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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 42

Le mardi 22 octobre 1996
L'honorable Gerald R. Ottenheimer, Président pro tempore


LE SÉNAT

Le mardi 22 octobre 1996

La séance est ouverte à 14 heures, le Président pro tempore étant au fauteuil.

Prière.

 

La sanction royale

Avis

Son Honneur le Président pro tempore informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante:

 

RIDEAU HALL

Le 22 octobre 1996

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable Peter deC. Cory, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de Gouverneur général suppléant, se rendra à la Chambre du Sénat, aujourd'hui, le 22 octobre 1996, à 16 h 15, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

 

Le sous-secrétaire politique
programmes et protocole

Anthony P. Smyth

L'honorable
Le Président du Sénat
Ottawa

 


[Traduction]

 

VISITEUR DE MARQUE

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de l'honorable juge Daniel Francis Annan, président du Parlement du Ghana. Au nom de tous les honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue à la tribune du Sénat à Sa Seigneurie.

 


AFFAIRES COURANTES

L'AJOURNEMENT

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à demain, mercredi 23 octobre 1996, à 13 h 30.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

AGRICULTURE ET FORÊTS

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER
EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à siéger à 15 h 15 le mardi 22 octobre 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'unité nationale

Les déclarations de ministres-
Demande d'éclaircissements

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je pose directement ma question en citant les propos que le ministre de la Justice a tenus aux Communes le 26 septembre:

Les principales personnalités politiques de toutes nos provinces et le public canadien ont convenu depuis longtemps que le pays ne restera pas uni à l'encontre de la volonté clairement exprimée des Québécois. Notre gouvernement est d'accord sur cette position.

Le 30 septembre, également aux Communes, le ministre des Affaires intergouvernementales a déclaré:

[...] dans ce pays, nous avons accepté l'idée que le pays pouvait se briser si une population indiquait très clairement qu'elle ne voulait plus rester dans la fédération.

Ces déclarations montrent clairement que le gouvernement, au lieu de travailler au maintien de l'unité nationale, se prépare très ouvertement à la dislocation du pays. Madame la ministre peut-elle nous dire ce que ses collègues entendaient par «volonté clairement exprimée» et «indiquer très clairement»?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, mon honorable collègue n'est pas sans savoir que des ministres ont dit et répété par le passé que les choses devaient être limpides, qu'il fallait une information objective, et qu'il fallait qu'une question claire soit posée démocratiquement pour permettre aux Québécois de se prononcer sur leur avenir, si jamais ils sont de nouveau consultés.

Le sénateur déduit des observations qu'il a lues et de certaines autres auxquelles il a fait allusion que le gouvernement du Canada se résigne en quelque sorte à la tenue d'un référendum et que le OUI l'emportera. Je réponds simplement que ce n'est pas là la motivation du gouvernement du Canada. Le gouvernement cherche à faire en sorte qu'on n'ait pas besoin de tenir un autre référendum.

Pendant la semaine de congé, j'ai passé un ou deux jours avec le ministre des Affaires intergouvernementales et j'ai prêté attention au message qu'il livre dans différentes régions du Canada. C'est un message d'unité, d'optimisme et de détermination à préserver l'unité. C'est le fondement de la position du gouvernement dans le dossier de l'unité nationale.

Je tiens à réitérer ce message à l'intention du sénateur. Le gouvernement ne se résigne aucunement à une issue défavorable pour le Canada.

Le sénateur Lynch-Staunton: Comment la ministre peut-elle concilier cette déclaration avec ce que le premier ministre a dit à Bedford, comme le rapporte le Toronto Star du 11 octobre:

Prenant hier la parole devant des élèves d'une école secondaire, M. Chrétien a dit que le gouvernement ne demandait pas à la Cour suprême du Canada de faire obstacle à la volonté des Québécois.

Et il ajoutait:

«Pour ma part, je ne pense pas que nous puissions garder au Canada des gens qui ne veulent pas y rester...»

Mais, a-t-il ajouté, ce sentiment devrait être exprimé par «une très nette majorité des électeurs qui sachent vraiment ce qu'ils veulent et qui en connaissent les conséquences.»

Voici une troisième déclaration en moins d'un mois - cette fois-ci de la part du premier ministre du Canada - après que le ministre de la Justice et celui des Affaires intergouvernementales eurent dit tous les deux, comme l'a confirmé le premier ministre: «Si vous voulez partir, nous trouverons le moyen de vous laisser partir.»

Cela ne peut vouloir dire, à mon avis, que si une province votait, par une nette majorité, en faveur de la séparation, le gouvernement du Canada a accepté la possibilité de s'incliner devant l'expression de cette volonté et qu'il ne resterait plus qu'à négocier les conditions de la séparation. Si c'est bien là où nous en sommes maintenant, c'est-à-dire qu'il est possible qu'une ou plusieurs provinces puissent quitter la confédération, par suite de l'expression par les électeurs d'une nette volonté de se séparer, je voudrais alors savoir ce qu'on entend par «nette volonté», «nette majorité» et «nette résolution de partir»? Il faut des chiffres.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Pourquoi?

Le sénateur Lynch-Staunton: Comment, «pourquoi»? Ce n'est pas nous qui avons soulevé cette question; c'est vous qui l'avez fait. Votre gouvernement envisage la possibilité d'un démembrement du pays. C'est ce qui ressort des paroles de deux ministres et aussi des paroles du premier ministre lui-même.

Ce que certains d'entre nous voudraient savoir - et j'entends par là ceux d'entre nous qui risquent davantage que d'autres d'être détachés de notre pays...

Le sénateur Grafstein: Une majorité écrasante!

Le sénateur Lynch-Staunton: ... c'est à quelles conditions le gouvernement du Canada accepterait d'entamer de telles négociations. Quelle est cette «nette volonté» qui mènerait à des négociations, et comment pourrait s'exprimer cette «nette volonté»?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs...

Le sénateur Lynch-Staunton: Vouliez-vous que votre collègue réponde? Il a dit: «Écrasante». Si telle est la réponse du gouvernement, comment peut-on chiffrer une majorité «écrasante»?

Le sénateur Fairbairn: Mon collègue a dit que le premier ministre et des collègues à moi avaient soulevé cette question. Je lui ferai remarquer que nous n'avons pas soulevé cette question. Cette question a été soulevée par le mouvement séparatiste au Québec.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quelle question?

Le sénateur Fairbairn: La question du référendum; la question de la possibilité d'une sécession. Nous avons eu un référendum il y a près d'un an.

Le sénateur Berntson: Vous avez dormi du début à la fin!

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous n'étiez pas là.

Le sénateur Fairbairn: Ce n'est ni une possibilité ni une probabilité. Ni l'expression d'une volonté par le gouvernement fédéral - loin de là. Le désir que le gouvernement fédéral a exprimé dans sa politique et dans le respect de ses obligations à l'égard de tous les Canadiens est de garder le Canada uni. Certes, il a saisi la Cour suprême du Canada d'un renvoi pour faire clarifier des points de droit, ce qui est tout à fait légitime. Nous avons posé des questions de ce genre à la Cour suprême.

Mon collègue et moi-même ne sommes absolument pas d'accord. Le premier ministre et tous les collaborateurs dont la fonction est de travailler à la question de l'unité nationale partent du principe non pas que le Canada va se scinder, mais qu'il va rester uni. Il s'agit de savoir comment nous, en tant que gouvernement national, pouvons favoriser la collaboration entre les diverses provinces, dont le Québec, qui rendra cela possible.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je vais essayer une dernière fois d'obtenir une réponse claire à une question qui ne saurait l'être davantage. Qu'entend-on par «une majorité très claire»? Nous avons un référendum au Québec et la question est claire: voulez-vous continuer à faire partie du Canada, oui ou non? Telle est la question qu'on aurait dû poser au dernier référendum et à l'autre avant. S'il y a jamais un autre référendum, c'est cette question qu'il faudra poser. Entendons-nous là-dessus: il faut que la question soit sans nuance.

Combien faudra-t-il de voix contre le Canada pour que le gouvernement fédéral accepte qu'une majorité claire de Québécois veulent quitter le Canada?

 

  • (1420)
Qu'entend-il par «majorité claire»? Est-ce 80 p. 100? Est-ce 50 p. 100 plus une voix? Est-ce toute majorité, claire ou pas, comme le veut le régime démocratique? Voilà ce que nous voulons savoir. Une «volonté claire» ou «une majorité claire», cela veut dire combien en chiffres pour le gouvernement?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, il n'y a pas de référendum. Nous parlons d'un consensus clair pour garder le pays uni et non pour le scinder. Je ne peux pas donner un pourcentage ou un chiffre à mon collègue. Toutefois, j'insiste à nouveau pour dire que le gouvernement fédéral cherche seulement à agir de façon responsable et inventive pour s'assurer qu'il n'y aura pas de référendum et que le Canada va demeurer un pays uni.

[Français]

 

La place du Québec au sein de la fédération canadienne-Discours préélectoral-
La position du gouvernement

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, si le leader du gouvernement n'est pas en mesure de préciser la nature d'une majorité claire, le discours que tient alors le gouvernement, comme le recours à la Cour suprême, ne serait-il pas qu'une manoeuvre préélectorale pour rassurer l'opinion publique canadienne qui a été trompée par le faux optimisme que le très honorable premier ministre Chrétien a tenu pendant la campagne électorale? Ce discours et toutes les initiatives du gouvernement, qui n'ont rien à voir avec la question de fond de la souveraineté, ne sont-ils pas qu'une pure manoeuvre préélectorale?

Et si cela n'était pas le cas, pourquoi le gouvernement, alors qu'il s'apprête à aller aux urnes, ne dirait-il pas clairement à l'ensemble du peuple canadien, d'une façon précise, le nombre de voix requis pour la séparation et les réformes envisagées sur la question de fond, à savoir la place du Québec dans la fédération canadienne? Le premier ministre du Canada et son gouvernement ne sont-ils pas tout simplement à monter un paravent pour rétablir la crédibilité qu'ils ont perdue lors du référendum?

[Traduction]

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur m'a demandé si ce débat n'était rien de plus qu'une manoeuvre préélectorale. La réponse est non.

 

Les transports

Les accords sur l'aéroport Pearson-
L'état des questions au Feuilleton

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, comme nous passons d'un désastre libéral à l'autre, je voudrais passer de l'unité nationale à l'aéroport Pearson.

Les 25 et 26 avril 1996, j'ai fait inscrire au Feuilleton un certain nombre de questions concernant l'annulation des accords sur l'aéroport Pearson. Comme je n'ai pas encore reçu de réponse à ces questions, le 2 octobre, au comité, quand nous posions des questions aux fonctionnaires sur le nouveau contrat intervenu entre le gouvernement et l'Administration aéroportuaire du grand Toronto, j'ai dit que nous aurions pu nous passer de tout ce processus si le gouvernement avait répondu à mes questions écrites.

Me reportant aux questions que j'avais fait inscrire au Feuilleton, j'ai posé à M. Gauvin, sous-ministre adjoint principal, et à M. Jim Lynes, directeur général, Gestion financière, la question suivante:

Je n'ai pas reçu de réponse. J'ai cru bon de profiter de votre présence pour vous demander si vous avez reçu ces questions.

M. Gauvin: Je ne les ai pas vues.

Le président: Pourriez-vous vérifier au sein de votre ministère? Il se peut que les questions aient été classées par inadvertance au bureau du leader. Je tiens à leur rappeler qu'elles moisissent toujours là-bas. Si vous ne les avez pas reçues, qui les aurait reçues?

M. Gauvin: Tout dépend des questions.

Le président: Il s'agit principalement du budget des dépenses et d'autres documents financiers.

M. Lynes: Si c'est le cas, nous les aurions vues. Quelle était la date?

Étant donné que je ne sais pas qui est responsable de cette inadvertance, je me demande si madame le leader du gouvernement au Sénat a en fait transmis ces questions au ministre des Transports pour que celui-ci y réponde.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, tout juste avant de venir au Sénat aujourd'hui, je me suis renseignée au sujet de ces réponses. On m'a dit que je pourrais les déposer très bientôt.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, je voudrais savoir comment fonctionne ce système. J'ai présenté ces questions il y a six mois. La personne qui devait fournir les réponses à ces questions a témoigné devant le comité le 2 octobre et a dit alors qu'il ne les avait pas encore vues. Allons-nous avoir des réponses en bonne et due forme? Si le sous-ministre adjoint n'avait pas encore pris connaissance des questions le 2 octobre, je ne vois pas comment les réponses peuvent être fournies la semaine suivante. Si cela est possible, pourquoi les réponses n'ont-elles pas été fournies il y a cinq mois?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je fournirai au sénateur une description détaillée du processus relatif aux questions écrites. Les fonctionnaires du ministère travaillent à ces questions depuis des mois. Je transmettrai les réponses au sénateur le plus rapidement possible.

 

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

L'harmonisation avec les taxes de vente provinciales-
Le manque de consultation de la population-
La position du gouvernement

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat et concerne la taxe de vente harmonisée. Cette ponction fiscale coûtera aux Néo-Écossais 84 millions de dollars de plus par année. La taxe s'appliquera à tout, des chaussures pour enfants au chauffage des maisons.

De plus, en refusant d'accorder aux municipalités l'exemption qu'elles demandaient concernant la taxe de vente harmonisée, les libéraux viennent de faire chuter de 6 à 8 millions de dollars les recettes des municipalités. Une réduction aussi draconienne aura des effets sur les services que les Néo-Écossais recevront de leurs municipalités.

Étant donné les conséquences économiques graves que cette nouvelle taxe aura sur une province déjà aux prises avec un taux de chômage élevé, madame la ministre peut-elle expliquer pourquoi le gouvernement est si déterminé à faire adopter pareille mesure par ses cousins libéraux d'Halifax, sachant que ce sont les consommateurs de la Nouvelle-Écosse qui paieront la note?

Je comprends que les libéraux essaient de faire croire aux Canadiens qu'en agissant ainsi, ils auront tenu leurs promesses du livre rouge sur la TPS, mais même Sheila Copps serait plus avisée. Pourquoi veulent-ils punir les plus vulnérables en imposant cette nouvelle taxe, et ce, sans permettre aucun débat ou discussion?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement fédéral n'impose pas ce programme d'harmonisation aux provinces de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve. Ce sont plutôt ces trois provinces qui se sont montrées disposées à conjuguer leurs efforts pour souscrire à ce nouveau processus d'harmonisation qu'elles considèrent avantageux pour elles et, en fin de compte, pour leurs consommateurs.

Le gouvernement fédéral n'a absolument pas imposé cette mesure à quelque province que ce soit. Toutes les provinces canadiennes peuvent y souscrire. Ces trois provinces ont choisi de le faire. Le ministre des Finances a encore bon espoir que de nombreuses autres les imiteront.

 

  • (1430)
Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse n'a absolument pas discuté de cette nouvelle taxe de vente harmonisée avec les Néo-Écossais. Pas une seule assemblée publique n'a été organisée au sujet de cette nouvelle taxe. Les personnes au nom desquelles je prends la parole sont des Néo-Écossais qui n'ont eu aucune possibilité de s'exprimer sur cette taxe tout à fait nouvelle. Le gouvernement fédéral accepterait-il de faire ce que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse n'a pas fait et de consulter les Néo-Écossais sur l'imposition de cette nouvelle taxe?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, le gouvernement fédéral a pleinement confiance dans la capacité de chaque gouvernement provincial de s'acquitter de ses responsabilités envers la population qu'il sert. Les gouvernements de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve sont en place parce qu'ils ont l'appui de la population dans ces trois provinces. La question n'a certainement pas été discutée derrière des portes closes; il en est ouvertement question depuis des mois.

Je dirai simplement à mon collègue que les provinces visées ont participé très activement à l'établissement des conditions et responsabilités qui incomberont aux différents intéressés à la suite de ce changement. Je suis persuadée que les chefs de ces gouvernements ont choisi une ligne de conduite qui sera très avantageuse pour la population qu'ils représentent.

 

L'harmonisation avec les taxes
de vente provinciales-L'efficacité de la politique-
La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je voudrais poursuivre dans la même veine. Ce dont nous parlons, ce n'est pas de la façon furtive dont cela a été imposé à la Nouvelle-Écosse deux ou trois semaines avant la reprise des travaux de l'assemblée législative provinciale, probablement pour une longue session, mais de la question de savoir si c'est une bonne politique d'intérêt public ou pas.

En tant que législateur catholique, j'ai eu, comme beaucoup d'autres, un sérieux problème de conscience il y a quelques années. J'ai demandé quel genre de lois je pouvais appuyer. On m'a dit que je pouvais appuyer les bonnes lois. Ces lois sont celles auxquelles la population obéit. Ce sont surtout des lois que les gens comprennent et qu'ils estiment bonnes pour eux.

Au cours de ses discussions avec ses collègues, la ministre a-t-elle examiné ce qui semble en train de se passer? C'est-à-dire qu'il y a maintenant une province, et peut-être une ou deux autres, qui a signé une entente. Cependant, le Canada est un grand pays. La population de la région touchée est relativement peu nombreuse. Les lois qui s'appliquent à certains mais pas à tous et qui touchent de manière différente les diverses régions du Canada deviendront-elles pratique courante dans ce pays?

Je me souviens, et je suis convaincu que la ministre s'en souviendra aussi, des débats sur les fonds consacrés aux régions, lorsque l'on se demandait si ces fonds devaient être répartis inégalement entre les régions.

La ministre croit-elle, et ses collègues en ont-ils discuté au Cabinet, que c'est là un bon modèle d'administration publique?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, mon vis-à-vis comprendra que je ne peux pas discuter avec lui des questions qui ont peut-être été étudiées au Cabinet.

Cependant, en ce qui concerne sa question, je dirai que le ministre des Finances a présenté une proposition qui s'applique à l'ensemble du pays. Ce n'est pas la première fois dans l'histoire du Canada que les provinces n'acceptent pas toutes en même temps des propositions.

Il faut souligner le grand intérêt suscité par cette proposition dans les provinces atlantiques, qui ont compris qu'il était avantageux pour leurs contribuables d'adopter rapidement la proposition.

Comme je l'ai dit au sénateur Comeau, le ministre des Finances croit encore que l'harmonisation s'étendra à l'ensemble du Canada et que toutes les provinces peuvent y souscrire, comme l'ont fait les provinces qui ont pris cette décision.

 

L'harmonisation avec les taxes de vente provinciales-
Demande de précisions concernant la mise en oeuvre

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, la question de ce qui se passera si les autres provinces n'adhèrent pas est peut-être hypothétique.

D'ici douze mois, il y aura des élections dans l'Île-du-Prince-Edouard et en Nouvelle-Écosse. En fait, la campagne électorale est déjà en cours dans l'île. Il y aura aussi des élections nationales. Allons-nous nous lancer dans une campagne électorale sans que cette question politique d'intérêt public ne soit réglée?

Quand la Nouvelle-Écosse touchera-t-elle sa part du milliard de dollars qu'on fait miroiter aux provinces atlantiques? Quand la part de cette province sera-t-elle déterminée? Comment les transferts de fonds seront-ils effectués? L'argent sera-t-il versé au Trésor public de la province?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne ferai pas de conjectures au sujet de la date des élections fédérales, sans parler des élections provinciales.

Toutes les provinces peuvent examiner la proposition et y adhérer si elle leur convient. C'est ce que les trois provinces atlantiques ont décidé de faire.

Suite à l'entente conclue entre les deux niveaux de gouvernement, l'indemnisation prévue à l'origine sera certainement versée. Je ne connais pas dans les détails la manière ou la date de ce versement, mais je demanderai ces renseignements pour l'honorable sénateur.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, madame la ministre peut-elle demander si l'accord sera signé prochainement avec les deux autres provinces?

 

LES TRANSPORTS

Les accords concernant l'aéroport Pearson-
Les postes de dépense dans les comptes publics-
Demande de précisions

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, dans les tout derniers Comptes publics, on trouve une somme très importante figurant dans la section 10.22, intitulée «Paiement de réclamations contre l'État». Sur un total de 1 624 millions de dollars, on remarque un montant assez important défini ainsi: «Indemnité pour annulation des accords de transfert de l'administration de l'aéroport Pearson, Goudge S., en fiducie.....1 561 000». À quoi a servi cette somme? A-t-elle servi à faire comparaître M. Nixon devant la commission d'enquête du Sénat sur l'aéroport Pearson?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je devrai examiner cette section des Comptes publics avant de pouvoir répondre au sénateur.

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, l'enquête sur l'aéroport Pearson a permis d'apprendre qu'on avait versé 1 million de dollars au cabinet d'avocats Scott & Aylen. Une somme indéterminée avait aussi été payée aux juricomptables, que certains d'entre nous avions surnommés «détectives privés». C'est une somme assez intéressante qui a été payée à M. Gouge, qui - les sénateurs s'en rappelleront probablement - avait comparu en compagnie de M. Nixon. J'aimerais avoir la ventilation complète de toutes les dépenses liées à ce poste.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je ferai de mon mieux pour communiquer ce renseignement.

 

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai les réponses à une question que l'honorable sénateur Lynch-Staunton a posée au Sénat le 29 mai 1996 au sujet d'un navire taïwanais à l'ancre dans le port de Halifax, ainsi qu'à une autre que l'honorable sénateur Cohen a posée au Sénat le 3 octobre 1996 au sujet d'un prétendu cas de harcèlement sexuel sur un chantier de construction sur la colline du Parlement.

 

LA JUSTICE

Le navire taïwanais amaRré dans le port de Halifax-
Certains actes illégaux perpétrés en haute mer-
La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable John Lynch-Staunton le 29 mai 1996)

Question:

Quand le gouvernement intervient-il dans les enquêtes de la GRC, et quand décide-t-il de ne pas le faire?

Est-ce la façon dont la supervision de notre service fédéral de police est exercée - dans certaines occasions, il a toute liberté d'action et, dans d'autres occasions, ce sont les autorités civiles qui le dirigent?

Réponse:

En vertu de la loi, et conformément aux principes fondamentaux du système juridique canadien, la GRC est responsable de la conduite des enquêtes criminelles au pays, et ce de façon indépendante et sans ingérence de la part des représentants des gouvernements. Ainsi, il n'est jamais opportun que d'autres représentants du gouvernement dirigent une enquête policière, y interviennent ou s'ingèrent. Toutefois, cela ne veut pas dire que les représentants des autres ministères gouvernementaux ne participent jamais de quelque façon à une enquête criminelle.

À plusieurs occasions, la police peut demander à d'autres ministères gouvernementaux de lui fournir de l'information, des avis ou une aide, incluant le ministère de la Justice. Par exemple, la police peut demander un avis à l'occasion de la préparation d'un mandat de perquisition ou afin d'obtenir une autorisation d'écoute électronique, ou un avis général sur des questions de droit susceptibles de se poser dans le cadre d'une enquête.

Dans le cas du M.V. Dubai, et compte tenu des faits de cette affaire, les responsables de l'enquête étaient confrontés à des questions très sérieuses au sujet de la compétence du Canada pour faire enquête et porter des accusations; Ports Canada et la GRC ont donc demandé, et obtenu, des avis de la part des experts du ministère de la Justice à ce sujet. Jamais, cependant, le ministère de la Justice ne s'est ingéré dans le processus d'enquête ou ne s'est substitué aux autorités policières.

Il a été établi, au bout du compte, que les infractions alléguées ne relevaient pas de la compétence du Canada mais que d'autres pays auraient la responsabilité de faire enquête et de porter des accusations. À ce stade de l'affaire, d'autres ministères du gouvernement, le ministère de la Justice et le ministère des Affaires étrangères, ont eu un rôle très important à jouer pour communiquer avec les États étrangers. Finalement, les arrestations dans cette affaire ont été faites conformément à une demande du gouvernement de la Roumanie aux fins de l'extradition des personnes arrêtées; le ministre de la Justice et ses représentants sont donc immédiatement intervenus dans cette affaire étant donné qu'aux termes de la loi, le ministre de la Justice est responsable de l'extradition. De même, la perquisition a été effectuée par la GRC à l'issue d'une demande d'aide présentée par la Roumanie conformément à une entente administrative conclue entre le Canada et la Roumanie aux termes de la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle. En vertu de la Loi, le ministre de la Justice est responsable de l'administration et de la mise en oeuvre de ces mesures législatives.

Par conséquent, l'affaire Dubai n'est nullement un cas où d'autres représentants surveillent notre service fédéral de police, et il ne s'agit pas non plus d'un cas d'ingérence dans une enquête policière. De fait, il s'agit d'une affaire très difficile et très complexe dans laquelle les représentants de plusieurs ministères gouvernementaux ont collaboré afin d'exécuter convenablement leurs mandats et leurs responsabilités prévus dans la loi.

 

LES TRAVAUX PUBLICS

Un prétendu cas de harcèlement sexuel sur un chantier
de construction sur la colline du Parlement

(Réponse à la question posée par l'honorable Erminie J. Cohen le 3 octobre 1996)

Ce cas a démontré la faiblesse du gouvernement à prendre des mesures immédiates pour traiter les plaintes qui sont portées à l'endroit des entrepreneurs et des sous-traitants du gouvernement.

Les nouvelles clauses contractuelles s'étendent maintenant aux contrats pour l'achat de tous produits, services ou construction. Des clauses indiquent clairement aux entrepreneurs et aux sous-traitants qui ne prennent pas les mesures nécessaires pour s'assurer qu'il n'y ait pas de discrimination en milieu de travail qu'ils peuvent être remerciés pour avoir manqué à un engagement et, le cas échéant, peuvent être pris en défaut pour avoir transgressé toute loi en rapport avec la discrimination en milieu de travail, ou qu'ils peuvent perdre dans l'avenir le privilège de répondre aux appels d'offres lancés par le gouvernement fédéral.

Ces nouvelles exigences contractuelles sont en vigueur depuis le 12 septembre 1996. À l'avenir, des antécédents de discrimination et de rendement insatisfaisant seront pris en considération.

 


  • (1440)

ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR LES JUGES

Projet de loi modificatif-Troisième lecture-
Ajournement du débat

L'honorable John G. Bryden propose: Que le projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur les juges et une autre loi en conséquence, soit lu une troisième fois.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, le comité a siégé jeudi dernier. Nous avons entendu des témoins très intéressants. J'ai demandé au comité d'attendre que j'aie consulté mon caucus afin que je puisse déposer un amendement au comité. Cela m'a été refusé. Je respecte cette décision.

Depuis jeudi dernier, certains des témoins qui n'avaient pas jugé bon, pour toutes sortes de raisons, de venir témoigner devant le comité ont quand même jugé opportun de discuter du sujet avec des journalistes. Des revues spécialisées ont commencé à publier des articles, suite à ces témoignages qui auraient pu être entendus devant le comité. Je n'ai donc pas terminé la lecture de tous ces documents. J'ai l'intention de proposer un amendement demain. En conséquence, je veux ajourner le débat.

(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion du sénateur Milne, appuyée par le sénateur Carstairs, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi en conséquence.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ces dernières années, j'ai pris plusieurs fois la parole ici et dans l'autre endroit pour parler des défauts du système judiciaire canadien. Je l'ai fait non seulement lorsque j'étais du côté de l'opposition, mais aussi lorsque j'étais du côté ministériel.

L'un des défauts dont j'ai souvent parlé a trait à l'article 745 du Code criminel, qui donne aux personnes incarcérées pour meurtre la possibilité de faire une demande de libération conditionnelle anticipée.

Peut-être est-ce en raison de mes antécédents de policier au Manitoba et en Colombie-Britannique, mais j'estime que j'ai une perspective unique des questions relatives à la criminalité et à la perpétration de crimes ainsi qu'une certaine compréhension, je crois, de la punition qui devrait accompagner le caractère vicieux des crimes commis.

Encore aujourd'hui, je suis en rapport avec de nombreux anciens collègues qui travaillent dans la police un peu partout dans notre pays. La principale frustration que ressentent ces policiers - sans exception - est que le système judiciaire fait passer les droits des criminels avant ceux des victimes. Ils veulent, comme la majorité des Canadiens, que le pendule oscille davantage dans la direction des victimes.

Je suis heureux que le gouvernement ait récemment présenté une mesure législative qui répond dans une certaine mesure à ces préoccupations et reconnaît davantage les droits des victimes de la criminalité. Toutefois, il y a encore beaucoup à faire. Un bon début serait d'éliminer purement et simplement l'article 745, de le supprimer totalement et non pas d'y apporter des modifications mineures, de perdre son temps à vouloir le modifier. Le sénateur Cools, ma collègue de l'autre côté, a présenté un projet de loi dans cet endroit dans ce but, et une mesure législative similaire a été présentée dans l'autre endroit.

Les sondages indiquent que les Canadiens veulent l'abolition pure et simple de l'article 745 du Code criminel. Je ne crois pas que nous devions gouverner en fonction des sondages, mais je crois que la question a été l'objet de suffisamment de controverses et d'études pour que nous pensions qu'il y a là des motifs sérieux de changement et pas que le seul résultat de sondages. La population croit que les individus condamnés pour meurtre devraient purger leur peine en entier sans aucune possibilité de libération conditionnelle. En fait, les sondages indiquent également que beaucoup de Canadiens croient, comme moi d'ailleurs, que les peines devraient être beaucoup plus sévères, allant même jusqu'à souhaiter le rétablissement de la peine de mort dans certains cas.

Après des mois de tergiversations, le gouvernement s'est finalement décidé à passer à l'action, ce qui a donné le projet de loi C-45 dont nous sommes saisis aujourd'hui.

De toute ma carrière politique, et je suis sur la colline depuis environ 13 ans, je n'ai jamais rien vu d'aussi cynique que cette mesure législative. Le projet de loi C-45 est une insulte à la mémoire des nombreux innocents qui ont été assassinés dans ce pays, et une injustice énorme à l'égard des familles de ces victimes qui vont être une fois de plus torturées, mais cette fois par leur propre gouvernement.

Ce projet de loi ne correspond même pas à ce veulent les plus modérés des Canadiens. Au lieu de prendre le taureau par les cornes, le gouvernement a une fois de plus choisi d'apaiser les groupes d'intérêts spéciaux de gauche et il devient de plus en plus évident qu'ils ont le ministre de la Justice dans leur poche.

Je n'arrive pas à comprendre la logique et la moralité du gouvernement qui propose une telle mesure législative. Au lieu d'abolir purement et simplement l'article 745, le gouvernement propose d'exclure uniquement les individus reconnus coupables de plus d'un meurtre. Tous les autres, soit plus de 95 p. 100 des individus incarcérés pour meurtre, seront encore admissibles à la libération conditionnelle anticipée aux termes de l'article 745. Par conséquent, ce projet de loi ne touche que 5 p. 100 de ceux qui pourraient faire une demande de libération conditionnelle anticipée.

Quel est le message que ce gouvernement essaye de communiquer au public? Veut-il nous dire que si on tue une personne, on n'est pas si méchant que cela, mais que si on en tue plus, on a dépassé les bornes? Est-il possible qu'un gouvernement puisse être aussi cynique? Est-il possible qu'un gouvernement puisse adopter une telle morale face à des crimes aussi crapuleux?

La réponse du gouvernement, et surtout du ministre de la Justice, c'est que l'article 745, mieux connu sous le nom de lueur d'espoir, existe afin que les détenus coupables de meurtres aient l'espoir de se réadapter un jour, de redevenir des membres productifs de la société. Quel espoir existe-t-il pour les victimes et leurs familles? Aucun. Les familles n'ont plus aucun espoir; elles ont perdu un être cher.

Honorables sénateurs, je ne sais pas combien de meurtriers le ministre de la Justice a rencontrés durant sa vie, mais j'ai vu ces gens de très près, j'en ai fait incarcérer et j'ai peu de sympathie ou de compassion pour qui que ce soit qui, de façon préméditée, a enlevé la vie à un autre être humain. Par-dessus tout, honorables sénateurs, j'ai bien peu d'espoir que des meurtriers comme Clifford Robert Olson ou Paul Bernardo ne puissent un jour redevenir des membres productifs de notre société. En fait, s'il n'en tenait qu'à moi, ils ne seraient plus parmi nous, car je crois que la peine de mort est la seule solution pour des criminels aussi cruels.

 

  • (1450)
Je connais certains des policiers qui ont participé à l'enquête sur les meurtres de Clifford Olson. Je ne répéterai pas ce qu'ils m'ont dit, car j'ai trop de respect pour les familles des victimes, mais si vous saviez ce qui s'est réellement passé, croyez-moi, vous ne chercheriez pas une solution politiquement correcte à ce problème, vous chercheriez plutôt une solution d'une sévérité raisonnablement équivalente au caractère cruels des crimes commis.

J'aimerais que le ministre de la Justice communique avec les familles comme celle de Tanya Smith, d'Abbotsford, en Colombie-Britannique et leur dise qu'il existe encore de l'espoir pour la ou les personnes responsables de son viol et de son assassinat. Je voudrais que ces familles entendent le ministre affirmer que toute personne mérite la chance de demander une libération conditionnelle anticipée. Je voudrais qu'il explique pourquoi, selon lui, la «justice» de cet article est plus importante que toute douleur, toute peine qu'il pourrait causer aux familles.

Il est facile pour les juges, les avocats et tous ceux qui siègent en des endroits comme celui-ci de dire que l'on devrait faire ceci ou cela. Il est peut-être temps de considérer la cruauté de ces crimes. Nous devons prendre connaissance des moindres détails et comprendre ce qui se produit lors de la perpétration de tels crimes. Notre point de vue sur toute cette question changerait sans aucun doute.

Est-ce que le ministre de la Justice est en train de dire aux Canadiens qu'il a des statistiques qui montrent qu'un meurtrier qui tue plus d'une personne est plus susceptible de tuer de nouveau lorsqu'il sort de prison? Que serait-il arrivé si Clifford Robert Olson avait tué seulement une personne et avait été arrêté? Est-ce que vous pensez qu'Olson serait différent aujourd'hui? S'il avait été libéré sous conditions parce qu'il ne répondait du crime que d'une seule personne, pensez-vous que la personnalité de cet homme aurait été différente? Est-ce que vous pouvez imaginer la libération de cet individu en vertu de la «clause de la lueur d'espoir» qu'est l'article 745?

J'aimerais bien savoir sur quoi se base le ministre de la Justice pour décider d'exclure ceux qui ont assassiné plus d'une personne. Pourquoi est-ce qu'il a choisi ce nombre? Pourquoi ne pas choisir d'exclure seulement ceux qui ont tué plus de trois ou plus de cinq personnes? Y a-t-il des statistiques que nous ne connaissons pas? C'est peut-être une question de moralité. Je ne sais pas. Je ne peux pas voir de raisons logiques qui justifieraient de traiter différemment ceux qui ont commis deux, trois, quatre ou cinq meurtres.

Je vous le demande. Est-ce que celui qui tue plus d'une personne est plus immoral que celui qui n'en tue qu'une? Est-ce qu'il y a des études psychologiques ou des recherches qui montrent cela? Ou est-ce, comme je le soupçonne, basé sur une décision purement arbitraire du ministre de la Justice qui écoute davantage les groupes qui représentent les meurtriers que ceux qui représentent les familles des victimes?

Les sénateurs qui me connaissent savent que je ne me considère pas comme un grand philosophe ou un grand juriste. Comme beaucoup d'autres dans ce pays, j'ai travaillé dur pour nourrir ma famille et aider mes concitoyens chaque fois que c'était possible. J'ai vécu selon des règles simples, fondées sur la logique et les valeurs spirituelles. Aujourd'hui, les définitions du bien et du mal ont été rendues passablement floues par ceux qui, dans leur propre intérêt, ont essayé de déformer la vérité. La vérité, c'est essentiellement qu'il est mal de tuer.

La moralité est une considération importante lorsqu'on regarde cette question. On m'a enseigné que toute vie humaine était précieuse et qu'il ne fallait pas y mettre fin. En fait, je ne me souviens pas que les dix commandements interdisent seulement le meurtre de plus d'une personne. J'ai devant moi un passage tiré de l'Exode dans lequel Moïse rassure son peuple et lui dit: «Tu ne tueras pas.» Il ne dit pas: «Tu ne tueras pas plus d'une personne.» Il dit simplement: «Tu ne tueras pas.» Peut-être que le ministre de la Justice a une édition plus récente de l'Exode que je n'ai pas vue, mais cela m'étonnerait.

Honorables sénateurs, le fait est que le meurtre est répréhensible. Peu importe combien de fois vous le commettez, il est répréhensible. De même, la punition de ceux qui commettent un meurtre au premier degré ne devrait pas être basée sur le nombre de ces meurtres.

Les Canadiens ont dit très clairement que ceux qui commettent un meurtre devraient à tout le moins purger la totalité de leur peine sans aucune possibilité de libération conditionnelle. Il s'agit là de l'une des rares questions où nous, en tant que politiciens, devons laisser notre allégeance politique de côté et nous concentrer sur ce qui est bon et juste pour les Canadiens.

Lorsque j'étais à l'autre endroit, nous avions tenu un vote libre sur le rétablissement de la peine capitale. La façon dont j'ai voté ne laisse planer aucun doute. J'ai voté contre beaucoup de mes collègues. Des gens de l'autre côté ont voté comme moi. Malheureusement, nous n'avons pas réussi à faire rétablir la peine capitale. Cependant, je vous exhorte à mettre de côté votre esprit de parti sur cette question précise.

Il semble que le ministre de la Justice ne partage pas ce sentiment. Je sais que beaucoup de sénateurs des deux côtés ont exprimé le désir que l'article 745 soit abrogé. J'espère et j'ai confiance qu'ils demeurent engagés envers cette cause.

Honorables sénateurs, nous le devons aux familles des victimes de meurtre, nous le devons à la mémoire de ceux qui ont été assassinés, et nous devons à la population en général de la protéger contre ceux qui n'ont aucun respect ni pour l'ordre public, ni pour la vie en général.

Honorables sénateurs, l'article 745 devrait être entièrement supprimé du Code criminel. Nous devrions commencer à protéger les innocents dans la société et à faire en sorte que ceux qui n'ont aucun respect pour la vie soient privés des libertés que peuvent accorder les lois.

L'honorable Nicholas William Taylor: Honorables sénateurs, au cours de toutes ces années que j'ai consacrées à la politique, j'ai suivi de près le dossier de la peine capitale. J'ai assisté à tous les revirements de son évolution. Je peux comprendre les sentiments qu'éprouvent des gens qui, comme le sénateur St. Germain, favorisent l'application du précepte biblique «Oeil pour oeil, dent pour dent».

Au fil des ans, le débat sur la peine de mort a connu de multiples fluctuations. Dans l'ensemble, la plupart des pays occidentaux estiment que ce n'est pas en tuant les meurtriers qu'on met fin à la violence. Autrement dit, le fait qu'un État opte pour la peine de mort ne semble pas suffisant pour dissuader les criminels.

On a omis un aspect dans ce débat. Je ne voulais pas m'aventurer sur la question de la moralité de la peine de mort, mais il convient de noter que le sénateur St. Germain recommande d'abroger complètement l'article en question. Or, si on suivait ce conseil, on se retrouverait dans une situation pire, car tout le monde serait admissible à la libération conditionnelle.

Mes cheveux gris sont là pour prouver que je roule ma bosse depuis plus longtemps que le sénateur St. Germain. Alors qu'il n'était encore qu'un scout aspirant à devenir policier, j'étais probablement déjà dans l'arène politique. Je me rappelle très clairement qu'on a ajouté cette disposition au Code criminel pour protéger les policiers, les gardiens et les travailleurs sociaux qui oeuvrent auprès des criminels dans les prisons.

Si on substitue la prison à vie à la peine de mort, le détenu condamné à perpétuité risque de devenir une sorte d'animal en cage qui sait qu'il n'a rien à perdre quand s'il s'en prend au gardien, au policier ou au travailleur social qu'il croise sur son chemin. Cette disposition visait donc à protéger le personnel des prisons. On disait d'elle qu'elle donnait une lueur d'espoir aux criminels. Selon les statistiques accumulées depuis toutes ces années où cette disposition est en vigueur, soit depuis 1976, il n'y a pas un meurtrier libéré qui ait récidivé. Sur la douzaine qui ont été ainsi libérés, un seul a cambriolé. Même le sénateur St. Germain, qui est un chaud partisan de la loi et de l'ordre, ne serait pas d'accord pour qu'on pende un cambrioleur.

Cet article a pour objet de protéger le personnel des prisons. Cette mince lueur n'a pas transformé les prisons en passoires. C'est que cette disposition a souvent servi de bouc émissaire à la presse. Celle-ci cherchait à faire oublier à la population que ceux qui purgent une longue peine d'emprisonnement ont besoin d'une lueur d'espoir pour améliorer leur conduite, rendant du même coup le milieu carcéral plus sécuritaire. Les policiers et les gens comme vous, qui oeuvrent auprès des criminels, doivent être protégés tout comme leurs familles. Leurs familles jouent un grand rôle là-dedans. Elles doivent savoir qu'elles sont en sécurité quand le mari, le frère, le fils ou la fille part travailler le matin avec des animaux en cage, désespérés et n'ayant rien à perdre. Voilà ce que je tenais à dire.

 

  • (1500)
Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, pour répondre au sénateur Taylor, je crois que ce qu'il vient de dire est partiellement exact. On a présenté cet argument. Cependant, il laisse l'impression que ces gens ont été incarcérés à perpétuité. En fait, la période d'incarcération est de 25 ans. Nous prétendons que l'article 745 donne à ceux qui ont été condamnés à 25 ans d'emprisonnement la possibilité de demander une libération conditionnelle anticipée. Cependant, ceux d'entre nous qui sont en faveur du rétablissement de la peine de mort disent que les délinquants trouvés coupables et condamnés à 25 ans d'emprisonnement, comme le prévoit le Code criminel, purgeront ces 25 années d'emprisonnement.

Je crois que l'argument du sénateur est bien faible. Cependant, on lui donne peut-être plus de poids dans certains milieux que je ne le souhaite. Il se peut que l'article qui donne une lueur d'espoir d'être libéré rende la vie plus facile à ceux qui supervisent et travaillent dans nos établissements pénitentiaires. Je sais à quel point ce travail est difficile.

Le sénateur Taylor prétend qu'il n'y a aucun espoir. Les délinquants qui vivent encore après avoir purgé leur peine de 25 ans sont alors libérés dans le cadre du système dont je parle. L'emprisonnement à perpétuité ne signifie pas que les individus en cause passent toute leur vie en prison. Au Canada, par un emprisonnement à perpétuité, on entend 25 ans. Une personne qui est âgée de 20 ans et commet un meurtre recouvrera sa liberté à 45 ans. L'article 745 donne la possibilité de demander une libération conditionnelle anticipée après avoir purgé 15 ans. Nous trouvons cela inacceptable. Nous croyons que les individus qui tuent doivent purger leur peine de 25 ans d'emprisonnement.

Je crois encore que le système est capable de bien fonctionner seul. Ceux qui administrent nos systèmes pénitentiaires peuvent accomplir du bon travail. S'il y a une chose qu'on doit faire pour les aider, je suis prêt à apporter mon concours, mais je ne veux pas que ces individus soient libres.

Le sénateur Taylor: Mais ils ne le seront pas.

Le sénateur St. Germain: Ils le seront, au bout de 25 ans.

J'apprécie les observations du sénateur Taylor. J'étais probablement boy-scout alors qu'il était déjà député à l'assemblée législative en Alberta. Il doit y avoir des jeunes ici aussi.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, si mon collègue acceptait une question, j'aimerais bien qu'il donne des précisions sur un sujet.

Je comprends les sentiments profonds que vous ressentez et j'en partage d'ailleurs un bon nombre. Cependant, beaucoup de confusion entoure la question touchant la période de 25 ans au lieu de 15. En fait, c'est une peine d'emprisonnement à vie. Nous devrions demander au sénateur Milne, qui parraine le projet de loi, de clarifier cette question. La période de 15 ou de 25 ans se rapporte bien au délai d'admissibilité à la libération conditionnelle.

Cependant, je le répète, c'est une peine d'emprisonnement à vie, ce qui signifie que le mandat de détention expire le jour où le détenu meurt. Dans le jargon du Service correctionnel, on parle du DEM, ou délai d'expiration du mandat. J'ai voté et j'ai pris de nombreuses décisions en me basant sur cette définition.

Étant donné toute la confusion dans la population au sujet de la période de 15 ou de 25 ans, le sénateur Milne pourrait peut-être établir clairement la différence entre une sentence minimale d'emprisonnement à vie et une sentence maximale d'emprisonnement à vie, et elle pourrait aussi expliquer ce que signifient vraiment des délais d'admissibilité à la libération conditionnelle et d'expiration du mandat.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je vous informe qu'une intervention de l'honorable sénateur maintenant aurait pour effet de clore le débat à l'étape de la deuxième lecture de ce projet de loi.

Le sénateur Milne: Si personne d'autre ne veut prendre la parole, je suis disposée à intervenir maintenant.

Son Honneur le Président pro tempore: Si l'honorable sénateur répond simplement à une question, la situation est différente. Toutefois, comme je crois que le sénateur s'apprête à intervenir au sujet de la motion principale, je dois l'informer que son discours aura pour effet de clore le débat.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je voudrais tirer une chose au clair. Je crois que le sénateur Cools posait une question au sénateur St. Germain. Je ne sais pas si le Règlement permet à un sénateur de poser une question à un sénateur qui n'a pas la parole. Le sénateur Milne n'a pas la parole pour le moment. Je reconnais que si aucun autre sénateur ne désire participer au débat et si le sénateur Milne se lève pour intervenir, elle sera la dernière à le faire. Comme le Sénat ne bénéficie pas pour l'instant d'une de ses savantes interventions, nous ne devrions donc pas lui poser de question. Est-ce que j'interprète bien le Règlement?

Son Honneur le Président pro tempore: C'est parfaitement cela. Si le sénateur Milne prend maintenant la parole, son intervention aura pour effet de clore le débat. Rien ne l'empêche cependant, en mettant fin au débat, de répondre à des questions si elle le désire.

Le sénateur St. Germain: Pour répondre très brièvement au sénateur Cools, je serai heureux d'accepter une question du sénateur Milne. Si le sénateur Milne veut apporter quelque éclaircissement, elle peut le faire, je ne m'y oppose pas. Je remercie le sénateur Prud'homme d'avoir tiré ce point au clair.

J'ai décrit en termes pratiques ce que représente réellement une peine de 25 ans. Dans la pratique courante, nous n'en sommes pas encore arrivés à un point où nous ayons nécessairement eu à aborder cette question. J'y vois une précieuse information.

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, ce ne sera une surprise pour personne d'apprendre que l'honorable sénateur St. Germain et moi divergeons d'opinion sur cette question.

Pour répondre à certaines des questions que l'on a posées ici aujourd'hui, les meurtriers ne sont pas condamnés à 25 ans de prison; ils sont condamnés à la prison à perpétuité, comme le sénateur Cools l'a expliqué avec tant de compétence. Peu importe quand ils obtiendront une libération conditionnelle ou s'ils l'obtiennent, ils feront l'objet de surveillance durant le reste de leur vie, jusqu'à leur mort.

À la suite de mon intervention hier soir, le sénateur St. Germain m'a demandé combien de récidivistes avaient été remis en liberté dans le cadre du système actuel et avaient commis des meurtres après leur libération. Plusieurs des honorables sénateurs qui m'entouraient hier soir m'ont assuré que la réponse était aucun, mais j'ai préféré vérifier les faits moi-même. J'ai découvert que la réponse était simplement «aucun». Autrement dit, mes honorables collègues avaient raison.

La première demande présentée en vertu de l'article 745.6 remonte à 1987 seulement. Depuis, un total de 50 requérants ont obtenu une réduction du délai d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Les données que je possède ont été accumulées jusqu'à la fin de 1995. De ces 50 requérants, six se sont vu refuser toute forme de libération conditionnelle par la Commission; cinq n'avaient pas encore fait l'objet d'une révision judiciaire à cet égard; trois n'ont pas encore le droit de présenter une demande; dix-sept bénéficient d'une libération conditionnelle complète; huit bénéficient d'une libération conditionnelle de jour; six bénéficient de ce qu'on appelle une permission de sortir sans surveillance; un est décédé; deux se sont vu retirer leur libération conditionnelle parce qu'ils en avaient violé les conditions; un s'est vu retirer sa libération conditionnelle parce qu'il avait été illégalement en liberté, ce qui constitue une grave violation des conditions de la libération conditionnelle; et un avait récidivé. Il s'agissait d'un vol à main armée, et l'intéressé est actuellement de retour en prison. En fait, aucun n'a commis de meurtre.

Comme je l'ai dit hier, il semble bien y avoir un grand désaccord entre divers groupes sur cette question, comme il en existe un au Sénat. Je suis impatiente de poursuivre l'étude du projet de loi au comité.

Son Honneur le Président pro tempore: Comme les honorables sénateurs le savent, le discours du sénateur Milne met fin au débat. Je n'ai d'autre choix que de mettre la question aux voix.

 

  • (1510)
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, puis-je poser une question?

Son Honneur le Président pro tempore: Procédons dans l'ordre. Est-ce que la permission est accordée?

Des voix: D'accord.

Une voix: Non.

Son Honneur le Président pro tempore: J'ai entendu au moins un non.

Le sénateur Prud'homme: C'est une interprétation d'une règle qui n'est pas claire. Madame le sénateur Milne est effectivement la dernière à participer au débat, mais si on lui adresse une question, cela fait partie de son discours. Si elle ne veut pas répondre, c'est son choix. Mais je suis persuadé qu'on pourrait interpréter le Règlement autrement. Qu'elle accepte ou non de répondre aux questions, c'est elle qui a le dernier mot. Cela n'empêche pas pour autant un autre sénateur de lui poser des questions. Autrement, le dernier orateur pourrait faire toutes sortes de déclarations farfelues sans qu'on puisse l'interroger.

Je constate que votre personnel très compétent est en train d'examiner cette interprétation, et leurs conseils nous éclaireront.

L'honorable Eymard G. Corbin: J'invoque le Règlement à propos des observations qu'on vient de faire. Si les sénateurs veulent poser des questions sur les détails du projet de loi à l'étude, que vous êtes d'ailleurs sur le point de mettre aux voix, Votre Honneur, pour qu'il soit renvoyé au comité, c'est au cours de l'étude au comité qu'ils doivent les poser. À l'étape de deuxième lecture, nous sommes censés débattre les principes du projet de loi. Les honorables sénateurs qui ont des questions à poser peuvent le faire au comité.

Son Honneur le Président pro tempore: L'article 35 du Règlement du Sénat du Canada dit ceci:

Le droit de réplique définitive est reconnu à un sénateur qui a proposé la deuxième lecture d'un projet de loi ou qui a fait une motion de fond ou une interpellation.

L'article 36 est ainsi conçu:

La réplique définitive, prévue à l'article 35 ci-dessus, a pour effet de clore le débat. Il est du devoir du Président de s'assurer que tout sénateur qui veut prendre la parole ait l'occasion de le faire avant la réplique définitive.

De toute évidence, c'est pour cette raison que la présidence doit signaler que le dernier sénateur qui prend la parole clôt le débat.

Comme le sénateur Corbin l'a fait remarquer, les sénateurs peuvent faire connaître leur point de vue au comité et, bien entendu, à la troisième lecture. Conformément au Règlement, je dois mettre la question aux voix.

Le sénateur Prud'homme: J'invoque le Règlement. J'ai lu l'article 35. Selon moi, madame le sénateur Milne aura la réplique définitive.

[Français]

Le droit de réplique définitive est reconnu à un sénateur qui a proposé la deuxième lecture. Alors il aura, en réponse à une question, la réplique finale puisque c'est exactement ce que nous attendons du sénateur Milne.

[Traduction]

Nous attendons que le sénateur Milne nous donne sa réplique définitive. La règle n'est pas claire.

Pour revenir à ce que disait le sénateur Corbin, les sénateurs ne peuvent pas tous assister aux travaux de tous les comités. Je me permets d'assister aux séances de bien des comités, mais les sénateurs n'ont pas le temps d'assister à toutes les séances des comités simplement pour poser une question. L'endroit idéal pour poser une question reste le Sénat.

Le sénateur Cools: Pour poursuivre dans la ligne de pensée du sénateur Prud'homme, j'ajouterais que, même si les travaux et les délibérations des comités sont précieux et essentiels, il faut bien comprendre que les études en comité ne remplacent pas les débats au Sénat. Je comprends le point que veut faire valoir le sénateur Corbin, mais il faut se rendre compte qu'un comité sénatorial ne remplace pas le Sénat.

Son Honneur le Président pro tempore: Avant de mettre la question aux voix, comme le prévoit, je crois, le Règlement, je veux faire remarquer que le sénateur Prud'homme a cité la version française. Je ne vois pas de divergence entre le texte français et le texte anglais.

L'article 36 précise:

Il est du devoir du Président de s'assurer que tout sénateur qui veut prendre la parole ait l'occasion de le faire avant la réplique définitive.

La réplique définitive est la réplique que fait le sénateur une fois que les autres sénateurs ont été informés que cette dernière intervention mettra fin au débat.

[Français]

Honorables sénateurs, en français, c'est exactement la même chose. Le droit de réplique définitive est reconnu à un sénateur qui a proposé la deuxième lecture d'un projet de loi. On lit à l'article 36:

La réplique définitive, prévue à l'article 35 ci-dessus, a pour effet de clore le débat. Il est du devoir du Président de s'assurer que tout sénateur qui veut prendre la parole ait l'occasion de le faire avant la réplique définitive.

Cela doit être nécessairement la parole que le sénateur donne, après qu'il ou elle est reconnu et après que ses collègues ont été informés que sa réponse va clore le débat. Selon mon interprétation des règles, je ne suis pas infaillible, mais enfin, je suis vice-président, je ne suis pas vice-pape.

[Traduction]

Le sénateur Prud'homme: Tel est le Règlement. Je ne contesterais jamais une décision de notre Président. Toutefois, je tiens à faire consigner au compte rendu que la définition du «droit de réplique définitive» est très claire en français et en anglais. Mais qu'est-ce qu'une réplique définitive? La «réplique définitive», c'est exactement ce que madame le sénateur Milne aurait eu si elle avait répondu à une question, quelle qu'elle soit. En français comme en anglais, la définition est très claire. Tout sénateur peut dire ce qu'il veut, mais madame le sénateur Milne a le dernier mot; elle a la «réplique définitive».

Telle est mon interprétation que je veux faire consigner au compte rendu en vue d'un débat futur.

[Français]

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je n'ai ni le droit ni l'intention d'entreprendre un débat avec mon ami et collègue, le sénateur Prud'homme. Je vais maintenant poser la question.

[Traduction]

Le sénateur Milne, avec l'appui du sénateur Carstairs, propose: Que le projet de loi soit lu une deuxième fois.

Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Milne, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

 


Visiteur de marque

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune du Président de l'Assemblée législative de l'Alberta, l'honorable Stan Schumacher, à qui je souhaite la bienvenue en votre nom.

Soyez le bienvenu au Sénat.

 


  • (1520)

TERRE-NEUVE

Les changements apportés au système scolaire-
La modification de la clause 17 de la Constitution-Le rapport du comité-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de L'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyée par l'honorable sénateur De Bané, c.p., tendant à l'adoption du treizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada figurant à l'annexe de la Loi sur Terre-Neuve), déposé auprès du greffier du Sénat le 17 juillet 1996.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Doody, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié par substitution aux mots «sans amendements, mais avec une opinion dissidente», des mots:

avec l'amendement suivant:

Supprimer le passage de l'alinéa (b) de la clause 17 qui précède le sous-alinéa (i) et le remplacer par les mots «là où le nombre le justifie,».

L'honorable Richard J. Stanbury: Honorables sénateurs, je participe au débat sur la modification de la clause 17 proposée par le sénateur Doody. J'hésite à prendre position sur une question qui concerne clairement la population et le gouvernement d'une province autre que la mienne. Je sais que la structure et l'administration du système scolaire à Terre-Neuve et au Labrador sont un sujet de controverse depuis un certain temps déjà. L'éducation est toutefois une responsabilité provinciale. Si le Parlement a un rôle à jouer en l'occurrence, c'est parce que la population de Terre-Neuve considérait l'accord actuel, aussi différent soit-il des autres accords provinciaux en matière d'éducation, suffisamment important pour faire de sa préservation une des conditions de son adhésion à la Confédération.

Évidemment, c'était il y a 47 ans, soit deux générations, et plus récemment, les Terre-Neuviens de tous les groupes confessionnels ont toutefois élu, avec une nette majorité, un gouvernement qui s'est engagé à ce que l'établissement d'écoles puisse se faire dans un système lui permettant de surveiller plus étroitement les fonds publics dépensés pour assurer la construction d'écoles et leur fonctionnement.

La population a pu voter sur un plan de restructuration. Bien que la population se soit prononcée en faveur du plan, à peine un peu plus de la moitié des électeurs ont considéré que la question était assez grave pour qu'ils aillent voter. L'assemblée législative nouvellement élue et composée de représentants de tous les groupes confessionnels, a ensuite adopté la nouvelle clause 17, sans amendement.

Récemment, les élus de cette assemblée législative ont adopté à l'unanimité une résolution exhortant le Parlement du Canada à adopter rapidement la clause 17, de manière que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador puisse mettre en oeuvre les changements qui sont nécessaires et qui s'imposent de toute urgence dans le système scolaire de la province. La Chambre des communes, lors d'un vote libre, a adopté la résolution nécessaire pour modifier la Constitution, encore une fois sans amendement, et avec relativement peu d'opposition.

Cela devrait normalement me convaincre que la résolution que le sénateur Rompkey nous a soumise pour approbation devrait recevoir notre appui enthousiaste; or, j'apprends soudainement que des collègues que je respecte, comme le sénateur Doody, s'y opposent ou, du moins, veulent qu'elle soit modifiée avant de l'appuyer. En guise de réponse, j'ai examiné avec soin la nouvelle clause 17 et j'ai mesuré la compréhension que j'en avais à l'aune des explications données par le sénateur Doody sur ses préoccupations. Si j'ai bien compris, je crains que l'interprétation du sénateur Doody ne soit fort erronée. Quand la bonne interprétation sera faite, le sénateur Doody voudra sans doute retirer son amendement.

Le sénateur Doody: Êtes-vous prêt à parier là-dessus, sénateur?

Le sénateur Stanbury: Le sénateur Doody croit, de toute évidence, qu'en vertu de la clause 17 proposée, le droit à l'éducation confessionnelle ne serait plus garanti par la Constitution. Il a dit que la clause 17 proposée supprimerait tous les droits à l'éducation confessionnelle, les faisant relever de la compétence provinciale. Je dois vous dire, honorables sénateurs, que cette interprétation de la clause 17 proposée est tout simplement erronée.

Le problème vient peut-être d'une mauvaise lecture de la clause. En fait, dans son discours, le sénateur Doody a prétendu qu'il citait un important alinéa de la clause, mais la citation était incorrecte. Dans son discours, que l'on trouve à la page 904 du compte rendu des délibérations du Sénat du 1er octobre 1996, le sénateur Doody a cité l'alinéa a) de la clause 17 proposée de la façon suivante:

L'alinéa a) prévoit:

Sauf dans la mesure prévue aux alinéas b) et c) [...] les écoles [conservent] le droit d'assurer aux enfants qui y appartiennent l'enseignement religieux.

En fait, l'alinéa a) ne fait aucune mention du droit de pourvoir à l'enseignement religieux aux termes des alinéas b) et c). L'alinéa a) énonce de manière assez explicite et en langage clair les droits à l'éducation confessionnelle qui seront accordés à toutes les écoles établies, financées et gérées à même les fonds publics.

L'alinéa a) stipule:

a) sous réserve de ce qui est prévu aux alinéas b) et c), les écoles établies, financées et gérées à même les fonds publics sont des écoles confessionnelles, et toute catégorie [...] ayant des droits en vertu de la présente clause dans son libellé du 1er janvier 1995...

Ce qui inclut les catholiques romains, les pentecôtistes et les adventistes du septième jour.

...conserve le droit d'assurer aux enfants qui y appartiennent l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école...

Le sénateur Doody: «Sous réserve des lois provinciales».

Le sénateur Stanbury: Le texte ne dit pas cela du tout, sénateur.

C'est très différent de la citation donnée par le sénateur Doody. La disposition est on ne peut plus claire. Le droit à l'enseignement religieux, à l'exercice d'activités religieuses et à la pratique de la religion à l'école n'est pas laissé au bon vouloir des législateurs. Ce droit sera inscrit dans la Constitution. L'alinéa b) ne mine pas du tout ce droit. Il dit tout simplement que la loi provinciale s'appliquera uniformément à toutes les écoles, et il n'établit de conditions que pour la création et le fonctionnement des écoles. Pourtant, le sénateur Doody voudrait nous faire croire le contraire. Comme en fait foi la page 904 des Débats du Sénat du 1er octobre dernier, il a déclaré:

«Sous réserve du droit provincial», les droits aux écoles confessionnelles seront maintenus. Je vous le demande, honorables sénateurs, quel réconfort les minorités de Terre-Neuve peuvent-elles tirer du fait que leurs droits aux écoles confessionnelles sont assujettis au droit provincial? Aucun. Elles sont plutôt plongées dans la crainte, l'inquiétude, les préoccupations.

C'est ce que le sénateur Doody a déclaré.

Le sénateur Doody: Et c'était vrai.

Le sénateur Stanbury: Évidemment, l'alinéa a) ne dit pas cela. Il n'assujettit pas le maintien du droit à l'enseignement confessionnel aux lois provinciales. Au contraire, aux termes de la clause 17 proposée, toutes les écoles seront confessionnelles, avec la très petite exception des écoles visées par le sous-alinéa b)(ii), ce que personne ne conteste, et le droit des minorités protégées de dispenser de l'enseignement religieux, d'exercer des activités religieuses et de pratiquer la religion à l'école sera clairement inscrit dans la Constitution. La Cour suprême a déclaré que les droits énumérés à l'alinéa a), le droit à l'enseignement religieux, à l'exercice d'activités religieuses et à la pratique de la religion à l'école se retrouvent au coeur du droit aux écoles confessionnelles.

Honorables sénateurs, il est clair à la lecture de la nouvelle clause 17 proposée que le droit des minorités à l'enseignement confessionnel sera protégé. Le droit fondamental de pouvoir faire éduquer ses enfants dans sa propre foi sera inscrit dans la Constitution. Ce que le sénateur Doody a déclaré au sujet du droit à l'enseignement confessionnel des catholiques romains, des pentecôtistes, des adventistes du septième jour et d'autres encore, n'est tout simplement pas vrai. Les paroles suivantes, rapportées à la page 904 des Débats du Sénat, ne sont pas vraies:

En vertu de cette modification, la protection que leur assure la Constitution leur sera enlevée pour être confiée aux législateurs de la Chambre d'assemblée logée dans l'immeuble de la Confédération à St. John's, et cela, honorables sénateurs, n'est pas correct.

Ce n'est pas le cas.

Le sénateur Doody: Oui, c'est le cas.

Le sénateur Stanbury: La protection constitutionnelle des droits de ces groupes à des écoles confessionnelles est là, noir sur blanc, dans la clause 17 proposée.

Quelle est donc l'enjeu de ce débat? Ce n'est pas, comme le dit le sénateur Doody, le droit des minorités à des écoles confessionnelles, mais bien le droit de certaines minorités, en vertu de l'alinéa b), d'avoir leurs propres écoles, celles qu'on appelle les écoles uniconfessionnelles, soutenues par les deniers publics. Ce droit est distinct du droit consacré de chacune des minorités protégées d'assurer aux enfants qui appartiennent à ces minorités l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion dans les écoles confessionnelles prévues à l'alinéa a), celles qu'on pourrait appeler les écoles interconfessionnelles. Aux termes de la clause 17, les minorités protégées recevraient des droits additionnels en ce qui concerne les écoles uniconfessionnelles.

 

  • (1530)
L'alinéa b) est clair. Chacune des minorités protégées aura droit à des écoles uniconfessionnelles soutenues par les deniers publics. Ce droit sera consacré dans la Constitution. La province aura le droit d'adopter une mesure législative établissant les conditions régissant la création, le maintien ou le fonctionnement de ces écoles uniconfessionnelles. Je veux être très clair à ce sujet parce que je crois que la question est beaucoup moins vaste que le sénateur Doody ne l'a présentée.

Le sénateur Doody veut enlever aux législateurs dûment élus dans la province le droit d'établir les paramètres régissant la création des écoles uniconfessionnelles pour le donner aux tribunaux. Ce ne serait plus à la province de déterminer, par exemple, la taille minimum des écoles qu'elle aurait le moyen de construire et de soutenir. Ces décisions seraient prises par les tribunaux. Toutefois, c'est justement à cause de questions financières de ce genre que la nouvelle clause 17 a été proposée.

Comme le sénateur Rompkey nous l'a signalé il y a quelques jours, le ministre de l'Éducation de Terre-Neuve a dit clairement que cet amendement entraverait les efforts déployés par Terre-Neuve pour aller de l'avant avec les réformes qu'elle veut apporter. Il a dit que, si cet amendement est adopté, tout l'exercice de modification constitutionnelle aura été inutile.

Cet amendement n'est pas une nouvelle idée. Il a été proposé et débattu longuement à Terre-Neuve et, ce qui est plus important, il a été rejeté. Honorables sénateurs, pourquoi adopterions-nous un amendement que les représentants dûment élus des Terre-Neuviens ont examiné très sérieusement et ont décidé de rejeter?

Les sénateurs jouent leur rôle traditionnel de protecteurs des droits des minorités. Pourtant, il est clair pour moi, après avoir examiné le rapport du comité sur la clause 17 et après avoir lu le compte rendu des délibérations, que cet amendement favoriserait certaines minorités au détriment d'autres minorités. En particulier, les représentants de l'Église adventiste du septième jour ont dit clairement, lorsqu'ils ont témoigné devant le comité, que les mots «là où le nombre le justifie» ne les aideraient pas du tout. En fait, un constitutionnaliste qui appuyait les arguments présentés par les représentants de l'Église catholique et de l'Église pentecôtiste dans le débat sur la clause 17 a dit devant le comité que l'ajout des mots «là où le nombre le justifie» aurait pour effet de supprimer toute protection pour l'Église adventiste du septième jour. Il a dit que, dans de telles circonstances, elle n'aurait probablement aucune protection.

Les honorables sénateurs ont-ils le mandat de décider quelles minorités doivent être ou ne pas être protégées? C'est ce que nous ferions si nous adoptions cette modification.

Ne nous y trompons pas. La province de Terre-Neuve et du Labrador est constituée de nombreuses minorités religieuses. Ensemble, elles représentent 95 p. 100 de la population. En fait, les catholiques constituent la plus importante minorité dans la province. Par conséquent, nous irions à l'encontre du but visé par la nouvelle clause 17 demandée par une province constituée de nombreuses minorités religieuses en voulant protéger le groupe le plus important, un groupe qui a le moins besoin de protection. Est-ce ainsi qu'on protège les minorités?

Je m'interroge également au sujet de ceux qui s'opposent à la nouvelle clause 17. Si la population est constituée à 95 p. 100 de groupes minoritaires et que ces groupes sont ceux à qui la modification porte préjudice, pourquoi y a-t-il même une faible majorité en faveur de cette modification et pourquoi les gens ont-ils élu un gouvernement favorable à cette modification et une assemblée législative qui l'a appuyée par un vote unanime?

Les porte-parole des minorités religieuses, dont le sénateur Doody a parlé et qui ont comparu devant le comité à Terre-Neuve pour s'opposer à la nouvelle clause 17, parlaient-ils vraiment au nom des Terre-Neuviens qui adhèrent à ces confessions? Qui peut affirmer que ce ne sont pas précisément les membres des minorités représentant 95 p. 100 de la population qui ont demandé ces modifications?

Par exemple, en examinant le compte rendu des délibérations du comité, j'ai été impressionné par le témoignage du chef de l'opposition officielle à l'Assemblée législative de Terre-Neuve, M. Loyal Sullivan. Il a déclaré au comité qu'il est catholique, père de trois enfants qui étudient dans le système scolaire de Terre-Neuve et qu'il a lui-même enseigné pendant vingt ans dans des écoles catholiques. M. Sullivan appuie la clause 17 qui est proposée et s'oppose à la modification dont nous sommes présentement saisis. De toute évidence, les porte-parole catholiques qui ont comparu devant le comité ne parlaient pas en son nom. M. Sullivan n'est-il pas, en tant que député dûment élu et chef de l'opposition à l'assemblée législative, un porte-parole plus crédible de sa minorité et des autres groupes minoritaires?

De même, le ministre de l'Éducation, l'honorable Roger Grimes, est un pentecôtiste qui vient d'une famille pentecôtiste. Il a enseigné d'abord dans des écoles pentecôtistes, puis pendant de nombreuses années dans des écoles catholiques. Il appuie la nouvelle clause 17 et est opposé à l'amendement que nous sommes en train d'examiner. De toute évidence, le porte-parole pentecôtiste qui a comparu devant le comité et qui était opposé à la nouvelle clause 17 ne parlait pas en son nom.

Son Honneur le Président suppléant: Je suis au regret d'informer le sénateur que son temps de parole est épuisé. Il peut poursuivre s'il y a consentement unanime. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Stanbury: L'honorable Roger Grimes n'est-il pas au moins un porte-parole fiable des membres de sa minorité et des autres minorités qui l'ont élu ainsi que du gouvernement dont il est un membre responsable?

Le sénateur Rompkey a parlé à la Chambre l'autre jour de son expérience dans sa province, Terre-Neuve et le Labrador. Les catholiques romains de sa province lui ont dit que les porte-parole de l'Église catholique romaine ne parlaient pas en leur nom et qu'ils souhaitent ce changement à la clause 17.

Mark Graesser, un professeur de sciences politiques à la Memorial University, dans la province de Terre-Neuve et du Labrador, qui se spécialise dans l'analyse des sondages d'opinion publique, a parlé au comité de sondages qu'il a effectués à Terre-Neuve et au Labrador sur la question de l'enseignement confessionnel. M. Graesser a dit au comité qu'aucun des sondages qu'il avait effectués n'avait fait ressortir plus grande unanimité entre catholiques et protestants.

Qu'est-ce qui prouve que la hiérarchie des confessions religieuses représente mieux le point de vue de leurs groupes respectifs que les personnes qu'elles ont élues pour les représenter? Sachant que la population est composée à 95 p. 100 de membres de minorités religieuses, pouvons-nous dire que nous devrions protéger ces minorités en adoptant un amendement dont nous savons qu'il va à l'encontre du but de la proposition constitutionnelle et nuit aux droits de certains groupes minoritaires?

Je crois, honorables sénateurs, que - contrairement à ce que suggère le sénateur Doody - quand vous examinez attentivement et calmement la nouvelle clause 17, vous constaterez qu'elle protège le droit à l'enseignement confessionnel des minorités protégées.

L'amendement proposé par le sénateur Doody est non seulement inutile, mais il va à l'encontre de l'amendement constitutionnel et élimine les dispositions qui protègent actuellement certaines minorités.

 

L'honorable C. William Doody: Puis-je poser une question à l'honorable sénateur?

Le sénateur Stanbury: Certainement.

Le sénateur Doody: Dans son discours, bien intentionné mais, malheureusement, mal documenté, le sénateur soutenait que, comme les minorités à Terre-Neuve ne représentent que 95 p. 100 de la population, l'ensemble de la population doit donc représenter l'opinion des minorités. Le sénateur pourrait-il s'expliquer?

J'aurais cru que les minorités étaient constituées de ces gens dont le vote ou le pouvoir d'influence politique ou civil est assez faible pour qu'ils aient besoin d'une protection constitutionnelle. Selon le raisonnement de mon ami, comme les minorités ne sont que des éléments d'un tout, il faudrait respecter l'opinion du tout. Elles ne joueraient donc aucun rôle.

En outre, dans son préambule, le sénateur a dit qu'il hésitait à commenter des politiques d'éducation qui relèvent d'une autre compétence, ou à faire de l'ingérence. Je crois qu'il a tout à fait raison.

 

  • (1540)
Je suis d'accord avec lui là-dessus. Nous avons tous admis, à un moment ou à un autre, que l'éducation est vraiment une responsabilité provinciale. Toutefois, il n'a jamais été question ici de problèmes d'éducation. La province est tout à fait capable de régler elle-même ces problèmes-là, avec l'aide qu'elle sollicitera de ses amis. Nous parlons ici de la protection des droits des minorités, droits qui ont été inscrits dans la Constitution du Canada au moment de l'entrée dans la Confédération pour protéger ceux dont le style de vie, les habitudes, les coutumes et la culture sont un peu différents du reste du Canada. C'est cela qu'on propose maintenant d'abolir. Ce n'est pas de l'ingérence dans les prérogatives du gouvernement de Terre-Neuve en matière d'éducation. Ce gouvernement a certainement le droit de faire comme il l'entend dans ce domaine. C'est sa responsabilité, et je ne songerais même pas à imposer mes vues à cet égard. Toutefois, quand il s'agit d'abolir des droits garantis par un document officiel signé au nom des Canadiens et des habitants de Terre-Neuve, je pense que nous, en cette enceinte, avons certainement le droit d'intervenir. C'est même notre devoir et notre responsabilité d'intervenir.

Le sénateur Stanbury: Je comprends les remarques du sénateur Doody, et je suis d'accord avec lui. Comme je l'indiquais dans mon discours, cela fait partie de notre responsabilité. Même si l'enseignement est la responsabilité de la province de Terre-Neuve et du Labrador, je me rends compte que nous sommes entraînés dans cette affaire en raison de l'aspect constitutionnel.

Je comprends aussi qu'il y a beaucoup d'émotion en cause. Par conséquent, j'ai essayé d'aborder la question du point de vue de l'avocat qui interprète le libellé réel plutôt que les paroles que les gens lancent lorsqu'ils laissent parler leur émotions.

De toute évidence, la province de Terre-Neuve et du Labrador est constituée de nombreuses minorités. Je me demandais si on avait des preuves que la majorité d'une minorité quelconque soit opposée à la clause 17.

Le sénateur Doody: Oui, certainement.

Le sénateur Stanbury: Je ne vois aucune preuve que la majorité d'une minorité quelconque ait indiqué cela clairement. La hiérarchie des organisations religieuses a indiqué qu'elle était opposée à cela, mais les hiérarchies ont des droits acquis qui ne sont pas nécessairement...

Des voix: Oh, oh.

Le sénateur Stanbury: Quelle est la définition de droits acquis?

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous venez de nous la donner. Vous avez dit qu'il faut ne faire aucun cas des dirigeants religieux.

Le sénateur Stanbury: Est-ce que je réponds aux questions du sénateur Lynch-Staunton ou à celles du sénateur Doody?

Le sénateur Rompkey: Qu'est-il arrivé aux droits individuels et à la liberté de parole?

Le sénateur Stanbury: Je suis en train de dire que je n'ai aucune preuve que la majorité d'une minorité quelconque soit opposée à la clause 17.

Le sénateur Doody: Si je pouvais abuser un peu de la patience du Sénat pendant une autre minute, je voudrais poser une dernière question. Elle porte sur le travail du comité à Terre-Neuve, lequel était remarquable au vu des témoignages que nous avons entendus, non seulement de la hiérarchie des différentes dénominations là-bas, mais également des parents, des élèves et des personnes qui ont fait parfois 600 ou 700 milles en voiture pour faire valoir leur opinion. Certains ont littéralement pleuré pour que l'on protège leurs droits et pour que leurs enfants soient éduqués dans le style et la manière morale dans lesquels ils avaient été élevés eux-mêmes. Ils nous ont dit que c'était leur droit et qu'il était garanti par la population du Canada. Ces personnes sont venues à leurs propres frais. Elles ont pris congé et elles sont venues nous voir par avion ou en voiture. Chaque après-midi, il y avait des queues devant les microphones. Certains ont parlé aussi longtemps qu'on leur a permis, ce qui était généralement cinq minutes, et d'autres moins longtemps, mais on ne pouvait pas douter de leur sincérité et de leur passion pour un mode de vie qui allait être perturbé au nom de ce que mes amis d'en face appellent des améliorations économiques.

Je doute qu'il y aurait des améliorations économiques. Cela n'a pas été démontré. Il n'y a pas de doute dans mon esprit, et je me demande si vous pouvez prouver le contraire, que la grande majorité des membres des églises pentecôtiste, catholique romaine et adventiste du septième jour veulent que ses enfants soient éduqués de la façon dont ils ont été éduqués eux-mêmes et selon les mêmes principes moraux.

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, durant tout ce débat j'ai écouté les sénateurs qui se préoccupent des droits des minorités à Terre-Neuve et au Labrador et aussi des Inuit du Labrador et des autochtones de cette province. J'aimerais comprendre parfaitement la question dont nous discutons aujourd'hui.

Depuis 1982, lors du rapatriement de la Constitution, la reconnaissance des autochtones en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique diffère de ce qu'elle était auparavant. Cela est largement dû au fait que l'article 35 est maintenant inscrit dans la Constitution. Cet article reconnaît les Indiens, les Métis et les Inuit. J'ai toujours compris que cette reconnaissance constitutionnelle devait être mieux définie. Autrement dit, il faut poursuivre le travail législatif et constitutionnel. J'ai toujours su que la tâche n'était pas terminée.

La modification proposée porte sur les droits des minorités en matière d'institutions religieuses et d'éducation, mais je rappelle aux sénateurs que certaines minorités n'ont pas été mentionnées aujourd'hui, à savoir les Inuit du Labrador et les Métis.

Je voudrais poser la question suivante: qu'est-ce qui est plus important? Est-ce plus important de reconnaître un certain rôle à une organisation religieuse, d'avoir une protection constitutionnelle en vertu de la Constitution du Canada ou de trancher la question de l'article 35 qui est en suspens? Certes, le gouvernement provincial a compétence en matière d'éducation, mais il a aussi une responsabilité fiduciaire envers les autochtones. Autrement dit, il occupe une position de confiance.

En 1949, lorsque Terre-Neuve est entrée dans la Confédération, la reconnaissance des autochtones ne se faisait pas exactement de la même façon à Terre-Neuve et dans les autres provinces. La question était un peu plus claire dans les autres provinces tandis qu'à Terre-Neuve, elle était assez floue.

Lorsque le temps viendra où les autochtones devront affronter le gouvernement de Terre-Neuve, seront-ils en mesure de le faire? Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador saura-t-il traiter avec les autochtones s'il est responsable de l'éducation de ces derniers? Vaudrait-il mieux que les autochtones demeurent intégrés aux groupes religieux puisque ainsi, ils sont constitutionnellement protégés à titre de minorité? Si je tiens compte de mon expérience en matière d'éducation et de négociation des droits à l'éducation, je ne sais pas quelle serait la meilleure solution. J'ai traité de ces questions avec le gouvernement du Canada et celui du Québec.

Dans le présent cas, si rien ne change, les Inuit devront-ils négocier avec les institutions religieuses avant de parvenir à une entente avec le gouvernement de Terre-Neuve? Si tel est le cas, jusqu'où devront-ils aller? Il me semble que le gouvernement de Terre-Neuve n'est pas équipé pour négocier avec les autochtones si la Constitution n'est pas modifiée.

 

  • (1550)
J'ai pensé qu'il était important de soulever cette question parce que personne ne l'avait encore fait. Qu'adviendra-t-il des droits des minorités inuit et innu et de la minorité métisse?

Le sénateur Kinsella: Le sénateur Stanbury a-t-il une réponse?

Le sénateur Stanbury: C'est le sénateur Rompkey qui a présenté le projet de loi.

L'honorable Bill Rompkey: J'aimerais faire une observation. Votre Honneur, pourriez-vous m'éclairer quant au protocole à ce moment-ci du débat?

Son Honneur le Président suppléant: La situation est tout à fait analogue à celle qui s'est produite plus tôt. Si le sénateur Rompkey prend la parole maintenant, je serai obligé de dire que cela aura pour effet de mettre fin au débat. Évidemment, je dois faire preuve de logique. Lorsque le sénateur Rompkey aura mis fin au débat, il pourra alors commenter les observations de ses collègues.

Le sénateur Lewis: N'en sommes-nous pas à l'amendement?

Le sénateur Graham: Nous en sommes à l'amendement proposé par le sénateur Doody. Le sénateur Stanbury a parlé aujourd'hui de l'amendement du sénateur Doody.

L'honorable Noël A. Kinsella: C'est au sénateur Stanbury de parler. Il a fait son discours. Son temps de parole a été prolongé avec la permission du Sénat. Les honorables sénateurs peuvent lui demander des explications sur son discours. C'est là que nous en sommes.

Le sénateur Rompkey: Votre Honneur, puis-je poser une question au sénateur Stanbury?

Son Honneur le Président pro tempore: Nous en sommes à l'amendement et non à la motion principale. Avec la permission du Sénat, le sénateur Rompkey peut répondre brièvement s'il le désire. C'est au sénateur Stanbury de décider.

Le sénateur Graham: Que ce soit parfaitement clair, si le sénateur Stanbury, qui est le dernier à avoir pris la parole sur l'amendement proprement dit, était prêt à accepter une question du sénateur Watt, du sénateur Rompkey ou de n'importe quel autre sénateur, ce serait dans les règles.

C'est le sénateur Rompkey qui a présenté la motion principale. Il peut également prendre la parole au sujet de l'amendement du sénateur Doody.

Le sénateur Doody: Le sénateur Stanbury était-il seulement le dernier à intervenir ou plutôt le dernier à pouvoir le faire?

Le sénateur Graham: Comme les honorables sénateurs le savent, un certain nombre de sénateurs des deux côtés du Sénat souhaitent participer au débat.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, puis-je poser une question au sénateur Doody?

Des voix: Non.

Des voix: Règlement!

Le sénateur Doody: Je serais très heureux d'essayer de répondre, mais je pense que c'est sans précédent.

Le sénateur Gigantès: Il s'agit d'une question importante.

Le sénateur Doody: J'en suis certain. Vous ne seriez pas ici autrement.

Son Honneur le Président suppléant: À l'ordre, s'il vous plaît.

La motion d'amendement est inscrite au nom du sénateur Doody. Si le sénateur Doody intervient maintenant, cela aura pour effet de clore le débat.

Nous venons de trancher un cas semblable. Aux termes des articles 35 et 36 du Règlement, clore un débat comprend les questions, les réponses et les déclarations.

Le sénateur Stanbury a maintenant la parole. Voyons ce qu'il en fait.

Le sénateur Stanbury: Je pensais que le sénateur Watt faisait un discours sur l'amendement. S'il a une question, j'ignore au juste si je peux y répondre. Je lui demande de répéter la question au comité...

Une voix: Le comité a déjà été saisi du projet de loi.

Le sénateur Stanbury: Renvoyez-le alors au comité. Autrement, je donnerai l'occasion de répondre à l'un des parrains, le sénateur Doody au sujet de l'amendement ou le sénateur Rompkey au sujet du projet de loi, dans le cadre de leurs propres discours. C'est le bon endroit pour répondre à une question de ce genre. Elle exige beaucoup plus de recherches et de connaissances que ce sur quoi je peux m'appuyer maintenant.

Le sénateur Doody: Cela ne vous a pas arrêté auparavant.

Le sénateur Stanbury: J'ai effectué ma recherche. J'ai pris connaissance des faits et j'ai été vraiment stupéfait par ce que j'ai constaté.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous étiez l'avocat la dernière fois.

Le sénateur Stanbury: Je crois avoir répondu à la question au mieux de mes connaissances. Nous pouvons poursuivre avec le prochain sénateur à intervenir.

Le sénateur Kinsella: Je voudrais poser une question au sénateur Stanbury, qui a signalé avoir analysé cette importante question d'un point de vue juridique. C'est très utile.

Le sénateur Stanbury et d'autres ont soulevé cette question: Qui parle au nom de l'Église catholique? En tant qu'avocat, qu'entend le sénateur par l'expression «personne morale»? Qui est la personne morale à Terre-Neuve et au Labrador?

Le sénateur Graham: Joey Smallwood.

Le sénateur Stanbury: Je souhaiterais que le sénateur Kinsella ait siégé avec nous au comité des affaires juridiques où nous avons été aux prises avec cette question au cours des ans. Je ne l'aborderai même pas.

Le sénateur Kinsella: Je crois savoir qu'en ce qui concerne l'Église catholique romaine, de par sa loi de constitution, la personne morale, c'est l'archevêque catholique romain.

Le sénateur Stanbury: Honorables sénateurs, je ne parlais par de l'Église catholique romaine ni d'aucune autre confession particulière d'ailleurs. Je parlais des minorités, du peuple. La personne morale ne touche pas un mot sur les souhaits et les désirs du peuple. Il existe de nombreux exemples de membres de l'Église catholique qui, tout en ayant le plus grand respect pour le pape et en affichant l'attitude voulue envers tous ses propos, ne suivent aucunement ses préceptes. Je parle des gens. Je ne parle pas de la hiérarchie ecclésiastique.

Le sénateur Kinsella: Sénateur Stanbury, concéderiez-vous que les conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada, et notamment la clause 17, traitent du contrat constitutionnel qui a été conclu entre les deux parties au moment où Terre-Neuve et le Labrador ont adhéré au Canada? La clause 17 fait-elle partie du contrat constitutionnel? Du point de vue juridique, sommes-nous en présence, oui ou non, d'un accord qu'on a fait figurer dans la Constitution pour décrire le contrat fondamental passé par les deux parties?

Le sénateur Stanbury: Honorables sénateurs, je reconnais que la clause 17 fait effectivement partie intégrante de la Constitution. La nouvelle clause 17 fera également partie intégrante de la Constitution. Mais je ne crois pas qu'il faille remonter dans le passé et se demander s'il s'agit bel et bien d'un contrat ou d'autre chose. Je vous accorde que la clause fait partie de la Constitution et que, par conséquent, il faut la modifier en faisant preuve d'une grande prudence.

 

  • (1600)
Le sénateur Kinsella: L'honorable sénateur est-il d'accord pour dire que les droits qui sont accordés aux autorités fédérales et provinciales et, dans le cas qui nous occupe, les droits qui sont accordés à des catégories de personnes, sont protégés par la Constitution et que la seule façon d'y apporter un changement est de suivre le processus de modification de la Constitution, conformément à la primauté du droit? En outre, est-il d'accord pour dire que, par conséquent, toute institution qui doit jouer un rôle ou exercer son devoir, pour reprendre les termes du sénateur Doody, afin de respecter la primauté du droit et d'apporter une modification à la Constitution, ne devrait avoir aucune hésitation à le faire?

L'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador a un rôle à jouer, tout comme la Chambre des communes et cette Chambre a un devoir et une responsabilité à assumer. Pour respecter la primauté du droit, il faut suivre le processus de modification de la Constitution.

Le débat qui se déroule dans cette Chambre revêt une grande importance, car il fait partie du processus de modification de la Constitution. Par conséquent, nous ne devrions avoir aucune hésitation, car nous avons un devoir à accomplir. J'ai remarqué et compris la référence du sénateur à l'éducation, ce qui a coloré son utilisation du terme «hésitation» au début de son discours.

Je rappelle aux honorables sénateurs que c'est le ministre de la Justice, M. Rock, qui, à propos de la primauté du droit, dit qu'il s'agit d'un principe fondamental dans notre mode de vie démocratique. En substance, cela signifie que tout le monde dans notre société, y compris les ministres, les premiers ministres, les riches et les puissants, ainsi que les citoyens ordinaires, sont régis par les mêmes lois du pays. Nous sommes tous liés par la Constitution, par le Code criminel, par les lois du Parlement et par l'assemblée législative.

Cette récente description de la primauté du droit qu'a faite le ministre de la Justice est digne de considération dans le cas qui nous occupe.

Le sénateur Stanbury: Je n'ai aucun mal à approuver tout ce que l'honorable sénateur a dit. Je conviens que le débat est extrêmement important. Sinon, lui et moi n'aurions sûrement pas pris la parole pour y participer. Je conviens qu'il est important. Je suis également d'accord pour dire que nous avons de sérieuses responsabilités à assumer. Notre principale responsabilité est de nous exprimer de notre mieux pour trouver enfin un moyen de résoudre la situation.

Nous passons par un processus qui a été suivi avec grand soin jusqu'à cette Chambre, et personne n'a éprouvé de problème jusqu'ici. Nous allons y réfléchir, comme nous devrions le faire. Nous tiendrons sans doute un long débat, comme cela devrait se faire.

Le sénateur Kinsella: Si les sénateurs n'ont pas d'autres questions, je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

 

LA LOI SUR LA RADIODIFFUSION

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-
Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Whelan, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-216, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (politique canadienne de radiodiffusion).-(L'honorable sénateur Bolduc).

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, ce dernier point est inscrit au nom du sénateur Bolduc, qui accepte que le sénateur Hervieux-Payette intervienne aujourd'hui, mais la question reste toujours inscrite au nom du sénateur Bolduc.

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payettte: Honorables sénateurs, étant donné que je ne siège plus au comité permanent des transports et des communications, puisque je siège à un autre comité, je désire vous faire part de mes préoccupations au sujet du projet de loi C-216, qui risque de causer des torts irréparables à l'industrie de la câblodistribution française au Canada.

Le concept de la société distincte s'applique ici abondamment. Le but du projet de loi C-216 peut être louable en soi et éminemment souhaitable pour les provinces où la langue anglaise est utilisée par la majorité. La réalité est à la fois culturelle et commerciale. Le marché de la télévison française est beaucoup trop petit et la clientèle beaucoup trop dispersée à travers le Canada pour soutenir l'application de ce projet de loi.

Le choix n'est pas entre la pratique commerciale et les services francophones, le choix est vraiment entre l'existence et la non-existence de services francophones spécialisés.

En l'absence de tels services francophones, les auditeurs francophones du Québec et des autres provinces n'auront accès qu'à des services spécialisés de langue anglaise. Permettre à une telle situation de se concrétiser va à l'encontre même de nos responsabilités en tant que législateurs. À ce titre, je me permets de rappeler à mes honorables confrères l'article 3c) de la Loi sur la radiodiffusion et je cite:

... les radiodiffusions de langue française et anglaise, malgré certains points communs, diffèrent quant à leurs conditions d'exploitation et, éventuellement, quant à leurs besoins;

C'est dire, honorables sénateurs, que nous avons déjà reconnu en principe que le système de radiodiffusion en langue française a des caractéristiques et des besoins différents de celui de langue anglaise. Nous l'avons reconnu en principe, il est maintenant temps de le reconnaître dans la réalité quotidiennne.

Honorables sénateurs, je suis heureuse que le comité du Sénat qui recevra ce projet de loi ait l'opportunité d'approfondir les besoins spécifiques de la clientèle francophone canadienne. Les représentants de cette industrie, qui sont surtout du Québec, auront alors l'occasion de faire valoir leur point de vue à ce sujet. Qu'il me soit permis de dire à mes honorables collègues que je souhaite qu'ils fassent une étude éclairée et approfondie du projet de loi C-216, en tenant compte des besoins spécifiques de la clientèle francophone.

Dans une mer nord-américaine anglophone, il importe d'assurer la viabilité de ces institutions d'expression française. Il sera important, je le souligne de nouveau, de se souvenir que l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion permet de répondre différemment aux besoins des clientèles francophones et anglophones. J'espère donc que ce projet de loi C-216 sera amendé à cet effet. J'en profite également pour vous dire combien, comme Québécoise, je suis heureuse de constater que nous avons plusieurs chaînes et plusieurs émissions en français et que nous devons préserver ce privilège et cet avantage que la plupart des pays d'expression française n'ont pas.

(Sur la motion du sénateur Bolduc, le débat est ajourné.)

 

Les relations Canada-Union européenne

Étude du rapport du comité des affaires étrangères-
Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'étude du deuxième rapport du comité sénatorial permanent des affaires égrangères (étude spéciale sur les relations européennes), déposé auprès du greffier du Sénat le 18 juillet 1996.-(L'honorable sénateur Bolduc).

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, je pense que nous avons fait en général un bon travail et nous avons complété notre travail avec l'audition de plusieurs témoins et nous avons aussi rencontré un certain nombre de représentants dans différents pays d'Europe.

Le rapport du comité des affaires étrangères porte sur trois aspects des activités de l'Union européenne: la politique de sécurité - les questions de défense - la justice et les affaires intérieures et les questions économiques de l'union et leur impact sur le Canada.

Le sénateur Stewart a très bien résumé les travaux du comité en ce qui concerne l'OTAN et l'élargissement de l'Union européenne. Je voudrais ajouter à ses remarques une question: est-ce que l'Europe seule peut maintenir la paix chez elle? Ce n'est pas évident, si l'on se fonde sur ce qui est arrivé en ex-Yougoslavie. Nous savons aussi que, par le passé, les Canadiens ont combattu à quelques reprises pour la liberté en Europe de concert avec les Américains.

Je vous rappelle que, dans quelque temps, les forces américaines en Europe ne seront plus 300 000 mais 100 000, ce qui modifie passablement les responsabilités en Europe occidentale. Dans le passé, notre participation, je vous le souligne, n'a pas été un gage de bonne volonté par les Européens dans nos relations récentes au point de vue commercial. Et je m'arrête ici en ce qui concerne les questions de défense et de sécurité parce que cela a été assez bien résumé, je pense.

En ce qui concerne les questions de justice et autres matières reliées à la criminalité internationale, j'ose croire qu'en l'absence d'ententes plus vastes - telle celle prévue au plan d'action que nous avions avec les Européens mais qui, malheureusement, ne s'est pas matérialisé en juin comme vous le savez -, nos relations habituelles de coopération entre les forces policières vont, je l'espère, continuer. Nous revenons à l'objet premier de l'étude, soit l'impact, pour le Canada, de l'Union européenne et de sa constante mutation. Tous les jours, des changements importants se font en Europe. L'Europe occidentale est en mutation profonde et ce phénomène s'accélère depuis 5 ans. Je voudrais dire un mot là-dessus.

Il est tout d'abord évident que l'Europe est accaparée par la construction de son propre bloc économique, même au détriment d'autres partenaires commerciaux comme le Canada, un partenaire traditionnel. La concurrence américaine et asiatique pousse les Européens à se constituer un marché intérieur intégré pour mieux concurrencer les autres blocs. En soi, il n'y a rien de mal là-dedans, mais les relations économiques inévitables d'un marché unique débordent le commerce; elles mettent en cause les prix, les monnaies, les taux d'intérêt, entre autres. C'est pourquoi l'union monétaire est un processus de construction, mais il s'agit d'un test et c'est le véritable test d'une «fédéralisation» - désirée ou non en Europe. Est-ce que l'on se dirige vers une «fédéralisation» de l'Europe ? On nous dit que les prix seront

stables avec la monnaie unique, ou ils ne le seront pas, ce qui demeure possible aussi. L'instabilité économique va se maintenir, sera plus ou moins grande, cela aussi est incertain. Il est clair que ces facteurs influent beaucoup sur la compétitivité économique du Canada.

En fait, sur la question de la solidarité européenne versus les relations commerciales avec le Canada, ou nous avons été trop rigides dans la question des pêcheries ou les Européens ont préféré leur unité à leurs intérêts commerciaux particuliers, par exemple entre la France, l'Angleterre et le Canada, l'Allemagne et le Canada. D'un coup, un groupe de pays européens ne veulent pas dire qu'ils sont en train de se «fédéraliser», soutenant qu'il s'agit d'une union trop dominatrice et qu'ils n'en veulent pas. Ils ont une conception du régime fédéral qui est celle de l'Allemange. Donc, ils disent qu'ils n'en veulent pas mais qu'ils veulent faire partie d'une union monétaire.

Les Anglais ou les Allemands sont très fermés sur eux-mêmes, d'une certaine façon. Quand vient le temps d'établir des relations commerciales avec le Canada, au lieu de penser à leurs intérêts bilatéraux ils préfèrent appuyer, par exemple, l'Espagne si celle-ci n'est pas contente de ses relations avec le Canada.

Je suis d'avis que le gouvernement du Canada n'a pas mesuré correctement l'impact de sa guerre avec l'Espagne relativement à la question des pêches. Cela va retarder, pour un temps indéfini, l'amélioration de nos relations commerciales et économiques avec l'Europe de l'Ouest.

Ou bien on veut accroître l'ensemble de notre commerce international de biens et de services avec l'Europe, ou bien on joue aux corsaires dans des bagarres isolées. À mon avis, c'est ce que nous avons fait. Je ne suis pas sûr du tout que l'on a bien agi. J'espère que le gouvernement canadien a appris sa leçon. Sans faire de partisanerie, je pense qu'il faut regarder cela froidement. N'importe lequel observateur impartial va réaliser que l'on a joué un peu rude avec les Européens, sans tenir compte de l'ensemble des intérêts du Canada. Je comprends que les pêcheries dans l'Est sont importantes, et je ne le nie pas. Mais je pense qu'il faut mesurer cela dans le contexte de l'ensemble des relations économiques du Canada.

On ne pourra pas camoufler indéfiniment aux Canadiens les conséquences négatives d'un geste qui, à mon avis, a été insuffisamment considéré par nos dirigeants. Je vous rappelle que les Américains progressent dans leur plan d'action avec l'Europe et que nous sommes en train d'en être exclus. Je trouve cela malheureux. Je n'en fais pas de reproche au ministère des Affaires étrangères dans ses négociations, il fait son travail. Je ne veux pas que l'on prenne mes paroles comme étant un simple geste de partisanerie. Je pense, toutefois, que l'on n'a pas mesuré complètement l'impact de cette décision quand on a entrepris cette bagarre. Il est malheureux que l'ensemble de nos relations économiques avec l'Europe soient retardées, dans le domaine maritime, des télécommunications, dans les flots d'investissements et dans les relations financières. Il y a beaucoup d'aspects sur lesquels nos relations avec l'Europe vont devenir plus difficiles à cause d'une bagarre. Je trouve regrettable que l'on n'ait pas fait attention à cela et que les Européens aient décidé de faire front commun alors que nous avons des relations bilatérales importantes avec l'Allemagne et l'Angleterre, notamment.

(Sur la motion du sénateur Grafstein, le débat est ajourné.)

Le Sénat s'ajourne à loisir.

 


Sanction Royale

L'honorable Peter deC. Cory, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa capacité de suppléant du Gouverneur général, prend place au pied du trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec sa Présidente suppléante. Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi suivants:

Loi modifiant la Loi sur le Conseil canadien des normes (Projet de loi C-4, Chapitre 24, 1996)

Loi modifiant la Loi électorale du Canada (remboursement des dépenses d'élection) (Projet de loi C-243, Chapitre 26, 1996)

Loi portant dissolution de la Compagnie du chemin de fer de Nipissing à la Baie de James (Projet de loi S-7)

L'honorable Pierrette Ringuette-Maltais, Présidente suppléante de la Chambre des communes, s'adresse ensuite à l'honorable suppléant du Gouverneur général en ces termes:

Qu'il plaise à Votre Honneur.

La Chambre des communes du Canada a voté certains crédits requis pour permettre au gouvernement de pourvoir aux dépenses du service public.

Au nom de la Chambre des communes, je présente à Votre Honneur le projet de loi suivant:

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 1997 (Projet de loi C-56, Chapitre 25, 1996)

À ces projets de loi, je prie humblement Votre Honneur de donner la sanction royale.

Il plaît à l'honorable suppléant du Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi.

La Chambre des communes se retire.

Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de se retirer.


Le Sénat reprend sa séance.

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 23 octobre 1996, à 13 h 30.)


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