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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 148

Le jeudi 10 juin 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 10 juin 1999

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

L'honorable Eugene Whelan, c.p.

Hommages à l'occasion de sa retraite

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'oublierai jamais les propos que le solliciteur général d'alors, M. Herb Gray, a tenus en 1996, quand le «le gamin aux pieds nus du rang 3» a été nommé au Sénat. Maniant la litote comme pas un, M. Gray voulait laisser entendre par là que les débats à la Chambre seraient désormais «vivants et animés» avec l'arrivée de ce personnage haut en couleurs originaire d'Anderdon Township - ce franc-tireur et ardent défenseur de la veuve et de l'orphelin -, l'homme au stetson vert, l'honorable sénateur Eugene Whelan.

J'ai rencontré pour la première fois le sénateur Whelan à mon arrivée au Sénat, au printemps de 1972. C'était avait qu'il soit membre du Cabinet. À l'époque, il était un simple député timide et qui s'exprimait d'une voix douce.

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Graham: Il s'asseyait même dans la derrière rangée, contre le mur, de la salle de notre caucus national, dans l'édifice de l'ouest, tenant souvent des propos irrévérencieux à l'endroit des ministres et des députés. En ces temps-là, il n'était pas un fervent défenseur du Sénat, mais comme dans bien d'autres cas, comme celui de notre ancien collègue Allan Joseph MacEachen, il nous a été donné d'assister à d'étonnantes conversions sur la route menant vers la Chambre rouge.

En 1980, le Parti libéral du Canada a tenu son congrès national biennal à Winnipeg. En ma qualité de président du parti, j'ai été invité par le premier ministre d'alors, M. Trudeau, à présenter les membres du Cabinet pendant qu'ils défilaient sous un tonnerre d'applaudissements sur la scène du Centre des congrès de Winnipeg. Tandis que les membres du Cabinet se réunissaient dans les coulisses, Eugene me demanda: «Comment vas-tu procéder, Al, par ordre alphabétique?» Je lui répondis que oui. «Dans ce cas, me dit-il, mieux vaut procéder par ministère.»

(1340)

Au cours de cette même année, quelqu'un en Nouvelle-Écosse - surprise, surprise - avait organisé une réception en mon honneur. Eugene et d'autres sénateurs ici présents aujourd'hui étaient venus spécialement de Vancouver. J'ai toujours le téléphone, un de ces anciens modèles avec des feuilles d'érable rouge peintes dessus, qu'il m'a offert ce soir-là. J'en ai retiré trois messages - l'amitié immense que me portait Eugene, l'amour de tout ce qui nous rappelle notre drapeau et notre pays, qu'il aime passionnément et, manifestement, le fait que j'étais trop bavard.

Honorables sénateurs, comment parler d'un homme respecté de tous et qui a la réputation auprès de tous - y compris lui-même - d'avoir été le meilleur ministre de l'Agriculture dans l'histoire du Canada? Eugene a été pendant deux décennies député de son cher comté d'Essex-Windsor au Parlement fédéral. Sa fille, Susan, qui se trouve à la tribune, est maintenant députée d'Essex, l'ancienne circonscription de Eugene. Il a fait plus de pressions qu'aucun autre politicien dans ce pays.

Ancien agriculteur lui-même, il a gagné un grand nombre de batailles pour défendre les agriculteurs, qu'il s'agisse de la promotion des offices de commercialisation et des coopératives de production, de la recherche et de l'enseignement agricoles, du crédit agricole ou de la gestion de l'offre et de l'autosuffisance alimentaire. Dans toutes les batailles qu'il a menées, il n'a jamais hésité à confronter quiconque allait à l'encontre de la justice. Tous, y compris les grosses entreprises et les économistes, les exploitants d'abattoirs et les intellectuels, à un moment ou à un autre, ont eu droit à la colère de Eugene et à ses aphorismes les plus hilarants, et se sont vus traiter de mabouls, de gangsters, de monstres bureaucratiques et autres choses du genre.

Quelqu'un a dit que la vache est un bovidé: elle mugit à une extrémité et produit du lait à l'autre. Dès qu'il était question de ce gentil ruminant, Eugene devenait passionné, parfois même poétique et y allait de toute son éloquence. Lorsque la question de l'hormone de croissance bovine a surgi en 1980, le sénateur Whelan, qui exploitait alors une entreprise d'experts-conseils en agriculture, s'est saisi de la question. Face à l'inquiétude générale concernant l'innocuité du lait consommé par la population, le sénateur Whelan a commencé à fouiller tous les aspects de la question. Lorsqu'il a été nommé au Sénat, il a dit que la STbr était l'une des raisons pour lesquelles il était devenu sénateur et que ce serait pour lui l'occasion de faire des vagues pendant trois ans.

Pour comprendre le dévouement du sénateur Whelan, il suffit de parler à n'importe lequel des témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial de l'agriculture. Ils se souviennent de la passion et de la détermination que manifestait ce politicien agriculteur bagarreur lorsqu'il défendait l'intérêt public dans une affaire qui a attiré l'attention non seulement sur la scène nationale, mais également sur la scène internationale et qui a beaucoup contribué à éveiller le public, non seulement au sujet de la STbr, aussi importante que fut cette question, mais aussi au sujet de toute la question du génie génétique et de ses répercussions sur la vie et le bien-être de tous les habitants de la planète.

Honorables sénateurs, au cours d'une brève allocution que je prononçais il y a une semaine à l'occasion d'une réception organisée en l'honneur de certains de mes collègues et amis qui quittent le Sénat, j'ai évoqué la sagesse et le sens poussé des responsabilités que cette institution historique exige de ceux qui y siègent. J'ai parlé du déplorable contexte actuel qui a fait du Sénat le bouc émissaire du mécontentement des analystes des médias, pontife politique d'allégeances diverses et d'une horde d'observateurs particulièrement mal informés. J'ai également parlé d'un fait déplorable mis au jour par les sondages, qui révèle qu'un Canadien sur deux n'en sait pas suffisamment au sujet de son pays et de ses institutions et lois pour pouvoir réussir un examen de citoyenneté de base, ce qui offre un terrain des plus fertiles aux critiques.

Le rôle d'éveilleur des consciences que s'est arrogé le sénateur Whelan dans le dossier de la STbr a illustré de façon remarquable le travail que les sénateurs accomplissent continuellement avec une rigueur et un sens de l'effort très poussés. Si jamais une étude de cas mérite de figurer dans les manuels scolaires pour illustrer le rôle de second examen objectif d'une question touchant de près le bien-être public, c'est bien l'étude de la STbr. Cette affaire montre à tous les Canadiens à quel point le Sénat est demeuré fidèle à sa vocation première, celle de gardien toujours vigilant des droits et libertés des Canadiens. Le Sénat est un atelier, et non pas un théâtre, et un réservoir de grands talents qui regroupe tout un éventail de personnes éminentes et dévouées provenant de tous les horizons.

Un de ceux qui vont réellement nous manquer est le fougueux fermier au stetson vert, le pittoresque péquenaud du comté d'Anderdon, dont les plus beaux moments ont été passés au service de nos agriculteurs, de nos champs, de nos arbres, de nos forêts et, oui, de nos doux bovins aux grands yeux bruns - le champion bien-aimé mais toujours controversé des gens ordinaires, le sénateur Eugene Whelan.

L'épouse d'Eugene, Liz, est à la tribune en compagnie de Son Excellence Paul Dempsey, ambassadeur d'Irlande, que nous saluons. La présence de l'ambassadeur symbolise les nombreux liens d'amitié qu'Eugene a tissés tant ici qu'à l'étranger. Eugene est également accompagné de ses deux filles, Terry et Susan, dont j'ai parlé plus tôt, et de ses petites-filles, Cathy et Katey. Nous nous réjouissons de les voir tous ici.

Liz, nous vous remercions d'avoir partagé Eugene avec les Canadiens pendant tant d'années. Que Dieu vous bénisse et vous garde en bonne santé.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, comme vient de le dire si éloquemment le leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Whelan va faire ses adieux au Sénat pendant la prochaine intersession. Par conséquent, nous, de ce côté-ci, désirons nous joindre à tous les honorables sénateurs en rendant hommage au sénateur Whelan pour ses nombreuses années de service au Parlement et, plus particulièrement, pour son travail au Sénat, composante du Parlement qu'il a toujours défendue avec vigueur au fil des ans.

Honorables sénateurs, je crois comprendre, et Son Excellence l'ambassadeur, qui est à la tribune pourra le confirmer, que la semaine prochaine, le sénateur Whelan se joindra au premier ministre pour faire un voyage en Irlande. Par conséquent, ni l'ambassadeur Dempsey, ni moi, ni aucun des habitants de la bonne ville de Dublin ne serons surpris de voir un Stetson vert descendre la rue Grattan et remonter la rue O'Connell. Nous conseillons toutefois à notre jeune retraité de tenir son chapeau quand il traversera le pont sur la rivière Liffey. Pouvez-vous imaginer le spectacle de ce stetson vert emporté par la rivière vers la mer d'Irlande, effrayant les bernaches qui nagent dans cette rivière et faisant mourir de peur les moules et les coques, condamnant au chômage la pauvre Molly Malone?

(1350)

Honorables sénateurs, comme le sénateur Graham l'a dit et comme tous les Canadiens le reconnaîtront, le monde agricole canadien a et gardera toujours une place très spéciale dans le coeur du sénateur Whelan.

Durant son trop bref passage au Sénat, il a honoré cette assemblée de sa présence et il la quitte après y avoir imprimé une marque indélébile.

Sénateur Whelan, nous vous remercions de votre participation et nous vous remercions de votre amitié. Nous vous souhaitons bonne chance, ad multos annos, de même que toutes les bénédictions et les faveurs que les druides et les saints de l'Irlande peuvent accorder.

L'honorable Marian Maloney: Honorables sénateurs, je suis très heureuse de prendre la parole aujourd'hui pour rendre hommage à mon ami Eugene Whelan. Il y a une chose dont je veux le remercier plus particulièrement. Depuis que je suis entrée au Sénat, on n'a pas cessé de me dire à quel point je suis vieille. Je me réjouis de savoir que quelqu'un est d'un mois mon aîné.

Il y a quelques années, le sénateur Whelan et moi avons participé à un séminaire organisé par un groupe de femmes qui s'étaient donné pour nom «Farm to Fridge». Ce fut le meilleur projet que nous ayons jamais eu, grâce en grande partie au travail que Eugene y avait consacré.

Pendant sa carrière, il a assumé de multiples rôles, ayant d'abord été agriculteur avant de devenir ministre fédéral de l'Agriculture, fervent libéral, Officier de l'Ordre du Canada, président du Conseil mondial de l'alimentation et, brièvement, le premier ambassadeur du Canada auprès de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, sans parler de la période où il a siégé au Sénat.

Le sénateur Whelan a ajouté à la scène politique canadienne une image qui a laissé sa marque dans l'histoire canadienne: le stetson vert émeraude, un anglais dialectal qu'il appelait le «whelanese», son franc-parler et son style souvent controversé. Il s'est fait le champion des agriculteurs et a été un défenseur énergique et controversé des offices de commercialisation. On peut ranger parmi ses réalisations la protection du revenu agricole, la promotion de la recherche agricole et la sensibilisation des Canadiens aux responsabilités en matière agricole.

En tant que ministre de l'Agriculture, il s'est efforcé de venir en aide aux pays du tiers monde. Ses efforts à cet égard lui ont mérité le Christian Culture Gold Medal Award. Comme toujours, il a pensé à se faire la voix de ceux dans le monde qui ne sont pas toujours entendus.

Le sénateur Whelan a dit s'être transformé en homme bionique à la suite de ses ennuis cardiaques, mais on ne peut certainement pas dire qu'il a le coeur dur pour autant. Les gens qui rencontrent Eugene ne peuvent s'empêcher de sourire, pas uniquement à cause de son éternel chapeau vert émeraude, mais aussi en raison de sa nature bonhomme. Il est toujours naturel et sans prétention.

De par sa nature enjouée et son sens de l'humour, il a apporté un certain dynamisme sur la colline. Nous ne sommes pas prêts d'oublier son chapeau, mais nous nous souviendrons également de son importante contribution tant au Sénat que dans les comités auxquels il a participé. Le chapeau ne fait pas le moine et Eugene l'a bien prouvé.

Nous vous remercions de votre grande contribution au Canada et surtout d'être toujours resté vous même. Nous savions tous que nous pouvions compter là-dessus. Je vous souhaite la meilleure des chances, à vous et à votre famille, que l'ai le plaisir de connaître depuis des années.

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, le sénateur Whelan sera peut-être étonné de me voir prendre la parole aujourd'hui. J'aimerais toutefois lui souligner que je me souviens de son chapeau vert, qui était le point de mire dans les communautés agricoles du Nouveau-Brunswick auxquelles il venait rendre visite, accompagné de mon bon ami, l'honorable Mac MacLeod, qui était son homologue au Nouveau-Brunswick à l'époque.

Il y a une autre chose qui me vient tout particulièrement à l'esprit quand je pense au sénateur Whelan, et c'est cette carte de Noël dans laquelle se trouvait une photo de lui et de Katey à la pêche. C'est l'une des plus belles cartes que j'aie reçue cette année-là. Je l'ai d'ailleurs gardée en souvenir.

J'aimerais dire quelques mots au sénateur Whelan au nom de certains de nos collègues du Sénat membres du Comité de l'agriculture, dont le sénateur Spivak, qui a été retenue à Toronto pour une réunion. Ces derniers ne voulaient pas manquer l'occasion de dire quelques mots à leur ami et allié du Comité de l'agriculture.

On dit parfois que la politique crée des couples plutôt disparates, mais le sénateur Spivak a insisté pour préciser que la relation qui les unissait tout les deux était tout à fait chaste, bien qu'ils aient toujours collaboré de façon très étroite. Elle m'a toutefois avoué qu'au cours de l'année dernière, ils avaient dansé d'un pas très assuré sur la valse de la somatotropine. L'homme au chapeau vert et l'élégante brunette ont souvent été vus côte à côte dans le Hill Times ou le Globe and Mail ou à la télévision sur la chaîne Fox, sur la CBC ou la BBC entre autres, dans leur magnifique présentation du Gene and Mira Show.

Un farceur a souligné que cette relation avait été positive pour le sénateur Whelan. Selon lui, cela lui aurait permis de concentrer toute son attention, l'empêchant de courir dans tous les sens. Eugene Whelan est le saint Georges qui a vaincu le dragon Monsanto. Il portait un chapeau vert plutôt qu'un heaume et utilisait une pelle plutôt qu'une épée.

La plupart d'entre nous le savent, le fameux chapeau vert du sénateur Whelan lui a été offert en signe de respect et de gratitude par les agriculteurs du Canada. Ils ont aussi voulu mentionner quelque chose qui lui a été accordé par les nouveaux diplômés du collège d'agriculture de la Nouvelle-Écosse en 1982. Il s'agit d'un exemplaire manuscrit du Credo de l'agriculteur, texte qui commence ainsi:

Je crois que la plus grande profession d'un homme, c'est sa dignité...

Il se termine sur ces mots:

Je crois que, en dernier ressort, ma vie sera évaluée par ce que j'aurai fait pour autrui et, à ce chapitre, je ne crains pas d'être jugé.

Je crois que, lorsqu'un homme vieillit et fait le bilan de sa vie, il devrait pouvoir garder la tête haute et se dire fier de la vie qu'il a vécue.

Je crois en l'agriculture parce qu'elle rend tout possible.

Il est clair que le sénateur Whelan a vécu selon ce credo, en tant qu'agriculteur, en tant que ministre qui a été le meilleur ami qu'un agriculteur puisse avoir et en tant que sénateur. Il nous manquera beaucoup ici et dans les couloirs du Parlement. Je vous souhaite une merveilleuse retraite, Eugene.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, quel compliment peut-on espérer faire à Gene Whelan qu'il ne se soit pas déjà fait lui-même à maintes reprises? Feindre d'ignorer la publicité que fait Gene sur sa propre personne serait comme de taire sa contribution très particulière à la vie publique. Il suffit de prendre Gene à partie une fois pour découvrir que presque toutes les ascendances des Canadiens sont aussi les siennes, puisqu'il a des ancêtres dans son Irlande bien-aimée, chez les autochtones, en France et en Europe de l'Est. Les fameux six degrés de séparation disparaissent carrément dans les veines de Gene, et le résultat est explosif!

De dire que les qualités de Gene sont uniques en leur genre ne donnerait pas une bonne idée de ses réalisations. Il a été agriculteur, agronome, propriétaire de petite entreprise, biologiste raconteur, psychologue public, orateur, politicien, voyant, ministre, consultant, diplomate et, finalement, au pinacle de la vie canadienne, sénateur.

Honorables sénateurs, on peut se demander pourquoi je prends la peine d'ajouter ma voix de fausset au magnifique concert d'éloges dithyrambiques que des chefs comme Pearson, Trudeau ou Chrétien ont orchestrés à l'occasion. Je voulais que ce soit inscrit au compte rendu que seule une société distincte comme celle du Canada pouvait avoir façonné une personnalité comme celle de Gene. En fait, Gene est plus étrange qu'un personnage de fiction et presque aussi incroyable.

(1400)

Gene a le mérite d'avoir été l'un de nos plus grands ministres de l'Agriculture depuis la Confédération, et il restera certainement le plus mémorable. Gene a le mérite d'avoir influencé Gorbatchev et le nouvel ordre du monde. À son premier long voyage hors de la Russie, au cours du quel il avait traversé le Canada, Gorbatchev était ministre soviétique de l'Agriculture. Honorables sénateurs, je vous demande de vous reporter à cette époque qui nous a laissé une image mémorable, celle de Gene et Gorbatchev qui traversaient le Canada ensemble. C'est Gene qui a accompagné Gorbatchev dans tous ses déplacements. Gorbatchev a eu le privilège d'avoir Gene à ses côtés pour lui montrer et lui expliquer les marchés et la démocratie de l'ouest, ainsi que la productivité des riches fermes de tout le Canada, tout cela grâce aux politiques mises en oeuvre par Gene.

Gene a peut-être été un auteur anonyme des politiques de Gorbatchev sur la perestroïka. Gene peut surtout revendiquer le titre de farouche et vigilant défenseur de l'« idéologie libérale» au sein du Parti libéral. On pouvait toujours faire appel à lui pour qu'il se répande en injures contre les bastions du faste et des privilèges, pour qu'il prenne fait et cause pour le travailleur canadien, fût-il agriculteur, ouvrier d'usine, petit entrepreneur, commis ou serveur. Gene était toujours dans leur camp.

Honorables sénateurs, j'ai fait la connaissance de Gene dans des circonstances plutôt étranges. C'était il y a plus de 30 ans, à l'époque où, jeune avocat, je représentais de petits groupes d'intérêt qui s'opposaient à la hausse des tarifs de la compagnie de téléphone Bell, à Ottawa. Un matin, j'ai remarqué un personnage plutôt costaud et simple se diriger vers la table de l'avocat-conseil, chargé d'une pile de documents, de livres et de notes. De prime abord, je ne savais trop quoi penser de lui. J'ai appris que Gene était à l'époque un simple député, timide, inconnu et sans assurance. Il était personnellement intervenu, au nom de ses électeurs, pour lutter contre la hausse des tarifs locaux de la compagnie de téléphone, car il estimait qu'ils étaient injustes, particulièrement pour les personnes confinées chez elles, pour les personnes handicapées et, surtout, pour ses électeurs des régions rurales.

Pendant de nombreuses semaines, Gene et moi avons siégé ensemble à la table de l'avocat-conseil, en face d'un aréopage d'avocats éminents. Pendant que Gene faisait appel à mes lumières sur les théories de la réglementation des tarifs, je faisais appel aux siennes sur les derniers événements au sein du Parti libéral. Nous avons à tour de rôle contre-interrogé les experts et les cadres de la compagnie Bell. Ils ne l'ont jamais oublié.

Depuis lors, je suis un fervent admirateur de l'habileté et du bon jugement politiques de Gene. J'ai découvert que, sous des dehors bourrus et son nasillement facilement reconnaissable se cachait une âme douce, sensible et, j'ose dire, romantique.

Plusieurs années plus tard, j'étais profondément engagé dans la campagne électorale nationale de 1974 et les sondages commençaient à se multiplier. J'ai pensé faire appel encore une fois aux lumières de Gene. J'ai commencé à communiquer régulièrement avec lui par téléphone et en personne pour lui demander conseil. J'ai constaté que ses analyses étaient avisées, exactes et précises, et qu'elles prenaient le pouls de la population mieux que les sondages ne pouvaient le faire.

Gene a toujours fait preuve d'une grande présence d'esprit chaque fois qu'il était question de politiques et des personnes. Ce n'est pas un hasard si sa perspicacité est appréciée partout au Canada, comme l'ont montré les récentes audiences qu'il a dirigées à titre de président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

Honorables sénateurs, nous avons la preuve à la tribune que la pomme ne tombe jamais loin de l'arbre. La fille de Gene, Susan, qui siège aujourd'hui à l'autre endroit et que j'ai appris à connaître ces dernières années, a hérité des talents remarquables et des dispositions de son père pour la politique.

Comment résumer les nombreux traits de caractère de l'ineffable Gene Whelan? Dire qu'il est inoubliable, c'est un fait. Dire que ses réalisations sont indéniables est vrai, elles sont passées à l'histoire. Dire qu'il a toujours sincèrement cru dans les intérêts du Canadien moyen, c'est plus qu'un truisme. Dire que Gene est un original qui n'aura jamais son pareil, voilà qui résume mieux les qualités éclatantes et précieuses de Gene Whelan. C'est un Canadien original.

Sur une note plus personnelle, je dirai que le Sénat sera assurément un endroit plus aride sans votre conscience libérale et plus morne sans votre dynamisme.

J'aimerais changer de métaphores pour vous dire ceci, Gene, au moment où vous aller quitter le Sénat pour retourner à la vie privée et à votre famille:

Que la route devant vous soit sans embûches et que vous ayez toujours vent arrière.

Gene, gardez votre enthousiasme d'Irlandais; nous serons toujours avec vous.

Des voix: Bravo!

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je voudrais ajouter quelques mots en hommage à l'honorable Eugene Whelan, c.p.

Mon époux, Ross, et moi vous connaissons et vous admirons, Gene, depuis plus d'un quart de siècle. Ross me dit qu'à l'époque où il siégeait à la Chambre des communes, vous étiez le seul membre du Cabinet toujours en excellents termes avec les simples députés. Vous étiez toujours disposé à les accompagner pour rencontrer les électeurs dans leurs circonscriptions, où que ce soit au Canada et dans tous les milieux.

Comme d'autres ont déjà souligné votre longue et distinguée carrière au Parlement, je dirai simplement que vous avez été un véritable et fidèle serviteur depuis votre toute votre première élection en 1962. Après deux mandats comme ministre de l'Agriculture, votre passage pendant près de trois ans au Sénat aura été trop court. Toutefois, vous avez souvent dit que c'était de votre faute. Vous étiez au Cabinet quand vous aviez voté en faveur de la retraite obligatoire des sénateurs à l'âge de 75 ans.

On peut sans hésiter vous appeler l'heureux combattant au nom des libéraux et au nom du Canada. Comme vous l'avez dit hier, la meilleure partie de vos voyages était le retour au Canada.

Gene, pour la communauté agricole, vous êtes la voix canadienne la plus respectée et la plus écoutée. Peu importe ce qui se passait dans votre vie et dans votre carrière politique, vous n'avez jamais laissé tomber les agriculteurs canadiens et ils le savent bien. Vous avez toujours loyalement et fermement défendu l'agriculture canadienne et vous le faites encore puisque vous avez incité le Sénat à lancer une enquête spéciale sur l'hormone de croissance bovine, qui augmenterait artificiellement la production de lait chez les bovins laitiers.

Je crois que des millions de Canadiens de l'avenir vous devront reconnaissance pour cela, à leur insu. Comme vous le dites souvent, les gens veulent savoir que leurs aliments sont sans danger.

Au nom de Ross, en mon nom personnel, et j'oserai ajouter, sans leur permission, au nom de vos fidèles employées Norma Lamont et Linda Clifford, je vous remercie, Eugene, et je remercie votre épouse, Liz, pour ces merveilleuses années d'amitié et pour tout ce que vous avez fait dans le but de préserver, protéger et encourager une espèce en voie de disparition, l'agriculteur canadien.

Gene, nous ne vous oublierons jamais, et je crois que vous garderez un oeil rivé sur le Sénat et sur le Comité de l'agriculture. Si jamais nous oublions vos chers agriculteurs, vous allez nous rappeler à l'ordre en personne. Chaque fois que je verrai un chapeau vert, je me dirai: «Voilà Eugene.»

L'honorable Dan Hays: Honorables sénateurs, j'aimerais moi aussi rendre hommage au sénateur Whelan. D'abord, ce fut un privilège de servir en sa compagnie en cette Chambre, mais surtout au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

J'ai parcouru rapidement la biographie du sénateur Whelan intitulée fort à propos: Whelan. Je conseille sa lecture à tous les sénateurs. C'est une histoire fascinante qui raconte sa vie d'abord, mais aussi la vie d'une époque.

La modestie et l'humilité de Gene au moment de son assermentation, tel qu'il le raconte dans la préface de sa biographie, m'ont frappé. Il a bien vite surmonté ces sentiments et est devenu celui que le sénateur Grafstein a décrit, un homme plein de confiance, d'énergie, dévoué, habile et audacieux.

Ces qualités, il les a mises au service des causes justes de sa vie, de son avenir et des tâches qui lui ont semblé s'imposer pour faire progresser notre pays. Il a notamment servi l'agriculture canadienne comme peu de Canadiens l'ont fait. Il a été non seulement un ministre de l'Agriculture hors du commun, mais aussi un de nos ministres les plus exceptionnels.

Il a eu l'honneur d'être en poste assez longtemps pour voir un grand nombre de ses idées se concrétiser. Il a pu mettre en oeuvre des politiques et faire des choses que peu de ministres du gouvernement canadien, en dehors des premiers ministres, bien sûr, ont pu faire.

(1410)

Au nom des agriculteurs qui siègent au Sénat et de ceux du pays tout entier, je tiens à vous remercier de tout ce que vous avez fait pour nous et de tout ce que vous continuerez de faire après avoir quitté le Sénat.

Je vous adresse mes meilleurs voeux à l'occasion de votre retraite. À vous et à votre famille, je présente mes félicitations pour une carrière qui a été remarquable jusqu'ici. Persévérez dans la même voie.

[Français]

L'honorable Pierre De Bané: Honorables sénateurs, je voudrais également ajouter ma voix à celles de mes confrères et consoeurs pour rendre hommage à notre collègue, le sénateur Whelan.

J'ai eu l'honneur de servir avec lui dans les deux Chambres, ainsi qu'au Conseil des ministres. C'est un homme extraordinaire.

Comment a-t-il fait, au cours de toutes ces années, pour ne jamais perdre sa dévotion et sa fidélité envers les citoyens canadiens?

[Traduction]

C'est un miracle. Il arrive rarement qu'on soit aussi fidèle à ses convictions, malgré toutes les influences et les forces qui tendent à briser une personnalité unique. Je ne suis donc pas étonné que, récemment, M. Gorbatchev, ancien dirigeant de l'Union soviétique, ait déclaré que, de toutes les personnalités qu'il a rencontrées dans sa vie, il classait le Canadien Eugene Whelan parmi les dix plus impressionnantes.

Des voix: Bravo!

[Français]

Je le dirais moi aussi, c'est l'impression profonde que M. Whelan m'a faite. Je l'ai vu se battre à la Chambre des communes, au Sénat, dans les différents comités, au Conseil des ministres, et souvent, il n'avait pas beaucoup d'alliés, sauf évidemment ceux pour qui il se battait. Il le faisait avec une fidélité et un courage qui, pour moi, ont été une inspiration.

[Traduction]

Eugene, vous avez été notre source d'inspiration à tous. Je n'ai jamais vu autant de monde venir rendre hommage à quelqu'un qu'hier soir. Des gens de toutes les sections des deux Chambres sont venus vous féliciter pour toutes vos réalisations. Je ne suis pas surpris que tant de monde ait assisté au banquet donné en votre honneur, où vous aviez le bonheur d'être accompagné de votre épouse et de vos trois enfants.

Pour tout ce que vous avez fait, je vous remercie beaucoup du fond du coeur.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je suppose qu'il est désormais trop tard pour craindre que le sénateur Whelan s'enfle la tête. On a déjà tellement chanté ses louanges.

Dans les années 70, Eugene est venu me prêter main-forte dans Wetaskiwin, probablement une des circonscriptions les moins libérales du Canada. J'étais reconnaissant que quelqu'un d'aussi célèbre que le ministre de l'Agriculture soit venu m'aider. Il a donné tout un spectacle. Beaucoup de gens qui n'avaient jamais voté alors et qui n'ont probablement jamais voté depuis pour le Parti libéral étaient venus entendre Eugene Whelan. Il a eu une influence énorme.

Sur tout le monde et sur moi aussi. Je me débattais dans l'opposition, essayant d'arriver à quelque chose. Je me souviens avoir dit ce soir-là à mon épouse que j'avais rencontré quelqu'un qui avait su enflammer l'auditoire sans employer aucune des deux langues officielles du Canada. L'auditoire semblait le comprendre. Ce qui frappe, notamment, chez Eugene, c'est son rapport avec l'électeur moyen, un rapport impossible à imiter ni à comprendre.

Vous allez beaucoup nous manquer, Eugene. J'espère que vous serez là pour conseiller nos docteurs en sciences politiques et en communication. En campagne électorale, ils ont parfois besoin d'un peu de bon sens. J'espère que vous serez là pour leur en donner.

En autant que je me souvienne, cette assemblée dans Wetaskiwin est la seule fois où Eugene a mis plus de 30 secondes à répondre à une question. Vous n'ignorez pas qu'Eugene s'intéressait beaucoup à la production laitière, et nous étions dans une région laitière. Les gens de l'ouest comprenaient que la vache est nourrie dans l'ouest et qu'elle est traite à Toronto, mais un gars du Cap-Breton s'est levé et a demandé à Eugene ce qu'elle faisait dans les Maritimes. Après une minute ou deux, Eugene a répondu ceci: «Servez-vous de votre imagination!»

À ce moment-là, Eugene, je n'aurais jamais cru que j'aurais un jour la chance de travailler avec vous au Comité de l'agriculture et au comité directeur.

C'est avec les sénateurs Whelan et Gustafson que j'ai assisté à certaines des réunions les plus intéressantes à cet endroit. J'étais coincé entre deux poids lourds. Ces rencontres avaient tendance à durer un certain temps lorsqu'ils commençaient à parler de l'agriculture en Ontario et en Saskatchewan.

J'étais à Rome dernièrement et je dois dire, Eugene, qu'ils gardent de vous un excellent souvenir là-bas, le souvenir d'un grand Canadien possédant de vastes connaissances.

Je vous souhaite la meilleure des chances pour votre retraite. Les Canadiens de toutes les régions espèrent que vous serez parmi eux pendant de nombreuses années encore pour continuer de leur dispenser vos conseils.

L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, est-il possible que Eugene Whelan prenne sa retraite? Il est trop actif et trop jeune pour cela. À mon avis, il ne prendra pas sa retraite. Je pense qu'il va se trouver une autre activité qui va le tenir occupé pendant de nombreuses années.

La première fois que j'ai rencontré Eugene Whelan, c'était en 1978. Lorsque j'étais premier ministre de cette extraordinaire province qu'est la Nouvelle-Écosse, j'ai pu apprécier à sa juste valeur Eugene Whelan. Il était très connu dans les collectivités agricoles de la Nouvelle-Écosse. Il était très apprécié des agriculteurs de la Nouvelle-Écosse. Il les comprenait. Il comprenait leurs problèmes, même si, en général, les problèmes du Canada atlantique sont différents de ceux du reste du pays.

Eugene s'entendait particulièrement bien avec le ministre de l'Agriculture de mon Cabinet, Roger Bacon. Comme Eugene le reconnaîtra, Roger Bacon et lui sont devenus très proches, non seulement à titre de ministres de l'Agriculture, mais aussi comme amis. Ils sont, encore maintenant, des amis très proches.

Roger m'a demandé de vous féliciter et de vous transmettre ses meilleurs voeux.

De temps à autre, Eugene venait à la fête de la floraison des pommiers d'Annapolis Valley. Les deux dernières fois, j'ai pris place avec lui dans une voiture décapotable; Eugene conduisait sur la route principale et saluait les gens d'un côté, tandis que je saluais ceux de l'autre. Puis, nos bras se croisaient, et je saluais les gens de son côté, tandis qu'il saluait ceux de mon côté. Je pense que nous nous sommes aidés politiquement lors de ces manifestations.

(1420)

On gardera de Gene Whelan le souvenir d'un grand Canadien et d'un des meilleurs ministres de l'Agriculture que notre pays ait jamais eus.

Je vous offre mes meilleurs souhaits, en mon nom et au nom des agriculteurs de la Nouvelle-Écosse, pour que votre avenir soit aussi riche que l'a été jusqu'ici votre vie. Vous allez nous manquer.

Des voix: Bravo!

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, Eugene Whelan et moi sommes arrivés à la Chambre des communes le même jour, en 1962.

Si vous avez eu l'occasion de vous pencher sur l'histoire de la Chambre des communes, vous aurez constaté qu'au tout début, il y a eu de nombreux agriculteurs. Il y a eu des avocats de village. Il y a même eu des pêcheurs. Il y a eu des gens qui avaient une expérience concrète du travail. Cela avait bien changé en 1962. Il y avait déjà de nombreux avocats, politiciens professionnels et toutes sortes de gens de la ville. Toutefois, Gene était un agriculteur. Il était issu du Canada rural.

Le sénateur Graham et d'autres ont déclaré qu'au début des années 60, Gene était un homme silencieux, s'exprimant d'une voix douce, timide, humble et se dénigrant. J'ai oublié tous les adjectifs qui ont été utilisés pour le décrire. La vérité, c'est qu'il analysait la situation. Il préparait sa stratégie en vue de faire échouer les plans de tous ces gens instruits.

Qui eut cru qu'Eugene deviendrait un excellent diplomate? On a déjà parlé de son influence sur M. Gorbatchev. En outre, comme le sénateur Buchanan vient de le dire, il a un lien spécial avec l'électeur moyen au Canada. Je me suis demandé s'il y avait un lien entre son influence sur Gorbatchev, d'une part, et ses relations avec les agriculteurs de la Nouvelle-Écosse, d'autre part. Et j'ai répondu par l'affirmative. On devine qu'il doit compter parmi ses divers ancêtres un habile gnome. Toutefois, je pense qu'Eugene Whelan comprenait les gens vrais, ceux qui doivent travailler pour gagner leur vie. Nous avons besoin de davantage de gens comme lui à l'autre endroit et au Sénat.

Il me manquera beaucoup, notamment au Comité des affaires étrangères, où il essaie parfois d'être peu diplomate. Néanmoins, ses interventions ont toujours pour effet d'améliorer notre travail et notre produit. Nous sommes fiers de l'avoir comme collègue au sein de ce comité.

Des voix: Bravo!

[Français]

L'honorable Léonce Mercier: Honorables sénateurs, le sénateur Whelan a été ministre de l'Agriculture de 1972 à 1979, et de 1980 à 1984. Je tiens à souligner à sa famille qu'il a contribué à la grandeur du Canada.

Étant originaires du Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous étions représentés par M. Langlois et par l'honorable Jean Marchand. Les problèmes agricoles chez nous étaient nombreux; il y en avait dans les bleuetières et dans les abattoirs. Tout fonctionnait mal dans le domaine de l'agriculture.

C'est la raison pour laquelle nous avions demandé à l'honorable Jean Marchand de venir nous rendre visite. C'était toute une fête! Je pense que c'était la première fois que M. Whelan goûtait à une tarte aux bleuets. Je me rappelle qu'après l'avoir rencontré, il avait un petit peu de bleu!

Par la suite, il a participé à la course à l'investiture de son parti. Il était partisan, il avait un bon clan. Tout allait bien, tambours et trompettes, et on était dans la gloire. Nous, du côté de M. Chrétien, voulions que M. Whelan se rallie à nous à tout prix. Le congrès arrive et malheureusement, il nous manquait quelqu'un. Il y a un deuxième tour de scrutin. Nous nous sommes dirigés vers M. Whelan, étant confiants qu'il s'en venait chez nous. Il hésitait un peu.

C'est lui qui, lors de cette course à l'investiture du Parti libéral, est venu nous retrouver au deuxième tour. J'ai toujours pensé que cette décision n'avait pas nui à sa nomination au Sénat.

Hier, au caucus, le premier ministre Jean Chrétien lui a rendu un témoignage extraordinaire. Il a dit que c'était un homme libéral, un Canadien qui n'a jamais cessé de défendre le Canada. Suite à cela, je vais vous raconter une petite anecdote.

[Traduction]

Comme nombre d'entre vous le savent, le sénateur Whelan et moi avons été assermentés le même jour, le 22 septembre 1996. Nous étions tous les deux des néophytes au Sénat, et je crois que nous avons fait notre apprentissage ensemble.

Tous les jours, dans cette enceinte, j'ai remarqué que le sénateur Whelan avait coutume de se lever à 15 heures pour se rendre à la salle de lecture. Il revenait toujours avec une pomme dans sa poche. Un jour, je l'ai vu revenir avec deux pommes. Je lui ai demandé pourquoi. Il a répondu: «Demain, c'est vendredi. Le Sénat ne siège pas...» Le sénateur Whelan tenait tout simplement à manger une pomme par jour.

Cette habitude semble avoir été bonne puisque lorsqu'il a été très malade et que l'on craignait même pour sa vie, il s'en est sorti, montrant sans équivoque qu'une pomme par jour, c'est bon pour la santé.

Sénateur Whelan, je vous donne une belle pomme verte et une belle pomme rouge. Malheureusement, les pommes bleues, cela n'existe pas.

Le sénateur Nolin: Pourquoi ne pas lui donner des bleuets?

Son Honneur le Président: Sénateur Whelan, voulez-vous dire quelques mots?

L'honorable Eugene Whelan: Honorables sénateurs, le président a dit «quelques mots». Ce sera difficile pour moi d'être bref. Après toutes ces belles paroles, je devrais peut-être même m'abstenir de dire quelques mots, car je ne veux pas détruire le beau portrait qui vient d'être brossé.

Je suis très heureux que ma famille soit ici. Je ne sais comment décrire le dîner que mon ancien personnel a organisé hier soir. Certains d'entre vous étaient là. Je le répète, il y avait des sénateurs conservateurs, des sénateurs libéraux, des députés libéraux, des gens de toutes les régions du Canada, de la Colombie-Britannique, de la Nouvelle-Écosse, des gens que j'ai rencontrés par l'entremise d'organisations agricoles, et cetera. Certains auront peut-être du mal à m'imaginer ému, mais c'est probablement ainsi que je me sentais hier soir.

Vous avez vu les membres de ma famille qui m'entouraient. Ce n'est pas la première fois que je vous parle de ma femme. Elle est arrivée au Canada avec sa soeur et sa mère en 1937, en provenance de Yougoslavie. Elle n'a pas connu son père avant d'arriver au Canada en 1937, car celui-ci s'était installé en Saskatchewan en 1929, au moment où elle n'avait pas encore un an. Il les a laissées là-bas et leur a dit: «Je vous ferai venir dans un an, lorsque je gagnerai 1 000 $.» Il lui a fallu sept ans sous les gouvernements conservateurs avant de gagner 1 000 $ car, si vous vous en rappelez, il y a eu la Grande Crise.

(1430)

Son père exerçait le métier de maçon. Pendant l'hiver de 1932-1933, il a pris le train à destination de Toronto, où il a trouvé du travail au printemps. C'était un catholique allemand. Il a travaillé pour le compte d'un mennonite allemand en compagnie d'un autre embauché qui était un luthérien allemand. C'est une situation qui n'aurait pu se produire qu'au Canada. Ils sont devenus de très bons amis.

Puis ma femme, en compagnie de sa mère et de sa soeur, est venue rejoindre son père sur une île située au beau milieu du lac Érié. Lorsque sa mère a voulu la faire monter à bord du traversier, ma femme a presque refusé parce qu'elle pensait qu'on voulait la retourner de l'autre côté de l'océan, même si une distance de seulement 11 milles séparait le continent de l'île.

Ma femme a élevé nos trois filles parce que j'étais en politique. Notre aînée n'avait que six mois lorsque je me suis présenté et que j'ai été élu en 1962. Sue et Cathy sont nées par la suite. Les gens avaient l'habitude de dire: «Si la femme de Gene est enceinte, c'est qu'il va y avoir une autre élection.» C'est d'ailleurs ce qui s'est produit, si vous vous en rappelez, en 1962, 1963, 1965, 1968 et 1972. Je vois à la tribune un homme qui pouffe de rire, mais il faisait partie du problème. Le sénateur Davey était à l'époque celui qui prenait les décisions en notre nom.

Je me rappelle avoir rencontré en 1972 le premier ministre Trudeau et lui avoir dit «Je suis comme le sénateur romain Cincinnatus. J'aime mon exploitation agricole et j'aime ma famille. Mon exploitation agricole s'en va à vau-l'eau, et je ne connais pas ma famille. Je retourne à mon exploitation agricole, comme l'a fait le sénateur romain.» Le premier ministre m'a tenu un long discours sur la nécessité de servir le pays. Je ne savais pas que les libéraux effectuaient des sondages à cette époque, car je n'ai jamais accordé beaucoup d'attention aux sondages. Il a dit: «Nous savons que vous pouvez l'emporter dans votre circonscription, mais personne d'autre ne peut y arriver.» Il a ajouté: «Rentrez chez vous et parlez à Elizabeth. Voyez ce qu'elle pense de la possibilité que vous vous représentiez.» Je suis rentré chez moi et je lui ai parlé. Elle m'a dit: «Tu ne m'as pas demandé la permission la première fois.» Puis elle a ajouté: «D'accord, mais c'est vraiment la dernière fois.» Je me suis donc présenté.

M. Trudeau formait son gouvernement en 1972, et Bud Olson, qui avait occupé le poste de ministre de l'Agriculture, avait été défait. Les eaux du lac Érié avaient monté de huit pieds et inondaient tous les marais et les bonnes terres agricoles. Il y avait un grand banquet organisé par les maraîchers de Leamington. Cela avait lieu au Roma Club, la grande salle de la communauté italienne. Je recevais des appels des agriculteurs, qui me demandaient ce que nous comptions faire au sujet de leurs terres inondées. J'en avais assez de recevoir tous ces appels lorsque le barman - le téléphone était au bout du bar - est venu me dire qu'il y avait un autre appel pour moi. Je me suis rendu là où était le téléphone et j'ai dit que c'était le dernier appel que j'allais prendre parce que je voulais manger mon souper. Nous appelons encore le repas du soir le souper dans ma région. Nous avons le déjeuner, le dîner et le souper. C'était le premier ministre Trudeau au bout du fil. Il m'a demandé où j'étais. Je lui ai répondu que j'étais au banquet annuel des maraîchers au Roma Club, à Leamington, en Ontario. Il a parlé un peu, puis il m'a dit qu'il voulait que je sois son ministre de l'Agriculture. J'ai dit: «Avez-vous demandé au sénateur Davey?» Puis j'ai dit: «Êtes-vous certain?»

Les sénateurs ont entendu certaines des choses qui ont été dites à mon sujet. J'aimais le caucus probablement plus que toute autre chose. Comme le sénateur Grafstein l'a dit, je m'assoyais en arrière et je faisais la pluie et le beau temps chaque semaine. Si je n'avais pas pu faire cela au caucus, je ne serais pas resté. À cette époque-là, le caucus était très démocratique. Je trouve que c'est bien différent aujourd'hui. On impose des limites de temps et, si le président n'aime pas beaucoup une personne ou a peur de ce qu'elle va dire, il dira: «Il ne reste pas de temps pour vous aujourd'hui. Nous reviendrons à vous la semaine prochaine.»

J'ai demandé au premier ministre Trudeau s'il voulait vraiment que je sois ministre de l'Agriculture. Il a répondu: «Oui, et restez tel que vous êtes. Ne changez pas. Restez honnête, et vous n'aurez pas de problème avec moi.»

Au sein du Cabinet, les ministres de l'Agriculture, comme d'aucuns le savent, se retrouvent souvent bien seuls. Pour ma part, j'aurais été bien seul sans l'appui du premier ministre Trudeau. Si l'industrie de la volaille est florissante aujourd'hui, si l'industrie laitière est en santé aujourd'hui, c'est uniquement parce que le premier ministre m'a appuyé au sein du Cabinet alors que certains trouvaient que j'étais un trouble-fête et souhaitaient mon départ. J'ai été confronté au plus vaste groupe d'agriculteurs qui ait jamais rencontré un ministre de l'Agriculture à Ottawa. Ils ne m'ont pas lancé du bon lait; ils ont déversé du lait coupé d'eau. Je ne l'ai jamais oublié. Pour avoir tout fait pour que nos produits soient les meilleurs au monde, ils m'ont lancé du lait de piètre qualité. Toutefois, si j'avais été un des ces agriculteurs, je nous aurais lancé du lait pour ce que nous avons fait quoique, à l'époque, je défendais la politique du gouvernement.

D'aucuns ont prétendu que nous avons fait élire René Lévesque avec notre politique laitière. Les agriculteurs canadiens, de la Nouvelle-Écosse à la Colombie-Britannique, réclamaient 46 millions de dollars pour survivre à cause de l'émergence de cette fameuse mondialisation des marchés, de cette fameuse libéralisation des échanges mondiaux qui tant fera parler par la suite. Les États-Unis et la Communauté européenne ont inondé le marché de leur lait industriel et ont fait baisser les cours mondiaux de près de 60 p. 100 en sept semaines. Le Conseil du Trésor et le ministère des Finances étaient d'avis que les agriculteurs n'avaient pas besoin d'aide et qu'ils survivraient quoi qu'il arrive. Je me rappelle Simon Reisman comme si c'était hier. Tout simplement génial! L'année suivante, nous avons rendu 150 millions de dollars après que le cheval ait été volé à l'écurie, comme on dit - et nous avons fait élire René Lévesque.

Savez-vous ce que Jean Garon m'a offert la première fois que je l'ai rencontré, alors qu'il était ministre de l'Agriculture sous le gouvernement de René Lévesque? Il m'a offert une carte de membre à vie du Parti québécois parce que ma politique laitière avait aidé le Parti québécois à se faire élire au Québec. Notre gouvernement procédait alors à l'élimination graduelle de la subvention à l'industrie laitière. Je savais que nous avions raison de le faire et je ne pouvais pas croire que le premier ministre du Québec déclencherait des élections à ce moment, à cause de la colère de la population.

Un jour où je me trouvais au Québec et prononçais un discours dans mon meilleur français, j'ai fait l'erreur de parler au féminin en disant «Mes chères amies» et mes paroles ont été citées sur les ondes de toutes les radios au Québec. On ne voulait pas croire que je ne l'avais pas fait intentionnellement. Si je n'avais pas commis une faute de français, je ne serais jamais passé à la radio. Certains ont cru que cela faisait partie d'une stratégie. Voilà l'avantage de ne pas connaître les deux langues officielles. Le premier ministre Trudeau m'a dit un jour: «Vous savez, Eugene, il y a deux langues officielles au Canada, et vous n'en parlez aucune correctement.» Je lui ai répondu: «Monsieur le premier ministre, vous n'avez aucune difficulté à me comprendre, n'est-ce pas?»

Une fois, il m'a dit: «Eugene, j'ai essayé de comprendre l'agriculture. J'ai étudié la question du mieux que j'ai pu, mais elle est trop complexe et je me résigne. Je ne sais pas comment vous arrivez à faire ce que vous faites, mais continuez.» C'est ce que je voulais dire quand j'affirme que je pouvais compter sur son soutien au Cabinet.

Contrairement à ce que beaucoup de gens ont dit au sujet du premier ministre Trudeau, notre Cabinet a probablement été l'un des plus démocratiques de l'histoire de notre pays. M. Trudeau nous laissait voter au Cabinet. Il écoutait 10 ou 12 ministres parler sur un sujet et disait ensuite: «Si vous avez quelque chose de nouveau à ajouter, vous pouvez venir m'en informer.» Il avait un esprit aussi vif qu'un piège à ressort. Il savait que de nombreux ministres ne lisaient jamais leurs documents. Parfois, lorsque je revenais une seconde fois, il me disait: «Êtes-vous sûr, Eugene?» Je lui répondais: «Oui, monsieur le premier ministre.» Si je ne l'avais pas été, il m'aurait immédiatement pris au piège.

(1440)

J'aimerais ajouter quelque chose au sujet de mes débuts en politique. J'ai grandi avec huit frères et soeurs. Mon père est décédé en 1931, durant la crise économique. J'avais alors 6 ans. Ma mère s'est retrouvée veuve à l'âge de 38 ans, avec 9 enfants. À cette époque, nous ne pouvions compter sur aucune forme d'aide. Nous avions des parents en Ohio, au Michigan et ailleurs. Ils ont décidé de se partager les aînés des enfants. J'étais censé aller chez une cousine de Cleveland, en Ohio. Quoi qu'il en soit, ma mère touchait une allocation familiale de 45 $ par mois pour elle et neuf enfants. Mon père est mort du cancer. Il avait consulté toutes sortes de médecins pour tâcher de trouver un remède pour le guérir, mais à l'époque, ils ne connaissaient pas grand-chose à propos de cette maladie. Il a vendu son troupeau de Holstein et a accepté des billets en nantissement de la part des fermiers. Certains de ces effets se chiffraient à 850 $. Il a ensuite présenté ces billets à la banque en nantissement et a payé ses comptes. Il nous a fallu des années pour payer cette dette à la banque car la plupart des fermiers n'étaient pas capables de rembourser ces billets parce que la crise économique les avait durement frappés.

Je me rappelle que, quand j'étais enfant, on me donnait le chèque de 45 $ à encaisser. Je me rendais à bicyclette à la banque, à Amhurstburg, et je plaçais le chèque sur le comptoir. Le gentil banquier prélevait chaque mois 5 $ de ces 45 $ pour payer les intérêts. Si vous avez remarqué la «gentillesse» que j'affiche à l'égard des banques, c'est parce que je n'ai jamais oublié leur «gentillesse». À mes yeux, elles ont été si misérables qu'encore maintenant, je ne m'en sers pas beaucoup.

Je me suis rendu à notre conseil municipal. Quand j'ai demandé un jour au sénateur Beaudoin s'il savait où se trouvaient Belle River, La Salle ou Pointe-aux-Roches, il m'a répondu: «Bien sûr, c'est au Québec.» J'ai dit au sénateur Beaudoin: «Vous connaissez peut-être très bien la loi constitutionnelle, mais vous ne connaissez pas la géographie.» Ces endroits se trouvent tous dans le comté d'Essex, une région qui a été colonisée par les Français il y a environ 300 ans. Nous étions presque tous à moitié Français et à moitié Anglais. Ma mère était une Kelly, mais sa mère était une Richard. La mère de mon père était une Bailey, mais la mère de cette dernière était une Magille. Voilà pourquoi le sénateur Grafstein a dit que j'ai une culture formée de toutes les cultures qui aient jamais existé.

Dans la circonscription que j'ai représentée si longtemps, celle d'Essex-Windsor, et que ma fille représente à son tour, on compte 72 groupes ethniques. C'est une des régions les plus cosmopolites du Canada. J'ai eu de la chance de grandir dans cette région.

Quand nous voulions acheter une balle, un bâton et un gant de baseball, cela coûtait environ 6 $. Nous allions trouver le conseil cantonal. Le préfet était irlandais et les conseillers avaient des noms comme Beaudoin, Brisson, et cetera. C'était des noms français. Nous attendions notre tour pour passer devant le conseil. Je n'ai jamais oublié la leçon de démocratie que j'ai apprise ce jour-là. C'est une leçon que je me suis efforcé de mettre en pratique toute ma vie. Le préfet nous dit: «Jeunes gens, que puis-je faire pour vous?» Nous lui répondîmes: «On s'est fait avoir.» Le préfet nous dit: «Nous n'avons pas un sou dans le coffre. Nous aimerions bien vous aider, mais c'est impossible.» L'impression qui m'est restée de cette entrevue et qui m'a marqué durant toute ma vie politique - et, en fait, que je garde encore aujourd'hui - c'est d'avoir été traité comme le plus gros contribuable du canton qui se trouvait là ce soir-là. Je n'ai jamais oublié la façon dont nous avons été traités dans une démocratie rurale à l'ancienne.

Je présente mes excuses au greffier de cette assemblée. Je n'ai pas mentionné le nom de sa ville, St. Joachim. Certains pensent qu'il vient de Québec, mais en réalité, il vient du beau comté d'Essex. Je connais toute sa famille. Toutefois, je ne vous dirai pas comment ils ont voté, car je l'ignore.

Honorables sénateurs, je vois parmi vous plusieurs sénateurs que je connais depuis longtemps, par exemple, les sénateurs Stewart, Gerry Grafstein, Eymard Corbin, Jack Austin, Serge Joyal et Alasdair Graham. Il y a tellement d'années que je connais le sénateur Graham que je me souviens encore de lui quand il travaillait pour Allan MacEachen. La raison pour laquelle nous lui avons offert un téléphone, c'est que chaque fois que nous l'appelions, il était au téléphone. Nous avons pensé qu'il avait besoin d'un téléphone supplémentaire.

Dans mon pays, le Canada, j'ai eu la possibilité d'occuper des postes parmi les plus élevés. L'un des postes les plus importants qui m'aient été confiés aux Nations Unies est celui de membre du Conseil mondial de l'alimentation. J'avais été élu à ce poste par 26 autres pays. J'étais le membre fondateur de ce conseil. Hier soir, à notre réception, on nous a lu une lettre du secrétaire général des Nations Unies qui passait en revue, entre autres, l'histoire de la formation du Conseil mondial de l'alimentation. Je ne savais pas qu'on ferait toutes ces choses.

Cependant, je me souviens d'être allé en Afrique durant la famine et d'avoir vu des gens dans une situation terrible, sachant, en tant qu'agriculteur, qu'on aurait pu éviter cela. Nous avions vu par satellite l'état de la situation. Nous savions ce qui se passait. Nous savions que l'Éthiopie était ravagée par la sécheresse, que les arbres et l'herbe avaient disparu, que plus rien n'y poussait. Pourtant, quand je suis revenu et que j'ai fait mon rapport au Canada, une bande de bureaucrates ont dit que Whelan avait tort et que tout irait bien s'il pouvait pleuvoir. Mon Dieu, ces gens avaient mangé toutes leurs semences. Les bureaucrates disaient que l'enquête que nous avions réalisée avec les bons employés d'Agriculture Canada, Vision mondiale et Catholic Aid était erronée, mais ce sont eux qui se trompaient. Nous avions été élevés pauvrement, mais pas à ce point-là.

Notre pays, le Canada, m'a permis de faire tout cela. Les simples électeurs qui ont voté pour moi dans ma circonscription, Essex-Windsor, des gens qui n'auraient jamais cru qu'ils pouvaient jouer un rôle en politique, ont découvert qu'ils avaient cette possibilité. Ils continuent à jouer un rôle dans la politique libérale - je le précise bien humblement.

On a mentionné le Nouveau-Brunswick. Je tiens à dire aux sénateurs que tout le sud-ouest de l'Ontario, qui est une des régions les plus riches et les plus libérales du Canada, croit encore dans la démocratie.

Je me souviens d'avoir fait campagne au Manitoba. Je pense que l'honorable sénateur Carstairs et Son Honneur voudraient écouter l'histoire d'une assemblée à Ste. Rose-du-Lac, où on a eu ce que j'appelle une «séance de piochage et de beuglement». On m'y a fait vivre quelque chose d'à peu près insupportable. Tous les producteurs de boeuf de la région tenaient un banquet, d'où le nom de la séance. On a aligné toutes les filles 4H du coin - 42 en tout - et j'ai dû danser avec chacune d'entre elles! Cela a été terrible. Certaines ne l'oublieront jamais non plus, car j'étais un des pires danseurs au monde. En fait, ma femme ne l'oubliera jamais non plus.

Vous parlez de mon chapeau vert. On m'a donné un chapeau brun, ce jour-là. Le vert vient aussi du Manitoba, de Swan River. Tous les hommes et toutes les femmes portaient un chapeau vert à la foire et à l'exposition. On m'a dit: «Monsieur le ministre, nous allons vous donner un chapeau vert si vous promettez de le porter.» Je leur ai demandé pourquoi il était vert. Je suis partiellement daltonien. Ils ont répondu: «Pour l'amour, l'espoir, la charité, la fertilité et la croissance, toutes choses bonnes dans la vie.» J'ai ajouté: «Pour l'argent et les Irlandais.»

Un jour, alors que je me promenais dans un aéroport au Canada, un homme m'a demandé ce que signifiait ce chapeau et pourquoi je portais un chapeau aussi étrange. Peu de temps après que je le lui aie expliqué, une femme s'est approchée de moi sans bruit et m'a demandé: «M. Whelan, comment va votre fertilité?» Je lui ai répondu que je devais prendre des médicaments pour garder la situation sous contrôle.

Honorables sénateurs, dans mes voyages dans le monde, j'ai raté quelques pays riches. En voyant le sénateur Perrault en cette Chambre, il me revient des souvenirs que j'affectionne. Je me souviens d'avoir tenté de préparer son assistant à devenir un politicien en lui faisant faire le tour de la Colombie-Britannique avec moi. Je ne sais pas s'il a appris quoi que ce soit.

Honorables sénateurs, j'ai eu le plaisir et l'honneur de rencontrer tous les présidents et tous les grands chefs religieux du monde et de les prier d'aider les pauvres du monde entier. Je suis attristé à la vue de ce qui se passe dans le monde aujourd'hui. Je me souviens de Gorbatchev et du résultat de son voyage au Canada. Je me souviens du rideau de fer qui est tombé et de la guerre froide qui a pris fin. Aujourd'hui, toutefois, lorsqu'on pense aux millions de gens qui ont été tués, je me demande si nous avions vraiment raison de créér une superpuissance unique. Auparavant, quand nous assistions à des réunions mondiales, il y avait une certaine concurrence.

Avant de me rasseoir, j'aimerais dire quelque chose au sujet du Sénat. Vous connaissez tous mon passé, mais j'aimerais vous quitter sur cette réflexion: seuls les idiots ne changent pas d'avis.

(1450)

Le Sénat du Canada m'en a donné la possibilité et je n'oublierai jamais les trois dernières années. J'ai carrément perdu plusieurs mois de toute cette période, si vous vous rappelez bien, en raison de l'horrible chirurgie que j'ai dû subir. On m'a ouvert l'aorte et j'ai passé 19 jours aux soins intensifs. J'ai alors dit au premier ministre: «Dieu m'a laissé la vie uniquement pour me permettre de me permettre de continuer de vous servir de conscience.» «Heureusement qu'il n'y a que deux Whelan au Parlement», m'a-t-il répondu.

Mon parti et mon pays m'ont permis d'atteindre les plus hauts sommets. J'en ai peut-être déjà discouru trop et trop longtemps, mais je continue tout de même de dire qu'il n'y a pas d'autre pays comme le Canada. Chaque fois que j'ai fait un voyage à l'étranger, j'ai toujours considéré que la meilleure partie du voyage était le retour au Canada, que j'arrive à St. John's ou à Vancouver. C'est grâce à ce pays que ce fils de paysan a pu réussir toutes ces choses.

Il y a quelques semaines, le président de la République tchèque a pris la parole devant les deux Chambres du Parlement. Il a souligné que ce ne sont pas les gouvernements qui importent, mais bien les gens.

Des voix: Bravo!


Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'aimerais attirer votre attention sur la présence à notre tribune de l'un de nos anciens collègues, l'honorable sénateur Davey.

J'aimerais aussi attirer votre attention sur la présence d'un ancien député, M. Ross Milne, qui a bien sûr des liens assez étroits avec le Sénat.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Question de privilège

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai donné avis plus tôt aujourd'hui par écrit que je soulèverais une question de privilège relativement au timbre qui a sonné pendant cinq minutes hier pour un vote. Je voudrais simplement confirmer que je l'ai fait et que je vais me pencher sur la question et déposer une motion en temps opportun.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Murray, il convient que vous précisiez dans votre déclaration quelle mesure vous entendez prendre pour rectifier la situation, faire un renvoi au Comité du Règlement ou présenter une motion au Sénat. Pourriez-vous apporter cette précision dans votre déclaration?

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, je profite de cette occasion pour aviser mes collègues que j'ai l'intention de proposer plus tard une motion sur la question du droit de tous les sénateurs à participer à un vote au Sénat par appel nominal demandé conformément au paragraphe 65(3) du Règlement, et que la procédure suivie le 9 juin 1999 relativement au vote pour ajourner le débat sur le onzième rapport du Comité des privilèges, du Règlement et de la procédure soit renvoyée au Comité des privilèges, du Règlement et de la procédure.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je désire aviser le Sénat que l'honorable sénateur Murray a satisfait aux exigences relatives à la question de privilège. Je l'entendrai quand nous en aurons terminé avec l'ordre du jour.

Le sénateur Prud'homme: Bravo! Qu'on reprenne le vote!

[Français]

Le Sommet de la Francophonie

Moncton, Nouveau-Brunswick, hôte du sommet

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, tout au long de cet été, mais surtout en septembre 1999, la ville de Moncton et la province du Nouveau-Brunswick prendront leur place au sein de la Francophonie internationale. M. Fernand Landry, directeur général du secrétariat de l'organisation du Sommet, ainsi que tous ceux et celles qui participent à la mise en place de ce huitième Sommet de la Francophonie, ont tout fait pour que le Sommet de Moncton soit un vrai succès tout en respectant la grande simplicité qui caractérise le peuple acadien. Je veux féliciter M. Landry et son équipe.

Cet événement sera la plus importante vitrine de l'histoire de l'Acadie, alors que tous les francophones à travers le monde auront les yeux fixés sur cette région du Canada tout au long de l'été.

Je veux vous parler aujourd'hui de quelques aspects techniques de l'organisation d'un sommet. Une entreprise d'une telle envergure fait que la région de Moncton doit se préparer pour l'accueil de plusieurs milliers de participants et d'observateurs en plus de 500 journalistes et techniciens.

C'est dans la communication que l'on retrouve l'un des plus grands défis pour les organisateurs du sommet, qui ont commencé les préparatifs en transformant la faculté d'administration de l'Université de Moncton en centre de presse. Ce centre possèdera des studios de montage, des salles de conférence et des infrastructures technologiques pour la radio, la télévision et la presse écrite. Ce centre crée un précédent à l'Université de Moncton.

Le thème du sommet est la jeunesse. Au-delà de 800 jeunes de l'Atlantique se sont déjà réunis lors de tables rondes thématiques pour discuter de la culture, de l'économie et des droits de la personne dans la Francophonie internationale.

Un élément nouveau sera ajouté lors de ce sommet, celui du programme des pages. Les étudiants de 11e et de 12e années des écoles francophones et d'immersion française de tout le Canada avaient jusqu'au 1er mars 1999 pour participer au concours national «Jeunes pages du Canada». À la mi-juin, une cinquantaine de jeunes seront sélectionnés et agiront comme pages lors des différentes conférences du sommet.

À titre de pages, les jeunes assisteront à la conférence ministérielle et à la conférence des chefs d'État et de gouvernement. Ils seront appelés à acheminer les documents, les notes et autres dossiers devant circuler entre les délégués et divers services des conférences. Les pages auront accès à la salle des délibérations et pourront assister au déroulement des assises les plus importantes du monde francophone aux premières loges. J'aimerais féliciter le page en chef du Sénat, M. Michel Thériault, qui sera un des responsables de ce programme.

Le centre médiatique mis sur pied à l'Université de Moncton n'est qu'un exemple des préparations technologiques en communication pour le Sommet de Moncton. Tout au long de cet été, le paysage radiophonique de l'Acadie et de la Francophonie comptera une nouvelle voix, soit celle de Radio Jeunesse 1999. Radio Jeunesse 1999 sera animée par des jeunes de 18 à 30 ans de l'espace radiophonique mondial et mettra l'accent sur le thème du sommet, soit la jeunesse.

Cependant, l'outil de communication le plus populaire du sommet est sans aucun doute l'Internet, qui reçoit en moyenne plus de mille visiteurs par jour depuis le début de l'année 1999.

Honorables sénateurs, en somme, cette année, ce ne sont pas seulement les 47 États membres de la Francophonie qui viennent en Acadie, aussi c'est l'Acadie qui s'ouvre au monde entier.

[Traduction]

Proposition de création d'un poste d'ombudsman fédéral

L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, il y a deux jours, l'Association des ombudsman du Canada était représentée à Ottawa par Roberta Jamieson, ombudsman de l'Ontario, et Douglas Ruck, ombudsman de la Nouvelle-Écosse. Ils étaient à Ottawa pour parler de la nécessité de créer un poste d'ombudsman fédéral.

L'association qu'ils représentent est née en septembre 1998. L'un de ses premiers gestes officiels a été d'adopter une résolution demandant au gouvernement et au Parlement du Canada de créer un poste d'ombudsman fédéral général qui étudierait les plaintes du public concernant le traitement administratif que lui réservent les ministères et organismes gouvernementaux. Cette résolution est née du fait que les ombudsmen provinciaux sont inondés de plaintes concernant essentiellement le fédéral. L'ombudsman de l'Ontario, à lui seul, a reçu plus de 1 600 plaintes de ce genre au cours des trois derniers exercices financiers.

Un ombudsman fédéral apporterait un complément au travail des tribunaux administratifs, tant en traitant les plaintes qui ne relèvent pas d'un tribunal que les plaintes concernant l'administration des tribunaux eux-mêmes. Selon cette proposition, ce haut fonctionnaire fédéral se chargerait de tous les secteurs de compétence fédérale qui ne sont pas actuellement examinés par les ombudsmen nommés en vertu de lois fédérales, et travaillerait en collaboration avec les bureaux spécialisés actuels.

Les deux partisans de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse que nous avons entendus, et leur association, estiment que la création d'un bureau d'ombudsman fédéral ferait réaliser des économies, compte tenu des coûts des procès, du mécontentement et de la perte de confiance de la population envers le gouvernement.

(1500)

Depuis les années 70, le Canada est un des chefs de file mondiaux dans la création de bureaux d'ombudsman. De toutes les grandes démocraties de l'Occident qui sont dotées de ces bureaux, à quelque palier que ce soit, seules quatre n'ont pas d'ombudsman national. Il s'agit de l'Italie, de la Suisse, des États-Unis et du Canada.

Par l'entremise d'un certain nombre d'organismes canadiens et internationaux, le gouvernement canadien aide activement les pays en développement à améliorer leurs institutions démocratiques, notamment en leur prêtant main-forte pour créer un bureau de ce genre. Ce bureau est largement considéré comme un des paliers d'une société démocratique.

L'ombudsman doit être indépendant du gouvernement, perçu comme tel, et disposer de la latitude voulue pour exercer sans ingérence le mandat législatif confié par le Parlement. Cette personne serait un mandataire du Parlement et rendrait compte à la fois au Parlement et à la population.

L'urgence pour le Canada de se doter d'un tel bureau n'est pas un indice de la qualité de la bureaucratie fédérale. Au contraire, la volonté de créer ce bureau témoigne d'un bon gouvernement et signale que le gouvernement est tout disposé à faire examiner ses actions par un bureau indépendant.

Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur cette proposition dont nous serons saisis.

La paix en yougoslavie

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en ce moment même, à l'autre endroit, le premier ministre fait une déclaration sur l'accord de paix qui a été conclu concernant le Kosovo. Sa déclaration fait suite à l'adoption plus tôt aujourd'hui par le Conseil de sécurité des Nations Unies d'une résolution fixant les modalités d'un cessez-le-feu au Kosovo et l'annonce par l'OTAN de la suspension des opérations aériennes contre la République fédérale de la Yougoslavie.

Au nom du gouvernement, je voudrais d'abord remercier tous nos militaires, hommes et femmes, qui ont répondu généreusement et professionnellement à l'appel de nos alliés de l'OTAN pour participer à une campagne visant à établir la paix et la stabilité dans une partie du monde qui se trouve à des milliers de milles de distance de leur foyer et des leurs. Leur contribution, en particulier celle de nos pilotes, nous remplit de fierté.

Leurs efforts ont été fermement appuyés par les Canadiens qui ont généreusement ouvert leur coeur aux réfugiés kosovars qui sont arrivés au Canada. Les Canadiens comprennent que des événements fondamentalement et moralement mauvais peuvent se produire à l'occasion, et qu'il serait impensable alors de se tenir à l'écart en se croisant les bras.

Nous sommes tous des citoyens du monde et il y a des droits fondamentaux que nous possédons tous, peu importe où nous vivons. Les brutalités infligées à toute une population civile, le meurtre commandé par un État d'hommes, de femmes et d'enfants, fondé sur des motifs raciaux, tout comme la purification ethnique, sont contraires à ces droits.

Nous devrions tous nous rappeler que cette situation régnait au Kosovo et que des mois d'efforts diplomatiques n'y ont rien changé. De mars à octobre 1998, le Conseil de sécurité des Nations Unies a essayé de mettre un terme à la violence au Kosovo en proposant trois résolutions principales. Elles ont toutes été mises à l'écart par la Yougoslavie. De nombreuses missions diplomatiques à Belgrade n'ont donné aucun résultat. Enfin, une grande conférence sur la paix a eu lieu en France en mars dernier, mais elle a échoué à cause de l'intransigeance des autorités yougoslaves.

Alors que se poursuivaient tous ces efforts diplomatiques, de plus en plus de troupes yougoslaves étaient déployées au Kosovo et de plus en plus de civils étaient assassinés ou chassés de chez eux. Les diplomates parlaient et la terreur se répandait au Kosovo.

Voilà la situation qui a finalement forcé l'OTAN à intervenir. L'autre solution aurait été de regarder passivement une population terrorisée être chassée de son territoire ancestral, ce qui aurait été répréhensible. On aurait ainsi fait savoir à tous les Milosevic du monde qu'il n'y a pas de limite à ce qu'ils peuvent faire. Grâce à ce qui a été accompli aujourd'hui, on peut maintenant dire qu'il y a des limites, des bornes à ne pas franchir.

Lorsque Václav Havel, président de la République tchèque, s'est adressé aux deux Chambres du Parlement, le 29 avril 1999, il a déclaré:

Si on peut parler d'une guerre fondée sur des raisons conformes à l'éthique, c'est vrai pour celle-ci...

Et pourtant, l'Alliance lutte. Elle lutte au nom de la non-indifférence de l'homme envers le sort des autres. Elle lutte parce que les gens bien ne peuvent pas être témoins de l'extermination systématique, dirigée par l'État, d'autres gens.

Voilà quelle était la situation, honorables sénateurs, lorsque l'OTAN a amorcé ses frappes aériennes visant des objectifs très précis. J'ai souvent répété ces objectifs au cours des dernières semaines et maintenant, nous les avons atteints. Il y aura une force de maintien de la paix dirigée par l'OTAN, les forces yougoslaves se retireront, l'UCK sera démilitarisée, les réfugiés seront rapatriés et, espérons-le, pourront vivre chez eux dans la dignité et la paix, peu importe leur origine ethnique.

Dès cet après-midi, le retrait des forces de la République fédérale de Yougoslavie a commencé. Les forces de l'OTAN, y compris les membres de nos propres forces armées, pourraient traverser la frontière et entrer au Kosovo demain. Alors même que nous parlons, les conditions du règlement adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies sont mises en application.

Les événements se précipitent, mais l'histoire n'est pas terminée. Il y a encore beaucoup à faire. Le retrait des forces yougoslaves doit être soigneusement contrôlé parce que le régime de Milosevic a déjà renié ses engagements dans le passé. Jusqu'à ce que la force internationale de maintien de la paix soit fermement aux commandes, la situation au Kosovo demeurera instable. Cependant, la stabilité viendra et la tâche colossale de la reconstruction des vies et des collectivités au Kosovo commencera. Les réfugiés retourneront chez eux. Les institutions démocratiques seront érigées. La réconciliation et la reconstruction seront favorisées et facilitées.

Le Canada oeuvrera au sein d'organisations internationales comme l'ONU, l'OSCE et la Banque mondiale et appliquera également ses propres programmes bilatéraux d'assistance pour assurer le soutien dont les Kosovars auront désespérément besoin en rentrant chez eux pour rebâtir leur vie.

Honorables sénateurs, cette guerre n'a pas été menée contre le peuple de la Yougoslavie, mais contre le terrorisme orchestré par l'État et contre la purification ethnique. Le gouvernement croit que les préoccupations humanitaires et les droits de la personne ne sont pas une affaire purement interne et que nous avons franchi là une étape importante non seulement pour protéger le peuple du Kosovo, mais aussi pour élargir la définition de sécurité dans la communauté internationale.


Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je tiens à vous signaler la présence à la tribune d'un groupe spécial d'invités, celui du Mouvement des cadets du Canada, représentant les cadets de la marine, ceux de l'armée et ceux de l'aviation, les ligues des cadets de la marine, de l'armée et de l'aviation et les instructeurs des cadets des Forces canadiennes.

Ils sont tous ici aujourd'hui pour lancer une initiative nationale dont le but est de sensibiliser les 70 000 participants du mouvement et de promouvoir chez eux le respect de l'environnement. L'initiative s'appelle «Cadets du Canada à l'oeuvre».

Nous sommes heureux de participer au lancement de votre programme. Nous vous souhaitons un grand succès dans votre projet civique qui vise à assainir et à protéger l'environnement.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Honorables sénateurs, je dois ajouter que le mouvement des cadets est le mouvement de formation de la jeunesse le meilleur et le plus en vue au Canada.

Des voix: Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Lorna Milne, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le jeudi 10 juin 1999

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

VINGT-CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-79, Loi modifiant le Code criminel (victimes d'actes criminels) et une autre loi en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 8 juin 1999, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
LORNA MILNE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Milne, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi nationale sur l'habitation
La Loi sur la Société canadienne d'hypothèques et de logement

Projet de loi modificatif-Présentation et impression en annexe du rapport du comité

L'honorable Lowell Murray, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant:

Le jeudi 10 juin 1999

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son

VINGTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-66, Loi modifiant la Loi nationale sur l'habitation et la Loi sur la Société canadienne d'hypothèques et de logement et une autre loi en conséquence, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 11 mai 1999, a étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Ont été jointes en annexe au présent rapport les observations de votre comité sur le projet de loi C-66.

Respectueusement soumis,

Le président,
LOWELL MURRAY

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que l'annexe du rapport soit imprimée en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui?

Des voix: D'accord.

(Le texte de l'annexe figure à l'annexe A, p. 1718, des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur les banques
La Loi sur les liquidations et les restructurations

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Jack Austin, au nom du sénateur Kirby, président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant:

Le jeudi 10 juin 1999

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son

VINGT-SIXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-67, Loi modifiant la Loi sur les banques, la Loi sur les liquidations et les restructurations et d'autres lois relatives aux institutions financières et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 3 juin 1999, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Membre du comité,
JACK AUSTIN

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Austin, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi sur l'indemnisation au Canada en matière d'expositions itinérantes

Rapport du comité

L'honorable Lowell Murray, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant:

Le jeudi 10 juin 1999

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son

VINGT ET UNIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-64, Loi instaurant un programme d'indemnisation pour les expositions itinérantes, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 3 juin 1999, a étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
LOWELL MURRAY

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Le budget des dépenses, 1999-2000

Présentation et impression en annexe du rapport provisoire du comité

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le seizième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, un rapport provisoire sur l'étude du Budget principal des dépenses pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2000, qui a été déposé au Parlement.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui pour qu'il fasse partie du compte rendu permanent du Sénat.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, que le rapport soit imprimé en annexe?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure à l'annexe B, p. 1721, des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Cools, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à lundi prochain, le 14 juin 1999, à 16 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

La Loi corrective de 1999

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-84, Loi visant à corriger des anomalies, contradictions ou erreurs relevées dans les Lois du Canada et à y apporter d'autres modifications mineures et non controversables ainsi qu'à abroger certaines lois ayant cessé d'avoir effet.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose, au nom du sénateur Losier-Cool, que ce projet de loi soit inscrit à l'ordre du jour de la séance du lundi 14 juin 1999.

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, je voudrais également demander au sénateur Carstairs combien de lois ce projet de loi modifiera.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je n'ai pas d'exemplaire du projet de loi. Ce dernier n'a pas été distribué et il ne le sera pas qu'après l'adoption de la motion. Nous saurons alors combien de lois il modifiera.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Losier-Cool, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du lundi 14 juin 1999.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-82, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies et questions connexes).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(1520)

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du lundi 14 juin 1999.)

L'autonomie gouvernementale des autochtones

La Commission royale sur les peuples autochtones-Avis de motion visant à permettre au comité de déposer auprès du greffier son rapport final sur l'étude

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, je donne avis que, lundi prochain le 14 juin 1999, je proposerai:

Que, au sujet de l'ordre adopté par le Sénat le mardi 9 décembre 1997, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, autorisé à faire une étude et à présenter un rapport sur les recommandations du Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (document parlementaire 2/35-508) relativement à l'autonomie gouvernementale des autochtones, soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

[Français]

Transports et communications

Avis de motion autorisant le comité à examiner l'information, les arts et les divertissements apportés par les médias

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner pour en faire rapport l'information, les arts et les divertissements offerts à la population canadienne par les médias traditionnels et modernes, compte tenu de l'évolution des communications de masse et des nouvelles technologies.

Que le comité soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible les travaux; et

Que le comité présente son rapport au plus tard le 15 juin 2000.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les Nations Unies

Le texte de la résolution de l'Assemblée générale mettant fin aux hostilités en Yougoslavie-Demande de dépôt

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier le leader du gouvernement au Sénat de l'information fournie il y a un instant au sujet de la déclaration ministérielle.

Étant donné que tous les documents des Nations Unies, et très certainement cette résolution du Conseil de sécurité, sont rédigés dans les cinq langues de travail des Nations Unies, une copie de cette résolution devrait être disponible dans les deux langues officielles du Canada. Par conséquent, le ministre déposera-t-il le document cet après-midi au Sénat?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, si je puis obtenir le document dans les deux langues officielles, je le déposerai sans tarder. Je ne ménagerai aucun effort à cette fin.

L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

Le conflit en Yougoslavie-Le respect du droit international-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Je suis convaincu que tous les honorables sénateurs et tous les Canadiens se réjouissent de la résolution adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies. Pour beaucoup d'entre nous, c'est un soulagement, parce que nous assistons au rétablissement de la règle de droit en droit international.

Le ministre peut-il expliquer à la Chambre pourquoi le gouvernement du Canada s'est impliqué, par l'intermédiaire d'une organisation régionale, soit l'OTAN, dans une action militaire qui ne respectait pas le droit international? La campagne de bombardement a été menée sans un mandat international en bonne et due forme. Cela suscite de graves préoccupations.

Le ministre a parlé de considérations d'ordre moral. Je parle des principes fondamentaux de droit international et de respect des règles de droit.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, notre collègue soulève une question valable. Cependant, il faut penser aux conséquences de l'inaction. J'en ai parlé dans ma brève déclaration sur la résolution et sur le règlement. Je ne peux que vous renvoyer au discours que Václav Havel a prononcé devant les deux Chambres du Parlement il n'y a pas longtemps. Il a dit: «Si on pouvait dire d'une guerre qu'elle était morale ou qu'elle était menée pour des raisons morales, c'était celle-là.» «L'OTAN, a-t-il dit, se bat au nom de l'intérêt humain pour le sort d'êtres humains. L'OTAN se bat parce que des hommes et des femmes ne peuvent pas décemment rester à ne rien faire pendant que s'accomplit le massacre systématique d'un peuple ordonné par un État.»

Nous aurions pu rester sans rien faire, mais des personnes motivées par des intérêts humanitaires jugeaient que nous ne pouvions pas laisser la situation dans les Balkans se détériorer. Il était impossible d'obtenir une résolution des Nations Unies en raison du droit de veto de la Russie et de la Chine. Malheureusement, il était nécessaire de décider de bombarder. Nous sommes heureux qu'une résolution ait été adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Les Nations Unies

Le conflit en Yougoslavie-L'appui en faveur de l'adoption de la résolution du Conseil de sécurité

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, puisque aucun membre permanent du Conseil de sécurité n'a exercé son droit de veto sur la résolution qui a été adoptée, pourquoi n'aurait-il pas été possible de rédiger une résolution susceptible de rallier tous les membres du Conseil de sécurité il y a environ 80 jours? Pourquoi ce qui a été fait hier aurait-il été impossible il y a 80 jours?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux que dire qu'ils ont abouti à une conclusion après quelque 80 jours de frappes aériennes. Malheureusement, c'est ce qui semble avoir été nécessaire pour faire entendre raison à Milosevic et à ses associés.

À l'occasion de négociations diplomatiques préalables amorcées par le secrétaire général des Nations Unies, l'Union européenne, les représentants du G-8 et les représentants de l'OTAN, on a indiqué très clairement qu'il serait très difficile d'aboutir à une résolution unanime. Nous n'avons pu obtenir une approbation unanime au Conseil de sécurité parce qu'il y a eu l'abstention de la Chine. Toutefois, tous les efforts diplomatiques voulus ont été consentis afin d'emprunter la voie des Nations Unies. Ces efforts avaient échoué jusqu'à aujourd'hui.

Les affaires étrangères

Le conflit en Yougoslavie-Les plans de reconstruction après le conflit-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, eu égard à la reconstruction de la Serbie et du Kosovo, j'aimerais savoir quelle est la politique du gouvernement du Canada en ce qui concerne la contribution, financière ou autre, du Canada et si l'aide canadienne à la reconstruction sera liée au maintien ou non en poste du président Milosevic en Yougoslavie?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en ce qui concerne la Serbie, ces travaux seraient liés directement au sort du président Milosevic et à son maintien ou non en poste.

(1530)

Les premiers membres des Forces canadiennes à se rendre au Kosovo seront des soldats du génie, qui pourraient fort bien participer à la fois à des activités de reconstruction et de déminage. Le gouvernement du Canada connaît très bien ses obligations dans le cadre de tout programme de restructuration massive qui sera nécessaire dans les Balkans.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, la décision du gouvernement du Canada est-elle de ne pas fournir d'aide à la Serbie tant que le président Milosevic fera partie du gouvernement de ce pays?

Le sénateur Graham: C'est quelque chose que je ne voudrais pas affirmer de façon définitive, mais je soupçonne que c'est le cas. J'admets que je n'ai pas de réponse définitive à donner à cet égard, mais c'est ce que je considérerais comme étant la voie à suivre.

Les droits de la personne

Revenu Canada-Les résultats de l'étude citant des allégations de discrimination contre les minorités visibles aux postes de contrôle frontaliers-Demande d'examen par un comité spécial

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Les sénateurs sauront que, durant les neuf années que j'ai passées au Sénat jusqu'à maintenant, j'ai constamment soulevé des questions liées aux droits de la personne, à l'égalité, à l'équité et à la justice, particulièrement en ce qui concerne les minorités visibles. Dans le Quorum de mardi, on pouvait lire un article du Ottawa Citizen intitulé «Selon une étude, les noirs se sentent harcelés par les agents de douanes». L'article disait ceci:

Selon une étude fédérale, de nombreux voyageurs noirs, spécialement des Torontois revenant de la Jamaïque, ont l'impression de ne pas être bien traités par les agents de Douanes Canada.

[...]

La firme de recherche COMPAS Inc., qui a préparé l'étude pour le ministère du Revenu, a organisé dix-huit groupes de discussion avec des Canadiens membres de minorités visibles au début de mars, à Halifax, Toronto, Montréal, Calgary et Vancouver.

Plus d'un tiers des participants ont dit qu'ils avaient été traités différemment des voyageurs blancs. Plusieurs ont raconté avoir été ciblés par les agents pour de longs interrogatoires, des vérifications d'identité et des inspections.

Que compte faire le gouvernement à propos de ce problème? Le ministre recommandera-t-il qu'un comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat soit constitué pour faire une étude de suivi au rapport «L'égalité, ça presse»? Le leader prendra-t-il l'initiative de créer un comité spécial du Sénat pour étudier ce problème de racisme et d'inégalité?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, organisme orienté vers le service à la clientèle, Revenu Canada consulte souvent les voyageurs au sujet de leurs expériences avec Douanes Canada. Comme l'honorable sénateur Oliver l'a mentionné, un sondage a été mené par les consultants de COMPAS Research dans les villes et les aéroports qu'il a cités. L'étude dont il est question dans l'article du Ottawa Citizen a été entreprise par Revenu Canada pour déterminer si les voyageurs des minorités visibles considèrent qu'ils sont traités différemment par Douanes Canada.

Revenu Canada utilisera les conclusions de cette étude pour améliorer les services qu'il offre aux voyageurs des minorités visibles. Des changements apportés aux programmes d'information, des programmes de sensibilisation à l'intention des agents de douane et une série d'activités communautaires figurent parmi les initiatives envisagées.

La pertinence de créer un comité mixte pour étudier cette question pourrait sans doute être soulevée devant le Comité permanent des privilèges et du Règlement. De même, le sénateur Oliver ou tout autre sénateur pourrait prendre l'initiative de faire une interpellation à ce sujet.

L'agriculture

La crise agricole dans les provinces des Prairies-La possibilité d'une aide gouvernementale

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, hier, moi-même et d'autres sénateurs avons parlé de la crise agricole qui sévit au Manitoba et en Saskatchewan. L'honorable leader du gouvernement au Sénat a indiqué qu'à 15 h 30 hier, il allait rencontrer le ministre pour lui faire part de ces préoccupations.

Pourrait-il nous parler des résultats de cet entretien? Les agriculteurs peuvent-ils espérer quelque chose?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je confirme qu'hier, j'ai effectivement rencontré le ministre Vanclief et que j'ai poursuivi cet entretien avec le ministre ce matin.

Demain, le ministre s'adressera directement aux agriculteurs et aux dirigeants du secteur agricole pour se renseigner auprès d'eux de la situation à laquelle sont actuellement confrontés des milliers d'agriculteurs dans le sud-ouest du Manitoba et dans le sud-est de la Saskatchewan.

Dans les cas d'inondation de terres agricoles, les gouvernements fédéral et provinciaux offrent une assurance-récolte pour les superficies non ensemencées. Cette assurance fait partie du programme de la Saskatchewan, mais au Manitoba, elle nécessite un avenant qui représente un coût supplémentaire. En outre, une assurance-pertes de production pour les récoltes annuelles et les récoltes de forage est disponible.

Hier, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a annoncé conjointement avec son homologue de la Saskatchewan un ensemble de changements à l'assurance-récolte, dont une prolongation de la période d'ensemencement, afin d'aider les agriculteurs qui sont aux prises avec des pluies persistantes.

Je suis convaincu que lors de ces visites au Manitoba et en Saskatchewan, le ministre voudra consulter les agriculteurs. Il demeure en contact permanent avec les ministres de ces deux provinces.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, selon un économiste spécialisé en désastres naturels, qui travaille pour le ministère fédéral de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, les pertes pourraient atteindre les 400 millions de dollars si les pluies continuent et si les agriculteurs ne peuvent pas semer. Il a ajouté que cette situation et les pertes possibles n'engendreraient toutefois pas une hausse sensible des prix du blé, qui sont fixés sur les marchés mondiaux. Cette situation n'entraînera pas une hausse importante du prix du pain que consomment les gens, mais les effets seront dévastateurs pour les agriculteurs.

Dans ce cas, l'assurance-récoltes n'est pas la solution. De nombreux agriculteurs n'ont pas les moyens de se payer cette assurance. Ils ne peuvent pas non plus se permettre d'attendre pour voir s'ils pourront procéder aux semences. S'ils peuvent le faire, les récoltes seront probablement bien inférieures à la normale.

Le gouvernement va-t-il voir à ce que des mesures d'aide soient offertes immédiatement? Les agriculteurs ne peuvent pas attendre les paiements de l'assurance-récoltes ou du Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole, ou ACRA.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le ministre s'efforce de rendre le programme ACRA aussi souple que possible. Ainsi, les agriculteurs pourront faire une demande plus tard en 1999 en se fondant sur une projection de leur revenu. Si ces projections justifient des prestations du programme ACRA, un paiement provisoire pourrait leur être accordé. Les calculs définitifs seront effectués plus tard, sur la base des chiffres définitifs pour 1999.

Le ministre s'efforce de toutes les façons de rendre l'aide disponible le plus rapidement possible.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, cette situation n'a pas attiré l'attention de tout le pays, comme l'ont fait la tempête de verglas et les inondations à Winnipeg. Il s'agit pourtant d'une catastrophe plus grave que ces deux derniers désastres. Nous ne pouvons pas attendre plus longtemps parce que la situation affectera non seulement les agriculteurs, mais toute la Saskatchewan. L'agriculture est le moteur de l'économie de cette province. Tout le monde souffre.

Nous ne pouvons attendre les résultats de ces divers programmes. L'économie de ces provinces est très fragile et nous devons injecter immédiatement des fonds pour les aider à surmonter la crise.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, comme l'honorable sénateur Andreychuk, le sait, lorsqu'il a été mis en place, le programme ACRA prévoyait une aide de 1,5 milliard de dollars pour les agriculteurs de l'Ouest. Ce programme a été créé pour aider les producteurs dont le revenu chutait précipitamment pour une raison quelconque, que ce soit une baisse des prix, la sécheresse ou les pluies excessives.

J'assure l'honorable sénateur et tous mes collègues dans cette Chambre que le ministre de l'Agriculture étudie tous les moyens possibles de remanier les programmes de façon à pouvoir venir en aide aux agriculteurs dans les meilleurs délais.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, le problème est que nous ne pouvons pas attendre le remaniement des programmes existants. Nous devons injecter immédiatement des fonds pour éviter que ces agriculteurs n'abandonnent leurs exploitations. Des entreprises sont en train de fermer leurs portes. Des concessionnaires de machines agricoles aussi. Des travailleurs sont licenciés tous les jours. Pendant que nous essayons de remanier quelques aspects mineurs de ces programmes, la survie de l'économie de l'ouest du Canada est compromise. Nous devons injecter des fonds maintenant, puis planifier des programmes de stabilisation du revenu à long terme qui aient un sens pour l'ouest du Canada.

(1540)

Le sénateur Graham: J'assure l'honorable sénateur que le ministre de l'Agriculture est très conscient du problème. Comme je l'ai dit, il consultera les agriculteurs et ses homologues.

Le solliciteur général

Le Sommet de la Francophonie de 1999 à Moncton, au Nouveau-Brunswick-La responsabilité en matière de sécurité

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, comme la plupart de vous le savent, nous aurons l'honneur d'accueillir le Sommet de la Francophonie à Moncton cet automne. Nous sommes tous emballés par cette perspective. De grands préparatifs sont en cours. Cela constituera un puissant stimulant économique pour la ville.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire si la GRC aura le contrôle complet sur tous les aspects de la sécurité au Sommet de la Francophonie? J'ai vu des chiffres révélant que plus de 1 000 agents de la GRC seront présents.

Les dirigeants de 42 pays participeront au sommet, dont 12 sont des dictatures. Le gouvernement a-t-il changé de position quant au port d'armes par les agents de sécurité de tous ces pays?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je sais qu'on effectue des préparatifs très spéciaux pour le Sommet de la Francophonie au Nouveau-Brunswick. Je ne suis pas au courant qu'on ait apporté des changements aux arrangements spéciaux en vigueur concernant la sécurité assurée aux chefs d'État par rapport à ce qui existait au moment du sommet de l'APEC. Je sais que certains dirigeants d'autres pays viennent accompagnés de leurs propres agents de sécurité.

Je serai très heureux de me renseigner et de fournir une réponse plus complète aussitôt que possible.

Le commerce international

L'accord sur les périodiques conclu entre le Canada et les États-Unis-La responsabilité du ministère en matière de surveillance

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais poursuivre sur la question de la Loi sur Investissement Canada et particulièrement de l'annonce du premier ministre sur le fait que, en raison de l'accord conclu avec les Américains sur le projet de loi C-55, les dispositions relatives à l'examen dans la loi concernant l'industrie culturelle seraient transférées au ministère du Patrimoine canadien. Il en ressortirait que deux ministères seraient responsables du processus de révision, les activités culturelles revenant à Patrimoine Canada et les autres sujets à Industrie Canada.

Le ministre nous a dit que le premier ministre pouvait effectuer ces changements par un décret en conseil sans amender la loi. Je me suis posé des questions à ce sujet hier et je m'en pose encore aujourd'hui, car, après avoir examiné la loi, je n'y ai rien trouvé autorisant le gouvernement à séparer ces responsabilités par décret en conseil.

Le ministre a-t-il lui-même revu son étude et autorisé que des recherches soient menées afin de vérifier si ce que j'affirme est vrai?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en vertu de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique, le gouvernement a le pouvoir de transférer ou de répartir les tâches liées aux lois fédérales. Le pouvoir de réviser et d'approuver les investissements étrangers dans le secteur culturel sera, comme je l'ai indiqué, transféré à la ministre du Patrimoine canadien par décret en conseil.

Honorables sénateurs, j'ai fait quelques recherches. J'ai consulté les Lois révisées du Canada de 1985 concernant l'appareil gouvernemental. Vous constaterez que, dans le chapitre P-34, il est dit ceci:

2. Le gouverneur en conseil peut procéder:

a) à tout transfert d'attributions, ou de responsabilité à l'égard d'un secteur de l'administration publique, entre ministres ou entre ministères ou secteurs de l'administration publique;
b) au regroupement de deux ministères ou plus sous l'autorité d'un seul ministre et d'un seul sous-ministre.
L'article 3 porte sur le remplacement d'un ministre ou d'un ministère. Il dit ceci:

3. Le ministre, le ministère ou le secteur de l'administration publique auxquels sont transférées, sous le régime de la présente loi ou en vertu de toute autre habilitation, des attributions ou responsabilités, ainsi que leurs fonctionnaires compétents, ont le plein exercice des pouvoirs et fonctions dévolus à leurs prédécesseurs.

Ce sont les termes de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique.

Le sénateur Lynch-Staunton: Cela éclaire beaucoup, mais c'est également très déroutant. Cela donne l'impression que le Parlement a un jour adopté une loi disant que, quelles que soient les intentions du Parlement, le gouvernement peut les restructurer comme il le souhaite. Ai-je bien compris?

C'est très utile. J'espère que nous en aurons une copie afin de pouvoir poursuivre la discussion. Le leader peut-il nous dire en quelle année la loi qu'il a citée a été adoptée?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, c'est dans les Lois révisées du Canada de 1985. Je n'ai pas le texte dans les deux langues officielles, mais je me ferai un plaisir d'en distribuer des copies à tous les sénateurs.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le ministre pourrait-il nous dire combien d'années-personnes sont censées êtres transférées d'Industrie Canada à Patrimoine Canada pour donner suite au transfert des responsabilités dont il a parlé? Par ailleurs, y aura-t-il présentation d'un nouveau projet de loi sur le remaniement du ministère, qui suit généralement le changement provisoire effectué à la suite des dispositions de réaffectation auxquelles il a fait allusion?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je n'ai pas entendu parler de remaniement ou de transfert d'emplois pour le moment, mais j'examinerai la question, je demanderai conseil et je fournirai toute l'information que je pourrai obtenir.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, on dirait ici qu'un ministre est responsable d'une loi, la Loi sur Investissement Canada, dont le gouvernement prétend retirer la responsabilité à ce ministre pour la confier à un autre ministre. Je ne dis pas que c'est sans précédent, mais c'est extraordinaire.

Laissons cela de côté pour le moment. Puis-je demander ce que le gouvernement entend par l'expression «secteur culturel» pour les besoins de ce transfert de pouvoirs du ministre de l'Industrie à la ministre du Patrimoine canadien?

(1550)

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je ne suis pas certain qu'il est bien nécessaire d'obtenir ce genre de définition tout particulièrement aux fins du projet de loi C-55. J'ai fait mes recherches en réponse aux demandes du chef de l'opposition en vue de déterminer en vertu de quelle autorité ce transfert avait été effectué. J'ai les Lois révisées du Canada de 1985 et, comme je l'ai dit, ce pouvoir est prévu dans la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, je ne veux pas entamer une discussion avec le ministre, mais je suis persuadé qu'il sera d'accord pour dire qu'il sera nécessaire de définir l'expression «secteur culturel». Il y aura une certaine confusion, et peut-être même un certain conflit, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du gouvernement, quand à la question de savoir quel ministre devrait être chargé de la révision d'une transaction en particulier.

Puis-je me permettre une dernière question pour le ministre? A-t-on apporté des changements aux règles établies en vertu de la Loi sur Investissement Canada par suite de l'entente conclue entre le Canada et les États-Unis, ou prévoit-on en apporter?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je n'ai entendu parler d'aucune règle à venir jusqu'à présent, mais je serai évidemment heureux de m'informer et de vous donner une réponse plus précise à ce sujet plus tard. Toutefois, en réponse à la question du sénateur Murray, je disais que l'information qu'il demandait n'était pas nécessaire à l'adoption du projet de loi C-55.

Je comprends ce qu'il fait et où il veut en venir, et je serai heureux d'obtenir des précisions à ce sujet.

Le sénateur Murray: Oui, honorables sénateurs, la règle à laquelle je pense en particulier est celle qui a été adoptée à la suite du rapport O'Callahan-Tassé en 1993, sous le gouvernement de la premier ministre Campbell, et qui a été signée par le ministre de l'Industrie de l'époque, l'honorable Jean Charest.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, le pouvoir est peut-être là, mais j'aurais aimé qu'on nous parle de cette entente avant que nous adoptions le projet de loi et non après.

Ma question est la suivante: que se passe-t-il dans le cas d'une industrie qui fait l'objet d'un examen et qui se trouve en partie dans le secteur culturel et en partie dans un secteur non culturel? C'est une chose qui se pourrait très bien. On apprend qu'une importante compagnie de tabac ou un holding songe à vendre sa chaîne de pharmacies qui a un contenu culturel, puisqu'elle vend des livres et des périodiques. Qui prendra la décision? Est-ce que ce sera une décision conjointe? Est-ce qu'on a pensé à ce scénario? Je n'ai rien inventé. La réponse au sénateur Murray fut: «Nous n'avons pas encore défini ce qu'était le secteur culturel.» Le sénateur Murray a tout à fait raison de demander: «Qu'est-ce que le gouvernement entend par secteur culturel et comment peut-on le différencier avec précision du secteur non culturel?»

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, comme je l'ai dit précédemment, avant le transfert de responsabilités, la responsabilité était partagée entre la ministre du Patrimoine et le ministre de l'Industrie au sens où la ministre du Patrimoine devait faire une évaluation à l'intention du ministre de l'Industrie avant qu'une décision ne soit prise. En ce sens, la responsabilité était partagée. Je vais demander des précisions à l'intention du chef de l'opposition et du sénateur Murray.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je demande au ministre de ne pas dire que la responsabilité était partagée entre les ministres. Les ministres étaient consultés, et à juste titre, au sujet des industries qui relevaient de leur compétence immédiate, mais une seule personne prenait les décisions, le ministre de l'Industrie.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi d'exécution du budget de 1999

Troisième lecture-Motion d'amendement-Report du vote

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Kroft, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-71, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 février 1999;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Bolduc, appuyée par l'honorable sénateur Beaudoin, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:

a) aux pages 10 à 12, par suppression de la partie 3;

b) par le changement de la désignation numérique des parties 4 à 9 et des articles 20 à 50 en conséquence et de tous les renvois qui en découlent.
L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, j'ai quelques remarques à faire aujourd'hui sur la question de la fiscalité. Grâce aux merveilles de l'informatique, j'ai appris que notre collègue le sénateur Moore avait mentionné les mots «impôts», «imposition» et «contribuables» pas moins de 23 fois dans son discours de présentation du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Ces mêmes mots apparaissent 27 fois dans le discours prononcé à la même fin dans l'autre endroit par le secrétaire parlementaire du ministre des Finances. Cela fait 60 références aux impôts dans deux discours non pas sur une mesure fiscale, mais sur un projet de loi d'exécution du budget.

De toute évidence, le gouvernement s'intéresse vivement à l'impôt - à tel point que, depuis son arrivée, il a appliqué une quarantaine de hausses fiscales. Depuis quelque temps, il prétend qu'il va réduire les impôts de 16 milliards de dollars au cours des trois prochaines années. Cependant, les libéraux oublient de dire qu'ils vont aussi percevoir en trop 16 milliards de dollars auprès des Canadiens au titre de l'assurance-emploi. En réalité, les grandes réductions d'impôt dont ils se vantent ne sont rien d'autre qu'un tour de passe-passe dont le Canadien moyen, comme d'habitude, sera la victime.

Honorables sénateurs, je pense que les impôts élevés sont la bête noire de tous les Canadiens. Ces impôts prennent la forme de taxes de vente, de charges sociales, d'impôts fonciers, de droits de douane, de taxes d'accise, d'impôts déguisés en tickets modérateurs, et j'en passe. Selon l'Institut Fraser, fait incroyable, le fardeau fiscal du Canadien moyen représente à l'heure actuelle 49 p. 100 de son revenu. Ce n'est là qu'une moyenne, honorables sénateurs.

La journée d'affranchissement de l'impôt est maintenant à la fin de juin, soit près de deux mois plus tard qu'il y a 30 ans. Les impôts élevés frappent surtout les moins nantis qui ont moins de revenus au départ. Le gouvernement prétend rembourser ces gens grâce à divers crédits d'impôt, comme la prestation fiscale pour enfants. Cependant, peut-on vraiment croire que ces gens finissent par gagner au jeu qui consiste pour le gouvernement à donner d'une main et à reprendre de l'autre?

Le directeur général de l'Association canadienne d'études fiscales aurait dit récemment que, si un contribuable qui gagne 20 000 $ ou un peu plus - et c'est le cas de biens des Canadiens - réussit à gagner 1 000 $ de plus en faisant des heures supplémentaires ou en prenant un deuxième emploi, il pourrait facilement se retrouver imposé à 60 p. 100, si on tient compte de la récupération fiscale de toutes les prestations sociales. C'est complètement inacceptable.

Les gagne-petit sont aussi durement touchés par le refus du gouvernement d'abolir la TPS sur les livres et autres imprimés. Le ministère des Finances dira ce qu'il voudra, on lit moins à cause de cette taxe. Les lecteurs achètent moins parce que les coûts sont plus élevés. Il n'y a rien de compliqué là-dedans; c'est de l'arithmétique élémentaire. De plus, honorables sénateurs, la suppression de la TPS sur ces produits se défend au plan économique, et si les ministres sortaient de leur limousine et s'éloignaient des bureaucrates, ils s'en apercevraient.

Depuis six ans maintenant, le gouvernement se fait tirer l'oreille. Il dit aux Canadiens: «Nous faisons tout notre possible. Nous ne sommes pas sûrs que la suppression de la TPS soit le meilleur moyen de promouvoir l'alphabétisation. La définition exacte des imprimés n'est pas très claire.» Et il multiplie sans fin les objections insignifiantes.

Le gouvernement parle des différents programmes d'alphabétisation qu'il finance pour montrer son attachement à cette cause. Je suis sûr que ces programmes ont quelque utilité, mais là n'est pas la question. Il s'agit ici d'honnêteté, de crédibilité et d'intégrité. Presque nous tous à la Chambre avons, à un moment ou un autre, appuyé l'abolition de cette taxe. Nos vis-à-vis ont même fait une promesse électorale en ce sens. Malheureusement, ils n'ont pas jugé bon de la remplir. Jusqu'à récemment, ils n'ont pas eu le courage d'admettre avoir fait cette promesse.

Les Canadiens ont dû attendre que le sénateur Bryden, qui n'était même pas encore arrivé au Sénat lors du débat sur la TPS, consente à se charger de la tâche ingrate de faire en quelque sorte son mea culpe en public, au nom de son parti. Dans ce qu'il a lui-même décrit comme rien de moins qu'un discours brillant, l'honorable sénateur, au nom de ses collègues, a admis pour la première fois ce que tous les autres Canadiens savaient, c'est-à-dire que le Parti libéral s'opposait et continuerait de s'opposer à la suppression de la TPS sur le matériel de lecture. Il l'a fait avec délicatesse - du moins c'est ce que j'ai pensé. Pas une fois il n'a mentionné le nom de ses collègues qui auraient dû, logiquement, être à sa place, ceux qui, de temps à autre, avaient déployé toute leur éloquence pour aborder la question, mais qui se font maintenant discrets ou qui se sont absentés de cette Chambre. Ce n'était pas un spectacle édifiant. Si je n'avais pas eu autant confiance dans la capacité du sénateur Bryden de prendre sur ses épaules une tâche aussi désagréable, avec son aplomb habituel, je crois que j'aurais été peiné pour lui.

(1600)

Honorables sénateurs, on a comparé le contribuable moyen à un blessé couvert de bandages qui meurt au bout de son sang. Qui peut prétendre le contraire? Le marché noir est florissant dans divers secteurs, les emplettes de l'autre côté de la frontière sont devenues monnaie courante, et les Canadiens en ont tout simplement assez de verser au fisc une part toujours croissante du revenu qu'ils ont gagné au prix de tant d'efforts.

Honorables sénateurs, j'ai récemment entendu parler de la théorie de l'équilibre Wicksell, du nom de l'économiste suédois qui l'a mise au point. Selon la théorie de Wicksell, les gens sont disposés à payer des taxes et des impôts jusqu'à concurrence de la valeur des services publics qu'ils ont l'impression qu'ils vont utiliser au cours de leur vie. Toutefois, si le montant des taxes et des impôts dépasse la valeur des services qu'ils s'attendent de recevoir, ils commencent à résister.

Cela mène à la création d'une économie souterraine où, comme je viens de le mentionner, les gens commencent à s'adonner à la contrebande. Ils refusent de déclarer leurs pourboires, demandent à être payés comptant, ainsi de suite. Je ne sais pas au juste combien de Canadiens perçoivent ainsi leur fardeau fiscal, mais on observe que les impôts élevés et le niveau de taxation au pays suscitent de plus en plus un certain malaise, et pas seulement chez les gens d'affaires. Nous le constatons tous partout où nous allons, les gens en ont assez des ponctions fiscales. Ils en ont assez de voir les autres gaspiller leur argent en musées du canot et en subventions non remboursables consenties à des électeurs plutôt suspects.

La question que nous nous posons est la suivante: que fera le gouvernement? S'il faut en juger d'après les mesures que le ministre des Finances a prises ces dernières années, la réponse est: «Pas grand-chose.» Loin de moi l'idée de me montrer peu charitable en disant que le gouvernement n'est pas des plus dynamiques ni des plus travaillants. Les ministres semblent se laisser porter de sondage en sondage. Ils ne semblent pas avoir de mission, d'objectifs ou de raisons de gouverner. Ils aiment tout simplement le pouvoir.

Honorables sénateurs, je ne trahis pas de secret d'État en disant que M. Chrétien aime aussi beaucoup les loisirs. Chaque fois qu'il en a le temps, il saute dans un avion et se rend aux États-Unis où il joue au de golf avec son ami M. Clinton, ou encore il y fait du ski. Nous nous souvenons tous qu'il y a peu de temps il a même laissé tomber une importante cérémonie d'État pour demeurer quelques heures de plus sur les pentes.

Pendant que le premier ministre et son gouvernement ne savent plus où donner de la tête, les Canadiens, qui sont à mille lieux de la colline du Parlement, disent: «Nous voulons des réductions d'impôts et de taxes, en valeur comme en nombre.» Les Ontariens l'ont dit haut et fort la semaine dernière en réélisant pour une deuxième fois un gouvernement conservateur majoritaire. Les Néo-Brunswickois n'ont-ils pas envoyé un message clair à Ottawa lundi dernier? Le gouvernement fédéral n'écoute pas, honorables sénateurs. À mon avis, honorables sénateurs, le gouvernement libéral recevra un message clair des Canadiens, dès qu'on leur donnera la possibilité de s'exprimer.

L'honorable Thelma J. Chalifoux (Président suppléant): Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, j'irai de l'avant avec la motion d'amendement.

Il a été proposé par l'honorable sénateur Moore, appuyé par l'honorable sénateur Kroft, que le projet de loi C-71 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 février 1999, soit lu une troisième fois.

En amendement, il a été proposé par l'honorable sénateur Bolduc, appuyé par l'honorable sénateur Beaudoin, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais soit modifié...

Une voix: Suffit!

Son Honneur le Président suppléant: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter l'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président suppléant: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président suppléant: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président suppléant: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président suppléant: Convoquez les sénateurs.

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 67(1) du Règlement, je propose que le vote soit différé, de préférence jusqu'à lundi, à 17 heures.

Son Honneur le Président suppléant: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président suppléant: Par conséquent, le vote aura lieu le lundi 14 juin, à 17 heures.

Projet de loi sur la reconnaissance des services de guerre de la marine marchande

Deuxième lecture-Report du vote

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Forrestall, appuyée par l'honorable sénateur Atkins, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-19, Loi visant à faire davantage reconnaître les services des anciens combattants de la marine marchande du Canada et prévoyant à leur endroit une compensation juste et équitable.-(L'honorable sénateur Carstairs).

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je veux aujourd'hui parler du projet de loi S-19, celui sur la reconnaissance des services de guerre de la marine marchande, que le sénateur Forrestall a déposé à cet endroit en juin dernier. Comme lui, je pense qu'il faut accorder aux anciens combattants de la marine marchande du Canada la reconnaissance qu'ils méritent et le soutien d'un pays qui leur doit beaucoup.

La contribution des anciens combattants de la marine marchande du Canada a été bien soulignée l'an dernier, lorsque nous avons célébré le cinquante-cinquième anniversaire du point tournant de la bataille de l'Atlantique. La victoire dans cette bataille ne s'est pas mesurée par le nombre de sous-marins allemands ou d'aéronefs de la Luftwaffe qui ont été abattus. C'est l'arrivée de 25 343 membres de la marine marchande dans les ports britanniques, à l'issue d'une traversée périlleuse de l'Atlantique Nord, qui a permis d'évaluer à sa juste mesure cet exploit. La victoire a été possible parce que 165 millions de tonnes de marchandises ont été livrées - des ravitaillements qui ont permis aux Britanniques de tenir le coup aux heures les plus sombres et qui ont rendu possible la libération de l'Europe.

Les membres de la marine marchande ont souvent servi à bord de pétroliers hautement inflammables ou de cargos chargés de munitions. Ils savaient que les escortes navales ne pourraient protéger tous les abords d'un convoi et que chaque traversée de l'Atlantique Nord comportait des risques de mourir dans des eaux glacées ou à bord de navires en feu. Bon nombre avaient déjà été à bord de navires frappés par des torpilles, mais ont décidé de naviguer de nouveau. Bon nombre ont vu leurs camarades mourir alors que d'autres navires autour étaient coulés. Pourtant, à chaque expédition, ces hommes étaient déterminés à servir leur pays encore une fois. Ils ont pris la mer à maintes occasions et ils se sont exposés à des risques, au péril de leur vie.

Je tiens à souligner, honorables sénateurs, que bon nombre de ces héros de l'Atlantique Nord étaient très jeunes - ils étaient à peine sortis de l'adolescence et, dans bien des cas, trop jeunes pour pouvoir s'enrôler dans les forces armées. Ces marins, qui étaient très jeunes à l'époque, ont maintenant atteint l'âge où ils ont besoin de soins et d'une aide que peut leur procurer un pays reconnaissant. Même les plus jeunes sont désormais des septuagénaires. Beaucoup ont plus de 80 ans et quelques-uns, 90 ans et plus. Comme nous le rappelle le préambule au projet de loi du sénateur Forrestall, il ne nous reste que peu de temps pour nous assurer que leurs besoins sont satisfaits.

(1610)

Quels soins et quelle aide le Canada a-t-il accordés aux anciens combattants de sa marine marchande? C'est un fait historique que, dans les années qui ont suivi la guerre, les anciens combattants de la marine marchande ont eu droit à certains, mais certes pas à tous les avantages que le gouvernement fédéral destinait aux anciens combattants. La raison en est que le gouvernement de l'époque croyait que le nombre plutôt considérable des membres de la marine marchande qui avaient participé à l'effort de guerre - la marine marchande compte encore aujourd'hui quelque 12 000 membres - n'auraient nul besoin des prestations de démobilisation qui visaient à aider plus d'un million d'hommes et de femmes à retourner à des emplois civils.

Avant d'examiner ce que propose le projet de loi, honorables sénateurs, rappelons-nous ce qui a été fait au cours des 36 dernières années pour réduire l'écart entre les prestations des anciens combattants de la marine marchande et celles des autres anciens combattants.

En 1962, les membres de la marine marchande ayant 180 jours de service et au moins un voyage en eaux dangereuses sont devenus admissibles à une version civile subordonnée aux revenus des allocations aux anciens combattants.

En 1976, les anciens combattants de la marine marchande ont eu droit à l'indemnisation des anciens prisonniers de guerre au même titre et aux mêmes taux que les anciens combattants des forces armées.

En 1992, avec l'adoption du projet de loi C-84, le gouvernement a accepté le principe de la pleine reconnaissance et de l'égalité d'admissibilité de toutes les prestations alors disponibles.

Le 1er mai 1999 est entré en vigueur le projet de loi C-61, qui renforçait encore les droits des anciens combattants de la marine marchande. Je reviendrai à ce projet de loi dans un instant, mais permettez-moi de parler tout d'abord du projet de loi du sénateur Forrestall.

J'ai de sérieuses réserves à faire au sujet de l'article 4 du projet de loi S-19. Il semble que cet article invalide toute disposition d'une loi fédérale qui prévoit des avantages financiers ou autres pour les anciens combattants des forces armées du Canada sans assurer les mêmes avantages aux anciens combattants de la marine marchande ou aux personnes à leur charge. Le sens de cet article, tel que libellé, n'est pas clair du tout. S'applique-t-il à toutes les lois fédérales qui seront adoptées et qui accorderont des avantages à tous les anciens combattants? Invalide-t-il toutes les lois en vigueur?

La version française semble couvrir tant les avantages actuels que les avantages futurs, mais le libellé du sommaire, tant en français qu'en anglais, semble se limiter aux nouvelles mesures législatives et ne pas s'appliquer aux lois en vigueur.

Honorables sénateurs, si nous adoptons ce projet de loi, le gouvernement pourrait se retrouver dans la situation où toutes les lois en vigueur s'appliquant aux anciens combattants sont déclarées invalides. Cela retarderait le versement des prestations aux anciens combattants admissibles, y compris les anciens combattants de la marine marchande. Bref, si ce projet de loi est adopté, il pourrait fort bien être une mesure fastidieuse, extrêmement compliquée et franchement inutile qui porterait préjudice aux anciens combattants au lieu de les aider.

En outre, si nous adoptons la définition d'ancien combattant de la marine marchande qui est proposée dans le projet de loi, quiconque a travaillé sur un navire canadien durant la guerre aura droit essentiellement aux avantages des anciens combattants. Par exemple, les membres d'équipage d'un navire ayant fait le trajet de Halifax à Montréal durant la guerre de Corée seraient admissibles comme anciens combattants de la guerre de Corée aux termes du projet de loi S-19; à mon avis, ce n'est pas ce que cette loi est censée faire.

Par-dessus tout, j'estime que l'adoption du projet de loi C-61 a rendu largement redondante celle du projet de loi S-19. Le projet de loi C-61 était un projet de loi d'ensemble qui, à mon sens, a produit les mêmes effets que le projet de loi du sénateur Forrestall. Cette mesure est entrée en vigueur le 1er mai. Entre autres choses, elle transfère les dispositions législatives liées aux anciens combattants de la marine marchande de l'ancienne Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et les civils à la Loi sur les pensions et à la Loi sur les allocations aux anciens combattants. En fait, nombre des dispositions touchant le statut de la marine marchande sont des dispositions de forme, c'est-à-dire qu'elles modifient des parties d'une loi, transfèrent d'autres modifications, modifient et élargissent des définitions, afin que les anciens combattants de la marine marchande jouissent des mêmes avantages que leurs collègues des forces armées. Ces changements ont été apportés après de longues consultations auprès de la Merchant Navy Coalition. Je tiens à souligner, toutefois, que le projet de loi était largement symbolique, étant donné que la loi de 1992 a accordé aux anciens combattants de la marine marchande le même accès aux programmes et aux avantages.

Le projet de loi C-61 a notamment reconnu officiellement l'égalité d'accès et les symboles sont importants, surtout pour les gens en cause. Cette reconnaissance était importante pour nos anciens combattants de la marine marchande.

Honorables sénateurs, en bref, je crois que le projet de loi C-61 a réalisé le redressement législatif recherché par le projet de loi S-19. Je désire féliciter le sénateur Forrestall, car la présentation du projet de loi S-19 a certainement amené le gouvernement à agir par rapport au projet de loi C-61.

Il ne reste qu'un seul point à examiner, soit la partie du projet de loi S-19 qui vise à réglementer l'organisation des cérémonies commémoratives. Malgré tout le respect que je porte au sénateur Forrestall, je ne crois pas que le Parlement devrait adopter des lois pour dire aux associations de vétérans comment planifier leurs cérémonies et je ne peux appuyer une telle mesure.

Honorables sénateurs, l'adoption du projet de loi C-61 rend le projet de loi S-19 redondant, à l'exception des dispositions sur les cérémonies commémoratives qui, comme je l'ai dit, ne devraient pas faire partie des lois du pays. Comme je l'ai dit aussi, l'ambiguïté quant à l'effet révocatoire du projet de loi S-19 sur les lois existantes pourrait nuire aux anciens combattants qu'il veut justement aider.

Pour ces raisons, je recommande que cette Chambre vote contre le projet de loi dont nous sommes saisis en deuxième lecture. Par ailleurs, j'invite les sénateurs à se joindre à moi pour louer les valeurs et les messages sous-jacents du projet de loi, à savoir la reconnaissance de la contribution considérable des vétérans de la marine marchande à la défense de la liberté qui nous est si chère. Je félicite à nouveau le sénateur Forrestall d'avoir présenté ce projet de loi, qui a donné lieu à la présentation du projet de loi C-61 à l'autre endroit.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne demande la parole, vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les honorables sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les honorables sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, je propose que le vote soit reporté à 17 h 30 lundi.

Le sénateur Carstairs: Je propose que le vote soit reporté immédiatement après l'autre vote, de sorte que nous n'ayons pas à convoquer les sénateurs à plusieurs reprises.

Son Honneur le Président: Acceptez-vous, honorables sénateurs, que le vote soit reporté immédiatement après le vote qui a déjà été reporté à lundi?

Des voix: D'accord.

Privilèges, Règlement et procédure

Étude du onzième rapport du comité-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Maheu, appuyée par l'honorable sénateur Fitzpatrick, tendant à l'adoption du onzième rapport du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure (restructuration des comités du Sénat), présenté au Sénat le 2 juin 1999.-(L'honorable sénateur Lawson).

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le débat sur ce rapport a été ajourné au nom du sénateur Lawson. Je voudrais parler maintenant de ce rapport, mais j'aimerais que l'ajournement reste inscrit au nom du sénateur Lawson.

Son Honneur le Président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que le sénateur Carstairs prenne la parole maintenant, mais que le débat soit ajourné au nom du sénateur Lawson?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui car je crois qu'il est très important de mettre fin à la confusion qui entoure ce rapport ou ces rapports.

Je veux d'abord être très claire au sujet du Règlement du Sénat. Il prévoit actuellement que tout sénateur qui désire assister à une séance de comité peut le faire. Tout sénateur, qu'il soit ou non membre du comité, peut recevoir toute l'information distribuée aux membres, poser des questions et participer aux délibérations de n'importe quel comité. Ces privilèges sont ouverts à tous les sénateurs, quelle que soit leur allégeance, sans que le sénateur ne soit obligé d'être membre du comité en question.

(1620)

Toutefois, au début de chaque session du Parlement, le Règlement prévoit l'établissement d'un comité de sélection par le Sénat. Ce comité compte neuf membres. La coutume veut que cinq viennent du côté majoritaire et quatre du côté minoritaire.

Une fois établi par une motion du Sénat, le comité se réunit pour choisir les 12 ou 14 membres des comités permanents du Sénat. Les seuls privilèges additionnels dont jouissent les membres ainsi choisis par rapport aux sénateurs qui ne sont pas membres d'un comité, c'est qu'ils peuvent voter au comité et présenter des motions.

Encore une fois, la coutume, et non le Règlement, veut que les comités permanents comptent sept membres du côté majoritaire et cinq du côté minoritaire dans le cas des comités de 12 membres, la proportion étant de neuf et six respectivement dans le cas des comités de 15 membres.

Il faut bien comprendre d'où viennent les listes de membres. Les whips, en consultation avec les leaders et les leaders adjoints, sondent les sénateurs de leur parti pour connaître les comités auxquels ils aimeraient siéger.

J'ignore comment les choses se font de l'autre côté, mais je sais qu'on a demandé aux sénateurs libéraux d'indiquer trois ou quatre préférences. La direction choisit les membres des comités en tenant compte des facteurs suivants: leur ancienneté au Sénat, la durée de leurs états de service dans cette Chambre et leur assiduité.

L'assiduité aux comités est aussi importante qu'à la Chambre. Si un sénateur n'est présent qu'à 25 p. 100 des séances d'un comité, les membres de l'équipe directrice et moi préférerons un sénateur qui acceptera de siéger au moins 90 p. 100 du temps.

Nous tenons également à assurer une représentation équilibrée des régions et à faire en sorte que les quatre régions du Canada - le sénateur Fitzpatrick s'empressera de parler des cinq régions - soient représentées. J'ai également un certain parti pris en faveur d'une représentation équilibrée des deux sexes.

La session actuelle a débuté en septembre 1997. Avant que le comité de sélection ne se réunisse, il est apparu évident qu'il n'existait aucun véritable processus qui permettait à un sénateur indépendant d'indiquer ses préférences au sujet des comités. Il y avait alors trois sénateurs indépendants. Le sénateur Pitfield et le sénateur Lawson n'ont manifesté aucun désir de siéger à un comité. Le sénateur Prud'homme a toutefois indiqué qu'il serait disposé à siéger au Comité des affaires étrangères et au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Dans les deux cas cependant, du moins en ce qui concerne les membres de mon parti, et je soupçonne qu'il en va de même de l'autre côté, ces comités étaient déjà convoités par un trop grand nombre de sénateurs. En tout, 17 libéraux avaient demandé à siéger au Comité des affaires étrangères. Les dirigeants libéraux se sont vu obligés de refuser 10 de leurs collègues. Par ailleurs, 12 sénateurs libéraux avaient demandé à siéger au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. La direction libérale a dû jeter cinq candidatures.

Onze sénateurs libéraux souhaitaient siéger au Comité des banques, mais quatre ont dû être refusés. Treize sénateurs avaient demandé à siéger au Comité des affaires sociales, et six ont été refusés, et ainsi de suite pour d'autres comités.

Je sais qu'un problème semblable se posait de l'autre côté, bien que je ne connaisse pas les chiffres.

Pour pouvoir accepter la candidature du sénateur Prud'homme, le parti majoritaire ou le parti minoritaire aurait dû céder la place de l'un des siens. Or, le sénateur Prud'homme sait bien qu'aucun des deux partis n'était disposé à le faire. Toutefois, les deux partis étaient prêts à chercher une solution et la question a été renvoyée au Comité du Règlement, pour qu'il l'étudie et fasse une recommandation. Les neuvième et onzième rapports sont le résultat de l'étude effectuée par le comité.

Honorables sénateurs, dans notre précipitation pour régler ce problème aussi vite que possible, nous avons déposé le neuvième rapport. Toutefois, il est rapidement apparu que ce rapport conférait aux sénateurs indépendants un statut spécial que n'avait aucun autre sénateur.

Le sénateur Roche, dans les remarques qu'il a faites hier, a dit qu'il ne voulait pas d'un statut spécial, mais d'un statut égal. Cependant, le Règlement ne prévoit pas que les membres des comités soient des libéraux ou des conservateurs, il prévoit que des sénateurs fassent partie des comités. C'est pourquoi, dans le onzième rapport, la mention «sénateurs indépendants» a été éliminée afin que tous les sénateurs puissent être considérés pour faire partie d'un comité. Le fait qu'ils soient libéraux, conservateurs ou indépendants ne devrait pas entrer en jeu.

Le rapport permet de nommer deux membres additionnels. La règle que l'on devrait appliquer principalement, mais pas nécessairement, c'est de nommer un sénateur indépendant et un sénateur représentant la majorité. Il y aurait toujours ainsi une différence de deux voix. Par exemple, on pourrait faire passer de 12 à 14 le nombre des membres des comités et de sept-cinq à huit-six le ratio des voix.

Honorables sénateurs, l'un des problèmes que certains sénateurs voient dans cette nouvelle règle est qu'il faudrait une recommandation unanime du comité de sélection. C'est équitable. Je veux me montrer juste à l'égard des sénateurs indépendants, mais je veux aussi me montrer juste à l'égard de mes collègues de ce côté-ci de la Chambre.

Si nous écartons certains de nos propres membres sur la base de l'ancienneté, des absences et des présences, de la représentation régionale et du sexe, il est juste d'appliquer les mêmes critères aux sénateurs indépendants. Un nouveau sénateur qui a seulement quelques mois d'ancienneté devrait-il se voir accorder la préférence pour faire partie d'un comité très demandé par rapport à d'autres sénateurs ayant plus d'ancienneté que lui simplement parce que c'est un sénateur indépendant?

Je vous rappelle, honorables sénateurs, que bien que cette règle soit unanime en ce qui concerne le comité de sélection, il n'en irait pas de même au Sénat. Tout rapport de comité peut être contesté, débattu et modifié.

En outre, le rapport de comité que nous examinons recommande la création de deux nouveaux comités, un comité de la défense et de la sécurité et un comité des droits de la personne. Ces comités seraient régis par une disposition de temporisation. Cela, honorables sénateurs, parce qu'il faut déterminer le niveau d'intérêt et la portée de ces comités avant qu'ils ne soient coulés dans le béton.

L'autre recommandation de ce rapport est très innovatrice. Je tiens à féliciter le sénateur Kenny de son rôle dans cette recommandation. Sa suggestion permet de conserver une certaine souplesse quant aux nombres, selon l'intérêt manifesté par les sénateurs.

Un comité normal serait composé de 12 sénateurs. Cependant, si seulement six, huit ou dix sénateurs étaient intéressés à un comité particulier, le comité de sélection établirait le nombre de membres à moins de 12. Encore une fois, il faudrait que ce soit décidé à l'unanimité, et cette décision pourrait être renversée à la Chambre.

Honorables sénateurs, le Comité du Règlement a travaillé avec ardeur à la rédaction de ce rapport. Je félicite les membres pour leur bon travail. Je recommande que nous mettions ces changements à l'essai. S'ils ne fonctionnent pas, le Comité du Règlement remettra son ouvrage sur le métier, mais je suis sûre qu'ils fonctionneront. On sent, à la Chambre, que les sénateurs des deux côtés désirent trouver un moyen pour que leurs collègues qui siègent à titre indépendant puissent participer aux comités. Ils ne participeront peut-être pas nécessairement au comité qui serait leur premier choix, puisque très peu de sénateurs obtiennent de siéger au comité de leur choix de toute façon, mais ils pourront certainement trouver un comité qui les intéresse.

Je crois que les sénateurs indépendants resteront, comme par le passé, des membres participant pleinement au travail du Sénat et de ses comités.

J'ai trouvé intéressant d'entendre le sénateur Roche parler l'autre jour d'un comité qui siégeait en 1958 et dont le président était un sénateur indépendant. Cela se passait à l'époque où mon père siégeait au Sénat. Il y a environ un an, j'ai passé en revue sa participation aux comités. J'ai examiné la composition de tous les comités, y compris tous ceux dont il avait été membre. Je dois dire que j'ai été renversée de constater que le comité des banques comptait 50 membres, dont 30 représentants de la majorité libérale et 20 de la minorité. On n'avait donc jamais de difficulté à trouver un siège pour un sénateur indépendant, et même son élection à la présidence n'était pas un problème.

Le Comité des transports, dont parlait le sénateur Roche, comptait 30 membres, dans une proportion de 20 contre 10. Encore là, cela a facilité les choses.

(1630)

La disposition qui nous bloque à l'heure actuelle et que nous devons absolument changer est celle qui oblige les comités à n'avoir que 12 membres, soit 7 et 5. Pour être bien transparents, nous ne sommes pas prêts de notre côté de la Chambre à abandonner notre majorité de deux sièges. Je ne crois pas non plus que nos collègues d'en face soient prêts à abandonner un de leurs cinq sièges. En proposant deux sièges supplémentaires, nous avons tenté de créer la possibilité que des sénateurs indépendants puissent siéger aux comités.

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question au leader adjoint du gouvernement au Sénat.

Je la remercie de la description qu'elle a faite du rapport, mais j'aimerais bien savoir pourquoi il doit y avoir unanimité au sein du comité de sélection. Pourquoi ne pourrait-on pas se contenter d'une majorité simple dans le cas des sénateurs indépendants? Il me semble que la majorité simple suffit dans d'autres cas. Pourquoi pas dans le cas présent?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, tous les membres du comité savent bien que nous avons mis plusieurs solutions à l'essai dans le cadre des travaux de ce comité en particulier. Nous nous sommes finalement entendus sur la nécessité d'en arriver à une recommandation unanime.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, j'ai moi aussi une question pour le sénateur Carstairs.

Si j'ai bien compris ce qu'elle a dit, tout sénateur a le droit de recevoir les documents qui ont été mis à la disposition des membres du comité. Le principe me semble très louable, mais cela pourrait certainement entraîner des problèmes d'ordre pratique. J'espère qu'elle pourra m'aider.

Dans le cas présent, le Comité sénatorial permanent des Affaires étrangères doit étudier bon nombre de documents publiés tous les jours sur le maintien de la paix. Nous essayons de faire parvenir ces documents aux membres du comité le plus rapidement possible pour qu'ils soient en mesure de se préparer pour la prochaine séance du comité.

Toutefois, je ne sais pas quels sont les sénateurs qui ne sont pas membres du comité qui seront présents parce qu'il y a toujours beaucoup d'intérêt pour les travaux du comité. Madame le sénateur Carstairs veut-elle dire que tous les documents doivent être transmis à tous les sénateurs?

Le sénateur Carstairs: Je remercie le sénateur Stewart de sa question. La réponse est non. Je voulais faire comprendre dans ma réponse qu'un sénateur qui désirerait avoir accès à l'information pourrait entrer en contact avec le greffier du comité, qui lui distribuerait l'information désirée.

Le sénateur Stewart: Merci beaucoup.

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, j'ai moi aussi une question à poser à l'honorable sénateur Carstairs.

Avant de poser ma question au leader adjoint du gouvernement, je dirai que j'apprécie sa déclaration. Je n'ai jamais eu aucun doute quant à son désir et quant au désir du Sénat dans son ensemble d'être justes à cet égard.

Le sénateur Carstairs a commencé, pratiquement dès sa première parole, par parler d'une certaine confusion à ce sujet. Pour ma part, j'ai peut-être contribué à la confusion hier, et je le regrette. On ne comprend pas pleinement le contexte de cette question. Ce contexte est maintenant devenu plus clair.

Je souscris à l'observation du sénateur Carstairs, à savoir que je ne cherche à obtenir rien de plus que n'importe quel autre sénateur. À mon arrivée ici, on m'a dit que les sénateurs indépendants ne pouvaient pas être membres officiels des comités. J'ai l'impression qu'elle est probablement d'accord avec cela, et que cela a ajouté à l'impression de confusion.

Je suis heureux de pouvoir tenter ma chance et de soumettre ma candidature à un comité, comme tous les autres sénateurs, maintenant qu'il est clair que le sénateur Carstairs a dit, au nom du gouvernement, qu'elle n'était pas opposée à ce que les sénateurs indépendants soient membres à part entière des comités. Je trouve cette déclaration importante et elle me rassure. J'ai l'impression que nous sommes sur le point de nous entendre sur cette question.

Je passe maintenant à ma question, honorables sénateurs. Elle porte sur le sujet de l'unanimité dont il est question dans le onzième rapport du comité. Si le rapport est adopté, le comité de sélection pourra nommer deux membres supplémentaires; sur la foi de la déclaration qui paraîtra dans les Débats du Sénat comme un précédent, on serait prêt à choisir des sénateurs indépendants. Cela devra se faire à l'unanimité.

Est-ce également la règle pour les autres sénateurs? Doivent-ils être choisis à l'unanimité par le comité de sélection?

Enfin, si la décision du comité de sélection doit être unanime, cela ne donne-t-il pas à chaque membre du comité de sélection le droit de veto à l'égard d'un candidat pour lequel il peut avoir de l'antipathie? Je m'efforce d'élever le débat au-dessus des questions de personnalité afin que tout le monde soit sur un pied d'égalité. Telles sont mes questions.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il existe un autre petit problème et nous ne l'avons pas abordé. Le comité de sélection ne se réunit qu'une fois par session pour choisir ses membres. Si une vacance se produisait dans l'intervalle, la seule façon de remplir le poste laissé vacant, c'est de le confier au whip de la majorité ou au whip de la minorité.

À moins que vous ne soyez un sénateur indépendant au moment où la session débute, il n'existe pas à l'heure actuelle de moyens pour faire siéger un sénateur indépendant au comité. Je pense que c'est de là qu'est venue la confusion au sujet de l'impossibilité pour un sénateur indépendant de siéger à un comité. La seule possibilité qui s'offre à un sénateur indépendant en vertu du Règlement adopté en 1991 - Dieu merci, je n'étais pas là -, c'est le remplacement par les whips. Il nous faudra nous attaquer à ce problème.

Quant à l'unanimité au comité de sélection, elle ne pose pas problème, ses membres étant presque toujours unanimes. Le parti minoritaire produit sa liste, que le parti majoritaire accepte invariablement. Le parti majoritaire produit sa liste à laquelle le parti minoritaire ne s'oppose pas. Le Règlement n'exige pas l'unanimité, mais la coutume veut que toute décision soit prise à l'unanimité.

La dernière question de l'honorable sénateur consistait à savoir si un sénateur pouvait être «blackboulé» dans ce processus. N'ayons pas peur des mots. C'est la raison pour laquelle il faut faire appel au Sénat tout entier. C'est pour ce motif que, comme à l'égard de tout rapport émanant d'un comité, le Sénat pourrait passer outre au rapport du comité de sélection.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la période réservée au discours et aux questions est expirée. Permission est-elle accordée de poursuivre?

[Français]

(1640)

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je participerai au débat. Je trouve extraordinaire que soudainement, il y ait du progrès. Pendant six ans, j'ai crié. Peut-être est-ce la venue des sénateurs Wilson et Roche qui fait que cela change. Peut-être aurais-je dû changer mon nom, je ne le sais pas! Dans mon discours, je serai dur et implacable. Je me demande si c'est Prud'homme qui embarrassait ou le principe que j'essayais de défendre.

Vous avez dit «seniority attendance», et je suis d'accord. «Regional gender», mais oui! J'ai fondé à peu près 15 associations parlementaires et c'est moi le premier qui dis qu'il faut des femmes! On vient de créer l'Association Canada-Brésil à laquelle siègent cinq femmes sur 15. Partout où je vais, je crois au «gender», «gender», «gender».

Mais il y a aussi une chose qui s'appelle «l'expérience». Vous n'en avez pas parlé du tout. Vous avez dit «seniority», «attendance». Allez-vous considérer l'expérience comme un des critères? C'est ma première question.

Deuxièmement, avec tout le respect que je vous dois, - et je sais que vous avez tout fait pour être gentille - je n'ai jamais reçu de lettre officielle. On m'a demandé comme cela, dans les corridors, ce que je choisirais. Je n'ai jamais écrit et je n'ai jamais reçu de lettre. À la blague, lorsqu'on m'a demandé mes trois choix, puisque ce n'est pas sérieux, j'ai dit: «C'est facile, les affaires étrangères, les affaires étrangères et les affaires étrangères.» On a bien ri, n'est-ce pas?

Après cela, j'ai fait une petite concession parce que j'aime beaucoup le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Mais cela n'a jamais été officiel. Je vais vous dire pourquoi j'ai survécu en politique. Je ne négocie pas en privé. J'ai toujours négocié en public.

L'expérience sera-t-elle un des critères à ajouter? Je partage l'avis du sénateur Roche. J'ai une peur affreuse parce que j'ai 36 ans d'expérience sur le boycott d'une personne qui dit: «Over my dead body!» Je l'ai assez entendu pendant six ans. Et je remercie le sénateur Kenny d'avoir souligné la question de l'unanimité.

Finalement, on a déposé le neuvième rapport du comité. Je n'avais pas le droit de le révéler, dit-on, parce qu'il était «confidentiel». On siégeait à huis clos. Vous savez très bien qu'un seul sénateur s'est opposé. Nous avons voté hier sur la motion d'ajournement du neuvième rapport et des gens ont changé d'idée. Ils ont bien le droit. Mais on a voulu voter l'adoption de ce neuvième rapport. Oui ou non? Vous étiez présents. Moi aussi. Un sénateur conservateur s'est objecté. Par élégance, je ne le nommerai pas.

Je remercie le sénateur Stewart, qui a toujours été extraordinaire avec moi. Il connaît mon intérêt de 35 ans pour les affaires étrangères. Il me fait parvenir tous les documents relatifs au Comité des affaires étrangères. Je le remercie de sa courtoisie à mon égard.

Tout le reste, je le dirai dans mon discours que certains, c'est bien évident, n'aimeront pas, mais je suis à bout. J'attends des lumières de quelque part, mais je ne les vois pas venir.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Permettez-moi d'abord de dire que le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, dont je suis membre d'office, a entrepris ses travaux sur cette question bien avant la nomination du sénateur Roche et du sénateur Wilson, pour qui j'éprouve le plus grand respect. Ce comité a entrepris ces travaux parce que, après la dernière réunion du comité de sélection, des sénateurs des deux côtés de cette Chambre se sont demandé comment nous pourrions faire en sorte qu'un sénateur indépendant devienne membre d'un comité. Ces travaux n'avaient rien à voir avec la nomination de deux autres sénateurs indépendants.

Ensuite, en ce qui concerne l'ancienneté, il se peut que l'expérience ne vienne pas avec l'ancienneté, mais, d'après mon expérience, l'ancienneté au Sénat permet aux sénateurs d'acquérir de l'expérience. Par conséquent, nous, de ce côté-ci, n'excluons pas le terme «expérience». Je dois avouer que j'incluais à la fois le terme «ancienneté» et le terme «expérience».

Je n'étais pas présente le jour où le neuvième rapport a été adopté, malgré ce que le sénateur a fait consigner au compte rendu. Si j'ai bien compris, le rapport a été adopté. Cependant, nous y avons accordé un moment de réflexion, ce pour quoi cette Chambre est reconnue, et, après mûre réflexion, il a été déterminé que les sénateurs indépendants ne devraient pas être considérés à part dans le Règlement, puisqu'aucun autre sénateur désigné ne l'était.

Le sénateur Roche a fait grand cas de sa désignation hier. Il avait tout à fait raison. Il a une désignation qui indique qu'il siège comme sénateur indépendant. Je suis très fière de siéger comme sénateur libéral et le sénateur Grimard est tout aussi fier, je présume, de siéger comme sénateur progressiste-conservateur. Cependant, le Règlement ne fait aucune mention de la désignation d'un sénateur progressiste-conservateur ou d'un sénateur libéral. Par conséquent, le comité des privilèges, du Règlement et de la procédure a jugé qu'il ne convenait pas que le Règlement fasse référence à un sénateur indépendant.

Le sénateur Prud'homme: Ma dernière question vise simplement à apporter une correction.

[Français]

Vous n'étiez peut-être pas là pour le vote, mais moi, je fonctionne avec les documents.

[Traduction]

Selon le compte rendu de la réunion du mardi 29 mars, les membres du comité présents étaient les honorables sénateurs Beaudoin, Carstairs, Chalifoux, Cools, DeWare, Fraser, Gill, Hervieux-Payette, Joyal, Kenny, Maheu, Robertson, Robichaud - même si je ne sais pas lequel - et Rossiter. Il y avait également les honorables sénateurs Atkins, Grafstein et Prud'homme.

La question a été mise aux voix. Elle a été rejetée par sept voix contre cinq. C'est alors que le sénateur Kenny a déclaré qu'il fallait tout mettre sur la table. Il y a donc eu un dernier vote sur le 9e rapport, la motion ayant été parrainée par le sénateur Kenny. Cette motion a été adoptée à main levée par huit voix contre une. Il n'y avait aucune abstention.

Le sénateur Carstairs: Je n'étais pas présente.

[Français]

Le sénateur Prud'homme: Alors nous avons raison tous les deux.

[Traduction]

Je dois m'en tenir au compte rendu pour ce qui est des présences. Le nom de ceux qui ont voté n'est pas inscrit, mais je sais qui a voté. Seul l'ancien président du Comité du Règlement, qui s'était demandé pendant quatre ans ce qu'il devait faire au sujet des sénateurs indépendants, a voté contre.

[Français]

Son Honneur le Président: Je n'ai cependant pas eu la question, sénateur Prud'homme.

Le sénateur Prud'homme: Vous étiez à cette réunion. Est-ce que je mens au Sénat en disant que vous étiez là alors que vous disiez que vous n'y étiez pas? Vous étiez au comité. Est-ce qu'on pourrait au moins s'entendre là-dessus?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Si le compte rendu dit que j'étais présente, je devais l'être, mais je n'ai pas voté. J'avais quitté la salle lorsque le vote a été tenu.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement.

Honorables sénateurs, je remarque que la présidence a pressé le sénateur qui me précédait à mettre la question aux voix. Le paragraphe 37(4) du Règlement dit ceci:

Sauf dans les cas prévus aux alinéas (2) et (3) ci-dessus, aucun sénateur ne parle pendant plus de 15 minutes, y compris les questions ou commentaires d'autres sénateurs que l'intervenant accepte au cours de son intervention.

Je demande à Son Honneur de clarifier la question. Cette période est-elle destinée strictement à des questions ou, comme le dit le Règlement, à des questions ou des commentaires? Ce n'est pas la première fois que je remarque des interventions de ce genre.

(1650)

Son Honneur le Président: Le sénateur Corbin a certainement raison, c'est ce que dit cet article, mais je dois lui dire que cet article me pose un énorme problème.

Dans ce cas-ci, les sénateurs Prud'homme et Roche ont déjà utilisé leur droit de parole. Tous deux ont déjà pris la parole dans ce débat. Si je respecte le Règlement, je ne peux accepter qu'ils interviennent une deuxième fois, puisque le Règlement dit qu'on ne peut parler qu'une fois d'un sujet donné. Cela nous ramène au fait qu'une révision radicale du Règlement s'impose, puisque des dispositions sont incompatibles. Quelle interprétation dois-je suivre? Celle selon laquelle il est fait exception pour les observations ou celle selon laquelle un sénateur ne peut intervenir qu'une fois sur le sujet? Voilà le problème.

Je suis conscient de ne pas répondre à la question du sénateur Corbin, mais il n'y aura pas de réponse tant que le Règlement n'aura pas été corrigé.

Le sénateur Corbin: Son Honneur me permettra-t-il de poser une question? Je tiens à être poli, courtois et respectueux à l'égard de ses fonctions, mais n'est-il pas vrai que, si nous prolongeons le temps de parole d'un sénateur au-delà des 15 minutes réglementaires, nous prolongeons également la période accordée aux autres sénateurs pour poser des questions ou faire des observations?

Son Honneur le Président: Les questions ne posent aucun problème et c'est pourquoi j'ai demandé s'il s'agissait d'une question. Dans ce cas-ci, je le répète, si le sénateur Prud'homme et le sénateur Roche ne posent pas de questions, mais souhaitent prendre la parole, ils vont à l'encontre de l'article qui interdit de participer deux fois au même débat. Voilà la difficulté où je me trouve.

Le sénateur Corbin: Les questions sont également des discours.

Son Honneur le Président: C'est pourquoi je dois demander s'il s'agit d'une question. Si ce n'est pas le cas, les sénateurs contreviennent au Règlement, qui interdit d'intervenir deux fois dans un même débat.

Le sénateur Corbin: Qui a fait ces règles?

L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser.

Je sais gré à l'honorable sénateur Carstairs de sa déclaration. Je suis étonnée que le sénateur considère comme équivalents les termes ancienneté et expérience. L'ancienneté peut être synonyme d'expérience en matière de procédure et de connaissance des précédents, mais pas nécessairement en ce qui concerne la connaissance des divers domaines.

Ma question est la suivante: l'honorable sénateur accepterait-elle un critère plus général où l'ancienneté n'est pas nécessairement synonyme d'expérience? Un candidat peut avoir de l'expérience dans un domaine, facteur qui peut ne pas être visé par le critère d'ancienneté. Pendant combien de temps tenterons-nous l'expérience? Quand évaluerons-nous le système pour déterminer s'il fonctionne, ou faudra-t-il attendre de recevoir des plaintes?

Le sénateur Carstairs: Toutes les quatre catégories ont été choisies par nos leaders pour déterminer quel sénateur doit siéger à quel comité. Cela n'a rien à voir avec l'évaluation que fait le comité de sélection. J'essayais de fournir des précisions sur la façon dont fonctionne le comité de sélection, car, l'autre jour, des questions ont été soulevées qui laissaient entendre que le comité fonctionnait mal. Je n'ai énuméré que quelques-uns des facteurs qui sont pris en considération.

Il faut évidemment appliquer une définition plus générale. Si une personne possède une vaste expérience, comme le sénateur Stewart, je dois avouer que je me ferais sermonner par mon caucus si je proposais que le sénateur Stewart ne siège pas au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Ce serait intolérable. Je n'aurais pas gain de cause et je ne ferais certainement pas une telle recommandation à nos leaders.

Je crois que le sénateur Wilson a une deuxième question.

Le sénateur Wilson: Combien de temps encore faudra-t-il attendre avant que nous évaluions si cela fonctionne?

Le sénateur Carstairs: J'ignore quand le gouvernement va proroger les Chambres. Je ne suis pas certaine qu'il le sache lui-même, mais je pense qu'il y a de bonnes chances pour que nous ayons une nouvelle session à l'automne. Nous saurons très rapidement si cette règle fonctionne. Si aucun sénateur indépendant ne parvient à devenir membre d'un comité du Sénat, je vais alors recommander immédiatement que le Comité du Règlement se penche de nouveau là-dessus.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que cet article reste inscrite au nom du sénateur Lawson?

Des voix: D'accord.


Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant que nous passions au prochain article de l'ordre du jour, je voudrais vous présenter certains visiteurs à la tribune. Nous recevons une délégation du Conseil tribal nishga dirigée par M. Joseph Gosnell, président du Conseil tribal, qui est accompagné par MM. Nelson Leeson, Edmond Wright, Harry Nice et Jim Aldridge.

Ces éminents visiteurs sont les invités de l'honorable sénateur Prud'homme et, au nom de tous les honorables sénateurs, je tiens à leur souhaiter la bienvenue parmi nous.


[Français]

La position internationale dans le domaine des communications

Étude du rapport du sous-comité des communications-Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du rapport du sous-comité des communications du Comité sénatorial permanent des transports et des communications intitulé «Au fil du progrès: Positionnement du Canada dans la révolution technologique mondiale», déposé auprès du greffier du Sénat le 28 mai 1999.

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, c'est avec fierté que je vous parlerai aujourd'hui du rapport final du sous-comité des communications, rapport intitulé «Au fil du progrès».

Le premier rapport du sous-comité, déposé en avril 1997, portait sur la position concurrentielle du Canada dans le domaine des communications. La conclusion qui s'en dégageait, c'est que le Canada est en bonne posture pour soutenir la concurrence technologique sur le marché international et que c'est en grande partie à cause de notre talent, ici au Canada, de notre esprit d'entreprise, de notre solide infrastructure de télécommunications et de notre consentement à libéraliser notre réglementation commerciale.

Le rapport «Au fil du progrès» porte sur le positionnement du Canada dans la révolution technologique mondiale. Je dis positionnement plutôt que position parce qu'il n'y a pas d'état ou de point fixe où l'on puisse s'installer en pensant pouvoir livrer une concurrence efficace.

L'industrie des télécommunications et la technologie qui la sous-tend sont en mouvement, en mutation constante. Elles n'ont rien de statique. L'industrie, comme le gouvernement d'ailleurs, doit constamment s'adapter à l'évolution des réalités, se repositionner tant au pays qu'à l'étranger.

En tant que présidente du sous-comité des communications qui a mené les études préparatoires, écouté les témoins, encadré les recherches, je peux témoigner de la complexité et de la magie des nouveaux médias ainsi que des complexités de l'industrie elle-même. D'une part, il y a l'Internet et le World Wide Web, qui vont modifier la façon même dont nous communiquons, faisons des recherches, faisons nos courses et nous divertissons.

D'autre part, il y a tout l'aspect commercial, avec les télécommunications, l'électricité, les radiodiffuseurs traditionnels qui essaient de se trouver un créneau dans un nouvel environnement concurrentiel. Il n'y a pas longtemps, les différents services opéraient indépendamment les uns des autres. Aujourd'hui, ils convergent, ils forment des alliances stratégiques. En bref, ils cherchent à se placer avantageusement comme distributeurs d'un service intégré, incluant et les médias traditionnels et les nouveaux médias.

En même temps, les créateurs des nouveaux médias mettent au point des produits à l'intention d'une clientèle mondiale. Ce n'est plus du tout la même situation qui existait il y a quelques années. Rappelons-nous que l'Internet et le World Wide Wed n'en sont qu'à leurs balbutiements. Ce n'est que depuis quelques années qu'ils ont fait irruption dans notre vie comme aucune autre invention dans l'histoire de l'humanité.

Mettons les choses en perspective. Alors que la radio a mis près de 30 années et la télévision près de 13 ans à rejoindre 50 millions de ménages à l'échelle mondiale, il en a fallu seulement quatre au World Wide Web. Je vous donne ces chiffres pour faire ressortir l'impact énorme de la révolution technologique et des différentes forces qui sont à l'9uvre.

(1700)

[Traduction]

Honorables sénateurs, j'ai exprimé dès le début la fierté que nous avions de déposer ce rapport. Nous, sénateurs, sommes fiers d'avoir pris l'initiative d'étudier une question aussi importante que l'âge de l'information. Notre satisfaction vient de ce que nous croyons fermement que nous, parlementaires, pesons avec l'ouverture d'esprit, le sérieux et l'efficacité nécessaires les implications de la révolution technologique.

Je suis tout aussi fière d'être associée aux membres dévoués du sous-comité qui viennent des deux côtés du Sénat, soit les sénateurs Bacon, Johnson et Maheu et à la vice-présidence, le sénateur Spivak. Leur engagement et leur travail à l'égard de cet important sujet est louable.

Cela étant dit, je dois rendre hommage avec autant de ferveur aux hommes et aux femmes qui ont témoigné devant nous en tant que spécialistes. Sans leur contribution, cette étude n'aurait pas été possible. Le sous-comité a entendu des tas de spécialistes, tant au cours de ses séances que de ses missions d'enquête. Ils sont trop nombreux pour que je les nomme tous, mais je tiens à les remercier pour le temps et les efforts qu'ils ont consacrés à rédiger des mémoires, à répondre à des questions et, dans certains cas, à fournir un complément d'information.

Ces témoins ont essentiellement renseigné les membres du sous-comité sur les rouages de l'industrie des télécommunications, sur les technologies mises au point et en développement et sur les tendances probables dans l'avenir. Ils ont alimenté notre réflexion sur le rôle que le gouvernement pourrait jouer dans la promotion d'un esprit de compétitivité, et leur témoignage nous a aidés à élaborer les politiques et les objectifs qui pourraient permettre au Canada d'occuper une place prestigieuse dans le monde.

Vous trouverez dans ce rapport une quarantaine de recommandations qui reflètent la vaste gamme de sujets que les témoins ont portés à notre attention. Je tiens à exprimer aux témoins la gratitude du sous-comité.

En terminant, je remercie les recherchistes, les rédacteurs et les experts-conseils du sous-comité, les greffiers et le personnel du comité ainsi que les traducteurs pour leur dévouement et leur travail acharné. Ensemble, ils ont permis que les travaux aillent rondement. Ils ont suggéré des aspects des témoignages à fouiller plus en profondeur et ils ont simplifié des sujets compliqués de manière à les rendre cohérents et compréhensibles. Je les remercie tous.

Honorables sénateurs, chacun d'entre vous a reçu cette semaine une lettre qui lui était personnellement adressée. Elle accompagnait le premier rapport du sous-comité intitulé: «Au fil du progrès: La position internationale concurrentielle du Canada dans le domaine des communications», ainsi que son deuxième rapport intitulé: Au fil du progrès: «Positionnement du Canada dans la révolution technologique mondiale». Un résumé fait essentiellement état des 12 recommandations et accompagne le tout. Je vous invite à l'inclure dans vos lectures d'été.

(Sur la motion du sénateur Kenny, au nom du sénateur Spivak, le débat est ajourné.)

L'état du système financier

Étude du rapport intérimaire du comité des banques et du commerce-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'étude du seizième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce intitulé «Les pratiques de régie interne des investisseurs institutionnels», déposé au Sénat le 19 novembre 1998.-(L'honorable sénateur Meighen).

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, dans mon intervention au sujet des pratiques de régie interne des investisseurs institutionnels, je n'aborderai ce soir que les constatations du comité qui traitent simplement des question de régie et d'activisme institutionnel. C'est une tâche intimidante mais réalisable, compte tenu du fait que l'honorable sénateur Oliver, après le discours de grande portée qu'il a prononcé sur le sujet il y a quelques semaines, a gracieusement laissé quelques miettes sur la table.

Honorables sénateurs, pour illustrer l'importance de la régie des sociétés par rapport au bien-être d'un État, certains estiment que la déréglementation des marchés financiers du Japon, ou ce qu'il est convenu d'appeler le «Big Bang» ne vient qu'au deuxième rang après le défi consistant à maintenir le niveau élevé de revenu par habitant au Japon dans un contexte de vieillissement de la population et de ralentissement de la croissance de la productivité. On dit que la solution à ce grand défi consiste à améliorer le système de régie des sociétés au Japon et, ce faisant, à accroître le rendement de la richesse principalement par le biais d'une augmentation de la valeur du capital des actionnaires. Avec un système de régie des sociétés dominés par des intervenants internes, le renforcement des sociétés de placement et des droits des actionnaires minoritaires au Japon pour créer un marché contrôlé par les sociétés pourrait fort bien donner des propriétaires qui cherchent à améliorer la valeur du capital des actionnaires. Par conséquent, le Japon illustre bien l'importance de la régie des sociétés pour ce qui est de fournir des occasions d'améliorer le rendement économique d'un État.

Au Canada, à la différence de ce qui se passe au Japon, les sociétés de placement sont fortes. De fait, elles dominent notre marché. Quant à savoir si elles choisissent d'exercer leur influence sur les sociétés dans lesquelles elles investissent, c'est une toute autre question. Les sénateurs Oliver et Angus ont souligné à la Chambre que les comités ont cherché à déterminer si ceux qui influent sur les pratiques de régie des sociétés aux Canada ont eux-mêmes un bon système de régie. En d'autre mots, qui surveille le surveillant?

Comme M. Michael Grandin, de la société Canadien Pacifique Limitée, l'a dit lorsqu'il a témoigné, il y a trois grandes catégories d'investisseurs institutionnels:

[...] ceux qui votent avec leurs pieds; ceux qui essaient par le dialogue et la persuasion d'amener les directions à se ranger à leur avis; et un groupe restreint et croissant d'institutions qui cherchent activement à influencer la direction grâce à des sièges au conseil d'administration et à des activités «catalytiques».

Le rôle des investisseurs institutionnels a été expliqué d'une façon quelque peu différente:

Les investisseurs institutionnels ressemblent à un commando recherchant activement des moyens de hausser les rendements. Mais l'activisme des actionnaires produit également à l'occasion le redresseur de torts, qui prend le devant de la scène et essaie de cacher ses visées sociales et politiques personnelles sous le couvert de l'intérêt des actionnaires.

Il est juste de dire que le comité voyait l'activisme institutionnel comme un moyen d'améliorer le rendement des actifs et des titres dans les sociétés canadiennes.

[Français]

La transparence, honorables sénateurs, est prioritaire pour le comité, d'où son intérêt particulier pour la question de l'accès à l'information. Le rôle de tout conseil d'administration est d'exercer une surveillance sur les gestionnaires dans l'intérêt des membres. Cela ramène la question posée précédemment, à savoir: qui surveille les surveillants? Les membres doivent pouvoir juger en toute connaissance de cause du rendement de leur régime de pension pour savoir si leurs intérêts sont bien protégés ou non. Pour cela, ils doivent avoir accès à des renseignements utiles qu'ils peuvent comprendre.

Le comité a entendu que les employeurs au Canada sont de plus en plus nombreux à publier des rapports annuels sur leurs caisses de retraite, incluant des données sur le rendement et sur les éléments de passif. C'est une amélioration utile et importante que le comité encourage dans son rapport. Toutefois, on ne sait pas pour autant s'il existe un mécanisme de surveillance concernant la stratégie d'investissement des caisses de retraite. M. Keith Ambachtsheer, un spécialiste réputé des caisses de retraite qui a témoigné devant le comité, a souhaité l'établissement de points de repère facilement comparables.

Il y a longtemps que le comité préconise des mesures pour améliorer la transparence des institutions qui ont des responsabilités envers le public, par exemple les institutions financières de la Couronne et les sociétés cotées en bourse. Les chiffres et mesures étant des éléments importants pour favoriser cette transparence, il était raisonnable de recommander que les caisses de retraite se donnent des mesures de rendement détaillées si l'on veut que le public prenne des décisions éclairées au sujet de la performance de ces institutions. Le comité a également reconnu, toutefois, que les mêmes mesures ne conviennent pas nécessairement à toutes les caisses de retraite.

[Traduction]

(1710)

À propos de l'accès aux renseignements, le comité s'est en particulier penché sur ce que l'on peut considérer comme des renseignements privilégiés ou d'initiés. Les quotidiens ont évidemment beaucoup parlé de cette partie de notre rapport dans le contexte de situations telles que celles de Nortel. Comme bon nombre d'entre vous s'en souviendront, des renseignements touchant les résultats et les bénéfices présentés à l'occasion d'une réunion privée entre des dirigeants de l'entreprise et des analystes financiers ont entraîné le bradage d'actions. J'espère que tous les sénateurs en ont profité pour acheter des actions à ce moment-là, car je crois qu'elles ont quadruplé. Avant que les investisseurs individuels aient été saisis de ces renseignements, la valeur de leurs actions était tombée de près de 62 $ à environ 48 $.

Le comité ne voyait pas d'inconvénient à ce que des investisseurs institutionnels ni d'ailleurs tout autre investisseur essaient de se renseigner à l'occasion d'entretiens privés afin de s'acquitter de leurs responsabilités fiduciaires. Par contre, il estimait que tout le monde devait avoir également accès à ces renseignements.

Le comité a estimé que des investisseurs individuels doivent avoir accès rapidement et facilement aux renseignements présentés par les entreprises aux analystes et aux investisseurs institutionnels. On a suggéré d'utiliser l'Internet et les numéros sans frais pour rendre l'information plus largement et plus facilement accessible qu'elle ne l'est en ce moment. Nous recommandons donc que les médias soient invités à assister, mais sans participer, aux séances d'information des analystes données par la direction après la publication de chaque rapport trimestriel.

Honorables sénateurs, en principe, l'administration d'un investisseur institutionnel n'est pas différente de l'administration d'une société d'État. Au cours des 20 à 30 dernières années, cependant, la fonction des conseils des régimes de pension de la fonction publique a beaucoup changé. Ces conseils avaient été créés à l'origine pour surveiller l'administration des régimes, mais ils doivent maintenant passer beaucoup de temps à discuter de la stratégie de placement. Par conséquent, le comité est arrivé à la conclusion que, dans certains cas, il pourrait être nécessaire de modifier les lois pour permettre aux conseils des investisseurs institutionnels de bien assumer leurs nouvelles responsabilités.

Nous avons enquêté sur la question de savoir si un conseil composé de profanes peut être à la hauteur des attentes. Le plus gros régime de pension ayant un conseil composé de profanes, soit le système de retraite des employés municipaux de l'Ontario, a déclaré que, parce que ses membres participent au régime de pensions, ils sont très motivés et tiennent à surveiller de près le fonctionnement du fonds. Par contre, le PDG du régime de pension des enseignants de l'Ontario, la plus grosse caisse de retraite au Canada, n'était pas très enthousiaste à l'idée de devoir faire l'éducation des gens sur le fonctionnement d'un régime de pensions après leur élection au conseil. Selon lui, les membres du conseil qui possèdent les compétences voulues posent de bien meilleures questions que ceux qui n'ont pas de véritable expérience dans les placements de très grosses sommes.

Après beaucoup de délibérations, le comité est arrivé à la conclusion qu'un conseil composé de profanes informés pourrait apporter un point de vue rafraîchissant à des professionnels qui pourraient être portés à prendre des décisions selon des critères très étroits. Le comité a cependant jugé bon d'ajouter que, si des conseils composés de profanes peuvent être à la hauteur de leur tâche, il est crucial que les personnes qui y sont nommées aient les connaissances nécessaires pour leur permettre de bien surveiller les gestionnaires des fonds.

Si le moyen d'y parvenir semble être l'éducation, le comité n'a pas répondu à la question de savoir s'il est temps d'établir un système de certification pour les administrateurs de caisses de retraite.

Il est capital, honorables sénateurs, dans le débat sur les qualités des membres des conseils, que tous les conseils d'administration procèdent à un examen continu de leurs procédures de régie pour veiller à ce que la mission de leur organisation soit effectivement remplie.

Nombre des points que j'ai soulignés ont en fait déjà été étudiés par les organismes de réglementation des caisses de retraite et des fonds communs de placement au Canada. L'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite, qui représente 47 caisses de retraite publiques et 78 caisses de retraite de sociétés, a récemment fait paraître des lignes directrices pour la gestion des caisses de retraite. L'Association of Canadian Pension Managers, un autre important organisme représentant des caisses de retraite au Canada, a également annoncé la publication de lignes directrices. Le Bureau du surintendant des institutions financières a, à son tour, émis des lignes directrices pour les caisses de retraite qu'il régit.

Le fait que trois séries de lignes directrices ou de meilleures pratiques aient été élaborées en réponse au travail de notre comité dans le domaine de la régie d'entreprise témoigne, à mon avis, de la valeur que le Sénat attache aux Canadiens, dont une majorité souscrivent à une caisse de retraite qui devra se conformer à ces nouvelles lignes directrices.

Le comité se félicite que ces organismes aient mis au point de telles lignes directrices, mais le défi est de s'assurer qu'elles seront convenablement suivies. La question est de savoir comment faire appliquer ce code d'éthique du secteur des fonds de pension.

Le surintendant des institutions financières, M. John Palmer, a déclaré au comité qu'il était tout à fait favorable à une démarche analogue à celle qui a été adoptée à la suite du rapport Dey par la Bourse de Toronto, qui a effectivement donné d'excellents résultats je crois. La formule est bonne parce qu'elle consiste à obliger les fiduciaires à rédiger un rapport dans lequel ils expliquent ce qu'ils font pour se conformer à chacune de ces lignes directrices. Cela consiste essentiellement à leur donner la latitude nécessaire pour appliquer leurs propres critères, tout en assurant que la pression publique les incite à le faire.

Le comité était d'avis qu'une telle démarche donnerait également de bons résultats pour les investisseurs institutionnels, qu'il s'agisse de fonds de pension ou de fonds mutuels.

Un spécialiste de la gouvernance qui a témoigné devant ce comité a déclaré que la crainte de se retrouver dans une situation embarrassante si certaines informations sont communiquées peut grandement influer sur le comportement. Il est vrai que, bien souvent, la crainte de la publicité négative pousse davantage à changer que la publicité elle-même. La crainte de l'embarras est un très puissant outil de réglementation.

Le comité a reconnu, cependant, qu'exiger immédiatement de tous les régimes de pension qu'ils appliquent un de ces ensembles de lignes directrices en matière de régie interne à leurs cas particuliers et leur imposer les mesures de divulgation du rapport Dey représenteraient un fardeau insoutenable pour un certain nombre de régimes de pension dus à l'initiative de l'employeur. Par conséquent, le comité se propose de tenir des audiences en l'an 2000 pour vérifier s'il vaudrait mieux prendre des règlements pour garantir une bonne régie interne des régimes de pension ou si l'adoption volontaire des diverses lignes directrices suffit, et s'il serait utile de formaliser les lignes directrices de l'ACGFR, de l'ACARR et du BSIF sous la forme de normes.

À ce moment-là, notre comité examinera également les lignes directrices que l'Institut des fonds d'investissement du Canada a publiées récemment, puisque le comité a reconnu qu'il est nécessaire que les fonds mutuels au Canada adoptent des pratiques de régie interne semblables à celles des sociétés.

À cet égard, le comité a fait deux recommandations importantes. Premièrement, les administrateurs indépendants devraient avoir un rôle important à jouer dans la régie interne des fonds mutuels; le comité est convaincu que tous les fonds mutuels devraient être tenus de compter une majorité d'administrateurs indépendants à leur conseil. Deuxièmement, il faudrait adopter des mesures législatives consacrant l'existence de fiducies commerciales dont la structure serait similaire à celle des sociétés, comme cela existe actuellement aux États-Unis, pour faire en sorte que les fonds mutuels constitués en fiducie soient assujettis au même genre d'exigences juridiques et d'examen que les fonds constitués en société.

Honorables sénateurs, l'examen que le comité fera de ces nouvelles lignes directrices sera particulièrement intéressant étant donné les réformes de la régie interne des fonds mutuels que le président Arthus Levitt de la U.S. Securities and Exchange Commission a proposées en mars dernier pour renforcer le rôle des administrateurs indépendants de ces fonds. Je me permets d'ajouter que je sais gré à mon collègue, le sénateur Oliver, d'avoir omis les propositions de son intervention de manière à me laisser quelques miettes de plus.

Les propositions qui ont été faites aux États-Unis, et que nous devrions examiner attentivement, visent à renforcer le rôle des administrateurs indépendants de fonds mutuels de quatre façons: exiger que les conseils d'administration des fonds mutuels comptent une majorité d'administrateurs indépendants; exiger que les administrateurs indépendants nomment les nouveaux administrateurs indépendants; exiger que le conseiller juridique externe des administrateurs soit indépendant de la direction pour faire en sorte que les administrateurs obtiennent une information objective et exacte; et, finalement, exiger que les actionnaires des fonds mutuels reçoivent une information plus précise pour leur permettre de juger de l'indépendance des administrateurs de leur fonds.

Voilà en effet des réformes importantes et dont il vaut la peine de débattre au Canada.

[Français]

Honorables sénateurs, lorsque le comité s'est lancé dans cette étude, la régie interne des investisseurs institutionnels était un domaine peu balisé. En très peu de temps, les industries des caisses de retraite et des fonds mutuels ont fait des pas de géant dans le sens de fixer des lignes directrices afin d'améliorer leurs procédures de régie. Le comité a toujours travaillé et continuera de le faire pour assurer la présence d'une industrie saine, énergique et profitable, qui répond aux besoins et aux désirs de la population canadienne.

[Traduction]

(1720)

L'honorable Nicholas W. Taylor: L'honorable sénateur me permet-il de poser une question ou deux?

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Taylor, avant de vous autoriser à poser la question, je vous signale que votre temps de parole est écoulé. L'honorable sénateur a-t-il la permission de poursuivre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, le nombre d'ordinateurs au foyer qui sont branchés au Web a augmenté. Leur pourcentage était de 40 à 50 p. 100 la dernière fois que j'ai vérifié et on peut logiquement supposer que le genre de personnes qui investissent représentent probablement 75 p. 100 des familles qui ont accès au Web. Comme le faisait remarquer l'honorable sénateur dans son discours, il se rend probablement compte que sa boîte à lettres est remplie de rapports annuels, de rapports supplémentaires et de circulaires d'information. Cette documentation est difficilement accessible par courrier ou à la bibliothèque. L'Internet, toutefois, est très facile d'accès. Vous pouvez l'ouvrir ou le fermer et vous ne trouverez pas votre boîte bleue remplie de documentation simplement parce que vous avez demandé des renseignements auprès de quelques compagnies, comme cela se produirait si vous aviez recours au courrier.

Y a-t-il une société ayant une adresse publique ou une société de fonds mutuel qui a songé que ce genre d'entreprise pourrait être obligée d'avoir un site Web et de rendre ses rapports trimestriels accessibles? A-t-on songé à rendre cela obligatoire? Je sais qu'il est obligatoire d'envoyer certains formulaires par la poste, mais le courrier est probablement la pire méthode de diffusion de documentation à l'heure actuelle, car les documents se retrouvent mélangés à des catalogues Sears et à toutes sortes d'autres choses, quand ils ne sont pas tout simplement jetés aux poubelles. Le site Web est un moyen facile d'avoir accès à de l'information. Pourtant, la pauvreté de certains sites Web est étonnante. Avez-vous examiné la question?

Le sénateur Meighen: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. D'après ce que je me rappelle, la réponse est non. Nous avons cependant fait remarquer que les numéros 1-800 et l'Internet, pour reprendre l'exemple de Nortel que j'ai cité au sujet de la communication, sont une façon de communiquer avec un auditoire plus étendu. Je prends bonne note de la suggestion de l'honorable sénateur et le comité pourrait l'examiner lorsqu'il se penchera sur la question de la réglementation applicable aux sociétés de fonds mutuels au cours de la prochaine année.

En principe, je suis d'accord avec ce que dit l'honorable sénateur. Je ne suis pas certain des coûts ni des objections qui pourraient être soulevées. Je n'en vois aucune à première vue. Toutefois, le comité n'a pas débattu la question en profondeur.

Le sénateur Taylor: Cette méthode coûterait probablement moins cher que les envois par courrier. Elle aurait également l'avantage d'être plus rapide.

J'ai trouvé la matière de ma prochaine question dans le National Post ou le Globe and Mail. Une organisation de Calgary avait investi près de 40 p. 100 de l'un de ses fonds dans des actions qui avaient donné un très bon rendement. Je me suis dit que, étant donné les montants énormes qui sont investis dans ces fonds de placement, ces derniers sont dans une bonne position pour avoir des répercussions sur les sociétés dans lesquelles ils achètent des actions. De même, les personnes qui investissent dans un fonds de placement peuvent vouloir détenir une assez grande diversité d'actions. Ce sont ces deux limites que le comité voudra bien considérer.

Le sénateur Simard: Quelle est la question?

Le sénateur Taylor: Premièrement, le comité a-t-il examiné la question de savoir si une limite devrait être imposée au montant qu'un fonds de placement devrait détenir dans toute société sans conseil d'administration interdépendant? Deuxièmement, avez-vous songé à l'autre côté de la médaille, à savoir si, dans l'actif total d'un fonds de placement, une limite devrait être imposée sur les actions qu'il peut acheter dans toute société?

Le sénateur Meighen: En bref, la réponse est non. Si je ne m'abuse, certains fonds mutuels ont leurs propres lignes directrices internes qui limitent la nature des investissements. Les administrateurs ne font que des investissements convenables en n'achetant pas des actions de fabricants de tabac, par exemple. Certains fonds établissent des critères quant au type d'investissements qu'ils font. Même si je n'en connais personnellement aucun, ils pourraient très bien fixer par règlement la taille de leur participation dans une entreprise donnée. Je connais un fonds mutuel qui applique ces limites, mais à l'interne.

Nous voulions que la régie des fonds mutuels soit indépendante et suffisamment bonne pour que les investisseurs connaissent parfaitement, par l'entremise de leurs représentants au conseil, des administrateurs indépendants, les types d'investissement effectués par leur fonds mutuel.

En ce qui concerne l'autre suggestion, non, je ne pense pas que nous ayons envisagé cela. Cependant, nous pourrions bien le faire. C'est tout ce que je peux vous dire à ce sujet.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)

(1730)

L'accès à l'information relative aux recensements

Interpellation-Fin du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Milne, attirant l'attention du Sénat sur l'inaccessibilité de tous les recensements depuis 1906 en raison d'une loi adoptée en 1906 par le gouvernement de sir Wilfrid Laurier.--(L'honorable sénateur Johnson).

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, le 17 novembre dernier, j'ai parlé de l'accès aux données du recensement.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois vous avertir que si l'honorable sénateur Milne intervient maintenant, son discours aura pour effet de mettre fin au débat sur cette interpellation.

Le sénateur Milne: J'ai parlé au sénateur Johnson et elle n'est pas prête à intervenir à ce stade-ci. Elle le fera à l'automne lorsque je soulèverai à nouveau la question.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, j'avais indiqué à l'honorable sénateur que je désirais dire quelques mots à ce sujet, mais j'attendais le discours du sénateur Johnson.

Si je peux faire un bref commentaire, je dirai que j'appuie l'initiative. J'ai déjà été un généalogiste actif. J'ai eu l'occasion de fouiller les archives et j'y ai vu des documents de recensements canadiens très intéressants et révélateurs sur mes propres ancêtres. On veut tous faire cela un jour. Je trouve incroyable que l'on veuille maintenant interdire l'accès à ces anciens documents. Je crois que Statistique Canada exagère un peu et met du zèle dans son action qui vise, je suppose, à protéger certains droits à la vie privée ou certains renseignements personnels.

Je ne serais pas du tout troublé qu'on découvre que certains de mes ancêtres n'étaient pas catholiques ou quelque chose du genre. C'est du passé. Bon nombre de gens s'intéressent à la généalogie, surtout des retraités qui ont maintenant le temps de feuilleter les dossiers et les documents anciens. Je ne dirais pas qu'il s'agit d'une industrie ou d'un secteur en croissance puisqu'il existe depuis de nombreuses années. Les renseignements qu'on découvre en examinant ces documents sont intellectuellement stimulants de plusieurs façons.

En termes simples, j'appuie les initiatives du sénateur Milne le plus énergiquement possible, même si je n'ai pas préparé de texte écrit aujourd'hui.

Allez-y, sénateur. Vous faites bien!

Son Honneur le Président: Y a-t-il un autre sénateur qui désire prendre la parole avant que le sénateur Milne ne close le débat? Sinon, la parole est à vous, sénateur Milne.

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, j'apprécie beaucoup la contribution du sénateur Corbin à ce débat.

Comme on l'a signalé, tous les résultats du recensement après 1901 ne seront jamais divulgués au public. La Loi sur la statistique disait que l'information recueillie devait rester confidentielle à partir du recensement de l'Ouest de 1906. Statistique Canada a interprété cette garantie de confidentialité comme étant éternelle, ce qui veut dire que les documents des recensements après 1901 ne seront jamais divulgués au public à des fins de recherche.

Depuis mon discours, d'autres sénateurs ont abordé divers aspects de cette question, y compris le sénateur Corbin aujourd'hui. Chacun a exposé des raisons importantes et convaincantes afin d'expliquer pourquoi les documents des recensements devraient être mis à la disposition du public, et je les remercie tous pour leur contribution.

J'ai également reçu des quatre coins du Canada des centaines de lettres et de messages par courrier électronique. Je n'ai cependant reçu aucune lettre du grand public s'opposant, au nom du respect de la vie privée, à la divulgation des documents des recensements d'après 1901.

Récemment, j'ai assisté à l'assemblée annuelle de l'Ontario Genealogical Society, à Toronto, où j'étais la principale conférencière invitée. Les membres m'ont réservé un accueil incroyable, et le crédit qu'ils accordent au Sénat est gratifiant. Après mon exposé, de nombreux membres sont venus me dire à quel point cet accès aux documents du recensement était important pour eux et leurs collectivités.

Il y a notamment une anecdote dont je voudrais vous faire part aujourd'hui. Une avocate, Catherine Bray, s'est chargée d'une cause au nom de la Société historique de l'Ontario contre la ville de Markham. Un promoteur voulait obtenir de la ville la permission de déplacer un cimetière ancien pour pouvoir bâtir une maison de plus dans la rangée qu'il était en train de construire. Au moyen de vieux documents de recensement, Mme Bray a pu monter un dossier qui a permis non seulement de bloquer le projet du promoteur, mais aussi de protéger le cimetière, qui sera un rappel constant des premiers habitants de la région.

Aujourd'hui, je voudrais essayer de voir ce que veut dire vraiment cette garantie de secret. Si la raison avancée pour refuser aux Canadiens l'accès à des documents historiques précieux est une garantie de secret, il faut comprendre exactement ce qu'on entend par là. Qu'a-t-on promis à l'époque en proposant cette garantie?

En 1906 et en 1911, le secret était garanti dans le Règlement par des décrets qui, comme nous le savons tous, ont force de loi. Les décrets ordonnaient aux commissaires de garantir aux répondants du recensement que:

Les données et les statistiques du recensement ne pourront être utilisées qu'à des fins statistiques et on devrait bien l'assurer à toute personne qui craindrait qu'elles servent à des fins de fiscalité ou autres.

Il est intéressant de remarquer que cette «promesse de secret» faisait partie d'un article intitulé: «Instructions pour les recenseurs». Si l'on considère les décrets dans leur ensemble, on constate que la notion de secret semble liée aux personnes qui recueillent l'information. En fait, les personnes qui répondaient aux questions ne savaient probablement pas que l'information qu'elles fournissaient seraient gardée secrète à jamais. Seules les personnes qui exprimaient la crainte que cette information serve à des fins de fiscalité ou autres étaient informées que les personnes qui recueillaient l'information étaient tenues au secret.

En outre, les articles de journaux qui remontent au temps des recensements du début du siècle montrent comment la notion de secret était perçue à l'époque. J'ai dépouillé des articles qui ont paru autour du jour du recensement en 1906, 1911, 1921 et 1931. Les quelques articles qui font allusion au caractère secret de l'information recueillie pour le recensement sont très révélateurs.

Un article de la Gazette de Montréal sur le recensement de 1911 fait état de la conduite des enquêteurs et note:

Chacun des enquêteurs savait ce qu'il avait à faire. Il savait aussi qu'il n'avait rien à gagner à ne pas utiliser des méthodes discrètes et courtoises.

Par exemple, alors qu'il serait nécessaire de poser des questions sur la maladie et les incapacités mentales ou physiques dans la famille, tous avaient l'assurance que ces renseignements resteraient strictement privés, chacun des agents ayant prêté le serment d'exercer ses fonctions pour le gouvernement et personne d'autre.
Par secret, il semble que l'on veuille dire que les personnes qui recueillaient les informations n'avaient pas le droit de les divulguer.

Une autre allusion à la garantie du secret est faite dans le Globe and Mail à la veille du recensement de 1931. Il est mentionné dans l'article que le recensement de 1931 était le premier où on recueillait des données sur le nombre de sans-emploi au Canada, les raisons pour lesquelles ils étaient sans emploi et la durée de leur période de chômage. L'article dit que:

[...] afin d'atténuer l'irritation causée...

par
... cette dissection des affaires personnelles, le ministère du Commerce a expliqué que les réponses resteraient secrètes et que même les autres ministères n'y auraient pas accès. Par exemple, les recensés pourraient répondre franchement à la question «Avez-vous un poste de radio?» sans craindre que la Direction générale de la radio ne se mette par la suite à vérifier des droits de permis de radio non payés.
Honorables sénateurs, il y a un énorme écart entre garantir que l'information du recensement ne sera pas utilisée pour la perception de droits de permis de radio échus et garantir qu'elle ne sera jamais divulguée au public à titre de document historique, même près d'un siècle après que cette information a été recueillie.

(1740)

La promesse de ne pas trahir le secret semblait liée à des droits de radio plutôt qu'à des mesures strictes de protection du droit à la vie privée comme on le conçoit de nos jours. Même dans les débats du hansard jusqu'à la date d'adoption des lois de 1905 et de 1918 on ne trouve aucune discussion concernant la nécessité de limiter à jamais l'accès aux déclarations de recensement.

En réalité, la principale préoccupation des législateurs de l'époque tenait à la période de décalage entre le jour du recensement et la date de diffusion des statistiques. Le coût de la tenue du recensement était aussi un autre sujet de préoccupation.

Les exemples que j'ai donnés ne sont pas exhaustifs. Toutefois, ils nous renseignent un peu. Ils nous apprennent ce que peut avoir comporté la garantie de confidentialité au début du siècle. Si le droit à la confidentialité à cette époque signifiait que les répondants bénéficiaient d'une protection en vertu de laquelle les renseignement à leur sujet ne pouvaient être transmis à d'autres ministères et utilisés par ces derniers à leur détriment, ou encore s'il signifiait que les gens qui recueillaient l'information étaient tenus d'en respecter le caractère confidentiel, il est important de le reconnaître. Il ne fait aucun doute que, dans l'état actuel des choses, la loi prévoit que le gouvernement maintient la garantie du droit à la confidentialité des renseignements du recensement.

En fait, si j'ai bien compris selon le scénario actuel, la seule façon de tenir cette promesse de non-divulgation serait d'interdire à tout jamais la publication des données de ces recensements. Toutefois, je dois vous avouer, honorables sénateurs, qu'en cette ère de l'informatisation, alors qu'on estime qu'environ 95 p. 100 des renseignements personnels de tous les Canadiens se retrouvent dans un dossier ou dans un autre, alors que votre dossier chez American Express ou Visa contient non seulement des renseignements sur les endroits où vous faites vos achats, mais également sur l'itinéraire que vous suivez généralement dans les magasins, les boutiques que vous préférez, les gens à qui vous téléphonez et combien de fois, le nom de votre médecin ou de votre dentiste et le genre de journaux ou de périodiques que vous lisez, en cette époque où l'on sait à peu près tout sur une personne et où ces renseignements sont souvent transmis ou même vendus par des consortiums privés, il me semble un peu ridicule de discuter longtemps sur une protection indéfinie donnée de façon fallacieuse et indirecte par les gouvernements canadiens en poste en 1906 et 1911.

Malheureusement, cette position extrême nous coûte très cher. C'est presque tout un siècle d'histoire du Canada qui se trouve dans cette importante source de renseignements. Après avoir examiné ce que cette garantie de non-divulgation devait vraisemblablement signifier pour les répondants à ce recensement, je suis d'avis que nous pouvons respecter cet engagement en adoptant des mesures moins draconiennes qu'en bannissant à jamais ce genre de renseignements d'une grande valeur historique.

Honorables sénateurs, c'est là une opinion que plusieurs autres personnes partagent. Dans une lettre transmise au ministre Manley, Althea Douglas a demandé la possibilité de prolonger le délai accordé,

[...] mais de ne pas enfermer à jamais ce siècle qu'on a appelé celui du Canada.

Gregory Kealy, le président de la Société historique du Canada, a récemment écrit une lettre au ministre Manley, dont j'ai reçu copie:

[...] les renseignements de ce recensement sont absolument essentiels pour nous aider à comprendre la vie des Canadiens du XXe siècle et ils doivent être rendus publics pour que les chercheurs puissent se pencher de façon sérieuse sur bon nombre de thèmes, tendances et problèmes importants faisant partie de l'histoire du Canada au cours du siècle dernier.

Je suis d'avis qu'il est beaucoup trop sévère d'interdire à jamais l'accès aux renseignements recueillis au cours de ce recensement, tout particulièrement si l'on tient compte de la valeur historique de ces dossiers et du fait qu'on pourrait ainsi priver les Canadiens d'une importante partie de leur héritage.

Je voudrais souligner que j'aurai d'autres commentaires à formuler sur cette importante question lorsque nous reprendrons nos activités à l'automne. Je vous remercie honorables sénateurs.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si personne d'autre ne veut prendre la parole, le débat sur cette interpellation est considéré comme terminé.

La sécurité en Europe

Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Grafstein, attirant l'attention du Sénat sur la délégation de l'Association parlementaire Canada-Europe (OSCE) à la réunion de la Commission permanente de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE PA) et à la situation au Kosovo.-(L'honorable sénateur Andreychuk).

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, un sujet important est inscrit dans l'interpellation faite par le sénateur Grafstein, attirant notre l'attention sur la délégation de l'Association parlementaire Canada-Europe à la réunion de la Commission permanente de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, qui a eu lieu à Vienne. Il y a également été question de la situation au Kosovo.

Comme les honorables sénateurs le savent, l'OSCE a joué un rôle de premier plan sur le théâtre des Balkans. Je voulais profiter de l'occasion pour traiter brièvement de la situation au Kosovo aujourd'hui, quand un certain nombre d'événements convergents se sont présentés d'eux-mêmes, dont la résolution 1244 qui a été adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies à sa 4 011e assemblée tenue le 10 juin 1999. C'est la résolution à laquelle le leader du gouvernement a fait allusion dans la déclaration qu'il a faite un peu plus tôt aujourd'hui.

Honorables sénateurs, le fait que le Conseil de sécurité, dans sa résolution, s'inspire des buts et des principes des Nations Unies et tienne compte de la responsabilité première du Conseil de sécurité, qui est d'assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, et le fait que, cette résolution aidant, on assiste ce me semble au retour à l'ordre international et au respect de la primauté du droit, sont autant de bonnes nouvelles. C'est gage d'espoir, un espoir très réaliste, pour le Kosovo et la Yougoslavie au cours des mois à venir.

Un certain nombre d'institutions et d'organismes internationaux ont pris part aux événements qui se sont produits ces trois derniers mois. L'OTAN, entre autres, dont le Canada est un membre très important, s'est engagé dans la campagne de bombardements. Fait plus important, avec cette résolution du Conseil de sécurité, un certain nombre de mesures importantes doivent être prises et certaines responsabilités doivent être assumées par tous les États membres, dont le Canada, bien entendu.

La résolution du Conseil de sécurité reflète essentiellement la détermination d'assurer la sûreté et la sécurité du personnel international chargé de surveiller l'application de l'accord de paix par toutes les parties concernées. Le Conseil de sécurité a décidé qu'une solution politique à la crise au Kosovo sera fondée sur les principes généraux figurant dans une annexe.

L'annexe est un énoncé des principes généraux qui se sont dégagés de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G-8 qui s'est tenue le 6 mai. Les conditions sont notamment que la République fédérale de Yougoslavie mette une fin immédiate et vérifiable à la violence et à la répression au Kosovo, qu'elle entame la phase de retrait complet et vérifiable du Kosovo de toutes les forces militaires, policières et paramilitaires selon un échéancier rapide et en synchronisation avec le déploiement d'une force de sécurité internationale au Kosovo.

Après le retrait des troupes au Kosovo, un nombre convenu de militaires et de policiers yougoslaves et serbes seront autorisés à retourner au Kosovo pour remplir certaines fonctions. Ces fonctions ont à voir avec les sites historiques et certains passages frontaliers.

(1750)

Vu l'heure, je ne veux pas m'étendre davantage sur cette question. Cependant, avec votre permission, honorables sénateurs, je suis prêt à déposer ce document dont, je crois, vous trouverez la lecture très utile en fin de semaine car je suis sûr qu'au début de la semaine prochaine, nous voudrons nous concentrer sur ce développement qui nous remplit d'espoir.

Pour terminer, j'aimerais vous demander, alors que vous étudiez cette résolution de l'Assemblée générale, de réfléchir aux débats que nous avons eus ici. Lorsque nous avons discuté pour la première fois de cette question, il y a deux ou trois mois, nous avons parlé de l'importance de veiller à ce que le principe de l'autonomie soit respecté au Kosovo, ainsi que du principe de l'intégrité territoriale. Ces deux principes, souvent inconciliables, figurent dans la résolution du Conseil de sécurité. Cette résolution, adoptée le 10 juin par le Conseil de sécurité, reflète ce dont nous avons débattu régulièrement depuis le début de cette tragédie.

Votre Honneur, je vais déposer ce document, s'il y a consentement.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée pour que le document soit déposé?

Des voix: D'accord.

L'honorable John B. Stewart: L'honorable sénateur Kinsella accepterait-il une question?

Le sénateur Kinsella: Oui.

Le sénateur Stewart: Le document dit-il qui fournira les fonds nécessaires pour assurer l'autonomie du Kosovo tout en maintenant l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie?

Le sénateur Kinsella: Oui, sénateur Stewart. Il y a une disposition qui porte directement sur les besoins financiers à court et à moyen termes, ainsi que sur les responsabilités qui ont été attribuées non seulement aux États membres, mais aussi à des organisations internationales comme l'OSCE. Si ma mémoire est bonne, la formulation des résolutions des Nations Unies sur cette question est assez générale. Je crois néanmoins que le principe y est.

Le sénateur Stewart: Les principes sont parfois faciles à énoncer. Nous dit-on combien le contribuable canadien devra verser pour maintenir ces deux principes au nom du Conseil de sécurité?

Le sénateur Kinsella: Non, honorables sénateurs. C'est pourquoi nous devrions tous avoir le texte de la résolution. On espère que, la semaine prochaine, il nous sera possible d'aborder ces questions qui auront une incidence sur le contribuable canadien.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs conviennent-ils de laisser cet article inscrit au nom de l'honorable sénateur Andreychuk?

Des voix: D'accord.

Question de privilège

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, ma question de privilège fait suite aux événements survenus hier après-midi en cette enceinte, vers 15 h 30, et dont le compte rendu figure à la page 3568 des Débats du Sénat.

Je résume brièvement. Le sénateur Lawson a proposé l'ajournement du débat sur les onzième et neuvième rapports du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure. Le Président a proposé la motion d'ajournement et, après un vote par oui ou non, a déclaré que, à son avis, les non l'emportaient. Deux sénateurs se sont alors levés et un vote par appel nominal a été fixé, avec un appel du timbre de cinq minutes. Le Président vient de citer le passage pertinent:

Les whips m'informent que le timbre sonnera pendant cinq minutes.

Honorables sénateurs, je précise en passant qu'il faut la permission du Sénat pour un appel du timbre de moins de 60 minutes. Cette permission n'a pas été demandée, et il me semble, d'après ce que j'ai lu dans les Débats du Sénat, que cette permission n'aurait pas été accordée si on l'avait demandée, parce que l'honorable sénateur Corbin s'opposait à ce qu'on était en train de faire.

Pour la gouverne des sénateurs, je lis la disposition pertinente du Règlement, le paragraphe 66(1):

À moins d'un ordre préalable ou d'indication contraire dans le Règlement, lorsqu'on a demandé un vote par appel nominal en vertu de l'article 65(3) du Règlement, le timbre d'appel des sénateurs sonne durant soixante minutes, sauf contre-ordre avec la permission du Sénat.

Cependant, ce n'est pas ce que je veux faire valoir, honorables sénateurs. S'il n'en tenait qu'à cela, je me serais levé pour invoquer le Règlement, mais je soulève la question de privilège.

Quand le timbre a commencé à sonner, un bon nombre de sénateurs n'étaient pas à la Chambre. Un bon nombre d'entre nous se sont entassés dans un autobus pour se rendre ici à partir de l'édifice Victoria. En arrivant, excités à l'idée de la tenue de ce vote, nous avons découvert que tout était déjà terminé.

À mon avis, un timbre d'appel qui sonne pendant cinq minutes est abusif et c'est une atteinte aux droits des honorables sénateurs qui ne sont peut-être pas présents au Sénat lorsque le vote est demandé. Il importe peu qu'il y ait 103 sénateurs présents au Sénat. Le 104e sénateur a le droit de venir voter et d'avoir un préavis suffisant sous la forme d'un timbre d'appel. On fait sonner le timbre d'appel pour rassembler les sénateurs qui ne sont pas physiquement présents au Sénat. Comme vous le savez, les bureaux des sénateurs sont situés dans l'édifice de l'Est et dans l'édifice Victoria, et cinq minutes ne suffisent vraiment pas pour que les honorables sénateurs qui se trouvent dans ces édifices puissent se rendre ici pour participer à un vote.

Certains diront que le vote ne portait pas sur une question très importante; il s'agissait seulement d'une motion d'ajournement. Il me semble toutefois qu'aucun sénateur ne doit présumer de l'importance ou du peu d'importance qu'un autre sénateur peut accorder à un vote particulier. Ce que je veux dire, c'est que jamais, dans aucune circonstance, le timbre d'appel ne devrait sonner pendant cinq minutes. Il devrait sonner plus longtemps. Nous devrions avoir un meilleur préavis que cela pour un vote par appel nominal.

Même si la permission avait été accordée hier, ma position serait la même; un timbre qui sonne pendant cinq minutes est une atteinte aux privilèges des honorables sénateurs qui ne sont pas physiquement présents au Sénat, une atteinte de la part de ceux qui sont présents.

À la lecture du Règlement, il m'apparaît clairement que le timbre peut sonner pendant cinq minutes, avec la permission du Sénat. Par conséquent, la solution réside seulement dans le Règlement, d'où ma motion, appuyée par le sénateur Kinsella...

(1800)

Son Honneur le Président: Sénateur Murray, vous devez d'abord présenter vos arguments, je déciderai ensuite si la question de privilège paraît à première vue fondée. Si vous avez terminé, je vais demander s'il y a d'autres sénateurs qui aimeraient prendre la parole au sujet de la question de privilège.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'aimerais appuyer la question de privilège soulevée par le sénateur Murray.

Hier, je me suis trouvée dans une situation similaire. Je n'étais pas dans l'édifice Victoria. J'ai tout d'un coup entendu le timbre et je suis arrivée en courant pour voter. Je n'étais pas au courant des circonstances qui ont conduit à cette situation.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Cools, je suis désolé d'avoir à vous interrompre, mais la pendule dit six heures.

Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que nous ne tenions pas compte de l'heure?

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Il est convenu de ne pas tenir compte de l'heure.

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Le paragraphe 66(1) du Règlement est clair et, comme l'a dit le sénateur Murray, madame le sénateur aurait pu invoquer le Règlement. Toutefois, il y a quelque chose de plus qui est gênant, et je pense que nous devrions en prendre note. J'ai devant moi les Débats du Sénat, à la page 3568, lorsque Son Honneur s'est levé pour donner les résultats du vote oral. Il dit que les whips l'ont informé que le timbre allait sonner pendant cinq minutes. J'aurais manqué tout cela.

Rien dans le compte rendu n'indique que soit les whips, soit les leaders aient en fait dit que le timbre devrait retentir pendant cinq minutes. Il me semble que, si une telle consultation avait eu lieu, quelqu'un aurait réagi et dit qu'il fallait l'autorisation du Sénat pour procéder de la sorte.

J'aimerais ajouter le point suivant. Le Sénat se dote de ses propres règles, le Sénat peut faire des exceptions à ces règles, mais, par ailleurs, le Sénat a le droit et le devoir de procéder de façon ordonnée. Parfois, les exceptions sont nécessaires. Il faut toutefois préciser que, lorsque le Sénat est sur le point de faire une exception, il doit prendre les mesures appropriées.

Pour reprendre le point qu'a fait valoir l'honorable sénateur - et que nous devrions peut-être aussi prendre en considération, le Président affirme, et je le crois, que les whips l'ont informé que le timbre sonnerait pendant cinq minutes, mais comment en a-t-il été informé? Les whips se sont-ils précipités à son fauteuil pour lui dire: «Cinq minutes?» Il reste à élucider la façon dont la directive a été présentée au Président.

Lorsque Son Honneur étudiera la question, il pourra nous faire profiter de ses bons conseils et de ses années d'expérience pour que nous tentions de simplifier la situation et d'éviter à l'avenir la confusion et le mécontentement. Lorsque les whips informent Son Honneur, et le Sénat, de la durée du timbre qu'ils proposent, ils pourraient peut-être se lever et le dire clairement, afin que nous puissions tous les entendre. Si un sénateur s'y oppose, il pourra alors soulever son objection. Je ne doute pas que les whips remplissent leurs fonctions avec honneur et dignité et qu'ils cherchent à respecter le Règlement et la procédure du Sénat.

J'appuie le sénateur Murray. Je crois que son interprétation du paragraphe 66(1) du Règlement est juste. Toutefois, j'ai l'impression que l'incident qui s'est produit est malheureux et même regrettable et qu'il s'explique par deux ou trois suppositions qui ont pu être faites et des renseignements mal diffusés.

À l'avenir, honorables sénateurs, lorsque les whips déterminent la durée du timbre, ils pourraient se lever au Sénat et l'annoncer clairement. Le sénateur Carstairs l'a déjà fait très souvent.

Enfin, je me permets de faire une digression. Les sénateurs conviendront tous que le vote est un élément crucial et important dans l'exercice de nos fonctions au Sénat. Chacun des sénateurs veut sûrement pouvoir, en tout temps, exercer son droit de vote.

Je remercie le sénateur Murray d'avoir soulevé la question de privilège. C'est important. Lorsque nous constatons une anomalie, nous avons tous le devoir de soulever le problème, afin de corriger et de clarifier la situation et d'éviter le problème à l'avenir.

Voilà pourquoi je remercie le sénateur Murray, qui a soulevé la question, et appuie son intention de proposer la motion appropriée.

Son Honneur le Président: Y a-t-il d'autres honorables sénateurs qui veulent intervenir?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Je voudrais faire quelques observations. En examinant les Débats du Sénat, à la page 3568, colonne de gauche, vous verrez une indication de l'heure après le deuxième paragraphe. Il est 15 h 20. Trois ou quatre paragraphes plus bas, il y a l'intervention du sénateur Wilson, puis le sénateur Lawson propose l'ajournement du débat. Si vous regardez en bas, dans la colonne de droite, vous verrez que l'on était bien avancé dans le processus de vote sur la motion d'ajournement avant 15 h 30.

À 15 h 30, je suis convaincu que les whips savaient qu'un avis convoquant une réunion d'au moins un comité permanent du Sénat à 15 h 30 avait été publié. Deuxièmement, les whips savaient certainement aussi que, le mercredi, eux-mêmes et tout le Sénat subissent souvent de fortes pressions pour que la séance soit levée entre 15 h 15 et 15 h 30.

J'aurais cru que l'idée de faire sonner les cloches pendant cinq minutes aurait atténué ce genre de pressions. Je suis persuadé que le seul but visé était d'accélérer le travail de la Chambre au milieu de la journée le mercredi. Par ailleurs, je crois que nous avons commis une erreur et je suis prêt à reconnaître la pertinence du point de vue exprimé par le sénateur Murray. Je crois également que nous avons été lents à réagir au point que le sénateur Corbin a soulevé hier après-midi. Malheureusement, l'affaire n'a pas été présentée comme un refus de consentement unanime pour ce faire, mais nous aurions dû tenir compte de l'avertissement.

Pour être juste envers les whips, il faut reconnaître qu'ils subissent d'énormes pressions de la part des présidents de comités pour que les mercredis après-midi, la séance soit levée entre 15 h 15 et 15 h 30. D'autre part - et le sénateur y a fait allusion - on ne devrait jamais recourir à la pratique de faire entendre le timbre pendant cinq minutes. Plus tôt aujourd'hui, nous en avons fait mention, parce que lundi après-midi, nous procéderons à un vote à 17 heures, puis à un autre peu après.

Le sénateur Murray: Voilà qui change tout, cela devient un ordre de la Chambre.

Le sénateur Kinsella: Il s'agit simplement de faire comprendre qu'il peut arriver que nous préférions que les votes aient lieu sans que le timbre se fasse entendre pendant 15 minutes. Toutefois, nous pouvons tirer parti de notre expérience, ce que nous ferons, j'en suis sûr.

(1810)

L'honorable Eymard G. Corbin: Je n'avais pas l'intention de prendre la parole. Je crois m'être bien fait comprendre hier quand je suis sorti de mes gonds. Ce n'est pas la première fois que ce genre d'incident se produit. À mon avis, c'est un jeu dangereux. Quelle que soit la pression que subissent les whips, le Règlement est clair, il s'agit de protéger l'expression démocratique de tous les honorables sénateurs.

Son Honneur n'aurait pas accepté un rappel au Règlement de ma part ou de qui que ce soit d'autre. C'est du moins l'impression que j'avais. C'est pourquoi j'ai fait cette intervention. Cependant, ce n'était pas pour moi-même, mais pour les honorables sénateurs qui n'étaient pas présents au Sénat.

Quelle que soit l'importance de la question dont nous sommes saisis, nous avons le droit de nous exprimer. La chose la plus importante que nous faisons dans cette enceinte, à part exprimer notre opinion, c'est de voter, de prendre une décision ultime. Si nous privons n'importe lequel de nos collègues de cette occasion, nous sapons les droits démocratiques des sénateurs et de notre institution elle-même.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis prêt à rendre ma décision maintenant, à moins qu'un autre honorable sénateur ne souhaite intervenir.

Tout d'abord, je remercie l'honorable sénateur Murray d'avoir soulevé la question...

L'honorable Nicholas W. Taylor: J'invoque le Règlement. Sauf erreur, je pense que la motion doit être présentée avant que Son Honneur ne rende sa décision.

Son Honneur le Président: Je dois d'abord décider si la question est fondée à première vue. Puis le sénateur Murray pourra proposer la motion.

Le sénateur Taylor: Le commentaire 115 de la sixième édition de Beauchesne dit:

On doit saisir la Chambre d'une question de privilège à la toute première occasion.

On dit que la personne qui soulève la question de privilège présente également la motion, puis le Président rend sa décision.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Taylor, j'apprécie beaucoup ce que Beauchesne peut dire, mais dans ce cas particulier, notre Règlement est clair. Il précise ce que je dois faire et cela diffère de ce que propose Beauchesne.

Le sénateur Poulin: Le Règlement a préséance sur Beauchesne dans ce cas-ci.

Décision du Président

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il m'incombe, après avoir entendu suffisamment d'arguments, de décider s'il y a, à première vue, matière à question de privilège, après quoi le sénateur Murray pourra présenter sa motion, conformément au Règlement.

Je remercie le sénateur Murray d'avoir soulevé la question. Elle est importante. Je remercie également tous les sénateurs qui ont pris a parole.

Je rappelle que le paragraphe 43(1) du Règlement stipule ce qui suit:

Il incombe à chaque sénateur de préserver les privilèges du Sénat. Une atteinte aux privilèges d'un sénateur touche aux privilèges de tous les sénateurs et à la capacité du Sénat de s'acquitter des fonctions que lui confère la Loi constitutionnelle de 1867. Les mesures nécessaires pour assurer cette protection ont priorité sur toute autre question au Sénat.

Le Règlement est très clair sur ce point. Les conditions pour qu'il y ait, à première vue, matière à question de privilège sont énoncées aux alinéas 43(1)a), b), c) et d).

La question doit être soulevée à la première occasion. Elle l'a été. Elle doit toucher directement aux privilèges du Sénat, d'un de ses comités ou d'un sénateur. De toute évidence, la question concerne les privilèges, le droit de vote, non seulement du sénateur qui a soulevé la question, mais aussi de tous ceux qui ont pris la parole.

La question doit réclamer un correctif que le Sénat a le pouvoir d'apporter, en dehors de tout autre processus parlementaire raisonnable. C'est le cas, puisque le sénateur Murray nous a dit dans sa déclaration orale qu'il apportait un correctif. La question doit viser à corriger une infraction grave et sérieuse. Tout ce qui empêche les sénateurs de voter constitue une infraction grave.

Par conséquent, je déclare que la question de privilège paraît fondée à première vue.

Je me permets une observation supplémentaire. J'ai écouté ce qu'a dit le sénateur Cools au sujet de la communication entre les whips et le Président. Il y a un problème. Hier, les whips se sont présentés devant moi et m'ont communiqué l'information. Ils procèdent de la sorte parce qu'habituellement, lorsqu'il y a un vote par assis et levé, les sénateurs ont malheureusement l'habitude de se promener au lieu de rester à leur place. Il y a tellement de bruit que personne ne peut entendre.

Si les honorables sénateurs y consentent, à l'avenir, lorsqu'il y aura un vote par assis et levé, je demanderai à tous les sénateurs de rester à leur place. Les honorables sénateurs sont les seuls à pouvoir instaurer cette pratique. Ils doivent coopérer. Si cela vous convient, je vous recommande donc d'adopter cette pratique. À compter de maintenant, lorsqu'il y aura un vote par assis et levé, je demanderai que vous observiez l'ordre, et nous ne passerons pas au vote tant que l'ordre ne sera pas rétabli.

Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

la participation aux votes par appel nominal-Adoption de la motion de renvoi de la question au comité des privilèges, du Règlement et de la procédure

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'aimerais d'abord préciser qu'en présentant cette motion, je suis loin de vouloir accuser qui que ce soit d'avoir agi de mauvaise foi ou de façon délibérée. J'accepte entièrement et j'ai très bien compris les circonstances et les motifs qui animaient les honorables sénateurs à 15 h 30 hier lorsqu'ils ont décidé d'agir de la sorte. En repensant à ce qui s'est passé hier et en lisant le Règlement, il me semble clair, si je peux me permettre, que le Règlement autorise un usage abusif des droits des sénateurs absents lorsqu'un vote nominal est annoncé. Le problème ainsi que sa solution se trouvent dans le Règlement.

Je propose donc:

Que la question du droit de tous les sénateurs de pouvoir participer à un vote par appel nominal au Sénat qui a été demandé conformément au paragraphe 65(3) du Règlement, ainsi que la procédure qui a été suivie le 9 juin 1999 concernant le vote d'ajournement du débat portant sur le onzième rapport du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure soient renvoyées au Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord

L'intervention en Yougoslavie-Les relations avec le droit international-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein, ayant donné avis le 13 avril 1999:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la question du droit international: le Canada et l'intervention de l'OTAN en République fédérale de Yougoslavie.

- Honorables sénateurs, au premier coup d'oeil, la résolution des Nations Unies déposée plus tôt aujourd'hui par le sénateur Kinsella relativement à l'intervention de l'OTAN au Kosovo et en République fédérale de Yougoslavie ne semble plus très opportune. Je crois toutefois, honorables sénateurs, que l'essence même de l'interpellation, qui porte sur la légitimité de l'intervention de l'OTAN, devrait toujours faire l'objet d'un débat au Sénat. Je n'ai toujours pas terminé ma recherche sur le sujet. Toutefois, puisque le sénateur Roche, le sénateur Taylor et d'autres voudraient que l'on en parle maintenant, je pourrais peut-être amorcer le débat sur l'interpellation, puis m'interrompre et laisser la parole aux autres sénateurs. Nous pourrons peut-être terminer le débat avant la fin de nos travaux à la fin de la semaine prochaine.

Honorables sénateurs, pour commencer, j'aimerais soulever certains points qui aideront peut-être les sénateurs à comprendre mon point de vue.

La légitimité de l'opération menée par l'OTAN au Kosovo en vertu du droit international a suscité une vive controverse dans le monde entier. Le débat, honorables sénateurs, vient de ce qu'il existe différentes notions de la nature du droit international. En quoi consiste le droit international? Quelles sont ses sources? Quelles sont les sources de la légitimité internationale? De quelle façon la jurisprudence bâtit-elle le droit international?

Le débat actuel vient essentiellement de la notion que les Nations Unies sont la seule source de légitimité en vertu du droit international et, surtout, que seules les Nations Unies peuvent légalement autoriser l'application de normes juridiques internationales ou de sanctions rigoureuses aux fins de l'exécution de résolutions, de traités multilatéraux et de conventions qui peuvent être enfreints par chaque État membre.

D'aucuns ont fait valoir l'argument que, le Conseil de sécurité des Nations Unies n'ayant adopté aucune résolution en vertu de la Charte des Nations Unies autorisant le recours à la force pour appuyer les résolutions des Nations Unies ou des conventions ou traités bilatéraux bien établis, l'opération menée par l'OTAN au Kosovo allait peut-être à l'encontre du droit international. Une telle déclaration ne tient pas compte des sources, des piliers, en fait de la nature du droit international lui-même.

Commençons par ceux qui prétendent que, le Conseil de sécurité des Nations Unies n'ayant adopté aucune résolution autorisant le recours à la force pour appuyer les résolutions des Nations Unies, l'opération menée par l'OTAN au Kosovo est peut-être une atteinte au droit international. Ils prétendent que, la Charte des Nations Unies ayant un caractère suprême, seules les Nations Unies peuvent autoriser l'application de sanctions ou le recours à la force. Seules les Nations Unies peuvent, légalement, disent-ils, déployer des forces armées afin de faire appliquer les dispositions pour le compte de la communauté internationale. Toute autre action, déclarent-ils, serait contraire au droit international.

(1820)

Examinons la validité de cette exégèse. Le système actuel du droit international a environ 400 ans et certaines règles sont beaucoup plus anciennes que cela. Toutefois, comme le grand Brierly le fait remarquer, ce n'est qu'au XVIe siècle que les traités ont commencé à avoir une influence sur les règles suivies par les États dans leurs relations les uns avec les autres. À partir de cette époque, l'ensemble de plus en plus important de règles a commencé à être traité comme une discipline séparée. Ce qui commença à émerger, presque comme une chrysalide, fut un ensemble de règles changeantes conçues pour guider les souverains, plutôt que des préceptes d'éthique ou de morale. Ce sont les théologiens catholiques et les spécialistes du droit canon qui ont inventé la notion de guerre «juste», de la légitimité de la guerre dans certaines circonstances et conditions.

Certains observateurs font remarquer que l'avènement du droit international, en tant qu'ensemble de règles, est l'un des grands changements qui ont marqué le passage entre l'ère médiévale et l'ère moderne. Certains historiens eurocentriques prétendent que la conséquence séculaire de la Réforme a été de subordonner l'idée médiévale de l'unité de la chrétienté à un système séculaire d'États souverains indépendants, ne reconnaissant aucune autorité, aucune souveraineté autres que les leurs.

Et pourtant, même la conception primordiale de la souveraineté n'était pas considérée comme incompatible avec la subordination de l'État à un ensemble supérieur de lois. Certains disent que la souveraineté de l'État est absolue et que ses activités ne peuvent donc pas être limitées par le droit ou autre chose qu'une force supérieure. Par conséquent, le droit international n'est pas à proprement parler du droit, en ce sens que les États ne sont pas obligés de respecter ce droit, et qu'ils le font de temps en temps quand ils trouvent cela commode.

C'est encore le grand Brierly qui exprime le mieux les choses:

Ce n'est pas une mauvaise définition du droit international que de dire que c'est la somme des droits qu'un État réclame des autres États pour lui-même et pour ses ressortissants et des obligations que, par conséquent, il a à leur égard.

Les États violent souvent le droit international, tout comme les individus violent le droit national. Cependant, ni les individus ni les États ne peuvent prétendre justifier ces violations en affirmant qu'ils sont au-dessus de la loi.

Honorables sénateurs, les règles du droit international ont évolué, comme celles de la common law, à partir de coutumes non écrites jusqu'au droit jurisprudentiel, à partir de moeurs et usages jusqu'aux précédents. Le droit coutumier international repose sur les usages, les moeurs et les précédents. Certains disent que, si le droit coutumier est l'essence du droit international, cela ne veut pas dire que toute l'autorité des États découle directement ou exclusivement des règles coutumières. Au mieux, le droit international est un amalgame du droit coutumier et du droit conventionnel.

C'est là où je veux en venir, et je crois que c'est le cas pour ceux qui appuient la légalité de l'intervention de l'OTAN en l'absence d'une résolution des Nations Unies. L'usage de la force doit être étudié au cas par cas pour déterminer si un tel usage est considéré comme juste par le droit international et, par conséquent, légal et conforme au droit international.

J'espère, honorables sénateurs, que je pourrai expliquer cette question plus longuement plus tard, la semaine prochaine. Entre-temps, les autres sénateurs pourront au moins réfléchir à ces thèses et participer au débat.

Je propose l'ajournement du débat.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, avant de mettre aux voix la motion d'ajournement, je voudrais poser une courte question au sénateur Grafstein.

Le sénateur Grafstein ne convient-il pas que la participation des pays membres des Nations Unies et leur ratification de la Charte leur imposent des obligations et des devoirs très précis qui sont beaucoup plus directs et immédiats que l'ancienne tradition qui a vu l'élaboration du droit international, depuis l'époque de Francisco di Vittoria jusqu'à celle de Grotius?

Cela ne provient pas tout simplement du jus gentium, par l'entremise du droit coutumier international. En vertu de la Charte des Nations Unies, il faut assumer des responsabilités et des devoirs directs et immédiats.

Le sénateur Grafstein: L'honorable sénateur Kinsella met le doigt sur la question. Je vais lui répondre de deux manières. Je n'entends pas revenir la semaine prochaine et invoquer uniquement le droit coutumier pour étayer la thèse que l'intervention du Canada, sous l'égide de l'OTAN, était légitime, mais je crois que c'est le cas.

Le sénateur Kinsella vient de déposer la résolution 1244 des Nations Unies, et les sénateurs n'ont pas eu l'occasion de l'examiner. Le document dit que le Conseil de sécurité tient compte du fait que les objectifs et les principes de la Charte des Nations Unies et la principale responsabilité du Conseil de sécurité sont d'assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Nous commençons avec la proposition que, même dans cette résolution, les rédacteurs ne sont pas allés jusqu'à dire que le Canada et d'autres pays ont agi illégalement et que les Nations Unies constituent la seule source de légitimité internationale pour ce type d'intervention. C'est une proposition.

La deuxième proposition a trait à ce qui se produit - et c'est très révélateur - quand les Nations Unies déclarent que la communauté mondiale des nations accepte Srebrenica comme une zone sûre et que cela est conforme à toutes les normes de droit international. Qu'arrive-t-il alors si les Nations Unies se trouvent, pour une raison ou une autre, paralysées ou incapables de soutenir leur propre mandat, alors que des milliers de citoyens innocents respectant la Charte de l'ONU et la déclaration courent se réfugier dans cette zone sûre seulement pour se faire massacrer en route, étant donné que l'ONU n'a pas utilisé la force pour réaliser son mandat? C'est une affaire récente, qui remonte à 1995-1996.

Voici un exemple tiré du droit national. Que se passe-t-il si vous, sénateur Kinsella, menacez mon leader, le sénateur Carstairs, et que vous avez un comportement violent à son endroit, en contravention du Règlement du Sénat? Les fonctionnaires ici présents n'ont pas pour mandat de protéger le sénateur Carstairs, et le Règlement ne dit pas que je dois le faire, mais le Sénat et les fonctionnaires chargés de veiller à l'application du Règlement seront obligés de s'en charger. Est-ce que je vais rester à regarder sans chercher à protéger notre innocent leader contre votre attaque illégale?

Je le dis avec humour, mais c'est pour montrer que la communauté mondiale a décidé que Srebrenica devait être une zone de sécurité. Pourquoi? Parce qu'il y avait un génocide, une violation de toutes les conventions internationales, et ce, sous l'oeil bienveillant de la République fédérale de Yougoslavie, mais la communauté internationale restait les bras croisés.

Cela veut-il dire que le droit international peut être paralysé? Doit-on comprendre que le droit international ou les principes de droit international ne peuvent évoluer malgré la paralysie de la prétendue source prépondérante de légitimité? On ne peut pas logiquement le prétendre en se fondant sur le droit international. Il existe un principe de nécessité.

Je vais citer un autre exemple que je trouve éloquent. C'est un problème auquel Abraham Lincoln a dû faire face aux États-Unis. La Constitution américaine interdisait à un État de recourir à la force contre un autre État. Pourtant, Lincoln a décidé d'utiliser la force contre certains États. Il l'a fait, car il s'agissait alors de préserver la Constitution même.

En guise de conclusion, honorables sénateurs, j'affirme que l'intervention au Kosovo faisait suite à l'échec des États-Unis, qui avaient été incapables d'assumer leur mandat. La communauté mondiale peut juger que de nombreuses résolutions des Nations Unies sont injustifiées, mais personne n'a remis en cause le bien-fondé et la pertinence de ces résolutions.

(1830)

Nous l'avons vu de nos propres yeux. J'affirme donc que de nombreux principes du droit international disent que le droit international doit venir à la défense du droit international. Voilà l'essence même de mon argument.

Honorables sénateurs, je propose maintenant d'ajourner le débat.

Son Honneur le Président: Je dois vous aviser, sénateur Grafstein, qu'il vous restera une minute sur les quinze minutes allouées.

Le sénateur Taylor: Il y a un Dieu après tout!

(Sur la motion du sénateur Grafstein, le débat est ajourné.)

Les jeunes et le tabagisme

Interpellation

L'honorable Colin Kenny, ayant donné avis le 20 avril 1999:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le problème du tabagisme chez les jeunes.

- Honorables sénateurs, j'interviens pour parler des jeunes et de l'usage du tabac. Je veux d'abord placer la question dans son contexte.

Le plus important est de mesurer l'ampleur de la crise. Chaque année, 45 000 Canadiens meurent de maladies liées à l'usage du tabac et ce chiffre représente une augmentation de 5 000 par rapport aux prévisions de l'an dernier. Le tabagisme est la première cause de décès évitables et il entraîne dix fois plus de morts que la deuxième cause. En deuxième lieu viennent les accidents de la route, y compris les accidents dus à la conduite avec facultés affaiblies, qui causent environ 4 000 décès évitables par année. Si nous n'agissons pas, le tabac va tuer cette année, et à chaque année par la suite, plus de Canadiens qu'il n'en est mort durant les cinq années de la Seconde Guerre mondiale.

Chaque famille canadienne est touchée par les souffrances et la douleur attribuables à une longue liste de maladies dues à l'usage du tabac.

Examinons les données concernant les jeunes. Quatre-vingt-cinq pour cent des jeunes commencent à fumer avant d'atteindre l'âge de 16 ans. L'année dernière, l'âge était de 18 ans. Près de 30 p. 100 des jeunes Canadiens fument. Les taux les plus élevés sont au Québec et les plus bas, en Colombie-Britannique. Il y a aujourd'hui au Canada quatre millions de jeunes de 10 à 19 ans. Le tiers d'entre eux, soit 1 400 000 jeunes, vont devenir des fumeurs.

Nous pouvons parler d'une crise parce que la cigarette crée une dépendance. Les préadolescents et les adolescents développent une dépendance à l'égard d'un produit qui réduira de sept ans leur espérance de vie. On estime que 685 enfants canadiens commencent à fumer chaque année. Compte tenu du fait que 45 000 Canadiens meurent chaque année de causes liées au tabagisme, 450 000 enfants de la présente décennie mourront prématurément si on ne prend pas des mesures dans les plus brefs délais.

Qu'a fait le gouvernement au sujet de cette crise? Il a fait certaines choses, mais les initiatives clés se font encore attendre. Il y a eu des mesures positives: une interdiction complète de la promotion du tabac au moyen de la commandite, même si une interdiction partielle aurait pu être en vigueur il y a un an; l'adoption d'une mesure législative permettant de réglementer de façon restrictive la production, la promotion, l'étiquetage et la vente du tabac, mais nous ne savons pas encore exactement quels seront ces règlements.

Le gouvernement n'a pas pris d'engagement ferme, mais il a promis de tenir des consultations sur la possibilité d'élargir, de 60 p. 100 peut-être, la taille des avertissements sur les paquets de cigarettes. Il tiendra aussi des consultations sur la publicité destinée aux jeunes dans les magasins, de même que sur une campagne médiatique agressive et sur un comité d'action pour les jeunes.

Durant la semaine antitabac au Canada cette année, le ministre, M. Rock, a annoncé, et je cite:

[...] Je continuerai d'appuyer énergiquement une initiative comme le projet de loi S-13 ou toute autre initiative qui respecte les normes établies.

Plus tard cette semaine, j'annoncerai la composition d'un comité du caucus qui sera chargé d'élaborer des propositions à cet égard.

Ce sont là des pas dans la bonne direction, mais il faut les placer dans un contexte plus large. Le vrai problème est le manque de proportionnalité. Quels sont les aspects économiques de cette question? Nous savons que 2,3 billion de dollars sont perçus sous forme de taxes, contre des dépenses de 20 million de dollars au titre de la prévention. Nous savons aussi que 10 milliards de dollars sont dépensés au titre des coûts liés à la santé, soit 3 milliards directement et 7 milliards indirectement. Nous ne dépensons pas là où nous devrions dépenser. Pourquoi ne pas dépenser un peu plus au titre de la prévention, ce qui nous permettrait d'économiser bien de l'argent à l'autre extrémité? Ce serait beaucoup plus logique.

Il convient de jeter un coup d'oeil à l'histoire. Premièrement, regardons la stratégie de réduction de la demande de tabac mise en place par le gouvernement en 1994. La bonne nouvelle, c'est que 185 millions de dollars ont été perçus au cours des trois premières années grâce à la surtaxe et que 103 millions ont été dépensés, soit 56 p. 100 du montant perçu. La mauvaise nouvelle, c'est que le reste, soit 81 millions de dollars, est disparu dans le Trésor, et personne ne sait où cet argent est allé ni pourquoi il n'a pas été dépensé.

Puis, il y a l'Initiative de lutte contre le tabagisme de 1996. D'autres bonnes nouvelles. En 1996, le gouvernement a promis de dépenser 10 millions de dollars sur cinq ans. En 1997, le montant a été doublé, pour atteindre 20 millions de dollars sur cinq ans, soit 10 millions pour l'exécution et 10 millions pour la sensibilisation. Cela se trouve à la page 82 du plan budgétaire. D'autres mauvaises nouvelles. Dans les six premiers mois de l'exercice 1998, Santé Canada n'a consacré que 2 p. 100 du montant prévu à la sensibilisation, soit 200 000 $, et seulement 55 p. 100, soit 5,5 millions de dollars de ce qui était réservé à l'exécution. La semaine dernière, Santé Canada me disait que les chiffres sur le total des dépenses au titre de la sensibilisation et de l'exécution n'étaient pas encore disponibles pour l'exercice financier.

Situons le problème autrement. Si on regarde à la page 82 du plan budgétaire, on constate que le financement réservé à la lutte contre le VIH et le sida est à un niveau convenable, soit 41 millions de dollars par an. Le sida a tué 670 Canadiens l'an dernier, et c'est dramatique. Mais si la prévention du tabagisme était financée au même rythme, c'est 2,7 milliards de dollars que l'on consacrerait à la lutte contre le tabac, et les vies qu'on sauverait ainsi sont tout aussi importantes.

Permettez-moi une brève digression. Je vais vous raconter l'histoire de la contrebande en 1999. Les Canadiens fument des cigarettes canadiennes parce qu'ils les aiment, et les Américains des cigarettes américaines parce qu'ils les préfèrent. Généralement, les Canadiens ne fument pas de cigarettes américaines ni les Américains des cigarettes canadiennes.

Le sénateur Corbin: Sauf au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Kenny: Sauf, peut-être, dans certaines régions du Nouveau-Brunswick.

De toute façon, une entente de 207 milliards de dollars est intervenue aux États-Unis, en novembre 1998, ce qui a fait grimper le prix aux États-Unis à un niveau supérieur au nôtre. Logiquement, la contrebande aurait dû se faire vers le sud, et non vers le nord. La GRC rapporte que 95 p. 100 des cigarettes exportées reviennent au Canada. Honorables sénateurs, je répète, 95 p. 100 des cigarettes que nous exportons reviennent au Canada. Des 48,8 milliards de cigarettes que nous produisons, 1,465 milliard sont destinées à l'exportation.

La bonne nouvelle, c'est que, dans le budget de 1999, M. Martin a décidé de s'attaquer au problème. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il a décidé de ramener de 3 à 2,5 p. 100 le volume de nos exportations détaxées. Cela signifie que le nombre de cigarettes destinées à l'exportation est passé de 1,465 milliard à 1,221 milliard. Pourquoi ne pas éliminer complètement l'exemption, taxer toutes les exportations aux tarifs intérieurs et abolir cette échappatoire? Ainsi, nous réduirions les coûts des services de police, nous éliminerions la contrebande, nous augmenterions nos recettes et nous encouragerions les provinces à ramener les taxes d'accise au niveau qu'elles atteignaient en 1994.

À l'étranger, le Massachusetts consacre 9 $ par habitant aux programmes de lutte contre le tabagisme. Dans cet État américain, la consommation de cigarettes a chuté de 31 p. 100 depuis 1992. La Floride y consacre 7,50 $ par habitant. Le taux de tabagisme chez les jeunes de la 6e à la 8e année a diminué de 19 p. 100 en un an. La Californie dépense 4 $ par habitant et a réussi à réduire le taux global de tabagisme de 36 p. 100 sur une période de trois ans. La proportion des jeunes Californiens qui fument est actuellement de 12 p. 100. Par comparaison, la proportion des jeunes Canadiens qui fument est de près de 30 p. 100, et nous dépensons 0,65 $ par habitant.

(1840)

Le message est simple. Premièrement, il faut la volonté politique et des ressources importantes, disons entre 4 $ et 8 $ par habitant ou, mieux encore, le modèle que recommande le Centre for Disease Control à Atlanta, à savoir entre 5 $US et 16 $US par habitant. On obtiendra alors des résultats importants, soit une diminution du tabagisme de l'ordre de 30 p. 100 en trois ans. Ce modèle est fondé sur formule d'allocation de fonds en neuf catégories et devrait être un point de référence pour tous les pays, y compris le Canada.

Je voudrais maintenant parler du projet de loi S-13 et de la façon dont il a vu le jour. La Loi sur le tabac, le projet de loi C-71, a été adoptée au Sénat en avril 1997. La Loi sur le tabac imposait des restrictions sur la promotion et la publicité des produits du tabac. Il prévoyait une période de transition d'une année avant que les principales dispositions en matière de commandite entrent en vigueur. Il ne prévoyait cependant aucun financement pour l'éducation, aucun financement de transition pour les arts, les sports ou les producteurs, et il n'y avait pas de temps pour trouver du financement de remplacement. Cela a causé des problèmes politiques au Québec et à Montréal en particulier.

Soit dit en passant, une cinquantaine de démarcheurs ont dû passer par mon bureau, mais aucun ne travaillait pour les compagnies de tabac. Ils étaient tous des substituts accrochés à l'argent du tabac, tels, par exemple, le Théâtre Neptune, le club d'athlétisme de Moose Jaw et l'Orchestre symphonique de Sarnia. Ce sont tous d'excellents groupes qui s'intéressent tous à ce qu'ils font, mais qui étaient ici pour protéger les compagnies de tabac parce qu'ils étaient financés par celles-ci.

Le projet de loi S-13 a commencé par être un amendement que j'ai proposé d'apporter au projet de loi C-71. Il prévoyait un financement stable au moyen d'un prélèvement sur l'industrie de 120 millions de dollars par année, dont 60 millions de dollars pour les jeunes, 50 millions de dollars pour la culture et le sport et 10 millions de dollars pour les agriculteurs, et une suppression progressive sur cinq ans. Cela devait finir par aller entièrement à l'éducation des jeunes. Ce devait être supervisé par une fondation indépendante. Toutefois, le projet de loi C-71 était un projet de loi prioritaire que le gouvernement s'était engagé à adopter avant la tenue des élections prévues pour la semaine suivante. Compte tenu des élections et des pressions du gouvernement, les groupes de défense et de promotion de la santé ont fini par retirer leur appui à mes amendements. Ils estimaient qu'un tien valait mieux que deux tu l'auras. Je n'ai pas proposé mes amendements et le projet de loi a été adopté tel quel.

J'ai léché mes plaies et j'ai commencé à travailler sur un nouveau projet de loi. Il s'en est suivi sept mois de vastes consultations. Avec la collaboration exceptionnelle du sénateur Nolin, j'ai présenté le projet de loi S-13, ou Loi sur la responsabilité de l'industrie du tabac, en février 1998. Le projet de loi était nettement supérieur aux amendements originaux grâce aux consultations que nous avions menées auprès de groupes de défense et de promotion de la santé et j'ai commencé à parcourir le pays pour voir si le projet de loi était appuyé.

Le gouvernement a présenté par la suite le projet de loi C-42, qui prévoit la suppression progressive sur cinq ans de la promotion et de la publicité du tabac. On a modifié le projet de loi S-13 en supprimant le financement transitoire de la culture, des sports et des agriculteurs. Les agriculteurs n'en voulaient pas, pas plus que les groupes culturels ou sportifs. En fait, les groupes culturels et sportifs disaient faire davantage confiance aux compagnies de tabac qu'au gouvernement. Le projet de loi S-13, ou Loi sur la responsabilité de l'industrie du tabac, est devenu exclusivement un projet de loi de santé, les 120 millions de dollars de financement allant directement à une fondation se consacrant à empêcher les jeunes de fumer ou à les aider à cesser.

Qu'avons-nous appris depuis que les groupes de défense et de promotion de la santé et certains gouvernements ont été saisis du problème du tabac et des solutions possibles à celui-ci? De toute évidence, le plus important élément d'une campagne antitabac efficace destinée aux jeunes est un financement stable à long terme. Pourquoi? Parce que les programmes sont interrompus à mis parcours, et il n'y a pas d'évaluation des programmes à l'heure actuelle. En Californie, 10 p. 100 de chaque dollar dépensé doit servir à l'évaluation. Ils veulent savoir quels sont les gagnants et les perdants, bref séparer le bon grain de l'ivraie.

Les groupes cessent leur campagne à la fin de chaque exercice, faute de fonds. La Californie a fourni un financement stable dans le cadre de la Proposition 99. C'était un vote direct de la population, imposé par le Parlement. Un prélèvement constitue la formule qui s'en approche le plus au Canada. C'est correct du point de vue de la procédure. Nous pouvons invoquer cinq précédents, dont celui qui concerne les cassettes vierges et qui a été établi par le gouvernement. Cette formule assure également un financement stable. Aucun montant prélevé n'est versé au Trésor, car tout l'argent recueilli sert aux fins pour lesquelles il a été recueilli et il ne peut être détourné.

Ensuite, c'est une formule indépendante du gouvernement. Pourquoi? Parce qu'elle limite toute ingérence politique. La Californie a été aux prises avec des problèmes de censure et une tentative de détournement des fonds. En Floride, il y a eu ingérence, et les fonds ont été supprimés. Le Massachusetts a vu son financement supprimé sans aucun préavis. Tous ces États ont souffert du fait que leurs programmes étaient dirigés par des ministères gouvernementaux.

Enfin, je vous parlerai de l'ampleur du programme. Dans ce cas-ci, l'ampleur importe. Tous les programmes qui connaissent du succès sont financés à raison d'au moins 4 $US par habitant. Le centre de contrôle et de prévention des maladies d'Atlanta recommande de 5 $ à 16 $US pour des régions de la taille du Canada.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Kenny, je dois à regret vous interrompre, car la période de 15 minutes qui vous était accordée est terminée. Demandez-vous la permission de poursuivre?

Le sénateur Kenny: Oui. Puis-je avoir la permission de poursuivre?

Son Honneur le Président: La permissions est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kenny: En résumé, un ordre de grandeur d'au moins 8 $CAN par habitant, un financement stable et cohérent et des opérations sans liens de dépendance afin de décourager l'ingérence politique.

Une fois ces leçons apprises, comment avons-nous abouti au projet de loi S-13? Nous avons d'abord tenu des opérations de sensibilisation dans tout le pays. Ce fut réellement un processus d'éducation. Il en est résulté un mouvement national ayant sa propre dynamique. Les gens ne connaissaient pas la problématique fondamentale. Ils ne savaient pas que 85 p. 100 des fumeurs ont commencé à fumer avant l'âge de 16 ans ou que 45 000 personnes étaient mortes. Ils n'avaient pas entendu parler du succès en Californie, et ainsi de suite.

Pour attirer l'attention sur le projet de loi, nous avons tenté un certain nombre de choses. Des visites partout au Canada ont à la fois suscité des événements médiatiques et retenu l'attention des médias, et les Canadiens intéressés ont pu assister à des discours et à des réunions. Il y a bientôt eu un réseau croissant de groupes engagés qui voulaient participer aux activités. C'est ce qui fait que mon bureau a reçu une avalanche d'environ 4 000 demandes d'aides et de renseignements de base. Les gens posaient les questions suivantes: «Qui est mon député? Que fera le gouvernement? Comment puis-je obtenir des fonds? Que pouvons-nous faire pour que le projet de loi S-13 devienne une réalité?» Nous avons reçu une masse de courriers électroniques, d'appels téléphonique, de télécopies et de visites. En raison des demandes, il a fallu accroître le nombre de membres du personnel du bureau. Il y avait entre trois et huit personnes bénévoles, à temps plein ou à temps partiel, et elles travaillaient de 50 à 60 heures par semaine.

Pendant l'été et l'automne de 1998, le bureau a traité 5 500 pièces de correspondance d'arrivée ou de sortie. Des milliers d'autres lettres ont été reçues par des députés et des ministres à Ottawa et dans leur circonscription et appuyaient le projet de loi S-13. Plus de 2 000 appels ont été effectués. Ils ont été si nombreux que nous avons perdu le compte du nombre de demandes d'information reçues au sujet de la façon d'appuyer le projet de loi. Nous avons relevé 2 276 visites de notre site Web, qui traitaient de points relatifs au projet de loi S-13 et nous avons tenu plus de 200 réunions et activités. Nous avons tenu des réunions dans divers endroits: écoles, clubs de santé, Canadian clubs ou unités de lutte contre le cancer. Il y a eu des déplacements, beaucoup de déplacements.

On ne peut diffuser le message en restant à Ottawa. Pendant l'année, je me suis rendu dans 24 villes, parfois deux ou trois fois, pour participer à des réunions et à des manifestations. Dans chaque ville visitée, il y avait en moyenne quatre réunions par visite, sans compter les activités médiatiques. Pour l'exercice financier visé, les coûts se sont élevés à 59 000 $.

La couverture médiatique initiale a suscité un intérêt qui s'est traduit par des invitations à prendre la parole d'un océan à l'autre, et les visites ont entraîné une plus grande couverture des médias. Sur douze mois, les médias nationaux ont publié 21 éditoriaux ou chroniques favorables, parce que nous sommes allés à leur rencontre. Il y a eu un éditorial qui était incertain - et c'était bien entendu celui publié dans un quotidien de ma ville, The Ottawa Citizen. Je soupçonne Jack Aubry d'avoir été l'éditorialiste invité ce jour-là. Il y a eu 67 entrevues dans les médias électroniques. De plus, 950 journaux communautaires ont reçu des articles ou des chroniques, et 153 stations de la télé anglaise et française et du câble ont reçu des entrevues qui ont été enregistrées à Ottawa par le sénateur Nolin et moi-même.

(1850)

L'intérêt public suscité par les mesures de sensibilisation s'est traduit par l'appui de 566 groupes de toutes les provinces canadiennes et de 38 municipalités. Des groupes d'une vaste coalition ont dit qu'ils appuyaient le projet de loi S-13, dont la Société canadienne du cancer, les Grands frères, des sections locales des TCA et l'Église adventiste du septième jour, et une fois que les Canadiens ont compris la proposition, ils l'ont approuvée massivement. Selon un sondage national réalisé au printemps de 1998 par la firme Environics auprès d'un échantillon de 2 002 personnes, sondage dont le taux d'erreur est de plus ou moins 3 p. 100 19 fois sur 20, 67 p. 100 des personnes consultées étaient en faveur du projet de loi, et 53 p. 100 des fumeurs l'appuyaient. Après six mois de campagne, à l'automne de 1998, 76 p. 100 des Canadiens étaient en faveur du projet de loi, et 83 p. 100 des jeunes âgés de 18 à 29 ans l'appuyaient.

Honorables sénateurs, je vois cela comme un investissement pour la santé des enfants. La lutte contre le tabagisme coûte cher, entre 5 et 16 $ par Canadien. Actuellement, il y a 1,4 million d'enfants de 10 à 19 ans qui fument au Canada. Si nous n'agissons pas maintenant, un tiers d'entre eux mourront sept ans avant leur temps. Si nous réduisons le nombre de fumeurs au Canada de 30 p. 100, cette diminution se traduira par des économies réelles de milliards de dollars pour le système de santé. L'argent économisé pourra alors être réinvesti.

Huit collègues ont jugé la question importante. Ils ont mis leur budget en commun pour faire avancer le projet de loi S-13. Le budget de la campagne a atteint 204 000 $, plus les 59 000 $ que j'ai dépensé en frais de déplacement. C'est deux fois mon budget normal, mais, d'après des estimations, c'est environ la moitié du salaire annuel d'un lobbyiste de l'industrie du tabac à Ottawa.

Mettons les choses dans une juste perspective. Au cours de la même période de 12 mois, l'industrie a dépensé 120 millions de dollars en commandite et en publicité. L'industrie dépense aussi des millions en lobbying et en relations publiques. Encore une fois, c'est une question de promotion et de proportions.

Honorables sénateurs, l'effort du gouvernement est disproportionné par rapport aux taxes qu'il perçoit. Les ressources en santé communautaire ne font pas le poids si on compare aux profits de l'industrie du tabac. Nos ressources, en tant que législateurs, sont minimes par rapport aux activités de lobbying et de promotion de l'industrie du tabac et le projet de loi S-13 était un effort pour rétablir des proportions un peu plus justes.

Je m'en voudrais de ne pas exprimer mes remerciements aux sénateurs De Bané, Hébert, Lawson, Lucier, Sparrow, Stanbury, Gigantès et Wood. Tous ont contribué au succès de la campagne. À tous les groupes qui ont pris la peine d'exprimer leur appui au projet de loi et aux milliers de Canadiens qui ont écrit des lettres, depuis les travailleurs en soins de santé jusqu'aux écoliers en passant par les citoyens sensibilisés, un grand merci.

Qu'avons-nous accompli ensemble? Le projet de loi S-13 fournit un cadre aux gens du milieu de la santé et aux parlementaires en vue de l'élaboration de solutions au problème des maladies liées au tabagisme au Canada. C'était un exercice destiné à créer une coalition qui soit une tribune où les Canadiens puissent sensibiliser leurs enfants à l'impact du tabagisme. Cela a permis de prendre conscience de l'urgence de «dénormaliser» l'industrie du tabac. La population est désormais plus consciente des stratagèmes auxquels elles ont recours pour maintenir les jeunes captifs. Plus important encore, on est plus conscient du déséquilibre entre l'ampleur du problème et les fonds que le gouvernement a dégagés pour y faire face, d'où une meilleure compréhension de l'urgence d'en faire davantage.

Nous misons quelque peu sur l'action. Le gouvernement a manifesté son intérêt et a fait preuve de leadership relativement au tabagisme et aux maladies liées au tabac. J'ai signalé plus tôt que le gouvernement a amorcé plusieurs mesures positives de nature à réduire le taux de tabagisme chez les Canadiens, seulement la clé de voûte, la pièce maîtresse fait encore défaut.

En janvier dernier, à l'occasion de la Semaine nationale des non-fumeurs, le ministre de la Santé a annoncé que le comité du caucus sur la santé se verrait confier le mandat d'étudier un projet de loi en remplacement du projet de loi S-13. Le comité du caucus a maintenant remis son rapport au ministre. Les responsables de la politique de la santé doivent faire en sorte que le projet de loi S-13 ou un projet de loi équivalent devienne une réalité, de sorte que les Canadiens puissent prendre part au succès remporté dans d'autres pays.

Le temps est précieux. Nous savons tous que l'élaboration de la politique et la mise en place de programmes prennent du temps et exigent de nombreuses consultations. Il était raisonnable de laisser le temps au gouvernement de tenir ses promesses et de prendre des initiatives. Toutefois, nous ne pouvons pas attendre plus longtemps. Nous devons agir maintenant. Combien de temps va-il falloir attendre pour que le ministre tienne ses promesses? Parfois, je me sens pris entre un «Rock» et un mur.

Il y a trois choses que nous voulons que le gouvernement fasse. La première, c'est d'élaborer une nouvelle mesure législative pour remplacer le projet de loi S-13. Si le gouvernement a du mal à le faire, j'ai un projet de loi modifié qui, sur le plan de la procédure, est plus fort qu'une autre mesure législative pour remplacer le projet de loi S-13. Le projet de loi S-13B a été rédigé en réponse à une décision prise par le Président de l'autre endroit l'an dernier.

Ensuite, il est temps de s'attaquer à l'exemption de taxes sur les exportations. La contrebande est censée décourager un accroissement des taxes sur le tabac, mais ce trafic se poursuivra tant qu'on continuera d'exporter près de 1,5 milliard de dollars en franchise de taxes. Il suffit d'éliminer cet incitatif financier pour que nos enfants aient des millions de cigarettes de moins à acheter.

Enfin, nous avons besoin d'une augmentation des taxes sur le tabac. Il est temps que le gouvernement et les cinq provinces rétablissent la taxe d'accise à son niveau de 1994. Cela a d'énormes répercussions sur l'usage du tabac chez les jeunes. Si les cinq provinces ne veulent pas bouger maintenant, le gouvernement fédéral doit annoncer qu'il va accroître les taxes unilatéralement, car la contrebande ne devrait pas être un problème.

En se penchant rapidement sur ces trois questions, le gouvernement sauvera littéralement la vie de milliers de Canadiens. Rappelez-vous qu'au cours de la prochaine décennie, 450 000 Canadiens âgés de 10 à 19 ans deviendront dépendants du tabac. En agissant rapidement, dans trois ans, le gouvernement fédéral et les provinces pourront commencer à épargner des milliards de dollars en soins de santé. Une intervention rapide s'impose et le moment ne pourrait être mieux choisi.

Des voix: Bravo!

L'honorable Pierre Claude Nolin: Je suis persuadé que l'honorable sénateur voudra répondre à quelques questions.

La surtaxe établie en 1994 a été un élément positif. Le sénateur pourrait-il nous donner quelques chiffres quant à la somme d'argent ainsi recueillie et à la portion de cet argent qu'on a dépensée? Pour le bénéfice des honorables sénateurs, je précise que je parle de la surtaxe imposée aux fabricants de tabac.

Le sénateur Kenny: Oui, honorables sénateurs, je le peux.

En 1994, on était aux prises avec un terrible problème de contrebande. Les gouvernements du Québec, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard ont accepté, de concert avec le gouvernement fédéral, de réduire substantiellement leur taxe d'accise pour faire cesser la contrebande. En même temps, le gouvernement fédéral, pour compenser la perte, a imposé une surtaxe de 185 millions de dollars dont les bénéfices devaient servir spécifiquement à la sensibilisation sur les méfaits du tabac. Cet argent était censé être réservé à cette fin, mais le gouvernement n'en a utilisé que 56 p. 100 de cette façon. Il n'en a dépensé que 103 millions. Les 81 millions de dollars restants sont perdus quelque part. Ils ont été versés au Trésor. Jusqu'à maintenant, aucun parlementaire n'a pu obtenir de renseignements sur l'utilisation de cet argent et sur les raisons qui auraient empêché qu'on le consacre à des programmes de sensibilisation relatifs au tabac.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne veut prendre la parole, le débat sur cette interpellation est considéré comme terminé.

Le Conseil national du bien-être social

Le rapport sur les enfants du préscolaire-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Erminie J. Cohen, ayant donné préavis le 20 avril 1999:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur un rapport du Conseil national du bien-être social intitulé «Les enfants du préscolaire: Des promesses à tenir».

- Honorables sénateurs, je voudrais attirer l'attention du Sénat sur un rapport récent du Conseil national du bien-être social intitulé «Les enfants du préscolaire: Des promesses à tenir».

Je félicite le conseil d'avoir produit cet excellent rapport et de nous avoir rappelé une fois de plus que la politique nationale sur les garderies est un problème important et qu'il ne va pas se régler tout seul. Il s'agit d'un besoin qui mérite un examen sérieux. À un moment donné, tous les gouvernements ont négligé le problème. Nous devons agir rapidement pour que l'élaboration d'une politique nationale sur les garderies devienne une priorité pour le gouvernement.

Depuis une décennie, les décisions du gouvernement fédéral, qui s'est retiré du financement des garderies, ont entraîné une énorme pénurie de places en garderie. Le rapport «Childcare in Canada», du Childcare Ressource and Research Unit, à l'Université de Toronto, nous dit que, en 1995, il y avait au Canada plus de 5 millions d'enfants de moins de 12 ans. Les mères de plus de 3 millions d'entre eux étaient sur le marché du travail.

Malheureusement, seule une infime partie des enfants dont les parents font partie de la population active vont dans des garderies réglementées. Le Canada n'a que 425 000 places dans les garderies réglementées, ce qui est assez pour seulement environ 8,5 p. 100 des enfants qui doivent se faire garder.

Comme l'honorable sénateur Spivak l'a dit dans sa réponse au budget, le 15 avril:

Des années de réductions par les gouvernements - toutes sortes de gouvernements - des paiements de transfert aux provinces ont fait très mal aux services de garde d'enfants. Cette baisse importante des transferts fédéraux a entraîné une réduction du nombre de places dans les garderies réglementées.

Aujourd'hui, en Ontario, les parents ont de la difficulté à trouver des places dans des garderies réglementées. Ils mettent les noms des enfants non encore nés sur des listes d'attente, qui ne cessent de s'allonger. L'été dernier, à Toronto, le taux de vacance dans les 725 garderies réglementées de la ville est tombé à zéro pour la première fois. Au Québec, un rapport récent révèle qu'on aura besoin de 100 000 nouvelles places - le double du nombre actuel - d'ici six ans. Au cours de la prochaine décennie, les petites-filles et les petits-fils de la génération du baby-boom commenceront à arriver. [...] Une situation déjà difficile va empirer, à moins que le gouvernement fédéral n'intervienne.

Honorables sénateurs, nous savons qu'un grand nombre des enfants Canadiens ne se développent pas comme nous le voudrions. Le tableau n'est pas joli. De nombreux enfants souffrent des effets de l'éclatement de la famille, de la pauvreté et des tensions familiales causées par les longues heures pendant lesquelles les deux parents doivent travailler pour joindre les deux bouts. Nous savons aussi qu'il y a dix ans, le gouvernement canadien a promis d'éliminer la pauvreté chez les enfants avant l'an 2000. Il a ensuite fait une autre promesse aux enfants en 1991, en ratifiant la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant, et il s'est engagé à reconnaître spécialement les enfants et à garantir un niveau de vie approprié aux familles.

Nous devons nous demander si toutes ces promesses font vraiment une différence. Dans quelle mesure nos enfants en ont-ils profité? Malheureusement, depuis ce temps-là, la pauvreté chez les enfants a continué de grimper, le pourcentage des divorces gravite toujours aux alentours des 50 p. 100 et l'instabilité est une réalité bien concrète pour bon nombre de jeunes enfants qui souffrent d'avoir perdu un parent et qui manquent souvent de confort matériel parce que les familles monoparentales sont de loin plus exposées à la pauvreté que les autres.

Le financement des services nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des enfants, par exemple les services sociaux, les soins de santé et l'éducation, a été considérablement réduit par tous les gouvernements au cours de la dernière décennie. En fait, nos politiques nationales ont presque toutes abandonné les enfants au cours des dernières années. Les modifications apportées au programme de prestations pour enfants n'ont aidé qu'un certain nombre de familles à faible revenu, mais pas les autres, ce qui tend à nous rappeler que nos gouvernements n'arrivent pas à mettre sur pied des programmes universels qui permettraient de venir en aide à tous les enfants.

Au lieu de cela, le gouvernement fédéral ne fait que se servir du système de transfert et d'imposition pour redistribuer ces sommes aux familles à faible revenu qui font partie de la population active en vue de les aider à défrayer les coûts de garde d'enfants. Toutefois, ces parents ne reçoivent qu'une fraction des frais de garde réguliers et ils doivent donc se contenter de soins de moindre qualité.

Dans un effort pour ramener les besoins des familles à l'ordre du jour, le Conseil national du bien-être recommande un système intégré de politiques familiales qui oeuvrent de concert pour aider les parents à s'occuper de leurs enfants. L'élément central de cette politique familiale réside dans un programme de garderies de qualité à prix abordable, et l'opinion du conseil, selon qui la garderie représente la mesure la plus importante que les gouvernements puissent prendre pour venir en aide aux familles avec de jeunes enfants est logique, car elle est avantageuse tant pour les parents que pour les enfants.

Premièrement, elle donne aux parents, surtout aux mères, la possibilité de travailler. C'est important à une époque où les familles ont généralement besoin de deux revenus pour survivre.

Deuxièmement, la garderie de qualité offre un système d'éducation de la petite enfance qui assure à tous les enfants une chance égale de bon développement. Les parents qui choisissent de rester à la maison auprès de leurs jeunes enfants auraient la possibilité d'inscrire leurs enfants à des programmes de garderie éducative à temps partiel.

Ce programme est très similaire au système proposé par Condition féminine Canada dans son rapport de 1998 intitulé «Le soutien aux femmes, le travail des femmes», qui préconisait un système national de garderie qui soit complet, universellement disponible, à prix abordable et de grande qualité.

Le Conseil national du bien-être est également d'avis que la création d'un programme national de garderies est la meilleure façon de lutter contre la pauvreté chez les enfants et chez la famille. Un rapport rédigé par Sharon Irwin et Donna Lero et intitulé «Dans notre chemin: Obstacles en matière de garde d'enfants qui empêchent les parents d'enfants ayant des besoins spéciaux de participer pleinement à la vie active» montre que la pénurie de services de garderie abordables et de qualité est le principal obstacle qui empêche les mères à faible revenu de travailler. Les auteurs concluent que la fréquence de la suspension des services de garderie, même si elle est faible, sert à convaincre les mères à faible revenu que la seule option dans laquelle elles peuvent avoir pleinement confiance consiste à quitter leur travail et à rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants. Cette décision les amène à faire d'énormes sacrifices financiers.

Ce n'est là qu'une étude parmi tant d'autres qui illustre la mesure dans laquelle des services de garderie fiables et abordables peuvent aider les membres de bien des familles à réintégrer le marché du travail. Nous savons que les familles où les parents travaillent ont moins tendance à vivre dans la pauvreté, surtout dans la misère.

Chez les chefs de famille monoparentale, le taux de pauvreté est renversant. Il atteint plus de 90 p. 100. Dans leur cas, il leur est impossible de toucher un revenu de travail s'ils ne peuvent compter sur des services de garderie. Les Canadiens les plus pauvres sont ceux qui ne doivent compter que sur les services sociaux. Les parents qui reçoivent de l'aide sociale ont fait savoir à de nombreuses occasions au gouvernement qu'ils avaient besoin de services de garderie sûrs et abordables.

Pourtant, lorsque les gouvernements conçoivent des programmes pour aider les parents à faire la transition entre l'aide sociale et le marché du travail, on présume qu'un voisin se proposera, moyennant des frais minimaux, pour s'occuper des enfants. Ce n'est souvent pas le cas. Même si c'était le cas, bien des mères hésiteraient à laisser leurs enfants dans des garderies non réglementées.

Il semble, honorables sénateurs, qu'elles aient de bonnes raisons de nourrir des craintes. Selon des études sur les garderies réalisées en 1986 et 1987, les garderies privées, non supervisées, ne donnent que des soins satisfaisants. On a constaté que les garderies non accréditées étaient systématiquement moins bien cotées que les garderies accréditées et réglementées.

Les problèmes dans les garderies non officielles étaient nombreux. Beaucoup d'enfants n'allaient pas jouer dehors. Les employés ne lisaient pas, ne chantaient pas et ne jouaient pas avec les enfants. Beaucoup d'enfants passaient leur journée à regarder la télévision, et la plupart des employés avaient trop d'enfants à surveiller pour s'occuper de chacun d'eux comme il convenait.

Nous ne pouvons pas accepter que des parents à faible revenu laissent leurs enfants dans des garderies qui laissent à désirer, où nous ne voudrions pas envoyer nos enfants et nos petits-enfants. Honorables sénateurs, nos politiques sur l'aide sociale doivent tenir compte de cela.

Aider les parents à entrer dans la main-d'oeuvre rémunérée constitue peut-être la meilleure stratégie pour lutter contre la pauvreté des enfants. Or, nombre de gens qui s'opposent au programme de garderies financées par le gouvernement font valoir que nous n'en avons pas les moyens. Toutefois, dans la nouvelle économie, on doit considérer l'argent consacré aux garderies comme un investissement.

Dans le rapport de l'équipe des soins destinés aux enfants de l'Université de Toronto intitulé «Les avantages et les coûts liés à de bons services de garde à l'enfance», les auteurs concluent qu'il existe actuellement assez d'études sur le lien entre des programmes visant la petite enfance de qualité et le sain développement des enfants pour nous permettre de tenir compte des résultats concernant les enfants quand nous examinons l'analyse coûts-avantages des garderies publiques.

Quels sont ces avantages en matière de développement? Ils comprennent des coûts plus bas de l'éducation future de l'enfant et une réduction des coûts de santé et des services sociaux correctionnels. La High/Scope Perry Preschool Program Study aux États-Unis a produit un rapport souvent cité qui a évalué les économies réalisées à 7 $ environ pour chaque dollar dépensé dans les garderies autorisées.

(1910)

Honorables sénateurs, le bienfait le plus important est peut-être le résultat final, c'est-à-dire un citoyen instruit qui est plus susceptible d'être actif sur le marché du travail. Cela pourrait aussi être la solution à notre problème actuel de faible productivité. À ce titre, un système national de garde d'enfants atteint deux objectifs: d'abord, il optimise la productivité de la main-d'oeuvre existante. Une étude récente a démontré que le problème de productivité, ou de niveau de vie, comme l'a rebaptisé le gouvernement, vient du fait que trop peu de Canadiens font partie de la population active.

L'étude montre aussi que les travailleurs qui s'inquiètent à cause de services de garde d'enfants non fiables ou non conformes aux normes sont moins productifs au travail et ont des taux d'absentéisme plus élevés. Des services de garde abordables et fiables vont nécessairement attirer plus de gens vers le marché du travail et leur permettre de se concentrer sur la tâche à accomplir. Cela augmente la productivité et améliore le moral.

Le gouvernement fédéral a affirmé son attachement à la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes. L'alinéa 11.2c) de cette convention dit que les États parties - et le Canada est du nombre - devraient prendre des «mesures appropriées pour encourager la fourniture des services sociaux d'appui nécessaires pour permettre aux parents de combiner les obligations familiales avec les responsabilités professionnelles et la participation à la vie publique, en particulier en favorisant l'établissement et le développement d'un réseau de garderies d'enfants».

Cependant, dans la pratique, on est très loin de l'objectif. Le Centre canadien de gestion a publié un rapport sur les mères qui travaillent en 1994. La conclusion en était que la plupart des mères trouvent les exigences du travail et de la famille écrasantes et ont souvent envie d'abandonner leur emploi.

L'automne dernier, le Globe and Mail publiait une étude de l'Université Carleton qui montrait que notre fonction publique exerce une discrimination contre les femmes qui ont une famille. L'étude concluait qu'avoir des enfants constitue un obstacle formidable à l'avancement des femmes jusqu'aux échelons de la gestion dans notre fonction publique fédérale. Cela est étonnant, honorables sénateurs, puisque la fonction publique est en général perçue comme un des employeurs les plus progressistes. D'autres secteurs sont beaucoup moins flexibles devant les responsabilités familiales. Le résultat, c'est du stress, des séparations, des divorces et la pauvreté pour les femmes canadiennes qui peuvent être contraintes de choisir entre avoir des enfants et travailler à l'extérieur du foyer.

Honorables sénateurs, dans son livre rouge, le gouvernement promettait une augmentation importante du nombre de places dans les garderies. On peut supposer qu'il a fait cette promesse parce qu'il comprenait l'importance des services de garde d'enfants dans la formulation de la politique familiale. Pourtant, le nombre de places a diminué depuis que les libéraux ont pris le pouvoir.

Honorables sénateurs, je crois que, pour améliorer la vie des enfants dans notre pays, nous devons exiger que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership relativement à nos programmes sociaux. La mesure la plus efficace à prendre pour commencer, c'est la création d'un programme national de garderies qui soit universel, abordable, complet et de bonne qualité. Nos familles le méritent, notre pays le mérite, notre avenir le mérite, mais, surtout, nos enfants le méritent.

(Sur la motion du sénateur Cohen, au nom du sénateur Pépin, le débat est ajourné.)

Les solutions au problème du tabagisme

Interpellation-Annulation du débat

L'honorable Colin Kenny, ayant donné avis le 13 mai 1999:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les solutions au problème du tabagisme.

- Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, je voudrais que cet article soit rayé du Feuilleton.

(L'ordre est annulé.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Lorna Milne, conformément à l'avis du 8 juin 1999, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger pendant la séance du Sénat du lundi 14 juin 1999, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, à quelle heure lundi le comité compte-t-il siéger?

Le sénateur Milne: Le comité est censé commencer à siéger à 10 h 45, lundi, avec une longue liste de témoins. Nous prévoyons entendre la ministre sur le projet de loi C-69. Nous espérons compléter notre liste de témoins avant que la séance du Sénat ne commence.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

Projet de loi sur les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques

L'adoption par les Communes des amendements du Sénat

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-55, Loi concernant les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques, qui fait savoir au Sénat que la Chambre des communes a adopté les amendements que le Sénat a apporté à ce projet de loi sans amendement.

(Le Sénat s'ajourne au lundi 14 juin 1999, à 16 heures.)


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