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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 79

Le jeudi 24 septembre 1998
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 24 septembre 1998

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction

Le Sénat

Nelson Mandela, le président de l'Afrique du Sud

Le dépôt et l'impression en annexe de l'adresse aux membres du Sénat et de la Chambre des communes

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande que l'adresse de Son Excellence Nelson Mandela, président de la République d'Afrique du Sud, faite aux membres des deux Chambres plus tôt aujourd'hui, ainsi que le discours d'introduction du très honorable premier ministre du Canada, et ceux des Présidents du Sénat et de la Chambre des communes, soient imprimés en annexe aux Débats du Sénat d'aujourd'hui.

[Voir le texte des discours en annexe, p. 1946]

 


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les finances nationales

Les études du groupe de travail de Colombie-Britannique sur les fusions de grandes banques

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, cet été, le groupe de travail de Colombie-Britannique sur les fusions de banques a tenu des consultations publiques sur la fusion de la Banque Royale et de la Banque de Montréal, et celle de la Banque Canadienne Impériale de Commerce et de la Banque Toronto-Dominion. Il a aussi commandé des études particulières sur les conséquences des fusions.

Plus tôt ce mois-ci, le président du groupe de travail, David Rosenberg, un avocat de Vancouver, et les deux autres membres, Marjorie Griffen Cohen, économiste bien connue, et Blair Lekstrom, maire de Dawson Creek, ont publié leur rapport. J'ai demandé au ministre responsable, Ian Waddell, d'envoyer copie de ce rapport au comité sénatorial permanent des banques et du commerce qui étudiera cette question.

Cependant, je voudrais résumer certaines conclusions pour les sénateurs. Selon les témoignages qu'a entendus le groupe de travail, ceux qui sont en faveur des fusions estiment que celles-ci sont indispensables si le Canada veut conserver aujourd'hui un avantage concurrentiel sur les marchés financiers mondiaux. L'opposition aux fusions est cependant très forte et vient de ce que l'on s'inquiète de leurs conséquences négatives pour les gens et les collectivités.

Les recherches effectuées en Colombie-Britannique ont révélé que les fusions signifieraient probablement la perte directe de 2 600 à 3 400 emplois dans la province et la perte indirecte de 5 200 à 6 800 emplois pour son économie et ce, en utilisant un multiplicateur relativement petit. Quelque 75 p. 100 des collectivités de la Colombie-Britannique pourraient voir des succursales fermées par suite de ces fusions. Parmi ces collectivités, 119 sont desservies à l'heure actuelle par moins de quatre institutions financières et la plupart risquent d'en perdre encore.

Honorables sénateurs, au nombre des collectivités qui ne disposent actuellement d'aucun service bancaire, il y a par exemple Alert Bay, un centre de pêche côtier d'environ 700 habitants, Hudson Hope, qui compte plus de 1 000 habitants et n'a aucun service bancaire, et Fort Nelson, où il y a 4 000 habitants et une seule banque. Au nombre des collectivités où il existe une banque, il y a par exemple Nakusp, 1 700 habitants, et Gold River, 2 000 habitants. Cet été, j'étais à Gold River, c'est très beau. Pareillement, Lillooet, qui compte plus de 2 000 habitants, a une seule banque. Armstrong, 4 000 habitants et une seule banque. Hope, 6 200 habitants et seulement deux banques. Invermere, 2 600 habitants, deux banques, comme Castlegar, 7 000 habitants. Honorables sénateurs, vous pouvez comprendre pourquoi ces gens s'inquiètent de ce que l'on pourrait fermer leurs banques.

Selon ces mêmes recherches effectuées en Colombie-Britannique, les fusions auraient un impact sur le financement des petites entreprises parce que moins de décisions seraient prises au niveau local en ce qui concerne les demandes de prêts, qu'il serait plus difficile de faire approuver les prêts vu l'aversion des banques fusionnées pour le risque, que les commissions augmenteraient et qu'il y aurait davantage de roulement parmi les directeurs de comptes.

Contrairement à ce qu'en disent les partisans, il n'existe rien prouvant que les fusions bancaires augmenteraient l'efficacité des banques. Au lieu de cela, les recherches indiquent qu'elles pourraient donner lieu à une vague de réduction des coûts au moyen de la fermeture de succursales fonctionnant à plein temps.

(1410)

Pour les habitants de la Colombie-Britannique, il en résulterait des pertes d'emploi et la nécessité de prévoir plus de temps et plus de déplacements pour obtenir des services bancaires. Comme les honorables sénateurs le savent, les agglomérations sont parsemées et il faut des heures pour aller de l'une à l'autre.

Selon la principale recommandation du groupe de travail, il faudrait rejeter la proposition de fusion entre des banques figurant à l'annexe I puisque les cinq principales banques à charte du Canada ont déjà la plus forte concentration d'actifs bancaires des pays de l'OCDE.

Dans la foulée de ses constatations, le groupe de travail invite le gouvernement fédéral à prendre quelques initiatives afin de, premièrement, préserver la propriété canadienne de nos grandes banques et protéger la souveraineté du Canada en limitant la mainmise étrangère sur nos banques à charte; deuxièmement, établir des règlements concernant la responsabilité sociale et professionnelle des banques sur les marchés intérieurs et internationaux, y compris prendre un engagement envers les collectivités rurales et moins nanties; troisièmement, garantir un accès aux services bancaires essentiels.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Carney, je regrette de vous interrompre, mais la période de trois minutes qui vous a été allouée est écoulée.

Le sénateur Carney: Puis-je avoir la permission de continuer, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Carney: Le quatrième initiative exige que les banques investissent dans les collectivités qu'elles desservent, pour bâtir la confiance dans le fonctionnement de notre système bancaire; cinquièmement, assurer une divulgation appropriée des pratiques d'octroi de prêts des banques.

Le gouvernement provincial est aussi invité à, premièrement, améliorer le rôle des organisations régies par la province, notamment les coopératives de crédit, les compagnies d'assurances et les maisons de courtage; deuxièmement, mettre en oeuvre un programme d'encouragement fiscal et des mesures facilitant le respect de l'obligation contractuelle, afin d'accroître le niveau des prêts aux PME en Colombie-Britannique, que le groupe de travail a jugé insuffisant à l'heure actuelle.

Le groupe de travail recommande également qu'avant d'autoriser une fusion entre des banques figurant à l'annexe I, le Parlement ordonne la tenue d'audiences publiques partout au Canada, y compris des consultations auprès des gouvernements provinciaux, et adopte une loi à cet égard.

Je mettrai les autres recommandations du groupe de travail à la disposition des honorables sénateurs qui désireraient les consulter.

 

Pause-café pour l'Alzheimer

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, aujourd'hui, tous les Canadiens sont invités à prendre la pause-café pour l'Alzheimer, événement qui se tient d'un océan à l'autre dans le but de récolter des fonds et de sensibiliser la population en cette Journée mondiale de la maladie d'Alzheimer.

J'attire l'attention de tous les honorables sénateurs sur la gravité de la maladie d'Alzheimer et sur la nécessité d'accroître la recherche et de multiplier les services.

[Français]

La cause principale de démence est la maladie d'Alzheimer, qui représente 64 p. 100 de tous les cas de démence. Vous êtes sûrement au courant qu'il s'agit d'une démence progressive et irréversible, qui endommage les cellules nerveuses du cerveau, résultant en des pertes de mémoire, de jugement et de raisonnement, ainsi que des changements d'humeur et de comportements. Il en résulte la perte de la qualité humaine la plus précieuse: la dignité.

[Traduction]

Plus de 250 000 Canadiens souffrent de la maladie d'Alzheimer et de démences apparentées et, étant donné que le diagnostic ne peut être confirmé qu'au moment de l'autopsie, il faut compter que bien d'autres cas ne sont pas déclarés. En outre, les tendances démographiques indiquent qu'en raison du vieillissement accru de la population, 750 000 Canadiens pourraient être atteints de la maladie d'Alzheimer au cours du prochain siècle.

La maladie d'Alzheimer est associée aux personnes âgées. En fait, un Canadien âgé de plus 65 ans sur 13 souffre de la maladie d'Alzheimer ou d'une démence apparentée, et cette incidence passe de un à neuf chez les personnes âgées de 75 à 84 ans. L'incidence est la plus alarmante chez les Canadiens âgés de plus de 85 ans. Une personne sur trois est alors frappée par cette maladie.

Même s'il est peu probable que de jeunes adultes souffrent de cette maladie, on a déjà vu des personnes dans la trentaine et la quarantaine en être atteintes. Le plus souvent, les jeunes adultes sont des victimes indirectes de la maladie car ils doivent prendre soin de ceux qui en sont atteints. Étant donné que la maladie est de nature progressive et qu'elle dégrade les capacités mentales et physiques, les personnes souffrant d'Alzheimer doivent compter de plus en plus sur leurs proches pour obtenir des soins.

La maladie d'Alzheimer constitue dès lors un problème familial. Elle modifie les habitudes, les rôles et les modes de vie de la famille et peut provoquer beaucoup de stress et de conflits, comme en font foi des études menées au Canada. Selon Statistique Canada, près de trois millions de Canadiens s'occupent d'un malade chronique, généralement un parent âgé, ce qui taxe leur santé et leur temps. La proportion la plus élevée de ces gardes-malades, soit 20 p. 100, se retrouve chez les personnes âgées de 45 à 64 ans, et près de 10 p. 100 des gardes-malades sont eux-mêmes âgés. Les familles ont besoin d'un soutien sous forme de renseignements sur la maladie, d'aide morale et de services concrets tels que les soins de relève.

Honorables sénateurs, je vais maintenant aborder certains aspects touchant les politiques d'intérêt public.

[Français]

Premièrement, les soins à domicile pour une personne atteinte d'Alzheimer constituent un fardeau financier pour les familles.

Son Honneur le Président: Votre période de trois minutes tire à sa fin. Honorables sénateurs, est-ce que vous accordez la permission au sénateur afin qu'elle poursuive sa déclaration?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, bien qu'il existe des crédits d'impôt qui allègent ce fardeau, plusieurs des options de remplacement du revenu ne sont pas disponibles pour les personnes atteintes d'Alzheimer ou les prestataires de soins qui en auraient besoin. Étant donné que l'on compte de plus en plus sur la famille comme prestataire de soins, une révision des mesures d'aide financière aux patients et aux prestataires de soins permettrait sans doute de favoriser le maintien à domicile dans des conditions humainement acceptables.

Je voudrais aussi aborder la question des subventions dans le cadre des programmes fédéraux, notamment le programme Nouveaux Horizons, qui fournit un appui financier à des projets innovateurs sur l'Alzheimer. Il est essentiel que le financement de ce programme soit sauvegardé, afin que nous puissions en apprendre davantage sur les causes de la maladie d'Alzheimer et trouver des moyens de plus en plus efficaces de fournir des soins appropriés.

Le financement du régime des soins de santé au Canada est essentiel à la protection des personnes touchées par la maladie d'Alzheimer. Il faut absolument maintenir le critère d'aide de Santé Canada afin de pouvoir offrir les services requis par les personnes atteintes de cette maladie.

[Traduction]

À l'heure actuelle, la cause aussi bien que la cure de la maladie d'Alzheimer sont encore inconnues. Il y a toutefois eu quelques percées dans la recherche. On a trouvé des médicaments pour traiter certains des symptômes de la maladie, et on espère en découvrir et en traiter la cause. Si nous voulons nous attaquer à ce problème très important et de plus en plus grave, il est crucial que nous facilitions la recherche en versant des subventions expressément pour les travaux sur la maladie d'Alzheimer et que nous aidions les malades et leurs familles.

La Société Alzheimer est une organisation nationale sans but lucratif dont la vocation est d'aider les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Elle finance des recherches biomédicales sur la cause et le traitement de la maladie et des recherches sociales et psychologiques visant à améliorer les méthodes employées pour soigner les malades et leur dispenser des services. Les sections locales de la Société Alzheimer proposent des programmes de soutien et de formation à ceux qui soignent les malades. Leurs efforts sont soutenus en partie au moyen de la pause-café pour l'Alzheimer, qui a lieu dans tout le Canada aujourd'hui. L'an dernier, cette campagne d'information et de sensibilisation a rapporté plus de 600 000 $.

Je pourrais dire encore bien des choses sur la maladie d'Alzheimer, mais permettez-moi seulement de demander à mes collègues des deux côtés du Sénat de se rappeler que c'est là un grave problème de santé et de société, et que nous ne devons pas le perdre de vue. Nous parlons des personnes âgées, des études de gérontologie, et tout cela est très bien, mais j'estime qu'il faudrait accorder plus d'attention à cette maladie qui fait de plus en plus de victimes tous les jours.

Je remercie les honorables sénateurs de m'avoir permis de parler de cet important problème de santé et de société. Les parlementaires que nous sommes ont un rôle à jouer en sensibilisant l'opinion et en encourageant les recherches sur la maladie et les services aux malades. Si nous le faisons, nous aiderons à bien des égards à préserver l'équilibre des familles qui ont des membres atteints de cette maladie si pénible pour leur entourage immédiat.

 


Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer au prochain article au Feuilleton, je vous signale la présence à la tribune d'un groupe d'étudiants de l'Université du Vermont. Ils sont parmi nous pour étudier le régime parlementaire canadien.

(1420)

Les honorables sénateurs se souviendront que c'est habituellement le sénateur Prud'homme qui parraine ce groupe, mais il est malheureusement hospitalisé à l'heure actuelle.

Au nom de tous les honorables sénateurs, j'aimerais donc accueillir chaleureusement le groupe de l'Université du Vermont.

Des voix: Bravo!

 


AFFAIRES COURANTES

La Loi sur la concurrence

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et d'autres lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance de mardi prochain, le 29 septembre 1998.)

 

La santé

La Commission d'enquête sur le système d'approvisionnement en sang au Canada-L'observation des recommandations-Avis de motion

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je donne avis que le mardi 20 octobre, je proposerai:

Que le Sénat réaffirme son appui unanime à la motion suivante adoptée sans opposition le 18 juin 1998.

Que le Sénat sanctionne et appuie la première recommandation de la Commission d'enquête sur l'approvisionnement en sang au Canada qui demande aux provinces et aux territoires de répondre aux besoins des personnes qui ont subi des préjudices liés au système de distribution du sang;

Que le Sénat reconnaisse que le gouvernement du Canada a fait preuve de leadership en élaborant des mesures fédérales-provinciales d'indemnisation des personnes qui ont été infectées par le virus de l'hépatite C par le biais du système de distribution du sang entre 1986 et 1990;

Que, étant donné que le gouvernement fédéral et les provinces ont convenu de revoir cette première entente afin d'accroître le consensus vis-à-vis de notre réponse à cette tragédie nationale, le Sénat prie instamment le gouvernement du Canada et les gouvernements des provinces et des territoires de prendre des mesures concrètes pour répondre aux besoins des personnes qui subissent les conséquences désastreuses de l'hépatite C contractée par le biais du système de distribution du sang; et

Qu'une copie de la présente motion soit envoyée à chaque ministre de la Santé fédéral, provincial et territorial.

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le solliciteur général

Le traitement infligé par la GRC aux manifestants lors de la conférence de l'APEC-La détention d'un étudiant avant la conférence-La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et a trait à la conférence de l'APEC.

Une question qui a surgi est celle de la détention d'un protestataire étudiant. M. Jaggi Singh a passé le 25 novembre en prison parce que la GRC craignait qu'il énerve les manifestants.

Honorables sénateurs, veuillez noter les circonstances. M. Singh a été arrêté et détenu parce qu'on le soupçonnait de protester légalement. En ce 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, un étudiant a été mis en prison pour cause de protestation. M. Singh a dit qu'on ne pouvait arrêter quelqu'un à cause de ce qu'il pourrait faire.

Les circonstances sont très ironiques. Plus tôt aujourd'hui, nous avons entendu un grand champion des droits de l'homme qui a été détenu durant 27 ans à cause de la couleur de sa peau et de sa foi en l'égalité. L'année dernière à Vancouver, le même premier ministre qui a applaudi le président Mandela a fait arrêter Jaggi Singh à cause de ses croyances politiques. Notez bien, chers collègues, que ce protestataire a été arrêté non pas à cause de ce qu'il a fait, mais à cause de ce que la GRC croyait qu'il pourrait faire.

Voici ma question au leader du gouvernement: si l'on constate, par exemple, que des protestataires comme M. Singh ont été arrêtés et détenus injustement, le sénateur Graham croit-il que l'on devrait appliquer à l'égard des responsables de ces décisions la loi dans toute sa rigueur? Un simple «oui» ou «non» suffira.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux pas répondre simplement par «oui» ou par «non», car mon honorable collègue fait de fausses allégations. Il se rend un mauvais service à lui-même, en tant qu'honorable membre de notre assemblée, quand il dit que le premier ministre de notre pays est responsable d'avoir fait jeter cette personne en prison. Il sait que ce n'est pas vrai. La responsabilité en incombe à la GRC, et la question sera traitée de façon appropriée devant la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada.

Le sénateur Stratton: Le leader du gouvernement au Sénat croit-il convenable que cet homme ait été jeté en prison pour ce qu'il avait jugé bon de faire?

Le sénateur Graham pourrait peut-être nous dire si le gouvernement ordonnera des enquêtes distinctes sur les incidents et les événements qui ne sont pas du ressort de la Commission des plaintes du public contre la GRC. L'affaire dépasse maintenant le domaine de cette commission.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, comme mon collègue le sait, la Commission des plaintes a un très large mandat. On peut espérer qu'elle en viendra à examiner les éléments que mon collègue et d'autres Canadiens intéressés ont mentionnés.

Cette question a été l'objet de beaucoup de délibérations dans les deux Chambres du Parlement au cours des trois ou quatre derniers jours. Elle a attiré l'attention des Canadiens. C'est préoccupant, bien sûr. Cependant, un organisme - la Commission des plaintes du public contre la GRC - a justement été établi avec pour mandat d'enquêter sur des situations comme celle-là. Laissons la commission faire son travail. Cette commission a été créée à bon escient par l'ancien gouvernement dont mon collègue était membre.

Le sénateur Stratton: Le leader pourrait-il nous donner la liste des membres de la Commission des plaintes du public contre la GRC?

Le sénateur Graham: Je serais heureux de fournir cette information, mais je ne l'ai pas en main.

Le sénateur Stratton: Je comprends cela.

 

L'environnement

Le règlement conclu avec la société Ethyl au sujet du MMT-L'abrogation de la loi-Demande de précisions

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous expliquer, en gros, les détails d'une entente conclue entre le gouvernement et la société américaine Ethyl au sujet de cette substance interdite par la loi qu'est le MMT?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois comprendre que le gouvernement du Canada a réglé pour un montant de 13 millions de dollars américains.

Le sénateur Ghitter: Est-ce tout, ou le gouvernement s'est-il également engagé à abroger la loi adoptée par le Parlement relativement au MMT?

Le sénateur Graham: Le gouvernement s'est engagé aussi à abroger la loi.

Le sénateur Ghitter: Le gouvernement a-t-il l'intention de présenter une mesure législative abrogeant la loi C-29, à laquelle l'opposition s'est vivement opposée au Sénat pour un certain nombre de motifs? Je crois comprendre que le gouvernement va présenter une mesure législative pour abroger la loi C-29.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, ce n'est pas nécessairement pour abroger la loi C-29, mais simplement les dispositions touchant le MMT en ce qui concerne la société Ethyl.

Le sénateur Ghitter: Ainsi, si je comprends bien, le gouvernement du Canada entend, par décret, abroger une mesure législative qui a franchi toutes les étapes du processus parlementaire, ce qui a été long et coûteux, et le Parlement ne sera pas alors saisi de cette mesure d'abrogation. Le gouvernement abroge cette loi unilatéralement. Est-ce ce que je dois croire?

Le sénateur Graham: Si je ne m'abuse, le gouvernement a le pouvoir de supprimer cette disposition.

(1430)

Le sénateur Ghitter: Honorables sénateurs, c'est ce même gouvernement qui a fait marche arrière dans l'action en diffamation intentée par le premier ministre Mulroney et qui a payé quelque 12 millions de dollars en frais juridiques; c'est ce même gouvernement qui a fait marche arrière dans l'affaire de l'aéroport Pearson et qui a déboursé sans doute plus de 60 millions de dollars; c'est ce même gouvernement qui dérobe maintenant près de 20 millions de dollars aux entreprises et aux employés en détournant les fonds de l'assurance-emploi; et c'est ce même gouvernement qui dépense maintenant 13 millions de dollars pour régler un litige à propos d'une loi qui a été adoptée par le Parlement en l'abrogeant unilatéralement.

Le ministre peut-il nous dire pourquoi le gouvernement ne présente pas une loi pour abroger la loi C-29 - car il s'agit bien de cela - afin que cela fasse l'objet d'un débat satisfaisant et que les Canadiens comprennent, au lieu de se cacher derrière des décrets?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le gouvernement a annulé l'interdiction en juillet 1998 parce que la mesure avait été trouvée non conforme au mécanisme de règlement des différends de l'ACI en juin 1998 et parce que les prétentions du fabricant de voitures n'avaient pas été prouvées.

Le sénateur Ghitter: Honorables sénateurs, n'est-il pas vrai que le gouvernement a été informé par les experts d'un bout à l'autre du pays et aux audiences tant du comité sénatorial que du comité de la Chambre des communes que cette loi ne résisterait pas à l'examen en matière commerciale, voire constitutionnelle, et que les experts du gouvernement ont dit aux membres du comité de ne pas s'inquiéter, qu'il n'y avait pas de problème? Le gouvernement qui a appuyé ces avis fait maintenant marche arrière et dit qu'il s'est trompé, n'est-ce pas?

Le sénateur Graham: Des réserves ont été formulées à ce moment-là. En fait, le chef adjoint suppléant de l'opposition a présenté des amendements au motif que les preuves qui ont été présentées à l'époque n'étaient pas concluantes. De fermes protestations ont été faites au nom des fabricants de voitures. Le gouvernement a réexaminé la situation et a reconnu que les preuves étaient insuffisantes.

En annonçant la décision de révoquer l'interdiction, le gouvernement a souligné que toute nouvelle donnée sur le MMT serait examinée dans le cadre d'un examen scientifique ouvert et indépendant, mené par une tierce partie. De plus, si cet examen révèle que le MMT constitue un danger pour l'environnement ou la santé des Canadiens, des mesures seront prises en vertu de la loi pertinente, soit la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

 

Le règlement conclu avec la société Ethyl au sujet du MMT-L'abrogation de la loi-Le renvoi des données scientifiques à la Société royale-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole au Sénat pour dire au leader du gouvernement «Nous vous avions prévenus». Cependant, il n'y a pas là matière à nous réjouir, car cela coûtera aux contribuables canadiens plus de 20 millions de dollars.

Le gouvernement du Canada acceptera-t-il, aujourd'hui, notre recommandation préconisant le renvoi à la Société royale du Canada des données scientifiques qui étaient mises en doute, et cela, pour que nous puissions avoir des réponses claires et objectives?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je serai heureux de porter cette recommandation à l'attention de mes collègues.

 

Les finances

Le licenciement de l'actuaire indépendant chargé d'étudier le Régime de pensions du Canada-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle concerne le licenciement de l'actuaire en chef, Bernard Dussault, et, par voie de conséquence directe, la cessation de ses travaux concernant le Régime de pensions du Canada.

Afin de dispenser des avis objectifs et impartiaux sur des questions gouvernementales, les actuaires doivent travailler en toute indépendance. M. Dussault était sur le point de rendre public un rapport qui aurait, paraît-il, mis en doute la viabilité du RPC. Ceux qui disent que le rapport allait vraisemblablement être défavorable s'appuient pour ce faire sur les informations contenues dans le dernier rapport de l'actuaire en chef.

Le gouvernement prétend que le licenciement est attribuable à des «divergences de vues» entre l'actuaire en chef et son supérieur, John Palmer, le surintendant des institutions financières. D'autres pourraient dire qu'il s'agissait simplement d'une tentative pour empêcher la production du rapport. Quoi qu'il en soit, toute cette affaire ébranle la confiance des Canadiens dans le RPC.

Le leader du gouvernement pourrait-il nous dire si, oui ou non, le vérificateur général sera chargé d'enquêter sur les circonstances entourant ce départ soudain?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne suis au courant d'aucun renvoi de cette affaire au vérificateur général. Le ministre des Finances a reconnu hier qu'il savait qu'il y avait des problèmes entre M. Dussault et le surintendant des institutions financières. Je tiens à souligner que ce dernier est indépendant du gouvernement.

Je crois que le ministre des Finances a également reconnu qu'on lui avait dit que le surintendant avait l'intention de s'expliquer avec M. Dussault sur les problèmes et les divergences qui existaient entre eux, mais le ministre des Finances n'a appris le congédiement de M. Dussault que le lendemain.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, M. Dussault n'est pas le seul actuaire pouvant faire un rapport embarrassant pour le gouvernement cet automne. Dans quelques semaines, l'actuaire en chef du régime d'assurance-emploi publiera son rapport annuel sur l'état du fonds de l'assurance-emploi, dont le sénateur Ghitter a déjà parlé aujourd'hui; il y dira probablement qu'il faut sérieusement réduire les cotisations à l'assurance-emploi.

Le leader du gouvernement peut-il garantir au Sénat que l'on n'essaiera pas de museler l'actuaire du fonds de l'assurance-emploi en le menaçant de le mettre à la porte pour avoir publié un rapport honnête?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je tiens à souligner une fois de plus que ce n'est pas le gouvernement qui a congédié M. Dussault, c'est le surintendant des institutions financières.

En ce qui concerne le fonds de l'assurance-emploi, nous allons attendre de voir comment les choses se présentent. Toutefois, je tiens à assurer à mon honorable collègue que le gouvernement n'envisage aucune des mesures qu'il vient de décrire.

Je n'ai aucune indication qu'il y ait quelque chose d'anormal. Je suis certain que le fonds de l'assurance-emploi est l'objet d'un examen très soigneux de la part des responsables et que le gouvernement se penchera sur la question en temps utile. Il annoncera la décision définitive quand elle sera prise.

 

La défense nationale

Le projet d'acquisition d'hélicoptères maritimes-Demande de précisions sur l'opportunité du projet

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, certains d'entre vous se rappelleront que j'ai baptisé le leader du gouvernement au Sénat «premier maître suppléant». S'il s'est montré en mesure de répondre loyalement et sincèrement aux questions qui lui ont été posées, j'ai décidé de porter mon attention sur les personnes qui ont colligé son document d'information.

D'après les réponses que j'ai reçues hier sous forme de réponses différées, nous disposons actuellement de cinq réponses qui diffèrent de celles qui nous ont été données ici, au Sénat. Toute personne qui a assez de cran pour agir ainsi mérite d'être promue au grade de premier maître en titre du Corps royal canadien des cadets de la marine du Canada. Je vais donc désigner désormais le premier maître suppléant sous le titre de «premier maître».

Honorables sénateurs, bien des choses dépendent de la réponse que donnera le ministre à ma prochaine question. En 1994 - nous sommes maintenant en 1998 - le livre blanc sur la défense disait que le gouvernement remplacerait les hélicoptères maritimes avant la fin de la décennie. Le ministre pourrait-il me dire comment le gouvernement compte y arriver en moins de 16 mois, alors qu'il faut environ quatre ans pour mettre une telle flotte en service?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je conviens avec le sénateur qu'il serait difficile de respecter ce délai d'acquisition des hélicoptères. Cependant, comme je l'ai dit hier, je suis un éternel optimiste et j'espère qu'une annonce positive sera faite bien avant le prochain millénaire.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, cette réponse n'a pas grand-chose à voir avec ma question. Ce délai est matériellement impossible à respecter.

(1440)

Lorsqu'il aura quelques minutes, M. Eggleton devrait retirer cette affirmation et nous donner une idée de la date de remplacement des hélicoptères. Le personnel de la marine canadienne, qui doit piloter et entretenir ces vénérables aéronefs, saurait alors pendant combien de temps encore il devra risquer sa réputation et sa vie.

Pouvons-nous au moins avoir une idée de la date? Nous n'osons espérer que cela puisse se faire avant le prochain millénaire. Nous voulons simplement savoir quand la chose se fera.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, si je pouvais donner une réponse précise à cette question, je ne serais pas ici. Je me trouverais dans le bureau du ministre de la Défense nationale, dans celui du ministre des Finances ou même chez le premier ministre. Mon collègue peut avoir l'assurance que je prends ses questions très au sérieux. Comme je le disais hier, toutes les semaines et même chaque jour, je fais part de ces préoccupations non seulement au ministre de la Défense, mais également aux autres ministres qui ont la responsabilité de ce très important projet.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je vais demander au page de porter cet insigne au premier maître suppléant qui deviendra, à partir de ce moment, premier maître.

Le sénateur Graham: C'est un grand jour pour moi, mais sans doute un triste jour pour tous les premiers maîtres au Canada.

 

La visite à Ottawa du président de l'Afrique du Sud, M. Nelson Mandela

L'assurance que les interventions des présidents de la Chambre des communes et du Sénat paraîtront en annexe-la position du gouvernement

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, j'aimerais que le leader adjoint du gouvernement précise ce qu'il a dit plus tôt et confirme si, oui ou non, l'annexe à notre compte rendu contenant le discours de Nelson Mandela inclura également l'excellent discours prononcé en notre nom lors de la séance conjointe du Sénat et de la Chambre des communes.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je peux répondre au nom du leader adjoint du gouvernement. Puisque nous sommes à la période des questions, je dois répondre à toutes les questions. J'ai très clairement entendu le leader adjoint demander le consentement unanime pour que soient annexés aux Débats du Sénat d'aujourd'hui les discours du président Mandela, du premier ministre Chrétien, du Président Molgat et du Président Parent.

 

Le solliciteur général

La commission d'enquête sur le traitement réservé par la GRC aux manifestants lors de la conférence de l'APEC-La provision de fonds pour la défense des étudiants-Le bien-fondé du forum-La position du gouvernement

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au sujet du rôle du premier ministre dans l'attaque de la GRC contre les manifestants étudiants au moment du sommet de l'APEC. Plus tôt, il a déclaré que nous devrions surseoir à nos interpellations jusqu'à la conclusion de l'enquête publique sur les événements survenus lors de ce sommet. Pourrait-il toutefois donner des précisions au Sénat au sujet des fonds que le gouvernement entend fournir aux manifestants étudiants qui veulent une enquête sur la violation de leurs droits garantis par la Constitution?

Le leader pourrait-il également nous fournir des renseignements sur les fonds gouvernementaux mis à la disposition, directement ou indirectement, par l'intermédiaire d'agences financées par le Trésor public, des parties faisant l'objet de l'enquête?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): À ma connaissance, aucune somme n'est versée aux étudiants, les réputés «plaignants» dans cette affaire. Je crois cependant pouvoir dire sans me tromper que la défense des membres de la GRC faisant l'objet de l'enquête sera assurée selon les dispositions des règlements de la GRC et de la Commission des plaintes du public contre la GRC.

Le sénateur Carney: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il vérifier quels fonds pourraient être versés aux étudiants? Il ne me semble pas dans l'esprit du Sénat de laisser se dérouler une enquête à sens unique qui a été instituée en réponse à l'implication du premier ministre dans cette affaire.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je devrai vérifier s'il y a des précédents. J'ignore s'il y en a.

Les avocats des membres de la GRC sont payés par le gouvernement parce que, ce qui n'est pas le cas des plaignants, les audiences de la commission peuvent entraîner des sanctions disciplinaires contre eux.

Le sénateur Carney: Les plaignants ont été harcelés par la GRC.

Le sénateur Graham: Le sénateur Carney demande si les étudiants, c'est-à-dire les plaignants, recevront des fonds pour les aider à défendre leur plainte. J'ignore si des fonds sont fournis dans de telles circonstances. Je sais cependant que les agents de la GRC pouvant être visés par l'enquête auront droit aux services d'un avocat parce qu'ils pourraient faire l'objet de mesures disciplinaires.

Le sénateur Carney: Le leader du gouvernement au Sénat juge-t-il que c'est là une réponse équilibrée et juste devant les préoccupations exprimées de ce côté-ci du Sénat?

Le sénateur Graham: Je serai heureux de transmettre les préoccupations de l'honorable sénateur aux premiers responsables.

 


ORDRE DU JOUR

La Loi sur la taxe d'accise

Projet de loi modificatif-Troisième lecture-Motions d'amendement-Renvoi du projet deloi au comité pour complément d'examen

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Di Nino, appuyée par l'honorable sénateur DeWare, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise;

Et sur la motion en amendement de l'honorable sénateur Maheu, appuyée par l'honorable sénateur Ferretti Barth, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 1, page 1, par substitution, à la ligne 9, de ce qui suit:

 

«lecture, y compris toute représentation graphique ou autre moyen d'expression approuvé par un établissement d'enseignement pour utilisation dans ses programmes, à l'exception cependant de tout article:
a) soit dont la vente, l'acquisition ou la visualisation comporte des restrictions imposées par la loi quant à l'âge des personnes en cause;
b) soit qui est obscène au sens de l'article 163 du Code criminel ou est de nature pornographique;
c) soit qui comporte plus de cinq pour cent de publicité.»;
Et sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Di Nino, appuyé par l'honorable sénateur Kinsella, que la motion en amendement soit modifiée par suppression de son alinéa c).-(L'honorable sénateur Fairbairn, c.p.).

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je tiens à intervenir aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture de cet important projet de loi qui ne traite pas seulement d'impôts, mais aussi de principes. Dans une société comme la nôtre, qui met un tel accent sur l'éducation et les études supérieures, la capacité de lire et d'avoir accès à la littérature constitue pour nous tous, je l'espère, une extrême priorité.

On a dit au cours du débat et aux audiences du comité que l'alphabétisation et la productivité au travail sont manifestement liées. Par conséquent, notre accent sur l'alphabétisation devrait être d'autant plus important que les besoins d'une économie fondée sur le savoir sont croissants. Cela étant dit, il subsiste au moins une certaine incertitude dans mon esprit quant à savoir si ce projet de loi concerne les impôts ou l'alphabétisation.

[Français]

Je suis d'accord que notre société accorde une plus grande importance à la lecture et qu'elle facilite l'accès aux livres. Par contre, je crois que ce projet de loi ne doit pas être considéré comme une panacée pour la promotion de la lecture et de l'alphabétisation.

[Traduction]

L'accès aux livres n'est pas une simple question de coût, tous les sénateurs en conviendront. Je crois que l'éducation d'un enfant et l'attitude vis-à-vis de la lecture sont également des facteurs à considérer. Si la priorité de ce projet de loi est de stimuler ces facteurs, j'aurais aimé qu'on cherche davantage à savoir comment les familles et les jeunes en particulier perçoivent la littérature. Cependant, il ne pouvait pas en être question dans ce projet de loi.

À l'instar de l'honorable sénateur Di Nino, je pense que le fait de réduire le coût des livres pour tous ne peut que faciliter l'accès aux livres chez ceux pour qui la chose serait difficile autrement et qui risquent de ce fait de ne pas développer suffisamment leurs capacités de lecture et d'écriture.

J'estime donc que, pour les motifs invoqués au comité, le projet de loi est très pertinent.

Toutefois, depuis que notre comité a étudié ce projet de loi, des amendements ont été proposés, et ceux-ci doivent faire l'objet d'un examen. Je suis heureuse de constater que le sénateur Di Nino, dans son sous-amendement, approuve en principe les deux premiers alinéas de l'amendement proposé par le sénateur Maheu. Les alinéas a) et b) de son amendement atténuent ma crainte que ce projet de loi puisse indirectement faire en sorte que la population en général et les jeunes en particulier aient plus facilement accès à des articles de lecture que je qualifierais difficilement de «littérature». Tout en étant contre toute forme de censure, j'estime que les publications de ce genre ne cadrent pas parfaitement avec les idéaux que nous entendons promouvoir grâce à ce projet de loi.

J'ai une autre réserve; elle concerne la suppression de l'alinéa c) qui, à mon avis, a quelque mérite. Ce serait dommage si l'adoption de ce projet de loi avait pour effet d'amoindrir le fardeau fiscal de certains magazines de mode et journaux populaires, qui ne sont destinés qu'à réaliser des bénéfices et peuvent difficilement entrer dans la catégorie des articles de lecture que nous souhaitons rendre plus accessibles en adoptant ce projet de loi.

(1450)

Honorables sénateurs, la publicité a créé une société qui privilégie la consommation à toute autre chose et dans laquelle les idéaux défendus dans ce projet de loi sont écrasés par le commercialisme. Il ne s'agit peut-être que de la pointe de l'iceberg. L'économie oblige de plus en plus les entreprises à trouver des façons d'accroître leurs profits ou leur part du marché. La publicité est de plus en plus présente et avantage surtout les grandes entreprises qui disposent de budgets de publicité imposants.

D'autre part, l'idée que véhicule la publicité est considérée, dans de nombreux milieux, comme contraire à une bonne partie des améliorations que le sénateur Di Nino désire apporter au projet de loi. De façon générale, la publicité ne favorise pas le développement de la faculté de lire et d'écrire puisqu'elle met l'accent sur les images et les sentiments. Toutes ces choses, lorsque ajoutées à la documentation dont nous disposons, n'aident pas les gens à améliorer leurs compétences et leurs connaissances, mais contribuent plutôt à ce qu'on a appelé «l'abrutissement de la société». C'est pourquoi le contenu de la publicité me préoccupe beaucoup. Il s'agit d'un facteur important de cet amendement et nous devrions par conséquent y accorder une attention plus rigoureuse.

D'autres éléments méritent également notre attention. Honorables sénateurs, le sénateur Di Nino nous a fait part de ses préoccupations au sujet des effets de cet amendement sur les petites publications. Bien que le sénateur Di Nino ait rappelé que bon nombre de ces publications sont distribuées gratuitement et que, de ce fait, elles ne sont pas visées par le projet de loi, il faut rappeler que certaines publications ne sont pas gratuites et qu'elles devront par conséquent procéder à certains ajustements pour pouvoir être concurrentielles sur le nouveau marché des revues et périodiques que le projet de loi propose de créer par l'addition de l'alinéa (c). Quel effet aurait donc cette disposition sur des publications plus modestes, en particulier des publications canadiennes?

Le sénateur Di Nino a parlé de la tâche complexe que constitue l'évaluation de 5 p. 100. Comment évaluer 5 p. 100 de contenu publicitaire? Est-ce que ce sera fait par colonne, au pouce, par page ou autrement? Des formules différentes seront-elles nécessaires pour évaluer les divers types de revues ou périodiques? Qu'en sera-t-il des articles d'information? S'agit-il d'articles ou de publicité? Beaucoup de questions restent sans réponse.

En outre, honorables sénateurs, et c'est très important, le sénateur Di Nino a mentionné plusieurs revues et périodiques canadiens réputés qui risqueraient de ne pas être admissibles en vertu de la règle des 5 p. 100. Comment devrait-on les taxer? Maclean's est certainement une revue de ce genre, que nous voudrions rendre accessible aux Canadiens pour qu'ils puissent avoir leurs nouvelles hebdomadaires. Quel effet cela aurait-il, en matière de publicité, pour les éditeurs canadiens?

Honorables sénateurs, je veux réaffirmer mon appui de principe à ce projet de loi. Cependant, d'un point de vue pratique, je considère que certains points soulevés par le sénateur Maheu, au moyen de l'amendement, et par le sénateur Di Nino, dans le sous-amendement, méritent d'être étudiés plus à fond.

 

Motion de renvoi au comité pour une étude plus approfondie

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): En conséquence, je propose, appuyée par l'honorable sénateur Pépin:

Que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, ainsi que les propositions d'amendement, pour une étude plus approfondie.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je voudrais simplement poser quelques questions à madame le leader adjoint du gouvernement. Comme elle le sait déjà, je préside le comité qui a étudié d'assez près le projet de loi dans sa forme initiale après sa deuxième lecture au Sénat. Nous avons entendu bon nombre de témoignages, tant du gouvernement que de diverses organisations, et la plupart d'entre eux appuyaient le projet de loi.

Ai-je raison de croire que madame le leader adjoint appuie l'amendement proposé par le sénateur Maheu, mais qu'elle a des réserves quant aux sous-amendements proposés par le sénateur Di Nino?

Le sénateur Carstairs: Je dois avouer que j'ai quelques réserves en ce qui a trait à la fois au troisième amendement proposé par le sénateur Maheu et au sous-amendement qui y est apporté par le sénateur Di Nino.

Le sénateur Murray: Naturellement, le comité acceptera tout renvoi qui nous sera fait par le Sénat. Madame le sénateur pense-t-elle à certaines personnes en particulier dont nous pourrions entendre le témoignage à ce sujet? Comment voudrait-elle que nous procédions?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, pour répondre à la question du sénateur Murray, je crois que nous devrions entendre ce que les spécialistes de la publicité ont à dire afin de déterminer quelles répercussions cette mesure législative pourrait avoir sur eux, particulièrement les éditeurs de petites publications. Je crois d'ailleurs que le sénateur Stratton a déjà fait mention de bon nombre d'entre eux ici dans cette Chambre.

[Français]

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur le fait que le texte français est tout à fait erroné en plusieurs endroits. Je l'ai signalé au greffier. J'espère que les sénateurs qui utilisent la langue française dans leurs décisions sont sensibilisés au fait que le texte français ne correspond pas du tout au texte anglais.

Son Honneur le Président: D'accord, sénateur Corbin, il y a bel et bien une erreur très claire au Feuilleton.

[Traduction]

Un autre sénateur désire-t-il prendre la parole? Sinon, il a été proposé par l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Pépin, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, ainsi que les propositions d'amendement, pour une étude plus approfondie.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

Régie interne, budgets et administration

Adoption du vingt-quatrième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du vingt-quatrième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budgets de comités), présenté au Sénat le 22 septembre 1998.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose l'adoption du rapport.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(1500) 

[Français]

Les pays en voie de développement

L'état de l'éducation et de la santé chez les jeunes filles et les femmes-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool, ayant donné avis le jeudi 18 juin 1998:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la population, l'éducation et la santé dans de nombreux pays en voie de développement, en particulier chez les jeunes filles et chez les femmes.

-Honorables sénateurs, j'ai accepté la coprésidence de l'Association canadienne des parlementaires pour la population et le développement, mise sur pied en octobre 1997, parce que je crois que les parlementaires ont la responsabilité de se pencher sur les nombreux problèmes de population-éducation et de population-développement. C'est aussi la raison pour laquelle j'ai choisi ce sujet comme celui de ma première interpellation au Sénat.

Il me serait impossible de toucher les nombreuses facettes de ce sujet puisque la problématique est beaucoup trop vaste. Je tenterai de limiter mes commentaires à une région, l'Afrique francophone, et à deux points en particulier: l'éducation des jeunes filles et la santé reproductive des femmes.

Dans le rapport «L'État de la population mondiale 1997» du Fonds des Nations Unies pour la population, on apprend que, et je cite:

La Constitution ougandaise a été récemment révisée aux fins de reconnaître que les droits fondamentaux des femmes l'emportent sur les lois traditionnelles et locales. Le Chili envisage d'adopter une réforme constitutionnelle consacrant l'égalité des femmes et des hommes au regard de la loi. Le gouvernement sri-lankais a approuvé récemment une Charte des femmes qui reconnaît que les femmes ont le droit d'être maîtresses de leur vie en matière de procréation. En Colombie, une nouvelle loi dans le domaine de la sécurité sociale reconnaît le droit de la femme à la santé en matière de sexualité et de reproduction.

Cependant, honorables sénateurs, malgré toutes ces législations, il est malheureux de constater qu'à l'aube du XXIe siècle, la plupart des sociétés considèrent toujours les femmes comme moins précieuses que les hommes. Elles ont donc moins de choix quant à leur profession et gagnent des salaires moindres.

Pendant les années 80, le taux d'inscription des filles à l'école a diminué considérablement dans de nombreux pays africains. En 1994, ce même taux d'inscription avait remonté à 67 p. 100, un taux toutefois incomparable aux 93 p. 100 retrouvés dans les pays industrialisés. Le taux d'inscription des jeunes filles aux études secondaires a augmenté légèrement à 20 p. 100, ce qui représente moins de la moitié de la moyenne des pays industrialisés.

[Traduction]

Honorables sénateurs, comme on le précise dans le rapport de 1998 de Population Action International intitulé: «Le Défi de la population en Afrique: accélérer les progrès en santé génésique», en Afrique, les filles font face à une bonne partie des mêmes obstacles à l'éducation que dans les autres pays en développement. Les parents sont souvent plus hésitants à investir dans l'éducation d'une fille que dans celle d'un fils alors que la plupart des femmes ont des possibilités limitées de gagner leur vie et que, dans ces cultures, la contribution économique d'une fille à sa famille se termine au moment du mariage.

La qualité de l'instruction est généralement faible et il arrive souvent que les écoles enseignent des compétences qui n'ont rien à voir avec les besoins du monde de l'emploi. L'attitude des enseignants, les stéréotypes liés au sexe dans les manuels et le harcèlement sexuel contribuent à créer un climat peu propice à une bonne instruction pour les filles. Dans de nombreux pays, la politique des écoles et les pressions sociales forcent la majorité des écolières enceintes à décrocher ou à avoir recours à des méthodes d'avortement peu sûres. Au Botswana, la grossesse chez les adolescentes est la cause de 60 à 90 p. 100 du décrochage scolaire chez les filles.

Comme tous les honorables sénateurs le savent, la stratégie à long terme la plus efficace pour assurer l'autonomie des femmes est d'encourager les parents à envoyer leurs filles à l'école, d'accroître simultanément les débouchés économiques offerts aux femmes. En Afrique comme ailleurs, l'éducation d'une femme est l'un des plus importants facteurs déterminant la taille de la famille. Des pays comme le Botswana, le Kenya et le Zimbabwe, qui investissent beaucoup dans l'éducation, sont les premiers à constater une baisse des taux de fertilité. Une femme africaine ayant une certaine éducation de niveau secondaire a, en moyenne, au moins deux enfants de moins qu'une femme qui n'a aucune instruction. Les filles qui restent à l'école sont plus susceptibles de se marier plus tard, ont de meilleurs débouchés sur le marché du travail et ont davantage leur mot à dire dans les décisions touchant le foyer et les questions de reproduction.

Au fur et à mesure que croîtra le nombre de filles passant par l'école secondaire, l'âge auquel elles se marient va probablement augmenter et le taux de fertilité diminuer. Jusqu'à maintenant, cependant, peu de femmes africaines ont dépassé l'école primaire. En fait, dans de nombreux pays, plus de la moitié des femmes ne sont jamais allées à l'école. Les taux d'analphabétisation en Afrique sont en baisse, mais demeurent encore parmi les plus élevés du monde alors qu'un tiers des hommes et la moitié de toutes les femmes sont incapables de lire ou d'écrire.

De plus, les filles ont plus de mal que les garçons à avoir accès à l'éducation. Il y a environ dix millions de plus de garçons qui fréquentent l'école que de filles. Les progrès marqués réalisés dans l'éducation des filles sont au point mort depuis l'indépendance. Honorables sénateurs, nous devons tous nous rappeler que la stratégie à long terme la plus efficace pour assurer l'autonomie des femmes est d'encourager les parents à envoyer leurs filles à l'école.

De plus, pour répondre aux besoins croissants de services de planification familiale et de santé génésique, les pays africains doivent élargir l'accès à l'éducation pour les filles et accroître les débouchés économiques pour les femmes. Cela va exiger des contributions financières nettement accrues de la part des gouvernements et des foyers africains, ainsi que des donateurs internationaux. En résumé, c'est une énorme tâche que de s'attaquer à une mauvaise santé génésique et à une croissance rapide de la population. Cela exige une action concertée dans de nombreux domaines.

[Français]

Honorables sénateurs, l'Afrique est un cas particulier. Selon les projections, le rythme de croissance future est beaucoup plus élevé que pour toute autre grande région en voie de développement.

L'accroissement de la population s'est ralenti au cours des 20 dernières années, en partie grâce à de meilleurs soins de santé de la reproduction et de la planification familiale.

Toutefois, chaque année, la planète a 81 millions d'habitants de plus, soit l'équivalent d'une Allemagne de plus chaque année ou d'une Chine de plus tous les 15 ans.

Selon les projections des Nations Unies, au cours du demi-siècle prochain, la population mondiale s'accroîtra de 3,6 milliards, soit le nombre actuel des habitants de l'Asie.

Dans un rapport de l'OCDE publié en septembre 1997 et rédigé par l'ancien chef de la division de la gestion de l'aide, direction générale de la coopération pour le développement, M. Carl Wahren, c'est dans les villes d'Afrique que la population va augmenter le plus rapidement. On prévoit qu'elle va croître de 440 p. 100 de 1985 à l'an 2025.

[Traduction]

Contrairement à d'autres pays en développement, les pays africains ne font que commencer à adopter des politiques de contrôle de la population et à mettre sur pied des programmes de limitation des naissances et d'hygiène reproductive. L'événement marquant des cinq dernières années dans ce domaine a été la Conférence internationale sur la population et le développement qui s'est tenue au Caire en septembre 1994, et en particulier le programme d'action adopté à la conférence. Le compte rendu dit:

 

Les gouvernements [...] s'engagent à adopter un programme d'action qui place la santé en matière de reproduction et les droits dans ce domaine au centre du programme concernant la population et le développement.
Le développement de l'Afrique subsaharienne est gêné par la croissance rapide de la population.

(1510)

La population ayant augmenté à un rythme de presque 3 p. 100 par année depuis le milieu des années 70, elle a doublé en seulement 25 ans. En moins de trois décennies, la population de l'Afrique devrait doubler de nouveau, par rapport au chiffre actuel de 620 millions. Pourtant, c'est en Afrique que la santé en matière de reproduction est le plus loin de la situation idéale. Les pressions sociales amènent les femmes à se marier et à avoir des enfants à un âge très jeune. Plus de la moitié des femmes déjà sont mères de famille à 20 ans.

[Français]

La première des libertés des femmes est la liberté de choix en matière de procréation, car c'est celle dont découlent toutes les autres. Honorables sénateurs, chaque jour - hier, aujourd'hui et demain - 1 600 femmes meurent des suites d'une grossesse parce qu'elles n'ont pas accès à des services de santé en matière de reproduction, et notamment à la planification familiale. Au moment où je vous parle, 800 millions d'adolescents, le plus grand nombre jamais atteint par une génération, atteignent le seuil de l'âge adulte.

Ces jeunes gens font aujourd'hui des choix qui seront déterminants pour leur propre vie et pour l'avenir de notre monde à tous. Les efforts concertés des nations développées et des pays en voie de développement à favoriser l'accès aux services de planification familiale depuis plus de trois décennies ont ralenti la croissance de la population mondiale.

Les programmes de planification familiale volontaire ont connu des succès retentissants: ils sont devenus, pour les femmes et pour les familles du monde entier, le moyen par excellence de sauvegarder la santé des mères et de favoriser les chances d'avenir de leurs jeunes enfants.

Depuis le lancement de programmes de cette sorte au cours des années 60, le pourcentage de femmes des pays en voie de développement - la Chine comprise - qui pratiquent la contraception est passé de moins de 10 p. 100 à plus de 50 p. 100, et le nombre moyen de naissances par femme a baissé de six à trois.

Malgré le succès de ces efforts, honorables sénateurs, on note une diminution de l'intérêt suscité par le soutien accordé aux programmes internationaux de planification familiale. Il s'ensuit que la contribution aux frais d'exécution du programme du Caire, promise lors de la conférence de 1994 par les pays industrialisés donateurs - Amérique du Nord, Japon, Europe occidentale, Australie et Nouvelle-Zélande - s'établit à l'heure actuelle non pas au tiers du total des frais, mais au quart de ce total. Là où les femmes n'ont pas accès aux services de santé concernant la reproduction, il y a des enfants qui meurent.

Chaque année, honorables sénateurs, sept millions d'enfants meurent parce que leur mère n'était pas physiologiquement prête pour une grossesse ou n'avait pas bénéficié de soins obstétricaux.

La santé de la reproduction signifie, notamment, la santé de la mère, la périnatalité et la planification familiale; le suivi de l'enfant, la vaccination et la nutrition; la santé des fillettes et des adolescentes et aussi la santé de l'homme, l'andropause, les cancers génitaux, le sida et les MTS.

Ainsi, elle couvre un large éventail à partir duquel les pays accordent un ordre de priorité aux différentes composantes en fonction des spécificités nationales.

À la conférence du Caire, les États industriels ont accepté d'augmenter leur participation collective, estimant qu'elle passerait de son niveau actuel de 1,6 milliards de dollars américains à un niveau de 5,7 milliards de dollars d'ici l'an 2000. Cette contribution des pays industriels correspondrait au tiers du coût total prévu pour la réalisation du programme du Caire, les deux tiers restant à la charge des pays en voie de développement eux-mêmes. Malheureusement, les États industriels ne s'y conforment pas. Dans bien des cas, les citoyens des pays industriels ont du mal à savoir où se trouve l'intérêt national et quel est le rôle de leur pays dans un monde qui se transforme rapidement d'une manière que nous commençons tout juste à saisir.

Honorables sénateurs, dans un monde où les frontières sont perméables, où tout - personnes, idées, capitaux et maladies - se déplace aisément d'un pays à un autre, nous ne pouvons nous permettre de tourner le dos au monde.

En outre, on observe une insuffisance, et parfois même une absence de plaidoyer à l'endroit des décideurs et des leaders d'opinion en vue de les amener à avoir un discours et des comportements favorables à la prise de mesures législatives et réglementaires appropriées à la promotion de la santé de la reproduction dont dépend aussi l'amélioration du statut de la femme.

Lors de la XXIVe session ordinaire de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, auparavant AIPLF, réunie à Abidjan en juillet 1998, l'assemblée, soucieuse de prendre en compte les différentes dimensions des questions de population, a recommandé entre autres:

Aux gouvernements des pays de la communauté francophone de mettre tout en oeuvre pour que soient respectés les engagements pris lors de la conférence internationale du Caire en 1994;

Au Sommet des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage de prendre en compte de façon systématique la dimension de la population dans l'élaboration de tous les programmes de développement;

Quel beau sujet à apporter à la jeunesse qui va se réunir au Sommet de la Francophonie à Moncton, en 1999!

Au Sommet des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage de développer et de financer des programmes d'information et d'éducation auprès des jeunes sur la santé et les droits liés à la procréation.

Pour atteindre ces objectifs, les gouvernements, la communauté internationale et la société civile, y compris les ONG et le secteur privé, doivent redoubler d'efforts pour veiller à ce que les femmes et les fillettes puissent exercer pleinement tous leurs droits et vivre dans un monde qui favorise leur épanouissement.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

[Traduction]

 

Banques et Commerce

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Michael Kirby, conformément à l'avis donné le 23 septembre 1998, propose:

Que le comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à se réunir pendant que le Sénat siège entre le 29 septembre et le 30 novembre 1998, afin d'étudier la situation actuelle du régime financier du Canada, et plus spécifiquement le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

 

L'ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à mardi prochain, le 29 septembre 1998, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 29 septembre 1998, à 14 heures.)

 

ANNEXE

Allocution de M. Nelson Mandela, Président de la République sud-africaine, devant les deux Chambres du Parlement à la Chambre des communes, à Ottawa

[Traduction]

Le très honorable Jean Chrétien, Premier Ministre du Canada, l'honorable Gildas L. Molgat, Président du Sénat, et l'honorable Gilbert Parent, Président de la Chambre des communes, souhaitent la bienvenue à M. Nelson Mandela et à Madame Graca Machel.

L'hon. Gilbert Parent (Président de la Chambre des communes): Chers collègues de la Chambre et du Sénat, distingués visiteurs, le Très honorable Jean Chrétien, premier ministre du Canada.

[Français]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, chers collègues, mesdames et messieurs.

[Traduction]

J'ai l'honneur de souhaiter la bienvenue au Canada et au Parlement au président de la République sud-africaine, Monsieur Nelson Mandela, et à Madame Graca Machel.

Monsieur le président, il y a huit ans, lorsque vous vous êtes adressé pour la première fois à ce Parlement, vous veniez d'être libéré après 27 ans d'emprisonnement. L'apartheid sévissait encore en Afrique du Sud et votre pays était au ban de la communauté des nations. Fraîchement sorti de prison, vous étiez au coeur de la lutte héroïque dont l'issue était encore incertaine, mais qui allait renverser le régime de l'apartheid et mettre un terme à l'héritage honteux de l'exclusion raciale, de la domination par la minorité et de l'injustice institutionnalisée.

Aujourd'hui, cette page est tournée. Votre pays s'est doté d'une nouvelle constitution non raciale assortie d'une charte des droits. La gestion des affaires publiques fait l'objet de débats vigoureux en onze langues officielles non seulement au parlement national de Cape Town, mais aussi dans les neuf capitales provinciales. Une Afrique du Sud unie et démocratique est rentrée dans le giron des nations. Sous votre conduite, elle joue un rôle vital et digne de respect sur la scène internationale.

Les Canadiens sont fiers d'avoir été associés à la lutte contre l'apartheid et d'avoir appuyé votre transition vers la démocratie. La cause anti-apartheid transcendait les clivages politiques, et tous mes prédécesseurs y ont adhéré. À commencer par le premier ministre John Diefenbaker, qui a exprimé sa position à la Conférence du Commonwealth de 1961 à la suite de quoi l'Afrique du Sud s'est retirée de cette organisation, en passant par les gouvernements des premiers ministres Pearson, Trudeau et Mulroney.

Cette position de nos gouvernements reflétait l'opinion de la population canadienne, c'est-à-dire des Canadiens de tous les milieux qui appuyaient le mouvement contre l'apartheid individuellement et par l'entremise de leurs Églises, de leurs syndicats, de leurs associations professionnelles et des organisations non gouvernementales.

[Français]

Votre retour au Canada, après huit années mouvementées, est l'occasion pour les Canadiens qui partageaient votre vision d'une société libre, non raciale et démocratique, de célébrer l'évolution profonde et irréversible qui s'est produite dans votre pays. En plus, et c'est tout aussi important pour nous, c'est une occasion de rendre hommage au rôle déterminant que vous avez vous-même joué dans la réalisation paisible et harmonieuse de cette transformation tout à fait remarquable.

Au nom de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes, je tiens à vous exprimer notre admiration pour la manière pacifique dont vous avez transformé votre pays en profondeur et pour l'esprit de tolérance et de réconciliation qui a guidé cette transformation.

[Traduction]

En libérant l'Afrique du Sud de ses liens, vous avez aussi libéré son immense potentiel au service de la paix et de la stabilité dans le monde. En l'espace de quelques années, depuis que vous êtes président, l'Afrique du Sud a repris la place qui lui revient au sein de l'ONU, de l'OUA et de l'Organisation mondiale du commerce.

(1045)

Votre pays est devenu un partenaire vital dans la promotion de la sécurité dans le monde. Et il est tout à fait approprié que le Commonwealth, qui avait fermé ses portes à l'ancienne Afrique du Sud, tienne la prochaine réunion des dirigeants dans la nouvelle Afrique du Sud, sous votre présidence.

Dans le même esprit qui a inspiré notre appui à votre lutte historique, aujourd'hui nos deux pays travaillent ensemble à faire régner la paix et la justice dans le monde, à instituer une cour pénale internationale, à mettre fin à l'exploitation du travail des enfants, à étendre le traité de non-prolifération. Et, bien sûr, à titre de partenaires de la toute première heure, au processus d'Ottawa et à l'interdiction internationale des mines antipersonnel.

Tout comme les Canadiens ont aidé à mettre fin au régime de l'apartheid, nous aidons maintenant à bâtir la nouvelle Afrique du Sud. Ainsi, nous travaillons à améliorer l'accessibilité et la qualité de l'éducation et à rétablir le système d'administration de la justice. Nous tirons le meilleur parti des technologies de l'information pour relier les jeunes Sud-Africains à notre Rescol. Et nous multiplions les liens commerciaux entre nos pays. Or, ces liens sont un élément vital du développement économique de l'Afrique du Sud. Le fait que vous soyez accompagné d'une délégation commerciale impressionnante et les importantes réunions d'affaires que vous tiendrez au Canada en témoignent.

[Français]

Monsieur le Président, si les Canadiens s'intéressent autant à l'Afrique du Sud, ce n'est pas seulement en raison des luttes du passé, mais aussi des espoirs qu'offre son avenir - l'avenir de l'humanité.

Après un siècle de conflits et de génocides, nous croyons que le seul espoir qui nous est permis est d'apprendre à vivre ensemble dans l'harmonie et la tolérance. En Afrique du Sud, vous travaillez à édifier une société sur ces principes. Vous rejetez la séparation fondée sur la race, la langue ou la religion. Vous avez commencé à abattre les murs de la haine et à bâtir les ponts de la compréhension. Une nouvelle société pour un nouveau millénaire. Une société plurilingue et multi-ethnique. Une société qui puise sa force dans la diversité, et dont l'âme et l'inspiration prennent racine dans le sentiment de notre humanité commune.

Au Canada, à notre façon bien modeste, nous avons tenté d'en faire autant. Mais sans ce lourd poids de l'histoire qui a pesé sur votre pays pendant une bonne partie de notre siècle. Nous partageons les mêmes buts et les mêmes valeurs, sinon les mêmes expériences.

Si, après des décennies de haine et d'oppression, vous parvenez à bâtir une société nouvelle, alors nous pouvons espérer des lendemains un peu meilleurs pour ce monde affligé à la veille d'un nouveau millénaire.

[Traduction]

Voilà assurément l'inspiration que l'Afrique du Sud offre aujourd'hui au monde et, tout aussi important, celle que vous offrez vous-même.

On dit souvent que le monde d'aujourd'hui compte trop peu de héros. C'est peut-être vrai. Mais aujourd'hui, nous sommes en présence d'un véritable héros de notre temps. Rares sont ceux qui, à notre époque, voire au cours des siècles, ont incarné comme vous l'esprit de liberté qui habite en chacun de nous.

(1050)

Votre lutte a été une inspiration pour tous les hommes et toutes les femmes épris de liberté. Mais, en un sens, le courage, l'optimisme et la générosité d'esprit que vous avez démontrés une fois votre lutte terminée ont été encore plus inspirants. Vous nous avez enseigné que la souffrance ne conduit pas seulement à l'amertume et à la désillusion, mais aussi à la sagesse et à la compassion. Et à un monde meilleur.

Mesdames et messieurs, j'ai l'honneur de vous présenter le dirigeant de son pays, l'homme d'État de son continent et un héros pour le monde entier, le président Nelson Mandela.

M. Nelson Mandela (Président de la République sud-africaine): Monsieur le Président, honorable premier ministre, excellences, mesdames et messieurs, hier, j'avais l'honneur de m'adresser au Congrès des États-Unis d'Amérique. Vu la chaleur de la réception qui m'a été faite, j'ai confié aux membres du Congrès un de mes anciens rêves.

Je leur ai dit que l'un de mes rêves les plus chers avait été de devenir champion du monde de boxe dans la catégorie des poids lourds. Je leur ai dit que leur réception avait été si chaleureuse que je me sentais euphorique au point de penser à défier le champion en titre, Evander Holyfield. Je peux répéter cette confidence, car la réception que j'ai reçue ici n'est pas moins chaleureuse que celle que j'ai reçue hier.

Je sais que les étrangers sont rarement invités à s'adresser à cette auguste institution de la démocratie canadienne qui a produit des leaders de renommée internationale.

Que l'on m'accorde cet honneur deux fois en huit ans ne peut être interprété que comme un hommage de la population canadienne, à qui nous devons tant, à la population d'Afrique du Sud, ainsi qu'une expression du partenariat qui existe entre nous.

Lorsque je me suis adressé à vous en 1990, c'était en tant que combattant pour la liberté, en tant qu'individu toujours privé de la citoyenneté de son propre pays, en tant que personne cherchant votre appui pour parvenir à effectuer une transition irréversible vers la démocratie.

(1055)

Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que représentant élu du peuple sud-africain pour vous remercier encore une fois de nous avoir aidé à mettre fin à notre oppression, pour l'aide que vous nous avez apportée pendant notre transition et à présent pour votre partenariat dans l'édification d'une vie meilleure pour tous les Sud-Africains. Nous vous serons à jamais redevables.

Certes, nous avons encore un bon bout de chemin à faire avant que ne soit réalisée notre vision d'une vie meilleure pour tous, mais il s'est opéré une grande transformation en Afrique du Sud depuis 1990 et de solides assises ont été établies.

L'expérience de tous les peuples enseigne que la sécurité et la stabilité de notre démocratie ne seront assurées que si nous réussissons à unir ceux qui étaient engagés dans un conflit et que si nos libertés nouvelles contribuent à une amélioration des conditions de vie de notre peuple.

En ce 24 septembre, l'Afrique du Sud célèbre un des ses jours nationaux les plus importants. En effet, le Jour du patrimoine vise à souligner la riche diversité de notre peuple. Au moment où je vous parle, des représentants de toutes les communautés ethniques, culturelles et linguistiques sont rassemblés à l'occasion d'une conférence qui a pour objet de donner une forme institutionnelle à notre engagement constitutionnel en faveur de la promotion et du respect des droits des communautés.

Pour que le souvenir de l'injustice historique et des violations des droits de la personne cesse de créer des obstacles à l'unité nationale, la Commission de la vérité et de la réconciliation nous a aidés à faire face à notre terrible passé. Quelque pénible et imparfait qu'il ait été, le processus nous a conduit, dépassant toutes nos espérances, vers une compréhension commune de notre histoire.

Si nous mettons encore l'accent sur l'union des divers secteurs de notre société, c'est que l'unité et la collaboration de toutes les structures de notre société sont essentielles à la reconstruction et au développement de notre société, lesquels auront pour effet de faire disparaître l'héritage de pauvreté et d'inégalité que nous a légué l'apartheid.

Il y a bien sûr des différences entre nous, comme c'est le cas dans toutes les sociétés démocratiques, tout particulièrement dans une société comme la nôtre qui émerge d'un passé difficile, mais on arrive à les aplanir grâce au respect accordé à notre nouvelle démocratie et à un appui global des politiques gouvernementales.

Nous avons tout d'abord réalisé d'importants progrès dans l'atteinte de notre objectif de fournir les commodités de base, électricité, eau potable, installations sanitaires, logements et écoles, à des millions de gens qui n'y avaient toujours pas accès.

Nos politiques économiques ont permis de mettre fin à des années de stagnation et de faire naître une croissance soutenue depuis 1994, en plus d'accroître notre productivité et le nombre de nos exportations grâce à l'orientation que nous donnons à l'économie dans un environnement de concurrence mondiale.

Nous connaissons des problèmes et des défis très sérieux. Ce qui importe toutefois, c'est que nous y faisons face et que nous sommes confiants de pouvoir les résoudre.

Par exemple, nos politiques nous permettent de créer des emplois, mais pas en nombre suffisant. C'est pourquoi le gouvernement, les travailleurs et les commerces s'unissent pour mettre au point une stratégie en vue de la création d'emplois, en préparation pour un Sommet présidentiel sur l'emploi qui se tiendra le mois prochain.

(1100)

Au fur et à mesure que nous démocratisons notre société, créant de nouvelles institutions et en transformant d'anciennes, nous cherchons à éliminer la corruption. Les institutions du nouvel ordre démocratique prennent des mesures pour l'éliminer dans notre société. Nous avons entre autres nommé une importante commission dirigée par un juge qui a le mandat de démasquer et de déraciner la corruption dans la fonction publique et de saisir les produits de ces activités criminelles.

Le taux de criminalité est toujours beaucoup trop élevé, mais nous avons réussi à faire tourner le vent en adoptant une stratégie nationale détaillée qui prévoit entre autres la restructuration d'une force policière qui ne cherchait auparavant qu'à protéger les intérêts de la minorité et à réprimer la résistance.

S'il est vrai que notre gouvernement a fait certaines erreurs par manque d'expérience, il est également vrai que nous avons accompli beaucoup plus que l'ancien gouvernement pour notre peuple.

Nous savons qu'il reste énormément à faire. Ce qui importe, c'est que notre nation soit plus que jamais unie et déterminée à réussir et que nous ayons des amis comme le Canada pour partenaires.

Le Canada nous a été d'un appui considérable pour une grande partie de nos réalisations et l'est encore pour ce que nous sommes en train de construire.

Depuis les élections démocratiques, nos relations avec le Canada ont pris une allure nouvelle et dynamique et ne cessent de s'intensifier. Lorsque nous avons rédigé notre nouvelle constitution démocratique, nous nous sommes grandement inspirés de l'expérience canadienne.

Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier le gouvernement du Canada pour l'assistance technique fournie à notre pays par l'intermédiaire de l'Agence canadienne de développement international et du Centre de recherches pour le développement international. Cette assistance nous a été très profitable dans les secteurs qui influent sur la transformation, en particulier, les sciences et la technologie, l'enseignement, la législation du travail et les tribunaux. Nous comptons bien que cette assistance se poursuivra.

Le fait que, depuis 1994, les échanges commerciaux entre nos pays ont triplé pour s'établir à près d'un milliard de dollars canadiens montre à quel point les relations entre nos deux pays se sont intensifiées. Elles devraient s'intensifier encore. Des représentants du secteur privé et du gouvernement qui s'occupent de questions économiques nous accompagnent dans ce voyage. Nous espérons que, réciproquement, le Canada enverra bientôt une équipe en Afrique du Sud.

Je suis également accompagné de représentants du secteur de la sécurité, venus chercher de l'aide pour la mise en oeuvre de notre stratégie de lutte contre la criminalité, ainsi que d'autres représentants du secteur de la santé.

Dans tous ces secteurs où nous avons des affinités et des aspirations communes, nous bénéficions non seulement de votre aide financière, mais aussi de votre compétence et de votre expérience.

(1105)

Monsieur le Président, juste avant de me présenter à la Chambre aujourd'hui, j'ai eu l'honneur de dévoiler, à votre Monument des droits de la personne, une plaque en l'honneur de John Humphrey, auteur de la première version de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Je voudrais, si vous me le permettez, rendre hommage à cet homme qui a contribué à façonner la philosophie centrale de votre pays et qui s'est consacré à la défense des droits de la personne partout dans le monde.

Votre pays et le mien unissent leurs efforts et prennent des mesures concrètes pour faire respecter les droits que nous appuyons.

Nous pensons notamment au travail acharné effectué par le Canada et d'autres pays pour faire ratifier la convention interdisant les mines antipersonnel. Nous étions très fiers, en décembre dernier, d'être le troisième pays, après le Canada et la Norvège, à signer la convention, ici même, à Ottawa.

Le Canada et l'Afrique du Sud ont également joué un rôle dans la création récente de la Cour pénale internationale.

L'Afrique du Sud est de plus en plus souvent appelée à participer à des opérations de maintien de la paix en Afrique australe et partout sur le continent africain. Nous sommes disposés à faire tout en notre pouvoir, avec les ressources limitées à notre disposition, dans le cadre d'organisations multilatérales, que ce soit les Nations Unies, le Commonwealth, le mouvement des pays non alignés, l'Organisation de l'unité africaine ou la Communauté pour le développement de l'Afrique australe.

Nous croyons en un nouvel ordre international plus humain où les différends, bien qu'inévitables, ne seront pas et ne devront pas être réglés par la force des armes. Nous aspirons au règlement pacifique des différends, car c'est la seule façon pour l'humanité de prospérer.

C'est dans ce contexte que l'Afrique du Sud a été appelée, ces derniers jours, à participer à une initiative régionale conjointe de sécurité visant à assurer un certain degré de paix et de stabilité afin d'aider le gouvernement démocratiquement élu d'un pays voisin, à la demande de ce dernier.

Encore là, nous voyons le Canada comme un partenaire. Nous reconnaissons Lester Pearson comme étant le fondateur du maintien de la paix tel que nous le connaissons aujourd'hui, grâce à son intervention novatrice dans la crise du canal de Suez.

De la même façon, nous reconnaissons le travail exceptionnel que le Canada fait dans ce domaine depuis de nombreuses années, que ce soit à Chypre, en Bosnie, en Somalie ou, plus récemment, dans le cadre du processus de désarmement en Irlande du Nord.

Monsieur le Président, le bilan internationaliste du Canada nous permet de croire que vous comprenez et partagez notre vision d'une renaissance africaine. Si l'histoire a décrété que notre continent, à la fin du XXe siècle, jouerait un rôle marginal dans les affaires mondiales, nous savons que nous sommes maîtres de notre destinée. Toutefois, nous savons aussi que cette renaissance ne dépend pas seulement de nos efforts puisque les problèmes auxquels nous sommes confrontés découlent de conditions qu'une nation à elle seule ne peut pas contrôler.

(1110)

En fait, nous savons que le Canada a également été touché par les difficultés économiques que connaissent actuellement certains pays. Dans le monde interdépendant où nous vivons, riches et pauvres, forts et faibles, tous partagent un destin commun qui fait en sorte que personne ne peut jouir, de façon isolée, d'une prospérité et d'une stabilité durables.

Les leçons difficiles que nous tirons de l'économie mondiale ont été au centre des discussions lors du sommet du Mouvement des pays non alignés qui a eu lieu à Durban, dans notre pays, au début du mois. La communauté internationale ne peut fermer les yeux sur cette réalité. On a enfin lancé le débat tant attendu sur le système commercial et financier mondial.

Nous vous exhortons à vous joindre à nous pour chercher à modifier le système et ses institutions de façon à répondre aux besoins du développement et à défendre les intérêts des pauvres.

Nous nous trouverons ainsi à affirmer un des principes fondamentaux de toute société humaine, soit que notre bien-être à chacun dépend de celui des autres. Dans le monde d'aujourd'hui, cela s'applique autant aux pays qu'aux individus.

Monsieur le Président, mesdames et messieurs, ce discours est en quelque sorte un adieu. Je suis profondément reconnaissant d'avoir pu, avant de me retirer de la vie publique, visiter une deuxième fois un peuple qui a fait siennes nos aspirations. Vous avez insisté pour que les droits que le monde déclare être universels soient aussi les droits de tous les Sud-Africains.

Cependant, bien que ce soit un adieu personnel et, dans un certain sens, une fin, je sais pertinemment que c'est aussi le début d'une nouvelle relation, d'une relation plus profonde entre nos deux peuples.

Ce fut un plaisir, monsieur le Président, honorable premier ministre, mesdames et messieurs, et je vous remercie du plus profond de mon coeur.

Des voix: Bravo!

(1115)

L'hon. Gildas Molgat (Président du Sénat): M. le président et Mme Machel, monsieur le Premier ministre etmadame Chrétien, monsieur le juge en chef et madame,monsieur le Président, chers collègues parlementaires, mesdames et messieurs

Monsieur le président, aucune parole ne pourra, mieux que les applaudissements que vous avez entendus ce matin, exprimer la profondeur des sentiments qu'ont les Canadiens à votre endroit.

Au nom des sénateurs du Canada, je tiens à vous remercier, votre Excellence, de nous honorer encore une fois de votre présence au Canada et d'avoir accepté de prendre la parole devant les deux Chambres réunies de notre Parlement.

Il y a un peu plus de huit ans, le 18 juin 1990, vous avez pris la parole ici-même à titre de vice-président du Congrès national africain. Alors que vous veniez d'être libéré d'une prison sud-africaine, vous êtes venu nous rencontrer pour nous demander de continuer à vous appuyer au cours des étapes finales de ce grand combat que votre peuple et vous-même avez livré contre l'apartheid et les autres formes de racisme et de discrimination. Comme vous l'aviez dit ce jour-là, votre message était très simple: il fallait faire de l'Afrique du Sud un pays uni, démocratique et non fondé sur les différences raciales.

[Français]

Le Canada lui-même n'ignore pas combien il est difficile de demeurer «un pays uni, démocratique et non racial». C'est grâce à vos qualités d'homme d'État et à la sagesse et la modération des habitants et des chefs d'Afrique du Sud que vous représentez, si vous avez pu faire d'énormes progrès vers le but que vous et vos compatriotes vous êtes fixés. Peut-être seriez-vous disposer à nous prêter conseils?

[Traduction]

Il y a dix ans, il semblait inévitable que la lutte contre le racisme institutionnalisé n'entraîne des violences et une dure guerre civile qui allait déchirer l'Afrique du Sud et laisser le pays amèrement divisé, prostré et aux prises avec des régimes antidémocratiques. C'est malheureusement ce qui s'est produit dans trop de pays qui ont dû payer terriblement cher pour se libérer d'un régime oppressif, uniquement pour retomber aux mains d'une autre puissance, souvent encore plus tyrannique.

Il y a huit ans, votre discours à notre Parlement nous avait donné l'espoir que l'Afrique du Sud échappe à un tel sort. On voyait que vos 27 années passées en prison ne vous avaient pas rendu amer. Cela vous avait plutôt conféré la sagesse et la détermination qu'il fallait pour utiliser votre immense prestige en Afrique du Sud, au Congrès national africain et dans le monde entier de manière à obtenir, par la médiation et la négociation, une Afrique du Sud unie, démocratique et non fondée sur les différences raciales.

(1120)

Les thèmes de la guérison, de la réconciliation et de la reconstruction ont été largement mis à l'honneur au cours de votre inauguration à titre de président de l'Afrique du Sud. À l'époque, vous veniez de conclure un pacte et, monsieur le président, vous avez déclaré que vous vouliez:

 

[...] édifier une société dans laquelle tous les Sud-Africains, tant de race noire que de race blanche, seront capables de marcher la tête haute, sans aucune crainte et confiants dans leur droit inaliénable à la dignité humaine - une nation arc-en-ciel en paix avec elle-même et avec le monde.
C'était là des paroles émouvantes, monsieur le président.

[Français]

Dans les années qui ont suivi votre arrivée au pouvoir, le gouvernement que vous dirigez a tenu compte de ce noble idéal, mais ce ne fut pas facile, c'était un énorme défi.

[Traduction]

Les choses n'ont pas été faciles. Transformer des structures politiques racistes, répressives et seulement en partie démocratiques où les pouvoirs internes se retrouvent entre les mains de quelques privilégiés a posé un très grand défi.

En outre, les changements politiques révolutionnaires suscitent dans la population l'espoir irréaliste de grandes améliorations sociales et économiques instantanées. Il est difficile de combler les attentes. Pourtant, avec le temps, avec votre engagement personnel profond et celui d'autres personnes comme vous, avec le soutien d'une très grande partie de votre peuple, vous apportez des changements profonds et durables dans les conditions de vie et les structures sociales de votre pays.

Vous faites plus que des pas de géant dans les affaires intérieures, vous donnez un exemple au monde. Vous exercez une influence modératrice dans le monde.

Sous votre présidence, l'Afrique du Sud est devenue un pilier de la stabilité et de la paix sur le continent africain. Au nom du Sénat du Canada, je vous remercie de partager avec nous vos connaissances sur les progrès que l'Afrique du Sud accomplit ainsi que vos vues sur la situation mondiale.

Les Canadiens se réjouissent de voir l'Afrique du Sud redevenir un participant actif du Commonwealth, des Nations Unies et d'autres organisations internationales. Nous sommes extrêmement heureux d'assister à un rapprochement constant entre nos deux pays, rapprochement dont témoigne très bien votre magnifique discours de ce matin.

[Français]

Merci d'être venu au Canada.

[Traduction]

Monsieur le président, soyez assuré que vous êtes ici au milieu d'amis.

Des voix: Bravo!

M. le Président Parent: Monsieur le président, Madame Machel, Madame Chrétien, chers collègues de la Chambre des communes et du Sénat, distingués invités...

[Français]

Au nom de tous les députés de la Chambre des communes et de la population qu'ils représentent, je vous remercie de votre allocution et vous souhaite la bienvenue à vous et à vos compatriotes au coeur de la démocratie canadienne.

Les Canadiens, quels que soient leur âge et leurs occupations, ont toujours eu une grande affinité avec l'Afrique du Sud et ceux qui la peuplent.

[Traduction]

Monsieur le président, vous avez dit:

Je chéris l'idéal d'une société libre et démocratique dans laquelle tous les êtres humains vivraient dans l'harmonie et dans l'égalité des chances. C'est un idéal pour lequel je vis et que j'ai bon espoir de réaliser. Mais, s'il le faut, je suis prêt à mourir pour l'atteindre.

Ni les épreuves que vous avez endurées au cours de dizaines d'années d'emprisonnement, ni les fastes du pouvoir que vous avez connus ces dernières années ne vous ont éloigné de cet idéal.

(1125)

Les jeunes de l'Afrique du Sud ont été les premiers à partager avec vous leur idéalisme, leur enthousiasme et leur volonté de se sacrifier pour cette cause. Cependant, votre réputation a eu tôt fait de se répandre à l'étranger, et des jeunes du monde entier vous ont rendu hommage en vous nommant président honoraire des syndicats d'étudiants de leurs universités et de leurs collèges.

[Français]

Bien d'autres honneurs ont suivi, notamment le prix Nobel de la paix.

Mais surtout, ce qui vous vaut notre admiration, votre Excellence, c'est que vous n'avez jamais trahi cet idéal que vous avez fait vôtre.

[Traduction]

Monsieur le président, vous auriez pu prêcher et pratiquer la politique de la vengeance et du châtiment, mais, au lieu de cela, monsieur, vous avez employé votre énergie et votre influence à favoriser le processus de rétablissement et de réconciliation.

Monsieur le président, vous avez opté pour la voie de la réforme politique comme moyen de susciter un changement pacifique dans le coeur et l'esprit des gens, ainsi que dans la société. C'est le message que vous avez livré au Parlement canadien il y a huit ans, et c'est l'engagement que vous avez pris lorsque vous avez accédé à la présidence de l'Afrique du Sud. Monsieur, vous avez tenu parole.

Je pèse bien mes mots. Vous nous faites honneur, à nous tous qui sommes ici aujourd'hui. Vous faites honneur à la population canadienne. Vous faites honneur à la Chambre des communes.

Lorsque les historiens relateront les événements du XXe siècle, à côté des noms de géants, comme Mahatma Gandhi et Martin Luther King Jr., qui ont fait avancer les causes de la paix et de la démocratie, ils inscriront celui de Nelson Mandela.

Nous remercions Dieu de nous avoir donné Nelson Mandela. Vous avez rendu le monde meilleur, monsieur, et nous vous en sommes reconnaissants.

Des voix: Bravo!

 


 

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