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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 19

Le mercredi 15 mai 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 15 mai 1996

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Sénat

Le tabagisme dans les locaux du Parlement

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, le règlement interdit de fumer dans les locaux du Sénat. Certains sénateurs enfreignent souvent ce règlement, surtout dans la salle de lecture. C'est injuste pour ceux d'entre nous qui ne veulent pas être importunés par la fumée des autres, et c'est également injuste pour les membres du personnel qui doivent aller dehors s'ils désirent fumer.

[Français]

Honorables sénateurs, un règlement du Sénat interdit de fumer. Certains sénateurs ne tiennent pas compte de ce règlement et fument, surtout dans la salle de lecture à l'arrière de la Chambre. Ceci fait subir à d'autres qui ne fument pas les méfaits de la fumée secondaire. Cela est très injuste pour le personnel et aussi pour le personnel qui fume et qui est forcé d'aller fumer dehors.

[Traduction]

Les Nations unies

La Journée internationale des familles

L'honorable Landon Pearson: Honorables sénateurs, ce 15 mai marque le troisième anniversaire de la Journée internationale des familles, telle que proclamée par les Nations Unies, en septembre 1993, dans le cadre de l'Année internationale de la famille. J'ai toutes les raisons de croire qu'au Sénat, nous accordons tous une grande valeur aux familles dont nous sommes issus et à celles que nous avons fondées. Cependant, il est utile d'avoir une journée spéciale pour célébrer toutes les familles canadiennes. Nous pouvons ainsi centrer notre attention sur la façon dont évolue la famille, cette institution irremplaçable et résistante, pour répondre aux besoins de chacun de ses membres.

La formation des familles canadiennes a changé énormément depuis un siècle. Il y a cent ans, la majorité des familles vivaient sur des fermes. Les deux parents travaillaient fort pendant de longues heures chaque jour. On considérait la venue d'un enfant comme l'addition d'une nouvelle paire de bras, et les enfants étaient nombreux dans une famille.

Cependant, la promesse d'une vie urbaine plus aisée a fait en sorte que, vers les années 30, moins de 30 p. 100 des enfants en Amérique du Nord vivaient dans des familles agricoles dirigées par deux parents. Pendant un brève période ensuite - 40 ans, c'est très peu dans l'histoire de l'humanité -, une faible majorité des familles en Amérique du Nord, à peine plus de 50 p. 100, ont atteint l'idéal auquel tiennent tant les traditionalistes: le père soutien de famille, la mère au foyer et deux enfants.

Depuis 1970, cependant, d'autres structures familiales ont fait en sorte que cet idéal ne s'applique plus qu'à une minorité, et cela, pour diverses bonnes raisons. Des familles ont déménagé pour améliorer leur niveau de vie ou tout simplement pour satisfaire des besoins personnels. Grâce à l'éducation et à d'autres facteurs, les femmes ont pu choisir entre différents modes de vie, d'ailleurs peu d'entre elles voudraient revenir en arrière. C'est ainsi qu'aujourd'hui, un grand nombre de femmes travaillent hors du foyer et participent activement à la vie économique et politique du Canada.

C'est aussi un choix personnel qui a contribué à la baisse de notre taux de fécondité. Ce choix personnel, combiné à d'excellentes mesures de santé publique, a fait en sorte qu'il y a eu une hausse de l'âge moyen des Canadiens, dont un grand nombre vivent seuls aujourd'hui.

Ces changements comportent des risques pour les enfants, mais il y a aussi des avantages qui peuvent être mis en valeur quand les familles reçoivent le soutien dont elles ont besoin. Je suis d'avis que les changements survenus dans la façon dont les familles se structurent et s'organisent ne les empêchent pas nécessairement d'accomplir les fonctions essentielles que nous chérissons: le partage d'amour et d'appui, l'engagement dont dépend notre sécurité émotionnelle et la volonté de soigner, d'éduquer et de protéger les enfants.

Honorables sénateurs, dans un pays où règne la compassion, nous devons respecter et appuyer les responsabilités, les droits et les devoirs des parents, des enfants, des partenaires et des divers membres d'une famille. En cette Journée internationale des familles, ne nous arrêtons pas aux diverses structures que peuvent présenter les familles actuelles et futures. Axons plutôt nos paroles et nos actions sur les fonctions importantes de la vie pour que les familles de toutes structures et de toutes formes continuent de contribuer à la société canadienne.

(1340)

Le Sénat

Les observations d'un député réformiste

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, je suis persuadé que, tout comme moi, les honorables sénateurs en ont plein le dos et sont dégoûtés des déclarations des députés réformistes. Il semble que Preston Manning punit ses députés d'avoir fait des déclarations semblables en les expulsant du caucus. Or, je me demande si c'est vraiment une sanction très lourde. Quand nous entendons ce qu'ils disent publiquement, il est probable que nous serions tous scandalisés de ce qui se dit au sein du caucus.

La déclaration qui me dérange pour l'heure, c'est la dernière qu'a faite un des députés réformistes de la Colombie- Britannique, Jim Abbott. Il a déclaré que, parmi les six sénateurs de la province, seule le sénateur Pat Carney apportait une contribution notable. Si on lui demandait sur quoi il s'appuie pour faire cette déclaration ou s'il a fait des recherches, je suis persuadé qu'il répondrait: «Recherches? Les réformistes n'ont pas besoin de faire de recherches. Nous sommes incités à faire des déclarations spontanées sans faire de recherches.» A-t-il mené des entrevues auprès de sénateurs pour connaître leur bilan? A-t-il interviewé le sénateur Perrault, qui a servi toute sa vie, tant au Sénat qu'à l'extérieur? Ou encore le sénateur Austin, le sénateur Marchand, ou le sénateur St. Germain, d'en face? Pas du tout. A-t-il fait la moindre vérification?

N'importe quel habitant de la Colombie-Britannique peut voir partout autour de lui les traces de l'intervention des sénateurs de la province qui ont rendu différentes choses possibles, depuis Canada Place jusqu'au nouvel aéroport.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Lawson: Pour ma part, je commence à être un peu fatigué de ces déclarations des réformistes. J'ignore s'ils ont un système de quotas qui les encourage à faire un certain nombre de déclarations ineptes chaque semaine ou chaque mois. Quoi qu'il en soit, ces attaques sont autant de vagues sur une mer d'ignorance. Je ne suis pas certain que Preston Manning est convaincu qu'il est mal de faire des déclarations contre les gais, les homosexuels et les minorités, mais il est nettement conscient qu'elles sont politiquement inacceptables, et c'est pourquoi il prend des mesures disciplinaires à l'égard de certains de ses membres. Il est regrettable qu'il ait expulsé Jan Brown du caucus pour avoir dit que les réformistes étaient intolérants. Elle a simplement manifesté une singulière aptitude à saisir les évidences.

Je signalerais à Preston Manning que, s'il est mal de faire des déclarations contre les gais et les minorités, il est tout aussi répréhensible que le député Jim Abbott lance de fausses accusations contre les sénateurs hétérosexuels de la Colombie- Britannique.


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi sur le ministère du Développement des ressources humaines

Rapport du comité

L'honorable Mabel M. DeWare, présidente du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant:

Le mercredi 15 mai 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-11, Loi constituant le ministère du Développement des ressources humaines et modifiant ou abrogeant certaines lois, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 30 avril 1996, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec la recommandation suivante:

Que le gouvernement examine la faisabilité de transférer la responsabilité de la Condition féminine au ministère du Développement des ressources humaines.

Respectueusement soumis,

La présidente,
MABEL M. DeWARE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Bosa, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Mabel M. DeWare, présidente du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant:

Le mercredi 15 mai 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-3, Loi modifiant le Code canadien du travail (entreprises nucléaires) et une autre loi en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 8 mai 1996, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
MABEL M. DeWARE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Bosa, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le Budget des dépenses de 1996-1997

Le crédit 25-Présentation du rapport du comité mixte permanent des langues officielles

L'honorable Jean-Louis Roux, coprésident du comité mixte permanent des langues officielles a présenté le rapport suivant:

Le mercredi 15 mai 1996

Le comité mixte permanent des langues officielles a l'honneur de présenter son

PREMIER RAPPORT

Conformément à l'ordre de renvoi du 24 avril 1996, votre comité auquel a été déféré les dépenses projetées au crédit 25 du Conseil Privé contenu dans le budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 1997, a étudié ledit crédit et en fait maintenant rapport.

Respectueusement soumis,

Le coprésident,
JEAN-LOUIS ROUX

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Roux, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Plus tard]

Projet de loi d'intérêt privé

La compagnie du chemin de fer du Nipissing à la Baie de James-Projet de loi portant dissolution-Rapport du comité

L'honorable Lise Bacon, présidente du comité sénatorial permanent des transports et des communications, présente le rapport suivant:

Le mercredi 15 mai 1996

Le comité sénatorial permanent des transports et des communications a l'honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le Projet de loi S-7, Loi portant dissolution de la Compagnie du chemin de fer de Nipissing à la Baie de James, a, conformément à l'ordre de renvoi du 8 mai 1996, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
LISE BACON

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Agriculture et forêts

Avis de motion portant autorisation au comité d'étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir des forêts

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, le 16 mai 1996, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir des forêts du Canada; et

Que le comité présente son rapport au plus tard le 31 mars 1997.

[Français]

Les pêches

Avis de motion portant autorisation au comité d'étudier les questions se rapportant à son mandat

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le jeudi 16 mai 1996, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent des pêches, conformément à l'article 86(1)o), soit autorisé à étudier toutes questions concernant les pêches et les océans canadiens qui pourraient lui être soumises occasionnellement, en général au Canada; et,

Que le comité présente son rapport final au Sénat, au plus tard, le 31 mars 1997.

[Traduction]

Affaires sociales, sciences et technologie

Projet de loi sur l'assurance-emploi-Avis de motion portant autorisation au comité d'ajourner d'une ville à l'autre au cours de son étude

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, je donne avis que, jeudi prochain, le 16 mai 1996, je proposerai:

Qu'une instruction soit donnée au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour qu'il s'ajourne de temps à autre et d'une ville à l'autre lorsqu'il entreprendra son étude du projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi du Canada.


(1350)

PÉRIODE DES QUESTIONS

La Justice

La vente des avions Airbus à Air Canada-Les allégations de complot visant à frauder le gouvernement fédéral-Les implications de l'approbation de l'enquête-La position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais revenir sur un certain nombre de questions qui ont été soulevées hier par le sénateur Doyle, le sénateur Murray et moi-même. C'est au sujet de la requête par laquelle le gouvernement demande que l'action civile intentée par l'ex-premier ministre Mulroney soit reportée jusqu'au 10 janvier 1997 parce qu'elle risque de nuire à l'enquête que mène la GRC sur ce que l'on appelle l'affaire Airbus.

Tout d'abord, madame le leader du gouvernement peut-elle nous fournir des réponses plus précises aux questions posées hier, à savoir: le gouvernement est-il satisfait du déroulement de l'enquête jusqu'à maintenant? Le gouvernement approuve-t-il les accusations d'activités criminelles portées contre M. Mulroney par une avocate du ministère de la Justice et transmises aux autorités suisses? La décision de demander le report de l'action civile a-t-elle été approuvée par le premier ministre, le ministre de la Justice et le solliciteur général?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, ces questions ont été posées hier. Mon honorable collègue a alors mentionné un communiqué de presse concernant la procédure se déroulant à Montréal. Ce communiqué répond aux questions qu'a posées mon honorable collègue.

Le commissaire de la GRC a recommandé au solliciteur général que l'action civile soit reportée et les motifs de cette recommandation sont expliqués dans le communiqué. Cette recommandation a été acceptée par le solliciteur général et par le procureur général. En ce qui concerne l'enquête, il y a deux éléments bien distincts à considérer. Premièrement, il y a l'enquête de la GRC qui se poursuit toujours. Comme je l'ai dit à maintes reprises au Sénat, mes collègues et moi n'avons aucun détail au sujet de cette enquête. Deuxièmement, il y a le procès à Montréal. C'est ce procès qui fait l'objet de la recommandation du commissaire de la GRC, recommandation qui a été acceptée par le solliciteur général et le procureur général.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je croyais avoir été clair. Cela n'a rien à voir avec le communiqué ni le contenu du communiqué. La question découle du fait que le gouvernement appuie désormais l'enquête de la GRC. Est-ce que cela signifie que le gouvernement approuve la lettre que le ministère de la Justice a envoyée aux autorités suisses et qui déclare effectivement que M. Mulroney a participé à des activités criminelles? Le gouvernement considère-t-il, dès lors, que l'enquête se déroule jusqu'à maintenant de façon satisfaisante? Qui a autorisé la GRC et les avocats du gouvernement à demander que l'on retarde les poursuites civiles contre M. Mulroney?

Je veux des réponses à ces questions et non des observations sur un communiqué qui ne fournit pas d'information à ce sujet.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je n'ai pas parlé du communiqué plus que ne l'a fait hier mon collègue.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est exact.

Le sénateur Fairbairn: L'information contenue dans le communiqué répond aux questions que posent mon collègue. Le commissaire de la GRC, qui dirige actuellement l'enquête, a fait une recommandation au solliciteur général. Le solliciteur général a accepté ce conseil. Le ministre et ses collègues du Cabinet n'ont jamais été mêlés le moindrement à l'enquête. Le commissaire de la GRC avait le devoir de conseiller au solliciteur général de retarder le procès, ce qu'ont fait le solliciteur général et le procureur général du Canada.

Comme le sait mon collègue, une cause est entendue à Montréal où le plaignant poursuit le gouvernement et certaines personnes. C'est pourquoi l'avocat est présent. C'est aussi simple que cela.

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, ce n'est pas aussi simple que cela, honorables sénateurs. Laissons donc le communiqué de côté, et je tenterai de fonder ma question sur des hypothèses que madame le leader n'a pas encore niées.

En s'alliant avec les avocats de la GRC pour demander que soit différé le procès au civil, le gouvernement appuie l'enquête, contrairement à ce qu'on nous a dit l'automne dernier lorsque le premier ministre, le solliciteur général et le ministre de la Justice ont déclaré à maintes reprises qu'ils ne savaient absolument rien de cette enquête.Maintenant, en s'alliant aux avocats de la GRC, ils acceptent l'enquête et, de ce fait, ils sont partie à celle-ci.

Ma question à madame le leader est la suivante: en étant partie à l'enquête, acceptez-vous les allégations contenues dans la lettre envoyée aux autorités suisses, rédigée sur du papier à en-tête du ministère de la Justice et signée par un avocat-conseil du ministère, allégations selon lesquelles M. Mulroney se serait livré à des activités criminelles?

J'ai lu un extrait hier. Aujourd'hui, je vais en lire un autre provenant de la traduction d'une lettre qui a été acceptée comme preuve devant le tribunal, à Montréal. Cette lettre est rédigée sur du papier à en-tête du ministère de la Justice et est signée par un avocat-conseil du ministère. Elle traite des commissions qui auraient été versées pour la vente de différents aéronefs:

La police a été informée que M. Moores s'est rendu en Suisse en...

...ce n'est pas clair...

...1986 ou 1987 afin d'ouvrir deux comptes bancaires portant les numéros 34107 et 34117, le dernier sous le nom de code Devon, à la Société de Banque Suisse à Zurich. Le compte numéro 34117 a été ouvert afin qu'une partie des sommes puisse être versée à M. Mulroney.

En l'occurrence, on n'essaie même pas de dire «nous pensons», «il se pourrait» ou «il est allégué». Il est dit brutalement dans la lettre originale et dans sa traduction que M. Mulroney a reçu des commissions qui ont ensuite été versées dans un compte bancaire.

Le gouvernement s'est maintenant associé à cette enquête. Souscrit-il à cette accusation?

Le sénateur Fairbairn: Honorable sénateur, je ne vais pas débattre, dans cette enceinte, des questions qui sont, comme il se doit, devant un tribunal à Montréal. Mon collègue pourrait faire de même.

Le sénateur Lynch-Staunton: Qu'ils continuent.

Le sénateur Berntson: Que ces questions-là restent devant le tribunal, alors.

Le sénateur Fairbairn: Je n'en dirai pas plus. Le tribunal est saisi de cette affaire et rendra une décision la semaine prochaine. C'est au tribunal de s'en occuper, pas au Sénat.

Le sénateur Kinsella: Cela s'applique-t-il au projet de loi C-28?

Le sénateur Fairbairn: Le sénateur parle du gouvernement du Canada qui appuie l'enquête. Je le répète encore une fois: c'est la GRC qui est chargée de l'enquête, et non les ministres. Les ministres ne s'en ont jamais occupés avant que la question ne soit du domaine public et ils ne s'en occupent pas maintenant non plus.

Le sénateur Berntson: Sauf que le gouvernement est maintenant au tribunal.

Le sénateur Fairbairn: Si cette affaire est maintenant devant un tribunal à Montréal, c'est parce qu'un renseignement absolument privé et confidentiel découlant de l'enquête a fait l'objet d'une fuite dont aucun ministre n'est responsable. Une chose pareille ne s'était jamais produite, à ma connaissance. Ce n'est pas le gouvernement du Canada qui est à l'origine de cette fuite.

Le sénateur Lynch-Staunton: Comment le savez-vous? Où est la preuve?

(1400)

Le sénateur Fairbairn: Ce n'est pas le gouvernement du Canada qui est à l'origine de la fuite.

Le sénateur Lynch-Staunton: Qui donc est responsable de la fuite, alors?

Le sénateur Fairbairn: Je n'en ai pas la moindre idée.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ne dites pas alors que vous savez qui n'en est pas responsable.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, ni les ministres, ni le gouvernement du Canada n'ont été impliqués dans l'enquête dont le tribunal a été saisi.

Le sénateur Berntson: Pourquoi les ministres y sont-ils allés?

Le sénateur Fairbairn: Ils sont au tribunal à Montréal.

Le sénateur Berntson: Pourquoi accompagnent-ils la GRC au tribunal?

Le sénateur Fairbairn: Parce que le gouvernement du Canada, le procureur général et d'autres font l'objet de poursuites. Ils sont représentés par un avocat, comme tout citoyen peut l'être. Le gouvernement doit sûrement agir ainsi dans un tel cas. Il a engagé un avocat pour se faire représenter au tribunal à Montréal. Le sénateur voit-il quelque chose de sinistre là-dedans?

Le sénateur Lynch-Staunton: Certainement.

Le sénateur Fairbairn: Mais c'est le processus judiciaire normal dans notre pays.

Le sénateur Berntson: Oui, sous votre gouvernement.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pas au Canada, mais avec le gouvernement actuel. J'ai été très intéressé d'entendre dire, comme nous l'avons tous été, que nous ne devrions pas discuter d'affaires qui sont devant les tribunaux. Pourtant, on nous dit d'étudier le projet de loi C-28, même s'il y a certainement des questions liées à ce projet de loi qui sont encore devant les tribunaux. Il faudrait vous brancher.

Quoi qu'il en soit, si le gouvernement est si préoccupé par la possibilité qu'une enquête criminelle soit court-circuitée par un procès civil, pourquoi n'a-t-il pas exprimé sa préoccupation avant que la cause soit entendue plutôt que d'attendre des semaines après l'interrogatoire préalable devant la Cour supérieure du Québec?

Si l'argument avait quelque valeur, le gouvernement aurait dit au tribunal de ne même pas commencer l'interrogatoire préalable. Pourtant, l'interrogatoire préalable dure depuis un jour et demi et tout à coup, le gouvernement découvre qu'il est préférable de ne pas poursuivre le procès parce qu'il risque de compromettre l'enquête. Pourquoi n'a-t-il pas présenté cet argument plus tôt?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, contrairement à mon honorable ami, je n'ai pas l'intention d'assumer ici la responsabilité de la procédure judiciaire devant les tribunaux du Canada. Il vaut mieux laisser cette question aux parties au procès devant le tribunal à Montréal, c'est-à-dire aux avocats des parties et au juge.

Je prends la question à coeur, comme je le dois, puisque c'est ma responsabilité. Je ne commenterai pas ce qui se déroule dans ce procès à Montréal. Je dirai simplement à mon collègue que le commissaire de la GRC, qui est le chef du service de police qui mène l'enquête, a fait une recommandation et a donné un conseil au solliciteur général du Canada sur cette affaire et sur la possibilité de demander un report des procédures.

Le sénateur Berntson: J'espère que vous lirez ce que vous venez de dire demain.

Le sénateur Fairbairn: Je le lirai demain et je peux même le répéter.

Le commissaire de la GRC a expliqué au solliciteur général pourquoi il devrait y avoir un report des procédures. Le solliciteur général et le procureur général ont accepté le conseil qui leur a été donné. C'est la position du gouvernement. La requête a été présentée au tribunal et une décision sera rendue mercredi prochain, je crois. C'est maintenant au tribunal de jouer son rôle.

Pour ce qui est des commentaires du sénateur au sujet du projet de loi C-28, je dirai que nous discutons du fond de ce projet de loi et non pas des liens qu'il peut avoir avec ce qui se passe devant un tribunal de Toronto. C'est là un principe, mon honorable ami.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je vais laisser la ministre se débattre avec ses propres contradictions lorsqu'elle les lira dans le hansard. Je trouve cela absolument incroyable que, d'une part, on nous dise que nous ne pouvons pas discuter d'une affaire qui est devant les tribunaux et que nous devons laisser la justice suivre son cours lorsque le procès a lieu à Montréal - ce qui ne plaît pas nécessairement au gouvernement - mais que, d'autre part, on nous dise que nous pouvons discuter d'affaires qui sont devant les tribunaux à Toronto parce que cela intéresse le gouvernement. Les deux positions sont contradictoires.

Le sénateur Stanbury: Vous pouvez bien parler de contradiction! Ce sont là deux situations complètement différentes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Certainement pas. C'est une affaire qui est devant les tribunaux, comme l'a dit votre leader. Vous hochez la tête, mais c'est ce que le leader du gouvernement au Sénat vient de dire.

N'est-il pas vrai que les véritables préoccupations du gouvernement n'ont rien à voir avec une enquête criminelle, mais qu'il en est venu à la conclusion que les accusations énumérées dans le document que le ministère de la Justice a envoyé aux autorités suisses concernant M. Mulroney ne sont pas fondées? De plus, au lieu de présenter des excuses à M. Mulroney et de retirer les accusations, que tout gouvernement qui se soucie de la présomption d'innocence n'aurait jamais sanctionnées, le gouvernement cherche désespérément à dissimuler cette violation des droits fondamentaux en invoquant un argument fallacieux qui, s'il avait de la crédibilité, aurait été invoqué bien avant le début des procédures judiciaires.

Le sénateur Fairbairn: Je répondrai simplement non aux hypothèses avancées par mon collègue. Je répète encore une fois que des procédures judiciaires sont en cours et que je les respecterai.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est bien. Nous nous en souviendrons lorsque le sénateur Kirby demandera la parole.

L'honorable Orville H. Phillips: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question complémentaire à celle qu'a posée le leader de l'opposition au Sénat. Suite aux décisions rendues récemment au Sénat, le gouvernement a-t-il l'intention de déposer un projet de loi punitif semblable au projet de loi C-28 pour empêcher M. Mulroney de donner suite aux poursuites judiciaires qu'il a entreprises?

La vente des avions Airbus à Air Canada-Les allégations de complot visant à frauder le gouvernement fédéral-La possibilité d'étendre l'enquête-La position du gouvernement

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat. Je suis toujours ébahi de voir avec quelle habileté les libéraux contrôlent l'opinion publique pour parvenir à leurs fins politiques.

Après avoir approuvé, sinon lancé, une accusation d'acte criminel contre l'ancien premier ministre, ils veulent maintenant que cette accusation persiste à tout jamais pour priver l'ancien premier ministre de son droit de se défendre à point nommé.

Honorables sénateurs, cette situation empeste le maccarthysme. Combien d'autres gens dans notre pays font actuellement l'objet d'une enquête à l'insu du solliciteur général, du ministre de la Justice, du premier ministre et du personnel de son cabinet? Si vous ne parlez pas au nom des tribunaux, parlerez-vous au moins au nom du ministère et nous direz-vous s'il y a beaucoup de gens qui font actuellement l'objet d'une enquête à l'insu du ministre de la Justice, de sorte que des lettres voyagent peut-être un peu partout dans le monde? Y a-t-il d'autres personnes dans cette situation? Pouvez-vous nous le dire?

Le sénateur Bernston: Je ne connais qu'un cas.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement au Sénat): Honorables sénateurs, le sénateur a employé certains mots que je trouve offensants, notamment le mot «maccarthysme».

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est un mot très modéré.

Le sénateur Fairbairn: Je trouve ce mot offensant parce que le gouvernement et les ministres ont toujours soutenu...

Le sénateur Berntson: Attrapez Mulroney!

Le sénateur Fairbairn: ...qu'ils n'ont joué aucun rôle dans l'enquête policière en cours et qu'il ne leur appartient pas de le faire. Le jour où des ministres interviendront dans des enquêtes policières, l'honorable sénateur aura des raisons d'être très inquiet. Le gouvernement actuel ne s'est pas ingéré dans ce genre d'enquête et n'a d'ailleurs pas l'intention de le faire.

(1410)

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, vivons-nous dans un état policier? La ministre dit-elle que la police ne relève pas du solliciteur général? Va-t-elle répondre par «oui» ou par «non»?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, non, nous ne vivons pas dans un état policier. Nous vivons dans une démocratie qui respecte la règle du droit et c'est la règle que respecte le gouvernement.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, quand j'étais ministre, je me sentais responsable de chaque lettre qui venait de mon ministère. Le ministère de la Justice a envoyé en Suisse une lettre portant ces accusations contre l'ancien premier ministre.

Un avocat du gouvernement exprime maintenant les regrets du gouvernement:

Nous regrettons qu'une affaire qui était censée demeurer secrète ait été rendue publique.

Sait-on d'où vient la fuite? Essayons-nous de déterminer comment les choses en sont arrivées là? Si le gouvernement est tellement scandalisé de ce qui est arrivé qu'il a fait intervenir un avocat, va-t-il ouvrir une enquête pour savoir ce qui se passe et comment les Canadiens sont traités?

Dans cette affaire, c'est un premier ministre qui est en cause. Cependant, c'est une chose qui peut arriver à n'importe qui. C'est d'autant plus grave que c'est arrivé à un ancien premier ministre, qu'importe son parti. Si le gouvernement regrette que cette affaire ait été rendue publique, qu'est-ce qui est fait à ce sujet?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, mon collègue sait, ayant été ministre, que les communications entre le gouvernement du Canada et les autorités suisses, par exemple, ont toujours été secrètes et confidentielles. Les ministres n'ont rien eu à faire dans tout ça. Mon collègue ne donne pas à entendre, j'espère, qu'ils devraient intervenir, que ce soit dans cette affaire ou dans une autre.

La vente des avions Airbus à Air Canada-Les allégations de complot visant à frauder le gouvernement fédéral-La requête en prolongation du délai pour déposer la défense dans le procès en libelle-Les implications du communiqué de presse-La position du gouvernement

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai lu attentivement le communiqué de presse dont le leader du gouvernement parlait tout à l'heure. J'ai remarqué qu'il était rédigé soigneusement. Au dire du leader du gouvernement, le ministre de la Justice et le solliciteur général ont accepté le principe que le commissaire de la GRC a le devoir d'intervenir dans une affaire de ce genre lorsqu'il croit que son intervention servirait les intérêts de l'enquête. Je crois que je rapporte fidèlement le sens de ses propos.

Le ministre de la Justice et le solliciteur général ont-ils vérifié la preuve présentée par le commissaire de la GRC ou ont-ils simplement «accepté sa recommandation»? Une question importante en découle, à savoir si, pour la première fois, les ministres responsables, soit le solliciteur général et le ministre de la Justice, assument la responsabilité ministérielle non seulement de l'enquête, mais de toute la conduite de l'argumentation pour le gouvernement dans ce procès.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, pour éclairer les sénateurs, je vais citer les paragraphes du communiqué de presse auxquels mon collègue se reportait. Il vaut mieux que je le fasse inscrire au compte rendu.

Le solliciteur général est d'accord avec le principe que le commissaire de la GRC a le devoir de recommander une prolongation du délai pour le dépôt de la défense dans une affaire civile s'il craint que, sans cela, les données d'une enquête en cours soient dévoilées au public, risquant de faire échouer l'enquête.

C'est pourquoi le procureur général et le solliciteur général acceptent l'avis du commissaire et conviennent qu'il est nécessaire que la Couronne demande une prolongation du délai pour le dépôt de la défense afin de laisser le temps à la GRC de terminer son enquête.

Honorables sénateurs, je crois que ces paragraphes montrent clairement que les ministres ont fait exactement ce que j'ai déjà dit à maintes reprises. Ils ont accepté l'avis et la recommandation du commissaire de la GRC, qui est responsable du service policier chargé de l'enquête. Contrairement à ce que d'autres ont pu dire, cela ne signifie pas que les ministres sont parties à l'enquête. Cela n'a pas été le cas depuis le début, et ce ne l'est pas davantage maintenant.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, c'est exactement l'information que le chef de l'opposition essayait d'obtenir en posant sa question à ma collègue, il y a quelques minutes. Je demande à l'honorable leader du gouvernement de vérifier si, plutôt que de simplement accepter les recommandations, les deux ministres se sont assurés que les arguments du commissaire étaient établis sur des bases solides.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je n'ai pas accès aux discussions de cette nature, comme mon collègue doit le savoir. Il a précisé lui-même en commençant à formuler sa question que cette recommandation avait été présentée avec soin.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, j'ai parlé du soin qu'on avait apporté à la rédaction du communiqué de presse. On y a mis beaucoup plus de soin que pour la rédaction de la lettre.

Le sénateur Fairbairn: C'est très clair que les deux ministres ont accepté le raisonnement donnant lieu à la recommandation; ils ont accepté l'avis.

La vente des avions Airbus à Air Canada-Les allégations de complot visant à frauder le gouvernement fédéral-La lettre envoyée aux autorités suisses-La position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, nous sommes certainement tous d'accord pour dire que c'est avec soin que l'on a rédigé la lettre aux autorités suisses. Ce n'était pas en style télégraphique, ce n'était pas un message du type carte postale qu'on envoyait aux autorités suisses pour qu'elles lancent une enquête.

Elle se lit comme suit:

Le ministre de la Justice et procureur général du Canada demande respectueusement au ministre de la Justice de Suisse qu'il accorde son aide au gouvernement canadien qui enquête sur des violations du droit canadien.

Comment madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire que son gouvernement ne savait rien de cela? Que le premier ministre et les deux ministres directement en cause dans cette affaire ne savaient rien à ce sujet, lorsqu'un document officiel a été envoyé aux autorités suisses sur papier à en-tête du ministère de la Justice? La demande a été faite par le ministre de la Justice et procureur général du Canada, au nom du gouvernement canadien, et elle a été signée par un haut fonctionnaire du ministère de la Justice.

Comment la ministre peut-elle nous dire: «Nous n'y étions pour rien», lorsque la participation est évidente au vu des documents rendus publics et disponibles à tous ceux qui veulent analyser exactement ce que vise le gouvernement? Le gouvernement a été complice de cela depuis le tout début. Ce n'est pas à moi de dire pourquoi le gouvernement ne veut pas l'admettre.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne suis pas du tout d'accord avec la conclusion que tire l'honorable sénateur. Le document dont il parle a été transmis comme le sont habituellement de tels documents.

(1420)

Le fait est que les ministres ne connaissaient pas le contenu de cette lettre. Ils n'étaient pas au courant de l'enquête. Une fois encore, honorables sénateurs, et je dis cela très sincèrement, ils ne devraient pas - ni maintenant, ni à cette époque-là - être parties aux enquêtes policières.

Je suis sûre que tout le monde s'inquiéterait si on donnait une réponse différente de celle que je donne aujourd'hui.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorable sénateur, ma question est celle-ci: est-ce que le bureau du premier ministre ou le bureau du Conseil privé étaient au courant de cette lettre?

Le sénateur Comeau: Oui ou non.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, comme le chef de l'opposition l'indiquait, cette communication a été envoyée par le ministère de la Justice. L'enquête est une enquête de la Gendarmerie royale du Canada.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et elle ne rend de comptes à personne.

Le sénateur Fairbairn: Aucun ministre n'a participé à cette enquête ou n'en avait connaissance. C'est une question qui relève de la police et c'est là qu'elle doit être, à la police et non au sein d'autres ministères, entre les mains d'autres ministres ou d'autres membres du personnel.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la période réservée aux questions est terminée. Le sénateur Forrestall a essayé de poser une question à plusieurs occasions. Serions-nous d'accord pour entendre le sénateur Forrestall?

Des voix: D'accord.

La Défense nationale

Le programme de remplacement des hélicoptères de recherche et de sauvetage-L'efficacité du modèle choisi

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question à la ministre concerne le remplacement des hélicoptères utilisés pour la recherche et le sauvetage. J'ai appris qu'une décision aurait été prise concernant l'achat de ce matériel. Apparemment, un représentant de la firme britannique en question se trouve actuellement à Ottawa dans ce but.

Par pure coïncidence, la séance d'information que j'avais demandée depuis un certain temps sur ce sujet, et qui était prévue pour ce matin, a été annulée tout d'un coup. Je me demande bien pourquoi.

La ministre peut-elle nous mettre au courant de l'évolution du dossier? A-t-on fait une annonce? Une annonce est-elle imminente? Est-ce qu'on a retenu le petit hélicoptère qui ne répond pas aux critères?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, mon honorable collègue est fort bien renseigné sur ce sujet et sa ténacité lui fait honneur. Toutefois, je puis lui dire très honnêtement que je ne suis au courant d'aucune nouveauté dans ce dossier. J'ignore pourquoi la séance d'information à laquelle il devait assister a été annulée. Je vais essayer de trouver la réponse à ces deux questions.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, selon mes sources, le gouvernement aurait conclu une entente en vue de l'achat du Cormorant, version réduite du EH-101. La ministre dit qu'elle n'est pas au courant, mais dois-je présumer que si le sujet a fait l'objet de discussions au Cabinet, elle est en fait au courant?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, mon honorable collègue sait pertinemment que ce qui se dit au Cabinet n'est pas discuté à l'extérieur. Comme je viens de le lui mentionner, je vais consulter le ministère de la Défense nationale et voir ce que je peux y apprendre à son intention; je me renseignerai également sur les circonstances de l'annulation de sa réunion d'information.

Dépôt de la réponse à une question au Feuilleton

Affaires étrangères-L'achat de véhicules-Demande de précisions

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la question no 4 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.

Affaires indiennes-L'achat de véhicules-Demande de précisions

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la question no 5 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.

Commerce international-L'achat de véhicules-Demande de précisions

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la question no 11 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.

ORDRE DU JOUR

Le projet de loi sur certains accords concernant l'aéroport international Pearson

Deuxième lecture-Ajournement du débat

Permission ayant été accordée de passer à l'article no 3 de l'ordre du jour:

L'honorable Michael Kirby propose: Que le projet de loi C-28, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, soit lu pour la deuxième fois.

- Honorables sénateurs, enfin je peux intervenir pour amorcer le débat en deuxième lecture du projet de loi C-28.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Je l'ai attendu hier.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Nous étions ici hier.

Le sénateur Kirby: De nombreux sénateurs connaissent déjà bien ce projet de loi. Après avoir écouté plusieurs rappels au Règlement, je suis convaincu que les sénateurs d'en face comprennent parfaitement bien ce projet de loi. Comme ils l'ont souligné à maintes reprises, le projet de loi C-28 est identique à son prédécesseur, le projet de loi C-22. Il annule les fameux, ou devrais-je dire les infâmes accords concernant l'aéroport Pearson et il limite les actions en réclamation que les promoteurs pourraient intenter contre le gouvernement.

Nous tous en cette Chambre connaissons la controverse qui a entouré ces accords et les tentatives du gouvernement en vue d'adopter une loi pour les révoquer. Étant donné que j'ai passé presque six mois l'année dernière à étudier le dossier de l'aéroport Pearson, je peux dire que je connais très bien les opinions arrêtées de certains de mes collègues d'en face au sujet de ces accords. Je sais qu'ils connaissent aussi mon point de vue sur la question.

Honorables sénateurs, nous avons tenu un débat en cette Chambre sur les accords concernant l'aéroport international Pearson. Je ne propose pas qu'on reprenne le débat maintenant, même si je souhaiterais éclaircir certains propos formulés durant le débat sur les rappels au Règlement. De même, je n'entends pas répéter tous les arguments que j'ai présentés en cette Chambre le 1er février, lorsque j'ai expliqué en détail les raisons pour lesquelles je croyais fermement qu'il était dans l'intérêt de la population d'annuler les accords concernant l'aéroport Pearson.

L'essentiel, c'est que le gouvernement a pris la décision stratégique de révoquer les accords portant sur le réaménagement de l'aéroport Pearson. Il s'est engagé à le faire, devant la population canadienne, durant la dernière campagne électorale. Le projet de loi C-28 permet au gouvernement de respecter son engagement électoral. Le projet de loi C-28 aurait dû être adopté il y a déjà longtemps; il est grand temps que les sénateurs autorisent le gouvernement à tenir sa promesse électorale.

(1430)

Cela étant dit, j'espère simplement, considérant le fond du débat entourant les rappels au Règlement, que nous pouvons aborder cette question sans tenir des propos déplorables, comme ce fut le cas à l'occasion de l'étude du projet de loi C-22, l'ancêtre du projet de loi C-28.

Dans l'essentiel, le projet de loi C-22 a été critiqué par les honorables sénateurs d'en face pour des raisons d'ordre strictement juridique. Prétendant que le projet de loi C-22 était inconstitutionnel, ils l'ont renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour qu'il l'étudie. Les honorables sénateurs le savent, ce comité a tenu un certain nombre d'audiences sur une longue période. Il a entendu des témoins qui estimaient que le projet de loi était constitutionnel et d'autres qui étaient d'avis contraire. Au cours des mois où le comité était saisi du projet de loi, le gouvernement a proposé plusieurs séries d'amendements pour répondre aux préoccupations exprimées par certains témoins.

La position adoptée par le gouvernement pendant toute la durée de ce long processus était claire: le projet de loi, sans amendement, était légal, constitutionnel, et rentrait dans le champ de compétence du Parlement. Le ministre de la Justice a témoigné devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles deux fois plutôt qu'une, et à chaque fois, il a dit clairement que le projet de loi C-22 était constitutionnel et que le Parlement avait le pouvoir de l'adopter. Des fonctionnaires du ministère de la Justice ont également déclaré le projet de loi C-22 légal et constitutionnel. D'éminents spécialistes du droit constitutionnel, dont le professeur Wayne Mackay, de l'École de droit de Dalhousie, ont aussi déclaré le projet de loi C-22 légal et constitutionnel.

Le sénateur Lynch-Staunton: Des extraits sélectifs.

Le sénateur Kirby: Quoi qu'il en soit, le gouvernement en comité a proposé des amendements pour tenter de bonne foi d'accélérer l'adoption du projet de loi et d'assurer la mise en oeuvre de la politique gouvernementale.

Cependant, nous savons tous ce qui s'est produit durant la période où le comité des affaires juridiques et constitutionnelles a étudié ce projet de loi. Tout d'abord, la majorité conservatrice au comité, puis celle au Sénat, ont adopté des amendements qui auraient enlevé toute substance au projet de loi. La Chambre des communes a rejeté ces amendements et renvoyé le projet de loi au Sénat.

Par la suite, après plusieurs mois d'audiences sporadiques, plusieurs membres du comité des affaires juridiques et constitutionnelles ont décidé d'eux-mêmes d'enterrer le projet de loi, en refusant de le présenter au Sénat pour qu'on puisse en débattre et tenir un vote sur la question.

Cela a été, honorables sénateurs, une période bien sombre pour le Sénat et pour le processus législatif. C'est certes le Sénat dans son ensemble qui devrait se prononcer sur les projets de loi. On ne devrait pas donner la possibilité aux comités de nous priver de ce rôle. Il faut certes remettre en question les règles au sein de n'importe quel organisme législatif qui permettent à sept membres de décider si les 97 autres membres pourront ou non discuter d'une question et se prononcer sur cette dernière.

Même si j'aimerais bien le faire, je ne veux pas revenir sur les récriminations du passé ou m'attarder sur la triste histoire de la façon dont les sénateurs conservateurs, surtout au comité, ont traité le projet de loi C-22. Il est évident que le gouvernement préfère que ce projet de loi soit adopté sous sa forme initiale, sous la forme où il a été adopté par les représentants élus du peuple à l'autre endroit, non pas une fois, mais à trois reprises maintenant.

Cependant, le gouvernement et les sénateurs libéraux veulent également aller de l'avant, ou essayer de le faire, dans un esprit de coopération avec les sénateurs d'en face. Ainsi, je suis heureux d'annoncer aujourd'hui qu'au comité, les membres ministériels du comité seront, une fois de plus, prêts à proposer une série d'amendements qui refléteront le désir du gouvernement de tenir vraiment compte des critiques formulées contre le projet de loi C-22. Nous sommes disposés à proposer ces amendements, s'ils s'imposent pour apaiser les craintes de nos vis-à-vis. Je crois que grâce à ces amendements, le gouvernement pourra tenir la promesse électorale qu'il a faite aux Canadiens d'une façon qui répond aux préoccupations constitutionnelles soulevées par nos vis-à-vis durant les mois d'audiences sur le projet de loi C-22.

Lorsqu'il a parlé contre le projet de loi C-22, le sénateur Lynch-Staunton a précisé très clairement que ses collègues et lui-même n'essayaient pas de s'opposer à la décision politique du gouvernement d'annuler les accords sur l'aéroport Pearson, même s'il a répété à maintes reprises, avec raison, que ses collègues et lui préféreraient que la décision soit différente. Le sénateur Lynch-Staunton a dit clairement très souvent que sa seule préoccupation était de veiller à ce que le projet de loi soit constitutionnel.

Le sénateur Lynch-Staunton: La primauté du droit.

Le sénateur Kirby: Permettez-moi de lire un passage d'une déclaration que le sénateur Lynch-Staunton a faite dans cette Chambre il y a un an et demi, soit le 5 octobre 1994. Le chef de l'opposition au Sénat a dit:

Comme on le répète depuis des lustres, le Sénat n'est pas là pour faire de l'obstruction et retarder les choses indéfiniment. Il doit toujours être conscient de la volonté des représentants élus. Cela est particulièrement vrai dans le cas d'une politique gouvernementale appuyée par une majorité de députés. Mais, dans ce cas-ci, ce que nous contestons, ce n'est pas une politique - l'annulation des accords Pearson - mais la violation d'un principe, soit la dénégation de l'accès aux tribunaux. Ce n'est pas plus compliqué.

Honorables sénateurs, bien que ce projet de loi nous ait été renvoyé dans son état original, si les sénateurs conservateurs qui siègent au comité insistent, nous sommes disposés à y proposer des amendements qui répondent directement aux préoccupations d'ordre juridique et constitutionnel qu'ont soulevées mes collègues d'en face.

Je suis heureux de dire au sénateur Lynch-Staunton et à tous les autres sénateurs que chacune des critiques d'ordre constitutionnel qui ont été soulevées contre le projet de loi C-22 sera examinée et qu'on y répondra d'une manière satisfaisante par des amendements que les membres libéraux du comité sont disposés à présenter en comité.

Par conséquent, je suis convaincu que les honorables sénateurs d'en face pourront maintenant permettre l'adoption du projet de loi, manifestement pas avec enthousiasme, mais néanmoins en conformité avec la position que leur chef a adoptée à maintes reprises, à savoir que seules les questions constitutionnelles sont en jeu, et non la décision relative à la politique.

Si vous le permettez, je me propose maintenant de passer en revue le projet de loi et les amendements que les membres libéraux du comité des affaires juridiques et constitutionnelles sont disposés à présenter si ces amendements sont nécessaires pour répondre aux préoccupations des sénateurs conservateurs.

Dans le même discours dont j'ai cité un passage il y a quelques instants et qui remonte au 5 octobre 1994, le sénateur Lynch-Staunton a expliqué les préoccupations que lui et ses collègues avaient au sujet du projet de loi C-22 original. Encore une fois, je cite un extrait des Débats du Sénat du 5 octobre 1994, cette fois-ci tiré de la page 816:

Bref, la dénégation du droit d'accès aux tribunaux, la déclaration établissant non seulement l'annulation des contrats, mais leur inexistence, de même que la discrétion absolue accordée au ministre pour déterminer éventuellement les sommes à verser au titre de dommages-intérêts à la partie lésée, voilà autant de dispositions dont aucun législateur n'a jamais osé saisir le Parlement du Canada. Elles pèchent contre un des principes les plus fondamentaux sur lesquels le Canada est fondé...

...la primauté du droit.

Je n'entends pas débattre encore une fois la question de savoir si les vifs propos qu'a tenus le sénateur Lynch-Staunton étaient justifiés, bien que je ne puisse m'empêcher de souligner qu'un certain nombre de juristes fort respectés qui ont témoigné devant le comité ont dit très clairement que non. Cependant, il ne s'agit plus de cela. Les amendements que les membres libéraux du comité sont disposés à présenter répondront, point par point, à chacune des préoccupations précises que le sénateur Lynch-Staunton a soulevées à maintes reprises. Je m'explique.

D'abord, les articles 3, 4 et 5 du projet de loi, qui déclarent que les accords ne sont pas entrés en vigueur, seraient modifiés pour qu'ils déclarent que les amendements n'ont pas d'effet juridique après le 15 décembre 1993. Le 15 décembre 1993, c'est la date à laquelle le gouvernement fédéral était censé céder les biens, conformément aux contrats, mais il ne l'a pas fait. Cela règle l'une des trois préoccupations du sénateur Lynch-Staunton. Le projet de loi ne déclarerait plus que les contrats n'ont jamais existé.

Ensuite, les articles 7 et 8, qui empêchent l'accès aux tribunaux, seraient modifiés pour permettre d'engager des procédures judiciaires. C'est ce qui règle la deuxième des trois préoccupations du sénateur Lynch-Staunton, telle qu'il l'a présentée en cette enceinte le 5 octobre 1994 et que j'ai citée il y a quelques minutes.

Je suis heureux de signaler que ces amendements régleraient aussi tout à fait l'objection que le sénateur Lynch-Staunton a présentée la semaine dernière en cette enceinte. Son principal argument contre le projet de loi C-28, au moment où il a présenté son premier rappel au Règlement, il y a deux semaines, était que l'article 3 déclarait que les accords Pearson n'avaient jamais existé. Il avait dit que cela équivalait à une procédure sans précédent d'annulation d'un jugement de la cour. L'autre objection du sénateur Lynch-Staunton, c'était que le projet de loi empêchait l'accès aux tribunaux.

(1440)

Faisant un rappel au Règlement, le 30 avril 1996, le sénateur Lynch-Staunton a dit au Sénat:

Avec le projet de loi C-28, le gouvernement du Canada demande au Parlement du Canada de le décharger d'une responsabilité qu'il a déjà reconnue à la suite de deux jugements. Pour ce faire, le projet de loi C-28 déclarerait nuls et non avenus les accords que le gouvernement a, de son propre aveu, conclus mais pas respectés et il interdirait l'accès aux tribunaux et aux recours auxquels a droit un plaignant, malgré le fait que l'accès aux tribunaux a déjà été reconnu par la garantie constitutionnelle que renferme la règle du droit et par le jugement accepté antérieurement par le gouvernement du Canada.

Ce sont les arguments qu'a présentés le sénateur Lynch-Staunton hier en accusant le gouvernement de créer ce qu'il a appelé des précédents dangereux. Ce sont les arguments dont s'est servi le sénateur Lynch-Staunton pour protester contre la deuxième lecture du projet de loi par cette Chambre. Est-il besoin de le dire, je suis en désaccord avec le sénateur Lynch-Staunton sur son analyse. Ce n'est pas étonnant, étant donné que nous avons participé tous les deux à bon nombre des audiences tenues l'été dernier dans le cadre de l'enquête sur l'aéroport Pearson. Bien sûr, je suis également en désaccord avec ses conclusions.

Toutefois, comme il a exposé ces préoccupations dans cette enceinte, je sais que le sénateur Lynch-Staunton sera le premier à reconnaître que les deux amendements que j'ai proposés jusqu'à maintenant répondent à ses deux objections. En fait, je suis heureux qu'il se soit donné la peine de faire de nouveau état de ses préoccupations lorsqu'il a expliqué son rappel au Règlement, parce qu'il m'a ainsi donné l'occasion de lui assurer, ainsi qu'à cette Chambre, que les amendements que les membres libéraux du comité vont proposer répondront aux préoccupations du sénateur Lynch-Staunton et les dissiperont.

Enfin, honorables sénateurs, en ce qui concerne les articles 9 et 10 du projet de loi C-28, l'ancien projet de loi C-22, qui interdisent toute compensation et donnent au ministre toute discrétion concernant le versement des sommes qu'ils estime indiquées, sauf au titre des profits non réalisés ou des sommes versées pour lobbyisme, les membres libéraux du comité sont prêts à proposer un amendement qui aura pour effet d'éliminer ces articles. Cela répondra à la troisième et dernière des objections originales du sénateur Lynch-Staunton.

C'est un fait connu que le gouvernement refuse, par principe, de payer pour certains types de dommages dans ce conflit, notamment les profits non réalisés et les honoraires des lobbyistes. La politique du gouvernement a toujours été très claire: le consortium devrait pouvoir recouvrer uniquement les sommes réellement déboursées et les dépenses pouvant être prouvées, à l'exception des frais de lobbying.

On pourrait discuter longuement de cette décision de principe prise du gouvernement. Bon nombre d'entre vous m'avez entendu, en février dernier, parler de certains des profits escomptés et nous avons été mis au courant des honoraires des lobbyistes l'été dernier, durant l'enquête sur l'aéroport Pearson. Cependant, je préfère ne pas m'engager dans ce débat, du moins pour le moment. Comme le sénateur Lynch-Staunton l'a si bien dit, l'objection de son parti à l'égard du projet de loi C-22 ne portait pas sur les principes, mais uniquement - et j'insiste sur le mot uniquement, honorables sénateurs - sur les questions constitutionnelles. Il a affirmé que cette Chambre devrait déférer à l'autre endroit toutes les questions de principe.

En fait, le sénateur Lynch-Staunton a lui-même proposé une solution au problème durant l'une des séances de travail du comité sur le projet de loi C-22. Permettez-moi de lire un extrait du procès-verbal du jeudi 17 novembre 1994; il est écrit à la page 14:17:

Le sénateur Lynch-Staunton: Le gouvernement a le droit de se soucier des dommages-intérêts octroyés dans toute affaire dans laquelle il est le défendeur. Peut-on demander aux tribunaux d'évaluer les demandes de ce genre en fonction de certaines lignes directrices incluses dans la loi? Je dis cela parce qu'aux termes de ce projet de loi, les requérants n'ont droit au versement d'aucune somme au titre des profits non réalisés ou des honoraires des lobbyistes et seules certaines dépenses pourront donner droit à un remboursement. Que ces restrictions soient appropriées ou non, est-il normal qu'une loi impose de telles conditions au tribunal pour l'évaluation d'une demande d'indemnité?

Le professeur Ken Norman, de la faculté de droit de l'Université de la Saskatchewan, a répondu de la façon suivante au sénateur Lynch-Staunton:

M. Norman: Oui. [...] Si le pouvoir législatif désire stipuler les paramètres dans lesquels devra se situer le jugement d'un tribunal indépendant, il a le droit de le faire [...] Le projet de loi C-22 peut certainement préciser quels doivent être les critères pour le paiement des parties [...] C'est ce que je préconise [...] Je pense que le Parlement peut limiter et définir ce qui doit être considéré ou non.

En fait, honorables sénateurs, tous les témoins qui sont venus devant le comité des affaires juridiques et constitutionnelles, quel que soit le côté pour lequel ils prenaient, étaient absolument d'accord sur le fait qu'il est parfaitement normal pour le Parlement de légiférer des critères qu'un tribunal devra appliquer dans le calcul des dommages et intérêts.

Le Parlement peut fixer un plafond monétaire pour les dommages et intérêts - d'ailleurs, certains témoins ont même dit que le Parlement pouvait fixer comme limite le dollar symbolique - ou indiquer quels types de dommages sont acceptables. Il peut, par exemple, interdire que l'on réclame des profits potentiels ou des honoraires de lobbyistes.

C'est ce qu'auraient fait les amendements que je mentionnais comme présentables - et que l'on présentera si les sénateurs d'en face insistent. Ces amendements ne fixeraient pas de plafond monétaire pour les dommages et intérêts, mais ils indiqueraient tout simplement que tel ou tel type de dommages ne peut être considéré par le tribunal. En particulier, ils indiqueraient clairement qu'il ne peut pas y avoir de dommages et intérêts pour la perte de profits potentiels ou les honoraires de lobbyistes.

La plupart des amendements que je viens de mentionner ont été déposés au comité des affaires juridiques et constitutionnelles il y a de nombreux mois. Même s'ils satisfaisaient la plupart des témoins qui sont venus devant le comité pour critiquer le projet de loi C-22, l'un en particulier est resté insatisfait et a continué à soulever des objections au projet de loi. Ce témoin, le professeur Patrick Monahan, de la Osgoode Hall Law School, a été franc et honnête; il a déclaré au comité que ses services avaient été retenus plusieurs mois plus tôt par le consortium Pearson en rapport avec le projet de loi C-22.

Soyons clairs. Je ne fais pas cette observation pour attaquer ou miner le témoignage du professeur Monahan. En fait, je le félicite de son honnêteté et de sa franchise. Je veux juste être sûr que je présente parfaitement bien l'opinion du professeur Monahan parce que, comme le verrez dans un moment, nous avons très sérieusement pris son point de vue en considération.

Le professeur Monahan est venu trois fois devant le comité des affaires juridiques et constitutionnelles. La troisième fois, même lui admettait que la plupart de ses objections avaient été prises en considération dans les amendements au projet de loi présentés en comité. Lors de son troisième témoignage, le professeur Monahan n'avait plus que deux objections constitutionnelles au projet de loi. Ces deux objections étaient relatives aux critères que devraient appliquer le tribunal dans la détermination des dommages et intérêts. Ces critères figurent dans les amendements au projet de loi C-22 qui ont été proposés au comité peu de temps avant que le professeur Monahan ne témoigne pour la troisième fois.

Selon ces amendements, le projet de loi C-22 aurait limité l'octroi de dommages-intérêts aux demandes présentées avant le 30 juin 1994. Ce délai avait été imposé dans le cadre du processus de règlement qui avait débuté en janvier 1994. Cette date était connue de toutes les parties engagées dans le projet de l'aéroport Pearson et elles avaient eu six mois pour préparer leurs demandes et les présenter à M. Robert Wright, alors arbitre pour le compte du gouvernement.

Le ministre de la Justice a déclaré devant le comité des affaires juridiques et constitutionnelles que cette date avait été retenue dans le projet de loi C-22 à la fois pour respecter le processus mis en oeuvre par M. Wright et aussi comme point de repère permettant au gouvernement de déterminer grosso modo l'ampleur des demandes. De toute évidence, cette détermination constitue un facteur important à un moment où le gouvernement fédéral s'efforce de remettre de l'ordre dans ses finances et doit considérablement réduire les fonds qu'il accorde à divers programmes gouvernementaux importants.

Le sénateur Lynch-Staunton: Alors, cessez de vous en prendre à M. Mulroney.

Le sénateur Kirby: Il s'agissait là de limites appropriées, légitimes et tout à fait conformes au droit et à la Constitution. Néanmoins, le professeur Monahan s'est vigoureusement opposé au délai du 30 juin, disant que cette date était arbitraire et anticonstitutionnelle. D'après mon expérience dans cette Chambre et ma compréhension générale du processus législatif, il me semble que bon nombre de lois établissent régulièrement des limites qui, selon certains points de vue, pourraient être perçues comme étant arbitraires.

(1450)

Je n'ai pas l'intention d'intervenir dans ce débat parce qu'un autre amendement que les libéraux qui siègent au comité des affaires juridiques et constitutionnelles s'apprêtent à présenter fera disparaître la date du 30 juin, de sorte qu'il n'y aura plus du tout de date limite. L'objection du professeur Monahan n'aura plus sa raison d'être. En fait, dans les amendements que le gouvernement s'apprête à présenter au comité, il n'y aura pas de date limite pour quiconque veut présenter une réclamation.

Comme je l'ai dit il y a quelques instants, quand il a comparu devant le comité pour la troisième et dernière fois, le professeur Monahan a soulevé deux objections d'ordre constitutionnel. La première concernait la date, que les libéraux qui siègent au comité s'apprêtent à éliminer. La deuxième avait trait à l'article du projet de loi C-22 modifié qui aurait interdit de verser des dommages-intérêts non compensatoires, majorés, exemplaires et punitifs.

Cette objection du professeur Monahan était fondée sur sa crainte que l'article en question ne prive de toute compensation un plaignant dans une affaire de diffamation. En effet, je vais vous citer des extraits du témoignage que le professeur Monahan a donné le 23 mai devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles:

Tout ce que peut toucher...

...le plaignant...

...c'est un remboursement de ses débours [...]. Dans le cas de dommages-intérêts et de poursuites pour diffamation, la réclamation porte généralement sur un montant considérable correspondant à des dommages-intérêts majorés ou généraux. Par conséquent, bien que vous puissiez faire une réclamation pour diffamation...

...en vertu de l'amendement proposé...

...vous ne pouvez rien récupérer du tout.

Il est vrai que vous pouvez blanchir votre réputation. Vous pouvez obtenir un jugement disant que vous avez été victime de diffamation. Ce n'est pas là chose insignifiante. C'est important. Cependant, vous ne pouvez pas obtenir de la cour qu'elle vous accorde une compensation comme elle le ferait d'habitude dans une affaire de diffamation.

Toujours au sujet de la diffamation, étant donné la conjugaison de la date limite, qui est toujours là, et de l'interdiction du versement de dommages-intérêts exemplaires ou majorés, il ne semble pas qu'il y ait vraiment de place pour une réclamation pour diffamation.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne le deuxième point, soit l'interdiction de paiements de dommages-intérêts non compensatoires, majorés, exemplaires et punitifs, le professeur Monahan a laissé entendre que cette disposition signifiait que les plaignants ne pouvaient recevoir aucun montant. Il est clair que ce n'est pas exact. L'interdiction proposée de dommages-intérêts non compensatoires, punitifs, exemplaires ou majorés n'empêche en rien un plaignant d'obtenir des dommages-intérêts dans le cadre d'une poursuite pour diffamation.

En fait, honorables sénateurs, dans le cadre normal du fonctionnement des tribunaux, on compense les gens pour diffamation non pas en leur accordant des dommages-intérêts punitifs, majorés ou exemplaires, mais des dommages-intérêts généraux. Honorables sénateurs, rien dans les amendements qu'on a proposés au comité des affaires juridiques et constitutionnelles n'empêchera un plaignant de réclamer des dommages-intérêts généraux.

Juste pour vérifier ce point, honorables sénateurs, j'ai examiné certains des dommages-intérêts que les tribunaux ont accordés au cours des cinq dernières années à la suite de poursuites pour diffamation. Dans les 25 cas où on a accordé des dommages-intérêts, il s'agissait de dommages-intérêts généraux. Je le répète, honorables sénateurs, l'octroi de dommages-intérêts généraux est encore possible aux termes des amendements qu'on a présentés devant le comité des affaires juridiques et constitutionnelles, il y a un an.

Je n'ai pu trouver un seul cas de diffamation où un plaignant a obtenu des dommages-intérêts majorés, punitifs ou exemplaires sans également recevoir des dommages-intérêts généraux et, dans la plupart des cas, des dommages-intérêts généraux importants. En fait, dans la grande majorité des cas, le plaignant n'a obtenu que des dommages-intérêts généraux. Il est extrêmement rare qu'on accorde des dommages-intérêts majorés, punitifs ou exemplaires. Ils ne sont absolument pas la norme.

Je pense également que les honorables sénateurs devraient noter que le montant des dommages-intérêts généraux peut être très élevé. Là encore, en se reportant à l'échantillon de 25 poursuites pour diffamation qui ont abouti au cours des cinq dernières années, on s'aperçoit que les montants accordés au titre de dommages-intérêts généraux varient de 2 000 $ à 300 000 $. Le montant de 300 000 $ n'est pas particulièrement exceptionnel. Ainsi, dans un certain nombre de cas, les montants accordés variaient entre 40 000 $ et 100 000 $.

Rien ne justifie donc que le professeur Monahan prétende qu'en ne permettant que des dommages-intérêts généraux au titre de la restitution, on va empêcher les plaignants d'être bien indemnisés. En fait, honorables sénateurs, le professeur Monahan l'a reconnu. Il a dit exactement:

[...] dans le cas de dommages-intérêts et de poursuites pour diffamation, la réclamation porte généralement sur un montant considérable correspondant à des dommages- intérêts majorés ou à des dommages-intérêts généraux.

Ainsi, même si dans son témoignage il s'attarde seulement sur l'interdiction de dommages-intérêts majorés, le professeur Monahan a reconnu clairement que dans la plupart des cas de poursuites pour diffamation dans lesquels on accorde des dommages-intérêts, il est question d'un montant considérable pour des dommages-intérêts généraux.

En fait, je viens de vous donner l'exemple de 25 cas au cours des cinq dernières années, qui prouvent que, sur ce point particulier, le professeur Monahan avait tout à fait raison.

Ainsi, honorables sénateurs, à la suite des amendements que les sénateurs libéraux sont disposés à proposer au comité, comme je l'ai signalé, les personnes concernées seront en mesure de poursuivre pour diffamation et de réclamer des dommages- intérêts généraux. Je le répète, au cours des dernières années, les tribunaux ont accordé des dommages-intérêts généraux s'élevant à des centaines de milliers de dollars.

Enfin, le professeur Monahan s'est également dit troublé par l'effet combiné de la date du 30 juin et de l'interdiction de dommages-intérêts exemplaires et majorés. Selon les amendements que le gouvernement est prêt à accepter et que les sénateurs libéraux sont disposés à proposer au comité, la date du couperet serait éliminée et les requérants auraient droit aux dommages-intérêts généraux.

Dans son témoignage, le professeur Monahan a déclaré sans la moindre ambiguïté que le reste du projet de loi C-22, tel qu'amendé déjà ou comme le proposerait au comité le gouvernement, serait conforme à la Constitution si l'on réglait la question de la date limite du 30 juin et de l'interdiction de dommages-intérêts exemplaires et majorés. D'ailleurs, quand il a comparu devant le comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le 23 mai 1995, le professeur Monahan a dit explicitement: «Le gouvernement peut imposer des limites à la restitution.» Cet argument est important, parce que je sais à quel point le professeur Monahan est respecté, surtout par les gens d'en face, en particulier ceux qui s'opposent au projet de loi C-22. Simplement pour faire valoir ce point, je voudrais vous lire un bref échange entre le sénateur Lynch-Staunton et le professeur Monahan, qui a eu lieu pendant la troisième comparution de ce dernier devant le comité. Le passage est le suivant:

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous seriez satisfait, d'un point de vue constitutionnel, si le paragraphe e) était supprimé.

Ce paragraphe est au sujet de l'interdiction de dommages-intérêts non compensatoires, punitifs, exemplaires ou majorés.

Seriez-vous satisfait également si l'on éliminait la date du 30 juin sans toucher au reste, c'est-à-dire les conditions et les types de dommages-intérêts autorisés?

M. Monahan: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est la date qui vous préoccupe, non les conditions imposées aux requérants.

M. Monahan: C'est juste. Si la date et l'interdiction des dommages-intérêts punitifs, exemplaires, et cetera, étaient supprimées, je dirais que le projet de loi serait constitutionnel.

Permettez-moi simplement de répéter cela, honorables sénateurs, parce que j'ai affirmé que les sénateurs libéraux membres du comité des affaires juridiques et constitutionnelles sont disposés à proposer des amendements qui portent sur ces deux points. Le professeur Monahan, que les gens d'en face présentent comme leur principal expert en la matière, a déclaré:

Si la date et l'interdiction des dommages-intérêts punitifs, exemplaires, et cetera, étaient supprimées, je dirais que le projet de loi serait constitutionnel.

Par conséquent, honorables sénateurs, j'ai confiance que les amendements que nous sommes disposés à proposer au comité, si les sénateurs d'en face insistent, régleront tous les problèmes soulevés par le professeur Monahan, et je sais que ce dernier est d'avis que le projet de loi ainsi amendé sera constitutionnel.

(1500)

Une dernière question a été soulevée par des sénateurs d'en face. Ce problème avait trait à un projet d'amendement qui aurait exigé que les frais juridiques encourus pendant les négociations entourant les accords de l'aéroport Pearson soient taxés en conformité avec la procédure normale en Ontario. Il s'agit, évidemment, d'une disposition normale ajoutée pour veiller à ce que les frais juridiques réclamés soient corrects et appropriés dans les circonstances. Néanmoins, dans un effort supplémentaire pour faire tout notre possible pour calmer les inquiétudes des sénateurs d'en face, pour accélérer l'adoption du projet de loi et répondre aux préoccupations exprimées par les sénateurs conservateurs, les membres libéraux du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sont disposés à proposer un amendement au projet de loi qui éliminerait cette exigence.

Honorables sénateurs, nous sommes prêts à proposer des amendements qui résoudront de façon satisfaisante chacune des préoccupations d'ordre constitutionnel qui ont été soulevées par les témoins et par les sénateurs d'en face. Bien que le gouvernement ne soit pas d'accord avec toutes les objections qui ont été soulevées - loin de là -, le fait est qu'avec la série d'amendements que nous sommes disposés à accepter, nous aurons un projet de loi qui répond aux objections des sénateurs conservateurs et de tous leurs témoins experts.

Je sais que les honorables sénateurs d'en face ne seront jamais d'accord avec la politique dont s'inspire le projet de loi. Ils l'ont abondamment démontré pendant les mois où le comité du sénateur Beaudoin en a été saisi et ensuite pendant les débats que nous avons tenus ici sur des recours au Règlement. J'ai eu moi-même abondamment l'occasion de comprendre directement leurs points de vue pendant les mois qu'ont duré les travaux du comité spécial sur les accords de l'aéroport Pearson. Cependant, comme le sénateur Lynch-Staunton l'a rappelé à maintes reprises au Sénat, la politique dont s'inspire le projet de loi n'est pas la question en litige. C'est la constitutionnalité qui est le seul sujet de préoccupation du sénateur Lynch-Staunton.

De plus, la politique du gouvernement à ce sujet jouit très nettement du soutien d'une majorité des représentants élus à l'autre endroit. Et même, je ne puis résister à la tentation de le rappeler, comme le démontrent les sondages, le gouvernement continue de jouir d'un immense soutien de la part des publics canadiens, ontariens et torontois. Pour citer le sénateur Lynch-Staunton, le Sénat «n'existe pas pour entraver et retarder indéfiniment» une politique qui a été appuyée par les membres de l'autre endroit et qui a l'immense appui du public canadien. Le temps est sûrement venu de respecter les traditions parlementaires en l'occurrence.

Honorables sénateurs, ma principale objection aux accords de l'aéroport Pearson, c'est qu'ils avaient été conclus, sans aucune clause de résiliation, au milieu d'une campagne électorale par un gouvernement qui se savait sur le point d'être battu.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est faux.

Le sénateur Kirby: Pendant les travaux du comité spécial, nous avons entendu des témoins dire qu'il existe au Canada une pratique qui aurait dû retenir le gouvernement conservateur de conclure les accords de l'aéroport Pearson pendant une campagne électorale.

Le sénateur Lynch-Staunton: Faux, encore une fois.

Le sénateur Kirby: La greffière du Conseil privé a déclaré que les gouvernements canadiens observent une règle générale de conduite selon laquelle il faut agir avec circonspection pendant une campagne électorale.

Le sénateur Lynch-Staunton: Exact.

Le sénateur Kirby: La greffière du Conseil privé, lorsqu'elle a témoigné au comité spécial du Sénat sur les accords de l'aéroport Pearson, présidé par le sénateur MacDonald, a énuméré un certain nombre de facteurs dont il fallait tenir compte pour comprendre exactement ce qu'on veut dire par «agir avec prudence». Elle a donné la liste suivante. Premier facteur, est-ce que la transaction va lier les gouvernements ultérieurs?

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est ce qui a été fait.

Le sénateur Kirby: Y a-t-il d'autres solutions? Y a-t-il urgence?

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.

Le sénateur Kirby: Y a-t-il obligation d'agir? Y a-t-il controverse?

À l'évidence, honorables sénateurs, aucun de ces cinq critères n'a été appliqué en l'espèce. Le premier consiste à savoir si la transaction liera les gouvernements ultérieurs. Et comment! Les accords sur l'aéroport Pearson devaient lier les gouvernements pendant 57 ans.

Le sénateur Lynch-Staunton: À la fin d'août.

Le sénateur Kirby: Deuxième critère: y avait-il d'autres solutions? Là encore, c'est oui. Il est évident, honorables sénateurs, que le gouvernement aurait pu attendre trois semaines pour voir s'il formerait le gouvernement après les élections.

Troisième critère: y avait-il urgence? Non, bien entendu. Le consortium n'avait prévu prendre possession de l'aéroport qu'après les élections. Le gouvernement n'avait aucune raison de ne pas attendre 21 jours de plus pour signer l'accord. La difficulté, c'est que les conservateurs savaient qu'ils ne formeraient pas le gouvernement 21 jours plus tard, et c'est pourquoi ils ont signé.

Le sénateur Lynch-Staunton: Révision de l'histoire.

Le sénateur Kirby: Quatrième critère, selon la greffière du Conseil privé: y avait-il obligation d'agir? Les témoignages que nous avons entendus au cours de l'enquête sur l'aéroport Pearson montrent clairement que c'est non. La greffière du Conseil privé a dit très explicitement que Mme Campbell, alors au poste de premier ministre, n'avait pas à ordonner la signature de ces contrats.

Le sénateur Lynch-Staunton: Elle n'a pas autorisé la signature.

Le sénateur Kirby: La greffière a ajouté que, si le premier ministre l'avait voulu, il aurait été possible de reporter la décision jusqu'après les élections.

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui, mais à quel prix?

Le sénateur Kirby: De toute évidence, il n'y avait pas obligation d'agir.

Finalement, on a demandé à la greffière du Conseil privé s'il y avait controverse. Quelle question à poser à ce stade-ci! Je ne connais personne au Sénat et personne dans toute la province d'Ontario qui nierait le fait que les accords de l'aéroport Pearson étaient très controversés au moment où ils ont été signés.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et ils le sont encore de nos jours.

Le sénateur Kirby: Ces cinq critères montrent très clairement que le gouvernement a rompu avec les pratiques gouvernementales et politiques respectées depuis fort longtemps au Canada, lorsqu'il a signé les accords de l'aéroport Pearson 21 jours avant des élections qu'il savait qu'il allait perdre.

Son Honneur le Président: Je m'excuse, sénateur Kirby, mais je dois vous informer que la période de 45 minutes qui vous était accordée est écoulée.

Le sénateur Kirby: Il me reste quatre minutes.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Le sénateur Lynch-Staunton: Seulement s'il s'en tient aux faits, plutôt que de raconter ce genre de balivernes.

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: La permission est accordée. Vous pouvez continuer.

Le sénateur Kirby: Je crois sincèrement que cette pratique de longue date est très logique. Il y a certaines décisions qui ne peuvent être prises en période électorale. En Australie, dont le régime parlementaire britannique ressemble au nôtre, de par ses origines et bon nombre de ses pratiques, il existe une «convention de transition» écrite et explicite, qui précise bien que le gouvernement doit éviter de signer des marchés importants ou de se lancer dans de grandes entreprises pendant une période de transition suivant la dissolution du Parlement.

Pourquoi les Canadiens devraient-ils accepter plus que les Australiens que leur gouvernement se conduise mal? Il n'y a aucune raison, honorables sénateurs. Jusqu'à ce que les accords sur l'aéroport Pearson soient signés au milieu d'une campagne électorale, les Canadiens n'ont pas eu à accepter cela.

Un professeur très respecté de sciences politiques, John Wilson, a déclaré ceci devant le comité de l'aéroport Pearson:

La décision de la première ministre Campbell ne dénotait pas un bon exercice du pouvoir au plan constitutionnel, c'est le moins qu'on puisse dire, mais, compte tenu de nos coutumes et de celles des autres systèmes parlementaires, elle suffit à justifier, à mon avis, toutes les mesures qu'on a prises pour mettre fin à l'accord.

Le sénateur Lynch-Staunton: Comme le lien fixe? Pourquoi avez-vous annulé cela?

Le sénateur Kirby: Les mesures nécessaires pour mettre fin à l'accord, honorables sénateurs, sont bien sûr réunies dans le projet de loi original, le C-22, et dans l'actuel projet de loi C-28. Il serait bien triste pour notre démocratie parlementaire que, en plus de ce mépris de nos traditions, qui a donné naissance d'abord au projet de loi C-22, puis au projet de loi C-28, les sénateurs d'en face outrepassent leurs pouvoirs en refusant d'accepter les décisions politiques des représentants élus de l'autre endroit et la voix de l'électorat.

Soit dit entre parenthèses, la majorité conservatrice, dans son rapport majoritaire suivant l'enquête sur l'aéroport Pearson, n'a pas pu réfuter le témoignage du professeur Wilson. En fait, elle n'a même pas tenté de le faire. Dans son rapport majoritaire, elle s'est contentée de rejeter la critique cinglante du professeur Wilson en disant que, à bien y penser, elle ne trouvait pas l'argumentation du professeur Wilson convaincante. Les conservateurs ne la trouvaient pas convaincante parce qu'elle n'était pas conforme à la position qu'ils avaient adoptée.

En fait, dans son rapport majoritaire, la majorité conservatrice a préféré compter sur le témoignage de deux autres spécialistes des sciences politiques qui ont témoigné sur cette question. Mais même ces experts condamnent la décision du gouvernement Campbell de signer les accords au cours de la campagne électorale. Le professeur Andrew Heard, de l'Université Simon Fraser, a dit ceci:

Ce n'est pas conforme aux usages politiques passés et c'est une question qui, à mon avis, incite certainement à se demander si c'était prudent ou non.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais c'est légal.

Le sénateur Kirby: Nous n'avons jamais dit que ce ne l'était pas. Le professeur J. R. Mallory, de l'Université McGill, a dit que la signature était bizarre et imprudente.

L'essentiel, honorables sénateurs, c'est que les accords concernant l'aéroport Pearson n'auraient jamais dû être signés durant une campagne électorale.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et ils ne l'ont pas été.

Le sénateur Kirby: Le Sénat a maintenant une obligation, celle de permettre au gouvernement d'annuler cela. Nous savons tous à quel point ce sera important de le faire.

Pendant deux ans, le sénateur Lynch-Staunton a dit que, de ce côté-ci, nous exagérions l'ampleur des demandes d'indemnisation que le consortium présentera au gouvernement. Nous pensions alors que les indemnités demandées seraient d'environ 400 millions de dollars. L'avocat représentant le consortium a maintenant déclaré que ses clients évaluent les préjudices qu'ils ont subis à un montant se situant entre 523 et 662 millions de dollars. Il est évident que ce groupe veut tirer le maximum de bénéfices de l'annulation de son bail de 57 ans, même si les contrats n'ont duré que 57 jours.

(1510)

Honorables sénateurs, le projet de loi C-28 est une mesure importante. Le sénateur Lynch-Staunton et ses collègues ont exprimé de sérieuses réserves à propos de certaines dispositions du projet de loi C-22, mais ces réserves se limitaient clairement à la constitutionnalité du projet de loi.

Le sénateur Lynch-Staunton: Elles s'y limitent toujours.

Le sénateur Kirby: Il y a près de deux ans, le 4 juillet 1994, lorsque le projet de loi C-22 a été étudié en comité, le sénateur Lynch-Staunton a dit ceci:

Je tiens à reprendre, dès le départ, les propos du président du comité concernant l'intérêt que nous portons à ce projet de loi, et je suis d'accord avec lui. Nos inquiétudes n'ont rien à voir avec l'indemnisation elle-même. Nous sommes tout à fait indifférents au fait que les requérants aient droit ou non à une indemnisation, au montant de l'indemnisation, pas plus que nous nous préoccupons des motifs qui justifieraient un tel dédommagement. C'est leur problème. Notre problème, c'est de saisir la constitutionnalité de ce projet de loi ou de certaines de ses dispositions au sujet desquelles nous avons toujours des doutes.

Ce n'est pas la seule fois où le sénateur Lynch-Staunton a dit qu'en fait, les sénateurs d'en face sont tout à fait indifférents à la question de savoir si les requérants ont droit ou non à une indemnisation, au montant de celle-ci ou aux motifs qui la justifieraient. À maintes reprises depuis deux ans, le sénateur Lynch-Staunton a donné au Sénat et aux membres du comité des affaires juridiques et constitutionnelles l'assurance que lui et son parti ne s'intéressent absolument pas à l'indemnisation demandée par le consortium. Il a dit souvent que sa seule préoccupation a toujours été de s'assurer de la constitutionnalité du projet de loi.

Permettez-moi de lire une autre déclaration que le sénateur Lynch-Staunton a faite au Sénat le 5 octobre 1994:

Y a-t-il quelqu'un dans cette Chambre, à l'autre endroit ou même n'importe où ailleurs qui peut trouver la moindre preuve que la position du Sénat à l'égard du projet de loi C-22 est suscitée par les intérêts financiers des parties lésées par cette mesure? Combien de fois dois-je répéter que nous n'avons aucun intérêt dans l'aboutissement des demandes d'indemnisation, quelles qu'elles soient? Combien de fois dois-je dire que nous ne les appuyons ni ne les condamnons, que nous ignorons si elles sont valables et que cela nous importe peu, et que nous n'avons aucun intérêt personnel ou politique dans la méthode d'évaluation de toute demande d'indemnisation? Seule une audition impartiale devant une tierce partie peut permettre de déterminer équitablement les montants, le cas échéant, qui sont dus à la suite de l'annulation des ententes.

Avec les propositions d'amendement dont j'ai parlé aujourd'hui, les sénateurs libéraux qui sont membres du comité des affaires juridiques et constitutionnelles sont prêts à présenter au comité les objections constitutionnelles dont le sénateur Lynch-Staunton a dit à maintes reprises qu'elles étaient absolument sa seule préoccupation. Toutes les objections constitutionnelles que le sénateur Lynch-Staunton et les experts de son parti ont soulevées devant le comité au cours de ces audiences précédentes auront été étudiées.

Honorables sénateurs, j'espère qu'il est clair, d'après mes remarques aujourd'hui, que le gouvernement est prêt à déployer beaucoup d'efforts pour satisfaire absolument et complètement les préoccupations soulevées par le sénateur Lynch-Staunton et ses collègues. Par conséquent, je suis persuadé que le sénateur Lynch-Staunton, qui est un homme de parole, et ses collègues ne changeront pas subitement d'idée et ne développeront pas d'autres préoccupations impérieuses au sujet de questions auxquelles, jusqu'à maintenant, ils étaient complètement indifférents.

Je suis donc persuadé que le comité des affaires juridiques et constitutionnelles devrait être en mesure d'étudier le projet de loi et d'en faire rapport au Sénat sans délai pour que le gouvernement puisse enfin remplir l'engagement qu'il a pris envers la population canadienne durant la dernière campagne électorale et aller de l'avant avec le développement de l'aéroport Pearson.

Des voix: Bravo!

L'honorable Noël A. Kinsella: Le sénateur Kirby répondrait-il à des questions?

Le sénateur Kirby: Avec plaisir.

Le sénateur Kinsella: D'abord et avant tout, sénateur, avez-vous l'intention de produire au Sénat une copie de ces propositions d'amendement auxquelles vous avez fait allusion?

Le sénateur Kirby: Non. J'ai déclaré que le gouvernement préférerait évidemment que le projet de loi C-28 soit adopté dans sa forme actuelle. J'ai précisé quel serait le but des propositions d'amendement. Lorsque le comité se réunira, je suis sûr qu'il pourra accepter les propositions d'amendement sans délai, si, bien sûr, il le désire.

Le sénateur Kinsella: Le sénateur peut-il nous expliquer sa théorie de la procédure parlementaire? À l'étape de la deuxième lecture, nous devons nous prononcer sur le principe même du projet de loi. Tout au long de son intervention, l'honorable sénateur a parlé d'amendements. Comment pouvons-nous étudier le projet de loi et la teneur des amendements auxquels il a consacré l'essentiel de son intervention, si nous n'en avons pas le texte?

Le sénateur Kirby: Le débat de deuxième lecture porte sur le principe du projet de loi. Franchement, je croyais avoir utilisé des termes assez simples pour que tout le monde comprenne mes explications sur la teneur des amendements. Par conséquent, j'ai de la difficulté à accepter que vous ne compreniez pas en quoi consistera le projet de loi amendé.

J'ai expliqué clairement et en termes très simples en quoi consisteraient les amendements. Comme vous le savez, nous discutons du principe du projet de loi, pas des détails de la formulation des amendements.

Le sénateur Kinsella: Je ne crois pas que ce soit une question de capacité de comprendre. Il est clair que l'on tourne les deux Chambres du Parlement en dérision. On nous présente un projet de loi qui, pour paraphraser le sénateur MacEachen, n'a rien à voir avec le projet de loi C-22 puisque tout repart à zéro. Le sénateur Kirby prend la parole et ne nous parle pas seulement du projet de loi C-28, mais d'un autre projet de loi, qui sera, celui-là, construit à partir du projet de loi C-28. Cela nous renvoie directement à ce que nous avons voulu dénoncer par notre deuxième rappel au Règlement: la Chambre des communes ne s'est pas arrêtée au principe, ni aux détails, ni à la substance de ce projet de loi d'initiative ministérielle. Il s'agit pourtant d'un projet de loi du gouvernement. J'aimerais que le sénateur Kirby explique au Sénat comment il peut affirmer que ce n'est pas là tourner notre système parlementaire en dérision.

Le sénateur Kirby: Sénateur Kinsella, vous n'avez manifestement pas écouté ce que j'ai dit. J'ai dit plusieurs fois, et je vais le répéter encore très lentement pour qu'il n'y ait aucune confusion, que le gouvernement préférerait nettement que le projet de loi C-28 soit adopté sous sa forme actuelle. C'est ce que préférerait nettement le gouvernement.

Toutefois, j'ai dit que, afin de répondre à certaines des préoccupations que vous et vos collègues avez soulevées durant la dernière série de séances du comité, nous étions prêts, si vous persistiez à soulever ces préoccupations au comité, à proposer des amendements pour faire preuve de bonne volonté et essayer de trouver une solution à ce problème. Je n'ai pas dit que nous allions nécessairement proposer des amendements. J'ai dit catégoriquement que, si vous insistiez, nous en proposerions.

Le sénateur Lynch-Staunton: Où sont ces amendements?

Le sénateur Kirby: Le projet de loi dont nous sommes saisis est celui que le gouvernement voudrait faire adopter. Nous avons dit que nous répondrions à vos préoccupations, si elles existent encore.

Après avoir écouté certaines des remarques faites au sujet des rappels au Règlement et après avoir lu l'affidavit du sénateur Lynch-Staunton relativement aux procédures judiciaires à Toronto, je dois dire que je me demande si vous essayez ou non d'élargir vos préoccupations, mais nous pourrons juger de cela au comité. Le projet de loi dont nous sommes saisis est exactement celui que le gouvernement voudrait faire adopter. Comme je veux toujours être raisonnable et que je suis toujours prêt à collaborer, j'ai essayé de vous offrir des solutions pour répondre à vos préoccupations. Si vous n'en voulez pas, tant pis.

L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, j'ai, moi aussi, quelques questions à poser au sénateur Kirby. Je crois que nous devrions d'abord le remercier pour la générosité peu caractéristique dont il a fait preuve en nous disant que, si nous nous comportons bien, nous pourrons obtenir des amendements au projet de loi C-28.

Le sénateur Kirby: Sénateur, sachez que la dernière chose à laquelle je m'attends de votre part, c'est que vous vous comportiez bien. Ce n'est pas là un critère. Mon offre n'a rien à voir avec votre comportement. Si c'était le cas, je comprendrais votre scepticisme, sachant à quel point il est difficile pour vous de bien vous comporter. Il n'y avait dans mon offre aucune condition liée à votre comportement.

Le sénateur MacDonald: J'ai arrêté de compter après la douzième allusion au fait que le comité auquel le projet de loi C-28 est renvoyé se limitera aux questions constitutionnelles, ce sur quoi vos amendements étaient fondés. Le sénateur a cité inlassablement les remarques de notre chef.

(1520)

Le sénateur Kirby: Je comprends pourquoi vous pourriez vous lasser de cela.

Le sénateur MacDonald: L'honorable sénateur vit dans l'espoir. Les deux côtés du Sénat en ont assez de cela. Si les honorables sénateurs des deux côtés prenaient le temps d'y réfléchir, ils verraient que ce projet de loi est une mesure radicale sans précédent, mis à part l'expropriation des Japonais durant la Deuxième Guerre mondiale. L'honorable sénateur est encore jeune et il est difficile de contenir son énergie. Dieu sait qu'il nous l'a montré. Je voudrais lui poser rapidement quelques questions.

D'où est venue l'idée d'une clause de résiliation d'un accord comme celui de l'aéroport Pearson? D'où vient l'idée que le gouvernement y serait lié pendant 57 ans?

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, je crois que je peux résumer l'essentiel du problème. Je ne veux pas reprendre les discussions que l'honorable sénateur et moi avons eues pendant les travaux du comité. J'ai d'ailleurs déclaré, dans un esprit de conciliation, que je ne le souhaitais pas, mais si mon collègue veut y revenir, je serai heureux de le faire.

En fait, il n'y avait pas de clause de résiliation et le contrat devait durer 57 ans. On me répondra sans doute que l'accord pouvait être résilié, mais qu'il y aurait eu des pénalités considérables. Toutefois, comme nous l'avons vu l'été dernier, des contrats aussi importants que celui-ci contiennent normalement une clause de résiliation.

Enfin, je désire tirer les choses au clair au sujet de la question de la constitutionnalité. Je suis d'accord avec le sénateur MacDonald: j'ai été aussi ennuyé que lui les nombreuses fois où j'ai cité le sénateur Lynch-Staunton. Je dois cependant signaler que pendant l'étude du projet de loi au comité des affaires juridiques et constitutionnelles, les seules objections soulevées par les sénateurs d'en face étaient de nature constitutionnelle.

Voulant me montrer conciliant, j'ai dit que nous étions prêts à répondre à toutes les objections qu'ont soulevées les sénateurs de l'autre côté lors de l'examen du projet de loi en comité. Je me suis limité dans mes remarques aux questions constitutionnelles, car c'étaient les seules qui préoccupaient les sénateurs de l'autre côté.

Que tout à coup, les sénateurs de l'autre côté s'inquiètent du montant de l'indemnisation, voilà qui est de leur part un changement total par rapport à la position qu'ils avaient prise depuis le début. J'essayais de traiter des questions particulières qui avaient préoccupé les sénateurs conservateurs non seulement durant les audiences tenues par le comité des affaires juridiques et constitutionnelles, mais aussi durant les audiences que le comité spécial a tenues l'été dernier.

Le sénateur MacDonald: Honorables sénateurs, je ne veux pas m'étendre sur cette question en posant d'autres questions. Cependant, le faire est extrêmement tentant, car beaucoup de choses ont été dites sur lesquelles je ne suis pas d'accord.

Je reviens à la question de l'énergie. Si c'est le but des sénateurs de l'autre côté de nommer un juge pour juger sa propre cause, qu'ils le disent.

Le sénateur Kirby: Je ne suis pas sûr de savoir à qui le sénateur fait référence quand il parle de «juge». Il n'est pas question de cela dans ce projet de loi. Il y a toujours le droit d'aller devant les tribunaux et d'intenter une action en dommages-intérêts. Il y a toujours le droit d'obtenir des dommages-intérêts généraux lorsqu'on a gain de cause dans les actions en diffamation. Je ne comprends pas le problème des sénateurs d'en face. Nous avons répondu aux préoccupations du sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur MacDonald: J'ai déjà complimenté le sénateur Kirby pour sa générosité en ce qui concerne les amendements proposés. Nous n'avons pas encore eu la possibilité de les examiner. Je ne sais pas la part que l'honorable sénateur s'est réservée. Je ne sais pas s'il a tout donné.

Le sénateur Kirby: J'ai essayé de tout donner afin de nous permettre d'annuler les accords et d'aller de l'avant avec l'aménagement de l'aéroport Pearson.

Le sénateur MacDonald: Le sénateur Kirby sait que rien ne peut les arrêter. On l'a démontré. Des mesures ont été annoncées par le ministre. Le dossier de l'aéroport Pearson va de l'avant. Il a 20 ans de retard, mais il va de l'avant. Rien au Sénat ne peut arrêter cela. Pourquoi alors ces manoeuvres de diversion? Quand nous prendrons connaissance des amendements, nous verrons ce qu'il reste à faire aux plaignants quand viendra le moment de se défendre devant les tribunaux.

Comme nous n'avons pas de tradition procédurière au Canada et comme nos tribunaux n'ont pas la réputation d'accorder de gros dommages-intérêts, j'aurais pu dire à l'honorable sénateur que cette question aurait pu être réglée il y a deux ou trois mois pour environ 175 millions de dollars.

Le sénateur Bryden: C'est vraiment une affaire d'argent, n'est-ce pas ce que vous dites, sénateur MacDonald?

Le sénateur MacDonald: Non.

Le sénateur Bryden: Si vous ne vous intéressez pas à l'argent, comment se fait-il que vous pensez maintenant que cela peut se régler pour 175 millions de dollars?

Le sénateur MacDonald: Il ne s'agissait pas uniquement d'une affaire d'argent.

Le sénateur Atkins: Levez-vous et posez votre question.

Le sénateur Kirby: L'honorable sénateur et moi divergeons d'opinions sur une question bien simple. Dans les circonstances, un gouvernement aurait complètement tort, ce serait même de l'irresponsabilité, de donner 175 millions de dollars. Non seulement cela serait-il presque moralement répréhensible, mais cela serait également profondément injuste envers les contribuables canadiens, que le projet de loi cherche précisément à protéger.

Le sénateur Forrestall: Vous avez donné un milliard de dollars pour résilier un contrat d'achat d'hélicoptères. Vous pouvez bien parler.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, j'aimerais savoir au juste ce que l'on attend de nous pendant ce débat de deuxième lecture du projet de loi. Tout ce que nous avons sous les yeux, c'est un texte qui reproduit exactement tout le contenu du projet de loi C-22. En ce qui me concerne, tout ce dont mes collègues et moi pouvons discuter est devant nous.

Le sénateur Kirby a dit: «Quand le comité sera saisi du projet de loi, nous le modifierons pour répondre à toutes vos objections. Nous accepterons non seulement les amendements que le gouvernement a déjà présentés deux fois, nous répondrons même à vos objections concernant les dommages-intérêts et la date limite.» Or, s'il dit que les amendements répondront à nos objections, le texte dont nous sommes invités à discuter à l'étape de la deuxième lecture et celui que le gouvernement a à l'esprit sont deux projets de loi complètement différents.

En toute justice pour les deux côtés du Sénat, je demande au sénateur Kirby de nous communiquer les amendements, au moins sous forme d'ébauche, pour que nous puissions étudier ce projet de loi un peu plus rapidement et aider le comité à se prononcer en discutant ici même des amendements. C'est très bien de relire son texte pendant le week-end et de relever les principaux points des amendements, mais tant que nous n'aurons pas vu le texte qui confirme les propos du sénateur, nous en sommes réduits au projet de loi lui-même.

Les sénateurs canadiens se font dire sans cesse qu'ils doivent respecter la volonté du peuple. Il est inouï que ce projet de loi, qui a été confirmé pour la troisième fois, nous revienne profondément révisé sans qu'il y ait eu consultation avec les membres de l'autre endroit. Le sénateur Kirby s'est contenté de dire: «Mes collègues du comité et mes collègues de ce côté-ci sont prêts à faire droit à vos objections.» Nous ne l'avons pas encore entendu dire: «Le ministre de la Justice est d'accord, tout comme le ministre des Transports et mes collègues des Communes.»

Ce processus traite les représentants élus avec le plus grand mépris. On nous demande de faire fi de leur volonté. On nous dit: «Nous allons modifier le projet de loi pour répondre à vos objections.» Nous nous retrouverons avec une mesure complètement différente de celle qu'ils nous ont renvoyée, et sans que les représentants élus aient jamais été consultés. Comment le sénateur peut-il s'attendre à ce que nous nous prêtions à ce jeu-là?

(1530)

Pour en revenir à mon objection initiale, comment pouvons-nous discuter d'un projet de loi lorsqu'on nous prévient: «Ce que vous avez sous les yeux n'a rien à voir avec ce que nous voulons proposer»?

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, je suis désolé si le chef de l'opposition est un peu perdu. Il se peut très bien que, dans mes observations j'aie fait allusion à ce que les sénateurs libéraux étaient disposés à proposer au comité, mais, à au moins trois ou quatre reprises, j'ai bel et bien parlé du gouvernement. Il n'y a donc aucune ambiguïté. Les amendements que les sénateurs libéraux sont disposés à proposer au comité sont des amendements du gouvernement, appuyés par le gouvernement. À propos de la première question du sénateur au sujet du soutien du ministre de la Justice, du ministre des Transports, je puis dire, pour dissiper toute ambiguïté, que ce seront bel et bien des amendements du gouvernement.

Le sénateur a parlé du texte des amendements. Plusieurs amendements, à l'exception de ceux qui visent à répondre aux deux dernières préoccupations du professeur Monahan, ont été proposés au comité par le sénateur Beaudoin il y a fort longtemps, il y a un an à peu près. Je suis sûr que le sénateur possède le texte de ces amendements.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, nous avons maintenant la confirmation de ce que j'avançais, à savoir que la Chambre des communes n'a pas été consultée. On nous affirme qu'il s'agit d'amendements proposés par le gouvernement. Oublions le fait que la Chambre des communes a adopté ce projet de loi pour la troisième fois il y a à peine deux ou trois semaines. Nous passerons plutôt par d'autres intermédiaires, des intermédiaires non élus, pour imposer des amendements, les renvoyer à l'autre endroit et les faire approuver de façon systématique, sans que les députés aient eu l'occasion d'en débattre à l'origine - ce qui est tout à fait contraire à la façon dont devrait fonctionner le Parlement canadien.

Le sénateur Kirby: Je m'excuse, honorables sénateurs, mais pourrions-nous tenter d'éclaircir la situation? Si le projet de loi est modifié en comité et adopté au Sénat avec des amendements, il doit être renvoyé à l'autre endroit. Nous en sommes tous conscients. Il reste à savoir si nous voulons adopter des amendements. Par conséquent, le sénateur Lynch-Staunton veut nous lancer de la poudre aux yeux avec son deuxième argument. En fait, au cas où les amendements seraient adoptés par le Sénat, les députés auraient l'occasion d'étudier le projet de loi modifié. Cela se produit tout le temps. À en croire le sénateur Lynch-Staunton, jamais nous ne pourrions, au Sénat, proposer un amendement à un projet de loi, puisque l'amendement n'aurait pas été adopté préalablement par la Chambre des communes. Non seulement la position du sénateur est ridicule, mais elle n'est fondée sur aucun fait ni aucun précédent.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, le sénateur Kirby peut-il nous donner un exemple d'un projet de loi d'initiative ministérielle qui a été adopté à la Chambre des communes, dont le parrain aurait déclaré, au début de l'étape de la deuxième lecture au Sénat et avant même que des amendements soient proposés: «Ne tenez pas compte de ce que dit le projet de loi, parce que je tiens à vous aviser que, en comité, nous allons le modifier au point où il ne ressemblera en rien à la mesure qu'a adoptée l'autre endroit». Les députés comme les sénateurs n'ont même pas vu les amendements. Le gouvernement n'a même pas pris la peine de leur dire: «Nous avons pris note de vos objections et nous les écouterons certainement de nouveau en comité. Par conséquent, il serait préférable de renvoyer le projet de loi au comité au plus tôt»? Non. Voilà qu'aujourd'hui, avant même que le comité ait entendu son premier témoin, le gouvernement nous dit: «Nous avons prévu tous ces amendements que vous serez appelés à adopter.» Montrez-nous ces amendements. Le gouvernement ne peut pas tout avoir: nous promettre que quelque chose va se produire et nous demander de débattre des amendements que nous n'avons jamais vus. Où sont ces amendements? Toute l'argumentation du sénateur est discutable.

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, le sénateur ne comprend pas. Cela ne me surprend pas, mais cela m'agace. Ce que je dis, c'est que nous allons présenter ces amendements si les membres conservateurs du comité des affaires juridiques et constitutionnelles insistent. Attendons de voir quels amendements le sénateur et ses collègues insisteront pour avoir au comité. Après, nous réglerons ce problème au comité. Ce que j'essayais de faire, dans mes observations, c'est de faire valoir très clairement deux choses. Nous préférerions que le projet de loi C-28 soit adopté dans sa forme actuelle, mais, comme nous voulons nous montrer raisonnables et faire que cette affaire se règle assez vite, nous sommes disposés à modifier le projet de loi dans le sens que j'ai mentionné si, en fait, le sénateur insiste pour que ces amendements y soient apportés. Pourquoi les présenter à l'étape de la deuxième lecture alors que nous préférons la forme actuelle du projet de loi? Nous proposons ces amendements lorsque le projet de loi sera examiné par le comité. Nous voulons montrer que nous sommes raisonnables . Si les honorables sénateurs d'en face veulent voir ces amendements, ils n'ont qu'à envoyer le projet de loi au comité.

Le sénateur MacDonald: Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Kirby se trouve à prendre la place de la présidente du comité des affaires juridiques et constitutionnelles en laissant entendre que les audiences de ce comité auront une durée limitée. Est-ce qu'il est train de dire que les témoins qui comparaîtront devant le comité devront se limiter à des questions constitutionnelles, comme ce fut le cas pour le dernier comité Beaudoin? Est-ce bien ce que le sénateur propose?

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, rien que pour que les choses soient bien claires, je précise que je ne parle absolument pas de la procédure ou de la façon de procéder du comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Le sénateur Carstairs préside le comité et c'est parfait. Je ne fais pas partie du comité directeur. Celui-ci mène ses affaires comme il l'entend. Tout ce que j'en dis, c'est que, pendant les deux années de discussion que nous avons eues au comité quand il était présidé par le sénateur Beaudoin, les sénateurs conservateurs ont soulevé un éventail très limité de question. Toujours désireux de nous montrer raisonnables et magnanimes, nous, de ce côté-ci, étions disposés à essayer de répondre à ces préoccupations.

Je m'efforçais d'apaiser beaucoup des préoccupations des sénateurs d'en face, mais je n'ai réussi, semble-t-il, qu'à les contrarier. Je suppose que c'est parce que, comme nous sommes disposés à satisfaire les préoccupations qu'ils ont exprimées, il ne leur reste plus que deux options. Les sénateurs d'en face peuvent ou bien décider d'attaquer sur un tout nouveau terrain - et l'observation du sénateur quant aux 175 millions de dollars me fait croire qu'ils risquent de le faire -, ce qui va nous permettre enfin d'arriver à la véritable question, celle de l'indemnisation, ou bien dire: «Sapristi, comme les libéraux ont, comme d'habitude, bien répondu à nos préoccupations, laissons donc adopter le projet de loi.» Telle est vraiment leur position. J'ai hâte de voir si le sénateur Lynch-Staunton était vraiment sérieux lorsqu'il a dit et répété qu'un nombre limité de questions posaient problème ou s'il en soulèvera toute une nouvelle série.

Le sénateur MacDonald: Honorables sénateurs, j'ai une dernière question à poser au sénateur Kirby. Au sujet de la question constitutionnelle qui nous occupe depuis des semaines et des semaines, à savoir la primauté du droit, elle est fort à la mode ces trois derniers jours. Nous en parlons encore.

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: J'ai une question à poser au sénateur Kirby. Nous sommes ici à l'étape de la deuxième lecture et nous étudions le principe du projet de loi. Nous connaissons ce projet de loi par coeur. On l'a étudié pendant un an et demi et l'on connaît tous les témoins. Il n'y en a qu'un seul qui nous a dit que ce n'était pas contre la «rule of law». Tous les autres témoins nous ont dit que le projet de loi était contre la primauté du droit. Si, vraiment, vous voulez accepter certains amendements, je n'arrive pas à comprendre pourquoi vous n'êtes pas prêts à les dévoiler à ce stade-ci, parce que ceci peut influencer notre vote. Vous dites que l'on vote sur le principe du projet de loi, mais nous avons toujours voulu des changements à ce projet de loi. Si vous voulez avoir une certaine coopération, pourriez-vous, au moins, nous révéler les amendements à venir?

[Traduction]

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, nous tournons en rond. Je pense que nous sommes déjà passés par là. Ce que j'ai dit, c'est que le gouvernement préférerait que le projet de loi reste dans sa forme actuelle. J'ai dit aussi que, pour répondre aux préoccupations des sénateurs d'en face - et j'ignore si ces préoccupations sont les mêmes que celles qui ont été exprimées à l'égard du projet de loi C-22 -, le gouvernement est prêt à appuyer les sénateurs libéraux au comité pour proposer des modifications afin de dissiper ces préoccupations. Toutefois, nous devons d'abord renvoyer le projet de loi au comité pour savoir si ces préoccupations sont les mêmes que celles que vous avez exprimées lorsque le projet de loi était à l'étude du comité que le sénateur a si bien présidé ou si elles ont changé.

L'observation du sénateur MacDonald sur les 175 millions de dollars et certaines des observations faites à l'occasion des trois rappels entendus depuis deux semaines m'ont rendu franchement perplexe quant à savoir si vos préoccupations sont celles auxquelles nous avons tenté de répondre en disant que nous accepterons certains amendements. Je me demande donc quelles sont les véritables préoccupations de l'opposition conservatrice. Le seul moyen de le savoir est, à mon avis, de renvoyer le projet de loi au comité et de laisser aux membres de ce dernier le soin de s'en occuper.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je proteste. Le sénateur Kirby a recours à une méthode assez astucieuse et flagorneuse pour jeter le doute...

Le sénateur Gigantès: Est-ce un mot parlementaire?

Le sénateur Lynch-Staunton: Certainement. Je constate avec plaisir que le sénateur était éveillé puisqu'il l'a entendu.

Le sénateur a recours à une méthode flagorneuse pour jeter le doute sur les motivations de ses vis-à-vis quand cela fait son affaire.

(1540)

Comme on a fait état des données sur l'indemnisation, il suppose, soudainement, que l'on se préoccupe du niveau de l'indemnisation. Cela n'a jamais été le problème.

Je répète, pour la dernière fois j'espère: quelle que soit la nature des dommages, quel que soit le montant réclamé, quelle que soit la validité des réclamations, quels que soient les arguments invoqués à l'appui de ces dernières, laissons le consortium faire valoir lui-même ces réclamations. Notre préoccupation, c'est que tout citoyen canadien voulant avoir gain de cause et obtenir réparation dans un différend devrait pouvoir le faire devant une tierce partie.

Notre principale objection au projet de loi - qui est identique à celle que nous avons exprimée contre le même projet de loi qui s'appelait projet de loi C-22 -, c'est qu'il ne permet pas à des citoyens innocents de se présenter devant un tribunal pour défendre leur cause.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Lynch-Staunton: Cela n'a rien à voir avec le fait que les intéressés gagnent ou perdent. Cela n'a rien à voir avec le niveau de dommages-intérêts ou le montant, ni même avec la capacité du gouvernement de verser les dommages-intérêts qui pourraient ou non être accordés. Ce qui est en cause, c'est la primauté du droit et le droit de demander aux tribunaux de se prononcer.

Ne nous accusez plus jamais, directement ou indirectement, ou d'une manière obséquieuse, de nous préoccuper de l'indemnisation du consortium. Ce qui nous préoccupe, c'est le droit de présenter une demande d'indemnisation.

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, je m'excuse auprès du sénateur Lynch-Staunton si c'est ce que j'ai laissé entendre, mais je pense qu'il a mal interprété mes observations. Je pensais avoir répété très clairement dans mon discours que les seules réserves exprimées par le sénateur Lynch-Staunton étaient des questions d'ordre constitutionnel et juridique comme celles qu'il vient de mentionner. Dans mon discours, j'ai dit très clairement qu'il s'agissait là des seuls aspects qui préoccupaient l'autre côté et des seules questions visées par les amendements que nous sommes disposés à proposer au sein du comité.

Je n'ai pas soulevé la question financière. Le sénateur MacDonald l'a fait. J'ai répondu à ses observations. Si, en faisant cela, j'ai laissé entendre que vos motivations avaient changé, je m'en excuse. Ce n'était pas mon intention. J'essayais d'expliquer très clairement que le sénateur et ses collègues avaient exprimé au sein du comité une gamme très limitée de réserves d'ordre juridique ou constitutionnel. À mon avis, les amendements que j'ai décrits apportent une solution à chacune de ces objections. J'espère donc que le projet de loi pourra être adopté dans les plus brefs délais.

Je ne pense pas que le sénateur ait exprimé des préoccupations à propos de la question de l'indemnisation. En fait, je n'ai jamais parlé de cela dans mes observations avant que le sénateur MacDonald ne fasse un commentaire sur les 175 millions de dollars.

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, le sénateur Kirby a fini son discours. Un sénateur à ma gauche m'a demandé si le sénateur Kirby accepterait de répondre à certaines de ses questions et il l'a fait.

Ce n'est pas le moment de débattre de la question. Nous devrions montrer une certaine uniformité dans notre façon de procéder.

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi sur les transports au Canada

Troisième lecture-motions d'amendement-Ajournement du débat

L'honorable Lise Bacon propose: Que le projet de loi C-14, Loi maintenant l'Office national des transports sous le nom d'Office des transports du Canada, codifiant et remaniant la Loi de 1987 sur les transports nationaux et la Loi sur les chemins de fer et modifiant ou abrogeant certaines lois, soit lu une troisième fois.

-Honorables sénateurs, il y a deux aspects du projet de loi C-14 que je tiens à souligner aujourd'hui. Il s'agit du consensus considérable atteint au sujet de ce projet de loi et de la nécessité de mettre désormais l'accent sur la viabilité de l'industrie ferroviaire.

[Traduction]

Parlant de consensus, je dois dire que je trouve tout à fait remarquable qu'un projet de loi de cette longueur, il compte 278 articles, ait été si bien accueilli. Lors des audiences du comité sénatorial permanent des transports et des communications, il est rapidement devenu évident que les critiques ne visaient que deux articles. Certains ont dit que nous étions allés trop loin, d'autres pas assez.

Les deux articles contestés ont trait à un seul sujet, à savoir la manière d'arriver à des décisions réglementaires clés sur les chemins de fer.

[Français]

Cela ne veut pas dire pour autant que les autres questions soulevées dans le projet de loi n'ont aucune importance. Loin de là!

Lors de mon discours à l'étape de la deuxième lecture, je vous ai mentionné que ce projet de loi devait remplacer la Loi de 1987 sur les transports nationaux, la Loi sur les billets de transport et la Loi sur les chemins de fer de l'État, et, essentiellement, tous les éléments de la Loi sur les chemins de fer.

Il devait rationaliser et raccourcir le processus actuel de rationalisation des lignes de chemin de fer pour qu'il soit plus conforme aux pratiques commerciales et moins controversé, et qu'il favorise la vente ou la location de lignes excédentaires à de nouveaux exploitants.

Il devait maintenir des droits et des mécanismes de protection à l'intention des expéditeurs qui utilisent les chemins de fer, pour assurer un niveau de service adéquat à des prix compétitifs.

Il devait clarifier et équilibrer les rôles et les pouvoirs du gouvernement par rapport à ceux de l'organisme de réglementation, désormais appelé l'Office des transports du Canada.

Il devait assujettir, de façon accrue, ce domaine aux lois commerciales d'application générale telles que la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi sur la concurrence.

Il devait achever la déréglementation du secteur des services aériens intérieurs du fait de la suppression des derniers vestiges de la réglementation dans le Nord.

Le projet de loi devait mettre de l'avant une exigence financière minimale pour les nouveaux transporteurs aériens et interdire la vente de billets avant l'obtention de la licence; et déréglementer les secteurs du transport routier, des services d'approvisionnement par eau dans le Nord, des producteurs et des fusions et acquisitions.

De toute évidence, ces questions sont d'une importance considérable. Le fait que les intervenants du monde des transports se soient généralement mis d'accord sur un si grand nombre de points nous confirme, honorables sénateurs, qu'il s'agit d'un projet de loi qui mérite notre appui.

[Traduction]

En deuxième lieu, honorables sénateurs, je veux expliquer pourquoi nous devons aujourd'hui garantir la viabilité de l'industrie ferroviaire. La semaine dernière, lorsqu'il a témoigné devant le comité sénatorial permanent des transports et des communications, le ministre des Transports a présenté les choses très simplement en nous rappelant comment les froids extrêmement rigoureux de l'hiver dernier avaient perturbé notre système de transport. Lorsque les systèmes de signalisation ferroviaire cessent de fonctionner, lorsque les rails fendent sous les attaques du froid et lorsque les autoroutes sont bloquées par la neige, les transports sont perturbés et les biens arrivent en retard ou n'arrivent tout simplement pas.

Le climat canadien exige de nous un lourd tribut, mais nous savons que toutes les perturbations attribuables au temps qu'il fait ne sont que temporaires. Dès que cesse le mauvais temps, les choses reviennent rapidement à la normale.

[Français]

Honorables sénateurs, le ministre a poursuivi en nous rappelant que la reprise ne serait ni rapide, ni certaine si nous maintenions des politiques qui nuisent à la viabilité de l'industrie ferroviaire.

Il ne s'agit pas nécessairement d'une politique en particulier ou des politiques d'un certain gouvernement. La question est la suivante: mettons-nous des obstacles spéciaux et des pressions supplémentaires sur les chemins fer que leurs concurrents n'ont pas? Entraînons-nous, soit par accident ou avec les meilleures intentions, le déséquilibre du système à un point tel que le transport ferroviaire cesse d'être un investissement raisonnable?

Si le rail n'attire pas les investisseurs et les prêteurs, les fonds s'assèchent et le système tourne au ralenti. Tout cela n'arrive pas du jour au lendemain et ne se produit pas partout en même temps, mais, tôt ou tard, le résultat est le même et le service n'est plus fiable.

[Traduction]

Un système ferroviaire en panne d'investissements accumule des problèmes qui ne disparaîtront pas avec la fonte des neiges. Si on laisse l'infrastructure ferroviaire tomber en ruine, sa remise en état exigera d'énormes sommes et beaucoup de temps avant que les opérations ne puissent reprendre un rythme normal. Les conséquences néfastes que cela aurait sur les exportations canadiennes et sur la balance des paiements devraient être évidentes pour tout le monde.

[Français]

Certains diront qu'il s'agit d'un scénario alarmiste et que cela ne pourrait pas se produire au Canada. Permettez-moi seulement de vous rappeler que cette situation s'est produite récemment; les problèmes non réglés ne disparaissent pas d'eux-mêmes, et ils ne font qu'empirer.

[Traduction]

Je veux parler, bien sûr, de notre politique sur le transport du grain. Durant les années 1960 et 1970, les intervenants se sont accrochés fermement à leur droit à un tarif peu rentable pour le transport du grain. Quoi qu'on puisse dire en rétrospective, ce n'était certainement pas la bonne politique pour assurer le maintien des investissements dans les voies ferrées et le matériel roulant nécessaires pour transporter nos céréales jusqu'aux marchés d'exportation. Néanmoins, les gouvernements successifs ont persisté à appliquer la mauvaise politique de prix, c'est-à-dire le tarif du Nid-de-Corbeau, et ont refusé de consentir aux sociétés ferroviaires une aide économique pour compenser. Les investissements ont diminué puis ont cessé totalement. Le matériel roulant et les voies ferrées dans les Prairies se sont délabrés graduellement.

Au début des années 1980, les ventes à l'étranger de la Commission canadienne du blé ont diminué. Pour réparer les dommages causés par ces mauvaises politiques, le gouvernement a d'abord établi un nouveau tarif réglementé pour le transport du grain, celui qui figure à la Partie III du projet de loi C-14; deuxièmement, à un coût de plus de 1,5 milliard de dollars, il a reconstruit la majeure partie des voies ferrées dans les Prairies et remplacé le matériel roulant - celui-là même que nous vendons maintenant; et, troisièmement, il a versé des milliards de dollars en subventions en vertu de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, qui n'existe plus aujourd'hui.

[Français]

Honorables sénateurs, je ne donne pas cet exemple pour récriminer contre les décisions passées. Le passé est le passé. Mais cet exemple fait comprendre les risques économiques d'une réglementation excessive, ce que nous avions auparavant.

C'est pourquoi nous avons façonné le projet de loi C-14 en nous fondant sur le principe que des négociations commerciales tendent à produire des changements appropriés au bon endroit et au bon moment, alors que la réglementation tend à produire des distorsions et à retarder les rajustements nécessaires. Nous devrions donc compter moins sur l'action de la réglementation dans notre système.

Au cours des débats sur ce projet de loi, on a dit plus d'une fois que la meilleure protection des expéditeurs canadiens consistait dans un réseau ferroviaire prospère.

[Traduction]

C'est pourquoi nous devons avoir un réseau ferroviaire qui ait la confiance des investisseurs et des institutions prêteuses. Un réseau capable de trouver les sources de financement qui lui assureront les centaines de millions de dollars nécessaires chaque année au seul entretien des voies ferrées, des locomotives et du matériel roulant et les investissements supplémentaires pour répondre aux nouveaux besoins et priorités des expéditeurs canadiens, ces partenaires indispensables de nos chemins de fer.

[Français]

Au début, j'ai promis de parler de deux points: le consensus dont fait l'objet ce projet de loi et la nécessité de s'occuper de la viabilité de l'industrie ferroviaire. Sur le premier point, nous pouvons maintenant convenir, à mon avis, que les participants au processus peuvent tous éprouver de la satisfaction puisque seules deux questions demeurent en litige dans un projet de loi de 278 articles.

[Traduction]

En ce qui concerne le second point, il est peut-être vrai que les chemins de fer ont moins d'importance pour notre économie aujourd'hui qu'ils n'en avaient durant les premières décennies de ce siècle, mais le Canada a encore un besoin crucial de chemins de fer efficaces et fiables pour assurer le transport de ses marchandises en vrac vers les marchés d'exportation mondiaux. Des dizaines de milliers d'emplois au Canada dépendent de notre capacité de maintenir de bons services ferroviaires là où il faut. Il est indispensable de considérer la viabilité de l'industrie ferroviaire comme une priorité et de maintenir autant de chemins de fer secondaires en exploitation au Canada que cela est justifié du point de vue économique.

[Français]

Honorables sénateurs, nous pouvons aller de l'avant en ayant la certitude que le Canada sera bien servi par les nombreuses et excellentes caractéristiques de ce projet de loi, ainsi que par les mesures de protection que ce projet de loi maintient là où cela est nécessaire. La raison en est que le gouvernement continue de travailler à établir de bonnes politiques qui favorisent la croissance économique et crée des emplois pour les Canadiens.

Ce texte de loi est le cadre qui convient pour adapter le réseau de transport du Canada à un siècle nouveau, et je recommande vivement à mes collègues de l'adopter.

[Traduction]

L'honorable Mira Spivak: Les honorables sénateurs ne seront pas surpris d'apprendre que j'ai une opinion légèrement différente sur l'importance de deux articles en particulier de ce projet de loi et sur le consensus à leur sujet.

Encore une fois, les Canadiens de l'Ouest se sont tournés vers Ottawa, vers le centre du pouvoir, pour défendre leurs intérêts. Fait étonnant, ils n'ont trouvé personne pour défendre leur cause. Certainement pas David Anderson, le ministre des Transports, ni Stan Keyes, l'ancien président du comité des transports de la Chambre des communes, qui, lorsqu'il a témoigné devant le comité sénatorial, a dit que si les compagnies de l'Ouest perdaient le transport ferroviaire, elles pourraient transférer leur siège dans une autre région ou un autre pays, quoique moyennant certains frais, une chose facile à faire, bien sûr, pour les producteurs céréaliers ou les compagnies dans le secteur forestier. Honorables sénateurs, j'ai beaucoup d'admiration et de respect pour Stan Keyes, mais, à mon avis, il n'a jamais eu à nettoyer le fumier sur ses bottes. Les membres du caucus libéral de l'Ouest, quoi qu'ils en pensent personnellement, n'ont pas non plus rompu les rangs pour appuyer pratiquement tous les producteurs et les expéditeurs de l'ouest du Canada dans leurs efforts en vue de faire modifier le projet de loi C-14 à la Chambre des communes. Même ici, au Sénat, où est Bud Olson quand nous avons vraiment besoin de lui?

L'ouest du Canada est une région qui a toujours eu des intérêts fondamentaux dans la question du transport ferroviaire. Les chemins de fer ont ouvert l'Ouest à la colonisation et continuent à assurer un lien vital entre les producteurs des Prairies, les syndicats du blé, qui mettent en commun plus de 30 millions de tonnes de céréales et d'oléagineux destinés à l'exportation, et leurs marchés internationaux. Tout ce qui pourrait arriver au réseau ferroviaire de notre pays aurait nécessairement des répercussions graves et immédiates dans l'Ouest. Les ressources confiées aux expéditeurs de produits d'exportation dans l'ouest du Canada représentent plus de 30 p. 100 du PIB et 700 000 emplois directs et indirects. Ces marchandises sont exportées dans une proportion de 90 p. 100. C'est, annuellement, 50 millions de tonnes de marchandises valant 19 milliards de dollars.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-14 propose de modifier le système ferroviaire en le déréglementant encore davantage. Il a pour objectif de rendre le transport par rail, comme le sénateur Bacon le signalait avec raison, plus compétitif et plus efficace. Il vise à revitaliser et à renouveler «la viabilité de l'industrie canadienne des chemins de fer maintenant chancelante par de meilleures immobilisations assurant un meilleur rendement». Les producteurs et les expéditeurs de marchandises de l'ouest du Canada appuient cette position. Plus que tout autre, ils sont conscients de l'importance du réseau ferroviaire pour l'économie de l'Ouest et de l'influence des coûts de transport, qui peuvent représenter jusqu'à 50 p. 100 du prix de leurs produits. Le projet de loi C-14 prévoit plusieurs dispositions assurant une plus grande efficacité aux chemins de fer, par exemple celle qui permet aux sociétés ferroviaires de vendre ou d'abandonner plus facilement les lignes qui ne sont pas rentables. Par contre, d'autres mesures qui auraient pu faciliter ce processus n'ont pas été abordées dans ce projet de loi.

Comme M. Ritchie, le chef du Réseau CP Rail, l'a déclaré au comité sénatorial permanent des transports et des communications, certaines lacunes de la politique, qui sont hors du champ d'application de la législation sur le transport, n'ont pas été abordées; pourtant, elles ont un impact aussi important que celui de la politique du transport elle-même sur les coûts et la compétitivité du transport par chemin de fer. M. Ritchie a nommé ensuite deux des points faibles de la réforme de la politique. D'abord, les chemins de fer canadiens sont hautement désavantagés par rapport au camionnage et aux chemins de fer américains, tant par les taxes sur les intrants que par l'amortissement des nouveaux investissements aux fins de l'impôt.

Les compagnies de chemin de fer canadiennes paient en taxes 75 p. 100 de plus de leurs revenus que les compagnies de chemin de fer américaines ou les entreprises de camionnage canadiennes et américaines. Je ne pouvais pas le croire, mais j'ai vu les chiffres exacts.

Le deuxième point faible qu'il a mentionné est le déséquilibre entre le financement de l'infrastructure ferroviaire par le secteur privé et le financement des autoroutes par le secteur public, qui a déplacé artificiellement le transport de marchandises des chemins de fer vers les autoroutes publiques. J'ai soulevé le deuxième point à maintes reprises devant le comité des transports, comme l'ont aussi fait d'autres sénateurs et des représentants venus témoigner devant le comité.

Les chemins de fer paient des taxes foncières sur leurs emprises et cela se reflète dans les coûts que les compagnies doivent recouvrer sous forme de tarifs marchandises. Par contre, les corridors des autoroutes sont libres de toute taxe. Les taxes sur l'essence sont censées constituer une forme de recouvrement des coûts, mais elles ne s'appliquent pas uniquement aux autoroutes. Ainsi, les taxes imposées aux chemins de fer subventionnent le système concurrent des autoroutes et de l'industrie du camionnage, alors que les compagnies de chemin de fer ne reçoivent aucune subvention pour les investissements qu'elles doivent faire dans les rails et les voies. De plus, les taxes foncières et les taxes sur l'essence sont plus élevées ici qu'aux États-Unis et cela fait grimper le coût du transport ferroviaire. Finalement, les déductions pour amortissement sont beaucoup moins favorables au Canada qu'aux États-Unis, ce qui décourage les investisseurs, et elles sont plus graduelles pour l'industrie du rail que pour tout autre secteur.

La question qui s'impose logiquement est la suivante: la solution est-elle de contribuer au financement aux termes de la politique officielle de l'État ou de laisser le secteur privé financer le réseau routier? Au Canada, la question n'a pas été posée. Aux États-Unis, des fonds publics importants sont investis dans l'infrastructure ferroviaire. Cependant, si on veut atteindre les objectifs que sont l'équité concurrentielle et l'augmentation des investissements dans le secteur ferroviaire, il faut régler la question de la fiscalité et des règles fiscales sur l'amortissement qui régissent ces investissements; c'est ce que recommandent un certain nombre d'organismes tels que la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux et l'organisation pour la diversification de l'économie de l'Ouest. Mais le sentiment existe parmi les expéditeurs et les producteurs que le gouvernement cherche à améliorer l'efficacité des compagnies ferroviaires au détriment des intérêts des expéditeurs et, plus particulièrement, de ceux des producteurs, car il y a une différence entre les deux.

Comme l'ont dit au comité de nombreux organismes représentant ces groupes, et les ministres du Transport de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba, le projet de loi C-14 ferait basculer l'équilibre qui existe actuellement entre les intérêts des producteurs, des expéditeurs et des compagnies ferroviaires en faveur de ces dernières, et ce au détriment de ceux qui produisent et expédient les denrées. L'équilibre serait détruit principalement par des dispositions qui ne se trouvent pas dans La loi de 1987 sur les transports nationaux. Il s'agit des paragraphes (1) et (2) de l'article 27 et de l'article 112 du projet de loi sur les transports au Canada. Ces dispositions risquent fort de nuire aux expéditeurs et aux producteurs des Prairies et, par conséquent, à l'économie de l'Ouest.

Avant de parler de ces articles, il est important de noter d'autres changements qui, selon les producteurs en particulier, réduisent l'équilibre qui influait sur les pouvoirs des sociétés ferroviaires en ce qui concerne l'expédition des denrées des Prairies. Ces changements résultent de la perte de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

En vertu de cette mesure législative, les producteurs avaient l'assurance que les sociétés ferroviaires feraient profiter le producteur de tout gain d'efficacité, quelque chose qui, en vertu du projet de loi C-14, n'existera plus après 1999. La Loi sur le transport du grain de l'Ouest prévoyait également des garanties de performance pour le service ferroviaire, un bon système d'attribution des wagons et la possibilité pour le producteur de se faire entendre dans des forums comme le comité consultatif du transport des grains. Tout cela finira par augmenter les coûts pour le producteur, comme c'est déjà le cas au Manitoba.

La Loi sur le transport du grain de l'Ouest payait 50 p. 100 des coûts du producteur au Manitoba et, avec la disparition de cette mesure législative, les coûts ont doublé bien que les tarifs de fret n'aient pas augmenté. Toutefois, ils vont augmenter de 7,2 p. 100 au 1er août 1996. Tandis que l'abandon de voies secondaires diminuera les coûts d'exploitation pour les chemins de fer, il augmentera les coûts pour les producteurs, en particulier ceux qui devront transporter leur grain plus loin, par camion. Avec l'abrogation de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, on a promis aux expéditeurs qu'ils auraient totalement accès aux dispositions de protection des expéditeurs de la législation de 1987.

Honorables sénateurs, les organisations qui représentent les producteurs et les expéditeurs s'inquiètent de ces deux articles essentiels. Il y avait un consensus au sujet du reste du projet de loi. Elles estiment que ces articles rendent les dispositions de protection des expéditeurs pratiquement inutiles. Elles estimaient même que ces articles étaient la porte ouverte à des procédures juridiques longues et coûteuses entre les expéditeurs et les chemins de fer; autrement dit, cela risque de créer plus de problèmes que cela n'en résoudra.

La loi actuelle reconnaît la situation très réelle des producteurs et des expéditeurs des Prairies qui sont en réalité captifs des chemins de fer. La région des Prairies est une zone de production enclavée. Le transport par route n'est pas une option fiable pour des raisons économiques et physiques. Les tarifs routiers actuels sont beaucoup plus élevés que les tarifs ferroviaires. Si les tarifs étaient compétitifs, disait un représentant de Prairie Pools Inc. au comité des transports, pour exporter la quantité de grain que l'on exporte actuellement par chemins de fer au port de Vancouver, cela signifierait qu'un super camion parcourt la rue Hastings de Vancouver toutes les deux minutes, 24 heures par jour, 365 jours par année, c'est-à-dire qu'il passerait un camion chaque fois que le feu tourne au vert.

La loi actuelle reconnaît que bon nombre de producteurs et d'expéditeurs ne sont desservis que par un seul chemin de fer, ce qui les rend vulnérables. Si un expéditeur tente de passer une entente avec une autre compagnie de chemin de fer, dans un régime totalement déréglementé comme le nôtre, la première compagnie peut essayer de décourager les abandons en fixant des frais de manoeuvres terminales interréseaux très élevés pour acheminer des marchandises sur une courte distance vers la compagnie rivale, ou elle peut majorer les prix de ligne concurrentiels dans les cas où des marchandises doivent être expédiées sur une certaine distance à la deuxième compagnie. La loi actuelle reconnaît les inconvénient que présente la situation des producteurs et des expéditeurs et fournit une compensation sous forme d'appels auprès de l'Office des transports du Canada.

Le projet de loi C-14 changera tout cela grâce aux paragraphes 27(2) et (3). Le nouvel Office des transports du Canada sera tenu d'agir seulement dans les circonstances où l'expéditeur subirait «un préjudice commercial important». C'est un changement substantiel. Cette disposition crée une nouvelle série d'arguments juridiques relatifs à une demande de réparation. Elle prévoit des contestations juridiques quant à la question de savoir si l'on a satisfait au nouveau critère. Elle prévoit aussi que l'on puisse rendre des décisions différentes selon les expéditeurs. Selon la taille de l'expédition, compte tenu de la valeur totale des marchandises expédiées ainsi que de la situation financière de l'expéditeur, un prix élevé imposé par un chemin de fer pourrait constituer ou non «un préjudice commercial important».

Le fait est que ces dispositions imposent un nouveau seuil subjectif chaque fois qu'un expéditeur tente de faire appel à l'office et, plus important encore, le seuil tend à restreindre le rôle de l'office à s'occuper au cas par cas des intérêts commerciaux de viabilité. Ceci ne concorde pas avec la politique nationale en matière de transport énoncée à l'article 5 de la loi qui exige un équilibre fondé sur la viabilité commerciale entre les intérêts économiques nationaux et la nécessité d'assurer des services de transport à l'ensemble du pays. En ce qui concerne l'Ouest canadien, des services de transport adéquats et efficaces sont essentiels en raison de sa dépendance à l'égard des exportations de produits en vrac qui doivent être expédiés par chemin de fer.

Le projet de loi C-14 prévoit également que les prix et les services fixés par l'office soient «commercialement équitables et raisonnables vis-à-vis des parties». Encore une fois, l'office doit rendre des décisions fondées sur un jugement très subjectif. Alliée aux dispositions du paragraphe 27(2), cette disposition établit un critère à deux volets et prête encore une fois à des litiges. Le projet de loi C-14 prévoit déjà que toute décision au sujet de l'interconnexion ou de prix de ligne concurrentiels doit viser à tout le moins à compenser les compagnies de chemin de fer. Cette disposition devrait protéger suffisamment les compagnies. Selon les témoins qui ont comparu devant le comité, il conviendrait de supprimer les paragraphes 27(2) et 27(3) et l'article 112.

La loi actuelle fonctionne bien. Depuis 1987, il existe des dispositions protégeant les expéditeurs. L'Office national des transports à dû rendre très peu de décisions à cet égard. Le droit à une décision a favorisé un climat sain où expéditeurs et compagnies de chemin de fer ont pu engager directement des négociations commerciales. Qu'on compare cela à la situation qui existait 20 ans auparavant, où la protection des expéditeurs était déterminée par des critères subjectifs comme «désavantage injuste» et «obstacle indu». Jusqu'à 15 causes ont contesté cette façon de faire et, dans bon nombre d'entre elles, le litige a duré jusqu'à cinq ans.

Tous les sénateurs devraient avoir pour objectif de faire adopter une loi qui encourage l'existence d'un régime ferroviaire plus concurrentiel et plus efficace. Ces articles découragent la concurrence entre les compagnies de chemin de fer et encourage les batailles juridiques coûteuses entre expéditeurs et compagnies de chemin de fer. En fin de compte, seuls les avocats seront gagnants.

Permettez-moi de citer un passage d'un document de l'Institut des transports de l'Université du Manitoba qui explique les raisons d'ordre économique pour lesquelles le Sénat devrait amender le projet de loi C-14, Loi sur les transports au Canada, en supprimant deux dispositions de procédure imparfaites qui limitent la concurrence. Ce document a été rédigé par un économiste du Conseil de l'économie et de la réglementation des transports, qui a évalué en 1994 la compétitivité internationale du transport, dans l'ouest du Canada, de produits primaires en vrac destinés à l'exportation, pour le compte du ministère de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien.

Dans le commerce d'exportation de produits primaires en vrac de l'ouest du Canada, des pertes de dizaines de milliers d'emplois (au moins 25 000, surtout en Alberta et en Colombie-Britannique) et l'absence d'une concurrence efficace dans le secteur ferroviaire résulteront de deux dispositions de procédure imparfaites qui figurent aux paragraphes 27(2) et 27(3) et à l'article 112 du projet de loi C-14.

Il continue de la façon suivante:

Le maintien de la balance commerciale positive actuelle dépend du commerce d'exportation de produits primaires en vrac, tels que le bois d'oeuvre, la pâte de bois, le papier journal, la potasse, le charbon, le soufre et les céréales. Ces produits de l'Ouest sont exportés par chemin de fer...

Plus que jamais auparavant, la balance commerciale positive du Canada dépend avant tout de la capacité qu'a le pays d'exporter ses produits primaires en vrac, en particulier étant donné la restructuration actuellement en cours dans le secteur de la fabrication par suite d'une libéralisation du commerce et du resserrement de la concurrence mondiale.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas nous permettre de retourner à l'époque d'avant 1987. Bien sûr, le Sénat doit exercer son droit constitutionnel qui consiste à combler des lacunes dans les lois qu'il appuie par ailleurs, afin de satisfaire les besoins perçus dans une région où la vigueur de l'économie a toujours entièrement dépendu des transports. Cette perception des besoins n'est pas simplement le fait d'une minorité; elle correspond à l'opinion de tous les producteurs et expéditeurs de l'ouest du Canada, ainsi que des gouvernements de cette région. Nous devons corriger deux dispositions imparfaites de ce projet de loi qui, par ailleurs, bénéficie d'un appui général.

Motion d'amendement

L'honorable Mira Spivak: Par conséquent, honorables sénateurs, je propose, appuyée par l'honorable sénateur Forrestall:

Que le projet de loi C-14 ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit modifié

a) à l'article 27, à la page 11,

(i) en supprimant les lignes 1 à 19 et les lignes 23 et 24,

(ii) en substituant, à l'actuel numéro de paragraphe (4), le numéro de paragraphe (2) et en changeant les renvois à celui-ci en conséquence;

b) à l'article 112, à la page 50,

(i) en supprimant l'intertitre qui précède l'article 112,

(ii) en supprimant les lignes 3 à 7,

(iii) en substituant, aux actuels numéros d'articles 113 à 278, les numéros d'articles 112 à 277 respectivement et en changeant les renvois à ceux-ci en conséquence.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, après consultation avec mon collègue, le sénateur Graham, et dans un esprit de coopération, dans notre souci constant de faire progresser l'étude des mesures dont nous sommes saisis au Sénat, étant donné qu'un certain nombre d'amendements seront proposés à l'étape de la troisième lecture, étant donné notre désir de faire en sorte que tous ces amendements entrent au compte rendu dans le cadre de nos travaux, je crois comprendre qu'il serait plus commode pour la plupart des sénateurs de prendre tous les votes nécessaires demain à l'appel de ce projet de loi au moment d'aborder l'ordre du jour. Si cela est correct sur le plan de la procédure, je proposerai donc l'ajournement du débat sur cet amendement, et le débat pourra continuer sur la motion principale, de sorte que d'autres amendements puissent être proposés.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il y a quelques problèmes de procédure qui se posent en l'occurrence. Premièrement, je dois voir l'amendement. En vertu de notre Règlement, il faut donner un jour d'avis pour proposer un amendement substantiel à un projet de loi examiné par un comité. Bien sûr, avec la permission du Sénat, nous sommes libres de faire ce que nous voulons; mais comme je n'ai pas vu l'amendement, il m'est impossible de juger s'il est substantiel ou non. Avec la permission du Sénat, je pourrais mettre l'amendement aux voix au Sénat.

Deuxièmement, une fois qu'un amendement est mis aux voix, le Sénat n'est plus saisi du projet de loi comme tel; il est uniquement saisi de l'amendement. On peut y proposer des sous-amendements. Encore une fois, avec la permission du Sénat, nous pouvons y remédier.

J'aurais besoin de l'assurance que le Sénat est d'accord et qu'il accorde la permission de suivre une telle procédure. Permission est-elle accordée à propos du jour d'avis et des amendements cumulatifs?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, il y a bien eu des consultations, comme l'a mentionné le sénateur Berntson. Nous nous sommes mis d'accord pour que ceux qui veulent intervenir pour parler d'amendements puissent le faire aujourd'hui. Nous nous sommes également mis d'accord pour que l'étude de tous ces amendements soit le premier article à l'ordre du jour de demain. Bien sûr, nous discuterons d'abord des amendements, puis nous reviendrons à la motion principale. Voilà en quoi consiste notre entente.

L'honorable Eymard G. Corbin: Est-il possible de déposer les amendements aujourd'hui?

Le sénateur Berntson: Oui, bien sûr.

Le sénateur Graham: Ils seront tous déposés.

Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Je vais lire l'amendement. L'honorable sénateur Spivak, appuyée par l'honorable sénateur Forrestall, propose:

Que le projet de loi ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit modifié

a) à l'article 27, à la page 11,

(i) en supprimant les lignes 1 à 19 et les lignes 23 et 24,

(ii) en substituant, à l'actuel numéro de paragraphe (4), le numéro de paragraphe (2) et en changeant les renvois à celui-ci en conséquence;

b) à l'article 112, à la page 50,

(i) en supprimant l'intertitre qui précède l'article 112,

(ii) en supprimant les lignes 3 à 7,

(iii) en substituant, aux actuels numéros d'articles 113 à 278, les numéros d'articles 112 à 277 respectivement et en changeant les renvois à ceux-ci en conséquence.

(1620)

L'honorable sénateur Berntson propose d'ajourner le débat à la prochaine séance du Sénat.

Le sénateur Berntson: Honorables sénateurs, je tiens à préciser que je propose ici l'ajournement du débat qui porte sur l'amendement. Le débat sur la motion principale se poursuivra.

Son Honneur le Président: Avec la permission du Sénat, alors, le débat sur la motion principale se poursuit.

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, je voudrais, à mon tour, aborder le projet de loi C-14, qui présente, à notre avis, une lacune importante qui a une certaine incidence sur le Canada atlantique et, particulièrement, le Nouveau-Brunswick. L'alinéa 134(6)c) de l'actuelle Loi sur les transports nationaux désigne la ligne du Canadien Pacifique qui s'étend de Saint-Jean au Québec comme située entièrement au Canada aux fins de l'établissement de prix de ligne concurrentiels. Cet alinéa de l'actuelle Loi sur les transports nationaux n'est pas repris dans le projet de loi C-14. Il est vraiment à craindre que les dispositions du projet de loi C-14 ne soient pas formulées assez clairement pour protéger les expéditeurs des Maritimes de la possibilité d'être captifs si jamais la ligne ferroviaire du CN devient la seule à être située entièrement au Canada entre les Maritimes et le Québec.

Les dispositions du projet de loi C-14 qui traitent des prix de ligne concurrentiels sont les articles 129 à 136. Elles sont à peu près les mêmes que celles contenues dans la Loi de 1987 sur les transports nationaux. L'établissement de prix de ligne concurrentiels vise à protéger les expéditeurs contre les prix monopoles possibles d'une société ferroviaire se trouvant en situation d'exclusivité par rapport à un expéditeur donné.

Honorables sénateurs, en l'absence de ces dispositions, une société ferroviaire pourrait menacer d'imposer des tarifs déraisonnables pour le segment de voie qu'elle serait la seule à desservir. Dans presque toutes les régions du Canada autres que les Maritimes, il existe des voies ferroviaires de rechange situées entièrement au Canada, que les expéditeurs peuvent emprunter pour le transport de leurs marchandises.

Pendant plus d'un siècle, le CP a exploité entre Montréal, au Québec, et Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, une ligne ferroviaire qui traversait les Cantons de l'Est et bifurquait par le Maine avant d'atteindre McAdam, au Nouveau-Brunswick, puis Saint-Jean, avec une ligne secondaire jusqu'à St. Stephen.

Les expéditeurs des Maritimes qui veulent expédier leurs marchandises au Québec et au-delà ont le choix entre la ligne du CN qui passe par Moncton et les lignes ferroviaires sur courtes distances qui ont remplacé l'ancienne ligne du CP. Sur ordre de l'ONT, le CP a abandonné, le 31 décembre 1994, le segment de cette ligne situé entre Lennoxville et Saint-Jean et, quatre jours plus tard, soit le 4 janvier 1995, ce segment était acheté par plusieurs petites sociétés ferroviaires.

Ces entreprises ont acheté ce segment en présumant que les dispositions concernant le prix de ligne concurrentiel seraient toujours en vigueur. Dans le projet de loi C-14, les dispositions sur les prix de ligne concurrentiels ou PLC qui concernent la ligne du CP sont supprimées. Logiquement, rien ne semble justifier le non-assujetissement de pareilles lignes réactivées aux dispositions du projet de loi C-14 sur les PLC.

La perte possible de trafic interne sur l'ancienne ligne du CP rendrait celle-ci moins viable, et il est difficile d'imaginer comment elle pourrait survivre. Les provinces maritimes ne peuvent se permettre de subir d'autres pertes. Nous avons été la cible de compressions disproportionnées dans les trois derniers budgets. Nous avons perdu notre programme d'aide aux tarifs marchandises régionaux qui nous permettait d'acheminer nos produits sur le marché à des prix concurrentiels. L'incapacité des transporteurs d'obtenir ces prix de ligne concurrentiels ne fera qu'empirer une situation déjà mauvaise.

La seule chose à ajouter à cet article sont les mots «entièrement situé au Canada». Il est essentiel de modifier en ce sens le projet de loi C-14.

Motion d'amendement

L'honorable Mabel M. DeWare: Par conséquent, je propose, appuyé par le sénateur Bolduc:

Que le projet de loi ne soit pas lu pour la troisième fois, mais modifié, à l'article 129, par adjonction, après la ligne 38, page 58, de ce qui suit:

(3) Pour l'application des articles 129 à 136, l'ancienne ligne du Canadien Pacifique à travers le Maine est réputée un parcours entièrement situé au Canada et tout transporteur desservant une portion de cette ligne située entre Saint-Jean (Nouveau-Brunswick) et Montréal (Québec) est réputé un transporteur de liaison et tout endroit où la ligne d'une compagnie de chemin de fer est raccordée à un tel transporteur de liaison est réputé un lieu de correspondance.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion d'amendement?

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat sur l'amendement, conformément à la logique dont il a déjà été question.

Son Honneur le Président: Honorable sénateurs, le débat sur la motion principale se poursuit.

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, l'article 171 du projet de loi C-14 correspond à une disposition qui figurait dans l'ancien projet de loi et fait état de certaines obligations qui incombent à l'office et à la Commission canadienne des droits de la personne. J'ai demandé au ministre, lorsqu'il a comparu devant le comité, si cette disposition témoignait d'un changement d'orientation du gouvernement par rapport à la préséance de la Loi canadienne sur les droits de la personne que les tribunaux ont reconnue à un certain nombre d'occasions et que le gouvernement du Canada avait dès lors respectée.

Le problème, avec l'article 171, c'est qu'il semble contredire deux dispositions importantes de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le paragraphe 27(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit que la commission est responsable de l'application de cette loi. Quant au paragraphe 66(1), il prévoit que la Couronne et ses organismes, ce qui inclut, de toute évidence, l'Office des transports visé dans le projet de loi C-14, sont liés par les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

L'article 171 du projet de loi C-14 prévoit que la Commission canadienne des droits de la personne doit faire certaines choses et agir d'une certaine manière. À mon avis, cela semble empiéter sur les pouvoirs prévus dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et sur sa préséance. J'ai consulté des fonctionnaires de la Commission canadienne des droits de la personne et ils ont souscrit à l'analyse que j'ai faite de cette disposition, même si elle figurait dans l'ancien projet de loi. Nous avons la possibilité de rectifier cela.

Motion d'amendement

L'honorable Noël A. Kinsella: Par conséquent, je propose que le projet de loi ne soit pas lu pour la troisième fois, mais qu'on le modifie en supprimant l'article 171 et en le remplaçant par ce qui suit:

L'Office doit coordonner ses activités en matière de transport des personnes ayant une déficience avec la Commission canadienne des droits de la personne pour favoriser l'adoption de lignes de conduite complémentaires et éviter les conflits de compétence.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat sur la motion d'amendement du sénateur Kinsella.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, que le débat sur la motion d'amendement du sénateur Kinsella soit ajourné?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Il est donc décidé que le débat se poursuivra sur la motion principale.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je prends la parole maintenant que tout le travail a été fait. Comme le veut la chanson, «Je reviendrai quand le travail sera terminé l'automne prochain».

J'ai l'honneur de prendre part à ce débat sur la dernière version de la Loi sur les transports nationaux. J'ai dit cela parce que, pendant de nombreuses années, mon bureau était tout près de celui de l'un des principaux architectes - il y en a eu beaucoup au fil des ans - qui ont fait des transports au Canada ce qu'ils sont aujourd'hui. Tous conviendront sans doute que des changements considérables se sont produits depuis les dix ou vingt dernières années. Nous avons enfin abandonné les concepts de transport du XIXe siècle pour nous adapter à ceux du XXe. L'adoption du projet de loi nous fera entrer dans le XXIe siècle et, avec son libellé actuel, il devrait nous être fort utile. Je dis cela en dépit des craintes qui ont été exprimées à l'égard du projet de loi et qui ont en fait incité un de mes collègues à proposer des amendements. La principale crainte dont je veux parler est que la situation financière des chemins de fer n'est pas très bonne à l'heure actuelle.

Sans entrer dans le débat qui s'est tenu un peu plus tôt, je voudrais simplement dire que c'est vrai. Les principaux chemins de fer du Canada ont connu des périodes difficiles sur le plan économique, et ce n'est pas le temps froid qui en est la cause. Je vais donner un seul exemple. Si on ajoute à cela l'amortissement fiscal, j'estime que l'on constatera que la situation financière des chemins de fer est davantage liée à ce facteur.

Si c'est bien le cas - et je crois que oui, comme les gens du secteur - nous sommes tous heureux d'apprendre que les discussions entre le gouvernement et les sociétés ferroviaires sur les déductions et d'autres questions fiscales importantes progressent rapidement et que l'on peut espérer pour cette année des aides importantes sous trois ou quatre formes. Cela rendrait les articles dont nous discutons moins nécessaires, et nous savons qu'ils préoccupent, et avec raison, les expéditeurs de l'Ouest parce qu'ils restreignent leur liberté d'action.

En règle générale, le projet de loi a suscité peu de critiques, mais les témoins les plus agressifs qui ont comparu devant le comité ont surtout parlé des articles 27.2, 27.3 et 112.

Son Honneur le Président: À l'ordre. Je demande à ceux qui doivent tenir de petits conciliabules de sortir de la salle pour ne pas nuire à nos travaux.

Le sénateur Forrestall: Merci, honorables sénateurs.

J'essayais de parler de la situation financière des chemins de fer. À mon avis, les sociétés ferroviaires ne subissent pas des pressions aussi fortes qu'on le dit.

Cela étant dit, les modifications préoccupent surtout les Canadiens de l'Ouest. Dans le Canada atlantique, le transport du fret n'atteint pas des proportions pouvant justifier le même genre de préoccupations. Il est vrai que, il y a cinq ou huit ans, de telles modifications auraient pu accroître la valeur commerciale des actions des sociétés ferroviaires et leur permettre d'aller chercher plus de capitaux, mais ce n'est plus vrai aujourd'hui. Ce n'est plus nécessaire. Par conséquent, beaucoup d'entre nous sommes un peu surpris de voir le gouvernement réagir à des conseils et à des données qui remontent à plusieurs années et introduire dans un projet de loi, par ailleurs très bon, des dispositions aussi controversées. Je suis heureux de voir qu'un de mes collègues a jugé bon de proposer des amendements pour traiter de ces questions épineuses.

Les autres amendements proposés, et sur lesquels nous voterons demain, n'ont besoin d'aucune explication. Comme le sénateur Kinsella l'a déclaré, il s'agit d'amendements mineurs qui ne visent selon moi qu'à corriger de petits défauts de rédaction qu'il faut rattraper. J'espère que, demain, les honorables sénateurs ne décideront pas de se fermer à tout changement et de voter de la même manière sur toutes les propositions sans discernement, car il est facile de perdre de vue les véritables enjeux des votes.

Honorables sénateurs, comme je l'ai dit, nous sommes heureux que ce projet de loi nous soit enfin parvenu. Il a fait l'objet d'un examen minutieux d'un bout à l'autre du pays. Toutes les personnes qui peuvent être touchées ou qui s'intéressent au secteur du transport au Canada, que ce soit le transport terrestre, le transport maritime, ou un autre type de transport, ont eu l'occasion d'exprimer leur point de vue. Elles ont pu le faire au comité d'examen. Elles ont pu témoigner en personne devant le comité et ont eu aussi la chance de donner leur opinion et de faire des recommandations en privé.

(1640)

Nous voici au printemps de 1996 en train d'étudier un projet de loi qui nous servira bien pour de nombreuses années à venir. Je suis convaincu que, dans 20 ans, quand le moment sera venu de mettre ce projet de loi à jour, les sénateurs pourront dire qu'il nous a bien servis durant toutes ces années.

J'espère que, lorsque le compte rendu sera imprimé, les honorables sénateurs prendront le temps d'examiner attentivement les amendements sur les prix de ligne concurrentiels et sur le principe du parcours entièrement situé au Canada pour la ligne qui s'étend de Saint John à Montréal en passant par Sherbrooke. C'est simple. Il est inutile de supprimer cela pour le rétablir ensuite. Pourquoi contrarier les gens? Si quelque chose fonctionne bien, pourquoi prendre des mesures qui contrarieront les gens sans avoir une bonne raison de le faire?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je veux confirmer l'entente selon laquelle tous les amendements seront étudiés en même temps demain.

Le sénateur Berntson: Honorables sénateurs, si j'ai bien compris, c'est la première mesure d'initiative ministérielle qui sera mise à l'étude demain, et toutes les motions nécessaires seront mises aux voix à ce moment-là.

Son Honneur le Président: Je suppose que les sénateurs sont d'accord?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool propose la deuxième lecture du projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.

-Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de parler à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Je suis heureuse que cet amendement soit enfin devant nous. Cette question a été discutée et débattue assez longtemps. Il est grand temps de passer à l'action.

Cet amendement permettra de remplir un engagement politique envers les Canadiens et les Canadiennes et de mettre en oeuvre une politique adoptée par le Parti libéral du Canada, il y a longtemps. Depuis presque 20 ans, le Parti libéral du Canada a eu comme principe d'interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Puisque nous formons maintenant le gouvernement, nous honorons notre engagement.

[Traduction]

Honorables sénateurs, en 1985, le comité multipartite sur l'égalité des droits de la Chambre des communes a recommandé d'apporter cette modification. À deux reprises auparavant, le Sénat avait appuyé le principe de cet amendement, qui a pour objet d'ajouter l'orientation sexuelle à la Loi canadienne sur les droits de la personne. La dernière fois remonte à il y a trois semaines, quand nous avons voté en faveur du projet de loi S-2.

En adoptant cette modification, nous consacrerons un principe fondamental et une valeur profonde de la société canadienne, à savoir que les individus doivent être traités équitablement. En outre, nous rattraperons les décisions judiciaires, la Charte canadienne des droits et libertés et les lois sur les droits de la personne de la plupart des provinces. Les tribunaux ont déjà reconnu en droit la question de l'orientation sexuelle, mais les Canadiens ne doivent pas avoir à s'en remettre à la justice pour connaître le contenu des lois. La loi doit être simple et accessible à tous. Elle doit dire clairement que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle est inacceptable. Ce projet de loi modificatif interdit cette forme de discrimination. Il interdit ce qui nous semble injuste à tous, comme le fait de congédier un employé ou de refuser un service bancaire à une personne parce qu'elle est homosexuelle. c'est une simple question d'équité.

Honorables sénateurs, ce projet de loi vise seulement l'emploi et la fourniture de biens et services régis par une loi fédérale. Il concerne essentiellement le gouvernement fédéral et les entreprises régies par des lois fédérales, notamment les banques, les chemins de fer, les compagnies aériennes et le secteur des télécommunications. La Loi canadienne sur les droits de la personne régit environ 10 p. 100 des travailleurs canadiens. Les autres relèvent des lois provinciales.

[Français]

Au sujet des lois provinciales sur les droits de la personne, il importe de noter que huit provinces et territoires totalisant 90 p. 100 de la population canadienne ont déjà ajouté l'orientation sexuelle dans leur législation sur les droits de la personne. Il s'agit pour nous de simplement rattraper les provinces à ce niveau.

Non seulement faisons-nous du rattrapage avec les provinces, nous en faisons aussi avec les cours. La Cour suprême du Canada, à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, interdit toute discrimination sur la base de l'orientation sexuelle.

[Traduction]

Honorables sénateurs, si une personne, qu'elle soit blanche ou noire, est victime de discrimination pour des raisons de race ou de couleur, elle est protégée par la législation sur les droits de la personne. Si une personne est victime de discrimination pour des motifs de religion, qu'elle soit protestante, catholique, juive, musulmane ou autre, elle est protégée par la législation sur les droits de la personne.

Certains ont manifesté de l'inquiétude à propos des conséquences que ce projet de loi pourrait avoir pour l'adoption et le mariage. Je ne comprends tout simplement pas pourquoi les gens s'imaginent que cette modification s'applique à ces questions. Comme je l'ai déjà dit, la Loi canadienne sur les droits de la personne s'applique aux questions d'emploi et aux produits et services assujettis à la législation fédérale, ce qui représente une petite partie du champ de compétence que constituent les droits de la personne au Canada. Cette mesure n'a rien à voir avec la législation provinciale et ne peut prévaloir sur celle-ci. Or, le mariage est de compétence provinciale.

M. Maxwell Yalden, président de la Commission canadienne des droits de la personne, a dit le mois dernier devant le comité sénatorial:

Nous ne parlons pas de qui est marié et de qui ne l'est pas. Cela ne concerne pas notre commission.

Et c'est vrai. La Loi canadienne sur les droits de la personne ne s'applique pas au mariage.

[Français]

Cette modification ne porte nullement atteinte au mariage ou à la famille. Le mariage, qu'il s'agisse d'un mariage contracté conformément aux lois de la province ou d'une union de fait, ainsi que la famille, sont des éléments fondamentaux de notre société. Rien ne changera cela. Par nos lois, nos politiques et nos pratiques, nous continuons à appuyer ces institutions. Cela ne changera pas.

Le préambule du projet de loi C-33 est bien clair à ce sujet. Le préambule est un des éléments qui distingue le projet de loi S-2, que le Sénat a adopté récemment, du projet de loi C-33. Le préambule reconnaît la famille comme le fondement de la société canadienne. A mon avis, il s'agit d'une modification valable.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le principe qui sous-tend ce projet de loi est le même que celui du projet de loi S-2. Il vise à traiter les gens équitablement. Il vise à assurer que les gens ne soient pas victimes de discrimination pour des motifs d'orientation sexuelle. Je crois que ce projet de loi mérite notre appui.

[Français]

J'estime que le choix est simple. Nous assurons une protection contre la discrimination fondée sur la race, la religion, le sexe et l'orientation sexuelle ou nous ne le faisons pas.

Le moment est maintenant venu d'examiner cette question, de dire ce qui a déjà été dit par les tribunaux et par la majorité des assemblées législatives provinciales et territoriales représentant la majorité des Canadiens.

Les Canadiennes et les Canadiens le savent. Ils n'acceptent pas maintenant et ils n'accepteront pas dans l'avenir les préjugés et la discrimination. Nous ne permettrons pas que nos collègues, nos amis, nos parents, nos fils et nos filles soient victimes de discrimination simplement en raison de leur orientation sexuelle. Honorables sénateurs, j'endosse entièrement cet amendement. Je vous invite à faire de même.

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, j'aimerais m'associer aux remarques du sénateur Losier-Cool. J'appuie la longue lutte contre la discrimination dans la société canadienne. Pas à pas, nous avons fait des progrès. Ceci est seulement une autre étape pour protéger les droits d'un groupe victime de discrimination pendant des années.

[Traduction]

Honorables sénateurs, étant donné que le Sénat a adopté le projet de loi S-2 il y a quelques semaines et que le projet de loi S-2 est bien plus élaboré que le projet de loi C-33, il est logique, mutatis mutandis, que cette Chambre puisse adopter rapidement le projet de loi C-33. En adoptant le projet de loi S-2, le Sénat a décidé que la discrimination pour des motifs d'orientation sexuelle en matière d'emploi, de logement et de services relevant de la compétence fédérale devrait être expressément interdite par la Loi canadienne sur les droits de la personne.

En adoptant le projet de loi S-2, le Sénat a d'ores et déjà décidé de la nécessité de lutter contre le fléau de la discrimination non seulement au moyen du processus de plainte prévu dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais aussi au moyen de programmes proactifs et de programmes passifs comme le traitement des plaintes. C'est pourquoi cette Chambre, en adoptant le projet de loi S-2, a ajouté ce nouveau motif de distinction illicite à l'article 16 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. C'est là la différence entre le projet de loi C-33 de la Chambre des communes et le projet de loi que nous avons adopté, à savoir le projet de loi S-2.

Je m'explique. Essentiellement, les lois permettant aux organismes de lutte contre la discrimination de traiter d'actes réels ou prétendus de discrimination prévoient le recours à deux méthodes. La première méthode - et c'est celle prévue dans les projets de loi C-33 et S-2 - est celle voulant que la Commission des droits de la personne, en tant qu'organisme de lutte contre la discrimination, reçoive des plaintes et réponde aux plaintes adressées par les Canadiens concernant des questions couvertes par la Loi canadienne sur les droits de la personne, à savoir, le logement, les services et l'emploi, qui relèvent de la compétence fédérale.

Nous avons d'ores et déjà décidé et, donc, nous sommes d'accord avec la disposition du projet de loi C-33, qui modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne de façon à ce que la commission soit habilitée à enquêter sur les allégations de discrimination pour des motifs d'orientation sexuelle et à rendre une décision à ce sujet. En un sens, on pourrait dire que cette façon de combattre la discrimination est quelque peu passive puisque la commission attend de recevoir des plaintes.

Cette honorable Chambre a aussi reconnu une deuxième méthode, qui est tout aussi importante, et même plus dans certains cas. L'article 16 de la Loi canadienne sur les droits de la personne porte que la Commission canadienne des droits de la personne peut, dans ses champs de compétence, prévenir la discrimination systémique, institutionnelle ou historique. En adoptant le projet de loi S-2, nous avons pris la décision d'accorder à la Commission canadienne des droits de la personne le droit d'avoir recours à cette deuxième façon de lutter contre la discrimination, en plus de l'autoriser à employer la première méthode.

Voilà la différence fondamentale entre les deux projets de loi. Le projet de loi S-2 est plus global, plus élaboré, plus absolu et il met cette deuxième arme à la disposition de notre organisme national de lutte contre la discrimination. Si le projet de loi du Sénat n'est pas adopté, en vertu de celui de la Chambre, il sera encore possible de considérer comme un acte discriminatoire le fait d'adopter ou de mettre en oeuvre des programmes, comme des programmes proactifs ou des actions positives, destinés à prévenir, à supprimer ou à réduire les désavantages, par exemple la discrimination systémique ou historique, que peut subir un groupe ou une personne à cause de son orientation sexuelle.

Le projet de loi du Sénat, le projet de loi S-2, est de loin supérieur à celui de la Chambre des communes, le projet de loi C-33, parce qu'il porte sur l'article 16, la deuxième méthode de lutte contre la discrimination. Cette méthode existe dans les huit provinces qui ont ajouté l'orientation sexuelle à la liste des motifs de distinction illicite.

Permettez-moi d'ajouter quelque chose à ce sujet, honorables sénateurs. Vous vous souviendrez que l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, notre loi fondamentale, énonce au paragraphe (1) les dispositions sur les droits à l'égalité:

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Les honorables sénateurs se souviendront également que nos tribunaux, appliquant la règle ejusdem generis aux motifs énumérés à l'article 15, ont déterminé que l'orientation sexuelle appartenait à la même catégorie que ces derniers.

Ceci étant pris en considération, le paragraphe (2) de ce même article précise en outre:

Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de [...]

Suit alors la liste des motifs de distinction illicite.

Le principe sous-jacent ici est que la Constitution du Canada reconnaît que parfois, il est nécessaire d'avoir recours à des programmes spéciaux pour redresser un tort systémique, historique ou institutionnel. Il s'ensuit que ce que nous avons fait au Sénat est conforme aux principes des paragraphes 15(1) et 15(2).

(1700)

Qu'allons-nous faire à ce sujet? Je pensais que, peut-être, le projet de loi C-33 pourrait être modifié par le Sénat en ajoutant que l'article 16 est également visé comme nous l'avons fait dans le projet de loi S-2 que nous avons adopté. Honorables sénateurs, j'aurais pu faire un rappel au Règlement ou tout au moins demander à la présidence une décision sur la recevabilité d'un tel amendement, mais étant donné mon succès en ce qui concerne les rappels au Règlement, j'ai préféré ne rien faire. Je voudrais toutefois expliquer à mes collègues mon raisonnement pour ne pas proposer d'amendement visant l'article 16 au projet de loi.

Honorables sénateurs, le commentaire 579 du Beauchesne dit:

(1) L'amendement qui aborde une question étrangère à la motion principale n'est pas pertinent et ne peut être représenté.

(2) On ne doit pas, dans un amendement, soulever une question nouvelle qui ne peut être étudiée que sur présentation d'une motion distincte précédée d'un avis.

En pensant à la question, j'ai conclu que si je présentais une telle motion, elle serait probablement jugée irrecevable. Par conséquent, je ne présenterai pas de motion. Je vais par contre demander que l'on maintienne le renvoi du projet de loi S-2 à l'autre endroit.

Honorables sénateurs, je vais conclure en rappelant une fois de plus aux honorables sénateurs l'importance pour nous de faire la distinction entre les droits de la personne en général et le combat contre la discrimination en particulier. Une grande partie du débat qui a eu lieu au sujet du projet de loi C-33 semble avoir confondu les questions générales relatives aux droits de la personne et les stratégies et programmes particuliers pour combattre la discrimination.

D'abord et avant tout, bien que nous appelions les lois adoptées par les assemblées législatives provinciales et par le Parlement des «lois sur les droits de la personne», l'expression n'est peut-être pas aussi juste qu'on le voudrait. Toutes les lois canadiennes sur les droits de la personne sont en fait des lois contre la discrimination. Leurs ancêtres étaient les lois sur les pratiques équitables en matière d'emploi et les lois sur les pratiques équitables en matière de logement, dont l'application relevait habituellement des ministères du Travail partout au pays. Elles étaient inspirées de l'oeuvre accomplie par l'OIT.

Il est parfois bon de reconnaître que les lois sur les droits de la personne - ou, plus clairement, pour utiliser la langue de Paul et Marie de notre collègue le sénateur Kirky, les lois contre la discrimination - ont été adoptées pour s'attaquer à des domaines précis de discrimination, comme l'emploi, le logement et la prestation de services. Plus particulièrement, elles ont été adoptées pour combattre la discrimination là où elle frappait des groupes de Canadiens dont les difficultés sur le plan social étaient si manifestes qu'elles nécessitaient une réponse politique de la part de nos assemblées législatives et du Parlement. L'introduction du motif de distinction illicite fondée sur la race, par exemple, se voulait donc une réponse à la discrimination raciale dans le domaine de l'emploi et dans d'autres secteurs. Il ne s'agissait pas d'accorder un droit spécial à des personnes qui pourraient être identifiées par la couleur de leur peau ou leur religion; il s'agissait plutôt de combattre la discrimination à laquelle ces citoyens étaient confrontés et qui les empêchait de jouir de leurs droits et d'être traités sur un pied d'égalité. Les lois contre la discrimination - que nous appelons les lois sur les droits de la personne au Canada - étaient des mesures concrètes prises par les provinces et le Parlement pour lever le fardeau et les obstacles qui pesaient sur certains groupes de Canadiens.

Honorables sénateurs, on peut classer les droits de la personne dans la catégorie générale des droits civils et politiques, comme le droit à la vie et le droit à la liberté de la presse. Ces types de droits sont les libertés classiques et, de bien des façons, ils peuvent être perçus comme allant de soi. Les gens jouiront de ces droits si on ne limite pas leur liberté d'expression ou de mouvement. Généralement, on a réclamé ces droits pour se défendre contre des intrusions de l'État.

Les droits économiques, sociaux et culturels, comme le droit à l'éducation, le droit à la santé et le droit de travailler constituent la deuxième catégorie de droits de la personne. Ces droits exigent l'intervention de la société et de l'État. On pourrait dire que ce sont des droits pragmatiques. Le droit à l'éducation ne veut pas dire grand-chose en l'absence d'un système organisé d'éducation. Le droit à la santé n'a pas beaucoup de sens si la société ne prend pas les mesures proactives et créatives nécessaires. Ainsi, nous bâtissons un système hospitalier et un réseau hospitalier, et cetera. De nombreux droits, notamment les droits économiques, sociaux et culturels, exigent l'intervention de la société et de l'État pour que les gens puissent en jouir.

Les droits à l'égalité constituent une troisième catégorie de droits. En d'autres termes, les gens doivent pouvoir jouir également de tous les droits compris dans les deux premières catégories, et on n'empêchera pas des gens de pouvoir profiter de ces droits au même titre que les autres, du fait de la couleur de leur peau ou de leur religion. C'est pourquoi nous trouvons, dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, une norme mondiale que tous les pays du monde ont adoptée, en reconnaissant la diversité des moeurs et des systèmes politiques.

La communauté mondiale a été en mesure d'établir la norme des droits de la personne qu'on trouve dans la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, où on commence par reconnaître la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et leurs droits égaux et inaliénables. Au deuxième paragraphe du préambule, on nous rappelle que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité. De plus, la déclaration nous rappelle que la communauté mondiale a réaffirmé sa foi dans les droits fondamentaux de l'homme, ainsi que dans l'égalité des droits des hommes et des femmes. On précise que, de façon universelle, chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la Déclaration universelle, sans distinction aucune.

(1710)

Honorables sénateurs, en 1948, la communauté mondiale n'a eu aucun mal à préciser certaines des catégories défavorisées, et on dit donc à l'article 2 que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. Il s'ensuit naturellement que, au fur et à mesure que la société évolue, nous comprenons un peu mieux dans chaque période de la vie que certaines catégories de nos concitoyens sont des victimes. Nous ne l'avions peut-être pas remarqué auparavant. Nous sommes conscients du fait que la discrimination dont sont victimes des hommes et des femmes, des membres de familles, en raison de leur orientation sexuelle, est malheureusement très souvent et tout à fait barbare.

Cet amendement à la loi essaie de corriger une injustice et de fournir un des deux moyens voulus à cette fin. On peut espérer que nous allons adopter le projet de loi C-33, ainsi que le projet de loi S-2, pour pouvoir compter sur les deux moyens nécessaires.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

L'enseignement postsecondaire

Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Bonnell, attirant l'attention du Sénat sur la situation sérieuse de l'enseignement postsecondaire au Canada-(L'honorable sénateur Bernston).

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, il se trouve que cette interpellation soit inscrite en mon nom, mais il semble que d'autres sénateurs désirent se joindre au débat. Je serai heureux de céder la parole au sénateur Milne.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, ceux d'entre vous qui ont pu poursuivre des études supérieures ont eu bien de la chance, car ils étaient pratiquement assurés de trouver un emploi lorsqu'ils ont obtenu leur diplôme. En fait, les entreprises s'arrachaient souvent les diplômés des années 40 et 50 et, dans une moindre mesure, des années 60.

À cette époque, les étudiants passaient leurs années collégiales à se concentrer sur un domaine d'intérêt et de compétence, jusqu'à ce qu'ils obtiennent leur diplôme dans une discipline en particulier, et s'attendaient avec beaucoup d'optimisme à passer le reste de leur vie dans un poste, dans leur domaine de prédilection. De toute évidence, cette concentration des intérêts ne visait personne dans cette Chambre.

De nos jours, les étudiants doivent planifier leurs études en fonction d'un objectif double: d'une part, ils doivent se diriger vers un domaine qui présente des débouchés, pour pouvoir entrer sur le marché du travail à la fin de leurs études, et, d'autre part, ils doivent acquérir un bagage de connaissances et de compétences très variées, afin de ne pas perdre pied si jamais leur premier emploi disparaît, ce qui est pratiquement inévitable, et de pouvoir en décrocher un autre, ou alors de changer complètement leur orientation professionnelle.

Je suis entièrement d'accord avec le sénateur Bonnell quant aux cinq préoccupations qu'il a citées. Je crois également que les universités canadiennes doivent soit offrir à leurs étudiants un choix de plus en plus vaste d'études, et non pas un choix de moins en moins vaste, comme la baisse de financement les y oblige, ou qu'elles devraient peut-être abaisser les barrières pour permettre plus de mobilité entre les universités. De plus, je crois que les universités canadiennes doivent offrir plus de diplômes interdisciplinaires, même au premier cycle.

En 1955, seulement sept universités accordaient des diplômes dans ma province d'Ontario. On aurait pu dire qu'il y en avait neuf, si l'on avait compté les deux collèges dont les diplômes étaient décernés par d'autres établissements; c'était le cas pour mon diplôme de l'Ontario Agricultural College. Depuis le rapport de la Commission Massey-Lévesque sur l'avancement des arts, des lettres et des sciences, en 1957, le gouvernement fédéral contribue financièrement à l'avancement de l'enseignement postsecondaire au Canada. Les résultats sont évidents. Aujourd'hui, en Ontario, 19 universités décernent des diplômes et il y a un établissement affilié, soit le Collège des beaux-arts de l'Ontario.

Si je ne m'abuse, les universités en Ontario dépensent actuellement 12 p. 100 de moins par étudiant en dollars réels qu'elles ne le faisaient en 1977. En même temps, dans d'autres établissements qui bénéficient de subventions provinciales, des hôpitaux et des écoles primaires et secondaires, par exemple, les dépenses ont augmenté de 50 p. 100 par client.

Il est plutôt décevant de constater que l'Ontario, une des provinces «riches», ne fait pas aussi bien que les provinces «pauvres». Selon le Conseil des universités de l'Ontario, la province accorde 1 100 $ de moins par étudiant aux universités que la moyenne des neuf autres provinces. De 1992-1993 à 1996-1997, les subventions de fonctionnement du gouvernement de l'Ontario aux universités de la province ont baissé de 460 millions de dollars, soit de 23 p. 100. Sous le gouvernement provincial actuel, je pense que le montant consacré à l'enseignement supérieur diminuera encore plus et plus rapidement.

Pour mieux faire ressortir la proposition du sénateur Bonnell voulant qu'on garantisse les droits de mobilité interprovinciale des étudiants, je dois ajouter que de plus en plus d'étudiants doivent continuer à vivre chez leurs parents lorsqu'ils fréquentent le collège ou l'université, étant donné non seulement l'augmentation des frais de scolarité, mais aussi la hausse du coût de la vie dans les résidences et la diminution du nombre de places disponibles.

Je vous signale que la moitié des locaux des universités ontariennes ont de 20 à 30 ans. Un autre quart a plus de 30 ans. Cela suppose des frais d'entretien et de remplacement considérables, ce qui déstabilisera encore davantage les budgets des universités et exercera de fortes pressions à la hausse sur les frais de scolarité. La province d'Ontario semble tout à fait insensible à ces préoccupations. Dans le budget de la semaine dernière, Mike Harris a amputé de 20 p. 100 encore les subventions pour immobilisations accordées aux universités.

Lorsque ses parents doivent déménager dans le cadre de leur emploi ou pour se trouver un emploi, un étudiant qui ne peut pas obtenir ou se payer une place en résidence doit aussi déménager. Le droit à la mobilité est en train de devenir essentiel au sein d'une population de plus en plus mobile ou nomade.

La mobilité est un exemple de question non financière qui a une incidence considérable sur l'accès à l'éduction. Il faut examiner la nécessité d'établir des exigences communes, la possibilité de rendre les crédits de cours transférables et l'opportunité d'une meilleure collaboration entre les universités.

Une institution fédérale comme la nôtre a peut-être un rôle à jouer pour promouvoir le développement d'une telle collaboration. Nous sommes certes en mesure d'examiner la question. Au fil des années, de nombreuses études se sont penchées sur l'enseignement postsecondaire au Canada. Notre propre comité des finances nationales a étudié, en 1987, le rôle du gouvernement fédéral dans le financement de l'éducation. Plus récemment, l'Association des universités et collèges du Canada a institué, en 1991, la Commission d'enquête Smith sur l'enseignement universitaire au Canada. À mon avis, il serait peut-être temps pour nous d'examiner de nouveau la situation. Jusqu'à maintenant, nous nous sommes concentrés surtout sur les transferts fédéraux aux provinces, mais je crois que nous pourrions faire du bon travail en examinant ces autres questions qui sont tout aussi pertinentes.

(1720)

Le sénateur Bonnell nous a rendu un service en présentant cette interpellation. Je suis d'avis que nous devrions même adopter une approche encore plus proactive. Il serait à la fois opportun et approprié d'établir cette traditionnelle institution du Sénat qu'est l'étude en comité.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, madame le sénateur s'est-elle demandé si, en tant que pays, nous n'étions pas trop généreux pour ce qui est d'accueillir des étudiants étrangers, compromettant ainsi les chances de certains de nos jeunes Canadiens? Je ne préconise pas l'isolationnisme sous quelque forme que ce soit du point de vue de l'éducation parce que je suis certain que ces échanges sont profitables.

Je suis d'accord avec madame le sénateur sur la plupart des points, sauf, évidemment, ses remarques au sujet de Michael Harris. Pourrait-elle faire quelques observations à ce sujet?

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, je n'ai pas examiné la question. Toutefois, cela pourrait très bien constituer un sujet d'enquête pour le comité dont j'espère voir la création.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, je voudrais aussi poser une question à madame le sénateur Milne.

L'honorable sénateur a parlé du rapport produit en 1987 par le comité national des finances sur le financement de l'enseignement postsecondaire. On avait alors bien fait comprendre aux membres du comité que l'éducation était un sujet de compétence provinciale et que même si le gouvernement canadien était autorisé, par une décision du Parlement canadien, à transférer des fonds au provinces, il appartenait exclusivement à ces dernières de décider de la manière d'utiliser cet argent.

Nous avons constaté que dans une province, le montant du transfert fédéral était de 113 p. 100 de ce que le gouvernement provincial avait dépensé pour l'enseignement postsecondaire.

L'honorable sénateur, qui vient de l'Ontario, a-t-il des raisons de croire que les gouvernements provinciaux ont modifié leur position au sujet de la question de la compétence? Un nouveau comité ne risquerait-il pas de se heurter à la même attitude, en vertu de laquelle les provinces se disent disposées à accepter avec reconnaissance l'argent du gouvernement fédéral, mais tiennent à l'utiliser comme elles l'entendent, que cela soit dans les routes ou dans des programmes de bien-être? Ce comité ne risquerait-il pas de se faire répondre qu'il n'a pas à s'ingérer dans l'éducation, qui est un domaine de compétence provinciale en vertu de la Constitution? Y a-t-il eu un changement d'attitude depuis 1987?

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, je dois avouer mon ignorance à ce sujet. Lorsque je m'occupais d'éducation, tout l'argent qui était transféré à l'Ontario disparaissait dans la caisse générale. Il était impossible de savoir si cet argent était consacré à l'enseignement postsecondaire. C'est aussi une question que j'aimerais éclaircir.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au sénateur Milne. Le sénateur a-t-il eu l'occasion de discuter des avantages d'accueillir des étudiants étrangers dans les universités canadiennes? Ces étudiants apportent des points de vue de partout dans le monde, des points de vue différents des nôtres, qui élargissent nos perspectives. S'ils reçoivent leur formation ici et repartent avec un bon souvenir du Canada, ce qui est le cas pour la plupart d'entre eux, ces étudiants nous assurent des contacts avec le reste du monde qui sont tout à l'avantage du Canada.

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, je dois admettre que je peux difficilement être tout à fait objective sur cette question. Ma propre fille a épousé un étudiant étranger qui est venu faire ses études supérieures au Canada et qui y est resté. Il contribue à notre société depuis maintenant 15 ans.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai également une question pour le sénateur Milne qui résulte de la question du sénateur St. Germain. Elle découle d'une étude qui a été entreprise il y a environ trois ans, par l'Assemblée législative de l'Alberta, au sujet des étudiants étrangers et de ce que font les autres pays à cet égard.

Le sénateur St. Germain serait peut-être intéressé par certaines des statistiques obtenues dans le cadre de cette étude. L'Angleterre et l'Allemagne semblent attirer plus d'étudiants étrangers que d'autres pays. Ces deux pays estiment que la quantité idéale d'étudiants étrangers se situe autour de 5 p. 100. Ils estiment également que les meilleurs acheteurs de leur expertise et de leurs produits, dans un pays étranger, sont ceux qui ont fait leurs études chez eux. Naturellement, ils sont très souvent dans les échelons les plus élevés des entreprises et des gouvernements.

Cette étude a également constaté que seulement 1,5 p. 100 de notre population étudiante est constituée d'étudiants étrangers. En Alberta, le chiffre est d'environ 2 p. 100.

Est-ce que les honorables sénateurs ont pensé à l'effet que pourraient avoir des fonds additionnels du gouvernement fédéral aux universités pour parvenir à un quota d'étudiants étrangers de 4 ou 5 p. 100? Après tout, notre gouvernement profiterait énormément, comme le disait le sénateur Gigantès, du fait de l'augmentation du commerce et de tout ce qui en découle.

Le sénateur Milne: Je pense que le sénateur Taylor a répondu à sa propre question. Il a également donné au comité un autre sujet à envisager.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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