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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 23 mai 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 3, 4, 5, 14, 21, 22, 23, 31, 32 et 38 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar et je suis une sénatrice de l’Ontario.

[Traduction]

Je suis la présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Bienvenue à tous.

Avant de commencer, j’aimerais rappeler à tous les sénateurs et aux autres participants dans la salle de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices sur la prévention des incidents acoustiques.

Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes mises en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris celles des interprètes : dans la mesure du possible, asseyez-vous de manière à augmenter la distance entre les microphones; n’utilisez qu’une oreillette noire approuvée — les anciennes oreillettes grises sont superflues et ne doivent plus être utilisées. Éloignez toujours votre oreillette du microphone et, lorsque vous n’utilisez pas l’oreillette, veuillez la placer face vers le bas sur l’autocollant placé sur la table à cet effet. Merci à tous de votre coopération.

Chers collègues, nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur la teneur des éléments de la section 38 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement. Cette section modifie la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Avant de débuter, j’aimerais proposer à mes collègues de se présenter, en commençant par la sénatrice Osler.

La sénatrice Osler : Merci d’être parmi nous. Je m’appelle Gigi Osler et je viens du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Cormier : Bonjour. René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario.

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse, où se trouve le territoire non cédé des Mi’kmaqs.

[Français]

La sénatrice Mégie : Bonjour. Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Cuzner : Rodger Cuzner, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Merci, chers collègues. Nous accueillons aujourd’hui Jason Hollmann, directeur général de la Direction générale des politiques d’asile — je crois que nous vous avons déjà reçu; et Chris Hamilton, directeur principal de la Direction générale des politiques d’asile. Nous accueillons également des représentants de l’Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC : Richard St Marseille, directeur général de la Direction des politiques sur l’immigration et les examens externes; et Anders Sorensen, directeur général par intérim des Politiques sur le droit d’asile et la migration irrégulière. Merci énormément d’être parmi nous aujourd’hui.

Je crois que MM. Hollmann et St Marseille prononceront des déclarations liminaires. Vous pouvez débuter lorsque vous serez prêts. Vous disposez de cinq minutes, et nous écouterons d’abord M. Hollmann. Après la déclaration de M. St Marseille, nos sénateurs poseront des questions. Veuillez débuter.

Jason Hollmann, directeur général, Direction générale des politiques d’asile, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Merci, madame la présidente. À vrai dire, nous avons une déclaration préliminaire conjointe.

Je voudrais remercier le comité de nous avoir invités à participer à son étude de la loi d’exécution du budget. Comme on l’a mentionné, je suis accompagné de mon collègue Chris Hamilton et de collègues de l’Agence des services frontaliers du Canada. Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de présenter certaines des modifications législatives importantes qui ont été proposées et qui contribueront à favoriser l’efficacité et l’efficience du système d’octroi de l’asile au Canada.

Le système d’octroi de l’asile au Canada reflète nos obligations internationales aux termes de la Convention sur les réfugiés de 1951 et du Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, qui protègent les réfugiés. Un système d’octroi de l’asile bien géré et efficace offre une protection conforme aux obligations internationales du Canada, tout en soutenant les efforts déployés pour que notre pays demeure sûr et sain.

Le Canada est préoccupé par l’ampleur des déplacements forcés dans le monde. Nous restons déterminés à assurer la sécurité des migrations, à maintenir un système de protection des réfugiés équitable et compatissant et à aider ceux qui ont besoin de protection face aux niveaux historiques de déplacements dans le monde.

Le système d’octroi de l’asile au Canada est sous pression en raison d’une hausse marquée du nombre de demandes d’asile, ce qui entraîne de longs délais de traitement et l’accumulation d’arriérés, ainsi qu’une incertitude prolongée chez les demandeurs.

Bien qu’un certain nombre de mesures aient été mises en place pour faire face au nombre de demandes dans le système, notamment le Protocole additionnel sur l’Entente sur les tiers pays sûrs au printemps dernier et la modification de la politique des visas concernant le Mexique en février de cette année, le système reste confronté à des défis. Par conséquent, des milliers de demandeurs sont confrontés à de longs délais d’attente à différentes étapes du processus.

Les mesures législatives proposées visent à relever les défis auxquels est confronté le système d’asile au Canada en implantant des gains d’efficacité et des améliorations à l’échelle du système.

[Français]

Ces modifications législatives visent à éliminer les goulots d’étranglement à l’échelle du système en simplifiant et en épurant le processus de demande afin de renforcer l’intégrité du programme et d’accélérer le traitement des demandes d’asile. Ces changements rendront le système plus rapide et plus simple pour les demandeurs. Ils contribueront à rendre le processus plus clair pour les demandeurs et à faire en sorte qu’ils n’aient à fournir leurs renseignements qu’une seule fois.

Ces changements exigeront la soumission des demandes en ligne, ce qui simplifiera notre processus de réception des demandes. Les demandeurs soumettront tous leurs renseignements, y compris le fondement de leur demande, à un seul endroit et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada sera en mesure de fournir à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) ces informations dans un dossier complet, prêt à faire l’objet d’une décision. Il s’agit d’une démarche conviviale qui soutient l’approche « une fois suffit ».

[Traduction]

Dans le système actuel, les demandeurs d’asile doivent remplir plusieurs documents pour présenter leurs demandes. De plus, les documents diffèrent selon que la demande est présentée à un point d’entrée officiel ou à un bureau intérieur.

La création d’un modèle de traitement plus complet pour des demandes uniques en ligne encouragera les demandeurs à fournir leurs données en un seul endroit et générera une efficacité opérationnelle et de programme. Ce modèle permettra d’effectuer tous les examens et vérifications et de n’envoyer à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, ou CISR, que des dossiers complets et prêts à être mis à l’horaire. Cela permettra de minimiser les reports et la reprogrammation des audiences de la CISR et de faire avancer les dossiers aussi rapidement que possible.

Le texte de loi modifiera également la manière dont les mesures de renvoi sont émises. Aujourd’hui, les mesures de renvoi sont émises au début du processus pour toutes les personnes qui présentent une demande, mais elles ne sont pas exécutées tant que la CISR ne rejette pas la demande. À l’avenir, les mesures de renvoi ne seront émises qu’une fois que la CISR aura rejeté la demande d’asile ou l’aura déclarée retirée ou abandonnée. Les modifications élimineraient cette pratique qui prend beaucoup de temps, et les mesures de renvoi ne seraient alors émises qu’aux demandeurs d’asile dont la demande est rejetée.

Des modifications supplémentaires donneront aussi à la CISR le pouvoir d’exiger de ses membres qu’ils utilisent les outils et les modèles prescrits pour rendre les décisions et les motifs, ce qui contribuera aussi à accélérer la communication des décisions aux demandeurs.

[Français]

Enfin, j’aimerais souligner que ces modifications législatives ne changent pas les conditions d’admissibilité des demandeurs. Notre objectif est de faire en sorte qu’un demandeur reçoive aujourd’hui la même décision après ces changements, dans l’espoir qu’il la reçoive plus rapidement et qu’il soit moins appelé à fournir de nouveau les mêmes renseignements.

[Traduction]

Le gouvernement a pour objectif d’adapter le système aux réalités d’aujourd’hui et de faire en sorte qu’il puisse faire face aux défis de demain, en s’attaquant aux volumes de demandes, en améliorant l’efficacité du système et en améliorant les services aux demandeurs d’asile.

C’est avec plaisir que je répondrai à toutes vos questions au sujet de ces modifications législatives.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Hollmann.

Chers collègues, vous connaissez la chanson : vous avez quatre minutes chacun pour les questions et les réponses et vous êtes priés d’indiquer à quel fonctionnaire vous adressez la question.

Monsieur Hollmann, j’ai une question à vous poser. Vous avez déclaré d’emblée — et nous sommes du même avis — que les déplacements forcés dans le monde ont atteint un niveau record. Le Comité sénatorial des droits de la personne réalise d’ailleurs une étude sur les déplacements forcés dans le monde. Cependant, vous avez également déclaré que l’objectif du gouvernement n’est pas seulement d’être juste et équitable envers les personnes vulnérables, mais aussi d’être efficace et efficient.

Ma question est la suivante : est-ce que l’efficacité et l’efficience compromettent les principes d’équité et de justice lorsque les délais sont écourtés, notamment? C’est toujours une réalité qui m’inquiète.

M. Hollmann : Je vous remercie, madame la présidente. En fait, les mesures que nous proposons dans le projet de loi sont toutes conçues pour remédier à la situation que vous soulevez.

Le gouvernement cherche vraiment à déterminer comment nous pouvons rendre le système plus efficace, en transférant les goulots d’étranglement entre les ministères sans compromettre l’équité ou la compassion dont le système fait preuve. Aucun de ces changements n’est conçu pour être restrictif. En fait, ils visent à fournir un meilleur service aux demandeurs et à leur permettre de recevoir leurs décisions plus rapidement.

La présidente : Et s’ensuivra une procédure accélérée, qui plaira à tout le monde, y compris les demandeurs d’asile eux‑mêmes. La procédure leur permettrait-elle encore d’avoir suffisamment de temps pour consulter un avocat, ce qui est un grand défi pour les personnes dans cette situation?

M. Hollmann : Oui. La première partie du processus sera conçue de manière à laisser du temps entre la réception initiale de la demande — c’est-à-dire l’enregistrement des informations sur la personne et la collecte des données biométriques — et le moment où le demandeur doit fournir les informations dans la demande unique en ligne, qui comprend le fondement de la demande. C’est à ce moment-là que les demandeurs sont le plus susceptibles de consulter un avocat. Les délais exacts seront déterminés dans le règlement.

La présidente : Je pourrai peut-être revenir à cette question tout à l’heure.

La sénatrice Osler : Je remercie les témoins d’être ici aujourd’hui.

J’ai une question en deux parties pour les représentants de l’ASFC et d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC. Premièrement, quels sont les principaux indicateurs de rendement qui montrent que le processus sera rationalisé tout en restant juste? Deuxièmement, entrevoyez-vous des conséquences inattendues découlant des changements proposés? Nous pourrions peut-être d’abord entendre les représentants de l’ASFC, puis ceux d’IRCC. Quels sont les indicateurs de rendement pour déterminer si le processus est rationalisé, et la justice et l’équité seront-elles maintenues?

Richard St Marseille, directeur général, Direction des politiques sur l’immigration et les examens externes, Agence des services frontaliers du Canada : Je vous remercie de votre question. En ce qui concerne les indicateurs de rendement, nous en relèverons un certain nombre dans le processus de soumission au Conseil du Trésor une fois que les amendements législatifs seront adoptés, s’ils le sont.

Je me concentrerai plus particulièrement sur les amendements se rapportant le plus au rôle de l’ASFC au point d’entrée. Une série d’amendements dans cette liasse reporteront l’exécution d’une mesure de renvoi et la délivrance d’une mesure de renvoi. Il y aura des indicateurs de rendement pour mesurer la rationalisation de ce processus, par exemple. Aujourd’hui, plus de 60 à 65 % des demandeurs voient leur demande aboutir. Nous éliminerons la délivrance de mesures de renvoi pour cette proportion. Elles ne seront émises qu’en cas de rejet de la demande. Une série d’indicateurs de rendement entourant ce processus est particulièrement pertinente pour le rôle de l’ASFC dans l’accueil des demandeurs d’asile.

En ce qui concerne l’équité procédurale, comme l’a mentionné M. Hollmann, un ensemble d’amendements à la diligence raisonnable du ministre permettront à IRCC et à l’ASFC de préparer ce que nous appelons des dossiers prêts à être entendus. Dans ce processus, le demandeur aura la possibilité de consulter un avocat. Des mesures d’équité procédurale encadreront la soumission des formulaires et un système unique, peu importe le lieu de la demande. Ainsi, tous les demandeurs bénéficieront de la même procédure et des mêmes garanties d’équité procédurale, qu’ils présentent leur demande à un point d’entrée ou à IRCC au Canada.

La sénatrice Osler : Merci.

M. Hollmann : Merci pour cette question. En complément de réponse, je dirai que nous élaborons également des indicateurs de résultats. Comme je l’ai dit, si l’objectif est de rendre le système plus rapide, nous noterons les délais des différentes étapes du processus. Ces délais sont également influencés par les volumes, mais nous en tiendrons compte.

Pour ce qui est de l’équité, nous avons également essayé de relever d’éventuelles lacunes. L’une des mesures consiste à désigner des représentants à différents stades de la procédure d’immigration.

À l’heure actuelle, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié désigne des représentants pour les mineurs et les personnes qui ne comprennent pas la procédure. L’une de nos mesures permettra à ces représentants d’être désignés pour d’autres étapes, telles que l’examen des risques avant renvoi.

[Français]

Le sénateur Cormier : Ma question est destinée à IRCC et je la poserai en français.

La hausse importante du flux de demandes d’asile dans les dernières années a mis en lumière le manque de ressources auquel les organismes de soutien sont confrontés. C’est certainement le cas dans ma province, le Nouveau-Brunswick.

Dans quelle mesure le budget de 2024 tient-il compte des besoins de ces organismes dans la distribution des ressources financières? Est-ce que le gouvernement a consulté ces organismes? A-t-il prévu d’augmenter leur financement pour répondre aux besoins importants?

M. Hollmann : Merci pour la question, monsieur le sénateur. Je vais y répondre en anglais.

[Traduction]

Le budget propose un financement de 1,1 milliard de dollars sur trois ans, destiné à maintenir les logements provisoires fournis par le gouvernement pour répondre aux besoins des demandeurs d’asile. Ces services ne font l’objet d’aucune modification législative, mais je pense que le gouvernement reconnaît la nécessité de coopérer avec les administrations pour veiller à ce que les demandeurs d’asile bénéficient d’un soutien à leur arrivée.

[Français]

Le sénateur Cormier : Il n’y a pas de mesures précises pour aider les organismes de soutien, qui font un travail colossal dans les provinces et territoires?

[Traduction]

M. Hollmann : Du financement leur est alloué, comme le prévoit le Programme d’aide au logement provisoire. Ce programme rembourse les administrations, les provinces et les municipalités pour leur permettre d’apporter un soutien aux demandeurs d’asile sous forme de logement provisoire.

[Français]

Le sénateur Cormier : D’accord. Les modifications proposées à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) par l’intermédiaire du projet de loi C-69 pourraient-elles faciliter le processus de demande d’asile pour les personnes issues de la communauté 2ELGBTQI+, pour qui la production de documents exigés pour soutenir une demande d’asile présente un défi considérable, étant donné les risques d’être « sorties du placard »? Quels sont les obstacles supplémentaires que les demandeurs d’asile racisés ou marginalisés, comme les membres des communautés 2ELGBTQI+, pourraient expérimenter en raison des nouvelles dispositions de la section 38 du projet de loi C-69?

[Traduction]

M. Hollmann : L’intention derrière bon nombre de ces mesures est de faciliter le système pour les demandeurs. Nous n’avons pas proposé de mesures qui rendront le processus plus difficile pour un groupe donné. La demande unique en ligne vise en fait à rationaliser les informations que les demandeurs devront fournir, y compris en combinant certains des formulaires qu’ils doivent remplir maintenant afin que les demandeurs ne nous soumettent les informations qu’une seule fois.

[Français]

Le sénateur Cormier : D’accord.

[Traduction]

La sénatrice Moodie : Mes questions s’adressent probablement à M. St Marseille, mais je vous laisse en juger.

En mai 2019, le gouvernement a retiré tous les pays de la liste de désignation de pays d’origine. Quelles conséquences avez‑vous déjà constatées à la suite de cette mesure? Le gouvernement prévoit-il d’autres conséquences de l’abrogation de l’article 109.1 de la loi que celles que vous avez peut-être déjà observées?

M. St Marseille : Merci. Mon collègue, M. Hollmann, va répondre à cette question.

M. Hollmann : Merci pour cette question. Cette mesure a été déclarée inconstitutionnelle, ce qui a mené à la radiation de ces pays de la liste. Les changements maintenant proposés visent simplement à s’assurer que les changements législatifs reflètent la décision qui a déjà été prise. Il ne devrait pas y avoir d’autres répercussions.

La sénatrice Moodie : D’accord. Je crois que ma deuxième question s’adresse à vous, monsieur Hollmann.

Quelles consultations ont été menées avec les différentes parties prenantes, y compris les communautés touchées, afin d’éclairer l’élaboration des amendements que nous avons sous les yeux? Si vous avez mené de telles consultations, comment les commentaires des intervenants ont-ils été pris en compte dans ces amendements?

M. Hollmann : Oui, nous avons eu des discussions informelles avec un certain nombre d’intervenants, dont certains font partie du groupe de témoins que vous entendrez après le nôtre, pour connaître certains des défis auxquels le système est confronté et certaines des suggestions d’amélioration. Nous en avons tenu compte lorsque nous nous sommes penchés sur les changements proposés. Nous avons également étudié des exemples d’autres pays. Il est évident que les systèmes internationaux fonctionnent très différemment, mais nous avons essayé de trouver les pratiques exemplaires internationales.

La sénatrice Moodie : Pouvez-vous nous donner les pratiques exemplaires que vous avez trouvées? Quelles pratiques exemplaires avez-vous relevées?

M. Hollmann : Oui. Certaines des mesures, y compris celles qui simplifient le processus de réception des demandes et qui tentent d’alléger le processus, s’inspirent de certaines des procédures observées à l’étranger.

La sénatrice Moodie : Pouvez-vous nous donner les pays précis? Pouvez-vous les nommer?

M. Hollmann : Nous avons étudié un certain nombre de pays et avons visité, en particulier, l’Allemagne et la Suisse.

La sénatrice Moodie : Merci.

La sénatrice Bernard : Ma question s’adresse à l’ASFC. Comme on l’a mentionné, la section 38 modifierait la procédure de renvoi, en la reportant dans la plupart des cas jusqu’au rejet de la demande d’asile.

Pouvez-vous nous dire dans quels cas les mesures de renvoi ne seraient pas reportées?

M. St Marseille : Oui. Merci pour votre question. Le règlement définira les cas. Le principe général que nous avons l’intention d’élaborer dans le règlement fera l’objet d’une consultation publique, si nous en arrivons à ce stade.

En ce qui concerne le déroulement prévu des opérations, les motifs d’interdiction de territoire qui sont directement liés à un demandeur d’asile, par exemple, comprennent la demande du statut de résident permanent sans visa de résident permanent; dans certains cas, les fausses déclarations; ou l’absence de pièces d’identité adéquates. Si les seules interdictions de territoire en jeu sont directement liées à la demande d’asile et ne concernent pas, par exemple, la sécurité, la criminalité ou d’autres violations des droits de la personne, la mesure de renvoi ne sera émise qu’après la décision sur la demande d’asile. Les mesures de renvoi continueront d’être émises pour les personnes dont l’interdiction de territoire est liée à ces autres motifs, c’est-à-dire les motifs graves.

La sénatrice Bernard : Je vous remercie. J’aimerais avoir un peu plus d’informations sur la situation des mineurs. Pouvez‑vous nous en dire un peu plus sur la situation actuelle et sur les raisons qui ont motivé la désignation d’un représentant pour les mineurs? Comment les dossiers des mineurs sont-ils traités aujourd’hui et qu’est-ce qui a conduit à ce changement?

M. Hollmann : Je pense que, en ce moment, le degré de soutien qu’ils peuvent recevoir est un peu flou. Nous essayons de faire préciser dans la loi que les mineurs et les personnes qui ne comprennent pas le processus auront accès à un représentant désigné à différentes étapes du processus afin que nous puissions suivre le même type d’approche que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Idéalement, nous nous efforcerons, pendant le processus réglementaire, de permettre aux demandeurs de conserver le même représentant désigné tout au long du processus de demande d’asile.

La sénatrice Bernard : Comment les mineurs sont-ils traités aujourd’hui? Vous dites que c’est un peu flou, mais qu’est-ce que cela signifie? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, s’il vous plaît?

M. Hollmann : Oui, il faudra que je réponde à cette question précise ultérieurement. C’est plutôt une question de première ligne, opérationnelle, par opposition à mon domaine d’expertise.

La sénatrice Bernard : D’accord. Merci.

La sénatrice McPhedran : Je remercie les fonctionnaires d’être parmi nous. Si je peux me permettre de noter aux fins du compte rendu que, si nous revenons à ce projet de loi après une étude préliminaire, nous pourrions envisager les avantages de recevoir les défenseurs des réfugiés avant les fonctionnaires. Si c’est possible, je pense que cela pourrait être utile.

Ma question s’inspire de mon assez vaste expérience en matière d’évacuations d’urgence, principalement de femmes afghanes en danger en 2021. J’aimerais connaître votre interprétation des amendements proposés en ce qui concerne les demandes en ligne. Que se passe-t-il lorsqu’il est vraiment impossible de se connecter à Internet? Bon nombre des femmes que nous avons pu évacuer n’avaient pas la possibilité de se connecter, car cela aurait sans aucun doute mis leur vie encore plus en danger qu’elle ne l’était déjà. Les raids ont tout détruit.

Qu’arrive-t-il dans les situations impliquant des demandeurs potentiels du statut de réfugié et d’asile dont les raisons sont très valables, mais qui ne peuvent pas envoyer leurs demandes en ligne?

M. Hollmann : Merci pour cette question. Lorsque la demande en ligne est remplie, les demandeurs sont déjà au Canada. Ils sont déjà passés par le point d’entrée et ont déjà effectué une première partie de la procédure avant de remplir la demande, de sorte que de nombreuses personnes au Canada devraient bénéficier d’un accès accru. Cela dit, pour les demandeurs qui ne sont pas en mesure de remplir la demande en ligne, il existe des dispositions permettant de remplir les demandes en format papier.

La sénatrice McPhedran : Cela ne signifie-t-il pas que seules les personnes qui se trouvent au Canada peuvent commencer leurs demandes en ligne ou autrement? J’aimerais croire que les événements en Afghanistan ne se reproduiront pas. Cependant, je ne pense pas que ce soit une attente pratique ou réaliste. Quelles sont les dispositions prévues pour les personnes qui répondent à nos critères, mais qui ne sont pas en mesure de se rendre au Canada à ce moment-là ou même de se connecter à Internet?

M. Hollmann : D’autres programmes d’immigration sont conçus pour répondre aux crises internationales. En particulier, le Programme canadien d’aide à la réinstallation est conçu pour travailler avec des organisations à l’étranger et faire venir des réfugiés au Canada. Le système d’octroi de l’asile est conçu pour aider les personnes qui se trouvent déjà au Canada et qui souhaitent déposer une demande de protection.

La sénatrice McPhedran : Si je comprends bien votre réponse, les amendements de fond qui sont proposés ne concernent en rien les personnes qui se trouvent à l’étranger?

M. Hollmann : C’est exact.

La présidente : Les membres de ce comité — ainsi que la plupart des Canadiens, je suppose — sont préoccupés par l’augmentation de l’arriéré. Ces amendements et ces mesures permettront-ils de réduire l’arriéré dans une grande ou une petite mesure? Dans quelle mesure les délais de traitement des demandeurs d’asile seront-ils réduits? Il semble que tout dépend du moment.

M. Hollmann : L’objectif de ces mesures est de rationaliser le système tel qu’il existe aujourd’hui et de le simplifier pour nous permettre de rendre plus rapidement les décisions définitives aux demandeurs. Toutefois, notre capacité à le faire dépendra aussi des volumes de demandes. Il est difficile de donner une réponse précise, mais l’intention réelle — si ces mesures s’appliquaient au nombre de personnes dans le système aujourd’hui et aux volumes de demandes actuels — permettra d’accélérer le système pour ceux qui ont déjà présenté une demande et de réduire les arriérés qui existent actuellement.

La présidente : Monsieur Hollmann, à combien de demandes s’élève l’arriéré actuellement?

M. Hollmann : Les demandes d’asile sont de plus en plus nombreuses. L’année dernière, le Canada a reçu 144 000 demandes d’asile. Le nombre de demandes rendues à l’étape de la détermination initiale de l’admissibilité s’élève à environ 34 000. Bien qu’elles relèvent de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, je crois savoir que le nombre de demandes en attente d’une décision est d’environ 180 000.

La présidente : Bon sang. Je vois. Vous ne représentez pas la commission, alors j’imagine que vous ne sauriez nous dire combien d’entre elles sont désuètes, n’est-ce pas?

M. Hollmann : C’est exact.

La présidente : D’accord. Nous poserons cette question dans le cadre d’une autre étude.

[Français]

Le sénateur Cormier : J’aimerais revenir à la question des ressources attribuées aux organismes de soutien. Je comprends qu’il y a un flux d’arrivées qui est trop grand et que le Canada n’est pas en mesure de le traiter adéquatement. Il y a l’idée de simplifier le processus, mais je me demande — et je ne suis pas certain d’avoir reçu une réponse claire de votre part, monsieur Hollmann — comment les besoins des organismes de soutien sont pris en compte dans ce projet de loi.

Je vais vous donner un exemple qui remonte à un an, mais c’est tout de même une réalité. Quand il y a eu un flux d’arrivées, on a envoyé ces personnes dans les provinces et les territoires. Au Nouveau-Brunswick, il y a eu une situation épouvantable où IRCC a laissé une dame à Moncton dans une chambre d’hôtel sans soutien, car les ressources provinciales et territoriales — et aussi locales, dans ce cas-ci — n’étaient pas suffisantes. Le problème n’est-il pas en partie là? Est-ce que le gouvernement fédéral a pris cela en compte dans l’élaboration de ces modifications?

[Traduction]

M. Hollmann : En ce qui concerne l’aide aux demandeurs d’asile, le rôle du gouvernement fédéral est généralement de veiller à ce que les demandeurs bénéficient d’une aide médicale provisoire, d’une aide juridique et d’un permis de travail afin qu’ils puissent subvenir à leurs besoins pendant que leur demande est en cours d’examen.

Les autres services de soutien sont habituellement offerts par d’autres ordres de gouvernement. Le gouvernement fournit une aide supplémentaire en matière de logement provisoire depuis 2017 compte tenu du grand nombre de demandeurs qui arrivent au pays et pour pouvoir aider les administrations à gérer les volumes qu’elles reçoivent.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je comprends ce que vous dites par rapport aux champs de compétence et aux responsabilités, mais dans ce cas-ci, il y a manifestement eu un défi de concertation entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires pour bien accueillir ces demandeurs d’asile. À votre avis, est-ce qu’il y a un défi dans la relation entre le gouvernement fédéral et les provinces pour assurer une certaine cohérence dans les actions permettant d’accueillir ces réfugiés?

[Traduction]

M. Hollmann : Nous travaillons d’arrache-pied avec tous les ordres de gouvernement pour veiller à ce que les demandeurs reçoivent l’aide prévue. Comme je l’ai dit, le rôle du gouvernement fédéral porte généralement sur les domaines que j’ai mentionnés, et les logements provisoires ont été ajoutés à ce rôle. Nous étudions de nouveaux modèles, y compris des centres d’accueil, mais il s’agit d’une compétence partagée, et nous aimerions travailler avec tous les ordres de gouvernement pour veiller au soutien des demandeurs.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci.

[Traduction]

La présidente : J’aimerais simplement demander une précision, monsieur Hollmann. Le montant de 1,1 milliard de dollars pour le logement provisoire représente-t-il une augmentation?

M. Hollmann : Oui. Il s’agit de financement supplémentaire par l’entremise du Programme d’aide au logement provisoire.

La présidente : À combien s’élève la totalité de l’enveloppe budgétaire?

M. Hollmann : Je crois que, à ce jour, les dépenses s’élèvent à 700 millions de dollars.

La sénatrice Moodie : Je voudrais revenir sur l’amendement qui confère au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile le pouvoir de désigner, dans le cadre de certaines procédures ou demandes, un représentant aux personnes âgées de moins de 18 ans. C’est ce dont je veux parler.

Comment ces représentants sont-ils sélectionnés? D’où viennent-ils? Qui sont ces personnes et quels critères servent à les sélectionner? Comment allez-vous les mettre en contact avec ces enfants, ces mineurs? Que se passera-t-il si la sélection pose des problèmes? Qu’adviendra-t-il si on ne peut faire de jumelage? S’agit-il de membres de familles ou de fonctionnaires? Qui sont ces personnes?

M. Hollmann : Je pense que l’approche sera définie dans le règlement au moment où nous serons rendus à cette étape. Actuellement, les représentants désignés sont nommés par les décideurs de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, et nous envisageons de suivre une approche similaire à celle qui est déjà utilisée.

La sénatrice Moodie : Éclairez-moi. S’agit-il d’avocats? Qui sont ces personnes actuellement désignées? Je pose ces questions pour ma gouverne. Je ne connais pas les réponses.

M. Hollmann : Je crois comprendre qu’il peut s’agir d’un parent, d’un membre de la famille, d’un tuteur légal.

La sénatrice Moodie : Ce pourrait donc être un membre de la famille.

M. Hollmann : Il pourrait aussi s’agir de quelqu’un qui a été choisi.

La sénatrice Moodie : Ce pourrait peut-être être quelqu’un qui a des liens avec l’enfant.

M. Hollmann : Oui.

La sénatrice Moodie : D’accord. Merci.

La sénatrice McPhedran : Je n’avais pas l’intention de le faire, mais je voudrais maintenant revenir sur la question de la sénatrice Moodie parce que je suis préoccupée par le libellé, et j’espère que vous pourrez clarifier un peu plus la désignation du représentant.

Voici ma question précise, basée sur un certain nombre de cas où nous avons réussi à faire sortir d’Afghanistan des enfants sans parents pour les emmener dans des camps, et où le Canada n’acceptait pas le fait que l’aîné de la fratrie avait 18 ans. Cela s’est produit plus d’une fois. Nous demandions que les aînés soient désignés comme représentants pour eux-mêmes et leurs frères et sœurs plus jeunes afin qu’ils puissent être traités comme une unité. Il est apparu que, à l’époque, les changements discrétionnaires étaient autorisés pour les personnes venant d’Ukraine, mais pas pour celles venant d’Afghanistan.

Je vous prierais de répondre à cette question. Le projet de loi va-t-il régler cette situation? Ou la décision demeurera-t-elle discrétionnaire, de sorte que nous pourrions nous retrouver à nouveau face à une situation où un frère ou une sœur de plus de 18 ans est bloqué parce qu’il n’est pas reconnu comme représentant désigné?

M. Hollmann : Lorsque nous élaborerons les règlements pour mettre en œuvre cette mesure, nous examinerons les différents exemples de situations où des représentants désignés ont été utilisés. Nous avons l’intention cependant que le système d’asile veille, dans la mesure du possible, à ce que des approches semblables soient utilisées tout au long du continuum. C’est pourquoi, comme je l’ai mentionné plus tôt, nous examinerons précisément la manière dont la CISR met en œuvre ce processus à l’heure actuelle.

La sénatrice McPhedran : Pouvez-vous prendre l’engagement, au nom de votre ministère, à ce que cette situation soit inscrite à l’ordre du jour pour être traitée?

M. Hollmann : J’ai pris note des défis que vous avez soulevés, et nous...

La sénatrice McPhedran : Et pouvez-vous vous engager à ce qu’elle fasse partie du document pour le travail qui doit être effectué à l’étape de la réglementation?

M. Hollmann : Nous ne manquerons pas d’examiner les situations en Ukraine et en Afghanistan pour les représentants désignés.

La sénatrice McPhedran : Merci. Je voulais aborder l’alinéa e), qui est lié à l’alinéa h), où il est question de la section 38 :

exiger que certains demandeurs d’asile soient autorisés à entrer au Canada et à y séjourner jusqu’à ce qu’il soit statué en dernier ressort sur leur demande;

Le terme « exiger » m’intéresse beaucoup.

Par ailleurs, l’alinéa h) se lit comme suit :

contraindre la Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés à surseoir à l’étude de l’affaire si le demandeur n’est pas présent au Canada;

Je veux juste qu’on me dise si je comprends la relation entre les deux alinéas — à savoir qu’il y a l’exigence apparente qu’ils doivent toujours être au Canada, que l’alinéa e) devient une solution potentielle pour contourner le problème dans les cas où le processus ne peut pas gérer l’urgence et qu’ils sont donc autorisés à entrer au Canada jusqu’à ce qu’une décision finale soit prise. Je veux simplement savoir si j’ai bien compris. Si ce n’est pas le cas, je vous prierais de m’éclairer.

M. Hollmann : C’est peut-être une question à laquelle il serait peut-être préférable que je réponde par écrit. Je n’ai pas suivi exactement les dispositions auxquelles vous avez fait référence.

De façon générale, c’est un système d’asile canadien qui est disponible aux personnes qui arrivent au Canada, et nous voulons nous assurer que durant la procédure, y compris au moment de l’audience, la personne continue d’être au Canada.

La sénatrice McPhedran : Oui. Je comprends cela, mais pour vous relire l’alinéa e), l’effet est le suivant :

exiger que certains [...]

... et ce n’est pas défini...

[...] demandeurs d’asile soient autorisés à entrer au Canada et à y séjourner jusqu’à ce qu’il soit statué en dernier ressort sur leur demande;

Là encore, je m’intéresse au verbe « exiger ». J’espère que vous pourrez nous aider ou m’aider à comprendre ce qui se passerait réellement dans les cas où cette exigence serait respectée.

M. St Marseille : Je vous remercie de la question. Il s’agit d’une nuance liée à ce dont nous avons parlé plus tôt à propos de l’application différée. Nous n’aurons plus de mesures de renvoi pour certains demandeurs et nous en aurons pour d’autres. Il y a un certain nombre d’amendements techniques qui permettent cela.

Lorsqu’une personne dépose une demande, l’agent doit la laisser entrer. Il n’y aura plus de procédure de mesure de renvoi qui permette ce genre de choses. Le terme « certains » entre guillemets se rapporte aux demandeurs d’asile qui sont soumis à cette exigence et la partie « à l’extérieur du Canada » de la Section de la protection des réfugiés vise à préciser qu’elle n’a pas compétence pour entendre les demandes d’asile lorsqu’une personne se trouve à l’extérieur du pays. Il y a deux amendements à ce sujet. Il y a, d’une part, la Section de l’immigration du point de vue de l’interdiction de territoire et, d’autre part, la Section de la protection des réfugiés du point de vue de la détermination du statut de réfugié. C’est simplement pour préciser explicitement que la compétence de la CISR s’applique aux cas physiquement présents au Canada.

La sénatrice McPhedran : Je trouve également très intéressant que le verbe utilisé soit « exiger » alors qu’il s’agit d’un processus hautement discrétionnaire.

M. St Marseille : Pour un demandeur du statut de réfugié?

La sénatrice McPhedran : Pour le ministère et le ministre.

M. St Marseille : C’est pour tenir compte des obligations internationales visant à permettre aux demandeurs d’asile d’entrer au Canada. Ils devront être autorisés à entrer au Canada pour que leur demande soit entendue.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci aux témoins d’être parmi nous aujourd’hui.

Je vous ai entendu dire plus tôt que les modifications proposées à la section 38 pour réduire les échéanciers et rendre le système plus efficace et plus efficient seront applicables aux nouveaux demandeurs d’asile et à certains dossiers qui traînent.

Est-ce que cela a aussi un effet sur les dossiers qui traînent ou qui sont gérés par le Mexique? Parce que vous savez que le représentant d’IRCC... On sait que tous les dossiers qui viennent d’Haïti sont gérés par le bureau du ministère au Mexique.

Est-ce que ce changement peut être applicable à ces dossiers également?

[Traduction]

M. Hollmann : Je vous remercie de la question. Lorsque vous parlez des dossiers de Haïti traités par le bureau de Mexico, vous faites référence aux demandes d’immigration régulières ou aux demandes de visa de résident temporaire. Dans ce cas-ci, puisqu’il s’agit de demandeurs d’asile qui seraient arrivés au Canada et auraient présenté une demande au Canada, ce processus se déroule uniquement au Canada, soit à un point d’entrée, soit dans un bureau intérieur.

Les mesures s’appliqueraient aux nouveaux demandeurs, car les demandeurs existants dans le système n’auraient pas besoin de soumettre à nouveau leurs renseignements, par exemple, simplement parce que nous créons une demande unique en ligne. Leurs demandes existantes continueraient d’être traitées. Toutefois, si des mesures profitent aux demandeurs en raison des changements apportés au processus à d’autres étapes, ils bénéficieront de ces changements à mesure que nous les mettrons en œuvre.

[Français]

La sénatrice Mégie : Si je comprends bien, on parle de ceux qui sont au Canada et qui ont fait leur demande au Canada. Donc, tous les dossiers qui traînent à d’autres points de service d’IRCC ne comptent pas, il n’y aura pas d’action là-dessus?

M. Hollmann : Ils ont des applications pour différents programmes à part du système d’asile.

La sénatrice Mégie : D’accord; cela n’a aucun rapport, même quand ce sont des demandeurs d’asile?

M. Hollmann : On n’a pas de demandeurs d’asile qui sont à l’extérieur du Canada. Le système d’asile est destiné seulement à ceux qui sont déjà arrivés au Canada.

La sénatrice Mégie : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Burey : Je vous remercie d’être ici. Ma question porte sur la section 38 de la partie 4, à l’alinéa c), concernant la décision d’abandonner des demandes dans certaines circonstances.

Premièrement, je veux comprendre quelle est la situation actuelle sur la manière dont cette décision est prise. Deuxièmement, qu’est-ce que cette disposition changerait? Troisièmement, quelles mesures ou politiques, s’il y en a, sont actuellement envisagées pour empêcher une décision arbitraire d’abandonner une demande?

M. Hollmann : À l’heure actuelle, les demandes sont abandonnées ou retirées par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, et il existe des procédures. Le changement que nous mettons en œuvre vise à permettre que ces décisions soient examinées plus tôt dans le processus. L’une des mesures dont nous avons parlé précédemment consistait à veiller à ce que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié reçoive des dossiers complets et prêts à être traités en vue de rendre une décision. Il se peut donc que certaines personnes souhaitent retirer leur demande avant qu’elles soient transmises à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Nous n’avons pas de mécanisme en place à l’heure actuelle qui permet de prendre en considération cette éventualité. Dans ce cas-ci, nous avons fait des ajustements pour permettre à une personne de retirer sa demande plus tôt dans le processus.

La sénatrice Burey : Si je vous comprends bien, il n’est question que du retrait de demandes?

M. Hollmann : Il y a aussi l’abandon de demandes. Si quelqu’un ne remplit pas les documents requis, par exemple, nous définirions des délais dans la réglementation, notamment, mais à un moment donné, sa demande devra être déclarée comme étant abandonnée si nous ne recevons pas tous les documents requis, par exemple.

La sénatrice Burey : Je vous remercie.

La sénatrice Moodie : Je suis désolée, monsieur Hollmann, mais nous devons revenir aux alinéas e) et h). J’ai un peu de mal à comprendre le libellé que la sénatrice McPhedran a mentionné précédemment.

Deux éléments me posent problème: le verbe « exiger » à l’alinéa e) pour être autorisé à entrer au pays et l’exigence à l’alinéa h) de surseoir à l’étude de l’affaire si le demandeur n’est pas présent au Canada.

Ces deux formulations ne sont pas logiques à mes yeux, car elles semblent contradictoires. L’une dit qu’il faut laisser entrer la personne pour aller de l’avant avec la demande et l’autre dit que la demande ne sera pas examinée si la personne n’est pas présente. Vous pouvez peut-être m’éclairer à ce sujet, car le libellé actuel n’est pas clair.

Par ailleurs, il est question de certains réfugiés et de certaines affaires. Pouvez-vous apporter des éclaircissements? Qui sont certains de ces demandeurs d’asile à l’alinéa e) et ces affaires auxquelles vous faites référence à l’alinéa h)?

Ce n’est qu’une précision concernant le libellé.

M. St Marseille : Merci de la question. Pourriez-vous me donner la disposition exacte?

La sénatrice Moodie : Il s’agit des alinéas e) et h).

M. St Marseille : Est-ce l’article 3...

La sénatrice Moodie : Ce sont les alinéas e) et h), à la section 38. C’est la section 38 de la partie 4, à l’alinéa e), et le deuxième passage est à l’alinéa h). À l’alinéa e), il est question d’« exiger que certains », et je veux savoir qui sont ces demandeurs d’asile qui sont autorisés à entrer au Canada. Il semble que si je suis à la frontière, vous devez me laisser entrer.

Le deuxième, l’alinéa h), dit que les deux sections de la protection et d’appel doivent surseoir l’étude de l’affaire si vous n’êtes pas présent.

Vous dites que vous allez laisser entrer les réfugiés, mais vous dites aussi que vous suspendrez l’étude de leur demande s’ils ne sont pas présents. Qu’en est-il au juste?

La présidente : C’est dans le sommaire du projet de loi C-69.

La sénatrice Moodie : C’est dans le projet de loi. Je l’ai sous les yeux.

M. Hollmann : Pour nous, c’était la section 38 de la partie 4, mais les amendements sont numérotés à partir de 300. Il y a de nombreux alinéas e) et h) dans les dispositions.

La présidente : C’est seulement à titre de précision.

La sénatrice Moodie : C’est la section 38 de la partie 4.

M. Hollmann : J’imagine que le document que nous avons est la version la plus détaillée par rapport à la version que vous avez.

La sénatrice Moodie : Si vous voulez continuer, madame la présidente, je la trouverai.

La présidente : Je vais poursuivre en attendant que la conversation se calme un peu. Chers collègues — mes remarques s’adressent à mes collègues —, cette discussion montre clairement que les amendements de fond apportés au processus de détermination du statut de réfugié dans la loi d’exécution du budget manquent de transparence et que nous sommes incapables de faire le travail comme nous devrions normalement le faire. Cela fait partie des observations.

Je reviens à ma première question sur le compromis entre l’efficacité et l’équité et la justice. Nous avons donc de nouveaux délais, mais ils ne sont pas encore connus parce que des consultations doivent être menées et des règlements doivent être élaborés. Il y a des renvois rapides et obligatoires en cas d’abandon. Il y a des conditions obligatoires qui sont encore inconnues. Il y a des interdictions de territoire présumées et des mesures de renvoi automatiques. Cela ne risque-t-il pas de faire passer les personnes les plus vulnérables entre les mailles du filet?

M. St Marseille : Merci, madame la présidente, de la question. En ce qui concerne les motifs d’interdiction de territoire, dans le cadre de la procédure actuelle, les agents appliquent déjà ces motifs d’interdiction de territoire dans le cadre du processus régulier. C’est sur cette base que la mesure de renvoi conditionnelle pour les demandeurs d’asile est émise. On n’ajoute donc pas de nouveaux motifs d’interdiction de territoire. On n’ajoute rien de nouveau quant aux mesures qui seraient appliquées à un demandeur d’asile d’un point de vue de l’interdiction de territoire au-delà de ce qui est la pratique courante dans la loi actuelle. On ne fait que codifier la procédure existante pour la rendre plus simple et plus rationnelle, alors qu’elle est un peu plus ambiguë dans la loi à l’heure actuelle.

Maintenant que nous disposons du document plus détaillé auquel vous faites référence, je pourrais revenir à la question de la sénatrice.

Merci. C’est un document sommaire. Si vous vous référez aux dispositions du projet de loi, il n’y a aucun lien entre les deux alinéas que vous avez mentionnés; ce sont des dispositions complètement distinctes dans le projet de loi. Donc, si vous regardez l’alinéa e), il renvoie à l’article 389. Donc, lorsque nous parlons de l’augmentation du nombre des demandeurs d’asile, la raison pour laquelle nous avons dû concevoir la loi ainsi était pour tenir compte du fait que la mesure de renvoi n’est plus émise et qu’il n’y aura plus de mesure de renvoi conditionnelle émise au moment de présenter une demande d’asile. Nous avons donc besoin d’un moyen juridique pour permettre aux demandeurs d’asile d’entrer au pays parce qu’ils n’auront plus cette mesure de renvoi conditionnelle lorsqu’ils entrent dans le système. Cela répond à la question sur l’alinéa e), c’est certain.

Donc, pour les demandeurs d’asile qui ne sont pas admissibles à ce processus simplifié, qui ont des motifs d’interdiction de territoire plus graves, c’est la procédure du statu quo qui s’appliquera. Il seront quand même autorisés à entrer au pays, mais la loi ne dictera pas qu’il faut les laisser entrer parce qu’ils feront l’objet d’une mesure de renvoi conditionnelle. Les motifs d’interdiction de territoire qui ne sont pas pertinents pour la demande d’asile seront également appliqués. C’est donc la raison qui explique ce libellé.

Les amendements proposés n’interdisent pas à un demandeur d’asile d’entrer au pays. L’obligation de les autoriser à entrer au pays vise simplement à clarifier la situation et à leur permettre d’entrer au pays, car il n’y aura plus de mesure d’exécution au moment de l’entrée. C’est donc une mesure de facilitation.

En ce qui concerne l’alinéa h), il renvoie à l’article 411. L’article 411 vise à préciser que la compétence de la Section de la protection des réfugiés ne s’applique que lorsqu’un demandeur est physiquement présent au Canada. Si le demandeur part, il y a un pouvoir de suspension, car elle ne peut pas entendre le demandeur s’il n’est pas physiquement présent dans le pays.

La sénatrice Moodie : Merci.

La présidente : La dernière question s’adresse à la sénatrice McPhedran.

La sénatrice McPhedran : Il s’agit davantage d’une question opérationnelle. Nous l’avons vu avec la Syrie. Nous l’avons vu avec l’Afghanistan. Nous l’avons vu avec l’Ukraine. C’est qu’au sein du ministère, des équipes spéciales ont été constituées, essentiellement une sorte d’équipe d’intervention rapide.

L’un ou l’autre de ces changements nous fait-il passer à une équipe d’intervention rapide permanente, avec l’intensification des efforts, le rassemblement des personnes, leur retrait des missions et leur arrivée d’autres pays, tout ce que nous avons vu dans les exemples récents précédents où les équipes ont été constituées? Veuillez me corriger si je n’ai pas bien compris, mais c’est ce que j’ai perçu dans ces trois situations. Afin de répondre aux demandeurs d’asile et d’essayer — pour reprendre la remarque de la sénatrice Omidvar — de ne pas choisir la voie de la facilité et d’abandonner les plus vulnérables parce qu’ils sont aussi les cas les plus complexes, que se passe-t-il au ministère pour renforcer les capacités et se préparer à intervenir rapidement pour éviter ce que nous avons vu dans le passé?

M. Hollmann : Merci de la question. Je pense que la situation que vous évoquez concerne à nouveau la capacité du gouvernement à répondre aux crises internationales. Des discussions sont en cours pour examiner nos interventions passées à ces crises et trouver un moyen d’aller de l’avant.

En ce qui concerne les mesures que nous avons devant nous, elles visent à améliorer notre capacité de fournir une protection à ceux qui sont déjà au Canada par l’entremise du système d’asile, et une partie de ce travail consiste à rationaliser le système pour simplifier les choses pour les clients afin qu’ils puissent obtenir une décision plus rapide et une certitude quant à la voie à suivre.

La sénatrice McPhedran : Je vous remercie. Mais avec tout le respect que je vous dois, je pense que c’est une interprétation assez étroite de ce que nous voyons devant nous. Si nous regardons l’alinéa e), nous voyons une situation où on fait entrer les gens au Canada. Ma question est donc pertinente en raison de la capacité du ministère, et ma question s’adresse autant au ministère qu’au gouvernement en tant que tel, parce que la mise en œuvre se fait au ministère. Donc, l’absence d’une capacité d’intervention rapide et d’une équipe d’intervention rapide prête à intervenir immédiatement pourrait également avoir une incidence sur ce type de demandes, car il doit y avoir un processus pour déterminer si ces personnes seront autorisées à entrer dans le pays jusqu’à ce qu’une décision finale soit prise, et il semblerait que le ministère doive raisonnablement disposer d’une capacité d’intervention rapide.

M. Hollmann : Dans le cadre du système d’asile au Canada, le gouvernement n’a pas pour rôle de faire venir des gens directement au Canada. Le système existe pour offrir une protection à ceux qui sont déjà au Canada.

La présidente : Je vous remercie, sénatrice McPhedran. Merci, chers collègues, d’être des nôtres aujourd’hui. Vous pouvez sentir que nous ne sommes pas tout à fait satisfaits de la situation. Nous devrons peut-être vous relancer sur certaines questions, mais dans l’intervalle, je tiens à vous remercier de votre présence ici et de nous avoir aidés à comprendre ces mesures budgétaires.

Pour notre deuxième groupe, nous accueillons des témoins par vidéoconférence et en personne. De l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, nous recevons Aviva Basman, présidente, et Amanda Aziz, co-présidente, Comité du plaidoyer. Du FCJ Refugee Centre, nous accueillons, par vidéoconférence, Sharry Aiken, présidente. Au nom du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés au Canada, nous recevons Azadeh Tamjeedi, conseillère juridique principale et cheffe de l’unité de protection, et Sarah Marinier Doucet, conseillère juridique adjointe.

Merci d’être des nôtres aujourd’hui. Nous commencerons par les déclarations liminaires de Me Basman, puis de Mme Aiken et de Mme Tamjeedi. Vous disposerez chacune de cinq minutes, puis nous passerons aux questions.

Maître Basman.

Me Aviva Basman, présidente, Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés : Bonjour. Au nom de l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, ou l’ACAADR, nous vous remercions de nous donner l’occasion de comparaître devant ce comité.

Premièrement, nous avons trois principales préoccupations à souligner cet après-midi et nous vous transmettrons un mémoire plus détaillé dans les prochains jours.

Premièrement, le fait d’apporter des modifications substantielles au processus de demande d’asile dans la loi d’exécution du budget manque de transparence et empêche une étude et une consultation sérieuses. Compte tenu des délais plus courts dans le cadre desquels la loi d’exécution du budget est examinée par le Parlement, il n’y a pas suffisamment de temps pour mener des consultations sérieuses avec les intervenants, comme vous l’avez signalé, ou une étude législative adéquate de ces changements.

En outre, toutes les répercussions des changements manquent de transparence, car les détails importants ne seront précisés que dans des règlements qui ne sont pas encore présentés.

On demande au Parlement d’adopter un projet de loi sans en comprendre toutes les répercussions sur les réfugiés et les migrants, et la société civile n’est pas en mesure de s’engager sérieusement, en raison des délais plus courts et l’absence de détails importants.

L’ACAADR recommande donc que la section 38 soit envoyée pour être étudiée au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes et qu’elle fasse l’objet d’un vote séparément du budget. De plus, l’ACAADR recommande que les règlements soient déposés en même temps afin de veiller à ce qu’une étude complète et sérieuse soit réalisée sur les répercussions des changements.

Nous saluons les efforts visant à simplifier les demandes d’asile. Cependant, en ce qui concerne la simplification du processus de demande d’asile, un processus simplifié et rationalisé doit garantir des délais suffisants et conserver la flexibilité nécessaire pour répondre aux besoins des personnes vulnérables. Une procédure de demande d’asile efficace et équitable doit permettre au demandeur d’avoir accès à un avocat qualifié et de disposer de suffisamment de temps pour fournir des renseignements pertinents, exacts et complets lorsqu’il présente sa demande. Lorsque les demandeurs n’ont pas accès à un avocat qualifié et doivent fournir des renseignements sans comprendre pleinement la procédure, le risque de refus irrégulier et de retour à la persécution ou à la torture est accru.

De plus, les modifications proposées à la procédure de demande d’asile risquent de désavantager de manière disproportionnée les migrants déjà vulnérables, notamment ceux qui souffrent de problèmes de santé mentale, de traumatismes passés ou d’insécurité en matière de logement. De nouveaux délais, encore inconnus, associés à des renvois rapides et obligatoires pour des procédures d’abandon, des conditions obligatoires et encore inconnues, des interdictions de territoire présumées et des mesures de renvoi automatiques, feront que des personnes passeront entre les mailles du filet.

Il peut être difficile de trouver le juste équilibre. Par conséquent, l’ACAADR met l’accent sur l’importance de tenir des consultations sérieuses sur les délais proposés. De plus, afin d’assurer la flexibilité, nous recommandons que la référence aux conditions obligatoires soit supprimée et que les renvois obligatoires aux procédures d’abandon soient remplacés par des renvois discrétionnaires.

Notre troisième point est que toute extension du régime de représentants désignés doit se concentrer sur la prise de décision accompagnée plutôt que sur la prise de décision au nom d’autrui.

Les représentants désignés constituent un soutien important au cours des procédures en matière d’immigration et de statut de réfugié. Ils veillent à ce que les mineurs et les personnes qui ne sont pas en mesure de comprendre pleinement les procédures puissent accéder et participer de manière significative aux audiences et aux demandes qui ont une incidence sur leurs droits.

La loi d’exécution du budget renferme des dispositions qui permettront aux deux ministres de désigner des représentants. À l’heure actuelle, les dispositions modifiées envisagent le pouvoir de prise de décision au nom d’autrui. C’est quand une personne prend une décision au nom d’une autre personne. La prise de décision au nom d’autrui garantit que les personnes qui en ont besoin disposent des ressources et des soutiens dont ils ont besoin pour participer à ces décisions fondamentales qui ont une incidence sur leur vie.

Il serait incompatible avec les droits constitutionnels individuels et les obligations internationales du Canada qu’une nouvelle mesure législative autorise la prise de décision au nom d’autrui qui nie la capacité d’une personne à participer de manière significative aux procédures qui auront une incidence sur ses demandes d’asile et qui, en fait, peuvent donner lieu à des renvois accélérés. Nous recommandons donc que la loi d’exécution du budget supprime la référence à la prise de décision au nom d’autrui et fasse explicitement référence à la prise de décision accompagnée.

Pour conclure, garantir un accès significatif au processus de demande d’asile est essentiel aux obligations constitutionnelles et internationales du Canada, et il est important que lorsque des changements sont apportés, ils fassent l’objet d’une étude et de consultations appropriées.

Je vous remercie. Ma collègue, Amanda Aziz, et moi serons ravis de répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie.

Madame Aiken.

Sharry Aiken, présidente, FCJ Refugee Centre : Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.

Depuis plus de 30 ans, le FCJ Refugee Centre s’est imposé comme l’un des services de soutien holistiques à l’établissement et à l’intégration pour toutes les personnes déracinées.

Le travail quotidien du centre consiste à fournir des conseils et des renseignements sommaires aux demandeurs d’asile, à les aider à s’orienter dans le processus de demande d’aide juridique, à trouver un avocat et, dans une moindre mesure, à assurer une représentation plus directe par notre avocat à l’interne. Le centre offre également des logements de transition pour les femmes et les enfants.

Tout d’abord, nous reconnaissons que le Canada a reçu un nombre record de demandes d’asile l’an dernier, ce qui cadre avec l’ensemble des vagues de déplacements à l’échelle internationale.

Il est important que ce comité veille à ce que les statistiques soient mises en perspective. Le nombre d’immigrants admis à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié représente moins d’un tiers du nombre total d’immigrants admis au Canada et une infime partie des déplacements dans le monde.

La principale préoccupation du centre est que le gouvernement propose de nouveaux outils juridiques pour ce qui pourrait être résolu de manière opérationnelle avec les outils existants. Ces amendements que l’ACAADR a soulignés risquent d’affaiblir d’importants garde-fous dans les processus d’asile canadiens, d’exacerber la précarité et le vide juridique pour les personnes vulnérables et de provoquer des refoulements qui vont à l’encontre des obligations nationales et internationales du Canada.

Le centre est un organisme membre du Conseil canadien pour les réfugiés, ou CCR, et appuie le mémoire du CCR que le comité recevra la semaine prochaine, mais nous avons quatre autres préoccupations à vous communiquer aujourd’hui.

Premièrement, on demande aux sénateurs d’approuver des changements importants dans les procédures de protection des réfugiés sans savoir à quoi ressemblera le processus et s’il y aura des mesures adéquates pour assurer la protection des réfugiés. Les détails importants sur la manière dont les changements proposés auront une incidence réelle sur les réfugiés seront inclus dans des règlements que le public n’a pas vus.

Par conséquent, nous demandons au gouvernement de déposer le projet de règlement maintenant et, conformément à la recommandation que vous venez d’entendre de l’ACAADR, d’organiser des audiences et d’offrir une véritable occasion de recueillir les opinions au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration à la Chambre des communes.

Deuxièmement, le centre s’inquiète également du fait que les mesures de simplification proposées par souci d’efficacité produiront en fait le résultat inverse. Le nouveau décalage entre l’admissibilité et les étapes de l’aiguillage et de la détermination du statut de réfugié est susceptible d’entraîner des arriérés et de longs retards pour certains demandeurs. Par exemple, les demandeurs dont le contrôle de sécurité préliminaire, ou CSP, est retardé pourraient tomber dans l’oubli. Dans l’attente d’un renvoi, ces personnes ne pourront pas servir de parent prêt à aider les membres de leur famille qui cherchent à entrer au Canada depuis les États-Unis.

Par ailleurs, de nombreux demandeurs risquent d’être en violation si on prévoit devancer les délais pour la soumission de tous les renseignements requis sur le portail.

Ces deux préoccupations doivent être prises en compte en fixant des délais appropriés dans les règlements. Nous recommandons que les règlements prévoient suffisamment de temps dès le départ pour que les demandeurs aient le temps d’avoir accès à un avocat. Il faut également prévoir une certaine souplesse pour les demandeurs qui, sans que ce soit de leur faute, ne respectent pas les délais.

À l’inverse, les règlements doivent fixer un délai transparent pour que le gouvernement ait la possibilité d’examiner les renseignements et les documents, faute de quoi les demandes recevables seront réputées avoir été renvoyées à la Section de la protection des réfugiés, comme c’est le cas à l’heure actuelle.

Troisièmement, le FCJ Refugee Centre craint que les amendements susmentionnés donnent lieu à une hausse lourde et inutile des procédures d’abandon et à une plus grande précarité pour les demandeurs d’asile vulnérables face à de simples erreurs, par exemple le fait de ne pas recevoir un avis de comparution en raison d’un changement d’adresse signalé après que l’avis a été émis. Il s’agit là d’événements courants dans la vie des demandeurs d’asile nouvellement arrivés qui ont du mal à trouver des soutiens adéquats au cours de leurs premières semaines au Canada.

Comme on l’a proposé, le ministre est tenu de renvoyer chaque délai non respecté ou chaque défaut de comparaître. Nous recommandons, à tout le moins, que le libellé de l’article 102 de la loi d’exécution du budget soit modifié et de remplacer « must » par « may » dans la version anglaise, le pouvoir discrétionnaire mentionné par mon collègue étant cohérent avec le cadre actuel de la procédure d’abandon de la CISR.

Quatrième et dernier point, notre centre s’inquiète beaucoup de l’inclusion de nouvelles dispositions dans la loi d’exécution du budget concernant les étrangers désignés, des mesures introduites en 2012 par l’ancien gouvernement conservateur dans un mouvement de panique injustifié à l’égard des réfugiés fuyant le Sri Lanka déchiré par la guerre.

Le régime des étrangers désignés impose la détention obligatoire automatique aux demandeurs d’asile désignés, il prive les demandeurs d’asile déboutés d’un accès à la Section d’appel des réfugiés et interdit aux demandeurs d’asile acceptés de présenter une demande de résidence permanente ou de regroupement familial pendant cinq ans.

Bien que les modifications prévues dans la loi d’exécution du budget s’avéreront peut-être être des ajustements techniques relativement mineurs — il est difficile de le dire à ce stade —, l’inclusion de cette catégorie de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés est profondément problématique en soi et contraire aux valeurs de justice égale et à la Charte des droits et libertés.

Par conséquent, notre centre recommande que toutes les mentions des étrangers désignés soient entièrement supprimées de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et que les mentions des étrangers désignés supprimées de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés apparaissent dans la loi d’exécution du budget, conformément à l’abrogation bienvenue, mais attendue trop longtemps, des dispositions relatives aux pays d’origine désignés.

Je vous remercie et je me réjouis de répondre à vos questions.

Azadeh Tamjeedi, conseillère juridique principale et cheffe de l’unité de protection, Agence des Nations unies pour les réfugiés au Canada, Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés : Merci.

Je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître devant ce comité au sujet des changements proposés au système d’asile du Canada dans le projet de loi C-69.

Je représente l’agence des Nations unies au service des réfugiés et des demandeurs d’asile, qui est présente dans 134 pays et territoires. Notre agence prodigue des conseils techniques sur la mise en place d’un système d’asile solide et joue ainsi un rôle consultatif dans le monde entier.

J’aimerais commencer par situer le contexte avant de commenter des éléments précis du budget.

Le Canada n’est pas le seul pays à connaître une augmentation des demandes d’asile. Les conflits qui font rage actuellement et les nouveaux conflits qui émergent entraînent des vagues de déplacements forcés sans précédent dans le monde. À la fin juin 2023, on comptait déjà plus de 110 millions de personnes déplacées de force dans le monde en raison de persécutions, de conflits, de violences et de violations des droits de l’homme. Plus de 1,6 million de nouvelles demandes d’asile ont été déposées. Soixante-quinze pour cent des personnes déplacées de force ont été accueillies par des pays frontaliers, qui sont des pays à revenu faible ou moyen, souvent aux prises avec leurs propres problèmes politiques, économiques et sociaux.

Il importe de souligner que ces chiffres seront revus à la hausse le mois prochain pour refléter les statistiques de toute l’année 2023.

Dans ce contexte mondial, on peut s’attendre à ce que le Canada reçoive dans un avenir prévisible un nombre de demandes d’asile plus élevé que celui qu’il a l’habitude de recevoir, bien que cela puisse être atténué par notre situation géographique.

Le système d’asile canadien est considéré comme un modèle de référence, et nous souhaitons le préserver. La mise en œuvre de changements qui réduiraient la protection des demandeurs d’asile enverrait un bien mauvais message aux pays qui accueillent actuellement la majorité des réfugiés et des demandeurs d’asile dans le monde. Il doit demeurer primordial, dans tout régime d’asile, de garantir un système robuste dans lequel on peut reconnaître rapidement les personnes ayant besoin de protection et refuser celles qui ne répondent pas à la définition internationale de réfugié.

Nous sommes conscients des défis que cela sous-entend, mais nous sommes convaincus que le Canada peut les relever de manière à garantir la protection du droit fondamental de demander l’asile.

En ce qui concerne le budget de 2024, tout d’abord, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés se félicite des investissements substantiels effectués dans le système d’asile du Canada. Ainsi, il y a du soutien au financement du logement, ce qui constitue tout un défi pour les demandeurs d’asile à la recherche d’un abri d’urgence ou d’un logement temporaire. En outre, nous saluons l’augmentation du financement de l’aide juridique pour les services aux réfugiés, qui offrent un soutien important aux demandeurs d’asile, et l’investissement dans le bon fonctionnement du système d’asile du Canada.

Deuxièmement, le HCR remarque qu’une grande partie des modifications au régime proposées dans le budget dépend des modifications qui seront apportées au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Nous ne pouvons pas fournir d’analyse complète du projet de loi avant d’avoir vu le nouveau règlement. Toutefois, nous sommes heureux de constater que l’esprit de certaines de nos recommandations antérieures visant à simplifier le processus d’admissibilité, à l’étape qui précède le renvoi à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, a été pris en compte dans le projet de loi. Nous avions recommandé de simplifier le processus en amont, notamment de réduire les doublons, puisque les demandeurs devaient souvent fournir les mêmes informations dans de multiples formulaires et portails en ligne. La simplification de la phase initiale du processus de demande d’asile, conjugué à des services de soutien et à la protection du droit à l’équité procédurale pourrait accroître l’efficacité du système et rendre la procédure plus claire pour les demandeurs d’asile. Le HCR se fera d’ailleurs un plaisir de formuler d’autres recommandations sur le projet de règlement.

Enfin, nous nous réjouissons à l’idée qu’il devienne possible de nommer un représentant désigné plus tôt dans la procédure d’asile pour les personnes âgées de moins de 18 ans ou les personnes incapables de comprendre la nature de la procédure. Il s’agit d’une recommandation de longue date du HCR.

En conclusion, nombre de nos commentaires aujourd’hui sont fondés sur les statistiques, mais nous tenons à souligner que nous parlons d’une loi qui aura une incidence tangible sur la vie des gens. La majorité des personnes qui demandent l’asile au Canada sont acceptées, ce qui signifie qu’elles ont fui des situations dangereuses nécessitant la protection du Canada. Pour cette raison importante, le HCR demeure déterminé à travailler avec le gouvernement canadien et la société civile pour que les nouvelles mesures soient mises en œuvre d’une manière conforme aux meilleures pratiques du droit international et pour construire un système plus fort qui réponde aux défis de demain.

Je vous remercie de votre attention.

La présidente : Merci, madame Tamjeedi. Nous allons passer aux questions. Honorables sénateurs, vous connaissez la marche à suivre.

Permettez-moi de briser la glace avec une question à Mme Tamjeedi. Nous sommes tous fiers de la réputation du Canada d’être l’étalon-or. Cependant, ceux qui évoluent à l’intérieur du système, ceux d’entre nous qui sont Canadiens, savent qu’on peut et qu’on doit y apporter diverses améliorations. Pensez-vous que les changements proposés dans la loi d’exécution du budget renforcent cette réputation ou la ternissent?

Mme Tamjeedi : Il m’est difficile de répondre directement à cette question étant donné que je n’ai pas encore vu le règlement. L’idée de simplifier la procédure, au début, est un bon objectif, étant donné la complexité des démarches que les demandeurs d’asile doivent entreprendre selon la façon dont ils entrent au pays, mais on pourra mieux comprendre comment tout cela se fera quand on verra le règlement.

La sénatrice Osler : Je remercie les témoins d’être ici aujourd’hui. Ma question s’adresse au témoin du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Le comité a entendu dire que les modifications législatives proposées à la section 38 permettront d’accélérer et de simplifier le processus, sans pour autant affaiblir la justice, l’équité et la transparence dans le processus de détermination de l’interdiction de territoire ou du statut de réfugié.

Êtes-vous d’accord et pourriez-vous nous faire part de vos réflexions sur les modifications proposées du point de vue de la justice, de l’équité et de la transparence?

Mme Tamjeedi : Merci pour cette question. Comme je l’ai dit, il m’est un peu difficile de faire des commentaires étant donné que je n’ai pas vu le nouveau règlement. Toutefois, à première vue, tout ce qui a été proposé par le gouvernement est conforme aux obligations internationales. Différents systèmes sont organisés de différentes manières dans différentes parties du monde, selon les décisions de chacun. Nous sommes là pour fournir des conseils techniques et des orientations. Si les gens ont accès à un avocat, qu’ils ont accès à des services, qu’ils sont en mesure de présenter leur demande en temps voulu et qu’ils ont le temps de bien se préparer, cela devrait leur procurer suffisamment de garanties procédurales pour pouvoir présenter leur demande. Si tout cela est prévu dans le règlement, alors ce serait une procédure équitable, mais efficace aussi.

La sénatrice Osler : Merci.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je poserai mes questions en français à Mme Basman et à Mme Aiken, mais quiconque souhaite y répondre pourra le faire.

J’ai bien reçu vos propositions, madame Basman, dans lesquelles vous statuez sur le manque de consultation et de transparence. Vous suggérez un renvoi à un comité de la Chambre des communes. Avec tout le respect que je vous dois, je doute que cette solution soit envisageable. Il faudra malheureusement trouver de meilleures solutions dans le contexte actuel.

Ma question s’adresse à vous ainsi qu’à Mme Aiken. Quelles sont les conséquences inattendues et possibles qui mettraient en danger certains demandeurs d’asile? Je songe tout particulièrement aux gens issus des communautés 2ELGBTQI+ qui arrivent ici, qui présentent une demande d’asile et qui sont appuyés par des organismes qui manquent de ressources. Si leur demande était refusée et s’ils étaient renvoyés dans leur pays, quelles conséquences cela pourrait-il avoir? J’aimerais vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

Mme Aiken : J’aimerais bien intervenir si c’est possible.

Mettez-vous un instant dans la peau d’un demandeur d’asile nouvellement arrivé au Canada, qui doit trouver un logement, un toit à se mettre au-dessus de la tête. Vous devez trouver quelqu’un pour vous aider à présenter une demande de protection, naviguer dans les ressources disponibles, attendre un rendez-vous et rassembler tous les documents voulus. Vous avez probablement déménagé plusieurs fois déjà entre le jour de votre arrivée et le jour où vous devez présenter vos documents. Il y a toutes sortes d’obstacles en cours de route.

Je tiens à souligner, comme vous l’avez vous-même mentionné, le rôle important que les agences d’établissement jouent en première ligne partout au pays, avec des ressources relativement limitées et un personnel réduit. Nous jouons un rôle important pour garantir l’accès à la justice et nous sommes déjà débordés. Il ne s’agit pas que de logement, bien que le logement soit indéniablement un aspect important, mais il faut s’assurer que les gens aient accès à un avocat.

Le problème, très concrètement, c’est que comme les dispositions prescrites dans la loi d’exécution du budget sont de nature obligatoire, si quelqu’un ne fournit pas tous les documents voulus, c’est la prison immédiate, comme dans le jeu de Monopoly. Il n’y a pas de marge de manœuvre, ne serait-ce que pour un simple retard. Dans le système actuel, il y a une certaine souplesse; on peut se reprendre. Si l’on impose des audiences sur le désistement, le risque, c’est que bien des demandeurs finissent par passer entre les mailles du filet et retourner dans leur pays d’origine. Je rappelle qu’il s’agit de pays où ils courent un risque très réel de persécution.

Je cède maintenant la parole à ma collègue, Me Basman.

Le sénateur Cormier : Merci.

Me Basman : Je veux simplement souligner les particularités de la population visée ici. Nous insistons sur la nécessité de laisser du temps aux gens, au début du processus, pour établir un lien de confiance avec l’avocat, non seulement pour trouver un avocat, mais pour établir un lien de confiance avec lui. Nous savons que les personnes issues de certaines communautés ont plus de difficulté à exprimer leurs peurs réelles et à en expliquer les raisons. Par exemple, les personnes qui viennent de pays profondément homophobes, où les conséquences à cela sont très lourdes, ont parfois besoin d’un peu plus de temps pour établir une relation de confiance et expliquer pourquoi elles ont peur.

Pour renchérir sur les propos de Mme Aiken, c’est la raison pour laquelle il est si important de prévoir suffisamment de temps au départ et de veiller à ce qu’il y ait suffisamment de discrétion. Les audiences sur le désistement obligatoires nous inquiètent beaucoup, nous craignons que certaines personnes passent ainsi à travers les mailles du filet.

[Français]

Le sénateur Cormier : Nous étudions un projet de loi budgétaire. Quelles sont vos propositions concernant la priorisation des ressources financières au sein du système actuellement, avec les amendements qui sont proposés?

Quelles sont, à votre avis, les priorités budgétaires? Où devrait se retrouver l’argent, et est-ce que ce projet de loi est adéquat, considérant les enjeux que vous avez énumérés?

[Traduction]

Me Amanda Aziz, coprésidente, Comité de plaidoyer, Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés : Je vous remercie de cette question.

Vous devez comprendre, en ce qui concerne la section 38 et l’allocation des ressources, que nous sommes favorables à l’idée de simplifier le processus et de réduire la redondance pour les demandeurs d’asile, mais que nous tenons surtout à ce que le nouveau règlement soit élaboré en consultation avec les parties prenantes et à ce qu’on laisse suffisamment de temps et de souplesse aux demandeurs.

Pour ce qui est de la façon dont l’argent sera investi, c’est vraiment la section 38 qui nous préoccupe. Notre association a exprimé haut et fort ses préoccupations sur le financement de l’aide juridique. Nous accueillons évidemment favorablement l’augmentation du financement du gouvernement fédéral pour le logement, mais nos préoccupations sur cette section ont surtout trait à l’équité et à la transparence des processus. Nous voulons avoir suffisamment de garanties, je suppose, qu’il n’y aura pas d’audiences obligatoires sur le désistement ni de compromis en matière d’équité pour les demandeurs très vulnérables, comme vous l’avez expliqué.

Mme Tamjeedi : Du point de vue du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, l’allocation des ressources est une question distincte des dispositions qu’on trouve dans ce projet de loi.

Cependant, nous observons que les gens, les demandeurs d’asile, entre autres, ont de plus en plus de difficulté à trouver un logement et à accéder à l’aide juridique en raison de l’augmentation du nombre de demandes. Le nombre d’avocats spécialisés en droit des réfugiés qui exercent au Canada est limité. Nous nous félicitons de l’augmentation du financement pour le logement, mais aussi pour l’aide juridique.

Nous voyons différents modèles dans différentes parties du monde. À certains endroits, il existe un modèle de centre d’accueil où les demandeurs sont logés. Ils sont libres d’y aller ou non, mais ils y bénéficient de services de soutien, notamment de l’aide juridique, de l’aide à la recherche d’un logement plus permanent par la suite, de l’accompagnement dans la préparation de leurs demandes, de la thérapie et d’autres services sociaux. C’est un modèle qui existe.

Il en existe d’autres, comme au Canada, où la responsabilité est partagée entre les provinces et le gouvernement fédéral, et c’est quelque chose que nous préconisons. Il ne devrait pas incomber à un seul ordre de gouvernement de répondre à l’augmentation du nombre de demandes d’asile et aux demandes de soutien connexes. Ce devrait être de la responsabilité de tous les ordres de gouvernement : les municipalités, les provinces et le gouvernement fédéral.

Le Canada s’oriente actuellement davantage vers un modèle de logement avec services de soutien à l’intérieur de l’unité de logement. C’est une façon de faire. C’est une bonne pratique dans certaines régions du monde, mais ce n’est pas la solution. Il existe de nombreux modèles différents.

Pour déterminer ce qui fonctionne le mieux pour aider les gens, la meilleure chose à faire est de consulter les organisations d’aide aux réfugiés et les organisations de services comme le FCJ Refugee Centre, mais aussi les réfugiés et les demandeurs d’asile eux-mêmes qui sont passés par le système et qui comprennent la façon dont les choses fonctionnent au Canada.

La sénatrice Bernard : Le sénateur Cormier a posé la question que je voulais poser, alors permettez-moi de poser une question complémentaire à sa question et à vos réponses.

Je suis certaine que nous sommes nombreux à penser que ces mesures ne devraient pas faire partie du projet de loi d’exécution du budget. Nous entendons assurément vos fortes recommandations à ce sujet, mais comme le disait le sénateur Cormier, il est peu probable que cela change quoi que ce soit.

Compte tenu de cette forte possibilité, y a-t-il d’autres recommandations qui, selon vous, seraient utiles et permettraient de répondre aux préoccupations que vous avez très clairement exprimées aujourd’hui? N’importe laquelle d’entre vous peut me répondre.

Me Basman : Nous avons formulé quelques recommandations aujourd’hui. En ce qui concerne la simplification du processus, nous soulignons vraiment l’importance de consulter les parties sur les délais et de supprimer le caractère obligatoire de certaines mesures prévues dans le projet de loi.

Nous pourrions également parler un peu plus des nouvelles dispositions relatives aux représentants désignés ou des changements qui sont apportés à cet égard. J’expliquerais peut‑être un peu nos préoccupations concernant les conséquences que cela pourrait avoir sur l’accès à un examen des risques avant renvoi ou à une réelle participation à l’examen des risques avant renvoi.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Prenons le cas d’une personne atteinte d’une maladie mentale grave, qui ne reçoit peut-être pas le traitement voulu à ce moment-là et qui n’est pas en mesure de comprendre le processus ou de s’investir dedans, mais qui est menacée d’expulsion du Canada. Cette personne — et je vais donner un exemple, car il y a quelques pays dans le monde où, malheureusement, les personnes atteintes de maladie mentale grave sont particulièrement persécutées —, cette personne devrait faire l’objet d’un examen des risques avant renvoi. Il faut pouvoir déterminer si elle risque d’être persécutée.

Cependant, imaginons que cette personne ne soit pas en mesure de s’investir dans le processus. Lorsqu’une personne reçoit un avis d’examen des risques avant renvoi, elle dispose de 15 jours pour remplir les formulaires et de 15 jours supplémentaires pour présenter ses arguments. Si elle ne remplit pas les formulaires requis dans les 15 jours, elle ne bénéficiera plus d’un sursis de la mesure de renvoi; elle pourra être expulsée.

Si une personne n’est pas en mesure de comprendre la procédure, elle ne peut pas remplir ces formulaires. On pourrait se dire : « Très bien, demandons à un représentant désigné de l’aider », et cela pourrait fonctionner si le représentant désigné était en mesure de travailler avec la personne pour articuler les arguments à présenter dans la demande. Mais que se passerait-il s’il n’était pas en mesure de le faire?

Ce qui nous préoccupe, c’est le risque que l’Agence des services frontaliers du Canada envoie à un représentant désigné ce formulaire qui enclenche un délai, qui pourrait, s’il n’est pas respecté, mener au renvoi, si la personne a le pouvoir de renoncer au service ou à son droit à un examen des risques avant renvoi.

Je peux vous dire que nous avons déjà vu cela. Nous craignons réellement qu’une personne puisse utiliser son pouvoir délégué de décision au nom d’autrui pour renoncer au service ou à un examen des risques avant renvoi, même si nous sommes favorables à l’aide à la prise de décisions et à la désignation de représentants pour que les gens aient véritablement accès aux procédures.

La présidente : Madame Basman, si je peux poursuivre dans la même veine, sur votre recommandation de favoriser l’aide à la décision plutôt que la délégation du pouvoir décisionnel, existe‑t-il un précédent international en ce sens?

Me Basman : Je pourrai vous envoyer une réponse ultérieurement sur ce point, mais il y a des organisations internationales qui condamnent très fermement la prise de décisions au nom d’autrui et qui y voient une violation du droit de la personne à l’égalité.

Il existe de la documentation là-dessus, et je serais très heureuse de vous la fournir plus tard, mais il y a tout un mouvement de défenseurs des droits des personnes handicapées qui expriment de sérieuses réserves sur la prise de décisions au nom d’autrui par opposition à l’aide à la décision.

La présidente : Merci. Nous vous serions reconnaissants de nous faire parvenir un petit document d’une page environ, s’il vous plaît. Nous ne voulons pas que cela prenne trop de votre temps.

Permettez-moi de passer au financement de l’aide juridique. Je pense que nous savons tous à quel point il est difficile pour les demandeurs d’asile d’avoir accès à un avocat qualifié en temps opportun. Dans quelle mesure cette allocation budgétaire à l’aide juridique permettra-t-elle de combler le manque de financement?

Mme Aziz : Je vous remercie de cette question.

Notre organisation accueille favorablement l’annonce de ce financement à long terme. Il s’agit d’un budget quinquennal, donc d’un financement sur cinq ans de l’aide juridique, et il y a 43,5 millions de dollars prévus ensuite, après ces cinq années, pour les systèmes d’aide juridique à l’immigration et aux réfugiés.

Bien que nous nous réjouissions de ce financement, nous restons préoccupés par l’augmentation du nombre de demandes et par les pressions accrues qui s’exercent sur les organisations provinciales d’aide juridique.

Comme vous l’avez entendu, nous avons évidemment très à cœur la question d’un financement durable, de l’accès à des avocats et de l’accès équitable à l’aide juridique dans l’ensemble du pays. Il existe de grandes différences entre les provinces pour ce qui est de l’accès à des avocats par l’aide juridique.

De notre point de vue, bien que nous nous réjouissions de ce financement à long terme, de ce plan pluriannuel, le gouvernement doit accorder plus d’attention encore à la cohérence, à la qualité des services et l’augmentation du financement partout au pays.

Je pense que nous verrons, au fur et à mesure que le nombre de demandes augmentera au cours de la prochaine année, si ce financement suffira ou non, mais je sais par expérience, et pour en avoir discuté avec des avocats de partout au pays, que nous avons déjà un énorme problème en ce qui concerne le montant consenti à l’aide juridique par rapport aux honoraires juridiques demandés pour les demandes de statut de réfugié, et cela n’ira qu’en s’aggravant.

La présidente : C’est mieux, mais ce n’est toujours pas suffisant.

Mme Aziz : Cela comble les lacunes que nous craignions de voir apparaître si cela n’avait pas été annoncé, mais, oui, on pourrait encore faire mieux.

La présidente : J’ai une dernière question à poser à la représentante du FCJ Refugee Centre. Il se trouve à être situé dans mon ancien quartier. J’y suis souvent allée. C’est un endroit merveilleux et accueillant. Ma question porte sur l’allocation de 1,1 milliard de dollars au logement.

À Toronto, nous avons récemment constaté les conséquences très inquiétantes de la crise du logement. Si j’ai bien compris — et madame Aiken, corrigez-moi si je me trompe —, ces 1,1 milliard de dollars pour le logement serviront à financer un mécanisme destiné à rembourser les municipalités et les refuges pour les réfugiés. Ce mécanisme de remboursement fonctionne‑t‑il bien ou devrait-il y avoir une sorte d’allocation à la ville, aux centres d’accueil, un montant qui serait imputé à leur compte bancaire et qu’ils pourraient utiliser en fonction des besoins et justifier à la fin de l’année? Cela fonctionnerait-il mieux?

Mme Aiken : Merci pour cette question. D’après le FCJ Refugee Centre, il ne fait aucun doute que nous avons besoin d’un meilleur plan et que la proposition actuelle et l’argent alloué ne vont pas assez loin. Tout d’abord, les fonds consentis ne sont probablement pas suffisants, mais surtout, il n’y a pas la coordination sous-jacente dont nous aurions besoin entre les différents ordres de gouvernement pour garantir que les demandeurs d’asile ne se trouvent pas dans les rues de Toronto.

Je vous remercie de cette question. Il y a probablement d’autres mesures à prendre à cet égard pour que la crise que nous avons connue à Toronto les 18 derniers mois ne se reproduise pas.

La présidente : Comme il n’y a pas d’autres questions, permettez-moi, en notre nom à tous, de remercier nos témoins en personne et en ligne. Vous nous avez beaucoup aidés à comprendre les enjeux.

Honorables sénateurs, notre prochaine réunion aura lieu le mercredi 29 mai; nous entendrons des représentants de Santé Canada sur les sections 31 et 32. Nous entendrons également des représentants d’Emploi et Développement social Canada sur la section 23, qui porte sur l’assurance-emploi.

Nous avons ensuite l’intention d’examiner notre ébauche de rapport sur les finances le jeudi 30 mai. Vous êtes invités à envoyer à l’avance à la greffière vos observations sur l’une ou l’autre des sections étudiées, afin que nous soyons tous prêts à y réfléchir jeudi.

(La séance est levée.)

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