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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 71

Le jeudi 22 juin 2000
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 22 juin 2000

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Mlle Michelle Dust

Hommage à l'occasion de son départ

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, j'aimerais appeler notre page en chef, Michelle Dust.

[Français]

Michelle nous quitte après avoir servi comme page pendant trois ans.

[Traduction]

Michelle se propose de voyager en Europe cet été, après quoi elle retournera à Calgary en septembre pour entreprendre une carrière de comptable à la firme comptable Ernst & Young.

Des voix: Bravo!

[Français]

De plus, honorables sénateurs, je veux lui présenter son certificat.

[Traduction]

Michelle Dust, page, 1998-2000, en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle au Programme des pages du Sénat.

Des voix: Bravo!
[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée nationale des enfants disparus

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, le 25 mai dernier se tenait la Journée nationale des enfants disparus. Saviez-vous, honorables sénateurs, que plus de 160 enfants disparaissent chaque jour au Canada? Cette statistique est l'une des malheureuses données qui apparaissent dans un rapport rendu public par le Bureau d'enregistrement des enfants disparus de la Gendarmerie Royale du Canada. On peut aussi y lire qu'en 1999, plus de 60 300 enfants au Canada ont été portés disparus, ce qui, en d'autres mots, signifie que près de sept enfants sont portés disparus toutes les heures au Canada.

Près des deux tiers de ces quelque 60 000 enfants disparus sont des fugueurs. Les données de la GRC révèlent que ces enfants, surtout des filles, ont autour de 14-15 ans et n'appartiennent à aucune classe sociale en particulier. Le plus souvent, ces enfants sont issus d'un milieu familial dysfonctionnel: un parent ou un proche abuse d'alcool, de drogue ou adopte une attitude abusive envers l'enfant, situation associée à l'émergence de violence physique, psychologique, émotionnelle. La fugue est l'une des réponses offertes par les enfants à ce contexte; avant cela, il y a une baisse de l'estime de soi, une tendance à la dépression voire même au suicide, des problèmes d'apprentissage ou de comportement à l'école, des abus d'alcool, de drogues ou autres matières illicites, pour ne nommer que ces éléments.

Outre les fugues, des enfants s'égarent, d'autres sont enlevés par un parent ou par un étranger, d'autres encore ont des accidents. En dépit de tous les efforts déployés par la GRC et les différents corps policiers au Canada, il y a toujours près de 10 000 enfants dont la disparition reste aujourd'hui inexpliquée. Je n'ose pas imaginer ce qui a pu leur arriver. Mais je sais - et vous le savez aussi, honorables sénateurs - que la traite des filles et des femmes existe toujours au Canada, que cette traite sert à alimenter des réseaux de prostitution tant au Canada qu'à l'étranger.

Vous conviendrez avec moi, honorables sénateurs, que cette situation est intolérable! Elle l'est d'autant plus que le Canada est perçu, au plan international, comme l'un des pays où il fait le mieux vivre.

Que tant d'enfants soient ainsi portés disparus chaque année au Canada a de quoi susciter la réflexion. Comment expliquer qu'un nombre aussi important d'enfants - autour de 47 500 en 1999 - se sauvent de leur milieu familial? Ces enfants cherchent d'abord et avant tout à échapper à une situation qu'ils perçoivent comme les rendant malheureux; ils fuguent parce qu'ils pensent trouver mieux ailleurs. Ces enfants recherchent le bonheur, bien qu'il ne soit pas certain qu'ils le trouveront au bout de leur fugue.

Nous vivons dans un monde où la communication entre les parents et les enfants n'est pas toujours facile. Je vais vous donner un exemple de cela. Un article paru récemment dans un quotidien montréalais rapportait les résultats d'une étude menée par Judith Maxwell des Réseaux canadiens de recherche en politique publique. La chercheuse révélait que les parents devaient maintenant travailler en moyenne l'équivalent de plus d'une semaine et demie pour pouvoir payer les frais de subsistance annuels de leur famille: payer les aliments, les vêtements, le logement, l'éducation et les loisirs. Selon l'auteure de la recherche, la surcharge de travail ainsi que la course quotidienne entre la garderie, l'école et les autres activités familiales créaient un niveau de stress qui pouvait éventuellement affecter les enfants, notamment engendrer des problèmes de comportement. La chercheuse insistait toutefois pour dire que cette surcharge n'entraînait pas automatiquement des problèmes pour les enfants, mais qu'elle était une condition favorable à l'émergence de telles difficultés. Elle concluait sur l'importance de créer un environnement où cohabitent en harmonie les responsabilités familiales et professionnelles.

En terminant, honorables sénateurs, nous devons mieux comprendre le phénomène des enfants disparus, et plus particulièrement celui de la fugue. Nous en connaissons encore relativement peu sur ce phénomène et aurions grandement intérêt à combler cette lacune, par exemple en soutenant la recherche dans ce domaine. Il nous faut écouter ces enfants qui s'enfuient du domicile familial, saisir leurs motivations à agir ainsi et comprendre comment ils interprètent leur action. Il nous faut aussi être sensibles à la douleur des parents, comprendre leurs propres perceptions et interprétations du geste que pose leur progéniture. Bref, il nous faut réagir à ce mal qui frappe la jeunesse canadienne.

[Traduction]

(1410)

Le rapport sur l'examen de la Loi canadienne sur les droits de la personne

Les recommandations concernant le motif de distinction illicite portant sur la condition sociale

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, certains d'entre vous s'en souviennent peut-être, au mois de décembre 1997, j'ai présenté le projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, afin d'ajouter la condition sociale comme motif de distinction illicite. C'est un geste logique après la publication de mon rapport intitulé «La pauvreté au Canada: le point critique», quand j'ai demandé une recommandation en vue d'interdire la pratique discriminatoire fondée sur la situation économique. Il y avait vraiment lieu au Canada de protéger les Canadiens les plus pauvres contre la discrimination axée sur le dénigrement des pauvres et les stéréotypes.

Le Sénat a derrière lui une longue et riche histoire en ce qui a trait à la pauvreté et aux droits de la personne et vous, honorables sénateurs, avez suivi cette tradition lorsqu'en juin 1998 vous avez adopté à l'unanimité le projet de loi S-11. La mesure législative a cependant été rejetée à l'autre endroit.

La ministre de la Justice a annoncé à ce moment-là qu'on entreprendrait une révision exhaustive de la Loi canadienne sur les droits de la personne dans le cadre de laquelle on aborderait la question de la condition sociale. Un comité a donc été formé par la ministre afin d'examiner et d'analyser la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce comité était présidé par l'honorable Gerard La Forest, du Nouveau-Brunswick, un ancien juge de la Cour suprême du Canada. Voici un passage du rapport:

Le comité a été invité par la ministre à examiner plus spécialement la possibilité d'ajouter la «condition sociale» parmi les motifs illicites de discrimination. Nous devons donc déterminer ce que signifie cette expression et, au cas où nous décidions de recommander de l'ajouter à la loi, s'il faudrait lui donner une définition statutaire.

Le comité a présenté son rapport hier, honorables sénateurs. Huit pages du rapport sont consacrées exclusivement à la question de la condition sociale. En lisant le rapport, vous y trouverez des réponses à certaines des préoccupations que vous avez pu avoir au cours de nos débats antérieurs. Entre-temps, voici ses recommandations:

124. Nous recommandons que la condition sociale soit ajoutée à la liste des motifs illites de discrimination énoncés dans la loi;

125. que ce motif soit défini d'après la définition mise au point au Québec par la Commission des droits de la personne et par les tribunaux, en limitant cependant la protection aux groupes défavorisés;

126. que la ministre recommande à ses collègues du Cabinet que le gouvernement passe tous ses programmes en revue afin de réduire le genre de discrimination que nous avons décrit ici, et qu'elle crée des programmes visant à combattre les inégalités engendrées par la pauvreté;

127. que la loi prévoie des exceptions lorsqu'il est essentiel de protéger certains programmes gouvernementaux complexes d'une révision aux termes de la loi;

128. que la loi stipule que les organismes tant publics que privés puissent mettre en oeuvre des programmes d'action positive ou d'équité visant à améliorer la situation des personnes défavorisées par leur condition sociale ou à l'égard des autres motifs illicites de discrimination énoncés dans la loi; et

129. que la Commission étudie les problèmes liés à la condition sociale, y compris les interactions entre ce motif et les autres motifs illicites de discrimination, et qu'elle examine s'il convient d'émettre des lignes directrices pour préciser les éléments constitutifs de ce motif de discrimination.

Je vous remercie, honorables sénateurs, de votre sagesse. Vous pouvez vous en congratuler.

[Français]

L'honorable Jean Lesage
Le Très honorable Brian Mulroney

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, j'aimerais porter à l'attention de cette Chambre deux événements politiques extrêmement importants qui ont marqué la vie politique du Québec et du Canada.

Le premier événement est particulièrement heureux. Le 22 juin 1960, il y a 40 ans, M. Jean Lesage prenait la direction des affaires publiques au Québec. M. Lesage a fait une partie de sa carrière à Ottawa; il connaissait donc bien la qualité et la nature de l'administration publique canadienne. Il a pu ainsi contribuer, à l'époque de la Révolution tranquille au Québec, à une réforme de l'administration publique qui a permis au Québec de prendre son envol. Cette époque a donné naissance au Québec moderne et a laissé toute liberté à l'ensemble du peuple québécois et canadien de devenir cette société d'excellence dans un nombre incalculable de domaines.

Il convient de rendre hommage à la contribution éminente de ce très grand Québécois et très grand Canadien qu'était M. Jean Lesage et, bien sûr, d'y associer celle de tous ceux qui y ont contribué, dont au premier chef, mon amie, l'honorable sénateur Lise Bacon, collaboratrice jusqu'à la dernière heure de M. Lesage, le sénateur Raymond Setlakwe, le sénateur Roch Bolduc, qui a agi comme haut fonctionnaire auprès de M. Lesage, et le sénateur Arthur Tremblay.

Il convient de souligner cet événement très important qui a fait du Québec cette société turbulente à l'intérieur du Canada, parfois un peu agaçante et énervante pour nombre de Canadiens. Cependant, l'ensemble du peuple canadien reconnaît que ce qu'est devenu le Québec d'aujourd'hui, grâce à Jean Lesage, constitue un attribut essentiel de la définition et de l'authenticité de la personnalité culturelle et politique du Canada.

La contribution de M. Lesage est à l'avantage non seulement du Québec, mais aussi du Canada.

Honorables sénateurs, le deuxième événement est moins heureux, mais il me permet d'exprimer toute ma reconnaissance et celle du peuple québécois envers un autre grand Québécois et grand Canadien qui avait une vision juste, généreuse et créatrice de l'avenir du Québec et du Canada, le très honorable Brian Mulroney. Avec le premier ministre du Québec de l'époque, M. Robert Bourassa, il a déclenché la démarche de l'Accord du lac Meech, dont malheureusement demain, le 23 juin 2000, sera le dixième anniversaire de son échec.

Ce fut une initiative unique, historique et absolument nécessaire dans la réconciliation de la société québécoise avec la société canadienne. Nous mesurons encore aujourd'hui, honorables sénateurs, les conséquences désastreuses de cet échec sur la vie politique canadienne.

En tant que membre du Parti libéral du Québec, j'attribue à cet échec les très grandes difficultés que connaît depuis le Parti libéral du Québec. Un pourcentage de 15 à 20 p. 100 de la clientèle du Parti libéral du Québec l'a quitté à la suite de cet échec. Si les gens consultaient les sondages actuels, ils constateraient que s'il devait y avoir des élections fédérales demain matin, 40 p. 100 des Québécois, dont 60 p. 100 des Québécois francophones, appuieraient les partis séparatistes.

Ceux qui ont saboté l'Accord du lac Meech doivent réfléchir à cela. Si cet accord avait été entériné, nous n'aurions pas à faire face au Bloc québécois, nous n'aurions pas connu l'éprouvant référendum de 1995, et l'excellent professeur Dion serait toujours professeur à l'Université de Montréal. Ce qui n'est pas une moindre conséquence, nous n'aurions pas le projet de loi C-20. Le caucus sénatorial ne serait pas divisé sur une telle question. Bref, ce serait presque le paradis sur terre.

Bien sûr, ce n'était pas l'ambition de M. Mulroney, premier ministre du Canada à ce moment. La vision du premier ministre Mulroney sur les rapports du Québec et du Canada était, est et demeure la vision la plus juste qu'un chef politique canadien ait eue depuis Lester B. Pearson. Je le dis avec d'autant plus de certitude que cette vision est entièrement partagée par M. Paul Martin et bien d'autres membres du Parti libéral du Canada.

Malheureusement, cette vision n'a pas pu s'exprimer, mais un jour viendra où il faudra qu'elle s'exprime pour qu'on en finisse avec ces tensions continuelles, destructrices, venant autant de la société québécoise que de la société canadienne.

Ce n'est pas, honorables sénateurs, avec des cataplasmes comme ceux qui nous occupent en ce moment que nous réglerons ce problème de fond. Cela prendra, dans un avenir le plus rapproché possible, des gens de vision comme ont su l'être le très honorable Brian Mulroney, M. Robert Bourassa, ainsi que tous les autres premiers ministres de l'époque.

[Traduction]

(1420)

Les Nations Unies

La publication du guide sur le Sommet du millénaire-Le cadre des traités multilatéraux-L'influence du droit international

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais vous signaler deux initiatives entreprises par les Nations Unies qui méritent notre appui.

Le 15 mai 2000, le secrétaire général des Nations Unies a envoyé une lettre à tous les chefs d'État ou de gouvernement pour les inviter à profiter de l'occasion du Sommet du millénaire, qui doit avoir lieu à New York, du 6 au 8 septembre 2000, pour signer et ratifier les conventions multilatérales déposées auprès de lui ou y souscrire.

Pour la gouverne des sénateurs, il y avait, le 15 mai 2000, 514 traités multilatéraux déposés auprès du secrétaire général, et ces traités couvraient tout l'éventail de l'interaction humaine. Je suis heureuse de dire que les Nations Unies ont publié un document intitulé Le cadre des traités multilatéraux du Sommet du millénaire. Ce document offre pour la première fois un guide concis de ces instruments internationaux.

À l'intérieur du document, pour la première fois, on énumère tous les traités multilatéraux dans un compendium qui est bref et exhaustif. C'est un guide facile à consulter. Il sera peut-être utile au groupe parlementaire sur les droits humains, regroupant tous les partis, qui a été créé récemment et qui a fait part de son désir d'étudier la ratification des traités et leur mise en oeuvre quant aux répercussions sur le Canada.

Je veux féliciter Son Excellence, M. Hans Corell, conseiller juridique et sous-secrétaire général adjoint des Nations Unies, pour la deuxième initiative. M. Corell a cité un livre de Brian Urquhart et Erskin Childers intitulé A World in Need of Leadership: Tomorrow's United Nations. On y dit:

Le droit international, qui jusqu'à hier était encore, semble-t-il, relégué au second plan dans les affaires humaines, étend maintenant ses tentacules dans des domaines jusqu'ici inimaginables. Les nations du monde ont souscrit à un nombre sans précédent d'ententes dans pratiquement toutes les branches de l'activité humaine, qu'il s'agisse du fond des océans jusqu'à l'espace intersidéral en passant par le climat de la planète, durant les 40 dernières années seulement. On a assisté à une croissance vraiment incroyable du droit international public, qui va s'accélérer au cours du prochain siècle. La nécessité pressante d'un système international basé sur le droit n'a jamais été aussi évidente.

Avec cela à l'esprit, M. Corell a écrit à tous les doyens de facultés de droit du monde entier pour les inviter à inscrire le droit international dans leurs programmes d'études. Dans certaines facultés, le droit international est enseigné. Dans d'autres, on lui accorde parfois une attention marginale. Dans tous les cas, il faut intégrer complètement le droit international aux programmes d'études des facultés de droit.

Honorables sénateurs, un comité des Nations Unies a été chargé de réaliser cet objectif. Je suis heureuse de noter que Sharon A. Williams, professeur de droit international à la Osgoode Hall Law School, de l'université York, a accepté de participer à ce projet.

Étant donné que nous attachons une attention de plus en plus grande à l'enseignement postsecondaire au Canada dans cette enceinte, et étant donné que nous sommes témoins d'une mondialisation de plus en plus importante et de la croissance du droit international, il serait utile de souscrire à cette initiative. J'exhorte les sénateurs à encourager les facultés de droit de leurs régions à donner plus d'importance au droit international dans leurs programmes d'études.

Son Honneur le Président: J'ai le regret d'informer le Sénat que, même s'il reste deux sénateurs sur ma liste d'orateurs, les 15 minutes réservées aux déclarations de sénateurs sont écoulées.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le vérificateur général

Dépôt du rapport annuel de 1999-2000

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport du Bureau du vérificateur général intitulé «Rapport annuel de 1999-2000, Loi sur la protection des renseignements personnels, conformément à l'article 72 de la Loi sur la protection des renseignements personnels».

[Traduction]

Application de la loi et responsabilité criminelle

Dépôt du livre blanc

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer un livre blanc du gouvernement du Canada concernant l'application de la loi et la responsabilité criminelle, en date du mois de juin courant, auquel est annexée une proposition d'amendement au Code criminel visant à mettre les fonctionnaires à l'abri de poursuites criminelles.

[Français]

Les langues officielles

Dépôt du troisième rapport du comité mixte

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le troisième rapport du Comité mixte permanent des langues officielles concernant la réalisation d'une étude sur l'application de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles.

[Traduction]

La protection civile

Dépôt du rapport du comité des finances nationales concernant l'examen

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales concernant l'examen de la protection civile au Canada.

Privilèges, Règlement et procédures

Présentation du sixième rapport du comité

L'honorable Jack Austin, président du Comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, présente le rapport suivant:

Le jeudi 22 juin 2000

Le Comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure a l'honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

1. Le mercredi 3 mai 2000, le sénateur David Tkachuk a soulevé au Sénat une question de privilège par suite de la parution ce même jour dans le National Post d'un article intitulé «Senate report urges capital gains tax cut». La question de privilège a été résolue le jeudi 4 mai 2000, alors que le Président pro tempore a établi qu'elle était fondée à première vue. Conséquemment, le sénateur Tkachuk a présenté la motion ci-après, qui a été approuvée par le Sénat:

Que la question de privilège concernant la communication non autorisée du Cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit renvoyée au Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure.

2. Votre comité a tenu une réunion à propos de l'ordre de renvoi le mercredi 10 mai 2000, à laquelle ont assisté le sénateur Tkachuk et le sénateur Leo Kolber, président du Comité des banques. Votre comité a aussi étudié l'affaire à des réunions à huis clos tenues le mercredi 17 mai 2000 et le 31 mai 2000.

3. L'article paru dans le National Post portait sur le rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce relativement à l'imposition des gains en capital. Il citait abondamment la version finale du rapport, lequel avait été approuvé par le comité mais pas encore été présenté au Sénat. L'article précisait d'ailleurs que le rapport du comité n'avait pas encore été publié. À cause de cette publicité prématurée, le sénateur Kolber, président du comité, a déposé le Cinquième rapport au Sénat le 3 mai 2000, soit plusieurs jours avant la date prévue.

4. Il ne fait aucun doute qu'il y a eu fuite aux médias du Cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Le rapport avait été adopté par le comité lors de réunions à huis clos, et n'avait pas encore été déposé au Sénat. La publication de l'article dans le National Post le 3 mai 2000 était non autorisée et était prématurée. Il semble que le journaliste ait eu accès à un exemplaire de la version finale qui devait être déposée. Cela constitue clairement une atteinte aux privilèges du Sénat et un outrage au Parlement.

5. La fuite de rapports de comité est un problème qui préoccupe votre comité depuis plusieurs mois. Dans le passé, les comités sénatoriaux n'ont pas vraiment connu de problème important touchant la communication non autorisée de leurs rapports ou d'autres documents confidentiels. La série de fuites qui se sont produites dernièrement est une situation inquiétante et déplorable.

6. Le travail du Sénat et des sénateurs est fondé sur la confiance et la collégialité. Chaque fois qu'une fuite survient, elle compromet l'intégrité de la Chambre et de ses travaux. Comme l'a dit le sénateur Tkachuk à votre comité, la publication prématurée du Cinquième rapport a heurté le Sénat et offensé tous les sénateurs; elle a affaibli le plan de communication qui avait été dressé pour la publication du rapport et posé des obstacles au travail du Comité des banques et du Sénat.

7. Le Quatrième rapport du votre comité, lequel a été déposé au Sénat le 13 avril 2000, établit une procédure sur la conduite à tenir en cas de fuite de rapports de comité. Essentiellement, le comité propose que le comité concerné commence par faire enquête sur la fuite, afin d'en déterminer la source, et qu'il en évalue la gravité. Bien que le rapport n'ait pas encore été approuvé par le Sénat, votre comité a décidé de prendre cet exemple-ci pour montrer comment pareille enquête pourrait se dérouler.

8. Le sénateur Kolber a informé votre comité qu'il avait convoqué une réunion informelle des membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, mais qu'aucun des membres présents n'avait reconnu qu'il était coupable de la fuite. Votre comité, de son côté, a invité tous les membres à sa réunion du 10 mai 2000, et plusieurs d'entre eux ont pu y assister. Par la suite, votre comité a envoyé une lettre accompagnée d'un court questionnaire à tous les membres du Comité des banques leur demandant s'ils avaient divulgué le contenu du rapport ou s'ils étaient au courant de la fuite d'une manière quelconque. Tous les membres ont répondu négativement. Le comité a aussi interrogé le greffier du comité, ainsi que les adjoints des différents membres du comité que l'on sait avoir eu accès au rapport final ou en avoir demandé des exemplaires. Des tentatives ont été faites pour retracer tous les exemplaires de la version finale du rapport.

9. Votre comité n'a pu identifier la source de la communication prématurée et non autorisée du Cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous n'avons pu trouver ou établir clairement qui aurait pu divulguer le rapport ou comment le journaliste du National Post a reçu l'information ou un exemplaire du rapport à partir duquel il a rédigé son article du 3 mai 2000.

10. Cette affaire confirme encore la nécessité pour tous les comités sénatoriaux de revoir et d'observer scrupuleusement la procédure à suivre pour protéger les documents confidentiels. Comme l'a souligné votre Comité dans son Quatrième rapport, diverses mesures pourraient et devraient être adoptées par les comités durant la rédaction et l'étude des rapports avant qu'ils ne soient déposés au Sénat. Le Sénat doit prendre des mesures pour s'assurer que des systèmes et des mécanismes de sécurité soient en place pour prévenir les fuites et pour assurer le caractère confidentiel des documents des comités, notamment des ébauches de rapport avant leur dépôt au Sénat. Dans le même ordre d'idées, afin de réduire le risque des fuites prématurées et non autorisées, il est essentiel que toutes les personnes concernées soient conscientes des exigences de confidentialité et des sanctions applicables en cas de non-conformité.

11. Il serait très malheureux que la fuite visant des documents des comités devienne aussi répandue au Sénat que dans d'autres assemblées législatives. La plupart des sénateurs sont convaincus qu'il faut éviter que cela se produise. Votre comité est d'avis qu'il appartient collectivement à tous les sénateurs et à l'Administration du Sénat de veiller à ce que la confidentialité des ébauches de rapport et des autres documents des comités soit respectée et protégée.

12. L'établissement d'un mécanisme a été envisagé où un comité serait autorisé à faire paraître un rapport avant son dépôt au Sénat, sous réserve d'embargo, à des membres de la Tribune de la presse parlementaire sans enfreindre les privilèges du Sénat. Le comité réserve toutefois ses recommandations pour le moment.

Respectueusement soumis,

Le président,
JACK AUSTIN

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Austin, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Présentation du septième rapport du comité

L'honorable Jack Austin, président du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure présente le rapport suivant:

Le jeudi 22 juin 2000

Le Comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure a l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité soulève la question de la période de temps réservée aux déclarations des sénateurs. L'article 22(6) fixe la durée des interventions à «au plus trois minutes». Dans la pratique, malheureusement, les sénateurs demandent régulièrement de prolonger cette limite. Comme le stipule l'article 22(4), l'objet des Déclarations est de permettre aux sénateurs de soulever des questions qu'ils jugent urgent de porter à la connaissance du Sénat. C'est une mesure importante et utile, mais la déclaration doit être brève - ce n'est pas un discours.

Votre comité recommande que la limite de trois minutes applicable aux déclarations des sénateurs soit observée rigoureusement, qu'aucune permission de prolonger cette période ne soit demandée ou accordée; et, par conséquent, que l'article 22(6) soit supprimé et remplacé par le texte suivant:

«(6) Les sénateurs qui interviennent au cours de cette période ne peuvent parler qu'une fois, et pendant au plus trois minutes.»

De plus, votre Comité recommande que l'article 22(7) soit supprimé et que les paragraphes 22(8) à 22(10) soient renumérotés en conséquence.

Respectueusement soumis,

Le président,
JACK AUSTIN

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand le rapport sera-t-il étudié?

(Sur la motion du sénateur Austin, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Présentation du huitième rapport du comité

L'honorable Jack Austin, président du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, présente le rapport suivant:

Le jeudi 22 juin 2000

Le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure a l'honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Conformément au sous-alinéa 86(1)f)i) du Règlement du Sénat, votre comité a étudié la question d'établir des nouveaux comités et fait maintenant les recommandations suivantes.

Votre comité recommande que le Règlement du Sénat soit modifié par l'addition, après l'alinéa 86(1)q), des nouveaux alinéas 86(1)r) et s):

«r) Le Comité sénatorial de la défense et de la sécurité, composé de sept membres dont trois constituent un quorum, auquel peuvent être renvoyés, sur décision du Sénat, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant la défense et la sécurité en général, y compris les affaires des anciens combattants.

s) Le Comité sénatorial des droits de la personne, composé de sept membres dont trois constituent un quorum, auquel peuvent être renvoyés, sur décision du Sénat, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant les droits de la personne en général.»

Respectueusement soumis,

Le président,
JACK AUSTIN

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand le rapport sera-t-il étudié?

(Sur la motion du sénateur Austin, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi de l'impôt sur le revenu
La Loi sur la taxe d'accise
La Loi d'exécution du budget de 1999

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable E. Leo Kolber, président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, a l'honneur de présenter le rapport suivant:

Le jeudi 22 juin 2000

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d'accise et la Loi d'exécution du budget de 1999, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 14 juin 2000, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans propositions d'amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
E. LEO KOLBER

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand le projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Poulin, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.)

(1430)

Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif-rapport du comité

L'honorable Michael Kirby, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie présente le rapport suivant:

Le jeudi 22 juin 2000

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-12, Loi modifiant la partie II du Code canadien du travail, portant sur la santé et la sécurité au travail, apportant des modifications matérielles à la partie I du Code canadien du travail et modifiant d'autres lois en conséquence, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 15 juin 2000, a étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans propositions d'amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
MICHAEL KIRBY

Son Honneur le Président: Quand le projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kirby, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.)

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif-rapport du comité

L'honorable Michael Kirby, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, a l'honneur de présenter le rapport suivant:

Le jeudi 22 juin 2000

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, a l'honneur de présenter son

NEUVIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (poète officiel du Parlement), conformément à l'ordre de renvoi du mardi 22 février 2000, a étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans modifications.

Respectueusement soumis,

Le président,
MICHAEL KIRBY

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kirby, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales

Rapport du comité

L'honorable Lorna Milne, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le jeudi 22 juin 2000

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le Projet de loi C-473, Loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 13 juin 2000, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,
LORNA MILNE

(Le texte des observations figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 781.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.)

Projet de loi visant à modifier le nom de la circonscription électorale de Rimouski-Mitis

Rapport du comité

L'honorable Lorna Milne, présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le jeudi 22 juin 2000

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-445, Loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Rimouski-Mitis, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 13 juin 2000, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Votre comité fait remarquer que les observations contenues dans son septième rapport, présenté au Sénat plus tôt ce jour, s'appliquent également au présent projet de loi.

Respectueusement soumis,

La présidente,
LORNA MILNE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.)

Projet de loi autorisant la Société de développement du Cap-Breton à aliéner ses biens et prévoyant la dissolution de celle-ci

Rapport du comité

L'honorable Mira Spivak, présidente du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant:

Le jeudi 22 juin 2000

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-11, Loi autorisant l'aliénation des biens de la Société de développement du Cap-Breton et permettant sa dissolution, modifiant la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 15 juin 2000, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,
MIRA SPIVAK

(Le texte des observations figure à la page 784 des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Boudreau, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande la permission de revenir, un peu plus tard au cours de la séance, aux avis de motion du gouvernement, pour saisir le Sénat de la motion d'ajournement ainsi que de la permission de faire une déclaration sur la teneur de cette motion, et de faire rapport sur l'état d'avancement de mes négociations avec le chef adjoint de l'opposition au sujet des travaux du Sénat.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, il est difficile de refuser, mais le leader adjoint sait déjà à quelle heure il va probablement débattre de cette question. Ceux qui veulent lui poser des questions devront demeurer à leur siège, sans bouger, peut-être jusqu'à minuit. Pourrait-on nous indiquer à quelle heure environ le leader adjoint a l'intention de présenter cette requête?

Le sénateur Oliver: Dites-le-nous tout de suite.

Le sénateur Hays: J'imagine que la permission m'est accordée. Vous ne rejetez pas ma demande?

Le sénateur Prud'homme: Non.

Son Honneur le Président: Si je comprends bien, l'honorable sénateur pose une question avant que la permission ne soit donnée.

Le sénateur Hays: Je ne suis pas sûr de bien vous suivre. Pourrais-je demander au sénateur Prud'homme la permission de préciser quand je demanderai l'ajournement et ferai rapport sur l'état d'avancement des négociations concernant les travaux du Sénat, pour ensuite répondre aux questions qui me seront posées?

Le sénateur Prud'homme: Très bien.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, lorsque nous aurons épuisé l'ordre du jour, au moment de l'ajournement jusqu'au moment prévu dans le Règlement, je proposerai une motion pour laquelle il me faudra obtenir la permission du Sénat, la permission de simplement revenir aux avis de motion. Honorables sénateurs, je propose de présenter une motion à ce moment, à la fin de l'étude des questions inscrites au Feuilleton. Autrement dit, juste avant l'ajournement je proposerai que le Sénat s'ajourne à mardi prochain, à 14 heures.

(1440)

D'ici là, j'espère également qu'il y aura accord au sujet du moment du vote concernant le projet de loi C-20. Les honorables sénateurs se souviendront que, lors de l'entrevue que j'ai eue hier avec le chef adjoint de l'opposition, nous avons cherché à nous entendre pour fixer le moment du vote à jeudi prochain,, à 16 heures.

En ce qui concerne la motion d'ajournement à mardi prochain, je ne sais pas ce qui se passera si, par exemple, nous devons tenir demain un vote par assis et levé. C'est l'une des raisons pour lesquelles je veux proposer cette motion à la fin de l'étude des questions inscrites au Feuilleton et Feuilleton des avis. J'ai confiance que nous pouvons nous entendre sur le moment du vote. C'est pourquoi je propose de reporter l'examen de la motion d'ajournement à la fin de notre séance, plutôt que de nous en occuper tout de suite.

Comme je le disais, je n'ai encore rien arrêté au sujet du moment du vote sur le projet de loi C-20. Cependant, je crois qu'il aura lieu à 16 heures, jeudi prochain. Je propose de le faire au même moment, ce qui sera le cas si les choses se passent comme elles s'annoncent. Le sénateur Kinsella a peut-être quelque chose à dire à ce sujet.

Je ferai une annonce peut-être tard aujourd'hui car, comme le savent les honorables sénateurs, nous avons un ordre du jour chargé. Ainsi, je ne propose pas de mettre le projet de loi C-20 en délibération en premier. Je le ferai après l'étude des projets de loi d'initiative ministérielle qui attendent de passer à l'étape de la troisième lecture et qui sont inscrits au Feuilleton.

D'autre part, les honorables sénateurs auront remarqué que nous avons demandé et reçu l'autorisation concernant l'étude de certains rapports de comité plus tard aujourd'hui. Cela fait partie de l'entente qui nous évitera de siéger demain.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Hays demande la permission de revenir plus tard aujourd'hui aux Avis de motions du gouvernement afin d'étudier la motion d'ajournement et de faire rapport des discussions concernant les votes sur le projet de loi C-20. Permission accordée, honorables sénateurs?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Hays a bien expliqué où nous en sommes.

Pendant que j'ai la parole, je voudrais demander que le Bureau distribue immédiatement les rapports de comité qui ont été présentés et que nous devons étudier plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs, pour revenir aux Avis de motions du gouvernement plus tard aujourd'hui?

Des voix: D'accord.

La conférence des mennonites au Canada

Projet de loi modificatif d'intérêt privé-Première lecture

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je propose le projet de loi S-28, Loi modifiant la Loi constituant en corporation la Conférence des Mennonites au Canada.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance de mardi prochain, le 27 juin 2000.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

La Défense nationale

Le remplacement des hélicoptères Sea King-La possibilité d'acheter des appareils à une société française

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'ai reçu du leader du gouvernement au Sénat deux réponses différées, l'une le 18 mai et l'autre le 1er juin. Ce sont des réponses à peu près identiques à des questions que j'ai posées sur l'application de modalités garantissant une concurrence juste et équitable dans l'acquisition d'un hélicoptère embarqué de remplacement. J'ai dit qu'il devrait y avoir une concurrence juste et équitable fondée sur un énoncé des besoins, sinon à partir de l'appel d'offres annulé par le gouvernement, du moins à partir d'un énoncé analogue à celui utilisé pour l'appareil de recherche et sauvetage qui est en voie de construction.

Le premier ministre du Canada est en France, et des rumeurs persistantes, fondées ou non,...

Le sénateur Prud'homme: Il se porte très bien.

Le sénateur Forrestall: Que les honorables sénateurs attendent d'apprendre ce qu'il fait et ce qu'il a fait aujourd'hui.

Honorables sénateurs, je veux avoir l'assurance qu'il n'y a aucun malentendu, qu'il n'y aura pas de marché prescrit en faveur d'Eurocopter pour le remplacement du Sea King.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les réponses qui ont été communiquées au sénateur correspondent au point de vue du ministre, du ministère et du gouvernement. Je n'ai aucune autre information, aucune information précise qui me permette de commenter les rumeurs voulant que le premier ministre, ou qui que ce soit d'autre, essaie de conclure des arrangements sur l'achat d'un hélicoptère pendant ce voyage en France.

Le remplacement des hélicoptères Sea King-Le processus d'achat-Demande d'énoncé des exigences

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement pourrait-il déposer au Sénat l'énoncé des exigences relatif à l'hélicoptère embarqué, sachant que j'ai déjà les énoncés pour le Cormorant et le EH-101? Si les exigences ne sont pas inférieures et s'il n'y a pas d'autres raisons, secrètes ou techniques, qui en empêcheraient le dépôt, cet énoncé pourrait-il être déposé ou mis à la disposition de ceux d'entre nous que la question intéresse? Je regrette que nous n'ayons pas de comité permanent de la défense nationale. C'est une question sur laquelle il serait parfaitement normal que les sénateurs se penchent à ce moment précis. Toutefois, un tel comité n'existe pas. J'aimerais avoir un exemplaire de l'énoncé afin de le comparer à ceux du Cormorant et du EH-101. Je suis certain que ce n'est pas un document à diffusion restreinte. Je ne vois pas pourquoi il le serait, à moins qu'on ait rabaissé la norme relative aux besoins opérationnels afin de permettre à Eurocopter de faire une soumission.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois comprendre la demande de l'honorable sénateur, ce qu'il cherche à savoir et pourquoi. Je vais transmettre sa demande au ministre et je lui donnerai la réponse en temps opportun.

Les affaires étrangères

Le Cameroun-La situation politique actuelle-La politique du gouvernement

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je prends note que le ministre Axworthy doit se rendre au Pérou pour y discuter de questions relatives au bon gouvernement. Bien que ça puisse être louable, les dégâts sont déjà faits au Pérou. Dans ce contexte, quelle est la position du Canada en ce qui concerne le Cameroun? Amnistie internationale a publié un rapport sur le Cameroun dénonçant la torture généralisée et systématique des prisonniers et précisant que la majorité de ces incarcérations était de nature politique. Ces exactions visent une minorité, la minorité anglophone.

Dans le passé, nous avons fait beaucoup de travail pour que soient appliqués au Cameroun certains principes de bon gouvernement de façon à ce que toutes les parties tiennent compte du fait français et du fait anglais au Cameroun. Or, il semblerait que le parti majoritaire s'en prenne maintenant à l'opposition et à la minorité.

(1450)

Quelle est la position du Canada à l'égard du Cameroun?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en guise de préambule à ma réponse, je dirai que le leader du gouvernement qui m'a immédiatement précédé a participé à une commission internationale qui s'est rendue dans ce pays, il y a quelque temps. À mon avis, le sénateur Graham possède une compréhension et une perspective exceptionnelles des problèmes qui existent dans ce pays depuis quelque temps.

Honorables sénateurs, notre gouvernement n'approuve certes pas les activités que décrit le sénateur Andreychuk. Quant à une réaction précise aux activités qui ont eu lieu récemment là-bas, je demanderai au ministre de faire le point.

Le sénateur Andreychuk: Lorsque le leader du gouvernement au Sénat s'enquerra auprès du ministre, il devrait lui demander d'encourager la prévention, en intervenant plus tôt, au lieu d'attendre que la situation ne se détériore au point d'entraîner de lourdes pertes de vies et une aide humanitaire très coûteuse. Peut-être avons-nous trop hésité à intervenir et à cerner les enjeux avec nos collègues d'autres pays. J'espère ardemment que le ministre garantira d'autres mesures de prévention dans sa réponse à ma question.

Le sénateur Boudreau: L'honorable sénateur fait valoir un bon argument. Je m'empresserai d'en faire part au ministre, et je l'exhorterai à donner une réponse dès que possible.

Le premier ministre

La visite en France-Demande de rappel

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat.

Le ministre pourrait-il nous dire si le gouvernement envisage de demander au premier ministre d'écourter son voyage en Europe et de rentrer au Canada, ce à quoi le sénateur Forrestall vient de faire allusion? Je demande que cela soit fait avant que le premier ministre ne commette une autre bourde diplomatique, comme celle d'aujourd'hui, où M. Chrétien a embarrassé le président de la France, Jacques Chirac, en annonçant son intention de se représenter aux élections.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne crois pas que le premier ministre ait l'intention d'écourter son voyage.

Le sénateur Forrestall: J'en doute, mais rappelons-le tout de même.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, si c'est le cas, je suis convaincu que les Canadiens ne sont pas rassurés devant ce qui semble être une tare génétique qui pousse les membres de la famille Chrétien à s'immiscer dans les élections présidentielles, que ce soit aux États-Unis, comme l'a fait récemment le neveu de M. Chrétien par ses commentaires, ou en France, comme l'a fait M. Chrétien lui-même.

Les honorables sénateurs savent sans aucun doute que, en France, la présidence est au-dessus des partis. La coutume veut que les présidents français n'annoncent pas longtemps à l'avance s'ils se représenteront aux élections ou pas. À Paris, aujourd'hui, le président Chirac et ses collaborateurs composent tant bien que mal avec cet impair. Le gouvernement ne croit-il pas que la France est un pays assez important et avec qui nous avons suffisamment d'échanges commerciaux pour que le premier ministre mérite d'être rappelé avant qu'il ne commette trop de gaffes?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, si les rapports entre la France et le Canada n'ont jamais été aussi chaleureux et productifs cela est en grande partie attribuable au premier ministre. J'aurais cru que mes vis-à-vis, et surtout leur parti, se préoccuperaient davantage de savoir si le président Chirac annoncera que le premier ministre se représentera aux prochaines élections.

Le sénateur Kinsella: Il nous a déjà dit cela. N'étiez-vous donc pas à votre congrès national?

Le sénateur Boudreau: Je dirai simplement que, compte tenu de certains événements majeurs qui surviennent sur la scène mondiale, notamment celui dont j'ai parlé dans ma réponse de tout à l'heure, ce n'est pas là la nouvelle la plus renversante que l'on risque d'entendre d'ici quelques semaines.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est une autre gaffe, rien de plus.

[Français]

Les affaires étrangères

L'insatisfaction des fonctionnaires du ministère

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Depuis quelque temps, on apprend par les médias que les hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères sont malheureux. Le moral est bas, aussi bien à Washington, à l'ambassade du Canada, qu'ailleurs dans le monde - même à Ottawa - à un point tel que de temps à autre le ministre des Affaires étrangères, lorsque de passage à Ottawa, reçoit des plaintes des ministres et des diplomates. Certains fonctionnaires de ce ministère apposent même des pancartes à l'entrée de l'édifice Pearson et se plaignent de leur salaire. Je comprends qu'une telle chose puisse se produire, mais il est embêtant de constater que cela se produit au ministère des Affaires étrangères.

Bien sûr, il y a des syndicats et des discussions, et les fonctionnaires en veulent un peu plus à leur tour. Toutefois, de là à ce que le Service diplomatique canadien - qui constitue le fleuron de notre fonction publique - se retrouve dans un tel état, on en déduit qu'il y a quelque chose qui cloche.

Le ministre des Affaires étrangères devrait rester au Canada quelques jours afin de régler ce problème. Honorables sénateurs, il ne s'agit pas d'une question, mais bien d'une simple remarque.

[Traduction]

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. La question des taux de rémunération du personnel du ministère des Affaires étrangères devient de plus en plus critique, et nous en avons d'ailleurs déjà parlé. L'aspect le plus troublant de la question, c'est que ce sont les cadres moyens et supérieurs - nos étoiles montantes pour les postes d'ambassadeur - qui sont lésés plus que n'importe qui d'autre. Pourtant, ceux qui sont au niveau le plus élevé ont reçu des augmentations considérables. Il y a des disparités au sein du ministère.

Pourquoi le gouvernement donne-t-il de grosses augmentations à ceux qui sont au niveau le plus élevé et rien à tous les autres? C'est une injustice. Comment pouvons-nous vivre avec cela?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je comprends les préoccupations des deux sénateurs qui ont soulevé cette question. Le Canada a des fonctionnaires et des diplomates compétents et professionnels qui ont fait un travail remarquable dans bien des situations difficiles partout dans le monde. Je sais que le ministre est très sensible aux problèmes soulevés par les sénateurs. Lorsque des augmentations sont données, il y a habituellement des gens qui ne sont pas contents. Je ne dis pas cela pour minimiser une situation que le ministre prend très au sérieux, je crois, et qu'il est en train d'examiner.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, on devrait peut-être faire une suggestion au comité des affaires étrangères. Il y a plusieurs années, lorsque j'étais président du comité des affaires étrangères et de la Défense nationale à la Chambre des communes, il y avait un malaise au ministère des Affaires extérieures. À l'époque, le litige portait sur la situation des gens mariés, en particulier celle de l'époux dont l'épouse avait une promotion.

[Traduction]

On me corrigera si je me suis trompé sur le nom. Nous pourrions les appeler devant le comité des affaires étrangères, où ils pourraient expliquer exactement quels sont les problèmes avec lesquels ils sont aux prises. Je voulais poser une question au président du comité, mais il est temporairement absent.

Honorables sénateurs, je suggérerais que le comité des affaires étrangères examine la possibilité d'avoir quelques rencontres avec cette association qui représente nos plus brillants agents du service extérieur. Je crois qu'un tel examen contribuerait grandement à rétablir de bons rapports entre le gouvernement, les agents du service extérieur et leur syndicat.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur pour cette suggestion. J'ai vu le président du comité ici il y a quelques instants. Il doit être sorti pour une minute. Je lui transmettrai la suggestion.

(1500)

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Forrestall a posée au Sénat les 19 et 20 juin au sujet d'une demande de moratoire concernant les phares patrimoniaux pendant que le comité des pêches étudie le projet de loi S-21 ainsi que la réponse à une question que le sénateur Forrestall a posée au Sénat le 30 mai dernier au sujet du rapport sur la restructuration des réserves et de la viabilité des milices.

Le patrimoine Les Pêches et les Océans

Demande de moratoire concernant les phares patrimoniaux pendant que le comité des pêches, étudie le projet de loi S-21

(Réponse aux questions posées par l'honorable, J. Michael Forrestall les 19 et 20 juin 2000)

Même si le ministère des Pêches et Océans (MPO) apprécie le but du projet de loi S-21, soit la protection des phares, le Ministère est d'avis que les objectifs de protection et de conservation des phares du patrimoine peuvent être atteints au moyen de lois et de politiques fédérales existantes.

Le MPO est sensible aux désirs des groupes à vocation communautaire qui souhaitent utiliser, acquérir et conserver certains phares et fait de son mieux pour aider les communautés et les groupes d'intérêts à atteindre leurs objectifs, tout en tenant compte des politiques fédérales et des ressources disponibles.

La Défense nationale

Le rapport de la restructuration des réserves-La viabilité des milices-La réponse du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable, J. Michael Forrestall le 30 mai 2000)

Le gouvernement est déterminé à revitaliser la Réserve pour faire en sorte qu'elle soit viable et soutenable, qu'elle réponde aux besoins opérationnels, et qu'elle demeure un élément essentiel de la structure des Forces canadiennes. Le rapport complet et détaillé de M. Fraser nous procure une excellente base pour aller de l'avant avec le processus de réforme de la Milice.

Le gouvernement doit veiller à ce que la Réserve demeure efficace, viable et soutenable, et lui permettre de faire une véritable contribution à la sécurité du Canada. Dans cette optique, le vice-chef d'état-major de la Défense a affecté une somme supplémentaire de 30 millions de dollars à l'Armée de terre pour soutenir le financement du personnel de la Milice pendant le processus de restructuration de la Réserve. Il a été prévu que ce montant servirait à appuyer le changement. À court terme, il contribue à la mise en place de nouvelles activités d'instruction et à l'acquisition de nouvel équipement. Lorsque des décisions seront prises concernant la restructuration de la Réserve, cette somme servira aussi au financement des mesures de mise en 9uvre exigées. L'affectation de ces 30 millions de dollars ne signifie pas que des décisions ont été prises au sujet de la restructuration de la Réserve.

Le rapport Fraser est un élément important qui nous aidera à décider de la marche à suivre aux fins de la restructuration de la Réserve. Un autre élément important est le travail accompli par le lieutenant-général Mike Jeffery, l'adjoint spécial du chef d'état-major de la Défense chargé de la restructuration de la Réserve. Le lieutenant-général Jeffery continue de consulter les intervenants qui s'intéressent à la restructuration de la Réserve. Le Ministre s'attend à recevoir ses conclusions cet été, ce qui permettra de prendre en temps opportun des décisions sur la restructuration.

[Français]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant d'avancer dans l'ordre du jour, comme vous le savez, il est impossible pour la présidence d'accepter les rappels au Règlement jusqu'à ce qu'on arrive à l'ordre du jour. L'honorable sénateur Gauthier s'est levé plus tôt, je l'invite à le faire maintenant.

[Traduction]

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Merci, Votre Honneur, de m'accorder la parole. Je vais me procurer un drapeau et l'agiter chaque fois que je voudrai me faire entendre.

J'invoque le Règlement. Cela pose un problème lorsque nous allons aussi vite que nous l'avons fait aujourd'hui. Nous sommes littéralement inondés de rapports à déposer. Il est difficile pour un sénateur ordinaire, qui ne dispose pas des renseignements dont d'autres disposent, de suivre ce qui se passe, surtout lorsqu'on dit «Inutile» ou «Suffit» en ce qui concerne la lecture d'un rapport de comité. Nous ne savons absolument pas de quoi il est question, car personne ne l'a lu.

J'ai besoin de vos lumières, Votre Honneur. Le président du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure a présenté son huitième rapport prévoyant deux nouveaux comités sénatoriaux. Je veux être sûr d'être ici pour participer au débat lorsqu'il portera là-dessus. Comme le temps est court, je voudrais avoir une idée du moment où les rapports déposés seront débattus.

Son Honneur le Président: Sénateur Gauthier, il ne s'agit pas là d'un recours au Règlement, mais d'une question raisonnable. L'étude du rapport a été inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat. Par conséquent, nous devrions l'étudier la prochaine fois que nous nous réunirons, soit mardi prochain, je crois.

[Français]

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, j'aimerais faire un rappel au Règlement. Je pense que le sénateur Gauthier a soulevé un point important, et c'est par pure coïncidence qu'il l'a fait parce que j'avais pris des notes pour soulever ce même rappel.

Quand le greffier est dispensé de lire un rapport, généralement, on l'arrête avant qu'il ait le temps de nous dire si le projet de loi a été présenté avec ou sans amendement. Il me semble qu'il serait utile de ne pas l'interrompre avant que la Chambre ne soit informée si le projet de loi est présenté avec ou sans amendement.

Dans certains cas, à cause des intérêts particuliers des sénateurs, les honorables sénateurs pourraient ensuite se procurer le document en question auprès des greffiers du Bureau.

S'il n'y a pas d'amendement au rapport, cela ne pose pas de problème. Cependant, nous voulons en être avisés. Il serait préférable que le greffier en fasse la lecture au moins jusqu'à ce point. C'était l'argument du sénateur Gauthier et je partage son avis.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, aujourd'hui, une multiplicité de rapports de différents comités ont été présentés, comportant seulement une page sans y avoir annexé le texte du rapport. On ne sait pas le contenu du rapport. Mais déjà, on sait que...

[Traduction]

Nous examinerons cela plus tard, aujourd'hui.

[Français]

Oui, toutefois, nous n'avons pas les rapports. Ils ne sont pas imprimés. Nous n'avons qu'un document d'une page. L'honorable sénateur demande la permission de procéder à l'étude...

[Traduction]

Plus tard aujourd'hui, merci, ou asseyez-vous, et plus tard aujourd'hui, nous ne saurons pas ce que contient ce rapport.

[Français]

En ce qui a trait au rapport sur la création de nouveaux comités...

[Traduction]

Je fait remarquer aux sénateurs que la décision qu'ils ont été appelés à prendre est extrêmement importante. Il s'agit de créer deux nouveaux comités. Cela se fera peut-être tellement vite qu'on ne se rendra peut-être compte de ce qu'on aura fait qu'après coup. Pour ce qui me concerne, la création de ces deux nouveaux comités spéciaux est totalement et absolument liée à une décision que certains sénateurs persistent à ne pas vouloir prendre sur l'importance de la participation ou de la non-participation des sénateurs indépendants au comité.

[Français]

Son Honneur le Président: Sénateur Prud'homme, je regrette de vous interrompre. Vous discutez maintenant du contenu du rapport et non pas sur le recours au règlement. J'aimerais signaler...

[Traduction]

Lorsque quelqu'un dit «Suffit!» et qu'un honorable sénateur n'est pas d'accord, ce dernier n'a qu'à dire «Non», auquel cas le greffier au Bureau lira le rapport au complet. N'hésitez pas à dire «Non».

La marche à suivre est la même lorsqu'une permission est demandée. Lorsqu'on demande la permission de faire quelque chose, c'est parce que l'on veut sortir du cadre normal. Si un sénateur n'est pas d'accord, il lui suffit d'exprimer son opposition, et l'affaire s'arrête là.

En ce qui concerne les rapports de comité aujourd'hui, certains seront étudiés plus tard aujourd'hui, et d'autres, à la prochaine séance du Sénat. Lorsqu'il est fait rapport d'un projet de loi sans amendement, celui-ci passe automatiquement à l'étape de la troisième lecture au moment voulu, pas pour fins d'étude plus approfondie.

Le Bureau m'informe que les mesures législatives inscrites au Feuilleton qui seront lues pour la troisième fois aujourd'hui sont les projets de loi C-25, C-12, C-473 et C-445.

Le sénateur Prud'homme: Nous les recevrons donc d'ici peu.

Le sénateur Gauthier: Honorables sénateurs, j'ai de la difficulté à entendre et je dois lire à l'écran de mon d'ordinateur la traduction des propos qui s'échangent en ce moment.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Gauthier, je suis prêt à vous écouter.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je pense que le sénateur Gauthier veut dire quelque chose. Je suis désolée qu'il soit contrarié et je pense que nous devrions l'écouter.

[Français]

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Gauthier, je suis prêt à vous entendre.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, maintenant que nous en sommes aux travaux du Sénat, je voudrais appeler, comme premier point à l'ordre du jour, l'article numéro 2, soit la troisième lecture du projet de loi C-34, qui porte sur la manutention du grain.

Il serait peut-être utile que je fasse part aux sénateurs des trois ou quatre prochains articles dans l'ordre selon lequel je projette de les appeler.

Le sénateur Prud'homme: C'est bien!

Le sénateur Hays: Je voudrais appeler d'abord l'article numéro 2, comme je viens de le dire: puis, l'article numéro 3, le projet de loi C-22 et, enfin,, l'article numéro 4, le projet de loi C-16, Loi sur la citoyenneté au Canada. Par la suite, je demanderai la permission du Sénat pour appeler le rapport du comité des finances nationales qui porte sur le budget principal des dépenses. Si nous obtenons la permission du Sénat, j'appellerai alors le projet de loi C-42.

La Loi sur les transports au Canada,

Projet de loi modificatif-Troisième lecture,

L'honorable Jack Wiebe propose: Que le projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, je suis très heureux de prendre la parole sur le projet de loi C-34, qui modifie la Loi sur les transports au Canada, à l'étape de la troisième lecture.

Le projet de loi apporte des modifications à une industrie qui exporte des milliards de dollars de céréales tous les ans partout dans le monde. Jusqu'à maintenant, le système par lequel le produit est transporté des élévateurs aux ports a souffert d'arrêts périodiques et d'un manque de responsabilité. Ces problèmes ont été exacerbés durant l'hiver 1996-1997 lorsque le système de transport du grain a été complètement paralysé dans les Prairies.

(1510)

Le projet de loi dont nous sommes maintenant saisis est le produit d'un processus de consultation qui a duré plus de trois ans. Pendant cette période, le gouvernement a écouté les producteurs, la Commission canadienne du blé, les sociétés céréalières et les chemins de fer, notamment. Ce projet de loi constitue la mesure qui s'impose aujourd'hui pour le transport du grain.

Les consultations sur ce projet de loi ont commencé à Winnipeg en juillet 1997. Le ministre des Transports, le ministre responsable de la Commission canadienne du blé et le ministre de l'Agriculture, ont rencontré les intervenants de l'industrie pour discuter avec eux des problèmes de logistique de l'hiver précédent. Le consensus qui s'est dégagé de cette réunion était que le statu quo n'était plus acceptable et qu'une réforme du système de manutention et de transport du grain était nécessaire.

Le gouvernement a réagi très rapidement à ce message et...

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, il y a beaucoup de bruit dans la salle. Vous pourriez avoir une conversation plus intéressante dans la salle de lecture, devant une tasse de thé, et cela permettrait aux autres sénateurs d'entendre ce que dit leur collègue.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Wiebe: Honorables sénateurs, quand j'aurai fini de faire mes remarques, je viendrai prendre une tasse de thé avec vous.

Je répète.

Le gouvernement a réagi très rapidement à ce message et a nommé l'ancien juge de la Cour suprême, Willard Estey, qu'il a chargé d'effectuer une étude approfondie du système tout entier.

En un an, l'ancien juge Estey a tenu 147 réunions avec plus de 1 000 intervenants. Il a écouté leurs idées et leurs préoccupations au sujet de nouvelles orientations possibles pour le transport du grain. En décembre 1998, M. Estey a soumis 15 recommandations sur la commercialisation du système de manutention et de transport du grain. Le gouvernement s'est rangé à l'avis de M. Estey, qui entrevoyait un système plus commercial, et a confié à M. Arthur Kroeger la responsabilité de traduire les idées de M. Estey dans des propositions concrètes aux fins d'exécution.

Durant l'été de 1999, M. Kroeger a consulté les intervenants de l'industrie par l'intermédiaire d'un groupe directeur et de trois groupes de travail techniques. Il a réussi à s'entendre avec eux sur un certain nombre de questions. Toutefois, aucun accord n'est intervenu sur des questions essentielles, parmi lesquelles le plafond annuel de base du revenu des sociétés ferroviaires, le rôle de la Commission canadienne du blé dans le transport du grain et les moyens de rehausser la concurrence dans le transport ferroviaire.

À la fin, M. Kroeger a terminé son mandat en présentant ses recommandations pour ces questions non réglées. Le projet de loi renferme quatre principales dispositions sur lesquelles M. Kroeger s'est penché et elles modifient la Loi sur les transports au Canada. J'ai décrit toutes ces dispositions durant le débat en deuxième lecture de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, le système de manutention et de transport du grain est très complexe. Tout au long des consultations gouvernementales, il n'y a pas eu deux intéressés dans toute l'industrie qui se sont entendus sur le fonctionnement du système, sans parler de la façon de corriger ses lacunes. Dans ces conditions, il est important que les avantages des réformes soient perçus par tous les participants au système. Ainsi, comme je l'ai déjà dit, le gouvernement a inséré un élément clé dans le secteur du transport du grain, à savoir un mécanisme de surveillance indépendant. Ce programme de surveillance continue sera conçu et mis en oeuvre par une tierce partie indépendante du secteur privé pour mesurer et évaluer des répercussions de ces réformes sur les agriculteurs, sur la Commission canadienne du blé, sur l'efficacité du système, y compris les chemins de fer, les compagnies céréalières et les ports, ainsi que sur le rendement global du système de transport et de manutention du grain.

Le secteur céréalier est trop important pour notre économie et notre mode de vie pour que nous ne surveillions pas les répercussions de ces changements. Pour faciliter un système efficace de surveillance, le projet de loi C-34 garantit que tous les renseignements voulus peuvent être obtenus et partagés avec la tierce partie chargée de la surveillance, tout en maintenant les mesures qui vont protéger la confidentialité des renseignements commerciaux.

Honorables sénateurs, j'ai aussi hâte que vous de prendre le thé, mais je demande votre aide aujourd'hui. Les producteurs canadiens, nos compagnies céréalières et nos chemins de fer ont besoin d'un système de transport et de manutention du grain de niveau mondial au Canada. Le projet de loi C-34 lance ce processus. J'exhorte tous les honorables sénateurs à souscrire à cette mesure législative extrêmement importante.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question ou deux?

Le sénateur Wiebe: Certainement.

Le sénateur Murray: Le comité a-t-il entendu M. Estey au sujet de ce projet de loi? Croit-il que ce projet de loi va dans le sens de son rapport?

Le sénateur Wiebe: Honorables sénateurs, je suis heureux de vous signaler que M. Estey a été invité à comparaître devant le comité et qu'on avait prévu du temps pour cela, mais malheureusement, il n'a pas profité de l'occasion de venir témoigner devant nous. Nous l'avons cependant invité à assister aux travaux du comité, ce qu'il a fait, et cela a conduit à un échange utile de préoccupations et d'idées.

Le sénateur Murray: J'en suis sûr. L'honorable sénateur peut-il nous dire si M. Kroeger estime que le projet de loi est conforme aux recommandations qu'il a faites?

Le sénateur Wiebe: Les honorables sénateurs savent certainement que M. Kroeger a fait des recommandations précises. Il a également dit qu'il ne pouvait pas faire de recommandations sur certaines questions en raison de leur caractère politique et qu'il appartenait au gouvernement de prendre une décision. Ces questions n'ont fait l'objet d'aucun consensus.

Le sénateur Murray: Je vois. Je n'ai pas eu l'occasion de lire le compte rendu des délibérations du comité, ce que je compte faire plus tard, mais M. Kroeger a-t-il dit que, selon lui, le projet de loi dont nous sommes saisis donne suite aux recommandations qu'il a faites?

Le sénateur Wiebe: On me corrigera si je me trompe, mais je crois que, de façon générale, M. Kroeger a estimé que le projet de loi va dans la bonne direction.

Le sénateur Murray: Quels sont les autres représentants de l'industrie entendus par le comité? Je présume qu'ils devaient comprendre les compagnies de chemins de fer, la Commission canadienne du blé et des organisations agricoles. L'honorable sénateur peut-il nous dire quels sont les autres témoins entendus par le comité?

Le sénateur Wiebe: Honorables sénateurs, nous avions invité les compagnies de chemins de fer, mais elles ont plutôt choisi de nous envoyer un mémoire. Nous avons également reçu un mémoire conjoint des principales compagnies de silos-élévateurs du Canada. Le comité a aussi invité les deux ministres compétents, MM. Collenette et Goodale.

Le sénateur Murray: Mis à part les deux ministres, l'honorable sénateur peut-il nous dire si les autres mémoires étaient, de façon générale, favorables au projet de loi?

Le sénateur Wiebe: Ils ne l'étaient certainement pas. Comme je le disais au sujet du projet de loi, lorsqu'on a abordé ces questions d'importance primordiale, il n'y avait pas deux témoins qui s'entendaient à ce sujet. C'est précisément pour cette raison que le gouvernement de l'époque a dû décider de ce qui était le mieux pour l'industrie du transport du grain. Le gouvernement avait décidé, pour la même raison, de mettre en place un système de contrôle des chiffres et des statistiques, de sorte que si des parties intéressées s'estimaient lésées par l'application de la loi, le gouvernement puisse prendre des mesures adéquates.

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, je voudrais faire quelques observations au sujet du projet de loi, mais je serai bref, car j'ai déjà fait une intervention passablement longue.

Tout d'abord, je pourrais peut-être tenter de répondre à certaines questions du sénateur Murray. L'industrie du grain et l'industrie agricole en Saskatchewan sont des sujets passablement politiques.

Le sénateur Grafstein: Joignez-vous à nous! Vous êtes du mauvais côté!

Le sénateur Gustafson: Comme le disait le sénateur Wiebe, le projet de loi contient des éléments positifs. C'était d'ailleurs l'opinion générale des membres du comité.

(1520)

Durant tout l'hiver, nous avons entendu parler de la crise, des difficultés qu'éprouvaient les agriculteurs et du fait que la situation était en grande partie attribuable à des problèmes de transport. Le projet de loi accorde 178 millions de dollars d'économies aux agriculteurs pour le transport des céréales et 175 millions de dollars, sur une période de cinq ans, pour la reconstruction de routes. Il y avait un consensus au sein du comité pour dire que le projet de loi est une bonne mesure législative.

Il ne fait aucun doute qu'avec ce projet de loi le ministre s'est rangé du côté des agriculteurs. Même si les sociétés ferroviaires et, peut-être, les compagnies de céréales peuvent être un peu déçues, il s'agit d'une bonne mesure législative, compte tenu du sérieux de la situation au sein de l'agriculture. Le ministre des Transports et le ministre Goodale, en particulier, ont défendu les intérêts des agriculteurs d'une façon positive. Je félicite le ministre Goodale, même si je l'ai battu deux fois au cours de ma carrière politique. Le ministre Goodale est un dur.

Le sénateur Tkachuk: Ce n'est pas un lâcheur.

Le sénateur Gustafson: Il a fait du bon travail avec ce projet de loi et je l'en félicite. Je suis heureux d'avoir participé au processus. Je pense que cette mesure va aider les agriculteurs.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

Projet de loi sur le recyclage des produits de la criminalité

Troisième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kroft, appuyée par l'honorable sénateur Wiebe, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-22, Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, constituant le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

L'honorable James F. Kelleher: Honorables sénateurs, j'aimerais parler brièvement du projet de loi C-22. Comme l'ont dit mes honorables collègues, nous, de ce côté-ci de la Chambre, appuyons l'intention du projet de loi. Le recyclage des produits de la criminalité est un grave problème, ici et ailleurs dans le monde. Le Canada doit prendre toutes les mesures raisonnables pour s'attaquer au problème.

Cependant, bien que nous appuyions l'objet du projet de loi, nous n'appuyons pas avec une égale ardeur certaines de ses dispositions. Mes collègues ont déjà évoqué certains aspects dont nous nous préoccupons de ce côté-ci de la Chambre et dont se sont préoccupés tous les membres du comité chargé d'étudier le projet de loi.

Comme mes collègues l'ont déjà mentionné, nous avons reçu du ministre la promesse qu'il présentera une mesure modificatrice à la première occasion l'automne prochain. Vous pouvez être sûrs que nous comptons bien faire en sorte qu'il tienne parole.

Nous sommes confiants que lui et ses collaborateurs au ministère des Finances prendront très au sérieux les recommandations que le comité a formulées de façon unanime. Je voudrais maintenant parler de ces recommandations.

Honorables sénateurs, nous, au comité, trouvons très inquiétants les pouvoirs accordés dans le projet de loi qui autorise les représentants du nouveau centre de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité à entrer dans le cabinet d'un avocat pour examiner les dossiers sans d'abord obtenir un mandat de perquisition. Je crois que nous tous ici à la Chambre, juristes et non-juristes, reconnaissons et apprécions le caractère sacré de la relation entre un avocat et son client.

Quand des clients retiennent les services d'un avocat, ils sont en droit de penser qu'ils peuvent faire part de toutes sortes de renseignements personnels et privés à l'avocat sans craindre que des inconnus aient accès à cette information. Nous ne connaissons pas de loi similaire ailleurs dans le monde qui autorise ce genre d'intrusion, et nous ne connaissons pas non plus d'autre loi au Canada qui permette d'avoir accès aux dossiers des avocats sans un mandat de perquisition. Nous ne pouvons songer à aucune bonne raison, et on ne nous en a pas donné non plus, pour laquelle on devrait faire une exception en l'occurrence.

Le deuxième problème dont je voudrais parler a trait à l'insuffisance des dispositions du projet de loi prévoyant un examen. Le sénateur Tkachuk abordera ce problème dans son intervention. Le sénateur Meighen en a parlé longuement au comité.

Sous sa forme actuelle, le projet de loi prévoit un examen unique après cinq ans. Dans une recommandation, le comité a dit au ministre qu'il serait beaucoup mieux d'effectuer un premier examen après trois ans et des examens ultérieurs tous les cinq ans. Par exemple, ce projet de loi créera un nouveau centre de détection du blanchiment de l'argent qui aura de vastes pouvoirs pour recueillir une grande quantité de renseignements personnels et privés sur des Canadiens innocents, pour la plupart. Tous les membres du comité ont convenu que, pour que le nouveau centre fonctionne efficacement et que les renseignements privés sur les Canadiens soient bien gérés, le projet de loi devrait faire l'objet d'un calendrier d'examen plus rigoureux que celui qui est exigé dans le cas de projets de loi moins envahissants.

De l'aveu même du gouvernement, ce projet de loi est imparfait. Nous pourrions l'amender maintenant et attendre quelques courts mois pour le renvoyer à l'autre endroit, mais le gouvernement a dit clairement qu'il l'adoptera tout de suite sans amendement. Nous n'appuyons pas cette façon de faire. Nous croyons que nous devrions avoir un bon projet de loi dès le départ, d'autant plus que les deux côtés de cette Chambre s'entendent pour dire qu'il faut l'amender. Nous ne devrions pas laisser au hasard, aux caprices du calendrier de l'automne, une mesure législative qui devrait être corrigée immédiatement.

Par conséquent, au nom de la plupart des sénateurs de ce côté-ci de la Chambre, je répète mon affirmation précédente, à savoir que nous serons vigilants, en veillant à ce que le gouvernement tienne parole et présente une mesure législative pour amender ce projet de loi dans les plus brefs délais, à la reprise des travaux de la Chambre des communes et du Sénat, cet automne.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, nous avons été ravis de la présence du sénateur Kelleher à notre comité pendant l'étude du projet de loi C-22. Bien sûr, dans le gouvernement de Brian Mulroney, il a été le ministre chargé de présenter un projet de loi pour contrer le blanchiment de l'argent dans notre pays.

Comme les honorables sénateurs le savent peut-être, le projet de loi C-22 a reçu peu d'attention à l'autre endroit. En fait, seules deux séances de comité ont eu lieu, quelques amendements mineurs ont été proposés et rejetés, et le projet de loi a été renvoyé précipitamment à notre Chambre. Nous l'avons examiné très sérieusement. Nous avons tenu quatre très longues séances et entendu un certain nombre de témoins, dont le dernier a été, M. Roy Cullen, secrétaire parlementaire du ministre des Finances.

Honorables sénateurs, nous, du Parti conservateur, appuyons l'objectif d'intérêt public de ce projet de loi, et nous l'avons dit lors de sa deuxième lecture. Cependant, nous avons des préoccupations qui auraient pu être dissipées avec des amendements visant à l'améliorer.

Immédiatement avant notre dernière réunion de comité,, le 14 juin, nous avons reçu une lettre du ministre Peterson, secrétaire d'État des Institutions financières internationales, dans laquelle il fait état des amendements qu'il se propose d'apporter l'automne prochain au projet de loi C-22.

Je rappelle que le projet de loi a été adopté à la Chambre après deux réunions du comité et sans amendement. C'est bien la première fois que nous recevons une telle lettre. Outre qu'elle décrit les amendements proposés à l'égard d'articles précis, cette lettre répond directement à des préoccupations exprimées devant le comité. J'ajouterais que les amendements dont il est question dans la lettre du ministre sont ceux que souhaitaient les sénateurs des deux côtés de la Chambre. Nous avons été étonnés de la démarche du ministre.

(1530)

Je crois savoir que mon collègue d'en face, le sénateur Kroft, pouvait nous expliquer pourquoi il n'était pas possible d'adopter ces amendements maintenant - il en a parlé dans son discours - plutôt que d'attendre que le gouvernement dépose un tout nouveau projet de loi qui modifierait le texte à l'étude aujourd'hui.

Nous avions également d'autres préoccupations dont nous souhaitions faire part au ministre. Nous avons pensé que, tandis qu'il apportera ces amendements au projet de loi cet automne - ce qu'il a promis de faire -, il pourrait en profiter pour inclure un certain nombre d'amendements que nous souhaitons faire apporter au projet de loi.

Notre réaction initiale, lorsqu'on nous a interrogés au sujet de la lettre, a été une réaction de méfiance générale. Nous avons reçu un certain nombre de lettres de ministres jointes à des rapports et, à franchement parler, il n'en résulte rien. Je me souviens de la lettre du ministre Massé au sujet du projet de loi C-78, datant de juin de l'année dernière, dans laquelle il s'engageait à prendre toutes les dispositions voulues pour que reprennent les pourparlers avec les représentants des employés et des retraités. Nous nous souvenons de cette lettre. Évidemment, le gouvernement a procédé depuis à un remaniement ministériel, et la ministre Robillard, qui occupe maintenant le poste, affirme ne vouloir rencontrer personne.

Nous n'accordons pas vraiment foi à ces lettres, mais celle-ci était intéressante, car elle exposait en termes spécifiques les grandes lignes des amendements qu'ils souhaitaient voir apporter au projet de loi. C'est étrange, étant donné qu'ils ont un nouveau projet de loi et qu'ils ont des amendements, mais qu'ils ne veulent pas les proposer dès maintenant.

Nous avons essayé de faire apporter des amendements au comité. Nous nous sommes fait dire, en termes non équivoques, qu'aucun amendement ne serait envisagé. M. Cullen nous a dit qu'aucune modification ne serait apportée à la lettre. Nous avons convenu de ne pas être d'accord, mais nous avons du moins convenu à l'unanimité d'inclure trois de nos préoccupations dans le rapport et de recommander qu'elles accompagnent les autres amendements que le ministre avait promis d'apporter à l'automne. Nous comptons respecter l'intention du ministre.

Je ne lirai pas la lettre du 14 juin 2000, mais je veux signaler officiellement que le ministre souhaitait apporter des amendements. Un de ces amendements visait à ajouter un nouvel alinéa au paragraphe 64(9), qui concernait des préoccupations que nous avions et que le sénateur Kelleher avait, mais auxquelles le paragraphe n'a pas vraiment répondu. Il y a aussi un certain nombre d'amendements concernant l'article 61 et l'alinéa 54d). Les sénateurs devraient consulter la lettre qui est jointe au rapport, de telle sorte que le ministre reste en place à l'automne.

Nous avons eu des occasions de faire quelque chose d'important pour le Sénat. Le ministre nous a dit que nous devions apporter des amendements à son projet de loi. Les deux côtés du Sénat ont exprimé des préoccupations que le ministre a approuvées. Nous avons exprimé des préoccupations que les sénateurs ministériels ont approuvées.

Quelle est l'urgence, honorables sénateurs? Le sénateur Kroft a signalé dans son allocution que le projet de loi était nécessaire. Combien de fois avons-nous déjà entendu une telle affirmation à propos d'un projet de loi?

Je me souviens d'un projet de loi auquel j'ai travaillé, le projet de loi sur le RPC. Ce projet de loi devait être adopté avant Noël parce qu'il fallait nommer un conseil d'administration. Les Canadiens attendaient. Il se trouve que le conseil d'administration n'a été nommé que deux ans plus tard.

Je sais ce qui va arriver avec ce projet de loi. Rien ne sera fait au cours de l'été. Pas un seul bureaucrate ne travaillera à Ottawa cet été. Nous savons tous cela.

Le sénateur Fairbairn: Balivernes!

Le sénateur Robichaud (Saint-Louis-de-Kent): Les sénateurs ne seront pas ici non plus.

Le sénateur Tkachuk: Les sénateurs ne seront pas ici; c'est exact.

Le sénateur Cools: Ce n'est pas exact. Certains d'entre nous seront ici.

Le sénateur Finestone: Ayez un peu de respect pour les gens qui travaillent ici.

Le sénateur Tkachuk: Je respecte les gens qui travaillent ici. Je vous dis, honorables sénateurs, qu'il ne se passera rien au sujet de ce projet de loi avant septembre ou octobre prochain. Nous le savons tous. Rien ne nous empêche d'adopter ces amendements maintenant, de les renvoyer à la Chambre, d'en faire rapport au Parlement à l'automne, et de régler la question convenablement.

Nous avons bien travaillé ensemble, malgré les critiques que je formule ici aujourd'hui. Nous avons éprouvé certaines contrariétés en raison de notre nombre. J'exprime cette contrariété et je continuerai de le faire jusqu'à ce que nous soyons tous d'accord là-dessus. L'organe exécutif du gouvernement nous dit que nous ne pouvons pas agir de la sorte. C'était là la volonté unanime de cette Chambre et c'était ce que nous voulions tous faire à titre de parlementaires.

Nous sommes en train de nous plaindre de l'exclusion du Sénat à l'égard du projet de loi C-20 et de celui sur les services financiers. Je me demande pourquoi. Lorsque nous avons une chance de faire une différence, nous ne nous en prévalons pas.

Le sénateur Oliver: C'est comme avec le projet de loi sur la clarté!

Le sénateur Tkachuk: Pourquoi ne devrions-nous pas être exclus? Nous sommes saisis du projet de loi sur la clarté. Nous voulons tous y apporter des amendements. Nous verrons combien de sénateurs de l'autre côté se prononceront en faveur de ces amendements et se plaindront ensuite d'être exclus. Nous formons une Chambre du Parlement ou nous n'en formons pas une. Si nous continuons de nous comporter comme un groupe ne formant pas une Chambre à part entière du Parlement, nous sommes alors les seuls à blâmer du traitement que l'autre endroit nous réserve.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-22 est un bon exemple de situation où nous aurions pu faire une différence. Nous aurions pu proposer des amendements. Nous aurions pu renvoyer le projet de loi à la Chambre, mais nous n'avons pas apporté d'amendements. Nous avons simplement obtenu des promesses du ministre. Nous savons ce qui va se produire cet automne.

Le sénateur Robichaud (Saint-Louis-de-Kent): Le ministre s'est engagé à apporter des amendements.

Le sénateur Tkachuk: J'ai ici une lettre et j'en ai d'autres dans mon bureau qui indiquent que rien ne s'est produit. Les honorables sénateurs savent très bien que nous devrons maintenir la pression. Nous avions une occasion que nous n'avons pas su saisir.

Honorables sénateurs, bien qu'il y ait consentement unanime sur plusieurs amendements, nous allons probablement adopter ce projet de loi à l'étape du rapport, avec dissidence.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter quelques observations à celles qu'ont faites les sénateurs Kelleher et Tkachuk sur le projet de loi C-22.

J'ai des inquiétudes au sujet du processus que nous avons été forcés de suivre relativement à l'exercice de nos fonctions en tant que Chambre de réflexion. Nous avons étudié un projet de loi et nous y avons trouvé des lacunes. Il était urgent d'y apporter des amendements, mais on nous a exhortés à ne pas exercer nos pouvoirs pour faire ce qui, à notre avis, s'imposait.

Cela me rappelle l'époque où nous avons été saisis de modifications à la Loi électorale du Canada. À deux reprises j'avais pris la parole en cette Chambre pour exprimer mes réserves au sujet de la constitutionnalité des dispositions de ce projet de loi concernant les tiers. J'avais dit que, à mon avis, elles ne résisteraient pas à une contestation en vertu de la Constitution.

Moins de deux semaines après que la Loi électorale du Canada ait reçu la sanction royale et ait été proclamée, j'ai lu dans les journaux qu'elle était contestée devant les tribunaux. Je dois dire à regret qu'il est fort probable qu'elle soit déclarée anticonstitutionnelle.

Honorables sénateurs, nous avons adopté un projet de loi à toute vitesse et il a été bâclé. Si le directeur général des élections est obligé de suspendre l'application de certaines dispositions concernant les tiers lors des prochaines élections, comme il l'a fait dans le passé, cela entraînera des perturbations importantes pour les candidats et les partis.

Honorables sénateurs, j'ai exactement les mêmes réserves à l'égard du projet de loi C-22. Comme vous l'avez entendu de la bouche des sénateurs Tkachuk, Kroft et autres, le comité permanent des banques et du commerce a fait une étude détaillé du projet de loi et a entendu plusieurs témoins et, compte tenu de ce qu'ils ont dit et de ce que nous avons appris, nous nous sommes sentis obligés de proposer plusieurs amendements. Le gouvernement n'en voulait aucun, mais il s'est engagé par écrit à apporter des amendements à l'automne si nous approuvions le projet de loi maintenant.

Honorables sénateurs, pourquoi ne pas faire du bon travail tout de suite?

Pendant les audiences sur le projet de loi C-22, j'ai fait part de plusieurs de mes réserves à beaucoup de témoins, la principale étant de savoir si le projet de loi sur le blanchiment de l'argent, tel que libellé, était constitutionnel. Mes réserves ont trouvé un écho auprès de l'Association du Barreau canadien qui, dans son mémoire, disait ceci:

(1540)

Le projet de loi C-22 impose aux entreprises, aux institutions financières et aux professionnels, y compris aux membres du Barreau, des règlements très interventionnistes au point qu'ils peuvent, selon nous, dépasser les compétences du Parlement.

L'Association du Barreau canadien a reconnu que le gouvernement fédéral peut se fonder sur sa compétence en matière de droit criminel aux termes de la Constitution pour présenter le projet de loi C-22. Cependant, elle croit, et je suis d'accord, qu'on pourrait dire que le projet de loi empiète sur la compétence législative des provinces en matière de droit de propriété, de droit civil et d'administration de la justice, selon les dispositions de l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Comme l'a fait remarquer avec justesse le sénateur Kelleher, il se peut qu'il y ait également des erreurs importantes qui pourraient donner lieu à des contestations en vertu de la Charte, qui seront accueillies. Par exemple, les dispositions du projet de loi accorderaient aux avocats et à d'autres professionnels le mandat de conserver les documents et autoriseraient ce qui peut aisément être interprété comme une perquisition et une saisie, ce qui enfreint les droits des clients en vertu de l'article 8 de la Charte des droits et libertés.

La dernière préoccupation que j'ai examinée avec l'Association du Barreau canadien et d'autres témoins, dont des hauts fonctionnaires, est que le projet de loi réduit les droits fondamentaux des citoyens canadiens à la non-divulgation de leurs renseignements personnels à l'État ainsi que leur droit à la représentation indépendante et confidentielle par un avocat en vertu de la Déclaration canadienne des droits et de l'article 7 et de l'alinéa 11d) de la Charte des droits et libertés.

En tant qu'avocat en exercice, j'estime, bien entendu, que toute la question de la confidentialité de l'information sur les clients est une grande préoccupation. Le projet de loi C-22 modifierait fondamentalement le fondement de la relation avocat-client, qui est basée sur la protection du secret professionnel et de la confidentialité. La confidentialité est une préoccupation d'ordre éthique que les avocats doivent examiner. Comme l'a dit l'Association du Barreau canadien, l'importance du privilège et de la confidentialité est reconnue depuis longtemps dans le droit et elle est au coeur des règles de conduite professionnelle des avocats. Les clients doivent être en mesure de faire appel à un avocat en sachant qu'il sera le seul à connaître les renseignements qu'ils lui communiqueront. L'incertitude quant à l'intégrité du privilège ou de la confidentialité créera une incertitude dans la relation avocat-client, qui en sera diminuée.

Honorables sénateurs, ces principes sont tellement fondamentaux qu'ils devraient être corrigés maintenant, avant que le projet de loi ne reçoive la sanction royale et certainement avant que la loi ne soit promulguée. Je suis d'avis que les dispositions fautives ne devraient pas être promulguées tant que le gouvernement n'aura pas apporté les amendements qu'il nous a promis par écrit.

J'ai signalé cette question à M. Cullen, secrétaire parlementaire du ministre, en lui disant:

[...] si ce projet de loi était adopté, le ministre serait-il prêt à en reporter la promulgation jusqu'à ce que ces amendements soient apportés?

M. Cullen a répondu:

Honorables sénateurs, nous pourrions certes discuter d'un report de la promulgation de certains articles d'ici peu.

Honorables sénateurs, j'invite le leader du gouvernement au Sénat, l'honorable Bernard Boudreau, à veiller à ce que l'engagement pris par M. Cullen soit tenu et à ce que la proclamation de ces articles fautifs soit reportée jusqu'à ce que les amendements recommandés dans le rapport que le comité des banques a présenté au Sénat aient été adoptés par les deux Chambres et aient reçu la sanction royale.

Ma dernière observation sur le projet de loi C-22 est que je suis personnellement très préoccupé par le seuil peu élevé de 10 000 $ et par la discrétion qui est donnée aux bureaucrates de déterminer ce que représentent des circonstances douteuses. Lorsque l'avocat du ministère, M. Cohen, a comparu devant le comité, j'ai demandé si ce ne serait pas un autre moyen de perpétuer des stéréotypes ethniques. Par exemple, si un membre d'une minorité visible entrait dans une institution financière visée par le projet de loi C-22 en ayant en poche 9 000 $ en argent comptant et en disant qu'il arrive tout juste du Nigeria, de la Jamaïque ou de quelque endroit en Inde, bien des bureaucrates diraient certainement être en présence de «circonstances douteuses». En réponse à ma question, M. Cohen a dit, inter alia:

J'ignore comment répondre à cette question et je ne saurais dire si un caissier de banque, par exemple, se trouverait à promouvoir un système fondé sur le racisme généralisé. Il y a deux étapes à franchir: avant que les renseignements puissent causer un préjudice sensible [...] ils sont fournis [...] au Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada. Les renseignements sont donc analysés par des professionnels avant d'être renvoyés aux autorités de police.

Je soulève la question, honorables sénateurs, parce que nous devons tous veiller à ce que le principe de la diversité, qui est si important au Canada, ne s'effrite pas davantage. Dans son libellé actuel, ce projet de loi ouvre la porte à toutes sortes d'abus possibles et risque de faire du tort. Je tiens à mettre en garde tous les sénateurs.

Après ces brèves observations, honorables sénateurs, il ne reste plus qu'à espérer qu'au moment voulu nous nous pencherons à nouveau sur notre rôle en tant qu'organisme chargé de procéder à un second examen objectif. Si la législation a besoin d'être modifiée, pourquoi ne pas avoir le courage de faire le nécessaire? N'est-ce pas ce que suppose le serment que nous avons prêté à notre arrivée ici?

Son Honneur le Président pro tempore: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)

projet de loi sur la citoyenneté au Canada

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Finestone, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Gauthier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-16, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'interviens afin de m'exprimer au sujet du projet de loi C-16 qu'on appelle couramment, comme vous le savez, le projet de loi sur la citoyenneté, ou sur la citoyenneté au Canada. Je voudrais soulever quelques points à propos de ce projet de loi, notamment en ce qui a trait aux quelques problèmes que j'y trouve. J'aimerais également savoir quand le projet de loi sera renvoyé au comité pour que celui-ci se penche avec attention et diligence sur les questions que je soulève.

Honorables sénateurs, je ne veux pas revenir sur les préoccupations exprimées par les sénateurs Kinsella, Andreychuk et les autres. J'espère seulement que ces considérations seront prises au sérieux.

Je voudrais exposer aux honorables sénateurs les raisons qui ont fait que ce projet de loi a captivé mon attention. Cela a trait au serment de citoyenneté, qui figure à l'annexe du projet de loi, le serment de citoyenneté dont il est question à l'article 34 du projet de loi.

Avant d'aborder ce sujet, honorables sénateurs, j'aimerais dire qu'il existe au Canada une histoire et une tradition d'immigration longues et nobles. Par exemple, si je ne faisais que nommer le nom du premier de nos premiers ministres du Canada, sir John A. Macdonald, on se souviendrait rapidement que cet homme n'est pas né au Canada, qu'il est en fait originaire d'un autre pays. En outre, je signale, pour ceux qui ne le savent pas, que la seconde épouse de sir John A. Macdonald, Agnes Bernard, était Antillaise. Elle était originaire des Antilles britanniques, comme moi. Elle venait de la Jamaïque. Je crois que peu de gens dans cette enceinte le savaient. Ainsi, j'entretiens un lien avec ces personnes qui sont venues au Canada pour se joindre aux institutions gouvernementales et jouer ce que je considère être un rôle significatif dans la vie canadienne.

Pour ceux d'entre nous qui sont originaires d'un autre pays et qui sont venus au Canada, il est relativement important et crucial que la question de la citoyenneté soit examinée. J'admets, toutefois, qu'à l'époque de sir John A. Macdonald, la citoyenneté avait une tout autre signification que celle qu'on lui donne dans le projet de loi. La définition de la citoyenneté comme elle est énoncée dans le projet de loi doit certainement être examinée.

(1550)

Honorables sénateurs, je voudrais vous expliquer pourquoi j'ai décidé de soulever cette préoccupation. Permettez-moi de donner lecture du nouveau serment de citoyenneté qui est proposé. Le serment, qui se trouve à l'annexe du projet de loi C-16, dit ceci:

Dorénavant, je promets fidélité et allégeance au Canada et à Sa Majesté Elizabeth Deux, Reine du Canada. Je m'engage à respecter les droits et libertés de notre pays, à soutenir nos valeurs démocratiques, à observer fidèlement nos lois et à remplir mes devoirs et obligations de citoyen(ne) canadien(ne).

Honorables sénateurs, la première chose que je vous invite à remarquer, c'est l'absence de l'expression «ainsi Dieu me soit en aide». Le serment est ainsi devenu un engagement ou une déclaration. Le fait est intéressant.

Ma vraie question est la suivante: qu'advient-il de la notion d'«allégeance» dans le nouvel engagement proposé? J'invite les honorables sénateurs à examiner le serment avec un certain sérieux. Il y est question d'une «allégeance au Canada». Fait intéressant, la notion d'allégeance suppose normalement une loyauté, une caractéristique humaine. On prend normalement un engagement envers une personne, d'habitude le souverain, Sa Majesté la Reine du Canada. Le serment d'allégeance exprime la fidélité, la loyauté et l'engagement. Il y a allégeance à l'égard de quelque chose ou de quelqu'un qui échappe à la manipulation humaine. C'est ainsi qu'il y a eu allégeance envers la reine, parce qu'elle incarne une institution permanente. On prête allégeance à quelque chose de permanent, stable et durable. Autrement dit, à quelque chose de perpétuel, mais surtout à quelque chose qui échappe aux constantes manipulations ou altérations humaines. Lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité, je voudrais demander aux sénateurs d'examiner avec soin les fonctions que remplit un serment et les objectifs qu'il est censé avoir.

Honorables sénateurs, ce serment se lit comme suit: «[...] je promets fidélité et allégeance au Canada[...]» Eh bien, parlons donc du Canada pendant quelques instants. Ces derniers jours, nous avons appris des choses extraordinaires à propos du Canada. L'une des questions sur lesquelles je demanderai au comité de se pencher dans son étude du projet de loi C-16, c'est la question de savoir de quel Canada il s'agit dans ce serment. Depuis quelques jours, même dans cette enceinte, nous entendons plusieurs sénateurs dire que le Canada peut être divisé. Je voudrais que le comité nous dise à quel Canada le serment de citoyenneté se rapporte. Est-ce le nouveau ou l'ancien Canada? Est-ce un Canada divisé ou un Canada non divisé? Je pense que c'est une question très importante parce que nous sommes saisis de deux projets de loi procédant séparément, mais dans une trajectoire de collision. Dans mon esprit, cela viole un important principe, à savoir le fait que le Cabinet est censé parler d'une seule voix et préconiser une seule politique.

Passons maintenant à ce Canada auquel on demandera aux nouveaux Canadiens de prêter serment. Écoutons ce que le sénateur Richard Kroft avait à dire au sujet du Canada, il y a quelques jours, comme on peut le lire dans les Débats du Sénat du 20 juin 2000 à la page 1675:

[...] La Cour suprême a déclaré que le Canada, dans des circonstances très clairement définies et selon des procédés très clairement définis, est divisible. C'est la loi au Canada.

Deux paragraphes plus haut, le sénateur Kroft a également dit:

[...] Pour pouvoir affirmer que le Canada est indivisible, il faut conclure que la Cour suprême s'est trompée dans sa décision. Naturellement, n'importe qui peut exprimer un tel point de vue; toutefois, il n'est pas facile de déterminer où on veut en venir avec une telle allégation, d'autant que la cour a analysé les droits nationaux et internationaux.

Voilà qui est étonnant. Nous sommes saisis du projet de loi C-16, qui dit que les nouveaux Canadiens prêteront serment au Canada, mais le sénateur Kroft nous dit que la cour a analysé les droits nationaux et internationaux et que la loi du Canada dit que le Canada est divisible. Qu'avons-nous donc ici? Une loyauté divisée, un serment divisé ou un citoyen divisé? C'est mon premier point.

Le 21 juin 2000, dans cette enceinte encore, à la page 1704 des Débats, le sénateur Fraser a dit: «Même si nous croyons que moralement[...]» L'allégeance serait maintenant devenue une question de croyance. Les uns croient une chose, les autres une autre, ce qui va à l'encontre de ce que devrait être le serment d'allégeance. Un serment d'allégeance est censé être un énoncé précis et non équivoque. Cependant, le sénateur Fraser a dit:

Même si nous croyons que moralement le Canada devrait être indivisible, il nous faut admettre le simple fait que la Cour suprême du Canada a jugé que le pays est divisible, dans la mesure où seront respectées des conditions rigoureuses en matière de loi et de démocratie. Tous ceux qui ont comparu devant le comité, même ceux qui désapprouvent l'opinion de la Cour suprême dans le renvoi relatif à la sécession du Québec, conviennent que cette opinion est exécutoire. Elle est désormais inscrite dans la loi du Canada. Nous ne pouvons pas nous y soustraire ni faire comme si elle n'existait pas.

Tout cela est très intéressant. Le sénateur Fraser dit que c'est la loi. Nous demandons aux citoyens de prêter serment à quelque chose, mais nous sommes incapables de leur dire à quelle loi ils prêtent serment. C'est vraiment fort intéressant. Pour embrouiller encore plus les choses, l'ex-juge Willard Estey soutient que le sénateur Kroft et le sénateur Fraser ont tort tous les deux. Le, 15 juin 2000, devant le comité sénatorial spécial chargé d'étudier le projet de loi C-20, M. Estey a déclaré exactement le contraire de ce qu'affirmaient le sénateur Kroft et le sénateur Fraser. Il a dit:

Je passe maintenant au renvoi à la Cour suprême du Canada effectué par le gouverneur en conseil en 1998. La Cour a établi que le Canada, en tant que nation, est indivisible.

Au paragraphe suivant, il ajoute:

À la lecture de l'avis de 59 pages, il est manifeste que la Cour a déterminé que le Canada est un pays régi par une Constitution et indivisible.

(1600)

Honorables sénateurs, il conviendrait peut-être d'élucider ce mystère, en cherchant à déterminer en quoi consiste un serment. Cela permettra peut-être de dissiper la confusion qui règne. Cherchons donc à définir un serment. Un bébé pourrait vous dire qu'un serment est une déclaration solennelle, un engagement solennel, une promesse solennelle, une affirmation ou une déclaration que la personne qui prête serment fait en son âme et conscience et invoquant sa dignité. «Que Dieu me soit en aide», comme le veut l'expression ou encore «selon ma conscience».

Prenons, par exemple, M. Jowitt, l'un des plus grands spécialistes du droit anglais. À la page 1268 de la 2e édition du Jowitt's Dictionary of English Law, publiée en 1977, il dit:

Le serment appelle Dieu à être témoin de la vérité d'une déclaration.

Honorables sénateurs, outre la définition donnée par Jowitt, il y a d'autres définitions magistrales, dont celle que l'on trouve dans la 7e édition du Black's Law Dictionary:

Serment 1. Déclaration solennelle, prenant Dieu, une personne ou une chose révérée à témoin qu'une déclaration est vraie ou qu'une personne s'engage à tenir une promesse.

Deux ou trois paragraphes plus bas, on lit encore ceci dans Black:

Le mot «serment» (hormis le sens de blasphème) a deux acceptions bien distinctes: (1) un appel solennel à Dieu pour attester de la vérité d'une déclaration ou du caractère exécutoire d'une promesse [...]

D'autres définitions suivent.

Son Honneur le Président pro tempore: Sénateur Cools, je dois vous signaler que le temps dont vous disposiez est écoulé.

Le sénateur Cools: Je demande un peu de temps supplémentaire.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement: Puis-je demander de combien de temps vous avez besoin?

Le sénateur Cools: Je crois que quelques minutes suffiraient, honorables sénateurs.

Le sénateur Hays: Devrions-nous lui accorder cinq minutes?

Le sénateur Cools: Disons 15, et je n'en prendrai peut-être que cinq ou dix.

Le sénateur Hays: D'accord donc pour 10 minutes.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, accordez-vous 10 minutes supplémentaires au sénateur Cools?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: En me réservant le droit de revenir sur mon accord.

Le sénateur Cools: Votre Honneur, j'aimerais un jour savoir en vertu de quoi un honorable sénateur peut demander que soit modifiée la durée de la prolongation que je demande. Je comprends que nous ne réglerons pas la question maintenant, mais il faudra un jour trancher.

Le Black's Law Dictionary nous dit aussi que le serment d'allégeance est un serment en vertu duquel on promet fidélité à un souverain ou à un gouvernement en particulier, ou à qui que ce soit d'autre.

Cela étant dit, honorables sénateurs, je veux passer à la question des serments et des affirmations qu'ils contiennent parce que je fais partie de ce groupe de personnes qui ont prêté un serment d'allégeance lorsqu'elles sont venues au Sénat. Pour moi, un serment, c'est très important. Après tout, comme je l'ai déjà dit, un serment est un appel à un être suprême, et c'est extrêmement important.

Honorables sénateurs, sans perdre de vue que la Charte canadienne des droits et libertés dit, dans son préambule, que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit, lorsque nous composons un serment, celui-ci devrait honorer la loi. Un serment devrait honorer la divinité et il devrait honorer l'importante question de la loyauté à laquelle on demande au citoyen de s'engager.

Je dirais aux sénateurs que, en cette époque où le gouvernement nous dit que le Canada est divisible et pourrait être morcelé, je ne comprends pas comment le gouvernement peut proposer pareil serment. J'ajouterai que ce serment est fort différent de celui de 1977 et encore plus différent du serment d'allégeance de 1946, qui se rapproche encore énormément de celui que nous prêtons ici.

Je suis à la fois heureuse et honorée de demander au comité de réfléchir à cette question essentielle. Une fois que l'on aura répondu à la question, peut-être pourrons-nous tous savoir si nous demandons ou non aux nouveaux Canadiens de prêter un serment à un Canada qui pourrait cesser d'exister à un moment donné. Autrement dit, nous leur demandons de poser la main sur un livre sacré et d'invoquer leurs divinités pour jurer loyauté envers une chose dont cette Chambre a dit qu'elle n'existait pas, une chose dont cette Chambre et de nombreux membres de cette Chambre ont dit qu'elle pouvait ne pas exister du point de vue juridique. À mon avis, honorables sénateurs, un tel énoncé va à l'encontre de la primauté du droit, de la «common law britannique» et du sens d'allégeance que chacun de nous, en tant que sénateurs, et tous les citoyens du Canada devons à Sa Majesté la Reine.

Honorables sénateurs, je veux que vous compreniez bien que ce n'est pas là une notion hermétique ou mystique. Il s'agit de déterminer si nous demandons aux Canadiens d'être unis par un lien, par une conviction qui nous transcende tous parce que, après tout, honorables sénateurs, c'est une conviction essentielle à l'exercice de la politique. Nous savons tous que la politique peut devenir une question d'intérêt personnel, de satisfaction personnelle et de promotion personnelle. Tous les honorables sénateurs savent que si nous n'avons pas d'idéaux qui transcendent les êtres humains et l'aptitude humaine auxquels adhérer, les intérêts humains et les intérêts égoïstes prennent alors le dessus.

C'étaient là les quelques observations que j'avais à vous faire. Si les honorables sénateurs sous-estiment l'importance d'un serment, je leur demande alors de penser à tous ces nobles soldats qui sont allés à la guerre afin de combattre parce qu'ils croyaient en Dieu, en leur roi et en leur pays. Je prie les honorables membres du comité de prendre au sérieux la question de l'impact du projet de loi C-20 sur le projet de loi C-16 et de se demander à quel Canada on demandera aux nouveaux Canadiens de prêter le serment de loyauté, ainsi que de répondre à l'importante question de savoir comment une personne peut prêter le serment de loyauté à l'égard de quelque chose si nous ne savons plus ce que c'est.

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, en rapport avec l'indivisibilité du pays, l'honorable sénateur Cools a rappelé la comparution de M. Estey devant le comité qui étudiait le projet de loi C-20. Je me demande si l'honorable sénateur peut nous dire si elle se rappelle de la partie du témoignage où celui-ci a dit que rien au monde n'est indivisible, y compris le Canada? J'aimerais aussi savoir si l'honorable sénateur se rappelle de l'orientation générale de l'intervention de M. Estey, orientation partagée par bon nombre de nos témoins, à savoir que le pays est indivisible à moins qu'un amendement constitutionnel à l'effet contraire soit adopté, auquel cas il devient divisible?

Le sénateur Cools: Je remercie l'honorable sénateur Fraser de sa question. Je me rappelle assez bien du témoignage de l'ancien juge Estey et j'en garde un souvenir qui est assez vif. J'aurais été plus heureuse si hier, après avoir pris la parole, le sénateur Fraser avait été disposée à répondre à des questions à ce sujet. C'était une des questions que je voulais lui poser. À mon avis, il aurait mieux valu que cet échange se déroule hier, parce qu'il aurait donné à d'honorables sénateurs une occasion de dialoguer avec la présidente du comité.

Je crois sincèrement qu'en sa qualité de présidente du comité, elle a entendu, détenu, possédé et saisi la preuve qui nous a été soumise. M. Estey a été très clair parce qu'il a un esprit vif et incisif et qu'il a dit très clairement, employant le temps présent, que le Canada, dans le cadre constitutionnel actuel, est indivisible. C'est pourquoi le projet de loi C-20 est si déficient. C'est parce qu'il est au temps présent et que le Canada, au temps présent, est indivisible.

(1610)

Dans l'avenir, c'est une autre histoire. Aucune modification constitutionnelle de l'avenir ne peut rendre le Canada divisible dans le présent, tout comme aucune modification constitutionnelle de l'avenir ne peut rendre le projet de loi C-20 légal dans le présent.

C'est là où le raisonnement, du sénateur Fraser est très boiteux et très imparfait. Oui, je le lui dis, car, comme elle ne m'en avait pas donné la chance hier, nous pouvons parler aujourd'hui.

Je dirai à tous, encore une fois, puisque vous m'en avez donné l'occasion, qu'aucune disposition de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ou des lois connexes qui composent la Constitution du Canada n'autorise que nous soyons saisis du projet de loi C-20. Aux termes des dispositions actuelles - je dis bien actuelles, présentes - de la Loi constitutionnelle, aucun article ni aucune disposition n'accorde au Parlement le pouvoir légal d'envisager la partition de notre pays.

L'ancien juge Estey a dit très clairement que les personnes qui voulaient que le Canada soit divisible auraient dû franchir d'abord l'étape d'une modification constitutionnelle, ce qui aurait permis cette division, avant de pouvoir présenter un projet de loi. Pour la gouverne du sénateur Fraser...

Son Honneur le Président pro tempore: Sénateur Cools, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Cools: Puis-je terminer ma phrase?

Le sénateur Hays: D'accord.

Le sénateur Cools: Pour l'information du sénateur Fraser, et de bien d'autres personnes qui insistent pour dire que le Canada est divisible, je rappelle aux sénateurs que Louis Riel a été pendu pour moins. En outre, sir John A. Macdonald et ceux qui ont élaboré l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ont élaboré une loi qui traitait de la partition. Le terme employé à l'époque n'était pas «divisible» ou «indivisible», mais ils ont élaboré une Constitution qui punissait par des mesures très rigoureuses toute dérogation à l'union. Je vous remercie.

L'honorable Marcel Prud'homme: Les sénateurs ne disent généralement pas s'ils sont prêts ou non, mais j'ai dit hier que je voulais parler de ce projet de loi. Je vais donc prendre la parole. Je ne suis pas prêt à le faire, mais je ne veux pas retarder les travaux indûment. Si je pouvais reporter le débat sur cet article à mardi, alors je serais prêt mardi. J'ajoute que je ne prendrai la parole qu'au plus 15 minutes. Je vais exprimer toutes mes opinions en 15 minutes. Par conséquent, je demande le consentement pour reporter le débat sur cet article.

Le sénateur Kinsella: D'accord.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, comme je l'ai dit hier, je ne suis pas d'accord pour ajourner. À mon avis, nous devrions examiner cette question et la renvoyer à un comité pour étude après en avoir débattu en deuxième lecture. À cette fin, je me demande si le sénateur Prud'homme pourrait nous faire part de ses remarques aujourd'hui. La fin de la session approche. Ce projet de loi doit être renvoyé à un comité pour étude avant que l'on puisse décider ou non de l'examiner avant les vacances d'été. Il me semble donc impératif de faire avancer les choses.

Le sénateur Prud'homme: Je lirai en français ce que vous avez dit hier. Je comprends ce que vous venez de dire. Vous avez dit:

[Français]

Honorables sénateurs, à mon avis le projet de loi devrait être envoyé au comité. Madame le sénateur Finestone est prête à y renvoyer le projet de loi. Madame le sénateur Cools voudrait-elle faire une courte intervention?

Le sénateur Cools a répondu et je cite:

Ce que j'ai à dire prendrait plus de cinq minutes.

J'ai dit et je cite:

[...] j'ai l'intention de prendre la parole au sujet du projet de loi, moi aussi. J'ai oeuvré 35 ans dans le domaine de la citoyenneté.

L'honorable sénateur n'a pas dit qu'il y avait eu une entente de renvoyer le projet de loi au comité.

[Traduction]

Nous ne siégeons ni demain, ni samedi. Nous ne siégeons ni dimanche, ni lundi. Je ne vois pas quelle différence ça fait. À ce que je peux voir, les sénateurs ne seront pas nombreux à prendre part au débat. Comme je l'ai déjà dit, si je demande à prendre la parole et que je ne me présente pas pour ce faire, tant pis pour moi. Je n'ai pas dit cela hier. Je demande donc encore une fois le consentement. Je limiterai mon intervention à 15 minutes.

Honorables sénateurs, plus je dis que j'ai l'intention de prendre la parole, plus je reçois de notes. Pour la première fois de ma vie, je suis confronté à l'organisme B'nai Brith Canada, qui est d'accord avec moi sur tout, avec lequel je suis d'accord sur tout, et c'est donc une chose sur laquelle je dois me pencher durant le week-end. Madame le sénateur Finestone sourit parce qu'elle est d'accord avec moi.

Encore une fois, honorables sénateurs, je demande que le débat soit ajourné en mon nom jusqu'à mardi. À moins que je ne sois malade, je serai à votre disposition mardi et ne parlerai pas plus de 15 minutes. Tout ce que vous aviez l'intention de faire aujourd'hui, que vous ne pouvez pas faire de toute façon durant le week-end, sera fait à partir de mardi.

Le sénateur Hays: Je déplore énormément de ne pouvoir satisfaire à la demande du sénateur Prud'homme, mais ce projet de loi est inscrit au Feuilleton depuis environ deux semaines de plus que ce que j'avais prévu. Je me sens tenu de le faire avancer. Nous pourrions siéger demain. Je vais demander le consentement pour ne pas siéger demain. L'honorable sénateur pourrait nous ramener ici demain. J'espère qu'il n'en fera rien, surtout qu'il a dit plus tôt qu'il allait y souscrire.

Je dois malheureusement demander que la question soit mise aux voix ou que vous fassiez connaître votre position maintenant.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, voyons si nous pouvons trouver un compromis par les voies habituelles. Mon collègue, le leader adjoint du gouvernement doit veiller à ce que les mesures gouvernementales soient adoptées le plus rapidement possible et je peux parfaitement comprendre ses responsabilités.

Je pense qu'une partie du problème entourant ce projet de loi, si on peut parler d'un problème, découle du fait que nous avons examiné sérieusement la question. Qu'avons-nous découvert? Nous nous sommes aperçus qu'il s'agissait d'un projet de loi sur la naturalisation et les honorables sénateurs ont soulevé de graves questions durant le débat. Ce projet de loi n'aborde pas la question plus large de la citoyenneté. Dans le cadre du débat dans cette enceinte, on a suggéré que nous pourrions peut-être remédier à cela.

Ensuite, on a fait circuler plus tôt cette semaine un document indiquant que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, comme tout comité qui se respecte, avait pris des dispositions pour accélérer ses travaux en ce qui concerne la convocation et l'audition de témoins. En fait, selon un document dont j'ai pris connaissance, le comité devait siéger jusqu'à minuit hier soir pour entendre des témoins. Ainsi, il est devenu évident pour certains qu'on essayait d'adopter ce projet de loi à toute allure au comité.

Les sénateurs qui ont de graves préoccupations relativement au projet de loi ont vu ce qui s'est passé à l'autre endroit. La Chambre a tenu des audiences pendant des mois à l'époque, lorsque le projet de loi prenait la forme du projet de loi C-63. Ensuite, les députés ont eu une autre longue période pour l'examiner sous sa forme actuelle. Notre comité n'aura même pas une journée ou deux pour l'examiner. Cela a inquiété de nombreux sénateurs. C'est ce qui explique la tournure qu'a pris le débat en deuxième lecture.

Nous reconnaissons tous qu'il est difficile de donner des instructions à un comité, mais on pourrait s'entendre dans cette enceinte pour que le comité étudie très attentivement ce projet de loi, en tenant compte des questions qui ont été soulevées ici en deuxième lecture et ne pas s'attendre à ce que ce projet de loi soit adopté à toute vapeur. En fait, il ne sera pas adopté de toute façon d'ici la semaine prochaine, si nous devons mettre un terme à nos travaux d'ici la fin de la semaine prochaine. Si je ne m'abuse, et la présidente est parmi nous, c'est mardi ou mercredi que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles doit se réunir.

L'honorable Lorna Milne: Mercredi.

Le sénateur Kinsella: Je pense que le sénateur Prud'homme dit qu'il va intervenir mardi. De ce côté-ci, nous n'avons pas d'autres intervenants et le projet de loi pourrait être renvoyé au comité mardi. Pour que le sénateur Hays respecte les objectifs qu'il a à respecter, si c'est là ce qui est entendu, il pourrait s'agir d'un compromis qui peut être accepté par la filière habituelle.

(1620)

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, cela semble être une bonne façon de régler une affaire difficile. Je pourrais peut-être demander à la présidente du comité auquel nous renverrons le projet de loi quel serait son programme de travail si elle recevait le projet de loi aujourd'hui.

Le sénateur Milne: Si nous recevions le projet de loi aujourd'hui, nous n'aurions évidemment pas de témoins à entendre ce soir. Nous tâcherions de convoquer des témoins pour mardi matin de la semaine prochaine, mardi soir, mercredi soir et jeudi. Je dois cependant dire à l'honorable sénateur que, si nous avions reçu le projet de loi la semaine dernière, nous aurions été en mesure d'en terminer l'étude. Nous avons maintenant, 24 groupes qui désirent comparaître devant le comité pour se faire entendre à ce sujet, de sorte que le fait de le recevoir à la fin de la semaine ou la semaine prochaine pose un gros problème d'horaire.

Le sénateur Hays: Ayant entendu cela, je suis plutôt persuadé par l'intervention du sénateur Kinsella, surtout quand il a dit qu'il ne prévoyait pas qu'il y ait d'autres orateurs de l'opposition. Que je sache, aucun orateur n'est prévu de notre côté.

Il y a un problème qui m'ennuie un peu, celui du programme de travail. Je songe ici au fait que la ministre est en droit de se faire entendre devant le comité, et rapidement, étant donné qu'elle et le gouvernement souhaitent que cette mesure soit adoptée rapidement. Il se peut que le comité ne soit pas disposé à le faire. Il se peut que notre Chambre ne soit pas disposée à le faire. Je ne sais pas. Cependant, nous devrions à tout le moins saisir un comité du projet de loi de sorte que la ministre puisse comparaître, et je crois comprendre qu'elle pourra le faire la semaine prochaine.

Le sénateur Milne: J'ai de l'information à ce sujet. La ministre se trouve actuellement en Europe. Elle était disposée à annuler son voyage pour se présenter cette semaine devant le comité. Nous n'avons cependant pas reçu le projet de loi à temps. Elle ne sera pas de retour avant jeudi prochain.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je vais vous aider. Je savais presque tout ce qui vient d'être dit. On ne me considère pas comme quelqu'un de très difficile. C'est peut-être difficile à croire, mais c'est la première fois que je reçois autant de protestations de gens qui veulent être entendus et qui estiment ne pas avoir été traités équitablement à la Chambre des communes. La citoyenneté, tout comme l'immigration, est un sujet qui tient terriblement à coeur à nombre de gens, moi y compris. Certains ont le sentiment que cette question est traitée à la hâte. La ministre ne peut pas être là. Tout le monde sait qu'elle est absente.

Je ne voudrais pas être difficile, mais je peux vous dire que, mardi, si je ne suis pas au Sénat - et je le dis ouvertement - allez de l'avant. Cependant, les gens sont très nombreux à m'envoyer des notes à ce sujet, et je n'ai pas le personnel dont disposent les bureaux de recherche. Je n'ai qu'un personnel d'été. C'est ma faute, mais certains sont partis vers de plus vertes prairies. Je ne pense pas qu'il soit juste de votre part de dire non si je dis mardi. Si vous dites non, que puis-je faire? Vous pouvez faire ce que vous voulez. Vous êtes le patron de cette Chambre.

Le sénateur Hays: Je pense que nous avons maintenant suffisamment d'informations pour savoir que nous ne gagnerons rien à ne pas vous accorder cette grande chance. Mardi, je vais appeler cet article en premier, et c'est un signal que j'envoie au comité, qui saura à quoi s'en tenir.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant que je mette l'ajournement aux voix, j'aimerais juste faire remarquer que tout ce qui a été dit au cours des dernières minutes est totalement irrégulier.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourquoi ne l'avez-vous pas dit plus tôt?

Le sénateur Kinsella: Mais c'était très créatif et cela a résolu le problème.

Son Honneur le Président: Ne considérons pas cela comme un précédent pour l'avenir.

(Sur la motion du sénateur Prud'homme, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais appeler l'article numéro 1 sous «Rapports des comités», soit le rapport du comité sénatorial permanent des finances nationales sur le budget principal des dépenses de 2000-2001.

Le Budget de 2000-2001

Adoption du deuxième rapport provisoire du comité des finances nationales

Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget principal des dépenses pour l'exercice 2000-2001), présenté au Sénat le 20 juin 2000.

L'honorable Anne C. Cools propose: Que le rapport soit adopté.

- Honorables sénateurs, je serai très brève. Nous avons devant nous le huitième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales qui, comme nous le savons, a été présenté il y a quelques jours par le président du comité, l'honorable sénateur Murray. Le rapport est passablement exhaustif. Je n'ajouterai donc pas grand-chose, si ce n'est pour dire que le comité a effectué, je dirais avec diligence, vigilance et attention, certaines études globales concernant le budget des dépenses lui-même.

Je signale aux honorables sénateurs qu'il s'agit d'un rapport provisoire, dont l'adoption permettra à l'étude du projet de loi de crédits de progresser en cette Chambre.

J'aimerais résumer rapidement le rapport. J'espère que les honorables sénateurs en ont le texte sous les yeux et qu'ils en examineront le contenu. Comme nous pouvons le voir, le comité a entendu la présidente du Conseil du Trésor, l'honorable Lucienne Robillard, avec qui nous avons eu un échange non seulement franc mais cordial. Comme nous le savons, Mme Robillard est une personne extrêmement plaisante, ce qui a beaucoup facilité la discussion.

Le comité a également entendu d'autres témoins, notamment des fonctionnaires du Conseil du Trésor, ainsi que le président de l'Agence canadienne de développement international, M. Len Good, et le sous-ministre de la Justice, M. Morris Rosenberg, le 6 juin 2000.

Quoi qu'il en soit, comme nous avons aujourd'hui un emploi du temps chargé, j'invite les honorables sénateurs à étudier le rapport eux-mêmes et à l'adopter, afin de donner suite à l'étude des crédits et permettre au gouvernement d'obtenir les fonds nécessaires pour payer ses comptes.

(La motion est adoptée et le rapport est adopté.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que nous passions à l'article 8 de l'ordre du jour, soit le projet de loi C-42.

Projet de loi de crédits numéro 2 pour 2000-2001

Deuxième lecture

L'honorable Anne C. Cools propose: Que le projet de loi C-42, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2001 soit lu une deuxième fois.

(1630)

- Honorables sénateurs, en adoptant ce projet de loi de crédits, le projet de loi C-42, les deux Chambres du Parlement auront approuvé le Budget des dépenses du gouvernement et accordé les derniers crédits pour l'exercice financier allant du 1er avril 2000 au 31 mars 2001. S'il a besoin de crédits supplémentaires par la suite, le gouvernement soumettra un budget supplémentaire aux deux Chambres. Le budget principal des dépenses de 2000-2001 a été présenté au Sénat par notre leader adjoint, le sénateur Daniel Hays, le 2 mars 2000. Le même jour, le Sénat l'a renvoyé au comité sénatorial permanent des finances nationales pour étude et examen.

Le comité du Sénat a étudié le budget principal des dépenses et a entendu divers témoins, notamment des fonctionnaires du Conseil du Trésor qui ont comparu le 22 mars 2000, ainsi que la présidente du Conseil du Trésor qui a comparu devant notre comité le 30 mai 2000. Les fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor étaient Keith Coulter, secrétaire adjoint, Secteur de la planification, du rendement et des rapports; Andrew Lieff, directeur principal, Opérations des dépenses; et Kevin Lindsey, directeur, Opérations des dépenses.

Quand la ministre Lucienne Robillard, présidente du Conseil du Trésor, a rencontré le comité, elle a eu une franche discussion au sujet du budget de 2000-2001. La ministre Robillard a signalé le rendement économique relativement fort du Canada parmi les pays du G-7 et la réalisation par le Canada d'une économie d'un billion de dollars. La ministre a également noté les changements importants apportés au budget principal des dépenses de 2000-2001 et elle a souligné plusieurs initiatives gouvernementales.

Honorables sénateurs, le comité a également entendu M. Len Good, président de l'Agence canadienne de développement international, qui a comparu devant le comité le 31 mai 2000, ainsi que M. Morris Rosenberg, sous-ministre de la Justice, le 6 juin 2000.

En cette Chambre, le mardi 20 juin, le président du comité, le sénateur Lowell Murray, a présenté le huitième rapport, soit le deuxième rapport intérimaire consacré au budget principal des dépenses 2000-2001. Ce rapport a été adopté il y a quelques minutes. Il est tout ce qu'il y a de plus exhaustif et j'invite les honorables sénateurs à le consulter. Le comité a pris son travail très au sérieux et a soumis au Sénat un rapport on ne peut plus exhaustif.

Honorables sénateurs, je vais maintenant décrire en détail certains des postes du budget principal des dépenses. Le budget principal des dépenses pour l'exercice en cours, 2000-2001, totalise quelque 156,2 milliards de dollars en dépenses prévues. Ce total englobe des dépenses d'environ 106 milliards autorisées en vertu des lois existantes et des dépenses de 50,1 milliards pour lesquelles nous sollicitons l'autorisation parlementaire.

Les sénateurs se souviendront que le projet de loi de crédits provisoires, le projet de loi C-30, au montant de 15,6 milliards, a été adopté le 29 mars 2000 et a reçu la sanction royale le, 30 mars 2000. Le projet de loi C-42, dont nous sommes saisis actuellement, demande au Parlement d'approuver les, 34,5 milliards restants sur ces 50,1 milliards.

Honorables sénateurs, je vais énumérer brièvement certains des principaux changements touchant les ministères et organismes dans le budget principal des dépenses. Ces changements sont présentés comme étant des augmentations ou des diminutions par rapport au budget principal des dépenses de 1999-2000. Les augmentations les plus importantes dans le budget principal des dépenses comprennent: une augmentation de 1 milliard de dollars au ministère des Finances pour les paiements au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux; une augmentation de 895 millions de dollars au ministère de la Défense nationale, qui comprend, 307 millions pour des programmes additionnels, 120 millions pour des hausses de salaire, 236 millions pour la participation continue des forces canadiennes aux opérations de maintien de la paix, 41 millions pour compenser partiellement les hausses de prix liées à la croissance du PIB, 126 millions pour les initiatives visant à améliorer la qualité de vie du personnel militaire, et, 65 millions pour les hausses prévues des paiements aux provinces au titre des accords d'aide financière en cas de catastrophe; une augmentation de 700 millions au ministère du Développement des ressources humaines pour la Sécurité de la vieillesse, le Supplément de revenu garanti et les allocations de conjoint, augmentation attribuable à la croissance du nombre de bénéficiaires et du taux de prestation moyen; 500 millions au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire pour l'aide au revenu agricole; 359 millions au ministère du Développement des ressources humaines pour les subventions aux bénéficiaires des régimes enregistrés d'épargne-études, ce qui reflète le succès de la Subvention canadienne pour l'épargne-études; 235 millions à la Société canadienne des postes comme aide financière de transition pour la mise en oeuvre de son régime de pensions;, 234 millions au ministère des Finances pour les paiements de péréquation; 200 millions au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour les programmes, dont 101 millions pour «Rassembler nos forces», la réponse du gouvernement à la, Commission royale sur les peuples autochtones, 77 millions pour des services de base comme le logement, l'éducation et le développement communautaire, et 24 millions pour la stratégie d'emploi des jeunes du ministère; 180 millions au ministère des Finances pour les paiements de transfert aux gouvernements territoriaux, y compris des fonds pour le gouvernement du Nunavut; 166 millions à la GRC pour accroître le nombre d'agents dans les collectivités locales, pour avoir plus de personnel et de meilleures ressources afin de lutter contre le crime organisé, la criminalité technologique, le télémarketing frauduleux, les infractions à nos lois sur l'immigration et les crimes liés à la drogue, pour améliorer les pratiques de gestion du service et pour la réfection des postes de police; 145 millions au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire pour les programmes complémentaires de sécurité du revenu visant à aider la communauté agricole; 142 millions au ministère du Développement des ressources humaines pour l'initiative annoncée en décembre 1999 pour aider à soulager et à prévenir le problème des sans-abri au Canada; 119 millions au ministère de la Santé pour les programmes de santé des Premières nations et des Inuit, afin d'améliorer les soins communautaires et à domicile dans les collectivités des premières nations et inuit, comme on l'annonçait dans le budget de 1999, ainsi que pour tenir compte de la demande accrue de services et de programmes de santé du fait de l'augmentation de la population autochtone; 110 millions au ministère du Développement des ressources humaines pour le Fonds du Canada pour la création d'emplois, conformément à ce qui était prévu dans le budget de 1999; et, 102 millions au ministère des Pêches et des Océans pour le programme d'accès à la pêche et pour des activités de cogestion dans le cadre du programme de la pêche autochtone.

Honorables sénateurs, voici d'autres augmentations prévues dans le budget principal des dépenses: 98 millions de dollars de plus au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour les besoins urgents en matière de santé et de sécurité ayant trait à divers immeubles et ponts appartenant au gouvernement, notamment pour l'enlèvement de l'amiante, la sécurité incendie et des réparations structurelles nécessaires, montant qui servira aussi à régler les coûts supplémentaires de locaux loués, à améliorer les services d'information du gouvernement, à fournir des services de traduction parlementaire et à rationaliser les locaux à bureaux du gouvernement fédéral; 96 millions de dollars supplémentaires à l'Agence canadienne de développement international aux fins de l'aide au Kosovo;, 93 millions de dollars au ministère de la Santé aux fins de programmes en matière de santé annoncés dans le budget de 1999, y compris 39 millions de dollars pour améliorer la qualité et la disponibilité de l'information en matière de santé et pour la poursuite de l'amélioration des systèmes d'information en matière de santé, dont 30 millions qui seront affectés au ministère de la Santé pour le Programme canadien de nutrition prénatale, dont 20 millions de dollars pour des approches innovatrices en matière de santé rurale et communautaire, y compris des initiatives communes avec les provinces, et aussi, 5 millions pour des initiatives du domaine de la biotechnologie; 90 millions de dollars au ministère de la Justice pour faire face aux niveaux accrus de poursuites et à l'intensification de l'activité dans le domaine des poursuites fédérales; 87 millions de dollars au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour régler des revendications précises et mettre en oeuvre des ententes globales; 86 millions de dollars à la Société de développement du Cap-Breton, dont 54 millions de dollars pour les coûts de réaménagement des effectifs liés à la fermeture de la mine Phalen et aussi 32 millions de dollars pour les pertes d'exploitation découlant de problèmes géologiques à la mine Prince et de la fermeture accélérée de la mine Phalen; 85 millions de dollars au ministère des Finances pour des paiements à des institutions financières internationales; 79 millions de dollars au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration pour l'aide au rétablissement dans le cas des réfugiés du Kosovo, notamment pour le soutien du revenu, les soins de santé, les emplacements de soutien des réfugiés et les services d'établissement;, 78 millions de dollars aux trois conseils subventionnaires, notamment 50 millions de dollars pour ramener le financement aux niveaux de 1994-1995 prévus dans le budget de février 1998, dont 32 millions de dollars sont affectés au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, 12 millions de dollars au Conseil de recherches en sciences humaines, 6 millions de dollars au Conseil de recherches médicales et, en outre,, 28 millions de dollars pour aider le Conseil de recherches médicales dans le cadre de la transition qui mènera à la création des instituts canadiens de recherche en santé; 76 millions de dollars au ministère des Pêches et des Océans en vue d'assurer la pérennité des programmes du ministère, y compris les services de recherches et de sauvetage dans les eaux canadiennes, la surveillance et l'application de la loi dans le cas des pêches ainsi que l'accès à des conseils scientifiques en vue de conserver et de protéger les ressources halieutiques; 75 millions de dollars au ministère du Développement des ressources humaines pour la Stratégie emploi jeunesse, une initiative menée à l'échelle du gouvernement en vue de créer des possibilités d'emplois pour les jeunes Canadiens, telle qu'annoncée dans le budget de 1999;, 75 millions de dollars à l'Agence canadienne de développement international aux fins de l'enveloppe de l'aide internationale;, 70 millions de dollars au ministère du Patrimoine canadien aux fins du programme des langues officielles; 67 millions de dollars à Statistique Canada aux fins de la préparation du recensement de la population en l'an 2001; 63 millions de dollars au ministère de l'Industrie, pour les fins du programme Partenariat technologique Canada; 58 millions de dollars au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire pour le Fonds canadien d'adaptation et de développement rural; 52 millions de dollars au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration pour les programmes en matière d'immigration, y compris les mesures d'interdiction et de renseignement afin d'empêcher l'entrée des immigrants illégaux au Canada, de mettre en oeuvre les lois en matière d'immigration et d'améliorer la gestion de l'accès au Canada ainsi que l'expulsion en temps opportun; enfin,, 247 millions de dollars affectés à divers ministères et organismes aux fins des hausses de traitement et des avantages connexes consentis aux employés, y compris des fonds supplémentaires pour le traitement des juges et des membres de la GRC.

(1640)

Honorables sénateurs, après avoir énuméré les principales augmentations, je vais maintenant énumérer les grandes diminutions qu'on retrouve dans le budget principal des dépenses: une réduction de 1,6 milliard de dollars des crédits pour le ministère du Développement des ressources humaines à cause d'une diminution prévue des prestations d'assurance-emploi; une réduction de 500 millions de dollars des crédits du ministère des Finances à cause d'une baisse prévue du coût du service de la dette; 260 millions de dollars en recouvrements accrus auprès du Québec, reliés aux abattements d'impôt offerts au Québec pour le Programme d'allocations aux jeunes qui a pris fin en 1974 et à des arrangements sur des paiements de remplacement concernant le coût de certains programmes fédéraux-provinciaux administrés par le Québec. Le montant de l'abattement d'impôt est déduit des sommes normalement versées au titre de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces.

D'autres réductions importantes comprennent une réduction de 287 millions de dollars du financement ponctuel accordé par le Parlement pour aider les ministères et organismes à faire face au bogue de l'an 2000. Chose intéressante, honorables sénateurs, le bogue de l'an 2000 a disparu de nos mémoires, mais au cours de la dernière année, cela a semblé être un problème urgent. Cela me frappe, car on voit à quel point on peut oublier tant de choses.

Il y a également une réduction de 225 millions de dollars des crédits du ministère des Pêches et des Océans par suite de l'élimination du Programme d'adaptation et de restructuration des pêches canadiennes; une réduction de 112 millions de dollars des crédits du ministère du Développement des ressources humaines pour le Programme canadien de prêts aux étudiants par suite d'une diminution du passif prévu du programme, alors qu'aucun prêt garanti n'a été accordé après août 1995; enfin, une réduction de 110 millions de dollars des crédits du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire par suite d'une baisse des fonds nécessaires pour le programme d'Aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole, qui en est à sa deuxième et dernière année.

Honorables sénateurs, cela complète mon résumé des réductions. Après avoir énuméré les augmentations et les réductions dans le budget principal des dépenses, je me tourne maintenant vers les changements importants dans les prévisions non budgétaires, soit une augmentation de 190 millions de dollars au ministère des Finances pour des paiements à diverses institutions financières internationales.

En conclusion, je profite de l'occasion pour remercier le président du comité des finances nationales, le sénateur Lowell Murray, qui a su, selon moi, très bien traiter des questions et des renvois dont notre comité a été saisi. Je voudrais également profiter de l'occasion pour remercier les autres sénateurs membres de notre comité qui ont grandement coopéré et ont veillé à ce que le gouvernement reçoive ses crédits dans les délais voulus, en examinant le budget principal des dépenses pour l'exercice 2000-2001 et en fournissant en temps opportun au Sénat le rapport provisoire du comité.

J'en profite aussi, honorables sénateurs, pour remercier le personnel du comité, à qui nous demandons énormément, surtout en cette période de l'année, alors que nous essayons de rassembler toutes les variables afin d'être en mesure d'ajourner pour l'été. J'espère que le personnel du comité nous entend, car ce n'est pas souvent que nous pensons à le remercier.

Honorables sénateurs, cela étant dit, le Budget principal des dépenses de 2000-2001 fait état des besoins et des prévisions de dépenses du gouvernement de Sa Majesté. Ayant donné aux sénateurs un aperçu relativement exhaustif du budget et du plan de dépenses du gouvernement, je les engage à voter en faveur du projet de loi C-42, qui donne force de loi au budget.

Son Honneur le Président: Si personne d'autre ne veut prendre la parole, plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand le projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je suis convaincue que nous avons le consentement unanime pour passer à l'étape de la troisième lecture plus tard aujourd'hui.

Le sénateur Hays: Maintenant.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je veux simplement m'assurer que le consentement unanime est effectivement accordé car la dernière fois que mon honorable leader m'en a assurée, je me suis levée pour l'affirmer et un sénateur a dit «non».

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que nous passions maintenant à la troisième lecture?

Des voix: D'accord.

Troisième lecture

L'honorable Anne C. Cools propose: Que le projet de loi C-42, portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2001, soit lu une troisième fois.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, sous la rubrique des Affaires du gouvernement, j'aimerais appeler le rapport sur le projet de loi C-25 dont l'étude a été reportée à plus tard aujourd'hui. Il s'agit du rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je crois qu'il a été distribué à tous les honorables sénateurs.

[Français]

la Loi de l'impôt sur le revenu
la Loi sur la taxe d'accise
la Loi d'exécution du budget de 1999

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'honorable Marie-P. Poulin propose: Que le projet deloi C-25, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d'accise et la Loi d'exécution du budget de 1999, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, au nom de tous les membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, j'invite tous les sénateurs à appuyer ce projet de loi qui vise à metre en oeuvre le budget de 1999.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Àvec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant appeler, sous la rubrique des Affaires du gouvernement, le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur le projet de loi C-12.

(1650)

Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-12, Loi modifiant la Partie II du Code canadien du travail, portant sur la santé et la sécurité au travail, apportant des modifications matérielles à la Partie I du Code canadien du travail et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, je cède la parole au sénateur Kinsella.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, comme vous vous en souvenez, lors du débat à l'étape de la deuxième lecture, nous avons signalé que le Sénat avait déjà étudié une modification à la partie I du Code canadien du travail et, qu'à cette époque, il s'était penché sur le texte entier du code, qui n'était pas toujours rédigé dans un langage neutre. La ministre de la Justice avait promis qu'on le rendrait neutre. Le code avait été retiré du site Internet du ministère. Le code n'est pas encore rédigé à l'heure actuelle dans un langage toujours neutre. Cependant, il y a environ un an, nous avons adopté une loi corrective qui modifiait les passages du code qui n'étaient pas rédigés dans un langage neutre.

La ministre avait promis que la codification administrative du Code canadien du travail comporterait les modifications dont faisaient état la loi corrective, afin que les travailleurs canadiens aient accès, par l'entremise du ministère du Travail, à un code rédigé comme ils le souhaitent. Cela est le résultat du travail du Sénat et nous sommes heureux de voir que nos conseils ont été suivis.

Son Honneur le Président: Si aucun autre honorable sénateur ne souhaite prendre la parole, je vais passer à la motion de troisième lecture.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous revenons maintenant au point no 1 des affaires du gouvernement. Reprise du débat sur le projet de loi C-20.

Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le renvoi sur la sécession du Québec

Troisième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hays, appuyé par l'honorable sénateur Graham, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je veux limiter mes remarques sur le projet de loi C-20 aux deux grandes questions qui semblent préoccuper tout particulièrement les sénateurs, à savoir: le Canada est-il divisible et le projet de loi est-il constitutionnel?

Votre comité a entendu un jeune homme très convaincant, le professeur Robert Howse de l'université du Michigan, qui a beaucoup écrit sur le droit constitutionnel canadien, même si son principal domaine de compétence est le commerce international. Je m'empresse d'ajouter que même s'il vit aux États-Unis,, M. Howse est, ou était à l'origine, un Canadien. Celui-ci a fait valoir que le Canada est indivisible et a fondé son argument sur le même raisonnement juridique que nous avons entendu à plusieurs reprises dans cette Chambre. Par conséquent, je ne vais pas répéter cet argument.

Je vois cela de façon pragmatique et pratique. Le fait est que tous les pays sont divisibles et ont été divisés et réformés de nombreuses fois depuis la nuit des temps. Comparez la carte du monde à l'heure actuelle avec ce qu'elle était il y a seulement, 50 ou 60 ans, ou même dix ans. La fin de la guerre froide a amené la dissolution et la réunification de plusieurs États européens. Des pays qui s'étaient pompeusement déclarés indivisibles ont été divisés tranquillement et de façon pragmatique. C'est le cas, par exemple, de la France et de la Grande-Bretagne. Même les pays insulaires sont nettement divisibles. Voyez l'Irlande et Haïti. Le Canada n'est pas unique. Il n'est pas indivisible, comme l'a clairement déclaré la Cour suprême du Canada au deuxième paragraphe de son opinion, qui se lit comme ceci:

Un vote qui aboutirait à une majorité claire au Québec en faveur de la sécession, en réponse à une question claire, conférerait au projet de sécession une légitimité démocratique que tous les autres participants à la Confédération auraient l'obligation de reconnaître.

N'oubliez pas que, dans la pratique, une opinion de la Cour suprême a la même incidence qu'un jugement, comme nous l'a rappelé le juge Estey. Une telle opinion établit les paramètres de la loi du pays. Le Canada étant un pays qui respecte la primauté du droit, il s'est toujours conformé aux opinions de la Cour suprême en leur donnant force de loi. C'est exactement ce que fait le projet de loi C-20.

Honorables sénateurs, nous devons reconnaître non seulement que le Canada est divisible, mais, selon la logique de la Cour suprême, qu'un Québec indépendant serait aussi divisible. Cela a été souligné par un groupe d'Autochtones du Québec, qui ont bien déclaré convenir que le Québec serait divisible.

Le Canada est malheureusement divisible, tant de mon propre point de vue pragmatique que légalement, puisque la Cour suprême l'a dit. À l'instar du juge Willard Estey, le professeur Howse a soutenu que cette loi n'est pas valable au plan constitutionnel. Le juge Estey et le professeur Howse fondent leur argumentation sur le fait que le projet de loi C-20 ne traite pas le Sénat de la même façon que l'autre endroit et constitue donc une tentative déguisée de modifier notre Constitution et le rôle du Sénat au sein du Parlement, sans pour autant recourir à quelque formule d'amendement que ce soit.

Cette opinion a été contestée par trois de nos plus éminents constitutionnalistes, à savoir Dean Peter Hogg, le professeur Patrick Monahan et le professeur Joe Magnet, qui ont tous dit en substance que le projet de loi C-20 est absolument et parfaitement constitutionnel. Ils ont tous soutenu, comme l'ont fait la plupart des témoins, que ce projet de loi est un projet de loi ordinaire pour lequel le Sénat doit jouer et joue effectivement son rôle traditionnel de débat et de délibération et que le Sénat est libre d'adopter, de modifier ou de rejeter.

J'aimerais citer le professeur Monahan, qui a dit ceci:

Certains sénateurs soutiennent - et je comprends leur point de vue - que cette façon de procéder déprécie le rôle du Sénat parce qu'il n'est pas traité de la même façon que la Chambre des communes. Je vous rétorque, sénateurs, que ni le Sénat ni la Chambre des communes n'ont jamais joué le rôle que prévoit le projet de loi C-20 en imposant des limites à la prérogative de la Couronne. Par conséquent, je ne pense pas que le projet de loi porte atteinte aux prérogatives, privilèges ou pouvoirs du Sénat. Je ne pense pas non plus qu'en adoptant le projet de loi C-20 vous manqueriez de respect envers l'institution et ses traditions.

Si, dans un avenir imprévisible, il devenait nécessaire d'appliquer ce projet de loi, toute modification à la Constitution qu'il faudrait négocier à la suite d'un résultat clair à un référendum tenu dans une province sur une question claire au sujet de la séparation de cette dernière, devra se faire comme il est prévu dans la loi, en respectant le mode de révision prescrit et avec l'accord du Sénat ou, peut-être, à l'expiration d'un veto suspensif de six mois. Il est très clair à mes yeux que nous ne sommes ni écartés ni exclus du processus constitutionnel car ce n'est tout simplement pas possible. Le Sénat a sa place dans notre système bicaméral, tel qu'énoncé dans la Constitution, et son pouvoir ne peut être délégué. Le juge Estey lui-même a énoncé ce principe dans son renvoi de 1980 intitulé: «Compétence du Parlement relativement à la Chambre haute», dans lequel il dit ceci:

La présente cour, dans l'affaire Procureur général de la Nouvelle-Écosse c. Procureur général du Canada et lord Nelson Hotel Company Limited, a déterminé que ni le Parlement du Canada, ni une assemblée législative provinciale ne pouvait déléguer à l'autre les pouvoirs législatifs qui lui ont été conférés, ni recevoir de l'autre les pouvoirs qui ont été conférés à l'autre.

Non seulement le rôle du Sénat est garanti par la Constitution et ne peut être diminué par un simple projet de loi comme celui-ci, mais les protections offertes aux premières nations sont elles aussi garanties. Le Canada doit conserver ses responsabilités fiduciaires et légales, telles qu'elles sont prévues à l'article 35 et au paragraphe 35(1) de la Constitution. C'est indiscutable et il est totalement inutile de réitérer les parties pertinentes de la Constitution dans cette mesure législative.

Honorables sénateurs, ce projet de loi nous met tous au supplice. Son étude n'a pas été facile.

(1700)

Certains sénateurs sont venus me voir en disant: «Mais j'ai fait le serment de défendre le Sénat, et non de le diminuer.» Eh bien, moi aussi j'ai prêté serment d'allégeance. J'ai alors juré que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth. Il n'était pas question de «défendre le Sénat».

De plus, ce matin encore, j'ai lu, au mur de mon bureau, la proclamation de ma nomination au Sénat. Aux termes de cette proclamation, vous, honorables sénateurs, avez été appelés au Sénat aux fins «d'obtenir votre avis et votre aide dans toutes les affaires importantes et ardues qui peuvent intéresser l'état et la défense du Canada.» Pour moi, cette proclamation signifie que j'ai le devoir de défendre le Canada. Ce devoir suppose que je dois faire de mon mieux pour empêcher l'éclatement de notre cher pays. C'est précisément l'objet de ce projet de loi qui est manifestement conforme à la Constitution. Il donne au gouvernement un outil, que renforce une décision des parlementaires, pour s'opposer à ceux qui veulent diviser le pays. Il faut adopter ce projet de loi pour protéger l'avenir du Canada.

Honorables sénateurs, le moment n'est probablement pas bien choisi pour le dire, car le sujet est très délicat pour certains de nos collègues, mais nous devrions nous rappeler de temps à autre que, si notre Chambre est égale à l'autre endroit à bien des égards, en vertu de notre Constitution, elle ne lui est pas identique. Nous sommes nommés au Sénat pour délibérer sur des projets de loi, leur faire subir ce fameux second examen objectif, pour légiférer et faire des études, tout cela en tenant compte de nos régions et en faisant valoir la perspective régionale dans les débats. Cependant, nous ne représentons pas des circonscriptions au sens électoral du terme. Nous sommes nommés, pas élus. Nous n'avons donc pas à répondre à des électeurs, et nous ne les représentons pas.

Notre régime bicaméral fonctionne si bien que nous perdons de vue le fait que, même si nous parlons de Chambre haute et disons être à bien des égards les égaux des Communes en vertu de la Constitution, le Sénat pourrait disparaître, si toutes les conditions juridiques et constitutionnelles étaient réunies, et le Canada resterait un pays démocratique. Les sénateurs ne sont vraiment pas si importants, dans une perspective plus large; l'important, c'est le Canada.

Honorables sénateurs, ce projet de loi ne nous empêche pas de rejeter ni d'amender des mesures législatives qui nous sont renvoyées par l'autre endroit, et il ne nous empêche pas de prendre l'initiative de projets de loi ni de faire des études sur les grands problèmes de l'heure. Une fois qu'il aura été adopté, nous continuerons d'exercer nos responsabilités comme avant. Je suis donc tout à fait d'accord avec M. Derriennic, qui a dit au comité:

Une grande partie du débat enflammé suscité par ce projet de loi tient au fait qu'on surestime la portée et les effets du projet de loi.

Il a ajouté:

Il y aura des décisions beaucoup plus importantes à prendre plus tard, et le Sénat jouera son rôle habituel prévu par la Constitution.

Allant à l'encontre de l'exhortation de la Cour suprême selon laquelle le gouvernement doit négocier de bonne foi - il s'agit des alinéas a) et b) de l'article 4 - M. Howse a dit que la nécessité de négocier prévue dans ce projet de loi ne veut pas nécessairement dire que le gouvernement devrait négocier la séparation. À mon sens, ce n'est qu'une autre façon légaliste de dire que le gouvernement en place négocierait de mauvaise foi avec le Québec ou toute autre province. Lorsque j'ai dit cela au témoin, certains sénateurs autour de moi ont murmuré «non, non, non», mais je soutiens que c'est justement ce qu'on laissait entendre. Nous savons tous que si une province veut vraiment se séparer du Canada - et j'espère que ce ne sera jamais le cas - notre gouvernement doit négocier les conditions et modalités, en partant de la position du gouvernement qui équivaut au statu quo et en examinant toute la gamme de combinaisons et de permutations possibles, y compris la position de la province, qui préconise la création d'un pays tout à fait distinct.

Honorables sénateurs, nous vivons conformément au principe de la primauté du droit, et je ne pense pas que les Canadiens tenteraient d'empêcher pareille séparation par la force des armes, ce qui pourrait être la prochaine étape après l'échec des négociations. J'espère vivement que nous n'aurons jamais à utiliser ce projet de loi, car je ne peux pas m'imaginer que les Québécois veuillent un jour se séparer volontairement de leur héritage, de leur patrimoine canadien. Ce serait comme se couper volontairement les bras et les jambes pour ne plus avoir à en prendre soin. Les Québécois se sépareraient et se retrouveraient inévitablement sur un territoire plus restreint pour tenter d'interagir seuls avec une culture nord-américaine plus imposante.

Je pense que le Canada est actuellement le contrefort et la barrière qui empêche le Québec de se noyer dans une vaste mer d'anglophones et d'hispanophones. Si ce triste jour devait arriver, je veux personnellement que des règles claires soient en place afin que la loi et l'ordre continuent d'avoir préséance. Je suis persuadée que ce projet de loi est non seulement correct du point de vue constitutionnel, mais qu'il est aussi absolument indispensable. Il pourrait, un jour, être un élément clé dans la défense du Canada - dans la défense du Canada contre une menace de dissolution. C'est pour cette raison que je n'appuierai pas les amendements proposés au projet de loi. J'appuierai le projet de loi sans réserve.

L'honorable Willie Adams: Je voudrais poser une question au sénateur Milne.

Son Honneur le Président: Sénateur Adams, j'ai le regret de vous dire que le sénateur Milne a utilisé les 15 minutes à sa disposition et qu'il n'y a donc pas de temps prévu pour d'autres questions, à moins que la permission ne soit accordée.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Je demande une prolongation de 10 minutes.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Adams: Honorables sénateurs, je voudrais commenter l'amendement que les Autochtones voudraient faire apporter au projet de loi C-20. Certains témoins ont affirmé que la garantie originalement offerte aux Autochtones s'appliquerait à l'avenir. Je ne parle pas uniquement des Cris et des Inuit du Québec. Je crois avoir entendu le sénateur Carney demander au sénateur Fraser, qui préside le comité, si la garantie s'appliquerait partout au Canada. Le sénateur Fraser a dit oui.

Madame le sénateur Milne veut-elle dire que les Autochtones se verraient garantir à l'avenir un droit pour lequel il n'est pas nécessaire que nous proposions un amendement au projet, de loi C-20?

(1710)

Nous avons encore de nombreuses revendications territoriales à régler un peu partout au Canada et ces revendications touchent souvent au droit à la pêche et au territoire. Je crains que, une fois le projet de loi C-20 adopté, certains ne disent que, puisque le projet de loi a été adopté sans amendement, il ne vise nullement les Autochtones, mais qu'il ne vise que le gouvernement du Canada et les provinces. L'honorable sénateur pourrait-il nous donner des précisions à ce sujet?

Le sénateur Milne: Je remercie le sénateur Adams. Le projet de loi ne traite pas de la Constitution. C'est un projet de loi ordinaire qui traite de la clarté d'une question qui pourrait être posée un jour aux Québécois. Il ne traite pas de la Constitution. Il n'a aucun effet sur l'article 35 et le paragraphe 35(1) de la Constitution. Il n'a aucun effet sur les traités. Ceux-ci ne sont pas touchés et garantissent toujours que les peuples autochtones du pays auront une place à la table.

Le sénateur Adams: À titre de question complémentaire, le sénateur Milne dit qu'il ne s'agit pas en l'occurrence d'un projet de loi constitutionnel. Cependant, d'aucuns prétendent que le projet de loi C-20 serait sans effet puisque que le Québec n'a jamais ratifié la Constitution.

Le sénateur Milne: J'estime que le projet de loi C-20 n'est qu'une mesure ordinaire. Il ne modifie pas la Constitution. Celle-ci reste donc inchangée.

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, je voudrais présenter des faits au sénateur Milne au sujet du professeur Howse.

Le sénateur a dit que le professeur Howse était jeune. Selon la notice biographique qui a circulé durant les audiences du comité, au sein duquel le sénateur était membre à part entière représentant le gouvernement, le professeur Howse est né en 1958, de sorte qu'il a 42 ans.

Selon la biographie du professeur Monahan qui nous a été également communiquée, celui-ci a 46 ans. Il est donc lui aussi un jeune professeur.

Je le précise parce que, honorables sénateurs, lorsqu'on qualifie un témoin de jeune, on semble dire qu'il est moins crédible qu'un témoin plus âgé. Étant donné que les notices biographiques nous ont été communiquées, je tenais à apporter cette précision.

Ensuite, il a été professeur agrégé à la faculté de droit de l'Université de Toronto, où il a été titularisé en 1995. Il a enseigné à la faculté de droit de l'Université de Toronto jusqu'en 1999. Le même curriculum vitae qui a circulé nous apprend qu'il a fréquemment fait office de conseiller auprès du gouvernement canadien, notamment à la Commission du droit du Canada.

S'il enseigne maintenant dans une faculté de droit du Michigan à titre de professeur invité, cela ne fait pas de lui un Américain. Cela fait de lui uniquement un éminent Canadien dont la compétence est reconnue et se fonde sur tous les ouvrages qu'il a écrits sur le fédéralisme ainsi que sur les articles qu'il a publiés dans la Revue du Barreau canadien.

Selon les documents qui nous ont été communiqués, les quatre principes fondamentaux que la Cour suprême reconnaît être consacrés dans notre Constitution - le fédéralisme, la démocratie, la protection des droits des minorités et le constitutionnalisme - sont essentiellement tirés de sa contribution à la Cour suprême du Canada.

Je dirai à l'honorable sénateur que, en dépit de son jeune âge, cet homme est un professeur plutôt doué.

Cela étant dit, j'ai un peu de difficulté à comprendre ma collègue lorsqu'elle affirme que nous ne représentons pas l'électorat. Je regrette, mais j'ai été assermenté comme sénateur de Kennebec. Avec mes 23 autres collègues québécois, d'un côté comme de l'autre, je représente une division sénatoriale. Cela a été inscrit dans la Constitution en 1867, sur la carte de 1864, et n'a jamais été changé depuis.

J'ai attiré l'attention de ma collègue sur ce fait ce matin lors de la réunion du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour des raisons très précises. Nous devons protéger et représenter les minorités du Québec et c'est une caractéristique particulière du Sénat, du moins pour les sénateurs du Québec. Lorsqu'on me dit que je ne représente pas l'électorat d'une partie du Québec, je proteste. Je représente l'électorat d'une partie du Québec au même titre que mon collègue le sénateur Setlakwe. Il nous incombe donc de défendre les intérêts précis d'une minorité vivant à l'intérieur des limites de nos divisions particulières.

Je m'élève contre les affirmations de ma collègue, qui prétend que je ne représente pas un groupe d'électeurs. Je regrette, je représente bel et bien un groupe d'électeurs. Dans les règles de notre Parlement, nous sommes autorisés à envoyer quatre bulletins parlementaires par année pour informer les gens au nom de qui nous parlons de ce que nous faisons au Sénat, même si on ne peut pas parler expressément d'électorat dans notre cas. Ces gens que je représente peuvent juger si je suis un bon ou un mauvais sénateur. J'ai un lien avec la population parce que j'ai le droit de l'informer quatre fois par année dans un envoi postal, ce que je fais. Comment, dans ce cas, dire que nous ne sommes pas supposés représenter un électorat?

Nous n'avons pas un mandat direct, mais un mandat constitutionnel et, en tant que sénateur du Québec, j'ai un lien direct avec un groupe bien délimité de gens. Si je ne les représente pas, ils peuvent démocratiquement exprimer leur opinion. En dépit du fait que nous ne soyons pas élus, j'ai le sentiment d'avoir une certaine légitimité auprès de la population canadienne. Ce n'est peut-être pas ainsi en Ontario et dans d'autres provinces, mais, dans le cas du Québec, nous avons un mandat très précis. Chacun d'entre nous interprète son mandat comme il le veut. Je représente indéniablement des gens, en tout cas, je défends leurs intérêts.

Le sénateur Milne: Pour répondre au sénateur Joyal, je dois admettre que j'ai un certain préjugé à cause de mon âge. Comme j'ai un fils de 43 ans, je considère comme jeune toute personne qui est âgée de moins de 43 ans.

Pour ce qui est de l'électorat que l'honorable sénateur affirme représenter au Québec, il représente certainement un district au Québec, mais il représente plus que l'électorat de ce district; il représente chaque personne qui y vit. Je faisais strictement référence aux personnes qui sont élues.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt et d'attention les questions très perspicaces et éclairées que l'honorable sénateur a posées aux témoins au comité. Cependant, mis à part les questions auxquelles j'ai répondu ici aujourd'hui, je préfère beaucoup que l'honorable sénateur fasse valoir son point de vue, comme il a le droit de le faire, dans le cadre de son propre discours.

Il s'agit pour moi d'une question très émotive. Si je puis avoir l'attention du Sénat, il s'agit d'une question émotive. Je crois que si le Québec devait jamais quitter le Canada, cela porterait un coup fatal à notre pays. C'est, pour moi, une chose très importante et je veux faire tout ce que je peux pour empêcher la sécession du Québec. Je n'en serais pas la seule victime, tous les Canadiens le seraient aussi. Quand je parle de cette question, je deviens émotive. Je n'accepterai donc pas de répondre à d'autres questions.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: L'affaire est close. Madame le sénateur dit qu'elle n'acceptera plus d'autres questions.

L'honorable Marcel Prud'homme: Acceptera-t-elle des observations?

Son Honneur le Président: De toute façon, la période de dix minutes est écoulée.

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.

Comme vous le savez tous, je n'ai pas de formation en droit. Je laisserai donc à mes collègues juristes les arguments juridiques. J'ai néanmoins écouté très attentivement tous les arguments qui ont été formulés et j'en suis arrivée à la conclusion que le projet de loi traite de deux questions. Elles sont visées au paragraphe 2(1) du projet de loi, qui dit notamment ceci:

[...] la Chambre des communes, sauf si elle a conclu conformément à l'article 1 que la question référendaire n'était pas claire, procède à un examen et, par résolution, détermine si, dans les circonstances, une majorité claire de la population de la province a déclaré clairement qu'elle veut que celle-ci cesse de faire partie du Canada.

Les peuples autochtones de la province seront appelés, dans le cadre de consultations, à se prononcer sur la clarté de la question et sur une majorité claire.

(1720)

Le grand chef Phil Fontaine a affirmé, dans son mémoire au comité sénatorial spécial sur le projet de loi C-20, que l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les droits existants - ancestraux et issus de traités - des peuples autochtones du Canada. Il est maintenant généralement accepté que l'article 35 inclut les droits à l'autonomie gouvernementale des premières nations. Cela constitue certainement une pierre angulaire de la politique du gouvernement fédéral. Les traités historiques conclus de nation à nation n'auraient souffert aucune autre interprétation de toute façon.

En vertu de la Constitution du Canada, nulle instance, procédure ou institution ne peut affecter ces droits, de façon positive ou négative, sans la participation pleine, égale et réelle des premières nations.

L'article 25 de la Loi constitutionnelle de 1982 précise que le fait que la Charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux droits ou libertés - ancestraux, issus de traités ou autres - des peuples autochtones du Canada. L'article 92.24 de la Loi constitutionnelle de 1867 donne au gouvernement fédéral une autorité constitutionnelle et une obligation fiduciaire concomitante dans les affaires législatives concernant les Indiens et les terres réservées pour les Indiens.

Le projet de loi prévoit trois cas où les peuples autochtones seront consultés. Les deux premiers sont énoncés aux paragraphes 1(5) et 2(3), qui prévoient que la Chambre des communes, en examinant si la question est claire et si la majorité est suffisante, tiendra compte des résolutions ou déclarations officielles des peuples autochtones du Canada.

La participation et le consentement exigent que les premières nations soient consultées quand il s'agit de déterminer initialement si la question référendaire est claire ou clairement exprimée, quand il s'agit de déterminer si la population d'une province a exprimé une volonté politique suffisante lors d'un référendum, et quand des négociations se tiennent sur les conditions ou les modifications nécessaires pour qu'une province fasse sécession du Canada.

Les premières nations du Canada sont en faveur d'une mesure législative qui protège les citoyens des premières nations d'une déclaration unilatérale d'indépendance du Québec ou de toute autre province. Nos dirigeants autochtones ont travaillé inlassablement à l'étape de l'étude du projet de loi en comité à la Chambre des communes pour faire en sorte que le projet de loi soit amendé de manière à inclure nos droits de participation en tant que co-gouverneurs de ce pays.

Ces efforts ont abouti à des amendements aux, paragraphes 1(5) et 2(3), qui exigent maintenant que les peuples autochtones soient consultés au sujet de la clarté de la question référendaire et au sujet de l'expression claire de la volonté d'une majorité claire de la population d'une province désireuse de faire sécession.

Ni la cour, ni le projet de loi C-20 n'excluent la possibilité pour d'autres acteurs politiques, y compris les représentants des peuples autochtones du Canada, de prendre part à de ces négociations. Autrement dit, le projet de loi C-20 ne pouvait outrepasser l'avis rendu par la Cour dans le renvoi en désignant d'autres acteurs que ceux stipulés par la Cour.

Il convient d'ajouter que, selon la Loi constitutionnelle de 1982, les gouvernements fédéral et provinciaux sont liés par un engagement de principe en vertu duquel les représentants des peuples autochtones doivent être invités à participer aux discussions sur toute modification constitutionnelle qui modifierait les dispositions de la Constitution mentionnées au paragraphe 35(1). Le projet de loi sur la clarté respecte ce principe en stipulant clairement que les participants aux négociations sur la sécession incluraient au moins les gouvernements des provinces, les peuples autochtones et le gouvernement du Canada. M. Dion a clairement dit et reconnu que le paragraphe 35(1) constitue une garantie constitutionnelle pour les peuples autochtones qui sont ainsi assurés de prendre part aux négociations étant donné que les droits autochtones issus de traités et stipulés à la catégorie 24 de l'article 91 de la Constitution pourraient être modifiés.

Ces dispositions et ces garanties sont à mon avis suffisantes pour protéger tous les peuples autochtones - les Premières nations, les Métis et les Inuit - et assurer leur participation aux négociations. Pour les raisons que je viens d'invoquer, j'appuie le projet de loi C-20. Je suis au regret, honorables sénateurs, de ne pouvoir accepter aucune question.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Votre Honneur, avons-nous le temps de faire des commentaires? J'aimerais en faire certains sur ce qu'a dit le sénateur. Je pense que c'est prévu dans le Règlement.

Son Honneur le Président: Il reste huit minutes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'en ai pas besoin d'autant.

Les commentaires que je voudrais faire à l'intention du sénateur Chalifoux et de ses collègues de la communauté autochtone sont les suivants. Je crains qu'ils n'aient tort de s'en remettre au paragraphe 35(1). Ce paragraphe oblige le premier ministre à inviter les peuples autochtones à participer aux travaux d'une conférence portant sur un projet de modification constitutionnelle, mais c'est là la limite de leur participation. Ils sont là pour participer aux travaux de la conférence, mais non aux négociations.

Je ne suis pas seul à dire ceci. Lorsqu'il a présenté le projet de loi en deuxième lecture, le ministre Dion a dit ceci:

À deux reprises, en 1980 et en 1995, des populations autochtones au Québec ont manifesté par référendum leur volonté claire de continuer de faire partie du Canada. Si une telle volonté claire des autochtones du Québec devait se manifester à nouveau, le gouvernement du Canada ne peut garantir à l'avance le sort qui serait fait à cette volonté claire de rester dans le Canada[...]

Je vais répéter cela à l'honorable sénateur Chalifoux, car c'est une déclaration venant du ministre lui-même. Si une telle volonté claire des Autochtones du Québec devait se manifester à nouveau:

[...] le gouvernement du Canada ne peut garantir à l'avance le sort qui serait fait à cette volonté claire de rester dans le Canada des peuples autochtones. Mais le gouvernement du Canada s'engage à en tenir compte lors des négociations d'une éventuelle sécession.

On ne dit absolument pas que les Autochtones vont participer eux-mêmes aux discussions ou même qu'on va interpréter le paragraphe 35(1) de façon à faire participer les Autochtones et d'autres, si ce n'est à titre de spectateurs. Rien ne dit qu'ils auront leur mot à dire dans la décision finale. C'est pourquoi un amendement à ce projet de loi pour protéger la responsabilité fiduciaire dont les Autochtones peuvent profiter, à juste titre, devrait demeurer et leur avenir ne devrait pas être décidé unilatéralement sans leur pleine approbation. Le projet de, loi C-20 ne prévoit pas cela.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): J'ai une autre observation à formuler, honorables sénateurs, en plus de ce que l'honorable chef de l'opposition a dit. Permettez-moi d'attirer l'attention des honorables sénateurs sur un autre projet de loi sur lequel nous allons nous pencher dans cette enceinte, le projet de loi C-27 portant sur les parcs du Canada. Je vous signale le paragraphe 2(2) du projet de loi. Que prévoit ce projet de loi? Le paragraphe 2(2) dit ceci:

Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte à la protection des droits existants - ancestraux ou issus de traités - des peuples autochtones du Canada découlant de leur reconnaissance et de leur confirmation au titre de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

C'est incroyable, nous sommes prêts à insérer cela dans un projet de loi touchant les parcs, mais pas dans un projet de loi qui parle du patrimoine et de la citoyenneté, ainsi que des droits fonciers et des droits à titre de Canadiens de nos peuples autochtones? C'est honteux!

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je voudrais simplement formuler une brève observation. J'ai écouté le témoignage du grand chef des Cris. Il jugeait que ce n'était pas un projet de loi ordinaire. Il reconnaissait avec le ministre que c'est un projet de loi extraordinaire, une mesure législative extraordinaire. Contrairement à ce qu'a dit le sénateur qui m'a précédé, il ne s'agit pas d'un projet de loi ordinaire. Le grand chef a déclaré vouloir être là au début de tout processus touchant ses droits issus de traités et constitutionnels. Je suis d'accord avec lui.

Est-ce à dire que le sénateur Chalifoux n'est pas d'accord avec le grand chef des Cris, avec les peuples autochtones qui, lors du référendum et depuis lors, sont les fédéralistes les plus solides au pays?

Des voix: Bravo!

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je voudrais aborder un aspect, à savoir le rôle fiduciaire du gouvernement du Canada et du Parlement du Canada à l'égard des peuples autochtones. La Cour suprême l'a dit à maintes reprises: l'autorité fédérale, c'est-à-dire le gouvernement et le Parlement du Canada, a un rôle fiduciaire à jouer à l'égard des nations autochtones.

J'ai posé la question à tous ceux qui ont comparu devant nous, et tous ont répondu que le Sénat participe au rôle fiduciaire de la branche législative de l'État.

(1730)

En quoi le projet de loi C-20 protège-t-il cela? Je ne fais que poser la question. Nous nous entendons tous sur le fait que nous avons un rôle fiduciaire établi par la Cour suprême. Bien entendu, le Parlement du Canada est composé de deux Chambres et le Sénat a de toute évidence un rôle fiduciaire à jouer.

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, je voudrais d'abord dire quelques mots en inuktitut.

[Le sénateur s'exprime dans sa langue autochtone]

Honorables sénateurs, je suis heureux de participer au débat sur cette mesure législative importante, le projet de loi C-20. On se trouve à nouveau coincé entre l'opportunisme politique et la primauté du droit. Le gouvernement fédéral respectera-t-il l'esprit et la lettre des articles 35 et 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982 ou bien usera-t-il des pouvoirs législatifs du Parlement pour éroder les principes d'équité, de justice et de primauté du droit?

Aujourd'hui, nous sommes confrontés à ces questions dans le contexte de la sécession. Ce contexte est d'une importance centrale dans le Canada que nous connaissons aujourd'hui - un pays qui cherche à renforcer son unité pour les générations présentes et à venir.

Le projet de loi C-20 est une mesure importante en vue d'assurer la clarté si une province décide de tenir un référendum sur la sécession d'avec le Canada. Il décrit ce qui devrait se passer dans des circonstances pouvant dégénérer en crise. Comme le dit un vieil adage, le mot crise évoque le danger et des possibilités à exploiter.

À ce stade de nos délibérations au Parlement, nous avons la possibilité de mettre en place pour tous les peuples du Canada un cadre assurant la clarté, tel que nous l'a demandé la Cour suprême du Canada, afin de faire face à la crise que provoquerait une sécession. Nous demandons instamment que le cadre qui sera créé soit équitable et équilibré.

Puisque nous avons besoin de clarté et que nous la désirons, nous devrions commencer cette entreprise dans notre propre Chambre. Le projet de loi C-20 peut et doit être amélioré à cet égard. Il faut éviter le risque, qui est l'autre élément d'une crise.

Très simplement, le risque est que le gouvernement fédéral et les provinces se concertent et jouent un mauvais tour aux Autochtones en matière de sécession, derrière leur dos et à leurs dépens. Le risque est que les dispositions permanentes concernant le fédéral contenues dans la Convention de la baie James et du Nord québécois, qui ne peuvent être modifiées qu'avec l'accord des Cris et des Inuit, ne s'évaporent comme neige au soleil. Environ deux tiers du Québec sont assujettis aux termes de cet important traité de règlement de revendication territoriale.

Honorables sénateurs, des considérations constitutionnelles de base exigent que nous modifions le projet de loi C-20.

En 1983, les peuples autochtones ont contribué en grande partie à la modification réussie de la Loi constitutionnelle de 1982. Plus précisément, à l'article 35.1, le premier ministre a convenu avec nous que des représentants des peuples autochtones devaient participer à toutes négociations constitutionnelles concernant la modification de la, catégorie 24 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, et des articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Par conséquent, l'omission, dans le projet de loi C-20, de toute référence explicite à la participation de représentants autochtones aux négociations sur la sécession soulève de vives inquiétudes. Cette omission flagrante va à l'encontre de l'approche fondée sur des principes requise par la Cour suprême du Canada. Elle va également à l'encontre de la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral et du Parlement. Par conséquent, de graves questions se posent quant à la constitutionalité du projet de loi dans un contexte de sécession.

Comme je l'ai dit devant le comité spécial, le 12 juin, le gouvernement fédéral crée inutilement un grave risque de contestation judiciaire à cet égard. Est-ce que c'est ce que veulent les partisans du projet de loi C-20? Est-ce que c'est ce que veulent les Canadiens? Est-ce que nous voulons vraiment donner lieu à des poursuites, à des conflits et à la méfiance entre Canadiens?

Si nous ne modifions pas le projet de loi C-20, nous pouvons nous attendre à des contestations judiciaires. À cet égard, nous devrions prendre note des disparités entre la déclaration de M. Dion à la Chambre des communes et la récente lettre qu'il a fait parvenir à la société Makivik qui représente les Inuits du Québec. D'une part, il a défendu la décision du gouvernement de ne faire aucune mention explicite des Autochtones au paragraphe 3(1). Il a agi de la sorte en tenant pour acquis, à tort, qu'ils ne sont pas des «acteurs politiques» aux fins de la négociation d'amendements constitutionnels.

Toutefois, M. Dion soutient que ce ne devrait pas être un sujet d'inquiétude, étant donné que l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982 garantit déjà la participation des Autochtones à des négociations concernant une sécession. Si c'est là le motif de l'omission, pourquoi le ministre mentionne-t-il dans le projet de loi que les gouvernements fédéral et provinciaux sont des participants? Pourtant, leur participation à de futures négociations est aussi déjà garantie dans leur cas.

En ce qui concerne les Autochtones, les gouvernements ont pris des engagements officiels en vertu de la Constitution. Toutefois, les gens changent. Au bout d'un certain temps, les fonctionnaires reçoivent l'instruction d'interpréter les engagements de façon restrictive. De la sorte, on prive les Autochtones de leurs droits de participation démocratiques.

Le cycle familier du déshonneur et de la marginalisation est inacceptable dans le cas des Autochtones. Il y a d'énormes enjeux dans le contexte de la sécession. Par conséquent, le défaut d'honorer explicitement les engagements constitutionnels concernant la participation des Autochtones à toute négociation future est inacceptable, c'est une trahison pure.

Pourquoi, en tant qu'Autochtones, devons-nous continuellement lutter pour assurer notre participation démocratique aux débats nationaux d'importance fondamentale? Pourquoi le principe de démocratie prévu dans la Constitution fait-il toujours l'objet d'une politique de deux poids deux mesures chaque fois que nos droits humains et notre avenir sont en cause? Pourquoi sommes-nous maltraités alors que nous cherchons à aider le Canada?

Personnellement, honorables sénateurs, je me sens très frustré et je vais vous dire pourquoi. Le projet de loi C-20 cherche à ignorer ou à contourner la Constitution et l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982. Je ressens la même frustration que j'ai vécue en 1981 au moment où l'on négociait la mesure législative prévoyant le rapatriement de la Constitution.

Comme je l'ai dit à certains sénateurs le 12 juin au comité spécial, en 1981, mes collègues et moi, en notre qualité de leaders de la commission autochtone, avons participé à la conclusion d'un accord au sein du comité parlementaire relativement à ce qui est désormais l'article 35 concernant les droits autochtones et issus des traités au Canada. Quelques mois plus tard, les leaders autochtones ont participé à une rencontre des premiers ministres. Nous avons été invités, mais nous n'avons pu participer directement aux négociations. C'est la question qui a été soulevée il y a quelques minutes.

(1740)

Honorables sénateurs, notre disposition a disparu pendant le huis clos. Nous n'étions pas à la table, comme tout le monde s'en souvient, je le crois. J'ai déjà souligné une fois que cela se reproduira. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous insistons afin que le projet de loi C-20 soit amendé. Pour des motifs intéressés, les premiers ministres ont cédé la reconnaissance constitutionnelle de nos droits les plus fondamentaux. Plus tard, ils ont tenté de maintenir cette injustice, mais ont échoué.

Le 13 juin 2000, l'honorable sénateur Andreychuk a souligné le refus du gouvernement fédéral de consulter les Autochtones, et de négocier avec eux, au sujet des projets de loi C-23, C-49 et de celui sur les armes à feu, malgré l'engagement légal de le faire. Elle nous a décrit l'habitude honteuse du gouvernement à faire preuve de négligence et à tout rejeter. Elle a dit:

Honorables sénateurs, je siège au Sénat depuis sept ans. Chaque fois qu'un projet de loi concernant les autochtones est présenté, c'est toujours à la toute fin que le gouvernement s'engage à consulter les autochtones et promet qu'il en tiendra compte dans les règlements. On nous raconte chaque fois que c'est une erreur, que ça ne se reproduira plus.

Ce qui me préoccupe, honorables sénateurs, c'est que, si on dit aux Autochtones que l'erreur ne se reproduira plus après la sécession, on aura trahi leur confiance et il sera trop tard. Voilà le coeur de la question. Le gouvernement fédéral dit aux Autochtones de lui faire confiance, qu'ils n'ont besoin d'aucune confirmation explicite de leurs droits de participation au projet de loi C-20. Cependant, le principe de fédéralisme est la règle de droit et la protection des droits des Autochtones et des droits issus de traités nécessite une application juste et égale. Selon la Constitution du Canada, les Autochtones méritent plus que de vagues promesses passagères faites par des politiciens.

Honorables sénateurs, nous devons améliorer le projet, de loi C-20, et cela dans l'intérêt national. Je ne plaisante pas. Améliorer le projet de loi fera aussi économiser du temps et de l'argent. Depuis 1998, nous avons vu que les montants que le gouvernement fédéral dépense pour se défendre contre les recours judiciaires des Autochtones ont augmenté considérablement. Il faut renverser cette tendance, particulièrement en ce qui concerne le projet de loi sur la clarté.

En tant que parlementaires, nous devons témoigner un respect sans équivoque à l'égard des principes fondamentaux énoncés dans la Constitution même. Il est crucial que les législateurs préviennent le gouvernement fédéral lorsqu'il abandonne sa responsabilité fiduciaire, lorsqu'il fait fi des principes d'égalité et lorsqu'il parle du bout des lèvres des dispositions constitutionnelles fondamentales.

Dans ce contexte, reportons-nous à l'étude capitale commandée en 1999 par le Bureau du Conseil privé. Cette étude très pertinente s'intitule «Quebec Secession Issue, Democracy, Minority Rights and the Rule of Law». Son auteur, le professeur américain Allen Buchanan, conclut que les Autochtones du Québec devraient compter parmi les principaux participants aux négociations sur la sécession. Le professeur Buchanan rejette l'idée paternaliste voulant que, dans une relation de confiance, le gouvernement fédéral puisse parler ou négocier au nom des Autochtones dans d'éventuels pourparlers en vue d'une sécession. Dans sa conclusion, il écrit:

[...] une bonne compréhension de la relation entre le droit à la sécession, la démocratie et les droits des minorités, dans l'éventualité d'une sécession du Québec, exige la pleine participation des peuples autochtones dont les droits distinctifs seraient directement touchés par la séparation.

Je rappelle aux honorables sénateurs que c'est le Bureau du Conseil privé, qui était dirigé par le ministre des Affaires intergouvernementales en 1999, qui a commandé cette étude. Cette étude a été achevée l'an dernier, mais le Bureau du Conseil privé l'a supprimée. On a décidé de ne pas dévoiler l'existence de cette étude au comité de la Chambre des communes chargé d'étudier le projet de loi C-20. De même, on a décidé de ne pas la communiquer au comité sénatorial spécial responsable du projet de loi C-20.

Pourquoi le Conseil privé ne veut-il pas que les parlementaires et les Canadiens ordinaires sachent qu'un universitaire respecté qui a abondamment écrit sur la sécession conclut catégoriquement que la participation des peuples autochtones aux négociations portant sur une éventuelle sécession est essentielle? Cette conduite ne fait pas honneur aux responsabilités constitutionnelles et à la charge de confiance de la Couronne fédérale.

Cette tentative fédérale de retenir une information vitale sur le statut constitutionnel et les droits de la personne des peuples autochtones renforce notre principal argument. La protection de nos droits et de nos intérêts ne peut dépendre d'un administrateur fédéral. Le projet de loi C-20 doit être amendé maintenant pour empêcher toute autre trahison à l'avenir.

Compte tenu de l'urgence de la situation, d'impératifs constitutionnels et politiques fondamentaux ainsi que du simple bon sens, je suis obligé de proposer deux amendements concernant la participation autochtone. J'invite les honorables sénateurs à se joindre à moi pour garantir l'honneur, l'égalité et la justice.

Pour ce qui est du projet de loi C-20, j'exhorte les honorables sénateurs à assurer la clarté pour les premiers peuples. Quand je dis «premiers peuples», je ne parle pas seulement des Indiens, mais de tous les Autochtones du Canada. De grâce, ne permettons pas que le gouvernement nous garde dans l'ignorance pendant qu'il se félicite de créer un cadre assurant la clarté; nous sommes ici depuis trop longtemps.

Motion d'amendement

L'honorable Charlie Watt: Par conséquent, honorables sénateurs, je propose:

Que le paragraphe 6 du préambule au projet de, loi C-20 soit modifié comme suit:

qu'elle a confirmé qu'au Canada, la sécession d'une province, pour être légale, requerrait une modification à la Constitution du Canada, qu'une telle modification exigerait forcément des négociations sur la sécession auxquelles participeraient notamment les gouvernements de l'ensemble des provinces et du Canada, et les représentants des peuples autochtones du Canada, en particulier ceux de cette province, et que ces négociations seraient régies par les principes du fédéralisme, de la démocratie, du constitutionnalisme et de la primauté du droit, et de la protection des minorités;

et que le paragraphe 3(1) soit modifié comme suit:

Il est entendu qu'il n'existe aucun droit, au titre de la Constitution du Canada, d'effectuer unilatéralement la sécession d'une province du Canada et que, par conséquent, la sécession d'une province du Canada requerrait la modification de la Constitution du Canada, à l'issue de négociations auxquelles participeraient notamment les gouvernements de l'ensemble des provinces et du Canada, et les représentants des peuples autochtones du Canada, en particulier ceux de cette province.

Je remercie les honorables sénateurs. J'espère que nous ferons tous pour le mieux.

(1750)

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, convient-il de poser maintenant une ou deux questions au sénateur?

Son Honneur le Président: Je regrette, honorables sénateurs, mais le sénateur Watt a épuisé les 15 minutes dont il disposait.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je propose que nous accordions dix autres minutes au sénateur Watt.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Grafstein: J'ai eu l'occasion d'entendre les exposés des Cris et du chef Fontaine. J'ai cru comprendre que le grand chef des Cris est nettement en faveur des amendements. Je présume que les amendements du sénateur contiennent ces principes. Je n'ai pas très bien saisi, toutefois, la position du chef Fontaine. Celui-ci a quitté les audiences juste avant que les dernières questions ne soient posées. Je ne crois donc pas qu'on l'ait, comme il se doit, interrogé à fond là-dessus.

Toutefois, j'ai lu tout de suite après dans les journaux qu'il s'était disputé ou qu'il était en désaccord avec le grand chef des Cris sur sa position quant aux amendements que l'on propose d'apporter au projet de loi. Il a toujours fait savoir clairement qu'il appuyait les principes du projet de loi, comme nombre d'entre nous, dont moi-même.

J'ai lu encore aujourd'hui dans le journal que le chef Fontaine aurait vraisemblablement dit qu'il était favorable aux amendements, alors qu'il appuie manifestement le projet de loi. Le sénateur Watt peut-il nous dire s'il appuie ces amendements ou non?

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, contrairement au sénateur Grafstein, j'ai été quelque peu déconcerté par le manque de clarté dont a fait preuve le chef national lorsqu'il a comparu devant le comité sénatorial. Il y a aujourd'hui dans le journal un article fort intéressant qui, comme le dit le sénateur, rapporte que les Cris et le chef Phil Fontaine ne sont plus d'accord sur cette question.

Des élections au poste de chef national de l'APN sont en cours à l'heure actuelle. Ce qu'il dit, en fait, c'est qu'il appuie les amendements avancés par les Cris, qui, en un sens, sont les mêmes que ceux que je viens de présenter. Je crois que les chefs nationaux sont nettement en faveur des amendements. Ils appuient aussi le projet de loi. J'espère avoir répondu aux questions du sénateur.

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, j'aurais une autre question à poser à l'honorable sénateur Watt. Au début de la semaine, nous avons appris qu'une étude commandée par le président du Conseil privé sur la question de la participation des Autochtones aux négociations qui pourraient aboutir à la sécession avait été rendue publique. Au moment de cette publication, le comité achevait ses délibérations sur le projet de loi C-20 et passait à l'étude article par article. Il nous a été impossible d'inviter M. Buchanan, auteur de l'étude, à venir témoigner. L'honorable sénateur a-t-il pu prendre connaissance de l'étude? Comment interprète-t-il l'affirmation voulant que le paragraphe 35(1) suffise à protéger les droits des Autochtones dans toute négociation qui peut mener à la sécession?

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, l'étude dont parle le sénateur Joyal m'a été signalée lundi. J'étais chez moi, dans le Nord. Dès que j'ai appris la publication de cette étude, j'ai appelé le sénateur afin de m'assurer qu'elle soit immédiatement remise au comité pour que celui-ci en prenne connaissance avant de conclure ses travaux. Je crois que le sénateur l'a fait. Cependant, je ne suis pas sûr qu'il ait compris de quoi il s'agissait à ce moment-là.

D'après mon interprétation, l'étude invite les peuples autochtones à participer aux négociations, si jamais il y en a. Elle dit aussi que nous pouvons proposer des solutions de rechange et jouer un rôle de courtier, si on veut, dans les négociations. Notre rôle ne se limite pas à participer ou à être invités à le faire. L'étude dit clairement que nous devons être là pour nous défendre et pour protéger nos intérêts tout en faisant partie du groupe de tous les autres acteurs. C'est ainsi que je vois les choses.

[Français]

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, je viens de recevoir une copie de l'amendement de mon collègue le sénateur Watt. J'ai demandé une copie en français et on me dit qu'elle n'est pas disponible.

Son Honneur le Président: Je regrette, honorable sénateur Poulin, cette question a été soulevée plus tôt. Il est clair que nous pouvons déposer un amendement dans une langue ou dans l'autre. Il n'y a pas d'obligation à ce qu'il soit présenté dans les deux langues officielles. Évidemment, il sera traduit dès que possible.

[Traduction]

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, j'aimerais bien aussi l'obtenir en inuktitut. Malheureusement, au Sénat, il n'y a que deux langues officielles. J'ai dû choisir l'une d'elles. Je n'ai pu choisir ma langue.

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, en ce qui concerne l'Assemblée des premières nations, le sénateur Watt peut-il confirmer que ce que j'ai retenu de la séance du comité est exact? Autant que je m'en souvienne, car je n'ai pas le document devant moi, dans son mémoire et dans son témoignage, le chef Fontaine, de l'Assemblée des premières nations, a déclaré avec énormément de circonspection que son organisation serait contente qu'un tel amendement soit apporté, mais qu'elle serait aussi satisfaite si le projet de loi était adopté sans amendement, car elle ne jugeait pas cet amendement essentiel.

Le sénateur Watt: Malheureusement, honorables sénateurs, selon la position que nous adoptons, nous avons tendance à interpréter les choses de la façon qui nous convient le mieux.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le temps accordé à l'honorable sénateur Watt est-il écoulé?

Son Honneur le Président: Oui.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'interviens donc pour débattre de la motion d'amendement. Auparavant, je voudrais demander à la présidence si elle verra l'heure, à 18 heures.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, dans une minute, il le faudra bien. Je peux demander toutefois aux honorables sénateurs s'ils désirent que je ne voie pas l'heure.

Le sénateur Hays: C'est ce que nous désirons, Votre Honneur.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je veux m'assurer que le leader adjoint du gouvernement se rend bien compte dans quelle mesure nous collaborons. Certains des nouveaux sénateurs, peu importe de quel côté qu'ils siègent, doivent bien se demander ce qui se passe. Il leur faut savoir que tout sénateur a le droit de dire «non» et que nous devrons alors revenir à 20 heures. Ce n'est pas mon intention. Il est bon parfois de rappeler ces choses. Nous accueillerons bientôt 14 nouveaux sénateurs.

Pour ceux qui se demandent ce qui se passe, je dis que tous ceux qui sont contrariés ou qui estiment être bousculés peuvent dire «non». C'est le Règlement. Bien entendu, pour le moment, nous ne sommes pas contrariés.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, en prenant la parole pour appuyer la motion d'amendement présentée par le sénateur Watt et appuyée par le sénateur Adams, je souhaite moi aussi souligner l'importance et la pertinence de cet amendement en ce qui concerne le témoignage que nous avons entendu au comité. Je parle du témoignage du grand chef Ted Moses.

(1800)

La déclaration faite par M. Ted Moses dans sa lettre datée du 19 juin est inscrite au compte-rendu de cette Chambre. Cette lettre apparaît dans les Débats du Sénat parce que je l'ai lue. Elle était adressée au sénateur Fraser en sa qualité de présidente du comité spécial et à moi-même, en ma qualité de vice-président.

Si tous les honorables sénateurs étudient le rapport Buchanan qui était joint à la lettre du chef Ted Moses, ils concluront, comme l'a fait le chef Moses, que l'étude du professeur Buchanan est très pertinente pour le projet de loi C-20. L'essence des amendements du sénateur Watt est entièrement soutenue par les résultats de l'étude menée pour le Bureau du Conseil privé par le professeur Buchanan.

Il semble pour le moins curieux qu'à cet endroit, nous examinions une mesure législative sur les parcs, le projet de, loi C-27, et qu'il contienne une disposition spéciale pour dissiper tout malentendu et pour qu'il soit bien clair que ce projet de loi n'empiètera aucunement sur les droits des Autochtones visés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle. Par ailleurs, nous entendons les témoignages de personnes qui ont comparu devant notre comité spécial et qui font un plaidoyer en faveur de la clarté. Elles veulent avoir l'assurance que leurs droits seront respectés, mais aussi, qu'elles pourront légitimement être représentées lors des négociations envisagées dans le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis.

Les honorables sénateurs ne comprennent-ils pas d'emblée que, si nous nous donnons tout ce mal pour inclure dans un projet de loi mineur une disposition spéciale comme celle qui est énoncée au paragraphe 2(2) du projet de loi sur les parcs, il serait impensable que nous refusions d'inclure une disposition semblable, comme celle qui est actuellement proposée par le sénateur Watt, dans un projet de loi qui, de l'aveu de ses rédacteurs, revêt une importance capitale?

Honorables sénateurs, permettez-moi de parler des questions...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette de devoir interrompre le sénateur, mais le temps dont disposait le sénateur Watt pour son discours est écoulé. Non, je suis désolé, vous parlez de l'amendement, sénateur Kinsella. Je vous en prie, continuez.

Le sénateur Kinsella: Le paragraphe 37(3) du Règlement prévoit que le parrain d'un projet de loi et le premier sénateur qui prend la parole immédiatement après lui disposent d'au plus, 45 minutes. Il existe à cet endroit un usage selon lequel, une fois que le parrain du projet de loi a pris la parole, c'est ensuite au tour de l'opposition d'intervenir. Je m'empresse d'ajouter que je n'aurai pas besoin de 45 minutes, honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Cette règle s'applique dans le cas d'un projet de loi, pas dans celui d'un amendement.

Le sénateur Kinsella: C'est très bien.

Le sénateur Cools: Nous changeons les règles au fur et à mesure.

Le sénateur Kinsella: Je vais continuer et je n'utiliserai pas plus que les 15 minutes qui me sont accordées en l'occurrence. Nous nous prévaudrons ensuite des 45 minutes à notre disposition pour débattre de la motion principale, si jamais nous en arrivons là.

Durant le temps qui m'est imparti, quel qu'il soit, je parlerai de la question fondamentale qui occupe tous les honorables sénateurs, c'est-à-dire la décision que nous devons prendre la semaine prochaine au sujet de l'exclusion, en vertu du projet de loi C-20, d'un rôle déterminant pour le Sénat.

Je crois que la décision que nous prendrons constituera une étape décisive, un tournant dans l'histoire du Sénat du Canada. Les sénateurs qui sont aujourd'hui en exercice entreront dans l'histoire pour avoir défendu le système parlementaire bicaméral canadien, vieux de 133 ans, ou pour avoir cédé aux pressions de l'exécutif.

Honorables sénateurs, j'éprouve de la sympathie pour ceux d'entre nous qui subissent d'énormes pressions et je les respecte parce qu'ils subissent cette pression. Je les encourage cependant à ne pas tomber sous le joug des maîtres politiques.

J'appelle les honorables sénateurs à trouver en eux la force de demeurer loyaux envers le Sénat du Canada et la Constitution canadienne, de ne pas céder aux pressions passagères des dirigeants politiques de l'heure. Nous sommes appelés à vivre l'un des rares moments, dans la vie parlementaire, où la force de jugement de chacun devra résister aux pressions d'un whip.

Les pères de la Confédération ont, de fait, reconnu l'importance d'assurer la durée du mandat des sénateurs pour leur permettre de défendre les minorités ou les intérêts régionaux contre les pressions politiques du jour.

Bien qu'à l'origine les sénateurs étaient nommés à vie, leur mandat actuel, qui prend fin lorsqu'ils atteignent l'âge de 75 ans, devrait suffire à leur permettre d'exercer leur jugement librement.

Honorables sénateurs, nos prédécesseurs ont souvent montré qu'ils savaient être à la hauteur de la situation aux moments décisifs. Je siège au Sénat depuis relativement peu de temps, mais je me rappelle la fermeté dont ont fait preuve les sénateurs à l'occasion de l'étude du projet de loi concernant le Conseil des arts du Canada...

Le sénateur Cools: Je m'en souviens très bien.

Le sénateur Kinsella: ...et du projet de loi sur l'avortement, pour n'en nommer que deux. Nous sommes bien conscients des pressions politiques énormes que des représentants du gouvernement ont exercées sur de nombreux sénateurs. Cette ingérence inconvenante devrait d'ailleurs peut-être faire l'objet d'une interpellation distincte et peut-être même d'un projet de loi.

En attendant, j'espère que nous saurons résister aux pressions et, à moins que certains ne travaillent encore à enrichir leurs curriculum vitae respectifs, notre sens du devoir est la seule épitaphe à laquelle nous devons aspirer.

Honorables sénateurs, je suis sûr que nous nous sommes tous demandé comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle? Comme le disait un de mes amis de l'Ouest canadien, il semble que les événements mènent les hommes. Il appartient au Sénat de trouver la fermeté nécessaire pour remettre les Canadiens en selle.

La tentative des rédacteurs du projet de loi C-20 d'exclure le Sénat n'est pas un geste banal. Pour reprendre les paroles du professeur Smith, de la Saskatchewan, un des témoins qui a comparu devant notre comité spécial:

(1810)

Abandonner le bicaméralisme au moment où la fédération canadienne est mise à l'épreuve comme jamais auparavant, c'est abandonner le principe qui a rendu possible l'existence du Canada comme société pluraliste au départ[...]

Ensuite, il y a le juge Estey, qui nous a dit ceci:

Le Sénat a une fonction distincte à remplir dans un parlement bicaméral. Tout ce qui fait entrave au Sénat dans l'exercice de ce pouvoir est inconstitutionnel.

Le juge Estey a également dit ce qui suit:

Comment se fait-il que le projet de loi C-20 a survécu à son inconstitutionnalité alors qu'il a effectivement et indirectement miné le concept d'un Parlement bicaméral?

C'étaient là les paroles d'un universitaire et d'un éminent ex-juge de notre Cour suprême.

Il y a aussi un premier ministre provincial, le premier ministre Binns de l'Île-du-Prince-Édouard, qui a écrit à notre comité, le 15 juin. Voici ce qu'il a dit:

Du point de vue du bon fonctionnement du Sénat, je partage les préoccupations de ceux qui voient la mise en oeuvre du projet de loi C-20 comme une menace réaliste. Tant que d'autres arrangements n'auront pas été mis en place, l'Île-du-Prince-Édouard devrait rester fidèle à sa position historique: le Sénat est important pour défendre la représentation de l'île dans les deux Chambres du Parlement. Dans la mesure où le projet de loi C-20 mine, directement ou indirectement, la validité et le fonctionnement du Sénat, une province comme l'Île-du-Prince-Édouard doit exprimer son inquiétude.

Honorables sénateurs, comme je l'ai dit, il s'agit du témoignage non pas simplement d'un groupe d'éminents personnages, mais plutôt d'un groupe d'éminents personnages représentatif qui comprend un ancien juge de la Cour suprême et un premier ministre. Ceux-ci affirment que le Sénat et le bicaméralisme sont importants pour nous et qu'il importe de ne pas laisser le projet de loi C-20 être adopté sans qu'il ne soit vraiment tenu compte du point de vue du Sénat, comme il est maintenant proposé.

La seule explication donnée par le ministre responsable de ce projet de loi pour exclure le Sénat, c'est qu'il estime que le gouvernement n'a pas, selon la théorie du gouvernement responsable, de comptes à rendre au Sénat, mais uniquement à la Chambre des communes. Les promoteurs du projet de loi ont tenté de faire valoir cet argument, dont nous avons discuté à l'étape de la deuxième lecture. Comme je l'ai dit à l'étape de la deuxième lecture, je suis d'avis que cette position est totalement dépourvue de pertinence. Elle est absolument insensée.

Le gouvernement, depuis l'avènement du gouvernement responsable, a été responsable envers la Chambre basse. Nous n'avons jamais été saisis d'un projet de loi comme celui-ci qui prive de façon aussi flagrante le Sénat de son rôle de protecteur des intérêts des régions et des minorités du Canada. La théorie du gouvernement responsable n'a absolument rien à voir avec ce projet de loi. Non seulement cet argument ne peut être invoqué pour exclure le Sénat, mais j'estime qu'il est sans pertinence en l'espèce.

En ce qui concerne les projets de loi ordinaires, outre les projets de loi de crédits, le Sénat a le même rôle à jouer que la Chambre des communes. Ce projet de loi n'a jamais été décrit comme une modification constitutionnelle par le ministre Dion, ce qui est un autre cas où le rôle du Sénat diffère de celui de la Chambre des communes. D'un point de vue constitutionnel, le Sénat devrait avoir le même rôle à jouer que la Chambre des communes sur ce projet de loi.

Tant que le Sénat ne sera pas aboli, nous aurons au Canada un système bicaméral. Par conséquent, sur une question revêtant une aussi grande importance pour l'avenir du Canada que ce projet de loi, si le ministre attribue à la Chambre des communes un rôle dans la détermination de la clarté de la question et de la majorité, il devrait également, selon les principes du bicaméralisme canadien, attribuer le même rôle au Sénat.

Le ministre a produit, et je l'en remercie, une liste de quelques lois où un rôle a été dévolu à la Chambre des communes, mais non au Sénat. Ce sont ces précédents sur lesquels il s'est fondé. Pour ceux d'entre nous qui ont examiné les projets de loi sur cette liste, les questions qui ont été étudiées n'étaient pas pertinentes. Nous avons procédé à cet examen, comme bien d'autres l'ont fait. Il s'agit surtout de questions administratives concernant les rapports à soumettre, notamment - rien dans tous les cas qui ne s'apparente au traitement du Sénat relativement à la teneur du projet de loi C-20.

Son Honneur le Président: Je regrette de vous interrompre, sénateur Kinsella, mais les 15 minutes dont vous disposiez sont écoulées.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je propose d'accorder encore 10 minutes au sénateur Kinsella.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Au cours du débat, mon collègue, le sénateur Kroft, a avancé entre autres arguments que le Sénat avait volontairement renoncé à son droit de veto sur des amendements en 1982 et n'a donc aucun rôle à jouer en l'occurrence. En fait, il affirme que le rôle enlevé au Sénat a été confié aux provinces.

Honorables sénateurs, les modifications constitutionnelles de 1982 contenaient un certain nombre de compromis, mais le résultat de 1982 a été une loi adoptée à Westminster, pas une loi de notre Parlement. En outre, si nous poussons l'argument du sénateur Kroft à son aboutissement logique, les législateurs provinciaux eux aussi devraient se prononcer sur la clarté de la question et la majorité requise. Les législatures provinciales ne devraient pas être reléguées dans un rôle de conseillers, comme l'a été le Sénat. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.

Honorables sénateurs, le gouvernement croit toujours que le projet de loi C-20 est la voie à suivre après le référendum remporté de justesse en 1995 et la regrettable décision de demander à la Cour suprême un avis sur la sécession du Québec. Le ministre a déclaré:

Le projet de loi sur la clarté rend le gouvernement beaucoup plus responsable qu'il le serait sans ce projet de loi. Sans projet de loi sur la clarté, le premier ministre pourrait très bien déclarer lors d'un point de presse: «Oui, c'est clair, nous négocierons». Avec le projet de loi, il faut qu'il y ait des délibérations.

Le ministre et le gouvernement se trompent s'ils croient que le projet de loi C-20 permettra de clarifier les choses lors d'un prochain référendum. Si quelque chose est ressorti clairement de nos audiences sur le projet de loi C-20, c'est que ce projet de loi manque singulièrement de clarté. Les témoins qui appuient l'idée d'un projet de loi ont été déçus par les détails. La preuve la plus éclatante de cette déception a probablement été donnée par Roger Gibbons, que d'autres témoins ont cité. Il nous a dit que le projet de loi recevait un appui généralisé dans l'ouest du Canada, mais en ajoutant que, si les Canadiens de l'Ouest savaient à quel point le projet de loi manque de clarté et quel rôle mineur est réservé aux provinces, leur soutien s'évanouirait rapidement.

Je veux passer en revue le projet de loi avec vous, honorables sénateurs, de façon à ce que les préoccupations soulevées en comité par les témoins et les sénateurs figurent au compte rendu du débat à l'étape de la troisième lecture.

Commençons avec le préambule. À la page deux du projet de loi, on peut lire au septième paragraphe du préambule:

[...] compte tenu du fait que la Cour suprême du Canada a conclu qu'il revient aux représentants élus de déterminer en quoi consistent une question et une majorité claires[...]

Honorables sénateurs, cet énoncé est incorrect. Il s'agit d'un énoncé fautif. Le septième alinéa du projet de loi fait une fausse assertion, car, au paragraphe 153 de son avis consultatif, la Cour suprême écrit ceci:

[...] il reviendra aux acteurs politiques de déterminer en quoi consiste «une majorité claire en réponse à une question claire», suivant les circonstances dans lesquelles un futur référendum pourrait être tenu.

Simplement en raison de cet énoncé fautif, le projet de loi doit être rejeté dans sa forme actuelle. Le septième paragraphe est incorrect.

(1820)

Honorables sénateurs, selon des témoignages que nous avons entendus, la Cour suprême n'a pas dit, dans son avis consultatif, qu'il revient aux représentants élus de déterminer en quoi consiste une question claire. Le septième paragraphe du préambule du projet de loi est tout simplement fautif.

En comité, j'ai posé à M. John McEvoy la question suivante:

Croyez-vous que nous devrions rayer ce paragraphe, puisqu'il est faux? Convenez-vous également de ce que dans son avis, la Cour suprême n'exclut pas le Sénat de ce processus?

M. McEvoy m'a donné la réponse suivante:

Oui, je suis d'accord avec vous. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, on peut douter de ce que ce paragraphe du préambule reprend avec précision ce qu'a dit la Cour suprême dans son avis.

Honorables sénateurs, l'article 1 du projet de loi C-20 prévoit que la Chambre des communes déterminera la clarté de la question, en reléguant le Sénat à un rôle consultatif. L'article 2 du projet de loi C-20 prévoit qu'une fois connus les résultats du référendum, la Chambre des communes déterminera si la majorité est claire. Là encore, le Sénat se voit attribuer un rôle consultatif seulement.

Quant au processus légal qui est proposé, ce processus débute avec la détermination de la clarté de la question par les députés à la Chambre des communes, suivie de la détermination de la clarté du résultat. Comme nous le savons tous, il y a 301 députés. D'où viennent 103 d'entre eux? De la province de l'Ontario.

Le sénateur Cools: C'est exact! Vive la province de l'Ontario! Loyale elle demeure.

Le sénateur Kinsella: La province de l'Ontario est voisine du Québec à l'ouest. Ma province est voisine du Québec à l'est. Or, le Nouveau-Brunswick ne compte que 700 000 habitants. Nous avons la chance d'avoir aujourd'hui au Sénat un des meilleurs premiers ministres que notre province ait jamais eu, et nous avions jusqu'à il y a quelques années la chance d'avoir parmi nous deux de nos excellents premiers ministres provinciaux. La région toute entière des Maritimes compte un total de 25 députés à la Chambre des communes.

En tant que sénateur du Nouveau-Brunswick, j'estime, comme mes collègues du Nouveau-Brunswick et nos autres collègues des Maritimes, que nous avions une énorme responsabilité de faire contrepoids au pouvoir immense qui s'exerce dans une situation où l'une des deux Chambres de notre Parlement ne parle que pour le Canada central.

En comité, j'ai posé au professeur Behiels la question suivante:

Quelle a été, à votre avis, l'intention des Pères de la Confédération quand ils ont imaginé une Chambre haute composée de membres choisis sur la base de divisions sénatoriales et qu'ils en ont attribué 24 aux Maritimes et 24 au Québec? Quelle était leur intention sous l'angle de la protection des droits des minorités? Comme vous le savez, à cause de l'article 16.1 de la Charte, la province du Nouveau- Brunswick a l'obligation constitutionnelle spéciale de protéger l'égalité de deux communautés linguistiques. Tout ce processus revêt un caractère très pressant pour les gens du Nouveau-Brunswick et des Maritimes.

Le professeur Behiels a répondu ainsi:

Vous avez parfaitement raison. Je ne comprenais pas très bien ce qu'entendait la Cour suprême par un nombre limité d'acteurs politiques. Par la suite, cela a été précisé dans le projet de loi et on a dit que le Sénat jouerait un rôle pendant les toutes premières étapes. J'estime que cela est inacceptable. Les honorables sénateurs sont tout à fait en mesure, lorsqu'ils expriment leur point de vue, de défendre leur institution, et vous devriez le faire avec une vigueur extrême. En effet, vous devriez faire part aux Canadiens de cette préoccupation, car le Sénat fait partie intégrante du Parlement. Il en fait partie intégrante et devrait continuer d'en faire partie intégrante, surtout lorsqu'il s'agit d'une question aussi cruciale que la scission de votre pays.

Il a ajouté:

Je comprends parfaitement votre point de vue et, à cet égard, vous devriez insister pour qu'un amendement prévoie accorder un rôle au Sénat dès le début. Autrement, à quoi sert votre présence ici? Quel est votre rôle? Votre rôle a été réduit à celui de balayeurs.

Honorables sénateurs, j'ai demandé au professeur McEvoy s'il pouvait comprendre le besoin que ressentent les membres de cette Chambre d'amender ce projet de loi. S'opposerait-il à ce que le projet de loi soit amendé, pour que le Sénat puisse assumer sa responsabilité et accomplir sa tâche? Le professeur McEvoy a dit:

Dans un monde idéal, en tant que Chambre d'une fédération, c'est le Sénat qui devrait prendre cette décision, et non la Chambre des communes, pour la raison même que vous donnez. Si on doit choisir une Chambre par rapport à l'autre, je préfère le Sénat, car il est le porte-parole des régions du Canada; à la Chambre des communes, la représentation est fonction de la population et donc majoritairement du centre du pays.

L'article 3 du projet de loi C-20 dit que la sécession d'une province requiert la modification de la Constitution. Il traite des questions qu'il faudrait examiner dans le cadre de négociations.

Pendant nos audiences, certains sénateurs ont dit que le projet de loi ne traitait que de la clarté de la question et que d'une majorité claire, et qu'il passait sous silence l'étape des négociations, si jamais nous devions en arriver là. Cependant, l'article 3 parle directement de l'exigence d'une modification constitutionnelle, sans toutefois nous dire quelle formule de modification s'appliquerait. Un témoin, le professeur Magnet...

Son Honneur le Président: Honorable Sénateur Kinsella, je suis désolé de vous interrompre, mais votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Kinsella: Puis-je avoir deux autres minutes?

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, on a déjà octroyé 25 minutes, mais on pourrait sans doute accorder au sénateur Kinsella cinq minutes de plus.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs, pour que l'exposé soit prolongé de cinq minutes?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: C'est le professeur Magnet qui a dit que la règle de l'unanimité s'applique dans le cas d'une modification constitutionnelle. D'autres témoins n'en étaient pas trop sûrs. En fait, ils ont dit qu'à leur avis la règle du 7-50 était tout à fait appropriée. Le ministre semble aussi confus dans ce dossier qu'il l'est quant au fondement juridique du projet de loi.

Le paragraphe 3(2) stipule qu'avant de proposer une modification constitutionnelle, le gouvernement doit prendre en compte les droits, intérêts et revendications territoriales des peuples autochtones.

Notre collègue, le sénateur Watt, a été clair là-dessus, et j'appuie tout ce qu'il a dit, ainsi que son amendement.

Je ne vous retiendrai pas plus longtemps là-dessus. Je vois que ma collègue le sénateur Fraser est maintenant ici. Elle a fait un excellent travail à titre de présidente du comité spécial, et je tiens à le souligner en bonne et due forme. Il s'agissait là d'un travail très difficile vu l'importance du dossier à l'étude. Quand, à l'occasion, je jetais un regard circulaire autour de la pièce, je pouvais constater qu'un quart des sénateurs étaient là, et que tous avaient des questions. Pour en venir à bout dans les délais impartis, il fallait une bonne dose de talent, et je tiens à reconnaître publiquement ce talent.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous passons à l'article no 7 des affaires du gouvernement, soit la reprise du débat de deuxième lecture sur le projet de loi C-19.

Projet de loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Stollery, appuyée par l'honorable sénateur Carstairs, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-19, Loi concernant le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre et visant la mise en oeuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, et modifiant certaines lois en conséquence.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je suis extrêmement honorée de prendre enfin part au débat sur le projet de loi C-19, qui porte sur la mise en oeuvre des obligations du Canada prévues par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Ce projet de loi modifie les dispositions du Code criminel concernant les crimes de guerre en créant les infractions de génocide, de crime contre l'humanité et de crime de guerre et affirme que toute immunité pouvant exister en vertu du droit canadien n'empêchera pas l'extradition vers la Cour pénale internationale ou tout tribunal pénal international établi par résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies.

(1830)

Pour commencer, j'aimerais parler un peu du concept de la CPI et des dispositions portant sur la mise en oeuvre des obligations prévues par le Statut de Rome. Des violations flagrantes des droits de la personne, des attaques généralisées contre le principe de l'humanité, des crimes entraînant la victimisation massive de populations pacifiques qui choquent la conscience des femmes et des hommes: tous les conflits et toutes les atrocités qui affectent la société contemporaine exigent une prompte réaction de la part de décideurs responsables. Voilà en quelques mots ce qui explique la raison d'être de la CPI. La CPI est le meilleur instrument qui soit pour la mise en place d'un système de justice à l'égard des atrocités internationales.

Honorables sénateurs, je voudrais, si vous le permettez, citer le professeur Cherif Bassiouni:

Le projet, qui a vu le jour à Versailles, en 1919, est sur le point d'aboutir à Rome, en 1998[...] Son parcours, qui a duré trois quarts de siècle, a été long et ardu, plein d'occasions ratées et marqué par de terribles tragédies qui ont bouleversé le monde. La Première Guerre mondiale a été qualifiée de guerre mettant fin à toutes les guerres. C'est alors qu'a éclaté la Seconde Guerre mondiale avec toutes les horreurs et tous les ravages que l'on sait. On estime à 170 millions le nombre de victimes qu'ont fait depuis quelque 250 conflits et régimes tyranniques de toutes sortes. Pendant toute cette période la plupart des auteurs de génocides, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre s'en sont sortis impunément.

Le professeur Cherif Bassiouni a rédigé ce texte la veille de la Conférence diplomatique de Rome, à laquelle a été créée la Cour pénale internationale. L'adoption des statuts de la CPI,, le 17 juillet 1998, a été un aboutissement crucial. Mais cet aboutissement marque également le départ vers un nouvel objectif, soit le moment auquel la Cour pénale internationale entamera sa mission, après ratification de sa création par, 60 États.

Je me félicite, honorables sénateurs, de ce que le Canada soit sur le point de ratifier ce projet. Quelque deux ans se sont écoulés depuis et nous sommes nombreux à avoir souhaité que le Canada agisse plus rapidement, et surtout qu'il souligne cette ratification de façon à attirer l'attention de l'ensemble des communautés canadiennes sur la question de la Cour pénale internationale. Ce n'est pas un petit exploit que réalisent les Canadiens en se joignant à la société dite civilisée qui exige l'application de la règle de droit dans de telles situations. Je suis toutefois heureuse que nous en soyons tout de même enfin arrivés à ce stade, en dépit des conditions difficiles entourant ce processus de ratification, à savoir l'étude du projet de loi C-19 au Sénat. J'espérais qu'on en aurait débattu longuement et qu'on lui aurait accordé la priorité. Malheureusement, cela n'a pas été le cas, mais je reste persuadée que cela n'enlève rien à l'importance de ce moment.

Bon nombre d'individus et d'organisations non gouvernementales, ainsi que des gouvernements et des institutions, ont droit à notre gratitude pour les efforts qu'ils déploient afin de traduire en justice et de punir les auteurs de crimes très graves en vertu du droit international. Il faudrait mentionner de nombreux juristes, notamment ceux qui ont essayé de bâtir sur les leçons tirées des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo.

Deux institutions ont été le théâtre de la plupart des discussions devant mener à la création d'un système permanent de justice pénale internationale. Il s'agit de l'Association internationale de droit pénal, ou AIDP, et l'Association de droit international, ou ADI. En outre, depuis sa mise sur pied dans les années 1970, l'Institut supérieur international de sciences criminelles, ou ISISC, établi à Siracusa, a été très actif à cet égard.

L'Union interparlementaire a été la première organisation parlementaire à réclamer la création d'une CPI, en 1926. Ces efforts et diverses initiatives entreprises tout au long de la guerre froide, quand la confrontation entre les superpuissances a bloqué le développement de la justice internationale envisagée dans le précédent de Nuremberg, ont pavé la voie à des innovations en matière de droit pénal international, par exemple l'inclusion de l'idée d'une cour internationale dans la convention de 1973 contre l'apartheid.

En 1989, avec la chute du mur de Berlin, la question de la CPI a été réinscrite au programme de l'Assemblée générale des Nations Unies à la demande d'un membre de l'Action mondiale des parlementaires, Son Excellence A.N.R. Robinson, actuellement président de la République de Trinité-et-Tobago et alors parrain du programme de droit international de l'AMP. Grâce aux travaux du réseau de l'AMP qui comprend plus de 1 300 membres siégeant dans 100 parlements, ce rêve d'une cour internationale en est à la dernière étape de sa concrétisation et les parlementaires doivent s'attacher de nouveau à garantir que, par leurs réseaux, par leur activité non partisane, cette cour voit le jour.

Après la création du Conseil de sécurité de l'ONU et des tribunaux criminels internationaux spéciaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, tout en évitant de mettre de côté leurs programmes nationaux, les États ont prouvé qu'ils étaient encore plus disposés à se pencher sur les questions humanitaires à l'échelle internationale. D'ailleurs, M. Hans Corell, sous-secrétaire général aux affaires juridiques de l'ONU, en faisant campagne auprès des membres de l'ONU, a fait remarquer que pour ces derniers, la paix et la sécurité étaient toujours la première préoccupation, mais que la primauté du droit dans les relations internationales venait tout de suite après.

Les négociations sur la Cour pénale internationale aux Nations Unies et à Rome ont été extrêmement ardues, mais beaucoup ont jugé que le compromis final obtenu lors de la conférence diplomatique de 1998 était «un pas de géant dans notre marche vers les droits universels de la personne et la règle de droit», selon les paroles de Son Excellence Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies.

Le comité plénier de la conférence, présidé par l'ambassadeur canadien, Philippe Kirsch, ainsi que son comité de rédaction, présidé par le professeur Chérif Bassiouni, ont réussi à réunir les pièces du casse-tête, à savoir 128 articles de droit et de procédure divisés en 13 chapitres normatifs, de même qu'un préambule et un acte final de la plus haute importance.

Le préambule affirme notamment le devoir de tous les États de poursuivre et de punir les criminels internationaux, ainsi que leur obligation d'exercer des pressions pour que les auteurs de crimes internationaux soient punis pour les atrocités qu'ils ont commises. L'acte final contenait le mandat de la commission préparatoire des Nations Unies, qui est d'élaborer les règles de procédure et de définir les éléments des crimes pour le tribunal.

Je voudrais m'arrêter à quelques éléments du Statut de Rome. Tout d'abord, les crimes prévus dans ce statut sont les crimes contre l'humanité, le génocide ou les crimes de guerre, et ils sont définis en conformité avec le droit international. Le crime d'agression n'a pas encore été défini et il demeure un sujet de controverse. Il est important de prendre note que les crimes de guerre incluent les crimes survenus dans un conflit armé interne. Aujourd'hui, la majorité des conflits qui surviennent dans le monde sont des conflits internes, comme les conflits au Sierra Leone, au Rwanda, au Kosovo et en Tchétchénie, pour n'en nommer que quelques-uns.

Deuxièmement, la cour est un organe complémentaire aux systèmes de justice nationaux et n'aura compétence que là où les États ne veulent pas ou sont incapables de traduire les suspects devant leurs tribunaux.

Troisièmement, un État, le Conseil de sécurité ou les procureurs de la Cour pourront amorcer les procédures. Le rôle des procureurs à cet égard est un élément capital soumis à une série de mécanismes régulateurs.

Quatrièmement, la cour n'est pas subordonnée au Conseil de sécurité, mais entretient des rapports constructifs avec lui. Le Conseil de sécurité ne pourra que retarder les procédures par des mesures affirmatives et seulement sous forme de résolution adoptée aux termes du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui porte sur les atteintes à la paix et à la sécurité internationales. Si, par exemple, le Conseil de sécurité impose un droit de veto, la cause peut être entendue par la Cour pénale internationale.

Je vous explique maintenant quelle est la force de la Cour pénale internationale et vous énumère quelques-uns des principaux objectifs de ses promoteurs.

(1840)

L'objectif premier de la CPI est d'obtenir 60 ratifications pour que la cour devienne réalité. Il est encourageant de constater que déjà la semaine dernière cent pays avaient signé l'entente. Par signature, on entend l'obligation de collaborer à la mise en oeuvre du Statut de Rome. Jusqu'à maintenant, 13 pays ont ratifié le traité. Le premier pays à le faire a été le Sénégal. Quatre autres pays africains ont signé l'accord.

Des 514 traités négociés aux Nations Unies, celui-ci exprimera plus que des voeux pieux, si 60 pays peuvent le ratifier, car non seulement il énonce un objectif mais il prévoit également un mécanisme de mise en oeuvre pour créer une institution efficace et lui assurer une certaine stabilité.

Le deuxième objectif est de respecter la nature non rétroactive de la cour, nature qui visait, je crois, à encourager la ratification, mais qui devait surtout servir de critère clair et décourager tous les criminels potentiels. D'ailleurs, Mary Robinson a très souvent fait valoir ce point.

Troisièmement, l'utilisation des règles, des concepts et des procédures de tous les systèmes de justice pénale au monde veillera à ce que la cour soit la plus juste et équitable possible. De nombreuses garanties et un mécanisme de freins et contrepoids seront prévus.

Quatrièmement, la cour permanente profitera justement de son caractère permanent pour réagir plus rapidement qu'un système de tribunaux spéciaux.

J'espère que le comité qui étudiera ce projet de loi veillera à ce que la procédure de mise en oeuvre énoncée dans le projet, de loi C-19 corresponde le plus possible à la procédure envisagée par la Cour pénale internationale, sur le plan pratique et sur le plan idéologique.

Je tiens à féliciter l'ambassadeur Philippe Kirsch qui a fait preuve d'une grande impartialité et qui s'est grandement dévoué pour veiller, tant à la conférence de Rome qu'à la commission préparatoire, à l'entrée en vigueur du Statut de Rome. Il s'est montré fidèle à la fière tradition du Canada, qui excelle dans les efforts diplomatiques qu'il faut déployer pour défendre les causes humanitaires. Ses efforts ne sont pas passés inaperçus.

Je regrette que nous n'ayons pu ratifier l'accord plus vite. Il aurait fallu accorder la priorité à ce projet de loi et en faire l'étude plus rapidement ici, au Sénat. Néanmoins, il est important d'adopter le projet de loi pour que le Canada puisse enfin ratifier l'accord.

À cet égard, j'ai entendu dire que la loi canadienne de mise en oeuvre pourrait être un modèle pour d'autres pays, j'estime que le Canada ne cherche pas tant à être un modèle qu'à être, au mieux, instructif et informatif. Beaucoup d'autres pays, dont les pays de la SADC, ont déjà leur stratégie de mise en oeuvre. Ce dont ils ont besoin, c'est d'aide technique et d'encouragement pour raffermir leur volonté politique. Les parlementaires et les associations parlementaires sont les mieux placés pour faciliter le processus de ratification.

En ma qualité de présidente du comité du droit international et des droits de la personne de l'Action mondiale des parlementaires, je suis heureuse que les associations parlementaires, qui sont appuyées par les parlementaires du Canada, aient formé un groupe de coalition pour essayer d'obtenir une aide technique.

J'espère que, au comité, nous étudierons le projet de loi de façon à nous assurer que nous avons su profiter au maximum des possibilités d'améliorer les lois du Canada que nous offre le Statut de Rome.

Je passe maintenant à une autre partie du projet de loi C-19.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le temps de parole du sénateur Andreychuk est presque expiré, je propose que nous lui accordions cinq minutes de plus.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Andreychuk: Le projet de loi C-19 modifie le Code criminel en prévoyant des infractions nouvelles concernant les crimes de guerre. Comme ces changements se démarquent à au moins deux égards importants du Statut de Rome, il eut été préférable, du point de vue de la politique gouvernementale, qu'ils fassent l'objet d'un projet de loi distinct. Le Statut de Rome revêt une certaine valeur éducative qui est perdue s'il est incorporé dans un projet de loi avec d'autres mesures législatives, particulièrement quand ces dernières se sont pas conformes au Statut de Rome.

J'espère que le comité déterminera si elles détournent l'attention du Statut de Rome, ou si elles sont suffisamment distinctes pour ne pas entraver une bonne compréhension du Statut de Rome et de ses mécanismes de mise en oeuvre.

Étant donné que les modifications au Code criminel sont essentiellement en réaction à la décision Finta, un projet de loi distinct aurait été préférable. Il faudra que le comité entende les groupes canadiens qui mettent en doute la constitutionalité de certaines dispositions du projet de loi C-19 comme, par exemple, l'utilisation de définitions et de règles différentes pour les crimes de guerre selon qu'ils sont commis au Canada ou à l'étranger.

Cette partie du projet de loi comporte une période de rétroactivité pour les crimes de guerre. Je crois que c'est le contraire dans le Statut de Rome. Il s'agit là de différences fondamentales qui doivent être examinées de près en comité.

Lors d'une conférence récente en Afrique, un employé de l'UNICEF a demandé à une petite fille ce qu'elle voulait être quand elle sera grande. Elle a répondu: «Être en vie.» Je crois que le projet de loi C-19, qui vise la mise en oeuvre du Statut de Rome, garantit dans une certaine mesure que les générations futures profiteront des avantages que nous tenons pour acquis au Canada.

Le projet de loi C-19 et le Statut de Rome ne régleront pas les problèmes qui tourmentent le monde, mais ils contribueront grandement à faire accepter à l'échelle internationale la primauté du droit en ce qui concerne ces horribles crimes, ce qui est très nécessaire.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je regrette, mais je ne peux accepter l'ajournement.

Le sénateur Cools: Je vous demande pardon?

Le sénateur Hays: Je vais parler du projet de loi. Puis-je avoir la possibilité de prendre la parole?

Le sénateur Cools: Je ne comprends pas vraiment. Le sénateur Andreychuk vient de prendre la parole. J'ai proposé l'ajournement.

Le sénateur Hays: Je tiens à préciser à l'honorable sénateur que l'ajournement n'a pas été mis aux voix.

Le sénateur Cools: La Chambre est encore saisie de ma demande.

Le sénateur Hays: L'honorable sénateur Cools me refuse-t-elle le droit de parole?

Le sénateur Cools: Non, je ne veux pas refuser le droit de parole à l'honorable sénateur.

Son Honneur le Président pro tempore: La motion d'ajournement n'est pas...

Le sénateur Cools: Il serait très facile de diriger cette enceinte selon les règles. J'ai proposé une motion.

Son Honneur le Président pro tempore: Le sénateur Hays a la parole.

(1850)

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots sur ce projet de loi, après avoir écouté son auteur, le sénateur Stollery, président du Comité des affaires étrangères, ainsi que le vice-président de ce comité, le sénateur Andreychuk. Je parle également au nom d'un certain nombre d'organisations non gouvernementales qui ont communiqué avec mon bureau ainsi que d'autres sénateurs et députés de l'importance de ce projet de loi et, en particulier, de l'importance que nous l'adoptions rapidement.

Nous tentons de faire inscrire ce projet de loi au Feuilleton depuis un certain temps, mais cela s'est avéré difficile en raison de la pression suscitée par d'autres questions. En tant que leader adjoint, j'ai pris part à des consultations avec des sénateurs et d'autres personnes. Il est important que nous adoptions ce projet de loi en deuxième lecture aujourd'hui afin qu'il puisse être étudié par notre comité. Je ne sais pas s'il reviendra du comité à temps pour passer ici l'étape de la troisième lecture, mais il est important de donner la possibilité au comité d'entendre le ministre. Je crois comprendre que le ministre est disponible mardi matin. Si nous ajournons cette question, nous raterons cette occasion. Je ne sais pas ce qu'il adviendra ensuite. Je ne sais pas ce que pense le ministre de ce projet de loi, mais je sais qu'il s'agit d'un projet de loi important. C'est ce que pensent le sénateur Stollery et le porte-parole de l'opposition officielle, le sénateur Andreychuk. J'ai l'intention de demander que la motion de deuxième lecture soit mise aux voix, même si nous devons tenir un vote.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Nous enfreignons le Règlement dans ce cas-ci. Je ne sais pas trop quoi penser. En écoutant les débats, j'ai été tout à fait frappée par certaines des choses que le sénateur Andreychuk avait à dire. Je cherche le projet de loi au Feuilleton. Quel numéro porte-t-il?

Son Honneur le Président pro tempore: Le no 7.

Le sénateur Cools: Je ne suis pas du tout le sénateur Hays lorsqu'il affirme qu'il va proposer que la question soit mise aux voix. Le Sénat a été saisi d'une motion de deuxième lecture. J'ai écouté très attentivement ce que le sénateur Andreychuk avait à dire. J'ai été vraiment frappée par plusieurs questions et je me suis sentie obligée d'en parler. C'est pourquoi j'ai proposé l'ajournement du débat, ce qui est tout à fait conforme au Règlement. Il est tout à fait inapproprié de la part du sénateur Hays d'intervenir et de dire qu'il ne veut pas que cela se produise, qu'il souhaite simplement que le projet de loi soit renvoyé au comité.

Je sais très bien que le sénateur Hays pourrait négocier, mais ses négociations ne m'enlèvent en rien le droit de parler. Je veux intervenir sur ce projet de loi. Si le sénateur Hays ne veut pas que je propose l'ajournement du débat, c'est différent. Il devra procéder de la bonne façon, respecter la marche à suivre dans le cas présent. Je voudrais parler du projet de loi mardi.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je demande que la question soit mise aux voix.

Son Honneur le Président pro tempore: Proposez-vous l'ajournement, sénateur Cools?

Le sénateur Cools: J'ai déjà proposé l'ajournement.

Son Honneur le Président pro tempore: Avez-vous un comotionnaire?

Le sénateur Cools: On a mis la question de l'ajournement aux voix.

Son Honneur le Président pro tempore: L'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Taylor, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président pro tempore: Que les honorables sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président pro tempore: Que les honorables sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président pro tempore: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président pro tempore: Veuillez convoquer les sénateurs.

Y a-t-il entente sur la durée du timbre?

Le sénateur Hays: Les whips se sont entendus pour que la sonnerie d'appel retentisse pendant dix minutes.

(1900)

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Andreychuk, Austin, Banks, Beaudoin, Bolduc, Callbeck, Carstairs, Christensen, Cook, Corbin, De Bané, DeWare, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Finnerty, Fraser, Gill, Graham, Hays, Hervieux-Payette, Kenny, Kinsella, Kroft, LeBreton, Lynch-Staunton, Maheu, Mahovlich, Mercier, Milne, Pearson, Pépin, Poulin, Robichaud, (L'Acadie-Acadia), Robichaud, (Saint-Louis-de-Kent), Rompkey, Setlakwe, Squires, Taylor, Watt, Wiebe-42

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Stollery propose, appuyé par l'honorable sénateur Carstairs: Que le projet de loi C-19 soit lu une deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion.

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Hays, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères.)

(1910)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'appelle le point no 9, la deuxième lecture du projet de loi C-18, inscrit à la rubrique Affaires du gouvernement.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'honorable Ione Christensen propose: Que le projet de loi C-18, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies causant la mort et autres matières), soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi C-18, qui porte à l'emprisonnement à perpétuité la peine maximale pour conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort, autorise le prélèvement, sur un conducteur aux facultés affaiblies impliqué dans une grave collision, d'un échantillon de sang pour déceler la présence de drogue ou d'alcool, corrige une erreur de rédaction, harmonisant ainsi les versions française et anglaise de la définition «véhicule à moteur» dans le Code criminel et rend l'article 553 du Code compatible avec la Charte des droits.

Dans la plupart des cas, les conducteurs qui ont un permis ont le droit de prendre la route. De la même manière, les adultes ont le droit de consommer des boissons alcoolisées. Nous savons, toutefois, que la combinaison de ces deux activités légales peut parfois donner des résultats tragiques. Ils sont probablement peu nombreux les Canadiens adultes qui ne peuvent pas nommer un parent, un voisin, un ami ou une connaissance qui ont été tués ou blessés dans un accident où la consommation de boissons alcoolisées a joué un rôle.

Conformément au paragraphe 253a) du Code criminel, quiconque conduit lorsque sa capacité de conduire est affaiblie par l'effet de l'alcool ou d'une drogue commet une infraction. Conformément au paragraphe 253 b), quiconque conduit lorsqu'il a consommé une quantité d'alcool telle que son alcoolémie dépasse 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang commet une infraction. Conformément à l'article 254, quiconque refuse de fournir un échantillon d'haleine ou, dans certains cas, un échantillon de sang, commet une infraction.

Une personne qui est accusée de conduite avec facultés affaiblies ne peut pas invoquer pour sa défense que son alcoolémie ne dépassait pas 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang. La question est de savoir si les facultés du conducteur étaient effectivement affaiblies, quelle que soit la quantité d'alcool consommée. Réciproquement, une personne qui est accusée d'avoir conduit avec un taux d'alcoolémie de «plus de 80» ne peut pas invoquer pour sa défense que ses facultés ne semblaient aucunement affaiblies en dépit du taux trouvé dans l'échantillon.

Honorables sénateurs, l'article 255 du Code criminel prévoit à l'heure actuelle une peine maximale de 14 ans d'emprisonnement pour quiconque est trouvé coupable de conduite avec facultés affaiblies. Le projet de loi C-18 transforme cette peine maximale en emprisonnement à perpétuité. La peine maximale pour conduite avec facultés affaiblies causant la mort serait ainsi la même que pour l'homicide involontaire coupable et la négligence criminelle causant la mort.

Cet alourdissement de la peine maximale témoignerait de la gravité du délit, et cela, même dans les cas de conduite avec facultés affaiblies causant la mort qui ne sont pas sanctionnés par la peine maximale. Je demande aux sénateurs de se rappeler que la peine maximale est réservée aux pires criminels et aux délits commis dans les pires circonstances.

Plus tôt cette année, dans le cadre de son jugement dans l'affaire Proulx, la Cour suprême du Canada a présenté les observations suivantes:

[...] la conduite dangereuse et la conduite avec les facultés affaiblies soient des infractions à l'égard desquelles il est plus plausible que l'infliction de peines sévères ait un effet dissuasif général. Souvent, ces crimes sont commis par des citoyens qui respectent par ailleurs la loi, qui sont de bons travailleurs et qui ont un conjoint et des enfants. Il est possible de supposer qu'il s'agit là des personnes les plus susceptibles d'être dissuadées par la menace de peines sévères.

Personne ne prétend qu'une mesure législative en matière criminelle fera subitement disparaître, à elle seule, la conduite avec facultés affaiblies. Nous pouvons cependant nous attendre à ce que le droit criminel facilite la lutte contre ce problème. Dans la mesure où une mesure législative en matière criminelle peut avoir un effet dissuasif, faire de l'emprisonnement à vie la peine maximum pour conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort aidera les choses.

De plus, nous ne devons pas perdre de vue le fait qu'une utilisation aussi pertinente du droit criminel est une dénonciation par la société du fait que la conduite avec facultés affaiblies est inacceptable et mérite d'être sanctionnée par notre peine maximum. Les personnes conduisant avec des facultés affaiblies se tuent, et tuent leurs passagers ainsi que d'autres usagers de la route. Ce qui est tragique et profondément frustrant, c'est que ces décès auraient facilement pu être évités. La formule fatale est simple. Au fur et à mesure que la consommation d'alcool augmente, l'aptitude d'un individu à évaluer sa compétence à conduire diminue. Si la personne ne s'est pas déjà donné comme règle de ne pas conduire après avoir bu, la porte est ouverte pour qu'elle se dupe avec la pensée suivante «J'ai bu, mais je suis en mesure de conduire.»

Des renseignements venant de la Société d'assurances de la Colombie-Britannique révèlent qu'en 1998, plus de 80 p. 100 des personnes décédées dans des accidents de la route mettant en cause la consommation d'alcool en Colombie-Britannique étaient les conducteurs qui avaient bu et leurs passagers.

Honorables sénateurs, en vertu de l'article 256 du Code criminel, un agent de la paix peut demander un mandat afin de prélever un échantillon de sang dans certaines circonstances. Il doit avoir des motifs raisonnables de croire que, dans les quatre heures suivant l'absorption d'alcool, une personne a commis, alors qu'elle conduisait, une infraction ayant causé des lésions corporelles ou un décès. L'avis d'un médecin disant que le prélèvement de l'échantillon de sang ne risque pas de mettre en danger la vie ou la sécurité de la personne est nécessaire.

L'article 258 du Code criminel prévoit qu'un échantillon de sang obtenu en vue de déterminer s'il y a présence d'alcool peut aussi être analysé en vue de déceler la présence d'un autre genre de drogue. Toutefois, en ce qui concerne l'application de, l'article 256, il arrive que l'agent n'ait pas les motifs requis liés à l'absorption d'alcool pour demander un mandat l'autorisant à prélever un échantillon de sang. Le projet de loi C-18 ajouterait que s'il existe un motif raisonnable de croire que l'infraction alléguée est liée à la consommation de drogue, on peut demander un mandat autorisant le prélèvement d'un échantillon de sang en vertu de l'article 256. On estime qu'il n'y aura pas beaucoup de cas où les services policiers demanderont un mandat autorisant le prélèvement d'un échantillon de sang en se fondant sur la présence d'une drogue autre que l'alcool.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-18 corrigerait la version française de la définition de l'expression «véhicule à moteur» figurant à l'article 2 du Code criminel. La version française actuelle exclut de la définition tout véhicule propulsé par quelque moyen que ce soit. Elle devrait préciser qu'est exclu un véhicule mû ou propulsé par la force musculaire. On ne trouve pas ce problème dans la version anglaise de la définition.

Le projet de loi C-82, qui avait été déposé au cours de la législature précédente, modifiait la peine maximale pour conduite pendant interdiction, faisant passer celle-ci de deux ans à cinq ans d'emprisonnement lorsque la Couronne procède par mise en accusation. La conduite pendant interdiction figure, à l'article 553 du code, parmi les infractions qui relèvent de la compétence absolue d'un juge de la cour provinciale. Par conséquent, un inculpé n'a pas droit à un procès avec jury. Toutefois, le paragraphe 11 f) de la Charte des droits et libertés stipule qu'un inculpé a le droit de bénéficier d'un procès avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l'infraction est un emprisonnement d'au moins cinq ans. Le projet de loi C-18 éliminerait la conduite pendant interdiction de la liste des infractions dites de juridiction absolue, de façon à assurer le respect de la Charte.

Honorables sénateurs, tout comme le projet de loi C-82, qui a été adopté au cours de la session précédente, le projet de loi C-18 donnerait suite à d'autres recommandations proposant des modifications précises au Code criminel. Ces recommandations ont été formulées à l'autre endroit, par le comité permanent de la justice et des droits de la personne, en mai 1999. Ces modifications au Code criminel sont un volet de la série de mesures qui doivent être prises par les gouvernements, les organismes, les familles et les personnes afin de réduire et, nous l'espérons sincèrement, d'éliminer un jour la conduite avec facultés affaiblies.

(1920)

La société a fait beaucoup de progrès relativement à cette question importante, grâce aux efforts de groupes de revendication, de corps policiers, d'écoles, de gouvernements, de brasseries et de distilleries, de familles et de particuliers. Il est rassurant de voir que nous entendons rarement les gens dire qu'ils prennent «un verre de plus pour la route». Au contraire, dans les endroits où il y a consommation d'alcool, les gens sont maintenant fiers de dire qu'ils sont des conducteurs désignés. Cela dit, la triste réalité est qu'il existe encore un petit pourcentage de conducteurs qui continuent de conduire avec les facultés affaiblies.

Cela signifie qu'en dépit des progrès accomplis, il reste encore beaucoup à faire.

Des lois sévères sont nécessaires, bien sûr, mais quiconque voit une personne avec les facultés affaiblies s'apprêter à prendre le volant a l'obligation de s'assurer que cette personne ne prenne pas la route.

Ces derniers mois, pendant l'étude du projet de loi à l'autre endroit et jusqu'à son renvoi au Sénat, j'ai reçu, comme beaucoup d'autres sénateurs, de nombreuses lettres de particuliers et d'organisations exhortant la Chambre des communes et le Sénat à adopter le projet de loi le plus rapidement possible pour que, surtout pendant les mois d'été, lorsque les accidents de ce genre sont très nombreux, nous puissions faire un peu de prévention.

Ces lettres racontent d'innombrables drames: des familles, des mères, des fils et des amis qui ont péri à cause de ce que j'appellerai une maladie. Dans bien des cas, la peine a été de deux, trois ou quatre ans seulement.

J'invite tous les sénateurs à appuyer le projet de loi C-18 pour lancer un message clair: la conduite en état d'ébriété est inadmissible dans notre société. Cette nouvelle peine maximale montre que nous considérons ce crime comme très grave.

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, j'aimerais remercier le sénateur Christensen de ses observations fort opportunes.

Honorables sénateurs, je prends moi aussi la parole pour appuyer le projet de loi C-18. Dans l'esprit du projet de loi C-82, adopté il y a un an, le projet de loi C-18 vise à modifier le Code criminel pour qu'une personne en état d'ébriété qui cause la mort d'une personne soit passible de l'emprisonnement à vie.

La situation actuelle ne tient pas debout. Si un individu prend une arme chargée et fait feu sur autrui, il est condamné comme criminel, mais si l'arme utilisée est la clé de contact d'une voiture et quelques verres de rye, l'individu ivre qui tue quelqu'un sur la route n'est qu'un conducteur négligent.

Nous avons raison de contester cette logique, et le projet de loi C-18 va corriger cette double échelle de valeurs. Il réconfortera les Canadiens et leurs familles qui ont droit à la vie et à l'affection des êtres qui leur sont chers. Il n'y a pas que les familles qui soient les innocentes victimes de conducteurs irresponsables; il y a aussi leurs amis. Ces gens ont le droit de savoir qu'ils sont protégés par une institution telle que la nôtre.

Les conducteurs irresponsables qui passent, sans transition, du pub ou du bar-salon au volant, il faut que ça cesse. Les statistiques sont effroyables et elles soient loin de s'améliorer. Quatre ou cinq Canadiens sont tués chaque jour; cent vingt-cinq sont blessés; une somme de 9 milliards de dollars est nécessaire chaque année pour assumer les coûts directs et indirects de l'alcool au volant. Un nombre inestimable de Canadiens sont les malheureuses victimes de ces crimes.

Envoyons un message très clair: ces sont des infractions de nature très sérieuse. À la fin de chaque week-end, les gens - surtout ceux qui sont passés par là - lisent les journaux avec un oeil sur les premières pages et un autre sur les articles nécrologiques. La radio et la télévision ne cessent de nous abreuver de mauvaises et tristes nouvelles.

Cette année, nous aurions pu ne pas avoir à nous pencher sur le projet de loi C-18. En effet, l'année dernière, quand le projet de loi C-82 a été adopté et a reçu la sanction royale, une entente avait été conclue qui prévoyait l'adoption du projet de loi avant la prorogation. Le projet de loi a été dépouillé d'une disposition punissant de l'emprisonnement à vie les personnes reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies. Le Bloc québécois, à l'autre endroit, s'opposait à cet article.

La résistance des bloquistes m'a étonné, honorables sénateurs, car le Québec a vraiment donné le bon exemple dans le dossier de l'alcool au volant. Leur amendement a eu pour effet de supprimer la mention de l'emprisonnement à vie du projet de loi l'année dernière. Et le gouvernement avait promis alors de revenir à la charge avec un tout nouveau projet de loi.

La ministre de la Justice a pris cet engagement par écrit, le 1er juin 1999, et nous voilà maintenant saisis du projet de loi C-18 qui a franchi l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes le 14 juin dernier.

Tout d'abord, je suis heureuse que le projet de loi nous soit revenu avec la disposition sur l'emprisonnement à vie, qui avait été supprimée. Deuxièmement, je suis particulièrement fière de l'extraordinaire leadership dont nos collègues de l'autre endroit ont fait preuve pour que cela soit possible.

Je tiens à exprimer personnellement ma profonde gratitude à M. Peter MacKay, le leader parlementaire de notre parti à l'autre endroit. M. MacKay a accepté l'amendement du Bloc l'an dernier afin que le projet de loi C-82 puisse être adopté, mais à la condition que le gouvernement s'engage à présenter un projet de loi faisant passer à l'emprisonnement à perpétuité la peine maximale prévue pour la conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort, comme on l'a déjà expliqué et comme la ministre de la Justice l'a accepté.

Honorables sénateurs, c'est un grand jour pour la justice canadienne. Le projet de loi C-18 établira un meilleur équilibre.

À quoi font actuellement face la plupart des Canadiens? Une personne trouvée coupable d'homicide involontaire peut être condamnée à l'emprisonnement à perpétuité, mais un conducteur aux facultés affaiblies qui blesse ou tue quelqu'un ne peut être condamné qu'à une peine maximale de 14 ans d'emprisonnement, même si les «terroristes sur roues», comme je les ai surnommés, se voient habituellement infliger des peines très courtes qui ne sont pas proportionnelles à la gravité de leurs crimes.

Les juges infligent rarement la peine maximale, aussi bien à quelqu'un trouvé coupable d'homicide involontaire qu'à quelqu'un condamné pour conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort, sauf s'il y a des circonstances extrêmement aggravantes. Les gens ordinaires pensent que les conducteurs trouvés coupables d'un homicide commis au volant de leur automobile s'en tirent relativement bien devant nos tribunaux, qu'ils reçoivent en quelque sorte une petite tape sur la main et recouvrent ensuite leur liberté après avoir vaguement promis de changer leur comportement.

C'est aussi ce que pensent les contrevenants en puissance qui ont l'impression qu'ils n'auront pas à subir longtemps les graves conséquences de leur comportement. Cela changera lorsque le projet de loi C-18 entrera en vigueur. Les conducteurs qui, étant sous l'effet de l'alcool, causent la mort feront maintenant face à toute la rigueur de la loi. Cela vaudra aussi pour ceux qui, conduisant en étant sous l'effet de la drogue, causent la mort.

Je ne prétends absolument pas qu'une peine d'emprisonnement à perpétuité empêchera toutes les morts qui sont causées par la négligence sur les routes canadiennes, mais cela enverra un message très clair, et ceux qui conduisent avec les facultés affaiblies sauront bientôt qu'ils devront désormais répondre pleinement de leurs actes. La loi exercera sûrement un effet dissuasif puissant sur ceux qui pourraient envisager de prendre le volant alors que leurs facultés sont affaiblies. La perspective d'une peine d'emprisonnement à perpétuité au lieu d'une peine de quelques années seulement aura un effet. Les routes seront plus sûres. Les familles seront plus heureuses. Les hôpitaux et les salles d'urgence seront moins débordés et pourront peut-être traiter les cas dont ils sont censés s'occuper, plutôt que les autres. Il en coûtera moins cher au Trésor public et tout le monde en bénéficiera, sauf peut-être certains avocats de la défense.

Honorables sénateurs, exception faite du Bloc québécois, tous les partis s'étaient entendus pour adopter le projet de loi C-18. Je remercie le leader du gouvernement à la Chambre, M. Boudria, la ministre de la Justice, Mme McLellan, et tous les députés qui ont participé aux travaux du comité législatif et qui ont rendu possible cet exploit.

La négociation, nous le savons, n'est pas une pratique exclusive au Sénat. Une attente d'un an peut s'avérer utile quand on obtient d'aussi bons résultats. Il fut un temps où la conduite avec des facultés affaiblies passait pour être un malheureux accident de parcours. Heureusement, grâce au projet de loi C-18, il n'en sera plus rien.

Malheureusement, comme vous le savez, le 21 janvier 1996, il y aura bientôt quatre ans et demi, l'alcool et un jeune chauffard m'ont privée à jamais de ma fille, Lynda LeBreton, et de mon petit-fils, Brian LeBreton-Holmes. Bien entendu, la vie de la famille LeBreton et de beaucoup d'autres n'a plus jamais été la même depuis. J'ai adhéré à l'association MADD, Mothers Against Drunk Driving, et j'y ai milité activement. Les sénateurs auront sans doute aperçu aujourd'hui dans cette enceinte d'autres membres de l'association MADD dans la poursuite de leur enquête sur les différentes provinces.

Je suis fière de vous signaler que, plus que tout autre organisme, l'association MADD est le moteur du projet de loi à l'étude aujourd'hui. Cette association nationale s'est donné pour mission d'accroître la sécurité routière au Canada et s'y emploie avec beaucoup d'énergie. Tâchons de ne pas oublier les victimes qui sont aujourd'hui handicapées et mutilées à vie par suite d'actes de négligence, d'actes inadmissibles et intolérables dans une société aussi éclairée que la nôtre. Si je décidais de vous raconter tous les drames dont j'ai eu connaissance depuis mon adhésion à l'association MADD, je ne saurais par où commencer et nous risquerions d'y passer des heures.

Honorables sénateurs, la conduite avec facultés affaiblies ne disparaîtra pas du jour au lendemain parce que le projet de loi C-18 modifie le paragraphe 255(3) du Code criminel. Il serait naïf de prétendre et de présumer cela. Nous devons cesser de fermer les yeux face à de tels crimes. En adoptant de projet de loi, nous serons en mesure de dire - pour paraphraser Neil Armstrong - «C'est un petit pas pour l'humanité, mais un grand pas pour la justice».

(1930)

Certains diront que, ce qu'il faut, c'est éduquer plus les gens et mettre en place des programmes de sensibilisation publique. Toutefois, ces mesures seules ne parviendront jamais à réduire le nombre de ces infractions, à moins que les peines ne deviennent beaucoup plus sévères et ne découragent ainsi l'insouciance sociale. Une fois que ce projet de loi aura été adopté, les gouvernements fédéral et provinciaux devront collaborer étroitement afin de veiller à ce que la disposition relative à l'emprisonnement à vie pour conduite avec facultés affaiblies ayant entraîné la mort ne soit pas vaine.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui constitue un autre pas important sur ce très long chemin. Bien qu'il reste encore beaucoup à faire, on constate des progrès encourageants dans tout le pays. Par exemple, le 1er décembre 1999, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a promulgué une nouvelle loi sur les véhicules automobiles. Tout conducteur qui sera arrêté sur la route avec un taux d'alcoolémie se situant entre 0,05 et 0,08 - ce dernier chiffre étant la limite légale actuelle-, fera automatiquement l'objet d'une suspension de permis pour une durée de 24 heures. Nous avons des preuves que le programme fonctionne déjà. En Nouvelle-Écosse, les personnes conduisant avec facultés affaiblies seront peut-être bientôt contraintes, également, de payer des frais de 100 $ par jour pour leur incarcération. Ce n'est pas une mauvaise idée.

En Ontario, la suspension à vie du permis de conduire est imposée aux conducteurs qui sont arrêtés trois fois sur la route avec facultés affaiblies. Cette suspension à vie du permis peut toutefois être levée au bout de dix ans si le conducteur installe sur son véhicule un dispositif de verrouillage du système de démarrage. C'est une nouvelle technologie qui est de plus en plus utilisée. L'Alberta et le Québec sont en tête à cet égard. J'espère que cela encouragera d'autres provinces à mettre en place ces programmes.

Le projet de loi C-82, adopté l'an dernier, permet aux juges d'exiger que les coupables s'inscrivent à un programme d'anti-démarreur comme condition de probation quand un tel programme existe. Si deux fois la quantité permise d'alcool est trouvée dans le sang, à savoir deux fois 0,08 milligrammes d'alcool par millilitre de sang, le projet de loi exige qu'on considère cela comme facteur aggravant lors de la détermination de la peine. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons encore beaucoup de chemin à faire, mais nous progressons de façon constante. Grâce à des lois pénales et à des codes de la route plus sévères, les tournois de golf et autres activités estivales ainsi que les fêtes de Noël et de bureau ne posent plus les risques d'autrefois. Les jeunes ont fait beaucoup de progrès dans les écoles et les universités où ils participent activement à des programmes visant à protéger la vie de leurs camarades de classe et amis et en axant surtout leurs mesures de prévention sur les fêtes de finissants et les activités estivales.

Grâce à MADD, au comité de la justice de la Chambre des communes et à tous les députés et sénateurs, la question de la conduite en état d'ébriété a atteint un nouveau niveau de sensibilisation. De plus, le projet de loi C-18 comporte un article tout à fait nouveau par rapport au projet de loi original, le C-82. Il s'agit de la disposition visant à modifier l'article 256 du Code criminel. Cette nouvelle disposition donne le droit aux policiers qui sont sur les lieux d'un accident, d'obtenir un mandat les autorisant à effectuer un prélèvement sanguin sur un conducteur inconscient que l'on soupçonne être sous l'influence de drogues ou d'alcool. L'élément nouveau, c'est qu'on vise aussi les personnes qui conduisent après avoir consommé de la drogue. Depuis l'adoption du projet de loi C-82 l'an dernier, les policiers disposent d'un délai de trois heures, au lieu de deux heures, pour procéder à un prélèvement sanguin sur un conducteur en état d'ébriété. En raison de ce passage de deux à trois heures, moins de cas sont rejetés par les juges.

Honorables sénateurs, j'ai parlé à deux policiers aujourd'hui. Cette modification a eu un effet déterminant. En effet, ils ont constaté des résultats étonnants en un an seulement.

L'an dernier, j'ai eu l'honneur de prendre part au débat sur le projet de loi C-82, et je suis heureuse de participer à cette importante deuxième étape. Ces réalisations sont plus réconfortantes qu'on le croit, mais il ne s'agit pas de vengeance personnelle, notre cause étant déjà devant les tribunaux. Je l'ai déjà dit au Sénat, et je le répéterai: j'ai pris la décision que nous n'allions pas, ma famille et moi, nous laisser anéantir par cette tragédie, par un crime qui a fait de nous d'impuissantes victimes et qui a bouleversé notre vie. J'ai décidé donc de tout faire pour modifier les lois afin de prévenir ce genre de tragédie ou, à tout le moins, de réduire les risques que d'autres deviennent victimes de crimes qui peuvent être prévenus.

Honorables sénateurs, étant donné que je considère que le Sénat s'est toujours préoccupé du bien-être des Canadiens, et que je suis fière d'être membre de cette institution, j'exhorte fermement les sénateurs à adopter le projet de loi C-18 avant l'été qui, comme le sénateur Christensen l'a souligné, est une période à risque élevé.

Les enseignements tirés de tellement de souffrances, qui auraient pu être évitées, ne doivent pas rester lettre morte. Vous pouvez être fiers de savoir que vous contribuez au merveilleux don - à des gens qui ne s'en rendent peut-être même pas compte - que représente une vie sûre et saine.

L'honorable B. Alasdair Graham: Honorables sénateurs, en prenant part au débat, je voudrais féliciter le sénateur Christensen, le parrain du projet de loi, ainsi que madame le sénateur LeBreton, celle qui l'appuie.

Plus particulièrement, je voudrais rendre hommage à madame le sénateur LeBreton pour la détermination et le dévouement incroyables dont elle a fait preuve dans la promotion du projet de loi dont nous sommes maintenant saisis. Comme elle l'a dit, sa famille a été affligée par des pertes tragiques à la suite d'un accident lié à l'alcool. Depuis lors, elle a été une importante, voire la principale instigatrice de la lutte contre l'alcool au volant, déployant des efforts soutenus et infatigables pour sensibiliser la population aux dangers de ce fléau.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Graham: Ainsi qu'elle l'a dit, sa famille et elle ont beaucoup souffert, mais elles ne se sont pas laissées anéantir. Elles n'ont pas laissé cette tragédie les détruire. Au contraire, elles ont réagi en menant le combat non seulement en sensibilisant le public, mais encore en recueillant des fonds pour sensibiliser les jeunes. Pour tout cela, sénateur LeBreton, les sénateurs et tous les Canadiens vous seront éternellement reconnaissants.

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, je ne veux pas poser une question directe à ce sujet, mais je veux savoir si ce projet de loi s'appliquera aussi aux personnes aux facultés affaiblies qui conduisent une embarcation motorisée ou qui manoeuvrent un canot. Un certain nombre de gens ont perdu la vie dans des accidents de ce genre. Si la question doit être examinée de plus près par le comité, je suggère que le comité se penche sur cet aspect en particulier, parce que cela fait aussi partie du problème que nous devons corriger.

Le sénateur Christensen: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Je suis désolé, honorable sénateur Christensen, mais on doit vous accorder la permission de parler à ce stade-ci.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): D'accord.

Son Honneur le Président: La permission est accordée. Veuillez continuer.

Le sénateur Christensen: En ce qui concerne les embarcations, si l'embarcation est motorisée, le projet de loi s'applique; si elle n'est pas motorisée, le projet de loi ne s'applique pas. Il ne s'applique pas à un canot qu'on fait avancer à coup d'aviron. Par contre, si le canot est muni d'un moteur hors-bord, le projet de loi s'applique.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Christensen, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous avons maintenant épuisé tous les articles qui seront abordés aujourd'hui sous la rubrique «Affaires du gouvernement». Par conséquent, je demande que tous les autres articles inscrits sous cette rubrique qui n'ont pas été abordés soient reportés.

Comme nous avons maintenant terminé l'étude des affaires du gouvernement, il convient de demander la permission de revenir aux avis de motion du gouvernement pour passer à la motion d'ajournement.

L'honorable Ione Christensen: Honorables sénateurs, sous la rubrique «Rapports de comité», il y a un article concernant l'étude d'un rapport du Comité permanent des peuples autochtones. N'est-ce pas exact?

(1940)

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je n'en étais pas arrivé au point d'abréger le reste du Feuilleton et Feuilleton des Avis; je parlais uniquement des Affaires du gouvernement. Je pense que j'en arriverai à cela en temps opportun.

Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

L'ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h)du Règlement, propose:

Que, lorsque le Sénat ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à mardi prochain, le 27 juin 2000, à 14 heures.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi sur le droit à la vie privée

Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Sheila Finestone propose: Que le projet de loi S-27, Loi visant à garantir le droit des individus au respect de leur vie privée, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, en me levant pour parler du projet de loi S-27, l'image qui me vient à l'esprit est celle de Pogo qui disait, dans la vieille bande dessinée de Walt Kelly: «J'ai rencontré l'ennemi, et c'est nous.» J'espère que ce n'est pas le cas aujourd'hui, au moment où je veux expliquer pourquoi il faut donner aux Canadiens une Charte du droit à la vie privée.

La technologie fait des bonds de géant. Il devient de plus en plus évident qu'il nous faut des règles de base et qu'il nous faut apprécier les droits et les règles. Un article paru dans l'édition du 4 juin du New York Times voyait dans le respect de la vie privée le nouveau dossier chaud qui s'annonçait à l'horizon politique, prêt à exploser sur la scène américaine. Si vous écoutez les deux candidats à la présidence, vous les entendrez y faire allusion.

Le dossier a déjà explosé au Canada. Pas plus tard que le mois dernier, Bruce Phillips, notre excellent commissaire fédéral à la protection de la vie privée, faisait observer dans son rapport annuel que toutes les personnes qu'il a rencontrées ces dix dernières années appuyaient haut et fort le droit à la vie privée. Et d'ajouter: «Pourtant, certains de leurs gestes détruisaient ce même droit ! Il ne suffit pas de dire quelque chose, il faut aussi le vivre.»

Honorables sénateurs, j'ai souvent parlé de l'importance de la vie privée. Aujourd'hui, j'aimerais vous montrer que je suis capable de joindre le geste à la parole. Qui plus est, je voudrais que vous m'accompagniez ce faisant, car c'est clairement dans l'intérêt de la société dans laquelle nous vivons tous que nous le fassions. D'abord en tant que députée et maintenant en tant que sénateur, je trouve de plus en plus inquiétante la multitude de menaces qui pèsent sur notre vie privée. Dans ma vie précédente, j'ai eu le privilège de présider le comité permanent de la Chambre des communes sur les droits de la personne et de la condition des personnes handicapées. Pendant une période de 10 mois, en 1996-1997, le comité a mené une étude exhaustive sur l'évolution du respect de la vie privée au Canada et, pour ce faire, il a étudié 21 localités d'un bout à l'autre du Canada.

Au fur et à mesure que nos travaux avançaient, nous étions de plus en plus stupéfiés et alarmés de constater combien notre vie privée était surveillée de près et à quel point c'était devenu une chose courante. Je n'en veux pour exemple que les bases de données informatisées, les caméras de surveillance vidéo, le dépistage de drogues et la surveillance en milieu de travail. La comparaison et l'intégration de ce qui était jadis des bases de données discrètes sont en augmentation. La comparaison et l'entreposage massif de données de nature privée se pratiquent actuellement tant au sein des gouvernements et du secteur privé qu'entre les gouvernements et le secteur privé. Nos vies sont certainement mises sous un microscope dans beaucoup d'endroits, la vôtre comme la mienne.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples de l'intrusion dont nous sommes victimes - non pas en théorie, honorables sénateurs, mais bien en réalité. Ce sont des cas d'espèce qui nous été rapportés pendant notre étude, des situations qui aujourd'hui ont empiré.

Premier exemple: la technologie de la surveillance n'est plus le domaine réservé des organismes chargés de la sécurité nationale et de faire respecter la loi. Cette surveillance constante des particuliers dans des lieux publics ou privés n'est pas de mise dans une société libre. Comment pouvons-nous sauvegarder notre vie privée quand la technologie permet que des caméras regardent ce qui se passe dans un édifice situé à plus d'un mille? Quand elles vous suivent alors que vous marchez le long de la rue Sainte-Catherine ou de la rue Sherbrooke? Quand des rayons infrarouges peuvent traverser d'épais murs de brique? Quand des casques d'écoute hypersensibles permettent d'entendre des chuchotements à plusieurs mètres de distance?

Deuxième exemple: à Fredericton, nous avons entendu parler de deux femmes enceintes qui risquaient de donner naissance à des enfants handicapés. Lorsqu'elles ont refusé de subir un test de dépistage génétique, on leur a fortement recommandé de subir une évaluation psychiatrique. Leur refus de se soumettre à un test génétique intrusif a valu de sévères critiques à ces femmes. Honorables sénateurs, les gouvernements en viendront-ils, tôt ou tard, à rendre obligatoires certains tests prénatals et postnatals? Quelle utilisation fera-t-on des résultats des tests et dans quelle mesure cela affectera-t-il les droits de reproduction des parents? Dans quelle mesure ce genre d'intrusion influera-t-il sur la façon dont la société traitera les enfants dans l'avenir? Combien d'intrusions dans la reproduction humaine devons-nous tolérer de la part de l'État? Beaucoup d'entre vous avez entendu parler du Livre de la vie, qu'aucun d'entre nous n'a encore lu; je parle du projet de cartographie des gènes humains qui progresse si rapidement. Honorables sénateurs, nous avons besoin d'un modèle pour évaluer et préserver notre système de valeurs.

Voici un autre exemple: le milieu de travail est de plus en plus contrôlé, que ce soit par la surveillance informatique de nos activités, le contrôle de notre courrier électronique ou de notre courrier vocal. Sommes-nous en train d'édifier une société qui poserait comme prémisse que tous les citoyens sont fondamentalement suspects et qu'ils doivent constamment être surveillés en milieu de travail, simplement parce que nous avons la technologie pour le faire?

Voici un autre exemple: les employés sont de plus en plus soumis à des tests de dépistage de drogue et à des tests génétiques, et des témoins nous ont dit que ces tests avaient eu des répercussions sur les polices d'assurances et les prêts bancaires de ces personnes. Il y a tout à craindre que la discrimination génétique ne devienne la principale cause d'atteinte aux droits de la personne au XXIe siècle.

Pas plus tard que cette semaine, j'ai assisté aux séances du sous-comité des communications, qui a entendu la déposition de Stephanie Perrin, ainsi que celle de Brian O'Higgins, de Entrust Technologies. La compagnie Entrust est une entreprise canadienne très prospère qui conçoit des infrastructures à clé publiques ou ICP. M. O'Higgins expliquait au comité que le déploiement de nouveaux programmes de cartographie à clé publics dans une architecture ICP sera à la base de nombreux nouveaux systèmes d'information. Il nous expliquait qu'en Finlande et à Hong Kong, où les téléphones cellulaires sont encore plus répandus qu'ici, les gens pourront utiliser leurs téléphones conjointement avec une carte magnétique ou un dispositif quelconque pour acheter une boisson gazeuse dans une distributrice, un billet de train ou une robe. L'utilisation, dans une transaction, de la technologie ICP pour identifier le téléphone et son propriétaire sera portée au compte de téléphone. Ce sera un autre résultat de la convergence des technologies. Voilà un autre domaine où les renseignements qui nous concernent sont regroupés et analysés. Nous sommes témoins d'une convergence, un peu comme dans les films de Dick Tracey, où on peut acheter par téléphone au lieu de payer comptant.

De plus en plus de données nous concernant sont compilées, comparées, extraites et vendues. Ces données personnelles constituent des renseignements très importants que nous n'avons peut-être jamais accepté de partager. Il y a bien des curieux qui examinent votre profil personnel et le mien.

Ce ne sont là que quelques exemples d'intrusions dans la vie privée des Canadiens. Les journaux en parlent à tous les jours. Ces exemples illustrent l'effritement du droit fondamental des personnes au respect de leur vie privée. Ces intrusions ne sont pas de la fiction. En 1997, le comité permanent de la Chambre des communes a publié un rapport intitulé: «La vie privée: où se situe la frontière?»

(1950)

L'une des plus importantes recommandations formulées demandait au Parlement d'adopter une déclaration des droits liés à la vie privée, c'est-à-dire un cadre législatif général qui fixerait les règles de base pour faire en sorte que le droit au respect de la vie privée soit respecté au Canada. Ce document quasiconstitutionnel s'appliquerait aux secteurs qui relèvent de la compétence fédérale. Il aurait préséance sur les lois fédérales ordinaires et permettrait de mesurer le caractère raisonnable des pratiques qui empiètent sur la vie privée et des lois et autres mesures de réglementation. Les membres du comité ont aussi formulé le voeu que cette charte des droits liés à la vie privée soit adoptée par les provinces et les territoires.

C'est la raison pour laquelle je travaille depuis plusieurs mois avec un groupe dévoué de conseillers en vie privée et de conseillers juridiques à l'élaboration d'une charte des droits liés à la vie privée. Au mois de mars, à l'occasion d'une conférence sur la protection de la vie privée qui s'est tenue à Vancouver, j'ai distribué plus de 300 copies de ma première ébauche de charte, avant d'en distribuer encore 300 à tous les témoins qui ont participé aux audiences du comité de la Chambre des communes sur le respect de la vie privée.

J'ai aussi assisté à une conférence à Toronto dernièrement. J'ai reçu de nombreux commentaires utiles sur la première version. À ceux qui pensent que les politiciens n'écoutent pas leurs électeurs, je peux dire que j'ai travaillé fort et longtemps avec les membres du comité pour étudier tous ces commentaires. Ceux qui ont pris le temps d'étudier la première version et de me faire parvenir leurs observations pourraient bien retrouver leurs idées dans le projet de loi S-27.

Au coeur de la Charte du droit à la vie privée, il y a la reconnaissance de la vie privée en tant que droit fondamental et valeur essentielle de l'être humain, ce que le Canada, à titre de signataire de conventions internationales sur les droits de la personne, s'est engagé à reconnaître. Cette reconnaissance constitue un élément du bien commun et elle est indispensable à l'exercice d'un grand nombre de droits et de libertés qui sont garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

Cette charte doit donner effet à plusieurs principes; premièrement, le droit à la vie privée est indispensable à la dignité, à l'intégrité, à l'autonomie et à la liberté des individus ainsi qu'au plein exercice de leurs droits et libertés; deuxièmement, le droit au respect de la vie privée est reconnu par la loi; troisièmement, une atteinte au droit au respect de la vie privée n'est licite que si elle est raisonnable et justifiable.

La Charte du droit à la vie privée s'appliquera à toutes les personnes et les questions assujetties au pouvoir législatif du Parlement. Comme je viens de le mentionner, la charte servira de modèle pour des lois correspondantes dans les provinces et les territoires.

Certains honorables sénateurs ont peut-être frais à l'esprit les rapports sur l'énorme base de données sur les Canadiens que tenait Développement des ressources humaines Canada. Le commissaire à la protection de la vie privée a dévoilé toute l'étendue de cette base de données dans son dernier rapport annuel. Au gouvernement fédéral, DRHC est devenu le plus grand dépositaire de renseignements personnels sur les Canadiens, en particulier au moyen du Fichier longitudinal sur la main-d'oeuvre, où étaient enregistrés et centralisés un si grand nombre de renseignements personnels sur pratiquement tous les Canadiens qu'il présentait un risque pour notre vie privée. On sait tout de nous - les impôts que nous versons, le nombre de nos mariages et de nos divorces, par exemple. Le commissaire à la protection de la vie privée a comparé cette base de données à un profil des Canadiens.

Quel mal y a-t-il à tracer le profil des Canadiens? Pour paraphraser Rex Murphy, je dirai que, si je veux un journal intime, je vais en écrire un. Je ne veux pas qu'on le fasse pour moi et, comme n'importe quel autre de mes concitoyens, je ne veux pas autoriser le moindre fonctionnaire à le faire à ma place et je ne l'ai jamais voulu non plus.

Enfin, il n'existe aucun cadre législatif empêchant l'utilisation abusive des renseignements. Heureusement, devant les inquiétudes exprimées par la population, la ministre du Développement des ressources humaines a annoncé la destruction du Fichier longitudinal sur la main-d'oeuvre. C'est l'absence d'un cadre législatif s'appliquant aux bases de données du ministère du Développement des ressources humaines qui a touché une corde sensible chez moi. Et c'est justement ce cadre législatif que tend à créer la Charte du droit à la vie privée.

L'un des objectifs de la charte est d'empêcher la collecte non dirigée et l'utilisation probablement abusive des renseignements, comme ceux qui étaient préservés dans les entrailles ou plutôt les disques durs de DRHC.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-6 est une mesure législative efficace qui corrige certains problèmes énoncés aujourd'hui. Il s'agit d'une mesure ciblée de la politique gouvernementale qui correspond bien aux concepts d'une charte prépondérante. Le projet de loi C-6 était utile pour réglementer la collecte de données personnelles par des organisations de régie fédérale. Toutefois, le projet de loi que je propose et qui tend à créer la Charte du droit à la vie privée va bien au-delà de la réglementation de la collecte de renseignements personnels. Il traite de toutes les formes d'atteintes à la vie privée - l'atteinte au droit au respect de son intimité physique, l'atteinte au droit d'être libre de toute surveillance, l'atteinte au droit d'être à l'abri du contrôle et de l'interception de ses communications privées, l'atteinte au droit d'être à l'abri de la collecte, de l'utilisation et de la communication de ses renseignements personnels.

Aux termes de la charte, tout individu aura droit au respect de sa vie privée, ce qui comporterait, sans s'y limiter, le droit au respect de son intimité physique, le droit d'être libre de toute surveillance, le droit d'être à l'abri du contrôle et de l'interception de ses communications privées et le droit d'être à l'abri de la collecte, de l'utilisation et de la communication de ses renseignements personnels. Il sera interdit de porter atteinte sans justification au droit d'un individu au respect de sa vie privée. Tout individu pourra également revendiquer et faire valoir son droit au respect de la vie privée ou encore refuser de porter atteinte sans justification à celui d'autrui sans risque de faire l'objet de menaces ou de mesures de représailles.

Nous savons tous que le droit au respect de la vie privée n'est pas un droit absolu. L'objectif clé est de limiter les atteintes sans justification au droit à la vie privée. Toute atteinte au droit à la vie privée serait illégale, à moins que l'atteinte soit raisonnable et que sa justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Le consentement libre et éclairé d'un individu correspondrait à une telle justification.

La charte améliorerait également la protection de la vie privée lorsque les gouvernements concluent des marchés de service avec des organismes externes. Tous ceux à qui s'applique la charte sont tenus d'exiger que les organisations avec qui ils concluent des contrats ou des ententes se conforment aux dispositions de la charte. Ainsi, le gouvernement ne pourrait se soustraire à l'obligation de respecter le droit à la vie privée, en confiant par contrat, par exemple, une fonction particulière à une association, une entreprise, une société de personnes ou une organisation syndicale.

Le ministre de la Justice serait obligé d'examiner tous les projets de loi et les règlements pour déterminer s'ils respectent l'objectif et les dispositions de la charte. Le ministre serait tenu, à la première occasion, de faire rapport de toute contradiction au Parlement et de donner un avis public en publiant le rapport dans la Gazette du Canada. Le ministre devrait également, à la première occasion, aviser le commissaire à la protection de la vie privée de toute contradiction ou de toute violation. Si le commissaire le demandait, le ministre de la Justice serait obligé de le consulter et d'obtenir ses conseils.

Ces obligations d'examen et d'avis devraient également favoriser une nouvelle sensibilité aux conséquences de projets de loi et de règlements. Elles assureraient une plus grande transparence du processus législatif. Elles sont nécessaires pour préserver ce droit, devant les nombreuses pressions exercées pour le diminuer ou le supprimer.

Pour plus de certitude, la charte autoriserait le gouverneur en conseil à codifier les intrusions dans la vie privée que permet la charte. Remarquons qu'il ne s'agit pas là d'une disposition de dérogation ou d'exception. Le seul pouvoir consisterait à codifier les intrusions justifiables en vertu de la charte. Ce pouvoir ne s'étend pas à la prise de règlements qui enfreignent les dispositions de la charte.

Il est également indispensable que cette charte sur la protection de la vie privée l'emporte sur d'autres lois ordinaires, car il risque d'y avoir contradiction ou conflit entre la charte et une autre loi promulguée avant ou après l'entrée en vigueur de cette charte. Cette disposition n'entrerait pas en vigueur immédiatement, afin de donner à ceux qui sont assujettis à la charte une chance raisonnable d'adapter leurs pratiques. Par conséquent, la charte l'emporterait en cas de contradiction ou de conflit, à moins que l'autre loi ne dise expressément qu'elle l'emporte sur la charte. En outre, aucune disposition d'une autre loi ne pourrait être interprétée comme dérogeant à une disposition de la charte.

Honorables sénateurs, cette charte sur la protection de la vie privée n'est peut-être pas parfaite. C'est pourquoi j'espère que nous aurons des consultations complètes et ouvertes sur le projet de loi. Cependant, cette charte est le fruit des efforts d'un groupe dévoué qui cherche à prévenir ce que la revue The Economist a décrit, l'année dernière, prématurément, je l'espère, comme la fin de la vie privée. La fin de la vie privée n'est pas le legs que vous et moi voudrions laisser à notre pays.

Le milieu des affaires ne veut surtout pas entendre parler d'une plus grande réglementation.

(2000)

Le projet de loi ne devrait pas avoir de répercussions négatives sur les saines pratiques commerciales. Il devrait être un outil bienvenu, car il servira à déterminer ce qui constitue une pratique moralement acceptable. Il s'agit d'un énoncé de principes englobant qui pourra amener à assujettir le secteur privé et le gouvernement à des règles identiques correspondant aux valeurs des Canadiens.

Je vous invite à ne pas perdre de vue l'importance des renseignements personnels vous concernant, du droit d'être laissé en paix, du droit de soustraire vos activités personnelles, vos finances, votre santé et le reste à toute surveillance, que ce soit par l'État ou par d'autres.

N'oublions pas que le droit à la protection des renseignements personnels est d'intérêt public. Ce droit a aussi des avantages pour les entreprises; il est raisonnable, il repose sur la confiance, la moralité et la décence. Il rehausse la confiance des consommateurs. Fondamentalement, il s'agit d'un droit étroitement lié à la dignité humaine dans une société démocratique.

Peu importe sous quel angle on examine la question, j'espère que vous conviendrez que c'est ce à quoi nous nous attendons tous dans une société libre et démocratique.

L'honorable Nicholas W. Taylor: J'ai trouvé ce discours très intéressant, honorables sénateurs, mais j'ai plusieurs questions à poser au sénateur Finestone.

Je suis particulièrement préoccupé par les liens entre les renseignements personnels et le bien public. Je me demande si le projet de loi couvre deux secteurs précis. Je pense par exemple à des gens comme les pilotes au service des compagnies aériennes. Croyez-vous qu'il y a violation de leur droit à la protection de leurs renseignements personnels lorsqu'on leur impose des tests de dépistage de drogues? Ces gens ont une responsabilité envers le public.

Il y a aussi la question des analyses génétiques des individus mis sous arrêt ou condamnés. L'établissement de dossiers génétiques susceptibles d'aider à régler des crimes non élucidés après un certain temps est-il acceptable?

Le sénateur Finestone: Je remercie l'honorable sénateur pour ces questions.

Dans le cas des pilotes, ces tests sont prévus dans leurs descriptions de poste. Ils acceptent leurs emplois en sachant très bien quelles exigences s'y rattachent. Ils ont donné un consentement éclairé. Le fondement du projet de loi dont nous sommes saisis, honorables sénateurs, est qu'on ne peut pas empiéter sur le droit à la protection des renseignements personnels sans avoir obtenu le consentement éclairé de l'intéressé. J'ajouterai que l'intéressé peut préciser que les renseignements obtenus avec son consentement - par exemple les résultats d'une analyse sanguine - ne peuvent pas être communiqués à des tiers. Dans le cas d'un pilote, l'analyse sanguine est faite pour protéger la vie et la sécurité des voyageurs. Elle est faite dans ce contexte, en conformité de ses conditions d'emploi, et les résultats ne concernent pas sa compagnie d'assurance personnelle ni personne d'autre. Si un homme n'a pas dit à sa femme qu'il était affecté d'une maladie donnée, cela le regarde. L'information est protégée et codée si nécessaire.

Deuxièmement, en ce qui concerne les empreintes génétiques, comme vous le savez fort bien, nous avons adopté une mesure à la Chambre - et je crois que le Sénat l'a adoptée également - sur le droit éclairé au prélèvement des empreintes génétiques. Je me rappelle un débat très sérieux aux Communes pour savoir si on avait le droit de prélever des substances corporelles pour établir le profil génétique d'une personne arrêtée, mais non encore condamnée. Le prélèvement pouvait se faire à trois moments: celui de l'arrestation, celui de la citation à procès ou celui de la condamnation. Sauf erreur, nous avons opté pour le moment de la condamnation, pour que des profils ne soient pas conservés sur des innocents.

Tout cela tient au consentement éclairé et relève de l'obligation d'assurer le bon gouvernement. Il s'agit de protéger la société. C'est pourquoi c'est une bonne politique d'intérêt public.

Je ne vois là aucun problème. Il y aurait des exceptions dans certaines circonstances, car nous vivons dans une société civile démocratique qui a besoin d'être protégée contre ceux qui ne veulent pas traiter avec nous d'une façon démocratique et convenable.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, pour faire avancer nos travaux ce soir, je demande le consentement des sénateurs pour laisser là les articles qui restent sous la rubrique des projets de loi d'intérêt public du Sénat et passer aux projets de loi d'intérêt public des Communes afin d'étudier les septième et huitième rapports du comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sur les projets de loi C-445 et C-473, qui modifient les noms des circonscriptions.

Son Honneur le Président: D'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Projet de loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Rimouski-Mitis

Troisième lecture

L'honorable Bill Rompkey propose: Que le projet de, loi C-445, Loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Rimouski-Mitis, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée, et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

Projet de loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales

Troisième lecture

L'honorable Bill Rompkey propose: Que le projet de loi C-473, Loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, dans le contexte de cette dernière demande de consentement et d'accord, je me demande si, pour les articles dont font rapport les comités, nous ne pourrions pas laisser toutes les motions à leur place, à l'exception de la motion numéro 5, que le sénateur Christensen souhaite proposer, semble-t-il.

Son Honneur le Président: D'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

peuples autochtones

Les possibilités d'accroître le développement économique des parcs nationaux dans le Nord-rapport du comité sur le budget de l'étude-Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones (autorisation d'embaucher du personnel et de voyager) présenté au Sénat le 21 juin 2000.

L'honorable Ione Christensen: Honorables sénateurs, au nom du président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, le sénateur Chalifoux, je propose: Que le rapport soit adopté.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai plusieurs questions à poser là-dessus, mais je propose que le débat soit ajourné de telle sorte que le président du comité soit ici présent lorsque j'aurai quelque chose à dire.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité d'étudier les questions se rapportant à la détermination de la peine

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Bryden:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à étudier les questions se rapportant à la détermination de la peine au Canada, et

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard, le 21 juin 2001.-(L'honorable sénateur Kinsella).

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, plus tôt aujourd'hui, j'ai proposé l'ajournement du débat sur la motion no 69 parce que je voulais l'examiner. Je l'ai fait et je suis satisfait. Par conséquent, la motion peut être mise aux voix.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne veut prendre la parole, je vais mettre la question aux voix. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(2010)

Le financement de l'enseignement postsecondaire

Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Atkins, attirant l'attention du Sénat sur le financement de l'enseignement postsecondaire au Canada, particulièrement la partie du financement que supportent les étudiants, en vue d'élaborer des politiques qui viseront à amoindrir le fardeau des dettes des étudiants au niveau postsecondaire au Canada.-(L'honorable sénateur Andreychuk).

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je veux me prévaloir de la même opportunité que le sénateur Kinsella. Il a reçu un excellent conseil, celui de ne pas prendre la parole plus d'une fois, mais comme il a continué, je vais faire comme lui ce soir. L'enseignement postsecondaire est une question qui préoccupe beaucoup de nombreux sénateurs. Comme nous n'aurons peut-être pas le temps de le faire la semaine prochaine, je préfère parler de cette question aujourd'hui et je remercie les honorables sénateurs de me permettre de prendre la parole.

Honorables sénateurs, le 22 février dernier, le sénateur Atkins a amorcé au Sénat un autre débat sur les problèmes de l'enseignement postsecondaire au Canada. Il s'est notamment inquiété des forts taux de décrochage scolaire qui affligent notre système d'éducation, du fait que les jeunes sont mal préparés à accéder au marché du travail et de la nécessité de revoir le mode de financement de l'enseignement postsecondaire au Canada, et plus particulièrement les programmes d'aide financière à l'intention de ceux qui poursuivent des études postsecondaires. Ce sont effectivement des questions qui méritent notre attention soutenue, et je propose de faire quelques brèves observations sur certaines d'entre elles.

Il y a aussi d'autres questions connexes sur lesquelles je voudrais attirer l'attention des honorables sénateurs. Avant de le faire, je m'en voudrais toutefois de ne pas mentionner le rapport final que le comité sénatorial spécial de l'enseignement postsecondaire a déposé au Sénat en décembre 1997. Même s'il s'est passé bien des choses depuis le dépôt de ce rapport, je pense que les sénateurs trouveront que l'analyse contenue dans ce rapport est un guide extrêmement valable en regard des questions de principe visant ce secteur vital de la société canadienne.

Le sénateur Atkins a tout à fait raison de se préoccuper du taux beaucoup trop élevé d'abandon scolaire. Comme je l'ai fait remarquer durant le débat sur le rapport final du comité spécial, depuis deux décennies, on observe un déclin massif du nombre d'emplois au Canada exigeant tout au plus un diplôme d'études secondaires. En conséquence, ceux qui abandonnent leurs études avant d'avoir acquis un niveau minimal d'instruction se condamnent sans doute eux-mêmes à une vie caractérisée par un chômage fréquent et prolongé et par la dépendance sociale. En fait, ils renoncent à la possibilité de devenir des membres productifs de la société, et la perte qui en résulte pour eux-mêmes et le Canada est tragique. Par exemple, quelque 70 p. 100 de ceux qui touchent de l'aide sociale en Saskatchewan ont abandonné leurs études avant d'avoir obtenu un diplôme. La prise de mesures qui nous permettront de réduire le plus possible ce malheureux gaspillage de capital humain doit faire partie de toute stratégie globale d'éducation au Canada.

Le problème de l'abandon scolaire est certes sérieux, mais il reste que nous avons fait des progrès dans ce domaine, comme en témoignent les données que le sénateur Graham a présentées quand il a pris la parole à ce sujet le 11 avril. Cependant, il y a un secteur où les progrès sont très loin d'être satisfaisants. Il s'agit, honorables sénateurs, du secteur des jeunes Autochtones. Comme je représente la province comptant la plus forte proportion de membres des premières nations, je suis profondément consciente des pertes financières et du coût humain énormes qu'entraîne le taux d'abandon scolaire chez les jeunes Autochtones qui, dans certaines régions, est de loin supérieur au taux provincial chez les non-Autochtones.

L'élimination du déficit des premières nations sur le plan de l'éducation constitue une condition essentielle à la réalisation de leur plein potentiel économique et culturel. Cela n'arrivera pas, cependant, si le taux d'abandon scolaire reste au niveau actuel. Ne nous y trompons pas, il ne sera pas facile d'abaisser ce taux, car il résulte de forces culturelles et économiques qui se font sentir depuis de nombreuses décennies.

En dépit des difficultés évidentes, nous ne devons plus attendre, car si nous le faisons, nous risquons de perdre une autre génération de jeunes Autochtones. La gravité du problème de l'abandon scolaire requiert donc particulièrement notre attention.

Si les sénateurs décident d'examiner plus en profondeur les questions urgentes de l'éducation, je leur propose de se pencher, en priorité, sur les moyens à prendre pour réduire le taux d'abandon scolaire chez les jeunes Autochtones. En fait, j'espère que le comité des Autochtones s'attaquera à ce défi dans ses prochaines études.

La seconde préoccupation du sénateur Atkins concerne la préparation inadéquate de nos jeunes au marché du travail. C'est aussi la mienne. La mondialisation ayant atténué la signification économique des frontières, la compétitivité s'est intensifiée et continuera dans cette voie. Pour réussir, nous devons nous montrer aussi productifs et souples que la plupart des plus formidables de nos partenaires. À cette fin, nous devons veiller à ce que nos établissements d'enseignement et de formation professionnelle inculquent à leurs diplômés des compétences et des connaissances dont ont vraiment besoin les entreprises canadiennes.

Il faut comprendre que les compétences indispensables pour soutenir la concurrence à long terme ne doivent pas reposer que sur de seules connaissances techniques. Comme l'indiquait le récent rapport du groupe d'experts sur les compétences du Conseil consultatif des sciences et de la technologie, chargé d'examiner la question des compétences, la compétence technique doit céder la place à une communication efficace et à la capacité de travailler en collaboration avec d'autres et de faire preuve de créativité et d'un sens critique. Ce sont précisément là les compétences inculquées dans nos universités par les facultés des arts. Il convient de ne pas l'oublier, en dépit de la conclusion du groupe d'experts selon laquelle les employeurs canadiens ne connaissent pas encore une pénurie générale de personnel techniquement qualifié. Certaines provinces ont entrepris de se pourvoir de politiques essentiellement punitives à l'endroit des collèges et universités qui mettent l'accent sur les arts libéraux.

Pour réussir, le Canada doit trouver un bon dosage de compétences dans la composition de sa main-d'oeuvre. Cet objectif sera difficile à atteindre si nos établissements d'enseignement post-secondaire n'offrent pas un bon dosage de programmes destinés à l'acquisition des compétences voulues.

La troisième préoccupation du sénateur Atkins a trait au financement de l'enseignement postsecondaire et aux programmes d'aide financière aux étudiants. J'aurais aimé m'étendre longuement sur ce sujet mais, vu l'heure tardive, je préfère en parler plus à fond une autre fois. Je ferai simplement observer qu'il y a des pays où les droits de scolarité pratiqués dans le secteur de l'enseignement postsecondaire sont beaucoup plus bas qu'ils ne le sont au Canada. Il est bon de se rappeler cependant que dans aucun de ces pays le nombre d'étudiants inscrits au niveau postsecondaire n'est aussi élevé que dans le nôtre. Les politiques qui peuvent convenir là où le nombre des inscriptions au secteur postsecondaire est restreint ne sont pas nécessairement transférables à un pays qui présente le plus fort taux de scolarisation au niveau postsecondaire de l'OCDE.

Les problèmes évidents dans ce secteur ont incité le comité spécial à recommander que toute mesure soit précédée par une étude globale, qui serait effectuée par le gouvernement fédéral et le Conseil des ministres de l'éducation du Canada et qui porterait sur le lien entre l'accessibilité et les coûts de l'éducation postsecondaire. À mon avis cette recommandation était bonne. Malheureusement, on n'y a pas donné suite aussi rapidement que ne le justifiait la gravité de la situation. Cela dit, l'examen intergouvernemental recommandé est finalement en train de se faire et, quant à moi, j'attends avec impatience les conclusions de cet exercice. Toutefois, j'aurais davantage confiance si cet examen s'inscrivait dans une stratégie nationale globale en matière d'études postsecondaires. L'adoption d'une telle stratégie a aussi été recommandée par notre comité spécial.

Chaque budget fédéral présenté depuis le dépôt de notre rapport renfermait des initiatives visant à améliorer la situation de l'enseignement postsecondaire et celle des étudiants de ce niveau. Même si je suis d'avis qu'il serait certainement possible d'améliorer certaines de ces mesures, comme par exemple faire en sorte que les crédits d'impôt offerts aux étudiants soient remboursables au lieu de simplement permettre le report des crédits non utilisés à plus tard lorsque les étudiants ne sont plus en difficulté financière, je suis encouragée par le fait que le gouvernement alloue des ressources supplémentaires à ce secteur vital. Il est difficile de voir que ces mesures constituent une réponse intégrée à des problèmes évidents. Encore une fois, il y a un besoin pressant de se doter d'une stratégie nationale au niveau des études postsecondaires. Les paliers supérieurs du gouvernement et les initiatives fédérales devraient être coordonnés avec ceux des provinces. Dans un secteur aussi vital pour le bien-être du Canada et des Canadiens, il n'y a pas de place pour une approche incohérente et à la pièce.

Honorables sénateurs, je veux discuter de deux autres questions. La première concerne l'approche générale utilisée par le gouvernement fédéral pour injecter des ressources supplémentaires dans l'éducation postsecondaire. Notre rapport aborde la question. Le comité spécial a fait ressortir la nécessité de fonder la politique gouvernementale sur la reconnaissance du caractère régional d'une grande partie du système d'enseignement postsecondaire. Le Canada compte évidemment des universités prestigieuses, où la recherche occupe une place très importante et qui recrutent des étudiants d'un peu partout au Canada et dans le monde. Nous somme fiers, et à juste titre, de la réputation et des réalisations de ces établissements. Cependant, nous comptons aussi de nombreux collèges, universités et établissements d'enseignement plus modestes qui ont une vocation plus régionale que nationale ou internationale. Ces établissements apportent une contribution indispensable au bien-être économique, social et culturel des régions qu'ils desservent et c'est pourquoi le gouvernement fédéral ne doit pas les oublier dans ses programmes concernant l'enseignement postsecondaire.

(2020)

Honorables sénateurs, nous entendons beaucoup parler des épreuves que traversent les agriculteurs de la Saskatchewan. L'université de la Saskatchewan et l'université de Regina créent et maintiennent des ressources qui contribuent à enrichir les connaissances sur le secteur agricole. La présence de ces établissements dans nos communautés est précieuse pour l'économie et pour les étudiants qui les fréquentent. Je pourrais aussi mentionner le collège qui oeuvre sous l'égide de la Fédération des nations autochtones de la Saskatchewan, qui dessert les peuples autochtones. Cet établissement offre aux Autochtones un excellent enseignement, qui laisse peu de rivaux aux Autochtones ailleurs dans le monde.

Ma principale préoccupation porte sur le recours continu aux accords de partenariat pour assurer le financement de la recherche et des activités connexes. Il est clairement avantageux de compléter la participation financière de l'État par celle de partenaires du secteur privé, et il faut continuer d'exploiter cet avantage. La difficulté, cependant, est qu'il existe des capacités de recherche remarquables dans de nombreux établissements situés dans des régions qui n'ont pas forcément accès à des partenaires du secteur privé. Si la participation de ces généreux partenaires devient un prérequis à l'accès aux subventions d'organismes de financement centraux, ou de la Fondation canadienne pour l'innovation, la recherche se concentrera de plus en plus dans un nombre restreint de grands établissements. Inévitablement, un nombre grandissant de membres du corps professoral iront travailler dans ces établissements, et cela réduira d'autant la possibilité, pour les Canadiens, d'avoir accès à un enseignement d'excellence dans à peu près n'importe quel collège ou université.

Honorables sénateurs, la première recommandation figurant dans le rapport final du comité spécial a expressément pour but de réduire au minimum les problèmes de ce genre, et je renvoie les sénateurs à cette recommandation. Je suis sûre que les honorables sénateurs reconnaîtront que ce que nous avons conseillé à l'époque est encore excellent aujourd'hui.

Ma dernière observation concerne l'impact du repli financier sur l'effectif d'étudiants étrangers ou détenteurs d'un visa. À mesure que les pressions financières sur les collèges et les universités se sont faites plus fortes, ces établissements ont réagi en instituant des droits différentiels pour les étudiants qui détenaient un visa, voire, dans certains cas, une politique de recouvrement complet des coûts. Quels que soient les avantages qu'elles présentent - ce dont je doute -, ces mesures pénalisent particulièrement les étudiants venant du tiers monde et des pays en développement qui n'ont pas les moyens de payer de tels droits. Le fait que ces étudiants ne peuvent plus fréquenter nos collèges et nos universités appauvrit terriblement l'expérience dont nous pouvons faire profiter nos propres étudiants. De plus, nous laissons passer les possibilités économiques que pourraient nous procurer les nombreux étudiants étrangers qui, de retour dans leur pays, se voient vite confier des postes d'influence. Ces étudiants sont certainement moins susceptibles d'orienter l'activité économique de leur pays vers un pays où ils n'ont pas étudié. Il faut donc, pour des raisons à la fois humanitaires et économiques, éviter d'avoir la vue trop courte en mettant trop l'accent sur le recouvrement des coûts.

Je voudrais remercier tous les honorables sénateurs qui continuent de contribuer au progrès de l'enseignement postsecondaire et, étant très impliquée dans le secteur universitaire, je crois que leur contribution ne passe pas inaperçue. Le rôle du Sénat pour promouvoir l'enseignement postsecondaire est un de nos points d'excellence et j'espère qu'en retour, nous créons encore plus d'excellence pour les étudiants du Canada.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

Les travaux du sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande l'accord du Sénat pour que toutes les questions que nous n'avons pas traitées restent à leur place au Feuilleton et Feuilleton des Avis, et pour que nous passions à la motion d'ajournement.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs, que toutes les autres questions restent à leur place?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne le mardi 27 juin 2000, à 14 heures.)


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