LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 11 avril 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale.
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar et je suis une sénatrice de l’Ontario.
[Traduction]
Je suis la présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Avant d’accueillir nos témoins, j’aimerais donner un avertissement en ce qui a trait au contenu de cette réunion. Notre comité entamera aujourd’hui l’étude du projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale. Outre la violence conjugale, d’autres sujets sensibles, dont la violence fondée sur le sexe, le suicide et la consommation et l’abus de substances psychoactives, pourraient être abordés. Les personnes présentes dans la salle, ainsi que celles qui regardent et écoutent nos délibérations, risquent d’être bouleversées par ces sujets. Sachez que tous les Canadiens peuvent obtenir un soutien en matière de santé mentale par téléphone et par SMS en composant le 9-8-8. Ce numéro sera également diffusé pendant la réunion. De plus, nous rappelons aux sénateurs et aux employés du Parlement que le programme d’aide aux employés et aux familles du Sénat est à leur disposition. Ce programme offre des services de counselling à court terme pour les problèmes personnels et professionnels, ainsi que des services de counselling en cas de crise.
J’aimerais maintenant demander aux sénateurs de se présenter. J’invite d’abord la vice-présidente à le faire.
La sénatrice Cordy : Bonjour. Merci d’être venus. Je m’appelle Jane Cordy. Je suis la vice-présidente du comité et je suis sénatrice de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Osler : Bonjour. Je m’appelle Gigi Osler, sénatrice du Manitoba.
La sénatrice Burey : Bonjour. Merci d’être venus. Je m’appelle Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.
La sénatrice Petten : Bonjour. Je m’appelle Iris Petten, sénatrice de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Pate : Je m’appelle Kim Pate. J’habite sur le territoire non cédé et non abandonné des Algonquins Anishinaabeg. Je vous remercie chaleureusement de votre présence. Je me considère comme la sénatrice qui appuie ce projet de loi, mais j’en suis en fait la porte-parole bienveillante.
La sénatrice Bernard : Je m’appelle Wanda Thomas Bernard, sénatrice de la Nouvelle-Écosse, sur le territoire non cédé et non abandonné des Mi’kmaqs.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Bonjour. Chantal Petitclerc, du Québec. Merci d’être là.
[Traduction]
Le sénateur Ravalia : Bonjour et bienvenue. Je m’appelle Mohamed Ravalia, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La sénatrice Mégie : Bonjour. Marie-Françoise Mégie, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Seidman : Bonjour. Merci d’être venus. Je m’appelle Judith Seidman, sénatrice de Montréal, au Québec.
La sénatrice Dasko : Bonjour et bienvenue au comité. Je m’appelle Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
La présidente : Pour la première partie de notre réunion, nous accueillons le sénateur Manning, qui est le parrain du projet de loi, ainsi que Mme Georgina McGrath. Je vous remercie tous les deux de vous joindre à nous aujourd’hui.
Madame McGrath, nous comprenons qu’il puisse être difficile pour vous de nous raconter votre histoire aujourd’hui. Nous vous sommes profondément reconnaissants d’avoir pris le temps d’être parmi nous en personne et nous vous en remercions. Nous disposons d’une heure ce matin, et nous pouvons suspendre la réunion et faire une pause à tout moment si vous le souhaitez, dès lors que vous me l’indiquez vous-même ou par l’intermédiaire du sénateur Manning.
J’invite maintenant le sénateur Manning à faire ses observations préliminaires, après quoi Mme McGrath prendra la parole.
L’honorable Fabian Manning, parrain du projet de loi : Madame la présidente, chers collègues, en guise d’introduction à mes remarques, je vous remercie tous du travail que vous vous apprêtez à entreprendre au sujet de mon projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale.
Ce projet de loi tire son origine de l’appel téléphonique que j’ai reçu en janvier 2017 de la dame qui est assise à côté de moi aujourd’hui. Quelques jours après avoir reçu cet appel, j’ai rencontré Georgina McGrath pour la première fois, et ce fut là le début d’une longue série d’entretiens, d’appels téléphoniques, entre autres façons de communiquer, qui auraient lieu entre nous au cours des années suivantes.
Lors de cette première rencontre, Mme McGrath m’a raconté dans les moindres détails son histoire de violence conjugale. Dire que j’ai été choqué ne serait qu’un euphémisme. Après cette première rencontre, l’histoire de Mme McGrath m’est constamment revenue à l’esprit, et, aujourd’hui encore, je peine à comprendre comment un être humain — qui dans la grande majorité des cas s’avère être un homme — peut infliger de tels mauvais traitements et de telles souffrances à un autre être humain — qui dans la grande majorité des cas s’avère être une femme.
J’ai eu la chance de grandir au sein d’une famille qui comptait cinq frères et deux sœurs. À la mort de ma mère en 2011, mes parents avaient été mariés pendant presque 60 ans, à 6 mois près. Mon père vénérait jusqu’au sol que foulait ma mère. C’est pourquoi il m’est très difficile de comprendre les gestes horribles perpétrés par ces lâches.
J’espère sincèrement que l’adoption du projet de loi S-249 constituera un nouveau rouage du dispositif de lutte contre la violence entre partenaires intimes, qui est aujourd’hui si répandue dans l’ensemble de la société canadienne. Le temps est venu pour nous, en tant que législateurs, d’agir et d’apporter notre contribution. Le projet de loi S-249 mettra-t-il un terme aux mauvais traitements? Le projet de loi S-249 entraînera-t-il l’élimination du fléau de la violence entre partenaires intimes? Le projet de loi S-249 mettra-t-il fin à cette épidémie? Malheureusement, chers amis, je crois que nous pouvons tous convenir que ces nobles objectifs risquent de ne pas être atteints, mais nous ne pouvons pas laisser cette éventualité nous dissuader de faire un pas en avant et de tenter de faire de notre mieux pour changer les choses. Comme l’a dit un philosophe chinois, « un voyage de mille lieues commence par un seul pas ». Je crois sincèrement que l’un de ces pas importants consisterait en l’adoption du projet de loi S-249.
Ce projet de loi donnerait deux ans au gouvernement pour élaborer une stratégie nationale de prévention de la violence entre partenaires intimes. Les Canadiens d’un bout à l’autre du pays auraient alors leur mot à dire dans l’élaboration de cette stratégie. Les nombreuses questions et préoccupations des Canadiens sur la manière de gérer la violence entre partenaires intimes se verraient accorder suffisamment de temps et d’attention dans le cadre de ce processus.
Mon projet de loi ne demande pas une réponse unique à cette question. Selon l’avis juridique que j’ai reçu il y a longtemps de la part de la Bibliothèque législative du Parlement, présenter un projet de loi demandant l’élaboration d’une stratégie nationale serait le processus le plus productif à mettre en œuvre à l’heure actuelle. C’est la raison pour laquelle vous avez le projet de loi S-249 devant vous aujourd’hui.
J’ai présenté une première version du projet de loi S-249 au Sénat le 24 avril 2018, il y a pratiquement six ans. Je suis un homme patient, mais, et c’est plus important, je voudrais profiter de cette occasion pour remercier Mme Georgina McGrath et tant d’autres de leur patience inépuisable pendant toute la durée d’un processus législatif long et parfois frustrant. Depuis la première fois où le projet de loi a été présenté, nous avons dû faire face à deux élections fédérales et à la pandémie de Covid, et le projet de loi a été mis en veilleuse à plusieurs reprises. Le fait que Mme Georgina McGrath ait enfin l’occasion de venir devant le comité aujourd’hui à Ottawa pour vous raconter dans ses mots son incroyable histoire d’abus et de survie ainsi que ses plaidoyers constitue un grand pas en avant pour les victimes et leurs familles dans l’ensemble du pays.
J’attends avec impatience de suivre vos délibérations au cours des semaines à venir. Depuis 2017, j’ai rencontré plus de 120 victimes des différents types de violence entre partenaires intimes, dont deux étaient des hommes. Les autres étaient toutes des femmes. J’en ai appris bien plus que ce que le temps me permet de vous expliquer ici, aujourd’hui. La violence entre partenaires intimes se produit dans divers types de relations, à savoir dans un mariage, une union de fait ou des fréquentations, et ce, indépendamment du genre et de l’orientation sexuelle des partenaires et à tout moment au cours d’une relation, y compris une fois qu’elle a pris fin. Qui plus est, la violence entre partenaires intimes peut avoir lieu dans des lieux publics ou privés, ainsi qu’en ligne ou de bien d’autres façons, mais le dénominateur commun est le désir de la part d’un partenaire d’exercer un contrôle sur l’autre personne. La violence entre partenaires intimes est essentiellement une question de contrôle. En tenant compte de tout cela, et au nom de toutes les victimes et de leurs familles, je vous demande avec respect de soutenir le projet de loi S-249.
Pour conclure, rappelons-nous encore une fois ce qu’a dit Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies :
La violence à l’égard des femmes est probablement la violation des droits de la personne la plus honteuse et peut-être la plus répandue. Elle ne connaît pas de frontières géographiques, culturelles ou économiques. Tant qu’elle continuera d’exister, nous ne pourrons pas prétendre avancer en matière d’équité, de développement et de paix.
Sénateurs, il est temps d’agir. Je vous remercie.
La présidente : Merci, sénateur Manning. Nous entendrons maintenant les propos de Mme McGrath.
Georgina McGrath, à titre personnel : Bonjour. Tout d’abord, je souhaite remercier la présidente et les sénateurs, ainsi que les invités présents aujourd’hui. Je tiens à exprimer ma très grande gratitude au sénateur Fabian Manning et à le remercier de s’être inspiré de mon récit pour élaborer le projet de loi S-249.
Je suis honorée d’être ici aujourd’hui et de finalement parler de l’épidémie de violence entre partenaires intimes qui a lieu dans notre pays, une épidémie dans le pays libre qu’est le Canada. En tant que Canadiens, nous intervenons dans des pays déchirés par la guerre en y envoyant des soldats pour protéger les plus vulnérables. Deux de ces soldats sont mes sœurs. Entretemps, dans notre pays, une guerre très secrète sévit derrière les portes de nos propres maisons.
Je m’appelle Georgina McGrath et je suis une survivante de la violence entre partenaires intimes. La dernière fois que j’ai été battue est le 25 septembre 2014. Je devrais vous dire que, lorsque je parle, je le fais au nom de milliers de femmes qui sont derrière moi et qui ne peuvent pas s’exprimer en leur propre nom. Lorsque je parle, je me fonde sur mon expérience.
J’ai 54 ans. J’ai grandi à Labrador City, à Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis la mère de deux magnifiques enfants adultes, Nathan, 35 ans, et Kelty, 33 ans. Je suis la grand-mère de notre précieux petit Thomas, qui a 5 ans. Je suis une fille, une sœur, une belle-mère, une tante et une amie. Aujourd’hui, je suis la fière épouse de l’un des hommes les plus gentils, les plus doux et les plus compréhensifs que l’on puisse avoir le plaisir de connaître. Il s’appelle Kyran. Nous vivons à Branch, dans la baie Sainte-Marie, à Terre-Neuve-et-Labrador, dans une maison dotée d’une petite ferme devant l’océan Atlantique. Aujourd’hui, je suis en sécurité.
Je n’ai pas toujours été aussi choyée dans ma vie amoureuse. J’ai enseigné à mes enfants à ne jamais laisser quiconque les intimider, à ne jamais amorcer une bagarre et à ne jamais laisser quelqu’un profiter d’eux. Je peux vous dire avec le recul que je n’ai pas suivi mes propres enseignements. J’étais une femme d’affaires qui pouvait régler n’importe quel problème. Je travaillais très fort et je gagnais bien ma vie. Je me concentrais sur ma réussite. Toutefois, pendant les huit ans où j’ai dirigé mon entreprise, j’ai complètement perdu le contrôle de ma vie personnelle. Toutes les relations que j’ai eues ont été marquées par une forme ou une autre de violence. Les agressions s’intensifiaient au fur et à mesure que mes relations évoluaient.
Les violences ont commencé avec un agresseur de Happy Valley-Goose Bay. Appelons-le R.M. Dans les premiers mois, il m’a traitée comme une reine. Il était très gentil avec mes enfants, qui étaient de jeunes adultes à l’époque. Avec le recul, je vois plusieurs signaux d’alarme, mais le plus évident était le contrôle qu’il exerçait sur moi de même que sa jalousie excessive. Mon père m’avait dit : « Georgina, la jalousie est une des maladies les plus dangereuses. » Les violences psychologiques et physiques étaient continuelles. Le cauchemar s’est terminé avec une carabine braquée sur moi. Il m’a regardée et m’a dit : « Cette balle est pour toi, et l’autre est pour moi. » Le téléphone a sonné. Le répondeur a pris l’appel. C’était sa mère. Mon agresseur a été accusé d’infraction par arme à feu, mais je n’ai pas voulu faire de déclaration sur les violences que j’avais subies. Il est retourné dans sa ville natale, mais il a continué de me menacer et de me harceler.
Le stress que j’affrontais dans ma vie personnelle m’a rendue très malade. Après avoir consulté plusieurs médecins à Terre-Neuve-et-Labrador et en Ontario, j’ai reçu un diagnostic de fibromyalgie et de trouble de stress post-traumatique. J’ai rafistolé ma vie avec l’aide de ma famille et de mes amis. Ma fille faisait ses études postsecondaires et mon fils jouait dans une équipe de hockey junior. Je devais continuer à avancer. J’étais déterminée à jouer non seulement mon rôle de mère, mais aussi mon rôle de pourvoyeuse.
En 2012, je ne voulais pas d’une autre relation amoureuse. Je recherchais une amitié platonique. C’est à cette époque que j’ai rencontré le plus grand manipulateur de ma vie. Il était venu d’Irlande pour s’installer à Labrador City. Appelons-le I.W. Je lui ai donné un emploi. Nous étions des amis au début. Il me traitait plutôt bien. Même s’il était plus jeune, je le trouvais intrigant et divertissant. Il a tissé des liens avec mes enfants, surtout avec mon fils. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, et nous sommes devenus plus que des amis. J’avais comme éthique professionnelle de ne pas fréquenter mes employés. Non seulement je bafouais mes principes, mais je ne voyais pas les signaux d’alarme. Les signaux étaient là, mais je me laissais aveugler encore une fois. Je mettais toutes mes insécurités de côté avec l’idée de passer le reste de ma vie avec cette personne. Le premier signe que je n’ai pas vu était l’argent. Ce n’était pas de l’exploitation financière de sa part, mais il profitait de chaque sou que j’avais, et je l’ai laissé faire.
Environ un an plus tard, en septembre 2013, nous sommes allés à Las Vegas. Le premier soir, j’ai reçu mon premier coup de poing, mais cette fois-là, je me suis défendue. À l’intérieur de moi reprenait le sempiternel cycle qui permettait à quelqu’un d’autre de prendre le contrôle. Le lendemain matin, je me suis appliqué comme une pro un maquillage bien couvrant, et nous sommes allés déjeuner. Il a dit en me regardant : « Ce qui est le plus formidable avec toi, G Mac — c’était le surnom qu’il me donnait —, c’est que tu te lèves le matin et que tu oublies tout ce qui a pu arriver. » Dans cette période de ma vie, c’est exactement ce que je faisais. Après tout, j’étais passée maître dans l’art de dissimuler des agressions. J’espérais que les choses s’amélioreraient, mais ce vœu était illusoire.
Pour moi, tous les agresseurs se ressemblent. La seule chose qui les différencie est leur visage. Ils commencent tous leur stratagème de la même manière. C’est la lune de miel. Dès qu’ils ont établi leur emprise et qu’ils ont pris le contrôle de votre vie, ce n’est qu’une question de temps avant que vous vous retrouviez au plus bas, carrément entre la vie et la mort. Je me suis vite retrouvée là. Les violences mentales et émotionnelles ont emboîté le pas aux violences physiques. Tout était de ma faute et j’étais folle de mettre en doute ce qu’il faisait. Son règne de terreur s’est poursuivi pendant plusieurs mois. J’avais les yeux au beurre noir, une dent cassée, une commotion cérébrale et un bilan épuisant de violences psychologiques. Même après avoir consulté un médecin et un psychologue, j’étais toujours convaincue que je pouvais changer et le rendre heureux.
Le 10 août 2014, à mon 45e anniversaire, j’ai reçu un bouquet de fleurs et une carte contenant le message : « Je t’aime énormément et je serai toujours là pour toi. » La nuit précédente, il m’avait jeté une bouteille de bière à la tête. Ce grand manipulateur savait néanmoins comment montrer au reste du monde à quel point il était merveilleux et charmant.
Le 25 septembre 2014, j’ai reçu la plus grosse raclée de ma vie. La soirée qui avait commencé avec du vin et un film s’est rapidement transformée en une nuit d’horreur. Nous nous sommes disputés dans le garage, et je suis entrée dans la maison. Il m’a suivie et les coups ont commencé. Il m’a poussée à terre. Il s’est mis sur moi et a commencé à m’étrangler. Il me lâchait, puis continuait à me rouer de coups.
Il a mis ses mains autour de mon cou et a rapproché son visage du mien. J’ai pu lui mordre le nez pendant qu’il m’étranglait. Il a relâché son emprise. Il tenait beaucoup à son apparence. Il était tellement en colère qu’il s’est rendu à la salle de bain pour regarder la blessure que je lui avais infligée. Je me suis levée et j’ai verrouillé la porte de la chambre à coucher. Il n’avait jamais été autant en colère. Il a transpercé la porte avec son poing et l’a déverrouillée. Il m’a projetée sur le plancher et a commencé à m’asséner des coups de poing sur le côté de la tête. J’ai réussi à me dégager, mais sa colère était si intense qu’il s’est remis sur moi et a continué à me frapper. Je suis restée allongée en attendant le coup final. Il continuait en répétant sans cesse : « Tu es vieille, grosse et ridée. Personne ne voudra jamais de toi. »
Il s’est relevé et a descendu les escaliers. Je pensais que mon supplice était terminé, mais il est revenu avec un couteau. Je me suis dit que tout était fini, mais au lieu de cela, il est allé dans la salle de bain. Je me suis ressaisie et j’ai poussé de tout mon poids contre la porte en lui disant que tout allait bien aller dans l’espoir qu’il finisse par me donner le couteau. J’étais tellement fatiguée de tout. J’étais épuisée mentalement. Je n’étais jamais allée plus bas. Je suis descendue au sous-sol pendant qu’il me criait : « Tu es grosse, laide, bonne à rien. Personne ne veut de toi, même pas tes enfants. »
J’ai décroché le téléphone et j’ai appelé ma sœur, qui vit à Trenton, en Ontario. Je lui ai parlé rapidement de ce qui se passait, mais je l’appelais surtout pour lui dicter mon testament. Je me suis cachée dans le sous-sol en sachant qu’il allait me tuer. C’est à ce moment précis que j’ai décidé d’en finir. J’étais brisée et je ne pouvais plus revenir en arrière. Ma sœur avait composé le 911, ce que je ne savais pas. La maison était silencieuse. Je suis allée à la cuisine prendre des médicaments sur ordonnance. J’ai monté les escaliers jusqu’à la chambre, où mon agresseur gisait inconscient avec un masque sur les yeux. J’ai pris trois autres flacons de médicaments. J’ai enfilé un pyjama propre, j’ai ramassé les éclats de verre brisé et j’ai jeté les flacons de médicaments vides à la poubelle. Je suis allée au salon et je me suis allongée sur le canapé pour mourir. Je voulais que ma vie se termine cette nuit-là, et quelqu’un allait s’en charger, que ce soit lui ou moi.
Le prochain souvenir que j’ai est de m’être réveillée à l’hôpital et d’avoir vu mes enfants. J’ai compris à ce moment-là que j’allais mener le plus grand combat de ma vie. J’avais les tympans perforés, des blessures aux tempes et au visage et des ecchymoses sur tout le corps qui ont mis sept semaines à disparaître. Lorsque je suis sortie des soins intensifs et que j’ai été transférée dans une chambre, il est venu me rendre visite. Il m’a dit qu’il ne savait pas pourquoi il avait fait ce qu’il avait fait. Il voulait que je rentre à la maison.
Lorsque ma fille est partie de chez moi pour retourner au travail, elle a été relayée par ma sœur, qui m’a suppliée tous les jours de porter plainte à la police. J’y suis allée trois semaines après les coups. Ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas l’expulser de chez moi tant que je ne faisais pas de déclaration. Les ecchymoses étaient encore visibles sur mon visage et mon cou. Je me sentais abattue et extrêmement seule et vulnérable. Il est resté dans ma maison cinq semaines — des semaines de pure torture. Au cours de la cinquième semaine, mon fils m’a dit : « Maman, si tu ne fais pas de déclaration, c’est moi qui vais finir en prison. » Mon fils et ma bru m’ont accompagnée au poste de police. Le temps que le mandat d’arrestation soit émis, mon bourreau était déjà dans l’avion. La police a demandé un mandat d’arrestation pancanadien, mais il avait eu le temps de franchir les douanes et d’amorcer son retour vers l’Irlande lorsque le mandat a été émis. Il était libre.
Sénateurs, je vous ai raconté une parcelle de mon histoire. Je vous implore d’adopter rapidement le projet de loi. La somme de travail qui reste à faire est énorme. Le tout repose sur vos épaules. N’oubliez pas que vous êtes les seules personnes au pays qui peuvent donner aux milliers de femmes qui se tiennent derrière moi et qui ne peuvent pas parler une chance de vivre et une chance de survivre.
La présidente : Sénateur Manning, madame McGrath, merci beaucoup.
Madame McGrath, le comité et toutes les personnes qui nous regardent saluent le courage dont vous faites preuve en vous présentant devant nous pour raconter votre histoire. Vous avez tout notre respect. Merci infiniment.
Chers collègues, nous allons passer aux questions.
La sénatrice Petten : Merci beaucoup de votre témoignage et de votre courage. Votre récit est bouleversant.
Je voudrais savoir quel soutien ou quelles ressources vous avez obtenus ou que vous auriez souhaité obtenir?
Mme McGrath : Je tiens à vous dire que je n’ai pas réuni la force de me présenter devant vous aujourd’hui en un claquement de doigts. J’ai recouru à de multiples séances de counselling. Ma sœur a eu l’idée providentielle de m’inviter à vivre chez elle, à Trenton, en Ontario. J’ai quitté ma maison et ma communauté et j’ai déclaré faillite. Je suis partie avec mon fils, qui a continué jusqu’à Edmonton avec ma voiture, et j’ai emménagé chez elle. Ma sœur est une soldate aux prises avec un trouble de stress post-traumatique. Elle était soutenue par un excellent groupe d’intervenants, qui m’a aussi prise sous leur aile. C’est essentiellement auprès de ce groupe que j’ai obtenu du counselling.
Les ressources que j’aurais aimé obtenir... J’ai vraiment senti que le poste de police local m’avait laissée tomber. Je pensais jusque-là que la politique de tolérance zéro s’appliquait à la grandeur du pays. Elle ne s’appliquait manifestement pas à moi à Labrador City à cette époque. J’ai déposé une plainte contre la police en mars 2015. Comme je l’ai découvert au cours du processus, l’appel que ma sœur avait fait au service 911 en Ontario avait été transféré du service 911 au Labrador, mais à l’hôpital, et non pas à la police. Ma sœur avait signalé une dispute conjugale et la possibilité d’une surdose de médicaments, mais les ambulanciers paramédicaux n’ont jamais transmis ces informations aux policiers. Les policiers qui sont entrés chez moi étaient seulement munis de lampes de poche. Aucune lumière n’était allumée dans la maison. Comment ont-ils pu déterminer que j’avais été battue? Le rapport indique qu’à mon arrivée à l’hôpital j’avais des contusions causant une enflure du côté gauche du visage, du sang qui s’écoulait de l’oreille et une lacération à l’arrière de la tête.
Mon expérience avec la police à l’époque a été assez décevante, mais je répète que n’eût été les nombreuses séances de counselling, je ne serais pas devant vous aujourd’hui.
La sénatrice Cordy : Merci, sénateur Manning, d’avoir présenté le projet de loi. Cette histoire est extrêmement douloureuse, mais je pense que c’est très important pour tous les Canadiens de l’entendre.
Merci beaucoup, madame McGrath, de nous avoir raconté votre histoire. Nous, sénateurs, nous sommes honorés et ravis d’entendre votre voix et votre histoire. Vous démontrez un grand héroïsme.
Nous avons discuté plus tôt ce matin du stéréotype qui circule au Canada sur les victimes de violence entre partenaires intimes. Pourriez-vous parler de ce stéréotype? Certaines s’empêchent‑elles de parler parce qu’elles ne correspondent pas au stéréotype? Comment faire pour aider les personnes à raconter leur histoire pour que la population comprenne l’ampleur du problème? Selon les statistiques dont le sénateur Manning a fait part dans sa déclaration, les chiffres sont bien plus élevés qu’on le penserait.
Mme McGrath : Nous avons tous grandi avec un stéréotype de la victime de violence familiale. Nous nous imaginons une personne au bas de l’échelle sociale. Je ne sais pas si j’emploie les termes appropriés.
Je vais seulement parler pour moi. J’étais trop fière. J’étais une femme d’affaires en vue dans ma localité qui dirigeait une entreprise de menuiserie, une entreprise d’aménagement paysager et un magasin de détail. J’avais trop de fierté pour révéler que je recevais des coups à la maison et que quelqu’un me contrôlait à ce point. Seules certaines personnes, notamment mon père, s’en sont rendu compte, mais au contact de l’agresseur, et non pas à mon contact.
Je ne sais pas vraiment comment amener les femmes à dénoncer et à raconter leur histoire. La chose la plus importante que les victimes devraient savoir, peu importe leur situation socioéconomique, c’est qu’elles ne sont pas seules. Je ne sais pas si cela répond bien à votre question.
La sénatrice Cordy : Merci.
Le sénateur Ravalia : Merci, sénateur Manning.
Madame McGrath, c’était très émouvant. J’ai eu le plaisir de vous rencontrer, ainsi que votre merveilleuse famille et votre partenaire.
La partie de votre expérience qui m’a le plus ébranlée, c’est quand vous avez parlé d’étranglement. Pourriez-vous en dire davantage, dans le contexte de la violence entre partenaires intimes, sur les effets de cette expérience particulière, les séquelles qu’elle a entraînées et la façon dont vous avez réussi à composer avec ce cauchemar récurrent?
Mme McGrath : Je pense qu’une des questions les plus difficiles qu’on m’ait jamais posées était celle d’une journaliste qui m’a demandé ce que cela faisait de se faire étrangler. Comment répondre à cela? Je lui répondrais simplement, ou à quiconque poserait la question, que lorsqu’on est devant un agresseur armé — je me suis retrouvée dans les deux situations —, l’agresseur est loin de vous. Il y a encore une distance entre vous et lui. Dans le cas d’un étranglement, c’est une personne que vous aimez qui vous met les mains autour du cou et qui a littéralement votre vie entre les mains.
Selon certaines statistiques et informations disponibles au sujet de l’étranglement, les personnes victimes d’étranglement et de commotions cérébrales répétées présentent après un certain nombre d’incidents des blessures très semblables à celles de joueurs de hockey ou de football professionnels ayant des antécédents de coups à la tête. Les données indiquent également que dans les relations caractérisées par la violence entre partenaires intimes où l’agresseur a recours à l’étranglement, la probabilité que la situation dégénère en tentative de meurtre est de plus de 600 %, et le risque que cela se termine par un homicide est de 750 %. À mon avis, l’étranglement est un avertissement. C’est un signe avant-coureur de l’homicide.
Même si la dernière agression dont j’ai été victime remonte à près de 10 ans et que je vis une vie des plus merveilleuses avec mon mari, il y a des nuits où mon mari se retrouve presque à mourir de froid, car je dois garder la fenêtre ouverte parce qu’il m’arrive encore de sentir les mains de mon agresseur autour de mon cou.
L’étranglement n’est pas rare dans les cas de violence entre partenaires intimes. L’étranglement non mortel peut également être associé à une augmentation des comportements contrôlants par l’agresseur et à une peur accrue chez la victime, ce qui peut avoir une incidence sur la capacité des victimes de réussir à se séparer ou se libérer de l’agresseur. L’étranglement est un problème auquel il faut s’attaquer davantage au pays.
Le sénateur Ravalia : Merci.
La sénatrice Osler : Sénateur Manning, je vous remercie de votre présence. Madame McGrath, je tiens en particulier à vous remercier de votre présence, de prêter votre voix aux personnes qui ne sont pas ici, et de reprendre le pouvoir sur votre vie.
Ma question est la suivante : quels changements souhaiteriez-vous voir apporter aux programmes et stratégies actuels en matière de prévention de la violence entre partenaires intimes?
Mme McGrath : Je pense qu’un des changements les plus importants qui s’imposent au pays est lié à l’éducation. On aura beau dire que l’éducation doit commencer à la maison, mais elle doit commencer à l’école. Les enfants doivent apprendre ce que sont les relations saines et les relations malsaines. L’intimidateur d’aujourd’hui est l’agresseur de demain. Il faut mettre en place des programmes afin que jeunes filles et garçons sachent reconnaître les drapeaux rouges dans une relation. Nous avons besoin de formation et d’éducation à tous les échelons, des services de santé aux services policiers. En outre, nous avons des besoins de formation criants dans nos tribunaux. Une victime ne devrait pas être continuellement revictimisée. À mon avis, tout juge devrait avoir une formation adéquate pour traiter des cas de victimes de violence entre partenaires intimes, comme nous avons des juges qui ont une formation en droit de la famille.
Un des autres changements que j’aimerais voir est lié au fait que tout repose sur la victime. Elle est responsable de maintenir la cellule familiale, d’assurer la protection de tous — elle-même, ses enfants, son agresseur et des animaux de compagnie — de fuir avec les enfants et trouver un endroit où aller, un refuge, ce que de nombreuses personnes se voient refuser de nos jours. C’est à elle qu’il incombe de trouver un peu — ce qu’elle n’a pas, la plupart du temps — pour payer un taxi pour l’emmener quelque part. À sa sortie du refuge, elle doit trouver un nouveau domicile, pour elle et ses enfants. Il devrait y avoir des centres pour hommes. Une femme ne devrait pas avoir à quitter son domicile avec ses enfants. L’agresseur devrait être forcé de partir du domicile familial.
La sénatrice Bernard : Madame McGrath, je tiens d’abord à vous remercier de nous faire l’honneur de votre présence, d’avoir raconté votre histoire et d’avoir le courage de parler.
Je tiens à remercier votre sœur qui habite à Trenton. Je ne sais pas si elle est ici aujourd’hui.
Mme McGrath : Oui, elle est ici.
La sénatrice Bernard : Je vous remercie d’avoir agi.
J’aimerais poser une question, si vous le permettez, sur les premiers intervenants. Votre sœur a évidemment appelé au 911, et l’appel a été relayé au Labrador. Lorsqu’on vous a emmenée à l’hôpital, vous portiez des marques évidentes de violence. Avez‑vous parlé avec les premiers intervenants que vous avez vus dans le système de soins de santé? Vous avez déjà mentionné les services policiers et leur inaction.
Mme McGrath : J’étais inconsciente à ce moment-là. Toutefois, dans le rapport que j’ai lu, on indique qu’ils ont aussi utilisé des lampes de poche et qu’aucune lumière n’était allumée. Seulement les policiers qui sont montés à l’étage pour évacuer la maison ont allumé les lumières, en haut.
La sénatrice Bernard : Vous a-t-on parlé de la violence lorsque vous avez repris connaissance?
Mme McGrath : Je voyais une conseillère, à l’époque. J’avais vraiment voulu mourir cette nuit-là et il m’arrivait de ressentir beaucoup de colère contre ma sœur pour avoir appelé au 911. Pas aujourd’hui.
La sénatrice Bernard : Oui.
Mme McGrath : Je voyais une conseillère à l’époque. C’était une très jeune femme. Au début, lorsqu’elle est entrée dans la pièce pour me voir, j’étais dans un tel état qu’elle a été troublée et a dû partir.
Quant aux premiers intervenants et aux services de police, je pense qu’il devrait y avoir beaucoup plus de communication. Si le temps manquait au moment des événements — dans ma maison, par exemple — et que leur priorité était évidemment de me sortir de là, alors je pense qu’il y aurait dû avoir de la communication après coup.
La sénatrice Bernard : C’est à cela que je voulais en venir. Y a-t-il eu de la communication après les faits?
Mme McGrath : Selon le rapport, un des premiers intervenants a répété les propos de ma sœur à la police, mais la police ne le dit pas.
La sénatrice Bernard : Vous avez parlé d’éducation et de sensibilisation accrues. Cela me semble être un message clé et un élément clé du cadre, advenant l’adoption de ce projet de loi. Je vous en remercie.
Sénateur Manning, nous avons notamment entendu que le nombre d’incidents de violence entre partenaires intimes et de violence familiale a augmenté pendant et après la pandémie. Ma question, sénateur, est la suivante : avez-vous tenu compte de ce fait dans votre projet de loi ou dans votre réflexion sur ce projet de loi et la façon d’aller de l’avant à cet égard?
Le sénateur Manning : Je vous remercie de la question, sénatrice.
Depuis que j’ai présenté le projet de loi pour la première fois en 2018, si les statistiques qu’on voit sont correctes, près de 1 000 femmes ont été assassinées au pays par leur partenaire intime. Au pays, une femme est tuée par son partenaire intime tous les six jours. Ces statistiques sont stupéfiantes.
Comme je l’ai mentionné plus tôt, j’ai reçu beaucoup de renseignements sur ce sujet précis, mais j’espère que tout le monde au pays — toutes les personnes et tous les groupes d’intérêt que j’ai rencontrés, notamment des groupes de femmes et des refuges de partout au pays — aura la possibilité de se faire entendre et de participer à l’élaboration de la stratégie.
Il ne fait aucun doute que les chiffres ont considérablement augmenté ces dernières années. Selon les informations que nous avons reçues, la pandémie a été un grave problème, puisque les gens étaient si souvent confinés à la maison à cette époque.
Je félicite Mme McGrath. Aujourd’hui, ici, nous abordons la question et nous en parlons davantage, et c’est exactement ce qu’il faut faire. En fin de compte, même notre propre province de Terre-Neuve-et-Labrador, qui compte un demi-million d’habitants, affiche possiblement le pire bilan par habitant. Personnellement, je n’en suis pas fier. Le problème est partout. Partout. Nous devons donc faire tout notre possible pour nous y attaquer de manière globale.
La sénatrice Bernard : Merci.
La sénatrice Pate : Je me fais l’écho de tous mes collègues. Je vous remercie d’être ici. Merci, sénateur Manning, d’avoir rendu cela possible.
Je vous remercie d’avoir mentionné les facteurs qui vous ont empêchée de faire une dénonciation. Je pense qu’il n’y a pas une femme dans cette salle qui ne connaît pas une femme qui a vécu cela ou qui ne l’a pas elle-même vécu. La stigmatisation, les stéréotypes, la culpabilisation de la victime pour cette violence sont encore très répandus dans ce pays. Ayant grandi dans une famille de militaires, je suis allée à Trenton à maintes reprises, mais je sais aussi que fondamentalement, les idées patriarcales sur la place des hommes dans la société font partie des choses auxquelles nous devons nous attaquer. Je ne pense pas qu’il y ait dans cette salle un seul homme qui n’ait pas été témoin de quelque chose sans nécessairement intervenir.
Une bonne partie du travail que j’ai fait pendant une cinquantaine d’années a été de travailler tant avec des femmes qui ont subi de la violence, qu’avec des femmes qui ont été emprisonnées pour cette même violence. Outre le nombre de femmes tuées, celles qui se défendent ne bénéficient pas de la protection de la police — « bénéficient » n’est probablement pas le bon mot. Elles n’ont pas la protection de la police. On leur dit... En fait, un peu comme votre expérience, que vous avez décrite, on leur fait croire qu’elles doivent se protéger elles‑mêmes. Ensuite, lorsqu’elles le font, elles sont souvent revictimisées, ou parfois criminalisées, en raison de ce qu’elles ont été obligées de faire pour se protéger. Je tiens à vous remercier de cette observation.
J’aimerais aussi vous demander si vous avez réfléchi à la manière d’encourager... Vous avez évoqué l’idée de sortir les hommes du domicile. Cette approche est utilisée dans un certain nombre de collectivités des Premières Nations dans les cas de violence envers les enfants et de violence envers les femmes. Les hommes sont emmenés ailleurs. Beaucoup estiment depuis longtemps que des hommes devraient servir de modèles pour les comportements que nous souhaitons voir dans l’ensemble de la société. Un jour, un de mes collègues — ce n’était pas le sénateur Manning, même s’il a tenu des propos très semblables — m’a demandé où l’on peut trouver de tels hommes. Le fait que ce problème se pose dans notre pays est également préoccupant.
Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de réfléchir à ces questions, aux façons de s’assurer que les hommes deviennent des exemples de comportements non sexistes et non violents, et de démontrer que masculinité et comportements positifs — gentillesse, douceur, respect, humanité — ne sont pas incompatibles. Souvent, le discours que les hommes entendent, c’est qu’ils doivent agir avec force. Même les lois sur l’autodéfense ont été élaborées à une époque où seuls les hommes avaient des droits. Les femmes et les enfants étaient la propriété soit du père, soit du mari.
J’ignore si vous avez réfléchi à certaines de ces questions de manière plus approfondie. J’ai l’impression que beaucoup de stratégies s’attaquent aux symptômes après les faits, de sorte qu’on ne s’attaque pas aux causes profondes du problème pour garantir aux femmes un accès égal à la dignité, au respect et à l’humanité sur tous les plans.
Mme McGrath : Je vais revenir à une question que j’ai abordée plus tôt : l’éducation. Je pense que c’est surtout là qu’il faut commencer pour bon nombre de ces problèmes. Comme je l’ai dit, certains enfants ne reçoivent pas l’éducation dont ils ont besoin à la maison, malheureusement. Il faut passer par nos réseaux scolaires; c’est par là qu’il faut commencer. Je n’ai pas beaucoup réfléchi aux mesures que nous prenons ou pouvons prendre en matière de prévention en vue de faire ce que vous recherchez. Je n’ai pas réfléchi à cela, non. Je peux seulement répondre que cela passe par l’éducation.
La sénatrice Pate : Je vous remercie. C’est une réponse importante et je vous en suis reconnaissante. Encore une fois, je vous remercie de tout le travail que vous faites. Je remercie aussi le sénateur Manning de tout son travail pour faire avancer ce dossier.
La sénatrice Moodie : Madame McGrath, je vous remercie d’avoir partagé votre expérience avec nous et de nous avoir donné la force de parler de nos propres expériences. J’ai été battue lorsque j’avais 25 ans. Je suis passée par là. Votre expérience m’interpelle, car j’ai été victime de violence. Je parle non seulement de l’expérience extracorporelle, mais aussi de la confusion et de la désorientation que l’on ressent à ce moment‑là.
Sénateur Manning, je dois vous féliciter sincèrement de ce projet de loi.
Je veux me concentrer sur les enfants. C’est une question qui m’intéresse. Les enfants qui vivent dans des foyers où ils sont exposés à la violence familiale ont souvent besoin de soutien et de protection supplémentaires. Ces enfants sont plus susceptibles que les autres enfants de présenter des taux plus élevés de stress post-traumatique et des signes de troubles du comportement, pour ne citer que quelques exemples. Quel est votre point de vue à tous les deux à ce sujet, le cas échéant? La violence familiale mettant en cause des enfants serait-elle visée par cette stratégie? Devrait-elle l’être?
Le sénateur Manning : Merci, sénatrice Moodie. Je vous remercie également d’avoir partagé votre histoire avec nous. C’est de cela qu’il s’agit. C’est partout.
La sénatrice Moodie : En effet.
Le sénateur Manning : J’aimerais faire écho aux commentaires dont nous avons discuté à maintes reprises. La protection des enfants, encore une fois, nous ramène à l’éducation. Il faut donner à ces enfants l’occasion de discuter de ces questions lorsqu’ils sont beaucoup plus jeunes, sachant que nous avons une occasion d’offrir du soutien.
Lorsque j’ai commencé cette démarche, je n’arrivais pas à me faire à l’idée que Mme McGrath puisse se retrouver à l’hôpital, le visage tuméfié et la mâchoire cassée, et qu’un individu soit toujours en liberté et n’ait même pas été arrêté. Pour moi, c’était incompréhensible. Aujourd’hui, je comprends. Je comprends grâce à toutes les personnes que j’ai rencontrées et à l’information que j’ai reçue à ce sujet.
Le problème tient en partie à l’absence d’un réseau de soutien. Par exemple, lorsqu’une femme est à l’hôpital et qu’elle s’interroge sur la possibilité d’appeler la police, de porter plainte ou de faire un signalement, elle doit aussi penser à ses enfants. Elle doit penser au fait qu’elle retournera dans cet environnement, soit le lendemain, soit quelques heures plus tard. Elle doit aussi penser à l’aspect financier. Elle a tellement de choses à considérer. En outre, elle ignore si elle pourra compter sur quelqu’un pour l’aider, elle, ses enfants et sa famille.
Lorsque je suis retournée voir les juristes, ils m’ont suggéré d’élaborer une stratégie. Au début, j’envisageais la déclaration obligatoire, mais je comprends maintenant que ce n’est pas aussi simple que M. Manning le croyait. J’espère que la stratégie inclura des questions comme celle-ci et celles dont vous avez parlé ici. J’ai accepté d’élaborer cette stratégie après que Mme McGrath et moi en avons discuté à plusieurs reprises, car tous ceux qui s’intéressent à la question auront l’occasion d’ajouter leur grain de sel à la discussion. J’espère que les questions que vous et d’autres avez soulevées feront partie de cette stratégie nationale.
La présidente : Merci, sénatrice Moodie.
Madame McGrath, encore une fois, merci beaucoup de nous avoir fait part de votre histoire. De l’obscurité peut jaillir de la lumière, et vous faites briller cette lumière avec beaucoup de ferveur.
J’ai une question pour nos deux témoins. Je me préoccupe des jeunes filles d’aujourd’hui. Nous connaissons les statistiques croissantes de la violence entre partenaires intimes chez les jeunes filles. Elles subissent également les pressions exercées par les médias sociaux. Quel message aimeriez-vous qu’elles entendent?
Mme McGrath : J’ai pris la parole dans quelques écoles. Je pense vraiment qu’il faut apprendre aux jeunes filles à cerner les signaux d’alarme lorsqu’il est question d’un petit ami ou d’un partenaire. Elles doivent savoir et comprendre qu’un garçon ne leur dit pas quoi porter, qui sont leurs amis ni où elles doivent aller. En fait, un garçon adolescent agit de la même manière qu’un homme adulte, car c’est la même chose. Les jeunes filles et les jeunes garçons doivent vraiment apprendre à cibler une relation dangereuse.
Le sénateur Manning : Cela nous ramène, encore une fois, à l’éducation. Quand nos enfants allaient à l’école, ils participaient au Programme d’information sur les dangers de la drogue pour les écoliers, D.A.R.E., à l’école primaire. Ce programme portait sur les drogues et sur la manière d’y faire face dans le monde d’aujourd’hui. Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir un programme qui enseigne aux jeunes garçons et filles le respect de leurs homologues? S’ils l’apprennent en 3e ou 4e année, ces enseignements les suivront. S’ils apprennent le contraire à la maison ou ailleurs dans la communauté lorsqu’ils sont en 3e ou 4e année, cela les suivra aussi. Il faut créer cette base.
Mme McGrath : Je pense que l’un des problèmes que nous avons avec les jeunes filles — et je m’éloigne probablement un peu du sujet de votre question —, c’est que lorsqu’elles atteignent l’âge de 16 ans, elles sont livrées à elles-mêmes. Je me suis liée d’amitié avec une famille dont la fille, âgée de 16 ans, a eu une relation avec un homme plus âgé qu’elle. Ils se sont adressés à la police des dizaines et des dizaines de fois, mais la police ne pouvait rien faire parce qu’elle avait 16 ans. L’âge de 16 ans est considéré comme une zone grise. La fille a été abattue plusieurs années plus tard, de même que son petit ami.
La présidente : Je vous remercie.
Sénateur Manning, je pense que vous comprenez le sentiment de notre comité. Nous pensons qu’il s’agit d’un projet de loi très important, et nous tenons à vous remercier de nous l’avoir présenté. Nous allons l’étudier, et nous espérons que cette question sera réglée très rapidement afin que notre rôle dans cette affaire ne soit pas retardé. J’ai cru comprendre que vous aviez déposé ce projet de loi uniquement pour qu’il y ait prorogation du Parlement peu de temps après.
Je vous remercie de la générosité avec laquelle vous nous avez fait part de vos expériences, madame McGrath, ainsi qu’aux gens qui vous écoutent et vous regardent. Nous comprenons que ce n’était pas facile, et ce n’est pas facile. Nous vous sommes vraiment reconnaissants de votre témoignage qui nous aide à comprendre ce projet de loi et à le faire avancer.
Pour notre prochain groupe de témoins, nous accueillons Crystal Garrett-Baird, directrice générale, Violence fondée sur le sexe, Femmes et Égalité des genres, qui se joint à nous par vidéoconférence, Krista Apse, directrice générale, Secrétariat des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées, Politiques et orientations stratégiques, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, Marc Sanderson, sous‑ministre adjoint, Programmes et partenariats en matière d’éducation et de développement social, Services aux Autochtones Canada. Du ministère de la Justice, nous recevons Stéphanie Bouchard, avocate principale et directrice, et Nathalie Levman, avocate principale.
Nous allons commencer par les déclarations liminaires des fonctionnaires, qui seront suivies par les questions des membres du comité.
Crystal Garrett-Baird, directrice générale, Direction générale de la violence fondée sur le sexe, Femmes et Égalité des genres Canada : Bonjour. Je suis très heureuse de témoigner devant vous aujourd’hui au sujet du projet de loi S-249.
Avant de commencer, j’aimerais souligner que je me joins à vous depuis le territoire traditionnel et non cédé de la Première Nation mi’kmaq d’Abegweit.
Je salue le courage de Georgina McGrath d’avoir communiqué son histoire et de défendre la cause des personnes survivantes de la violence fondée sur le sexe.
[Français]
Je suis heureuse de témoigner devant ce comité pour faire part de ce que le gouvernement du Canada a accompli en matière de violence fondée sur le sexe, y compris le lancement historique du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe, en novembre 2022.
[Traduction]
Aujourd’hui, j’utiliserai l’expression « violence fondée sur le sexe ». Elle comprend la violence entre partenaires intimes, qui est l’une des formes les plus répandues de violence fondée sur le sexe.
La violence fondée sur le sexe touche de manière disproportionnée les femmes et les filles. Au Canada, les populations exposées au risque de cette forme de violence ou mal desservies lorsqu’elles subissent ces formes de violence comprennent les femmes et les filles autochtones, les femmes noires et racisées, les femmes immigrantes et réfugiées, les personnes bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers, intersexuées et les autres personnes d’orientations sexuelles et identités de genre diverses, les personnes en situation de handicap et les femmes vivant dans les collectivités nordiques, rurales et éloignées.
[Français]
Le gouvernement du Canada a adopté une position ferme contre la violence fondée sur le sexe et s’est engagé non seulement à prévenir et à combattre cette forme de violence, mais aussi à créer un Canada qui en est exempt.
[Traduction]
En 2017, le gouvernement du Canada a lancé la Stratégie fédérale pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe, qui est une approche pangouvernementale dirigée par Femmes et Égalité des genres Canada et soutenue par des investissements de plus de 800 millions de dollars et 44 millions de dollars en cours. Cela inclut « Ce n’est pas juste », une campagne nationale visant à sensibiliser les jeunes à la violence fondée sur le sexe, à renforcer les connaissances et à changer les croyances et les actions.
Prévenir et combattre la violence fondée sur le sexe au Canada nécessite une approche nationale coordonnée, au sein de laquelle les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux travaillent en étroite collaboration avec les personnes victimes et survivantes, les partenaires autochtones, les prestataires de services directs, les personnes expertes, les activistes qui défendent cette cause, les municipalités, le secteur privé, ainsi que les chercheurs.
[Français]
S’appuyant sur les fondations posées par la Stratégie fédérale pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe en novembre 2022, les ministres du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires responsables de la condition féminine ont lancé le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe.
[Traduction]
Ce plan décennal s’appuie sur plus de 1 000 recommandations et répond directement à des années d’appels de personnes survivantes, de personnes expertes, d’activistes qui défendent cette cause, ainsi que d’organismes nationaux et internationaux, pour que le Canada prenne des mesures davantage énergiques afin de mettre fin à la violence fondée sur le sexe, y compris la violence entre partenaires intimes. Cette approche nationale s’appuie sur les approches et stratégies du fédéral, des provinces et des territoires existantes afin de prévenir et lutter contre la violence fondée sur le sexe.
L’objectif du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe est de créer un Canada exempt de cette forme de violence, y compris la violence entre partenaires intimes. Le Plan d’action national met principalement l’accent sur des approches qui s’attaquent aux causes profondes de la violence fondée sur le sexe tout en s’adaptant aux besoins changeants et aux enjeux émergents au Canada et en établissant un cadre afin de garantir que toute personne confrontée à la violence fondée sur le sexe ait un accès fiable et rapide à la protection et aux services, quel que soit l’endroit où elle vit.
Le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe comprend cinq piliers : soutien aux personnes victimes et survivantes et à leur famille, prévention, système judiciaire réactif, mise en œuvre d’approches dirigées par les Autochtones, et infrastructure sociale et environnement propice.
[Français]
Ces piliers reposent sur des fondements qui portent sur le leadership, la coordination et la mobilisation, les données, la recherche et la mobilisation des connaissances, ainsi que l’établissement de rapports et le suivi.
[Traduction]
Le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe est complémentaire à d’autres plans d’action, notamment le Plan d’action fédéral 2ELGBTQQI+, la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le Plan d’action national 2ELGBTQQIA+ et la Voie fédérale. En particulier, le pilier 4 du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe aborde précisément la nécessité de soutenir les approches dirigées par les Autochtones afin de lutter contre la violence contre les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQI+ autochtones, et y mettre fin.
Le budget fédéral de 2022 a prévu 539,3 millions de dollars sur cinq ans afin de soutenir les provinces et les territoires dans le cadre de leurs efforts de mise en œuvre du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe.
[Français]
Ce financement est essentiel, car les provinces et les territoires contrôlent les principaux leviers de prévention et de lutte contre la violence fondée sur le sexe, comme l’éducation, la fourniture de soins de santé et de services sociaux, ainsi que l’administration de la justice.
[Traduction]
Entre le lancement du Plan d’action national en novembre 2022 et décembre 2023, Femmes et Égalité des genres Canada a signé et annoncé 13 accords de financement bilatéraux d’une durée de quatre ans avec les gouvernements provinciaux et territoriaux qui soutiennent le travail de chaque province ou territoire afin de mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Dans le cadre de notre engagement collectif en faveur de la transparence ainsi que de la responsabilité, ces accords sont accessibles au public sur le site Web de Femmes et Égalité des genres Canada.
Au cours de la première année des plans de mise en œuvre provinciaux et territoriaux, il y a plus de 190 mesures dans le cadre des cinq piliers et les fondements afin de soutenir les efforts visant à mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Ce travail se poursuivra pendant les trois années restantes de ces accords.
[Français]
Au moyen d’une entente respectueuse de son autonomie, le gouvernement du Québec reçoit un financement fédéral pour soutenir les programmes, initiatives et services visant à mettre fin à la violence fondée sur le sexe qu’il met en place en fonction des besoins de son territoire.
[Traduction]
Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux travaillent également ensemble...
La présidente : Votre temps de parole est écoulé. Pouvez‑vous conclure vos remarques, s’il vous plaît?
Mme Garrett-Baird : Absolument.
Un rapport d’étape national pour montrer les progrès produit dans le cadre du plan d’action national sera rendu public à partir de l’automne 2024.
Nous reconnaissons qu’il y a encore beaucoup de travail à faire, mais en nous appuyant sur les mesures concrètes prises pour prévenir et combattre la violence fondée sur le sexe, nous nous engageons à poursuivre notre travail avec les survivants, toutes les instances, les partenaires autochtones et les organisations de la société civile afin d’atteindre l’objectif ultime de créer un Canada sans violence fondée sur le sexe.
[Français]
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
La présidente : Je vous remercie, madame Garrett-Baird. Nous aimerions maintenant demander à Mme Krista Apse de faire sa déclaration liminaire.
Krista Apse, directrice générale, Secrétariat des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées, Politiques et orientations stratégiques, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Merci, madame la présidente.
[Français]
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie d’avoir invité le ministère à comparaître comme témoin pour discuter de ce projet de loi.
[Traduction]
Je remercie également Mme McGrath de nous avoir fait part de son histoire.
Je suis la directrice générale du Secrétariat des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées, FFADA, au ministère des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada. Le Secrétariat coordonne les efforts du gouvernement du Canada pour répondre aux appels à la justice de l’Enquête nationale visant à mettre fin à la violence contre les femmes, les filles et les personnes bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers et intersexuées. Le Secrétariat collabore avec les partenaires autochtones, les provinces et les territoires pour prendre des mesures concernant les FFADA, gère le Programme de contribution au soutien du bien-être des familles et des survivantes et le Programme d’initiatives liées aux données dirigées par des Autochtones, et soutient les partenaires autochtones pour qu’ils continuent à participer aux travaux à venir.
Le 3 juin 2019, l’Enquête nationale a publié son rapport final et 231 appels à la justice. Le 3 juin de cette année marquera le cinquième anniversaire de ce rapport.
En réponse, le Plan d’action national pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQIA+ autochtones disparues et assassinées a été publié le 3 juin 2021 par les partenaires autochtones et les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Le Plan d’action national est un plan global, regroupant une série de chapitres des partenaires contributeurs, qui définit les priorités et les prochaines étapes immédiates qui doivent être prises par tous les ordres de gouvernement, les organisations et les communautés partout au pays pour lutter contre la violence faite aux femmes, aux filles et aux personnes 2ELGBTQIA+ autochtones
La Voie fédérale concernant les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQIA+ autochtones disparues et assassinées est la contribution du gouvernement fédéral au Plan d’action national. Elle regroupe environ 85 initiatives, réparties en quatre thèmes : santé et bien-être, culture, sécurité humaine et justice. Il s’agit d’une approche pangouvernementale des programmes, des politiques et des mesures législatives visant à mettre fin à la violence faite aux femmes, aux filles et aux personnes 2ELGBTQIA+ autochtones. Par exemple, certaines des initiatives décrites sont les suivantes : financement de soutien pour les organisations de femmes autochtones et de personnes 2ELGBTQIA+ autochtones, et les investissements dans le logement dans le budget de 2022 pour les partenaires des Métis, des Inuits et des Premières Nations autonomes et signataires de traités modernes.
La Voie fédérale s’aligne sur d’autres plans et stratégies nationaux. Mon collègue de FEGC les a déjà mentionnés. Je ne les répéterai pas.
Madame la présidente, je vais prendre quelques minutes pour donner des exemples récents de mesures importantes qui ont été prises. En janvier 2023, Jennifer Moore Rattray a été nommée représentante spéciale du ministre pour fournir des conseils et des recommandations, grâce à une mobilisation avec les survivantes, les familles, les partenaires et les organisations, à l’appui de l’appel à la justice 1.7 visant à créer un poste d’ombudsman des droits des Autochtones et des droits de la personne. Après une mobilisation à grande échelle tout au long de l’année 2023, elle a présenté son rapport final au ministre. Ce rapport servira de fondement aux étapes suivantes.
Une entreprise autochtone a travaillé avec des partenaires sur l’appel à la justice 1.10, qui prévoit un mécanisme de surveillance pour rendre compte de la mise en œuvre des appels à la justice. Le ministère a communiqué les résultats à ses partenaires et envisage les prochaines étapes pour faire avancer ce travail.
L’année dernière, la Chambre des communes a soutenu une motion de la députée Leah Gazan visant à déclarer que les meurtres et les disparitions de femmes et de filles autochtones constituent une urgence à l’échelle du Canada et a demandé au gouvernement fédéral de financer une alerte à la robe rouge qui informerait le public de la disparition d’une femme, d’une fille ou d’une personne 2ELGBTQIA+ autochtone.
Le ministère a élaboré un document de mobilisation qui a servi de base à 16 séances préalables à la mobilisation régionales et fondées sur des distinctions qui ont été organisées en décembre 2023 et janvier 2024 avec des partenaires autochtones. Ces séances ont permis de recueillir les commentaires préliminaires de partenaires locaux autochtones afin de comprendre comment un système tel que l’alerte à la robe rouge pourrait combler les lacunes existantes liées aux alertes publiques et à la sensibilisation entourant la crise nationale liée aux FFADA2S+. Les mobilisations relatives à l’alerte se poursuivront.
L’alerte a également été discutée lors de la deuxième table ronde nationale autochtone-fédérale-provinciale-territoriale sur les FFADA et les personnes 2ELGBTQI+, qui s’est tenue en février de cette année. Elle s’est déroulée dans un format hybride, avec plus de 100 personnes participant en personne et environ 130 personnes participant en ligne. L’événement a rassemblé des dirigeants autochtones nationaux et régionaux, des représentants, des experts techniques et des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux. Outre l’alerte à la robe rouge, les discussions ont porté sur le rapport final de la représentante spéciale du ministre traitant de la création d’un poste d’ombudsman des droits des Autochtones et des droits de la personne, des leçons tirées et des pratiques exemplaires en matière de surveillance et de suivi, ainsi que des principales priorités. Un rapport sommaire de la table ronde est en cours de préparation.
Le troisième rapport d’étape annuel sur la Voie fédérale sera publié le 3 juin 2024 et rendra compte des progrès réalisés dans le cadre des initiatives de la Voie fédérale pour réaliser les appels à la justice qui y correspondent.
Merci, madame la présidente.
La présidente : Je vous remercie. Nous entendrons maintenant la déclaration de Marc Sanderson, sous-ministre adjoint, Programmes et partenariats en matière d’éducation et de développement social. Nous entendrons ensuite Mme Nathalie Levman, avocate principale, ministère de la Justice Canada.
Mesdames et messieurs les fonctionnaires, nous vous remercions de votre présence ici. Nous avons beaucoup de questions. Si vous pouvez d’une manière ou d’une autre écourter un peu votre exposé pour que nous puissions poser nos questions, je vous en serais extrêmement reconnaissante.
Marc Sanderson, sous-ministre adjoint, Programmes et partenariats en matière d’éducation et de développement social, Services aux Autochtones Canada : Merci, madame la présidente. Nous nous réjouissons de l’occasion de faire le point devant le comité aujourd’hui sur les progrès réalisés par Services aux Autochtones Canada dans l’avancement des travaux liés à ce projet de loi, la stratégie globale de prévention de la violence annoncée dans le cadre de l’Énoncé économique de l’automne 2024 du budget de 2021 et la Voie fédérale que mes collègues ont mentionnée plus tôt aujourd’hui.
Par l’entremise de la stratégie globale de prévention de la violence, Services aux Autochtones Canada est en mesure de répondre aux besoins précis des communautés autochtones pour les refuges d’urgence et de logements de transition dans le cadre de l’Initiative de maisons d’hébergement et de logements de transition pour les Autochtones. Il faut également élargir le soutien culturellement adapté aux peuples autochtones confrontés à la violence fondée sur le sexe.
Malgré tout le travail qui a été accompli jusqu’à présent, l’incidence de la pandémie de COVID-19 a entraîné un besoin accru d’espaces sécuritaires pour les femmes autochtones, les enfants et les personnes 2ELGBTQI+ qui fuient la violence. L’isolement et l’augmentation des cas de violence fondée sur le sexe tout au long de la pandémie ont eu une incidence durable sur les communautés autochtones. Les résultats obtenus à ce jour grâce à la stratégie globale de prévention de la violence serviront de base solide aux travaux essentiels qui se poursuivent dans ce domaine.
Le but du Programme pour la prévention de la violence familiale de Services aux Autochtones Canada est d’améliorer la sécurité des femmes, enfants, familles et personnes 2ELGBTQI+ autochtones. Le programme finance le fonctionnement des refuges d’urgence et des maisons de transition — refuges de deuxième étape —, les activités de prévention de la violence menées par les Autochtones et le renforcement de la capacité globale des refuges. Grâce à des initiatives récentes, le programme devrait financer 105 refuges, dont 46 fonctionnaient avant 2020, 12 autres dans le cadre de l’initiative initiale sur les refuges de 2020 et 47 autres établissements sélectionnés dans le cadre de la nouvelle initiative jusqu’à présent.
Dans l’ensemble, en 2023-2024, 300 organisations ont été financées pour des activités et des projets de prévention de la violence par l’entremise de ce projet, mais, de toute évidence, il y a encore du travail à faire pour garantir la sécurité des femmes, des enfants et des personnes 2ELGBTQI+ autochtones.
Très brièvement, j’aimerais donner quelques détails supplémentaires sur l’Initiative de maisons d’hébergement et de logements de transition pour les Autochtones, qui est codirigée par la Société canadienne d’hypothèques et de logement et Services aux Autochtones Canada, en collaboration avec des partenaires des Premières Nations, des Métis et des Inuits.
La présidente : Je vais vous arrêter ici, car je suis certaine que nous vous poserons des questions qui vous aideront à couvrir le reste de votre déclaration. Je vous prie de m’excuser.
Me Nathalie Levman, avocate principale, ministère de la Justice Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de parler du rôle de Justice Canada dans la lutte contre la violence entre partenaires intimes.
Je voudrais d’abord remercier Mme McGrath pour sa force et son courage, et reconnaître que je parle depuis le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Nous nous proposons de vous donner un très bref aperçu du cadre juridique pertinent, y compris de certains des travaux en cours à notre ministère dans ce dossier.
Comme vous le savez probablement tous, le Code criminel ne contient pas d’infraction spécifique pour les partenaires intimes. Toutefois, les infractions d’application générale s’appliquent à ce type d’infraction, notamment les agressions, les agressions sexuelles, les homicides, etc. Le Code criminel prévoit également des peines en cas de violence à l’égard d’un partenaire intime lors d’une infraction, ainsi qu’un renversement du fardeau de la preuve lors de la mise en liberté sous caution des récidivistes de violence conjugale. Certaines de ces mesures découlent d’une récente réforme du droit pénal adoptée en 2019 dans le cadre de l’ancien projet de loi C-75. Ce projet de loi précisait également que l’étranglement, l’étouffement et la suffocation constituent des formes plus graves de voies de fait, et que le fait d’étrangler, de suffoquer ou d’étouffer une personne tout en l’agressant sexuellement constitue une forme plus grave d’agression sexuelle. Nous avons pensé que cela vous intéresserait.
Toujours en 2021, l’ancien projet de loi C-3 a modifié la Loi sur les juges afin d’obliger les nouveaux juges des cours supérieures provinciales à participer à une formation sur les questions liées aux agressions sexuelles, au droit et au contexte social. Cette mesure vise à garantir que les préjugés, les mythes et les stéréotypes personnels ou sociétaux n’influencent pas la prise de décision judiciaire. Sur cette base, en 2023, le projet de loi C-233 a fait adopter des amendements qui comprennent également des modifications à la Loi sur les juges. Ces modifications exigent que la violence conjugale et le contrôle coercitif soient ajoutés à la liste des séminaires de formation continue pour les juges, que le Conseil canadien de la magistrature peut organiser.
Le terme « contrôle coercitif » est employé dans le contexte du droit de la famille et du droit pénal pour décrire un comportement contrôlant qui se produit au fil du temps dans des relations intimes et qui sert à piéger les victimes. Certains de ces comportements peuvent ne pas constituer des infractions pénales en soi. J’aimerais attirer l’attention du comité — bien que vous le sachiez probablement déjà — sur le fait que le 18 mars 2024, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a adopté les amendements du gouvernement au projet de loi C-332, qui propose une nouvelle infraction de contrôle coercitif dans le Code criminel. J’aimerais souligner que ces amendements ont été élaborés sur la base de travaux en cours aux niveaux fédéral, provincial et territorial; de commentaires recueillis dans le cadre d’une consultation à l’automne 2023 avec les parties prenantes, dirigée par Justice Canada; et d’une collaboration très étroite avec nos partenaires provinciaux et territoriaux. Les infractions criminelles de contrôle coercitif qui ont été adoptées dans d’autres pays — en particulier l’approche écossaise — ont également contribué à l’élaboration de ces amendements ainsi que, bien sûr, le droit canadien pertinent.
Enfin, Justice Canada dirige la Stratégie fédérale d’aide aux victimes, qui vise à améliorer l’expérience des victimes et des survivants d’actes criminels en leur donnant une voix plus percutante dans le système de justice pénale et en améliorant leur accès à la justice. Dans le cadre de cette stratégie, le gouvernement a apporté d’importantes contributions sur le plan des politiques, des programmes et de la législation pour les efforts visant à accroître la sensibilisation aux préoccupations et aux expériences des victimes, y compris les victimes de violence conjugale; à traiter les questions émergentes concernant les victimes; à accroître l’accès à des services utiles; et, bien sûr, à réformer le droit pénal.
Dans le cadre de l’annonce de financement de 2021 dont vous avez déjà entendu parler aujourd’hui, Justice Canada a reçu 112 millions de dollars sur cinq ans pour des initiatives visant à aider les victimes et les survivants d’agressions sexuelles et de violence conjugale.
Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire. Je suis prête à répondre aux questions.
La présidente : Merci beaucoup, maître Levman. Monsieur Sanderson, je vous présente encore une fois mes excuses. J’espère qu’on vous posera suffisamment de questions.
Chers collègues, il nous reste exactement une demi-heure. Les questions devront être brèves, tout comme les réponses. Je vais devoir minuter les interventions plus rigoureusement que ce que j’aurais espéré.
La sénatrice Seidman : Je vais aller droit au but, car de nombreuses personnes souhaitent poser des questions. Une question mérite vraiment d’être posée. On vient de nous présenter un projet de loi d’initiative parlementaire sur la violence conjugale. Vous nous avez présenté un tableau très complet de la situation au sein du gouvernement, dans de nombreux ministères, sur la violence fondée sur le sexe, et même spécifiquement sur la violence conjugale. Ma question est la suivante : que pensez-vous du projet de loi qui nous a été présenté? Complète-t-il les efforts déjà déployés, s’en écarte-t-il ou fait-il double emploi? Quels sont les chevauchements que nous devrions examiner? Cette question s’adresse peut-être à Mme Garrett-Baird, car je pense qu’elle a prononcé la première déclaration. Elle a parlé du plan d’action national et, par conséquent, j’aimerais qu’elle débute. Nous verrons ensuite combien de temps il nous reste. Merci.
Mme Garrett-Baird : Je vous remercie de la question.
Le projet de loi sensibilise certainement à la violence conjugale. Toutefois, le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le genre, lancé en novembre 2022, englobe la violence conjugale et est axé, sur une période de dix ans, sur l’élimination de la violence fondée sur le sexe et des causes profondes évoquées précédemment.
Il est très important de se concentrer sur le pilier de la prévention du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le genre, car on y reconnaît que nous ne pourrons pas mettre fin à la violence fondée sur le sexe dans ce pays si nous ne nous attaquons pas à ses causes profondes. C’est précisément la raison pour laquelle au moins 25 % des fonds fédéraux accordés aux provinces et aux territoires doivent nécessairement être utilisés pour la prévention. Nous pourrons ainsi collaborer et nous attaquer aux causes profondes.
La sénatrice Seidman : Je ne veux pas prendre trop de temps. De nombreuses personnes souhaitent poser des questions. Peut-être que quelqu’un d’autre poursuivra dans la même veine, car je ne pense pas que nous ayons une réponse complète. Je vous remercie.
La présidente : Nous pourrons revenir à cette question.
La sénatrice Osler : Je remercie les témoins.
Ma question s’adresse aux avocates du ministère de la Justice et concerne l’obligation pour les professionnels de la santé de faire des signalements. Ma question a deux volets. Le terme « professionnels de la santé » n’est pas défini dans le projet de loi. Comment le ministère de la Justice et le système juridique pourraient-ils interpréter le sens de « professionnels de la santé? » Deuxièmement, quelles sont les conséquences possibles pour les professionnels de la santé s’ils ne signalent pas à la police qu’ils soupçonnent qu’une personne est victime de violence conjugale?
Me Levman : La loi, telle que je la connais aujourd’hui, prévoit une obligation de signalement lorsque la victime est un enfant ou lorsqu’il s’agit d’un enfant ayant besoin de protection. Or, je crois comprendre qu’il n’y a pas d’obligation de signalement lorsque la victime est un adulte. Nous sommes des criminalistes et nous ne sommes donc pas des expertes dans ce domaine. Je tenais à le préciser, au cas où ce serait utile.
Vous avez posé une question sur les conséquences?
La sénatrice Osler : C’est exact. Quelles sont-elles si on omet de faire un signalement?
Me Levman : Elles sont prévues dans les lois provinciales de protection de l’enfance, et il se pourrait qu’elles varient d’une région à l’autre du pays. Il faudrait que je les lise.
La sénatrice Osler : La première partie de ma question portait sur l’absence de définition pour « professionnel de la santé. »
Me Levman : Vous parlez de l’absence de définition dans le projet de loi?
La sénatrice Osler : Dans le projet de loi, il y a des définitions pour…
Me Levman : Je crois qu’il s’agit des infirmières praticiennes.
La sénatrice Osler : Il s’agit des infirmières, des médecins et des infirmières praticiennes, mais ce sont les « professionnels de la santé » qui sont tenus de faire un signalement. C’est très peu précis. Je me demandais si vous pouviez me donner plus d’informations. Comment interpréter le terme « professionnel de la santé? »
Me Levman : Il pourrait être interprété très largement ou très étroitement. Sans définition, il n’y a pas moyen de le savoir.
La sénatrice Osler : Je vous remercie.
La sénatrice Moodie : Nous avons beaucoup entendu parler de la myriade de services, de plans d’action et d’initiatives parallèles. On nous a parlé de différents domaines d’intervention et d’efforts uniques ou qui se chevauchent. Nous avons également entendu aujourd’hui des témoignages qui suggèrent qu’une multitude de ces mesures ne fonctionnent pas. Les nombres augmentent. La complexité de la surveillance, de la responsabilité, des agences et des domaines qui s’entrecroisent — les soins de santé, le droit, le système judiciaire — suggère que nous avons un système vraiment complexe à gérer. Comment mesurez-vous l’efficacité dans ce milieu très complexe? Êtes-vous en train de gagner? Les mesures préventives mises en place fonctionnent-elles?
Pendant la pandémie, la souche — le catalyseur de cet événement — a mis en évidence un système faible, un système qui n’a pas les moyens de soutenir la population et d’empêcher l’escalade de la violence lorsque les gens sont stressés de la sorte. Nous avons assisté à une grave intensification des événements. J’essaie de comprendre. Oui, nous dépensons beaucoup d’argent et nous consacrons beaucoup de temps à l’enjeu ici, en mettant en place des plans d’action, mais comment mesurons-nous les résultats? Quelle est l’efficacité de ces plans? Qu’est-ce qui fonctionne et qu’est-ce qui ne fonctionne pas? Sommes-nous en train de gagner?
La présidente : Il y avait là de nombreuses questions.
La sénatrice Moodie : Je ne pose qu’une question : sommes‑nous en train de gagner? Mesurez-vous les progrès? Connaissons-nous l’efficacité de ces efforts? Nous essayons toutes sortes de moyens en espérant que certains fonctionneront, mais est-ce que nos efforts changent la donne?
La présidente : Mme Garrett-Baird dispose peut-être d’informations globales. Les efforts fonctionnent-ils?
Mme Garrett-Baird : Oui, j’ai de l’information. Merci beaucoup pour cette question, qui est très importante.
Pour revenir à votre commentaire, beaucoup d’argent est investi dans ces actions, et nous devons être en mesure de démontrer les progrès accomplis. C’était une considération et une question importantes pour nous lorsque nous avons élaboré avec les provinces et les territoires le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le genre, qui, soit dit en passant, a été un projet pendant la pandémie, puisque nous pouvions voir les problèmes. Ces problèmes existaient déjà, mais la pandémie les a mis encore plus en évidence. Voilà pourquoi nous sommes allés de l’avant si rapidement pour lancer le plan d’action national.
Lorsque nous avons négocié avec les provinces et les territoires des accords de financement bilatéraux, nous n’avons pas seulement discuté de financement annuel. Chacun de ces accords comporte un cadre de résultats escomptés. L’information est accessible en ligne. Ce cadre de résultats escomptés comprend des résultats à court, moyen et long terme, ainsi que des résultats finaux sur une période de 10 ans.
Vous vous demandez probablement comment nous mesurons les progrès dans ce cadre. Il existe des sources de données, notamment Statistique Canada, que les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral utilisent. Chaque année, les provinces et les territoires doivent nous envoyer les progrès qu’ils ont réalisés par rapport au cadre des résultats escomptés. Nous les examinons et déterminons s’ils sont suffisants, après quoi nous sommes en mesure de débloquer leur financement pour l’année suivante.
Nous regrouperons les rapports annuels de toutes les provinces et de tous les territoires pour créer un rapport d’étape annuel national. Le premier rapport d’étape annuel national, qui pourra être comparé au plan d’action national, sera publié à l’automne 2024. Ce processus se poursuivra pendant toute la durée des accords bilatéraux. Cet enjeu représente une grande priorité pour nous.
La présidente : Merci, madame Garrett-Baird.
La sénatrice Bernard : Ma question s’adresse également à Mme Garrett-Baird. J’aimerais vous poser une question sur la terminologie de la violence conjugale dans ce projet de loi et savoir ce que vous pensez de l’incidence ou de l’influence que cela pourrait avoir sur votre travail plus global sur la violence fondée sur le sexe. Je pense notamment au meurtre-suicide dans la famille Desmond en Nouvelle-Écosse, qui comportait manifestement des éléments de violence conjugale, mais aussi de violence familiale. Nous savons que le vocabulaire a changé et évolué au cours des 30 dernières années, et je m’interroge donc à ce sujet. Par ailleurs, puisque j’ai mentionné l’enquête sur la famille Desmond, je me demande si les conclusions de cette enquête éclairent le travail sur le plan d’action national d’une manière ou d’une autre et si vous pensez qu’elles devraient influencer ce projet de loi.
Mme Garrett-Baird : Je vous remercie de la question.
Certaines recommandations de l’enquête Desmond, y compris celles qui portent sur la violence fondée sur le sexe, rejoignent les recommandations de la Commission des pertes massives.
Pour répondre à votre question, le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le genre a été conçu de façon évolutive, car cette violence évolue, comme nous l’avons certainement constaté pendant la pandémie. Ce plan d’action national s’appuyait sur plus de 1 000 recommandations, mais depuis, d’autres ont été formulées — par exemple, comme vous l’avez noté, pour l’enquête sur les décès dans la famille Desmond, la Commission des pertes massives, et la Première Nation crie James Smith. De nombreuses recommandations continuent à voir le jour et elles continuent d’alimenter la mise en œuvre du plan d’action national. Dans le cadre de nos accords bilatéraux avec les provinces et les territoires, nous leur donnons donc la possibilité de mettre à jour leurs plans de mise en œuvre chaque année. Nous ne voulons pas de plans de mise en œuvre quadriennaux immuables, car nous aurions alors l’impression que les résultats entourant la violence fondée sur le sexe stagnent, et nous savons que ce n’est pas nécessairement le cas. Toutes ces recommandations continuent d’alimenter nos travaux et font partie intégrante de nos discussions avec les provinces et les territoires.
Pour revenir à votre commentaire sur la terminologie, j’ai utilisé dans ma déclaration préliminaire le terme « violence fondée sur le sexe, » qui inclut la violence conjugale. Ce terme englobe également toute une série d’autres éléments tels que la violence fondée sur le sexe facilitée par la technologie; la violence familiale, qui est aussi une forme de violence fondée sur le sexe; et l’exploitation financière, qui fait partie de la violence fondée sur le sexe. L’expression « violence fondée sur le genre » est large, mais nous savons que la violence conjugale en est l’une des formes les plus répandues. En fait, si l’on examine l’Enquête sur la sécurité dans les espaces publics et privés, réalisée par Statistique Canada en 2018, plus de 11 millions de Canadiens âgés de 15 ans et plus — dont 6,2 millions de femmes et 4,9 millions d’hommes — ont subi une forme de violence aux mains d’un partenaire intime. Le problème est considérable. C’est pourquoi le plan d’action national est axé non seulement sur les interventions, mais aussi sur la prévention. Nous ne pouvons pas continuer à avoir un tel niveau de violence dans notre pays.
La sénatrice Burey : Merci beaucoup, tout d’abord à Mme Georgina McGrath, d’avoir partagé son histoire et ses expériences marquantes, et ensuite à ce groupe d’experts. Je vous remercie de vous être déplacés pour nous faire part de vos idées et de vos connaissances sur ce qui se passe.
Mme McGrath a dit que certains des obstacles étaient le signalement, le logement et l’accès à d’importantes mesures de soutien et de prestations. En tant que pédiatre, je vois ces problèmes pour les enfants et je m’interroge sur les fonds alloués au logement. Dans le domaine de la santé mentale, nous avons recours à la thérapie cognitivo-comportementale. Nous savons que nos actions se répercutent sur notre comportement et notre façon de penser. Pour ce qui est des mesures visant à fournir un logement — je considère qu’il s’agit d’un élément central pour les familles —, comment les victimes peuvent-elles avoir accès à un logement et comment peuvent-elles facilement avoir accès à des mesures d’aide sociale et financière? Une telle mesure permettra en soi aux victimes de sortir rapidement de ces situations. En ce qui concerne précisément le financement du logement qui a été annoncé, quelle part de ces accords bilatéraux est destinée non seulement aux refuges, mais aussi aux logements permanents pour les femmes qui ont besoin d’accéder à ces types de services? Tenez-vous-en au logement et au financement. Y a-t-il eu un financement ciblé?
La présidente : Qui souhaite répondre à cette question? Monsieur Sanderson ou madame Apse?
M. Sanderson : Je peux parler de l’état des lieux par rapport aux foyers d’hébergement permanents et aux maisons de transition dans un contexte autochtone.
La sénatrice Burey : Oui. Quelle part du financement du logement a été consacrée à l’augmentation du nombre de refuges?
M. Sanderson : Sur un total d’environ 724 millions de dollars, la Société canadienne d’hypothèques et de logement fournit un financement pour les dépenses de capital et un soutien pour la construction de nouveaux refuges et de maisons de transition. Ceux-ci peuvent se trouver dans des zones urbaines, rurales ou nordiques, dans les réserves, à l’extérieur des réserves et dans le Nord, bien sûr. Services aux Autochtones Canada apporte un soutien opérationnel à ces refuges.
La sénatrice Burey : Est-ce que 10 % ou 30 % du financement sont destinés aux refuges pour femmes ou, dans d’autres contextes, au logement permanent? Je suppose que nous n’avons pas les réponses.
La présidente : Mais nous pouvons obtenir les réponses. Madame Garrett-Baird, vous trouverez peut-être la réponse à la question de la sénatrice Burey sur le financement ciblé du logement permanent.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup à nos témoins.
Nous savons que les pays où l’incidence de la violence contre les femmes est la plus faible — ou la violence entre partenaires intimes, peu importe le terme que nous utilisons — sont les plus égalitaires et assurent l’accès à des systèmes sociaux, économiques et de santé robustes qui comprennent le type de soutien au logement qui a été décrit.
Nous savons également, d’après l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, la Commission des pertes massives, l’enquête Sanderson et d’innombrables autres documents, que les recommandations voulant que la violence faite aux femmes soit prise au sérieux existent depuis longtemps. Ce comportement est souvent à la source des attaques qui se produisent et qui sont souvent décrites comme inhabituelles, mais pour lesquelles ont peut dégager des tendances. Presque tous les tueurs en série des États-Unis ou les tireurs de masse ont d’abord été désignés comme des personnes violentes.
Juste avant la réunion, je lisais la décision rendue le 9 avril par la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire Ronald John Candaele. Il a été reconnu coupable de meurtre au deuxième degré plutôt que d’homicide involontaire après avoir écrasé et tué sa conjointe de fait avec un camion. Il s’agit ici du même tribunal qui avait refusé d’annuler la condamnation pour homicide involontaire d’une femme qui avait tué son mari violent. À la base de tout cela, il y a l’attente que l’on a envers les femmes, qui doivent à la fois se protéger elles-mêmes et être le principal témoin dans leur procès. La violence misogyne est le seul domaine du droit pénal où l’on s’attend à ce que la victime aide à faire valoir sa cause. On ne voit pas cela dans les cas de vol. On ne le voit habituellement pas dans les cas de meurtre, à moins que la femme soit la personne accusée après s’être défendue ou avoir défendu ses proches.
Quelles mesures concrètes sont prises pour veiller à ce que les policiers se rendent sur les lieux quand ils sont appelés, à ce que les procureurs de la Couronne portent les accusations appropriées et à ce qu’il n’y ait plus le genre d’injustices que nous avons vu aussi récemment qu’il y a deux jours, soit les attitudes misogynes qui teintent les décisions des tribunaux? En gros, un bon tribunal a dit qu’il ne pouvait déterminer...
La présidente : Je crois qu’il serait approprié d’obtenir réponse à votre question, en 40 secondes. Je suis désolée, sénatrice.
La sénatrice Pate : Probablement les représentantes du ministère de la Justice.
Me Levman : Je vous remercie pour votre question.
Je sais que vous comprenez très bien la division des pouvoirs au sein du Canada, et que les enjeux associés aux services policiers sont de nature locale. Toutefois, comme le gouvernement fédéral est responsable du droit pénal et que les provinces sont responsables d’appliquer le Code criminel au sein de leurs administrations, nous devons évidemment travailler ensemble pour aborder les enjeux complexes que vous avez évoqués, sénatrice.
Dans ce contexte, nous avons un comité de coordination composé de hauts fonctionnaires du système de justice pénale. Nous travaillons ensemble pour régler bon nombre des problèmes que vous avez soulevés. Le travail en cours sur le contrôle coercitif en est un bon exemple. Vous savez que la plupart des administrations, y compris le DPP, ont des politiques en matière de poursuites qui traitent de ces types de problèmes, et elles offrent de la formation. Cependant, la situation varie d’une région à l’autre du pays. C’est la même chose pour les services de police.
La sénatrice Pate : J’ai une brève question supplémentaire, et vous pourrez y répondre par écrit. Il y a de nombreux exemples, notamment dans le domaine de l’examen des condamnations, où les femmes qui ont répondu à la violence, comme Jamie Gladue, et les attitudes misogynes et racistes n’ont pas été prises en compte. Que font précisément le ministère de la Justice et les autres ministères pour informer les décideurs à ce sujet? Nous constatons que cela se perpétue dans les décisions et n’est pas contesté par la politique gouvernementale.
La présidente : Maître Levman, nous aimerions recevoir une réponse écrite à cette question.
La sénatrice Dasko : Je remercie nos témoins de leur présence.
Ma question fait suite à celle de la sénatrice Seidman. Nous sommes ici pour discuter du projet de loi S-249. Aucun d’entre vous n’en a parlé dans son discours préliminaire. La sénatrice Seidman a posé des questions en ce sens, et je ne peux m’empêcher de vous le demander : est-ce qu’il y a quelque chose dans le projet de loi que vous ne faites pas déjà? Est-ce qu’il vous donne plus d’outils? Maître Levman, vous pourriez peut-être répondre à cette question. Mme Garrett-Baird a commencé à y répondre. J’aimerais que vous vous centriez sur le projet de loi et sur ma question. Est-ce qu’il bonifie votre travail d’une quelconque façon?
Me Levman : C’est une excellente question.
Je dois préciser que nous sommes des avocates criminalistes. Nous pratiquons le droit criminel, ce qui occupe un rôle particulier dans le système de justice pénale. C’est un système qui est réactif, et selon ce que je comprends, le projet de loi se centre plutôt sur la prévention. Ma collègue, qui est assise à côté de moi, est responsable de la Stratégie fédérale d’aide aux victimes.
La sénatrice Dasko : Est-ce que Mme Garrett-Baird peut répondre à la question? Veuillez vous centrer sur le projet de loi seulement.
La présidente : Mme Garrett-Baird a dit que le projet de loi améliorait la sensibilisation. J’aimerais que nous allions plus loin, parce que nous avons déjà entendu cela plus tôt.
Mme Garrett-Baird : Merci pour le suivi.
Comme on l’a dit, le projet de loi accroît la sensibilisation. Je tiens à souligner que le travail sur ce projet de loi a commencé en 2017. Nous sommes passés par un incroyable parcours, au cours duquel nous avons lancé la Stratégie fédérale pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe en 2017, suivie du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe, car nous savions que la stratégie représentait une bonne base, mais n’était pas suffisante. Le Plan d’action national a été créé pour être évolutif, mais il a aussi donné lieu à des possibilités d’action.
J’ai parlé des cinq piliers et du fondement, mais il y a aussi plusieurs autres possibilités d’action visant les domaines abordés dans le projet de loi, parce que les réalités de chaque province et de chaque territoire du pays en matière de violence fondée sur le sexe sont différentes, et qu’ils ont des problèmes émergents qui pourraient être abordés. C’est pourquoi le Plan d’action national comporte des rubriques plus larges comme la prévention et un système de justice réactif. Il faut que leur portée soit assez vaste pour couvrir la question très complexe de la violence fondée sur le sexe et tous les éléments connexes.
La présidente : Madame Garrett-Baird, vous dites que nous avons une stratégie nationale et un plan d’action, que vous avez décrit. Le projet de loi vise une stratégie nationale. Je vous pose la même question, pour que nous puissions mieux comprendre : est-ce que le projet de loi agit de façon parallèle, de façon concurrentielle, de façon complémentaire ou de façon contradictoire à cet égard?
Mme Garrett-Baird : Je reconnais le projet de loi et les efforts qui s’y rattachent, et je reconnais l’incroyable force de Mme McGrath, qui l’a présenté. Le projet de loi aborde la violence entre partenaires intimes et vise à mettre en œuvre une stratégie pour la prévenir, qui fait partie du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe.
La présidente : Merci.
La sénatrice Petitclerc : Merci, chers collègues, pour ces dernières questions. Il est vraiment utile de mettre en perspective le projet de loi et ce qui existe déjà.
Ma question s’adresse également à Mme Garrett-Baird. Dans votre exposé, vous avez parlé de l’importance de cibler les causes profondes et, évidemment, de faire de la prévention. Ce qui m’a frappée dans le témoignage de Mme McGrath, c’est à quel point il est difficile de faire quelque chose, de se faire entendre et de sortir, et nous le constatons dans toutes les statistiques. Ma question est la suivante : est-ce que le Plan d’action national cerne intentionnellement les raisons pour lesquelles il est si difficile de passer à l’action? Que pouvons‑nous faire? Je veux entendre parler d’autre chose que la sensibilisation. La sénatrice Burey a parlé de logements permanents. Que pouvons-nous faire pour que les personnes se sentent en sécurité lorsqu’elles décident d’agir? Il n’est pas question de sensibilisation. Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question, qui pourrait être abordée dans le projet de loi un jour.
Mme Garrett-Baird : Je vous remercie beaucoup pour votre question. Il y a deux ou trois choses que je tiens à souligner rapidement, pour des raisons de temps.
La violence fondée sur le sexe est enracinée dans l’inégalité entre les sexes, et elle est accentuée par les inégalités systémiques comme le sexisme, la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre, le colonialisme, le racisme, le capacitisme, le classisme, la pauvreté et un historique collectif de traumatismes. Je vous en parle parce que c’est contre cela que nous nous battons. C’est ce que nous nous efforçons de déraciner.
J’aimerais vous parler du troisième pilier du Plan d’action national, qui s’intitule « Un système judiciaire réactif ». On aurait pu appeler ce pilier « Un système juridique réactif », mais il ne concernerait que les personnes accusées. Ces personnes sont passées par le processus du système judiciaire; elles ont reçu une peine. Un système juridique réactif ne tiendrait pas compte des questions plus générales entourant la justice qui serait rendue à la victime. Le troisième pilier vise à offrir du soutien aux survivants et à leur donner le sentiment que justice a été rendue dans le cadre de ce processus extrêmement difficile.
Le cinquième pilier du Plan d’action national est axé sur l’infrastructure sociale et l’environnement propice. On a beau mettre en place tous les soutiens que l’on veut — les refuges, les services offerts aux victimes de violence fondée sur le sexe —, mais s’il n’y a pas de logements adéquats, de services de santé et d’autres services complets plus vastes, on ne pourra pas réussir. C’est pourquoi nous avons mis en place des actions concrètes et des possibilités d’action dans le cadre du Plan d’action national.
Dans mon discours préliminaire, j’ai fait valoir qu’au cours de la première année seulement, les provinces et les territoires ont travaillé collectivement à environ 190 possibilités d’action. Plus de 13 % de ces actions relèvent du cinquième pilier, qui porte sur l’infrastructure sociale et l’environnement propice, et plus de 27 % concernent la prévention. Vous pouvez donc constater les efforts collectifs qui sont déployés et l’approche à plusieurs volets qui est adoptée pour s’attaquer à ce problème très, très complexe.
La présidente : Merci beaucoup, madame Garrett-Baird.
Chers collègues, nous en sommes à la fin de notre réunion. Je tiens à remercier tous les représentants de nous avoir transmis ces connaissances et ces renseignements. Ils nous seront grandement utiles aux fins de notre étude sur le projet de loi.
Comme il n’y a pas d’autres interventions, nous allons lever la séance.
(La séance est levée.)