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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 7 juin 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 1 (HE), avec vidéoconférence, afin d’étudier le projet de loi C-242, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (visas de résident temporaire pour les parents et les grands-parents); d’examiner, pour en faire rapport, les questions qui pourraient survenir concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général; et, à huis clos, de discuter des observations.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, j’aimerais tout d’abord souhaiter la bienvenue à tous les membres du comité et aux membres du public qui regardent nos délibérations. Je m’appelle Ratna Omidvar, sénatrice de l’Ontario et présidente du comité.

Présentons-nous aux membres du public et aux témoins.

La sénatrice Osler : Gigi Osler, du Manitoba.

La sénatrice Burey : Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.

Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La présidente : Chers collègues, nous allons procéder à l’étude article par article du projet de loi C-242, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (visas de résident temporaire pour les parents et les grands-parents).

Avant que nous commencions, j’aimerais rappeler un certain nombre de points aux sénateurs. Si l’un d’entre vous n’est pas certain de savoir où nous en sommes dans le processus, veuillez demander des précisions. Je veux que nous soyons tous sur la même longueur d’onde.

En tant que présidente, je dois faire de mon mieux pour que tous les sénateurs qui souhaitent s’exprimer puissent le faire. Je compte toutefois sur votre collaboration et je vous demande de faire preuve de considération envers vos collègues en essayant d’être aussi concis que possible.

Si vous levez la main pour intervenir et que nous ne vous donnons pas la parole, n’hésitez pas à faire ce que vous jugez nécessaire pour attirer notre attention.

Enfin, je tiens à rappeler aux sénateurs que, s’il y a le moindre doute quant à l’issue d’un vote par oui ou non ou d’un vote à main levée, la solution la plus efficace est de demander un vote par appel nominal, ce qui donne évidemment des résultats sans équivoque. Comme les sénateurs le savent, toute égalité des voix annule la motion en question.

Y a-t-il des questions sur le processus? Si ce n’est pas le cas, nous pouvons procéder.

Chers collègues, est-il convenu de procéder à l’étude article par article du projet de loi C-242, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (visas de résident temporaire pour les parents et les grands-parents)?

Des voix : Oui.

La présidente : Merci. L’étude du titre est-elle reportée?

Des voix : Oui.

La présidente : L’article 1, qui comprend le titre abrégé, est‑il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : L’article 2 est-il adopté?

La sénatrice Burey : Puis-je poser une question, madame la présidente?

La présidente : Bien sûr.

La sénatrice Burey : J’ai peut-être une observation à faire. Dois-je attendre que vous ayez terminé? Merci. Voilà pour la clarification.

La présidente : L’article 3 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : L’article 4 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : L’article 5 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : L’article 1, qui comprend le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Le titre est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Le comité souhaite-t-il annexer des observations au rapport? Je sais qu’il y a des observations, chers collègues. La sénatrice McPhedran en a soumis deux.

Le comité souhaite-t-il discuter des observations en séance publique ou à huis clos?

La sénatrice Burey : En séance publique.

La présidente : En séance publique. Chers collègues, nous avons deux ébauches d’observations que la sénatrice McPhedran a préparées. Elles vous ont été distribuées hier. Notre page a des copies si vous en avez besoin. Une version mise à jour s’en vient.

La sénatrice Seidman : Excusez-moi. La version que nous venons de recevoir est-elle différente de celle que nous avons reçue à l’avance?

La présidente : Oui, elle a été mise à jour. Nous allons vous la fournir pour que vous puissiez la lire et, puisque la sénatrice McPhedran est absente, je vais la lire à haute voix.

Avons-nous tous une copie dans les deux langues officielles? Oui? Nous l’avons dans les deux langues. Merci.

Je vais lire l’observation à haute voix.

Votre comité a été informé par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada que le fait de permettre aux demandeurs du super visa de souscrire une assurance médicale étrangère pourrait entraîner des changements dans le cadre réglementaire actuel en matière d’assurance. Votre comité constate que le projet de loi C-242 ne prévoit aucun cadre de mise en œuvre pour la création et la surveillance continue d’un processus de filtrage des fournisseurs d’assurance internationaux, ce qui peut entraîner des difficultés potentielles dans la compilation d’une liste de fournisseurs d’assurance étrangers qui respectent les exigences réglementaires fédérales et provinciales/territoriales existantes.

Le comité recommande donc que des consultations et des recherches approfondies soient menées en collaboration avec les partenaires provinciaux et territoriaux, les organismes de réglementation et les experts du secteur de la santé avant d’approuver tout fournisseur d’assurance étranger.

L’observation est-elle acceptée?

Des voix : Oui.

La présidente : Voici la deuxième observation :

Le Comité constate une possible redondance législative, puisque les objectifs du projet de loi C-242 pourraient être atteints par l’intermédiaire des instructions ministérielles actuelles concernant les super visas pour les parents et les grands-parents. Il recommande de veiller à une mise en œuvre administrative efficace du projet de loi C-242.

L’observation est-elle acceptée, chers collègues?

Des voix : Oui.

La présidente : Est-ce que quelqu’un peut nous aider au sujet de la version française?

La sénatrice Cordy : J’ai une question. Cela me va, mais le projet de loi stipule que la compagnie d’assurances doit être agréée par le ministre. Pourrait-on être un peu plus concis? Je n’y vois pas d’inconvénient, mais l’observation pourrait peut‑être être plus concise — ou nous pouvons laisser les choses telles qu’elles sont.

La présidente : Puisque je ne suis pas l’auteure de ce texte, je ne sais pas.

La sénatrice Seidman : Je n’étais pas ici lors des témoignages.

La sénatrice Cordy : Moi non plus.

La sénatrice Seidman : Puisque je n’étais pas au comité lorsque vous avez entendu les témoignages, je ne sais pas [Difficultés techniques].

La présidente : Bon nombre d’entre nous étaient ici, et il a été question de la validité de la liste des fournisseurs d’assurance. Nous avons rappelé le gouvernement à deux reprises.

Le sénateur Kutcher : Il est extrêmement difficile pour nous de comprendre toute la portée des observations si la personne qui les présente n’est pas là.

La présidente : Je suis désolée, sénateur Kutcher. Je vais devoir vous demander de répéter ce que vous avez dit.

Le sénateur Kutcher : D’accord, j’espère me souvenir de ce que j’ai dit. En gros, je dis qu’il est très difficile pour nous de discuter des nuances de certaines des choses qui viennent d’être soulevées si la personne qui a présenté l’observation n’est pas là pour nous aider à comprendre. Je voulais simplement le souligner et demander comment nous devrions procéder étant donné que c’est la situation dans laquelle nous sommes.

La présidente : Je viens de recevoir un message de la sénatrice McPhedran. Elle ne peut pas être présente. Je vais demander à la greffière de me conseiller à ce sujet.

Chers collègues, le comité souhaite-t-il discuter des observations en séance publique ou à huis clos?

Une voix : À huis clos.

La présidente : Merci.

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

La présidente : Chers collègues, nous reprenons notre réunion. Le premier point à l’ordre du jour est de prendre une décision au sujet du projet de loi C-242.

Puis-je faire rapport du projet de loi, avec les observations annexées, au Sénat?

Des voix : Oui.

La présidente : Je vous remercie.

Nous passons maintenant au deuxième point à l’ordre du jour. Nous allons poursuivre notre étude sur la main-d’œuvre temporaire et migrante du Canada avec un témoin qui représente l’industrie des produits de la mer.

Avant de commencer, j’aimerais que les sénateurs se présentent rapidement aux membres du public et au témoin. Allons-y d’abord avec la vice-présidente du comité, la sénatrice Cordy.

La sénatrice Cordy : Je m’appelle Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse. Bienvenue.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard. Je viens moi aussi de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario.

Le sénateur Kutcher : Je suis ravi de vous revoir. Je m’appelle Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Burey : Sharon Burey, de l’Ontario.

La sénatrice Osler : Gigi Osler, du Manitoba.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman de Montréal, au Québec.

La présidente : Bienvenue au comité, monsieur Paul Lansbergen, président du Conseil canadien des pêches. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui.

Vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Les sénateurs vous poseront des questions par la suite. Allez-y, s’il vous plaît.

Paul Lansbergen, président, Conseil canadien des pêches : Bonjour. Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui.

Avant de faire mes observations sur le sujet à l’étude, j’aimerais vous donner quelques informations sur le conseil, le secteur et les avantages des produits de la mer.

Le Conseil canadien des pêches du Canada, ou CCP, est le porte-parole national de la pêche commerciale d’espèces sauvages au Canada. Nos membres sont des transformateurs. Ce sont des PME ainsi que des entreprises autochtones qui pêchent dans les trois océans du Canada. Il s’agit avant tout de transformateurs, mais tous mènent des activités de pêche.

L’industrie canadienne des produits de la mer crée 90 000 emplois, principalement dans les collectivités côtières et rurales. En substance, le secteur est le cœur économique de ces collectivités et représente 9 milliards de dollars du produit intérieur brut, ou PIB, et exporte des produits vers plus d’une centaine de pays.

L’augmentation de la demande mondiale d’aliments riches en protéines, notamment de poissons et de fruits de mer, laisse entrevoir des possibilités de croissance pour notre secteur. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture prévoit que la demande mondiale de produits de la mer augmentera de 7 à 10 % par année. Vous vous demandez peut-être d’où cela viendra — les océans couvrent 71 % de la Terre, mais seulement 3 % des aliments que nous consommons proviennent des océans.

Les recherches du Groupe de haut niveau pour une économie océanique durable indiquent que les océans pourraient fournir durablement six fois plus de nourriture qu’aujourd’hui. Cela représenterait plus des deux tiers des protéines animales qu’il faut pour nourrir la population future. Compte tenu de la faible empreinte carbone des aliments d’origine océanique, l’augmentation de la part qu’ils représentent dans le régime alimentaire mondial contribuerait de manière significative à atténuer les changements climatiques.

Je veux vous donner une dernière statistique sur l’économie océanique. Selon le World Resources Institute, chaque dollar investi dans les protéines océaniques rapporte 10 $ en avantages sur les plans de la santé, de l’environnement et de l’économie, ce qui constitue un très bon retour sur l’investissement.

Pour en revenir au sujet qui nous occupe, le secteur des pêches se compose de deux activités très bien intégrées : la pêche commerciale et la préparation et le conditionnement des produits de la mer. Cette dernière activité suppose généralement l’ajout d’une certaine valeur aux produits de la mer, par exemple en les conditionnant en portion, en les mettant en conserve, en les fumant, en les congelant et en les emballant. Dans l’ensemble, l’emploi est réparti de manière relativement égale entre les deux segments de l’industrie.

Le secteur des pêches est dans une situation semblable à celle de notre grand secteur alimentaire et nous avons d’importantes pénuries de main-d’œuvre. Pendant la pandémie, la proportion de postes vacants a atteint 25 %, ce qui a eu une incidence sur les volumes de production. Nos problèmes de main-d’œuvre ne sont pas nouveaux. Nous avons une main-d’œuvre vieillissante et, dans celle du Canada atlantique, une personne sur trois a plus de 55 ans, ce qui signifie que les départs à la retraite continueront de nous poser des problèmes.

Le caractère saisonnier de l’industrie et la mauvaise perception qu’ont les gens des emplois dans le secteur constituent un obstacle pour certains, et le fait d’exercer des activités dans de petites collectivités peut être une arme à double tranchant. L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est excellent, mais le réservoir de main-d’œuvre est restreint. Bien que les conditions de travail de certains postes puissent ne pas être attrayantes pour certains travailleurs potentiels, le secteur offre de bons salaires, en particulier pour les petites collectivités côtières.

Le secteur a pris un certain nombre d’initiatives pour résoudre certains de ces problèmes. Premièrement, les entreprises du secteur font de l’autopromotion afin d’attirer des travailleurs. Entre autres, elles font souvent valoir l’excellent équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée qu’offrent les collectivités côtières.

Deuxièmement, le Conseil canadien des pêches dispose d’un programme de perfectionnement professionnel propre au secteur. Il s’appelle Future Leaders Canada et permet aux entreprises d’investir dans le perfectionnement de leurs employés. Nous l’avons lancé en 2019 et nous avons reçu des commentaires très positifs de la part des participants.

Troisièmement, cette année, le Conseil canadien des pêches s’est associé à Compétences Transformation Alimentaire Canada pour soutenir son projet intitulé Achieving Our Workforce Destination. Il s’agit d’une série de nouvelles ressources en matière de main-d’œuvre pour l’industrie canadienne de la transformation des aliments et des boissons.

Quatrièmement, les entreprises investissent dans des équipements de transformation automatisés afin de demeurer compétitives, d’améliorer la qualité des produits et d’éliminer les postes vacants. Tout travailleur qui se retrouve sans emploi a la possibilité de se recycler et peut parfois occuper d’autres postes vacants.

Cinquièmement, malgré ces efforts, les entreprises dépendent de plus en plus des travailleurs étrangers temporaires, que ce soit pour un travail saisonnier ou un travail qui dure toute l’année. Les travailleurs étrangers temporaires aident à combler les lacunes en matière de main-d’œuvre. Nous sommes satisfaits des améliorations qui ont été apportées au programme en 2021, et les mesures temporaires ont été prolongées jusqu’au 31 octobre 2023, tout en faisant l’objet d’une évaluation plus approfondie. Nous aimerions qu’elles deviennent permanentes.

Une autre amélioration consisterait à faciliter l’accès des travailleurs temporaires à la résidence permanente. La voie d’accès à la résidence permanente doit être élargie pour répondre à la demande. Il faut également réduire la paperasserie et le fardeau économique que représente le programme. Il est coûteux et les délais de traitement sont longs.

Je vous remercie de votre attention. Je serai ravi de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, monsieur Lansbergen. Je suis désolée des interruptions.

Chers collègues, puisque nous n’avons qu’un seul témoin aujourd’hui, vous avez amplement de temps. Les sénateurs vont maintenant poser des questions. C’est la sénatrice Cordy qui va commencer. Chacun disposera de cinq minutes, questions et réponses incluses.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup de vous être joints à nous aujourd’hui. Le sénateur Kutcher et moi-même siégeons au Comité permanent des pêches et des océans. J’ai tendance à parler d’abord des stocks de poissons et d’autres sujets de ce genre, alors veuillez me pardonner si je m’égare un peu par moments.

Il est intéressant de consulter vos statistiques. Je viens de la Nouvelle-Écosse, du Canada atlantique, où le secteur de la pêche revêt une grande importance. Nous avons connu le plus grand afflux de population de mon vivant. En effet, la Nouvelle-Écosse compte aujourd’hui plus d’un million d’habitants. Les données sur la démographie sont demeurées relativement stables pour notre province, mais nous connaissons en ce moment un apport significatif de nouveaux arrivants.

Vous avez bien su décrire les défis auxquels la Nouvelle-Écosse est confrontée. Tout d’abord, il s’agit d’une région rurale, qui vient bien sûr avec un style de vie enviable, des coûts de logement moins élevé et ainsi de suite, mais le problème est que les personnes qui immigrent dans notre province ont tendance à vouloir s’installer au sein des régions les plus peuplées. Je ne sais pas exactement comment nous abordons cet enjeu.

Le vieillissement de la population est un autre enjeu de taille. En Nouvelle-Écosse, la population vieillit, et c’est également le cas, je crois, dans l’ensemble du Canada atlantique. Comment encourager les jeunes à se lancer dans l’industrie de la pêche? Voilà mes deux questions.

M. Lansbergen : Je vous remercie pour vos questions, qui sont difficiles. Je pense qu’il faut établir une plus grande collaboration entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les organismes communautaires pour créer un environnement plus accueillant afin d’attirer les immigrants dans nos petites collectivités. Les grands centres urbains disposent de plus d’organismes de soutien, ce qui permet aux immigrants de s’intégrer plus facilement à notre société. Nous devons nous efforcer d’attirer les personnes immigrantes au sein de nos petites collectivités. Les entreprises doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour rendre les postes qu’elles affichent plus attrayants.

La sénatrice Cordy : Vous avez parlé de faciliter l’accès à la résidence permanente pour les immigrants. Que devrait faire le gouvernement fédéral selon vous? Il s’agit en effet d’une compétence qui relève du gouvernement fédéral.

M. Lansbergen : D’après ce que nous ont rapporté nos membres, l’enjeu est lié au nombre de personnes qui sont autorisées à obtenir la résidence permanente. Je pense à une entreprise située en Colombie-Britannique qui voulait faire participer certains de ses travailleurs étrangers temporaires à cette partie du programme, mais il y a eu un problème de sursollicitation avant qu’elle ne soit en mesure de remplir la paperasse, de faire passer les tests médicaux et d’autres tests aux travailleurs pour qu’ils puissent soumettre leurs demandes. Un plus grand nombre de demandes permettrait à un plus grand nombre d’employeurs et de travailleurs de participer à ce programme.

La sénatrice Cordy : Quel pourcentage des travailleurs étrangers temporaires qui viennent s’établir au Canada souhaite réellement obtenir la résidence permanente? Je sais qu’un grand nombre de travailleurs agricoles se rendent en Nouvelle-Écosse avec l’intention d’y demeurer uniquement pendant la période des semences et celle de la récolte. Dans l’industrie de la pêche, quel est le pourcentage de travailleurs qui veulent s’établir au Canada de manière permanente?

M. Lansbergen : Je n’ai pas de données précises sur le pourcentage, mais je pense que les travailleurs qui occupent un poste plus saisonnier veulent rentrer chez eux pour retrouver leur famille pendant la saison morte. Les travailleurs qui ont le luxe de pouvoir travailler toute l’année seraient davantage intéressés par la résidence permanente, mais je n’ai pas de chiffres exacts, je suis désolé.

La sénatrice Cordy : Pas de problème, je vous remercie.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui. Le secteur canadien des produits de la mer s’est développé principalement sur la côte Ouest et sur la côte Est. Je voudrais comparer les marchés du travail de ces deux côtes, et comprendre s’il existe des différences dans les emplois disponibles ou dans les conditions de travail et de vie des travailleurs temporaires et migrants sur les deux côtes.

M. Lansbergen : Je vous remercie pour votre question. Vous avez raison d’affirmer que notre industrie se déploie principalement dans le Canada atlantique. Toutefois, elle est de plus en plus implantée dans l’Est de l’Arctique et au Nunavut. Je parlerais donc de la situation sur les trois côtes.

Le type de travail est assez similaire sur les trois côtes; on parle d’un mélange d’emplois saisonniers d’emplois à l’année. J’ai l’impression que la situation sur le marché de l’emploi est légèrement plus favorable sur la côte Est, là où la pêche hauturière est plus importante et peut fournir des emplois tout au long de l’année. La situation de l’industrie est actuellement meilleure dans le Canada atlantique que sur la côte Ouest, de sorte que les perspectives d’emplois sont probablement un peu plus prometteuses sur la côte Est.

La sénatrice Seidman : Les perspectives d’emploi sont plus prometteuses sur la côte Est?

M. Lansbergen : Oui, exactement.

La sénatrice Seidman : Et qu’en est-il de la situation de l’industrie dans le nord?

M. Lansbergen : Au Nunavut, parce qu’il s’agit du territoire des communautés inuites, je ne sais pas si nos membres appliquent au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Les entreprises essaient généralement d’augmenter le nombre de travailleurs autochtones au sein de leur main-d’œuvre. Elles essaient d’embaucher et de former des Inuits pour travailler à bord des navires, et au sein des quelques petites usines dans le Nord.

La sénatrice Seidman : Si je peux me permettre d’être un peu plus précise, existe-t-il des différences démographiques entre les populations de travailleurs temporaires et migrants sur la côte Est et celles de la côte Ouest?

M. Lansbergen : Je n’ai pas connaissance d’une différence mesurable entre les deux côtes.

La sénatrice Seidman : D’accord. Et existe-t-il des différences entre les types d’emplois disponibles pour les travailleurs temporaires ou migrants?

M. Lansbergen : Je pense que vous en aurez une idée plus précise lors de votre prochaine réunion avec des représentants du secteur de la pêche au homard, car ce type de pêche particulier et les usines de transformations dépendent plus fortement de l’embauche de travailleurs étrangers temporaires que d’autres pêcheries. Je pense qu’il s’agit là d’une distinction considérable entre les deux côtes.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie.

La sénatrice Osler : Monsieur Lansbergen, je vous remercie pour votre témoignage aujourd’hui. Ma question porte sur la main-d’œuvre dans le Canada atlantique. Vous avez parlé de la conciliation de la vie personnelle et du travail comme d’un élément positif.

En 2020, l’Agence de promotion économique du Canada atlantique, ou APECA, a indiqué que le pourcentage de femmes participant à la main-d’œuvre dans le Canada atlantique était inférieur de 3,5 % à la moyenne nationale, et que la majorité des travailleurs du secteur de la pêche et de la transformation du poisson au Canada était des hommes.

Ces renseignements m’amènent à vous poser deux questions. Premièrement, disposez-vous de données sur la répartition par sexe des travailleurs temporaires ou migrants de la pêche et de la transformation du poisson? Deuxièmement, quels sont, à votre avis, les obstacles à la participation des femmes à la main-d’œuvre du secteur de la pêche au Canada atlantique?

M. Lansbergen : Ce sont de bonnes questions, et je dispose de quelques statistiques sur la répartition par sexe des travailleurs. Ces renseignements provenant d’Emploi et Développement social Canada, aussi connu sous l’acronyme EDSC, et de Service Canada, concernent surtout les Canadiens et les résidents permanents, par opposition avec les travailleurs que je représente. Le secteur demeure nettement dominé par les hommes, à 72 % de travailleurs contre 28 % de travailleuses. Les équipages des navires de pêche des flottilles hauturières sont majoritairement masculins, dépassant même les 72 %, je dirais. Ensuite, pour ce qui est des travailleurs dans les usines de transformation, ce sont en majorité des femmes.

En ce qui concerne les travailleurs migrants, je n’ai pas de données sur la répartition par sexe. Je me risquerais à dire qu’il s’agit encore probablement d’une majorité masculine, mais je n’ai pas de statistiques à ce sujet.

La sénatrice Osler : Pour la main-d’œuvre sur laquelle vous disposez de renseignements, avez-vous des données qualitatives ou des faits concernant les obstacles potentiels à la participation des femmes?

M. Lansbergen : Les entreprises du secteur de la pêche s’efforcent de recruter activement davantage de femmes et de travailleurs issus des minorités, mais notre industrie a toujours la réputation d’être un milieu masculin. Je pense que c’est l’un des plus grands obstacles à surmonter pour attirer davantage de femmes.

La sénatrice Osler : Le Conseil canadien des pêches a-t-il mené des discussions sur les stéréotypes de genre ou sur la manière d’attirer des travailleuses?

M. Lansbergen : Oui, nous en avons discuté. Par ailleurs, je suis fier de dire que le nombre de femmes au sein de notre conseil a augmenté, et je pense même qu’il a doublé depuis que j’y siège. Ce n’est pas nécessairement grâce à mes efforts particuliers, et je ne veux pas m’en attribuer le mérite. Toutefois, en l’espace de cinq ans et demi, j’ai constaté que le nombre de femmes avait doublé. Le secteur de la pêche reste dominé par les hommes. Je pense que sur les 17 membres de notre conseil d’administration, 12 sont des hommes.

Néanmoins, nous avons constaté une prédominance de femmes au sein de notre programme de développement de carrière. En effet, cette année, neuf candidats se sont inscrits au programme, dont sept ou huit femmes. Je peux donc vous assurer que nous effectuons certains progrès.

La sénatrice Osler : Je vous remercie.

Le sénateur Kutcher : Merci encore une fois de vous être joints à nous. Nous vous en sommes très reconnaissants.

J’ai plusieurs questions. Quels sont les principaux pays d’origine des travailleurs étrangers temporaires dans l’industrie des produits de la mer au Canada atlantique?

M. Lansbergen : C’est une bonne question. Honnêtement, le conseil que je préside n’a pas passé beaucoup de temps à étudier le Programme des travailleurs étrangers temporaires, à l’exception de certains enjeux mis de l’avant par le gouvernement l’année dernière. Il faudra que je vous revienne avec des données à ce sujet, car je ne veux pas me contenter de suppositions.

Le sénateur Kutcher : Je comprends cela, et je vous remercie.

L’industrie des produits de la mer est très fortement intégrée verticalement, comme vous l’avez mentionné, et il existe des liens très étroits entre les pêcheurs, les transformateurs et les composants à valeur ajoutée de cette chaîne. Quelle proportion des personnes qui sont venues au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires travaillent dans le secteur de la récolte, par opposition au secteur de la transformation? C’est ma première question.

Ensuite, quelle proportion de pêcheurs est impliquée dans la pêche côtière par rapport à la pêche hauturière?

Enfin, existe-t-il des différences significatives entre ces effectifs?

M. Lansbergen : Il s’agit de trois excellentes questions.

Il y a une grande différence entre les types d’effectifs. Pour ce qui est des flottilles hauturières, l’équipage des navires doit être composé de travailleurs canadiens ou de résidents permanents. À ma connaissance, nous ne sommes pas autorisés à embaucher des travailleurs migrants, en tout cas pas sur la côte Ouest. Plusieurs députés l’ont confirmé. Les employeurs aimeraient que cette situation évolue, parce qu’ils sont aux prises avec une importante pénurie de main-d’œuvre.

En ce qui concerne la pêche côtière, en tout cas dans le Canada atlantique, il existe des règles pour les propriétaires-exploitants. Le titulaire d’une licence doit donc être capitaine de navire, c’est-à-dire son propriétaire. Pour ce qui est de l’équipage, je ne suis pas familier avec les règles particulières, et j’ignore si les travailleurs migrants sont autorités à travailler à bord des navires.

Je dirais que la grande majorité des travailleurs migrants occupent des postes au sein des usines de transformation.

Le sénateur Kutcher : D’accord, je vous remercie.

Le conseil que vous présidez a-t-il entendu parler de préoccupations concernant l’exploitation ou la maltraitance de personnes arrivées au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires?

M. Lansbergen : Nous ne serions pas nécessairement une organisation à qui on l’aurait dit directement. Nous l’aurions appris par les médias, peut-être, et nous surveillons les faits se rapportant à l’industrie.

De mon point de vue, le pourcentage de travailleurs étrangers temporaires dans la filière alimentaire est faible. La lecture des rapports d’évaluation du gouvernement me fait présumer que le nombre d’inspections qui se sont révélées non conformes est également très faible. Les reportages des médias nous font certainement voir une très faible proportion de ces travailleurs. Mais les mauvaises nouvelles sont très médiatisées.

Le sénateur Kutcher : Exact.

L’immense majorité des pêcheries côtières est concentrée dans de petites communautés. Le capitaine est local, et l’équipage vient d’ailleurs, mais les usines ont tendance à être situées dans de grosses communautés, et elles attirent une main‑d’œuvre provenant de différents endroits.

Avez-vous eu connaissance de problèmes pour les travailleurs étrangers temporaires qui pourraient être racisés ou originaires de différentes catégories de pays et qui s’adapteraient difficilement aux petites communautés de pêche ou aux communautés un peu plus peuplées et pourvues d’usines?

M. Lansbergen : Nos usines sont encore situées dans d’assez petites communautés. Il n’y en a pas tellement à Halifax, par exemple. Lockeport, Dartmouth ou Shelburne, où il y en a, demeurent d’assez petites communautés.

Ça s’explique par le moins grand nombre d’organisations communautaires et de mesures municipales qui favoriseraient l’intégration en douceur des travailleurs migrants dans certaines de ces petites communautés. Mais le problème n’existe pas seulement dans le secteur des fruits de mer; il touche aussi de petites communautés agricoles de tout le pays.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup.

La sénatrice Petitclerc : Je crains que, peut-être, vous ne puissiez me répondre, parce que ma question prolonge celle que vient de vous poser le sénateur Kutcher. Je tiens à connaître vos observations sur les conditions de travail et le mieux-être des travailleurs migrants.

Vous avez évoqué les médias et les reportages, mais je suis davantage préoccupée par une étude publiée par l’Université Dalhousie, en mars dernier, un compte rendu d’entrevues avec 15 travailleurs migrants du Nouveau-Brunswick qui dépeignait une situation très dérangeante de petits salaires, de nombreuses heures de travail d’affilée et de locaux surpeuplés.

D’après ce que je comprends, votre organisme ne fait pas ça, surveiller, documenter, connaître ces choses. D’après ce que je comprends.

M. Lansbergen : Oui.

Notre mission nous fait privilégier les initiatives stratégiques qui assureront de meilleures conditions à l’industrie pour affronter la concurrence, faire des investissements et appuyer ses communautés.

Cela étant dit, je connais ce rapport, et, sans vouloir le déprécier, j’aurais comme réaction de ne pas considérer cet échantillon de 15 travailleurs comme représentatif des plus de 2 000 travailleurs étrangers temporaires du secteur des fruits de mer du Nouveau-Brunswick, cette année-là.

J’espère que ces récits ont été communiqués, pour enquête approfondie, à Emploi et Développement social Canada, parce que de tels mauvais traitements méritent enquête. S’ils sont avérés, il faudrait punir les employeurs et les chasser du programme.

La sénatrice Petitclerc : Votre organisme a-t-il une position sur les recommandations de ce rapport? Nous les avons entendues, ici, et lues sur des permis de travail, qui ne mentionnaient aucun employeur, ce genre de chose. Avez-vous une position ou avez-vous vous-même des recommandations sur la question du mieux-être?

M. Lansbergen : Nos compagnies membres sont des chefs de file de la soutenabilité dans l’industrie, et nous faisons de notre mieux pour attirer la main-d’œuvre et bien la traiter.

Ma réaction personnelle à la recommandation de permis ouverts est d’abord de dire que le programme est déjà très coûteux. Cette mesure augmenterait le risque pour les entreprises qui essaient d’obtenir des travailleurs étrangers temporaires; si on autorise ces travailleurs à venir puis à changer rapidement d’employeur, on créerait davantage de problèmes qu’on en résoudrait.

En cas de mauvais traitements et ce genre de choses, on peut déjà autoriser un transfert temporaire ou un transfert plus efficace. Nous devons seulement nous assurer d’appliquer en réalité les dispositions à cette fin.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

La présidente : Monsieur Lansbergen, je tiens à creuser la question de la sénatrice Petitclerc sur le rapport du Nouveau-Brunswick. Vous dites que les 15 personnes en question ne sont pas représentatives de vos travailleurs. Pourtant, vous aviez déclaré ne pas rassembler de données sur vos travailleurs migrants. Éclairez-moi, s’il vous plaît.

M. Lansbergen : Certainement. Pour me préparer à la réunion, j’ai consulté des rapports d’évaluation d’Emploi et Développement social Canada et des rapports de l’Institut Cooper. Dans le rapport même de l’étude, on pouvait lire que plus de 2 000 travailleurs étrangers temporaires avaient été embauchés au Nouveau-Brunswick cette année-là. À mes yeux, 15 entrevues sur 2 000 ne me semblent pas un échantillon représentatif et ce n’est certainement pas statistiquement significatif, si l’échantillon était quantitatif.

Dans l’ensemble du Canada, on comptait, en 2021, 61 000 travailleurs étrangers temporaires au chômage dans l’agriculture et l’agroalimentaire sur un effectif de 2,1 millions, soit environ 3 %. Ces travailleurs demeurent une petite partie de l’ensemble de notre filière alimentaire, mais une partie importante, quand il s’agit de régler certains de nos problèmes de main-d’œuvre.

La présidente : Merci. Vous êtes en droit de savoir que des membres de notre comité entreprendront une mission d’enquête au Nouveau-Brunswick et dans l’Île-du-Prince-Édouard, pour creuser la question.

Voyons maintenant les permis ouverts de travail. Dans ce cas également, à une question de la sénatrice Petitclerc, vous avez répondu qu’on craignait que ces permis n’accroissent la mobilité des travailleurs d’un employeur à un autre. N’est-ce pas la rançon des affaires? N’est-ce pas un choix qu’exercent continuellement les employés?

M. Lansbergen : Oui, bien sûr. Mais, en ce qui concerne les coûts de participation au Programme des travailleurs étrangers temporaires, des coûts s’ajoutent à ceux qu’on débourse pour attirer et embaucher un Canadien ou un résident permanent. Il faut d’abord prouver qu’aucun Canadien n’est disponible pour occuper le poste. Ensuite, il faut faire l’étude d’impact sur le marché du travail, essayer d’attirer un travailleur de l’étranger et travailler avec le gouvernement du pays en question ainsi qu’avec les autorités canadiennes. Le programme comporte déjà des coûts supplémentaires. Si le permis est ouvert et permet au travailleur embauché de s’en aller facilement, le risque est accru.

La présidente : D’accord. Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Mégie : Étant donné le vieillissement de la population partout au Canada — dans la région atlantique aussi —, comment pouvez-vous gérer cet état de fait grâce à la possibilité d’engager des étudiants étrangers internationaux?

Lorsqu’ils arrivent, vont-ils d’emblée dans cette industrie? Ont-ils été engagés pour cela? Aussi, dès le moment où ils obtiennent leur permis de résidence permanente, avez-vous connaissance que certains d’entre eux veulent changer d’option ou y a-t-il tellement peu d’options qu’ils ne bougent pas? Avez‑vous connaissance de telles situations?

M. Lansbergen : C’est une bonne question.

[Traduction]

Pour notre industrie, attirer des étudiants et des diplômés ou attirer du personnel non qualifié, c’est la même gageure — la mobilité augmentant certainement avec l’éducation.

Dans la fonction publique et les universités, nous constatons une pénurie de scientifiques dont la pêche est la principale discipline. Le Conseil canadien des pêches a créé une bourse annuelle pour en attirer dans les universités.

Dans d’autres professions spécialisées, telles qu’ingénieur, il est certain que, pour les bateaux, nous sommes en concurrence avec d’autres secteurs, comme le pétrole et le gaz. Ça présente une difficulté, parce que ce secteur a tendance, mieux que le nôtre, à verser des salaires encore meilleurs.

Le problème subsistera, particulièrement parce que, comme vous l’avez dit, nos effectifs vieillissent. Nous devons continuer autant que nous le pouvons.

[Français]

La sénatrice Mégie : J’ai entendu parler de tous les défis présents dans votre région. J’ai cru comprendre que ce sont les organismes communautaires qui habituellement, dans une région, planifient des programmes pour recevoir les nouveaux arrivants. D’après ce que j’ai compris — je ne sais pas si j’ai bien compris —, certains organismes auraient plutôt tendance à ne pas encourager les nouveaux arrivants; ai-je bien compris?

M. Lansbergen : C’est une bonne question.

[Traduction]

L’industrie est très diversifiée. Les pêcheries peuvent être très différentes entre elles. C’est la raison de la diversité des associations qui la représentent. Les compagnies et les pêcheurs, même pour leurs propres organisations, ont tendance à se tourner vers nous pour certaines choses qui sont un peu plus pointues.

Très honnêtement, je serais bien embarrassé de nommer un organisme dont la mission particulière serait de s’occuper de certaines de ces questions. Ce n’est pas la nôtre.

[Français]

La sénatrice Mégie : D’accord. Je vous remercie.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Merci, monsieur Lansbergen de votre témoignage et de vos réponses. Mes prochaines questions s’inspireront de certaines de celles que mes collègues vous ont déjà posées et auxquelles vous n’avez pas pu répondre. Je reviens à la charge, en vous demandant de nous communiquer les renseignements par écrit, après aujourd’hui.

Ainsi en serait-il des renseignements sur les pays d’accueil des travailleurs étrangers temporaires, ceci pour donner suite à la question du sénateur Kutcher.

Même demande, en ce qui concerne la question de la sénatrice Osler sur le genre, sous un prisme intersectionnel, et pour obtenir des données intersectionnelles sur le genre, la race et les handicaps. Je désire savoir qui, actuellement, est actif dans l’industrie tout en ayant ces identités intersectionnelles et savoir de quels pays d’accueil vous attirez des travailleurs étrangers temporaires. Je sais que vous n’aurez pas cette information. Je la dépose pour que vous puissiez obtenir les réponses pour nous. Merci d’avance.

Voici maintenant une question à laquelle, je l’espère, vous pourrez répondre : Vous avez notamment expliqué une pénurie de main-d’œuvre par la perception des conditions de travail. J’aimerais que vous en disiez davantage à ce sujet. Quelles sont ces perceptions qui font dédaigner par les habitants de la côte Est et de la côte Ouest ces emplois que vous qualifiez de très attrayants?

M. Lansbergen : D’accord. Les usines de transformation sont des endroits frais et humides qui, pour cette raison, ne plaisent pas à tout le monde. Les bateaux, certainement ceux de pêche hauturière, partent pour plusieurs semaines, loin des familles. Le travail y est difficile et il occupe une très grande partie du temps. Ce n’est pas fait pour nécessairement attirer tout le monde. Par contre, nous essayons d’offrir le meilleur salaire possible, ainsi que des avantages sociaux et autres.

Emploi et Développement social Canada a sondé des Canadiens pour connaître les principales raisons de leur manque d’intérêt pour des emplois dans notre secteur : 37 % ont mentionné le travail difficile et physique; 27 %, l’horaire atypique de travail, ce qui viserait peut-être davantage les bateaux; l’isolement des communautés, l’effet à double tranchant des petites communautés; le travail répétitif et inintéressant, 21 %; le caractère temporaire et saisonnier des emplois, 19 %; enfin, le milieu de travail insatisfaisant, 18 %. Les réponses semblaient cumulables, puisque le total dépasse 100 %, mais ce sont les réponses qui ont ressorti de l’évaluation. Je dois reconnaître qu’elles sont peut-être assez raisonnables. Certains aiment ce genre de travail; mais les autres, non.

La sénatrice Bernard : Votre organisation fait-elle de la recherche elle-même dans ce domaine?

M. Lansbergen : Non.

La sénatrice Bernard : Croyez-vous que vous le devriez?

M. Lansbergen : Si ça coïncide avec notre mission et nos ressources. Nous sommes chichement financés, et notre équipe compte trois personnes et deux tiers. Le temps à notre disposition suffit à peine pour les questions que nous avons déjà à régler.

La sénatrice Bernard : Peut-être que, en vous associant à des chercheurs universitaires, ce serait possible.

Voici maintenant ma question peut-être la plus importante : Dans quel sens la pêche autochtone sur la côte Est a-t-elle évolué? Permet-elle de combler certaines de vos lacunes ou de répondre à vos pénuries de main-d’œuvre?

La présidente : Je crains qu’il ne faille mettre en suspens cette question et y revenir plus tard.

La sénatrice Bernard : Dans ce cas, pourrais-je parler au deuxième tour, s’il vous plaît?

La présidente : Oui.

La sénatrice Burey : Je joins ma voix à celle de mes collègues pour vous remercier de votre témoignage, notamment sur l’utilité du secteur de la pêche pour le Canada et son potentiel de croissance.

Vous avez évoqué les pénuries permanentes de main-d’œuvre, qui ont même précédé la pandémie. Bien sûr, le problème s’est considérablement aggravé depuis. Je crois aussi que vous avez proposé une solution à certaines pénuries de main-d’œuvre, par exemple une voie d’accès à la résidence permanente. J’espère que j’ai bien entendu, mais vous pourrez me corriger, au besoin. Je tiens à savoir comment cette solution pourrait stabiliser les effectifs et, comme vous êtes dans le secteur de la pêche, à entendre vos explications, particulièrement pour ce secteur.

M. Lansbergen : Merci. Comme je l’ai dit, l’un des grands remèdes ou des grandes améliorations à l’accès à la résidence permanente serait l’augmentation du nombre de personnes admissibles à ce volet du programme, parce que certaines de nos compagnies membres ont voulu y participer, mais la demande était trop forte et il a fallu refuser du monde.

C’est important, notamment, parce que, comme je l’ai dit, nous avons des difficultés à attirer des travailleurs dans l’industrie, et les immigrants ne se dirigent pas nécessairement vers les petites communautés où nous sommes. Mais si des travailleurs étrangers temporaires sont désireux d’obtenir la résidence permanente et de travailler dans notre industrie, il serait très utile de leur permettre de le faire de façon accélérée. Comme ils se trouvent déjà dans l’industrie, nous devrions pouvoir les garder.

La sénatrice Burey : Vous avez ensuite dit que votre organisation recommandait des mesures stabilisatrices pour l’industrie. Est-ce que ça serait une recommandation pour nous? Quelque chose à examiner?

M. Lansbergen : Oui, et ce n’est pas la première fois que nous faisons cette recommandation au gouvernement.

La sénatrice Burey : Vous avez parlé d’automatisation. Ça m’intéresse. Pourriez-vous en dire davantage, notamment sur son effet sur l’industrie?

M. Lansbergen : Oui. Certaines usines sont encore très exigeantes en main-d’œuvre. Une partie du travail y serait encore répétitive et peut-être pas si agréable pour certains. Quand certains postes à travail répétitif deviennent vacants, nous pouvons, certainement grâce à la technologie moderne, les automatiser et peut-être retenir les travailleurs dans des postes où les conditions seraient meilleures tout en améliorant la qualité du produit et le rendement.

La sénatrice Burey : Merci.

La sénatrice Moodie : Je vous remercie de votre contribution au comité aujourd’hui.

Je voudrais revenir à ce que vous avez dit concernant les conditions dans lesquelles les travailleurs n’ont pas particulièrement envie de se retrouver. Je pense à l’exiguïté des lieux, à l’exploitation, au racisme et aux menaces d’expulsion, entre autres. Je me demande comment nous pourrions faire, selon vous, pour mieux comprendre les conditions réelles des travailleurs.

Nous savons que les inspections sont volontaires, je crois, dans ce secteur. Quelle est la proportion de toutes les activités de votre groupe qui font l’objet d’une inspection? En avez-vous une idée?

De plus, si nous avions la possibilité d’augmenter le nombre d’inspections afin d’accroître la validité statistique, comme vous l’avez dit, de nos données sur l’identité des personnes concernées et leur nombre, que nous conseilleriez-vous, en tant que groupe politique? Comment pouvons-nous augmenter le nombre d’inspections et obtenir de meilleures informations sur les conditions de travail?

M. Lansbergen : Il y a une question que je me pose : quelles sont les ressources dont dispose EDSC pour effectuer des inspections? Le ministère aurait-il les ressources nécessaires pour en faire plus, même si c’est sur une base volontaire?

La sénatrice Moodie : Connaissez-vous les chiffres?

M. Lansbergen : Non, je ne les connais pas.

Par ailleurs, je précise quand je parle de conditions de travail qui ne sont pas nécessairement attrayantes pour certaines personnes, je ne pense pas aux abus et à tout ce que vous pouvez imaginer.

La sénatrice Moodie : Moi oui.

M. Lansbergen : Cela ne devrait jamais arriver nulle part, c’est un problème d’application de la loi, de conformité et d’autres choses du genre.

La sénatrice Moodie : Y a-t-il des données à ce sujet? Savons-nous quelle proportion de toutes les activités est effectivement inspectée? Est-ce un problème, selon vous?

M. Lansbergen : La seule statistique que j’ai vue à ce sujet au cours de mes recherches — et je pense qu’elle vient du rapport d’évaluation —, c’est qu’il y a eu 1 612 inspections entre le 1er avril 2022 et le 29 janvier 2023 et que seulement 5 % ont permis de relever des cas de non-conformité. Je n’ai pas plus de statistiques que cela.

La sénatrice Moodie : Connaissez-vous le nombre total pour ces 1 612 inspections?

M. Lansbergen : Il y a eu 1 600 inspections pour environ 60 000 travailleurs étrangers temporaires. Encore une fois, c’est peu, je l’admets.

La sénatrice Moodie : Merci.

La présidente : Sénatrice Bernard, reprenons votre question en ce qui concerne les travailleurs autochtones dans l’industrie, à moins que vous ne vouliez qu’on vous répète la question.

M. Lansbergen : Non, je m’en souviens.

Dans le Nord, comme je l’ai dit plus tôt, on essaie activement de recruter des travailleurs autochtones et de les faire progresser au sein de l’entreprise, à tous les postes, jusqu’à la direction. Ailleurs au pays, là où il y a des communautés des Premières Nations et des Autochtones, c’est un bassin de travailleurs que les entreprises pourraient essayer de mieux utiliser. On déploie des efforts pour les attirer aussi.

Je peux également vous dire qu’étant donné ses objectifs de réconciliation avec les Autochtones, le gouvernement s’efforce d’accroître la participation autochtone au secteur de la pêche. Toutefois, il se concentre sur les permis et les quotas plutôt que sur les niveaux d’emploi. C’est là une question beaucoup plus complexe, qui serait peut-être pour un autre jour.

La sénatrice Bernard : Avez-vous des informations sur les pêches mi’kmaqs dans la région atlantique?

M. Lansbergen : Sur l’emploi dans l’industrie?

La sénatrice Bernard : Oui, et sur la pénurie de main-d’œuvre.

M. Lansbergen : Non. Nous ne nous sommes pas penchés sur la question. Je suis les questions d’actualité dans l’industrie, mais je n’ai pas vu de données sur le niveau d’emploi des Mi’kmaqs dans l’industrie à titre d’employés qualifiés ou non.

C’est surtout pour accroître l’accès à la ressource qu’on déploie le plus d’efforts — par l’octroi de permis d’accès à la ressource et le respect des droits de pêche découlant de traités, que ce soit pour l’alimentation, à des fins sociales et cérémonielles ou pour la pêche commerciale.

La sénatrice Bernard : Il semble donc y avoir une lacune à ce niveau.

Je me demande également si votre organisation joue un rôle quelconque dans le travail effectué au port de Halifax pour rejoindre davantage les communautés africaines de la Nouvelle-Écosse et si elle suit les conversations qui ont lieu au sujet des réparations envisagées après la destruction d’Africville et des effets de tout cela sur l’emploi dans le secteur des pêches.

La présidente : Sénatrice Bernard, je vais donner une minute à M. Lansbergen pour répondre à cette question. Nous devons vraiment respecter le temps imparti. Merci, monsieur Lansbergen.

M. Lansbergen : Franchement, je n’ai pas de réponse. Je vais devoir vous répondre ultérieurement.

La sénatrice Bernard : Merci.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je vous ai entendu parler tout à l’heure de bourses annuelles, de programmes scientifiques universitaires — il y a un organisme, ou le gouvernement, qui offre des bourses annuelles. Avez-vous constaté un certain intérêt pour ces bourses? Y a-t-il des gens intéressés à tenter de les obtenir?

La raison de ma question est la suivante : plus il y aura d’ingénieurs ou d’autres gens dans le même secteur — dans l’industrie de la pêche —, plus il y en aura qui seront formés à un niveau élevé. Cela encouragerait peut-être la recherche et le développement dans le domaine, ce qui pourrait peut-être entraîner une automatisation, comme l’a dit la sénatrice Burey, pour faciliter la vie et diminuer les défis, et permettre la rétention de ces employés. Plus les conditions de travail s’améliorent et sont soulagées par l’automatisation, plus cela pourrait les encourager à rester. Savez-vous si les gens sont intéressés par ces bourses?

[Traduction]

M. Lansbergen : Je n’ai pas d’information sur les bourses d’études, mais pour ce qui est des chercheurs présents dans l’industrie et les secteurs connexes et de leurs domaines de recherche, une grande partie de l’automatisation a déjà été mise au point à l’extérieur du Canada. Les fournisseurs de services ont facilement accès aux technologies. Il y a au Canada des entreprises qui peuvent aider les entreprises à évaluer leurs procédés et les possibilités d’automatisation, puis les guider pour déterminer comment procéder et quel équipement serait le mieux adapté.

En ce qui concerne les autres recherches et le développement de nouvelles technologies au Canada, je pense que l’accent est mis sur la pêche de précision, pour rendre les activités de récolte plus efficaces, plus efficientes et plus ciblées. Cela permettrait de réduire la consommation de carburant et les impacts environnementaux, notamment de réduire les prises accessoires ou les perturbations des fonds marins.

C’est dans ce domaine que les recherches sont les plus prometteuses. Nous cherchons aussi à optimiser l’utilisation de toutes les parties des poissons et des mollusques que nous récoltons, afin de créer plus de valeur. C’est un autre domaine dans lequel il y a des avancées passionnantes au Canada.

La présidente : Merci, monsieur Lansbergen et sénatrice Mégie. Nous allons poursuivre.

La sénatrice Osler : Je vais vous demander de nous faire parvenir une réponse et l’information demandée par écrit; ne répondez pas à ma question maintenant, s’il vous plaît.

Savez-vous si l’industrie — ou le Conseil canadien des pêches — offre aux employeurs de la sensibilisation, de l’éducation et de la formation culturelle officielle sur la culture et les pays d’origine des travailleurs étrangers temporaires et des travailleurs migrants? N’hésitez pas à me répondre par écrit.

M. Lansbergen : Non, la réponse est simple.

Non, nous n’avons pas de programmes en ce sens. Comme je l’ai dit, c’est une question de ressources et de mandat. Cela sortirait du cadre de notre mandat habituel et des priorités que nos membres ont fixées pour le conseil.

La présidente : Monsieur Lansbergen, j’ai une dernière question à vous poser, après quoi nous vous laisserons tranquille.

J’ai noté avec intérêt vos observations sur les raisons pour lesquelles l’industrie n’est pas attrayante pour bien des travailleurs. Je tiens à vous assurer que vos produits sont délicieux.

Je suis également frappée par le manque d’informations auxquelles vous avez accès. Vous citez constamment des rapports d’EDSC. Vous ne semblez pas colliger de données. Je me demande donc si votre association a envisagé de se doter d’un mécanisme simple comme d’une ligne d’assistance téléphonique pour les plaintes, à la fois pour les employeurs et les employés. Cela vous permettrait de recueillir des preuves.

M. Lansbergen : Je vous remercie de la suggestion. J’en ferai part à nos membres et en discuterai avec eux lorsque je leur présenterai mon rapport sur cette comparution et sur les questions auxquelles j’ai pu répondre et celles auxquelles je n’ai pas pu répondre.

Une dernière chose en ce qui concerne la formation culturelle : cela n’a rien à voir avec les travailleurs étrangers, mais dans notre programme Future Leaders Canada, qui est le programme de développement de la carrière dans le secteur, il y a un volet sensibilisation à la culture autochtone. Nous offrons au moins quelque chose en ce sens.

La présidente : Monsieur Lansbergen, j’ai une dernière question. S’il y a des questions auxquelles vous n’avez pas pu répondre, je vous prie de le faire par écrit.

Le Canada n’est pas le seul pays à compter, dans une certaine mesure, sur les travailleurs migrants temporaires dans l’industrie des produits de la mer. Quelles leçons pouvez-vous tirer de l’expérience des pays nordiques, s’il y en a?

M. Lansbergen : Je devrai vous répondre ultérieurement à ce sujet, en effet.

La présidente : Merci, chers collègues. Nous n’avons plus de temps.

Merci, monsieur Lansbergen. Votre témoignage a été très utile et nous a beaucoup aidés à comprendre votre secteur.

Chers collègues, nous continuerons notre étude sur la main-d’œuvre temporaire et migrante du Canada à l’occasion de notre réunion de demain, le jeudi 8 juin, à l’étage, dans la salle C128.

(La séance est levée.)

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