LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
Ottawa, le mercredi 22 mai 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 3, 4, 5, 14, 21, 22, 23, 31, 32 et 38 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Mon nom est Ratna Omidvar; et je suis une sénatrice de l’Ontario ainsi que la présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Avant que nous commencions, j’aimerais demander à tous les sénateurs et à tous ceux qui participent en personne dans la salle de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices sur la prévention des incidents acoustiques.
Veuillez noter que les mesures préventives suivantes ont été prises afin de protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes. Si possible, asseyez-vous de manière à accroître la distance entre vous et le micro. Utilisez seulement l’oreillette noire approuvée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. S’il vous plaît, évitez en tout temps d’approcher votre oreillette du micro. Si vous n’utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer face à l’envers sur l’autocollant prévu à cette fin sur la table. Je vous remercie tous de votre coopération.
Chers collègues, nous étudions aujourd’hui la teneur de certains éléments de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement.
Comme nous étudions la teneur de la partie 4 du projet de loi C-69, notre rapport sera présenté au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Le rapport final sur le projet de loi C-69 sera présenté au Comité sénatorial permanent des finances nationales du Sénat du Canada.
Avant que nous commencions, j’aimerais que nous fassions un tour de table pour que les sénateurs et les sénatrices puissent se présenter, en commençant par la sénatrice à ma droite, la sénatrice Dasko.
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La sénatrice Osler : Gigi Osler, du Manitoba.
La sénatrice McBean : Marnie McBean, de Toronto, en Ontario.
La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario.
La sénatrice Burey : Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Cuzner : Rodger Cuzner, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
La présidente : Pour la première heure, nous accueillons les fonctionnaires d’Emploi et Développement social Canada, ou EDSC. Merci d’être avec nous.
M. Hugues Vaillancourt, directeur principal, Direction de la politique sociale, Direction générale des politiques stratégiques et de service; et M. Jonathan Wallace, directeur général, Programme canadien d’aide financière aux étudiants, sont présents dans la salle.
Autour de la table, nous avons Mme Christina Norris, directrice générale, Programme canadien pour l’épargne-études; M. Neal Leblanc, directeur, Politique et Législation, Régime de pensions du Canada — le RPC; M. Douglas Wolfe, directeur général, Élaboration des politiques et réforme législative, Programme du travail; M. Neil Burron, gestionnaire, Politique stratégique et réforme législative; et M. Charles Philippe Rochon, analyste principal des politiques, Programme du travail.
Merci à vous tous d’être avec nous. J’ai l’impression que nous allons devoir jouer un peu à la chaise musicale en passant d’une section à l’autre de l’étude. Mme Norris et M. Wolfe ont une déclaration préliminaire à nous présenter. Allez-y.
[Français]
Christina Norris, directrice générale, Programme canadien pour l’épargne-études, Emploi et Développement social Canada : Merci de nous avoir invités parmi vous cet après-midi. Cela nous fait vraiment plaisir.
[Traduction]
Dans ma déclaration préliminaire, je vais d’abord aborder quatre sections du projet de loi : les sections 3, 4, 5 et 14.
La section 3 du projet de loi permettrait à la ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social de conclure des accords bilatéraux avec les provinces et les territoires afin de transférer des fonds aux fins du Programme national en matière d’alimentation dans les écoles, et ce, dès l’année scolaire 2024-2025.
Dans le budget de 2024, le gouvernement s’était engagé à fournir 1 milliard de dollars sur 5 ans pour la création de ce programme. Le gouvernement du Canada cherche ainsi à appuyer les efforts existants en travaillant avec les provinces et les territoires pour lancer ce programme en partenariat avec les partenaires autochtones. Ce programme donnera à jusqu’à 400 000 enfants de plus accès à des repas à l’école. Il vise à améliorer ainsi l’accès des enfants à des repas nutritifs, à améliorer les résultats scolaires et à réduire l’insécurité alimentaire.
La section 4 du projet de loi modifierait la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants et la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants afin d’ajouter de façon permanente dix professions à la liste des professions admissibles à l’exonération du remboursement du prêt d’études : les éducateurs de la petite enfance, les dentistes, les hygiénistes dentaires, les pharmaciens, les sages-femmes, les enseignants, les travailleurs sociaux, les préposés aux services de soutien à la personne, les physiothérapeutes et les psychologues. Toutes ces professions seront admissibles à l’exonération de remboursement du prêt d’études. Cette section habilite également le gouverneur en conseil à prendre des règlements pour définir ces professions.
L’exonération du remboursement du prêt d’études canadien pour les médecins et le personnel infirmier a été mise en œuvre en 2013 pour aider à remédier à la pénurie de travailleurs de la santé dans les collectivités rurales et éloignées. L’ajout de nouvelles professions à la liste aidera les Canadiens qui vivent dans des collectivités rurales et éloignées à avoir accès aux soins de santé et aux services sociaux dont ils ont besoin, quel que soit l’endroit où ils vivent.
La section 5 du projet de loi modifierait la Loi canadienne sur l’épargne-études afin d’introduire l’inscription automatique au Bon d’études canadien de 2 000 $, qui est versé dans le régime enregistré d’épargne-études, le REEE, des enfants des familles à faible revenu. L’inscription automatique au Bon constitue une solution à long terme à la faible participation historique à cette prestation, qui était de seulement 42,5 % en 2022.
Tel qu’annoncé dans le budget de 2024, le gouvernement du Canada propose d’ouvrir automatiquement un compte d’épargne-études pour les enfants nés en 2024 ou après. Il est aussi prévu dans cette section de faire passer de 20 à 30 ans la limite d’âge des jeunes qui voudront demander rétroactivement cette prestation d’aide aux études. Cette section confère aussi au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements à cette fin.
Enfin, j’arrive aux modifications du Régime de pensions du Canada. La section 14 du projet de loi modifierait le Régime de pensions du Canada, conformément à l’entente de principe conclue par les ministres des Finances du Canada dans le cadre de l’examen triennal 2022-2024 du RPC.
Premièrement, un supplément de 2 500 $ à la prestation de décès sera versée dans les cas où aucune autre prestation du RPC, sauf la prestation d’orphelin, n’a été versée à l’égard des cotisations du cotisant décédé.
Deuxièmement, une nouvelle allocation sera versée pour les enfants à charge âgés de 18 à 24 ans qui fréquentent l’école à temps partiel.
Troisièmement, l’admissibilité à la prestation d’enfant de cotisant invalide sera maintenue lorsque le cotisant invalide atteint l’âge de 65 ans.
Quatrièmement, les dispositions du RPC relatives à l’incapacité seront étendues afin de respecter la date de la demande de prestation d’enfant d’un cotisant invalide.
Cinquièmement, le droit à la pension du survivant sera exclu dans les cas où une personne aura bénéficié du partage des crédits à l’égard du conjoint dont elle s’est séparée et qui est décédé.
Sixièmement, pour terminer, la détermination du bénéficiaire de la prestation d’enfant de cotisant invalide sera clarifiée pour refléter la terminologie de la Loi sur le divorce.
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, M. Wolfe, qui vous présentera les quatre autres sections à l’étude aujourd’hui.
Douglas Wolfe, Directeur général, Élaboration des politiques et réforme législative, Programme du travail, Emploi et Développement social Canada : Bonsoir à tous et à toutes. Je vais vous expliquer certaines des modifications proposées au Code canadien du travail.
Afin d’améliorer l’accès aux protections d’emploi des travailleurs à la demande prévues par le Code canadien du travail, la section 21 modifie le code de manière à élargir les protections d’emploi des travailleurs à la demande. La mesure proposée donne suite aux engagements du gouvernement du Canada d’améliorer les protections d’emploi des travailleurs à la demande, tels que décrits dans la lettre de mandat de 2021 du ministre du Travail et dans le budget de 2023.
De nombreux travailleurs à la demande, y compris les travailleurs des plateformes numériques, du secteur privé sous réglementation fédérale, devraient être considérés comme des employés. Toutefois, ils sont classifiés à tort ou « incorrectement classifiés » comme des entrepreneurs indépendants par les employeurs, ce qui a pour effet de les priver de leurs droits au travail et au fruit de leur travail prévus dans le code.
Les modifications proposées au code renforceraient les dispositions existantes relatives à la classification erronée. Elles introduiraient une présomption du statut d’employé, afin que les travailleurs soient présumés être des employés à moins qu’il ne soit prouvé le contraire, et les véritables entrepreneurs indépendants pourraient faire valoir leur statut d’indépendant à l’aide des critères de classification établis dans la common law et dans le Code civil du Québec.
Afin d’améliorer l’application de la loi en cas d’erreur de classification, le gouvernement étendrait les interdictions de classification erronée à de nouvelles parties du code, les parties I et II, lesquelles portent sur les relations du travail et la santé et la sécurité au travail. Des modifications seraient apportées pour renforcer les interdictions déjà prévues dans la partie III du code, laquelle concerne les normes du travail.
En résumé, l’une des modifications supprimerait l’exigence selon laquelle le Programme du travail doit prouver qu’un employeur avait l’intention de mal classifier un travailleur. La modification simplifierait l’application de la loi.
Passons maintenant à la politique sur le droit à la déconnexion. La section 22 de la partie 4 modifierait le Code canadien du travail afin d’exiger que les employeurs du secteur privé sous réglementation fédérale publient une politique comprenant les attentes de l’employeur en matière de communication liée au travail en dehors des heures de travail prévues.
Il est prouvé que la déconnexion du travail est essentielle au bien-être. Les politiques sur le droit à la déconnexion peuvent réduire l’attente informelle selon laquelle les employés doivent rester constamment connectés, tout en maintenant la flexibilité dont les employeurs ont besoin pour garder l’économie en mouvement.
La mesure proposée donnerait suite à l’engagement du gouvernement du Canada d’achever l’élaboration d’une politique sur le droit à la déconnexion. Plus précisément, les modifications proposées exigeraient que les employeurs, tout d’abord, publient une politique comprenant leurs attentes en matière de communication liée au travail en dehors des heures de travail prévues. La politique devrait être revue et mise à jour tous les trois ans. L’employeur aurait l’obligation de consulter les employés lors de l’élaboration et de la mise à jour de la politique. Le gouverneur en conseil serait autorisé à prendre des règlements pour préciser comment les normes du travail, touchant par exemple les heures de travail et les heures supplémentaires, s’appliquent aux communications liées au travail en dehors des heures de travail prévues.
La section 22 de la partie 4 apporte aussi deux modifications techniques à la partie II du code. Celles-ci répondent d’une part à une préoccupation relative à une autorité réglementaire soulevée par le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation et, d’autre part, ajoutent une référence manquante au chef de la conformité et de l’application, dans la version anglaise de la loi.
Enfin, d’autres modifications proposées à la partie III du code visent à faire en sorte que tous les employés licenciés par leur employeur aient droit aux indemnités de licenciement et de départ, tant qu’ils satisfont aux exigences relatives à la durée de l’emploi et qu’il ne s’agit pas d’un congédiement justifié. Cela inverserait les effets d’une décision du Conseil canadien des relations industrielles qui a restreint le droit de réclamer ces montants des personnes qui avaient accès au recours en cas de congédiement injuste prévu par le code, mais qui ne s’en sont pas prévalues.
Merci beaucoup.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Wolfe.
Chers collègues, nous allons commencer la période de questions. Vous connaissez la routine. Il y a autant de questions qu’il y a de sénateurs. Vous aurez chacun et chacune quatre minutes pour poser vos questions et écouter les réponses. S’il vous plaît, précisez à qui vous vous adressez. Tout d’abord, j’aimerais poser une question à Mme Norris.
Le Programme national d’alimentation dans les écoles sera une bonne nouvelle pour de nombreux Canadiens et pour de nombreux enfants. Ce programme s’harmonisera avec les programmes provinciaux en vigueur.
Pourriez-vous nous expliquer comment le gouvernement fédéral travaille avec les gouvernements provinciaux pour s’assurer que ces nouveaux fonds complémentent les efforts existants plutôt que de les remplacer?
Mme Norris : Merci. Je vais demander à mon collègue, qui est responsable du programme d’alimentation, de répondre.
Hugues Vaillancourt, directeur principal, Direction de la politique sociale, Direction générale des politiques stratégiques et de service, Emploi et Développement social Canada : Merci de la question. C’est une excellente question.
Nous travaillons depuis un moment avec les provinces et les territoires. Nous travaillons depuis un certain nombre d’années avec les parties prenantes à l’élaboration de ce nouveau programme. L’automne dernier, nous avons publié un rapport Ce que nous avons entendu résumant ce que nous avons entendu dans le cadre des discussions et des dialogues avec les parties prenantes et nos partenaires.
Vous avez mis le doigt sur une des choses que nous avons entendues : la nécessité de tirer parti des efforts et de collaborer avec nos homologues provinciaux et territoriaux. Les investissements prévus dans le budget de 2024 visent surtout à tirer parti des efforts que les provinces et les territoires ont déjà faits à cet égard. Dans chaque province et chaque territoire, il y a une forme ou une autre de programme d’alimentation en milieu scolaire, et le but est très certainement d’en tirer parti, afin que nous puissions concrètement élargir les programmes existants ou mettre en œuvre de nouveaux programmes dans les écoles qui, présentement, n’y ont pas accès.
La présidente : Avez-vous des garanties?
M. Vaillancourt : Des garanties. C’est une question légitime. Je pense que le plan, pour la suite des choses, sera de travailler avec les provinces et les territoires pour déterminer comment ces investissements, le financement fédéral, pourront concrètement soutenir la mise en œuvre et permettre de tirer parti de ce qui existe déjà. Je crois, bien évidemment, que le but ici n’est pas de remplacer, mais bien de tirer parti de ce qui existe déjà et de continuer de complémenter les investissements actuels des provinces et des territoires et, j’irais même jusqu’à dire, de la société civile également, qui est aussi un acteur important.
La présidente : Y a-t-il une exigence relative à un rapport annuel ou à un rapport triennal qui examinerait comment le financement a été utilisé pour mettre en œuvre des programmes alimentaires, en plus de ceux qui existent déjà, oui ou non?
M. Vaillancourt : Actuellement, il n’y a pas de telle exigence. L’un des objectifs est de collaborer avec les provinces et les territoires pour conclure des accords bilatéraux avec chaque province et chaque territoire afin de déterminer comment les fonds sont investis. Nous comprenons et savons que tous n’en sont pas au même point. Certaines provinces ont une bonne longueur d’avance. Si on veut tirer parti de ce qui existe, il faut reconnaître entre autres choses que les provinces et les territoires n’en sont pas tous au même point. Nous voulons déterminer quel est leur point de départ, afin de pouvoir mesurer où...
La présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice Seidman : J’avais une question très semblable à celle de la sénatrice Omidvar, alors je vais passer à autre chose, à moins d’avoir plus de temps, et aborder la section 23, qui concerne l’assurance-emploi pour les travailleurs saisonniers.
Les mesures temporaires que cette section prolongerait ont vu le jour en 2018, dans le cadre d’un projet pilote. Elles ont ensuite été prolongées dans les budgets de 2021, de 2022 et de 2023. L’an dernier, dans le cadre de son étude sur cette mesure, le comité a dit qu’il attendait avec impatience l’élaboration d’une solution plus permanente qui aidera les travailleurs saisonniers de tout le pays. Pourriez-vous faire le point sur la mise en œuvre d’une solution plus permanente dans ce dossier?
M. Wolfe : Excusez-moi, mais je crois que nos collègues d’Emploi et Développement social Canada qui travaillent dans le domaine des politiques d’assurance-emploi n’ont pas été invités à la réunion aujourd’hui, à ma connaissance.
La sénatrice Seidman : D’accord. Encore une fois, je vais passer à un autre sujet et revenir au programme national d’alimentation scolaire. C’est dommage, parce que je crois que c’est une question importante, et je trouve malheureux que personne ici ne puisse y répondre.
Je tiens pour acquis que vous allez mener des consultations et des négociations pour conclure des accords bilatéraux avec les provinces. Est-ce déjà en cours, ou allez-vous utiliser l’argent prévu dans le budget de 2024-2025 pour cette étape du processus?
M. Vaillancourt : Nous travaillons avec les provinces depuis 2022, comme je l’ai dit. Cela fait au moins deux ou trois ans que nous travaillons avec les provinces et les territoires. Dans le contexte des annonces contenues dans le budget de 2024, le plan est effectivement de s’asseoir et de discuter avec les provinces pour négocier avec elles des accords sur la façon dont le financement prévu dans le budget de 2024 sera investi, dans chaque province et dans chaque territoire, afin de soutenir l’élaboration et l’élargissement des programmes d’alimentation scolaire.
La sénatrice Seidman : Au Québec, par exemple, certains centres de services scolaires soutiennent une école ou plus dans la mise en œuvre d’un programme d’alimentation en milieu scolaire, mais pas tous. La plupart des programmes offerts par les organismes ciblent seulement les écoles les plus défavorisées.
Votre objectif, dans vos négociations avec les provinces, est-il de maintenir les politiques en vigueur dans les provinces ou allez-vous tenter d’une façon ou d’une autre de les appliquer à l’ensemble des écoles? J’essaie seulement de comprendre comment les provinces vont pouvoir prioriser leurs propres politiques.
M. Vaillancourt : Comme je l’ai dit plus tôt, je pense que nous voulons tirer parti des systèmes existants. Vous avez parlé du Québec. Le Québec et d’autres provinces ont des programmes qui, souvent, ciblent les écoles des groupes défavorisés. Nous ne voulons évidemment pas l’empêcher. Ce que nous voulons, c’est leur donner une certaine flexibilité, et ensuite, effectivement, il y a de bonnes raisons de croire qu’un plus grand nombre d’enfants pourront avoir accès à un programme d’alimentation en milieu scolaire. Notre but est vraiment de tirer parti de ce qui existe et d’élargir ce qui existe. Si on regarde les besoins, il y a évidemment certains groupes qui, présentement, n’ont pas accès à un programme d’alimentation scolaire, mais qui en auraient besoin.
La sénatrice Seidman : D’accord.
La sénatrice Osler : Merci aux témoins d’être ici aujourd’hui. Ma question porte sur la section 4 de la partie 4, l’exonération de remboursement du prêt d’études. L’exonération de remboursement du prêt d’études canadien pour les médecins de famille et le personnel infirmier a été mise en œuvre en 2013, et pourtant, surtout dans les collectivités rurales et éloignées du Canada, les salles d’urgence continuent de fermer et l’accès aux fournisseurs de soins de santé primaires continue de se détériorer. Je crois savoir que, selon une enquête récente sur les bénéficiaires de l’exonération de remboursement du prêt d’études du Canada, 50 % ont répondu que la prestation avait influencé dans une certaine mesure leur décision de travailler dans une collectivité rurale ou éloignée.
Avez-vous des données — pas des enquêtes qui montrent une certaine mesure d’influence, mais bien des données — qui montrent que l’exonération de remboursement du prêt d’études du Canada a contribué à atténuer la pénurie de travailleurs de la santé dans les collectivités rurales et éloignées?
Jonathan Wallace, directeur général, Programme canadien d’aide financière aux étudiants, Emploi et Développement social Canada : Merci de la question, sénatrice. C’est une bonne question. Nous avons réalisé, à l’automne, une évaluation de la dispense du remboursement du prêt d’études pour essayer de répondre à cette question, en utilisant différentes méthodes dont un grand nombre étaient fondées sur des sondages, des entrevues avec des informateurs clés et d’autres choses du genre. Les résultats de l’évaluation, comme l’enquête que vous avez mentionnée, donnent effectivement à penser que la dispense a eu un certain impact, mais il s’agit d’un facteur parmi d’autres dans la décision d’une personne de déménager dans une collectivité rurale ou éloignée. Nous n’avons pas le genre de données statistiques que vous demandez.
La sénatrice Osler : Avez-vous de l’information sur la mesure dans laquelle cela a eu une influence? Est-ce que cela avait peu ou beaucoup d’influence?
M. Wallace : Si je me souviens bien, l’expression utilisée était « dans une certaine mesure ». Donc, il y a une certaine influence, mais tout dépend de la personne.
Si je me souviens bien, le facteur le plus important était les liens existants avec la collectivité. Si la personne avait grandi dans une collectivité où qu’elle y avait de forts liens familiaux, cela semblait être un incitatif plus important que l’aspect financier. Cela dit, l’évaluation concernait des montants d’exonération moins importants. À l’automne de l’année dernière, le gouvernement a augmenté de 50 % le montant maximal de l’exonération. Nous ne savons pas quelle incidence cela va avoir pour l’instant, c’est encore trop tôt.
La sénatrice Osler : Merci. Je comprends que la situation est complexe.
[Français]
Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à M. Wallace, toujours dans l’optique de l’exonération des prêts aux études. En fait, comment détermine-t-on ce qu’est une région rurale, une région éloignée? Comment sont déterminés ces critères par rapport aux régions qui sont ciblées?
M. Wallace : Si vous me le permettez, je vais répondre en anglais.
[Traduction]
Présentement, la définition de collectivité rurale ou éloignée mal desservie s’applique à toute collectivité au Canada située à l’extérieur d’une région métropolitaine de recensement, d’une agglomération de recensement d’au moins de 50 000 habitants ou d’une capitale provinciale. Si une collectivité ne correspond pas à l’un de ces trois critères, alors elle est visée. C’est la définition actuelle.
Toutefois, dans le budget de 2023, le gouvernement a annoncé qu’il allait modifier la définition pour faire en sorte qu’aucune collectivité rurale ne soit laissée pour compte, étant donné que la définition actuelle exclut de ce programme certaines collectivités rurales se trouvant dans une région métropolitaine de recensement.
L’exemple donné dans le budget était celui de Sheet Harbour, en Nouvelle-Écosse, une collectivité qui fait techniquement partie de la municipalité régionale d’Halifax, mais qui, dans les faits, se trouve dans une région rurale très éloignée du centre. Nous sommes en train d’élaborer des modifications réglementaires dans le but de moderniser la définition, laquelle utilisera la méthodologie de Statistiques Canada axée sur les centres de population. Cela veut dire que n’importe quelle collectivité du Canada comptant moins de 30 000 habitants sera visée. La date de mise en œuvre dépendra de l’approbation du gouverneur en conseil, mais nous visons l’automne 2024.
[Français]
Le sénateur Cormier : Merci. J’apprécie la longueur de votre réponse. J’avais une sous-question, mais je vais plutôt poser ma question à M. Vaillancourt au sujet de la section 3.
Dans la continuité des questions posées par mes collègues, mais plus spécifiquement... Je comprends qu’il y aura des ententes bilatérales entre le gouvernement fédéral et les provinces. Considérant que l’éducation est de compétence provinciale — je prends ma province comme exemple, où le système d’éducation est divisé entre les districts anglophones et francophones —, comment le gouvernement fédéral s’assure-t-il que la province tiendra compte des besoins des communautés linguistiques en situation minoritaire? Je serais étonné que vous me disiez qu’il y aura une clause linguistique dans l’entente bilatérale, mais comment va-t-on s’assurer que le financement qui sera accordé aux provinces puisse rejoindre réellement les communautés linguistiques en situation minoritaire?
M. Vaillancourt : Ce sont de bonnes questions que vous posez. Effectivement, le mécanisme qu’on veut utiliser pour s’entendre avec les provinces, ce sont des ententes bilatérales dans lesquelles il y aura certainement plusieurs éléments différents. La question des langues minoritaires en est une qui est effectivement très pertinente. Le gouvernement a l’intention de publier une politique nationale sur le programme d’alimentation scolaire qui touchera et identifiera plusieurs principes et objectifs et qui aidera à guider les discussions entourant les ententes bilatérales avec les provinces. On a eu plusieurs conversations avec les provinces sur ces questions et sur les principes directeurs de la politique nationale.
Le sénateur Cormier : Est-ce que le gouvernement fédéral a pris un engagement ferme sur la question de la livraison des services pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire? Il a des obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles, vous le savez. Je me demande si, concrètement, il y a quelque chose d’assez précis qui a été inscrit et prévu par le gouvernement fédéral pour rejoindre ces communautés.
M. Vaillancourt : Actuellement, si l’on parle d’un élément qui aurait été inscrit... On n’est pas encore à la table de négociation avec les provinces, mais je ne pourrais pas confirmer que quelque chose a été inscrit et écrit, parce qu’on n’en est pas encore à cette étape. Assurément, cela fait partie... Nous sommes conscients des obligations en ce sens. Nous sommes aussi conscients des rôles et des responsabilités des provinces et des territoires par rapport au système d’éducation. L’objectif est de trouver le juste milieu pour répondre à plusieurs objectifs ayant trait au programme.
Le sénateur Cormier : Rappeler au gouvernement fédéral...
[Traduction]
La sénatrice Moodie : Merci aux témoins d’être ici aujourd’hui. J’ai deux questions, l’une sur la section 3 et l’autre sur la section 4.
Monsieur Vaillancourt, le gouvernement a-t-il les données nécessaires pour mettre en œuvre ce programme en ciblant les enfants et les collectivités qui en ont le plus besoin?
M. Vaillancourt : Merci de la question.
La sénatrice Moodie : Je crois connaître votre réponse, mais allez-y.
M. Vaillancourt : Nous avons beaucoup réfléchi à la façon de nous assurer que chaque dollar supplémentaire ira aux enfants qui en ont le plus besoin.
En ce qui concerne notre approche, il est important de reconnaître que les provinces et les territoires qui ont déjà des programmes partagent déjà un grand nombre de ces objectifs. Les politiques provinciales définissent où et comment les programmes d’alimentation en milieu scolaire sont mis en œuvre dans les écoles ciblées, et il faut savoir que, dans de nombreux cas, ce sont déjà des objectifs que les provinces essaient d’atteindre.
Les investissements supplémentaires prévus dans le budget de 2024 permettront de cibler plus facilement un plus grand nombre de groupes et d’écoles où les enfants présentent les plus grands besoins.
La sénatrice Moodie : Vous n’avez pas de données précises sur les collectivités où les besoins sont les plus grands, n’est-ce pas?
M. Vaillancourt : Nous avons quelques données. Pour être honnête, ce n’est pas tâche facile de brosser un portrait détaillé des programmes d’alimentation en milieu scolaire.
La sénatrice Moodie : Ma deuxième question concerne la section 4. J’aimerais comprendre où nous en sommes, quant à l’exonération des prêts actuellement.
Plus tôt, on a mentionné un rapport sur l’exonération du prêt d’études pour les médecins de famille et le personnel infirmier selon lequel plus de la moitié des étudiants et des étudiantes en soins infirmiers sondés en 2022 n’avaient jamais entendu parler de ce programme, presque 10 ans après sa mise en œuvre.
Comment le gouvernement prévoit-il, à partir de maintenant, faire considérablement mieux connaître le programme fédéral d’exonération de prêt d’études aux nouveaux bénéficiaires visés, si, comme nous l’apprenons maintenant, il n’a pas eu de très bons résultats à cet égard dans le passé.
M. Wallace : Merci de la question, sénatrice.
C’est intéressant, parce que vous avez correctement cité le résultat de l’enquête : nous avons tenu diverses consultations à l’été 2022 avec les parties intéressées, qui représentaient de nombreuses organisations de différentes professions médicales, y compris le personnel infirmier. On estimait généralement que le programme était bien connu.
Nous avons déterminé que davantage d’efforts doivent être déployés pour que les gens soient au courant non seulement du programme, mais aussi de ses avantages en général.
Le ministère travaille actuellement à l’élaboration d’un plan de mobilisation et de sensibilisation à l’égard du programme et des avantages qu’il procure. Aussi, nous consultons notre groupe de parties intéressées régulièrement pour les tenir au fait des modifications apportées au programme, afin qu’elles puissent les communiquer à leurs membres.
La sénatrice Moodie : Revenons au programme alimentaire.
Ce que nous essayons de comprendre, ici, c’est que ce programme cible le système scolaire actuel, le système tel qu’il est actuellement, et nous n’avons aucune information claire quant à la manière dont il sera potentiellement mis à l’échelle.
Le gouvernement peut-il nous dire quelle proportion de l’écart on comblera avec ce programme?
M. Vaillancourt : Selon les meilleures estimations tirées de diverses études et fournies par des universitaires qui ont examiné l’horizon actuel, environ un enfant sur cinq aura accès à un programme d’alimentation en milieu scolaire.
Comme annoncé dans le budget de 2024, nous estimons que 400 000 enfants de plus pourraient avoir accès à un programme d’alimentation dans les écoles, grâce à cet investissement fédéral. Un sur quatre, c’est environ un million.
La sénatrice Moodie : Merci.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci aux témoins d’être là. Je vais poser ma question en français. Elle s’adresse à M. Wolfe.
Vous avez parlé de la déconnexion. Je me suis posé des questions lorsque j’ai vu cette notion. Il faut comprendre que c’est un nouveau concept. Vous me direz si je suis dans la bonne direction. Ce nouveau concept est plutôt lié à l’évolution de la technologie parce que, par le passé, le téléphone était branché à la maison; maintenant, il est dans nos poches. Notre employeur peut nous rejoindre n’importe quand sur notre ordinateur portable et partout ailleurs. Comment la loi peut-elle gérer une telle chose? Ne serait-ce pas plutôt un règlement ou un changement de politique dans une entreprise qui aurait pu gérer l’affaire? J’aimerais vous entendre là-dessus.
M. Wolfe : Merci beaucoup pour la question. Si vous me le permettez, je vais répondre en anglais.
[Traduction]
Vous avez tout à fait raison. Au cours des dernières années, nous avons assisté à un virage technologique majeur. La plupart des gens ont aujourd’hui un téléphone cellulaire, ce qui n’était pas le cas il y a de nombreuses années.
En ce qui concerne le travail, nous constatons effectivement que de plus en plus d’employés communiquent à l’extérieur des heures de travail prévues pour des raisons liées au travail. Certains appellent ce type de problème l’hyperconnectivité. Cela peut certainement avoir des répercussions sur la santé des gens, y compris sur leur santé mentale.
L’idée derrière cette politique est d’exiger que les employeurs sous réglementation fédérale publient une politique sur les communications liées au travail en dehors des heures de travail prévues. C’est le but de la politique. L’idée est essentiellement d’essayer de limiter en dehors de ces heures la quantité de communications liées au travail.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci pour votre réponse. Je comprends très bien cela, mais je me demande justement si le fait de changer la politique de l’entreprise... Devrait-on aller jusqu’à présenter une loi contenant ce genre de dispositions ou se contenter d’un règlement qui dirait que les politiques devraient être changées? À ce moment-là, chaque entreprise pourrait adopter la politique qui lui semble appropriée, selon le genre d’entreprise dont on parle?
Est-ce possible, ou pensez-vous qu’il faut absolument une loi comme celle-là?
M. Wolfe : C’est une très bonne question.
[Traduction]
Encore une fois, je vais répondre en anglais, si ça ne vous dérange pas. Nous savons que beaucoup d’employeurs se sont déjà donné des politiques. Nous savons que de telles politiques existent déjà actuellement dans plusieurs entreprises.
Je présume que l’on veut concevoir une loi pour que tous les employeurs appliquent les mêmes politiques afin que tout le monde fonctionne sur un pied d’égalité. Bien entendu, nous reconnaissons que dans le secteur sous réglementation fédérale, il y a une grande diversité d’employeurs, et le gouvernement est d’avis que cela donne une certaine flexibilité aux employeurs de ces différents secteurs.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice Burey : J’ai deux questions. Une concerne le programme alimentaire scolaire et l’autre la dispense du remboursement des prêts, à la section 4. Au sujet de l’exonération 4, dans l’Énoncé et rapport sur les répercussions sur le genre, la diversité et la qualité de vie, qui accompagnait le budget de 2024, il était indiqué que cette mesure devrait être très avantageuse pour les femmes, les jeunes et les personnes habitant dans des régions rurales et éloignées. Ma question concerne le fait que l’un des premiers critères d’admissibilité au programme actuel d’exonération de remboursement du prêt d’études au Canada, c’est que les emprunteurs soient en règle. Quelles mesures du programme visent à éliminer les obstacles auxquels pourraient faire face les personnes vivant dans la pauvreté qui ont avoir de la difficulté à rembourser leurs prêts étudiants, et comment ce programme répond-il aux besoins de ces populations marginalisées afin de garantir que tous aient un accès équitable à la possibilité d’être dispensés de rembourser leur prêt?
M. Wallace : Le Programme canadien d’aide financière aux étudiants est conçu pour soutenir les étudiants provenant de familles à faible et moyen revenu en finançant leurs études postsecondaires. Par conséquent, il vise ceux dont la famille fait face à davantage d’enjeux et qui, sans cela, ne pourraient peut-être pas faire d’études postsecondaires. Nous offrons des prêts, mais nous offrons aussi des subventions non remboursables, dont l’avantage est de ne pas à être remboursable, ce qui allège le fardeau du remboursement des prêts.
La sénatrice Burey : Excusez-moi, je vais vous interrompre — je sais que ma présidente suit attentivement et qu’elle me chronomètre —, mais je voulais seulement parler du critère d’admissibilité relatif au fait d’être en règle et des répercussions sur les gens qui ne le sont pas et qui ont vraiment besoin d’une dispense de remboursement du prêt.
M. Wallace : Lorsque l’on parle d’un étudiant en règle, on parle d’un étudiant qui a obtenu un prêt et qui le rembourse, en faisant des paiements mensuels. S’il n’est pas en mesure de le faire, nous avons un programme, le Programme d’aide au remboursement, ou PAR. Si vous adhérez à ce programme, vous êtes toujours considéré comme un emprunteur en règle.
La sénatrice Burey : D’accord. Donc vous pouvez offrir cela. Merci beaucoup.
Je vais maintenant parler du programme d’alimentation scolaire. Un pourcentage effarant de 58 % des aliments produits au Canada, soit des tonnes de nourriture, sont gaspillés, selon un rapport de Deuxième Récolte — parmi d’autres facteurs —, et ce sont des produits que nous laissons pourrir. Ce programme pourrait être une occasion d’utiliser des modèles innovateurs du type de la ferme à l’école, qui nous aideraient à atteindre nos objectifs liés au développement durable, ou aux changements climatiques tout en encourageant les fermes locales et l’agriculture urbaine. Est-ce que le Programme national d’alimentation scolaire favorise de tels modèles alimentaires?
M. Vaillancourt : Ce que vous venez de décrire, nous l’avons entendu lorsque nous avons parlé avec des Canadiens et envisagé les possibilités de mobiliser les producteurs locaux pour qu’ils participent et s’impliquent dans le programme de repas scolaire de leurs collectivités locales. Dans une certaine mesure, cela se fait déjà dans quelques régions du pays. Donc, lorsque nous disons que nous voulons améliorer ce qui existe, nous voulons appliquer les pratiques exemplaires qui existent et les améliorer, et dans certains cas, cela veut dire qu’il faut travailler avec les provinces.
La sénatrice Burey : Je vais vous poser la question une autre fois, parce que ma présidente écoute. Y a-t-il des paramètres précis dans la mise en œuvre de ce programme sur lesquels nous voulons que vous vous attardiez pour de tels modèles? Existe-t-il une sorte d’entente bilatérale qui indique qu’ils sont vraiment prêts à faire cela?
M. Vaillancourt : Dans le cadre des ententes bilatérales, nous voulons mettre en œuvre une politique s’appuyant sur un certain nombre de principes et d’objectifs. Certains concernent la façon dont les collectivités locales, les différents modèles se servent...
La présidente : Merci, monsieur Vaillancourt.
La sénatrice Bernard : Merci à vous tous d’être présents, et merci de votre patience.
J’aimerais poser une ou deux questions au sujet de la section 5, la Loi canadienne sur l’épargne-études. Nous avons appris — et je pense que vous l’avez mentionné dans vos déclarations liminaires, madame Norris — qu’il n’y a pas autant de demandes que vous l’auriez voulu, et vous devez donc modifier des choses. Quels sont les obstacles à la participation et en quoi les modifications les éliminent-ils? Savez-vous quels sont ces obstacles?
J’aimerais aussi poser une question au sujet de données. L’une des choses que nous avons constatées dans le rapport sur la diversité de genre et l’inclusion, c’est que le taux de participation était moindre dans les collectivités rurales. Avez-vous d’autres données désagrégées dont vous pourriez nous parler au sujet de la participation ou du manque de participation d’autres collectivités, de collectivités marginalisées, de gens démunis qui ne connaissent peut-être même pas ce programme?
Mme Norris : Merci de la question, sénatrice. Il est vrai que le taux de participation au Bon d’études canadien est faible à un point inacceptable. Nous avons effectué un certain nombre de projets de recherche afin de cerner les obstacles à la participation. Souvent, cela concerne le manque de confiance des collectivités vulnérables envers les institutions financières avec lesquelles nous collaborons pour offrir ce programme. Dans d’autres cas, cela concerne l’exigence de s’inscrire concrètement au Régime enregistré d’épargne-études avec l’institution financière, puis de devoir prendre des décisions au sujet de ces investissements. Il y a beaucoup de points sensibles pour les familles à faible revenu.
À la lumière de notre recherche, nous savons que les personnes sous-représentées dans la participation au Bon d’études canadien, parmi les personnes à faible revenu — par définition, la prestation est en fonction des revenus —, sont celles qui ont le plus faible revenu. Vous avez aussi mentionné les familles qui vivaient dans les régions rurales et éloignées. Nous savons que les enfants et les familles autochtones sont sous-représentés lorsqu’il est question de la participation au programme.
Nous publions par exemple chaque année des données sur le taux de participation désagrégé en fonction des données, mais menons un certain nombre d’autres projets de recherche aussi.
En ce qui concerne votre question sur la façon dont cette mesure éliminera ces obstacles, nous allons permettre aux parents et aux enfants — âgés d’au plus quatre ans — d’ouvrir un compte dans un Régime enregistré d’épargne-études s’ils le désirent. S’ils ne peuvent pas le faire — sans faute de l’enfant —, le gouvernement ouvrira un compte en leur nom pour éliminer ces obstacles à la participation.
La sénatrice Bernard : Comment les gens les plus pauvres d’entre les pauvres, qui n’ont pas d’argent pour ouvrir un compte dans un Régime enregistré d’épargne-études pour leurs enfants, pourront-ils accéder à ce fonds? Ce sont les gens qui en ont le plus besoin.
Mme Norris : Absolument. C’est une bonne question. Dans le modèle du Régime enregistré d’épargne-études, il y a différents volets. Dans certains cas, elles il faut que les parents, les tuteurs, ou même les grands-parents, par exemple, contribuent à un REEE, et cela suit des incitatifs gouvernementaux précis. Le programme universel du gouvernement offre un rendement sur investissement de 20 %. Nous avons aussi des prestations en fonction du revenu, donc c’est 10 à 20 % d’incitatifs supplémentaires pour les familles à moyen et faible revenu.
Mais l’Allocation canadienne pour enfants est versée sans que personne n’ait payé, donc aucune somme d’argent n’est requise. Il n’est pas nécessaire de cotiser à ces comptes pour les enfants à faible revenu.
La sénatrice Bernard : Comment ces familles sont-elles mises au courant de l’existence de ce programme?
La présidente : Merci, sénatrice Bernard, mon chronomètre ne ment pas. Je suis désolée.
La sénatrice McBean : Merci. C’est drôle. Je suis nouvelle ici, et, quand les membres se sont présentés, ils se sont présentés en nommant leur province. Pour une raison que j’ignore, j’ai dit « Toronto, Ontario ». Je ne savais pas pourquoi, mais maintenant je le sais.
En ce qui concerne la dispense de remboursement d’un prêt, quel soutien financier comparable est offert aux gens qui travaillent dans ces dix domaines de travail précis dans les collectivités urbaines mal desservies comme à Toronto?
M. Wallace : La dispense est offerte aux professionnels qui souhaitent travailler dans des collectivités rurales ou éloignées mal desservies. L’objectif était de régler la pénurie de travailleurs de la santé dans les collectivités où les données montrent que le problème est plus grave que dans les régions urbaines. Actuellement, grâce au Programme canadien d’aide financière aux étudiants, il n’y a aucune dispense similaire pour les professionnels qui travaillent dans les régions urbaines.
La sénatrice McBean : Tout ce que j’entends au sujet des urgences, c’est qu’elles sont remplies à craquer parce que les gens n’ont pas de médecin et qu’ils ne sont pas capables d’en avoir un.
Ma deuxième question concerne le programme d’alimentation scolaire. Madame Norris, vous pourriez peut-être revenir — excusez-moi, j’aurais dû commencer par là, puisque vous étiez déjà assise, mais c’est peut-être seulement amusant de vous voir voir vous déplacer. Si je ne me suis pas trompée dans mes notes, vous avez commencé par dire que le programme d’alimentation scolaire pourrait être fonctionnel dès 2024-2025. C’est ce que vous avez dit? Nous avons posé la question à votre collègue. En ce moment, il semble que le programme national d’alimentation scolaire ne soit qu’une ébauche. Il semble n’y avoir aucune politique ni aucune information au sujet de la façon dont nous allons rejoindre 400 000 enfants. Il ne semble pas y avoir d’entente avec les provinces.
Comment en êtes-vous venue à dire qu’il sera fonctionnel l’année prochaine, puisqu’il semble que — et je ne pense pas que ce soit une erreur — vous ne savez pas comment communiquer avec les provinces et conclure des ententes bilatérales?
Mme Norris : Je vais renvoyer la question à mon collègue, puisque c’est lui qui est responsable de cette partie du dossier.
M. Vaillancourt : Merci de la question. Il est évident qu’il y a un intérêt. Une des raisons pour lesquelles je suis ici aujourd’hui, c’est parce que nous avons inscrit un financement pour la première année dans la Loi d’exécution du budget afin d’accéder à ce financement le plus rapidement possible. Nous avons examiné et utilisé les dispositions de la Loi d’exécution du budget parce que c’est la façon la plus rapide pour le gouvernement de libérer du financement pour négocier avec les provinces et les territoires.
Il est difficile de dire à quelle vitesse il sera possible de conclure une entente avec les provinces. Selon les conversations que nous avons eues avec les provinces et les territoires, je pense que de nombreuses provinces travaillent activement sur un programme de repas à l’école dans leurs régions. C’est ambitieux, mais je pense que c’est faisable.
La sénatrice McBean : Savez-vous combien d’enfants ont accès à un programme alimentaire actuellement? Est-ce 400 000 nouveaux enfants ou 400 000 enfants au total?
M. Vaillancourt : C’est difficile d’avoir un chiffre précis, mais les universitaires ont étudié le paysage et ont estimé que, actuellement, environ 20 % des enfants, soit un peu plus d’un million d’enfants, avaient accès à une forme de programme de repas à l’école. On ajouterait 400 000 enfants à ce chiffre.
Le sénateur Cuzner : J’aimerais m’adresser à M. Wolfe.
Monsieur Wolfe, je me rappelle le moment où vous êtes arrivé au Programme du travail. À l’époque, nous nous occupions des erreurs de classification. Je félicite le gouvernement de cette initiative. Il est maintenant illégal de faire des erreurs de classification. Je me rappelle que, en Colombie-Britannique, des entrepreneurs faisaient travailler des gens dans un lieu donné et disaient qu’ils étaient des sous-traitants, de façon à ne pas devoir cotiser au Régime de pensions du Canada, ou RPC, à l’assurance-emploi ou au Programme d’indemnisation des accidents du travail. À l’époque, un projet pilote permettait à Service Canada et à WorkSafeBC de se rendre sur place voir ce qui se passait.
Comment le Programme du travail est-il financé? S’agit-il d’une approche réactive à des stratégies ou d’une approche proactive à ces politiques? Ce programme va-t-il répondre à des plaintes ou allez-vous adopter une approche plus proactive?
M. Wolfe : Merci d’avoir posé ces questions, sénateur Cuzner. Vous avez raison de dire que, lorsque vous étiez le secrétaire parlementaire, nous avons mis en place un projet pilote sur la classification erronée, qui a été très réussi. Nous avons constaté beaucoup d’erreurs de classification dans l’ensemble du secteur sous réglementation fédérale. De nombreux employeurs classaient à tort les employés comme des entrepreneurs indépendants ou des sous-traitants, d’une certaine façon. Le projet pilote a été si réussi que le gouvernement a décidé de l’élargir à l’ensemble du pays. C’est ce qui s’est produit. Une loi, mise en place en 2021, interdisait au départ la classification erronée. Aujourd’hui, nous proposons de renforcer cette interdiction initiale concernant la classification erronée. L’idée est de la rendre…
Le sénateur Cuzner : Combien de ressources avez-vous utilisées… Ce sera plus réactif que proactif?
M. Wolfe : Je pense que ce sera les deux. Le Programme du travail reçoit des plaintes concernant la classification erronée, et celles-ci font l’objet d’une enquête en bonne et due forme. Nous avons constaté que de nombreux employés ne sont pas en mesure de se plaindre, c’est pourquoi il est important de mener des enquêtes proactives. Le Programme du travail vise à faire les deux.
Le sénateur Cuzner : Le secteur sous réglementation fédérale des travailleurs à la demande représenterait environ 10 % des travailleurs à la demande du pays. Quels sont les secteurs les plus touchés? Les chauffeurs d’Uber, et tous les autres, sont-ils plutôt réglementés par les provinces?
M. Wolfe : C’est une excellente question. Le secteur sous réglementation fédérale des travailleurs à la demande relève de la compétence provinciale, tout comme les chauffeurs d’Uber, et tout le reste.
Un certain nombre de travailleurs œuvrent dans les secteurs des télécommunications et du camionnage, par exemple, où il y a également des travailleurs à la demande. Ce sont ces types de travailleurs, mais il y a assurément moins de travailleurs qu’à l’échelle provinciale.
Le sénateur Cuzner : Nous espérons qu’ils verront l’avantage de cette mesure et que cela se répercutera sur les provinces. C’est formidable.
La sénatrice Dasko : On a déjà répondu à certaines de mes questions. Je reviens encore une fois au programme national d’alimentation dans les écoles.
En guise de clarification, je crois comprendre que, parmi les objectifs, on veut augmenter le nombre d’étudiants qui bénéficient du programme plutôt que d’aller plus loin avec les étudiants qui en profitent déjà. Les 400 000 élèves s’ajouteraient, c’est-à-dire que c’est ce que vous vous attendez à ajouter aux étudiants qui font déjà partie du programme. Est-ce exact?
M. Vaillancourt : C’est exact. C’est une nouvelle mesure qui s’ajoute à ceux qui y ont déjà accès.
La sénatrice Dasko : D’accord. Vous attendez-vous à ce que les provinces reçoivent environ le même montant par habitant dans le cadre de ce programme ou avez-vous examiné ce que les provinces ont déjà en place? Y aurait-il des provinces qui recevraient davantage que d’autres?
M. Vaillancourt : Oui, le financement alloué à chaque province et territoire reposera en grande partie sur le nombre d’habitants.
La sénatrice Dasko : Est-ce l’un des principes? Vous avez dit plus tôt que le programme a des objectifs et des principes. Est-ce l’un des principes du programme, à savoir qu’il est essentiellement égal par habitant dans l’ensemble du pays, ou vous fondez-vous sur d’autres principes? Est-ce un principe?
M. Vaillancourt : Ce n’est pas à strictement parler un principe que nous envisageons dans le cadre de la politique sur l’alimentation en milieu scolaire. Il s’agit plutôt de savoir comment nous distribuons les fonds à l’ensemble des provinces et des territoires. Nous avons examiné différentes approches qui sont utilisées, et, par exemple, l’apprentissage et la garde de jeunes enfants me viendraient à l’esprit comme séries d’ententes bilatérales où les fonds sont affectés principalement en fonction du nombre d’habitants. C’est une approche très similaire.
La sénatrice Dasko : J’ai une question de plus qui fait fond sur la question de la sénatrice Moodie quant à la façon dont vous déterminez où sont les besoins.
N’utiliseriez-vous pas le statut socioéconomique des districts scolaires et des écoles? Cela fait-il partie des données que vous utilisez pour déterminer où sont les besoins?
M. Vaillancourt : Il s’agit certainement de la façon dont certaines provinces prennent leurs décisions pour savoir où affecter le financement. Comme je l’ai mentionné auparavant, je pense que nous voulons absolument nous appuyer sur les systèmes que les provinces et les territoires ont déjà mis en place.
Oui, les provinces ont de nombreux objectifs stratégiques précis pour cibler ceux qui en ont le plus besoin. En nous appuyant sur ce qui existe, cela nous aidera encore une fois à cibler ceux qui en ont le plus besoin.
La sénatrice Dasko : Est-ce que ce serait le principal indicateur des besoins, des caractéristiques socioéconomiques d’un district scolaire ou d’écoles, par exemple, mais en utilisant les données du recensement? Est-ce la base pour déterminer où se situent les besoins?
M. Vaillancourt : D’après ce que je comprends, c’est certainement un moyen utilisé par certaines provinces pour…
La sénatrice Dasko : Y a-t-il d’autres indicateurs? Y en a-t-il d’autres ou est-ce que c’est le principal?
M. Vaillancourt : Je pense que, selon la littérature, vous remarquez en examinant les avantages des programmes d’alimentation en milieu scolaire que les facteurs socioéconomiques sont certainement des principaux facteurs pour ce qui est de savoir où se situent les besoins. Mais il est aussi important de savoir que de nombreuses autres raisons expliquent qu’un enfant ne va pas à l’école après avoir reçu un déjeuner, et cela dépasse les raisons socioéconomiques. C’est un peu plus complexe qu’un seul point de données qui répond à toutes les questions.
De manière générale, je pense qu’il est juste de dire que, lorsque vous examinez les programmes actuels, il arrive souvent qu’ils soient fondés sur la situation socioéconomique.
La sénatrice McPhedran : Bienvenue. Je me demande si je peux inviter Mme Norris à se joindre à nous, s’il vous plaît.
J’aimerais revenir sur certaines des questions que mes collègues ont déjà posées, et c’est peut-être une question prévisible.
Nous avons parlé de détails, mais pouvez-vous nous dire quelle est la nécessité de l’article du projet de loi concernant tout particulièrement les bénéficiaires à faible revenu? En quoi exactement cela vous donne-t-il un plus grand pouvoir discrétionnaire, une plus grande autorité ou une plus grande capacité de parfaire vos connaissances concernant le manque à gagner des programmes pour qu’ils soient utilisés par les personnes à faible revenu?
Mme Norris : Merci beaucoup, sénatrice McPhedran, d’avoir posé la question.
Je pense que la réponse est en deux parties. D’abord, pour ce qui est de l’admissibilité visant à faire en sorte que cette prestation cible les enfants et les familles à faible revenu, nous avons une très grande confiance en ces données. Nous obtenons auprès de l’Agence du revenu du Canada, ou ARC, des données sur le niveau de revenu de ces enfants et de ces familles, ce qui nous permet donc d’avoir une bonne idée des enfants qui sont admissibles et qui n’en reçoivent pas. Nous disposons de bons renseignements à ce sujet, et c’est donc pour ces enfants que les comptes seront ouverts. Les obstacles avec les institutions financières et les autres obstacles à l’accès à ces fonds seront essentiellement éliminés.
Pour ce qui est de l’utilisation du programme, cela se ferait lorsque ces jeunes sortiraient du système scolaire de la maternelle à la 12e année et entreraient dans le système d’éducation postsecondaire. Dans ce cas, les règles actuelles d’utilisation des fonds d’étude enregistrés continueraient de s’appliquer comme aujourd’hui.
Les jeunes, peu importe leur revenu... que leur prestation vienne du Bon d’études canadien de leur régime enregistré d’épargne-études ou de la Subvention canadienne pour l’épargne-études plus générale… Les personnes fourniraient à leur institution financière l’information confirmant qu’elles sont inscrites à un programme qualifié dans un établissement qualifié. Ces règles demeureraient inchangées pour ces enfants.
La sénatrice McPhedran : Merci.
Pouvons-nous être rassurés par votre réponse à cette question qu’il y a suffisamment d’argent dans ces fonds pour que, au moment de la diplomation — ou après — les personnes à faible revenu, les nouveaux diplômés ou les jeunes adultes qui veulent accéder aux fonds… pourriez-vous imaginer que l’argent ne soit tout simplement pas suffisant pour ce qu’ils veulent faire?
Mme Norris : Je vous remercie d’avoir posé la question.
Vous parlez sans doute d’une question générale qui concerne l’aide financière aux étudiants au Canada. Ce que je dirais, c’est que les fonds qui existent dans un régime enregistré d’épargne-études font habituellement partie de l’aide financière offerte aux enfants. Mon collègue Jonathan Wallace a parlé de certaines mesures prévues dans ce qui était le Programme canadien de prêts aux étudiants — qui s’appelle maintenant le Programme canadien d’aide financière aux étudiants — qui fournit une aide financière supplémentaire non remboursable et remboursable. Nous savons également qu’il existe d’autres mesures incitatives à l’échelle provinciale pour encourager les jeunes à poursuivre des études postsecondaires.
La portion du REEE constitue généralement un aspect de cette enveloppe de financement global pour qu’un jeune poursuive des études postsecondaires.
La sénatrice McPhedran : Merci.
S’il s’avère qu’il n’y a pas assez d’argent, qu’arrive-t-il à ce moment-là? En ce qui concerne l’argent qui est dans le compte, est-ce qu’on présume que cette personne ne va jamais l’utiliser, puis on le récupère, ou que se passe-t-il?
Mme Norris : Merci de la question.
Les fonds présents dans un régime enregistré d’épargne-études peuvent rester dans ce compte pendant 35 ans, soit une assez longue période.
Nous savons que les enfants issus de familles à faible revenu à qui cette mesure s’adresse... plus de 70 % d’entre eux ne fréquentent pas des programmes d’enseignement postsecondaire comme des collèges, des universités ou des écoles de métier, donc nous sommes passablement convaincus que ces fonds seront utilisés pour des études postsecondaires.
Les fonds inutilisés qui constituent des subventions fédérales sont retournés au gouvernement fédéral, et c’est actuellement le cas. C’est actuellement le cas pour nos clients existants.
La présidente : Des miracles se produisent; nous avons trouvé du temps. Passons au deuxième tour.
Madame Norris, j’ai une question pour vous concernant la Loi canadienne sur l’épargne-études, une mesure importante pour atténuer la pauvreté chez les jeunes.
Je remarque que cette mesure d’inscription automatique n’entrera en vigueur que le 31 mars 2028. Que se passera-t-il dans quatre ans? Pourquoi avez-vous besoin d’autant de temps?
Mme Norris : C’est une bonne question.
Une précision concernant cette mesure, c’est qu’elle s’appliquera aux enfants nés en 2024. Les enfants nés cette année-là qui sont admissibles et qui ne reçoivent pas la prestation seront inscrits automatiquement.
Notre intention est de tendre la main aux familles qui sont admissibles à recevoir la prestation pour leur laisser savoir qu’un compte sera ouvert lorsque leur enfant aura quatre ans, si aucun compte n’a déjà été ouvert pour eux. La raison de ce délai de quatre ans était double : la première est pour fournir aux parents la plus longue période de temps possible pour ouvrir un compte, s’ils choisissent de le faire. Cela constitue toujours, selon nous, la meilleure approche.
L’entrée dans le système scolaire de la maternelle à la 12e année dans la plupart des provinces commence généralement à quatre ans, et il s’agit donc d’un autre moment où, selon nos données, il y a une petite hausse de l’inscription au REEE. Nous pensons que c’est un bon compromis entre s’assurer que ces enfants auront accès à leurs fonds au début de l’âge adulte lorsqu’ils auront 18 ans, et fournir aux familles une période de temps maximum pour prendre des décisions qui fonctionnent pour elles.
[Français]
Le sénateur Cormier : Ma question concerne toujours la section 4, au sujet de l’exonération et du remboursement des prêts d’études. Je vois la liste des professions. Y a-t-il des groupes qui pourraient être moins susceptibles que d’autres d’avoir accès à ce programme d’exonération? Il y a une liste importante. Selon ce que je comprends, c’est une liste prioritaire, mais est-elle exhaustive? Tient-elle compte d’autres considérations et d’autres besoins des communautés en matière d’aide?
M. Wallace : C’est une bonne question, merci. Je crois qu’il y a plusieurs professions qui ont été incluses, mais en fin de compte, le gouvernement devait prendre des décisions.
Le sénateur Cormier : Sur quelles bases ces décisions ont‑elles été prises?
M. Wallace : En principe, il y a quatre éléments clés : premièrement, les données sur le marché du travail; deuxièmement, le point de vue des intervenants lors des consultations qu’on a faites en 2022; troisièmement, les professions ont été choisies pour être compatibles avec les priorités du gouvernement, en ce qui concerne la santé mentale, par exemple; quatrièmement, il faut être conscient du budget et des coûts de cette mesure. C’était un autre facteur.
Le sénateur Cormier : D’accord. Dans vos consultations avec les provinces, est-ce qu’elles se sont entendues sur ces priorités? Est-ce que ces priorités ont aussi été identifiées par les provinces et les communautés?
M. Wallace : On a consulté des représentants des provinces et des territoires. On a utilisé ce qu’ils nous ont dit pour créer la liste, mais ce n’était pas un processus d’entente ou un consensus.
Le sénateur Cormier : Donc, les provinces pourraient décider de négocier avec le gouvernement fédéral?
M. Wallace : Non. Le Programme d’aide financière aux étudiants est un programme fédéral, donc l’exonération des prêts est une mesure qui est uniquement fédérale et les provinces n’ont pas d’appui.
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup pour cette réponse.
J’ai une autre question pour vous et, en fait, c’est plutôt une question de curiosité. Le projet de loi C-322 de mon collègue du Nouveau-Brunswick le député Serge Cormier, qui a été déposé à la Chambre des communes, concernait l’élaboration d’un cadre national visant l’établissement d’un programme d’alimentation en milieu scolaire. Savez-vous si ce projet de loi, qui est à l’étude en comité, s’arrime à cette initiative que le gouvernement a annoncée? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
M. Vaillancourt : C’est une très bonne question. S’il est adopté, le projet de loi C-322 obligerait le gouvernement à concevoir, publier et examiner un cadre d’alimentation dans les écoles et à en faire rapport. Le nouveau programme national d’alimentation annoncé dans le budget de 2024 est, de manière générale, très conforme à l’intention du projet de loi.
Le sénateur Cormier : D’accord, merci.
[Traduction]
La sénatrice Moodie : J’aimerais poser une question concernant la section 21, l’économie à la demande.
De quelle manière le gouvernement s’attend-il à ce que ces amendements influencent le paysage futur du travail à la demande au Canada? Le gouvernement prévoit-il des réductions, particulièrement, dans la disponibilité des possibilités d’emploi à la suite de l’amendement?
M. Wolfe : Merci beaucoup de ces questions.
Il est certain que le gouvernement envisage d’améliorer la situation de la classification erronée. Le gouvernement comprend tout à fait que, pour de nombreuses personnes, le travail à la demande est une source d’emploi importante. Toutefois, le gouvernement cherche à en faire davantage pour interdire la classification erronée.
Nous ne cherchons pas à réduire l’emploi dans ce secteur; le gouvernement souhaite simplement s’assurer que les employés bénéficient de la couche des droits auxquels ils ont droit.
La sénatrice Moodie : Surveillerez-vous la situation pour voir si cela réduit les possibilités d’emploi?
M. Wolfe : Nous ferons certainement le suivi du nombre de plaintes. Je dirais qu’il est difficile pour nous de faire le suivi du nombre de possibilités de manière générale, mais nous ferons le suivi du nombre de plaintes qui sont faites au fil du temps, ainsi que du nombre d’enquêtes proactives que nous menons.
La sénatrice Moodie : J’aimerais passer rapidement à la section 38, qui traite de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés… N’est-ce pas?
La présidente : Non. C’est demain. Merci, sénatrice Moodie.
La sénatrice Moodie : Je vous laisse tranquille.
La présidente : Chers collègues, je tiens à remercier tous les fonctionnaires qui ont été très généreux et ont si bien réussi l’exercice de chaise musicale. Nous vous remercions d’avoir répondu à nos questions. Sénateurs et sénatrices, vous avez tous fait un travail fantastique.
Chers collègues, nous allons poursuivre avec notre prochain groupe de témoins.
Nous accueillons en personne Stephen Laskowski, président, et par vidéoconférence, Jonathan Blackham, directeur, Politiques et affaires publiques, de l’Alliance canadienne du camionnage. Nous recevons Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada, qui se joint également à nous par vidéoconférence.
Merci beaucoup d’être ici avec nous aujourd’hui. Nous allons commencer par la déclaration liminaire de M. Laskowski.
Stephen Laskowski, président, Alliance canadienne du camionnage : Merci beaucoup, madame la présidente, ainsi que les autres membres du comité.
Je m’appelle Stephen Laskowski et je suis président de l’Alliance canadienne du camionnage, ou ACC. Je suis accompagné à l’écran par Jonathan Blackham, notre directeur des politiques et des affaires publiques. Pour situer le contexte, l’Alliance canadienne du camionnage est une fédération de sept associations de camionnage provinciales. Nous représentons environ 5 000 entreprises de camionnage et 250 000 employés. Aujourd’hui, je suis heureux de parler des sections 21 et 22 du projet de loi C-69.
À des fins de clarté, notre organisation est régie par un conseil d’administration. Les membres de notre conseil d’administration discuteront de ces mesures la semaine prochaine et voteront sur celles-ci. Je suis ici aujourd’hui pour vous présenter leur réaction préliminaire ainsi que celle de notre conseil de direction. Ne vous inquiétez pas, je ne serai pas avare de commentaires. Je le suis rarement.
La présidente : Vous avez cinq minutes.
M. Laskowski : Depuis près de sept ans maintenant, l’Alliance canadienne du camionnage tire la sonnette d’alarme concernant un stratagème d’économie clandestine appelé Driver Inc. Dans le cadre de ce stratagème, les conducteurs font sciemment l’objet d’une classification erronée, ce qui évite de payer aux employés des droits, comme des heures supplémentaires, des indemnités de vacances, dix jours de maladie, des congés personnels et la part patronale des charges sociales. En revanche, de nombreux conducteurs ne remplissent pas correctement, sciemment ou non, leur déclaration de revenus, réclament des déductions auxquelles ils n’ont pas droit ou, plus souvent qu’autrement, ne font aucune déclaration d’impôt. L’employeur peut facilement économiser environ 30 000 $ par année avec l’employé qui participe à cette escroquerie. L’ACC estime que, du côté tant de l’employeur que de l’employé, l’Agence du revenu du Canada passe à côté de milliards de dollars chaque année.
Nous avons proposé de nombreuses solutions à Emploi et Développement social Canada et à l’ARC au cours des sept dernières années, mais, de manière générale, la réponse a été lente et reste insuffisante par rapport à ce que nous croyons être vraiment nécessaire pour freiner cette non-conformité. C’est tout particulièrement le cas pour l’ARC. C’est une crise pour notre industrie. Je tenais à le souligner.
Néanmoins, récemment, nous avons vu plus de mesures de la part d’EDSC, et nous espérons que le ministère continuera de faire de cette question une priorité. Du côté de l’ARC, un engagement a été pris dans l’Énoncé économique de l’automne 2022. Rien n’a été proposé dans les budgets subséquents, comme on l’avait promis. En bref, l’ARC doit lever un moratoire de 14 ans sur les T4A qui sont la source de ce problème. La classification erronée est un symptôme d’un stratagème de fraude fiscale qui exige une meilleure application de la loi. La classification erronée est un stratagème lié à la conformité avec la loi sur l’impôt et fondé sur le modèle d’entreprise de prestation de services personnels. Je tiens à le souligner. Il est essentiel que nous nous attaquions à la classification erronée. Il est également essentiel — voire encore plus — que nous nous attaquions à la portion fiscale de la fraude.
En ce qui concerne la section 21, il est question d’emploi présumé. On nous a dit que cela aidera EDSC à mieux lutter contre les stratagèmes de classification erronée des conducteurs et que cela permettra une application de la loi plus rapide et plus efficace. Nous espérons sincèrement que ce sera le cas. Toutefois, nous voulons être clairs. Ces personnes sont des employés à long terme qui ont un emploi stable et qui ne correspond généralement pas à la définition d’emploi à la demande.
En ce qui concerne les changements, nous voulons nous assurer que cette nouvelle mesure n’enlèvera pas le droit au travail indépendant. Il y a de nombreux véritables entrepreneurs indépendants. Le plus important, c’est qu’ils possèdent leurs propres outils, dans notre cas, le camion. Encore une fois, nous réclamons de l’aide depuis sept ans, et nous espérons que cette mesure fournira un certain allégement.
Pour ce qui est de la section 22 et du droit à la déconnexion, nous pensons que le gouvernement du Canada a adopté une approche plus judicieuse et plus raisonnable à l’égard de cette question que lors de la première ronde de consultations, il y a quelques années. Bien que nous comprenions certainement le problème, nous pressons néanmoins tout le monde à se rappeler que tous les emplois ne sont pas pareils et que tous les travailleurs ne voient pas la question de la même manière. En fait, de nombreux travailleurs s’y opposent carrément, et pour de bonnes raisons. Dans le camionnage, les activités se déroulent 24 heures sur 24, sept jours sur sept, 365 jours sur 365. Nous avons aussi de nombreux travailleurs qui sont seuls sur la route. Au cours des dix dernières années, nous avons en grande partie cherché à mieux connecter le conducteur pour qu’il puisse recevoir des renseignements opportuns sur les événements météorologiques, les pannes des infrastructures, les changements d’itinéraires et les demandes de livraison, entre autres innombrables variables. Quant à eux, ces conducteurs doivent compter sur le personnel à la maison lorsque des problèmes surviennent. Pour ce qui est du fait que les travailleurs comme les camionneurs travaillent seuls, pratiquement tous les experts dans le domaine s’entendent pour dire qu’une communication libre et ouverte est absolument essentielle et que la protection contre les ruptures de la communication constitue la meilleure pratique.
Encore une fois, à propos du droit à la déconnexion et de ce que nous pensons que cela signifiera dans la pratique, nous devons faire très attention à ne pas présumer que tous les secteurs auront les mêmes modèles de travail et que tous les travailleurs veulent foncièrement être déconnectés de la même manière. Cependant, même si nous pensons toujours que cela pourrait être impossible pour l’industrie du camionnage, pour une foule de raisons de fonctionnement et de sécurité, nous sommes heureux de constater que l’on adopte à tout le moins une approche flexible reposant sur des politiques, qui permettra aux employés de concevoir des politiques adaptées à leurs activités et aux besoins des travailleurs.
Je vous remercie et je serai heureux de répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup.
Madame Bruske, c’est à vous.
Bea Bruske, présidente, Congrès du travail du Canada : Merci, madame la présidente. Bonjour, chers membres du comité. Merci de me fournir l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui.
Le Congrès du travail du Canada, ou CTC, est la plus grande centrale syndicale du Canada. Elle réunit 55 syndicats nationaux et internationaux, qui représentent trois millions de travailleurs dans pratiquement la totalité des secteurs, des industries, des professions et des régions du pays.
Les deux parties du projet de loi C-69 à l’étude aujourd’hui — les sections 21 et 22 — modifient le Code canadien du travail. Elles établissent une présomption par défaut à l’égard d’une relation d’emploi. Elles introduisent une exigence selon laquelle les employeurs du secteur privé sous réglementation fédérale doivent disposer d’une politique sur la déconnexion du travail.
Je vais commencer par la classification erronée. Nous pensons que la classification erronée des employés est un très grave problème qui est répandu et en croissance au Canada. Elle touche des travailleurs vulnérables du secteur des plateformes numériques, du camionnage, de la construction, de l’économie de soins et des services personnels. Les employeurs ont souvent un incitatif important pour classer à tort des employés comme des entrepreneurs indépendants plutôt que des employés. En prétendant à tort que les travailleurs sont des entrepreneurs indépendants plutôt que des employés, les employeurs évitent de payer des primes d’assurance-emploi, des contributions au Régime de pensions du Canada et au Régime des rentes du Québec, des primes d’assurance contre les accidents du travail et d’autres impôts non versés. Les employeurs évitent également d’avoir à payer des indemnités de vacances, des heures supplémentaires et des indemnités de fin de contrat et de départ. Les employeurs n’ont pas non plus à fournir les protections en matière de santé et sécurité au travail qu’ils seraient légalement tenus d’offrir à leurs employés. À notre avis, la classification erronée des employés constitue une fraude salariale.
Des modèles d’affaires fondés sur la classification erronée systématique des employés sont apparus dans des industries comme le camionnage et la livraison de nourriture et de colis, en réponse à l’ambiguïté de la loi ainsi qu’à une faible application de la loi.
Les modifications envisagées par le projet de loi C-69 à cet égard constituent une amélioration importante du libellé actuel du code. Nous sommes favorables à la présomption par défaut de la relation d’emploi où le fardeau de prouver le contraire incombe à l’employeur. Cependant, en cas de poursuite ou d’imposition d’une sanction monétaire, le fardeau de la preuve n’incombera pas à l’employeur.
Le CTC et de nombreux syndicats ont pressé le gouvernement de clarifier la loi en adoptant un « critère ABC » afin de sévir contre la classification erronée. Ce type de critère établirait une distinction nette entre l’employeur indépendant bidon et l’employeur indépendant légitime.
Je vais maintenant parler de la déconnexion du travail et des communications connexes.
Une proportion très élevée des travailleurs au Canada se débattent contre l’attente selon laquelle ils doivent être disponibles pour répondre aux courriels, aux messages textes ou aux appels sur leur téléphone cellulaire après les heures normales de travail. Les courriels, messages textes et appels téléphoniques professionnels durant les vacances, les fins de semaine, tôt le matin et le soir sont monnaie courante.
Faisant face à de lourdes charges de travail et ne voulant pas déplaire à la direction ou à leurs collègues, les travailleurs se sentent souvent obligés de répondre en dehors des heures normales de travail et ont du mal à prendre des vacances sans apporter leurs appareils, puisqu’ils pourraient recevoir un appel de la direction ou de leurs collègues.
En 2020, l’Enquête canadienne sur l’utilisation de l’Internet de Statistique Canada a demandé aux répondants si leur employeur s’attendait à ce qu’ils utilisent l’Internet pour rester connectés en dehors de leurs heures de travail. Il est frappant de constater que un employé canadien sur cinq a répondu « oui ». Ces employés sont des parents, des fournisseurs de soins, des étudiants et des travailleurs qui occupent des emplois secondaires. Pendant la pandémie, près de trois Canadiens sur quatre se sont dits très ou extrêmement préoccupés en ce qui concerne la capacité de concilier les soins aux enfants, l’enseignement et le travail, et les femmes en particulier ressentent du stress, parce qu’elles ont principalement le fardeau de fournir des soins non rémunérés à la maison. De nombreux employeurs en profitent. Selon Statistique Canada, près de la moitié des employés — 46 % de ceux qui travaillaient des heures supplémentaires — ont dit travailler des heures supplémentaires non rémunérées dans toute semaine donnée.
À notre avis, la politique du projet de loi C-69 sur la déconnexion des communications liées au travail est trop faible. Elle oblige simplement les employeurs à disposer d’une politique sur la déconnexion; elle ne va pas plus loin pour protéger le droit des employés de se déconnecter réellement du travail. Le budget 2024 énonçait que le gouvernement obligerait les employeurs sous réglementation fédérale à établir une politique sur le droit à la déconnexion qui limiterait les communications liées au travail à l’extérieur des heures de travail prévues, mais malheureusement, le projet de loi ne fait pas cela.
Les faits montrent que les employeurs ne se conforment habituellement pas à l’exigence de mettre en place des politiques. On l’a vu il y a dix ans lorsque le Code canadien du travail obligeait chaque employeur à disposer d’une politique concernant le harcèlement sexuel au travail. Pourtant, l’Enquête sur les milieux de travail de compétence fédérale a révélé que seulement 36 % des employeurs disposaient d’une telle politique alors qu’ils étaient légalement tenus de l’avoir. Pour cette raison, en 2018, le gouvernement fédéral a adopté le projet de loi C-65 qui supprime la dépendance à l’égard des politiques de l’employeur. Le projet de loi C-65 a créé un ensemble beaucoup plus robuste de protections contre le harcèlement sexuel au travail dans la partie II du Code canadien du travail.
À notre avis, le projet de loi C-69 passe à côté de l’occasion de protéger les droits des employés pour se détacher du travail après les heures normales du travail. Je vous remercie et je serai heureuse de répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup aux deux témoins d’avoir donné le coup d’envoi. Chers collègues, nous avons un peu plus de temps par question pour ce tour. Permettez-moi de poser la première à Mme Bruske.
Madame Bruske, vous avez entendu le témoignage de M. Laskowski concernant le contexte dans le secteur du camionnage, et je comprends qu’il est tout à fait différent. C’est un contexte différent. Que répondriez-vous à ses préoccupations?
Mme Bruske : Chaque industrie et chaque secteur, bien honnêtement, est unique. Les employeurs, les syndicats et les travailleurs doivent travailler ensemble pour trouver des solutions qui vont fonctionner.
Ce que je sais, c’est que nous voyons apparaître une épidémie de santé mentale au pays, les gens ayant de plus en plus de mal à prendre le temps dont ils ont besoin pour leur famille et pour eux-mêmes, pour être en santé. Nous devons trouver des solutions à ces problèmes. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les travailleurs donnent huit, neuf ou parfois douze heures complètes, rentrent chez eux et ressentent encore le besoin d’être sur appel, de répondre à leur téléphone et de rendre des comptes à leur milieu de travail. S’il y a une telle exigence, celle-ci doit être reconnue, et des compensations horaires supplémentaires doivent être fournies pour que les employés puissent naviguer entre les responsabilités liées à leur vie personnelle, à leur famille et à leur communauté, et celles liées à leur travail.
La présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice Osler : Merci d’être ici aujourd’hui. J’ai la même question pour l’Alliance canadienne du camionnage et le CTC, et je demanderai peut-être au CTC de répondre en premier.
La section 22 de la partie 4 contient une proposition de modification du Code canadien du travail visant à établir une politique sur le droit à la déconnexion pour les employés fédéraux. Pouvez-vous anticiper des conséquences inattendues qui pourraient découler de la modification proposée?
Mme Bruske : Je ne peux pas anticiper de conséquences inattendues pour le moment, mais comme je l’ai souligné, chaque secteur est certainement unique et différent. Il faut faire preuve de prudence lorsque nous cherchons à appliquer tout genre de politique afin qu’elle réponde aux besoins de cet employeur, de ce secteur et de ces travailleurs en particulier. Nous pouvons faire preuve de créativité dans la résolution de problème et dans la recherche de solutions. Je suis donc certaine que cela peut être pris en considération.
La sénatrice Osler : Merci.
M. Laskowski : En ce qui concerne la flexibilité prévue, il existe une loi provinciale similaire à la loi proposée, et elle fonctionne. Comme pour toute loi, le responsable de son application devra faire preuve de souplesse et veiller à ce qu’elle soit effectivement appliquée. Ce sont tous ces éléments.
La sénatrice Osler : Merci.
La présidente : Pouvez-vous décrire une loi provinciale qui fonctionne et qui éclaire le présent projet de loi?
M. Laskowski : Bien sûr, je vais m’en remettre à Jonathan Blackham, qui est à l’écran, afin qu’il parle du modèle ontarien et de la façon dont il fonctionne en Ontario.
Jonathan Blackham, directeur, Politiques et affaires publiques, Alliance canadienne du camionnage : Merci. D’après ce que nous savons, en Ontario et dans le secteur du camionnage, il y a à la fois des sociétés sous réglementation provinciale et des sociétés sous réglementation fédérale. Il s’agit d’une approche stratégique similaire, dans laquelle les employeurs disposent d’une certaine flexibilité pour élaborer des politiques qui répondent aux besoins de leurs travailleurs et à ceux de leur entreprise. Pour répondre à la question sur les conséquences inattendues perçues, lors de la première série de consultations à ce sujet, qui remonte à 2021, beaucoup de nos membres ont dit craindre que, avec des approches plus prescriptives du droit à la déconnexion, les employés puissent s’inquiéter — que ce soit le conducteur sur la route ou des personnes à la maison qui répondent aux urgences — d’avoir à se demander s’ils doivent échanger de part et d’autre des renseignements essentiels si cela se produit tard dans la nuit ou en dehors des heures normales. C’est un commentaire que nous avons entendu haut et fort, une chose contre laquelle il faut se prémunir dans la politique sur le droit à la déconnexion.
La présidente : Merci.
La sénatrice Moodie : Merci aux témoins de se joindre à nous aujourd’hui. Je voudrais revenir, si possible, monsieur Laskowski, sur un commentaire que vous avez fait au sujet de Chauffeur inc. Je pense que vous parliez de cela. J’essayais de comprendre : s’agit-il d’un problème répandu partout au pays ou se limite-t-il à des régions en particulier ou s’agit-il d’une situation abusive dans certaines régions?
M. Laskowski : C’est un problème répandu. Il y a ce que j’appellerai des points chauds plus grands que d’autres. Par exemple, comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire, il existe dans le code des impôts un modèle d’entreprise de prestation de services personnels. C’est ainsi qu’on arrive à la classification erronée. Il y a 10 ans, le camionnage ne figurait même pas sur la feuille de route des secteurs qui utilisent ce modèle. Notre secteur est désormais le modèle d’entreprise de prestation de services personnels le plus important au Canada, et de loin! Il n’y a aucun — et je le répète — aucun avantage fiscal associé au fait qu’un camionneur soit une entreprise de prestation de services personnels. Il existe différentes raisons d’être une entreprise de prestation de services personnels. En fait, lorsque vous tenez compte de tout le travail et du risque de perte — je l’ai mentionné plus tôt dans la déclaration liminaire — vous êtes largement dans le négatif en ce qui concerne votre rémunération globale.
Le problème, c’est que le phénomène s’accroît. Nous avons atteint un niveau de crise. C’est un tel niveau de crise que la plus grande entreprise de camionnage au Canada est une société par actions. Elle possède également d’importants actifs aux États-Unis, mais elle est installée au Québec. Dans ses états financiers trimestriels, son président-directeur général a déclaré que l’entreprise abandonnerait un certain segment de l’industrie du transport routier appelé « secteur des charges complètes » à cause de Chauffeur inc.
La sénatrice Moodie : J’aimerais passer un peu à la politique sur le droit à la déconnexion et à d’autres mesures. Cette question s’adresse à tous les témoins. Quels critères précis faut-il utiliser pour déterminer quels salariés sont exemptés d’une politique sur le droit à la déconnexion? Si vous pensez à des critères, pouvez-vous nous dire ceux qu’il faudrait inclure?
M. Laskowski : Lorsque cette politique a été élaborée il y a des années, il y a eu des discussions à ce sujet. Je vais passer la parole à M. Blackham, qui vous expliquera les discussions que nous avons eues avec EDSC et à quel point elles sont devenues compliquées.
M. Blackham : Merci. Nous voyons le camionnage comme un chauffeur de camion sur la route, mais en réalité, il faut un village derrière le chauffeur pour vraiment le soutenir dans son travail. Je pense que la réponse la plus fondamentale à cette question concernerait les personnes qui interviennent lors d’incidents de sécurité et ce genre de choses. Toutefois, lorsque nous avons consulté les membres, ils ont donné des raisons très convaincantes en faveur d’une foule d’autres postes : les répartiteurs qui ont des liens uniques avec les chauffeurs, le personnel d’exploitation et de soutien, les personnes qui connaissent les clients, et cetera. Il pourrait s’agir d’un grand groupe.
Nous revenons sans cesse à la flexibilité. Je pense qu’il doit y avoir de la flexibilité afin que les entreprises puissent décider qui sont les personnes essentielles pour répondre aux besoins des conducteurs sur la route et élaborer leurs politiques en conséquence.
La sénatrice Moodie : Le film doit commencer. L’éclairage baisse.
La présidente : Avez-vous besoin d’un peu plus de temps?
La sénatrice Moodie : Non, merci.
La sénatrice Burey : Merci beaucoup d’être ici.
Je voulais vous remercier d’avoir porté cela à notre attention et à mon attention. Je me demande comment, selon vous, le gouvernement ou vos organisations devraient sensibiliser ces employés aux erreurs de classification et à ce qui est nécessaire pour sensibiliser les camionneurs aux erreurs de classification? C’est la première question.
Quelqu’un pourrait-il m’en dire plus sur le modèle « ABC »? Je pense que c’était pour voir comment vous déterminez la classification.
M. Laskowski : Je vais céder à nouveau la parole à M. Blackham. Nous répondrons d’abord à la dernière partie de la question. C’est fondamental en ce qui concerne le critère « ABC ». Il existe un critère à trois facteurs pour déterminer leur statut dans le secteur du camionnage. Monsieur Blackham, pourriez-vous donner aux sénateurs un aperçu du fonctionnement général de ce critère?
M. Blackham : Comme M. Laskowski l’a mentionné, il s’agit d’un critère à trois facteurs. Notre expérience la plus frappante à ce sujet nous vient des États-Unis et de la Californie, où des changements similaires ont eu lieu. Nos homologues californiens nous ont dit qu’il y avait une forte opposition à cette mesure au sein de l’industrie du camionnage — en particulier de la part de ceux qui sont de véritables entrepreneurs indépendants —, qu’on ratisse peut-être trop large et que cela détruisait l’esprit d’entreprise au sein de l’industrie, qui est très fort, d’ailleurs. C’est un secteur très entrepreneurial.
C’est intéressant. Je ne peux pas prétendre être moi-même un expert du critère « ABC », mais je peux dire que j’ai entendu des commentaires de la part de nos homologues américains. Ici, au Canada, je pense que la jurisprudence sur la classification du travail indépendant est assez bien établie. Ici, les gens comprennent ce qu’il faut pour être un entrepreneur indépendant. La partie manquante est l’application.
La sénatrice Burey : Je pense que le CTC voulait faire des commentaires sur le critère « ABC ».
Mme Bruske : Très récemment, en 2020, la Commission des relations de travail de l’Ontario a utilisé le critère « ABC » dans le cadre d’une décision concernant les chauffeurs du service de livraison de repas Foodora. En Ontario, la Commission des relations de travail a examiné le critère « ABC » pour déterminer si ces personnes étaient des chauffeurs indépendants ou des employés de l’entreprise Foodora. Elle a conclu qu’ils étaient, en fait, des employés.
Le critère « ABC » établit une ligne directrice selon laquelle le travailleur n’est ni contrôlé ni dirigé par l’employeur, il doit donc travailler de manière totalement indépendante; l’employé exécute un travail qui ne s’inscrit pas dans le cours normal des activités de l’employeur, il s’agit donc d’un type de travail distinct de celui que l’employeur effectuerait normalement; et le travailleur exerce de façon indépendante un métier, une profession ou une activité de même nature que le travail qu’on lui demande d’effectuer. Il est embauché pour une fonction précise, et non pour augmenter le travail déjà existant de cet employeur particulier.
M. Laskowski : De notre point de vue, ce n’est pas le critère qui fait jurisprudence ni celui que nous appuyons au Canada. Il existe au Canada un critère en trois points qu’EDSC et d’autres utilisent actuellement. L’une des mesures clés concerne vos outils de travail, c’est-à-dire le camion. C’est compliqué. Il s’agit d’un critère en trois points. Monsieur Blackham, comment résumeriez-vous rapidement les éléments clés du critère en trois points d’EDSC?
M. Blackham : C’est vrai. Le critère porte sur le contrôle, l’intégration, les possibilités de profit ou de perte et la propriété des outils. Comme M. Laskowski l’a mentionné, dans notre cas, la propriété des outils tend à être la variable importante car elle a une incidence directe sur toutes les autres variables : le niveau de contrôle dont le travailleur dispose, les possibilités de profit et de perte, et cetera. Cela fonctionne bien dans notre industrie. Les gens comprennent comment travailler de façon indépendante et ce qui ne constitue pas du travail indépendant.
Il manque une chose, qu’il s’agisse du critère « ABC » ou du critère actuel : les règles ne sont pas appliquées, et le critère n’a donc aucune importance. L’application est vraiment le problème dans notre secteur.
M. Laskowski : Il est essentiel de rappeler à tout le monde ici que nous appuyons le critère parce qu’il s’agit d’une jurisprudence. Ce n’est pas toujours l’employeur qui finit par faire l’objet d’une décision, n’est-ce pas? Bien souvent, c’est l’entrepreneur, l’employé, quel que soit son statut. C’est établi. Il reste simplement à l’appliquer et à le clarifier à l’avenir.
Dans le cadre de la présomption d’emploi, il sera essentiel, lorsque le critère sera appliqué, qu’il le soit d’une manière uniforme pour tout le monde.
La sénatrice Burey : Comment vont-ils être sensibilisés à la nécessité d’une telle mesure? Qu’il s’agisse du gouvernement ou de votre organisation, comment les camionneurs vont-ils être sensibilisés?
M. Laskowski : Le terme « sensibilisation » est un sujet brûlant dans notre industrie à cet égard. Je pense que la sensibilisation est importante, et nous nous en occupons aussi. Nous étions favorables à la sensibilisation il y a sept ans. Sept ans se sont écoulés. Nous croyons qu’il y a un élément de sensibilisation, surtout pour les gens qui ne comprennent pas le code des impôts. C’est un aspect, mais la réalité, sénatrice, c’est que cette mesure doit être appliquée pour contrer la tendance. La loi doit être appliquée aux employeurs et à ceux qui y participent volontairement.
Dans notre industrie, huit camionneurs sur dix dans certaines régions du Canada demandent à être payés en tant qu’entreprise constituée en société. Beaucoup d’entre eux ne paient que la TPS, ou taxe sur les produits et services, et la TVH, ou taxe de vente harmonisée. Posez-vous la question suivante, de votre point de vue personnel : si vous payez uniquement la TPS et la TVH, à quoi ressemblera votre rémunération globale? La sensibilisation consiste à appliquer le critère, pour dire que c’est notre devoir en tant que citoyen canadien de payer des impôts afin de pouvoir avoir des routes, des hôpitaux et des écoles dans notre réseau social. Des milliards de dollars sont ainsi volés. Oui, il y a un élément de sensibilisation dans tout cela, mais c’est principalement une question d’application.
La présidente : Monsieur Laskowski, vous avez brossé un tableau désastreux. Normalement, notre comité ne traite pas des questions liées au code des impôts, mais je vous remercie de nous avoir informés.
Pouvez-vous nous dire si cette section contribuera à résoudre le problème. Lui donneriez-vous une note de quatre sur dix, de cinq sur dix? Vous avez parlé d’application, mais cela ne relève pas de la section à l’étude, alors dites-moi ce que vous en pensez vraiment.
M. Laskowski : Lorsque j’ai examiné la question avec le service juridique, il y a eu un léger bâillement collectif au sein de notre exécutif, car la question était la suivante : les mesures proposées seront-elles réellement appliquées? Les sanctions seront-elles augmentées? Est-ce que ce sera le prix à payer pour faire des affaires? Les travailleurs privés de leurs arriérés de salaire recevront-ils réellement ces arriérés? Les employeurs considéreront-ils que c’est le prix à payer pour faire des affaires?
Je vous pose beaucoup de questions, madame la présidente, car nous devons en discuter davantage avec EDSC. Je pense qu’EDSC et le ministre comprennent l’ampleur du problème et la nécessité d’appliquer la loi. Nos membres ont simplement besoin d’avoir l’assurance que cela se produira effectivement. L’application de la loi a un effet dissuasif sur les employeurs.
Je crois qu’on a demandé au groupe précédent si l’approche serait réactive ou proactive. Nous avons la même question. Nous ne voulons pas d’approche réactive. Posez-vous la question suivante, madame la présidente, mesdames et messieurs : les gens d’EDSC nous demanderaient pourquoi les conducteurs ne se manifestent-ils pas s’ils se voient privés de ces droits? Eh bien, s’ils en profitent sur le plan fiscal, il y a complicité. Nous devons comprendre que, oui, nous devons protéger les travailleurs qui ont été exploités dans ce groupe. Et nous devons également comprendre que nous devons protéger l’assiette fiscale canadienne et assurer des règles du jeu équitables pour les employeurs qui paient les 10 jours de maladie, les heures supplémentaires et les indemnités d’accident du travail, car c’est la bonne chose à faire pour protéger les travailleurs.
Mais comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, lorsque l’une des plus grandes entreprises de camionnage déclare qu’elle pourrait se départir d’actifs dans un certain segment de l’industrie du camionnage en raison de l’anarchie en matière de fiscalité et de travail, c’est un signal d’alarme pour nous, car cela les concerne. Cela a un impact sur la valeur de leurs actions. Je pense que nous devons y prêter attention, mesdames et messieurs.
La présidente : Je vous entends dire que si ces dispositions législatives ne sont pas appliquées, vous leur donnez une note de 4 sur 10.
La sénatrice McBean : D’après ce que j’entends, je n’irais pas jusqu’à quatre.
Selon moi, tout cela rejoint ce que je pense : il s’agirait non pas de sensibilisation, mais de volonté. Je vous ai entendu dire au début qu’ils étaient partenaires dans cette affaire. La classification erronée des chauffeurs ne concerne pas seulement les employeurs ou les employés. Ils sont tous concernés. Mais je vous entends dire que c’est comme si vous étiez le parent et que tout cela se passe ici. Vous semblez avoir des entreprises qui essaient de faire ce qu’il faut et des chauffeurs qui font ce qu’il faut, mais vous avez également, dans votre organisation, des gens qui sont très satisfaits du statu quo.
Voici ma question qui s’adresse à vous et à Mme Bruske : des deux côtés, les employeurs sont-ils pressés de voir de telles mesures adoptées ou les fuient-ils? Les employés sont-ils pressés de voir de telles mesures ou les fuient-ils? Je pense que nous protégeons les travailleurs à la demande ici, mais j’ai entendu dire que ce n’était peut-être pas le cas. Veulent-ils cela ou pas? Ces erreurs de classification vont-elles se poursuivre?
Mme Bruske : Merci. Je dirais que c’est un peu des deux. En fin de compte, nous voulons de bons emplois avec de bons avantages sociaux et un bon filet de sécurité sociale. Nous ne pouvons pas avoir un bon filet de sécurité sociale si nous ne payons pas également pour ce bon filet de sécurité sociale, ce qui nécessite de verser des cotisations d’assurance-emploi, entre autres, de cotiser à notre RPC et ce genre de choses. Ainsi, lorsque des employeurs choisissent d’embaucher un entrepreneur plutôt que des personnes, cela anéantit les possibilités et compromet les relations de travail.
La plupart des travailleurs souhaitent occuper un emploi permanent à temps plein. C’est ce que nous entendons sans cesse. La capacité de trouver un emploi à temps plein, de pouvoir compter sur un horaire avec un salaire et des avantages sociaux réguliers... la situation ne fait qu’empirer. Même s’il y a de mauvais acteurs, comme mon collègue l’a dit, la plupart des travailleurs à qui je parle recherchent des employeurs capables de leur offrir ces conditions. Ce genre de modifications législatives contribuera grandement à créer ces possibilités supplémentaires.
M. Laskowski : La question qui me préoccupe est donc de savoir comment les employeurs gèrent cette situation. Mes membres, les 5 000 membres, sont fous de rage. Ils se sentent abandonnés. Ils voient leurs entreprises régresser, certaines faire faillite. Le secteur du camionnage est littéralement en concurrence pour des sous noirs. Nous utilisons des ratios d’exploitation dans le secteur du camionnage, et un bon ratio d’exploitation est probablement de 0,91. Pour les chemins de fer, ce serait 0,68; plus le ratio est bas, mieux cela vaut. Lorsque vous bénéficiez d’un avantage sur le plan des coûts de 30 % plus plus, c’est la différence entre voir vos camions pleins et voir vos camions vides, car, malgré la sensibilisation, une partie du défi pour nos membres tient au fait que de nombreux gros clients qui utilisent le camionnage prennent leurs décisions en fonction des tarifs : « Les tarifs sont bons là-bas; je vais transférer mes affaires à X, et je me fiche vraiment de savoir comment elles sont arrivées à X. »
Cela devient un problème énorme. Vous l’avez peut-être lu et entendu à propos de la pénurie de chauffeurs : si une entreprise perd des affaires parce qu’elle mène ses activités de la bonne manière, le chauffeur n’a qu’à conduire un camion bleu plutôt qu’un camion rouge le lendemain. Ils sont très employables, surtout s’ils sont de bons chauffeurs prudents, ainsi de suite.
Votre question, madame la sénatrice, suscite la colère de nos membres. Ils sont désespérés. Pour répondre à la question d’une autre sénatrice, il y a des segments de l’industrie où la plupart des parcs dans certaines régions sont mal classés… Ils font partie de l’économie souterraine. Nous tirons la sonnette d’alarme ici.
Il y a une chose dont je parlerai, qui n’a pas été abordée aujourd’hui. Le budget a fait état de la possibilité d’audits conjoints ou d’échange de renseignements qui ont mené à des audits conjoints entre l’ARC, EDSC et, potentiellement — nous devons en apprendre davantage —, des organismes provinciaux comme la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, ou WSIB, notamment… Cela est nécessaire, rapidement.
Je tiens à souligner, pour revenir sur ce point — et je ne saurais trop insister là-dessus — qu’il est tout aussi important de protéger les entrepreneurs légitimes. Bon nombre des entreprises de camionnage que vous voyez aujourd’hui ont commencé comme des entreprises de camionnage comptant une seule personne. Cette personne était propriétaire de son camion, en a acheté un deuxième, puis un troisième et a fait prospérer ses activités. C’est une industrie très entrepreneuriale. Certaines de ces personnes se contenteraient encore de un ou deux camions. C’est tout ce qu’elles veulent. Mais ce sont de petites entreprises légitimes. Nous devons les protéger dans ce processus. Nous n’appuyons pas le critère « ABC ». Je ne saurais trop insister là-dessus. Il existe une jurisprudence. Nous n’avons pas besoin de nouveaux critères. Nous avons ce qu’il faut. Nous avons simplement besoin qu’ils soient appliqués, de façon uniforme, et le modèle d’entreprise de prestation de services personnels — EDSC s’est déjà prononcé à cet égard — n’a rien à voir avec un propriétaire-exploitant ou un entrepreneur indépendant. Il s’agit d’un employé.
[Français]
La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse à Mme Bruske. Je reviens sur la déconnexion.
On parle de déconnexion de l’employeur par rapport à l’employé en dehors des heures de travail. A-t-on réfléchi à l’autre côté de la médaille, c’est-à-dire l’employé qui est au travail et qui n’est pas déconnecté de l’extérieur, soit sa famille et ses amis? Y avez-vous pensé en parlant de déconnexion?
[Traduction]
Mme Bruske : Merci. Lorsqu’une personne vient travailler, elle amène évidemment, dans une certaine mesure, sa vie personnelle au travail. Vous ne pouvez pas laisser votre vie personnelle à la porte. Si vous avez un enfant malade à la maison, vous ne pouvez pas arrêter d’y penser en arrivant au travail. Évidemment, nous souhaitons que les travailleurs soient pleinement présents pendant leurs heures de travail et en mesure d’effectuer leur travail de manière efficace et efficiente. Cela signifie également que vous avez besoin de temps pour compenser l’efficacité et l’efficience dont vous faites preuve au travail en ayant du temps libre afin de pouvoir vous occuper des tâches que vous devez accomplir pour votre famille et vous acquitter de vos responsabilités communautaires. Ce dont nous avons vraiment besoin en ce qui concerne la déconnexion, c’est non pas seulement une politique, mais une définition solide de ce qui est réellement réputé constituer du travail afin que tout le monde le comprenne.
Plus tôt au cours de la réunion, on a soulevé des problèmes de sécurité et de notifications essentielles dans certaines industries. Ce sont des sujets légitimes auxquels nous devrions réfléchir; nous devons en discuter et trouver des solutions. Mais les travailleurs moyens qui rentrent chez eux à la fin de la journée ne devraient pas avoir à se connecter à leur lieu de travail pour répondre à un courriel qui pourrait attendre au lendemain ou pour répondre à un appel téléphonique sur une question qui pourrait attendre au lendemain. Nous devons réserver du temps en famille et aux normes communautaires, ce qui fait cruellement défaut.
Il est très préoccupant d’apprendre qu’un Canadien sur cinq souffrira d’un problème de santé mentale au cours de l’année, chaque année. Nous avons besoin que les gens soient heureux et en bonne santé lorsqu’ils arrivent au travail afin d’être aussi productifs que possible lorsqu’ils sont effectivement au travail.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Moodie : Je voulais simplement faire un suivi, madame Bruske, si vous pouviez m’aider à comprendre. La vie a changé. Bien sûr, il y a le télétravail. Nous avons parfois des définitions peu claires de ce qui constitue du temps de travail et de ce qui n’en est pas. Les problèmes de santé mentale ne surviennent pas seulement lorsque vous êtes au travail pour ensuite disparaître lorsque vous avez du temps libre. Ils se poursuivent dans le temps.
Il y a un manque de définition concernant les problèmes dont nous discutons. En tant que médecin, je crains une augmentation du nombre de problèmes de santé mentale signalés. C’est peut-être parce que nous les reconnaissons et que nous les signalons maintenant et que c’est devenu notre priorité en tant que société.
Comment cela a-t-il changé? Avions-nous un problème différent il y a 10 ou 15 ans? Selon vous, qu’est-ce qui a changé? Pouvez-vous nous aider à comprendre le nouvel ordre?
Mme Bruske : Absolument. Merci de cette excellente question.
La réalité, c’est qu’un nombre croissant de travailleurs ressentent de plus en plus de pression au quotidien. Davantage de travailleurs occupent des emplois précaires, travaillent à temps partiel et cumulent deux ou trois emplois différents plutôt que d’avoir un seul emploi à temps plein, 37 ou 40 heures par semaine. Il y a des travailleurs qui sont employés dans des secteurs précaires où des changements s’annoncent, donc il y a la peur de l’inconnu. Ils se demandent à quoi ressemblera la transition pour eux, leur communauté, leur emploi et leur famille. Les familles subissent des pressions supplémentaires de différentes manières.
Oui, nous constatons une augmentation des signalements de problèmes de santé mentale, et c’est une bonne chose; nous pouvons ainsi reconnaître qu’ils existent et y travailler. Mais cela signifie également que nous devons mettre en place certaines garanties afin que les gens puissent surmonter ces défis et être en meilleure santé sur leur lieu de travail; ils pourront alors être pleinement présents lorsqu’ils sont effectivement au travail.
La présidente : Merci, sénatrice Moodie. Je pense que nous avons épuisé nos questions, même si je suis très curieuse de savoir…
La sénatrice Mégie : Puis-je?
La présidente : Je vous en prie.
La sénatrice Mégie : J’ai un commentaire.
[Français]
À la section 5, à l’article 163, qui s’intitule « Bons d’études canadiens : demande », il y a une erreur dans les deux langues. En anglais, on parle des enfants nés après 2003 et âgés de moins de 31 ans. En français, on a mis : « et âgé de moins de trente ans ».
Ce serait peut-être quelque chose à corriger, 31 ans et 30 ans.
[Traduction]
La présidente : Merci d’être toujours attentive à nos versions française et anglaise. Nous en discuterons probablement lorsque nous passerons à huis clos pour nos observations sur le rapport, mais je vous remercie de l’avertissement.
J’allais dire, monsieur Laskowski, que je suis préoccupée par ce que vous avez présenté. C’est un enjeu important. Mais à ce stade-ci, nous sommes limités dans notre étude sur les sections. J’espère qu’à un moment donné, un comité sénatorial réalisera une étude sur les problèmes particuliers que vous avez signalés dans l’industrie du camionnage.
Sur ce, chers collègues, je tiens à vous remercier, ainsi que nos témoins, qui sont en ligne, de votre aide pour nous aider à comprendre le contexte de ces deux sections que nous étudions.
(La séance est levée.)