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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 7

Le mardi 20 février 2001
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le mardi 20 février 2001

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA FÊTE DU PATRIMOINE

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, nous avons célébré le 19 février la Fête du patrimoine et le début de la Semaine du patrimoine. Il n'y a pas si longtemps, j'ai déposé à l'autre endroit un projet de loi visant à faire de la Fête du Patrimoine un jour férié national. Je suis toujours persuadée que la reconnaissance de cet événement pourrait constituer un symbole de notre fierté envers l'histoire et les traditions canadiennes.

Le thème choisi cette année par Patrimoine Canada est «Voyage dans le temps: les transports». Comme nous le savons tous, les transports ont joué un rôle très important dans le développement du Canada, permettant de relier les Canadiens par terre, par mer et par air. Les transports ne représentent toutefois qu'un seul aspect de notre héritage tangible. Comme le grand chemin de fer canadien qui s'étend des côtes de l'Atlantique jusqu'au littoral du Pacifique, notre patrimoine a parcouru le même chemin, suivant une organisation majestueuse et unifiée de gens, de cultures, de coutumes et de traditions.

En ce sens, la Journée du patrimoine national symbolise la célébration de cet héritage impalpable qui est le nôtre: les valeurs du passé qui continuent d'être les nôtres aujourd'hui, la force de nos peuples autochtones, la force d'âme de nos immigrants, la créativité de nos artistes, le génie de nos chercheurs scientifiques, la vision de nos hommes d'État et l'esprit de nos lois projeté dans l'avenir, avec leurs principes fondamentaux de justice, d'équité et de liberté qui ont présidé à la naissance de notre nation. Ces principes sont ce qui a donné forme à notre héritage en tant que Canadiens, ce qui nous a permis d'établir notre identité culturelle et historique.

Notre héritage respecte nos divers antécédents ethniques, sociaux et idéologiques, tout en exemplifiant un peuple uni sous un seul credo et un seul drapeau. La multiplicité et l'unité: un accomplissement formidable. Oui, nous sommes tous des Canadiens.

C'est la réalité épique du cheminement accompli par notre pays, honorables sénateurs. Ce sont les temps du devenir, à travers les âges. En ce XXIe siècle, nous partons à la redécouverte de tout ce qui fait notre glorieux héritage.

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE MOTIF DE DISTINCTION ILLICITE FONDÉ SUR LA CONDITION SOCIALE

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, je voudrais parler du rapport «La promotion de l'égalité: une nouvelle vision», une révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui a été déposé en juin dernier.

Comme les honorables sénateurs le savent, je me suis employée dans cet endroit à attirer l'attention des Canadiens sur le sort des personnes défavorisées. Ces dernières années, je me suis particulièrement intéressée à la question de faire inclure dans la Loi canadienne sur les droits de la personne la «condition sociale» parmi les motifs de distinction illicite. Au cours de mes recherches sur la pauvreté chronique et les désavantages sociaux au Canada, j'ai été amenée à rencontrer pas mal de gens, victimes de discrimination en raison de leur situation économique.

En ce début de session, honorables sénateurs, je voudrais partager avec vous le sentiment de fierté et d'accomplissement que je ressens, à l'idée que cet endroit a convenu à l'unanimité au cours de la première session de la trente-sixième législature que l'on devrait faire inclure, dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, la condition sociale parmi les motifs de distinction illicite. Le projet de loi S-11 a été rejeté à l'autre endroit, mais le gouvernement fédéral a fait savoir qu'il a pris notre travail au sérieux et qu'il améliorera et mettra à jour la protection des droits de la personne au Canada.

En juin 2000, le juge La Forest et ses collègues ont terminé un examen complet de la Loi canadienne sur les droits de la personne, en tenant compte de la demande de la ministre de la Justice qui souhaitait qu'on aborde la condition sociale dans ce contexte. Dans le mémoire final de son comité à la ministre, le juge La Forest faisait remarquer ceci:

Nos documents de recherche et les mémoires que nous avons reçus nous ont fourni une preuve abondante d'une discrimination largement répandue fondée sur les caractéristiques liées aux conditions sociales comme la pauvreté, le faible niveau d'instruction, la clochardise et l'analphabétisme. Nous croyons qu'il existe un besoin de protéger les pauvres contre la discrimination.

Dans l'esprit de débat constructif qui a marqué les délibérations des sénateurs sur la condition sociale, et dans l'esprit de la recommandation du juge La Forest, je désire rappeler au Sénat que le besoin de protéger les pauvres, les analphabètes, les sans-abri et les gens peu instruits contre les traitements discriminatoires est plus important que jamais auparavant. À une époque où les 20 p. 100 des Canadiens les plus riches ont vu augmenter leur revenu tandis que les 20 p. 100 les plus pauvres voyaient leur revenu diminuer, la discrimination dont une personne peut faire l'objet en fonction de sa condition sociale nous répugne et ne peut être tolérée ni dans la pratique ni dans la loi.

Honorables sénateurs, j'ai bien hâte de poursuivre la discussion sur ce sujet important dans les semaines et dans les mois à venir.

[Français]

LA JUSTICE

AMENDEMENTS AUX DISPOSITIONS DE LA LOI POUR GARANTIR LA PROTECTION CONTRE LA PEINE DE MORT

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, il y a, dans nos vies personnelles et dans nos vies politiques, des moments déterminants, de ces moments où nous sommes interpellés dans nos convictions profondes, nos principes, notre raison d'être même.

Le droit à la vie est de loin celui qui s'impose à tous les autres. Respecter d'abord la vie et la protéger est le geste humain le plus profond inscrit au coeur même de l'humanisme de toute civilisation. C'est ainsi que nous devrons interpréter notre responsabilité dans tout débat pouvant impliquer la peine de mort.

Le jeudi 15 février, la Cour suprême du Canada a confirmé, dans un jugement unanime de ses neuf juges, le principe fondamental du droit à la vie tel que le garantit l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.

[Traduction]

Il y a deux ans, le Sénat a débattu du projet de loi C-40 et de la possibilité de donner au ministre de la Justice du Canada la discrétion voulue pour décider si l'on devait extrader un accusé vers un pays qui impose la peine de mort. Nos délibérations avaient été intenses. Elles ont relancé tous les arguments que la Cour suprême a repris dans son jugement. À plusieurs reprises durant les débats, les deux côtés de la Chambre ont invoqué l'argument selon lequel le Canada était en train de devenir un havre de paix pour les criminels les plus dangereux. Le jugement de la Cour suprême ne va pas dans ce sens. La Cour suprême a déterminé que l'argument était infondé et que la peine de mort n'était pas justifiée. La condamnation à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle constitue une mesure dissuasive efficace.

[Français]

(1410)

La Cour a conclu que le droit à la vie oblige le ministre de la Justice à requérir la garantie que la vie du coupable sera protégée. La Cour alla même jusqu'à conclure que si elle avait à rejuger la cause Kindler c. le Canada (ministre de la Justice) et le Renvoi relatif à l'extradition de Ng de 1991, elle en serait venue aux mêmes conclusions que dans la présente cause du Ministère de la Justice c. Glen Sebastian Burns et Atif Ahmad Rafay. C'est pourquoi nous aurons à amender la Loi sur l'extradition pour traduire cette obligation.

Honorables sénateurs, le droit à la vie est de tous les droits et de toutes les libertés, et il en est le fondement.

[Traduction]

Ce principe fondamental, enchâssé dans notre patrimoine constitutionnel, représente l'une des valeurs inaliénables à l'effet que le Canada doit constamment et fidèlement protéger et servir la communauté internationale, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ses frontières. En effet, la Cour laisse entendre que le Canada doit promouvoir l'abolition de la peine de mort, particulièrement auprès des pays avec lesquels nous entretenons les liens les plus étroits. En cette période charnière, au moment même où une nouvelle administration s'installe à Washington, sous la présidence d'un homme qui a été gouverneur de l'État qui a récemment refusé de commuer la peine de mort infligée à un citoyen canadien, je suis très fier d'être citoyen d'un pays qui reconnaît le principe fondamental qu'est le respect du droit à la vie au-delà des pressions, des intérêts, des décisions et, surtout, au-delà de toute mesure législative. Remercions la Cour suprême pour cette décision historique.

QUESTION DE PRIVILÈGE

AVIS ORAL

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, plus tôt aujourd'hui, j'ai avisé par écrit le bureau du greffier de mon intention de soulever la question de privilège, conformément au paragraphe 43(3) du Règlement du Sénat du Canada. Je crois que cet avis a été distribué aux honorables sénateurs. J'interviens maintenant conformément au paragraphe 43(7) du Règlement du Sénat du Canada pour donner un avis oral que je vais préciser les raisons pour lesquelles j'entends soulever la question de privilège plus tard aujourd'hui.

PROJET DE LOI D'ENSEMBLE PRÉVOYANT DES MODIFICATIONS TOUCHANT LE HARCÈLEMENT CRIMINEL

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, la ministre de la Justice a fait part récemment de son intention de déposer une fois de plus des modifications d'ensemble au Code criminel. Je suis très heureux de signaler que mon initiative tendant à traiter avec plus de sévérité le harcèlement criminel, le projet de loi S-6 que j'ai présenté au cours de la dernière législature, fait partie des modifications envisagées. Le projet de loi d'ensemble présenté au cours de la dernière législature est mort au Feuilleton. Auparavant, notre Comité des affaires juridiques et constitutionnelles avait entendu plus de 19 témoins.

Honorables sénateurs, je suis heureux que mon projet de loi ait une fois de plus été inclus dans un projet de loi d'ensemble dans le cadre de la politique gouvernementale. Je suis particulièrement intéressé par ce projet de loi, car il est conçu pour prévoir des sanctions plus sévères contre les auteurs de harcèlement criminel. Le harcèlement criminel, qui est défini communément comme le fait de «volontairement harceler ou poursuivre quelqu'un avec malice et de façon répétée», a toujours été un crime grave au Canada. J'ai soulevé la question, car les voix des victimes n'étaient pas prises au sérieux par les tribunaux et les procureurs.

Comme je l'ai dit dans cette enceinte le 28 mai 1998, 75 p. 100 des personnes condamnées pour harcèlement criminel profitent d'une probation ou d'une condamnation avec sursis. Une étude sur les homicides familiaux effectuée en 1994 par le B.C. Institute Against Family Violence prouve qu'au moins un sixième des hommes qui ont tué d'anciennes partenaires sexuelles avaient fait subir un harcèlement criminel à leurs victimes pendant un certain temps. Il est évident que la loi n'est pas assez sévère.

Honorables sénateurs, le harcèlement criminel peut conduire à des préjudices physiques et parfois à la mort. Les victimes de harcèlement vivent constamment dans la peur et la terreur. Elles sont souvent forcées de modifier constamment leur mode de vie pour assurer leur sécurité. J'exhorte donc les honorables sénateurs à adopter rapidement les dispositions sur le harcèlement criminel du projet de loi dans son ensemble lorsque le Sénat en sera saisi.

Honorables sénateurs, je crois que la réaction actuelle contre le harcèlement criminel est inadéquate pour protéger les victimes. L'adoption par la ministre de la Justice de mon projet de loi montre également que le Sénat peut être efficace.

LA JUSTICE

LES AMENDEMENTS AUX DISPOSITIONS DE LA LOI POUR GARANTIR LA PROTECTION CONTRE LA PEINE DE MORT

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, le jugement unanime rendu par la Cour suprême du Canada, le 16 février 2001, dans l'affaire Burns et Rafay, nous incite à la réflexion.

Les honorables sénateurs se souviendront que le projet de loi C- 40, Loi sur l'extradition, a été examiné par le Sénat. Le Sénat avait présenté des amendements visant à retirer au ministre de la Justice le pouvoir discrétionnaire d'extrader un accusé vers un État où la peine capitale est appliquée, à moins d'avoir préalablement obtenu l'assurance que, en cas de condamnation, l'accusé ne subirait pas la peine capitale. Cet amendement était conforme à la pratique des États de l'Union européenne qui, comme le Canada, ont aboli la peine capitale.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles avait fait rapport du projet de loi C-40 après l'avoir examiné. Des amendements ont été présentés au Sénat. Après quelques semaines de débat en mai 1999, les amendements ont été rejetés et le projet de loi a été adopté sans amendement.

Dans l'affaire Burns et Rafay, la Cour suprême du Canada a invoqué cinq motifs pour interdire au ministre de la Justice d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'extradition à moins d'avoir préalablement obtenu l'assurance que la peine capitale ne serait pas appliquée. La Cour suprême avait notamment statué que l'application de la peine capitale violerait l'article 7 de la Charte des droits et libertés. Les cinq motifs invoqués par la Cour suprême faisaient écho aux arguments invoqués au Sénat par ceux qui appuyaient mon amendement.

Les honorables sénateurs se souviendront que, plus tard dans le courant de l'année, en décembre 1999, le projet de loi C-4, Loi de mise en oeuvre de l'Accord sur la Station spatiale internationale civile, avait été adopté sans amendement. Ce projet de loi conférait aussi au ministre la discrétion d'extrader un accusé pour un acte criminel commis dans l'espace, sans obtenir préalablement l'assurance qu'il ne serait pas passible de la peine capitale. Lorsque le projet de loi a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, j'ai de nouveau évoqué l'affaire Burns et Rafay, dont la Cour suprême était alors saisie. Je me suis abstenu de voter au sujet du projet de loi C-40, des fonctionnaires nous ayant informés que le gouvernement envisagerait d'apporter des amendements dans la foulée de la décision de la Cour suprême du Canada.

Honorables sénateurs, je signale en passant qu'aucun député n'a émis de réserves au sujet de l'imposition de la peine capitale relativement aux projets de loi C-40 et C-4, lorsqu'ils ont été examinés dans l'autre endroit. Chacun d'entre nous pourra tirer sa propre leçon de l'intéressant cheminement des projets de loi C-40 et C-4 au Parlement. Cette saga parlementaire figure dans le compte rendu des délibérations des comités des deux Chambres et dans les hansards des deux Chambres. Nous pouvons tous les consulter.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

DÉPÔT DU RAPPORT

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la Commission canadienne des droits de la personne intitulé «Le temps d'agir»: rapport spécial au Parlement sur la parité salariale, conformément à l'article 16(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

PRIVILÈGES, RÈGLEMENT ET PROCÉDURE

AVIS DE MOTION DONNANT INSTRUCTION AU COMITÉ D'ÉTUDIER LE NOMBRE DE SÉNATEURS POUR CHACUN DES COMITÉS PERMANENTS

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, conformément à l'article 58(1)f) du Règlement du Sénat, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Qu'une instruction soit donnée au Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure qu'il étudie le nombre maximum des sénateurs pour chacun des divers comités permanents stipulé dans le Règlement 86(1);

Que le comité présente son rapport au Sénat au plus tard le mercredi 27 mars 2001.

LE SÉNAT

AVIS DE MOTION TENDANT À MODIFIER L'ARTICLE 86 DU RÈGLEMENT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, conformément à l'alinéa 57(1)a) du Règlement du Sénat, je donne avis que jeudi prochain, le 22 février 2001, je proposerai:

Que l'article 86 du Règlement du Sénat soit modifié

1. par la suppression de l'alinéa 86(1)h) et son remplacement par ce qui suit:

h) Le comité sénatorial des affaires étrangères, composé de douze membres, dont quatre constituent un quorum, auquel sont renvoyés, s'il y a motion à cet effet, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant les relations étrangères et les relations avec le Commonwealth en général, y compris:

(i) les traités et accords internationaux;(ii) le commerce extérieur;(iii) l'aide à l'étranger;(iv) les affaires territoriales et côtières.

2. par la suppression de l'alinéa 86(1)m) et son remplacement par ce qui suit:

m) Le comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie, composé de douze membres, dont quatre constituent un quorum, auquel sont renvoyés, sur ordre du Sénat à cet effet, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant les affaires sociales, les sciences et la technologie en général, y compris:

(i) les affaires des Indiens et des Inuits;(ii) les affaires culturelles et les arts;(iii) les affaires sociales et ouvrières;(iv) la santé et le bien-être;(v) les pensions;(vi) le logement;(vii) la condition physique et les sports amateurs;(viii) l'emploi et l'immigration;(ix) les affaires des consommateurs; et(x) les affaires de la jeunesse.

3. par l'insertion, immédiatement après l'alinéa 86(1)q), des nouveaux alinéas 86(1)r) et 86(1)s):

r) Le comité sénatorial de la défense et de la sécurité, composé de neuf membres, dont quatre constituent un quorum, auquel peuvent être renvoyés, sur décision du Sénat, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant la défense et la sécurité en général, y compris les affaires des anciens combattants.

s) Le comité sénatorial des droits de la personne, composé de neuf membres, dont quatre constituent un quorum, auquel peuvent être renvoyés, sur décision du Sénat, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant les droits de la personne en général.

(1420)

LA LOI SUR LE RECYCLAGE DES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) présente le projet de loi S-16, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Robichaud, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

LA LOI SUR LES BREVETS

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) présente le projet de loi S-17, Loi modifiant la Loi sur les brevets.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Robichaud, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

[Traduction]

LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein présente le projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une seconde fois?

(Sur la motion du sénateur Grafstein, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dans deux jours.)

LE MOIS DE L'HISTOIRE DES NOIRS

L'ALLOCUTION DEVANT L'ASSOCIATION DU BARREAU CANADIEN—AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément aux alinéas 56(1), 56(2) et 57(2) du Règlement du Sénat, je donne avis que, dans deux jours, j'attirerai l'attention du Sénat sur la célébration du Mois de l'histoire des Noirs au Canada; et le dîner qui a été donné par l'Association du Barreau canadien-Ontario le 1er février 2001, au cours duquel, en ma qualité de conférencière principale, j'ai prononcé une allocution sur le thème de «Chambre avec vue: Le point de vue d'une sénatrice noire sur le Sénat canadien».

L'APPORT DE LA COMMUNAUTÉ—AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément aux alinéas 56(1), 56(2) et 57(2) du Règlement du Sénat, je donne avis que, dans deux jours, j'attirerai l'attention du Sénat sur le fait que le mois de février a été désigné le Mois de l'histoire des Noirs; les hommages rendus aux Noirs partout au Canada; les nombreuses allocutions que je prononcerai en ma qualité de première sénatrice noire au Canada; l'apport de la communauté canadienne antillaise au Canada; et le rôle des parlementaires noirs dans le Parlement du Canada.

L'ACCÈS AUX RAPPORTS DE RECENSEMENT

PRÉSENTATION DE PÉTITIONS

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter des pétitions signées par 363 Canadiens réclamant que le gouvernement autorise la diffusion au public, après une période de temps raisonnable, des recensements effectués après 1901, à commencer par celui de 1906.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LA DÉFENSE NATIONALE

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—LES CONDITIONS DU PROCESSUS D'ACQUISITION

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, mes voeux les meilleurs accompagnent le Président et le sénateur Carstairs dans leurs nouvelles fonctions. Il est bon de voir de jeunes Néo-Écossais se faire connaître dans le monde.

Sauf si madame le sénateur Carstairs n'a pas suivi de près le dialogue qui s'est établi entre son prédécesseur à ces nobles fonctions, le sénateur Boudreau, et ma personne, elle n'est pas sans savoir qu'elle est sur le point d'apprendre, si l'on veut, en matière de défense nationale, à quel point il est nécessaire de fournir promptement, dans le délai fixé et à bon prix, des équipements de qualité raisonnable pour que les Forces canadiennes puissent fonctionner de manière satisfaisante et mener à bien les missions que les Canadiens et leur gouvernement jugent bon de leur confier de temps à autre.

Ma question d'aujourd'hui porte sur la lettre d'intérêt du gouvernement concernant le projet d'acquisition d'hélicoptères maritimes et le principe de la communité. Madame le ministre peut-elle nous indiquer aujourd'hui si ce principe sera pris en compte lorsqu'il s'agira de sélectionner le soumissionnaire qui sera retenu pour fournir l'appareil de base, c'est-à-dire le moins-disant?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur pour ses félicitations et sa question. J'ai bien sûr suivi avec intérêt le dialogue entre le sénateur et l'ancien leader du gouvernement, le sénateur Boudreau, et même son prédécesseur, le sénateur Graham. Je tiens à ce que le sénateur sache que la première visite que j'ai rendue à un ministre avait pour objet d'obtenir une réponse au sujet des Sea King, une réponse qui intéresse toute la nation, mais surtout la Nouvelle-Écosse. Je voulais savoir où en était le projet. Il m'a été répondu que, bien que le projet ait été quelque peu retardé du fait des élections, l'an 2005 demeurait la date cible privilégiée, que le ministère s'acheminait vers cet objectif et qu'une annonce serait faite prochainement.

J'ai laissé entendre que le sénateur de la Nouvelle-Écosse serait enchanté si l'annonce était faite plus tôt que prochainement.

Quant à la question précise concernant la communité, j'avoue n'avoir aucune information à ce sujet. Je vais communiquer avec le ministre de la Défense nationale et tenter d'obtenir la réponse le plus rapidement possible.

(1430)

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, j'apprécie cela et je remercie la ministre de sa réponse. Naturellement, si elle ne le sait pas, je suis certain qu'elle s'en apercevra très bientôt.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne ma première question, je veux savoir si c'est un oui ou un non. Comme la ministre le sait, nous avons déjà choisi le EH-101 comme appareil de remplacement pour les recherches et sauvetages. La question de savoir si cette décision demeurera est à venir.

Je tiens simplement à faire valoir le point dans l'espoir qu'il soit bien compris. En dollars de 1990-1991, les économies rendues possibles par la communité s'élevaient à au moins 257 millions de dollars selon des documents du gouvernement. Nous avons maintenant la forte impression que le prix conforme le plus bas deviendra le facteur déterminant. Si tel est le cas, et si la communité n'est pas prise en compte dans le choix du soumissionnaire gagnant, les contribuables canadiens risquent de perdre. Je ne veux pas faire le calcul, car le résultat m'effraierait moi-même, mais nous parlons de centaines de millions de dollars. Aucun pays ou gouvernement n'est aussi riche. Aucun embarras politique ne justifie que le bien de la nation et celui des forces armées ne soient pas pris en considération.

Si madame le leader peut demander à ses collègues si la conformité sera ou non prise en compte et, dans l'affirmative, j'offrirai certes mon appui.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur. Comme il le sait sans doute, la réponse la plus difficile à obtenir d'un gouvernement est probablement un simple oui ou non. Cependant, je vais faire de mon mieux pour obtenir une telle réponse et la transmettre le plus rapidement possible.

LA PERTE DE L'ARTICLE DE DOCUMENTATION NO 3190-100-070

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'ai une dernière question. La ministre pourrait-elle déterminer, tout en faisant cette enquête, pourquoi l'on m'a laissé entendre que l'article de documentation du MDN no 3190-100-070 de 1990 a d'une façon ou d'une autre été perdu. Je me demande pourquoi.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ferai tout en mon pouvoir pour déterminer pourquoi l'article de documentation no 3190-100-070 du MDN en date de 1990 a été perdu.

LE CABINET

LE MANITOBA—LES RESPONSABILITÉS POLITIQUES DU LEADER DU GOUVERNEMENT

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'ai lu avec intérêt un article du Winnipeg Free Press. Le leader du gouvernement devait savoir que cela allait se produire. Selon cet article, madame le leader exerce le rôle de ministre responsable du Manitoba, et comme elle vient du Manitoba rural, elle s'occupe des affaires rurales. Est-ce là le moindrement exact?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la réponse est non, ce n'est pas le moindrement exact. Le ministre responsable de la province du Manitoba est l'honorable Ron Duhamel. M. Duhamel et moi avons parlé des responsabilités dans cette province. Je lui ai souligné que, comme j'habite dans le Manitoba rural, je serais tout à fait disposée à effectuer les déplacements requis dans cette partie de notre province qui est vaste, mais je n'exerce pas une coresponsabilité avec l'honorable Ron Duhamel.

LES TRAVAUX PUBLICS

LE MANITOBA—LE PROLONGEMENT DU CANAL DE WINNIPEG

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je désire poser une question complémentaire. Dans ce même article, il était bien sûr question du canal de dérivation ou du fossé de Duff. On y précisait clairement que le leader du gouvernement favorise une des solutions. Deux solutions ont été recommandées par la Commission internationale mixte, l'une consistant à élargir et à creuser le canal de dérivation et l'autre, à construire une vaste digue à Ste-Agathe, au sud de la ville. L'élargissement et le creusement du canal de dérivation met la seule ville à l'abri d'une crue à récurrence de 500 ans, tandis que la digue de Ste-Agathe protège la ville, et la région rurale située entre le sud de cette dernière et Ste-Agathe contre une crue millénaire. On ajoutait que madame le ministre a déclaré appuyer l'élargissement et le creusement du canal de dérivation plutôt que la solution de Ste-Agathe. Est-ce exact et, si c'est le cas, peut-elle nous dire pourquoi?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je veux que le sénateur sache que, si mes propos ont été cités de cette manière, ils ont été mal cités. J'ai toujours dit que la protection est plus importante que l'aide aux victimes après les inondations, qu'elle devrait constituer la politique du gouvernement et que le gouvernement fédéral devrait être présent lorsque nous examinons des initiatives visant à protéger tous les Manitobains, et non seulement les habitants de Winnipeg. Je voudrais que nous nous penchions sur la protection plutôt que sur l'indemnisation éventuelle.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, j'ai une dernière question. Je remercie madame le leader de sa réponse. Ce qui me préoccupe, je le répète, c'est que le fossé de Duff était une structure remarquable et constituait un exploit exceptionnel, mais il n'a protégé que la ville, et non le sud de la ville, où j'habite. Madame le leader a-t-elle obtenu une réponse à sa demande de renseignements sur l'avancement de ce dossier? Il y a déjà quatre ans que l'inondation de 1997 a eu lieu.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, comme l'a dit le sénateur, et pour la gouverne des sénateurs, il existe une anomalie étrange en ce qui concerne la population du Manitoba. Près de 66 p. 100 des Manitobains habitent à Winnipeg. Il ne reste donc que 34 p. 100 de la population à l'extérieur des limites de Winnipeg. Cependant, je crois que je conviens avec le sénateur d'en face que cela n'est pas une raison pour élaborer des programmes qui ne protègent que 66 p. 100 de la population de ma province. On devrait élaborer, si possible, des programmes qui protègent tous les habitants de notre province.

Je dois dire au sénateur que, à ma connaissance, des négociations n'ont pas lieu en ce moment.

LE SÉNAT

LA RÉFORME—DEMANDE DE CONSTITUTION D'UN COMITÉ SPÉCIAL CHARGÉ D'APPORTER DES CHANGEMENTS

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat et porte sur la réforme parlementaire, plus précisément la réforme du Sénat. L'honorable leader sait depuis longtemps que je m'intéresse vivement à une réforme du Sénat qui rendrait cette institution plus sensible aux besoins des régions canadiennes. Je suis d'avis qu'outre les solutions compliquées, comme le Sénat triple-E, que je n'appuie guère, il existe plusieurs changements de structure interne qui pourraient être apportés aux activités du Sénat du Canada, sans qu'il soit nécessaire de modifier la Constitution. Comme la réforme parlementaire est un sujet très présent dans l'esprit de millions de Canadiens aujourd'hui, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle se servir de son pouvoir et de son autorité pour constituer sans tarder un comité bipartite chargé d'analyser attentivement les changements qui pourraient être apportés pour moderniser le Sénat du Canada et faire en sorte qu'il reflète mieux les besoins et les désirs de tous les Canadiens, de l'Atlantique au Pacifique? Cela supposerait l'ouverture immédiate d'un dialogue entre les leaders.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de sa question. Il serait en effet très intéressant de former un tel comité et j'ai hâte qu'un sénateur propose une étude spéciale ou, en fait, la formation d'un comité spécial du Sénat justement à cette fin.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, je doute que nous ayons nécessairement besoin d'un autre comité. Je voudrais savoir si madame le leader, avec le pouvoir et l'autorité dont elle dispose, accepterait de prendre une telle initiative. Accepterait-elle de former un comité, disons, de 12 sénateurs manifestement intéressés à réformer la structure du Sénat du Canada? Accepterait-elle aussi de veiller à ce que ce comité reçoive du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration les fonds lui permettant de recueillir les opinions des Canadiens d'un bout à l'autre du pays dans le cadre d'audiences publiques et de relever minutieusement les besoins et les possibilités de changement?

(1440)

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, dans sa question, le sénateur Oliver a proposé exactement ce que nous faisons lorsque nous mettons sur pied un comité spécial du Sénat. La décision n'est pas prise par les dirigeants du Sénat, mais par les sénateurs eux- mêmes. Ils décident de mettre le comité sur pied, puis ils obtiennent l'approbation de la régie interne pour que l'étude soit possible. J'appuierais une motion en ce sens si elle était proposée.

L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE

L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS—LES LIGNES DIRECTRICES SUR LE DÉPISTAGE DE L'ENCÉPHALOPATHIE BOVINE SPONGIFORME—LA SURVEILLANCE ET L'APPLICATION

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, pour prévenir la propagation de la maladie de la vache folle, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture recommande des mesures précises visant à empêcher que la maladie de la vache folle ne s'étende aux pays, comme le Canada, qui ont importé du bétail et des farines animales de la Grande-Bretagne. Le Canada ne s'est pas conformé à ces mesures en tout point. Le ministre de l'Agriculture a même nié catégoriquement que le Canada avait importé des aliments pour animaux de Grande-Bretagne ou d'autres pays européens qui sont maintenant touchés par la maladie. Les déclarations du ministre sont contredites par les chiffres des services britanniques de douanes et accise et par le Sunday Times, qui a publié le nom de l'entreprise de récupération britannique qui a exporté au Canada des produits qui pourraient avoir été contaminés.

Les déclarations du ministre sont également contredites par le rapport publié en juillet dernier par le comité scientifique directeur de la Commission européenne, qui a évalué, à partir des renseignements fournis par le Canada, les risques de notre pays face à la propagation de l'ESB. Selon le rapport, le Canada a importé 160 têtes de bétail du Royaume-Uni avant 1990; la maladie s'est déclarée chez un de ces bovins en 1993; 69 autres sont morts ou ont été abattus. Le rapport dit encore que le Canada a importé de la farine carnée et de la poudre d'os de l'Allemagne, pays qui est en train d'abattre 400 000 bestiaux, et d'autres pays européens touchés par l'ESB.

Selon le tableau du ministère britannique des douanes et accise, le Canada a importé 125 tonnes de protéines animales, dont à peu près la moitié était composée de viande et de poudre d'os potentiellement contaminées, au cours de la période critique allant de 1993 à 1996. Une quantité de matière infectée aussi petite qu'un grain de poivre suffit à transmettre la maladie à une vache.

Voici ce que je voudrais savoir de madame le leader du gouvernement au Sénat. Quels sont au juste les faits du côté canadien? Comme l'a signalé le sénateur Forrestall, des renseignements remontant à avant 1997 semblent avoir disparu. Pourquoi n'interdisons-nous pas tout apport de viande et de poudre d'os dans l'alimentation de tous les animaux? Pourquoi n'a-t-on pas supprimé tout organe à risque élevé, tels la cervelle et les intestins, de la chaîne alimentaire des humains et des animaux? Nous parlons des mesures de contrôle que le Canada devrait mettre en place. Pourquoi n'a-t-on pas de programme actif de surveillance de l'ESB prévoyant les tests pertinents? Pourquoi permet-on encore que des carcasses animales qui sont impropres à la consommation humaine servent à l'alimentation animale?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur de poser ces questions, car le risque d'ESB est manifestement grave. On a beaucoup dit ces dernières semaines que le Canada avait peut-être réagi trop vite ou de façon inopportune à l'égard du Brésil. Je crois que c'est absolument injustifié, car la santé des Canadiens importe plus que tout et passe avant tout. Madame le sénateur pose des questions très importantes.

Toutes les enquêtes qui ont été menées par des agents de la réglementation canadiens par suite de l'article et des déclarations en question ne permettent pas de conclure que des produits pouvant présenter un risque d'ESB ont été importés en contravention de notre politique. L'Union européenne a vérifié aussi le système canadien de contrôle de l'importation de ces produits et en est venue à la conclusion qu'il respecte les normes les plus élevées de sécurité alimentaire. Cela étant dit, toutefois, on a prétendu le contraire dans des articles publiés au cours de la fin de semaine. De hauts fonctionnaires sont en train de s'assurer que ces articles sont inexacts et que l'information que nous avons au Canada est juste.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, des questions très précises sont soulevées. Je demande au leader du gouvernement au Sénat d'obtenir des réponses aux questions concernant la présence de farine d'os dans la nourriture pour animaux, notamment.

J'ai d'autres questions à poser au sujet de vaccins, d'autres produits dérivés du bétail qui sont encore importés au Canada et de la réglementation visant les usines d'équarrissage, sujet que j'ai soulevé au Sénat il y a longtemps, mais qui est depuis tombé dans l'oubli. Le rapport de la CE signale que, parmi ces usines d'équarrissage, 13 pourraient être à l'origine d'une contamination croisée. Je m'inquiète au sujet de l'application des règlements et de l'exercice d'une surveillance adéquate en l'occurrence, et j'apprécierais vivement obtenir l'information pertinente à ce sujet. Comme je l'ai mentionné, cela constitue une menace sérieuse à la santé de la population, les gens s'inquiètent à ce sujet.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je puis donner au sénateur Spivak l'assurance que toutes les questions qu'elle a soulevées seront transmises au ministre de l'Agriculture en vue d'obtenir une réponse adéquate.

LES TRANSPORTS

LA PRIVATISATION DE L'AÉROPORT DE MONCTON

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne l'accord de 1997 visant la privatisation de l'aéroport de Moncton. L'administration aéroportuaire de Moncton a été la première à signer avec Transports Canada un accord visant la privatisation de ses installations. Le vérificateur général a dit que cet accord n'était pas aussi bon que ceux signés par les autres administrations aéroportuaires de la région.

Lors d'une rencontre avec des représentants de Transports Canada qui a eu lieu il y a près de deux semaines, les représentants de l'aéroport de Moncton ont pu faire valoir leurs arguments selon lesquels cet accord de transfert est inéquitable parce qu'il a désavantagé Moncton sur le plan de la concurrence par rapport aux autres installations privatisées de la région.

Honorables sénateurs, les ministres du Travail et des Transports se renvoient pour ainsi dire la balle dans ce dossier, le ministre des Transports ayant par ailleurs déclaré que, même s'il a accepté d'envoyer des représentants de son ministère à Moncton, il n'est pas convaincu que l'administration aéroportuaire de Moncton a obtenu un accord inéquitable de son ministère.

Toutes les autorités de Moncton seraient en désaccord avec cette déclaration, bien entendu, car le dossier des infrastructures est à ce point délicat dans la région de l'Atlantique qu'il est facile de créer des déséquilibres et des injustices entre les collectivités.

Madame le leader du gouvernement pourrait-elle s'informer pour nous dire quand Moncton recevra une réponse à la question posée au gouvernement lors de la rencontre du 8 février?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je vais en faire part au ministre des Transports en le priant de me fournir une réponse dans les plus brefs délais.

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

LES MODIFICATIONS POUR INCLURE LA CONDITION SOCIALE COMME MOTIF DE DISTINCTION ILLICITE—LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. En juin 2000, le juge La Forest a terminé l'examen de la Loi canadienne sur les droits de la personne. À la page 113 de son rapport, qu'il a présenté à la ministre de la Justice, il a signalé que le gouvernement fédéral devait reconnaître la condition sociale comme motif de distinction illicite.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle indiquer si elle a l'intention d'appuyer à nouveau les principes du projet de loi S-11, présenté durant la première session de la trente- sixième législature et que cette Chambre a adopté sans opposition?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Je ne possède aucune information récente sur les modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais je vais m'informer à ce sujet et répondre à l'honorable sénateur dès que possible.

Le sénateur Cohen: Honorables sénateurs, si le gouvernement fédéral appuie les recommandations du juge La Forest, madame le leader du gouvernement au Sénat appuiera-t-elle une motion demandant à la ministre de la Justice d'inclure la condition sociale parmi les motifs illicites de distinction lorsque le projet de loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne sera déposé?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, si le gouvernement du Canada appuie la recommandation du juge La Forest à cet égard, je serai heureuse d'en faire autant.

L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE

LE FAIBLE PRIX DES PRODUITS AGRICOLES

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, ma question porte sur un article du Globe and Mail que j'ai lu aujourd'hui en chemin vers Ottawa. L'article précisait ce qui suit:

George Weston Ltd. achète Bestfoods Baking Co. dans le cadre d'un accord évalué à 1,77 milliard de dollars, ce qui en fera la boulangerie la plus rentable et la deuxième en importance en Amérique du Nord.

Lorsque l'accord sera finalisé cet été, les pains, les brioches et les biscuits Weston se retrouveront dans à peu près tous les supermarchés de l'Amérique du Nord.

(1450)

Ma question est évidente. La ministre croit-elle que les agriculteurs obtiennent un juste prix pour un pain, eux qui nous apprennent que le producteur ne touche que 4 cents le pain?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, si l'honorable sénateur décrit bien l'article qu'il a lu, alors ce sont de bonnes nouvelles, puisque les produits des entreprises canadiennes seront vendus dans tous les supermarchés de l'Amérique du Nord.

Le prix que nos agriculteurs obtiennent pour leurs produits, tant au niveau national qu'international, nous pose évidemment un grave problème. Nous savons que la vente d'un pain, à son prix actuel, rapporte très peu aux agriculteurs de notre pays. Voilà pourquoi nous devons adopter une position ferme en ce qui concerne le soutien à accorder à nos agriculteurs.

Je voudrais revenir sur une question que posait l'honorable sénateur à notre dernière séance. Il voulait savoir pourquoi une question aussi importante n'avait pas été abordée avec le président Bush. Je tiens à préciser à l'honorable sénateur que cette question a bel et bien été soulevée au cours des entretiens entre le premier ministre et le président des États-Unis.

LE NIVEAU SUFFISANT DES SUBVENTIONS GOUVERNEMENTALES

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, je suis heureux d'entendre cette réponse. Nous l'attendons depuis longtemps étant donné le problème très grave auquel sont confrontés nos agriculteurs. Cependant, une question demeure: avec quel sérieux le gouvernement entend-il s'occuper de ce besoin? Nous avons perdu des milliers d'agriculteurs l'an dernier et nous en perdons encore. Beaucoup n'auront pas assez d'argent pour ensemencer leurs champs cette année. Il y a ici des agriculteurs du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Ontario, du Québec et d'ailleurs. Ils sont ici parce qu'ils sont désespérés. Les groupes d'agriculteurs viennent à Ottawa les uns après les autres. Ils veulent savoir si le gouvernement est sérieux. Leur offrira-t-il quelque chose qui répondra aux besoins des agriculteurs? Leur jeter quelques dollars ne réglera rien. Le gouvernement est-il vraiment déterminé à agir avant les semailles de printemps?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement est très sérieux. L'intention qu'il a exprimée dans le discours du Trône d'aller au-delà de la gestion de crise donne une idée de son sérieux. La question a été abordée lors de la première rencontre entre le président des États-Unis et le premier ministre. C'est d'ailleurs celui-ci qui a insisté pour aborder la question des subventions. Cela démontre que le dossier est bel et bien actif.

[Français]

LE SÉNAT

LE CALENDRIER DES SÉANCES

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, ma question touche la gestion interne de nos travaux et elle me semble importante pour nous tous.

Serait-il possible que la ministre s'entende avec le chef de l'opposition afin qu'un calendrier des activités de la session parlementaire soit disponible? Il serait très utile de savoir à l'avance quand le Sénat et ses comités siègent. À l'autre endroit, un calendrier est distribué au début de la session. Nous ne pouvons pas oublier que les billets d'avion sont plutôt dispendieux, particulièrement depuis l'instauration du monopole privé. Par exemple, un billet d'avion Québec-Ottawa coûte 600 $, d'où l'importance de savoir à l'avance quand le Sénat siège.

Le leader du gouvernement au Sénat joue un rôle déterminant, celui de diriger cette Chambre. De son côté, le chef de l'opposition désire bien s'entendre avec le leader du gouvernement au Sénat.

Il est important de prévoir un tel calendrier, surtout si nous voulons faire des économies.

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de sa question. J'espère qu'il sera heureux d'apprendre que nous avons entamé il y a déjà plusieurs semaines des discussions préliminaires avec son chef en vue de produire un calendrier qui sera sur fond rouge plutôt que vert. J'ai toujours été un peu choquée de devoir me promener avec un calendrier de la Chambre des communes dans la poche plutôt qu'un calendrier du Sénat. Nous avons demandé au personnel du Sénat de préparer un projet de calendrier. Je le présenterai au chef de l'opposition et j'espère que nous pourrons l'adopter et le mettre en vigueur dans les prochaines semaines.

BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
LANGUES OFFICIELLES
EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

LES COMITÉS MIXTES PERMANENTS—MESSAGE DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes le message suivant:

IL EST ORDONNÉ, — Que les comités mixtes permanents de la Chambre soient composés des députés dont les noms figurent ci- après:

BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT

Membres: Bennett, Bertrand, Borotsik, Catterall, Chamberlain, Gagnon (Champlain), Hill (Macleod), Hinton, Karygiannis, Lavigne, Lill, Malhi, Pickard, Plamondon, Saada, Stinson-(16)

Membres associés: Abbott, Ablonczy, Anders, Anderson (Cypress Hills-Grasslands), Bailey, Benoit, Breitkreuz, Burton, Cadman, Casson, Chatters, Cummins, Davies, Day, Duncan, Elley, Epp, Fitzpatrick, Forseth, Gallant, Goldring, Gouk, Grewal, Grey (Edmonton-Nord), Hanger, Harris, Hill (Prince George-Peace River), Hilstrom, Jaffer, Johnston, Kenney, Lunn (Saanich-Gulf Islands), Lunney (Nanaimo-Alberni), Mackay (Pictou-Antigonish-

Guysborough), Manning, Mark, Martin (Esquimalt-Juan de Fuca), Mayfield, McNally, Meredith, Merrifield, Mills (Red Deer), Moore, Obhrai, Pallister, Pankiw, Penson, Peschisolido, Rajotte, Reid (Lanark-Carleton), Reynolds, Ritz, Sauvagneau, Schmidt, Skelton, Solberg, Sorenson, Spencer, Strahl, Thompson (Wild Rose), Toews, Vellacott, White (Langley-Abbottsford), White (North Vancouver), Williams, Yelich

LANGUES OFFICIELLES

Membres: Bélanger, Bellemare, Bonin, Bulte, Drouin, Gagnon (Québec), Godfrey, Godin, Herron, Jaffer, Lavigne, McTeague, Reid (Lanark-Carleton), Sauvageau, Spencer, Thibeault (Saint- Lambert)-(16)

Membres associés: Abbott, Ablonczy, Anders, Anderson (Cypress Hills-Grasslands), Bachand (Richmond-Arthabaska), Bailey, Benoit, Breitkreuz, Burton, Cadman, Casson, Chatters, Comartin, Cummins, Day, Duncan, Elley, Epp, Fitzpatrick, Forseth, Gallant, Goldring, Gouk, Grewal, Grey (Edmonton-Nord), Hanger, Harris, Hill (Macleod), Hill (Prince George-Peace River), Hilstrom, Hinton, Johnston, Kenney, Lunn (Saanich-Gulf Islands), Lunney (Nanaimo-Alberni), Manning, Marceau, Mark, Martin (Esquimalt-Juan de Fuca), Mayfield, McNally, Meredith, Merrifield, Mills (Red Deer), Moore, Nystrom, Obhrai, Pallister, Pankiw, Penson, Peschisolido, Plamondon, Rajotte, Reynolds, Ritz, Schmidt, Skelton, Solberg, Sorenson, Stinson, Strahl, Thompson (Wild Rose), Toews, Tremblay (Rimouski-Neigette-et-La Mitis), Vellacott,White (Langley-Abbottsford), White (North Vancouver), Williams, Yelich

EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

Membres: Barns, Bonwick, Carignan, Comuzzi, Cummins, Guimond, Knutson, Lanctôt, Lee, Macklin, Myers, Nystrom, Pankiw, Schmidt, Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest), Wappel, White, North Vancouver — (17)

Membres associés: Abbott, Ablonczy, Anders, Anderson (Cypress Hills-Grasslands), Bailey, Bellehumeur, Benoit, Breitkreuz, Brison, Burton, Cadman, Casson, Chatters, Day, Duncan, Elley, Epp, Fitzpatrick, Forseth, Gallant, Goldring, Gouk, Grewal, Grey (Edmonton-Nord), Hanger, Harris, Hill (Macleod), Hill (Prince George-Peace River), Hilstrom, Hinton, Jaffer, Johnston, Kenney, Lebel, Lunn (Saanich-Gulf Islands), Lunney (Nanaimo-Alberni), Manning, Mark, Martin (Esquimalt-Juan de Fuca), Mayfield, McNally, Meredith, Merrifield, Mills (Red Deer), Moore, Obhrai, Pallister, Penson, Peschisolido, Rajotte, Reid (Lanark-Carleton), Reynolds, Ritz, Skelton, Solberg, Sorenson, Spencer, Stinson, Strahl, Thompson (Wild Rose), Toews, Vellacott, Venne, White (Langley-Abbottsford), Williams, Yelich

Qu'un message soit transmis au Sénat afin d'informer les honorables sénateurs des noms des députés qui représenteront la Chambre aux comités mixtes permanents.

ATTESTÉ:

Le greffier de la Chambre des Communes,
WILLIAM C. CORBETT


ORDRE DU JOUR

LE DISCOURS DU TRÔNE

MOTION D'ADOPTION DE L'ADRESSE EN RÉPONSE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cordy, appuyée par l'honorable sénateur Mercier, tendant à l'adoption d'une Adresse à Son Excellence la Gouverneure générale en réponse au discours qu'elle a prononcé lors de l'ouverture de la première session de la trente-septième législature.—(1er jour de la reprise du débat).

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, tout d'abord, je désire féliciter Son Honneur pour sa nomination. Je lui souhaite beaucoup de succès dans ses nouvelles responsabilités qui vont bien au-delà de la fonction qui consiste à présider nos délibérations. Je n'ai pas de doute que la sérénité et la bonté de caractère avec lesquelles il s'est acquitté de ses fonctions de leader adjoint du gouvernement, plus souvent qu'autrement en l'absence de celui qui occupait le siège voisin, l'aideront dans son rôle de Président. En effet, le Président du Sénat est constamment appelé à représenter le gouvernement et le pays, tant ici qu'à l'étranger. Le Sénat ne peut que bénéficier de ces missions.

Le mois dernier, j'ai eu le privilège de faire partie d'une délégation du Sénat qui s'est rendue en Arabie saoudite et au Qatar en mission parlementaire officielle. La délégation était dirigée par le sénateur Molgat, qui était accompagné de sa charmante épouse, Allison. Si la visite a été, de l'avis de tous, un succès, c'est en grande partie grâce au sénateur Molgat. Le protocole et les coutumes autres que les nôtres peuvent mettre beaucoup de pression sur un Président à l'étranger. Le sénateur Molgat, tout comme lors de ses autres missions, s'est acquitté de cette tâche avec grande distinction. Je veux aussi le féliciter pour les nombreuses années qu'il a passées au fauteuil en tant que Président, même si certaines de ses décisions me laissent encore perplexe, des décisions qui, lorsqu'elles n'étaient pas tout à fait innovatrices du point de vue de la procédure, ne manquaient certainement pas d'originalité dans leurs conclusions.

Je félicite madame le sénateur Carstairs pour sa nomination à titre de leader du gouvernement au Sénat. Je suis certain qu'elle ne sera pas moins assidue dans ses efforts à mesure que la majorité du gouvernement continue de s'accroître, ni moins sensible au rôle de l'opposition à mesure que le nombre de ses représentants diminue. Le succès du régime parlementaire repose en grande partie sur la nécessité de prendre des décisions relatives aux intentions de la majorité seulement après que la minorité a eu la possibilité d'en débattre de façon approfondie, tant en séance plénière qu'en comité. Les décisions fondées uniquement sur les chiffres n'ont pas leur place dans notre régime.

[Français]

Nul doute que ses nombreuses années d'expérience en tant que parlementaire permettront au sénateur Robichaud de s'acquitter de ses fonctions de leader adjoint du gouvernement avec distinction.

Il est intéressant de souligner que son prédécesseur immédiat préside aujourd'hui les délibérations, que son prédécesseur à lui est leader du gouvernement et que celui qui l'a précédé a aussi été leader du gouvernement. Cet ordre de succession semble, à première vue, très prometteur pour l'avenir d'un sénateur occupant cette fonction, j'en conviens, sauf qu'il est peut-être trop tôt pour le considérer comme une tradition.

On se rappellera que celui qui est présentement chef de l'opposition a aussi été leader adjoint du gouvernement. Je suis prêt à travailler pour une succession allant dans le même sens.

[Traduction]

Quant au discours du Trône, je félicite et le motionnaire et le comotionnaire pour avoir su donner le ton juste au débat. Ils n'ont tous deux fait qu'une toute petite allusion au discours, préférant plutôt faire l'éloge de leurs collectivités respectives quand ils ne faisaient pas celui du premier ministre pour avoir décidé de rester en poste.

J'ai visité le Cap-Breton à diverses reprises, mais je ne suis jamais allé à Glace Bay. L'intervention de madame le sénateur Cordy m'a convaincu d'y remédier lors de ma prochaine visite dans sa région. En tant qu'habitant des Cantons de l'Est, je souscris avec enthousiasme à la description que nous a fait le sénateur Setlakwe. La région est assurément magnifique, mais, plus précisément, c'est une région où les deux langues officielles du Canada inspirent le même respect et sont comprises de tous, au point qu'elles pourraient n'en faire qu'une.

(1500)

Quand j'achète un journal anglophone à Magog, le vendeur me dit «Thank you». Si c'est un journal francophone que j'achète, ce même vendeur me dit «Merci». Simple, mais typique de la coexistence traditionnelle des deux cultures dans cette région, ce qui contribue à son caractère si hospitalier et si agréable.

Le fait que les sénateurs Cordy et Setlakwe aient préféré ne faire qu'une vague allusion au discours du Trône, au lieu d'en faire le principal sujet de leur intervention, est tout à fait compréhensible. Ce discours avait pour principal objet, non dissimulé d'ailleurs, de rendre hommage au gouvernement; il a été rédigé à la va-vite et imposé à la Gouverneure générale qui, lorsqu'elle en a donné lecture, en dépit de son éloquence, n'a pu inspirer à son auditoire que des regards absents, une vague envie de dormir et quelques bâillements étouffés.

La plus grande préoccupation de l'ensemble des Canadiens est la conjoncture économique, étant donné le ralentissement observé aux États-Unis. La grande autorité qu'est la Réserve fédérale américaine a déclaré à la fin janvier, seulement une journée après le discours du Trône, que:

La confiance des consommateurs et des entreprises s'est effritée davantage, ces derniers étant exaspérés par la hausse des coûts de l'énergie, qui continue de faire diminuer le pouvoir d'achat des consommateurs et la marge de profits des entreprises. En raison partiellement de ce phénomène, les ventes au détail et les dépenses des entreprises en biens d'équipement ont baissé considérablement. En réaction, la fabrication et la production ont été freinées de façon draconienne. Les nouvelles technologies semblent avoir accéléré la réaction de la production et de la demande aux surplus potentiels de stocks et de biens d'équipement.

Le président Bush, quand il a fait parvenir ses propositions fiscales au Congrès au début du mois, a déclaré que l'alarme sonne au sein de l'économie. La semaine dernière, en commentant les ventes au détail meilleures que prévues pour janvier, le président a affirmé qu'il s'agissait d'un bon résultat dans une mer de résultats peu encourageants et qu'il demeurait préoccupé à propos de l'économie.

Lors d'une déclaration qu'il a faite le 6 février, le gouverneur de la Banque du Canada a affirmé que «[...] malgré les incertitudes entourant le court terme, la Banque reste optimiste quant aux perspectives économiques du Canada en 2001», mais il a néanmoins souligné qu'il reste à déterminer «quelles seront les conséquences pour le Canada du brusque ralentissement de l'activité aux États- Unis». C'est pourquoi la Banque a «révisé à la baisse le taux de croissance qu'elle projette pour l'économie canadienne cette année, le ramenant à environ 3 p. 100». Seulement une semaine plus tard, cependant, un sous-gouverneur de la Banque a avoué que le taux pourrait descendre sous la barre des 3 p. 100. Un ralentissement de la croissance signifie une baisse des recettes fiscales, et il est estimé qu'une diminution d'un pour cent de la croissance fait perdre environ deux milliards de dollars par année au gouvernement.

Plutôt que de laisser entendre qu'un nouveau budget sera présenté en fonction de l'évolution de la situation, le gouvernement se contente de se fier à l'énoncé économique que le ministre des Finances nous a présenté l'automne dernier. Les choses ont beaucoup changé depuis, comme les gens qui font autorité en la matière et que j'ai cités le montrent. Les prévisions ont été effectuées à une époque où le Canada continuait de profiter de la très forte croissance économique aux États-Unis, qui était attribuable en grande partie aux accords de libre-échange qui, selon les libéraux lorsqu'ils siégeaient dans l'opposition, devaient annoncer la fin de l'unité nationale, sans parler de l'assurance-maladie. Il est évident que de nouvelles prévisions de recettes et de dépenses sont nécessaires alors que le ralentissement économique aux États-Unis touche notre propre économie, tout comme c'est le cas lorsque la situation est plus positive.

Nous avons également besoin d'un budget pour déterminer les priorités de dépenses du gouvernement, car le discours ne dit rien là- dessus non plus. De plus, nous devons savoir combien d'argent est affecté à chacune des initiatives prévues dans le discours. Allons- nous peut-être retourner au financement déficitaire — une façon de procéder qu'affectionnait particulièrement le premier ministre lorsqu'il était ministre des Finances?

Chose remarquable, le discours du Trône ne mentionne aucun des problèmes clés auxquels les Canadiens sont confrontés. Voilà pour ce qui est de son intérêt. Cela nous rappelle l'attitude désinvolte du premier ministre durant sa participation détachée, pour ne pas dire pathétique, à la campagne référendaire de 1995.

Au moment où le discours était lu, des agriculteurs manifestaient sur la colline du Parlement pour obtenir de l'aide contre les ravages causés par la faiblesse des prix et les énormes subventions offertes par les États-Unis et l'Europe. Le manque de liquidités dont souffrent bon nombre d'entre eux est tel que si aucune mesure n'est prise, sous peu d'ailleurs, certaines exploitations agricoles n'obtiendront pas le financement nécessaire pour ensemencer au printemps. Pourtant, les mots «agriculture» ou «agricole» ne figurent qu'à deux endroits dans le discours, et il s'agit davantage de lieux communs que de toute autre chose.

Comparons cela à la réaction de la nouvelle administration américaine face à la chute des revenus agricoles aux États-Unis. Selon le Food and Agricultural Policy Research Institute de l'Université du Missouri, le revenu agricole net devrait baisser de 20 p. 100 au cours des deux prochaines années. Ainsi, en plus de la faiblesse des prix des produits, le prix des engrais azotés, qui sont composés de gaz naturel, devrait être d'au moins un tiers supérieur cette année par rapport à l'année dernière. L'année dernière, les Américains ont touché 8 milliards de dollars américains en aide d'urgence et le secrétaire à l'Agriculture a souscrit à l'idée d'une autre aide d'urgence cette année. Depuis 1996, les paiements gouvernementaux aux agriculteurs aux États-Unis ont triplé pour passer à 22 milliards de dollars, alors qu'au Canada, le ministre de l'Agriculture se limite à dire qu'il doit rencontrer ses homologues provinciaux, qu'il faut être patient, même si la saison des semences approche rapidement.

L'autre industrie d'exploitation canadienne des ressources qui continue d'être dévastée est le secteur des pêcheries. Il n'en est même pas fait mention dans le discours du Trône. La façon dont le gouvernement traite les pêcheries est à l'image de celle dont il traite à peu près toutes les questions: ne rien faire tant qu'il n'y a pas crise. Ignorer la situation le plus longtemps possible, puis présenter un projet de loi qui permettra d'atténuer des problèmes qui auraient dus être prévus et auxquels on aurait dû remédier avant que la crise n'éclate.

Selon La procédure et les usages de la Chambre des communes, de Marleau et Montpetit, «le discours du Trône expose habituellement de façon assez détaillée les vues du gouvernement sur l'état du pays et donne une indication de son programme législatif.» Le dernier discours du Trône ne fait ni l'un ni l'autre. Il ne contient aucune vision générale de l'avenir du pays. Il ne propose aucun leadership, aucun plan cohérent, ni à court ni à long termes. Ce discours n'est rien de plus qu'une liste désordonnée de dépenses touchant divers programmes sociaux, mais il ne précise pas comment l'argent sera dépensé, ni comment les vagues intentions du gouvernement seront réalisées. Il n'indique pas non plus pourquoi ces mesures sont importantes aujourd'hui et ne l'étaient pas il y a quelques années et il ne leur assigne aucun ordre de priorité. Le discours ne contient rien qui puisse séduire l'imagination des Canadiens ou leur permettre de se reconnaître dans le plan de travail proposé par le gouvernement. En fait, la seule mesure économique annoncée est l'étude du projet de libre-échange avec les Amériques. Ce projet n'est que le prolongement de la politique commerciale de base du gouvernement conservateur, une politique que le Parti libéral a combattue avec une furieuse détermination partisane au Parlement et ailleurs durant les années 80 et même pendant la campagne électorale de 1993.

La plupart des mesures législatives annoncées sont des projets de loi qui avaient expiré au Feuilleton durant la dernière législature, notamment le projet de loi sur les espèces en péril, le projet de loi sur la réforme bancaire, le projet de loi sur les jeunes contrevenants et le projet de loi sur l'assurance-emploi. En fait, ces projets de loi étaient déjà attendus depuis longtemps même lorsqu'ils ont été présentés durant la législature précédente. Le discours du Trône traite des compétences et de l'apprentissage, mais il passe sous silence les trois grandes questions concernant l'enseignement postsecondaire au Canada, à savoir l'endettement des étudiants, l'écroulement de l'infrastructure universitaire et la pénurie de professeurs chevronnés.

Le discours du Trône ne propose même pas de réexaminer la formule de péréquation afin de permettre aux provinces pauvres qui toucheront des redevances provenant de l'exploitation des réserves pétrolières et gazières au large des côtes de conserver une part accrue de ces revenus, pendant une période de cinq ans par exemple, afin de leur permettre de rétablir leur situation financière avant de devoir les partager avec le reste du Canada.

Le Canada est l'un des rares pays industrialisés, sinon le seul, à ne pas avoir de politique nationale concernant le réseau routier. Dans ce discours, le gouvernement n'a toujours pas pris l'engagement d'élaborer une telle politique ou de financer l'amélioration du réseau routier.

Le gouvernement reste bien sûr silencieux sur la Constitution. Le projet de loi C-20 s'est occupé de tout, ne cesse de répéter le premier ministre. L'aliénation des provinces de l'Ouest? Le ministre des Affaires intergouvernementales va mettre au pas les insoumis. À présent, le ministre Dion, avec sa façon habituelle de vouloir se montrer conciliant, va jusqu'à accuser des personnes comme le très honorable Joe Clark, qui est prêt à négocier pour trouver des solutions aux questions soulevées par Québec, de faire du chantage séparatiste. Il n'arrive pas à comprendre et à admettre que les pressions exercées sur la fédération sont un fait historique qui remonte à 1867, et que jusqu'à l'arrivée de ce gouvernement, tous les gouvernements nationaux se sont montrés au moins disposés à discuter avec les provinces comme avec des partenaires et non pas des subalternes, comme le fait l'actuel premier ministre et son pitbull de ministre des Affaires intergouvernementales. Les années de croissance économique approchant de leur fin, les disparités et les désillusions vont croître et ne vont faire qu'exacerber une situation qui a toujours été délicate, à moins que le gouvernement ne fasse preuve de plus de compréhension et de disposition à échanger des idées et à ne pas imposer les siennes unilatéralement.

La réforme parlementaire est écartée au moyen d'une vague référence à l'amélioration des procédures, entre autres à «la modernisation des procédures de vote». L'idée du premier ministre d'une réforme parlementaire n'est pas d'avoir des votes libres, mais une procédure de vote plus efficace au moyen d'un système électronique. Au lieu de s'attaquer aux causes profondes à l'origine de nuits entières passées à voter sur des centaines d'amendements non pertinents, il veut mettre en place un système plus rapide qui permette à chacun de voter simultanément en pressant sur un bouton au lieu de l'appel nominal actuel. Le gouvernement a vraiment dû regretter que ce système de vote n'ait pas été en place au moment où il s'est agi de se prononcer sur la motion sur les victimes de l'hépatite C, et, plus récemment, sur celle du conseiller en éthique, qui était tirée textuellement du fameux livre rouge du Parti libéral. Il n'est donc pas surprenant qu'il n'y ait pas d'engagement à rendre le conseiller en éthique responsable devant le Parlement, mais alors pourquoi ne pas avoir au moins un code d'éthique applicable aux membres des deux Chambres?

(1510)

Il n'y a rien sur les chantiers navals. Il n'y a rien sur le secteur du bois d'oeuvre alors que le Canada est à la veille de renégocier avec les États-Unis l'accord sur le bois d'oeuvre. La confusion qui règne entre le ministre de l'Industrie et le ministre du Commerce international quant à la position du gouvernement dans cet important dossier est inexcusable, particulièrement à la veille de négociations avec un gouvernement américain plus susceptible de protéger ses intérêts nationaux que son prédécesseur.

Bien que la santé soit mentionnée, il n'y a aucun engagement quant à un financement stable ni en ce qui concerne la part du fédéral quand l'accord actuel arrivera à expiration en 2005.

L'un des débats internationaux les plus cruciaux qui ait lieu à l'heure actuelle concerne le projet des États-Unis de se doter d'une capacité nationale de défense antimissile, alors que l'Union européenne est en train de mettre en place une force d'intervention rapide de 60 000 personnes. Quelle est la position du Canada, qui a participé activement à la création de l'OTAN, dans ces deux dossiers? Ne cherchez pas la réponse dans le discours. Tout ce que vous y trouverez, c'est une déclaration pieuse sur les fiers antécédents du Canada en matière de maintien de la paix. On oublie bien facilement la Somalie.

Sur les échelles de solde trop basses, les niveaux d'effectifs en deçà du minimum, les logements vétustes et les problèmes de santé liés aux missions de maintien de la paix, il n'y a pas un mot. Les conclusions du Comité mixte spécial de la politique de défense du Canada, publiées en 1994, et le livre blanc du gouvernement sur la défense ont été complètement ignorés comme on l'a appris hier quand la presse a fait état de réductions généralisées de la capacité de défense du Canada. Comme cela doit être encourageant pour nos équipages de recherche et de sauvetage et pour ceux qui servent sur les frégates canadiennes et qui attendent avec impatience d'être débarrassés de la flotte d'hélicoptères qui met quotidiennement leur vie en danger! À part sans doute la santé, il est difficile d'imaginer un dossier dans lequel le gouvernement a commis autant de bourdes.

En fait, ne cherchez pas dans le discours autre chose que des objectifs vagues et des voeux pieux. Il correspond tout à fait à cette citation tirée du numéro du 29 janvier de la publication Hill Times: «Ce gouvernement a poussé l'art de ne rien faire vers des sommets encore jamais atteints. Si le bon gouvernement consiste à créer des attentes minimes et à les dépasser, ce gouvernement est passé maître en la matière.»

Vous me permettrez d'ajouter que j'en conclus que le discours du Trône illustre parfaitement cet art.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI VISANT À PRÉSERVER LES PRINCIPES QUI DÉFINISSENT LE RÔLE DU SÉNAT TEL QU'IL A ÉTÉ ÉTABLI PAR LA CONSTITUTION DU CANADA

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Corbin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-8, Loi visant à préserver les principes qui définissent le rôle du Sénat tel qu'il a été établi par la Constitution du Canada.—(L'honorable sénateur Kinsella).

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'interviens dans le débat sur le projet de loi S-8 et je voudrais situer mon intervention dans le contexte des quatre éléments suivants: premièrement, l'incapacité du Sénat et de la Chambre des communes de superviser le pouvoir exécutif du gouvernement; deuxièmement, la domination qu'exerce le cabinet du premier ministre du Canada aujourd'hui; troisièmement, l'«improbabilité» que la supervision par le Parlement soit possible à court terme; quatrièmement, l'occasion qu'aura le Sénat de jouer un premier rôle en matière de supervision, si les circonstances changent.

Je m'arrête d'abord sur l'incapacité du Sénat et de l'autre endroit de superviser le pouvoir exécutif du gouvernement. La première question à poser à cet égard est simplement: comment les deux Chambres du Parlement ont-elles examiné les divers rapports qui leur ont été soumis en vertu de la panoplie de lois existantes qui prévoient l'obligation de faire rapport?

Honorables sénateurs, une lecture rapide des débats et des travaux de chaque Chambre et de leurs comités laisse une bien piètre impression. Je signale aux honorables sénateurs que c'est le Président qui soumet habituellement les rapports au Sénat. Aujourd'hui, par exemple, le Président a déposé un rapport sur l'équité en matière d'emploi que nous a fait parvenir la Commission canadienne des droits de la personne. Que ferons-nous de ce rapport? Qu'avons-nous fait des rapports soumis au Sénat conformément aux prescriptions de textes législatifs? Par exemple, le commissaire aux langues officielles nous envoie un rapport annuel. Nous recevons aujourd'hui le rapport de la Commission canadienne des droits de la personne. Nous avons un rapport du commissaire à la protection de la vie privée. Récemment, à la demande de l'opposition au Sénat, nous avons étudié en comité plénier le rapport du commissaire à la protection de la vie privée. C'était une excellente initiative. Le Comité mixte des langues officielles, qui est aux prises avec ses propres problèmes, reçoit néanmoins le rapport du commissaire aux langues officielles.

Malheureusement, ces études sont plutôt l'exception que la règle. La plupart des rapports ne font pas l'objet de débats au Sénat et cela, honorables sénateurs, c'est notre faute.

Le projet de loi S-8 vise à modifier les lois qui ne prévoient pas la remise de rapports au Sénat, de façon qu'on soit tenu de faire rapport aussi bien au Sénat qu'à la Chambre des communes. Je suis d'accord. Cependant, je m'empresse d'ajouter que nous devrons mieux étudier ces nouveaux rapports, car jusqu'ici, nous n'avons guère été vigilants dans l'étude de ceux qui nous sont déjà remis.

Il est important que les sénateurs acceptent la responsabilité de la situation découlant de la série de lois qui excluent le Sénat, car chacune d'elles a reçu son assentiment. Si nous voulons blâmer quelqu'un parce que le Sénat est mis à l'écart, nous n'avons qu'à nous en prendre à nous-mêmes. Si ces lois privent le Sénat d'un rôle de surveillance, n'est-ce pas parce que les sénateurs n'ont pas étudié soigneusement les projets de loi lorsqu'ils en ont été saisis? Je me demande souvent si, après un examen de conscience, je pourrais moi-même dire si j'ai lu beaucoup de projets de loi qui nous sont soumis. Combien en ai-je lu d'un bout à l'autre? Honorables sénateurs, cette négligence tient-elle à une obéissance aveugle au ministère? Nous avons tous entendu des ministres soutenir que leur projet de loi devait être adopté au Sénat sans amendement, même s'il privait le Sénat d'un rôle de surveillance.

(1520)

Les honorables sénateurs se rappelleront que nous avons entendu le point de vue du ministre Stéphane Dion lorsqu'il a comparu devant le comité spécial chargé d'étudier le projet de loi C-20. Le ministre a défendu le principe de l'exclusion du Sénat de la décision finale au sujet de la clarté d'une question référendaire. Il a soutenu que le Sénat avait déjà abdiqué sa responsabilité constitutionnelle dans quelque 27 lois, parce que le Sénat les avait adoptées et avait accordé un rôle à la Chambre, mais ne s'en était pas donné un.

Honorables sénateurs, nous étions maîtres de la situation que le projet de loi du sénateur Joyal cherche à corriger. C'est précisément cette mort lente que le projet de loi S-8 vise à éviter, et je compte l'appuyer. Il modifiera ces 27 lois qui empêchent actuellement le Sénat d'assumer sa responsabilité de surveillant du régime parlementaire canadien.

Malgré les objections continuelles de cette Chambre, le gouvernement persiste à présenter des projets de loi qui excluent le Sénat. Pas plus tard qu'en juin dernier, le gouvernement a proposé de profondes modifications à la Loi sur les banques, et le Sénat était absent du libellé de ce projet de loi. Dans un reproche cinglant, notre collègue, le sénateur Kolber, a rappelé au gouvernement notre système bicaméral de gouvernement. Bien que je n'aie pas vu la nouvelle incarnation de ce système, je suis sûr que les sénateurs l'examineront très attentivement.

Certains observateurs sont particulièrement préoccupés par cet affaiblissement de la surveillance parlementaire, car il semble qu'une nouvelle culture se soit enracinée dans cette ville: la domination des hauts fonctionnaires non élus qui travaillent dans l'immeuble Langevin, au cabinet du premier ministre. Selon de nombreux observateurs, le rôle qu'exerçaient les députés de la Chambre des communes dans la surveillance du pouvoir de dépenser et la surveillance de la bureaucratie a diminué considérablement au cours des quelques dernières années. Le Cabinet n'est plus ce qu'il était autrefois, à savoir le centre de la formulation et de l'application de la politique de l'exécutif. Qu'on examine le point de vue d'observateurs comme mon collègue d'université, le professeur Donald Savoie, et sa métaphore bien connue du Cabinet fédéral et d'un groupe de discussion.

Honorables sénateurs, puisque, au cabinet du premier ministre, des personnes nommées et non élues dominent l'exécutif et que leur influence tentaculaire s'infiltre dans toute l'administration publique, il est plus que jamais nécessaire d'assurer un contrôle parlementaire au Canada. Au cours des récentes années, une culture de l'immobilisme et de la non-reddition de comptes s'est enracinée à Ottawa et le projet de loi du sénateur Joyal présente un important mécanisme pour corriger cette situation. L'exclusion du Sénat de bien des mesures législatives qui comportent l'obligation de faire rapport à la Chambre des communes doit être corrigée afin que rapport soit aussi fait au Sénat.

Honorables sénateurs, en examinant les débats de la Chambre des communes et des comités, on constate qu'il y a bien peu de contrôle à l'autre endroit. Soyons clairs: en exigeant que le Sénat soit traité également dans toutes les mesures législatives, on ne veut pas faire concurrence à l'autre endroit; le but est de réaffirmer le rôle légitime et crucial du Parlement dans son ensemble, qui a pour mandat de superviser le pouvoir exécutif. Voilà l'enjeu.

Le contrôle parlementaire de l'exécutif, assuré grâce à une série de freins et contrepoids faisant appel aux deux Chambres du Parlement, forme le noyau même de notre mode de gouvernement inspiré de Westminster. Il ne faudrait jamais sous-évaluer l'importance de cette supervision car c'est ce qui distingue avant tout la démocratie de la dictature. C'est le système de gouvernement que nous pratiquons avec succès au Canada depuis 134 ans. C'est sans doute pourquoi les Canadiens semblent le tenir pour acquis. En fait, l'expression «contrôle de l'exécutif» n'est pas souvent employée en dehors des manuels de science politique et n'est pas souvent entendue en dehors des salles de cours. Je suis parfois étonné que ce ne soit pas une phrase courante dans nos textes publics ou nos médias écrits ou électroniques.

Le contrôle de l'exécutif est un rôle important qu'il ne faut pas confondre avec le fait de réguler l'exécutif. En termes simples, cela signifie tenir l'exécutif responsable envers la population. Le premier ministre du Canada et le Cabinet ont toujours été tenus responsables de leurs actions devant la population par les deux Chambres du Parlement, lesquelles sont égales à presque tous égards. Ce rôle de supervision s'accomplit grâce à divers mécanismes mis en oeuvre au Sénat et à la Chambre. Le processus législatif est un exemple crucial d'un tel mécanisme. Il permet aux partis de l'opposition de critiquer les initiatives stratégiques du gouvernement et de proposer des politiques de remplacement dans le cadre d'un débat public.

Les comités parlementaires constituent un autre exemple, et c'est pourquoi le débat que nous tenons au Sénat au sujet de la nature, de la conception, de la structure et du mode de fonctionnement de nos comités revêt une telle importance. De simples observateurs pourraient se demander pourquoi nous consacrons autant de temps à essayer de réformer la structure de nos comités. La réponse, c'est qu'elle est au coeur de notre système d'examen et de supervision. Les comités du Sénat, en particulier, ont la réputation de faire du bon travail et, dans bien des cas, on leur demande même de corriger dans les mesures législatives des erreurs ou des omissions ayant échappé aux comités de l'autre endroit. Nous pouvons tous penser à de nombreux exemples.

Une autre technique à laquelle on peut faire appel lorsque le Parlement fonctionne comme il le devrait sur le plan de la supervision est la période quotidienne des questions dans les deux Chambres, et c'est sans doute le mécanisme de reddition de comptes le plus facilement reconnu. De plus, les mesures législatives d'initiative parlementaire donnent à ceux qui ne font pas partie du pouvoir exécutif l'occasion de participer à l'élaboration de la politique. Le régime des partis lui-même exerce sur l'exécutif une pression qui l'amène à faire participer les membres du parti au pouvoir aux initiatives gouvernementales afin de conserver leur allégeance. Il se peut que les Canadiens ne comprennent pas bien cela. À mon avis, cela confère une énorme responsabilité à nos amis d'en face en tant que groupement parlementaire.

La liste est longue, honorables sénateurs, et déborde du cadre des enceintes parlementaires. On n'a qu'à penser aux enquêtes menées notamment par des bureaux comme celui du vérificateur général et aux activités de groupes d'intérêts spéciaux. Arrêtons-nous au cas du vérificateur général. À quoi sert le rapport du vérificateur général s'il ne fait pas l'objet d'un débat et s'il n'est pas étudié dans chacune des Chambres?

Honorables sénateurs, en ce qui concerne la supervision de l'exécutif par le Parlement, je ne crois pas que nous assisterons à beaucoup de changements à court terme. À mon avis, cela ne se produira pas de sitôt. Toutefois, j'espère que cela ne nous empêchera pas de faire des pas en avant, et je vois une occasion réaliste et pratique d'y arriver grâce au projet de loi du sénateur Joyal.

(1530)

Honorables sénateurs, ce projet de loi nous rappelle que, dans le cadre du suivi, nous devons examiner les études et les rapports qui doivent être présentés conformément à la loi. Je veux bien reconnaître que la capacité de gouverner d'un gouvernement pourrait être sérieusement entamée si l'assurance parlementaire minait trop l'ascendance politique du pouvoir exécutif. Le pouvoir exécutif en place devrait pouvoir compter sur le soutien politique dont il a besoin pour défendre les intérêts nationaux dans un monde en constante évolution. D'ailleurs, les défis actuels sont indiscutablement tributaires des ambitions des États-entreprises — des entreprises qui ne tiennent compte d'aucune limite géographique, qui existent pour défendre les intérêts de leurs actionnaires et qui exigent des économies et des ressources économiques supérieures à celles dont disposent de nombreux États-nations. Évidemment, un pouvoir exécutif puissant qui devient prisonnier de l'influence néfaste d'une entreprise serait divisé par rapport aux intérêts nationaux.

En conclusion, honorables sénateurs, je pense que nous devrions profiter de l'occasion que nous offre le projet de loi du sénateur Joyal pour faire les modifications nécessaires et garantir un suivi. Le Sénat a ici une excellente occasion de jouer un rôle de supervision de premier plan dans le système parlementaire canadien du XXIe siècle. À cet égard, je pense que nous devrions féliciter le sénateur Joyal d'avoir présenté un projet de loi qui nous donne l'occasion de réfléchir sur le rôle du Sénat quelque 134 ans après sa création.

Honorables sénateurs, j'ai la certitude que les Pères de la Confédération ont eu raison d'agir comme ils l'ont fait en 1867, c'est-à-dire que notre modèle de gouvernement, notre système parlementaire canadien, a fonctionné et que la liberté dont nous jouissons au Canada depuis 134 ans a été très fructueuse. Ceux qui veulent réformer notre mode de gouvernement m'inquiètent, car la réforme qu'ils idéalisent n'est assortie d'aucune garantie de liberté.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai le regret d'informer le sénateur Kinsella que le temps dont il disposait est écoulé. Une prolongation est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'aurais besoin de deux minutes supplémentaires.

En fait, lorsque j'entends les réformateurs parler du rétablissement de la peine capitale et d'autres idéologies d'extrême droite, je préfère nettement notre système, qui favorise la liberté.

Honorables sénateurs, nous pouvons améliorer notre système. Le modèle fonctionne, mais les rouages de l'État ont peut-être besoin d'ajustement. Ce que le Sénat pourrait faire pour améliorer le gouvernement, c'est rehausser considérablement son rôle de surveillance.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je suis ravi que le sénateur Kinsella appuie cette mesure. Comme moi, le sénateur veut que le Sénat ou le Parlement surveille l'exécutif et que le Parlement surveille chacune des Chambres. Comme le dit très bien Blackstone, le système de gouvernement tripartite est fondé sur un ensemble de freins et de contrepoids, dans lequel chaque Chambre surveille l'exécutif et les deux Chambres se surveillent l'une l'autre. Nous n'avons pas observé cela souvent. Le présent projet de loi soulève la question, et le sénateur la cerne très bien.

Le sénateur serait-il pour qu'une disposition, une règle ou un projet de loi, en fait, prévoie que les rapports des divers organismes gouvernementaux soient obligatoirement soumis pendant un certain temps à l'examen des comités pertinents?

Au cours de la présente session, j'estime à plus de 90 le nombre des rapports qui ont été déposés ici et qui, comme l'a signalé à juste titre le sénateur Kinsella, sont disparus sans examen constitutionnel, législatif ou parlementaire. Le sénateur conviendra-t-il que, si elle est approuvée ici, cette mesure devrait être suivie d'une autre mesure qui viserait à régler le problème soulevé?

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Grafstein de poser la question. Oui, je serais en faveur d'une telle initiative. Il faudrait en préciser les détails, mais nous en avons besoin en principe. Je crois que nous avons l'occasion de nous occuper de cela et que le Sénat a beaucoup à apporter à cet égard.

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Kinsella. Le sénateur parle de l'importance de l'examen ou de la responsabilité parlementaire et du dépôt d'un rapport à l'autre endroit par le vérificateur général. Nous recevons rarement ce rapport au Sénat, compte tenu de ce que prévoit la loi à l'heure actuelle. Jusqu'en 1993, le vérificateur général déposait un seul gros rapport par année et en parlait à la Chambre des communes pendant une journée et demie environ. Ce rapport était une merveilleuse affaire dans les médias, mais il n'était ni fondé ni suivi de quelque mesure que ce soit.

Honorables sénateurs, la loi prévoit toujours que c'est la Chambre des communes qui doit nommer le vérificateur général. Nous n'avons rien à dire quant à la personne qui est choisie. Un nouveau vérificateur général devra bientôt être nommé parce que M. Desautels, qui est actuellement en poste, doit quitter son poste après 10 ans.

Le sénateur Kinsella sait-il pourquoi le Sénat est exclu de l'excellent mécanisme de reddition de comptes qui prévoit que le vérificateur général dépose quatre rapports par année, comme c'est le cas maintenant? Le sénateur Kinsella a-t-il quelque raison de croire que le Sénat ne peut étudier ces documents, qu'il ne peut les analyser parce qu'ils doivent être considérés comme des dépenses?

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. En ce qui a trait à la nomination du vérificateur général, je devrai revoir la loi. Je ne me rappelle pas du processus de nomination prévu dans ce cas. Toutefois, le vérificateur général soumet son rapport aux deux Chambres et le Président dépose officiellement le rapport.

En ce qui concerne le Sénat, je crois que l'étape suivante est de déterminer la façon dont nous voulons étudier les rapports du vérificateur général. Le rapport pourrait être étudié en comité plénier, ce qui a très bien fonctionné à deux occasions avec le commissaire à la protection de la vie privée au cours de la dernière législature, ou il pourrait aussi être soumis au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Nous soutenons que le travail de ces divers hauts fonctionnaires ou d'autres services devrait être soumis aux deux Chambres. Ces rapports ne reçoivent pas toute l'attention qu'ils méritent si on ne les soumet pas à l'étude des deux Chambres. Pour ceux qui s'interrogent sur l'avenir du Sénat, compte tenu des méthodes de sélection actuelle et autres, je crois que bon nombre de Canadiens seraient prêts à reconnaître et à appuyer l'importance d'une deuxième Chambre dans un pays comme le nôtre si nous devions nous concentrer sur notre fonction de supervision.

(1540)

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'ai écouté l'échange entre les sénateurs Kinsella et Gauthier. Quand le sénateur Kinsella a parlé, je me suis rappelé la position unique qu'occupe le vérificateur général. Il est clair que le vérificateur général est au service de la Chambre des communes. Il n'est pas aussi clair cependant qu'il est au service du Sénat, même si le vérificateur général est un haut fonctionnaire du Parlement. Il s'agit donc d'une situation unique et spéciale.

Je voulais exprimer mon appui à la notion que le sénateur Kinsella a soulevée, soit le besoin de surintendance parlementaire. L'honorable sénateur a parlé de supervision. Cependant, le mot utilisé pour décrire ce dont il s'agit n'est pas particulièrement important. L'honorable sénateur a soulevé tout le phénomène de surintendance parlementaire sur les affaires du Cabinet et sur les affaires du gouvernement. Je partage la préoccupation que lui et beaucoup d'autres ici ont exprimée, à savoir que la notion de gouvernement responsable devient une chose du passé au Canada. C'est une sorte de relique historique à laquelle certains font allusion de temps en temps. Du point de vue d'une doctrine constitutionnelle active qui fonctionne sur une base quotidienne, cela a disparu.

Pour ajouter à ce que le sénateur Kinsella disait, il pourrait peut- être exprimer lui aussi son appui à l'idée que le Sénat devienne un peu plus agressif dans la surintendance d'un nombre beaucoup plus grand d'aspects du gouvernement. Dans cette mesure, je le remercie.

Le sénateur Kinsella: Je suis d'accord, honorables sénateurs.

L'honorable Wilfred P. Moore: Honorables sénateurs, je désire participer moi aussi au débat sur le projet de loi S-8, Loi visant à préserver les principes qui définissent le rôle du Sénat tel qu'il a été établi par la Constitution du Canada.

Je désire tout d'abord féliciter le sénateur Joyal d'avoir présenté ce projet de loi et du travail minutieux auquel il s'est livré pour le préparer. Je désire également souligner les efforts des sénateurs Beaudoin, Grafstein et Kinsella, qui sont tous intervenus sur le sujet.

Des sénateurs plus versés que moi en ces matières ont abordé les aspects techniques du projet de loi et sa constitutionnalité. Mes observations porteront donc sur les actions que j'ai observées et sur les paroles que j'ai entendues, surtout durant la trente-sixième législature.

Au cours de la dernière législature, des activités ont été entreprises et des paroles ont été prononcées au sujet du Sénat par certains députés de tous les partis. Ils ont réclamé toutes sortes de mesures, y compris l'abolition du Sénat, des modifications à son processus de nomination et à sa composition. D'autres se sont contentés de paroles creuses au sujet du Sénat. Toutes ces choses sont possibles, bien entendu, à la suite d'un amendement approprié à notre Constitution. Tant que cela ne se produira pas, le Sénat tel que prévu dans notre Constitution est là, il fonctionne très bien et il mérite d'être reconnu à cet égard.

Certaines activités et certaines paroles des députés étaient non seulement critiques à l'égard du Sénat, mais étaient également trompeuses du fait qu'elles étaient incomplètes. Les députés n'ont pas dit aux Canadiens que le Sénat est l'une des deux Chambres égales qui composent notre Parlement. Ils ont oublié de dire aux Canadiens que le Sénat est d'abord et avant tout une Chambre législative. Ils n'ont pas précisé aux Canadiens que le Sénat est une Chambre de dernier recours où des comités vont entendre des Canadiens et payer les frais de déplacement de Canadiens pour avoir le bénéfice de leurs opinions très importantes. Ils n'ont pas dit aux Canadiens que, à l'instar des députés, les sénateurs sont également des parlementaires.

Je veux bien que le Sénat soit le bouc émissaire de ces députés de la Chambre des communes qui se livrent à ces activités et prononcent ces paroles dans l'espoir d'obtenir un gain personnel; cependant, ce qui est inadmissible, c'est que ces activités et ces déclarations ne représentent qu'une partie de la vérité. Lorsqu'on fait des déclarations incomplètes ou trompeuses, on rend un bien mauvais service aux Canadiens. On brosse un tableau incomplet de la façon dont le Canada est gouverné et on sème la confusion dans la tête des Canadiens quant à savoir qui est un parlementaire. Il ne fait aucun doute que l'utilisation continue de l'abréviation «MP» ajoute à cette confusion. À l'instar de mes collègues sénateurs, je suis un «member of Parliament», un «MP». Pour être tout à fait juste, ces députés l'ignoraient peut-être.

Je veux surtout éviter que les étudiants à tous les niveaux au Canada soient mal informés au sujet de la composition du Parlement, ne sachent pas parfaitement comment notre pays est gouverné et ignorent notamment le rôle important que le Sénat joue en assumant ses responsabilités constitutionnelles.

Ces belles paroles soulèvent une crainte particulière. La pire chose de toutes, c'est que les députés prétendent qu'une réforme des institutions est facile, comme si le premier ministre pouvait modifier la Constitution d'un trait de plume. Cette illusion crée des attentes irréalistes qu'on ne peut satisfaire, ce qui attise le cynisme de la population au sujet des politiciens en général. Non seulement les députés nuisent au Sénat, mais sans le vouloir, ils se font du tort à eux-mêmes.

Le projet de loi S-8 est important parce qu'il nous rappelle les réalités constitutionnelles. Il vise à préserver un principe important, l'égalité des deux Chambres, indispensable pour permettre à l'une et à l'autre de s'acquitter de leurs obligations constitutionnelles respectives, et indispensable aussi au bon fonctionnement du Parlement dans son ensemble.

Le projet de loi reconnaît l'égalité des deux Chambres et la nécessité pour tous d'être vigilants, de veiller à ce que le principe de l'égalité soit respecté et appliqué. J'appuie ce projet de loi de tout coeur.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR LA SANCTION ROYALE

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition) propose: Que le projet de loi S-13, Loi relative aux modalités d'octroi par le Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de la sanction royale aux projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement, soit lu une deuxième fois.-(L'honorable sénateur Lynch-Staunton).

— Honorables sénateurs, à la dernière rencontre du Comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, durant la dernière législature, soit le mercredi précédant le jeudi où les Chambres ont été dissoutes, les membres du comité ont convenu de faire rapport du projet de loi au Sénat. Comme je m'attendais à ce que le projet de loi expire au Feuilleton de toute façon, j'ai proposé, afin de sauver temps et argent, de laisser le projet de loi en suspens au comité et de le présenter durant la nouvelle législature. C'est ce que je fais aujourd'hui.

Je n'ai rien à dire au sujet de ce projet de loi qui n'ait déjà été dit. Il ne vise pas à abolir la cérémonie traditionnelle de la sanction royale telle que nous la connaissons, mais propose plutôt une procédure de rechange pour la sanction royale des projets de loi, notamment les projets de loi d'urgence, dans les cas où il pourrait être difficile de trouver les personnes responsables de la tenue de la cérémonie.

Si personne d'autre ne désire prendre la parole au sujet du projet de loi, je demanderai qu'il soit renvoyé au comité où il s'était rendu la dernière fois.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, les sénateurs des deux côtés connaissent ma position relativement au contenu du projet de loi. Je n'ai aucune objection au renouvellement de la cérémonie de la sanction royale et du rôle du représentant de Sa Majesté en cette Chambre.

La seule chose qui distingue ma position de celle du chef de l'opposition est que j'espère que la tenue de ce débat et le renvoi du projet de loi au comité contribueront à accroître la visibilité de cette Chambre et le rôle de tous les sénateurs, et inciteront peut-être aussi nos collègues de l'autre endroit, y compris le représentant de Sa Majesté, à intervenir plus activement dans la sanction royale, qui est l'une des trois composantes importantes de toute mesure législative.

(1550)

Je suis donc d'accord avec le sénateur Lynch-Staunton. La question devrait encore une fois être renvoyée au comité. Comme le sénateur le sait, je déposerai de nouveau les amendements que je propose. Il ne s'agit que de propositions en vue d'obtenir l'avis des membres du Comité du Règlement quant au moyen d'atteindre l'objectif que, je crois, nous visons tous, à savoir une plus grande visibilité et une plus grande crédibilité du rôle de cette Chambre.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR LA JOURNÉE SIR JOHN A. MACDONALD ET LA JOURNÉE SIR WILFRID LAURIER

DEUXIÈME LECTURE

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition) propose: Que le projet de loi S-14, Loi instituant la Journée sir John A. Macdonald et la Journée sir Wilfrid Laurier, soit lu une deuxième fois.-(L'honorable sénateur Lynch-Staunton).

— Honorables sénateurs, sous la dernière législature, le sénateur Grimard a présenté un projet de loi demandant que soit instituée une Journée nationale en hommage à sir John A. Macdonald. J'ai senti, comme lui, qu'une telle proposition en faveur d'un premier ministre conservateur avait involontairement un côté partisan. Pour compenser, j'ai proposé un projet de loi similaire en hommage à sir Wilfrid Laurier. Le Parlement a été dissous avant que l'on ait eu le temps d'examiner ces deux projets de loi. Par conséquent, dans un effort en vue de bien faire ressortir l'esprit de neutralité qui devrait nous guider dans l'examen de ces deux propositions, ces dernières ont été fusionnées dans un seul projet de loi. Le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui propose d'instituer une Journée en hommage à sir John A. Macdonald et une Journée en hommage à sir Wilfrid Laurier.

Je n'ai pas besoin de rappeler à la Chambre les contributions extraordinaires qu'ont faites ces deux hommes: l'un à la création de ce pays et aux premières étapes de son avancement et l'autre aux efforts en vue de l'amener à l'âge de la maturité. Tous deux se sont heurtés à d'extraordinaires difficultés. Socialement, ce pays était composé principalement de Français et d'Anglais et de catholiques et de non-catholiques, entre lesquels il existait de formidables tensions. Les provinces ne s'étaient pas encore adaptées au nouveau système de fédération. Il n'est pas exagéré de dire que sans l'obstination dont ont fait preuve ces deux hommes durant la difficile période des débuts de ce pays, le Canada serait totalement différent.

Ce projet de loi ne demande pas l'instauration d'une fête nationale. Il demande simplement que ces deux hommes soient reconnus en leur consacrant une journée de manière à ce que, en février, les Canadiens se familiarisent davantage avec le plus marquant des Pères de la Confédération et que, en novembre, ils se familiarisent davantage avec le premier premier ministre issu du Québec dont l'engagement à l'égard de l'unité nationale était tout à fait extraordinaire et demeure aujourd'hui encore une aspiration.

Certains ont suggéré que nous devrions avoir une «Journée des premiers ministres». Par coïncidence, les États-Unis célébraient hier la Journée des présidents, qui est une fête nationale. Les Américains honorent également Washington, Lincoln et plusieurs autres grands hommes et grandes femmes de leur histoire — plus récemment, Martin Luther King. Il n'y a pas toujours un jour de congé en leur honneur, mais au moins une journée spéciale car ils méritent cet honneur spécial qui permet aux Américains de se souvenir de la contribution qu'ils ont apportée à leur pays. De même, ce projet de loi a pour objet d'honorer deux personnalités extraordinaires le jour de leur anniversaire pour les mêmes motifs.

J'ai appris de M. Harvey Haber, président de la sir John A. Macdonald Foundation Inc., que sir John A. Macdonald n'était probablement pas né le 11 janvier, mais plutôt le 10 janvier. Le registre des naissances en Écosse donne le 10 janvier. Lorsque John est arrivé dans ce pays à l'âge de cinq ans, son père Hugh a déclaré le 11 janvier comme étant sa date de naissance.

Il y a des détails de moindre importance dans le projet de loi. S'il est renvoyé à un comité, les corrections nécessaires pourront y être apportées. En attendant, j'exhorte les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi et j'invite les membres de cette Chambre à exprimer tout commentaire qu'ils aimeraient faire au sujet du projet de loi.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Lynch-Staunton d'avoir saisi de nouveau le Sénat de cette question. Je m'étais longuement entretenu avec le sénateur Grimard lorsqu'il avait parrainé un projet de loi proposant une Journée sir John A. Macdonald. Le projet de loi a maintenant été modifié pour inclure sir Wilfrid Laurier, ce qui, à mon avis, est juste et approprié dans les circonstances. Nous négligeons trop souvent de grands Canadiens qui sont des personnages à la fois symboliques et historiques, nous privant ainsi, nous et nos enfants, d'un meilleur sens de l'histoire canadienne.

J'appuie le principe de ce projet de loi. Toutefois, comme s'en souviendront les honorables sénateurs, j'ai proposé que nous consacrions une journée au Parlement et au premier ministre, le premier ministre venant après le Parlement puisque, dans notre régime, le premier ministre est responsable devant le Parlement.

J'espère que nous reviendrons sur ces questions au comité et je ne vois pas d'inconvénient à renvoyer le projet de loi, à l'étape de la deuxième lecture, au Comité du règlement, qui procédera à un examen rigoureux et historique de ce projet de loi monumental.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je me suis toujours beaucoup intéressée à sir John A. Macdonald pour diverses raisons, la première étant que c'était un homme brillant. La seconde épouse de sir John A. Macdonald était Jamaïcaine. Peut-être que, dans le cadre de l'étude du projet de comité, nous aurons la possibilité de découvrir cet aspect des liens existants entre sir John A. et les Caraïbes orientales. N'oublions pas que, à l'époque où sir John A. était au pouvoir, cette région du globe était réputée faire partie de l'Amérique du Nord britannique. Je pense que sa femme s'appelait Agnes Bernard, bien que je n'en sois pas tout à fait sûre. On pensera peut-être qu'elle était noire de peau, à tort, car elle était Jamaïquaine blanche.

Sir John A. Macdonald était un homme exceptionnel. Sur les 72 résolutions du Québec adoptées à la Confédération, je pense qu'il en a personnellement rédigé 44.

Lors de l'examen en comité, apprendrons-nous quelque chose sur lady Agnes?

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, il y a peut-être matière à un conflit d'intérêt. Du côté de ma grand-mère, mes ancêtres à moi aussi viennent de la Jamaïque. Bien que cela puisse ne pas plaire, ils étaient propriétaires d'une plantation de canne à sucre et ils ont tous fait faillite lorsque l'esclavage a été aboli.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

(1600)

LA LOI SUR LA STATISTIQUE
LA LOI SUR LES ARCHIVES NATIONALES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Lorna Milne propose: Que le projet de loi S-12, Loi modifiant la loi sur la statistique et la loi sur les Archives nationales du Canada (Documents de recensement), soit lu une deuxième fois.—(L'honorable sénateur Milne).

— Honorables sénateurs, j'ai écouté avec plaisir la discussion sur la généalogie qui s'est engagée spontanément puisque le projet de loi S-12 vise à permettre la divulgation opportune des documents des recensements effectués après 1901 pour permettre aux généalogistes de faire leur travail.

Ce projet de loi doit apporter des modifications raisonnables et logiques à la Loi sur la statistique et à la Loi sur les Archives nationales du Canada pour permettre le transfert des données des recensements de Statistique Canada aux Archives nationales du Canada, où elles pourraient être divulguées au public sous réserve des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

J'avais déjà déposé ce projet de loi au cours de la dernière législature. Les sénateurs Fraser, Johnson, Taylor et DeWare s'y sont penchés à l'étape de la deuxième lecture avant que le projet de loi ne soit soumis à l'étude du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Après que j'ai eu déposé ce projet de loi, un autre projet de loi identique, ainsi qu'une motion d'initiative parlementaire ont été déposés à l'autre endroit dans le même but que celui visé par le projet de loi S-12.

La divulgation des données tirées des recensements devient de plus en plus urgente avec le temps. L'accès à ces données constitue toujours une partie importante de la recherche historique au Canada. David Havegood, de l'Institut Galton, a dit au cours d'une conférence qui s'est tenue récemment à Londres que l'établissement de la généalogie familiale, que connaissent si bien tous les généalogistes comme le sénateur Lynch-Staunton, est l'outil le plus fréquemment utilisé en médecine génétique. Je suis donc très heureuse d'intervenir aujourd'hui dans ce débat de deuxième lecture du projet de loi S-12.

Je crois que ce projet de loi établit un compromis acceptable entre les buts et les préoccupations qui m'ont été présentés par divers groupes d'intérêt dont Statistique Canada, les Archives nationales du Canada, le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, les généalogistes, les historiens, les chercheurs dans le domaine de la médecine et les Canadiens en général.

Je ne voudrais pas ennuyer les sénateurs en répétant tout ce que j'ai dit à maintes reprises sur ce sujet. Cependant, plusieurs choses se sont produites depuis.

Au début de l'été dernier, le comité d'experts sur l'accès aux dossiers historiques du recensement a fait rapport au ministre de l'Industrie. Dans son rapport publié en décembre 2000, le comité donne suite à de nombreuses préoccupations exprimées quand le projet de loi a d'abord été déposé au cours de la dernière législature. Le comité a fait au ministre la recommandation suivante:

Le Comité recommande simplement que les dossiers du recensement soient mis à la disposition du grand public dans les Archives nationales 92 ans après la tenue du recensement. Les moyens utilisés pour diffuser les dossiers historiques du recensement varient en fonction de la période historique au cours de laquelle le recensement a eu lieu ou aura lieu.

Le comité d'experts ajoute:

Le Comité est fermement convaincu que la diffusion des dossiers du recensement présente des avantages. Il estime qu'au fil du temps, les inquiétudes relatives à la protection de la vie privée s'apaiseront et que le délai de 92 ans permettra d'éliminer ces préoccupations. Nous sommes persuadés que personne n'a eu l'intention d'imposer une obligation de confidentialité perpétuelle à l'égard des renseignements personnels recueillis dans le cadre du recensement. Nous croyons que la mention du transfert aux Archives nationales laisse également entendre que les dossiers finiront par être du domaine public; c'est pourquoi nous estimons que le fait de procéder à des modifications législatives à cette fin ne constituerait pas une rupture de promesse envers les répondants. Nous sommes d'avis que les précédents historiques et internationaux viennent pleinement appuyer cette position. Le Comité est également conscient de la valeur du recensement et des autres travaux de Statistique Canada et ne désire nullement formuler des recommandations susceptibles de nuire à son travail. C'est pourquoi nous recommandons que soient diffusés après une période de 92 ans les dossiers des recensements tenus avant 1918 et après 2001[...]

Incidemment, le comité était formé de notre ancienne collègue l'honorable Lorna Marsden; de John D. McCamus, professeur à l'Osgoode Hall Law School de l'Université York; de l'honorable Gérard La Forest, ancien juge de la Cour suprême du Canada; de Chad Gaffield, directeur de l'Institute of Canadian Studies de l'Université Carleton; et il était présidé par Richard Van Loon, recteur de l'Université Carleton.

Honorables sénateurs, permettez-moi de faire un survol du projet de loi et de montrer comment il est compatible, au plan législatif, avec le rapport de ce comité d'experts.

L'article 1 du projet de loi modifie la Loi sur la statistique par adjonction d'un nouvel article après l'article 21. En vertu de ce nouvel article, Statistique Canada conserverait les documents de recensement dont il a la garde.

En plus d'assurer la conservation de ces documents, le projet de loi prévoit que le statisticien en chef peut, avec l'autorisation de l'archiviste national du Canada, aliéner ou éliminer les documents d'un recensement, y compris les relevés individuels produits, à la condition que tous les renseignements y figurant aient été conservés sur un autre support d'enregistrement. Ce nouvel article précise aussi à quel moment Statistique Canada doit transférer les documents aux Archives nationales du Canada, premièrement les documents de chaque recensement de la population fait en vertu de l'article 19 et les documents de chaque recensement agricole fait en vertu de l'article 20; deuxièmement les documents de chaque recensement de la population et de chaque recensement agricole faits avant 1971.

Le projet de loi S-12 recommande que le transfert de documents aux Archives nationales du Canada ait lieu au cours des 30 années civiles suivant l'année d'un recensement. Il laisse par ailleurs aux ministères le soin de transférer les documents dans un délai inférieur s'ils s'entendent à ce sujet. Le transfert des documents des recensements faits avant 1971 doit avoir lieu dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de l'article proposé ou dans le délai inférieur dont conviennent les deux ministères. Cette mesure est conforme à l'article 6 de la Loi sur les Archives nationales du Canada.

Dès que les documents sont sous la garde et le contrôle de l'archiviste national du Canada, le statisticien en chef n'en est plus responsable. Les Archives nationales du Canada et l'archiviste national du Canada auraient alors l'entière responsabilité quant aux renseignements contenus dans les documents et à la communication de données de recensement.

Par conséquent, la deuxième partie de ce projet de loi modifie l'article 7 de la Loi sur les Archives nationales du Canada.

Le paragraphe 7.1 proposé du projet de loi S-12 reconnaît l'importance historique et archivistique permanente des renseignements figurant dans les documents en question et la nécessité de ne transférer, aliéner ou éliminer ces documents que si tous les renseignements y figurant ont été conservés sur un autre support d'enregistrement.

L'article 7.2 proposé reconnaît la promesse de confidentialité. Pendant que les documents sont sous la garde et le contrôle de l'archiviste national, dans les 92 ans après la tenue du recensement, les renseignements qu'ils contiennent ne peuvent être communiqués qu'au statisticien en chef du Canada et aux personnes autorisées par ce dernier par arrêté pris en vertu du paragraphe 17(2) de la Loi sur la statistique, ou de la manière autorisée par l'article 7.2 proposé. À l'expiration des 92 années civiles suivant le recensement, l'archiviste national rend les documents du recensement accessibles au public. Cela ne touche aucune disposition fournissant déjà l'accès aux renseignements avant l'expiration des 92 ans suivant l'année du recensement, conformément à la Loi sur la statistique. L'accès fourni par l'archiviste national 92 années civiles après le recensement est assujetti aux conditions raisonnables qu'il peut fixer et conforme à l'objet de la Loi sur les Archives nationales du Canada.

(1610)

La dernière modification apportée par le projet de loi S-12 à la Loi sur les Archives nationales du Canada introduit un processus d'opposition en vertu duquel l'archiviste national peut recevoir des avis écrits de personnes désirant que les renseignements qu'elles ont fournis pendant le recensement demeurent confidentiels. L'archiviste recevra ces avis d'opposition écrits la dernière année avant que ces renseignements puissent être communiqués. Le projet de loi S-12 établit un certain nombre de conditions à ces avis d'opposition. Outre le moment où il doit être soumis, l'avis doit contenir des détails suffisants pour permettre à l'archiviste de déterminer les renseignements personnels qu'il vise et si la communication de ces renseignements constituerait une intrusion injustifiée dans la vie privée de la personne qu'ils concernent. Si ces conditions sont satisfaites, l'archiviste ne divulguera pas les renseignements personnels visés dans l'avis d'opposition.

Lorsque, depuis le recensement, 92 années civiles se sont écoulées, l'archiviste rend publics tous les documents du recensement portant sur les personnes recensées qui n'ont pas exercé leur droit de s'opposer à la communication et qui ont donc irrévocablement consenti à ce que ces données soient rendues publiques.

Honorables sénateurs, presque toutes les nations civilisées de la planète conservent les données des recensements et les communiquent aux chercheurs en histoire après un laps de temps raisonnable, y compris certains pays où la vie privée est primordiale et les litiges nombreux, comme les États-Unis d'Amérique, qui ont pourtant, en 1982, rendu public leur recensement de 1910. Même dans la province du ministre responsable du recensement, tous les résultats des recensements, jusqu'à celui de 1945 inclusivement, sont mis à la disposition du public et cela, depuis un demi-siècle. Ces documents sont d'une importance capitale pour les Canadiens, non seulement pour des raisons familiales, mais pour des raisons médicales, démographiques et historiques.

Depuis la parution du rapport du groupe d'experts, je suis plus que jamais convaincu que le projet de loi S-12 réalise le juste équilibre entre toutes les questions étudiées dans le contexte de la communication des données du recensement. J'espère qu'aucun Canadien ne sera privé de ces données personnelles vitales qui appartiennent non seulement à l'État, mais aussi à ce Canadien en particulier.

Honorables sénateurs, cette question ne va pas disparaître. À l'heure actuelle, des comités sur le recensement ont été formés dans presque chaque province et territoire; ils font énormément de démarches auprès des politiciens — j'en ai été l'objet aujourd'hui même — et ils gagnent de plus en plus d'appuis.

Je veux souligner le rôle crucial qu'ont joué, dans cet essor de l'appui public, Mme Muriel Davidson, de Brampton, et son comité multilingue sur le Projet de recensement canadien; Gordon Watts, de Port Coquitlam, en Colombie-Britannique; Donald Nisbet, de Surrey, en Colombie-Britannique, et les nombreuses personnes qui se penchent sur la question et m'écrivent.

Aujourd'hui, j'ai présenté des pétitions portant 363 signatures. Au cours de la dernière année, j'ai présenté en cette Chambre plus de 1 800 signatures. À l'autre endroit, des pétitions portant plus de 6 000 signatures ont été présentées jusqu'à maintenant. Je le répète, cette question ne va pas se régler miraculeusement.

Honorables sénateurs, je compte sur votre appui.

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, la plaidoirie du sénateur est très intéressante et très persuasive. Je m'intéresse aux droits au respect de la vie privée et cette question me préoccupe sérieusement. Le sénateur pourrait-il nous dire précisément ce que l'on trouve dans un document de recensement? Dans quelle mesure un tel document dévoile-t-il ma vie, mon histoire, mes états financiers, mes enfants légitimes et illégitimes, et ainsi de suite? Le sénateur pourrait-il me dire ce qui se trouve dans les documents de recensement?

Le sénateur Milne: La question de l'honorable sénateur pique ma curiosité. Cependant, les questions contenues dans le recensement canadien sont demeurées essentiellement les mêmes depuis qu'il a été institué en 1861, lorsque le premier recensement assez complet a été tenu au Canada. Les questions sont demeurées les mêmes jusqu'en 1901 — et ces documents de recensement ont déjà été rendus publics sans absolument aucune réaction négative — et jusqu'en 1906, la première année de recensement dans l'Ouest, et jusqu'après la Seconde Guerre mondiale. Le recensement posait des questions d'ordre personnel — qui vous étiez, votre nom, le nombre d'enfants que vous aviez et le nom et l'âge de vos enfants.

Le sénateur Finestone: Et les questions d'ordre financier?

Le sénateur Milne: Non, le volet financier du recensement était habituellement lié au recensement agricole, où l'on demandait aux Canadiens la valeur de leurs cultures, combien d'acres de céréales ils avaient cultivées l'année précédente et ce que cela valait.

Les questions d'ordre financier ne faisaient pas partie du recensement. Les questions sont demeurées les mêmes jusqu'après le recensement de 1951. Quatre-vingt-douze ans après 1951, cela nous amènerait à 2043. Par conséquent, d'ici 2043, nous n'avons pas à craindre la divulgation de beaucoup de renseignements d'ordre personnel lorsque les données du recensement seront publiées. D'ici là, je suis persuadée qu'il y aura de nombreuses modifications à diverses lois concernant les renseignements d'ordre personnel, de telle sorte que je ne me préoccupe pas terriblement de ce qui arrivera après 2043. Je me préoccupe d'obtenir les données des recensements historiques qui existent maintenant dans le domaine public, où je crois qu'elles devraient être et où il a toujours été prévu qu'elles aboutiraient. Elles devaient être régies par les mêmes directives qui interdisaient aux recenseurs d'aller tout raconter à votre sujet à vos voisins et qui leur enjoignaient d'écrire bien lisiblement parce que ces documents devaient finir par être déposées aux Archives nationales du Canada où tout le monde pourrait les consulter. Il était clairement entendu à l'époque que ces documents de recensement finiraient par être rendus publics.

Le sénateur Finestone: J'ai deux questions complémentaires. Premièrement, qu'est-il arrivé après 1951 ou quel changement a-t- on apporté à la nature des données de recensement?

Deuxièmement, j'étais vice-présidente du Comité permanent des communications et de la culture de l'autre endroit vers 1985-1986 quand l'immeuble qui abrite les Archives nationales a subi de graves dommages. Nous nous sommes rendu compte de la nécessité de procéder à des réparations et de créer de nouvelles installations d'entreposage pour toutes ces merveilleuses archives. Nombre de ces documents manuscrits, qui sont magnifiques, se trouvent là-bas. J'y ai vu des documents datant des années 1840 et 1850. À cette époque, je ne me souviens pas avoir vu des documents plus personnels que ceux contenant le nom d'une personne, son adresse, le nombre d'enfants qu'elle a, le nom de ces enfants ou la qualité du bétail qu'elle possède. Honnêtement, compte tenu de tout ce qui se passe aujourd'hui, je crois qu'on protège davantage le bétail que les gens.

Je ne me souviens pas avoir vu des renseignements suscitant de graves préoccupations comme de l'information sur la répartition de ses avoirs financiers ou les relations au sein de sa famille. Il existe de graves préoccupations, honorables sénateurs, à propos de quels renseignements nous divulguons et de la question de savoir s'ils doivent devenir anonymes. En retirant ces renseignements ou en les rendant anonymes, nous respecterions le critère relatif au droit à la vie privée, ce qui avait été promis.

L'honorable sénateur a déclaré qu'on a dit que les documents du recensement étaient là pour être rendus publics. Je ne connais pas bien cette approche. J'aimerais être mieux informée à ce sujet. Cela pourrait peut-être se faire en comité.

Quand vous présentez une approche novatrice comme celle-là aux honorables sénateurs, il est important d'indiquer le contenu du recensement afin que nous puissions apaiser les craintes de bien des gens à propos des renseignements historiques et de l'information qui sera rendue publique en vertu des résultats du recensement.

(1620)

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, pour répondre à la première des deux questions, quelque temps après 1951, Statistique Canada a recouru pour la première fois à un formulaire individuel, au lieu de consigner le nom de chaque membre d'une famille dans le même formulaire. Comme il a opté pour des formulaires individuels, la recherche d'un nom dans le recensement deviendra extrêmement difficile à l'avenir.

Voilà la principale modification qui a eu lieu après 1951, en plus du fait que Statistique Canada a commencé à poser des questions beaucoup plus indiscrètes. Je crois qu'il posait ces questions pour vendre les résultats à la population. Statistique Canada fait du marketing. Il vend maintenant des résultats d'ensemble; il ne vend pas des résultats individuels.

Dans 40 ans, cette pratique deviendra une préoccupation pour les chercheurs. Je suis d'accord avec le sénateur à cet égard. En ce qui concerne les questions de recensement qui seront posées d'ici là, je suis disposée à documenter toutes ces questions. Nous pourrons en discuter pleinement en comité et informer les sénateurs que les questions posées auparavant n'étaient pas indiscrètes et n'ont pas été modifiées.

Les questions du recensement de 1901 ont déjà été rendus publiques; elles étaient assez identiques à celles du recensement de 1911. Il n'y avait pas de modification.

La loi n'a pas été modifiée entre ces deux années. Pourquoi le recensement de 1901 a-t-il été rendu public sans aucun problème ni aucune préoccupation, mais que, tout à coup, le recensement de 1911 ne peut pas être rendu public? Je ne comprends pas cela.

Le sénateur invoque le droit au respect de la vie privée qu'on avait promis d'observer. Cette promesse est un mythe. Il n'a jamais été promis de protéger le droit au respect de la vie privée. De grands cerveaux de tout le pays examinent cette question depuis trois ou quatre ans et n'ont encore trouvé aucune preuve d'une promesse faite par le gouvernement Laurier de protéger le droit au respect de la vie privée.

Il y a trois ou quatre jours, le gouvernement a reçu une demande d'accès à de l'information. Il doit y répondre dans les 30 jours. On demande la preuve que le gouvernement a promis de protéger ce droit au respect de la vie privée. Il sera très intéressant de voir si on pourra découvrir cette preuve car, jusqu'ici, personne n'a pu le faire. Cette promesse est un mythe.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, je voudrais présenter une brève observation, puis poser une question au sénateur Milne.

Au cours de la déclaration du sénateur et de l'échange qui a suivi, j'ai songé à quel point notre Chambre joue un rôle précieux en s'occupant de ces choses dont nous discutons, de questions qui sont importantes pour la société canadienne et pour comprendre le passé, le présent et l'avenir du Canada. Des questions aussi importantes que celles-là intéressent énormément et à juste titre le Sénat, mais elles ne trouveraient probablement aucun défenseur à l'autre endroit parce qu'on n'a pas besoin de telle ou telle somme pour faire les semailles en avril, par exemple. Il importe énormément que les sénateurs prennent le temps d'approfondir cette question.

J'ai une autre observation à présenter sur la question du respect de la vie privée qu'a soulevée le sénateur Finestone. Il est probablement vrai qu'on ne s'est pas engagé à respecter la vie privée. Lorsque j'ai fait mon droit, j'ai compris — et tous les juristes d'ici et d'ailleurs me corrigeront si je m'abuse — qu'il n'existe pas de droit au respect de la vie privée en common law. C'est pourquoi on a prévu des lois à cet égard. Il n'existait aucun droit inhérent au respect de la vie privée dans la common law de la Grande-Bretagne ou de ses colonies. Le sénateur Grafstein me regarde. Néanmoins, il vaut la peine de trouver cet engagement, car le droit au respect de la vie privée risque fort de ne pas être compris dans nos droits inhérents.

Le sénateur a parlé d'appels qui sont interjetés afin d'empêcher la diffusion de renseignements. L'archiviste national en décidera lorsqu'il aura entendu toutes les argumentations. Je n'ai pas consulté la Loi. Peut-on interjeter appel de la décision de l'archiviste national? Sinon, je suppose que le seul recours est par l'intermédiaire du système judiciaire habituel. Y a-t-il une commission devant laquelle on peut interjeter appel?

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, le sénateur Bryden a parfaitement raison de dire que la notion de droit au respect de la vie privée n'existe pas dans la common law britannique. À moins que cela ne soit mentionné expressément, le droit au respect de la vie privée n'existe pas. Dans ce cas, la Loi d'origine est muette à ce sujet et, par conséquent, le droit au respect de la vie privée n'existe pas. Le projet de loi mentionne cependant que l'archiviste ne doit communiquer aucun renseignement personnel après avoir reçu un avis d'opposition valide à la divulgation de cette information.

Non, je n'ai pas prévu dans ce projet de loi de mécanisme d'appel. Il serait vraisemblablement très difficile de trouver quelqu'un qui voudrait interjeter appel, car, si une personne sur 30 millions de Canadiens s'y oppose, il est très difficile de laisser savoir à tout le monde que cette personne en particulier s'est opposée à la divulgation de leurs renseignements.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, vous m'excuserez, mais je n'ai pas entendu la totalité du débat. Je viens d'entendre l'ex-présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles laisser entendre au Sénat qu'il n'existe pas de droit au respect de la vie privé dans la common law. Je ne discuterai pas de cette question aujourd'hui, mais nous sommes certainement appelés à au moins l'examiner.

La seule chose qui me vient à l'esprit maintenant, c'est un long traité du juge Brandice au sujet du droit au respect de la vie privée. Je pense que cet article a été rédigé dans les années 20 ou peut-être dans les années 30. Il s'agissait d'une étude approfondie des origines du droit au respect de la vie privée. Je vais rapporter cet article au Sénat, mais je ne voulais pas écouter les observations de nos collègues sans au moins dire que la question mérite d'être approfondie, comme l'ont mentionné les honorables sénateurs.

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, je crois avoir dit qu'il n'y a pas de droit inhérent au respect de la vie privée.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je me demande si le sénateur Milne pourrait nous expliquer la différence entre le droit au respect de la vie privée et le droit inhérent au respect de la vie privée.

Le sénateur Milne: Pour l'instant, je n'irai pas plus loin.

(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Murray, le débat est ajourné.)

[Français]

(1630)

LE SÉNAT

ADOPTION DE LA MOTION VISANT À MODIFIER LE RÈGLEMENT AYANT TRAIT AU COMITÉ MIXTE DES LANGUES OFFICIELLES

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gauthier, appuyée par l'honorable sénateur Corbin,

Que le paragraphe 86(1) du Règlement du Sénat soit modifié:

1. par la suppression de l'alinéa e);

2. par l'insertion immédiatement après l'alinéa q) du nouvel alinéa suivant:

«Le comité sénatorial des langues officielles, composé de sept membres, dont quatre constituent un quorum, auquel peuvent être renvoyés, sur décision du Sénat, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant les langues officielles.»; et

3. par les changements de désignation des alinéas qui en découlent.

Que, nonobstant le paragraphe 85(3) du Règlement, la liste des sénateurs membres du Comité mixte permanent des langues officielles soit annulée; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, mon intention était d'appuyer la motion du sénateur Gauthier demandant au Comité des privilèges, du Règlement et de la procédure d'étudier cette motion visant à créer un comité sénatorial permanent des langues officielles.

Cependant, l'avis de motion présenté plus tôt aujourd'hui ne semble pas considérer cette proposition. Il prévoit plutôt la création de nouveaux comités, soit le Comité de la défense et de la sécurité et le Comité des droits de la personne. Étant donné que les arguments du sénateur Gauthier sont très valides, je suis désolé de voir que l'autre côté du gouvernement semble avoir rejeté sa proposition.

Je ne veux toutefois pas minimiser l'importance de ces deux nouveaux comités, mais pour certains d'entre nous, les langues officielles sont également importantes. Je propose donc une motion d'amendement à la motion présentée par le sénateur Gauthier.

[Traduction]

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Oliver, qu'on ajoute, après le mot «que», ce qui suit:

«le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure étudie la proposition suivante:

Que».

[Français]

Tel que cela apparaît à la première ligne de la motion du sénateur Gauthier.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la modification proposée à la motion?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion modifiée?

Des voix: D'accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

QUESTION DE PRIVILÈGE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous avons maintenant terminé avec les travaux prévus à l'ordre du jour. Le sénateur Cools a donné verbalement avis d'une question de privilège, que le greffier du Sénat a fait circuler par écrit.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, plus tôt aujourd'hui, comme vous le savez, j'ai donné avis que je soulèverais une question de privilège concernant le calendrier des réunions des comités. Je fonde cette question sur le privilège parlementaire bien établi selon lequel le Sénat et ses comités ont le droit de s'attendre à ce que leurs membres soient présents et, inversement, un sénateur a le droit de participer aux activités du Sénat et de ses comités. La présence est un des plus vieux et des plus importants privilèges. Après tout, on estime que le Sénat a le droit de compter sur la présence et les services de ses membres. La présence des sénateurs constitue un privilège absolu et est protégée par l'immunité.

Ma question fait suite à des avis reçus de deux comités dont je fais partie. Les avis reçus à mon bureau indiquent que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et le Comité sénatorial permanent des finances nationales devaient tous deux se réunir le mercredi 21 février 2001, à 15 h 30, ou au moment où le Sénat ajourne. Le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit régulièrement à 15 h 30, de sorte que cela ne pose pas de problème. Toutefois, le Comité des finances nationales se réunit régulièrement à 17 h 45. Par conséquent, le comité où il y avait un changement était le Comité des finances nationales.

J'ai soulevé la question de privilège à cause du caractère arbitraire de la modification d'horaire, et c'est à ce sujet que j'avais l'intention de demander l'opinion de la présidence. Cependant, j'ai été devancée par les événements: le problème a été réglé à ma satisfaction, puisque le privilège des sénateurs d'assister aux séances de comités, ainsi que mes privilèges personnels, seront respectés.

Son Honneur le Président: J'ai écouté attentivement, sénateur Cools. L'honorable sénateur retire-t-elle la question de privilège?

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, si Son Honneur me laisse terminer, il me fera plaisir de dire que je le fais.

Je disais donc que j'ai en main un nouvel avis de convocation du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il précise que, le mercredi 21 février 2001, ce comité se réunira 45 minutes après la fin de la séance du Sénat, et cela dissipe mes inquiétudes. À ce propos, je tiens à remercier les honorables sénateurs Carstairs, Robichaud, Murray et Finnerty.

Mon problème particulier a été réglé, mais il peut y en avoir d'autres du même ordre. Je ne vois pas au juste comment aborder la question.

Honorables sénateurs, le problème que j'ai soulevé a été réglé à ma satisfaction.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la question de privilège est l'une des plus graves qu'on puisse soulever au Sénat. Avant de céder la parole à d'autres sénateurs, je vais résumer. Je crois comprendre que l'honorable sénateur a réglé tout problème qui aurait pu mettre en cause ses privilèges, nécessiter un appel aux honorables sénateurs et faire l'objet d'une motion, d'un renvoi à un comité ou d'une décision de la présidence.

Aux termes de notre Règlement, tel que je le comprends, les honorables sénateurs sont tenus de se saisir de la question s'il y a atteinte aux privilèges d'un sénateur. Dois-je comprendre que l'honorable sénateur ne soulève pas la question de privilège pour un problème qui lui est particulier, mais pour une situation hypothétique ou concrète mettant en cause les privilèges d'autres sénateurs?

(1640)

Le sénateur Cools: Non, je ne soulève pas une question hypothétique. Je parle du phénomène important qu'on retrouve dans la convocation que tous les honorables sénateurs reçoivent lorsqu'ils sont appelés au Sénat. Elle est signée par le Gouverneur général et dit en partie ceci:

ET Nous vous ordonnons de passer outre à toute difficulté ou excuse et de vous trouver en personne, aux fins susmentionnées, au Sénat du Canada en tout temps et en tout lieu où Notre Parlement pourra être convoqué et réuni, au Canada, sans y manquer de quelque façon que ce soit.

Fondamentalement, je dis que mon problème personnel a été réglé, mais qu'il y a encore un problème dans le calendrier de ces séances de comité. On m'a dit tout à l'heure qu'il y a plusieurs autres réunions de comité qui se chevauchent et qu'il y a plusieurs conflits d'horaire. Cependant, je dis également que le Règlement du Sénat nous force à défendre nos privilèges, un point c'est tout.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai trois choses à dire. Tout d'abord, la question de privilège dont on nous a donné préavis et qui a été soulevée après l'Ordre du jour porte sur les privilèges du Sénat et non d'un sénateur. La question de fond, c'est que les sénateurs font face à un obstacle direct s'ils sont dûment affectés par le Sénat en tant que membres de deux ou trois comités et que ces comités se réunissent en même temps. On a donné avis que demain après-midi, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le Comité sénatorial permanent des finances nationales, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunissent tous à 15 h 30.

J'en déduis que le sénateur Cools avait un problème, car elle siège au Comité sénatorial permanent des finances nationales et au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Il semble que le problème de notre honorable collègue ait été réglé à la suite de discussions avec le leader du gouvernement au Sénat. J'ignore pourquoi le leader du gouvernement au Sénat détermine le moment où les comités se réunissent. On n'en parle pas dans le Règlement. Quoi qu'il en soit, le problème qui se pose en ce qui concerne la question des privilèges touche tous les honorables sénateurs.

Nous pouvons régler la question en en discutant brièvement maintenant, sans avoir à pousser plus loin. Je crois que, ce que tous les honorables sénateurs veulent faire valoir, c'est que pour éviter une atteinte au privilège parlementaire, nous ne pouvons permettre que les mêmes comités dont des sénateurs sont membres en règle ne siègent en même temps. Ainsi, d'après les avis reçus cet après-midi, le sénateur Kirby devra être présent demain après-midi aux séances du Comité des affaires sociales et du Comité des finances nationales. Madame le sénateur Hervieux-Payette doit être présente aux séances du Comité des finances nationales et du Comité des banques et du commerce. Trois sénateurs subiraient ainsi une atteinte à leur privilège.

Je crois que le problème pourrait être évité, pour peu que les greffiers fassent un examen un peu plus rigoureux de la composition des comités. Je m'empresse d'ajouter qu'en ce qui concerne les questions touchant le privilège, il existe une distinction entre le privilège du Parlement et le privilège personnel. À la Chambre des lords, dont le Sénat canadien est le prolongement, les privilèges des pairs ont à toutes fins utiles disparu et il ne reste que le privilège du Parlement. Le Règlement de la Chambre des lords énonce clairement les critères qui régissent le privilège du Parlement et énonce clairement, à la page 213, les règles touchant l'empiètement sur les périodes de séance des comités.

Les greffiers auraient pu régler ce problème, aussi bien dans le cas du sénateur Cools que pour d'autres sénateurs, en faisant preuve d'un peu plus de vigilance, afin d'éviter les conflits d'horaires entre comités. Il était important pour l'opposition de soulever ce point et l'on peut espérer que cela contribuera à régler le problème.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de soumettre la question à Son Honneur pour qu'elle l'examine plus en profondeur. Je suis heureuse que la direction de mon parti soit intervenue en mon nom et qu'une solution satisfaisante ait été trouvée. Je suis convaincue, comme le sénateur Kinsella, que le fait d'avoir soulevé la question devrait grandement contribuer à résoudre les autres problèmes.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'en conclus qu'il n'est plus nécessaire de poursuivre l'examen de la question de privilège et que le Sénat a été saisi de la question par un avis dûment présenté par le sénateur Cools.

L'IMPORTANCE HISTORIQUE DE PROCLAMER FÉVRIER LE MOIS DE L'HISTOIRE DES NOIRS

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Donald H. Oliver, ayant donné avis le 6 février 2001:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur l'importance historique pour les Canadiens de la désignation de février comme Mois de l'histoire des Noirs.

— Honorables sénateurs, c'est pour moi un privilège de prendre la parole sur cette question importante. J'aimerais commencer en rappelant un crime qui s'est produit aux États-Unis au mois de juin 1998. Trois jeunes blancs avaient lié les chevilles d'un Noir avec une chaîne et l'avaient attaché derrière leur camion; ils l'ont ensuite traîné jusqu'à ce que mort s'ensuive. Cet homme s'appelait James Byrd. M. Byrd a été traîné sur cinq kilomètres sur une route de campagne. Il est mort d'une mort horrible. Il a été écorché vif, son bras droit, son cou et enfin toute sa tête ont été arrachés. Les derniers moments de James Byrd sur cette terre n'ont eu aucun témoin. Ils ont été perdus dans le rugissement des moteurs, le crissement des pneus, la bière et le rire entre copains.

James Byrd était un homme tranquille. Il avait une famille. C'était un frère, un oncle et un fils. Il a trouvé soudainement la mort, déchiqueté et mis en morceaux, son corps abandonné dans un fossé le long d'une route de campagne dans l'est du Texas.

La scène que je viens de décrire à votre intention n'est pas belle. Le racisme l'est rarement. Si j'ai parlé de ce qui est arrivé ce jour-là au Texas, c'est que cet incident va droit au coeur de ce qui pour moi est la raison d'être du Mois de l'histoire des Noirs.

Le Mois de l'histoire des Noirs est plus que la célébration de la culture noire et de la contribution des Noirs à notre pays. C'est un rappel annuel que notre quête d'égalité et de respect est loin d'être terminée. C'est une ficelle autour de nos doigts collectifs qui nous dit que nous devons continuer à lutter contre le racisme, à faire éclater les stéréotypes faux et pernicieux, et à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour établir une relation de véritable égalité avec les Blancs.

Le Mois de l'histoire des Noirs est également, ou du moins devrait être, une période de réflexion. Nous devrions tous nous poser cette question: «Que puis-je faire pour améliorer la condition des Noirs, et, en fait, de toutes les minorités visibles ici au Canada et à travers le monde?»

Honorables sénateurs, nous pouvons tous nous entendre pour dire que les tristes événements du Texas n'auraient jamais dû se produire. Il y a des lois qui interdisent qu'on traîne les gens jusqu'à ce que mort s'ensuive, il y a des codes juridiques, et il y a des lois morales, ou du moins je le pensais.

(1650)

La triste vérité est qu'il y a une limite à ce que peut faire la loi. La loi peut contrôler le comportement, mais que peut-elle faire face aux attitudes? Bien peu. Les attitudes qui incitent les gens à commettre des crimes, comme celui de mener un innocent à la mort, ne peuvent être changées que par l'éducation et l'élimination de l'ignorance et de la peur.

Comment y parvenir? C'est possible, à la condition de déployer des efforts déterminés, concertés, positifs et soutenus. Si l'on veut débarrasser sa société de l'ignorance et de la peur qui conduisent au racisme, on doit oeuvrer au sein de cette société. Il faut participer. Il faut préconiser le changement. Il faut informer et éclairer ses amis, ses collègues, ses voisins et ses concitoyens. Il faut refuser d'être marginalisé. Bref, il faut exiger de pouvoir prendre sa place comme citoyens.

Honorables sénateurs, j'ai grandi dans une petite ville rurale de la Nouvelle-Écosse. Mon père était concierge à l'université de l'endroit — l'Université Acadia. Wolfville était une ville typique de la Nouvelle-Écosse. En fait, c'était une ville typique du Canada. Presque tout le monde était de race blanche et il y a avait ici et là, à la périphérie de la ville, quelques groupes de race noire et d'autre minorités visibles.

La diversité n'était pas chose courante à l'époque. Pour la plupart des gens, le Canada était un pays dont les habitants, de race blanche et de langue anglaise, craignaient Dieu. C'était une sorte de American Graffiti, mais avec de la neige. Le racisme était une réalité pour les Noirs de partout, en particulier de la Nouvelle- Écosse. Les gens sont souvent étonnés de m'entendre dire cela. Ils ignorent que ce n'est pas seulement au Mississipi et en Alabama que les Noirs étaient isolés, exploités et harcelés, qu'on les appelait des «nègres» et pire encore, qu'on leur niait des services et des droits fondamentaux.

Honorables sénateurs, je me permets de citer un petit exemple, parmi les centaines que j'ai en tête. À l'âge de 20 ans, j'avais décidé d'emmener ma famille — ma mère, mon père et mes soeurs — dans un grand restaurant à Halifax pour célébrer un événement familial. Nous avions tous mis nos habits du dimanche. Une fois les cérémonies terminées à l'Université Acadia, nous sommes montés dans l'auto pour faire les 60 milles jusqu'au restaurant à Halifax. Nous avons attendu et attendu. Au bout d'un certain temps, tout le monde autour de nous avait été servi. Nous avons attendu encore. Finalement, le gérant s'est approché de nous et, je l'entends encore aujourd'hui, il nous a dit simplement: «On ne sert pas de nègres ici.»

Depuis que j'ai terminé mes études à l'Université Acadia, la palette des habitants du Canada a pris de nouvelles teintes. Aux Blancs jadis omniprésents sont venus s'ajouter des gens à la peau noire, brune, rouge et jaune. Bref, notre mosaïque a changé. Elle s'est diversifiée.

La diversité croissante qui caractérise le Canada est excellente pour tous. Elle favorise la tolérance. Elle mène à une plus grande ouverture d'esprit; elle est à l'origine d'une meilleure compréhension et d'une plus grande prise de conscience; elle favorise la compassion. La diversité favorise aussi le développement économique et la création de débouchés, sans compter qu'elle aide à promouvoir l'égalité et la paix sociale. La diversité qui caractérise le Canada est une bonne chose pour notre pays.

Dans un article publié en juillet dans la revue Silicon Valley North, on pouvait lire entre autres ceci:

Le Canada joue à deux jeux compliqués: l'un qui consiste à se doter d'une culture de l'apprentissage, l'autre à développer une économie du savoir. Ces deux jeux se jouent au niveau local et au niveau mondial, et sans le savoir, le Canada pourrait bien avoir l'avantage dans les deux cas.

Faisant référence au jeu de société d'un niveau plus élevé, John Ralston Saul a récemment déclaré à une conférence intitulée «La distinction canadienne au tournant du XXIe siècle», organisée à l'Université d'Ottawa, que les Canadiens étaient experts pour ce qui est d'englober les meilleurs éléments d'autres cultures sans pour autant compromettre la leur. Le Canada est le pays le moins européen du monde et le plus américain de l'Amérique du Nord. Le fait de pouvoir ainsi s'adapter est un signe de confiance en soi.

Cette même semaine, lors d'une table ronde sur la diversité, l'apprentissage et la créativité, présidée par Norman Moyer, sous- ministre adjoint, on a dit que le fait de favoriser l'innovation était un avantage comparatif sur le plan économique. Dans une économie basée sur le savoir, la diversité peut être considérée comme une importante ressource. C'est une ressource potentielle d'idées, d'attitudes, de visions et de perspectives nouvelles ainsi que de défis et de débouchés nouveaux. Une société qui a appris à s'accommoder de la diversité — voire à s'épanouir au sein de cette diversité — a déjà fait un grand pas pour ce qui est de se doter d'une culture d'apprentissage menant à l'innovation.

Comme nous l'a rappelé John Ralston Saul:

Ils ont donc peut-être raison de tabler sur leur diversité. Étant donné que nous sommes situés à proximité d'une grande économie, nous devons, si nous voulons gagner, bâtir une société fondée sur notre diversité culturelle et une politique d'inclusion. La diversité est une bonne mesure écologique de la vitalité et du ressort.

Notre force réside donc dans notre diversité.

Lorsque je regarde autour de moi aujourd'hui, honorables sénateurs, je vois des festivals antillais, des Sikhs en turban et des maisons construites en fonction des principes du feng shui, et c'est bien. Ce sont là des contributions constructives à l'évolution des Canadiens et de la société canadienne. Elles nous aident à abattre de nombreux obstacles découlant de la méfiance et de la peur qui ont déjà permis à l'ignorance et aux préjugés de prospérer. Les gens ont commencé à se rendre compte qu'on peut être différent sans être pour autant mauvais ou méchant.

Bien sûr, tout n'est pas parfait. Rien n'est jamais parfait. Le racisme demeure. On continue de s'opposer au changement. Certaines de nos institutions nationales parmi les plus importantes continuent de piétiner lorsqu'il s'agit d'établir une main-d'oeuvre variée, moderne et représentative.

Prenez le Parlement du Canada, honorables sénateurs! Regardez autour de vous, ou prenez des institutions comme la fonction publique du Canada! Cela fait vingt ans que la fonction publique examine la question de la représentation des minorités visibles. Lorsqu'elle a commencé, il n'y avait presque pas de Noirs dans la fonction publique fédérale. En fait, il n'y avait à peu près pas de non-Blancs, quels qu'ils soient. Aujourd'hui, en dépit du discours et du travail acharné de personnes bien intentionnées, la situation est encore loin d'être idéale. On peut compter sur les doigts de la main les membres de minorités visibles qui occupent un poste vraiment influent dans toute la fonction publique du Canada.

Pourtant, honorables sénateurs, je conserve l'espoir. J'ai eu l'honneur de collaborer, à ma modeste manière, avec le greffier du Conseil privé, Mel Cappe, à la mise en oeuvre de recommandations visant à supprimer des barrières systémiques. Il y a vingt ans, voire seulement dix, cela n'aurait pas été possible.

L'échec de la fonction publique à se diversifier a plusieurs causes. Le racisme en est évidemment une, probablement très importante, mais ce n'est pas le seul. L'absence quasi totale des minorités visibles dans notre culture populaire en est une autre qui vient vite à l'esprit.

Regardez autour de vous, honorables sénateurs! Combien d'universités ont un président noir? Combien de grandes sociétés ont un président-directeur général noir? Combien de présentateurs de télévision sont Noirs? Combien d'émissions canadiennes mettent en vedette des familles noires? Combien de politiciens sont des membres de minorités visibles?

Les minorités visibles ne sont aucunement représentées dans nos symboles nationaux. À ma connaissance, aucun monument national ne commémore le souvenir ni le travail de membres de minorités visibles.

Il s'ensuit que notre présence et notre contribution à la société canadienne demeurent largement inconnues et méprisées. Comme nous n'avons aucune présence nationale, notre influence est minime. Sans influence, nous ne pouvons pas apporter beaucoup de changement. Nous participons peu aux décisions qui nous touchent.

Si nous comptons occuper la place qui nous revient de droit en tant que citoyens de ce pays, nous devrons insister plus lourdement pour que s'opère un changement. Nous devrons insister constamment, avec vigueur et détermination. Une société tolérante ne peut se matérialiser du jour au lendemain. Nous devons en provoquer l'existence. La diversité ne s'installe pas du jour au lendemain. Nous devons y travailler.

En Nouvelle-Écosse, beaucoup de Noirs dévoués se sont investis à fond dans la réalisation de cet objectif — des personnes comme l'acteur Walter Borden, des poètes comme Maxine Tynes et David Woods, le romancier Fred Ward, et la cinéaste Sylvia Hamilton. Toutes ces personnes de talent ont beaucoup fait pour que disparaissent les nombreux mythes et stéréotypes qui stigmatisent les Noirs. Ils ont sensibilisé les Blancs à la communauté noire et à l'importance et à l'opportunité de bâtir une société basée sur la tolérance et la diversité.

George Elliot Clark est un Néo-Écossais qui a été particulièrement actif à cet égard. Poète, auteur, cinéaste et éducateur, Clark a passé sa vie à étudier la culture et le patrimoine des Noirs de la Nouvelle-Écosse. L'importance de l'oeuvre de George Elliot Clark réside dans le fait qu'elle fait découvrir à la nation canadienne l'expérience noire. Grâce à lui, les Blancs sont de plus en plus nombreux à être sensibles au fait noir au Canada. Bien entendu, Clark n'est pas seul. Beaucoup d'autres méritent la même reconnaissance, notamment Austin Clarke et Dany Laferrière.

(1700)

Les intellectuels comme George Clark sont importants en ce qu'ils incitent à penser aux Noirs. Ils nous donnent conscience de l'existence du fait noir au Canada. Ils sensibilisent les Blancs à l'importance et à la richesse de l'histoire et de la culture des Noirs. Ils sont à l'avant-garde d'une société marquée au sceau de la diversité, les troupes de choc, en quelque sorte, du Canada dont hériteront nos enfants.

Voici un exemple. La plupart des gens croient que la Révolution française a commencé avec la prise de la Bastille, en 1789. En réalité, la révolution avait été amorcée des années auparavant, chez les artistes et les intellectuels de France. À mesure que les excès de l'ancien régime s'accumulaient, les Français devenaient de plus en plus insatisfaits du statu quo, mais ils ne pouvaient faire entendre cette insatisfaction. C'est là que les poètes, les auteurs de pièces de théâtre et les écrivains sont entrés dans la partie. Ce sont eux qui ont synthétisé et fait connaître l'insatisfaction des gens. Ils ont propagé le message. Ils ont exprimé le désir pour le changement qui ne se reflétait nulle part dans la culture officielle. Tout cela a eu lieu bien avant que les gens ne montent aux barricades. Par conséquent, lors de la prise de la Bastille, un consensus public existait déjà à cet égard.

Le même processus se déroule au Canada. George Clark, Dany Laferrière et le reste de l'élite intellectuelle noire sont en train de faire entrer les pensées et les désirs des Noirs dans la conscience commune. Ils offrent une voie par laquelle notre désir commun pour le changement peut être exprimé. Les Blancs commencent à en apprendre davantage à notre sujet. Ils apprennent notre désir pour une société diversifiée où nous sommes tous acceptés et où nous vivons et travaillons tous ensemble.

En terminant, honorables sénateurs, permettez-moi de citer les propos formulés la semaine dernière par M. Clark au sujet du Mois de l'histoire des Noirs. Il a déclaré:

Le Mois du patrimoine africain est une célébration rédemptrice, un temps pour les occidentaux d'honorer les contributions qu'ont apportées les soi-disant nègres à la civilisation humaine (occidentale) depuis je ne sais quand jusqu'à 2001 (le calendrier Xian). C'est le temps de célébrer les héros et les héroïnes, les chefs de file, les génies, les riches et les célèbres. Ils sont des exemples en chair et en os de la façon dont les Africains ont surmonté — et surmonteront toujours — les pièges et les obstacles.

Mais qu'en est-il des victimes, des disparus, des pourchassés et des faussement accusés, emprisonnés et exécutés? Y a-t-il de l'espace dans notre mémoire collective pour ceux qui se sont battus et qui n'ont pas gagné et pour ceux qu'on a empêchés de façon violente de progresser?

Parfois, je sais, c'est mieux de ne pas se rappeler.

Cependant, permettez-moi de dire ceci. Comme les lois du Texas, ces gens ne peuvent pas tout faire. Nous avons un rôle à jouer. Il nous incombe à nous tous au Sénat de contribuer à répandre l'idée que la diversité est importante et souhaitable.

J'ai souvent, et j'en suis fort heureux, l'occasion de parler à des groupes de jeunes. J'aime leur parler de l'importance de la diversité. Je leur explique ce qu'est une société diversifiée et dynamique. C'est une société qui est tournée vers l'avenir, une société qui met à profit tout son potentiel. C'est un endroit où la coopération est fondée sur le talent et où l'accomplissement et le potentiel sont plus importants que la couleur de la peau, le lieu d'origine ou le réseau de vieux amis.

Pour participer à l'édification d'une telle société et en bénéficier, je leur dis de saisir toutes les occasions qui s'offrent à eux. Je leur dis d'étudier beaucoup, de travailler fort, de s'instruire le plus possible, de toujours essayer de se dépasser, de ne jamais accepter la défaite et de prendre la place qui leur revient dans la société. Il est à souhaiter qu'ils m'écoutent, car si nous voulons édifier une société diversifiée, nous devons être prêts à jouer notre rôle. C'est nous qui exerçons des pressions pour changer le statu quo, alors nous devons être prêts à aller plus loin. C'est possible. Avec du travail acharné et la foi, je pense que tout est possible.

Honorables sénateurs, je vous exhorte tous, ici, aujourd'hui, à participer à l'édification d'une société vraiment diversifiée, pour l'amour de nos enfants et des Canadiens.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

L'HYMNE NATIONAL

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Vivienne Poy, ayant donné avis le 6 février 2001:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur l'hymne national.

— Honorables sénateurs, je veux porter à votre attention une omission, une grave omission dans notre hymne national, un hymne qui est le symbole puissant de notre attachement au Canada.

Malheureusement, dans sa forme actuelle, notre hymne exclut plus de la moitié des citoyens de notre pays. Je veux évidemment parler de la troisième ligne de la version anglaise qui est ainsi libellée: «true patriot love in all thy sons command». J'invite ceux d'entre vous qui feront valoir que les mots ont peu d'importance à imaginer simplement la réaction des gens si l'hymne était ainsi rédigé: «in all thy daughters command».

L'hymne national est indiscutablement un symbole important qui fait partie intégrante de notre patrimoine collectif. En fait, la version anglaise de notre hymne national est fondée sur des paroles qui datent de 1908. C'est Robert Stanley Weir, un juge de Montréal, qui a composé le vers «in all thy sons command» en l'honneur du 300e anniversaire de la fondation de la ville de Québec. La version de M. Weir a par la suite été publiée officiellement pour le Jubilé de diamant de la Confédération en 1927 et elle a généralement été acceptée parmi les Anglo-Canadiens.

Weir était à l'image de l'époque où il vivait. En écrivant «in all thy sons command», il décrivait les relations qui existaient entre les sexes en 1908. Même si les femmes avaient manifesté pour obtenir le droit de vote à la fin du XIXe siècle, elles n'avaient pas le droit de voter à cette époque-là. Elles étaient principalement des ménagères et des mères de famille, et, à l'exception des femmes pauvres, elles n'étaient pas sur le marché du travail.

Les femmes ne participaient ni à la politique ni à la défense du pays, et elles attendaient de leurs maris et de leurs fils qu'ils défendent leurs intérêts publics. En ce sens, les paroles de Weir décrivent bien l'importance des «fils» dans une société aussi patriarcale.

Cependant, le mouvement des suffragettes, au début du XXe siècle, a placé les Canadiennes sur la voie du changement. Les femmes ont eu le droit de voter aux élections fédérales du 24 mai 1918. En 1921, Agnes Macphail est devenue la première femme à accéder au rang de député. Comme nous le savons tous, dans la décision sur l'affaire «Personne», en 1929, les femmes ont été déclarées admissibles à une nomination au Sénat. L'année suivante, Cairine Wilson est devenue la première femme à être nommée sénateur.

Entre 1908 et les années 60, le mouvement féministe a réalisé d'énormes progrès au Canada, mais les femmes étaient toujours exclues en grande partie des postes de pouvoir, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. À la fin des années 60, lorsqu'un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes a examiné une nouvelle fois la version anglaise de l'hymne national, il a recommandé de modifier certaines paroles, mais n'a pas semblé s'inquiéter de l'expression «in all thy sons command».

Depuis lors, je crois que nous reconnaissons tous que les rapports entre hommes et femmes ont changé énormément au pays. Dans notre société, les femmes jouent maintenant des rôles plus équitables par rapport aux hommes. En 1999, environ 60 p. 100 des Canadiennes travaillaient à l'extérieur du foyer; elles représentaient près de 50 p. 100 de la population active totale.

Aujourd'hui, les femmes sont plus instruites que jamais. Grâce à notre éducation et aux changements sociétaux, nous occupons de plus en plus d'emplois professionnels dans des domaines traditionnels et non traditionnels.

De nos jours, les femmes sont actives dans les forces armées. Sur la scène politique, elles occupent maintenant le tiers des sièges au Sénat et le cinquième des sièges à la Chambre des communes.

En 1980, lorsque le projet de loi C-36, la Loi sur l'hymne national, a été débattu au Parlement, on a souligné durant les débats que la formulation ne reflétait pas exactement la réalité de la société canadienne. Le 27 juin 1980, lorsque le projet de loi C-36 a été adopté à l'autre endroit, puis au Sénat, et a reçu la sanction royale le même jour, certains ont exprimé des réserves à son sujet.

(1710)

Cependant, devant l'incertitude générée par le référendum au Québec, en mai 1980, on a voulu affirmer notre patriotisme et renforcer nos symboles nationaux. Alors qu'on pensait généralement qu'il fallait adopter un hymne national, la Loi sur l'hymne national a obtenu la sanction royale parce qu'il a été convenu qu'un comité se pencherait ultérieurement sur les paroles afin de les modifier. Le compte rendu des débats montre que les députés et les sénateurs ont rangé leurs éventuels amendements et leurs inquiétudes en tenant pour acquis que des changements seraient apportés à notre hymne peu après l'adoption du projet de loi.

Malheureusement, l'hymne national est resté tel quel, malgré la grande controverse sur sa formulation. Le débat portait principalement sur les mots «thy sons», dans le texte anglais.

Le projet de loi C-247 fut la première tentative de modification de ces mots dans notre hymne national et il a été présenté à l'autre endroit en juin 1984. Il fut suivi par le projet de loi C-243, en juin 1985, le C-251, en octobre 1985, le C-232, en octobre 1986, le C-439, en 1993 et le C-264, en 1994.

Bien que la formulation proposée varie, l'intention des députés, elle, ne variait pas. Chacun de ces projets de loi visait à modifier la formulation de la version anglaise de l'hymne national en vue d'en retirer toute mention sexiste. Chacun de ces projets de loi a été relégué aux oubliettes.

Pourtant, les députés qui les ont présentés n'ont pas agi seuls. Ils représentaient leurs électeurs, lesquels leur avaient soumis une pétition en vue de ces changements. Ils ont souvent été approchés par des enseignants qui se plaignaient que leurs élèves du sexe féminin se sentaient laissées pour compte dans l'hymne national.

Les jeunes femmes d'aujourd'hui ne se souviennent pas de l'époque où les femmes et les hommes ne bénéficiaient pas de chances égales. Devrait-on leur enseigner que cela fait partie du patrimoine que nous voulons conserver, comme on le laisse entendre dans certains débats parlementaires?

En 1982, deux ans après que l'hymne national fut devenu officiel, la Charte canadienne des droits et libertés entrait en vigueur. Ce document, fondamental pour comprendre ce que nous sommes comme nation, consacre l'égalité des sexes. Que l'on entrevoie ou pas la supériorité masculine derrière les mentions sexistes que contient notre hymne national, le retrait de ces mentions serait plus compatible avec la notion d'égalité des sexes consacrée dans la Charte.

Les Canadiennes ont tout autant le désir d'exprimer un vrai patriotisme et de prendre part à notre fierté nationale. Ce n'est pas une question de rectitude politique, comme d'aucuns le pensent peut-être. Après tout, la langue reflète les valeurs de la société. À une certaine époque, nous utilisions pour décrire d'autres races des mots que nous trouverions aujourd'hui irrespectueux et insultants. Nous utilisions autrefois, au sujet des personnes handicapées, des mots que nous jugeons aujourd'hui entachés de discrimination. Bien des mots ont changé dans l'usage courant parce qu'ils laissent croire que les femmes ne participent pas de façon égale à la vie de notre société. Les secteurs privé et public ont pris des mesures pour éliminer les expressions sexistes. Le Parlement doit maintenant faire sa part.

Honorables sénateurs, nous convenons probablement tous que les mots sont importants. Après tout, ce sont les mots de l'hymne national qui nous font rayonner de fierté lorsque nous nous tenons debout pour l'écouter. Cependant, beaucoup de femmes avec qui j'ai parlé ne peuvent chanter notre hymne national avec fierté. Elles butent sur la troisième ligne, et elles se taisent.

Non seulement l'hymne national exprime les aspirations de notre pays, mais il définit aussi le Canada aux yeux du monde. Lorsqu'il est joué à l'étranger, dans des manifestations officielles comme les Jeux olympiques, il projette une image du Canada. On pourrait donc comprendre que d'autres pays déduisent du texte que, malgré toutes les preuves du contraire, le Canada demeure un pays patriarcal.

En reconnaissance des progrès accomplis par les femmes au cours du dernier siècle, bon nombre d'entre nous avons assisté au dévoilement historique du monument des cinq femmes célèbres sur la colline du Parlement, en octobre dernier. Il s'agissait d'un événement important puisqu'on reconnaissait alors officiellement les femmes canadiennes comme des partenaires égales.

Comme l'a si éloquemment exprimé le premier ministre dans son discours de circonstance, les femmes participent maintenant à tous les aspects de la vie au Canada, sauf que notre hymne national ne tient pas compte de cette réalité.

À l'approche du 8 mars, Journée internationale de la femme, j'affirme que le Parlement ne devrait pas oublier la contribution des femmes à la croissance de notre nation, ni ignorer les femmes qui viendront à leur suite. En notre qualité de législateurs, nous avons l'obligation de reconnaître et de célébrer les réalisations des femmes canadiennes au moyen de mesures pratiques et symboliques.

Il y a plus de 90 ans que Robert Stanley Weir écrivait ces paroles «In all thy sons commands». En ce nouveau millénaire, qui offre des occasions sans précédent aux jeunes femmes du Canada, il est absurde que les femmes soient exclues de notre hymne national. En tant que sénateurs, il nous appartient de corriger la situation.

Honorables sénateurs, unissons-nous pour exprimer clairement aux Canadiens et aux autres nations du monde que le Canada respecte l'égalité des sexes, en changeant les paroles de son hymne national afin qu'il reflète mieux la réalité d'aujourd'hui.

(Sur la motion du sénateur Pépin, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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