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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 81

Le mercredi 12 mars 1997
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 12 mars 1997

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

 

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Semaine nationale
de la sécurité à la ferme

L'honorable Eileen Rossiter: Honorables sénateurs, aujourd'hui, le 12 mars, marque le début de la Semaine nationale de la sécurité à la ferme. Il est important d'attirer l'attention sur la santé et la sécurité dans les exploitations agricoles puisque l'agriculture est considérée comme étant l'une des occupations les plus dangereuses au Canada. Le Conseil canadien de la sécurité estime qu'il y a chaque année environ 100 morts accidentelles et plus de 5 000 blessures entraînant des pertes de temps chez les travailleurs agricoles au Canada. On estime que le taux de décès accidentels dans les exploitations agricoles est de 20 p. 100 supérieur à la moyenne nationale, ce qui revient à dire que le nombre de décès est plus élevé en agriculture que dans toute autre industrie. Le taux de décès dans les exploitations agricoles touche un nombre proportionnellement plus élevé de jeunes et de personnes âgées. Très souvent, les enfants jouent sur les lieux de travail, ils travaillent et leur maison s'y trouve aussi.

Dans les exploitations agricoles, le danger provient de nombreuses sources: l'utilisation de produits chimiques, l'utilisation et la réparation de la machinerie, le bruit, la poussière, les bâtiments de ferme, les pressions économiques et le stress n'en sont que quelques-unes. Ce sont là des dangers avec lesquels les agriculteurs et leurs familles doivent vivre tous les jours. On estime à 130 par année le nombre de décès liés au travail agricole au Canada, à 1 200 le nombre de personnes hospitalisées en raison de blessures subies dans les exploitations agricoles et à 50 000 le nombre de personnes subissant des blessures liées au travail agricole et nécessitant des soins médicaux et une absence du travail d'une journée. On attribue beaucoup des décès à la machinerie agricole en dépit des améliorations qui y sont apportées comme une protection contre le capotage, la réduction du nombre de points de blocage et l'amélioration de la conception des protecteurs.

La question de la santé et de la sécurité du travail agricole n'est pas nouvelle pour le Sénat. Je me souviens notamment de deux rapports du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts: «Le stress des agriculteurs: dimensions économiques, conséquences humaines», produit en juin 1993, sous la présidence du sénateur Barootes; et «La machinerie agricole tue et mutile», produit en juillet 1995, sous la présidence du sénateur Hays. Il convient que le Sénat reconnaisse le travail fait par la Coalition canadienne pour la santé et la sécurité en milieu agricole, la Fédération canadienne de l'agriculture, le Conseil canadien de la sécurité, Agriculture et Agroalimentaire Canada, et tous les autres organismes qui s'occupent de la promotion de la santé et de la sécurité dans les exploitations agricoles.

La promotion de la santé et de la sécurité en milieu agricole ne doit pas se faire uniquement pendant la Semaine nationale de la sécurité à la ferme, mais doit être une préoccupation constante.

 

Additifs à base de manganèse

Réponse à des questions soulevées
durant le débat sur le rapport provisoire

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, hier soir, mon collègue, le sénateur Taylor, a posé une question que je n'ai pas bien entendue, ou peut-être mon estomac gargouillait-il trop à ce moment-là. J'ai décidé de répondre à cette question aujourd'hui au lieu de la laisser sans réponse.

Les honorables sénateurs se souviendront que le sénateur Taylor a posé une question concernant la différence entre les systèmes diagnostiqueurs intégrés originaux et les nouveaux SDI II, qui semblent causer des problèmes aux fabricants d'automobiles. Le sénateur Taylor se souviendra peut-être que M. Hicks, vice-président d'Ethyl Canada, a dit ceci devant notre comité:

Lorsque nous parlons de systèmes diagnostiqueurs intégrés, par opposition aux systèmes antipollution, il ne faut pas oublier que, comme son nom l'indique, un SDI ne fait que diagnostiquer un problème. C'est un programme informatique et non du matériel. Les dépôts résultant de la combustion du MMT entrent en contact avec les capteurs d'oxygène qui sont placés dans le circuit d'échappement où passent les gaz qui se dirigent vers le convertisseur catalytique. Essentiellement, le capteur d'oxygène est là pour faciliter le fonctionnement de l'injecteur de carburant. Il lui dit si le mélange est trop pauvre ou trop riche. Lorsque les fabricants d'automobiles ont dû mettre au point le SDI, ils ont ajouté un autre capteur après le convertisseur catalytique, ont fait des lectures à partir des deux capteurs et ont étalonné les résultats dans un programme informatique qui peut dire si le convertisseur catalytique fonctionne ou non.

C'est un peu trompeur de dire que le MMT «encrasse le SDI». C'est comme si on parlait d'«encrasser» un ordinateur. Le MMT ne viendrait jamais en contact avec le logiciel ou avec l'ordinateur.

Il n'y a donc aucun changement. Nous parlons du même logiciel. Le MMT n'a aucun impact sur le logiciel. Il n'est pas question de mécanique ici. Il n'y a aucun nouveau dispositif sur lequel le MMT pourrait avoir un impact différent de ce qui était le cas lors des essais qui ont mené l'Environmental Protection Agency aux États-Unis à conclure que le MMT ne rend pas ou ne contribue pas à rendre défectueux les dispositifs antipollution. Les preuves scientifiques ont démontré que le MMT n'a aucune incidence sur le fonctionnement des capteurs.

Le sénateur Doody: Je suis certain que tout est parfaitement clair maintenant.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, puis-je poser une question complémentaire?

Des voix: Non.

 

  • (1340)
Son Honneur le Président: Selon le Règlement, il ne peut y avoir débat pendant la période réservée aux déclarations de sénateurs. Néanmoins, le Sénat est maître de ses propres règles.

Le sénateur Doody: Le sénateur peut faire une déclaration s'il le désire.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Je suis désolé, mais la permission n'est pas accordée.

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, si peu nombreux que soient les Libéraux dans cette assemblée, leur nombre est quand même supérieur d'environ 400 p. 100 au nombre de Conservateurs au Parlement fédéral.

Une voix: Ce sont des bonnes nouvelles!

Le sénateur Taylor: Autrement dit, ils constituent presque une bande au complet comparativement à leur garde de poche.

Quoi qu'il en soit, même si la société Ethyl affirme qu'on ne peut pas plus bousiller un diagnostiqueur de bord qu'on peut bousiller un ordinateur, le sénateur montre bien à quel point il est en retard sur la réalité. Il est tout a fait possible de bousiller complètement un ordinateur. Quiconque a laissé ses petits-enfants jouer avec son ordinateur pourra vous le confirmer.

Une voix: Ou son époux.

Le sénateur Taylor: Ou son époux.

En fait, la loi exige maintenant l'installation des diagnostiqueurs de bord II dans les nouvelles voitures vendues dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique et en Californie. Si mon collègue ne sait pas faire la différence entre le diagnostiqueur de bord II et le diagnostiqueur de bord I, et qu'il est prêt à croire la société Ethyl, qui vend des dérivés de manganèse, lorsqu'elle affirme qu'il n'y a pas de différence...

Son Honneur le Président: À l'ordre! Je dois vous interrompre, sénateur Taylor, mais je le répète, la période réservée aux déclarations de sénateurs n'est pas une période de débat ou de questions. Vous pouvez faire une déclaration, mais non tenir un débat ou répondre à une déclaration précédente.

Le sénateur Taylor: Je tentais d'expliquer que certaines déclarations antérieures n'étaient pas fondées. Je ne tenais pas de débat, je faisais simplement valoir que certains renseignements étaient très sélectifs.

Des voix: Ordre!

Son Honneur le Président: Sénateur Taylor, des sénateurs m'ont demandé d'intervenir et je dois par conséquent vous demander de reporter vos propos.

Une voix: Ils ont peur de la vérité!

 


Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence de visiteurs de marque à notre tribune. Nous avons l'honneur d'accueillir l'honorable Luvsanbaldangiin Nyamsambuu, ministre de l'Agriculture et de l'Industrialisation de Mongolie.

Le ministre est accompagné d'autres délégués, dont deux représentants du Grand Hural, le Parlement de Mongolie. Cet État a accédé récemment à la démocratie. Je ne sais pas s'ils en apprendront beaucoup en observant aujourd'hui les sénateurs, mais nous leur souhaitons la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix: Bravo!

 


AFFAIRES COURANTES

Le Budget des dépenses pour 1996-1997

Présentation du rapport du comité des finances nationales sur le Budget des dépenses
supplémentaires (B) et impression en annexe

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le neuvième rapport du comité sénatorial permanent des finances nationales concernant l'examen du Budget des dépenses supplémentaires (B) déposé au Parlement pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1997.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui et qu'il fasse ainsi partie du compte rendu permanent du Sénat.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Voir texte du rapport en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, à la p. 1098)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

 

Transports et communications

Avis de motion autorisant le comité
à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, le 13 mars 1997, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à siéger à 15 h 30 lemardi 8 avril 1997 pour son étude du Projet de loi C-216, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Traduction]

 

Affaires sociales, sciences et technologie

avis de motion portant Autorisation au comité de surveiller la mise en oeuvre de la Loi sur le divorce

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, le projet de loi C-41 a été renvoyé à la Chambre des communes, accompagné d'une lettre de l'honorable Joyce Fairbairn disant qu'elle proposerait une motion au Sénat pour demander qu'un comité chargé de la politique sociale surveille la mise en oeuvre du projet de loi. Par conséquent, je donne avis que, le jeudi 13 mars 1997, je properai:

Que le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à surveiller la mise en oeuvre et l'application du projet de loi C-41, la Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada, et des lignes directrices qui s'y rapportent, soit les lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, et;

Que le comité présente son rapport au plus tardle 30 juin 1998.

 

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de permettre le reportage de
ses délibérations publiques sur le projet de loi sur
le tabac par les médias d'information électroniques

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et par dérogation à l'alinéa 58(1)i), je propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

L'honorable Michel Cogger: Honorables sénateurs, madame le sénateur Carstairs accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Carstairs: Oui.

Le sénateur Cogger: La motion de l'honorable sénateur a-t-elle un caractère permanent? Ainsi, les délibérations du comité des affaires juridiques et constitutionnelles seront-elles toutes télévisées dorénavant ou la motion s'applique-t-elle uniquement à ce débat?

Le sénateur Carstairs: Merci, sénateur Cogger. Le Sénat a convenu avec la CPAC d'accorder huit heures de reportage. La CPAC s'étant dite intéressée à couvrir les délibérations du comité sur le projet de loi C-71, j'ai demandé la permission au Sénat de les téléviser.

Le sénateur Cogger: Honorables sénateurs, madame le sénateur mettra-t-elle l'entente conclue avec la CPAC à la disposition du Sénat pour que les présidents d'autres comités puissent l'examiner s'ils veulent que leurs délibérations soient télévisées?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, l'entente a été conclue pour huit heures de reportage. Il appartient à la CPAC de décider quelles délibérations de quel comité elle veut couvrir. Très franchement, elle choisira les comités dont les délibérations portent sur des questions qui présentent un intérêt spécial pour le public.

 

  • (1350)
Le Sénat ne peut pas dicter à la CPAC le choix de ses reportages. Ce qui a été convenu, c'est qu'elle aura droit à huit heures de reportage par semaine.

L'honorable C. William Doody: Honorables sénateurs, la tradition du Sénat veut que les comités décident, à l'occasion et avec la permission du Sénat, que leurs délibérations soient télévisées.

Si je comprends bien - je peux me tromper, je l'espère même - nous transférons à la CPAC le pouvoir de décider quand les délibérations d'un comité sénatorial seront télédiffusées et combien d'heures de délibérations seront couvertes.

Il s'agit là d'un écart assez radical de notre tradition, même si cette nouvelle façon de procéder a ses avantages et est peut-être la façon de faire. Néanmoins, vu sous cet angle, on s'écarte de toute évidence de la tradition des délibérations de comités qui sont télévisées. Il aurait dû y avoir débat et approbation de la Chambre.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je crois comprendre que c'est le comité de la régie interne - et peut-être que le sénateur Kelly est la personne pour répondre à cela - qui a conclu un accord avec la CPAC.

On a communiqué avec moi et on m'a demandé si notre comité souhaitait que les audiences sur le projet deloi C-71 soient télévisées. J'ai répondu que je n'avais pas d'objection à ce qu'ils retransmettent nos audiences, sous réserve de l'entente apparemment conclue par le comité de la régie interne.

Le sénateur Doody: Je n'ai pas d'objection à ce que la CPAC télévise les délibérations. Je ne suis pas inquiet du chèque en blanc qui les autorise à téléviser n'importe quoi, selon leur bon vouloir. Avant que la Chambre n'accorde la permission ou le pouvoir de faire ce que demande le sénateur Carstairs, il faudrait réfléchir aux conséquences que comporte l'autorisation accordée à la CPAC de faire ce qu'elle veut quand elle le veut.

Le Sénat préserve jalousement ses prérogatives en ce qui concerne la diffusion des délibérations. Nous devrions y penser et en parler avant d'accorder ce genre de pouvoir à toute société, pas seulement la CPAC.

L'honorable M. Lorne Bonnell: Honorables sénateurs, je ne sais pas exactement ce que le comité a à l'esprit, mais je suggérerais que l'on modifie la résolution pour qu'elle précise qu'il s'agit du projet de loi C-71. Selon toute éventualité, la CPAC pourrait vouloir assurer la diffusion et nous voudrions que ce soit possible. Nous devrions peut-être faire en sorte que la motion renvoie au projet de loi C-71.

Son Honneur le Président: Le sénateur Carstairs, appuyée par le sénateur Losier-Cool, avec la permission du Sénat et par dérogation à l'alinéa 58(1)i) du Règlement, a proposé:

Que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux.

Quelqu'un désire-t-il prendre la parole?

 

Motion d'amendement

Le sénateur Bonnell: Honorables sénateurs, je propose:

Que la motion soit amendée en y ajoutant, après le mot «travaux» ce qu suit:

«pour la durée des délibérations sur le projet de loi C-71».

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): J'appuie la motion d'amendement.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent. Je déclare la motion d'amendement adoptée.

Honorables sénateurs, nous passons maintenant à la motion principale, telle que modifiée, du sénateur Carstairs. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion telle que modifiée?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion, telle que modifiée, veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion, telle que modifiée, veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent. Je déclare la motion, telle que modifée, adoptée.

(La motion modifiée, mise aux voix, est adoptée.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le développement des ressources humaines

Le taux de chômage-Comparaison avec d'autres
pays industrialisés-Demande concernant
le délai de la réponse

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à l'honorable leader du gouvernement au Sénat. Je veux renchérir sur la question que j'ai posée hier au sujet du taux élevé de chômage, qui se maintient entre 9,7 et 10 p. 100, et du taux alarmant de chômage chez les jeunes, qui oscille autour de 17 p. 100. La ministre a déclaré qu'elle m'expliquerait l'écart entre le taux de chômage si élevé au Canada et les taux si bas en Grande-Bretagne et aux États-Unis, où ils équivalent à la moitié du nôtre environ. Je me demandais si le leader du gouvernement pourrait me dire plus précisément à quel moment je recevrai cette réponse.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux être précise pour le moment. J'ai été prise au caucus tout l'avant-midi et je ne peux répondre à mon collègue pour le moment. Cependant, j'ai cherché à obtenir des informations avant d'arriver au Sénat aujourd'hui et je peux dire que je répondrai au sénateur dans les plus brefs délais possibles.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, j'apprécie les efforts du sénateur. Il importe que tous les Canadiens comprennent, et pas seulement nous, pourquoi le taux de chômage est si élevé. Ma collègue ne s'offensera pas, j'espère, si j'insiste et si je pose à nouveau ma question toutes les semaines.

Le sénateur Fairbairn: Certainement pas. Au début, lorsque je suis arrivée au Sénat il y a de nombreuses années, je me faisais un devoir de poser une question sur la betterave à sucre à chaque séance du Sénat, alors je vous en prie.

Le sénateur Doody: Je m'en souviens très bien.

 

Le taux de chômage-Le pourcentage
d'emplois créés en Nouvelle-Écosse

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, en réponse aux questions que le sénateur Stratton a posées hier, la ministre a avancé le chiffre de 700 000 nouveaux emplois. Combien de ces emplois ont été créés au Cap-Breton?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux répondre à la question du sénateur Forrestall. Je ne sais pas si Statistique Canada pourrait fournir des chiffres à cet égard, mais je vais m'informer.

Le sénateur Forrestall: Madame le leader du gouvernement pourrait peut-être étendre sa recherche à toute la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Fairbairn: Je m'informerai aussi à ce sujet.

 

Le bureau du Conseil privé

Le transfert de personnel des cabinets des ministres-
La position du gouvernement

L'honorable Fernand Roberge: Honorables sénateurs, le budget des dépenses pour l'exercice 1998 qui a été déposé fait état d'une diminution des employés des cabinets de ministres qui relèvent du BCP. C'est notamment le cas des effectifs du leader du gouvernement au Sénat. Selon le Budget des dépenses, le nombre de ces employés est passé de 57 qu'il était en 1996-1997 à 49 pour l'exercice 1997-1998.

Les responsables du Conseil privé nous ont informés que le personnel touché par les réductions d'effectifs était simplement devenu des fonctionnaires et qu'il relève toujours du Conseil privé.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle me dire si ces huit employés ont reçu leurs avis de renvoi ou bien si c'est vrai qu'ils sont devenus des fonctionnaires relevant du Bureau du Conseil privé?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en réponse au sénateur Roberge, je vais examiner la situation et en parler aux responsables du Bureau du Conseil privé. Je ne peux pas lui fournir une réponse aujourd'hui.

Le sénateur Roberge: Dans la partie III, soit le plan de dépenses, du budget de dépenses du Bureau du Conseil privé pour l'exercice 1997, il est clairement indiqué que les effectifs du cabinet du premier ministre étaient passés de 79 qu'il était en 1994-1995 à 85 en 1997-1998. La ministre pourrait-elle également expliquer cette augmentation?

Le sénateur Fairbairn: Je vais aussi prendre note de cette question, sénateur.

L'honorable C. William Doody: Honorables sénateurs, je me demande si l'honorable leader pourrait, par la même occasion, essayer d'établir une corrélation entre le temps que les réponses différées mettent à parvenir à la Chambre et le nombre de personnes travaillant dans les deux cabinets qui viennent d'être mentionnés?

(1400)

 

La justice

Le comité mixte spécial sur la garde et l'accès-
Le calendrier de mise en oeuvre

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, au cours des longs débats que le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a tenus au sujet du projet de loi C-41, nos témoins ont discuté à maintes reprises de l'accès et de la garde. Bien que l'accès ne figure pas au nombre des définitions énoncées dans le projet de loi, il a semblé que nous ne pouvions pas faire abstraction du fait que le divorce et la garde des enfants constituent actuellement des questions importantes dans notre pays. Au terme de nos délibérations, l'honorable Allan Rock a convenu de nommer un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat qui serait chargé d'examiner l'accès et la garde.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle se renseigner pour savoir à quel moment l'honorable ministre de la Justice compte constituer ce comité? Il a bien dit dans sa lettre que ce serait au cours de la présente session.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je me ferais un plaisir de me renseigner auprès de mon collègue.

 

Réponse différée à une question orale

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Tkachuk a poséele 6 février 1997 au sujet de la vente des avions Airbus à Air Canada.

 

La justice

La vente des avions Airbus à Air Canada-
Les allégations concernant un complot visant
à extorquer le gouvernement fédéral-
La connaissance qu'en avaient certains ministres-
La source d'information fournie par une réponse différée-La position du gouvernement

(Réponse à la question soulevée par l'honorable David Tkachuk le 6 février 1997)

Les renseignements pour répondre à cette question et aux questions précédentes ont été fournis par le ministère du Solliciteur général. Le Sénat n'a pas été induit en erreur.

Le solliciteur général a appris que M. Mulroney était mentionné dans la demande lorsqu'il a reçu copie d'une lettre que l'avocat de M. Mulroney, M. Tassé, avait envoyée au ministre de la Justice.

Le solliciteur général a été informé à la fin de l'été 1995, en termes très généraux, que la GRC demandait aux autorités suisses de lui prêter concours dans l'enquête Airbus. Il n'a pas été avisé qui serait mentionné dans la demande d'aide ni quel serait le contenu de celle-ci. Quand il est estimé que le public est, ou pourrait être au courant d'un sujet, le solliciteur général est informé pour être en mesure de répondre au Parlement au nom de la GRC, au cas où des questions seraient soulevées.

 


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le tabac

Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable P. Derek Lewis propose: Que le projet deloi C-71, Loi réglementant la fabrication, la vente, l'étiquetage et la promotion des produits du tabac, modifiant une autre loi en conséquence et abrogeant certaines lois, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, j'ai le plaisir d'engager le débat en deuxième lecture sur le projet de loi C-71, Loi sur le tabac. Ce projet de loi vise un objectif clair et convaincant: la santé des Canadiens, surtout des jeunes. Qu'il ne soit pas permis d'en douter.

Honorables sénateurs, comme le ministre de la Santé l'a dit clairement au cours du débat qui s'est déroulé à l'autre endroit, ce projet de loi constitue un élément central et crucial de la stratégie exhaustive du gouvernement en matière de contrôle du tabac. Il s'ajoute aux programmes de sensibilisation qui visent à faire en sorte que les Canadiens prennent davantage conscience des graves conséquences que le tabagisme a sur la santé, ainsi qu'aux initiatives d'augmentation de la taxe sur le tabac et de lutte contre la contrebande qui ont été annoncées en novembre dernier.

La stratégie de lutte contre le tabagisme du gouvernement reconnaît la nature complexe et le caractère très répandu de l'usage du tabac dans notre société. Elle tient compte de divers facteurs qui influencent la décision de fumer: l'environnement social, les messages et les événements qui influent sur les attitudes, les croyances et les comportements à l'égard de l'usage du tabac. Le projet de loi C-71 porte sur tous ces facteurs, mais plus particulièrement sur la façon dont ils influent sur la décision des jeunes de commencer à fumer et de continuer à le faire. Le projet de loi C-71 le fait d'un certain nombre de façons. Tout d'abord, il renforce les restrictions actuelles sur l'accès des jeunes aux produits du tabac. Ensuite, il limite de façon raisonnable la commercialisation et la promotion de ces produits et fait ressortir davantage les messages relatifs à la santé sur les emballages. Enfin, il établit les pouvoirs que le gouvernement doit avoir pour réglementer l'aspect physique des produits du tabac.

Honorables sénateurs, ce sont des contraintes raisonnables sur un produit légal mais mortel qui, on le sait, contribue au cancer, aux maladies cardiaques et pulmonaires et à une multitude d'autres problèmes de santé. Rares sont les Canadiens qui n'ont pas vu un membre de leur famille ou un ami mourir ou éprouver des problèmes de santé à cause de l'usage du tabac. Il suffit de constater le lent gaspillage de vies attribuable à l'usage du tabac pour savoir qu'on doit contrôler ce produit et sa promotion commerciale et qu'il faut prendre des mesures globales pour encourager les Canadiens à ne pas commencer à fumer ou à cesser de fumer.

Les faits sur le tabac et ses effets sur la santé sont bien connus, mais ils méritent d'être répétés. L'usage du tabac est la principale cause évitable de décès et de maladie au Canada de nos jours. Le tabac a tué plus de 40 000 Canadiens cette année. C'est trois fois le nombre de décès causés par le sida, les accidents de la circulation, le suicide et la toxicomanie réunis. Sept millions de Canadiens, soit plus d'un Canadien sur trois âgé de plus de 15 ans, fument quotidiennement. La plupart veulent cesser de fumer et ont essayé de le faire, mais le caractère accoutumant du tabac rend cela très difficile.

Ce qui est particulièrement inquiétant, honorables sénateurs, c'est l'usage du tabac chez les jeunes. Plus de 250 000 jeunes Canadiens commencent à fumer chaque année. Quatre-vingt pour cent de ces nouveaux fumeurs sont âgés de moins de 16 ans. À l'heure actuelle, 29 p. 100 des jeunes âgés de 15 à 19 ans fument. Quatorze p. 100 des enfants âgés de 10 à 14 ans font de même. La majorité de ces jeunes qui continuent de fumer jusqu'à l'âge adulte vont mourir d'une maladie attribuable au tabac. Il est clair qu'il faut agir.

Certains prétendent que l'usage du tabac est une question de choix personnel. Honorables sénateurs, ce n'est tout simplement pas le cas. Tous les Canadiens paient pour les ravages causés par l'usage du tabac. Chaque année, l'usage du tabac coûte au réseau de soins de santé du Canada plus de 3,5 milliards de dollars. C'est beaucoup demander à notre réseau de santé à une époque où tous les ordres de gouvernement essaient de mettre de l'ordre dans leurs budgets.

Le coût du tabagisme ne s'arrête pas aux hospitalisations et aux visites chez le médecin. L'économie du Canada en général doit également en subir les conséquences, soit une perte de productivité et de revenus. Sur le plan statistique, les fumeurs ont plus de chances de s'absenter que les non-fumeurs. Chaque année, l'absentéisme des fumeurs coûte aux employeurs canadiens 2 milliards de dollars environ. Cela représente 28 millions de jours que les fumeurs ne travaillent pas. En tout, le coût économique par la société canadienne dans son ensemble attribuable strictement à l'usage du tabac est d'environ 15 milliards de dollars.

Même si ce chiffre est ahurissant, il n'en est rien par rapport aux coûts humains du tabagisme. Les souffrances humaines et les tragédies causées par les maladies reliées au tabac n'ont tout simplement aucun prix. C'est pourquoi le gouvernement a rédigé ce projet de loi et c'est la raison pour laquelle il est si important qu'il soit promulgué rapidement.

Les honorables sénateurs se rappellent peut-être qu'en 1988, le gouvernement de l'époque a présenté et adopté la Loi réglementant les produits du tabac. Cette loi interdisait la publicité, restreignait la promotion des produits du tabac et exigeait que des messages sur la santé et des renseignements sur les éléments constituants toxiques figurent bien en évidence sur les paquets de produits du tabac. En 1995, la Cour suprême du Canada a rendu une décision qui abrogeait des dispositions essentielles de la Loi réglementant les produits du tabac. Lorsqu'elle a rendu sa décision, cependant, la cour a formulé des observations très utiles sur ce qui serait acceptable comme loi.

À la suite de la décision de septembre 1995 de la Cour suprême, qui avait alors abrogé des parties essentielles de la Loi réglementant les produits du tabac, l'industrie du tabac a déclaré qu'elle pouvait s'autoréglementer, mais le code volontaire de l'industrie a échoué dès le départ, et ce sont surtout les jeunes Canadiens qui ont fait les frais de cet échec. C'est le même groupe qui est le plus vulnérable à la publicité sociétale, à la promotion de commandite et à l'association de marques à certaines manifestations. Ces activités de promotion ont renforcé la fausse impression selon laquelle le tabac est un produit normal ou sans danger.

Le gouvernement a bien pris soin de s'assurer que les mesures prévues dans le projet de loi C-71 sont conformes aux directives de la Cour suprême du Canada. Ce faisant, le gouvernement a reconnu que pour promouvoir la santé des Canadiens, les mesures de contrôle du tabac contenues dans le projet de loi C-71 vont pouvoir résister à des contestations judiciaires, comme l'industrie du tabac a déjà menacé de le faire. La Cour suprême a reconnu que les effets néfastes de l'usage du tabac sur la santé étaient énormes, même dramatiques. Elle a reconnu que le tabac tue et elle a confirmé le droit du gouvernement fédéral de légiférer pour contrôler la publicité des produits du tabac. Comme le juge LaForest l'a écrit:

[...] le Parlement peut en toute légalité avoir recours au Code criminel pour interdire aux fabricants de produits du tabac d'inciter les Canadiens à consommer ces produits, tout comme pour sensibiliser davantage la population aux dangers que présente leur usage.

 

  • (1410)
La Cour suprême a aussi statué que l'objet de l'ancienne Loi réglementant les produits du tabac, qui est de réduire les incitations à consommer du tabac à cause des effets du tabagisme sur la santé, est un objectif législatif valable et suffisamment important pour justifier la limitation de la liberté d'expression.

Dans le jugement majoritaire, le juge McLachlin a écrit:

[...] Même une modeste réduction du tabagisme peut contribuer grandement à la santé des Canadiens et justifier une limitation raisonnable du droit à la libre expression.

Le gouvernement croit fermement que le projet de loi C-71 devrait permettre de réaliser cet objectif de façon raisonnable et équilibrée.

Contrairement à ce que l'industrie du tabac laisse peut-être entendre, la Cour suprême du Canada a reconnu qu'il existe un lien entre certaines formes de publicité sur les produits du tabac et la consommation de tabac. Le tribunal a défini, à l'intention du Parlement, les options qui constitueraient «une entrave raisonnable au droit à la libre expression». Le projet de loi renferme ces options éprouvées par les tribunaux, par exemple: une interdiction partielle de la publicité qui autoriserait la diffusion de renseignements sur les produits et la publicité sur les marques préférées, une interdiction de la publicité sociétale, des mesures interdisant la publicité destinée aux enfants et aux adolescents, et l'inscription de messages relatifs à la santé, attribuables à une autorité, sur les emballages de produits du tabac.

Non seulement le projet de loi traduit l'orientation donnée par la Cour suprême, mais il tient aussi compte des vastes consultations qui ont eu lieu auprès de groupes qui militent pour et contre la vente et la consommation de produits du tabac.

Dès l'annonce de la stratégie globale de lutte contre le tabac en décembre 1995, tous les intéressés ont eu amplement l'occasion de communiquer leurs opinions au ministre de la Santé. Ces consultations et l'orientation de la Cour suprême ont abouti à un projet de loi équilibré qui tient compte de la nécessité de restreindre la vente et la promotion des produits du tabac, mais qui respecte également le droit de l'industrie du tabac de communiquer avec ses clients.

Depuis le dépôt du projet de loi C-71, en décembre, le ministre de la Santé a écouté les opinions des Canadiens, des parlementaires de tous les partis ainsi que des représentants de l'industrie et des milieux de la culture, des sports et de la santé. Au terme de ce processus, il a modifié la loi en tenant compte de toutes observations. De plus, le ministre a promis que le gouvernement consulterait toutes les parties visées pendant le processus de réglementation.

Le gouvernement a examiné les liens entre le tabagisme et la publicité. Le projet de loi C-71 établit un équilibre responsable et raisonnable entre le respect de la liberté d'expression des fabricants de produits du tabac et le progrès réalisé dans la poursuite des objectifs gouvernementaux en matière de santé, surtout celle des jeunes.

Le gouvernement a écouté les Canadiens, dont 91 p. 100 appuient l'objectif visant à décourager les jeunes de prendre l'habitude de fumer. Il y a 80 p. 100 des Canadiens, y compris la majorité des Québécois, qui appuient les mesures antitabac prévues dans ce projet de loi. Bref, les Canadiens considèrent ce dernier comme une priorité et veulent que nous agissions dans l'intérêt de la santé.

Le projet de loi C-71 répond à ces préoccupations qu'expriment les Canadiens en prévoyant un train de mesures. Permettez-moi maintenant d'en définir les principaux éléments et d'expliquer comment le gouvernement s'attend qu'ils fonctionnent.

Le premier élément du projet de loi restreindra l'accès qu'ont les jeunes aux produits du tabac. Il est déjà illégal de vendre ces produits aux mineurs, mais les adolescents sont quand même capables d'acheter des cigarettes et autres produits du tabac. Il est clair que le gouvernement doit prendre des mesures pour renforcer les interdictions existantes.

Le projet de loi restreindra donc la vente des produits du tabac au moyen de machines distributrices et en interdira la vente par la poste. Les étalages pour vente en libre-service disparaîtront de tous les commerces de détail, sauf des boutiques hors taxes. Pour décourager davantage la vente de produits du tabac aux mineurs, les détaillants seront maintenant tenus d'exiger une pièce d'identité avec photo de tous les clients qui semblent avoir moins de 18 ans.

Prises ensemble, ces mesures feront en sorte que quiconque désire acheter un produit du tabac devra le faire en personne et avoir plus de 18 ans. Ce premier élément renforce les dispositions existantes de la Loi sur la vente du tabac aux jeunes. Outre les mesures législatives fédérales, les provinces peuvent établir leurs propres restrictions sur la vente de tabac aux mineurs.

Le projet de loi interdira la publicité des produits du tabac à la télévision, sur les panneaux publicitaires, sur les autobus et dans la rue. Il permettra aux fabricants de produits du tabac de donner de l'information sur le produit et de faire de la publicité préférentielle dans les publications lues principalement par les adultes, dans les envois postaux directs aux adultes et dans les endroits où la loi interdit l'accès aux jeunes, comme les endroits qui ont un permis de vente de boissons alcoolisées.

Le projet de loi interdira les promotions de marques de cigarettes au niveau du commerce de détail. Par exemple, les présentoirs si répandus dans beaucoup de boutiques du Canada disparaîtront, de même que les présentoirs de sol faisant la promotion d'une marque donnée de cigarettes.

De plus, pour faire disparaître l'association créée entre le tabac et certains styles de vie et certaines activités, le projet de loi interdira l'utilisation de messages faux ou trompeurs sur l'emballage des produits du tabac et mettra fin à l'affichage de noms de marques ou de logos de compagnies de tabac sur des produits destinés aux jeunes ou ayant des connotations de style de vie. Pourquoi devrait-on laisser transformer nos enfants en panneaux publicitaires ambulants pour les compagnies de tabac?

Un autre élément de cette série de mesures régira l'utilisation des noms, logos et autres éléments de marque de produits du tabac dans les promotions de commandite de certains événements. En vertu du projet de loi, les noms et éléments de marque de produits du tabac figureront uniquement tout au bas du matériel de promotion dont ils occuperont au maximum10 p. 100 de la surface.

Les promotions de commandites seront autorisées dans les publications destinées à un lectorat adulte, dans les envois postaux directs et sur les lieux des manifestations commanditées. La diffusion des manifestations sera également permise, sans restrictions sur la ligne de visibilité.

Soyons parfaitement clairs: le projet de loi n'interdit pas aux fabricants de tabac de commanditer des manifestations sportives ou culturelles, mais il limite la capacité de persuasion de la promotion du tabac et l'effet que cette promotion peut avoir sur les jeunes. Le projet de loi C-71 fera en sorte que le but principal de ces activités soit de promouvoir la manifestation commanditée, pas le tabac.

La promotion du tabac tapisse tout notre environnement. Les Canadiens ne peuvent échapper au tir en règle de la publicité du tabac. Les jeunes sont particulièrement vulnérables à ces modes de promotion très étudiés. En associant sans cesse les produits du tabac à des manifestations populaires et socialement acceptables, l'industrie donne l'impression que le tabac est un produit désirable, socialement acceptable et dont l'usage est plus répandu dans la société qu'il ne l'est en réalité.

Les jeunes eux-mêmes nous disent être conscients que l'appareil promotionnel des manifestations commanditées par les fabricants de tabac a plus d'un objectif.

Quand on leur demande leur avis sur les objectifs de ces commandites, les jeunes Canadiens disent que, en utilisant des marques de tabac dans les manifestations commanditées, on fait en même temps la publicité du tabac et du tabagisme, en plus de celle des manifestations.

Le gouvernement avoue que le projet de loi risque de nuire à des groupes ou à des organisations commanditées par les fabricants de tabac; il leur faudra du temps pour trouver d'autres formules de commandite. C'est pourquoi il a amendé le projet de loi à l'autre endroit, de façon à ménager une période de transition avant l'entrée en vigueur des dispositions sur la commandite de manifestations. Je le signale aux sénateurs, l'article 66 du projet de loi stipule que ces dispositions entreront en vigueurle 1er octobre 1998.

Le troisième élément du projet de loi à l'étude oblige les fabricants à donner sur les emballages de produits du tabac davantage d'information en matière de santé. Pour l'instant, ils ne sont pas obligés d'informer le consommateur des risques pour la santé. Le projet de loi exigera de nouveau des fabricants qu'ils

indiquent bien visiblement cette information sur les paquets de cigarettes et attribuent ces messages à leur auteur comme il est exigé dans la décision que la Cour suprême a rendue en 1995. Les fumeurs auront donc plus de renseignements sur le tabagisme et les composantes toxiques des produits du tabac et de la fumée.

Selon l'étude de Santé Canada, les paquets de cigarettes constituent la deuxième source en importance, après la télévision, d'information sur les effets du tabagisme sur la santé. Lorsque ce projet de loi entrera en vigueur, les fumeurs canadiens recevront des renseignements leur décrivant exactement les risques associés au tabagisme. Le gouvernement espère que les Canadiens qui découvriront les substances chimiques que renferme la fumée, comme le plomb, l'arsenic et le benzène, seront davantage motivés à cesser de fumeur.

 

  • (1420)
Finalement, le projet de loi vise à confier aux autorités compétentes le pouvoir nécessaire pour réglementer les produits du tabac et les émissions de fumée. Le gouvernement n'a pas l'intention de proposer immédiatement un règlement concernant les produits du tabac et les émissions de fumée. Toutefois, comme nous acquerrons toujours davantage de connaissances scientifiques sur les produits du tabac et leur consommation, ces nouveaux pouvoirs donneront au gouvernement la souplesse dont il aura un jour besoin pour aborder la question du tabagisme et de ses effets directs et indirects.

De plus, le gouvernement doit avoir le pouvoir d'agir à mesure que le marché des produits du tabac évolue. Grâce à son pouvoir de réglementation, le gouvernement pourra intervenir si de nouveaux produits du tabac font leur apparition. L'obtention de ce pouvoir de réglementation s'inscrit dans l'objectif global qui consiste à lutter contre le tabagisme. Cela est conforme au rôle que le gouvernement fédéral joue depuis toujours dans la réglementation des produits. Le gouvernement fédéral réglemente déjà une variété de produits, allant des aliments aux drogues, lorsque la santé et la sécurité du public sont menacées. Il est logique que le gouvernement décide enfin d'étendre son pouvoir jusqu'à la réglementation des produits du tabac qui sont dangereux et même mortels et qui ont fait l'objet d'une exception pendant trop longtemps.

Permettez-moi de vous décrire brièvement le processus de réglementation qui sera appliqué après l'adoption de ce projet de loi. Exception faite des précisions que j'apporterai un peu plus tard, le processus de réglementation correspondra exactement au processus normal. Tout règlement relatif à la Loi réglementant les produits du tabac sera publié dans la Gazette du Canada et tous les intéressés auront amplement l'occasion de faire connaître au gouvernement leur point de vue sur certains aspects précis du règlement. Cela fait aussi partie intégrante du processus démocratique normal appliqué pour ce genre de loi.

Depuis la publication de sa stratégie globale de lutte contre le tabac, le gouvernement a mené de vastes consultations sur sa politique proposée de lutte contre le tabagisme. Ces consultations ont abouti aux mesures exposées dans ce projet de loi. Au cours des débats à l'autre endroit, le gouvernement a écouté attentivement toutes les parties et a modifié le projet de loi en fonction de leurs observations. Le processus de réglementation sera aussi ouvert et transparent.

À cet égard, je tiens à attirer l'attention des sénateurs sur un amendement que le gouvernement a apporté au projet de loi en ajoutant l'article 42.1. Cette disposition prévoit qu'aucun projet de règlement ne peut être fait à moins que le ministre ne l'ait fait déposer devant la Chambre des communes, où il sera automatiquement renvoyé à un comité pertinent de la Chambre qui l'examinera et fera rapport à la Chambre. Le projet de règlement ne peut être alors fait que si la Chambre des communes n'a donné son agrément à aucun rapport du comité au sujet du projet de règlement dans les 30 jours de séance de la Chambre suivant le dépôt du projet de règlement ou si la Chambre des communes a donné son agrément à un rapport du comité approuvant le projet de règlement. Cette disposition semble grandement ajouter à la possibilité que tout projet de règlement soit examiné.

Avec le projet de loi C-71, le gouvernement a fait savoir clairement qu'il est déterminé à accorder la priorité à la santé des Canadiens dans sa politique de lutte contre le tabagisme. Les enfants, notamment, doivent être protégés le plus possible de l'habitude létale de la cigarette. Pour ce faire, le gouvernement a présenté un projet de loi équilibré, raisonnable et, surtout, complet qui lui donne le pouvoir de faire en sorte maintenant et à l'avenir de décourager l'usage du tabac. En matière de tabagisme, on ne peut rester les bras croisés. Le tabac est le seul produit légal qui, utilisé conformément au mode d'emploi, entraîne la maladie puis la mort de son utilisateur.

Depuis que la Cour suprême a décidé d'annuler la Loi réglementant les produits du tabac, 375 000 autres Canadiens ont acquis cette habitude mortelle qu'est le tabagisme, dont300 000 enfants environ. On ne peut permettre que cette tendance se maintienne.

Les Canadiens ont en général saisi depuis des années déjà le lien qui existe entre la santé et le tabagisme. La population canadienne compte sur le gouvernement pour réduire les conséquences tragiques du tabagisme. Ne laissons pas tomber ces Canadiens qui s'attendent à ce que nous protégions leur santé et celle de leurs enfants.

Honorables sénateurs, je vous demande d'appuyer ce projet de loi.

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)

 

La Loi sur la taxe d'accise
La Loi sur les arrangements fiscaux entre
le gouvernement fédéral et les provinces
La Loi de l'impôt sur le revenu
La Loi sur le compte de service et de
réduction de la dette

Projet de loi modificatif-
Adoption du rapport du comité

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyée par l'honorable sénateur Maheu, tendant à l'adoption du treizième rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce (Projet de loi C-70, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur le compte de service et de réduction de la dette et des lois connexes, avec un amendement et une résolution), présenté au Sénat le 11 mars 1997.

L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, j'avais préparé un discours d'environ une heure et demie, mais j'ai décidé de le diviser. Je vais en présenter une petite partie maintenant, et le plus gros, plus tard.

Je veux tout d'abord féliciter notre comité d'avoir fait ce que la Chambre des communes a refusé de faire. Je ne comprends vraiment pas pourquoi les députés ont refusé d'aller au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve. Avaient-ils peur de s'y rendre?

Des voix: Oui.

Le sénateur Buchanan: Avaient-ils peur de ce que les gens allaient leur dire?

Des voix: Oui.

Le sénateur Buchanan: Avaient-ils peur de se ridiculiser et de devoir faire quelque chose pour remédier au problème?

Des voix: Oui.

Le sénateur Buchanan: Les députés ne sont donc pas allés, et Diane Brushett a été leur porte-parole. Et quel porte-parole! Tout d'abord, elle s'est moquée du Sénat. Elle a parlé de la bande de sénateurs non élus qui voulaient se rendre en Nouvelle-Écosse pour y tenir des audiences publiques et inviter la population de cette province à venir dire s'ils étaient en faveur de la TVH ou non, de la bande de sénateurs qui voulaient aller demander aux aînés et aux retraités de s'exprimer et de dire au gouvernement pourquoi ils n'aiment pas la TVH.

Diane Brushett a ensuite dit que, contrairement au sénateur Buchanan, en l'occurrence moi, elle ne pensait pas que cela coûterait plus cher aux consommateurs de la Nouvelle-Écosse et qu'elle voulait discuter de cela avec lui. Malheureusement pour moi, j'étais alors en communication téléphonique avec une charmante vieille dame de 80 et quelques années qui célébrait son anniversaire et à qui je transmettais mes souhaits; je puis vous dire qu'elle était très contrariée par la TVH. À mon retour, il était trop tard. Le président, à juste titre, a refusé que je prenne la parole pour revenir sur les propos de Diane Brushett, qui a prétendu que ce changement apporté à la taxe ne coûterait rien aux aînés et aux autres, y compris les personnes à revenus modestes et moyens. Elle m'a mis au défi de contester cela, car elle savait que je n'étais pas à ma place. Lorsque je suis revenu, il était trop tard. Son témoignage était terminé.

Notre comité a rendu service à la population du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Buchanan: Cela ne fait pas l'ombre d'un doute.

Le sénateur Kinsella: Grâce à la motion du sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur Buchanan: Notre chef a en effet présenté une motion demandant qu'on autorise le comité à se déplacer. Je dois toutefois dire aux honorables sénateurs que c'est moi qui lui ai soumis l'idée. Quoi qu'il en soit, le comité s'est effectivement déplacé et c'est une expérience que je n'oublierai jamais.

 

  • (1430)
J'ai fait partie de nombreux comités ces 30 dernières années et je suis allé dans bien des régions de la Nouvelle-Écosse pendant mes mandats successifs à l'Assemblée législative. Après ma nomination au Sénat, j'ai parcouru le pays pour entendre l'opinion des gens sur les questions les concernant. La taxe n'aura aucun effet à Ottawa, Toronto ou Winnipeg, mais elle en aura en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve. Sachant cela, où ont lieu les audiences? À Ottawa, en Ontario. Personne dans cette ville ne sait de quoi il retourne.

En fin de compte, le comité s'est rendu dans l'Est où nous avons entendu la population des trois provinces touchées. Nous avons entendu des détaillants, des gens d'affaires, des retraités et des syndicalistes des trois provinces, et tous s'opposaient à la taxe harmonisée.

De vrais chefs syndicaux n'iraient jamais à l'encontre des intérêts de leurs membres. Nous avons entendu les représentants du syndicat des fonctionnaires de la Nouvelle-Écosse et de trois autres syndicats de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve. Nous avons entendu le président de la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse. Vous pouvez voir leurs mémoires. Si les honorables sénateurs souhaitent consulter les mémoires que nous ont présentés les témoins, je leur recommande de communiquer avec le président du comité pour les obtenir. Tous les témoins ont parlé des inconvénients de la taxe harmonisée pour leurs membres. Pourquoi?

Le sénateur Cools: Ne pleurez pas, sénateur Buchanan.

Le sénateur Buchanan: La mise en oeuvre de cette taxe signifiera que les factures d'électricité et d'autres formes d'énergie augmenteront. Les courses en taxi coûteront plus cher. Je vais vous lire quelque chose d'amusant.

Le sénateur Graham: Gardez cela pour la prochaine fois.

Le sénateur Buchanan: Honorables sénateurs, laissez-moi vous citer un exemple qui montre à quel point cette taxe est bête. Un de mes anciens collègues à l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse, Ron Russell, un ministre, m'a raconté que l'honorable Paul Martin était allé prononcer un discours devant la Chambre de commerce de Dartmouth. On lui a dit que les gens se plaignaient notamment du fait que le prix des coupes de cheveux allait augmenter. En réponse, il a précisé que les gens ne devraient pas s'en faire parce que, chaque fois qu'un coiffeur achètera des ciseaux - je ne connais plus aucun coiffeur qui se sert de ciseaux aujourd'hui, mais passons - il paiera la taxe sur ces ciseaux, mais aura droit à un crédit de taxe pour intrants.

«Par conséquent, a dit M. Martin, le prix d'une coupe de cheveux diminuera.» Je me suis entretenu avec un certain nombre de coiffeurs depuis ce temps et cette histoire les fait bien rire. L'un d'eux, un coiffeur de ma circonscription qui est décédé récemment, m'a dit qu'il n'en revenait pas. Il m'a montré ses ciseaux et m'a demandé: «Sais-tu depuis combien de temps j'ai ces ciseaux, Ron?» J'ai répondu que non et il m'a dit qu'il les avait depuis 25 ans. Le crédit de taxe sur les intrants pour l'achat des ciseaux dont a parlé Paul Martin ne changera pas grand-chose.

Le sénateur Graham: Est-ce que Ron Russell a besoin de ciseaux?

Le sénateur Buchanan: Non, il n'en a pas besoin. Il est un fameux ministre qui a gagné toutes les élections où nous nous sommes présentés tous les deux.

Je vais m'en tenir au rapport du comité sur l'inclusion de la taxe dans le prix. Le comité, après avoir entendu 90 ou 100 témoins au sujet de l'inclusion de la taxe dans le prix, dont95 p. 100 s'opposaient à cette idée, a conclu que cette disposition devrait être supprimée du projet de loi sur la TVH. Elle est à toutes fins pratiques supprimée parce qu'elle n'entrera pas en vigueur tant que 51 p. 100 des Canadiens et des provinces n'appuieront pas l'inclusion de la taxe dans le prix. L'Alberta ne le fera pas parce qu'elle n'a pas de taxe de vente. Et comme il semble que Ralph Klein demeurera au pouvoir pendant au moins 100 ans encore, il n'y aura pas de taxe de vente dans cette province. L'Ontario a dit qu'elle n'aurait décidément pas de taxe harmonisée ni de prix incluant la taxe. Cela n'arrivera tout simplement pas, ce qui est peut-être malheureux parce que je crois que nous devrions avoir des prix incluant la taxe partout au Canada, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve, y compris dans les territoires.

Je félicite le président et le vice-président, qui ont vu à ce que l'entrée en vigueur de la disposition sur l'inclusion de la taxe dans le prix contenue dans le projet de loi sur la TVH soit reportée, peut-être à tout jamais. Je devrais vous dire que j'ai appuyé la motion; je suis donc fier d'avoir pu participer à cette décision. Je vais certainement voter en faveur du rapport, avec la modification concernant l'inclusion de la taxe dans le prix.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Kirby, appuyé par l'honorable sénateur Maheu, propose que le rapport soit adopté. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

 

Troisième lecture-Motions d'amendement-
Report du vote

Son Honneur le Président: Quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Maintenant, avec la permission du Sénat.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, avant que nous ne commencions le débat de troisième lecture, je tiens à signaler, pour m'assurer que nous comprenons tous qu'il y a plusieurs orateurs de l'opposition qui veulent présenter des amendements au projet de loi C-70. De plus, comme on l'a dit, le sénateur Buchanan a autre chose à offrir au Sénat cet après-midi.

Les sénateurs sont d'accord pour que tous les amendements qui seront proposés cet après-midi ainsi que la motion principale soient mis aux voix par le Président à 15 h 30 demain. Les amendements feront l'objet de votes distincts et successifs. La sonnerie retentira à compter de 15 h 15 et le vote débutera à15 h 30. Je crois que tout le monde s'entend sur cette façon de procéder.

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, le sénateur Graham a expliqué correctement l'entente concernant la façon de procéder dans ce cas. Nous comprenons également que la sonnerie retentira à 15 h 15 demain et que nous tiendrons des votes successifs à compter de 15 h 30.

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, notre whip et le leader adjoint du gouvernement ont proposé que le vote débute à 15 h 30, demain. Pourrions-nous siéger ce soir ou demain matin pour permettre la tenue du débat à l'étape de la troisième lecture?

 

  • (1440)
Le sénateur Graham: Je crois comprendre, d'après l'entente qui est intervenue, que tous les discours auront lieu cet après-midi. Si la séance se prolonge au-delà de 18 heures, nous reviendrons à 20 heures et de nouveau demain à 14 heures. L'entente prévoit que tous les votes auront lieu demain à compter de 15 h 30 et que la sonnerie retentira à compter de 15 h 15.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je crois que l'entente est unanime. Je regarde le sénateur Lawson, qui veut toujours que quelqu'un parle au nom des sénateurs indépendants et il semble que ces derniers ont donné leur appui à l'entente qui est intervenue.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il est donc entendu que la sonnerie retentira à 15 h 15 demain et que le vote débutera à 15 h 30. Les amendements seront mis aux voix un à un, en commençant par le dernier amendement proposé jusqu'au premier, comme cela se fait habituellement, puis ce sera au tour de la motion principale. Il est également convenu que nous siégerons ce soir, au besoin et de nouveau demain à 14 heures. Est-ce exact?

Le sénateur Graham: C'est exact. Nous voulons bien sûr que tous les sénateurs qui désirent prendre la parole puissent le faire.

Son Honneur le Président: Si la Chambre est d'accord, c'est ainsi que nous procéderons demain. Nous en sommes maintenant à la troisième lecture.

L'honorable John Buchanan: Maintenant, l'autre moitié!

Le sénateur Bonnell: Parlez-nous du coiffeur.

Le sénateur Buchanan: Vous en avez déjà entendu parler. C'est intéressant que vous ayez dit cela. C'est inutile de s'en inquiéter à l'Île-du-Prince-Édouard. On a agi de façon très sensée. Le chef du gouvernement libéral de l'Île-du-Prince-Édouard, Mme Catherine Callbeck, a dit au comité que:

Après avoir examiné la question, le comité en était venu à la conclusion que l'Île-du-Prince-Édouard ne devait pas harmoniser sa taxe de vente avec la TPS fédérale. Le comité croit que la proposition d'harmoniser les taxes de vente n'est pas à l'avantage de la province et de ses habitants. En outre, l'harmonisation réduirait les pouvoirs de la province sur une importante source de recettes gouvernementales.

Honorables sénateurs, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve ont cédé au gouvernement du Canada leur droit historique de fixer leurs propres taux de taxation. Imaginons ce qui se produira quand on ramènera le sujet durant une campagne électorale, quand on dira, par exemple, que John Savage et le gouvernement provincial ont cédé leur droit historique à Ottawa? D'un autre côté, deux provinces pourraient aussi dire à la Nouvelle-Écosse: «Nous haussons les taux, alors vous devez le faire aussi.» Quel genre de démocratie est-ce là pour les gens de la Nouvelle-Écosse? L'Île-du-Prince-Édouard a bien fait. Son gouvernement n'a pas voulu renoncer à une partie des pouvoirs provinciaux. Je poursuis ma citation des paroles de Mme Catherine Callbeck:

Le comité a reconnu que la non-harmonisation pourrait avoir des conséquences négatives sur certains secteurs de l'économie de l'île et que, après un certain temps, le gouvernement pourrait devoir faire des rajustements. Le comité a donc recommandé au gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard de ne pas harmoniser sa taxe de vente de la manière proposée par le gouvernement du Canada.

C'est la recommandation que Libéraux et Conservateurs ont acceptée à l'unanimité à l'assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard, et que le nouveau gouvernement conservateur de Pat Binns a adoptée.

Celui que vous entendez applaudir est celui-là même qui a invité les habitants de la Nouvelle-Écosse à venir magasiner à l'Île-du-Prince-Édouard, parce qu'ils pourraient y trouver des produits moins chers de 8 p. 100. J'ai trouvé que c'était très louable de sa part, et ça signifie qu'il votera de la même manière que nous.

Le sénateur Bonnell: Toutes les personnes âgées vont venir à l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Buchanan: En effet, des autobus bondés. Pourquoi la Nouvelle-Écosse perdra-t-elle ce revenu? À cause de la TVH, bien entendu.

Le sénateur Lawson a quitté la Chambre. J'allais tout juste lui répéter que le Syndicat de la Fonction publique de la Nouvelle-Écosse, la Fédération des travailleurs de la Nouvelle-Écosse, la Fédération des travailleurs du Nouveau-Brunswick, la Fédération des travailleurs de Terre-Neuve et le Syndicat des enseignants de la Nouvelle-Écosse étaient tous là pour représenter les syndiqués de nos provinces et dire d'une seule et même voix: «La TVH n'est pas une bonne affaire pour les syndiqués, les travailleurs de nos trois provinces.» Je sais que le sénateur Lawson, étant ce qu'il est et ce qu'il a été ces dernières années, votera certainement contre cette taxe qui est imposée à la population et aux syndiqués de nos provinces.

Pour ceux d'entre vous qui ne le sauraient pas, le gouvernement de Nouvelle-Écosse a dit, par l'intermédiaire de son ministère des Finances, ce qui suit: «Nous avons analysé la TVH et elle va coûter 84 millions aux consommateurs de Nouvelle-Écosse.» On a demandé au ministre des Finances, Bernie Boudreau, ce qu'il en pensait. Il a répondu: «Nous devrons analyser ces chiffres.» Il voulait analyser ses propres chiffres! J'attends toujours le résultat. Le chiffre net est de 84 millions. Pourquoi?

Ils prétendent que c'est une taxe sans incidence pour les consommateurs. Autrement dit, les consommateurs paieront tant et économiseront tant, de sorte qu'il ne leur en coûtera pas un sou. Pourtant, le ministère des Finances de la province estime qu'il en coûtera 84 millions de dollars aux consommateurs. Mon expérience des estimations de cette nature est qu'elles ne diminuent jamais, mais augmentent généralement. Le coût total ira vraisemblablement chercher dans les 100 millions. Pourquoi cela?

Un chose qui va baisser, ce sont les automobiles, de 3,7 p. 100. Or, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse applique immédiatement une surcharge de 2 p. 100. Par conséquent, les gens de cette région qui achèteront une voiture neuve n'économiseront pas de 3,7 p. 100, mais bien de 1,7 p. 100. Bill Gillis a dit: «Les gens vont changer de voiture tous les deux ans.» Je ne sais pas combien de pensionnés, de personnes âgées, d'étudiants et de personnes gagnant entre 25 000 $ et 30 000 $ achèteront une voiture tous les deux ans. Pas beaucoup je crains.

Parlons maintenant des congélateurs. J'en ai un depuis 15 ans. Je n'ai pas l'intention de m'en débarrasser. Peut-être que dans 15 ans, si je suis toujours vivant, je le remplacerai. J'ai dit à ma femme: «Si j'achète un congélateur au cours des 10 prochaines années, je vais économiser 3,7 p. 100.» Elle m'a répondu: «Pourquoi ne pas l'acheter tout de suite?» Je ne vais pas l'acheter maintenant.

Et les gros appareils stéréo? Là aussi vous paierez 3,7 p. 100 de moins. Je suis sûr que vous allez en acheter un tous les ans, tout comme les parents achètent des vêtements toutes les semaines ou tous les mois pour leurs enfants.

Les manteaux de fourrure seront plus chers également. J'étais à Northwood Manor, à Halifax, et j'ai pensé faire un sondage là-dessus, mais j'ai finalement renoncé. Combien de gens vont acheter un manteau de fourrure la semaine prochaine, l'année prochaine ou dans deux ans? Vous savez très bien quel aurait été le résultat du sondage. Il n'y a pas de doute qu'il y a de l'argent à économiser sur les gros articles, comme les meubles, mais sur une longue période.

Pourquoi notre propre ministère des Finances a-t-il déclaré que cette mesure coûterait 84 millions de dollars aux consommateurs? Voici pourquoi. Les factures d'électricité augmentent, le coût du mazout domestique augmente et le coût de l'essence à la pompe augmentera de 8 p. 100, le 1er avril, si ce projet de loi est adopté. Il passera de 58 ou 59 cents le litre à 63 ou 64 cents. Qui sera blâmé? Certainement pas nous. Vous serez blâmés, car vous n'auriez jamais dû prendre cette initiative dès le départ.

Il faut aussi mentionner le coût des vêtements et des chaussures pour enfants de moins de 100 $. Le prix de tous ces produits augmentera. Les véhicules usagés et les timbres coûteront plus cher. Je peux acheter mes timbres à l'Île-du-Prince-Édouard pour 48 cents chacun. En Nouvelle-Écosse, un timbre coûtera 52 cents. Comme je l'ai déjà dit, je sais que les gens achèteront leurs timbres à l'Île-du-Prince-Édouard, par l'intermédiaire de parents qui les leur feront parvenir. Ceux qui utilisent beaucoup de timbres économiseront des centaines de dollars. Le coût des funérailles, des coupes de cheveux, du forage de puits et de bien d'autres services augmentera aussi. Les maisons neuves et la construction résidentielle coûteront 8 p. 100 de plus. Pas étonnant, dans de telles circonstances, que les témoins qui ont comparu devant notre comité aient été inquiets.

Voici ce qu'un particulier a conseillé aux consommateurs. Si vous achetez une automobile, laissez-la dans le garage ou l'entrée.

Autrement, à mesure que vous achèterez de l'essence pour la faire rouler, vous devrez payer des taxes et vous finirez par payer plus que ce que vous aviez économisé au départ. De même, si vous achetez une cuisinière, un réfrigérateur ou d'autres appareils du genre, ne les branchez pas. Il vaudra mieux les utiliser comme décoration dans la cuisine, car, dès que vous les brancherez, vous devrez payer l'électricité qu'ils consomment et les taxes s'accumuleront. Voici d'autres suggestions de sa part. Écoutez-les attentivement. Pour éviter de payer des taxes plus élevées avec la TVH, il propose d'utiliser les moyens d'évasion fiscale suivants.

Premièrement, ne mourez pas, car il faut payer les frais d'obsèques.

Deuxièmement, laissez-vous pousser les cheveux.

 

  • (1450)
Il s'agit là du gars qui, avec deux Uzi entre les mains, a fait aligner tous les politiciens et leur a dit: «Voyons voir, les gars et les filles...» Vous souvenez-vous de lui?

Colmatez les trous dans vos chaussures avec du bois. Ne les faites pas réparer.

Quatrièmement, oubliez le nettoyage à sec.

Honorables sénateurs, mon complet bleu tout froissé n'a pas été nettoyé. Dites simplement aux gens que vos vêtements tachés sont la nouvelle vague.

Cinquièmement, n'achetez pas de vêtements pour vos enfants.

Comme vous le savez, avec le droit et la comptabilité, une taxe sera imposée sur tout, mais il dit que nous devrions étudier la comptabilité et le droit, et tout autre service dont nous pourrions avoir besoin, pour éviter d'avoir à recourir aux services d'avocats et d'autres professionnels de ce genre.

Gelez pendant l'hiver. Vous ne pouvez plus utiliser de mazout.

Huitièmement, utilisez des chandelles et mangez davantage d'aliments en conserve.

Neuvièmement, achetez-vous une bicyclette ou déplacez-vous à pied.

Dixièmement, ne vous brossez pas les dents.

C'est ce qui se passera dans nos trois provinces si vous, les parlementaires, continuez d'essayer d'adopter ce projet de loi stupide.

En voici une autre très intéressante. La première fois que je l'ai vue, je me suis dit: «Cela ne se peut pas.» J'ai vérifié, et c'est vrai. Si cette TVH est mise en oeuvre et qu'une multinationale achète une voiture de 30 000 $ pour un directeur, savez-vous combien de TVH elle paiera? Aucune. Elle lui sera remboursée intégralement. Toutefois, si un simple citoyen de la Nouvelle-Écosse achète la même voiture d'une valeur de 30 000 $, il paiera 4 500 $ de TVH. Si une multinationale achète un ordinateur de 3 500 $, elle ne paie pas un sou de TVH. Si un étudiant de la Nouvelle-Écosse achète le même ordinateur, il doit payer 525 $ de plus. Si une société pétrolière achète pour300 $ de bottes et de bleus de travail, elle ne paie pas un sou de TVH. Si un travailleur achète les mêmes vêtements de travail pour son usage personnel, il doit payer 45 $ en plus du montant initial de 300 $. Telle est la stupidité de cette taxe.

J'ai ici une lettre d'une dame qui m'est chère. Je la connais depuis des années, mais j'ignore son affiliation politique. Elle s'appelle Loretta J. Smith. Elle a attendu toute la matinée et tout l'après-midi dans l'espoir d'être invitée à prendre la parole. Dans son témoignage, elle a dit:

Compte tenu de mes factures précédentes de chauffage, d'électricité et d'essence, je vais devoir débourser 346,74 $ de plus. Et cela ne comprend pas la taxe supplémentaire de 8 p. 100 sur les divers articles qui ne sont pas visés par la taxe provinciale en ce moment. La surcharge fiscale se fera sentir davantage chez les familles avec enfants qui ne paient actuellement que les 7 p. 100 sur les vêtements et chaussures moins coûteux. Un timbre passera de48 à 52 cents, mais seulement dans les provinces de l'Atlantique. Les frais funéraires augmenteront de 8 p. 100. Nous ne connaissons toujours pas tous les détails de cette taxe harmonisée, pas plus que les députés provinciaux qui sont si empressés de nous l'imposer. Cette ponction fiscale diabolique a été concoctée si hâtivement que les détails n'étaient pas encore au point quand les provinces en question ont signé l'accord.

C'est vrai. Quand elles ont signé l'accord, les provinces ne connaissaient pas les détails de la taxe. Elles n'en avaient aucune idée. Elles ont touché le milliard de dollars. Le ministre des Finances de Terre-Neuve a raconté qu'on lui avait remis un chèque ce jour-là, que Paul Martin lui avait donné 348 millions de dollars. Bernie Boudreau a reçu plus de 200 millions de dollars, tout comme Frank McKenna.

Le sénateur Berntson: Comment ont-ils pu agir ainsi? De quel droit? Le projet de loi n'a pas été adopté.

Le sénateur Buchanan: Il est intéressant de noter comment ils s'y sont pris. Certains, dont le vérificateur général, ont dit que c'était injustifié, mais attendons de voir si ça marche.

Honorables sénateurs, cette taxe n'est ni juste ni équitable. Par-dessus tout, elle n'est pas démocratique. Le gros de cette taxe sera assumé précisément par les gens les plus démunis, c'est-à-dire les personnes âgées, les travailleurs au salaire minimum, et ainsi de suite.

Je voudrais mentionner quelques autres points. Les conseillers municipaux forment la vraie base. En politique, c'est à eux que l'on s'adresse généralement pour les petites choses, qui en sont de grosses pour certains. Dans la hiérarchie, viennent ensuite les députés provinciaux et les députés fédéraux. Il en a toujours été ainsi. Voici ce qui nous attend dans nos trois provinces, avec les municipalités et les contribuables municipaux. Ce n'est pas moi qui le dit, mais nul autre que l'un des plus éminents de nos édiles municipaux au Canada, en l'occurrence M. Walter Fitzgerald, ou Goodie pour les intimes. Il a déclaré au comité:

La municipalité régionale de Halifax recommande fortement que le projet de loi sur la taxe de vente harmonisée (TVH) soit amendé de façon à neutraliser l'effet de la taxe sur les municipalités et sur leurs contribuables. Si la TVH est adoptée, l'application de cette taxe de 15 p. 100 à tous les biens et les services auxquels s'applique actuellement la TPS de 7 p. 100 aura une incidence financière négative sur la municipalité régionale de Halifax.

Soit dit en passant, il s'agit de la plus grande au Canada.

L'avènement de la TVH forcera la municipalité à payer une taxe supplémentaire de 8 p. 100 sur tous les biens et les services qu'elle achète. Or, celle-ci dispose de très peu de moyens de recouvrer la somme que cela représente. [...] Il en coûtera donc plus de 5 millions de dollars par année aux contribuables de la municipalité régionale de Halifax qui paient des impôts fonciers résidentiels ou commerciaux, après remise de taxe. Ce transfert de taxe se répercutera sur les budgets globaux et se traduira par une augmentation nette de l'impôt municipal de 1,8 p. 100 en moyenne [...]

pour tous les habitants de la municipalité régionale de Halifax.

De plus, cela constitue une nouvelle taxe, car, jusqu'à présent, la Nouvelle Écosse n'imposait pas ses municipalités.

Que ceux d'entre vous qui prétendent qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle taxe oublient ça, c'en est une. C'est une nouvelle taxe pour les aînés, les personnes à revenu moyen ou modeste, les pensionnés, les municipalités et d'autres. Cette taxe est tout à fait nouvelle.

Ce que demandent les municipalités est très raisonnable. Elles voudraient que la remise sur la TVH de 15 p. 100 soit majorée de 57,14 à 80 p. 100, ce qui aurait pour effet de rééquilibrer la situation de la municipalité régionale de Halifax après que la province aura adopté la TVH. Et il n'y a pas que le maire Walter Fitzgerald qui le dit. Il parle en tout cas au nom de sa municipalité à lui, et M. Dan Boyd, de la petite municipalité de East Heads, est venu nous dire combien tout cela coûterait à sa petite municipalité. La fédération des municipalités de la Nouvelle-Écosse a dit la même chose. Chaque municipalité a dit qu'il en coûterait de 12 à 15 millions de dollars aux contribuables municipaux de la Nouvelle-Écosse.

Sénateur Robertson, la même chose va se produire au Nouveau-Brunswick. Sénateur Cochrane, la même chose va se produire à Terre-Neuve. Les municipalités sont toutes dans la même galère, celle dans laquelle les ont placées le gouvernement du Canada et les gouvernements des trois provinces.

Assomption Vie et La Maritime Compagnie d'Assurance-Vie gèrent des fonds réservés pour les résidants de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. En vertu du projet de loi proposé, seuls les fonds et fiducies réservés dans les provinces qui auront harmonisé la taxe paieront la taxe supplémentaire de 8 p. 100 sur les frais de gestion des placements imposés par l'émetteur. Cela signifie que si je veux investir dans un fonds réservé et que je dois acquitter des frais de gestion, je devrai payer 8 p. 100 de plus. Par contre, si je m'adresse à une compagnie dans l'Île-du-Prince-Édouard, je peux obtenir ce service sans payer le 8 p. 100. Si je vais en Ontario, au Québec ou n'importe où ailleurs, je n'ai pas à payer le 8 p. 100. Cela dit, je pense que l'on va s'occuper de cette situation. Sauf erreur, les gouvernements provinciaux l'ont fait d'une façon durant quelques années, et ils le feront probablement encore.

Honorables sénateurs, c'est à peu près tout ce que j'avais à dire.

 

  • (1500)
Les honorables sénateurs seront conscients du fait que la TVH ne me réjouit guère. Toutefois, je suis heureux que la question des prix incluant la taxe ne va pas être remise sur le tapis, et ce pour longtemps j'espère.

J'ai l'intention de proposer un amendement. Les Canadiens aiment se traiter les uns les autres de façon raisonnable et équitable. Il y a cependant un groupe au Canada qui n'a pas été traité équitablement et qui va l'être encore bien moins avec la mise en viguer de la TVH. Ce groupe c'est celui des médecins, qui jouent un rôle important au sein de notre société.

Je sais, les gens disent: «Oh, les médecins, regardez tout l'argent qu'ils gagnent.» Ce n'est pas vrai, honorables sénateurs. À l'heure actuelle, certains médecins sont dans une situation marginale.

Comme le sénateur Stewart et d'autres le savent, depuis quatre ans la Nouvelle-Écosse a perdu entre 90 et 100 médecins, qui ont quitté notre province pour aller s'installer aux États-Unis, en Australie et ailleurs. La mise en oeuvre de la TVH sera la goutte qui fait déborder le vase et d'autres médecins vont plier bagage. À l'hôpital d'East Hants, en Nouvelle-Écosse, la situation arrive au point critique. C'est la même chose dans les hôpitaux du Cap-Breton. Il manque de chirurgiens ou de chirurgiens orthopédiques. Les généralistes plient bagage. Les docteurs Kimball et Bell l'ont déjà fait d'ailleurs. Les habitants d'East Hants craignent maintenant de perdre d'autres médecins. La raison, c'est que, contrairement aux petites entreprises au Canada, les médecins n'ont pas droit aux crédits de TVH pour intrants. Pourquoi? On me dit que ces crédits s'appliquent à tous ceux qui fournissent des services de santé. Or, honorables sénateurs, ce n'est pas le cas. Les autres, peu importe qu'ils soient dentistes ou physiothérapeutes, n'ont pas droit aux crédits de TVH pour intrants. Cependant, ils peuvent faire payer le coût par leurs patients. Les médecins ne le peuvent pas, parce que le gouvernement du Canada leur a dit: «Vous ne pouvez pas imposer ce coût à vos patients; vous devez l'absorber.» Ils sont pris au piège, tout comme le sénateur Kirby lui-même l'a été l'autre jour. Ils ne peuvent ni faire payer la TVH par leurs patients ni obtenir le crédit de TVH pour intrants. La taxe sera de 15 p. 100, ce qui signifie que dans nos trois provinces les médecins devront absorber eux-mêmes 4,7 millions de dollars.

Quand je lui ai demandé si elle craignait que des médecins ne quittent la région, le docteur Cynthia Forbes, présidente de la Nova Scotia Medical Association, m'a répondu qu'elle craignait effectivement de voir partir davantage de médecins. La situation est la même au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve.

La présentation de cette mesure, honorables sénateurs, signifie simplement que les services fournis par les médecins seront détaxés.

 

Motions d'amendement

L'honorable John Buchanan: La première motion d'amendement que je propose, honorables sénateurs, s'énonce ainsi:

Que le projet de loi C-70 ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 93.1 par subtitution, à la ligne 31, page 131, de ce qui suit:

«93.1 L'article 5 de la partie II de l'annexe V de la même loi est remplacé par ce qui suit:

«5. La fourniture (autre qu'une fourniture détaxée) par un médecin de services de consultation, de diagnostic ou de traitement ou d'autres services de santé dispensés à un particulier, à l'exception de services chirurgicaux ou dentaires dispensés à des fins esthétiques et non médicales ou restauratrices.

93.2(1) L'article 6 de la partie II de».

La motion d'amendement suivante que je propose s'énonce ainsi:

Que le projet de loi C-70 ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit modifié, par adjonction, après la ligne 26, la page 132, de ce qui suit:

«95.1 L'article 9 de la partie II de l'annexe V de la même loi est abrogé.»

La motion d'amendement suivante que je propose, honorables sénateurs, s'énonce ainsi:

Que le projet de loi C-70 ne soit pas lu maintenant pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 136 par subtitution, aux lignes 30 et 31, page 156, de ce qui suit:

«l'annexe V et ceux qui sont liés à la prestation de».

Et voici, honorables sénateurs, la dernière motion d'amendement que je désire proposer:

Que le projet de loi C-70 ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit modifié par adjonction, après l'article 22, page 157, de ce qui suit:

«136.1 La partie II de l'annexe VI de la même loi est modifiée par l'adjonction, après l'article 40, de ce qui suit:

41. A La fourniture d'un bien ou d'un service, mais seulement si dans la mesure où, la contrepartie payée pour la fourniture est payable ou remboursée par le gouvernement en vertu d'un régime établi par une loi de l'assemblée législative de la province pour prodiguer des services de soins de santé à toutes les personnes assurées de la province.»

J'ai préparé une traduction française de mes motions d'amendement.

Son Honneur le Président: Le sénateur Buchanan, appuyé par le sénateur Oliver, propose: Que le projet de loi C-70 ne soit pas lu maintenant pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 93.1, par substitution, à la ligne 31, page 131, de ce qui suit...

Des voix: Suffit.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il est convenu que nous nous occuperons de toutes les motions d'amendement demain.

Y a-t-il des sénateurs qui veulent intervenir au sujet de ces motions d'amendement?

Le sénateur Michael Kirby: J'ai constaté avec un vif intérêt l'empathie que le sénateur Buchanan a manifestée pour les consommateurs qui devront payer une taxe sur l'électricité et le fuel domestique en Nouvelle-Écosse.

Est-ce que je peux raisonnablement conclure que le sénateur Buchanan est nettement opposé au principe de l'imposition d'une taxe sur des produits comme l'électricité et le fuel domestique? Est-ce son opposition à ce principe qui l'a mené à cette conclusion?

Le sénateur Buchanan: En partie. Vient un moment où les gouvernements ne peuvent faire autrement que de taxer des produits qui devraient normalement être exonérés. Bien entendu, l'électricité et le fuel domestique sont au nombre de ces produits.

Je vais reprendre les propos d'un homme pour qui j'ai habituellement un grand respect et dont le père a été un éminent sénateur et un membre du gouvernement fédéral pendant de longues années, à cause de mon regretté oncle Angus, selon le ministre Paul Martin fils, le système de remboursement de la TPS marche merveilleusement bien pour les gens dont je viens de parler.

S'il faut taxer ces produits, il faut que la taxe s'accompagne d'un généreux régime de remboursements pour les personnes qui ne peuvent se permettre de payer cette taxe.

Je conviens avec le ministre Paul Martin que le système de remboursement fonctionne extrêmement bien, et nous allons apporter un amendement qui prévoit simplement que la TVH soit assimilée à la TPS aux fins du système de remboursement, qui marche si bien. Cette opinion n'est pas uniquement la mienne. C'est aussi celle du collègue du sénateur Kirby au Cabinet.

Le sénateur Kirby: Cela me porte à croire que le sénateur Buchanan a dit qu'il ne s'oppose pas au principe de la taxation de produits comme l'électricité et le fuel domestique. Ai-je raison?

Si je pose la question, c'est parce que, si le sénateur dit qu'il est opposé à la taxation de ces produits en principe, j'aimerais bien comprendre comment il a pu accepter d'être nommé au Sénat sachant que c'était exprès pour faire adopter le projet de loi sur la TPS, qui frappe justement toute la liste des produits que le sénateur Buchanan a énumérés cet après-midi.

(1510)

Si ce n'est pas une question de principe, le sénateur peut-il m'expliquer alors pourquoi il a voté en faveur de toutes ces mesures lorsqu'il a été nommé au Sénat et pourquoi il s'y oppose si passionnément aujourd'hui? Je vois là-dedans une grande incohérence, ce qui n'est pas nécessairement inhabituel dans son cas. Si le sénateur peut me fournir une réponse, cela m'aiderait grandement à comprendre sa position.

Le sénateur Buchanan: Honorables sénateurs, c'est extraordinaire. Cela me rappelle mes 24 années à l'assemblée législative de la Nouvelle-Écosse, à l'époque où le sénateur Kirby s'installait à la tribune pour observer la période des questions orales. J'ai toujours aimé poser des questions et répondre à des questions.

Honorables sénateurs, il m'est très facile de répondre à la question du sénateur Kirby. Je n'ai pas été nommé ici pour faire ce que laisse entendre le sénateur. J'avais le sentiment que la réforme du Sénat ne pouvait se faire à partir de l'extérieur. Pendant 13 ans, j'ai tenté, en compagnie d'autres premiers ministres provinciaux, de réformer le Sénat et ce, jusqu'à l'Accord du lac Meech. Pour une raison ou une autre, toutes les tentatives que nous avons esquissées de 1977 jusqu'aux années 90 ont échoué.

Par conséquent, lorsqu'on m'a offert de faire partie de ce groupe auguste de Canadiens pour contribuer à réformer le Sénat de l'intérieur, j'ai accepté de relever le défi. Nous avons beaucoup fait au cours des trois ou quatre dernières années pour réformer le Sénat et en améliorer l'image aux yeux des Canadiens. Les Canadiens respectent aujourd'hui davantage le Sénat par suite de la lutte que nous avons menée à propos des projets de loi sur l'harmonisation de la taxe de vente, les accords sur l'aéroport Pearson, et le remaniement de la carte électorale, par exemple.

Les Canadiens commencent à croire que le Sénat peut faire beaucoup pour protéger les régions du Canada qui ont besoin de l'être. C'est ce que nous allons faire; c'est la raison pour laquelle j'ai été nommé ici.

Le sénateur Kirby: Merci, sénateur Buchanan. Ce que l'honorable sénateur répond à ma question, je crois, c'est que ce n'est pas pour lui une question de principe.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous rappelle qu'il ne saurait y avoir de débat secondaire au cours de la période réservée aux questions.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'aurai beaucoup de mal à être aussi éloquent que le sénateur Buchanan. Les sénateurs d'en face comprendront aisément pourquoi il a été élu un si grand nombre de fois. Toutefois, si vous voulez bien être patients, je vais dire quelques mots au sujet du projet de loi C-70.

L'étude de ce projet de loi par le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a été un exemple de démocratie à l'oeuvre. C'était le Sénat à son meilleur - en tant que chambre de réflexion. Elle a aussi fait ressortir la faiblesse de la chambre des élus, où l'opposition est fractionnée et fondée non pas sur les intérêts nationaux, mais sur des partis régionaux à vision unique. La chambre des élus a rejeté la possibilité d'écouter la population. Le Sénat a pris le temps non seulement d'étudier le projet de loi, mais de voyager pour aller entendre 200 témoins dans les trois provinces touchées par cette nouvelle taxe harmonisée. La Chambre des communes ne s'est pas rendue dans les provinces de l'Atlantique ni n'a écouté la population. Son étude était au mieux hâtive, superficielle et sommaire.

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui représente cette chambre de réflexion, a pesé la preuve, écouté les spécialistes, dont trois ministres provinciaux des Finances, et décidé à l'unanimité de modifier le projet de loi C-70 afin qu'il soit plus conforme aux intérêts de tous les Canadiens.

Voici ce qu'on lit dans le principal éditorial du Chronicle-Herald du 8 mars:

Il faudrait que le comité sénatorial des banques soit vraiment bouché pour ne pas conclure d'après les témoignages entendus dans le Canada atlantique cette semaine que la taxe de vente harmonisée doit être radicalement modifiée ou rejetée.

L'éditorial se poursuit en ces termes:

[...] de façon répétée, les témoins ont remercié les sénateurs d'être venus et de les avoir écoutés, bien qu'ils n'étaient pas d'humeur à ce que l'on tente de se débarrasser d'eux en les écoutant poliment et en ne faisant rien. Les témoins ont à maintes reprises demandé instamment au comité qu'il exerce son rôle de chambre de réflexion en étudiant la taxe.

On lit plus loin dans l'éditorial:

[...] le Sénat a rarement eu la chance de prouver son utilité au public.

Nous, les sénateurs progressistes conservateurs du Canada atlantique, avons compris le message et avons agi en conséquence.

Honorables sénateurs, je suis d'accord avec la théorie de l'harmonisation. Sur le plan des affaires, c'est une formule très sensée parce qu'elle est efficace et réduit les coûts des consommateurs. Je conviens que l'objectif de l'harmonisation de la TPS et de la TVP est louable. Toutefois, je suis aussi d'accord avec des douzaines de témoins qui ont réitéré que, sans une entente simultanée avec toutes les autres provinces, il résultera de l'application de la formule d'inclusion de la taxe dans les prix un réseau composé de systèmes partiellement harmonisés et à taux multiples. Tout au long de la chaîne, depuis l'achat initial de marchandises pour la revente jusqu'à la vente finale au consommateur, la production, la distribution, la publicité et la vente deviendront de plus en plus coûteuses pour le détaillant, ce qui se répercutera en bout de ligne sur le consommateur.

Nous, les sénateurs progressistes conservateurs, avons été profondément émus par de nombreux témoignages d'étudiants, de personnes âgées et de Canadiens à faible revenu au sujet des effets que la formule d'inclusion des taxes dans les prix aurait sur les prix en entraînant une hausse des coûts pour les consommateurs. Nous avons posé, avec tact et circonspection, des questions à de nombreux témoins afin d'obtenir les meilleurs renseignements possibles sur ce qui pouvait être fait pour atténuer le problème.

Je viens de la Nouvelle-Écosse et j'ai été ému par les témoignages présentés par des personnes comme le chef progressiste-conservateur de cette province, M. John Hamm, qui a dit ceci:

[...] qu'on ne se méprenne pas quant à l'impact de la TVH sur le consommateur. Selon les rapports préparés par la province elle-même, avec la TVH, les Néo-Écossais paieront au moins 84 millions de dollars de plus en taxes à la consommation. Franchement, je crois que ce chiffre sera beaucoup plus élevé.

M. Hamm a ajouté que, avec la TVH, les Néo-Écossais paieraient environ 15 millions de dollars de plus en taxes sur le mazout de chauffage domiciliaire, 15 millions de dollars de plus en taxes sur l'électricité et environ 54 millions de dollars de plus en taxes sur l'essence. Ce ne sont pas là des produits facultatifs. Ce sont des produits que nous sommes obligés d'acheter. Et, à eux seuls, ces trois produits représentent 84 millions de dollars de plus en taxes à la consommation pour les Néo-Écossais.

Je veux féliciter madame le sénateur Ethel Cochrane pour sa résolution visant à alléger ce fardeau, résolution qui a été adoptée à l'unanimité par le comité permanent des banques et du commerce et déposée par le sénateur Kirby avec les amendements visant à supprimer la disposition relative à l'inclusion de la taxe dans le prix. La résolution du sénateur Cochrane exhortait les trois provinces de l'Atlantique à prévoir un remboursement de la TVH semblable au remboursement de la TPS pour aider les petits salariés, les assistés sociaux, les personnes âgées, les étudiants et les autres Canadiens à faible revenu à assumer le fardeau additionnel que leur impose cette taxe.

Dans ses remarques, le sénateur Kirby a parlé longuement du rapport du CEPA. Le Conseil économique des provinces de l'Atlantique est une importante cellule de réflexion au Canada atlantique. Il a dit, dans son analyse préliminaire, que la nouvelle taxe proposée aurait un effet bénéfique sur l'économie de la région, mais il a également prévenu les sénateurs qu'il y avait toutefois plusieurs irritants qui pourraient réduire considérablement l'efficacité du nouveau régime. Cela veut dire que ce nouveau régime pourrait entraîner une hausse des impôts personnels et des coûts pour les personnes qui n'ont pas les moyens ou qui sont le moins capables d'assumer une telle hausse au Canada atlantique.

Le CEPA a exprimé trois grandes préoccupations, et j'ai interrogé divers témoins au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve et au Labrador et en Nouvelle-Écosse à ce sujet. Je ne voudrais pas que le fardeau fiscal des manufacturiers et des détaillants de la région de l'Atlantique soit plus lourd qu'il ne l'est déjà. Les autres organisations qui ont des problèmes en ce qui concerne le remboursement sont les hôpitaux, les municipalités, les collèges publics et les oeuvres de bienfaisance. À la fin de mon discours, je proposerai un amendement pour essayer de corriger ce problème.

Le CEPA a dit que l'inclusion de la taxe dans le prix était une question importante et, heureusement, grâce à un vote unanime du comité permanent des banques et du commerce, cette disposition sera supprimée du projet de loi. Les deux autres questions qui causent beaucoup d'inquiétude au CEPA et à moi-même sont celles qui se rapportent spécifiquement aux effets d'évasion fiscale créés par la taxe dans certains secteurs et les problèmes de financement créés par la nouvelle taxe.

J'ai exprimé ces deux dernières préoccupations à la ministre du Revenu national, l'honorable Jane Stewart, et au ministre des Finances, l'honorable Paul Martin. Je vais décrire brièvement le problème et vous donner ensuite les réponses que j'ai obtenues de ces deux ministres.

Avec la taxe harmonisée, le coût de la main-d'oeuvre de beaucoup de produits installés sera taxé au taux de 15 p. 100 plutôt que de 7 p. 100. Cependant, le prix du matériel ou du produit qui sera installé diminuera probablement. Les gens pourraient être tentés de recourir au travail au noir pour l'installation. Les consommateurs pourraient décider de choisir des kits à assembler soi-même puis embaucher quelqu'un pour les assembler et éviter d'avoir à payer la taxe de 15 p. 100 sur la main-d'oeuvre. Puisque la taxe passera de 7 à 15 p. 100, le Conseil économique des provinces de l'Atlantique a déclaré qu'il sera plus tentant de recourir au travail au noir.

 

  • (1520)
En troisième lieu, le conseil a abordé la question du financement, plus précisément la nécessité d'accroître les fonds de roulement. Les entreprises du Canada atlantique auront droit à un crédit de taxe complet sur leurs intrants et elles devront probablement accroître leurs fonds de roulement pour couvrir les coûts supplémentaires que représente la taxe. Il est particulièrement troublant de voir que la taxe de 15 p. 100 sera appliquée aux intrants provenant d'autres provinces du Canada.

Beaucoup d'entreprises du Canada atlantique se procurent une bonne partie, sinon la totalité, de leurs intrants dans d'autres régions du Canada, particulièrement en Ontario. Par conséquent, il leur faudra augmenter substantiellement leurs fonds de roulement. Pour leur part, les entreprises de l'Ontario et du Québec pourront financer leurs besoins en fonds de roulement à même les taxes prélevées, ce qui réduira d'autant leurs besoins de fonds.

Voici les engagements que j'ai obtenus des ministres. La ministre Stewart a notamment déclaré:

La question des liquidités des entreprises est importante. Comme vous le savez, elles paient leurs taxes puis remplissent leurs formulaires. Nous accordons un crédit de taxe sur les intrants ou nous payons le crédit de taxe. Il est capital que les entreprises se fient au fonctionnement du système de crédit de taxe sur les intrants et nous prenons la question très au sérieux.

Elle a ajouté:

Nous avons plusieurs stratégies à cet égard, y compris un accroissement du personnel pour mieux fournir les services. M. Burpee est le responsable de cette question au ministère. Je suis heureuse qu'il soit ici pour commenter directement nos nouvelles stratégies.

M. Mike Burpee, un employé du ministère du Revenu national, a déclaré:

Je conseille aux entreprises qui veulent obtenir leur remboursement le plus rapidement possible de nous contacter pour produire leurs déclarations par des moyens électroniques, ce qu'elles sont en mesure de faire, pour que nous puissions virer directement à leur compte leurs fonds ou leurs crédits.

Plus tard, la ministre Stewart a déclaré:

M. Burpee a mentionné quelques moyens que peuvent utiliser les déclarants pour abréger les délais qui, nous l'espérons, ne dépasseront pas trois semaines dans le cas des déclarations produites par des moyens électroniques ou autrement.

Le ministre des Finances, M. Paul Martin, a répondu ce qui suit aux mêmes questions:

Puisque nous abordons la question du point du vue des délais d'application, le ministre du Revenu national, Mme Stewart, a déclaré que le ministère accélérerait sensiblement l'application du programme de remboursement de la TPS. C'est, de loin, la meilleure chose que le gouvernement puisse faire.

Il y a autre chose. Premièrement, les entreprises peuvent faire des remises mensuelles, ce qui accélérera évidemment les choses. Les entreprises percevront 15 p.100, elles encaisseront la majeure partie des taxes de vente et garderont l'argent jusqu'à ce qu'elles effectuent leur dépôt. En fait, c'est à leur avantage.

Le ministre ajoute:

Je sais que la ministre Stewart examine d'autres programmes dans le but de résoudre le problème. Vous soulevez un problème réel et le gouvernement entend y trouver une solution le plus rapidement possible. Les entreprises peuvent, quant à elles, faire beaucoup pour atténuer le problème.

Je voudrais soulever un autre point qui concerne cette expérience démocratique qu'a constitué notre voyage dans les provinces de l'Atlantique et les rencontres qui nous ont permis d'écouter les gens. Le sénateur Kirby y a fait allusion dans son discours hier, lorsqu'il a fait rapport du projet de loi avec des propositions d'amendement. Ce projet de loi se rapporte à une taxe. Il aura des effets sur tous les Canadiens qui vivent dans les régions touchées par l'harmonisation des taxes de vente. Des détaillants, des fabricants, des consommateurs et des politiciens de toutes provenances nous ont fait part de leurs plaintes, de leurs préoccupations et de leurs inquiétudes, affirmant qu'ils n'avaient pas été consultés et qu'ils ne comprenaient pas ce qui se passait. Ils ne comprenaient pas le calendrier d'application ni les répercussions que la taxe aurait sur eux et ils avaient énormément de difficultés à se faire expliquer de façon précise, que ce soit par téléphone, par télécopieur ou dans leurs conversations avec des fonctionnaires, ce qui se passait exactement dans le cas de la taxe de vente harmonisée.

Le Sénat est prévenu. Il nous incombe, en tant qu'assemblée de réflexion, de mettre notre expérience à contribution et de prévenir le gouvernement qu'il ne doit pas espérer faire adopter aisément et rapidement un projet de loi bâclé, mal conçu et encore plus mal communiqué. Ce projet de loi nuit à l'image du Parlement et cause un mécontentement et des inquiétudes injustifiés dans la population canadienne.

 

Motions d'amendement

L'honorable Donald H. Oliver: En terminant, honorables sénateurs, je voudrais présenter deux propositions d'amendement du projet de loi. Le premier amendement concerne le remboursement de la taxe aux hôpitaux, collèges publics, municipalités et organismes sans but lucratif.

Je propose, appuyé par le sénateur Kinsella:

Que le projet de loi C-70 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 69:

a) par la suppression des lignes 36 à 39, page 91;

b) par la suppression des lignes 1 à 8, page 92;

c) par substitution, aux actuels numéros de paragraphes (2) à (12), des numéros de paragraphes (1) à(11) respectivement et par les changements de présentation des renvois qui en découlent.

Je propose également:

Que le projet de loi C-70 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié par la suppression de l'article 69.1, pages 95 à 98.

Je propose aussi, appuyé par le sénateur Kinsella:

Que le projet de loi C-70 ne soit pas lu une troisième fois maintenant, mais qu'on modifie l'article 149.1, page 164, en remplaçant la ligne 8 par ce qui suit:

«149.1 L'annexe VI de la même loi est modifiée par adjonction, après la partie X, de ce qui suit:

MATÉRIEL DE LECTURE

1. La fourniture des livres imprimés à l'exception des articles suivants ou des ouvrages constitués principalement des articles suivants:

a) journaux;

b) magazines et périodiques acquis autrement que par abonnement;

c) magazines et périodiques dont plus de 5% de l'espace imprimé est consacré à la publicité;

d) brochures et prospectus;

e) catalogues de produits, listes de prix et matériel publicitaire;

f) livrets de garantie et d'entretien et guides d'utilisation;

g) livres servant principalement à écrire;

h) livres à colorier et livres servant principalement à dessiner ou à recevoir des articles tels des coupures, images, pièces de monnaie, timbres ou autocollants;

i) livres à découper ou comportant des pièces à détacher;

j) programmes d'événements ou de spectacles;

k) agendas, calendriers, programmes de cours et horaires;

l) répertoires, assemblages de graphiques et assemblages de plans de rues ou de cartes routières, à l'exclusion des articles suivants:

(i) guides,

(ii) atlas constitués en tout ou en partie de cartes autres que des plans de rues ou des cartes routières;

m) tarifs;

n) assemblages de bleus, de patrons ou de pochoirs;

o) biens visés par règlement;

p) assemblages ou recueils d'articles visés à l'un des alinéas a) à o) et d'articles semblables.

149.2 (1) L'article 4 de l'annexe VII de la».

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Oliver, appuyé par l'honorable sénateur Kinsella, propose que le projet de loi C-70 ne soit pas lu une troisième fois maintenant, mais qu'on modifie l'article 69...

Des voix: Suffit!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il est entendu que toutes les motions d'amendement seront étudiées demain.

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, j'ai l'intention de passer outre aux parties du projet de loi C-70 qui portent sur les changements apportés à l'administration de la taxe fédérale sur les produits et services. Je crois comprendre que ce sont des changements souhaitables qui devraient avoir notre appui.

Ce n'est pas le cas des autres parties de ce projet de loi qui traitent de la taxe de vente harmonisée. Je suis allée la semaine dernière à St. John's et à Halifax avec le comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Durant ces audiences, j'ai été profondément frappée de voir à quel point les gens démunis qui sont nombreux dans la région de l'Atlantique s'inquiètent de l'incidence que va avoir la taxe de vente harmonisée sur leur vie.

 

  • (1530)
Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ne cessent de dire aux consommateurs que cette taxe n'aura aucune incidence sur les recettes, que l'augmentation du coût de certains produits sera compensée par une diminution du coût d'autres produits. Honorables sénateurs, comprenez que si c'est vrai, ce ne l'est qu'au niveau des taxes provinciales. Cette nouvelle taxe fera des gagnants. Elle sera terriblement avantageuse pour les entreprises et pour les consommateurs qui peuvent se permettre d'acheter des articles chers. Or, beaucoup de gens dans les provinces de l'Atlantique ne peuvent pas se permettre d'acheter une voiture, des appareils ménagers ou un manteau de fourrure le mois prochain.

À Terre-Neuve et au Labrador, ma province, 78 000 personnes dépendent de l'aide sociale pour leur survie, 18 000 autres et leurs familles dépendent de l'aide versée au titre de la LSPA, la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, et 54 000 autres dépendent de l'assurance-emploi. Plus de 150 000 personnes dans la province - 25 p. 100 de la population - n'ont aucun revenu disponible. L'aide versée au titre de la LSPA est sur le point d'être épuisée, ce qui fait que plus de gens vont dépendre de l'aide sociale. Les prestations d'assurance-emploi ont été réduites, malgré l'excédent massif qu'accuse le compte de l'assurance-emploi et la réduction de la période requise pour avoir droit aux prestations.

En outre, des milliers de personnes âgées vivent d'un revenu fixe, des milliers d'étudiants de revenus insuffisants et de prêts, et des milliers de familles vivent de revenus dérisoires, tirés souvent d'emplois à temps partiel, comme nous l'ont dit les témoins qui ont comparu devant nous.

Tous ces gens consacrent leur revenu aux nécessités de base, à l'essentiel. Ils n'ont pas de revenus discrétionnaires pour s'acheter des voitures, des manteaux de fourrure et des appareils ménagers. Quand je repense aux audiences du comité, je repense à cette vieille petite dame de Halifax dont parlait le sénateur Buchanan. Elle est restée assise là patiemment de 13 heures à 20 heures à écouter les témoignages, avant de finalement se voir accorder quelques minutes très brèves pour nous dire qu'elle n'avait tout simplement pas les moyens de payer plus pour son chauffage, son électricité, son transport et toutes les petites choses de la vie quotidienne.

Je pense à une autre femme qui travaille dans un restaurant Tim Horton à Halifax. Elle doit faire vivre ses enfants à même un très maigre salaire. Elle fait partie de ces milliers de Canadiens de l'Atlantique qui vivent d'une paie à l'autre, sans jamais s'offrir du superflu ou des petits plaisirs et même sans toujours s'offrir le nécessaire. Elle nous a dit qu'elle craignait vraiment ne plus pouvoir nourrir et vêtir ses deux fils lorsque la TVH entrera en vigueur.

Honorables sénateurs, comme bien d'autres, cette femme ne peut tout simplement pas payer 8 p. 100 de plus pour le chauffage, l'électricité, les vêtements et les souliers de ses enfants, les coupes de cheveux et toutes les autres dépenses essentielles et inévitables qu'elle doit faire de jour en jour et de mois en mois. Son budget familial ne lui laisse pas une marge de manoeuvre de 8 p. 100. La veille de la paye, elle n'a plus un sous. Où trouvera-t-elle cet argent supplémentaire? Il est impossible de lui dire que tout ira bien, qu'elle pourra compenser cette augmentation des coûts la prochaine fois qu'elle achètera une automobile ou une nouvelle cuisinière. Elle ne peut pas s'offrir une nouvelle automobile, une cuisinière ou un autre de ces appareils qui équilibreront les choses, selon le gouvernement. La seule évidence pour elle, c'est que le coût de tous les biens et services qu'elle doit se procurer pour vivre augmentera. À cause de cette augmentation, ses enfants auront moins de nourriture, moins de vêtements et elle ne pourra jamais économiser pour faire le versement initial sur une nouvelle automobile ou une cuisinière.

Si sa plomberie fait défaut ou si sa cuisinière doit être réparée, qu'adviendra-t-il? Elle ne pourra pas payer les réparations, car, dorénavant, ces services coûteront aussi 8 p. 100 de plus.

Voilà le genre de contribuables qui fourniront au gouvernement la majeure des parties des recettes provenant de la taxe de vente harmonisée. Je crois que vous devriez tenir compte de leurs priorités, honorables sénateurs. Ils se fichent pas mal des questions qui ont tant préoccupé le comité et le gouvernement durant l'étude de ce projet de loi. Peu leur importe, par exemple, que la taxe soit incluse dans le prix.

Je sais que les honorables sénateurs ont vu un sondage du ministère des Finances qui révèle que 72 p. 100 des Canadiens de la région de l'Atlantique sont en faveur du prix incluant la taxe. Voici la question qu'on leur a posée: en supposant que cette taxe soit instaurée, croyez-vous qu'il vaudrait mieux l'inclure dans le prix ou l'afficher séparément? Essayez de poser à la dame qui travaille quatre heures et demie par jour chez Tim Horton la vraie question. Est-ce qu'elle veut de la taxe? Je vous garantis qu'elle va vous donner une réponse passablement différente, tout comme la grande majorité de ses concitoyens des provinces de l'Alantique.

Ce témoin n'était certainement pas unique. Le comité a entendu de nombreuses autres personnes qui ont exprimé les mêmes inquiétudes. À St. John's, nous avons entendu une présentation conjointe de la «Coalition for Equality», du «Group Against Poverty» et de l'Organisation nationale anti-pauvreté. Voici ce qu'on nous a dit:

Maintenant, les habitants de Terre-Neuve vont avoir une nouvelle taxe à la consommation qui va frapper les personnes à faible revenu, mais notre ministre des Finances nous dit que la grande majorité des familles, dans toutes les catégories de revenus, vont payer moins de taxes. Ce n'est vrai que si vous avez de l'argent à disposer, ce qui n'est pas le cas de ceux qui ont des revenus fixes, comme les pensionnés, les assistés sociaux, les chômeurs et les travailleurs à faible revenu.

Tous ces gens seront frappés par la taxe de vente harmonisée, parce que nous n'achetons pas beaucoup d'articles dont le taux de taxation va baisser... La nouvelle taxe de 8 p. 100 sur le mazout, l'électricité, les transports, l'essence et les vêtements pour enfants représente une dépense considérable pour ceux qui vivent d'un petit revenu fixe. Il est extrêmement injuste d'imposer cette taxe qui va encore appauvrir les plus pauvres de notre province.

Les représentants de Terre-Neuve et du Labrador de la Fédération canadienne des étudiants nous disaient qu'ils étaient inquiets de l'augmentation de la taxe sur le chauffage, l'électricité, les livres et autres choses essentielles. Ils sont particulièrement inquiets des effets de la taxe sur les étudiants ayant de jeunes enfants. Ils craignent aussi que cela n'amène une nouvelle augmentation des frais de scolarité. Les frais d'exploitation de l'Université Memorial devraient augmenter de 750 000 $ par année. En raison de la TVH, l'université Memorial devra donc débourser trois quarts de million de plus, de l'argent qu'elle devra trouver quelque part, et je n'ai pas besoin de vous dire où. Ce sera la même chose pour les autres établissements d'enseignement de la région de l'Atlantique.

 

  • (1540)
De nombreux étudiants sont locataires et craignent que leur loyer augmente en raison de la TVH. C'est la crainte de nombreuses personnes à faible revenu. Elles ont d'ailleurs de bonnes raisons de s'inquiéter. À Halifax, nous avons entendu des représentants des «Investment Property Owners of Nova Scotia» qui nous ont dit qu'ils devraient économiser sur l'entretien ou augmenter les loyers. Ils nous ont dit:

Les locataires vont connaître une baisse de qualité de leur logement pour le prix qu'ils payaient avant la taxe de vente harmonisée [...] Quel que soit le montant, le coût du loyer va augmenter. Dans certains cas, cependant, les locataires ne peuvent pas supporter d'augmentation de loyer, il leur faudra donc déménager dans des logements moins coûteux.

Que fait-on de ces gens à faible revenu qui possèdent leur propre maison? De plus en plus de ces personnes âgées font cela. Va-t-on les épargner dans le cas présent? Il semble que non. La TVH va également entraîner pour les municipalités des augmentations de coûts importantes qu'elles devront refiler aux citoyens. Ainsi, les représentants de la ville de Windsor, en Nouvelle-Écosse, ont dit au comité:

Toutes les municipalités paieront des millions de dollars d'impôts supplémentaires à la province. Cela va entraîner une augmentation plus marquée des impôts fonciers juste pour maintenir le même niveau de service que l'année dernière.

Honorables sénateurs, la plupart des personnes âgées ont un revenu fixe. Elles ont très peur des répercussions de la TVH sur leur pouvoir d'achat. Voyez ce qu'avait à dire la division de la Nouvelle-Écosse des pensionnés canadiens:

Plus de 50 p. 100 des personnes âgées ont un revenu brut inférieur à 24 000 $ par année par foyer [...] Parmi les principales craintes exprimées par les personnes âgées, il y a l'effet de cette taxe sur les biens essentiels comme le carburant, l'électricité et le transport [...] Les personnes âgées se sont également dites inquiètes des répercussions de la TVH sur ce qui leur en coûte pour se loger [...] Elles craignent une augmentation des tarifs postaux, du coût des vêtements et des chaussures valant moins de 94 $, des dépenses funéraires, [...] et des coûts des services de soins à domicile [...] Même des services comme la préparation des déclarations de revenus et des testaments vont coûter davantage à la suite de l'application de la TVH.

Honorables sénateurs, face à ces très graves craintes et préoccupations des gens à faible revenu de la région de l'Atlantique, les ministres fédéral et provinciaux ne cessent de nous donner des garanties. Ils nous disent de ne pas nous inquiéter. Ils affirment que la taxe supplémentaire sur certains articles sera contrebalancée par une baisse des taxes sur d'autres. Ils disent qu'on va indemniser les pauvres. À Terre-Neuve et au Labrador, notre ministre des Finances, Paul Dicks, a dit qu'on allait annoncer dans le budget provincial un certain allégement du fardeau de la taxe de vente harmonisée pour les gens à faible revenu. Nous ignorons encore en quoi cette aide va consister. On ne nous l'a pas précisé par écrit.

Lorsque le comité était à Halifax, le chef de l'opposition, John Hamm, nous a dit que la province était en train d'établir un programme d'aide de 8 millions de dollars pour les pauvres. Cependant, il nous a également précisé que selon les rapports mêmes de la province, la TVH fera en sorte que les habitants de la Nouvelle-Écosse paient 84 millions de dollars de plus en taxes de vente. Cette aide de 8 millions de dollars est bien insuffisante. M. Hamm a conclu ainsi:

En fin de compte, les gens à revenus moyen et faible de la Nouvelle-Écosse qui n'ont aucun revenu discrétionnaire ou presque seront floués par la TVH. Il ne leur reste pas beaucoup d'argent une fois qu'ils ont chauffé leur maison, mis de l'essence dans leur automobile, ou habillé leurs enfants. Ils auront encore beaucoup moins d'argent disponible après le 1er avril, si le Sénat approuve la TVH.

Les consommateurs vont payer 84 millions de dollars par année en taxes de vente avec la TVH. Pourtant, le gouvernement provincial dit qu'il va perdre 100 millions de dollars par année en recettes avec cette taxe. À Terre-Neuve et au Labrador, le gouvernement affirme qu'il perdra 105 millions de dollars par année, tous les ans. Je n'ai pas vu les chiffres pour le Nouveau-Brunswick, mais je suppose qu'ils sont pratiquement les mêmes, soit une perte d'environ 100 millions de dollars par année. Cela représente 305 millions de dollars en pertes de revenus chaque année pour les trois provinces. Bien entendu, c'est pourquoi le gouvernement fédéral a versé 761 millions de dollars à ces provinces pour les encourager à harmoniser leur taxe avec la TPS.

Cependant, si les provinces perdent des recettes, pourquoi les consommateurs vont-ils devoir payer davantage à partir du 1er avril? Il semble qu'il y ait une réponse simple à cela. Le Conseil économique des provinces de l'Atlantique a estimé que les entreprises de ces trois provinces vont payer 581 millions de dollars de moins par année en taxes de vente à la suite de l'adoption de la TVH. Elles vont largement en profiter. Ensuite, la différence entre le gain pour les entreprises et les pertes de 305 millions de dollars pour les provinces s'élève à 276 millions de dollars par année. Cela représente l'augmentation du fardeau fiscal que les consommateurs de la région de l'Atlantique devront supporter à la suite de l'adoption de la TVH. Qui croyez-vous sera le plus touché par ces coûts supplémentaires? Il est évident que ce sont les habitants à faible revenu de la région de l'Atlantique. C'est pourquoi, honorables sénateurs, je ne peux tout simplement pas me résigner à appuyer ce projet de loi.

J'aimerais vous quitter sur une brève citation. Elle est tirée du mémoire que Phyllis et Ellen Cottreau de Yarmouth, en Nouvelle-Écosse, ont envoyé au comité. Elles disent ceci:

Nous nous opposons à ce que la TVH soit appliquée aux produits de première nécessité [...] Nous n'en avons tout simplement pas les moyens. Mais regardez la réalité en face!

Je crois qu'elles parlent au nom de bien des gens de la région de l'Atlantique.

Motion d'amendement

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, à la lumière des propos que j'ai entendus, j'aimerais présenter cet amendement. Je propose:

Que le projet de loi C-70 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié par adjonction, après la ligne 41, page 365, de ce qui suit:

«269.1(1) Le passage du paragraphe 122.5(3) de la même loi précédant l'alinéa a) est remplacé par ce qui suit:

(3) Lorsqu'une déclaration de revenu (sauf celle produite en application du paragraphe 70(2), de l'alinéa 104(23)d ou 128(2)e) ou du paragraphe 150(4), est produite en vertu de la présente partie pour une année d'imposition relativement à un particulier admissible résidant dans une province non participante au sens du paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise et que celui-ci en fait la demande par écrit, est réputé être un montant payé par le particulier au titre de son impôt payable en vertu de la présente partie pour l'année, au cours de chacun des mois déterminés de cette année selon le paragraphe (4), le quart de l'excédent éventuel du total des montants suivants:

(2) La même loi est modifiée par adjonction, après le paragraphe 122.5(3), de ce qui suit:

(3.1) Lorsqu'une déclaration de revenu (sauf celle produite en application du paragraphe 70(2), de l'alinéa 104(23)d) ou 128(2)e) ou du paragraphe 150(4) est produite en vertu de la présente partie pour une année d'imposition relativement à un particulier admissible résidant dans une province participante au sens du paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise et que celui-ci en fait la demande par écrit, est réputé être un montant payé par le particulier au titre de son impôt payable en vertu de la présente partie pour l'année, au cours de chacun des mois déterminés de cette année selon le paragraphe (4), le quart de l'excédent éventuel du total des montants suivants:

a) 407 $;

b) 407 $ pour le proche admissible du particulier pour l'année;

c) 407 $, si le particulier n'a pas de proche admissible pour l'année et s'il a le droit de déduire un montant pour l'année prévue au paragraphe

181(1), par application de l'alinéa 118(1)b), pour une personne à charge admissible pour l'année;

d) le produit obtenu en multipliant 214 $ par le nombre de personnes à charge admissibles du particulier pour l'année, à l'exclusion d'une telle personne pour laquelle un montant est inclus par application de l'alinéa c) dans le calcul d'un montant réputé payé pour l'année en application du présent paragraphe;

e) si le particulier n'a pas de proche admissible pour l'année, le moins élevé des montants suivants :

(i) 214 $,

(ii) 4,3 p. 100 de l'excédent éventuel du revenu du particulier pour l'année sur le montant calculé pour l'année pour l'application de l'alinéa 118(1)c),

sur:

(f) 5 p. 100 de l'excédent éventuel du revenu rajusté du particulier pour l'année sur 25 921 $.»

  • (1550)
Son Honneur le Président: Il est proposé par l'honorable sénateur Cochrane, appuyé par l'honorable sénateur Simard, que le projet de loi C-70 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié...

Une voix: Suffit!

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Je voudrais revenir à la motion d'amendement que j'ai présentée au sujet des livres. Il y a une autre motion d'amendement que j'aurais dû lire et qui se lit comme suit:

Que le projet de loi C-70 ne soit pas maintenant lu pour une troisième fois, mais qu'il soit modifié par suppression de l'article 69.1, aux pages 95 à 98.

Cela fait partie de la motion d'amendement portant sur les livres.

Son Honneur le Président: S'il en fait partie, il n'est donc pas nécessaire de le présenter de nouveau. Nous l'accepterons comme une partie de la motion d'amendement. Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, au cours du débat en deuxième lecture sur le projet de loi C-70, j'ai dit que j'étais optimiste de pouvoir traiter de façon plus positive des dispositions de ce projet de loi en troisième lecture. Je comptais alors sur la certitude que, une fois que les membres du comité sénatorial permanent des banques et du commerce auraient eu l'occasion d'écouter les Canadiens de la région de l'Atlantique les plus directement touchés par ce projet de loi, ces sénateurs entendraient les mêmes craintes et les mêmes préoccupations que celles que j'entends moi-même depuis de nombreux mois au Nouveau-Brunswick.

Les témoins qui ont comparu devant le comité ont fait un excellent travail en décrivant les véritables conséquences qu'aura la TVH sur les entreprises et les habitants de la région de l'Atlantique. C'est justement parce que tant de groupes et de personnes se sont chargés d'expliquer en détail les véritables effets de la TVH que le comité recommande d'apporter des améliorations au projet de loi.

La recommandation, par le comité, d'apporter des améliorations au projet de loi constitue une victoire pour ces témoins et les partisans qui se sont efforcés d'aider les sénateurs à comprendre les conséquences sérieuses qu'aura ce projet de loi assez complexe. Par leur comparution devant le comité, ils ont également aidé d'autres Néo-Brunswickois, Néo-Écossais et Terre-Neuviens à en comprendre eux aussi les conséquences.

Il s'agit là également d'une victoire pour le «système». Ce matin, un pharmacien de Moncton a appelé à mon bureau et m'a dit, au sujet du report des dispositions concernant l'inclusion de la taxe dans les prix: «Cela prouve que le système fonctionne vraiment, Brenda, et que le Sénat exerce bel et bien une fonction importante.»

Je suis très heureuse pour tous les consommateurs et toutes les entreprises de la région de l'Atlantique auxquels les dispositions de la TVH concernant l'inclusion de la taxe dans les prix auraient causé du tort. Si la recommandation du comité est adoptée, ces dispositions discriminatoires et déroutantes auront effectivement été supprimées du projet de loi, ce qui est une très bonne nouvelle. Cependant, honorables sénateurs, j'ai d'autres préoccupations au sujet de la TVH, notamment son effet préjudiciable sur les personnes et les familles à faible revenu.

L'arrivée de la TVH aura assurément une incidence négative sur le segment le plus vulnérable de la population de la région de l'Atlantique, c'est-à-dire les assistés sociaux, les chômeurs, les travailleurs saisonniers, les personnes qui doivent pouvoir compter sur l'assurance-chômage une partie de l'année, celles qui gagnent le salaire minimum, un peu plus ou un peu moins, les aînés et les personnes handicapées qui ont un revenu fixe ou qui touchent une pension. Ceux d'entre nous qui viennent de la région de l'Atlantique savent qu'il y a beaucoup de gens qui entrent dans ces catégories chez nous.

Ce fait a d'ailleurs été corroboré par diverses études, selon lesquelles les groupes à faible revenu seront durement éprouvés par la TVH, car celle-ci fera augmenter le prix des biens de première nécessité, tels que l'électricité, l'huile de chauffage, les vêtements et chaussures dont le prix unitaire est inférieur à 100 $, l'autobus, les couches, les voitures d'occasion vendues par des particuliers. La liste est longue.

Le même document de source gouvernementale nous apprend que, dans certaines catégories de dépenses où la TVH sera inférieure à la taxe payée précédemment, les ménages à revenu supérieur vivant dans la région peuvent s'attendre à économiser 25 fois plus - c'est peut-être ce qui fait sourire le sénateur Stewart - que les personnes à faible revenu.

Honorables sénateurs, pour bien saisir l'impact que la TVH aura sur le Nouveau-Brunswick, il faut tenir compte de la réalité sociale et économique de la province. Sur une population totale d'à peine 762 000 personnes, selon le dernier recensement, nous avons, au Nouveau-Brunswick plus de 70 000 de nos concitoyens qui vivent de l'assistance sociale, plus de 46 000 prestataires d'assurance-emploi et environ 100 000 personnes qui en font la demande tous les ans, ainsi que 33 000 enfants qui vivent dans la pauvreté. Sans oublier les quelque 96 000 aînés qui vivent au Nouveau-Brunswick, qui touchent pour la plupart une petite pension, généralement laSV et le SRG.

Même s'il est difficile d'obtenir des données sur les travailleurs à très faible revenu, il ressort d'une étude datant d'il y a deux ans que 6,9 p. 100 des Néo-Brunswickois qui avaient travaillé cette année-là gagnaient le salaire minimum, c'est-à-dire entre 4,50 $ et 4,75 $ l'heure dans le temps, tandis que plus de 14 p. 100 de la population gagnait 6 $ l'heure.

Honorables sénateurs, au cours des trois dernières années, la rémunération hebdomadaire moyenne n'a augmenté que de 4,08 $ au Nouveau-Brunswick, comparativement à 26,62 $ pour l'ensemble du Canada.

La réalité, au Nouveau-Brunswick est la suivante: chômage élevé, nombreux prestataires d'assistance sociale et d'assurance-emploi, beaucoup trop de petits salariés et une croissance lamentable de la rémunération hebdomadaire.

Le ministre des Finances du Nouveau-Brunswick a admis que le pourcentage de la population pouvant être durement touchée par la TVH pourrait atteindre 20 p. 100. Honorables sénateurs, ce pourcentage que le ministre a lancé comme ça, en passant, correspond à environ 160 000 personnes. Ce que le ministre dit en fait, c'est que les familles et les personnes pauvres vont faire les frais de l'harmonisation.

Il est vrai que le taux de chômage n'est pas aussi terrible chez nous qu'ailleurs dans la région de l'Atlantique, où l'incidence de la TVH sera encore plus dévastatrice. Cela me préoccupe beaucoup, comme cela devrait d'ailleurs préoccuper tous les sénateurs, et plus particulièrement ceux qui viennent du Nouveau Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve. Nos concitoyens de ces trois provinces vont voir de quel côté vous avez voté sur ces importantes questions. Ils vont savoir aussi qui a décidé, à l'autre endroit, qu'ils devaient être encore plus durement touchés.

David Amirault, du Conseil économique des provinces de l'Atlantique - certains sénateurs du Canada atlantique connaissent David -, qui est particulièrement sévère quand il parle de l'effet de la TVH sur les familles à faibles revenus, déclare ce qui suit:

L'analyse de l'impact de la TVH fait nettement ressortir que les consommateurs à faibles revenus se feront arnaqués, puisque de nombreuses hausses de prix toucheront des biens essentiels.

Bernard Valcourt, chef du Parti conservateur du Nouveau-Brunswick, a fait paraître une analyse détaillée qui a été réalisée à l'aide de données sur les dépenses familiales de Statistique Canada et qui montre clairement que les familles dont le revenu se situe sous la barre des 30 000 $ seront lésées par cette taxe.

Il est intéressant de noter que le montant de 30 000 $ est justement celui que le gouvernement fédéral utilise aux fins du remboursement de la TPS. Nous demandons simplement au gouvernement fédéral d'exercer des pressions quelconques sur les provinces, par le biais de cet amendement, pour avoir un remboursement de l'autre partie de la taxe harmonisée. Voilà tout.

Le gouvernement du premier ministre McKenna a réagi par une prétendue réduction de l'impôt sur le revenu et une initiative visant à éliminer la pauvreté chez les enfants. La réduction de l'impôt sur le revenu est simplement un transfert des taxes provinciales de l'impôt sur le revenu à la taxe sur la consommation. La Nouvelle-Écosse a adopté une mesure similaire. C'est une mesure intéressante. Ce gouvernement a été assez honnête pour dire clairement ce qu'il faisait. On ne peut en dire autant pour celui du Nouveau-Brunswick.

 

  • (1600)
L'initiative provinciale pour éliminer la pauvreté chez les enfants est peut-être un pas dans la bonne direction, mais ce n'est qu'un pas. Le gouvernement fédéral devait, dès le départ, remplacer l'ancienne allocation familiale par un supplément du revenu pour les travailleurs démunis. Il ne devait jamais la remplacer par un remboursement d'une taxe à acquitter sur les produits essentiels.

J'ajouterai que, même si d'autres enfants canadiens bénéficieront de l'augmentation de la prestation fiscale pour enfant, ce ne sera pas le cas pour nos enfants, parce que l'augmentation sera plus qu'annulée par cette nouvelle taxe sur les biens essentiels. Encore une fois, on semble considérer les Canadiens de l'Atlantique comme des citoyens de seconde classe.

Ceux qui soutiennent que la TVH ne lésera pas les habitants du Nouveau-Brunswick se fient à des modèles et des hypothèses fantaisistes. Selon un modèle, il en coûterait 600 $ pour chauffer un foyer typique du Nouveau-Brunswick. Je me demande bien dans quel coin de la province cela est possible, parce que les faits indiquent que ce montant ne suffit pas du tout. Il permettrait peut-être de chauffer une maison de moyenne dimension pendant six mois.

On soutient également qu'une grande partie de l'avantage que présente la TVH se concrétisera lorsque les entreprises et les détaillants feront bénéficier les consommateurs des économies réalisées grâce aux crédits d'impôt pour intrants. Cette hypothèse est sérieusement remise en question par ceux qui affirment qu'après des années de minces profits, peu d'entreprises seront en mesure de partager des économies.

Je dois m'opposer à l'idée voulant que le gouvernement du Nouveau-Brunswick ait pris des mesures qui compenseront les effets nuisibles de la TVH sur les démunis. Même si le gouvernement a adopté certaines mesures visant à augmenter la prestation fiscale pour enfants et le supplément du revenu gagné, je ferai remarquer que ces mesures sont loin de représenter une compensation satisfaisante pour les effets nuisibles que la TVH aura sur les habitants du Nouveau-Brunswick qui ont de faibles revenus. Ces mesures ne devaient pas être considérées comme une réaction à ce qui est réellement une hausse fiscale de 8 p. 100 sur les produits essentiels.

Honorables sénateurs, j'appuie l'amendement parce que les mesures prises au Nouveau-Brunswick pour réagir à la TVH sont extrêmement timides. Le ministre des Finances de la province a admis que les démunis - ou 20 p. 100 de la population, apparemment - ne parviendront pas à joindre les deux bouts. Quand 160 000 personnes sont dans la misère, on peut dire que c'est un grand nombre de personnes à qui la taxe fait du tort.

Honorables sénateurs, le gouvernement fédéral peut prendre les mesures qu'il faut pour corriger une injustice à l'égard des habitants à faibles revenus du Nouveau-Brunswick et du Canada atlantique.

Les membres du comité ont soutenu que la question relevait de la compétence des provinces et que le Sénat n'avait aucune responsabilité à cet égard. À mon avis, il y a des mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre. Il pourrait insister pour que le cadeau d'un peu moins d'un milliard de dollars qu'il fait aux trois provinces, afin de les aider à appliquer cette mesure législative, serve à rembourser la partie provinciale de la taxe harmonisée. Personne ne dit mot sur cette question.

Honorables sénateurs, nos concitoyens seront lésés et nous devons faire quelque chose pour les aider. Nous devons prévoir un remboursement de la partie provinciale de la taxe harmonisée, sans quoi trop de gens seront lésés de nouveau et nous serons responsables.

J'appuie l'amendement en espérant que d'autres honorables sénateurs l'appuieront également.

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-70. Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais souligner que j'apprécie le travail du comité et les audiences qu'il a tenues à Ottawa et dans la région de l'Atlantique.

À titre de sénateur canadien et de membre du caucus de la région atlantique, j'apprécie le fait que le comité ait écouté les Canadiens de ma région.

Honorables sénateurs, vous avez déjà entendu le sénateur Cochrane, qui vous a fait part des préoccupations des résidants de Terre-Neuve et du Labrador. Vous avez aussi entendu le sénateur Robertson, qui vous a fait part des préoccupations des résidants du Nouveau-Brunswick. Mes remarques auront une portée quelque peu différente, car elles traitent des préoccupations de toute la population du Canada atlantique.

Je veux prendre quelques instants pour formuler des observations sur cette question et sur d'autres dossiers parlementaires récents, tant en qualité de résidante du Nouveau-Brunswick que de Canadienne de la région atlantique. J'ose espérer que les sénateurs d'en face, ainsi qu'un bon nombre de députés de l'autre endroit, réfléchiront à l'objet de mes préoccupations.

Le Sénat est une chambre de réflexion, un endroit où l'on peut procéder à un examen plus poussé des mesures législatives. C'est un endroit où, comme certains l'ont dit, les projets de loi peuvent mijoter pendant un bout de temps avec une pincée de ceci et de cela, afin d'en améliorer la teneur.

Il me semble que les sénateurs doivent maintenant s'occuper de toute la cuisson. On nous soumet des mesures législatives de qualité inférieure, notamment le projet de loi C-70, qui n'est certainement pas de première qualité.

Nous nous sommes aussi vu confier d'autres dossiers qui semblaient n'avoir fait l'objet d'aucun véritable examen législatif avant d'arriver ici. Je ne connais pas la cause de ce manque d'attention aux détails fondamentaux, mais tout cela est inquiétant.

Il en est peut-être ainsi parce que les partis d'opposition à l'autre endroit ne se préoccupent pas du travail quelque peu monotone des comités et ne cherchent pas vraiment à améliorer les projets de loi. Peut-être l'opposition est-elle trop occupée pour s'assurer que les Canadiens ne sont pas pénalisés par des mesures législatives mal rédigées.

Si nous n'avions pas eu la chance de faire valoir nos arguments aux sénateurs libéraux et d'entendre les résidants du Canada atlantique, c'est-à-dire ceux qui sont touchés, les sénateurs libéraux n'auraient pas vu l'erreur dans le projet de loi et dans la façon dont celui-ci était structuré.

Grâce au travail de nos représentants au sein du comité, les sénateurs libéraux se sont rendu compte qu'un amendement était nécessaire. Ils ont convenu que le prix incluant la taxe occasionnerait des coûts aux détaillants et qu'il fallait que ces coûts soient refilés aux consommateurs.

Des détaillants sont venus nous dire lors d'une réunion de comité - et j'imagine qu'ils ont aussi comparu devant le caucus libéral - ce qu'il leur en coûterait. Le catalogage, l'établissement des prix, les changements de prix d'une région du Canada à l'autre, tout cela allait leur coûter des millions de dollars. Certaines compagnies ont dit, comme on l'a mentionné aujourd'hui que l'inclusion de la taxe dans le prix coûterait trop cher et qu'elles allaient devoir fermer boutique dans le Canada atlantique.

Les sénateurs libéraux sont maintenant d'accord que la situation dans la région de l'Atlantique aurait mené à une fragmentation du marché canadien, à un moment où nous essayons d'imposer moins de barrières internes au commerce. Dans sa forme non amendée, la mesure proposée à l'origine par les libéraux aurait eu pour effet de balkaniser le Canada atlantique. On vient tout juste de décider de construire un pont pour relier l'Île-du-Prince-Édouard à la terre ferme et le gouvernement voudrait encore une fois laisser aller le Canada atlantique à la dérive et se débrouiller tout seul.

D'où vient une telle idée? Vient-elle du premier ministre ou de Sheila Copps? Cette idée visait-elle à faire croire à la population de la région atlantique que les libéraux avaient tenu leur promesse d'éliminer la TPS?

On aurait espéré que le gouvernement, même s'il s'en tire à très bon compte dans l'autre endroit, prête une oreille attentive aux préoccupations formulées par les membres de son propre caucus. Après tout, certains libéraux de la région atlantique ont sûrement dû aborder cette question avant que le projet de loi ne soit déposé.

Les Canadiens espéraient que les membres du gouvernement se fassent entendre au sein du caucus, afin de faire en sorte que le gouvernement adopte des mesures législatives qui favorisent l'intérêt public. Malheureusement, honorables sénateurs, cela ne s'est pas produit.

 

  • (1610)
En écoutant le sénateur Buchanan aujourd'hui, je me suis rappelé tous les efforts que nous avons déployés pour convaincre les partisans du Parti libéral, y compris les sénateurs libéraux, que le règlement de l'assurance-emploi allait causer du tort aux Canadiens de la région de l'Atlantique. Les députés libéraux de la région n'ont pas tenu compte des inquiétudes exprimées par Elsie Wayne à ce sujet, et le gouvernement libéral a tâché de ne pas tenir compte des efforts du sénateur Buchanan et du reste du caucus de l'Atlantique dans l'affaire de la TVH jusqu'à ce qu'il se rende compte que nous avions raison. Pourquoi lui faut-il si longtemps avant de finir par faire ce qui s'impose? Pourquoi nous revient-il à nous d'examiner les moindres détails d'une loi qui aura de profondes répercussions sur la santé économique de tous les Canadiens? Il n'était sûrement pas prévu que nous aurions pour tâche de mettre les points sur les i dans les projets de loi du gouvernement. Nous, au Sénat, n'étions sûrement pas censés devoir faire le travail des membres élus du Parlement. Nous sommes appelés de plus en plus à défendre non seulement les intérêts constitutionnels des Canadiens, ainsi que le veut la tradition de notre institution, mais aussi des intérêts économiques concrets.

L'Association des consommateurs du Canada nous a dit qu'il y avait une différence entre ce que les consommateurs disent vouloir et ce qu'ils sont disposés à payer. Elle a recommandé de supprimer de ce projet de loi libéral les dispositions concernant l'inclusion de la taxe dans les prix, car le coût de cette inclusion serait extrêmement élevé.

Nous, au Sénat, sommes censés examiner les choses attentivement. La nouvelle expression «principe de la prévention» est censée être très importante en l'occurrence. Il nous a incombé, ici au Sénat, de veiller à ce que les régions ne soient pas oubliées et à ce que le gouvernement ne passe pas outre aux intérêts des Canadiens.

S'il avait été adopté sans amendement, le projet de loi aurait rendu un mauvais service aux Canadiens de l'Atlantique. Qu'ont donc fait les députés de l'Atlantique, comme l'a demandé le sénateur Buchanan, à propos de cette question et à propos de l'assurance-emploi? Les députés de l'Atlantique n'ont-ils pas étudié le projet de loi, ou bien est-ce qu'ils ne disent pas la vérité? Ils ont voté en faveur du projet de loi en trois occasions distinctes. Ils l'ont étudié en comité. Ils ont entendu des témoins signaler exactement les mêmes problèmes que ceux dont nous parlons. Ils ont peur de déplaire à Mme Copps et au premier ministre. Tant que nous n'aurons pas plus de députés d'opposition de la région de l'Atlantique, il nous incombera d'effectuer ce travail législatif de base.

Je remercie encore une fois tous les honorables sénateurs des efforts extraordinaires qu'ils ont déployés pour faire en sorte qu'on tienne compte de l'opinion des Canadiens de l'Atlantique et qu'un projet de loi qui aurait dû être amendé il y a longtemps reçoive enfin toute l'attention voulue.

Je trouve inquiétant que les sénateurs libéraux n'aient pas accepté plusieurs changements au projet de loi. Toutefois, compte tenu de leurs actions passées, je suis convaincue que, lorsque viendra le moment de nous prononcer sur les amendements, ils sauront revenir à la raison en tenant compte peut-être des besoins politiques de leur parti sinon des intérêts des Canadiens de l'Atlantique.

[Français]

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, étant donné que je suis intervenu la semaine dernière à l'étape de la deuxième lecture, je ne prendrai que quelques minutes pour vous expliquer ma position. Comme mes collègues l'ont fait, je félicite les sénateurs libéraux siégeant au comité et plus particulièrement le sénateur Kirby, le président du comité. S'il enlevait son chapeau libéral plus souvent, il ferait honneur au Parti libéral et au Sénat, et cela pourrait déboucher sur une législation améliorée.

Il y a 15 jours, nous avons reçu un projet de loi contenant 400 pages, 300 amendements touchant 4 projets de loi. La Chambre des communes, après que les fonctionnaires eurent fait leur travail, a daigné accepter 100 autres modifications et plus. Lors de notre visite dans les provinces de l'Atlantique la semaine dernière, nous avons découvert que les citoyens n'étaient pas au courant de ces modifications. Nous avons entendu 200 groupes et individus, et grâce aux interviews donnés par le sénateur Kirby à la presse et aux médias électroniques, les citoyens ont réalisé la portée de ce projet de loi odieux, mal conçu et qui pénalisera bêtement les citoyens à revenu moyen et les plus démunis, même si les quatre amendements que nous avons proposés aujourd'hui sont acceptés.

Je ne vais pas répéter tous les arguments en faveur de ces amendements que mes collègues ont présentés. Comme je le disais la semaine dernière, si nous pouvions trouver un ou deux sénateurs libéraux de la région de l'Atlantique pour s'allier à nous pour améliorer ce projet de loi, nous aurions fait un bon travail et pourrions retarder au-delà du 1er avril la date d'entrée en vigueur de ce projet de loi bâtard. Je ne fais pas uniquement appel aux sénateurs libéraux de la région de l'Atlantique mais aux sénateurs libéraux indépendants du Québec, de l'Ontario et des autres provinces. Je leur demande de considérer les amendements déposés aujourd'hui et d'appuyer l'amendement proposé par le comité éliminant ce deuxième système d'étiquetage des produits.

Hier, à la télévision, le sénateur Kirby a admis que les sénateurs libéraux avaient été coincés par les sénateurs progressistes-conservateurs. J'aimerais que le sénateur Kirby dise à son collègue Paul Zeb, député de Fundy-Royal, que ce n'est pas lui et son ami qui ont convaincu le ministre des Finances, Paul Martin, il y a six mois au restaurant parlementaire. On sait que M. Martin, lors de sa comparution devant le comité lundi dernier, a admis qu'il n'était pas en faveur de la taxe cachée pour cette région de l'Atlantique.

(1620)

J'aimerais que le sénateur Kirby fasse le message àPaul Zeb que c'est grâce aux efforts des sénateurs progressistes-conservateurs si M. Martin a été amené à changer d'idée et à reporter l'application de ce deuxième système d'étiquetage. On a donné les raisons pour lesquelles on s'opposait de même que celles des détaillants, des grossistes et des manufacturiers. Nous avons vérifié. Cela a été confirmé par le fédéral et les provinces que le coût d'application de ce système bâtard pour 8 p. 100 des Canadiens vivant en Atlantique, surtout les plus démunis des consommateurs, aurait coûté 150 millions la première année et 75 millions au moins annuellement par la suite.

Je félicite les sénateurs libéraux d'avoir pris le temps de réfléchir aux conditions précaires des gens de l'Atlantique. Cela ne leur arrive pas souvent. Au cours de la dernière semaine, grâce à nos efforts, la galerie de la presse nationale s'est réveillée et a constaté la portée de l'application de cette taxe néfaste en Atlantique et dans les autres régions du pays. Je les félicite ainsi que mes collègues d'avoir sensibilisé et réveillé une autre fois la presse nationale.

[Traduction]

 

  • (1620)
Ces deux millions de Canadiens qui habitent dans la région de l'Atlantique n'ont pas été bernés par la stratégie du gouvernement libéral. On nous a rappelé ces derniers jours que, en juin ou juillet dernier, le gouvernement avait fait trois chèques totalisant 1 milliard de dollars à ces trois gouvernements libéraux. Il n'y a rien de mal là-dedans, mais les Canadiens de cette région ne sont pas dupes. Le gouvernement a fait ces chèques en juin ou en juillet. Mais il a attendu jusqu'à il y a deux mois pour présenter à la Chambre ce projet de loi complexe qui fait 400 pages et il n'a donné que deux jours aux Communes pour l'étudier. Il a refusé que le comité se rende dans les régions, refusant du même coup d'entendre le point de vue des Canadiens de l'Atlantique.

Mais nous sommes allés sur place. Nous avons fait notre travail. Nous avons fait au mieux, avec un mauvais projet de loi.

Il y a un autre point sur lequel on ne dupera pas les Canadiens de l'Atlantique. Ils ont déjà constaté que le gouvernement avait renié sa promesse remontant à sept ans d'abolir la TPS. La TPS est toujours là, mais les libéraux ont aggravé le problème. Ils l'ont aggravé pour les pauvres et les personnes âgées, qui devront faire face à cette taxe harmonisée si le projet de loi est adopté. J'espère qu'il ne le sera pas. S'il l'est, les Canadiens de l'Atlantique, et surtout les pauvres, verront bien ce qui se passe, car ils auront encore plus de mal à équilibrer leur budget personnel. Ils s'en souviendront au moment des élections.

À propos d'élections, j'ai arrêté il y a 25 ans d'essayer de prévoir les résultats, mais je vais faire aujourd'hui une prédiction. Je ne sais pas ce qu'il en est en Nouvelle-Écosse, mais au moins quatre et peut-être cinq circonscriptions au Nouveau-Brunswick vont échapper aux libéraux à cause de ce mauvais projet de loi, qui suit une mauvaise loi sur l'assurance-emploi et une mauvaise loi sur les armes à feu. Cela va leur coûter des sièges aux élections, le 9 juin, en juillet ou même en septembre. Si les libéraux attendent jusqu'en septembre, nous aurons l'été pour faire campagne. Notez bien ce que je vous dis! Nous allons rappeler aux libéraux, aux Conservateurs et à d'autres électeurs que ce gouvernement les a bernés avec sa loi sur l'assurance-emploi et avec sa loi sur les armes à feu, qu'il leur a imposé une TPS déguisée et qu'il a aggravé leurs problèmes par le projet de loi à l'étude.

À propos de la loi sur l'assurance-emploi, qu'est devenue la prétendue réforme? Je tiens à rappeler aux sénateurs que le Sénat a repoussé à trois reprises les demandes de certains sénateurs de l'Atlantique et notamment du Nouveau-Brunswick, qui voulaient donner aux citoyens la possibilité de se faire entendre. Nous savons tous que, il y a un mois, les députés libéraux, Paul Zed compris, ont pris conscience de leur erreur. Ils auraient dû accepter la résolution qui aurait permis d'entendre les témoignages des habitants du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Kinsella: Qui est Paul Zed?

Le sénateur Simard: Ce sera l'ex-député libéral de Fundy-Royal.

[Français]

J'aimerais terminer à l'instant. J'aurai l'occasion la semaine prochaine ou plus tard d'y revenir. Je voudrais faire un dernier appel à tous les sénateurs qui se proposent de voter demain, non seulement aux sénateurs libéraux, conservateurs et indépendants, de l'Atlantique, de Toronto, de l'Ouest de s'opposer à ce projet. Il faut réaliser que c'est un mauvais projet de loi, même s'il est amendé.

Je pourrais appuyer ce projet de loi si les sénateurs de la majorité nous indiquaient leur appui à ces trois amendements.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette de vous interrompre, le système de son ne fonctionne pas.

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, si le Sénat dans sa sagesse pouvait accepter ces trois amendements - le premier étant acquis sur le «price system» - celui sur les médecins et celui invitant le fédéral et les provinces à accorder un rabais sur la portion de la taxe provinciale, je pourrais l'accepter. Même avec ces amendements, ce projet de loi est mauvais, mais je pourrais me réconcilier à l'accepter.

(1630)

J'aimerais faire appel non seulement aux sénateurs de l'Atlantique mais de toutes les provinces. Je les invite à considérer les amendements proposés aujourd'hui et à ne pas se faire les complices de cette stratégie dont j'ai parlé tantôt, de cette mesure législative scandaleuse qui pénalisera les plus démunis de l'Atlantique.

Pour employer l'expression de Jean-Marc Parent dans ses spectacles, mon parti a répondu à l'invitation de Jean-Marc Parent.

(1640)

On a «flashé» les lumières dans la région de l'Atlantique. Mon voeu est que si la lumière que l'on a «flashée» dans la région de l'Atlantique a des répercussions dans les autres régions de façon à ce que le gouvernement actuel, après réflexion, évalue les dégâts qu'il a causés à la région de l'Atlantique, nous aurons accompli quelque chose.

Les trois ou quatre amendements qui vous sont proposés aujourd'hui sont le minimum, quant à moi, pour rendre un tant soit peu acceptable ce mauvais projet de loi. Si dans leur sagesse les honorables sénateurs acceptent ces amendements affectant les médecins, le rabais provincial et l'étiquetage, je pense que je pourrai voter pour ce projet de loi. Sinon, j'emploierai tous mes pouvoirs de conviction auprès de mes collègues du Québec, de l'Ontario, de la Saskatchewan, de l'Île-du-Prince-Édouard et des autres provinces pour unir nos efforts afin de tuer ce mauvais projet de loi, même si l'amendement proposé par le comité sénatorial des banques et du commerce a été accepté.

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, le débat à l'étape de la troisième lecture de ce projet de loi semble tirer à sa fin et je ne crois pas que nos collègues d'en face y participeront de vive voix. Nous ne profiterons pas de leur sagesse et de leur opinion éclairée sur les amendements importants qui ont été proposés cet après-midi. Encore une fois, les Canadiens de la région atlantique se poseront des questions sur le peu d'intérêt que manifestent certains honorables sénateurs à l'égard des provinces du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve et du Labrador, et de la Nouvelle-Écosse.

Toutefois, honorables sénateurs, d'autres ont fait preuve de leadership en se portant à la défense des intérêts du Canada atlantique ces deux dernières semaines. Ce fut le cas du sénateur Buchanan qui, à l'étape de la deuxième lecture, a su bien nous décrire le contexte entourant le projet de loi.

Les questions qui ont été soulevées sont très graves et ont trait à la vie socio-économique et à la survie des habitants du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve. Il ne s'agit pas d'un exercice théorique, ni d'un exercice de gestion financière. Il y va du sort de gens qui sont au bord du désespoir à cause de divers facteurs socio-économiques. Il y va de la survie des gens dont nous a parlé si éloquemment le sénateur Cochrane cet après-midi, des gens qui ont à peine les moyens de payer pour chauffer leur maison pendant l'hiver. Ce projet de loi fera augmenter de 8 p. 100 leurs coûts de chauffage.

Si ces gens ont froid, ils pourraient peut-être acheter plus de vêtements. À l'heure actuelle, honorables sénateurs, les habitants du Nouveau-Brunswick doivent payer la TPS de 7 p. 100 à l'achat de vêtements, mais pas de taxe de vente provinciale. Cette mesure fera donc grimper à 15 p. 100 les taxes sur les vêtements.

Les honorables sénateurs d'en face, comme d'autres habitants arrogants et bien nantis du Haut-Canada et d'ailleurs, ont peut-être les moyens de se procurer des manteaux de fourrure et des chapeaux de castor, mais pour les gens qui vivent le long de la grande rivière Miramichi et de la grande rivière Saint-Jean, cette augmentation qui fera passer la taxe de 7 à 15 p. 100 signifie qu'ils n'auront pas les moyens de bien chauffer leur maison l'hiver et qu'ils devront grelotter de froid, car ils ne pourront pas se permettre non plus d'acheter les vêtements dont ils auront besoin.

Si j'ai tort, honorables sénateurs, je mets mes collègues d'en face au défi de me fournir les données et l'analyse socio-économiques que le gouvernement ou ses homologues des trois provinces en question ont compilées. Quelles sont les preuves? Que montre votre analyse? Avez-vous examiné les niveaux de pauvreté qui existent dans le vrai monde? Je sais que beaucoup de nos collègues d'en face sont de la vieille et grande tradition du Parti libéral ayant une conscience sociale. Malheureusement, toutefois, les libéraux réformés ont succombé à un programme néo-conservateur de droite.

S'il y avait un bon système de Cabinet au gouvernement, un ministre ne présenterait peut-être pas bien des mesures aussi idiotes que celle-ci dont nous sommes saisis, souvent sans même que le caucus national du parti au pouvoir ne les ait vues au préalable. J'ai beaucoup de sympathie pour mes collègues de l'autre endroit qui font partie du caucus ministériel. Ils ne savaient pas que cela allait être présenté. Ces choses sont présentées et on leur demande ensuite d'être de bons marins et de ramer dans le sens de la direction du parti.

Bien sûr, lorsqu'une mesure législative arrive ici, le leader et les partisans du gouvernement au Sénat font de leur mieux pour l'appuyer, et cela, même s'ils n'y croient pas. Je ne peux pas croire que beaucoup de mes collègues d'en face croient dans ce projet de loi. Toutefois, ils feront ce qu'on leur a appris à faire, à savoir appuyer le gouvernement, et nous ne serons pas surpris, demain, par le vote de certains d'entre eux.

Toutefois, honorables sénateurs, je vais essayer une dernière fois de convaincre mes collègues d'en face d'appuyer de bons amendements qui reflètent la réalité socio-économique de notre région du Canada. Nous savons tous que la démarche sous-jacente de ce projet de loi est une question de politique. Elle a beaucoup à voir avec la promesse qui a été faite au cours des dernières élections et dans le Livre rouge. Le débat sur la question de savoir si cette promesse a été faite ou pas a été reflété dans l'assemblée télévisée par CBC.

 

  • (1650)
En réalité, beaucoup de Canadiens de la région de l'Atlantique croyaient qu'on avait promis de supprimer la TPS et ont essayé d'aider le gouvernement fédéral à faire cela.

Vous savez, ils ont été encouragés du fait qu'un beau chèque allait récompenser leur enthousiasme à aider le gouvernement fédéral à tenir une de ses promesses électorales, qu'on nous a dit ne pas en être une, nonobstant le fait que la vice-première ministre a démissionné.

C'est un autre de ces pétrins terribles dans lesquels on finit inévitablement pas se trouver lorsqu'une mesure gouvernementale n'est pas fondée sur une bonne démarche. Cette démarche est purement politique et n'est aucunement appuyée par de bons principes de politique publique ni par de solides études financières ou socio-économiques. Par conséquent, nous, de ce côté-ci du Sénat, avons essayé de faire de notre mieux pour corriger une mauvaise situation.

Encore une fois, je tiens à féliciter l'honorable sénateur Buchanan et tous les autres sénateurs qui sont allés dans trois provinces du Canada atlantique. La population du Nouveau-Brunswick, que je connais un peu mieux que celle des autres régions de notre pays, s'est réjouie de pouvoir participer à des audiences. Ces gens ont apprécié que le sénateur Lynch-Staunton fasse en sorte que la Chambre accède à une demande visant à autoriser le comité sénatorial à se déplacer au Canada atlantique pour entendre ce que la population avait à dire, étant donné que le comité de la Chambre des communes avait refusé de le faire.

Honorables sénateurs, je voudrais conclure en encourageant tous les sénateurs à appuyer les amendements dont nous débattrons demain.

L'honorable John B. Stewart: Je voudrais demander à l'honorable sénateur Kinsella de confirmer que son parti a voté en faveur de la TPS. Aussi, si je ne m'abuse, son parti est également en faveur de l'harmonisation de la TPS et des taxes de vente provinciales.

Le sénateur Lynch-Staunton: D'un océan à l'autre.

Le sénateur Stewart: Le projet de loi dont le Sénat est maintenant saisi, tel qu'en ont fait rapport à l'unanimité les membres du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, reconnaît le principe de l'harmonisation d'un océan à l'autre et propose que l'inclusion de la taxe dans le prix n'entre en vigueur que lorsque cette disposition aura rallié au moins 51 p. 100 de la population.

Par conséquent, je demande au sénateur Kinsella de m'expliquer comment ce qu'il vient de reprocher au projet de loi, dont il a été fait rapport à l'unanimité par les membres ducomité, est compatible avec la position officielle du Parti progressiste-conservateur sur la TPS, tout d'abord, puis sur la nécessité de l'harmoniser.

Le sénateur Kinsella: Je remercie l'honorable sénateur Stewart de sa question. J'essaierai de lui donner des éclaircissements et des explications.

La taxe sur les produits et services est une bonne taxe. Elle a sa raison d'être. Après avoir analysé et étudié le projet de loi à l'époque, malgré les distractions occasionnelles, j'ai voté en faveur de celui-ci.

J'ai vécu dans plusieurs autres pays du monde où une taxe sur les produits et services a été adoptée. Je vivais en Italie lorsque le gouvernement italien a instauré sa TVA.

Étant donné que le pays dans lequel nous vivons est une confédération et qu'il y a des taxes de vente dans de nombreuses provinces, du point de vue de la politique gouvernementale, l'importance du principe de l'harmonisation semble aller de soi. C'est le principe auquel je souscris aujourd'hui. C'est le principe sur lequel pareil régime peut s'appuyer pour fonctionner efficacement.

Ce contre quoi je m'insurge et que je continue de dénoncer, c'est l'idée du morcellement qui peut découler de cette mesure parce que c'est une approche fragmentaire qui ne créera pas d'harmonie à l'échelle de notre pays. Elle va plutôt créer beaucoup de dissensions. Elle a pour effet d'isoler les trois provinces visées.

Voilà pourquoi j'étais disposé à écouter attentivement ce que le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a proposé au sujet de la règle des 51 p. 100, c'est-à-dire l'idée qu'il faut rallier la majorité de notre pays pour pouvoir espérer une harmonisation.

Permettez-moi de vous faire part d'une de mes préoccupations. Quelle a été la motivation pour la présentation de l'amendement ayant trait à l'inclusion des taxes dans les prix? Aurions-nous réussi à faire en sorte que le comité sénatorial permanent des banques et du commerce présente son rapport avec cette recommandation sous la direction du sénateur Buchanan? Quand je dis nous, je veux dire seulement nous, les sénateurs du Canada atlantique. L'amendement a-t-il été accepté parce que le Conseil canadien du commerce de détail et les gros fournisseurs, qui ne se trouvent pas dans nos provinces, ont dit qu'ils ne feraient plus d'affaires dans notre région si cet élément n'était pas supprimé?

L'intérêt public des habitants du Nouveau-Brunswick a-t-il été la principale motivation derrière ce projet de loi?

Le sénateur Robertson: Il n'y a pas de remboursement.

Le sénateur Kinsella: Il y a beaucoup d'autres choses. C'est ça le problème. J'espère avoir réussi à éclairer un peu la situation.

Le sénateur Gigantès: Je ne comprends toujours pas.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est du grec pour vous.

Le sénateur Stewart: Si j'ai bien compris le sénateur Kinsella, il a dit qu'il croyait que l'harmonisation était une bonne idée, mais qu'il était contre le projet de loi dans son libellé actuel à cause du risque de balkanisation. Est-ce exact?

Le sénateur Kinsella: Oui.

Le sénateur Stewart: Et ce, nonobstant le rapport unanime du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, dont il est membre, est-ce exact?

Le sénateur Kinsella: Oui. Je n'aime pas le projet de loi.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole, le Sénat considérera que le débat est clos et, par consentement unanime constaté plus tôt aujourd'hui, le vote sera reporté à 15 h 30 demain.

 

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Rapport du comité des
affaires juridiques et constitutionnelles-
Motion d'amendement-suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à l'adoption du seizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-3, Loi modifiant le Code criminel (accord sur le chef d'accusation), présenté au Sénat le 7 novembre 1996.-(L'honorable sénateur Kinsella).

L'honorable Anne C. Cools: Je demande au sénateur Kinsella s'il voudrait bien me céder sa place pour que je puisse intervenir sur cette question.

L'honorable Noël A. Kinsella: C'est d'accord.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, l'agression sexuelle et le meurtre de trois adolescentes, Tammy Homolka, Leslie Mahaffy et Kristen French, par le couple Karla Homolka et Paul Bernardo, Karla étant la soeur de Tammy, et la négociation de plaidoyers de Karla Homolka ont choqué les Canadiens d'un océan à l'autre et ont suscité beaucoup de répugnance. Parallèlement, le traitement par la poursuite et le pouvoir judiciaire de cette affaire a suscité beaucoup d'indignation au sein de la population et lui a fait perdre confiance dans l'administration de la justice au Canada. La population a été choquée par le peu d'empressement du gouvernement provincial et du gouvernement fédéral à remédier à cette parodie de justice et par le fait que l'Assemblée législative de l'Ontario et le Parlement du Canada se soient montrés peu enclins à examiner toute cette terrible affaire.

 

  • (1700)
Le projet de loi S-3 est la deuxième tentative que je fais pour exhorter le Sénat et le Parlement du Canada à examiner la question et à ordonner une enquête parlementaire sur l'entente intervenue au terme de la négociation de plaidoyers. Les sénateurs se souviendront que ma première tentative, qui prenait la forme d'un projet de loi punitif, a pris fin abruptementle 28 novembre 1995. Cependant, dans le projet de loi S-3 je propose de modifier le Code criminel pour permettre aux tribunaux d'annuler les ententes conclues dans le cadre de la négociation de plaidoyers comme celle obtenue par Homolka, et d'imposer une peine adéquate.

Le projet de loi S-3 a été adopté à l'unanimité en deuxième lecture le 2 mai 1996 et a été renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. J'ai été déçue que le comité ne convoque pas un seul témoin provenant de la population. Le 7 novembre 1996, la présidente, le sénateur Carstairs, a renvoyé le projet de loi S-3 au Sénat avec un rapport d'une seule phrase:

Le comité recommande que le Sénat ne poursuive pas davantage l'étude de ce projet de loi, pour la raison suivante:

Cette recommandation fait écho à la crainte du comité que le projet de loi S-3 porte atteinte aux droits protégés par l'alinéa 11h) de la Charte canadienne des droits et libertés, en permettant qu'un accusé soit puni plus d'une fois pour la même infraction.

C'est vraiment très intéressant, honorables sénateurs, parce que l'alinéa 11h) n'a rien à voir avec le projet de loi S-3. L'alinéa 11h) dit ceci:

[...] d'une part de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement acquitté, d'autre part de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni;

Le projet de loi S-3 ne propose pas qu'un accusé soit puni plus d'une fois pour le même crime, mais plutôt que l'accusé soit puni une fois pour le crime pour lequel il n'a pas été puni en vertu d'un accord sur le chef d'accusation qui n'était pas fondé sur des faits exacts.

Comme beaucoup de Canadiens, je m'attendais à ce que le comité du Sénat fasse une étude approfondie de la question des accords sur les chefs d'accusation, particulièrement à la lumière des désirs exprimés par le public. En 1995, plus de320 000 personnes ont signé des pétitions adressées à l'Assemblée législative de l'Ontario et environ 12 000 personnes ont signé des pétitions adressées au Sénat pour demander qu'on fasse enquête sur cette affaire. Les crimes notoires qui faisaient l'objet des accords sur les chefs d'accusation conclus par Karla Homolka méritaient un examen approfondi par le comité du Sénat. Je vous renvoie aux discours que j'ai prononcés à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-3 le 19 mars et le 2 mai 1996 et aux déclarations que j'ai faites devant le comité du Sénat le 26 septembre 1996. Je ne me répéterai pas. Je vais passer à autre chose.

Honorables sénateurs, il s'agit de la négociation de plaidoyers et du pouvoir discrétionnaire de conclure des ententes de plaidoyers avec des criminels, et en particulier des actes des procureurs de la couronne, de la responsabilité des ministres au sujet des ententes de plaidoyer et des obligations du ministre responsable envers le Parlement, la population canadienne et la justice elle-même à cet égard. Au Canada, tous les procureurs de la Couronne et tous les juges agissent sous l'autorité d'un gouvernement parlementaire, c'est-à-dire un gouvernement ministériel responsable. Tous les procureurs de la Couronne du ministère du Procureur général et tous les juges des cours supérieures sont liés par la loi et la Constitution, les conventions et usages constitutionnels qui régissent la responsabilité ministérielle envers le Parlement. Personne ne peut y échapper et tout ministre, procureur général ou ses procureurs et tout juge qui y dérogent violent la loi et la Constitution. Il s'agit du pouvoir discrétionnaire du procureur de la Couronne de négocier des ententes de plaidoyer avec des criminels et de la nature et de l'étendue de ce pouvoir. Dans le cas des ententes de plaidoyers négociées dans l'affaire Homolka, le procureur de la Couronne, M. Murray Segal, son supérieur, le sous-procureur général adjoint, M. Michel Code, et le supérieur de ce dernier et sous-procureur général, M. George Thomson, tous de l'Ontario, ont fondé leurs actions sur ce même pouvoir discrétionnaire.

Dans les motifs à la sentence, le juge Francis J. Kovacs, de la Cour de justice de l'Ontario, division générale, lorsqu'il a ratifié les mesures prises dans le procès de Homolka le 6 juillet 1993 concernant deux chefs d'accusation d'homicide involontaire, s'est aussi fondé sur le pouvoir discrétionnaire de la poursuite. Enfin, l'ancien juge Patrick Galligan, dans son contrôle des mesures - ordonné par le procureur général du gouvernement conservateur nouvellement élu en Ontario, M. Charles Harnick - a dit dans son rapport à l'intention du procureur général de l'Ontario sur certaines questions ayant trait à Karla Homolka, en date du 15 mars 1996, qu'il s'était également fondé sur le pouvoir discrétionnaire de la poursuite. Ce pouvoir discrétionnaire de la poursuite, c'est en fait le pouvoir discrétionnaire du ministre - c'est-à-dire les pouvoirs accordés au procureur général en vertu de la prérogative royale. En résumé, ces pouvoirs sont exercés non pas en vertu de la loi, mais en vertu de la prérogative royale. De tous les agents du procureur général de l'Ontario qui se sont fondés sur le pouvoir discrétionnaire de la poursuite de l'État, aucun - pas un - n'a abordé la question également importante de l'étendue du pouvoir discrétionnaire, c'est-à-dire, en termes simples, les limites juridiques et constitutionnelles imposées à ce pouvoir discrétionnaire.

Le 24 octobre 1996, lors de l'examen du projet de loi S-3 par le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, j'ai posé la question au représentant du ministère de la Justice, M. Yvan Roy, avocat-général, Section de la politique du droit pénal, Secteur de la politique pénale et sociale. Je lui ai demandé: «Pouvez-vous nous indiquer les limites juridiques et constitutionnelles imposées à ce pouvoir discrétionnaire?»

J'avais espéré que cette question que M. Roy et tous les agents avaient négligée, aurait fait l'objet d'un examen approfondi par le comité sénatorial. Mes espoirs ont été déçus. À mon avis, l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire par les fonctionnaires du ministère dans le système de justice pénale d'aujourd'hui exige un examen législatif et parlementaire. M. Roy a répondu:

Il faut que les tribunaux aient droit de regard sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire. La Cour a été inflexible: ce sont les tribunaux qui doivent trancher [...]

Il ne comprenait pas, et c'est un problème. La surveillance de l'application du pouvoir discrétionnaire ministériel en vertu de la prérogative royale relève du Parlement. Cette surveillance revient à l'électorat par l'intermédiaire de ses institutions représentatives au Parlement. Cette surveillance est l'affaire des politiciens et des Parlements, et non des tribunaux.

Honorables sénateurs, le pouvoir discrétionnaire de la poursuite n'est pas absolu. Il est assujetti à des limites légales et constitutionnelles. Je crois que les procureurs de la Couronne représentant le procureur général de l'Ontario n'ont pas respecté ces limites et ont agi illégalement. J'affirme que les ententes de négociation de plaidoyers dans l'affaire Homolka étaient illégales et injustes. La première entente qu'on a conclue avec elle, en 1993, est aussi illégale et injuste qu'elle est honteuse. J'affirme que cette entente, et le fait qu'elle ait été admise par les tribunaux, ont constitué un audacieux méfait qui s'est fait au mépris de l'administration de la justice et qui a entaché la prérogative royale.

Je vais montrer que les limites du pouvoir discrétionnaire de la poursuite correspondent aux limites de la responsabilité du ministre dans l'exercice de la prérogative royale. Je demande au Sénat de dénoncer cette entente de négociation de plaidoyers dans l'affaire Homolka.

Honorables sénateurs, en 1993, le procureur général du gouvernement néo-démocrate de l'Ontario à l'époque, Marion Boyd, a accusé Karla Homolka de deux homicides involontaires coupables sur les personnes de Leslie Mahaffy et de Kristen French. Homolka a été reconnue coupable de ces deux homicides et condamnée à deux peines de 12 années de prison à purger concurremment. Le procureur général ne l'a pas accusée du meurtre de sa soeur Tammy, même si Homolka a admis, au cours du procès, qu'elle en était criminellement responsable. Les procureurs de la Couronne et le juge Kovacs ont employé un moyen assez curieux pour que Karla Homolka soit pardonnée du meurtre de Tammy. C'est là-dessus que je me base pour dire que l'entente de négociation de plaidoyers dans l'affaire Homolka n'est pas légale. Le 6 juillet 1993, au procès de Karla Homolka, le procureur de la Couronne a fait inscrire au dossier les deux accusations d'homicide involontaire coupable ainsi que les détails et les faits relatifs au meurtre de Tammy, le troisième meurtre, y compris le fait que Karla Homolka avait admis sa culpabilité, sans que des accusations criminelles soient formellement portées contre elle pour le meurtre de Tammy. C'est extraordinaire. Bref, le ministère public n'a pas porté d'accusations. Le fait de verser ainsi officiellement les faits au dossier sans que des accusations criminelles soient portées contre Karla Homolka a pour conséquence qu'elle ne pourra jamais être accusée du meurtre de Tammy. On lui a ainsi accordé l'immunité face à la possibilité de poursuites. Bref, elle a eu un pardon complet, avant même d'avoir été reconnue coupable et sans que des accusations aient jamais été portées officiellement.

Honorables sénateurs, j'affirme que cette technique employée par les procureurs de la Couronne et admise par le juge Kovacs ne relevait pas du pouvoir discrétionnaire de la poursuite. C'était plutôt l'octroi d'un pardon. J'affirme que le fait de pardonner un meurtre, un homicide coupable, est un acte qui relève de la prérogative royale. C'est de la clémence royale, un pardon royal. Or, au Canada, ni le procureur général d'une province, ni un procureur de la Couronne qui le représente ni le juge d'une cour supérieure n'a ce pouvoir discrétionnaire de pardonner. Au Canada, en vertu de la Constitution, l'usage, la pratique et la jurisprudence veulent que l'exercice d'un pardon royal pour homicide coupable relève du souverain ou du gouverneur général qui doit alors agir sur les conseils du Cabinet au complet. C'est totalement hors de la portée du procureur général de l'Ontario.

 

  • (1710)
Honorables sénateurs, la définition du pardon la plus fiable et la plus fréquemment citée est celle tirée de l'ancien essai de sir Edward Coke paru en 1644 et intitulé Institutes of the Laws of England, Third Part. On peut lire dans la dix-neuvième édition, publiée en 1817:

Un pardon est un geste de pitié par lequel le Roi, soit avant soit après la mort civile, le prononcé de la sentence ou la condamnation, gracie le condamné de tout crime, infraction, punition ou exécution et lui fait remise de tout droit, titre, dette ou devoir [...]

Je répète que la définition dit bien «gracie».

Au Canada ce pouvoir d'accorder le pardon est prévu dans les Lettres patentes de 1947 constituant la charge de gouverneur général du Canada, dont l'article XII traduit l'opinion arrêtée depuis 1878 quant au pouvoir constitutionnel que possède le Souverain du Canada d'accorder le pardon. L'article stipule:

Et Nous autorisons en outre Notre gouverneur général, selon qu'il le jugera opportun, en Notre nom et pour Nous, lorsqu'un crime ou une infraction aux lois du Canada a été commise pour laquelle l'auteur de l'infraction peut subir un procès en vertu desdites lois, à gracier tout complice à l'égard de ce crime ou de cette infraction, qui fournira des renseignements pouvant amener la condamnation du principal auteur de l'infraction [...]; et de plus à accorder à tout auteur d'infraction déclaré coupable de tel crime ou infraction devant n'importe quel tribunal ou devant n'importe quel juge, juge de paix ou magistrat administrant les lois du Canada, un pardon, soit absolu, soit sujet à des conditions licites, ou un sursis à l'exécution de la sentence d'un tel auteur d'infraction, pendant la période que Notre gouverneur général pourra juger pertinente, et à faire remise de toute amende, peine ou confiscation qui peut Nous devenir due et payable.

Les pardons sont généralement accordés après la condamnation de l'auteur de l'infraction selon les accusations formelles portées contre lui par le procureur général, mais le souverain a le pouvoir d'accorder le pardon avant la condamnation. Dans la deuxième édition de son essai de 1964 intitulé Essays in Constitutional Law, Robert F.V. Heuston, un constitutionnaliste du Royaume-Uni, le confirme en disant:

Cependant, il importe de noter que le monarque peut pardonner toute infraction au droit criminel avant ou après la condamnation.

Dans la pratique constitutionnelle courante concernant le pardon, le souverain en conseil au Royaume-Uni et au Canada a refusé ces 100 dernières années d'accorder le pardon ou la grâce avant la condamnation. Dans le cas des contrevenants qui avaient acceptés de témoigner pour la Couronne, c'était pratique courante, mais ce ne l'est plus.

En fait, le Canada, le Royaume-Uni et la plupart des pays du Commonwealth ont imposé par voie constitutionnelle des limites au pardon avant condamnation, pour permettre aux tribunaux de faire leur travail à l'abri de toute intervention de l'exécutif. À ce sujet, le professeur John L. Edwards, dans son importante étude de 1980 intitulée «Ministerial Responsibility for National Security», mentionnait à la note 177 un document en sa possession:

Note historique du «Home Office», sur le sujet du pardon avant condamnation, aimablement communiquée à l'auteur. Ce document dit: «Lorsque, en 1947, le procureur d'une affaire criminelle s'est renseigné sur la possibilité d'utiliser cette prérogative, il a été informé, après consultation du directeur des poursuites publiques, que la pratique n'était plus d'accorder des pardons à ces fins.»

Son Honneur le Président: J'hésite à interrompre le sénateur, mais ses 15 minutes sont terminées.

Le sénateur Cools: Puis-je avoir la permission de continuer, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée?

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, avant que je donne ma permission, je voudrais répéter ce que je disais l'autre jour au sujet de cette limite de 15 minutes imposée par les sénateurs d'en face. Je suis d'avis que c'est une bonne chose, car il n'existe aucun discours qui ne puisse être ramené à 15 minutes.

Le sénateur Berntson: Je me rappelle 1990.

Le sénateur Gigantès: On faisait de l'obstruction systématique; ce n'était pas un discours. Il s'agissait de vous mettre en colère, et je crois avoir réussi.

Si nous voulons avoir un débat en bonne et due forme, ce n'est pas en ramenant les discours à 15 minutes que nous allons les améliorer. Mieux vaudrait pour cela les réduire à cinq minutes.

Le sénateur Cools: C'est un discours, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Les raisons militant en faveur de cette restriction «avant la déclaration de culpabilité» sont exposées par Stanley A. de Smith, professeur de droit à l'Université de Cambridge, dans son ouvrage publié en 1971 et intitulé Constitutional and Administrative Law. Voici son explication:

Il semblerait qu'un pardon peut être accordé avant la déclaration de culpabilité; mais ce pouvoir n'est jamais exercé. La différence entre le pardon accordé avant la déclaration de culpabilité et l'exercice illégal du pouvoir de dispense est ténue.

L'exercice par la Couronne du pouvoir de dispense, du pouvoir de suspension et de la prérogative royale a fait l'objet d'éternels débats parlementaires.

Enfin, honorables sénateurs, le pardon qui a été accordé à Karla Homolka par les procureurs de la Couronne relevant du procureur général de l'Ontario et le juge Kovacsk, s'appliquait, non pas à une infraction mineure, mais plutôt à une infraction majeure, la mort et le meurtre d'un être humain, une enfant en réalité, un homicide coupable. L'homicide coupable constituait jusqu'à tout récemment une infraction punissable de la peine de mort. Selon l'usage constitutionnel canadien, un tel pardon, une telle clémence relève de la compétence exclusive des pouvoirs fédéraux et du gouverneur général en conseil. Dans les lettres patentes de 1947 constituant la charge du Gouverneur général, l'article XII précise en ces termes quelle est la responsabilité ministérielle de tout le Cabinet à l'égard des pardons dans les cas d'homicide coupable:

Et Nous mandons et ordonnons que Notre Gouverneur général n'accorde aucune grâce ni aucun sursis à un tel délinquant sans avoir préalablement obtenu, dans les cas de peine de mort, l'avis de Notre Conseil privé pour le Canada et, dans d'autres cas, l'avis d'au moins un de ses ministres.

Cette pratique constitutionnelle en vigueur au Canada s'écartait de la pratique du Royaume-Uni et constituait un trait distinctif de l'évolution constitutionnelle canadienne. Gracier l'auteur d'un homicide coupable était considéré comme une charge trop lourde à porter pour un ministre de la Couronne au Canada alors que le secrétaire colonial au Royaume-Uni détenait encore d'importants pouvoirs, car c'était associé à la question très controversée dans l'opinion publique de la peine capitale, et ça l'est toujours. La Constitution canadienne précise que le gouverneur général ne peut gracier quelqu'un qui a tué un être humain que sur l'avis de tout le Cabinet, y compris le premier ministre. Or, un tel pardon absolu, ces honorables messieurs n'avaient pas le droit de l'accorder ou de le marchander et, ce faisant, ils ont outrepassé les compétences que leur conférait la loi ainsi que les limites constitutionnelles de leur pouvoirs discrétionnaires, ce qui constitue un abus de la prérogative royale et est contraire à l'usage et à la pratique constitutionnels du Canada.

Mon affirmation en ce qui concerne la pleine participation du Cabinet, à Ottawa, dans le pardon de crimes punissables de la peine de mort est confirmée par le libellé du Code criminel, aux articles 749 et 751 en ce qui concerne la prérogative de clémence. À l'article 749, on dit ceci:

(1) Sa Majesté peut accorder la clémence royale à une personne condamnée à un emprisonnement sous l'autorité d'une loi fédérale, même si cette personne est emprisonnée pour omission de payer des deniers à une autre personne.

(2) Le gouverneur en conseil peut accorder un pardon absolu ou un pardon conditionnel à toute personne déclarée coupable d'une infraction.

L'article le plus pertinent pour mon argumentation est l'article 751 intitulé «Prérogative royale» où on dit:

La présente loi n'a pas pour effet de limiter ni d'atteindre, de quelque manière, la prérogative royale de clémence que possède Sa Majesté.

Honorables sénateurs, la population est encore saisie des ententes de plaidoyer dans l'affaire Homolka. On a porté des accusations criminelles contre les anciens avocats de Paul Bernardo, M. Ken Murray et Mlle Carolyn MacDonald, pour entrave à la justice, possession de pornographie juvénile et fabrication de matériel obscène. En 1993, M. Murray a gardé des preuves en sa possession, soit les terribles vidéocassettes montrant les agressions sexuelles. Les actions douteuses de ces avocats et leur vulnérabilité devant les tribunaux, devant certaines personnes qui ont peut-être participé elles-mêmes à la négociation des ententes de plaidoyer dans l'affaire Homolka, risquent maintenant de donner bien des motifs et des possibilités à certains de justifier leurs propres actions. Il est fort possible qu'on sacrifie publiquement ces deux avocats en les rendant responsables de tout ce qui s'est mal passé dans l'affaire Homolka. J'exhorte le Sénat et tous les Canadiens à faire preuve de vigilance dans la poursuite de ces deux personnes.

 

  • (1720)
Honorables sénateurs, les écrans protecteurs et les intérêts dont se sont couverts les responsables de cette négociation de plaidoyer sont évidents. Or, on trouve inquiétant que le fonctionnaire qui a supervisé la négociation de ce plaidoyer dans l'affaire Homolka, M. George Thomson, qui était à l'époque sous-procureur général de l'Ontario, est maintenant sous-ministre de la Justice du Canada et superviseur des avis donnés au comité sénatorial au sujet du projet de loi S-3.

Par ailleurs, le comité ne m'a jamais communiqué sa documentation de recherche et son comité directeur ne m'a jamais rencontrée, moi, la marraine du projet de loi, pour parler de l'état de l'étude du projet de loi ou des témoins à convoquer. Cela concerne les droits et privilèges accordés aux sénateurs en tant que membres du Parlement par l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour faire progresser l'étude des mesures législatives. Cependant, c'est là une question qu'on abordera une autre fois.

En conclusion, les législatures ont refusé ces derniers temps d'obliger les ministres, notamment les procureurs généraux, à rendre compte au Parlement de l'exercice des pouvoirs discrétionnaires découlant de la prérogative royale. En conséquence, un grand nombre de bureaucrates et de fonctionnaires prennent des initiatives de leur propre autorité, sans la surveillance du Parlement. De plus, leur appétit pour de

telles initiatives ne cesse de croître. Quand des bureaucrates comme M. Roy, et d'autres comme les procureurs de la Couronne, invoquent la prérogative royale plutôt que la loi pour accorder l'immunité en matière de poursuites judiciaires à des contrevenants, notamment dans le cas d'accusés de crimes punissables de la peine de mort, le public s'attend à ce que l'institution où siègent ses représentants, le Parlement, fasse savoir aux ministres responsables que leurs initiatives rappellent les pouvoirs de dispense des rois Stuart, des pouvoirs qui furent totalement condamnés et dissolus dans la Déclaration des droits de 1688, et exhorte en outre le Parlement à prendre des mesures.

Honorables sénateurs, le pays tout entier sait que le plaidoyer négocié dans l'affaire Homolka va à l'encontre de la loi, de la Constitution et de la justice, et qu'il a dévalué - je le répète, dévalué - la vie humaine et l'humanité.

L'exercice du droit de grâce du souverain a pour objet de réparer une injustice ou une erreur judiciaire. Dans le cas du plaidoyer négocié dans l'affaire Homolka, c'est l'exercice de la prérogative royale par les procureurs de la Couronne qui constitue lui-même l'erreur judiciaire.

Honorables sénateurs, compte tenu du fait que nous ne savons pas trop à quoi nous en tenir, puisque le rapport du comité dit une chose et moi une autre, j'estime que la seule solution consiste à renvoyer le projet de loi au comité pour plus ample étude.

 

Motion d'amendement

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je propose donc, avec l'appui du sénateur Robertson, que le rapport du comité ne soit pas adopté, mais renvoyé au comité pour plus ample étude.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, je voudrais soulever quelques points. La motion ne donne aucune indication précise au comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a déjà étudié le projet de loi S-3. D'après ce que nous avons entendu cet après-midi et les observations formulées dans le rapport, il me semble que le comité devrait convoquer un certain nombre de témoins.

Si j'ai bien compris, le sénateur Cools a fait allusion à un certain nombre de personnes qui ont joué un rôle clé dans cette affaire regrettable. Bien sûr, nous nous intéressons à une question plus vaste, sur laquelle porte le projet de loi, d'ailleurs. On pourrait penser que le comité peut inviter des personnes comme George Thomson, sous-ministre de la Justice, et le procureur de la Couronne de Scarborough, entre autres, qui sont au courant de cette affaire.

J'appuie la motion.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, je déclare que jamais plus je n'accorderai mon consentement pour dépasser la limite de 15 minutes. C'est irrévocable.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il ne faut jamais dire jamais.

(Sur la motion du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)

 

L'HONORABLE MAURICE RIEL

La carrière d'un grand Canadien-interpellation

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, je croyais que cette question avait été traitée hier dans le cadre des hommages. On pourrait donc la rayer du Feuilleton.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour dire que le débat sur cette question est terminé?

Des voix: D'accord.

 

Les droits de la personne

Les minorités visibles et la fonction publique du Canada-Rapport présenté à la Commission des
droits de la personne-Interpellation-
Ajournement du débat

L'honorable Donald H. Oliver, ayant donné avisle 10 mars 1997:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur un rapport présenté à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) par John Samuel and Associates Inc. intitulé «Les minorités visibles et la fonction publique du Canada.»

- Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui sur l'interpellation dont j'ai donné avis il y a quelques jours pour attirer votre attention sur la situation à laquelle sont confrontées les minorités visibles dans la recherche d'emploi et l'attribution de promotions dans la fonction publique du Canada. La société John Samuel and Associates a présenté le mois dernier un rapport intitulé «Les minorités visibles et la fonction publique du Canada» à la Commission canadienne des droits de la personne. Je vais vous donner un bref résumé des constatations de ce rapport avant de parler des mesures que pourrait prendre le Sénat pour améliorer la situation.

La représentation des minorités visibles au sein de la fonction publique du Canada est de loin inférieure à celle qu'elle a tant dans le secteur privé qu'au sein de la population active du Canada en général. On estime que la représentation des minorités visibles au sein de la population active canadienne dans son ensemble s'établit maintenant à 12 p. 100. Entre 1987 et 1994, la proportion des minorités visibles dans le secteur privé est passée de 5 à 8,2 p. 100. L'an dernier, les cinq grandes banques affichaient des taux de représentation oscillant entre 10,7 et 18,2 p. 100. Or, la représentation des minorités visibles au sein de la fonction publique du Canada l'an dernier ne dépassait pas 4,1 p. 100.

C'est en gardant ces données à l'esprit que la Commission canadienne des droits de la personne a amorcé cette étude. Quatorze ministères et organismes ont été choisis pour l'étude. Ces ministères et organismes présentaient des taux variables quant à leur taille et au taux d'embauche de membres des minorités visibles. Plus de 2 000 employés de ces ministères et organismes se sont portés volontaires pour l'étude. Celle-ci faisait appel à la fois à des techniques qualitatives et quantitatives. Il s'agissait de questionnaires distribués à des groupes cibles et d'entrevues. Les groupes qui ont participé étaient un groupe formé de membres de minorités visibles, y compris des anciens fonctionnaires, un groupe de contrôle formé de fonctionnaires ne faisant pas partie des minorités visibles, un groupe formé de fonctionnaires investis de responsabilités de gestion et de cadres de la catégorie EX, principalement des sous-ministres adjoints et des directeurs généraux.

Douze entreprises du secteur privé ont également reçu un questionnaire. Huit cadres supérieurs des ressources humaines du secteur privé ont été interviewés, tout comme l'ancien président de l'Association des banquiers canadiens.

Tant les employés membres des minorités visibles que les gestionnaires de la fonction publique étaient d'avis que la discrimination raciale contre les minorités visibles était répandue dans la fonction publique du Canada. Les participants ont fait ressortir la nécessité tant de la flexibilité que de l'imputabilité.

 

  • (1730)
Les participants ont déclaré que les pratiques et procédures d'embauche et les restrictions s'appliquant au recrutement externe, par exemple, ne sont pas assez souples pour offrir plus de chances d'emploi aux membres des minorités visibles. Toutefois, certains participants étaient d'avis que les membres des minorités visibles étaient lésés lorsque les nominations intérimaires étaient laissées à la discrétion des gestionnaires. Les auteurs du rapport concluent que tout accroissement de la souplesse ne sera efficace que dans la mesure où les gestionnaires seront responsables de la réalisation des objectifs relatifs à l'équité en matière d'emploi. Ces objectifs, toujours selon le rapport, devraient être pris en considération à toutes les étapes du processus de dotation.

Je signale aux sénateurs qui voudraient obtenir les résultats détaillés de cette étude qu'ils peuvent se procurer un exemplaire du rapport auprès de la Commission des droits de la personne.

Honorables sénateurs, à mon avis, la situation actuelle est inadmissible. Premièrement, la représentation des minorités visibles au sein de la fonction publique est une question de droits fondamentaux. Deuxièmement, l'employeur en question est le gouvernement du Canada. En tant que Canadiens, nous aimons croire que notre société est tolérante et ouverte, mais comment le gouvernement fédéral peut-il dire que notre société est ouverte, lorsque ses propres méthodes d'embauche le démentent ou semblent, du moins, douteuses?

Le Canada a souvent joué auprès de la communauté internationale un rôle de premier plan dans la défense des droits fondamentaux. À titre d'exemple, mentionnons la position adoptée par le premier ministre Brian Mulroney contre l'apartheid en Afrique du Sud. L'injustice au sein de notre fonction publique ne touche pas simplement les Canadiens, mais mine aussi notre capacité de promouvoir le respect des droits de la personne ailleurs dans le monde.

Ces dernières années, le gouvernement fédéral et les provinces ont relevé le défi qui consistait à résorber le déficit. Force nous est de constater la solidarité dont ont fait preuve les Canadiens qui se sont unis pour affronter cette épreuve. Pourtant, le problème que posent nos lacunes en matière d'équité sociale est tout aussi grave que le déficit du Canada.

Notre nation, formée de citoyens de langues, de religions et de souches différentes, se veut une société ouverte. Nous nous sommes distingués au sein de la communauté internationale par le fait que nous tenons fortement aux valeurs que sont l'égalité et la tolérance. C'est dans l'espoir d'édifier une telle nation que nous avons décidé de lutter contre le déficit. Une saine gestion de nos finances publiques n'est qu'un moyen parmi tant d'autres de veiller à ce que la société en laquelle nous croyons soit la plus juste au monde.

Cela fait deux décennies que nous gardons cette vision à l'esprit. De nombreuses études ont été menées, tant par la Commission de la fonction publique que par des groupes de femmes, sur la représentation des femmes dans la fonction publique. La volonté de lever les obstacles qui se posent aux femmes dans la fonction publique a permis que leur taux de représentation soit grandement haussé au cours des 20 dernières années. De telles mesures ont autorisé le gouvernement à exiger que le secteur privé fasse aussi une plus grande place aux femmes.

Honorables sénateurs, je crois que le temps est venu de prendre des mesures aussi agressives pour accroître la représentation des minorités visibles dans la fonction publique. Si nous ne mettons pas de l'ordre dans nos propres affaires, comment pourrons-nous encourager le secteur privé à accroître ses propres taux de représentation des minorités visibles au niveau de la direction?

Comme le laisse entendre M. John Samuel dans son rapport, nous avons besoin non pas de contingentements, mais de buts, de cours de perfectionnement psychosocial et de sensibilisation transculturelle. Trop souvent, les gestionnaires recherchent des éléments d'eux-mêmes dans des employés potentiels et confondent différences culturelles et déficiences caractérielles. Avec des critères précis d'embauchage et d'avancement, de même que des récompenses pour des résultats positifs, la représentation des minorités visibles dans la fonction publique peut facilement surpasser celle qu'on trouve dans le secteur privé. Je reconnais, toutefois, que même le plus long des voyages commence par un seul pas.

Je propose les deux options suivantes à mes collègues. Un comité spécial peut être chargé d'examiner les pratiques d'embauchage au Sénat même. Comment notre taux de représentation des minorités visibles se compare-t-il avec ceux de la fonction publique en général, du secteur privé et de l'ensemble de la main-d'oeuvre active? Les critiques formulées dans le rapport de M. Samuel s'appliquent-elles à nos pratiques de dotation? Quels changements s'imposent? Quels buts et récompenses devraient être prévus?

En outre ou plutôt, un comité parlementaire spécial mixte pourrait être chargé d'examiner l'ensemble de la fonction publique en vue d'initier un changement. Encore là, il faudra se pencher sur la prétendue rigidité des pratiques de dotation et sur les préjugés des évaluateurs.

Il semble, honorables sénateurs, qu'il serait plus raisonnable de mettre en oeuvre ces initiatives dans l'ordre où elles ont été proposées. Non seulement le groupe à l'étude serait-il plus restreint, mais les honorables sénateurs auraient probablement aussi un droit de regard plus grand au sein d'un comité sénatorial qu'ils n'en ont habituellement au sein d'un comité mixte. De plus, s'ils ont d'abord étudié la situation au Sénat et proposé des améliorations, les sénateurs risquent de trouver le travail au sein d'un comité mixte moins décourageant et de mieux le comprendre. Enfin, comme ils auront déjà acquis de l'expérience en étudiant pareilles questions, les honorables sénateurs seront des ressources précieuses pour les études de n'importe quel comité mixte.

En cherchant des mesures que le Canada pourrait prendre pour enquêter plus en profondeur sur cette question, j'ai découvert un rapport très instructif sur les minorités visibles dans la fonction publique du Canada. Il s'agit d'un rapport que la Chambre des communes a publié en 1984. Le comité qui a fait l'étude était composé de députés libéraux, néo-démocrates et conservateurs. Le rapport comprend six chapitres qui traitent notamment de l'intégration sociale, de l'emploi, de la politique gouvernementale, des aspects légaux et juridiques ainsi que des médias et de l'éducation.

À la page 59 du rapport, il est question d'une évaluation des programmes d'emploi et de perfectionnement. Il est fait mention du Programme industriel national et de plusieurs programmes de développement de l'emploi, comme le programme CLE, ÉTÉ Canada, les Projets de développement communautaire du Canada, autant de mesures qui aident à former les minorités visibles pour qu'elles occupent de nouveaux postes dans la fonction publique.

Un comité sénatorial spécial ou un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes serait très utile pour examiner la situation de l'équité à l'heure actuelle et pour mettre nos conclusions à jour pour le prochain millénaire.

Parce qu'ils vivent dans un pays d'immigration, la plupart des Canadiens comprennent maintenant qu'il n'y a pas de «Canadiens authentiques». Alors que la composition de la population change, il faut être un fanatique particulièrement entêté pour continuer de prétendre le contraire.

Dans une étude antérieure, John Samuel a dit que le pourcentage de personnes appartenant à des minorités visibles au Canada aura augmenté de plus de 350 p. 100 entre 1986 et 2001. Il faudrait maintenant accroître de près de 300 p. 100 le pourcentage de représentants des minorités visibles dans la fonction publique pour simplement ramener celui-ci à un niveau comparable aux pourcentages actuels dans l'ensemble de la population active.

Honorables sénateurs, le problème dont il est question n'est absolument pas négligeable. Cette sous-représentation n'est pas simplement une anomalie statistique. Quelque chose cloche, c'est indiscutable. La discrimination dont sont victimes les minorités visibles dans la fonction publique est le symptôme même d'un racisme généralisé. Que ce soit délibéré ou non, les pratiques de dotation dans la fonction publique sont très désavantageuses pour les minorités visibles. Ces personnes sont plus que des employés éventuels; chacune d'entre elles est simultanément un intervenant et un client. En tant que contribuables, elles apportent le capital financier nécessaire à la prestation des services gouvernementaux. En tant que citoyens, elles votent pour choisir le parti des dirigeants du Canada. Enfin, en tant que résidants, elles s'attendent avec raison d'obtenir des produits de qualité et les services essentiels sur lesquels elles peuvent compter. Ainsi, une grande représentation des minorités visibles dans la fonction publique est plus qu'une simple question de droits de la personne - le gouvernement doit se positionner pour servir ses clients de son mieux.

Comme dans le secteur privé, accroître les perspectives et les chances d'accès à des personnes de couleur aidera la fonction publique à trouver de nouveaux talents et de nouvelles idées. Comme le laisse entendre le rapport de John Samuel, la sous-représentation des minorités visibles peut fort bien s'expliquer par le monopole qu'a le gouvernement sur ses services. Avec les changements dans la composition de la population, les Canadiens interpréteront fort probablement une plus grande inclusion de tous ses membres comme une meilleure capacité de la fonction publique de répondre à leurs besoins.

Une meilleure représentation des minorités visibles constitue un défi qu'il faut relever si les Canadiens veulent demeurer véritablement unis au cours du prochain millénaire. La relation qui existe entre une population et son gouvernement est incontestablement l'un des facteurs les plus importants pour forger une identité nationale. Si la fonction publique est incapable de changer au même rythme que la société canadienne, nous nous retrouverons, au siècle prochain, avec un gouvernement qui n'aura pas su s'adapter à la société qu'il sert. Toutefois, ce résultat peut être évité si l'on prend dès maintenant l'engagement de changer.

Honorables sénateurs, la notion d'inclusion n'est pas seulement une question de perception. L'inclusion au sein de la fonction publique aura de réelles conséquences. La façon dont le gouvernement exerce son activité et la perception qu'ont les Canadiens de leur gouvernement dépendent dans une large mesure de la capacité des gestionnaires de la fonction publique de s'identifier aux Canadiens qu'ils servent. La solution est urgente et repose sur une véritable compréhension des problèmes. Le Sénat, qui a le mandat de protéger les droits et les intérêts des minorités, est le catalyseur idéal pour favoriser un tel changement. Honorables sénateurs, j'estime que nous sommes bien placés pour étudier la question et proposer tout ce qui est nécessaire afin d'atteindre le but recherché, tout en respectant la notion d'égalité au sein de la fonction publique.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Oliver pour cet excellent discours.

(Sur la motion du sénateur Gigantès, le débat est ajourné.)

Peuples autochtones

Projet de loi sur le gouvernement des premières
nations-Autorisation au comité de se servir, dans
son étude actuelle du projet de loi, des documents
et témoignages recueillis lors de l'étude de sa teneur

L'honorable Landon Pearson, conformément à l'avis donné le 11 mars 1997, propose:

Que les documents reçus et les témoignages entendus par le comité sénatorial permanent des peuples autochtones au cours de son étude de la teneur du projet de loi S-10, Loi prévoyant l'autonomie gouvernementale des premières nations du Canada, lors de la première session de la trente-cinquième législature, soient déférés au comité pour la présente étude du projet de loi S-12, Loi prévoyant l'autonomie gouvernementale des premières nations du Canada.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)

 


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