-vous constatés par rapport au partenariat avec les municipalités en particulier? Comment avez-vous fait pour assurer une bonne communication? La communication pose toujours un défi. Je parle d’une bonne communication entre le gouvernement fédéral et les municipalités. Cette relation avec les municipalités va-t-elle justement contribuer à la politique sur l’immigration francophone pour l’avenir?
Mme Xavier : Merci beaucoup pour la question. Comme vous l’avez dit, nous travaillons étroitement avec les provinces. Ce sont des partenaires clés dans tout ce que l’on fait du point de vue de l’immigration. Nous travaillons aussi avec les municipalités, mais surtout par l’intermédiaire des provinces. Les provinces doivent réaliser que les municipalités se trouvent sous leur juridiction et on doit respecter cette gouvernance. Elles jouent un rôle très important, surtout lorsqu’il est question de l’intégration dans la communauté.
Je vais céder la parole à Mme Scott, qui pourra vous donner plus de détails.
Catherine Scott, sous-ministre adjointe, Établissement et intégration, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Dans le cadre de l’immigration francophone, et surtout dans le parcours d’intégration francophone qui est en place depuis 2019, il y a deux éléments importants, dont les communautés accueillantes dont nous avons discuté plus tôt. Pour ces 14 communautés, c’est une occasion pour le gouvernement local et les acteurs locaux de se rassembler et de développer un plan pour accueillir des immigrants. On retrouve également 13 réseaux d’immigration francophone partout au pays. Des réseaux semblables existent aussi pour l’immigration en général partout au Canada.
Ces 13 réseaux d’immigration francophone sont une occasion, pour l’ensemble des joueurs clés du point de vue économique, y compris les municipalités, les chambres de commerce et les services sociaux, de se rassembler pour collaborer dans le but d’établir des objectifs pour la communauté et pour la région. À ce point de vue, les municipalités jouent un rôle très important. Elles connaissent les besoins locaux et peuvent définir les enjeux et les solutions possibles. Ainsi, il est très prometteur d’impliquer le gouvernement à l’échelle locale pour le développement de mesures visant à accueillir et à intégrer les immigrants francophones.
La sénatrice Gagné : Le réseau des universités et des collèges de la francophonie canadienne comprend les collèges et les universités à l’extérieur du Québec. Ces établissements sont de petite taille. Dans vos analyses visant à déterminer combien d’étudiants pourraient avoir le droit d’immigrer et devenir résidents permanents, êtes-vous en mesure d’utiliser une lentille différente pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire?
Mme Xavier : Merci pour la question. Oui, absolument. Une grosse partie de notre travail, lorsqu’on met en place un plan pour l’immigration, c’est la consultation. Nous menons des consultations partout au pays et auprès de divers organismes. On travaille étroitement avec les provinces et les territoires, mais on s’assure aussi de parler aux universités et aux collèges. En tant que sous-ministres, nous les rencontrons régulièrement et ils nous font part de leur point de vue afin que nous puissions mettre sur pied des programmes qui vont évoluer et continuer de répondre aux besoins des communautés et aux besoins de notre pays en général. Tout cela fait partie de l’élaboration du plan d’immigration déposé au Cabinet, et éventuellement à la Chambre des communes.
Nous faisons aussi assez régulièrement des sondages auprès des Canadiens et des petites communautés. On cible spécifiquement les minorités, ce qui inclut les communautés minoritaires de langues et les communautés racisées. On s’assure de s’informer de ce qu’a été leur expérience à leur arrivée. On apprend ainsi, comme ministère, comment répondre aux exigences du gouvernement, bien sûr, mais aussi comment continuer d’améliorer l’expérience de l’immigrant à son arrivée au Canada.
La sénatrice Gagné : Ma prochaine question concerne les agents d’immigration. Est-ce que les agents d’immigration comprennent bien les besoins des communautés francophones en situation minoritaire? Je parle du moment où ils sont en contact avec des étudiants potentiels et aussi de la réponse à la pénurie de main-d’œuvre.
Mme Xavier : Merci pour la question. En général, on s’assure de bien comprendre les enjeux du Canada, ce qui inclut la pénurie de main-d’œuvre. C’est une partie importante de la façon dont le plan d’immigration est élaboré pour les trois prochaines années. Les plans déposés au Parlement sont habituellement pour une période de trois ans. Toutefois, il est revu chaque année afin de voir si on répond toujours aux besoins du pays, comme pour ce qui est de la pénurie de la main-d’œuvre. On considère également ces enjeux lorsqu’on traite les demandes des étudiants.
Je vais céder la parole à Mme Dorion, qui aura peut-être d’autres détails à ajouter.
Marie-Josée Dorion, directrice générale par intérim, Planification et rendement des opérations, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Les critères d’immigration sont les mêmes, peu importe la provenance des gens. Les critères sont les mêmes pour les étudiants internationaux et pour les travailleurs étrangers. Cependant, pour répondre de façon plus précise à votre question, nos agents d’immigration suivent une formation continue. Plus particulièrement, lorsqu’ils vont en poste à l’étranger, on leur donne une formation spécifique sur la région où ils vont travailler. Cela inclut plusieurs choses. On s’assure aussi que les gens ont des connaissances sur le monde de l’immigration et sur les communautés d’accueil au Canada. Ces sujets sont traités dans la formation, mais il faut savoir que les critères d’immigration, que ce soit pour une demande de résidence temporaire ou permanente, sont les mêmes pour tout le monde, peu importe la langue.
Le président : À mon tour de vous poser quelques questions. Vous avez beaucoup parlé des consultations que vous menez. Je me demande si le Comité directeur Citoyenneté et Immigration Canada – Communautés francophones en situation minoritaire est toujours actif. Dans l’affirmative, à quelle fréquence se réunit-il? Quels dossiers traite-t-il? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
Mme Xavier : Je vous remercie de la question. Je vais demander à ma collègue Mme Scott d’y répondre. Elle connaît le sujet mieux que moi, car elle travaille très étroitement avec les communautés d’intégration francophone à travers le pays.
Mme Scott : Merci pour la question. Effectivement, nous travaillons en étroite collaboration avec la FCFA. Le comité dont vous parlez se réunit environ une fois par mois. Nous avons aussi un comité de travail sur la cible et sur les prochaines étapes pour ce qui est de ce que l’on peut envisager pour l’avenir. Les discussions avec les communautés se font de façon très régulière. C’est un dialogue ouvert et constructif.
Le président : Merci beaucoup. Je ne vois pas d’autres questions de la part de mes collègues.
Je vais vous poser une dernière question, mais je ne veux pas vous coincer. J’ai beaucoup de respect pour le travail que vous faites. Je sais qu’à l’intérieur du ministère, c’est vous qui êtes la mieux placée pour dire ce qui devrait être fait pour améliorer votre travail. Comme les autres ministères, le vôtre doit respecter la Loi sur les langues officielles. Il y a un déclin du français au Canada, on veut atteindre l’égalité réelle au sein des deux communautés et il y a une notion de rattrapage.
Si on vous proposait d’inclure un poste de sous-ministre adjoint qui se consacrerait particulièrement à l’immigration francophone à l’extérieur du Québec, avec un programme spécifique, quels seraient les avantages d’un tel poste? En fait, quels seraient les défis d’un tel poste?
Mme Xavier : Merci beaucoup de la question, et merci de nous donner l’occasion d’être avec vous ce soir. Nous sommes privilégiées de pouvoir répondre à vos questions. Nous vous remercions également de reconnaître les efforts que nous faisons, comme ministère et comme fonctionnaires.
Je sais que quelqu’un a posé une question semblable au ministre. Ce que je vous dirais, c’est que dans notre ministère, sous les ordres de la sous-ministre adjointe, Mme Scott, il y a un directeur général qui se consacre à l’immigration francophone. C’est quelque chose que nous prenons très au sérieux. Les choses doivent continuer de s’améliorer et on va continuer de travailler avec les communautés, surtout la FCFA, pour identifier les autres cibles qui seraient possibles à l’avenir et pour s’assurer d’avoir du succès avec le programme. Il est important de respecter la langue française et de respecter les communautés minoritaires partout au pays.
Pour le moment, nous sommes assez satisfaits que le directeur général qui se consacre à cela travaille avec les communautés. Je ne veux pas dire qu’on ne peut pas continuer de s’améliorer, et c’est sûr qu’on va continuer de le faire. Cependant, nous allons continuer d’utiliser les outils dont nous disposons dans notre ministère, et ce n’est pas une seule personne qui fera la différence.
Mme Scott veut peut-être ajouter quelque chose. Elle est très impliquée dans ce rôle. Nous en discutons assez régulièrement et nous faisons rapport de façon continue à notre ministre. Il sait également qu’il faut atteindre cette cible. Il est important de s’assurer d’avoir des communautés minoritaires partout au pays, car cela enrichit notre culture et nos communautés.
Mme Scott : Merci beaucoup. Effectivement, l’équipe de l’immigration francophone est aussi responsable de la partie VII; cela fait partie de mon secteur. C’est une priorité pour moi en tant que sous-ministre adjointe. Je suis aussi la championne des langues officielles pour le ministère. Les langues officielles occupent une part très importante de mon quotidien.
Je dirais, comme la sous-ministre l’a indiqué, que la question des langues officielles est une question horizontale au sein du ministère. Il serait très difficile de rassembler, dans un seul secteur, tous les enjeux liés à l’immigration francophone. Bien sûr, mon équipe met davantage l’accent sur la promotion et l’intégration. Il y a aussi toute la question de la sélection qui se fait au moyen des différents programmes du ministère.
Je pense que nous avons un modèle qui fonctionne assez bien. La question de l’immigration francophone est discutée régulièrement au comité de gouvernance du ministère. Mon rôle, et le rôle de mon directeur général, est de s’assurer que cette question profite d’une visibilité accrue et constante. On prend cela très au sérieux dans notre travail au quotidien.
Le président : Merci, madame Scott. Je ne voulais absolument pas vous déplacer dans un autre poste; je sais que vous faites très bien votre travail et nous l’apprécions.
Puisqu’il n’y a pas d’autres questions, je vais conclure en disant que vous avez raison de dire que l’immigration francophone est une question horizontale, dans tout votre ministère et dans tout le gouvernement, en fait. C’est une question qui doit être examinée par beaucoup de ministères.
Nous vous remercions du travail que vous faites pour les Canadiens et les Canadiennes et de l’appui que vous donnez au ministre actuel. Je crois qu’il y a beaucoup de pain sur la planche. Nous comptons sur votre appui pour la suite des choses et nous pourrons, le moment venu, déposer un rapport qui, je l’espère, vous sera également utile.
Merci à vous, et merci aux sénateurs d’avoir été là aujourd’hui et d’avoir posé des questions. Merci au personnel, aux interprètes, à la greffière et aux analystes.
Nous allons conclure notre réunion. Je vous souhaite une bonne fin de journée.
(La séance est levée.)