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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 168

Le jeudi 30 mai 2013
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 30 mai 2013

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Fondation des infirmières et infirmiers du Canada

L'honorable Betty Unger : Honorables sénateurs, j'ai eu l'honneur, le jeudi 2 mai, d'assister au gala Nightingale de la Fondation des infirmières et infirmiers du Canada, qui a eu lieu au Centre des congrès d'Ottawa. La troisième édition de cette soirée annuelle avait vraiment tout d'un gala : plus de 500 donateurs et invités, un délicieux dîner et une salle superbement décorée. C'était un véritable gala dont le programme, par contre, était tout à fait sérieux.

La campagne Soins infirmiers 4.0 de la fondation avait pour but de recueillir 4 millions de dollars afin de financer des bourses et des projets de recherche pour les infirmières et les infirmiers du Canada. Pendant la soirée, on a annoncé que les efforts avaient porté leurs fruits et que l'objectif de 4 millions de dollars avait été atteint, ce qui a suscité de vifs applaudissements.

Au cours des 50 dernières années, la Fondation des infirmières et des infirmiers du Canada a remis des bourses à plus de 1 500 étudiants en soins infirmiers. En plus de transformer la vie d'infirmières et d'infirmiers, ces bourses ont eu une incidence positive et concrète sur des millions de patients qui ont bénéficié de ces investissements dans le personnel infirmier.

La conférencière d'honneur était Sarah Painter, une digne représentante de la relève des infirmières du Canada. Sarah est actuellement infirmière au service d'urgence de l'hôpital général Saint-Boniface à Winnipeg, au Manitoba.

(1340)

Elle a parlé avec émotion de l'appel qu'elle avait senti quand elle a embrassé la profession infirmière après avoir passé du temps à attendre avec son père les traitements de chimiothérapie, qui n'ont malheureusement pas réussi à empêcher la progression du cancer.

Sarah a signalé que la sollicitude et la bonté des infirmières qui prenaient soin de son père l'ont décidée à devenir infirmière; grâce à la Fondation des infirmières et infirmiers du Canada, elle est maintenant inscrite à un baccalauréat en sciences infirmières à l'Université du Manitoba.

Nous avons entendu d'autres discours et témoignages personnels fort intéressants, mais le temps ne me permet pas d'en parler.

Je terminerai par un extrait de la lettre écrite à la FIIC par Son Excellence le Gouverneur général du Canada, David Johnston :

Le personnel et les bénévoles de la Fédération des infirmières et infirmiers du Canada travaillent fort chaque jour pour financer des projets de recherche et offrir des bourses aux infirmières et infirmiers du Canada, En les soutenant, nous soutenons leurs efforts pour créer une communauté éclairée et bienveillante à l'égard de ceux qu'elle sert — et, par ricochet, un Canada éclairé et bienveillant à l'égard de tous.

Je demande aujourd'hui aux sénateurs d'appuyer, par leur temps, leurs talents ou leurs ressources, le travail de la FIIC.

Visiteurs de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du premier ministre de notre ancienne collègue, membre très éminente du Conseil privé de Sa Majesté, l'honorable Pat Carney.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L'Association nationale des centres d'amitié

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, le jeudi 23 mai, l'Association nationale des centres d'amitié, les députés Jean Crowder and Chris Warkentin et moi avons été les hôtes d'un déjeuner organisé pour souligner l'existence des centres d'amitié dans les villes du Canada.

Le conseil d'administration de l'Association nationale des centres d'amitié et son personnel étaient présents à cet événement, tout comme leurs homologues de l'Assemblée des Premières Nations, de l'Association des femmes autochtones du Canada et de la Canadian Building Construction and Trades Association.

Cet événement a été organisé par le directeur exécutif de l'Association nationale des centres d'amitié, M. Jeff Cyr, et ses collègues, Mme Farren Saulis, Mme Heather King-Andrews, M. Rufus Jacob et Kelly Patrick.

Les centres d'amitié offrent des services et des programmes culturellement enrichis aux Autochtones vivant en milieu urbain. Ils aident les Autochtones qui vivaient dans une réserve, dans une région rurale ou éloignée, à s'adapter à la vie urbaine. Les centres d'amitié sont les premiers points de contact pour se renseigner sur les services et programmes socioéconomiques pour les Autochtones.

Ces centres viennent en aide aux Autochtones, qu'ils cherchent un endroit où habiter ou un emploi, ou qu'ils aient de la difficulté à obtenir des services de santé ou cherchent un endroit où rencontrer d'autres Autochtones.

Honorables sénateurs, plus de 60 p. 100 de la population autochtone vit maintenant en ville. D'un bout à l'autre du Canada, les centres d'amitié offrent des services à cette population en croissance, dont plus de la moitié a moins de 25 ans.

Les centres d'amitiés changent littéralement la vie des hommes et des femmes autochtones. Andrea Landry, femme autochtone de 24 ans du Nord-Ouest de l'Ontario, a grandi dans un climat familial difficile et se sentait souvent seule et isolée. Estimant qu'elle n'avait nulle part où aller, Andrea s'est tournée vers la drogue et l'alcool à un très jeune âge.

Lorsque sa mère l'a emmenée au Centre d'amitié de Thunder Bay, Andrea a réalisé qu'elle n'était pas seule. Elle a rencontré une intervenante, Sandra Kakeeway, qui a changé sa vie. Plus tard, reconnaissante de l'aide qu'elle a reçue quand elle en avait besoin, Andrea a pris la décision d'aider d'autres personnes aux prises avec des difficultés semblables à celles qu'elle avait connues. La qualité de vie d'Andrea a changé du tout au tout grâce aux centres d'amitié.

Honorables sénateurs, l'histoire d'Andrea montre de quelle façon les centres d'amitié peuvent changer la vie des personnes dans le besoin. Ces centres jouent un rôle essentiel dans la société canadienne. Ils servent de moteur à l'innovation et aux changements sociaux, de sources d'inspiration communautaires et d'intervenants facilitant la planification et le développement communautaires. Je vous invite à vous joindre à moi pour saluer le travail des centres d'amitié.

La conférence « La valeur ajoutée des bitumes : une occasion nationale au Canada »

L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, la semaine dernière, j'ai eu le privilège d'assister à une conférence intitulée « La valeur ajoutée des bitumes : une occasion nationale au Canada ». J'y étais conférencière principale, tout comme, entre autres, l'honorable Frank McKenna. La conférence était commanditée par l'Académie canadienne du génie, en partenariat avec le Centre Bowman pour la commercialisation de la technologie, Alberta Innovates — Solutions énergétiques et environnementales, et le partenariat économique entre Sarnia et Lambton.

La conférence a été donnée par des hauts fonctionnaires et des dirigeants de l'industrie qui reconnaissent l'urgence d'accroître les retombées économiques découlant de l'exploitation des ressources naturelles au Canada. Un communiqué en huit points a été publié à l'issue de la conférence. Je vais vous lire ces huit points.

1. Le fait que les produits pétroliers canadiens ne bénéficient pas de la tarification internationale représente une perte de l'ordre de 20 à 30 milliards de dollars par année.

2. Le prolongement du pipeline pancanadien est essentiel pour accéder aux marchés locaux et au marché mondial en croissance.

3. Le Canada devrait lancer des projets énergétiques d'envergure nationale comme fondement de sa stratégie énergétique et moyen de favoriser la création de richesse et d'emplois durables.

4. Les gouvernements de l'Ontario et de l'Alberta se sont engagés à renforcer considérablement leur collaboration à valeur ajoutée pour améliorer les perspectives de la chaîne de production énergétique, améliorer les réseaux de transport et élaborer de nouvelles technologies efficaces et écologiques.

5. On a reconnu qu'un projet de revalorisation du bitume à Sarnia et Lambton, dans le but de produire des bruts prêts à être raffinés, était un projet hautement prioritaire à l'échelle nationale, que des mesures s'imposaient et qu'il recevait un solide appui d'une région déterminée.

6. Les délégués ont exhorté le Canada à passer d'une économie traditionnellement fondée sur les produits de première nécessité à une économie à valeur ajoutée plus diversifiée.

7. Une étude conjointe du gouvernement de l'Alberta et de l'industrie a été lancée afin de trouver des moyens d'accroître le caractère concurrentiel des produits des sables bitumineux sur les marchés nord-américains et internationaux.

8. Les nouvelles technologies sont la clé du développement durable à long terme des ressources naturelles du Canada. (Il a été déterminé que l'initiative de l'Alliance pour l'innovation dans les sables bitumineux est un exemple de l'engagement des sociétés pétrolières à collaborer et à mettre en commun les découvertes permettant d'améliorer la protection de l'environnement.)

Les Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle

L'honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je prends la parole pour souligner les Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle, qu'on célèbre à compter d'aujourd'hui jusqu'à samedi. Ces prix représentent la plus haute distinction nationale accordée dans le domaine des arts du spectacle. Ils représentent le summum de la réalisation artistique, et la façon dont notre pays rend hommage aux plus grands artistes canadiens et les remercie d'apporter émotions, beauté et joie dans nos vies.

Cette année marque le 25e anniversaire de la remise de ces prix. Ils sont décernés chaque année à six Canadiens extraordinaires pour l'ensemble de leur œuvre dans les domaines du théâtre, de la danse, de la musique classique, de la musique populaire, du cinéma ou de la radiotélédiffusion.

Veronica Tennant, Neil Young, William Hutt, Mary Walsh, Angela Hewitt, Buffy Sainte-Marie, Rush et Yannick Nézet-Séguin comptent parmi les Canadiens qui ont déjà reçu un de ces prix.

Le Prix Ramon John Hnatyshyn pour le bénévolat dans les arts du spectacle est également décerné chaque année pour souligner une contribution remarquable à titre de bénévole. Il a été remis par le passé à Norman Jewison, Gail Asper et Sam « The Record Man » Sniderman.

Enfin, depuis 2008, un programme de mentorat jumelle un ancien lauréat à un artiste en mi-carrière qui pourrait ainsi retirer une aide et une expérience précieuses d'une collaboration avec un artiste chevronné.

On rendra hommage aux lauréats à la Chambre des communes aujourd'hui, et une réception en leur honneur sera présidée par le Président Scheer. Les lauréats de cette année sont le violoniste et professeur Andrew Dawes; le cinéaste Jean-Pierre Lefebvre; le musicien et producteur Daniel Lanois; la danseuse, chorégraphe et professeure Menaka Thakkar; l'acteur et défenseur des arts Eric Peterson; et, enfin, l'actrice Viola Léger.

L'actrice et cinéaste Sarah Polley est la lauréate du Prix du CNA pour sa contribution exceptionnelle au cours de la dernière saison. Quant au philanthrope Jean-Pierre Desrosiers, il remporte le Prix Ramon John Hnatyshyn pour le bénévolat dans les arts du spectacle.

Les participants au programme de mentorat de cette année sont le dramaturge John Murell, de Banff, en Alberta, ainsi que l'actrice et dramaturge Anita Majumdar.

Son Excellence le gouverneur général remettra les médailles aux lauréats demain soir, à Rideau Hall.

(1350)

Samedi soir, le Centre national des arts présentera un gala où se succéderont hommages émouvants et numéros époustouflants. Je sais que ces prix rappellent à tous l'importante contribution des artistes à la société canadienne. Le Canada est un pays qui aime les arts. Célébrons nos artistes.


AFFAIRES COURANTES

Le Sénat

La cérémonie de dévoilement du nouveau calendrier en l'honneur du soixantième anniversaire de l'accession au trône de Sa Majesté—Dépôt d'un document

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer un compte rendu de la cérémonie qui a eu lieu hier, à l'occasion du dévoilement du nouveau calendrier en l'honneur du soixantième anniversaire de l'accession au trône de Sa Majesté.

Les sénateurs seraient-ils d'accord pour que le compte rendu de la cérémonie soit publié en annexe aux Débats du Sénat d'aujourd'hui pour qu'il fasse partie du compte rendu permanent du Sénat?

Des voix : D'accord.

(Le texte du document figure en annexe p. 4098.)

Le Budget des dépenses de 2013-2014

Le Budget principal des dépenses—Dépôt du vingtième rapport du Comité des finances nationales

L'honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le vingtième rapport (deuxième intérimaire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales, portant sur les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014.

(Sur la motion du sénateur L. Smith, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

La représentation acadienne et noire au sein de la législature de la Nouvelle-Écosse

Préavis d'interpellation

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur la façon dont le gouvernement du NPD est en train de détruire la représentation acadienne et noire au sein de la législature de la Nouvelle-Écosse et sur le silence, à cet égard, de ses amis néo-démocrates au Parlement du Canada.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

Les opérations de renseignement—L'examen parlementaire

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat.

Ce fut une dure semaine pour tous, mais il semble que les évènements continuent de se répéter selon le même scénario. J'aimerais attirer votre attention, afin de vous interroger à ce sujet, sur le cas du sous-lieutenant Delisle, qui a été arrêté, comme vous le savez, et emprisonné, et qui n'est plus membre des Forces canadiennes. Les agences de renseignement, le SCRS, la GRC, ont été maintenues dans l'ignorance et il a fallu l'intervention d'une influence extérieure, le FBI, pour enfin arrêter cet individu. Même le ministère de la Défense nationale ne semble pas avoir été au courant.

En plus, nous avons M. Porter, qui est, fait intéressant, l'ancien président du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, qui est maintenant, lui aussi, en état d'arrestation et qui doit être, à l'heure qu'il est, en route pour le Canada.

Nous sommes dans une ère très différente de celle de la guerre froide, une ère dans laquelle nous faisons face à des menaces beaucoup plus sophistiquées et de nature souvent totalement inattendue et inopinée.

Ma question est la suivante : ne croyez-vous pas que nous devrions réfléchir à la capacité de notre gouvernement à considérer que les parlementaires pourraient avoir beaucoup plus d'influence, en termes de reddition de comptes, auprès du peuple canadien, sur la coordination de ces éléments?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question. Pour ce qui est de l'affaire Delisle, il en est abondamment question dans les médias. Le sénateur sait que le gouvernement ne peut pas parler de questions opérationnelles concernant la sécurité nationale, et qu'il ne le fera pas.

Pour ce qui est d'Arthur Porter et des manchettes au sujet de ses efforts relativement à la Côte-d'Ivoire, il ne semble pas que le gouvernement ait été au courant de ce dossier. Comme le sénateur Dallaire le sait, M. Porter a démissionné de son poste il y a plus de deux ans. Les dossiers dans lesquels il est impliqué à Montréal, notamment l'hôpital et d'autres entreprises du secteur privé, n'ont absolument rien à voir avec le gouvernement ou avec le poste que M. Porter a occupé et dont il a démissionné il y a deux ans.

Le sénateur Dallaire : Je ne suis pas d'accord avec ce que madame le leader vient de dire, parce que le gouvernement ne veut pas permettre aux sénateurs et aux députés d'avoir accès à des documents classifiés qui leur permettraient de procéder à une étude ou à une évaluation de nos opérations de renseignement, et même d'en évaluer l'efficacité, puis de formuler des recommandations au gouvernement. Le gouvernement ne veut pas nous donner ce pouvoir. Or, le monsieur qui supervisait l'une de nos principales agences, et qui a fait des choses vraiment peu recommandables même avant d'être nommé, s'est probablement vu confier ce poste parce que l'examen qui aurait dû être mené, peut- être par un groupe de parlementaires, n'a pas été fait.

Pourquoi ne pas nous donner le pouvoir d'influencer pour s'assurer, en cette période très complexe, que tous ces organismes collaborent ensemble et qu'ils soient plus proactifs, au lieu de réagir, comme c'est le cas maintenant?

La sénatrice LeBreton : Sénateur Dallaire, c'est ce qu'on appelle la séparation des pouvoirs. Vous et nous tous le savons très bien. Les questions opérationnelles liées à la sécurité nationale relèvent du gouvernement. Les parlementaires disposent de beaucoup d'outils dans les deux Chambres et dans les comités. Ce n'est pas quelque chose de nouveau mis en place par le gouvernement actuel, c'est une pratique établie depuis longtemps. Elle s'appelle la séparation des pouvoirs.

Il y a des questions qui sont liées à notre sécurité nationale. De toute évidence, elles sont d'une telle nature que seules les personnes qui en sont directement responsables devraient en être saisies.

Le sénateur Dallaire : J'aurais appuyé ce point de vue durant la guerre froide. Nous connaissions la menace. Nous savions où elle était. Nous savions même comment nos ennemis se serviraient probablement de cette menace et nous étions organisés en conséquence. Je reconnais que, par le truchement des comités, les parlementaires étaient probablement capables d'obtenir à peu près toute l'information dont ils avaient besoin pour faire leur travail, sans qu'une classification de sécurité ne soit nécessaire.

(1400)

Toutefois, depuis la fin de la guerre froide et surtout depuis les attentats du 11 septembre, la menace vient de chez nous, de l'intérieur de nos frontières. Et elle peut venir de diverses sources. Nous avons bâti notre pays en nous disant que personne ne nous attaquerait. Lorsque j'étais commandant dans la région de Québec, j'y ai visité toutes les installations hydroélectriques. Un peloton de mannequins aurait suffi pour empêcher le transport d'électricité vers les États de la Nouvelle-Angleterre.

À notre époque complexe et marquée par l'ambiguïté, même si nous n'avons pas accès à ces documents protégés, l'exécutif fera son travail, mais que devient la responsabilité des parlementaires envers ceux qu'ils représentent? Étant donné le processus de gouvernance en place, eux aussi devraient pouvoir veiller à la maximisation de nos moyens, à l'efficacité de leur fonctionnement.

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, à propos de ce qu'il préconise, le sénateur Dallaire sait pertinemment, tout comme moi, que ce n'est pas ainsi qu'un gouvernement quel qu'il soit aborderait les délicates questions de sécurité dans un contexte de séparation des pouvoirs.

Il y a eu des exemples. Dans un cas, plusieurs d'entre nous, de ce côté-ci, ont eu leur mot à dire pendant la guerre du Golfe, car le premier ministre de l'époque a mis sur pied un comité de parlementaires. Bien entendu, ils ont été assermentés comme membres du Conseil privé, et ils étaient tenus de traiter ces questions dans un secret absolu et dans la plus stricte sécurité. C'est la seule façon dont un gouvernement peut fonctionner, surtout à notre époque, compte tenu de la technologie et des nombreuses difficultés qui peuvent surgir dans l'acheminement de l'information.

Honorables sénateurs, il y a séparation des pouvoirs. C'est là une pratique établie depuis longtemps, et il n'y a aucune possibilité qu'elle change, quel que soit le gouvernement au pouvoir.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, c'est tout à fait décourageant, cette position inflexible, alors que le contexte évolue tous les jours.

Bien sûr, pendant la guerre du Golfe, on a fait appel à vous. Il a fallu sept mois avant que nous tirions les premières salves. Il y avait beaucoup de temps pour éclaircir la situation, et même là, il s'agissait d'un comité spécial qui travaillait dans un scénario de crise. Ce n'est pas ainsi que nous pouvons affronter la panoplie et la complexité des menaces d'aujourd'hui et dominer le jeu avant même qu'ils en soient au stade d'utiliser leurs capacités.

Je m'inscris en faux contre ce que la sénatrice dit de la séparation entre l'exécutif et le législatif. Les parlementaires des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Australie — j'ai même témoigné devant le comité néerlandais — ont cette capacité de participation. Ces pays ont mis sur pied des comités spéciaux pour assurer cette surveillance et permettre aux parlementaires de faire un apport sérieux, d'assurer la surveillance et la reddition des comptes à l'égard de ces systèmes complexes, et de publier chaque année un rapport à ce sujet. Dans un pays, les parlementaires examinent même le budget. Je ne veux pas me mêler de leurs opérations, mais je ne vois vraiment pas pourquoi nous ne pourrions pas participer, comme capacité additionnelle, manifestant ainsi notre responsabilité envers la population en intervenant à ce niveau de la surveillance de la sécurité.

La sénatrice LeBreton : Une précision, honorables sénateurs, à propos de l'exemple de la guerre du Golfe : je n'ai pas participé, mais j'étais au courant. Il s'agissait d'un groupe de parlementaires qui ont été assermentés en qualité de membres du Conseil privé et qui avaient un rôle consultatif. Ils étaient donc pleinement informés des questions opérationnelles concernant la guerre du Golfe.

Honorables sénateurs, ma réponse demeure la même. En ce moment, il existe des comités de surveillance pour le SCRS et la GRC. Il y a plusieurs comités de surveillance qui ont été prévus à l'intérieur des structures, précisément pour les raisons avancées par le sénateur. Lorsqu'il s'agit des questions opérationnelles de la sécurité nationale, qui sont très complexes, je dirai qu'aucun gouvernement ne dérogerait aux procédures strictes de la séparation des pouvoirs.

Nous avons des comités de surveillance et des comités parlementaires qui sont mis sur pied pour examiner les nombreux domaines de la politique d'intérêt public, et même ces comités parlementaires respectent et admettent le fait qu'il y a des renseignements qu'ils ne peuvent demander, sachant qu'il ne serait pas dans l'intérêt national qu'on les communique.

Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité—Le statut d'Arthur Porter

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint suppléant de l’opposition) : J'ai une question complémentaire, honorables sénateurs. À propos des membres du Conseil privé, lorsque M. Porter a été nommé à la tête du CSARS, il a fallu qu'il obtienne la cote de sécurité maximale, et je crois savoir qu'il a été nommé membre du Conseil privé. Cette cote et ce titre lui ont-ils été retirés?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : D'abord, honorables sénateurs, la sénatrice Fraser pose une question au sujet d'une personne qui a occupé un poste et qui a évidemment été assermentée comme membre du Conseil privé. Cet homme a remis sa démission il y a deux ans. Les renseignements que nous recevons maintenant n'ont absolument rien à voir avec le gouvernement

La sénatrice me pose une question à ce sujet avec l'avantage du recul. Il reste que, à l'époque, M. Porter était un homme d'affaires très recherché et respecté. Il y a donc hier, et il y a aujourd'hui. Nous possédons maintenant d'autres renseignements, mais je ne sais pas quelles procédures il faut suivre pour retirer le titre de membre du Conseil privé. Il faudrait que je vérifie, honorables sénateurs, car je ne le sais vraiment pas.

La sénatrice Fraser : Madame le leader aurait-elle l'obligeance de se renseigner et de nous tenir au courant?

La sénatrice LeBreton : Oui, bien entendu.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à vous signaler la présence à la tribune des lauréats du Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle de 2013, dont fait partie notre ancienne collègue, l'honorable Viola Léger.

[Traduction]

Au nom de tous les sénateurs, je souhaite la bienvenue à tous les lauréats au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le cabinet du premier ministre

Le processus de nomination—Les normes éthiques

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, les Canadiens s'inquiètent de plus en plus de ce qu'ils considèrent comme un nombre toujours croissant de décisions douteuses du gouvernement Harper.

Cette semaine, au Panama, la police a arrêté Arthur Porter. Il est actuellement en prison. Il y a à peine deux ans, M. Porter exerçait les fonctions de président du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité à la demande du premier ministre. Il y a quelque temps, des accusations au criminel ont été portées contre Bruce Carson, l'ancien chef de cabinet intérimaire du premier ministre. Maintenant, c'est le chef de cabinet le plus récent, Nigel Wright, qui démissionne.

Dans le National Post de ce matin, la rubrique d'Andrew Coyne portait le titre suivant : « Le code moral des conservateurs est remis en question ». D'après M. Coyne, le gouvernement, à ses plus hauts niveaux, manifeste ce qu'il a appelé « une culture d'opportunisme ». Il a ajouté :

C'est tout le code moral du présent gouvernement qui est remis en question.

Aux dires de tout le monde, Nigel Wright est un homme accompli et digne d'admiration. David Frum a dit ceci de lui :

Je connais Nigel Wright depuis le milieu des années 1980. Je ne peux penser à personne dans le monde politique des États- Unis, du Royaume-Uni et du Canada qui soit plus digne d'admiration.

Personnellement, je n'ai jamais rencontré Nigel Wright, mais j'ai entendu beaucoup de choses positives à son sujet. Si un homme aussi estimé que lui n'a pas pu supporter la culture politique de tromperie et d'opportunisme qui semble régner au Cabinet du premier ministre, le gouvernement envisage-t-il de réviser ses propres normes éthiques et d'améliorer la façon dont ces normes sont transmises à ceux qui travaillent dans ses bureaux politiques?

(1410)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'ai pas de commentaires à formuler sur les écrits d'Andrew Coyne. C'est son point de vue, que je ne partage pas nécessairement, ce qui ne surprendra personne.

Pour revenir au Dr Porter, il était, lors de sa nomination, un citoyen exceptionnel hautement considéré et recherché. Bien sûr, il a quitté depuis longtemps le poste qu'il occupait. Les événements dans lesquels il est actuellement impliqué sont absolument sans rapport avec ce poste qu'il a occupé dans le passé et qu'il n'occupe évidemment plus.

Pour ce qui est des différents autres cas mentionnés par la sénatrice, je pourrais citer beaucoup de gens — mais je ne le ferai pas parce que je ne veux pas aborder cette question pour le moment — d'autres régimes politiques qui ont eu des difficultés. Il appartient aux tribunaux de se prononcer.

En ce qui concerne M. Nigel Wright, comme David Frum, je le connais depuis le milieu des années 1980. Je sais que c'est un homme exceptionnel, fort intelligent et profondément humain. Si vous saviez tout le travail qu'il fait pour de bonnes causes et tout l'argent qu'il consacre à des œuvres de bienfaisance, vous diriez aussi que c'est une personne exceptionnelle.

Il se trouve que c'est ce qui est arrivé. Je sais que vous n'aimerez pas cette réponse, mais c'est Nigel Wright qui a pris de sa propre initiative la décision d'aider le sénateur Duffy dans ses efforts visant à rembourser les contribuables. De toute évidence, c'était une erreur. Il a reconnu que c'était une erreur et a dit qu'il coopérerait pleinement avec quiconque examinerait cette affaire, y compris la commissaire à l'éthique. Parce qu'il est tellement remarquable, je ne doute pas que Nigel Wright sera tout à fait honnête avec ceux qui sont chargés d'enquêter sur l'affaire.

Le fait est qu'il a pris cette décision. Comme je l'ai dit en public, j'ai été témoin de situations de ce genre. Il est intéressant de constater que des gens de l'autre bord qui avaient travaillé pour les premiers ministres libéraux ont dit la même chose. Ils peuvent comprendre ce qui s'est passé. Bien entendu, ils ne pensent pas qu'il a bien agi. C'est évident, mais ils peuvent comprendre la situation. C'était une erreur. Il l'a lui-même reconnu. C'est ce qui s'est passé.

Nigel Wright est un homme tout à fait remarquable, au sens de l'éthique irréprochable. Je suis donc tout à fait sûre qu'il dira tout ce qu'il sait et sera parfaitement honnête lorsqu'il répondra aux autorités chargées de l'enquête, quelles qu'elles soient.

La sénatrice Cordy : Ces exemples dont nous sommes témoins de plus en plus souvent nous amènent certainement à nous poser des questions sur le jugement dont le premier ministre fait preuve en choisissant les gens qui ont été nommés.

Je suis sûre que nous avons tous reçu cette semaine des centaines et des centaines de courriels à ce sujet. Quelqu'un m'a envoyé un message dans lequel il citait sir Walter Scott, qui avait dit : « Oh, quel écheveau nous tissons quand nous commençons à tromper les autres. »

Il semble que, encore et toujours, le gouvernement Harper a pour tactique de nier, de minimiser les faits, puis de contre-attaquer, qu'il s'agisse des libéraux et des néo-démocrates à la Chambre des communes ou des libéraux et des indépendants, de notre côté du Parlement.

Quand le gouvernement Harper changera-t-il d'attitude, quand deviendra-t-il plus ouvert et transparent? Lorsque des problèmes surviennent, au lieu de les nier et de les minimiser, quand se décidera-t-il à agir immédiatement?

La sénatrice LeBreton : Tout d'abord, sénatrice Cordy, le premier ministre n'a pas nié. Il a dit la vérité. Je sais qu'il est difficile pour vous de l'accepter, mais il se trouve que c'est la vérité.

Je suis sûre que vous ne souhaitez pas que je me lance dans un débat avec vous au sujet de l'éthique. Dois-je rappeler qu'un premier ministre a vendu son club de golf en catimini et a fait pression auprès de la Banque de développement du Canada? N'oublions pas non plus que le scandale des commandites a pris sa source au Cabinet du premier ministre en question et que nous cherchons encore les 40 millions de dollars qui sont disparus.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'hésite à interrompre un échange aussi intéressant, mais j'aimerais attirer votre attention sur le fait que nous accueillons aujourd'hui une délégation très distinguée de collègues du Parlement du Chili, qui accompagnent Son Excellence le président de la République du Chili.

Nous avons, à la tribune du premier ministre, le premier vice- président de la Chambre des députés de la République du Chili, l'honorable Joaquin Godoy, de même que ses collègues de la Chambre. Je sais qu'ils prennent beaucoup de notes, tandis que nous poursuivons la période des questions.

Au nom de tous les sénateurs, je leur souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le cabinet du premier ministre

Le processus de nomination—Les normes d'éthique

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je vais revenir sur ce que j'ai dit plus tôt : la tactique consiste à nier, minimiser et contre-attaquer; touché! D'ailleurs, Andrew Coyne a lui aussi dit que, lorsque la vérité éclate au grand jour, on nie et on minimise ce qui s'est produit, et on essaie de se justifier.

Pour revenir à ce que je disais lorsque j'ai demandé pourquoi vous ne dénoncez pas immédiatement de telles situations lorsqu'elles se présentent, j'aimerais parler du cas de l'ancien ministre, Peter Penashue, qui a trop dépensé au cours de la dernière campagne électorale. Il a accepté des dons illégaux pendant celle-ci; il a acheté les élections, qu'il a remportées par 79 voix. Après un bon moment, il a fini par remettre sa démission, mais le gouvernement Harper n'a cessé de répéter qu'il a agi de façon honorable en démissionnant. Il a enfreint la loi, mais qu'importe, il a démissionné. Affirmez-vous encore qu'il est honorable de donner sa démission après avoir enfreint la loi, ou êtes-vous d'avis que ce n'est tout simplement pas la chose à faire?

La sénatrice LeBreton : Je le répète, Peter Penashue a représenté le Labrador et il a travaillé fort comme député pour représenter sa circonscription. Élections Canada a trouvé des irrégularités dans ses dépenses électorales, et il a remis sa démission. Il a démissionné et il s'est présenté de nouveau devant les électeurs. Il n'a pas réussi à se faire réélire, mais il me semble que c'était la façon honorable de se comporter.

Bien des électeurs l'ont appuyé, et d'autres ne l'ont pas fait, mais je ne crois pas que quiconque puisse nier qu'il ait travaillé très fort et qu'il ait obtenu d'excellents résultats pour les habitants du Labrador.

La sécurité publique

La cybersécurité

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, ma question s'adresse également à madame le leader du gouvernement au Sénat.

Je voudrais revenir sur ce que j'ai demandé hier à propos des cyberattaques lancées contre notre infrastructure et nos ministères par la Chine. Je vous ai demandé de voir si le premier ministre a abordé la question avec son homologue chinois et si certains de nos ministères ont fait quoi que ce soit à ce propos. La question me paraît très importante, madame le leader. Comme vous l'avez dit, et nous sommes d'accord, le problème prend de l'ampleur. C'est une cible mouvante, mais nous devons essayer de la frapper.

À ce propos, je vous ai demandé, le 25 avril, qui était chargé de protéger notre pays contre les cyberattaques. Vous avez dit que cela était du ressort de la Sécurité publique. Différents organismes gouvernementaux ont un rôle à jouer dans ce dossier, mais quel est celui qui est le principal responsable?

(1420)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le sénateur Moore a posé des questions sur nos interventions auprès de la Chine. J'en ai pris note et je les ai transmises.

Comme nous le savons, la question est très complexe. Elle relève de la responsabilité générale de la Sécurité publique, mais comme vous l'affirmez fort justement, il y a beaucoup d'organismes et de ministères qui s'occupent du dossier de la cybersécurité : la Défense nationale, le SCRS et la GRC, qui relève de la Sécurité publique. Il y a aussi le Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques.

La réponse brève à votre question, sénateur Moore, c'est que la Sécurité publique est le principal responsable.

Le sénateur Moore : J'ai une question complémentaire. Je me demande comment ces organismes travaillent tous ensemble. Nous avons appris cette semaine, à propos de l'affaire d'espionnage Delisle, que le SCRS et la GRC travaillent isolément l'un de l'autre et ne se communiquent pas de renseignements entre eux. Comment savons-nous si les divers organismes qui s'occupent de protéger le Canada contre les cyberattaques et d'intercepter l'information mettent leurs renseignements en commun? Existe-t-il un protocole à cette fin? Ou peut-être en est-on encore aux premiers balbutiements de la cyberguerre. Voilà ce que c'est. C'est du vol. Nous nous faisons voler notre propriété intellectuelle et nos secrets militaires. Peut-être le Comité sénatorial sur l'antiterrorisme pourrait-il examiner la question, mais comment pouvons-nous savoir? Y a-t-il un protocole en place pour que ces gens-là communiquent les renseignements, les mettent en commun au lieu de protéger leur chasse gardée et leurs petites bribes d'information?

La sénatrice LeBreton : Dans la mesure où les gens de la sécurité voudront révéler comment ils fonctionnent, ce qu'ils ne feront certainement pas, je vais prendre note de votre question et essayer d'avoir au moins une idée générale de leurs procédures et de la façon dont ils veillent à communiquer les uns avec les autres et à travailler ensemble.

Le sénateur Moore : Oui, et à travailler rapidement, sans attendre des mois ou jusqu'à ce que quelqu'un d'autre communique l'information. Nous voulons avoir l'assurance que la mise en commun de l'information et des documents délicats se fait au fur et à mesure.

La santé

La Commission de la santé mentale

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser à madame le leader du gouvernement au Sénat.

Il y a plus d'un an, la Commission de la santé mentale a proposé une stratégie nationale de la santé mentale, appelée « Changer les orientations, changer des vies ». Depuis, j'ai posé plusieurs questions pour essayer de savoir comment le gouvernement entend aider à appliquer cette stratégie.

Il y a deux semaines, j'ai reçu une lettre de la ministre de la Santé. Elle ne répondait pas à mes questions, mais la lettre parlait d'un mandat de 10 ans pour la Commission de la santé mentale. C'est la première fois que j'entends ce chiffre. Le gouvernement entend-il faire disparaître la Commission de la santé mentale dans cinq ans?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je dois signaler d'abord que c'est le gouvernement actuel qui a mis sur pied la Commission de la santé mentale. Le sénateur Kirby a présidé l'étude initiale sur les soins de santé et j'ai été très heureuse d'en être la vice-présidente. Il a été président du comité qui a produit le rapport intitulé De l'ombre à la lumière. Le Dr Wilbert Keon en était le vice-président. Le rapport a recommandé la création d'une Commission nationale de la santé mentale. Lorsque nous avons formé le gouvernement, nous nous sommes tournés vers l'expert en la matière, et il se trouve que c'était le sénateur Michael Kirby. Nous l'avons nommé premier commissaire de la santé mentale du Canada.

Comme la sénatrice le sait probablement, il y a un an, en mai 2012, la Commission de la santé mentale du Canada a dévoilé, de concert avec le gouvernement, une stratégie qui se veut une ressource permettant à tous les ordres de gouvernement, à l'industrie et au secteur bénévole de collaborer à l'amélioration de la santé mentale au Canada. Je n'ai entendu que des commentaires positifs à propos de ce qui a été accompli jusqu'ici, et je serais ravie de fournir à la sénatrice tous les renseignements que je pourrai obtenir sur ce projet.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'aimerais souligner la présence à la tribune du premier ministre d'un éminent Canadien, M. Jeff Cyr, directeur exécutif de l'Association nationale des centres d'amitié.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


ORDRE DU JOUR

La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Eaton, appuyée par l'honorable sénateur Gerstein, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour parler du projet de loi C-43, qui modifie la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Quand le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, M. Jason Kenney, a témoigné devant le comité, il a déclaré que ce projet de loi ne cible que les personnes coupables de grande criminalité, c'est-à-dire des gens qui profitent du système pour demeurer au Canada beaucoup plus longtemps qu'il n'est raisonnable, et qui ont été jugés coupables de ce que M. Kenney appelle de la grande criminalité. Toutefois, les témoins qui ont comparu par la suite ont répété maintes fois que ce projet de loi ne touchera pas seulement les personnes coupables de grande criminalité; il aura des conséquences graves pour bon nombre de gens.

Gordon Maynard a témoigné au nom de l'Association du Barreau canadien. Il préside le comité chargé de ces questions. Il a dit carrément ce qui suit :

[...] il est important que vous compreniez ces changements parce qu'ils sont épouvantables et nuisibles.

Honorables sénateurs, il a dit « ces changements [...] sont épouvantables et nuisibles » et il parle au nom de l'Association du Barreau canadien. Il a poursuivi en disant ceci :

Ces modifications entraîneront de nombreuses expulsions inutiles et irrationnelles. Des parents seront séparés de leurs enfants, des maris de leurs femmes; les expulsions viseront des personnes qui vivent au Canada depuis des dizaines d'années, depuis leur enfance. Des familles, des quartiers et des collectivités en subiront tous les conséquences. Les préjudices seraient nombreux et durables. Non seulement ces individus et leurs milieux sociaux seront touchés, le Canada et les Canadiens en souffriront également. Nous perdrons notre tradition de justice et d'équité.

C'est un représentant de l'Association du Barreau canadien qui parle.

Ce projet de loi étend considérablement les pouvoirs du ministre. Il devient le seul à pouvoir décider d'autoriser ou de refuser des visiteurs temporaires à entrer au Canada, en invoquant de soi-disant raisons d'intérêt public.

Un témoin expert, Reis Pagtakhan, nous a dit que les lignes directrices fournies par le ministre sont vagues et qu'elles peuvent changer d'un jour à l'autre. Certaines sont affichées sur le site web, mais elles peuvent être facilement modifiées et le ministre peut les adopter ou les adapter comme bon lui semble.

Lorsque la question a été soulevée à la Chambre, le ministre a convenu de mettre de l'eau dans son vin. Il s'est engagé à présenter un rapport annuel sur l'exercice de son pouvoir de discrétion. J'ai cependant proposé au comité que le ministre fasse rapport au Parlement dans les 30 jours suivant sa décision. Cela permettrait une meilleure reddition de comptes qu'un rapport, présenté un an après les faits, dans lequel ces derniers figureraient sous forme de liste. Malheureusement, les sénateurs conservateurs du comité n'ont pas appuyé cet amendement raisonnable. J'ai l'intention de le présenter de nouveau lorsque j'aurai terminé mes observations.

(1430)

Honorables sénateurs, les articles 9 et 10 du projet de loi éliminent la possibilité de considérer les motifs d'ordre humanitaire comme des facteurs au moment de déterminer s'il y a lieu d'expulser des personnes pour des raisons liées à la sécurité nationale, au terrorisme et au crime organisé. En apparence, cette mesure semble sensée. Toutefois, comme des témoins l'ont mentionné au comité, le degré de risque lié à ces catégories varie sensiblement.

Par exemple, la majorité des Canadiens seraient probablement d'accord pour dire que le fait qu'un résident permanent de longue date ait été brièvement et minimalement lié à un gang local lorsqu'il était jeune devrait être évalué en tenant compte de sa réadaptation, de ses liens étroits avec le Canada et de sa contribution positive à la société canadienne. Or, la disposition proposée ne permet pas de tenir compte de ces facteurs. Tous seraient traités comme s'ils étaient des membres en règle d'organisations comme Al-Qaïda.

Dans bien des cas, l'interdiction de territoire peut être fondée sur des événements survenus il y a plusieurs décennies et auxquels la personne a pu participer à des degrés divers dans sa jeunesse. Il peut y avoir des circonstances atténuantes et l'expulsion pourrait avoir un impact dévastateur sur les enfants nés au Canada, sur le conjoint, sur les membres de la famille et sur la collectivité.

Le pouvoir discrétionnaire du ministre de tenir compte des facteurs humanitaires est important pour établir un équilibre entre la portée des dispositions sur l'interdiction de territoire et les considérations d'ordre personnel. Or, ce pouvoir sera éliminé. L'expulsion deviendra automatique.

Voici un exemple concret de la façon dont cette modification va toucher sans discernement plusieurs personnes. Il s'agit d'une jeune Iranienne dont on a discuté au comité. Lorsqu'elle était adolescente, cette personne s'est jointe à un groupe d'opposants au régime iranien que nous déplorons tous. Elle a participé à des réunions et à des manifestations, et elle a distribué des tracts. Elle a été arrêtée en raison de ses activités politiques et condamnée à cinq ans de détention dans l'infâme prison d'Evin, où elle a été torturée. Par la suite, elle s'est enfuie au Canada. Voilà qu'elle est maintenant interdite de territoire pour des motifs de sécurité, parce qu'elle a été associée à un groupe illégal entre 14 et 16 ans. Ne serait-il pas approprié que, pour des motifs humanitaires, le ministre puisse examiner ce cas et la situation particulière de cette personne afin de déterminer si elle peut rester au Canada? Malheureusement, c'est ce pouvoir qui est éliminé. Le ministre n'aura même plus ce pouvoir discrétionnaire. C'est vraiment malheureux. On va renvoyer cette femme en Iran? J'espère bien que non.

Un des témoins, Barbara Jackman, avocate chevronnée spécialiste de l'immigration, a fait valoir qu'il s'agissait là d'une modification fondamentale à la loi sur l'immigration. Je la cite :

Je ne sais pas si vous êtes conscients que nous avons une loi depuis 1910. Nous avons toujours eu un pouvoir discrétionnaire en matière humanitaire. Il n'a jamais été limité. Le ministre a toujours pu dire que des gens pouvaient rester au Canada pour des motifs humanitaires parce que ce sont les dossiers de personnes, d'êtres humains.

De plus, cette modification va à l'encontre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, puisque l'élimination des motifs d'ordre humanitaire empêchera de tenir compte des intérêts d'un enfant concerné. Cette disposition va à l'encontre des valeurs canadiennes fondamentales que sont la justice et la compassion. Un enfant né ici pourrait être automatiquement expulsé du pays avec ses parents, ce qui viole la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

Honorables sénateurs, l'article 24 du projet de loi empêchera la Section d'appel de l'immigration d'examiner le dossier des résidents permanents condamnés par un tribunal canadien à une peine d'emprisonnement de plus de six mois. Actuellement, ce seuil est fixé à deux ans. Le seuil passerait de deux ans à six mois. Avec la réduction du seuil de deux ans, un plus grand nombre de résidents permanents seraient automatiquement expulsés sans que la Section d'appel de l'immigration puisse examiner les circonstances propres à leur cas.

Comme l'ont fait valoir des témoins, on ne devrait pas expulser tous ceux qui sont condamnés à six mois de prison sans égard aux circonstances. Parmi les délits pouvant donner lieu à une peine de six mois ou plus, on compte bien des choses qui ne seraient pas dans la catégorie de ce que le ministre appelle la grande criminalité, mais qui tomberaient quand même sous le coup de la nouvelle loi. Par exemple, cette catégorie s'applique même à la possession d'une petite quantité de marijuana, aux intrusions ou aux méfaits publics.

La plupart des témoins croyaient que ce changement du seuil d'admissibilité au droit d'appel est à la fois inutile et excessivement punitif. Il entraînera de mauvaises décisions, des renvois indus et de grandes difficultés pour les familles, surtout celles qui comprennent des enfants nés au Canada.

Nous devons également tenir compte du fait que les provinces imposent des peines différentes pour différentes activités criminelles. Le seuil de six mois pourrait occasionner de grandes disparités entre les provinces au chapitre des renvois pour crimes mineurs.

De plus, l'article 24 du projet de loi ne fait aucune distinction entre une condamnation à six mois d'emprisonnement avec sursis et une peine d'emprisonnement ferme. Les peines avec sursis sont prévues pour les infractions relativement moins graves. Un délinquant condamné pour grande criminalité ne bénéficie pas du sursis. Une condamnation avec sursis ne devrait pas être jugée assez grave pour justifier la perte du droit d'appel, surtout si on tient compte des conséquences pour le résident permanent en cause.

Il arrive souvent qu'un juge inflige une peine de plus de six mois dans le cadre d'une condamnation avec sursis, mais choisisse plutôt une peine de moins de six mois si le délinquant doit vraiment aller en prison. À moins de six mois, on n'a rien à craindre. Dans ces conditions, on ne voudrait peut-être pas du sursis si la peine dépasse six mois, car elle entraîne le renvoi automatique sans considération des circonstances particulières.

Le même article interdit l'accès à l'examen par la Section d'appel de l'immigration aux résidents permanents condamnés pour des crimes commis à l'étranger, indépendamment de la peine infligée par le pays en cause. On peut citer en exemple l'utilisation d'un document faux ou frauduleux qui, en vertu de l'article 368 du Code criminel, rend passible d'une peine maximale de 10 ans de prison. Ainsi, si un résident permanent âgé de 20 ans se rend aux États-Unis et se sert d'un permis de conduire ou d'un autre document d'identité falsifié pour entrer dans un bar, il peut, s'il est pris, être condamné par un tribunal américain à une amende de 200 $. Le projet de loi ne fixe aucun seuil dans ce cas. Il suffit d'avoir été condamné pour une infraction commise à l'étranger. Cela signifie que des infractions de ce genre entraîneront un renvoi automatique dès que le résident permanent déclare sa condamnation à son arrivée au Canada. Renvoi automatique pour une amende de 200 $? Allons donc. De toute évidence, la punition n'est pas proportionnelle au crime. J'aurai un autre amendement à proposer à ce sujet.

Honorables sénateurs, selon l'article 5, les étrangers tenus d'assister à une entrevue auraient l'obligation de répondre à toutes les questions qu'on leur poserait dans le cadre d'une enquête menée par le SCRS. Rien dans la disposition ne limite la portée de ces questions à des aspects liés à la demande présentée par les intéressés. Un représentant de l'Association des libertés civiles de la Colombie- Britannique s'est inquiété de la trop vaste portée de cette disposition, qui pourrait mener à des interrogatoires tous azimuts. C'est une mesure sans précédent, qui est contraire aux valeurs de la Charte et qui se prêtera presque certainement à des contestations constitutionnelles. L'entrevue du SCRS serait complètement ouverte et n'aurait pas nécessairement de lien avec la demande des intéressés.

Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur l'article 16. Plusieurs témoins l'ont jugé sévère et à courte vue. En vertu de cette disposition, un résident permanent ou un étranger ayant fait des fausses déclarations demeure interdit de territoire pendant cinq ans. Si quelqu'un inscrit sur sa demande un renseignement constituant une fausse déclaration, la loi actuelle lui interdit de présenter une nouvelle demande avant deux ans. Le projet de loi ferait passer cette période à cinq ans.

Encore une fois, le témoin Reis Pagtakhan a souligné qu'il y a des cas où la fausse déclaration se produit parce que le demandeur a été victime d'un représentant véreux qui a agi sans le consulter. Nous savons tous que des cas de ce genre se produisent. Nous savons tous qu'il y a des consultants en immigration qui ne respectent pas les règles. Il est tout à fait possible qu'ils apportent des changements à la demande.

(1440)

Le projet de loi C-43 punirait des innocents dans ce cas. C'est pour cette raison que j'ai proposé un amendement disant que la personne a « sciemment » déformé les faits dans sa demande. Cela serait plus juste et correspondrait mieux, à mon avis, aux valeurs canadiennes. Si nous adoptons cette mesure dans sa forme actuelle, des personnes qui sont vulnérables à cause de leur langue, de leur culture ou de leur état de santé seraient punies et interdites de territoire pendant une période beaucoup plus longue. Je proposerai un amendement à ce sujet aussi.

Enfin, honorables sénateurs, lorsque nous élaborons une mesure législative, nous ne devrions pas imposer des sanctions rétroactives. Nous en entendons souvent parler. Au comité, le témoin Richard Kurland, qui est avocat, était d'avis que l'imposition du renvoi avec effet rétroactif est incompatible avec certains principes de notre système de justice pénale. J'ai essayé, en proposant un amendement, de veiller à ce que cela ne soit pas le cas, mais l'amendement a été rejeté. Je le proposerai donc de nouveau aujourd'hui.

Honorables sénateurs, je vous conjure de modifier ce projet de loi. La politique de l'immigration ne devrait pas reposer exclusivement sur des sanctions et des procédures rigides et intransigeantes. Elle devrait plutôt se fonder sur l'application régulière de la loi et, au besoin, sur un examen compatissant des circonstances. Le projet de loi ne correspond pas à l'intention du ministre et fera du tort non seulement à ceux qui se rendent coupables de grande criminalité, mais aussi à de nombreuses familles qui vivent au Canada.

Motion d'amendement

L'honorable Art Eggleton : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose que le projet de loi C-43 soit modifié :

1) à l'article 5, par suppression, aux lignes 14 et 15, de l'expression « doit répondre véridiquement aux questions » et par substitution de ce qui suit : « répond véridiquement aux questions raisonnablement nécessaires »;

2) par suppression des articles 9 et 10 du projet de loi;

3) à l'article 16, dans la version anglaise seulement, par adjonction à la ligne 8 de ce qui suit :

« knowingly »;

4) par suppression de l'article 24 du projet de loi;

5) à l'article 8, par adjonction, après la ligne 3, page 3, de ce qui suit :

« (4) Dans les trente jours de la déclaration faite au titre du paragraphe (1) portant que l'étranger ne peut devenir résident temporaire, le ministre dépose devant chaque Chambre du Parlement un rapport précisant les motifs de sa déclaration. »

6) à l'article 32, par substitution, aux lignes 34 et 35, page 10, de ce qui suit :

« de quiconque est accusé d'une infraction avant ».

Le premier paragraphe se rapporte à l'entrevue du SCRS.

Le deuxième paragraphe supprimerait les articles 9 et 10 du projet de loi, c'est-à-dire ceux qui écartent les motifs d'ordre humanitaire et qui auraient pour effet de renvoyer en Iran la jeune femme dont j'ai parlé.

Le troisième paragraphe concerne les personnes qui auraient à leur insu fait une fausse déclaration. On laisse davantage de latitude dans ce cas. Le pouvoir discrétionnaire s'applique toujours. Ce n'est pas systématique. L'objectif consiste à rejeter les jugements systématiques pour privilégier une approche au cas par cas. Cela ne signifie pas nécessairement qu'une personne ne pourrait pas bénéficier d'un délai plus long ou qu'elle ne serait pas expulsée, mais, au moins, il y aurait une certaine souplesse.

Le quatrième paragraphe de la proposition d'amendement supprimerait l'article 24 du projet de loi, celui qui ramène la peine de deux ans à six mois. Beaucoup plus de personnes seraient ainsi visées.

Dans ce cas, au lieu de ramener la durée d'emprisonnement de deux ans à six mois, on aurait pu énumérer tous les crimes graves au lieu des délits mineurs. Comme l'a dit le sénateur Campbell, c'est, en quelque sorte, un projet de loi paresseux qui manque apparemment de précision. Il ratisse tellement large qu'il mettra malheureusement les petits délinquants et les grands criminels dans le même panier.

Le cinquième paragraphe de la proposition d'amendement explique que le ministre pourrait avoir d'excellents arguments auxquels nous pourrions souscrire pleinement, mais qu'il devrait soumettre son rapport dans un délai de 30 jours, et non d'un an.

Enfin, le sixième paragraphe de l'amendement supprime la disposition sur la rétroactivité.

Je vous soumets mon amendement.

Son Honneur le Président intérimaire : Le sénateur Eggleton, avec l'appui du sénateur Robichaud, propose que le projet de loi C-43 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié comme suit :

Le sénateur Carignan : Suffit!

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il débat sur l'amendement?

Des voix : Le vote!

L'honorable Larry W. Campbell : Je voudrais poser une question au sénateur. Je ne suis pas certain du moment opportun pour le faire.

Son Honneur le Président intérimaire : Il a proposé les amendements, et la Chambre en est saisie. Le débat est ouvert sur les amendements.

Le sénateur Campbell : Puis-je poser une question à ce sujet?

Son Honneur le Président intérimaire : Vous pouvez en débattre.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur l'amendement?

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Campbell avait des questions à poser pour jeter un peu de lumière sur les amendements. Il pourrait faire un discours de courte durée dans lequel il exposerait ses questions, et l'honorable sénateur Eggleton pourrait y répondre par un commentaire sur le discours de l'honorable sénateur Campbell.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : L'invitation en a été implicitement faite au sénateur.

Le sénateur souhaite-t-il participer au débat sur l'amendement?

Le sénateur Campbell : Oui, honorables sénateurs. Je suis désolé pour la confusion, dont je suis entièrement la cause.

Je m'inquiète que l'on vise aussi les petits poissons. Hier, en lisant le journal, je me suis aperçu que l'un des petits poissons qui pourraient se faire prendre est une personne que j'admire beaucoup et qui est un grand Canadien, selon moi. Il s'agit évidemment de lord Black. Il a été déclaré coupable aux États-Unis, à tort ou à raison, et se trouve actuellement au Canada. Il a été condamné et il se trouve maintenant au Canada. Je crains qu'en adoptant de telles dispositions, nous fassions en sorte qu'il soit expulsé au Royaume- Uni. C'est un exemple parmi d'autres de personne susceptible de subir une telle conséquence.

J'aimerais poser la question suivante aux sénateurs : si nous pouvons appréhender une personne qui commet une infraction insignifiante comme lord Black, qui d'autre pourrons-nous appréhender? Je demande aux sénateurs d'examiner les amendements et de s'assurer que le projet de loi n'est pas paresseux, mais qu'il est avantageux pour les Canadiens.

Le sénateur Eggleton : Honorables sénateurs, j'aimerais parler de véritables petits poissons. Le sénateur pourrait-il me faire part de ses inquiétudes à l'égard d'autres petits poissons que celui qu'il a mentionné, et qui n'est peut-être pas si petit que cela? J'ai parlé d'une fille iranienne. Il y a beaucoup d'autres cas où les motifs d'ordre humanitaire ne seront pas pris en compte, et où des personnes risqueront d'être expulsées parce que le projet de loi fera passer le seuil de deux ans à six mois ou parce qu'elles ont reçu une amende pour une infraction aux États-Unis. Il me semble qu'il est question ici de beaucoup de petits poissons.

Le sénateur pourrait-il nous donner son opinion à ce sujet?

Le sénateur Campbell : Honorables sénateurs, cela montre encore une fois les circonstances imprévues des lois que nous adoptons. Les gens qui sont censés être visés par cette mesure législative ne sont pas des personnes qui seraient les bienvenues au Canada. Comme je l'ai dit quand nous avons commencé à travailler sur ce projet de loi, beaucoup de ces personnes étaient déjà assujetties aux règles actuelles et auraient pu être expulsées du pays par les services d'immigration.

Je m'inquiète du sort des gens ayant reçu une peine de six mois. Tous les sénateurs connaissent des gens ou, comme moi, ont peut- être des amis qui ont été condamnés à une peine de six mois d'emprisonnement. Il va de soi que nous devons punir les gens qui ont fait quelque chose de mal, mais la sanction supplémentaire que nous voulons imposer entraîne le renvoi de gens dans des pays dans lesquels ils ne vivent plus depuis longtemps, même s'ils en sont originaires. Que faisons-nous en les renvoyant dans ces pays? Nous leur imposons une sanction supplémentaire.

(1450)

Je ne nie pas que certaines personnes qui viennent au Canada se conduisent mal, ont un casier judiciaire et sont des criminels endurcis. Comme je l'ai dit, la nationalité canadienne n'est pas un droit, mais un privilège. Nous devrions protéger ce droit, mais nous devrions également reconnaître que ce projet de loi vise des gens qui pourraient ainsi se trouver en danger de mort.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Je rappelle aux sénateurs que le vote porte sur l'amendement.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les non l'emportent.

Des voix : Avec dissidence.

Son Honneur le Président intérimaire : La motion d'amendement est rejetée avec dissidence.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Honorables sénateurs, je ne voudrais pas compliquer la procédure, mais cinq motions d'amendement ont été proposées. Avons-nous voté sur les cinq d'un seul coup? Si c'est clair pour tout le monde, il n'y a pas de problème.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je passe maintenant à la motion principale. L'honorable sénatrice Eaton, avec l'appui de l'honorable sénateur Gerstein, propose que le projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever. Les whips se sont-ils entendus au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Munson : La sonnerie retentira pendant 15 minutes. La situation est particulière aujourd'hui.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il entente pour une sonnerie de 15 minutes?

La sénatrice Marshall : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président intérimaire : Le vote aura lieu à 15 h 10.

Ai-je la permission de quitter le fauteuil?

Des voix : D'accord.

(1510)

(La motion, mise aux voix, est adoptée, et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk McInnis
Ataullahjan McIntyre
Bellemare Meredith
Beyak Nancy Ruth
Black Neufeld
Boisvenu Ngo
Braley Nolin
Carignan Ogilvie
Champagne Oh
Comeau Oliver
Dagenais Patterson
Demers Poirier
Doyle Raine
Eaton Rivard
Enverga Runciman
Fortin-Duplessis Seidman
Gerstein Seth
Greene Smith (Saurel)
Housakos Stewart Olsen
Lang Tannas
LeBreton Tkachuk
MacDonald Unger
Maltais Verner
Manning Wallace
Marshall Wells
Martin White—52

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Hubley
Campbell Jaffer
Chaput Joyal
Cordy Kenny
Cowan Massicotte
Dallaire Mitchell
Dawson Moore
De Bané Munson
Eggleton Ringuette
Fraser Rivest
Furey Robichaud
Harb Sibbeston—25
Hervieux-Payette  

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Cools—1

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Vernon White propose que le projet de loi C-299, Loi modifiant le Code criminel (enlèvement d'une jeune personne), soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, c'est un plaisir pour moi de parler du projet de loi d'initiative parlementaire C-299, Loi modifiant le Code criminel (enlèvement d'une jeune personne).

Cet important projet de loi vise à ce que les étrangers qui enlèvent un enfant soient tenus responsables de leur crime. Plus précisément, le projet de loi imposerait une peine d'emprisonnement minimale obligatoire de cinq ans aux individus déclarés coupable d'enlèvement d'enfant.

Le projet de loi a été amendé par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes pour que la peine minimale obligatoire ne vise pas les parents. Comme le parrain l'a mentionné dans les deux Chambres, la mesure législative vise les enlèvements d'enfants par des étrangers, crimes qui entraînent souvent les conséquences les plus terribles.

L'enlèvement d'enfants par un parent constitue aussi un crime grave, mais il survient souvent dans des circonstances totalement différentes et pas pour les mêmes raisons. Il va de soi que l'enlèvement d'un enfant par un parent est une infraction grave et qu'il affecte grandement l'enfant et les autres membres de la famille. Par contre, divers facteurs entrent souvent en jeu lors de tels enlèvements, comme la garde des enfants et les droits de visite. Par conséquent, une peine d'emprisonnement minimale obligatoire de cinq ans ne serait pas appropriée dans de tels cas. Je suis heureux que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne ait modifié le projet de loi de façon à ce que son application n'aille pas à l'encontre de son objet. J'appuie sans réserve le projet de loi C-299, dans sa forme modifiée.

(1520)

On a beaucoup discuté du cadre législatif qui est en place pour les affaires d'enlèvement d'enfant par des étrangers et notamment de la différence entre les infractions.

Outre l'infraction d'enlèvement, le paragraphe 279(1), dont nous sommes saisis aujourd'hui, il y a dans les articles 280 et 281 du Code criminel deux infractions d'enlèvement qui concernent expressément les enfants et qui pourraient s'appliquer dans ces cas. Deux autres infractions s'appliquent à l'enlèvement d'enfants par leurs parents, aux articles 282 et 283, qui suivent le modèle de l'article 281.

La disposition sur l'infraction d'enlèvement interdit d'enlever une personne dans l'intention de la séquestrer ou de l'emprisonner contre son gré, de la transporter illégalement à l'étranger ou de la détenir en vue de rançon ou de service.

L'article 280 du Code criminel interdit d'enlever une personne de moins de 16 ans de la possession et contre la volonté de ses parents. L'article 281 interdit d'enlever, d'entraîner, de retenir, de recevoir, de cacher ou d'héberger une personne de moins de 14 ans avec l'intention de priver les parents de la possession de l'enfant.

Certaines affaires d'enlèvement d'enfant peuvent faire l'objet de poursuites aux termes d'autres infractions comme la séquestration, au paragraphe 279(2), des infractions d'ordre sexuel générales ou concernant expressément les enfants, aux articles 151 à 153 ou aux articles 271 à 273, ou l'homicide, à l'article 235, selon les faits propres à chaque cas.

Bien que l'infraction d'enlèvement et les infractions d'enlèvement d'enfant par un étranger puissent s'appliquer au même ensemble de circonstances, comme l'enlèvement d'un enfant par une personne qui n'est pas son père ou sa mère, il faut prouver des éléments différents. L'infraction d'enlèvement, qui trouve son origine dans le droit britannique ancien, protège le droit à la liberté; il faut prouver que le plaignant a été séquestré ou emprisonné contre son gré. Il s'agit d'une infraction d'application générale qui peut valoir pour quiconque enlève un enfant ou un adulte.

Par ailleurs, les infractions d'enlèvement d'enfant par un étranger semblent conçues pour protéger les droits de garde des parents. La Cour suprême du Canada a fait remarquer toutefois que ces dispositions ne protègent les droits de garde que dans la mesure où les parents agissent dans l'intérêt supérieur de leurs enfants. Par conséquent, le but ultime de ces dispositions est de protéger les enfants.

Les dispositions sur les enlèvements d'enfant ne s'appliquent qu'aux cas d'enlèvement d'enfants de moins de 16 ans, aux termes de l'article 280, et de moins de 14 ans, aux termes de l'article 281. Dans les poursuites motivées par ces infractions, le ministère public doit prouver que l'enlèvement de l'enfant a violé le droit des parents à la garde ou au contrôle de l'enfant. C'est le consentement parental qui est l'enjeu, plutôt que le consentement de l'enfant.

Dans les poursuites pour infraction d'enlèvement, la jurisprudence indique que le consentement de l'enfant est rarement un enjeu réel lorsque l'enfant est très jeune. Il peut cependant y avoir des motifs liés à la preuve pour invoquer des infractions d'enlèvement d'enfant par un étranger lorsque l'enfant est plus âgé et qu'il y a des allégations voulant que l'enfant soit parti de son gré avec le ravisseur.

L'infraction d'enlèvement est passible d'une peine plus lourde que celle d'enlèvement d'un enfant. Une peine maximale d'emprisonnement à vie est imposée pour l'enlèvement, alors que des peines maximales de cinq et de dix ans sont imposées pour les infractions prévues aux articles 280 et 281 respectivement. À la différence des dispositions sur l'enlèvement d'enfants, qui n'imposent aucune peine minimale obligatoire, l'infraction d'enlèvement est passible de peines minimales obligatoires dans des contextes précis. Par exemple, si une arme à feu à autorisation restreinte ou interdite est utilisée, ou si une arme à feu est utilisée et que l'infraction est commise en association avec une organisation criminelle, une peine minimale obligatoire de cinq ans est imposée pour une première infraction, et cette peine est de sept ans en cas de récidive. Dans tous les autres cas, lorsqu'une arme à feu est utilisée, une peine minimale obligatoire de quatre ans est imposée.

Le projet de loi C-299 imposerait une peine minimale obligatoire supplémentaire de cinq ans lorsque le plaignant est une personne de 16 ans et que le présumé ravisseur n'est pas « le père, la mère, le tuteur ou une personne ayant la garde ou la charge légale de la personne ». Comme il n'est pas obligé que ces peines minimales obligatoires soient purgées consécutivement lorsque plus d'une de ces peines s'appliquent, le juge qui prononce la peine aurait la latitude de décider si toutes les peines minimales obligatoires seront purgées consécutivement ou concurremment.

De plus, la peine minimale obligatoire proposée s'appliquerait aux cas d'enlèvement d'enfants de moins de 16 ans, ce qui concorde avec les peines minimales obligatoires imposées pour les infractions sexuelles d'application générale par la Loi sur la sécurité des rues et des communautés. Ces réformes sont entrées en vigueur en août 2012.

J'ai aussi remarqué que le projet de loi modifié soustrayait « le père, la mère, le tuteur ou une personne ayant la garde ou la charge légale de la personne » à l'application de la peine minimale obligatoire. Bien que d'autres aient déjà commenté le sens de ce passage, le fait que ce même passage ait été interprété dans le contexte des dispositions du Code criminel sur l'enlèvement d'enfants me donne l'assurance que les juges qui prononceront les peines auront un éclairage suffisant pour déterminer si la peine minimale obligatoire doit s'appliquer dans une cause donnée.

Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a adopté un autre amendement que je n'ai pas mentionné. Cet amendement dispose que le tribunal qui prononce la peine doit tenir compte de l'âge et de la vulnérabilité de la victime lorsqu'il impose une peine à une personne reconnue coupable d'enlèvement d'enfant.

Donc, lorsqu'on impose une peine dans une cause d'enlèvement d'un enfant de moins de 16 ans, le projet de loi fera en sorte que le tribunal commence par les peines minimales obligatoires et tienne compte ensuite de l'âge et de la vulnérabilité de l'enfant, ainsi que des facteurs aggravants, y compris ceux qui sont énumérés à l'article 718.2 du Code criminel, pour déterminer la peine qui convient dans un cas donné. Ces facteurs aggravants comprennent les éléments de preuve montrant que l'infraction perpétrée par le délinquant constitue un mauvais traitement à l'égard d'une personne âgée de moins de 18 ans et qu'elle constitue un abus de la confiance de la victime ou un abus d'autorité à son égard.

Les principes généraux de détermination de la peine s'appliquent aussi. Les tribunaux sont tenus de traiter plus rigoureusement les infractions commises contre un enfant en tenant principalement compte des objectifs de dénonciation et de dissuasion, conformément à l'article 718.01 du Code criminel.

À mon avis, le projet de loi établit un cadre complet de détermination de la peine dans les cas d'enlèvement d'enfants, ce qui devrait valoir aux auteurs la punition qu'ils méritent et qui est nécessaire.

Je suis heureux de donner mon appui au projet de loi C-299. J'encourage tous les sénateurs à le faire aussi. Dans sa forme modifiée, le projet de loi reflète mieux son objet et, partant, facilite l'application de la peine minimale obligatoire qu'il propose d'infliger dans les cas appropriés.

Nul doute qu'il nous incombe de veiller à ce que le système de justice pénale réagisse sans équivoque aux affaires d'enlèvement d'enfants : ceux qui s'en prennent ainsi à des enfants doivent être sévèrement punis. Nous ne devons pas perdre de vue que ces enlèvements exposent souvent les victimes aux crimes les plus haineux qui soient, comme l'agression sexuelle et le meurtre. Il est de la plus haute importance de tenir les délinquants responsables de leurs actes, de préférence avant qu'ils ne soumettent des enfants à ce genre de tortures et de souffrances. Ce but est précisément celui du projet de loi C-299.

Par conséquent, j'exhorte avec respect tous les sénateurs à se joindre à moi pour appuyer cette importante mesure législative.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Le sénateur White accepterait-il de répondre à une question de ma part?

Le sénateur White : Absolument.

La sénatrice Jaffer : Sénateur White, nous sommes tous deux membres du Comité des affaires juridiques. De nombreux témoins ont noté que les peines d'emprisonnement infligées dans les cas d'enlèvement sont souvent plus longues que ce que prévoit le projet de loi. Sauf erreur, je crois que beaucoup ont parlé d'une peine de dix ans. Pourquoi le sénateur croit-il que ce projet de loi est nécessaire? Nous avons déjà les dispositions voulues dans le code.

Le sénateur White : Honorables sénateurs, je conviens que les peines prononcées sont souvent plus longues que le minimum obligatoire que nous demandons. Toutefois, « souvent » n'est pas la même chose que « toujours ». Il y a des cas où nous devons transmettre le message, surtout quand il s'agit de jeunes de notre pays, que nous ne permettrons pas que ces choses continuent. Le juge a le choix entre des peines consécutives ou concurrentes. Dans les cas où le juge n'impose pas une peine suffisante pour assurer la sécurité des Canadiens, le projet de loi lui enlèvera ce choix et l'obligera à imposer le minimum obligatoire de cinq ans d'emprisonnement, ou de sept ans dans le cas d'une deuxième infraction.

La sénatrice Jaffer : Le sénateur accepterait-il de répondre à une seconde question?

Le sénateur White : Je répondrai à autant de questions que la sénatrice voudra bien me poser.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie. Excusez-moi, j'essaie de retrouver ce qu'a dit le juge Major à la fin de son exposé. Je vais tenter de le paraphraser. Si je me souviens bien, il a dit que les peines obligatoires ne changent vraiment rien. Elles n'ont aucune influence.

Le sénateur s'est longtemps occupé de la supervision du système. Croit-il vraiment que les peines minimales obligatoires sont efficaces?

Le sénateur White : Je peux dire aux honorables sénateurs que si l'auteur d'un tel crime passe un jour de plus en prison, cela fera un jour de moins d'inquiétude pour les Canadiens. En fin de compte, il faut garder certaines personnes en prison plus longtemps afin de protéger la population. C'est exactement dans le cas de crimes de ce genre que nous devons envisager des peines minimales obligatoires.

L'honorable Anne C. Cools : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question de ma part?

Le sénateur White : Absolument.

La sénatrice Cools : Je suis très consciente du fait qu'il semble y avoir une pléthore d'amendements du Code criminel qui sont présentés ici sous forme de projet de loi d'initiative parlementaire. Il fut un temps où l'on respectait ici une importante tradition d'après laquelle les modifications touchant le Code criminel et les infractions contre la personne devaient venir du procureur général du Canada qui, comme le savent les honorables sénateurs, est aussi ministre de la Justice.

(1530)

Je suis un peu inquiète à cause du grand nombre de ces projets de loi. Le sénateur l'a-t-il remarqué aussi? Si oui, a-t-il une explication de cette situation et peut-il nous en faire part?

Le sénateur White : Honorables sénateurs, je suis ici depuis 15 mois. Ce que j'ai pu observer, c'est que les simples parlementaires ont une grande valeur aussi bien ici qu'à l'autre endroit. Je me réjouis de voir qu'ils étudient sérieusement des questions importantes. Chacun des projets de loi d'initiative parlementaire dont nous avons été saisis était digne d'une telle étude.

Compte tenu de mon expérience limitée, je dois reconnaître en toute honnêteté que je ne saurais pas dire si un changement s'est produit et s'il est avantageux.

La sénatrice Cools : Je conviens volontiers que tout projet de loi d'initiative parlementaire doit faire l'objet de l'attention nécessaire. Je veux simplement parler de certaines catégories de projets de loi qui étaient toujours considérées comme relevant de la compétence du procureur général.

On sait que le procureur général cumule les fonctions de ministre de la Justice mais, à titre de procureur général, il est aussi investi de pouvoirs supplémentaires quant à la protection des enfants. En effet, il est après tout le procureur du roi ou de la reine. À l'origine, il portait le titre d'attornatus rex, ce qui lui donne une fonction particulière en matière de sauvegarde et de protection des enfants.

C'est seulement une impression, et je me trompe peut-être du tout au tout, mais il me semble que les infractions et les modifications du Code criminel qui ont une importance aussi considérable devraient à juste titre relever du procureur général. Ainsi, nous saurions qu'il a usé de tout le poids, de tous les rédacteurs et de toutes les ressources du ministère de la Justice pour élaborer le projet de loi.

Le sénateur White : Je remercie la sénatrice de sa question. C'est justement pour cette raison nous devrions tous voir à ce que les témoins qui comparaissent devant les comités nous donnent des conseils adéquats. Je regarde les amendements qui ont été proposés et je constate qu'il est important que nous demandions l'avis des témoins, qui peuvent nous dire si la version initiale ou modifiée de tel ou tel projet de loi est acceptable, que ce soit ici ou à l'autre endroit.

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Adoption du vingt-quatrième rapport du comité—Rejet de la motion d'amendement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Stewart Olsen, appuyée par l'honorable sénateur Ogilvie, tendant à l'adoption du vingt-quatrième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (Examen du statut des résidences principale et secondaire du sénateur Harb), présenté au Sénat le 9 mai 2013;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice McCoy, appuyée par l'honorable sénatrice Cools, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit renvoyé au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration pour étude approfondie et rapport.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote portera sur la motion d'amendement présentée par la sénatrice McCoy et appuyée par la sénatrice Cools. Y a-t-il d'autres interventions au sujet de cet amendement?

Le sénateur Carignan : Le vote!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice McCoy, avec l'appui de l'honorable sénatrice Cools, propose que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit renvoyé au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration pour étude approfondie et rapport.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Des voix : Avec dissidence.

Son Honneur le Président : La motion est rejetée, avec dissidence.

Le vote porte sur la motion principale.

L'honorable Mac Harb : Honorables sénateurs, j'interviens pour parler du vingt-quatrième rapport.

Les Canadiens ont le droit de savoir si les deniers publics sont dépensés conformément aux lignes directrices du Sénat. Ils ont aussi le droit de savoir que les décisions du Sénat ne sont pas arbitraires et respectent les principes fondamentaux de la justice naturelle, sur lesquels repose notre démocratie.

D'ailleurs, le préambule de la Charte canadienne des droits et libertés précise que le Canada est fondé sur des principes qui respectent la primauté du droit.

Comme la Cour suprême l'a indiqué dans l'arrêt Dunsmuir :

La primauté du droit veut que tout exercice de l'autorité publique procède de la loi. Tout pouvoir décisionnel est légalement circonscrit par la loi habilitante, la common law, le droit civil ou la Constitution. Le contrôle judiciaire permet aux cours de justice de s'assurer que les pouvoirs légaux sont exercés dans les limites fixées par le législateur. Il vise à assurer la légalité, la rationalité et l'équité du processus administratif et de la décision rendue.

En somme, la Cour suprême nous rappelle que les décideurs doivent respecter les principes de base de l'équité, et qu'il doit pour cela exister un processus d'examen.

Lorsqu'il a rédigé le rapport, le Comité de la régie interne et son sous-comité ont agi comme des décideurs quasi judiciaires, ce qui ne signifie pas pour autant qu'ils agissent toujours comme des décideurs quasi judiciaires. Toutefois, lorsque le comité prétend interpréter des lignes directrices, des règles et le droit — en établissant la définition légale d'une « résidence principale » et en rendant une décision qui a un impact sur les droits d'une personne —, il outrepasse ses fonctions de corps législatif ou délibératif.

Son Honneur a jugé que la vérification du caractère équitable de ces décisions ne constitue pas une question de privilège. Selon la décision du Président, l'étude de ces questions incombe plutôt au Sénat.

En conséquence, le Sénat doit se demander non seulement si les conclusions du rapport sont appuyées par les faits et par les règles en vigueur, mais aussi si le processus utilisé par le comité respectait les principes d'équité et semblait juste aux yeux du public.

En ce qui a trait au rapport dont nous sommes saisis, je veux soulever trois points clés.

Premièrement, les vérificateurs indépendants n'ont relevé aucun problème dans mes demandes de remboursement de dépenses, mais le comité sénatorial n'a pas tenu compte des conclusions des vérificateurs. Les constatations du comité ne sont pas fondées sur la vérification indépendante.

Deuxièmement, les vérificateurs indépendants ont souligné l'absence de toute définition claire de ce qui constitue une « résidence principale » dans le Règlement du Sénat. D'autres en sont venus à la même conclusion, y compris le premier ministre, qui a dit ceci à l'autre endroit, le 9 mai : « Monsieur le Président, des vérificateurs et experts externes ont examiné toutes ces dépenses et ont dit que les règles n'étaient pas claires à cet égard. »

Le même jour, madame le leader du gouvernement au Sénat a dit que la définition n'était pas claire.

Troisièmement, le processus d'enquête et de rapport du Sénat allait à l'encontre des principes élémentaires de justice naturelle. Ce processus m'a empêché de participer pleinement, et l'application rétroactive des propositions est contraire à notre perception fondamentale de l'équité et de la justice.

En outre, l'équité de tout le processus ayant mené à la rédaction des rapports du comité a été compromise. Or, c'est un principe reconnu qu'un processus doit non seulement être équitable, mais qu'il doit aussi paraître équitable aux yeux du public.

Permettez-moi d'élaborer. Mon premier point est que les vérificateurs indépendants n'ont relevé aucun problème dans mes demandes de remboursement de dépenses.

Je soupçonne que plusieurs sénateurs ont lu le rapport du comité, mais je me demande combien ont lu le rapport des vérificateurs. Ceux qui ont lu les deux documents savent que le rapport du Comité de la régie interne ne reflète pas les conclusions des vérificateurs indépendants. En fait, le rapport du comité contredit les constatations des vérificateurs indépendants. Les vérificateurs ont conclu que mes comptes étaient en ordre, ce qui est très bien. Toutefois, le Comité de la régie interne du Sénat en a décidé autrement.

Il importe d'établir cette distinction entre les deux documents, parce qu'un grand nombre d'articles dans les journaux ont laissé entendre, et même dit clairement, que les vérificateurs indépendants avaient jugé que mes dépenses étaient inappropriées et que j'avais réclamé des frais auxquels je n'avais pas droit. Les vérificateurs n'ont nullement dégagé cette conclusion. Au contraire, ils ont établi que mes réclamations étaient conformes et justifiées.

(1540)

J'aimerais rappeler aux sénateurs quelles sont véritablement les règles et les politiques qui ont été en vigueur jusqu'au 4 juin 2012 :

Pour demander le remboursement des frais de subsistance dans la région de la capitale nationale (région dans un rayon de 100 kilomètres de la colline du Parlement), le sénateur doit fournir au greffier du Sénat une déclaration à jour dans laquelle il désigne une résidence principale dans la province ou le territoire qu'il représente.

C'est précisément ce que j'ai fait. Lorsque j'ai été nommé, le greffier du Sénat m'a expressément confirmé que ma déclaration de résidence principale était conforme aux directives et aux règles. Nous, sénateurs, devrions tout de même pouvoir nous fier aux renseignements et aux conseils du greffier. Après tout, selon le paragraphe 3(1) du chapitre 2:03 du Règlement administratif du Sénat :

Le greffier du Sénat est le chef de l'Administration du Sénat et il rend compte au Sénat par l'entremise du Comité de la régie interne.

Pourquoi douterais-je de son opinion?

Le débat serait tout autre si, concrètement, je ne me rendais jamais à la résidence principale que j'ai déclarée. Or, comme le confirme le rapport indépendant, j'y passe l'essentiel des jours où je ne travaille pas.

Honorables sénateurs, qu'on me permette de récapituler certains constats du rapport des vérificateurs indépendants.

À la section 5.2, on peut lire que :

La seule définition d'une résidence principale dans la documentation que nous avons examinée se trouve dans la Politique régissant les déplacements des sénateurs entrée en vigueur le 5 juin 2012. La voici :

s'entend d'une résidence désignée par le sénateur comme sa première résidence et qui est située dans la province ou le territoire que représente le sénateur.

Honorables sénateurs, je respecte entièrement ce critère, inutile d'en débattre. De plus, c'est ma maison, et je m'en servais comme telle.

Le vérificateur a également fait remarquer qu'il n'existe aucun critère supplémentaire permettant de déterminer ce qui constitue une « résidence principale ». C'est le deuxième grand point de mon argumentation.

Honorables sénateurs, je m'évertue à répéter que les vérificateurs indépendants sont venus à la conclusion que mes dépenses étaient entièrement admissibles et respectaient toutes les règles et procédures en vigueur au Sénat. La vérification a jugé satisfaisante et suffisamment justifiée l'explication que j'ai soumise quant au temps que je passe à Ottawa, dans ma résidence principale désignée et ailleurs.

Pourtant, le comité du Sénat, qui avait à sa disposition cette mine de renseignements confirmant la légitimité de mes réclamations, a présenté un rapport, dont nous discutons aujourd'hui, qui contredit directement les constatations des vérificateurs indépendants.

Le comité a décidé qu'il n'y a aucune ambiguïté dans la définition d'une « résidence principale déclarée ». Selon lui, ma « présence » à ma résidence principale n'appuie pas ma déclaration. Selon le comité, une résidence principale s'entend de la résidence où l'on passe la majorité de son temps.

Honorables sénateurs, j'aimerais étayer mon argument d'un fait très important. Comme le savent les honorables sénateurs, nous avons adopté le vingt-cinquième rapport du comité, rapport censé mettre à jour et clarifier les règles relatives aux dépenses des sénateurs. Sont énumérées dans le rapport un certain nombre de modifications aux règles actuelles. Je l'ai lu attentivement, ainsi que ses recommandations. On n'y trouve aucune nouvelle règle établissant le nombre de nuits ou un pourcentage de temps qu'un sénateur doit passer dans sa principale résidence, ou plutôt sa « résidence provinciale » comme le définit le nouveau rapport. Nulle part peut-on trouver une nouvelle règle précisant cette question. Nulle part est-il mentionné qu'un sénateur doit passer « la majorité de son temps » dans sa résidence principale. Il n'y a jamais eu telle exigence dans le Règlement, et je ne crois pas qu'il y en aura de sitôt. Et pourtant, c'est la norme à laquelle je suis soumis.

Je me vois donc imposer une redéfinition ponctuelle avec effet rétroactif de la notion de « résidence principale ». Le Sénat doit veiller à ce que la primauté du droit soit respectée. Il ne peut pas appliquer rétroactivement des critères nouveaux et arbitraires. Un tel précédent pourrait être invoqué par la suite pour toute politique du Sénat et tout sénateur. Il constituerait une violation flagrante des principes de la justice naturelle.

En plus de ces deux points, honorables sénateurs, je voudrais en soulever un troisième, c'est-à-dire que le processus est entaché d'un vice de forme depuis le début. Nous devons distinguer la façon de procéder du comité de celle des vérificateurs indépendants, engagés par le Sénat à grands frais pour les contribuables canadiens.

Les vérificateurs indépendants m'ont permis de participer pleinement à leurs travaux. En revanche, le comité sénatorial ne m'a pas traité équitablement. Je n'ai pas été avisé comme il se doit de la tenue de la réunion où le rapport serait discuté. On ne m'a pas remis le rapport du comité pour que je puisse le faire analyser par mon avocat. Je n'ai pas pu obtenir l'autorisation que mon avocat présente des arguments juridiques et des exemples tirés de la jurisprudence montrant que la notion de « résidence principale » est floue et dépend du contexte et qu'elle n'est jamais déterminée en tenant compte uniquement du nombre de jours passés à un endroit donné.

Nous savons maintenant que le comité a demandé un avis juridique sur la question de la résidence principale, mais qu'il s'est quand-même prononcé sur ce rapport avant de la recevoir. C'est certainement la preuve que le comité n'était pas convaincu que la définition était claire et bien comprise de tous et c'est certainement aussi une preuve additionnelle qu'il était prêt à infliger une sanction sans avoir bien compris les principes juridiques applicables.

Honorables sénateurs, les fonctionnaires et les agents financiers du Sénat qui ont l'obligation de voir au respect des règles du Sénat ont accepté mes demandes de remboursement et m'ont versé les indemnités. Donc, ils savaient manifestement combien de temps je passais à chaque endroit. Les agents financiers du Sénat ne savaient manifestement pas que le nombre de jours passés à un endroit était le critère qui devait être appliqué pour déterminer l'admissibilité des dépenses. On ne m'a jamais posé de questions sur la validité de mes demandes de remboursement et on ne m'a jamais parlé de critères additionnels auxquels je devais me plier. Pourtant, voilà où nous en sommes rendus aujourd'hui.

Outre le manque d'équité dans la façon dont j'ai été traité, tout le processus entourant le rapport du comité sent l'arbitraire. Le président du comité a déclaré qu'il ne sait pas quels conseils externes ont influé sur le rapport, remettant en question l'indépendance du comité.

Plus récemment, on lisait, dans l'Ottawa Citizen du 29 mai, que madame le leader du gouvernement au Sénat avait dit :

Toute cette affaire a mis au jour de très graves problèmes dans l'administration du Sénat.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous rappeler que, selon l'article 2 du chapitre 2:02 du Règlement administratif du Sénat, le Comité de la régie interne est « chargé de la bonne administration du Sénat. » Si, comme le croit madame le leader du gouvernement au Sénat, il y a des problèmes d'administration concernant les rapports de vérification au Sénat, cela suppose qu'il y a des problèmes au comité chargé de l'administration de ces rapports.

Les Canadiens ne peuvent plus avoir confiance en l'intégrité du processus qui a mené au vingt-quatrième rapport et méritent non seulement que le comité se plie aux règles les plus élémentaires de la justice, mais méritaient que le comité fonctionne en toute ouverture, équité et transparence.

Honorables sénateurs, j'aimerais vous rappeler la conclusion du rapport du vérificateur indépendant. D'abord, il a noté ce qui suit, au paragraphe 3 de la section 4.3 :

Les règlements et lignes directrices applicables pendant la période visée ne comportent aucun critère d'établissement d'une résidence principale. Nous n'avons donc pu évaluer si la résidence principale déclarée par le sénateur Harb répond bien aux exigences des règlements et lignes directrices existants.

Le vérificateur ajoute ce qui suit à la section 5.2.2.3 du rapport :

Selon notre analyse, le sénateur Harb s'est rendu régulièrement à sa résidence principale déclarée...

Je souligne qu'il a dit « régulièrement ». Le rapport se poursuit ainsi :

... et y a passé de 3 à 19 jours par mois au cours de la période visée.

Selon le rapport du vérificateur indépendant, j'ai passé davantage de jours pendant lesquels nous ne travaillions pas à la résidence principale que j'avais déclarée et à l'extérieur d'Ottawa qu'à Ottawa.

Voici la seule question de fond dont le Sénat est saisi : le comité peut-il, de façon arbitraire, créer de nouvelles règles et les appliquer de façon rétroactive et, du même coup, faire abstraction du rôle de l'Administration du Sénat, qui est au fait de ma déclaration de résidence principale et de mes demandes d'indemnité de subsistance?

Ce n'est pas comme si un certain nombre de mes demandes avaient été rejetées. J'ai suivi toutes les règles et toutes les lignes directrices établies par le Sénat lorsque j'ai rempli mes demandes. Il est tout simplement indéfendable de changer les règles au titre desquelles j'ai rempli mes demandes puis de les appliquer de façon rétroactive à mon cas. Cette façon de faire, soit m'imposer des règles qui n'existaient pas à l'époque et qui n'existent toujours pas, est indéfendable.

Sur le seul fondement de cette question, le Sénat devrait rejeter l'adoption du rapport. Les Canadiens n'ont plus confiance dans le processus du comité. Dans la mesure où le processus et l'indépendance des décideurs ont été compromis, ce n'est pas en ouvrant le processus au public et à moi-même, comme cela aurait dû être le cas dès le début, que l'on réussira à dissiper l'apparence de partialité dont sont entachés le comité et le processus qui a mené à la production du rapport.

(1550)

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter quelques mots au débat sur le vingt-quatrième rapport du Comité de la régie interne, qui porte sur le sénateur Harb. J'ai en main l'édition du 30 mai de l'Ottawa Citizen. Il contient un article de L. Ian MacDonald, que nous connaissons certainement très bien, qui s'intitule : « Le scandale du Sénat avilit une institution de grande valeur ». Je suis heureuse qu'il considère que notre institution a de la valeur. Il termine l'article comme suit :

Cependant, ce sont précisément les sénateurs assidus et honnêtes sur le plan financier qui sont très agacés par le scandale qui a éclaté dans leurs rangs, parce que c'est leur réputation à tous qui est entachée. Et ils ont raison.

J'ai pensé que cela intéresserait les sénateurs. Je voulais aussi souligner, répéter ou préciser que je comprends que le sénateur Harb vient de dire que madame le leader du gouvernement au Sénat a déclaré dans un autre article que « ce scandale a mis en lumière des très graves problèmes au sein de l'administration du Sénat ». J'aimerais dire que les employés les plus dévoués, les plus assidus et les plus attentifs que j'ai rencontrés dans toute ma vie travaillent pour le Sénat.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Cools : Au cours des dernières années, j'ai craint que leur dévouement ne devienne trop bureaucratisé, mais je n'ai jamais rencontré de gens aussi assidus et dévoués. Je ne crois pas que mon expérience soit unique.

Honorables sénateurs, j'ai soulevé certains points très importants dans mes discours du 21 et du 28 mai 2013. L'une des premières objections que j'ai soulevées mérite d'être répétée. Elle concerne le lieu de domicile et le fait que les sénateurs qui se trouvent à Ottawa dans l'exercice de leurs fonctions sont considérés comme des résidants d'Ottawa.

J'étais au Sénat à l'époque de l'ancien régime de frais de subsistance. Il ne s'agissait pas alors d'un montant faramineux — il était même bien modeste. Chaque sénateur recevait le même montant. Un sénateur ne pouvait pas réclamer une série de montants allant d'un dollar à des milliers de dollars. Le régime fonctionnait, à l'époque, et il fonctionnait même très bien.

Honorables sénateurs, là où je veux en venir, c'est qu'il ne faut jamais oublier que c'est au nom de la reddition de comptes et de la transparence qu'on a inventé le système des résidences principale et secondaire. J'ai toujours pensé, et je le pense encore aujourd'hui, qu'il s'agissait de concepts artificiels. Les expressions « résidence principale » et « résidence secondaire » sont des concepts artificiels créés à la faveur d'une époque où régnait ce que des chercheurs ont surnommé la « culture de la vérification ».

Je tiens à répéter que ces concepts sont artificiels et vides de sens, car depuis 150 ans — depuis la Confédération — des députés et des sénateurs viennent à Ottawa pour s'occuper d'affaires publiques. Les parlementaires ont toujours eu droit à des frais de subsistance à Ottawa. À aucun moment les députés et les sénateurs qui séjournaient à Ottawa n'étaient décrits comme étant des résidants d'Ottawa. Le logement qu'ils occupaient à Ottawa n'était jamais qualifié de « résidence à Ottawa », même s'ils en étaient propriétaires. J'espère que la modification qui a été adoptée dans le vingt-cinquième rapport sera plus fructueuse.

Je considérais à l'époque que ces concepts étaient condamnés ab initio, comme on dit en latin. Je ne suis pas surprise qu'il y ait eu des problèmes. Il y a 60 ou 70 ans, il y avait toutes sortes de modes d'hébergement. Certaines personnes à Ottawa tenaient des pensions où séjournaient des députés de la Chambre des communes.

Quoi qu'il en soit, l'argument a été bien présenté. J'espère que le comité tiendra compte de certains de ces aspects.

Honorables sénateurs, le deuxième point que j'ai soulevé il y a un certain temps et sur lequel je veux revenir, c'est que j'ai eu beaucoup de difficultés à accepter les notions énoncées dans le vingt-cinquième rapport du Comité de la régie interne, ainsi que certaines recommandations. Je songe particulièrement à la notion selon laquelle les sénateurs devraient fournir une copie de leur permis de conduire, de leur carte d'assurance-maladie et des pages pertinentes de leur déclaration d'impôt chaque fois que la déclaration est signée.

Honorables sénateurs, je ne présente aucune réclamation au titre de l'allocation de logement. Je ne dis pas que c'est bon ou mauvais. Je dis simplement que je ne présente aucune réclamation, parce que cette allocation ne s'applique pas à des sénateurs comme moi. Je ne suis pas certaine du pouvoir que détient ce comité sénatorial et du pouvoir constitutionnel sur lequel il se fonde pour exiger ces documents. On parle ici d'une démarche intrusive.

Comme je l'ai déjà dit, j'accepte le fait que nous vivons dans une société qui exige des preuves, que les temps ont changé et qu'il est peut-être nécessaire de fournir plus de preuves. Par exemple, quiconque ici n'est pas né au Canada sait qu'il doit prouver plusieurs fois par année, sinon par mois, qu'il est un citoyen canadien.

Honorables sénateurs, ce que je veux dire, c'est que la nature de cette preuve est très intrusive, et je ne suis pas d'accord pour dire que le comité détient des pouvoirs à cet égard. J'aimerais bien qu'on me prouve que j'ai tort.

Mon opposition n'est pas liée au fait qu'il faut prouver notre identité, mais plutôt au fait que je ne crois pas qu'il est nécessaire que le comité s'approprie les documents que nous présentons à cette fin. Nous ne vivons pas dans un monde parfait et nous savons tous que l'un des terribles aspects de cette question, qui nous occupe depuis plusieurs mois, est ce fléau qu'on appelle les fuites aux médias. Ces fuites ne m'inspirent pas confiance.

Je demande encore une fois au Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration d'envisager la création d'un système ou d'un processus en vertu duquel une personne très qualifiée et habilitée pourrait prendre connaissance des documents d'une personne et certifier que cette personne l'a rencontrée. Cela dit, je suis très préoccupée par le fait que le comité doit obtenir cette documentation et l'entreposer dans des classeurs, parce que nous savons que des choses se produisent parfois. J'ai assez parlé de ce point.

Honorables sénateurs, je veux répéter clairement ce que j'ai dit : le problème que je vois est lié à la propriété et à la possession de ces documents. Il existe certains principes. Les passeports sont des documents entre le roi, la reine, le gouvernement et le citoyen. Il existe des règles très précises pour déterminer qui peut manipuler le passeport d'une autre personne et l'avoir la possession. De telles règles s'appliquent aussi aux déclarations d'impôt sur le revenu, qui renferment des renseignements personnels et qui sont très intrusives. Je ne crois pas que cela soit nécessaire ou justifié.

Quoi qu'il en soit, la majorité des sénateurs connaissent mon point de vue sur ces questions. J'ai été très claire sur des aspects tels que l'application régulière de la loi, la signification d'un avis en bonne et due forme, la justice naturelle et ainsi de suite.

Je suis très préoccupée par le fait que plusieurs sénateurs des deux côtés ont été lésés par ce processus. Ces dernières semaines, j'ai été à même de constater le stress vécu par les sénateurs. C'est un fait que nous vivons tous une période difficile. Je respecte ceux qui, des deux côtés du Sénat, doivent porter ce fardeau, et ceux que l'on soupçonne. Des accusations ne sont pas des constatations.

(1600)

Cette institution, le Sénat, est reconnue pour sa stabilité. Par les temps qui courent, il est beaucoup question d'abolir le Sénat, de le réformer, d'élire des sénateurs et de faire une foule de choses. Je rappelle que les Pères de la Confédération étaient des petits futés. Lorsqu'ils ont créé le Sénat, ils ont très clairement indiqué qu'ils créaient une institution qu'il serait difficile de modifier. C'est ce qui a été dit. Il faut prendre la peine de lire le compte rendu des débats de l'époque. J'avais trouvé une lettre, que je n'ai pas réussi à retrouver, dans laquelle l'un d'eux disait clairement que le Sénat existerait aussi longtemps que ce pays. Autrement dit, le Sénat durera aussi longtemps que le Canada, car, pour le modifier, il faut modifier l'accord sur la création de la fédération. Cela vaut la peine de lire les débats de la Confédération, et j'invite les sénateurs à le faire.

La constitution du Sénat est censée résister aux changements. Il ne faut pas l'oublier. Le Sénat est supposé être un phare de stabilité dans notre système constitutionnel. Il a été conçu de telle sorte qu'en cas de changements au sein du gouvernement, et par là je veux dire un nouveau gouvernement qui serait élu avec une majorité écrasante à la Chambre des communes, les nouveaux députés et ministres devraient faire affaire, au Sénat, avec plusieurs anciens ministres de gouvernements précédents. Le Sénat a été créé pour représenter les gouvernements, les populations et la volonté populaire des années passées. C'est ainsi qu'on crée la stabilité dans les systèmes de gouvernance. Le Sénat a été conçu pour résister aux changements radicaux.

Honorables sénateurs, bien des sénateurs se sont sentis blessés et humiliés par la couverture médiatique. Dans certains cas, on a dépassé les bornes, si je peux m'exprimer ainsi. Cela dit, la majorité des personnes qui siègent dans cette enceinte sont très respectées et appréciées dans leurs collectivités respectives. Plusieurs d'entre elles y ont trouvé chaleur et réconfort, et je les encourage à poursuivre leur bon travail. Il arrive que les choses aillent mal, mais un jour, tout finit par s'arranger. C'est l'un des mystères de la vie.

Contrairement à ce que disent bien des gens, ce n'est pas l'institution elle-même qui est en péril. L'institution du Sénat est très solide — même s'il arrive parfois qu'elle ne soit pas bien gérée, comme il arrive aussi qu'elle soit très bien gérée — et elle nous survivra. Depuis que je siège au Sénat, soit depuis près de 30 ans, j'ai vu se succéder sept premiers ministres. J'ai fait de mon mieux et j'ai donné le meilleur de moi-même, et je crois que c'est ce que la plupart d'entre nous font aussi.

Honorables sénateurs, je vais terminer mon intervention en répétant que ce qui m'importe, d'abord et avant tout, c'est que la justice règne, que la procédure soit respectée et que nous assurions l'équité en toutes circonstances. Sous le coup de l'émotion, les gens commettent de graves erreurs de jugement. C'est pour cette raison que les lois existent. Les lois nous protègent de la passion, car la passion a tendance à l'emporter sur la raison.

Cela dit, je tiens à remercier tous les sénateurs et à remercier Son Honneur. J'espère que nous pourrons réparer les dommages causés.

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions? Si personne d'autre ne veut prendre la parole, les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice Stewart Olsen, avec l'appui du sénateur Ogilvie, propose que le vingt-quatrième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (Examen du statut des résidences principale et secondaire du sénateur Harb) présenté au Sénat le 9 mai 2013, soit adopté.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Les oui l'emportent. La motion est adoptée avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

La Loi sur les transports au Canada

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-52, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada (administration, transports aérien et ferroviaire et arbitrage), accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

L'étude sur la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec

Adoption du dixième rapport du Comité des pêches et des océans et demande de réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l'étude du dixième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, intitulé La pêche au homard : gardons le cap, déposé au Sénat le 28 mai 2013.

L'honorable Elizabeth Hubley propose :

Que le rapport soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Pêches et des Océans étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse d'appuyer le plus récent rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, intitulé La pêche au homard : gardons le cap. Bien des sénateurs savent déjà que la pêche au homard fait partie intégrante de l'économie du Canada atlantique, et que les exportations connexes génèrent 1,1 milliard de dollars par année. Bien que la pêche ait pris plus d'importance, sa durabilité et sa rentabilité à long terme sont remises en question. Au cours des cinq dernières années, l'industrie a dû composer avec un ralentissement économique mondial sans précédent, la vigueur du dollar canadien, et une baisse de la demande pour le homard canadien. En conséquence, les prix ont chuté, les coûts ont augmenté et de nombreux pêcheurs ont du mal à subvenir à leurs besoins. C'est ce que des pêcheurs de homard de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau- Brunswick ont exprimé sans équivoque il y a quelques semaines lorsqu'ils ont attaché leurs bateaux pour protester contre le prix excessivement faible du homard.

(1610)

Honorables sénateurs, nous voici encore une fois au bord d'une crise. C'est en 2009 que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a étudié pour la première fois les obstacles considérables auxquels les pêcheurs de homard sont confrontés dans le contexte actuel. Il a produit son rapport, La crise dans la pêche au homard, cette même année; on y trouve un certain nombre de recommandations à court terme qui cherchaient à répondre aux préoccupations immédiates afin de permettre aux pêcheurs de traverser la crise. Quatre ans plus tard, la situation économique s'est améliorée, mais il est clair, comme l'illustre le faible prix du homard, que la pêche est toujours aux prises avec des problèmes structurels à long terme.

C'est à ces problèmes que notre comité voulait s'attaquer dans le cadre de sa plus récente étude. Au cours de la dernière année, nous avons entendu 50 témoins, ici à Ottawa, ainsi qu'à Moncton, durant des audiences publiques. Nous avons entendu des témoignages de représentants des ministères provinciaux et fédéral des Pêches, de pêcheurs, d'acheteurs, de transformateurs et de chercheurs. Ils nous ont rappelé l'importance du secteur et souligné les obstacles qu'il devra surmonter à l'avenir. Les principales questions soulevées auprès du comité étaient : la gestion des prix à terre; la surabondance de homard et la qualité de la chaîne d'approvisionnement; la présentation de nouvelles initiatives sur le marché; l'adaptation aux modifications apportées à l'assurance- emploi et à la politique du ministère des Pêches et des Océans; et la compréhension de l'incidence des changements climatiques, de l'aquaculture, de l'effort de pêche et d'autres phénomènes sur la santé à long terme de la biomasse de homard.

Le comité est d'avis que la viabilité de la pêche au homard dépend encore de l'aide gouvernementale, mais il vient également à la conclusion que le secteur lui-même doit s'ouvrir au changement et à l'innovation. En conséquence, la plupart de nos recommandations demandent à tous les ordres de gouvernement d'entrer en partenariat avec le secteur dans un futur proche tout en jetant les fondements nécessaires pour permettre au secteur de devenir autosuffisant à l'avenir.

Par exemple, notre première recommandation demande au ministère des Pêches et des Océans d'envisager, en partenariat avec les provinces atlantiques et le Québec, la mise sur pied d'un programme semblable aux Mesures de durabilité pour l'industrie du homard de l'Atlantique, qui doit bientôt prendre fin. Ce programme a été créé en juin 2009 et on prévoit que, lorsqu'il prendra fin l'an prochain, près de 600 permis de pêche au homard auront été rachetés et plus de 200 000 casiers retirés. Les témoins ont formulé des remarques positives à l'égard du programme et c'est pourquoi le comité recommande au gouvernement de prolonger cette initiative ou de créer un autre programme semblable.

Une autre recommandation clé porte sur le Conseil canadien du homard. Le conseil, qui a aussi été créé en 2009, représente tous les segments de l'industrie du homard. Il est en train de prendre plusieurs initiatives de commercialisation afin de créer une image solide du homard canadien et d'ouvrir de nouveaux marchés internationaux. Ces initiatives sont prometteuses et elles contribuent à faire monter les prix dans la chaîne d'approvisionnement, depuis les pêcheurs jusqu'aux grossistes.

Même si le conseil a pour objectif de devenir autosuffisant et d'être subventionné entièrement par l'industrie, il n'en est pas encore là. C'est pour cette raison que le comité recommande que le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces atlantiques et du Québec continuent d'assurer du financement au conseil et de travailler afin que celui-ci dispose du cadre nécessaire pour aller de l'avant avec son mandat.

Le comité a aussi formulé quatre autres recommandations. Celles- ci proposent notamment : que le MPO travaille avec les pêcheurs de homard afin de mieux les sensibiliser aux changements apportés à la prestation de services; que le MPO et ses homologues provinciaux envisagent d'établir un programme semblable à l'Initiative sur les pêches commerciales intégrées au Canada atlantique pour appuyer les collectivités des Premières Nations qui participent à la pêche au homard; que le MPO continue de travailler avec les intervenants de la zone de pêche au homard 25 afin de trouver une solution au problème de la taille de la carapace; et, enfin, que d'autres recherches soient menées sur la biomasse du homard et sur les facteurs qui influent sur sa santé.

Ces recommandations s'inspirent du succès des programmes précédents et elles préparent le terrain pour les réformes structurelles à long terme dont l'industrie du homard aura besoin dans l'avenir.

Comme toujours, j'ai été heureuse de travailler avec mes collègues du Comité des pêches et des océans, et je remercie le président du comité, le sénateur Manning, de son leadership.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

Règlement, procédure et droits du Parlement

Le septième rapport du comité—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, C.P. (Cobourg), appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à l'adoption du septième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (modifications au Règlement du Sénat), présenté au Sénat le 19 mars 2013.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'ai pas terminé mes recherches pour ce rapport. Je demande l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole..

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, encore une fois, selon le Règlement du Sénat du Canada :

4-15. (2) Sauf décision contraire du Sénat, sont supprimées les affaires, autres que celles du gouvernement, figurant au Feuilleton et les motions ou interpellations au Feuilleton des préavis qui n'ont pas été discutées depuis 15 jours de séance.

Comme toujours, s'il y a consentement unanime pour accepter l'ajournement du débat pour le temps qu'il reste au sénateur Carignan, avec l'appui du whip en chef du gouvernement, la sénatrice Marshall, je vais donner l'occasion aux honorables sénateurs de décider.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

Le sixième rapport du comité—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, C.P. (Cobourg), appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à l'adoption du sixième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (modifications au Règlement du Sénat), présenté au Sénat le 6 mars 2013.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'avais mélangé mes notes et, le temps que je les replace, je vous demanderais également la permission d'ajourner pour le reste de mon temps. Je prendrai la parole à ce sujet bientôt.

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

Les universités et autres établissements d'enseignement postsecondaires

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cowan, attirant l'attention du Sénat sur les nombreuses contributions des universités et autres établissements d'enseignement postsecondaire du Canada, ainsi que de leurs instituts de recherche, à l'innovation et à la recherche dans notre pays, et en particulier aux activités que ceux-ci entreprennent, en partenariat avec le secteur privé et celui sans but lucratif, avec un appui financier de sources nationales et internationales, dans l'intérêt des Canadiens et des gens un peu partout dans le monde.

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, lorsqu'il a lancé cette interpellation, le sénateur Cowan a vanté les travaux qui sont effectués par nos chercheurs dans les universités canadiennes avec l'aide des gouvernements et du secteur privé. En lisant entre les lignes un tant soit peu, on se rend compte que le sénateur insinuait que notre gouvernement faisait bien peu de cas de l'importance de la recherche.

(1620)

Pourtant, le 22 octobre dernier, Leona Aglukkaq, ministre de la Santé, a annoncé un investissement important dans des recherches novatrices visant à étudier la façon dont les facteurs environnementaux peuvent modifier l'expression de l'ADN, voire influer sur notre santé. Ces travaux sont financés par le gouvernement du Canada, en partenariat avec Génome Colombie- Britannique, Génome Québec et l'Agence japonaise des sciences et de la technologie.

J'ai eu l'honneur d'accompagner la ministre au Centre d'innovation Génome Québec à l'Université McGill de Montréal. Ce centre est un établissement de renommée mondiale pour sa recherche et son expertise dans le domaine des troubles génétiques complexes. Lorsque les scientifiques disent que le Canada joue dans la cour des grands en recherche, ils font allusion à des endroits comme celui que j'ai eu l'honneur de visiter avec notre ministre. Vous me permettrez de citer ce qu'elle a dit au cours de cette cérémonie :

Notre gouvernement est fier d'appuyer la recherche qui aidera à brosser un tableau plus complet des causes des maladies humaines, en particulier des maladies chroniques et complexes comme le cancer, le diabète, la maladie mentale et bien d'autres. Nous espérons que ces travaux conduiront à la mise au point de nouveaux traitements capables d'améliorer la santé de la population canadienne.

Je peux vous assurer que tous les scientifiques présents étaient ravis des 44 millions de dollars que venait leur annoncer notre ministre de la Santé.

Par l'intermédiaire des Instituts de recherche en santé du Canada, notre gouvernement a donc créé une nouvelle initiative nationale, le Consortium canadien de recherche en épigénétique, environnement et santé, afin d'appuyer la recherche de pointe sur le rôle de l'ADN et des interactions environnementales sur la santé et les maladies humaines. Dans un premier temps les Instituts de recherche en santé du Canada, avec leurs différents partenaires, ont financé un programme de subventions novateur et un programme de plate- forme en épigénomique pour aider les experts canadiens dans le domaine de l'ADN. Ces travaux ont permis de cibler et de définir l'ADN, les protéines à la base de la santé humaine et de notre patrimoine génétique, un travail qui aide à établir la cause des maladies et à trouver des moyens de les guérir. Vous voyez que, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire, notre gouvernement participe généreusement au financement du travail réalisé dans ces laboratoires.

Nous disposons actuellement d'un portrait génétique détaillé de l'organisme humain. Malgré cela, d'importants éléments d'information nous font toujours cruellement défaut. Pourquoi une personne plutôt qu'une autre tombe-t-elle malade? Les chercheurs savent maintenant que quelque chose se passe entre le moment de la création de l'empreinte génétique et l'apparition de la maladie. Ce nouveau domaine de recherche emballant, appelé épigénétique, nous aide à expliquer ces différences et leur importance pour la santé.

La recherche nous montre que les premières expériences de la vie, par exemple le stress, la faim, l'exposition à des produits chimiques, peuvent modifier le fonctionnement de nos gènes. Une compréhension approfondie des processus génétiques nous aidera à trouver les causes de pathologies variées et à mettre au point des traitements possibles. Il faut investir beaucoup de temps et d'efforts pour produire tous les résultats prévus et espérés. Toutefois, dans un proche avenir, nous disposerons d'outils plus performants et plus précis qui nous permettront de prévoir et de diagnostiquer la maladie. Ces outils sont actuellement en cours d'élaboration.

Je m'en voudrais de ne pas mentionner une autre annonce récente, celle d'un nouveau réseau de recherche en santé mentale dans le cadre de l'ambitieuse stratégie de recherche axée sur le patient, et l'annonce d'investissements importants en médecine personnalisée.

Alors que je m'approche de la fin de cette intervention, je m'en voudrais de ne pas réitérer l'importance du soutien de notre gouvernement à ces types de recherches novateurs et emballants.

Dernièrement, j'ai été étonnée que, malgré le fait qu'il ait lancé cette interpellation, le sénateur Cowan se soit mis à chercher un côté négatif au résultat de ces recherches. Il nous a donc présenté un projet de loi, le projet de loi S-218. Il semble craindre que ces tests génétiques créent, au bout du compte, une sorte de discrimination, que certaines personnes se voient forcées de se soumettre à ces tests et de partager les résultats obtenus, ou ces personnes se voient alors mises de côté alors qu'elles postulent dans une compagnie ou sont en lice pour obtenir une promotion pourtant bien méritée. Au pire, qu'une compagnie d'assurance refuse d'approuver une police pour une personne qui serait trouvée plus à risque de devenir diabétique ou de souffrir d'un cancer.

Contrairement à ce point de vue, je crois sincèrement que ces mêmes renseignements pourraient servir de guides à des médecins qui tentent de prévenir des maladies chez un patient, voire faciliter un diagnostic précoce pour améliorer les chances de guérison ou de rémission.

Vous avez déjà compris qu'il me sera impossible de voter en faveur de ce projet de loi, qui s'acharne à trouver un côté négatif aux découvertes de nos scientifiques.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La pauvreté

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Robichaud, C.P., attirant l'attention du Sénat sur la question de la pauvreté au pays — une question qui est toujours d'actualité et qui continue de faire des ravages.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Je vois que cet article en est à son 15e jour, Votre Honneur. Nous avons dû aborder d'autres questions récemment et je n'ai pas terminé d'organiser mes notes. J'aurai bientôt fini, sénateur Carignan. Je pense que je prendrai la parole tout de suite après son intervention au sujet du Règlement.

Cela étant entendu, j'aimerais ajourner le débat à mon nom pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

Les femmes autochtones portées disparues ou assassinées

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Lovelace Nicholas, attirant l'attention du Sénat sur la tragédie continue des femmes autochtones portées disparues ou assassinées.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, il y a plus de 30 ans que le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Cette convention exige non seulement que l'État condamne, prévienne et punisse toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, mais aussi qu'il se penche sur les causes profondes de la discrimination. Le Canada n'a pas rempli cet engagement et n'a pas répondu aux appels à l'action lancés par les autorités internationales des droits de la personne. Aujourd'hui, je souhaite ajouter ma voix à celle de ceux qui demandent la tenue d'une enquête nationale sur les femmes autochtones portées disparues et assassinées.

En décembre dernier, les sénatrices Lovelace Nicholas et Dyck ont prononcé des discours convaincants et empreints de compassion à ce sujet. Je tiens à les remercier de leur infatigable dévouement et de leur engagement indéfectible à l'égard de ce dossier.

[Français]

Je suis également heureuse de signaler qu'une motion présentée par un député du Parti libéral, visant à former un comité spécial à qui on confierait le mandat d'examiner la question des femmes et des jeunes filles autochtones disparues ou assassinées, a été adoptée à l'unanimité à l'autre endroit en février.

(1630)

Cette motion donnait l'instruction à la Chambre des communes de reconnaître :

Qu'un nombre disproportionné de femmes et de filles autochtones ont été violentées, portées disparues ou assassinées au cours des 30 dernières années;

Qu'il incombe au gouvernement de rendre justice aux victimes, de ressourcer les familles et de collaborer avec les partenaires pour mettre fin à la violence;

Et qu'un comité spécial doit être chargé de tenir des audiences sur le problème crucial des disparitions et des assassinats de femmes et de filles autochtones et de proposer des remèdes aux causes fondamentales de la violence faite aux femmes autochtones.

C'est une étape importante dans la recherche d'une solution au problème des femmes autochtones disparues et assassinées au Canada. Il est néanmoins indispensable de tenir une enquête nationale complète et indépendante.

[Traduction]

Étant donné que je représente la Colombie-Britannique, je vais contribuer au débat sur cette question au Sénat en donnant un aperçu des constatations de la commission d'enquête sur les femmes disparues menée par la province, et en parlant des progrès accomplis en Colombie-Britannique depuis la diffusion du rapport en décembre de l'an dernier. Ce faisant, je veux souligner combien il a été positif de souligner l'urgent besoin d'une commission d'enquête dotée des pleins pouvoirs requis pour mener une enquête judiciaire.

Selon le Bureau du Conseil privé, les commissions d'enquête sont menées par d'éminentes personnes, des experts ou des juges, et ont le pouvoir d'assigner des témoins à comparaître, de recueillir des témoignages sous serment, et d'exiger la production de documents. Les conclusions et les recommandations d'une commission d'enquête ne sont pas exécutoires. Toutefois, plusieurs d'entre elles ont un impact important sur l'opinion publique et contribuent à façonner les politiques publiques.

Pour mettre à profit le travail de la commission d'enquête de la Colombie-Britannique et faire en sorte que les droits des femmes et des jeunes filles canadiennes soient protégés, nous devons prendre des mesures pour cerner les causes fondamentales du problème et nous employer à les corriger.

Une commission d'enquête nationale est la meilleure façon d'accomplir cette tâche. En décembre 2010, le lieutenant- gouverneur de la Colombie-Britannique a promulgué un décret pour créer la commission d'enquête sur les femmes disparues. Wally Oppal, ancien procureur général de la Colombie-Britannique, a été nommé commissaire.

[Français]

Si nous regardons le mandat du commissaire Oppal, nous y voyons quatre directives importantes.

Premièrement, examiner le déroulement des enquêtes menées entre le 23 janvier 1997 et le 5 février 2002 par les forces policières en Colombie-Britannique en ce qui touche les femmes portées disparues dans le quartier centre-est de Vancouver, et tirer des conclusions de fait sur celles-ci.

Deuxièmement, examiner la décision de la Direction de la justice pénale, prise le 27 janvier 1998, de suspendre l'instance sur les accusations portées contre Robert William Pickton de tentatives de meurtre, d'agressions avec une arme, de séquestration et de voies de fait graves, et tirer des conclusions de fait sur celle-ci.

Troisièmement, recommander les changements jugés nécessaires en ce qui concerne l'introduction et le déroulement des enquêtes en Colombie-Britannique sur les femmes disparues et les homicides multiples présumés.

Quatrièmement, recommander les changements nécessaires visant les enquêtes pour homicide, en Colombie-Britannique, par plus d'un organisme d'enquête, y compris la coordination de ces enquêtes.

[Traduction]

La commission d'enquête sur les femmes disparues a posé des défis particuliers. L'indifférence des institutions à l'égard des femmes portées disparues dans la partie est du centre-ville de Vancouver, qui durait depuis des années, avait fait naître colère et frustration parmi les proches des victimes et les gens de la collectivité. Une méfiance généralisée existait à l'endroit de la commission, et on doutait fortement qu'elle donne quoi que ce soit.

Je veux souligner tout spécialement la contribution de M. Art Vertlieb, c.r., qui a agi comme conseiller juridique du commissaire. Sa compétence, son expérience et son engagement ont permis de faire en sorte que les témoignages nécessaires à l'enquête soient présentés d'une façon juste et respectueuse. Sa compréhension des dossiers, sa compassion pour les victimes et sa foi en l'importance du travail de la commission ont été déterminants dans la production d'un rapport qui a vraiment permis d'améliorer la situation.

Le 17 décembre, la commission d'enquête sur les femmes portées disparues a publié son rapport intitulé Forsaken. Ce rapport comporte quatre volumes. Le premier est intitulé The Women, Their Lives and the Framework of Inquiry : Setting the Context for Understanding and Change; le deuxième, Nobodies : How and Why We Failed the Missing and Murdered Women; le troisième , Gone, but Not Forgotten : Building the Women's Legacy of Safety Together; enfin, le quatrième volume s'intitule The Commission's Process.

Ce rapport de 1 148 pages inclut aussi un résumé de 180 pages. C'est un long document très détaillé et très important qui raconte une histoire tragique et qui recommande d'importantes mesures.

Honorables sénateurs, j'aimerais commencer mon survol du rapport en relatant l'histoire de Sarah de Vries. Sarah de Vries avait des origines raciales multiples : blanches, noires, mexicaines et autochtones. Elle avait été adoptée en avril 1970 par une famille de Vancouver. Tout au long de sa vie, Mme de Vries a tenu un journal, dans lequel elle décrivait, entre autres, le sentiment d'isolement qu'elle ressentait en tant que femme de couleur grandissant dans un milieu majoritairement blanc. À l'école, elle a été victime de racisme flagrant. Ce racisme s'est manifesté en partie par des agressions verbales et physiques de la part de ses camarades de classe. Sa sœur, Maggie, croit qu'un voisin a agressé sexuellement Sarah à plusieurs occasions durant son enfance.

Lorsque ses parents ont divorcé au début des années 1990, Mme de Vries était devenue de plus en plus perturbée et malheureuse. À 14 ans, Mme de Vries a fugué et elle a commencé à faire l'expérience des drogues. À l'âge de 17 ans, elle vivait dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver. Durant toute la période où elle a vécu dans ce quartier, Sarah relatait dans son journal les actes de violence dont elle était victime en tant que travailleuse du sexe. Elle faisait état de son impuissance, de sa marginalisation, de sa peur et de son désespoir.

Honorables sénateurs, voici un extrait du journal intime de Mme de Vries :

Tant de femmes disparaissent que je ne connaissais même pas.

C'est devenu routinier.

Quelle tristesse!

Une personne meurt, et c'est comme si c'était normal.

Les mots me manquent.

C'est étrange.

Une femme qui travaille dans le secteur de la rue Hastings se fait assassiner, et puis rien... Que la société soit aussi insensible est honteux.

Dévoyée et égarée, elle était quand même la fille chérie de sa mère.

C'était un être humain.

Les mots de Mme de Vries dénotent une tristesse profonde, mais nous frappent aussi par leur franchise. C'est la meilleure façon de répondre à quiconque douterait de la pertinence du titre du rapport, Forsaken, qui signifie « abandonnée ». Si la vie avait réservé un autre sort à Mme de Vries, elle aurait peut-être été romancière, poète, journaliste ou même politicienne. Cependant, elle a disparu le 14 avril 1998, quelques minutes après qu'une amie l'ait vue pour la dernière fois au coin d'une rue.

Robert Pickton a été inculpé en 2005 du meurtre de Mme de Vries après qu'on eut retrouvé sur sa ferme l'ADN de cette femme, mais on a plus tard laissé tomber cette accusation. Selon le Centre d'information de la police canadienne, 1 559 femmes sont actuellement portées disparues au Canada. Je répète : 1 559 femmes sont portées disparues dans notre beau grand pays, le Canada.

Selon les Sœurs par l'esprit, un programme de recherche et de sensibilisation mis sur pied par l'Association des femmes autochtones du Canada et financé par le gouvernement du Canada jusqu'à son démantèlement en 2010, plus de 582 femmes autochtones seraient actuellement portées disparues au Canada ou auraient été assassinées.

Mais pourquoi de telles statistiques paraissent-elles nous laisser de glace? Le rapport Oppal souligne à raison que le mot « disparue » est un euphémisme pour décrire la cruauté que la plupart des femmes ont dû endurer. Nous habitons peut-être un beau pays, mais, devant ces 582 êtres humains arrachés à la vie, nous restons paralysés. Une personne portée disparue ou assassinée est susceptible d'avoir subi un viol, des voies de fait ou de la torture, avec ce que cela suppose de douleur et très certainement de frayeur, mais aucun mot ne saurait décrire vraiment l'horreur vécue par ces femmes.

Lorsque le commissaire Oppal a annoncé le titre de son rapport de 1 500 pages, Forsaken, il a déclaré que ces femmes avaient été abandonnées deux fois : une fois par la société, et une deuxième fois par la police.

[Français]

Le problème commun dans le cas des femmes disparues et assassinées, c'est qu'elles sont marginalisées socialement et économiquement.

Elles sont aux prises avec la violence, la pauvreté, les toxicomanies, le racisme, des problèmes de santé mentale et de logement, un bas niveau de scolarisation et les répercussions intergénérationnelles des pensionnats.

(1640)

Ces facteurs les rendent très vulnérables à toutes sortes de violences, y compris la prédation en série. Selon le rapport, et je cite :

Pour éradiquer la violence contre les femmes, il faut s'attaquer aux causes profondes de la marginalisation, comme le sexisme, le racisme et les effets profonds et continus de la colonisation des peuples autochtones. Tous ces facteurs contribuent ainsi à la pauvreté et à l'insécurité dans laquelle vivent un grand nombre de femmes.

Les travailleuses de l'industrie du sexe sont traitées comme moralement et socialement distinctes des autres femmes. La société voit ces femmes comme méritant moins d'être respectées et protégées. Par conséquent, la violence qu'elles subissent est devenue normalisée et, dans certains cas, attendue. Les problèmes systémiques qui ont abouti à la disparition et au meurtre des femmes autochtones ont été exacerbés par le mauvais fonctionnement des services de police.

Essentiellement, les échecs de la police sont les suivants : de mauvais rapports sur les femmes disparues; une analyse et une évaluation incorrectes des risques; des stratégies proactives insuffisantes pour empêcher de causer encore plus de tort aux femmes dans le quartier centre-est; l'absence d'examen et de poursuite adéquate de tous les moyens d'enquête, y compris d'une stratégie conclue pour les Autochtones; le défaut de suivre les pratiques et les politiques de gestion de causes d'envergure; l'incapacité de traiter les questions touchant plusieurs territoires et l'inefficacité de la coordination; et, enfin, l'échec des mesures de l'examen interne et de reddition de comptes externes.

Ces échecs de la police découlent de la discrimination, des préjugés systémiques incorporés dans les institutions et de l'indifférence politique et publique; de piètres systèmes ainsi que de mesures et de normes policières limitées et dépassées; de la fragmentation des services de police; du manque de ressources et d'une mauvaise répartition des ressources; de la culture de la police et de la mauvaise gestion du personnel; et, enfin, de travailleurs mal formés et d'allégations de collusion et de camouflage.

Tous ces éléments ont contribué à créer une société qui permet à la violence faite aux femmes autochtones de persister.

[Traduction]

Le rapport du commissaire Oppal incluait une liste de 63 recommandations, y compris la création d'un service de police régional et d'un comité indépendant visant à élaborer un modèle et un plan de mise en œuvre pour ce service; le versement de de fonds publics supplémentaires aux services de soutien afin que les centres d'urgence pour les femmes pratiquant le commerce du sexe puissent rester ouverts 24 heures par jour; la conception et la mise en œuvre d'un meilleur réseau de transport en commun afin d'assurer la sécurité des déplacements entre les collectivités du Nord, plus particulièrement le long de la route 16, qu'on appelle dans ma province la route des pleurs parce que beaucoup de femmes autochtones y ont disparu; l'indemnisation des enfants des femmes disparues et assassinées; la conduite de vérifications d'égalité dans les services de police dans le but d'empêcher les femmes marginalisées et Autochtones d'être victimes d'actes de violence; le financement d'un plus grand nombre de postes d'agents de liaison s'occupant de la protection des travailleuses du sexe et l'étude de la possibilité de rétablir la Société de liaison avec les Autochtones de Vancouver; et, enfin, l'élaboration d'une politique à l'intention des procureurs de la Couronne visant à les guider dans les poursuites relatives aux actes de violence contre des femmes vulnérables, y compris des travailleuses du sexe.

[Français]

Depuis la publication de cette politique, la Colombie-Britannique a donné suite à ses recommandations en adoptante un plan d'action visant : à nommer l'ancien lieutenant-gouverneur de la Colombie- Britannique, Stephen Point, à la présidence d'un comité consultatif sur la sécurité des femmes vulnérables; à engager 750 000 $ dans la WISH Drop-In Centre Society pour lui permettre d'offrir des services de soutien aux femmes vulnérables; à permettre au ministère provincial des Transports d'élaborer un plan de consultation pour régler les questions de transport; et, enfin, examiner des modifications aux politiques liées à l'égalité et aux témoins vulnérables au sein de la Direction de la justice pénale du ministère provincial de la Justice.

[Traduction]

Malheureusement, M. Point, dont la nomination était considérée comme une bonne nouvelle, a depuis démissionné.

Honorables sénateurs, j'ai profité de l'occasion qui nous était donnée aujourd'hui de parler de cette question parce que j'ai rencontré les parents et les proches de femmes portées disparues. En tant que politicienne de la Colombie-Britannique, cette situation m'embarrasse beaucoup. Si ces femmes n'étaient pas des Autochtones, les Canadiens auraient crié au scandale. Au lieu de cela, ils demeurent muets. Même mes amis ne sont pas disposés à entendre ce que j'ai à dire. Personne ne dit rien parce que ces femmes sont Autochtones. Nous devrions avoir honte que plus de 500 femmes sont portées disparues et que, dans notre merveilleux pays, un silence assourdissant règne à leur sujet.

Dawn Crey était membre de la Première Nation Sto:lo. Ses parents étaient des survivants des pensionnats indiens. Après avoir vu son père mourir d'une crise cardiaque lorsqu'elle était enfant — événement qui, semble-t-il, a eu un impact important sur elle — Dawn a vu sa mère commencer à boire. Mme Crey est devenue dépendante aux drogues à l'adolescence et elle éprouvait des problèmes de santé mentale. À un moment donné, elle a attaqué l'homme avec qui elle habitait, dans une tentative désespérée pour être admise à l'hôpital Colony Farm, qui est un établissement de santé mentale. Même si elle a reçu des traitements durant toute sa vie, Mme Crey n'a jamais pu vaincre ses dépendances. Elle s'est retrouvée dans le quartier Downtown East Side. En 1990, deux femmes lui ont lancé de l'acide, ce qui a laissé des marques permanentes sur son visage et sa tête et a entraîné des douleurs permanentes. Mme Crey a été portée disparue en 2000. On a par la suite trouvé des traces de ses empreintes génétiques dans la ferme de Pickton. On a recommandé de porter des accusations de meurtre, mais cela n'a jamais été fait.

Mme Crey n'est plus là, mais elle n'a pas été oubliée.

En 2006, Christine Welsh a réalisé un film sur les femmes autochtones portées disparues ou assassinées qui raconte l'histoire de Dawn. Le film s'intitule Finding Dawn. Mme Crey n'est qu'une des nombreuses victimes qui auraient pu profiter de services de soutien élargis au centre d'accueil WISH.

Honorables sénateurs, je veux souligner le travail du commissaire Oppal et les efforts du gouvernement de la Colombie-Britannique depuis la publication du rapport. Ce rapport est complexe et il renferme de nombreuses recommandations. Il fait état d'une tragédie qui touche toutes les régions du pays. M. Art Vertlieb, conseiller juridique de la commission d'enquête sur les femmes disparues, m'a dit que la GRC avait déclaré à maintes reprises que l'enquête provinciale n'avait pas compétence pour examiner la gestion et le fonctionnement de la GRC. Toute tentative faite en ce sens par une commission d'enquête provinciale est contestée, parce qu'en vertu de la loi ce dossier ne relève pas de la compétence des provinces. Lorsque la GRC a participé à la commission d'enquête provinciale Braidwood sur les pistolets électrisants Taser, elle a beaucoup insisté sur ce point. La GRC a dit très clairement qu'elle participait uniquement dans un esprit de collaboration. Honorables sénateurs, si l'on veut pouvoir examiner en toute légalité la gestion et la formation au sein de la GRC, ainsi que la façon de faire de ce corps policier dans le dossier des femmes portées disparues ou assassinées, il faut ordonner la tenue d'une enquête fédérale.

La GRC est le principal corps de police dans la plupart des provinces — les exceptions notables étant la Police provinciale de l'Ontario, la Sûreté du Québec et la Force constabulaire royale de Terre-Neuve. C'est notamment parce que la GRC joue un rôle important dans la protection des femmes que nous avons urgemment besoin d'une enquête nationale.

Je demande aux sénateurs d'appuyer le travail des sénatrices Lovelace Nicholas et Dyck.

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné.)

Pêches et océans

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Fabian Manning, ayant donné préavis le 28 mai 2013, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir à 17 heures le mardi 4 juin 2013, même si le Sénat est en séance à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

(1650)

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, j'ai une question. Je n'ai aucune objection précise à faire valoir, mais j'aimerais savoir pourquoi le sénateur demande cette dérogation.

Le sénateur Manning : Je remercie la sénatrice de sa question. Le comité a commencé une nouvelle étude sur l'industrie de l'aquaculture et les représentants de l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture viendront témoigner au comité la semaine prochaine. Ils viennent exprès de la Nouvelle-Écosse. Des dispositions ont été prises et nous voulons être certains que nous aurons le temps d'entendre leur témoignage mardi. Ce serait dommage qu'ils se soient déplacés pour rien. Nous voulons simplement que les mesures nécessaires soient prises.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Langues officielles

Adoption de la motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude sur les obligations de CBC/ Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion

L'honorable Maria Chaput, conformément au préavis donné le 28 mai 2013, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mercredi 26 septembre 2012, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des langues officielles relativement à son étude sur les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion soit reportée du 30 juin 2013 au 31 décembre 2013.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'ajournement

Adoption de la motion

Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motion du gouvernement :

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5g) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 4 juin 2013, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mardi 4 juin 2013, à 14 heures.)


Annexe

LE DÉVOILEMENT DU CALENDRIER DU BUREAU DU SÉNAT

LA SALLE DU SÉNAT
LE 29 MAI 2013

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous allons maintenant procéder à une courte cérémonie à l'occasion du dévoilement du nouveau calendrier, en l'honneur du 60e anniversaire d'accession au trône de Sa Majesté. Je vous invite à rester pour y assister.

J'invite les greffiers à se lever et à se placer le long du bureau.

Avec votre accord, honorables sénateurs, il serait opportun que nos sténographes consignent cet événement afin qu'il soit annexé aux Débats du jour. Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : De plus, honorables sénateurs, je demande votre accord pour que des photographes viennent sur le parquet. Nous aurions ainsi des archives photographiques de l'événement. Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, c'est le jubilé de diamant de Sa Majesté la reine Elizabeth II qui est à l'origine de ce magnifique projet. Informée de l'initiative, Sa Majesté nous a d'ailleurs transmis le message suivant, que j'ai le grand honneur de vous lire :

Je suis heureuse qu'un splendide présentoir à calendrier de forme pyramidale, portant mon monogramme, ait été commissionné pour orner le Bureau dans la Chambre du Sénat, où j'ai eu l'insigne devoir à deux occasions de lire le discours du Trône.

Ce calendrier, surmonté de la couronne de Saint-Édouard, commémore le jubilé de diamant de mon règne comme reine du Canada et le soixantième anniversaire de mon couronnement. L'assurance de sa visibilité continue au Sénat sera un témoignage constant de la fonction et du rôle important de la Couronne au sein du Parlement du Canada.

Signé : Elizabeth R.

[Français]

Comme Sa Majesté elle-même l'a reconnu, la visibilité accordée à la couronne dans ce calendrier souligne le rôle et la présence de la Couronne au sein du Sénat et de notre système parlementaire.

Comme il s'agit d'un calendrier, il ne devrait pas nous surprendre qu'il soit achevé et présenté à temps, ne serait-ce qu'à la toute dernière minute. En effet, le dimanche 2 juin marque le 60e anniversaire du couronnement de la reine, le dernier jour qui puisse être justement associé au jubilé de diamant.

[Traduction]

Le projet de création du calendrier dans le cadre du jubilé de diamant a été proposé par notre Groupe consultatif sur les œuvres d'art, il y a plus d'un an. Par la suite, le projet a reçu l'aval du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. L'orfèvre qui a été sélectionné a produit un modèle de base, qui a été approuvé. Grâce aux vaillants efforts de la sénatrice Fortin-Duplessis et du sénateur Moore, et grâce à la générosité de nombreux sénateurs, des greffiers au Bureau et d'autres agents supérieurs d'hier et d'aujourd'hui, des fonds ont pu être amassés pour couvrir les coûts de cette commande. Le sénateur Joyal a pris sur lui de surveiller l'évolution du projet, du début jusqu'à la fin. Le sénateur Joyal et la sénatrice Fortin-Duplessis vous parleront plus en détail de ces efforts dans quelques instants.

Avant tout, il est temps de voir enfin le fruit de tout ce travail et de découvrir le nouveau calendrier du Bureau du Sénat commémorant le jubilé de diamant de la reine. Nous remercions tous les sénateurs, ainsi que les greffiers au Bureau et d'autres personnes, d'avoir participé à son financement. J'invite madame le leader du gouvernement au Sénat, l'honorable Marjory LeBreton, ainsi que le leader de l'opposition au Sénat, l'honorable James Cowan, à s'approcher pour dévoiler le nouveau calendrier du jubilé de diamant.

Je cède maintenant la parole à l'honorable sénateur Joyal et l'invite à dire quelques mots au sujet du calendrier.

[Français]

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, distingués invités dans la tribune, plusieurs projets s'adressant à différents publics ont été entrepris en 2012 afin de souligner le jubilé de diamant de Sa Majesté la reine Elizabeth II, reine du Canada.

Nous sommes la seule législature au Canada à avoir entrepris des projets particuliers pour marquer le jubilé de diamant pour les générations futures.

Le calendrier que nous dévoilons cet après-midi représente le troisième geste significatif posé par le Sénat en vue de commémorer ce jalon historique du règne de Sa Majesté. Le splendide vitrail au- dessus de l'entrée extérieure du Sénat à l'édifice du Centre, et le modillon — ou Corbel — sculpté en pierre par le sculpteur du Dominion, Phil White qui est présent dans la galerie et que je salue personnellement, à l'effigie de la reine dans le foyer du Sénat, sont deux des importantes initiatives menées à bien par le Président de cette Chambre. Dans le même esprit de célébration, nous sommes redevables au Président de ce que la restauration du portrait de la reine Victoria, exposé dans le foyer du Sénat et qui provient de l'ancien Parlement du Canada Uni, avant 1867, puisse avoir été complétée à l'occasion de l'année du jubilé.

Monsieur le Président, nous vous en sommes profondément reconnaissants.

[Traduction]

La souveraine occupe une place spéciale au Sénat. C'est ici que, pour la première fois dans notre histoire, Sa Majesté a lu deux discours du Trône, d'abord en 1957, puis en 1977. C'est aussi au Sénat que la reine ou son représentant, le gouverneur général, se présentent lorsqu'ils doivent accomplir leur devoir constitutionnel au Parlement. Cela explique pourquoi le trône de Sa Majesté et de son époux occupent la place centrale de cette Chambre.

Le buste de la reine Victoria, qui était notre souveraine au moment de la naissance de la Confédération et qui est l'arrière- grand-mère de la reine actuelle, se trouve dans la tribune au-dessus du trône. De plus, les deux piliers des arches du plafond du Sénat qui se trouvent devant la tribune du public, à l'arrière, représentent les armoiries du roi de France, à gauche, et celles de la monarchie britannique, à droite.

[Français]

Il m'est apparu opportun dans ce contexte particulier que nous, les sénateurs, puissions exprimer notre gratitude envers Sa Majesté en laissant de façon permanente dans cette Chambre un témoignage qui puisse marquer le caractère particulier et original de la Couronne canadienne.

[Traduction]

Il m'est apparu que la conception de ce calendrier commémoratif devait tenir compte du principe sous-jacent de la reine en Parlement, personnifié dans notre système de monarchie constitutionnelle. Le défi consistait toutefois à illustrer ce principe. Autrement dit, comment rendre ce principe visible?

Les célébrations entourant le jubilée de diamant de Sa Majesté nous ont également permis d'améliorer de façon permanente le patrimoine du Sénat.

Les sénateurs et les visiteurs sont à même de constater que, dans cette Chambre, certains endroits réservés à des éléments décoratifs auraient besoin de finition. Il faut savoir qu'après l'incendie qui a détruit le Parlement, en 1916, c'est la Chambre des communes qui s'est accaparée la plus grande partie des fonds publics destinés à la décoration du bâtiment, laissant le Sénat en manque de certains éléments décoratifs.

Par exemple, les panneaux qui se trouvent devant les deux tribunes publiques, à l'avant et à l'arrière, sont restés vierges, tout comme les murs au-dessus des lambris de bois, derrière les fauteuils des sénateurs de chaque côté de la Chambre. Ce n'est que plus tard, en 1921, que les huit grandes peintures commémorant la guerre qui décorent maintenant nos murs ont été commandées par lord Beaverbrook, qui en a fait don au Sénat. Ils sont le rappel permanent des sacrifices que les Canadiens et les Européens ont consentis pour la liberté pendant la Première Guerre mondiale.

(1610)

Enfin, divers objets nécessaires sur la table du greffier devaient être temporaires, comme l'ancien calendrier, dans l'attente d'œuvres d'art de meilleure qualité produites par des artistes canadiens. De plus, les sénateurs ne pouvaient pas lancer un projet de commémoration aux frais du Trésor à un moment où on impose aux Canadiens d'importantes réductions de personnel et de services.

J'ai moi-même présenté au Président la proposition de commander un calendrier pour le bureau du greffier et j'ai sollicité son appui pour cette initiative de commémoration. Il lui a semblé, dans sa sagesse, que le meilleur moyen de rendre cette initiative possible était de faire appel à la générosité des sénateurs et des membres des services du greffier. Le Président est d'une grande sagesse.

Ce que ce projet a de particulièrement remarquable, c'est qu'il a été rapidement appuyé par le Groupe de travail consultatif sur les œuvres d'art et approuvé par le Comité de la régie interne. Je tiens à remercier le président de ce comité, le sénateur Tkachuk. Je remercie également les sénateurs Moore et Fortin-Duplessis, président et vice-présidente du Groupe de travail consultatif sur les œuvres d'art. Les sénatrices Frum, Ataullahjan et Callbeck n'ont été que trop heureuses d'inviter les sénateurs à apporter leur contribution. Je leur suis profondément reconnaissant d'avoir proposé leurs services pour solliciter les dons pour le projet. Leur bonté naturelle leur a certainement facilité la tâche.

J'exprime également ma gratitude aux sénateurs et à tous les fonctionnaires du Sénat qui ont su être à la hauteur et ont fait en sorte qu'il soit possible de commémorer le jubilé de diamant de la reine d'une manière originale au Sénat.

[Français]

Pourquoi avoir choisi de faire exécuter un calendrier?

Notre attention s'est d'abord portée à la Table des greffiers, et au fait que, à l'époque de la reconstruction du Parlement, faute de budget, un support original artistique pour présenter le calendrier au Sénat n'avait pu être exécuté. La Chambre des communes, quant à elle, s'était vu par ailleurs gratifier d'un imposant calendrier, œuvre de Paul Beau, un ferronnier d'art de Montréal, un artiste qui a laissé sa signature sur quantité des meilleurs ouvrages de ferronnerie du Parlement.

Le calendrier de la Chambre des communes est orné de symboles particuliers. À la base, on retrouve les emblèmes des quatre groupes culturels de souche européenne que l'on reconnaissait à l'origine de la Confédération : les Français, les Britanniques, les Irlandais et les Écossais. Au milieu, on aperçoit des sarments de vigne, symbole du temps qui dure. Au sommet, la couronne des Tudor. La portée symbolique du calendrier de la Chambre des communes s'impose d'elle-même : les différentes communautés canadiennes unies dans un Dominion prospéreront dans l'avenir sous la couronne des Tudor. Cette couronne se retrouvait sur les armoiries à la fin du XIXe siècle, symbole de l'époque impériale et ce, jusqu'au Statut de Westminster en 1931. Cette couronne n'est plus d'usage aujourd'hui.

Notre calendrier se devait d'être différent de celui de la Chambre des communes.

Près d'un siècle plus tard, en 2012, il m'apparaissait opportun de réfléchir sur l'évolution de la Couronne au Canada, telle qu'elle se présente aujourd'hui aux yeux de nos compatriotes. À la différence de ses prédécesseurs sur le trône, la reine Eliszbeth II, depuis le début de son règne, porte le titre particulier de reine du Canada. C'est une loi du 11 février 1953 du Parlement canadien qui le confirme, mais ce n'était pas vraiment concevable avant 1931. Par exemple, le journal des Débats du Sénat du 30 avril 1897 — page 279 — nous apprend que lorsqu'on débattit d'un projet de loi pour marquer le jubilé de diamant — en 1897 — de la reine Victoria, arrière-grand-mère de la reine actuelle, la suggestion fut faite par un certain groupe que « Sa Majesté (la reine Victoria) [ajoute] à ses autres titres celui de reine du Canada », mais à l'époque on ne comprit pas le bien-fondé ou l'à-propos de cette proposition, et on la refusa sous prétexte — et je cite le Journal du Sénat du temps — qu'on la trouva « bizarre ». À ce moment-là, on ne pouvait concevoir faire une distinction institutionnelle entre la Couronne au titre du Royaume-Uni et la Couronne au titre du Canada. Or, quelque 55 ans plus tard, c'est précisément ce titre de « reine du Canada » que la reine Elizabeth II portera à compter de son couronnement le 2 juin 1953.

Il m'apparaissait fort avisé de commémorer le jubilé de diamant de Sa Majesté, en marquant cette évolution distinctive de la Couronne au Canada et en la traduisant visuellement dans ce nouveau calendrier.

Comment y a-t-on réussi?

On a voulu d'abord rappeler que la Couronne trouve au Canada son origine historique dans la souveraineté royale française représentée par un écu orné de la fleur de lys, symbole des rois de France.

[Traduction]

C'est celui que les sénateurs verront de chaque côté — la fleur de lys, qui est l'emblème des rois de France, sous la Couronne desquelles notre pays vit depuis plus de 250 ans.

[Français]

Puis dans la souveraineté royale britannique, représentée celle-là par un écu orné de la rose des Tudor.

[Traduction]

Si les sénateurs regardent de l'autre côté, ils verront la rose des Tudor, qui est l'emblème de la Couronne britannique.

[Français]

Ces deux symboles sont placés de part et d'autre, à la base du calendrier. Les deux couronnes, française et anglaise, implantées dans un nouveau pays...

[Traduction]

Les rameaux de feuilles d'érable qu'on voit de chaque côté symbolisent le fait que ces deux Couronnes se sont implantées au Canada.

[Français]

Cette évolution est symbolisée par des rameaux de feuilles d'érable enracinés à la base et qui se développent sur les quatre arêtes des angles.

[Traduction]

Les quatre rameaux qui sont à la base du calendrier rejoignent les rameaux de feuilles d'érable qui se trouvent de chaque côté du calendrier.

[Français]

Ceux-ci expriment la nouvelle identité qui a résulté de la transplantation en terre canadienne de ces deux couronnes. Ils donnent naissance au nouveau titre de reine du Canada que représente au sommet la couronne de Saint-Édouard. Cette couronne a été portée une seule fois par Sa Majesté lors de son couronnement en juin 1953, au cours d'un cérémonial ancien et solennel à l'Abbaye de Westminster.

[Traduction]

Les sénateurs se rappelleront que c'est cette couronne, la couronne de saint Édouard, que la reine porte sur la médaille du Jubilé que le Président a remis à chacun de nous en février 2012.

[Français]

Le jubilé de la reine que l'on veut commémorer est, quant à lui, souligné par les quatre diamants ornés du monogramme de Sa Majesté « EIIR » — Elizabeth II Regina — et du nombre « 60 » posés sur une guirlande de feuilles d'érable, que l'on retrouve en haut du calendrier sur les créneaux de la tour carrée au-dessus de laquelle s'élève la couronne.

[Traduction]

Ce sont les symboles ou les emblèmes du jubilé, comme les sénateurs s'en souviendront. Et, comme ils le verront sur le programme, ils sont clairement ce qui fait de ce jubilé une célébration canadienne. Il y a une identification claire au nom de Sa Majesté, puisqu'on trouve le chiffre de Sa Majesté, EIIR, et le nombre 60. Ainsi, nous nous souviendrons à jamais que cette célébration soulignait le 60e anniversaire du couronnement de Sa Majesté.

La forme générale est celle d'une pyramide. Comme nous le savons, dès l'ancienne Égypte, dès les Chaldéens et les Mayas, par exemple, la pyramide a symbolisé la vie éternelle. La couronne qui orne le sommet de la pyramide au-dessus des créneaux d'une tour carrée, symbolisant le courage séculaire, est l'incarnation de notre nation et de son existence qui perdure. Cela rappelle aussi que c'est sous la Couronne que le Canada est devenu une démocratie dynamique qui a un respect sans égal pour les droits et les libertés de ses citoyens.

(1620)

[Français]

Honorables sénateurs, nous sommes particulièrement reconnaissants à l'orfèvre de Montréal Manuk Inceyan, au conservateur d'art Paul Maréchal et au sculpteur du Dominion Phil White pour leur contribution originale à la réalisation de ce calendrier commémoratif. Ils sont d'ailleurs présents dans la galerie et nous les remercions très chaleureusement. C'est la firme française Texier qui s'est occupée de la dorure des ornements du calendrier. Mme Marie-Agnès Saury nous a fait bénéficier de son assistance. Enfin, nous voulons souligner la collaboration de M. David Monahan, le conservateur des œuvres d'art à la Chambre des communes, qui nous a facilité l'accès au calendrier de la Table des greffiers de cette Chambre parce qu'évidemment, nous ne voulions pas tout simplement dédoubler le calendrier de la Chambre des communes, comme je l'ai expliqué plus tôt, mais créer un calendrier original qui, d'abord, représente la symbolique que nous voulions marquer.

[Traduction]

Honorables sénateurs, il est juste et bon que Sa Majesté la reine Elizabeth II soit reconnue comme la reine du Canada. Nous devrions tous être très fiers et reconnaissants d'avoir vécu durant le règne d'une souveraine aussi remarquable. Au cours de ses 22 visites au Canada, elle a appris à comprendre et à aimer notre pays. Elle connaît l'identité canadienne dans toute sa complexité linguistique et culturelle, comme ses paroles l'attestent. En 1967, lors du centenaire de la Confédération, la reine a dit ceci :

[Français]

L'expérience qui se poursuit depuis 100 ans dans ce pays (le Canada), avec les défaillances certes, mais aussi avec un espoir grandissant, ne peut laisser indifférente notre époque déchirée.

C'est en ce sens, me semble-t-il, que le Canada sera grand; non par le pouvoir, mais par le don, le rayonnement et l'exemple.

[Traduction]

Une dizaine d'années plus tard, alors qu'elle était à Montréal pour les Jeux olympiques de 1976, Sa Majesté nous a encore une fois révélé sa compréhension profonde du caractère fondamental du Canada :

[Français]

Pour atteindre cet idéal, il faut une grande générosité, un esprit ouvert et la détermination de vouloir comprendre et apprécier les autres. Ce sont ces qualités dont ont fait largement preuve les Canadiens à travers leur histoire. Voilà la grandeur du Canada.

[Traduction]

Au cours du long règne de la reine, elle a été conseillée par onze premiers ministres canadiens. Elle a traversé le pays d'un océan à l'autre. Elle a suivi le développement du Canada au fil des ans et a été témoin de réussites étonnantes ainsi que de moments plus difficiles. Notre pays est privilégié d'avoir pu renforcer son unité sous le règne d'une reine aussi exceptionnelle et altruiste.

Ce calendrier doré célébrant le jubilé de diamant de Sa Majesté Elizabeth II, reine du Canada, représente un témoignage respectueux de notre gratitude et de notre admiration pour son règne empreint de prospérité sur le Canada, et nous devrions tous en être fiers.

[Français]

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis : Honorables sénateurs, greffiers de la Chambre et hauts dirigeants du Sénat, lorsque les membres du Groupe de travail consultatif sur les œuvres d'art du Sénat se sont réunis pour la première fois, ils souhaitaient entreprendre un dernier projet commémoratif pour souligner le jubilé de diamant de la reine Elizabeth II.

Nous avons choisi de faire l'acquisition d'un nouveau calendrier du Sénat, d'abord parce qu'il constitue un rappel durable et visible des nombreuses visites de Sa Majesté au Canada et ensuite, parce qu'il souligne l'importance de la Couronne en cette enceinte, endroit unique au pays où les trois éléments de notre Parlement sont réunis.

Comme vous le savez, le groupe de travail ne disposait pas de fonds pour l'exécution de ce calendrier. La réalisation du projet n'aurait pas été possible sans la généreuse contribution personnelle de mes honorables collègues, des greffiers de cette Chambre ainsi que des hauts dirigeants du Sénat.

Je tiens à vous remercier infiniment et désire souligner que votre appui précieux est désormais gravé sur la plaque que voici. Cette plaque sera vissée à la base de l'œuvre dès que la liste des donateurs sera complétée.

Je veux également remercier mon collègue et vice-président du groupe de travail, l'honorable Wilfred P. Moore, qui a fait un travail remarquable auprès de son caucus pour solliciter les dons.

Mille mercis à l'honorable Catherine Callbeck, à l'honorable Linda Frum, qui ne peut être avec nous puisque son père est décédé, et à l'honorable Salma Ataullahjan, d'avoir déployé tous les efforts nécessaires et contribué ainsi à l'atteinte de nos objectifs.

Un grand merci à l'honorable Serge Joyal, qui fut l'instigateur de ce projet, et qui a veillé au suivi de la réalisation de l'œuvre auprès de l'orfèvre, M. Manuk Inceyan. Je tiens à vous remercier de ce rappel d'histoire que vous venez de nous faire, ce fut vraiment extrêmement intéressant.

Merci également à M. Charles Robert, greffier du groupe de travail, de sa générosité, de son partage de connaissances et d'avoir su si bien nous guider tout au long de l'aventure.

Enfin, j'aimerais souligner la contribution de mon adjointe exécutive, Mme Carole Hupé, qui a assuré une partie de la coordination du projet. C'est elle qui vous a fait parvenir les lettres avec la photocopie de ce que pourrait être le calendrier. Elle mérite nos remerciements aussi.

Occupant fièrement une place de prestige sur la Table des greffiers, tout près de la masse, le nouveau calendrier du Sénat constitue un gage tangible de notre respect envers la souveraine et envers son service exemplaire au Canada pendant les 60 années de son règne.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, ainsi se termine notre cérémonie. Permettez-moi de remercier tous ceux qui y ont participé sous la direction experte du sénateur Joyal. Je les remercie tous pour leur contribution.

Si vous avez quelques minutes, je serais heureux de vous accueillir dans mes appartements. J'invite nos collaborateurs à la tribune à se joindre à nous, eux aussi.

(La cérémonie est terminée.)

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