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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 72

Le lundi 16 juin 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le lundi 16 juin 2015

La séance est ouverte à 18 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommages

L'honorable Roméo Antonius Dallaire, O.C., C.M.M., G.O.Q.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, en vertu de l'article 4-3(1) du Règlement, le leader de l'opposition a demandé que la période des déclarations des sénateurs soit prolongée aujourd'hui afin de rendre hommage à l'honorable sénateur Dallaire, qui a donné sa démission du Sénat à compter du 17 juin 2014.

Je rappelle aux sénateurs que, en vertu du Règlement, chaque intervention ne peut dépasser 3 minutes, qu'aucun sénateur ne peut parler plus d'une fois et que la période des déclarations de sénateurs est prolongée d'au plus 15 minutes. Ces 15 minutes n'incluent pas, toutefois, le temps de parole alloué pour la réponse du sénateur qui reçoit des hommages.

[Traduction]

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Chers collègues, je prends la parole ce soir pour rendre hommage à notre collègue et ami, le sénateur Roméo Dallaire.

Dans son incroyable livre intitulé J'ai serré la main du diable, notre collègue se remémore trois choses que son père lui a dites la veille de son départ pour le collège militaire. Premièrement, il lui a recommandé, s'il voulait être accepté, de changer son nom : de l'angliciser. Ce conseil, Roméo l'a rejeté, et depuis, il ne ménage aucun effort pour s'assurer que jamais plus un père canadien n'ait à donner un tel conseil à son fils ou à sa fille.

Le sénateur Dallaire décrit ensuite le reste des conseils que lui a donnés son père ce soir-là :

Il ajouta que si je décidais de faire carrière dans l'armée, je ne devais pas m'attendre à m'enrichir. Par contre, je pouvais être certain de mener un mode de vie des plus valorisants. Puis, il me mit en garde : j'allais devoir payer très cher pour les satisfactions que je tirerais de mon travail, et ma future famille n'échapperait pas à ce tribut. Je ne devais pas non plus m'attendre à des remerciements. Pour être heureux, un soldat devait tenir pour acquis que nul civil, nul gouvernement, parfois nulle autorité militaire ne reconnaissait la nature des sacrifices consentis. Je décidai de garder mon nom, mais j'ai essayé de comprendre et de vivre selon les préceptes d'une sagesse que mon père avait chèrement payée.

Quels conseils extraordinaires et clairvoyants! L'influence du sénateur Dallaire dans le monde doit être profondément valorisante. Or, tout comme son père l'en avait prévenu, cette satisfaction, le sénateur Dallaire et sa famille l'ont payée très cher. Je doute que même M. Dallaire père aurait pu prévoir que son fils aurait une si grande incidence sur un si grand nombre de vies, ni, corrélativement, qu'il devrait le payer si cher.

Grâce à sa force de caractère, à ses convictions morales, à un courage sans faille et à un cœur sensible à toutes les souffrances dont il avait été témoin, le sénateur Dallaire s'est fait la voix de la conscience collective pendant l'une des périodes les plus tragiques du XXe siècle, que rien n'a surpassée depuis.

Nous connaissons tous l'histoire remarquable du sénateur, particulièrement son expérience lors du génocide du Rwanda, il y a 20 ans. Je n'ai pas l'intention de rappeler tous ces événements en détail. Je sais qu'ils demeurent douloureux et que leur souvenir a imprégné chaque instant des 20 dernières années. L'un après l'autre, plusieurs États avaient laissé tomber ce pays pour veiller à leurs propres intérêts, abandonnant à leur sort ceux qui leur demandaient de l'aide. Pourtant, le général Dallaire est resté ferme.

Comme il l'a déclaré : « [I]l était hors de question de procéder à un retrait complet du pays — nous devions continuer à faire flotter le drapeau de l'ONU sur Kigali, ne serait-ce que comme témoignage de notre présence. »

Bertolt Brecht, homme de théâtre allemand, a écrit la pièce La vie de Galilée en 1938 et 1939, alors que l'ombre de l'Allemagne nazie commençait à planer sur l'Europe et le reste du monde. En voici un extrait :

Andrea : Malheureux le pays qui n'a pas de héros!

Galilée : Non. Malheureux le pays qui a besoin de héros.

Malheureusement, les héros n'ont pas pu empêcher que le Rwanda devienne un véritable enfer. Je vous encourage tous à lire le livre extraordinaire dans lequel le général Dallaire décrit ce qui s'est passé dans ce pays.

Il en a tiré des leçons qui ont changé sa vie. Quand il a accepté de parler ouvertement du trouble de stress post-traumatique avec lequel il devait vivre, une expérience profondément personnelle, il a redonné espoir à tous les anciens combattants blessés qui ont besoin de nos soins et de notre soutien.

Sur la scène internationale, il a travaillé inlassablement en faveur de la résolution des conflits et de la prévention des génocides, en plus de militer pour mettre fin à l'utilisation d'enfants soldats.

Le 24 mars 2005, le sénateur Dallaire a été nommé au Sénat par le premier ministre de l'époque, M. Paul Martin. Nous sommes arrivés au Sénat le même jour. J'ai vu comme un immense privilège cette chance de servir à ses côtés. Sa nomination montrait à quel point le Sénat est un endroit remarquable, où il est merveilleux d'être appelé à servir.

Roméo Dallaire symbolise parfaitement ce qu'un sénateur peut être, sur les plans tant de l'intégrité personnelle que du dévouement dans le travail accompli au nom des Canadiens.

Peu de temps après notre nomination, nous marchions ensemble sur la pelouse de la Colline du Parlement. Nous échangions sur nos impressions et nos expériences à titre de nouveaux sénateurs. Ceux d'entre vous qui sont ici depuis un certain temps se souviennent qu'autrefois, les gardiens de sécurité avaient l'habitude de saluer les sénateurs. J'ai dit à Roméo que je trouvais cela un peu déconcertant. Il m'a répondu, avec une petite étincelle dans les yeux, « d'où je viens, ce qui était déconcertant, c'était lorsqu'ils ne saluaient pas ».

Le sénateur Dallaire a défendu vigoureusement les intérêts des anciens combattants canadiens et de leurs familles, tant au Sénat qu'à titre de président du Sous-comité des anciens combattants. Son engagement envers les anciens combattants est total. Nos soldats, en particulier les anciens combattants, savent qu'ils peuvent se tourner vers lui pour obtenir de l'aide et des conseils. Ils savent qu'il va toujours les écouter. Je pense qu'une partie de cette détermination vient de ce que son père lui avait dit, à savoir que personne, parfois même pas l'armée elle-même, ne comprend vraiment les sacrifices consentis par les soldats. Le sénateur Dallaire comprend vraiment, et il ne va pas laisser tomber les militaires.

Lorsqu'il a annoncé qu'il quittait le Sénat, il s'est empressé de préciser qu'il n'abandonnait pas le travail qu'il accomplit au nom de ces soldats. Il a mis sur pied une équipe qui va continuer d'aider bénévolement les anciens combattants blessés et leurs familles.

Sa présence au sein d'autres comités, notamment à titre de vice-président du Comité de la sécurité nationale et de la défense, lui a permis de rechercher assidûment un équilibre entre, d'une part, maintenir et protéger les droits de la personne et, d'autre part, s'assurer que la défense nationale et la capacité de sécurité soient fortes. Notre collègue a évidemment été un ardent défenseur de la surveillance parlementaire des services de la sécurité et du renseignement, notamment en coparrainant tout récemment un projet de loi avec notre ancien collègue, le sénateur Segal.

Après avoir annoncé son intention de démissionner, le sénateur Dallaire a tenu une conférence de presse et il a parlé de ce que ses années à titre de sénateur signifiaient pour lui. Il a dit ce qui suit :

(1810)

Songez-y un peu. Je viens de l'Est de Montréal, où il y avait sept raffineries. Nous n'avons jamais vu de feuilles sur les arbres, parce qu'elles brûlaient avant de sortir. Étant donné que mon père était un sous-officier, nous vivions dans une maison du temps de guerre dont le revêtement extérieur était en amiante. J'ai toujours eu de la difficulté à concilier le fait que je suis issu de ce milieu et que je peux maintenant venir au Parlement et participer à la gouvernance du pays. Chaque fois que je viens sur la Colline, je ne peux croire que j'ai un bureau dans cet édifice et que je participe à ce processus. De même, lorsque je suis assis dans la Chambre rouge et que je prends la parole pour formuler une objection ou prononcer un discours, je ne peux croire que je contribue à façonner l'avenir du Canada et à faire en sorte que notre pays continue de prospérer.

Sénateur Dallaire, nous avons tous été fort privilégiés de servir avec vous dans cette Chambre. Je soupçonne que vous êtes d'accord avec Brecht et que vous souhaiteriez que le monde n'ait pas besoin de héros. Toutefois, permettez-moi d'exprimer la grande et profonde gratitude que nous tous ici ressentons, et qui est ressentie partout au pays et dans le monde. Vous êtes vraiment un héros canadien et le monde a besoin de héros comme vous.

Vous avez dit très clairement que vous ne preniez pas votre retraite aujourd'hui. Vous avez déclaré à un journaliste que vous ne compreniez pas ce mot. Vous allez plutôt recentrer votre travail sur les efforts humanitaires internationaux. Je suis particulièrement heureux que, entre autres projets, vous ayez l'intention de poursuivre votre travail sur les enfants soldats, à l'Université Dalhousie, à Halifax. Cela dit, ce n'est qu'un des nombreux projets que vous avez en tête.

Honorables sénateurs, je vous donne une liste partielle de ces projets. Le sénateur Dallaire va travailler à la prévention des génocides avec le secrétaire général des Nations Unies. Il va s'attaquer aux crimes contre l'humanité en se joignant à la Commission internationale des droits de l'homme, et il va participer aux recherches de l'Université de Southern California sur le trouble de stress post-traumatique. En plus de toutes ces activités, il est en train d'écrire deux autres livres.

On ne peut certainement pas parler de retraite dans son cas.

J'ai commencé en citant le conseil que le père du sénateur Dallaire lui avait donné au moment où il entreprenait une nouvelle étape de sa vie. Je vais terminer en citant ce que je considère comme un conseil donné à nous tous par le sénateur Dallaire dans son livre, J'ai serré la main du diable :

À l'avenir, nous devons être prêts à dépasser l'intérêt national, employer nos ressources et verser notre sang pour le bien de l'humanité. Nous avons traversé les siècles des Lumières, de la raison, des révolutions, de l'industrialisation et de la mondialisation. Peu importe que cela semble idéaliste, le nouveau siècle doit devenir le siècle de l'Humanité, et alors, en tant qu'êtres humains, nous nous élèverons au-dessus des races, des croyances, des couleurs, des religions et de l'intérêt national, et nous placerons le bien de l'humanité au-dessus du bien de notre propre groupe. Pour l'amour des enfants et pour notre avenir. Peux ce que veux. Allons-y.

Puisse-t-il en être ainsi.

Sénateur Dallaire, vous allez beaucoup nous manquer dans cette Chambre. Vous laissez un grand vide que personne ne peut remplir. Nous vous souhaitons bonne chance dans cette nouvelle étape de votre carrière remarquable, et nous espérons que, malgré votre horaire bien rempli, vous passerez du temps avec votre famille.

Merci, et Dieu vous bénisse.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, en mon nom personnel et au nom de mes collègues, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui afin d'adresser ces quelques mots au sénateur Dallaire, qui prendra sa retraite cette semaine après neuf années passées au Sénat du Canada.

J'ai tellement de choses à dire que je vais lire mes cartons, ce qui devrait réjouir le sénateur Dallaire!

Avant toute chose, il est de mise de dire que le sénateur Dallaire est un sénateur hors norme. Ses années d'expérience au sein des Forces armées canadiennes et ses nombreuses missions lui ont véritablement donné la stature d'un grand Canadien reconnu à l'échelle internationale.

Le lieutenant-général Dallaire est Officier de l'Ordre du Canada, Grand Officier de l'Ordre national du Québec et Commandeur de l'Ordre du mérite militaire. Il est lauréat de la médaille Pearson pour la paix décernée par l'Association canadienne pour les Nations Unies, du prix de l'éthique en affaires publiques du Arthur Kroeger College de l'Université Carleton, d'un prix d'excellence du Manitoba Health Sciences Centre et du prix d'humanisme de l'Université Harvard.

Nous connaissons tous les exploits réalisés par le lieutenant-général Roméo Dallaire dans différents coins de la planète. Je n'ai pas besoin de les rappeler, mais il est utile de les avoir en tête pour jauger son passage au Sénat du Canada.

Le sénateur Dallaire est un humaniste reconnu mondialement. Doté d'une détermination exceptionnelle, il a mené des missions excessivement délicates et mis en place différentes organisations visant à défendre les droits des plus démunis. Ses nombreuses contributions à titre de conseiller auprès de l'Organisation des Nations Unies témoignent de sa crédibilité. Ceci dit, il est intéressant de constater ce qu'aura été la contribution du sénateur Dallaire aux travaux du Sénat.

Comme vous le savez, honorables sénateurs, depuis un peu plus d'une année, on remet en question le rôle du Sénat et des sénateurs. La feuille de route du sénateur Dallaire aiderait certainement à mieux expliquer le rôle du Sénat et, surtout, à illustrer la façon dont un sénateur peut faire une différence.

Le sénateur Dallaire, comme vous pourrez le constater en consultant son site web, a prononcé, depuis sa nomination au Sénat en mars 2005, plus d'une centaine de discours. Ces nombreux discours portaient sur des thématiques et des causes qui lui étaient chères : les enfants soldats, les anciens combattants, les droits de la personne, le soutien et l'engagement envers nos forces armées, le désarmement nucléaire, la prévention du suicide, les langues officielles, le rôle du Canada dans les conflits mondiaux et bien d'autres sujets.

Le sénateur Dallaire est arrivé au Sénat avec un bagage d'expérience de vie exceptionnel, et il a profité de son rôle de parlementaire pour sensibiliser la population, ses collègues sénateurs et les membres qui siègent à l'autre endroit aux enjeux qui lui tiennent à cœur et auxquels il a consacré sa vie entière.

Par ailleurs, le sénateur Dallaire a toujours pris son rôle de législateur très au sérieux. Il a su utiliser l'expertise qu'il a acquise au fil des ans pour analyser, interroger et critiquer les différents projets de loi touchant de près ou de loin les enjeux auxquels il se consacre avec énergie et persévérance.

Avec le sentiment du devoir accompli, le sénateur Dallaire fait le choix de mettre un terme à sa carrière sénatoriale pour relever de nouveaux défis qui se situent également dans le continuum de ses actions et de ses engagements passés.

Le sénateur Dallaire est assurément un exemple de droiture, de détermination, de persévérance et de courage. Pour un très grand nombre de Canadiens, il est, à n'en pas douter, un modèle, pour ne pas dire un héros.

Merci pour votre immense contribution au Canada, merci pour votre immense contribution pour la paix dans le monde et, naturellement, un immense merci pour votre exceptionnelle contribution aux travaux du Sénat.

Je vous souhaite tout le succès voulu dans l'atteinte et la réalisation de vos prochains défis. Bonne route!

Revenez nous voir, revenez nous parler avec passion de vos projets, et, surtout, n'hésitez pas à me poser vos questions par l'entremise de vos collègues, qui se feront sûrement le devoir de me les poser lors de la période des questions.

Merci, sénateur Dallaire.

Remerciements à l'occasion de sa retraite

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je ne vous adresserai que quelques mots aujourd'hui, parce que j'aurai le plaisir de vous ensorceler plus tard avec une présentation sur un sujet de pointe concernant le Canada, où je vous ramènerai dans le passé et je vous dévoilerai pourquoi j'ai choisi le 17 juin comme jour de mon départ, ainsi que sa signification. Donc, ce sera plus tard, pour les persévérants qui seront encore ici, pendant ce qui sera une longue soirée.

(1820)

[Traduction]

Je suis fier d'avoir été appelé à servir mon pays ici. Je pense qu'aucun de mes camarades de classe avec qui je suis allé à l'école, dans le même bâtiment, de la 1re à la 12e année, n'aurait imaginé que l'un d'entre nous réussirait à sortir du smog et de la pollution de l'est de Montréal pour se retrouver sur la Colline.

Comme l'a indiqué le sénateur Cowan, je n'arrive toujours pas à croire que j'ai passé neuf ans ici. Tous les citoyens devraient avoir l'occasion, au cours de leur vie, de visiter la capitale nationale, de voir cet édifice extraordinaire, et cette enceinte en particulier. Ce serait déjà beaucoup, alors imaginez ce que c'est de pouvoir servir ici!

Je dois beaucoup à bien des gens. Un général sans troupes, cela ne sert à rien, et un général sans équipe, c'est inefficace. Les membres de mon clan — nous les avons appelés un « clan », parce qu'ils ne constituent ni une famille ni une équipe, mais quelque chose entre les deux qui les garde unis — ont été fidèles à un bourreau de travail qui leur a fait la vie dure. Ils voyaient cependant cela comme un défi, et je leur en serai toujours reconnaissant.

Nous avons tous des mentors. Je songe à une personne en particulier qui sort un peu de l'ordinaire et qui, parfois, ne ressemblait pas vraiment à l'idée qu'on se fait du sénateur classique; il s'agit de Jean Lapointe. Il ne parlait pas souvent. Ce n'était pas son genre. Il a une influence extraordinaire sur la culture française de tout le Canada, en particulier du Québec.

Je me souviens que, même s'il multipliait les expressions plus ou moins appropriées, il essayait toujours de faire valoir un argument, et c'est ce que j'ai toujours retenu à son sujet. Il disait que nous sommes ici parce que, même si c'est la majorité qui gouverne, la minorité doit être protégée, et, selon lui, c'est ce que fait le Sénat dans une large mesure. Même s'il était parfois frustré, il était convaincu que son devoir était de protéger les minorités, les petits groupes, et ceux qui n'ont pas nécessairement voix au chapitre. Je crois que c'était la meilleure définition de nos obligations au Sénat.

Évidemment, je parle des anciens combattants, notamment de ceux qui sont blessés, parce que mon père était un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, et ce n'est qu'après avoir été blessé moi-même que j'ai compris qu'il souffrait de stress post-traumatique. Là où je vivais, il y avait des logements pour les anciens combattants. Dans bien des cas, les familles vivaient constamment dans la souffrance, parce que ces militaires n'avaient rien pour se protéger, à part la légion. Quand nous allions à la légion, les gens faisaient la fête, et ils organisaient parfois un défilé. C'était leur thérapie. C'était la seule thérapie disponible, mais elle a aussi favorisé l'alcoolisme, ce qui a créé plus de problèmes qu'on ne pouvait l'imaginer. Les anciens combattants qui habitaient dans ces logements vivaient donc dans une pauvreté abjecte, puisqu'ils n'arrivaient tout simplement pas à gérer leur vie dans les conditions qu'ils devaient subir.

C'est pour cette raison que je crois que nous avons une responsabilité importante. Un peu plus tard, je dirai pourquoi nous devrions déployer des troupes de nouveau, mais j'aimerais d'abord souligner le fait que, de nos jours, lorsqu'on déploie des troupes, ce ne sont pas que des membres des forces armées qui sont touchés, mais également la famille.

Lorsque je suis revenu d'Afrique, ma belle-mère m'a dit qu'elle n'aurait pas survécu à la Seconde Guerre mondiale si elle avait subi tout ce qu'Elizabeth a dû endurer, puisque, lors de la Seconde Guerre mondiale, mon beau-père commandait un régiment d'infanterie et prenait part aux combats, mais peu d'information circulait. Il y avait de la censure, tout le pays était en guerre, et la technologie nécessaire n'existait tout simplement pas.

C'est tout le contraire aujourd'hui : de nos jours, c'est comme si nos proches partaient en mission avec nous. Ils passent sans cesse d'une chaîne à l'autre, à l'affut du prochain reportage où ils risquent d'apprendre que nous avons été tués, blessés ou enlevés. Ils vivent un stress énorme. De plus, quand nous revenons, nous ne sommes plus les mêmes — nous ne le serons plus jamais —, mais eux non plus. Il ne faut donc jamais oublier que, dès que l'État envoie un soldat en mission, il accepte la responsabilité de prendre soin de ses proches et de leur offrir les soins médicaux dont ils ont besoin, au lieu de s'en laver les mains en les renvoyant dans le réseau de santé provincial.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Dallaire : Je tiens ensuite à dire, si vous me le permettez, qu'il est grand temps de mettre fin à l'époque où deux ministères prennent soin des anciens combattants et voient à leurs besoins. Il faut intégrer le ministère des Anciens Combattants à celui de la Défense nationale, sous-ministre compris, et établir un budget à part pour cette nouvelle entité, mais surtout, axer ses activités sur la famille. Il y a tellement de soldats qui s'enlèvent la vie parce qu'ils ont le cœur brisé. Ce n'est pas tant que le système les a abandonnés que le fait qu'ils se retrouvent coupés de leur famille. Dès le premier jour, on leur enseigne la loyauté, et je peux vous dire que les choses comme celles-là ne se désapprennent pas aussitôt qu'on ne porte plus l'uniforme; elles nous suivent toute la vie. Il est donc temps de combler ce fossé, de fusionner ces deux organisations et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour réduire le nombre de cas de suicides et atténuer les ravages qui y sont associés.

Je suis rendu à mon dernier point, Votre Honneur. Quand nous sommes envoyés en mission, nous demandons seulement deux choses à nos concitoyens : premièrement, que l'armée nous fournisse les outils dont nous avons besoin pour accomplir notre mission; que nous soyons assez fortement constitués pour qu'une fois rentrés, nous puissions endurer les blessures et les sacrifices que consentent autant les soldats sur le champ de bataille que leurs proches qui restent à la maison; et que nous ne battions pas en retraite tant que notre mission n'a pas été accomplie — ou modifiée en fonction des circonstances, et certainement pas parce que c'est payant politiquement de nous faire battre en retraite dès qu'il y a du sang versé. Deuxièmement, quand nous partons en mission, nous demandons à nos concitoyens que les soldats qui reviennent au pays, que ce soit dans une housse mortuaire, comme certains des hommes sous mon commandement, ou blessés à vie soient traités avec dignité et respect — eux et les membres de leur famille — et que les anciens combattants blessés ne soient pas obligés de recommencer à se battre pour avoir une vie normale dans le pays qu'ils ont servi.

Merci infiniment, estimés collègues, de vous être montrés aussi patients avec un vieux soldat.

Des voix : Bravo!

[Français]

Radio-Canada

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, je suis attristé. Je veux vous parler aujourd'hui de la chaîne d'information en continu de Radio-Canada en Atlantique, RDI, et de son manquement dans la couverture des événements survenus le 4 juin dernier à Moncton. Comme on le sait, la population de Moncton a été prise en otage par un tireur fou ce jour-là et trois gendarmes de la GRC ont été abattus à mort, alors que deux autres ont été blessés grièvement. Par crainte pour leur vie et pour la sécurité de leur famille, des milliers de résidants et résidantes du nord de la ville de Moncton ont dû s'enfermer dans leur résidence pendant plus de 36 heures.

Alors que la chaîne de télévision anglophone au pays couvrait cet événement en direct, RDI et Radio-Canada ont pris deux jours pour décider que cet événement était assez important pour y accorder du temps d'antenne en direct. Nos familles acadiennes et francophones de Moncton, ainsi que leurs parents et amis du reste de la province, ont dû avoir recours aux chaînes anglophones CBC et CTV pour savoir ce qui se passait dans cette ville et pour comprendre pourquoi les résidants du nord de la ville ne pouvaient quitter leur demeure.

(1830)

Honorables sénateurs, ce n'est pas par manque de ressources, puisque les journalistes de la SRC Atlantique étaient sur place 24 heures sur 24 pour pouvoir rapporter les éléments de cette crise majeure au bulletin d'information de la radio et de la télévision de Radio-Canada.

Honorables sénateurs, RDI n'a pas jugé important, et je le souligne, de consacrer une émission spéciale à cet événement avant le lendemain, alors que les journaux québécois comme La Presse et Le Soleil avaient déjà dépêché des journalistes sur place.

Si je soulève ce manque flagrant de la part de RDI et de Radio-Canada, c'est parce que la population acadienne de notre province n'y voit que du mépris envers elle et s'indigne du traitement que lui réserve la direction de la société d'État, sauf, évidemment, lorsque celle-ci cherche à renouveler son permis de diffuseur canadien.

Ce fut tout simplement une décision prise par la direction de RDI à Montréal, qui jugea plus important de diffuser une émission spéciale sur le budget du Québec, déposé plus tôt dans la journée.

Le directeur général de l'information de la société d'État admet en avoir « échappé une », mais ce n'est pas la seule occasion où nos communautés acadiennes et francophones du Nouveau-Brunswick se sont plaintes d'un manque de couverture de sa part. En fait, notre ancien collègue, le sénateur De Bané, et la professeure Marie-Linda Lord ont tous les deux, par le passé, reproché ce genre de manquements à plusieurs occasions, surtout lors des audiences liées au renouvellement du permis de diffuseur de Radio-Canada.

Honorables sénateurs, à mon avis, le Comité sénatorial permanent des langues officielles devrait se pencher sur ce manque de couverture de la part de RDI et considérer une motion de blâme envers notre diffuseur national.

[Traduction]

Honorables sénateurs, alors que RDI et Radio-Canada jugeaient qu'il n'était pas important de tenir les habitants de Moncton et du Nouveau-Brunswick au courant de ce qui se passait dès les premières heures de cet événement médiatique important, le réseau CBC News et la chaîne de nouvelles du réseau CTV méritent d'être félicités d'avoir couvert cet événement majeur en continu.

[Français]

En terminant, honorables sénateurs, je voudrais souligner en revanche l'excellent travail des journalistes de Radio-Canada Atlantique qui étaient présents en tout temps lors de cet événement, et qui rapportaient les événements sur Twitter. Leurs reportages au Téléjournal Acadie et lors des bulletins d'information de radio furent complets et informatifs. Je ne remets aucunement en question leur professionnalisme et leur compétence à Radio-Canada Atlantique, et je leur lève mon chapeau. C'est plutôt leurs patrons à Montréal qui ont manqué de jugement en ne diffusant une émission spéciale que deux jours plus tard. C'est intolérable et inacceptable, honorables sénateurs.

[Traduction]

L'honorable Wilfred P. Moore

Félicitations pour l'obtention d'un diplôme honorifique

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui en l'honneur d'un de nos collègues, le sénateur Wilfred P. Moore. Le 17 mai dernier, le sénateur Moore s'est vu octroyer un doctorat honorifique en beaux-arts du Nova Scotia College of Art and Design, ou NSCAD. Le prix lui a été présenté à l'occasion de la cérémonie de remise de diplômes au centre Cunard, à Halifax.

Le sénateur Moore a beaucoup contribué à la vie communautaire à Halifax, notamment en établissant le Community Studio Residency Program à Lunenburg, Nouvelle-Écosse. Ce programme, qui en est maintenant à sa huitième année, offre aux récents diplômés du NSCAD la chance d'améliorer leur art en atelier. Dans le cadre de leur résidence, les diplômés ont aussi l'occasion de travailler avec des élèves du primaire et du secondaire et d'offrir des ateliers et des conférences à Lunenburg.

Hangama Amiri est une des étudiantes en arts visuels qui a grandement bénéficié du programme et du temps qu'elle a passé au NSCAD. Mme Amiri est une Afghane qui a immigré au Canada à l'âge de 7 ans. En 2010, elle a visité sa ville natale, Kaboul. De retour au Canada, elle a créé un projet sur les femmes qu'elle a rencontrées et observées là-bas. Le projet, intitulé The Wind Up Dolls of Kabul, a retenu l'attention du monde entier. Durant sa résidence à Lunenburg, elle a entamé un deuxième projet intitulé The Male Gaze.

Mme Amiri est un exemple parmi d'autres de l'importance capitale de l'appui pour les arts et les artistes. Elle illustre également la grande valeur de ces initiatives pour la communauté. Le programme de résidence à Lunenburg, établi par le sénateur Moore, a inspiré d'autres programmes semblables ailleurs, dont à New Glasgow, Sydney et Dartmouth. Grâce à eux, de nombreux artistes sont restés dans leur localité pour y travailler, y vivre et contribuer à la vie communautaire.

Sénateur Moore, j'aimerais vous féliciter de cet honneur bien mérité et vous remercier pour vos nombreuses contributions à notre province, la Nouvelle-Écosse. En plus d'être inestimables, vos contributions à la communauté des arts créent un effet domino qui permet à d'autres de nous faire profiter de leurs talents et de leurs voix, et pour cela, nous vous remercions.

[Français]

La garnison Valcartier

Le centième anniversaire

L'honorable Josée Verner : Honorables sénateurs, samedi dernier, le 14 juin, j'ai eu l'honneur de participer, en compagnie des honorables sénateurs Suzanne Fortin-Duplessis et Roméo Dallaire, à une cérémonie pour célébrer le centenaire de la garnison de Valcartier, qui abrite 6 200 militaires et leurs familles, à Québec.

Outre des dignitaires politiques, cette cérémonie a aussi réuni des militaires actifs ou retraités et des cadres supérieurs de la Défense nationale, dont le colonel Dany Fortin, commandant du 5e Groupe-brigade mécanisé du Canada, le colonel Hercule Gosselin, commandant du groupe de soutien de la 2e division du Canada, qui a d'ailleurs eu de très bons mots à l'endroit du travail des sénateurs, ici en cette Chambre, et également le brigadier-général Jean-Marc Lanthier, commandant de la 2e division du Canada, autrefois appelée le secteur Québec de la force terrestre.

Honorables sénateurs, ce fut une belle occasion de me remémorer avec eux les nombreuses activités auxquelles j'ai pris part à Valcartier tout au long de mon mandat de ministre responsable de la région de Québec. Le brigadier-général Lanthier a d'ailleurs rappelé que j'avais été nommée marraine de cette base, notamment pour souligner mon soutien auprès des militaires déployés en Afghanistan et de leurs familles.

Honorables sénateurs, nous avons commémoré en mai dernier la fin de la mission canadienne en Afghanistan. Plus tard cet été, nous soulignerons le centenaire de la déclaration de guerre du Royaume-Uni à l'Allemagne, le 4 août 1914, dans le cadre de laquelle le Canada s'est illustré, lors de la Première Guerre mondiale, au prix d'énormes sacrifices humains.

Dans les deux cas, la ville de Québec a été un fer de lance dans le déploiement outre-mer de nos soldats grâce à la base de Valcartier. Tout comme le Royal 22e Régiment, elle a été établie en 1914. Il s'agissait d'un camp de rassemblement pour former les forces expéditionnaires canadiennes déployées en Europe durant la Première Guerre mondiale. Elle a ensuite permis de former des milliers de militaires francophones qui ont combattu avec bravoure et honneur lors de la Seconde Guerre mondiale, des conflits en Corée et en Afghanistan, ainsi que dans le cadre de nombreuses missions de maintien de la paix.

Honorables sénateurs, la population de Québec a d'ailleurs pu en apprendre davantage sur le riche et fier patrimoine historique, militaire et francophone de cette garnison dans le cadre d'une activité portes ouvertes qui s'est déroulée tout au long de la fin de semaine pour souligner ce centenaire.

Je vous invite, honorables sénateurs, à découvrir cette histoire passionnante grâce au livre de l'auteur Michel Litalien, intitulé Semper Fidelis, Valcartier : D'hier à aujourd'hui, qui souligne l'évolution et les faits d'armes de la garnison, d'hier à aujourd'hui.

[Traduction]

L'honorable Roméo Antonius Dallaire, O.C., C.M.M, G.O.Q.

Hommage

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, on m'a dit que le général Dallaire a donné l'ordre strict de ne pas lui rendre d'hommages excessifs, mais puisque je n'ai jamais servi dans l'armée, je ne vois pas pourquoi je devrais obéir.

Je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à mon très bon ami, le général Roméo Dallaire. La Chambre haute est censée être moins partisane et plus coopérative et accorder la priorité aux intérêts de la minorité. À mon avis, personne n'a autant incarné ces principes que le sénateur Dallaire.

(1840)

Au cours de sa vie, le sénateur Dallaire a été témoin de plus de tragédies que nous ne pourrons jamais en imaginer, plus que quiconque devrait en vivre. Or, de toute cette terreur est née une grande passion, une volonté manifeste de lutter contre les injustices de ce monde. Le sénateur a accompli de grandes choses depuis qu'il a accédé à cette enceinte, notamment au profit des anciens combattants, en particulier à titre de président du Sous-comité des anciens combattants.

J'ai pu collaborer avec le sénateur Dallaire à titre de vice-président de ce comité, poste que j'ai occupé pendant quelques années. C'est une période qui compte parmi mes plus mémorables au Sénat. J'en suis immensément fier. Le sénateur Dallaire était en mesure de jeter un éclairage particulier sur les problèmes qu'affrontent les anciens combattants, et j'étais toujours ravi d'en apprendre autant en le côtoyant. Ce qui m'a le plus impressionné dans tout ce qu'il a fait à ce comité, ce sont sa sincérité et sa sollicitude de tous les instants, sans compter qu'il n'était jamais animé par des mobiles partisans.

Ses réalisations dans cette enceinte n'ont d'égales que ses réalisations à l'extérieur de celle-ci. Le sénateur Dallaire n'a ménagé aucun effort pour faire obstacle aux génocides et à la violence sexuelle ainsi que — surtout, peut-être — pour éradiquer le recours aux enfants soldats dans le monde entier. Il a fait tout cela sans pour autant mettre en veilleuse la cause des anciens combattants ici même, au Canada.

La nouvelle de son départ précoce du Sénat me désole. Cependant, je sais qu'il ne se destine pas du tout à une retraite tranquille : son horaire étant ainsi libéré et assoupli, le sénateur Dallaire sera mieux à même de se consacrer à ses activités dans le monde entier.

Sénateur Dallaire, je vous remercie de votre amitié et de votre coopération au fil des ans. J'ai hâte de voir ce que vous continuerez d'accomplir, aussi bien au Canada que dans les pays qui sont aux prises avec des conflits, qui ont tant besoin de vous.

Je vous souhaite bonne chance, sénateur. Que Dieu vous bénisse. Vous allez grandement nous manquer.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

La Loi sur les agents pathogènes humains et les toxines

Dépôt de projet de règlement

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un projet de règlement visé à l'article 66 de la Loi sur les agents pathogènes humains et les toxines.

L'étude sur les relations internationales du Canada en matière de sécurité et de défense

Dépôt du dixième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dixième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Le Canada et la défense antimissiles balistiques : s'adapter à l'évolution du contexte de menace, qui porte sur les relations internationales du Canada en matière de sécurité et de défense.

(Sur la motion du sénateur Lang, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales

Projet de loi modificatif—Dépôt du douzième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable Bob Runciman, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dépose le rapport suivant :

Le lundi 16 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

DOUZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-37, Loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales ainsi qu'à modifier la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 12 juin 2014, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
BOB RUNCIMAN

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Batters, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, aux fins de son étude du projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et d'autres lois en conséquence, si ce projet de loi est renvoyé au comité, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à se réunir le mardi 17 juin 2014, même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et d'autres lois en conséquence, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-6(1)f) du Règlement, je propose que la deuxième lecture du projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Traduction]

La Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Wilfred P. Moore dépose le projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada (inspecteur général de l'Agence des services frontaliers du Canada) et modifiant d'autres lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Moore, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)


(1850)

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Sénat

Les réponses à des questions inscrites au Feuilleton

L'honorable Percy E. Downe : L'ajournement d'été arrive à grands pas et un certain nombre de questions sont encore inscrites au Feuilleton. Le leader du gouvernement au Sénat usera-t-il de ses bons offices pour nous faire savoir si certaines, plusieurs ou la plupart d'entre elles recevront une réponse avant que nous n'ajournions?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vais faire la vérification pour les questions. Il y a certaines questions de la sénatrice Callbeck, entre autres, que nous avons essayé de préparer plus rapidement, compte tenu de son départ. Je vais vérifier pour ce qui est des questions auxquelles vous faites référence en particulier. Cependant, comme vous le savez, nous essayons toujours de répondre avec diligence à toutes les questions, mais, parfois, certaines questions exigent des réponses plus détaillées. D'ailleurs, vos questions nous obligent souvent à faire une recherche exhaustive.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Je vous remercie de cette réponse. Je suis sûr que le leader du gouvernement au Sénat comprendra que j'ai posé plusieurs de ces questions au nom de gens qui se sont adressés à moi. Ce n'est pas moi, mais eux qui attendent une réponse. Je ne fais que la leur transmettre. Comme toujours, je vous suis reconnaissant de votre collaboration.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Housakos, appuyée par l'honorable sénatrice Fortin-Duplessis, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et une autre loi en conséquence, tel que modifié.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Chers collègues, vendredi dernier, alors que nous nous apprêtions à voter sur les amendements proposés par le sénateur Furey, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l'affaire Spencer.

J'ai alors suggéré qu'il serait sage d'examiner la décision au cours du week-end, avant de mettre aux voix le projet de loi à l'étape de la troisième lecture. Les sénateurs des deux côtés ont convenu d'ajourner le débat jusqu'à aujourd'hui, pour que nous ayons l'occasion d'étudier la décision avant de voter sur le projet de loi ce soir.

Une lecture rapide de l'arrêt m'a porté à croire que les conclusions de la cour pouvaient s'appliquer aux dispositions du projet de loi S-4 qui permettent à un organisme de communiquer des renseignements personnels à un autre non seulement à l'insu de la personne en cause, mais sans le moindre mandat.

Dans l'arrêt Spencer, la Cour suprême du Canada a dit que dans les circonstances de l'affaire, la police — car il s'agissait d'une intervention de la police — aurait dû obtenir un mandat avant de demander les renseignements qu'elle voulait obtenir aux fins de son enquête. Je suppose que quelqu'un nous parlera ce soir au nom du gouvernement pour répondre aux préoccupations exprimées, au sujet desquelles mon collègue, le sénateur Baker, aura quelque chose à dire un peu plus tard et qui ont beaucoup retenu l'attention des médias pendant le week-end.

Aux termes des modifications proposées dans le projet de loi S-4, aucune sorte d'autorisation — mandat ou autre — ne serait plus nécessaire. Je ne prétends pas du tout être un expert de ce domaine, mais en lisant au cours du week-end l'arrêt de la Cour suprême et les commentaires de nombreux observateurs qui ont une connaissance spécialisée de ces choses, je ne peux que conclure qu'à titre de Chambre de second examen objectif, nous aurions intérêt à jeter un second coup d'œil au projet de loi S-4 sur la base de la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Spencer.

Chers collègues, nous devons nous rendre compte qu'il s'agit là d'un projet de loi du Sénat. Si nous l'adoptons aujourd'hui, il ne sera pas mis en vigueur demain. Si nous l'adoptons, il devra encore passer par toutes les étapes de débat et d'étude à l'autre endroit. Alors pourquoi ne pas le renvoyer à notre comité pour qu'il l'examine à nouveau et soit absolument sûr qu'il satisfait aux critères de la Charte et aux exigences de protection de la vie privée avant de le transmettre à l'autre endroit?

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Suite du débat.

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, j'ai juste quelques mots à dire au sujet de ce projet de loi.

Je voudrais féliciter tout le monde d'avoir remis le vote à aujourd'hui. Le sénateur Cowan a tout à fait raison dans son évaluation initiale de l'arrêt de la Cour suprême du Canada et de son importance pour tous les Canadiens.

Je n'avais pas l'intention de le mentionner, mais je viens de me rappeler que la décision traite de l'adresse IP d'un abonné. Chaque sénateur qui possède un ordinateur chez lui a une adresse IP. Dans l'affaire criminelle sur laquelle la Cour suprême du Canada s'est prononcée vendredi, quelqu'un s'est introduit dans le domicile où se trouvait un ordinateur et a accédé à de l'information qui, en définitive, a été considérée comme de la pornographie juvénile. Toutefois, le mandat avait été délivré à l'égard du domicile de la personne à qui l'adresse IP appartenait.

Je tenais à mentionner cette question parce que, si vous avez des petits-enfants qui viennent chez vous et qui partagent des chansons ou des films avec d'autres, la police pourrait arriver chez vous parce que vous êtes le propriétaire de l'adresse IP grâce à laquelle la police a obtenu votre nom et votre adresse. Vous pourriez donc recevoir pendant la nuit la visite d'agents qui entreraient chez vous et confisqueraient tous vos ordinateurs s'ils ont le pouvoir d'obtenir les coordonnées correspondant à une adresse IP.

En fait, ces observations ne sont qu'un à-côté.

La première chose que je veux faire, honorables sénateurs, c'est féliciter les membres du comité qui ont entendu les témoignages à ce sujet : les sénateurs Dawson, Housakos, Demers, Eggleton, Greene, MacDonald, Manning, Mercer, Merchant, Plett et Verner.

Il est malheureux que la Cour suprême du Canada ne se soit prononcée qu'après les audiences du comité. Comme l'a signalé le sénateur Cowan, l'aspect choquant de ce que nous avons fait dans ce projet de loi, c'est que nous avons permis qu'on inscrive certains pouvoirs dans la LPRPDE :

[...] l'organisation ne peut communiquer de renseignement personnel à l'insu de l'intéressé sans son consentement que dans les cas suivants : [...]

Et voici le libellé de l'amendement :

[...] faite à une autre organisation et est raisonnable en vue d'une enquête sur la violation d'un accord ou sur la contravention au droit fédéral [...]

Et ça continue :

[...] en vue de la détection d'une fraude ou de sa suppression ou en vue de la prévention d'une fraude [...]

Et cela se poursuit ainsi. Autrement dit, la communication de renseignements personnels.

Cette mesure, prévue dans la première section de la version que nous avons entre les mains, sera complètement nouvelle dans la législation canadienne. Auparavant, les policiers pouvaient le faire sans mandat. La Cour suprême a dit : « Non, vous ne pouvez pas le faire sans mandat. » Et voici que nous ajoutons une disposition qui permet aux organisations et aux associations d'échanger sans mandat ces mêmes renseignements personnels et privés que les policiers ne peuvent plus obtenir sans mandat. C'est pour vous dire la gravité de la question.

Il faut cependant avouer une chose, même si c'est à contrecœur que je le fais. Le sénateur Carignan est un grand spécialiste des poursuites civiles. Il s'empresserait de me dire qu'il s'agissait d'une affaire criminelle, et il a tout à fait raison : affaire criminelle, norme criminelle. La cour a fini par admettre la preuve. Autrement dit, après avoir établi que la Charte avait été violée, la Cour suprême a convenu avec les tribunaux inférieurs d'admettre la preuve, parce que le contraire aurait eu pour effet de déconsidérer l'administration de la justice en raison des accusations qui avaient été portées.

(1900)

Examinons un instant l'incidence de la décision rendue par la Cour suprême du Canada sur le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. Dans le début du jugement, on énonce que :

[...] la LPRPDE ne peut être considéré[e] comme un des facteurs défavorables à l'existence d'une attente raisonnable en matière de vie privée puisque l'interprétation juste de la disposition applicable dépend elle-même de l'existence d'une telle attente raisonnable en matière de vie privée. Il serait raisonnable que l'internaute s'attende à ce qu'une simple demande faite par la police n'entraîne pas l'obligation de communiquer les renseignements personnels en question ou qu'elle n'écarte pas l'interdiction générale prévue par la LPRPDE quant à la communication de renseignements personnels sans le consentement de l'intéressé.

Il est ici question de communication de renseignements à la police. Dans la modification proposée à la loi, on parle de permettre à des organismes et à des associations, comme les banques, d'échanger ces mêmes renseignements. Comme le sénateur Furey l'a signalé, des trolls de droits d'auteur pourraient obtenir ces renseignements. Je sais ce que signifie l'expression « trolls de droits d'auteur », mais la plupart des Canadiens l'ignorent. Nous savons ce que sont les droits d'auteur; et un troll est un monstre mangeur d'homme qui se cache sous les ponts, de sorte que, lorsque quelqu'un passe sur le pont... eh bien, c'est ainsi que les trolls de droits d'auteurs sont définis dans la loi aux États-Unis, en Grande-Bretagne et maintenant au Canada. C'est une personne ou un organisme, habituellement un groupe d'avocats qui représentent un organisme, qui poursuivent les gens qui ont enfreint la Loi sur le droit d'auteur, principalement en ce qui concerne la musique et les films.

Comme je l'ai déjà dit, quand quelqu'un partage un fichier qu'il a initialement téléchargé, depuis iTunes par exemple, il enfreint la Loi sur le droit d'auteur. Dans le monde entier, ces organismes ont été créés pour écrire des lettres. Au Canada, à l'heure actuelle, ils doivent s'adresser aux tribunaux pour obtenir le nom du propriétaire d'une adresse IP. Aux termes du présent projet de loi, cela ne sera pas nécessaire. C'est pour cette raison que le sénateur Furey a soulevé cet argument comme un exemple logique.

Permettez-moi de revenir à ce que la Cour suprême du Canada a dit à ce sujet. Le paragraphe 54 du jugement énonce ce qui suit :

Il ne fait aucun doute que les cadres législatif et contractuel peuvent être pertinents, mais pas nécessairement déterminants quant à la question de savoir s'il existe une attente raisonnable en matière de vie privée.

En d'autres mots, vous signez un contrat pour votre téléphone cellulaire ou vos relevés bancaires. Vous signez un contrat qui dit que la banque ou l'institution communiquera vos renseignements personnels en cas d'enquête policière — les cadres législatif et contractuel. Que prévoit la loi? La Cour suprême du Canada a dit qu'elle n'était pas déterminante quant à la question de savoir s'il existe une attente raisonnable en matière de vie privée. Elle a statué que, peu importe ce que la personne a signé et ce que prévoit la loi, la LPRPDE a préséance si l'institution en question est visée par le cadre de celle-ci.

Voici ce que dit le paragraphe 60 de la décision :

Le cadre législatif prévu par la LPRPDE ne permet pas d'en apprendre davantage.

Lorsqu'elle a passé en revue la LPRPDE, la Cour suprême s'est dite très découragée, car cette loi est contradictoire. L'article 3 de la LPRPDE dit que vos renseignements sont personnels et que son objet est de faire en sorte que les institutions ne divulguent pas vos renseignements personnels à qui que ce soit sans mandat. Comme le comité l'a souligné, l'article 7 de la LPRPDE énonce des exceptions à cette règle. Une d'entre elles portait sur les enquêtes policières. Toutefois, la Cour suprême du Canada a invalidé cette exception en affirmant qu'il fallait bel et bien un mandat pour ce faire. En vertu de la nouvelle exception, une organisation ou une association pourra échanger vos renseignements personnels avec d'autres associations.

Voici ce que dit le paragraphe 61 de la décision :

La collecte, l'utilisation et la communication par Shaw de renseignements personnels concernant ses abonnés sont assujetties à la LPRPDE, laquelle protège les renseignements personnels que possèdent les organisations qui exercent des activités commerciales contre leur communication à l'insu de l'intéressé et sans son consentement [...]

Eh bien voilà. Le projet de loi aura pour effet de faire exactement le contraire de cela. C'est ce que prévoient les articles 4.3 et 3.

Le paragraphe 61 se poursuit ainsi :

L'article 7 prévoit plusieurs exceptions à cette règle générale, permettant ainsi aux organisations de communiquer des renseignements personnels sans le consentement de l'intéressé. [...] les dispositions de la LPRPDE ne sont pas très utiles pour déterminer s'il existe une attente raisonnable en matière de vie privée puisqu'après les avoir examinées, on se retrouve au point de départ.

Un article de la LPRPDE établit que les renseignements sont privés, alors qu'un autre précise qu'il existe une exception.

La décision de la Cour suprême se poursuit ainsi :

[...] source de l'autorité légitime étayant son droit à obtenir les renseignements demandés. Il s'agit toutefois de savoir s'il existe une telle source d'autorité légitime, question dont la réponse dépend, en partie, de l'existence d'une attente raisonnable en matière de vie privée à l'égard des renseignements concernant l'abonné. La LPRPDE ne peut donc être considérée comme un des facteurs défavorables à l'existence d'une attente raisonnable en matière de vie privée puisque l'interprétation juste de la disposition applicable dépend elle-même de l'existence d'une telle attente raisonnable en matière de vie privée. Puisque la LPRPDE a pour objet de fixer des règles régissant, entre autres, la communication de « renseignements personnels d'une manière qui tient compte du droit des individus à la vie privée à l'égard des renseignements personnels qui les concernent » (art. 3), il serait raisonnable que l'internaute s'attende à ce qu'une simple demande faite par la police n'entraîne pas l'obligation de communiquer les renseignements personnels en question ou qu'elle n'écarte pas l'interdiction générale prévue par la LPRPDE quant à la communication de renseignements personnels sans le consentement de l'intéressé. C'est la décision de la Cour suprême du Canada concernant l'article dont nous débattons.

Voici ce qu'on peut lire au paragraphe 63 :

Certes, je suis arrivé à une conclusion différente que celle formulée, dans des circonstances semblables, [par la] Cour d'appel de l'Ontario [...]

La décision dresse ensuite la liste de tous les autres tribunaux avec lesquels elle est en désaccord.

Voici ce qu'on peut lire au paragraphe 72 :

Je reconnais que cette conclusion diffère de celle tirée par la Cour d'appel de la Saskatchewan dans Trapp, au par. 66, et par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans R. v. McNeice, [...], par. 43.

Et ainsi de suite.

Autrement dit, la Cour suprême du Canada affirme que toutes les décisions permettant la communication de renseignements personnels qui ont été rendues par des tribunaux de l'ensemble du pays sont mauvaises. Si vous examinez le compte rendu de la première séance que le comité a tenue sur ce sujet, vous constaterez que les banques citaient toutes ces décisions pour justifier la procédure que cet amendement tente d'instaurer. En d'autres mots, les banques se servaient des décisions rendues par des tribunaux dans quatre provinces ou territoires pour appuyer cet échange de renseignements, mais ces décisions ont maintenant été invalidées. « Invalidées » n'est pas vraiment le bon terme. Je devrais dire plutôt que la Cour suprême du Canada n'est pas du tout d'accord avec ces décisions.

Je dois féliciter tous les membres du comité des excellentes questions qu'ils ont posées au ministre et aux sous-ministres adjoints. Le sénateur Furey, par exemple, a dit ceci :

[...] en vertu de la LPRPDE maintenant, les compagnies de télécommunications peuvent divulguer des renseignements à leur propre discrétion, sans mandat. Pensez-vous qu'il faudrait rectifier cela?

Voici ce que M. Hanson, un sous-ministre adjoint, a dit au comité :

[...] pour réquisitionner certains renseignements, les forces de l'ordre devraient invoquer leur autorisation légitime, et elles recevraient ce qu'on appelle des renseignements de base sur les abonnés.

Ces renseignements de base seraient le nom, l'adresse et le numéro de téléphone. La Cour suprême du Canada a maintenant rejeté ces dispositions. M. Hanson a ajouté : « Cela revient essentiellement à la Charte des droits et aux attentes raisonnables de respect de la vie privée. Les renseignements de base sur les abonnés peuvent être obtenus sans mandat. Je crois qu'il y a une distinction à faire avec les demandes plus radicales comme la réquisition des données de transmission ou l'interception de communications électroniques [...] »

(1910)

Le fait est que l'élément de preuve fourni au comité a été rejeté par la Cour suprême du Canada

J'allais expliquer ensuite pourquoi les membres conservateurs du comité devraient aussi être félicités pour leurs interventions pendant les audiences.

Compte tenu de l'importance de cette question, il devrait y avoir un moyen de reporter, si possible, la troisième lecture du projet de loi à l'automne. Je ne sais pas si quelqu'un pourrait s'informer auprès du gouvernement pour voir si c'est possible.

Le sénateur Smith : Demandez cinq minutes de plus.

Le sénateur Cowan : Oui, demandez cinq minutes supplémentaires.

Le sénateur Baker : M'accorderiez-vous cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Baker : Honorables sénateurs, j'aimerais revenir quelques instants sur le cas de la sénatrice Verner. J'ai toujours du mal à prononcer son nom, mais j'ai toujours trouvé son parcours très impressionnant parce que, il y a quelques années, elle a été nommée au Cabinet fantôme sans être élue à la Chambre des communes. Les médias ont demandé au premier ministre Harper comment il était possible d'avoir un membre de son Cabinet fantôme qui ne soit pas député. Le premier ministre a répondu qu'il nommait les membres de son prochain Cabinet, et c'est précisément ce qui s'est produit.

La sénatrice a dit ceci :

Je voudrais revenir sur la communication de renseignements personnels entre deux organisations privées.

Puis, elle a répété plusieurs fois sa question :

Je pensais davantage au consentement, c'est-à-dire à la communication de renseignements entre deux compagnies privées sans le consentement.

Ensuite, le ministre a notamment répondu que, lorsqu'on signait un contrat avec quelqu'un, le contrat couvrait cette question.

Ce qu'elle disait, avec d'autres membres du comité, c'est exactement ce que la Cour suprême du Canada vient de statuer dans son arrêt : l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques l'emporte sur l'article 7 de cette même loi, de sorte qu'on ne peut communiquer ces renseignements sans un mandat. La Cour suprême a été très ferme sur ce point.

La loi qui existe au Canada, comme le sénateur Furey a tenté de le faire ressortir, se trouve dans de nombreux arrêts des tribunaux. Il y a ceux de la Cour fédérale, le 20 février 2014, Carswell, 1599, Voltage Pictures LLC c. M. Untel et Mme Unetelle. Voilà ce qu'un troll des droits d'auteur doit faire aujourd'hui au Canada, et qu'il n'aura pas à faire si nous adoptons le projet de loi. Il doit aller demander une ordonnance judiciaire. La cour a imposé des restrictions telles au troll des droits d'auteur qu'il devait aviser la personne visée par l'enquête. Il devait tenir les personnes vivant dans le foyer où se trouvait l'adresse IP au courant tout au long du processus pour que, quand elles recevraient une lettre exigeant le versement de 5 000 $ pour éviter des poursuites, elles ne soient pas empressées de payer pour éviter que leurs noms ne soient rendus publics.

La similitude entre les amendements du sénateur Furey et ce que la Cour fédérale exige maintenant est remarquable. Malheureusement, lorsque nous adopterons ce projet de loi, cela ne sera plus nécessaire. Il est évident que, dès la première contestation devant les tribunaux, le projet de loi sera annulé, et nous serons de retour à la case départ. Nous serons de retour ici même pour approuver une modification de fond et une autre loi qui prévoit exactement le contraire de ce que nous faisons ici ce soir.

Le sénateur D. Smith : Et nous n'aurons pas fière allure.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Est-ce que le sénateur Baker accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Baker : Oui.

Le sénateur Carignan : Sénateur Baker, vous avez parlé de l'échange de renseignements entre deux entreprises privées. N'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire que, afin que la Charte canadienne des droits et libertés puisse s'appliquer, il doit y avoir la présence de ce qu'on appelle une « action gouvernementale »? Lorsqu'une loi autorise des échanges ou lorsqu'on parle d'échanges entre deux entreprises de renseignements privés, il n'y a pas d'action gouvernementale; donc, il n'y a pas d'application de la Charte dans l'échange entre deux entreprises privées.

[Traduction]

Le sénateur Baker : J'avais prévu que le sénateur Carignan poserait exactement cette question, car il est un avocat plaidant d'expérience en matière civile. Je lui rappelle simplement que le sénateur Furey est également un avocat plaidant d'expérience en matière civile, et aussi en matière pénale.

La réponse à la question du sénateur Carignan est la suivante : si nous permettons, dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, une action qui est contraire au principe général de cette loi, l'article 3 et le 4.2, comme la Cour suprême le dit...

Le sénateur Carignan : Elle n'a jamais dit cela.

Le sénateur Baker : Ce que je viens de lire renvoyait aux articles 3 et 7. Nous avons maintenant une divergence d'opinions sur ce que la Cour suprême du Canada a dit au juste.

Le sénateur Tkachuk : Pas vraiment.

Le sénateur Baker : Je suis de son avis presque tout le temps, parce qu'il a ici un point légitime à faire valoir, mais ce que je dis pour ma part, c'est que la question sera discutée au ministère de la Justice, qui fera des propositions au cabinet du ministre pendant un mois ou à peu près quant à la mesure dans laquelle cette question s'applique au projet de loi à l'étude et à un autre qui est présenté à la Chambre des communes. Je dirai au sénateur qu'on ne peut adopter une loi qui, de façon inhérente, va à l'encontre d'une décision de la Cour suprême du Canada.

Le sénateur Carignan : Pas à l'encontre.

Le sénateur Baker : Cet article 3, l'objectif premier de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, l'emportera lorsque des organisations sont sous l'empire de cette loi et que le but est de protéger des renseignements personnels. Elles prendront des passages de cette instance pénale, comme vous le dites fort justement, et les appliqueront à une instance civile.

Une voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Baker, vous avez anticipé ma question et vous avez également anticipé une réponse selon laquelle cela ne s'applique pas. Cependant, je vais tout de même profiter de mon droit de parole.

La décision Spencer vise une action gouvernementale, à savoir une demande qui est formulée par un service de police, pour un renseignement qui est de nature privée, dans le cadre d'une enquête portant sur un acte criminel. Cela mène à l'application de l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit aux Canadiens la protection contre les fouilles et les perquisitions abusives.

La demande qui était formulée par le service de police l'était en vertu du sous-alinéa 7(3)c.1)(ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Il ne s'agit pas d'un sous-alinéa qui est modifié par le projet de loi S-4; il existe déjà. Sénateur Baker, vous avez sûrement remarqué que, dans la loi, on n'a pas invalidé ce sous-alinéa. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a examiné la loi et on s'est demandé quelle en était la nature. Cette loi est faite pour protéger les intérêts privés des citoyens, protéger les renseignements personnels lorsqu'il y a des échanges entre deux organisations privées dans le cadre du commerce ou d'activités commerciales. On a donc décidé d'encadrer les renseignements personnels et de créer une protection.

On a étudié le sous-alinéa 7(3)c.1)(ii) dans le cadre de l'étude de la violation de l'article 8. Pour vérifier l'article 8, on doit déterminer s'il s'agit d'une demande ou d'une perquisition, et, le cas échéant, si elle est abusive.

(1920)

Nous avons reçu une demande de renseignements personnels, nous avons considéré qu'il s'agit d'une forme de perquisition et nous devons ensuite déterminer s'il s'agit d'une perquisition abusive. J'escamote quelques critères, mais une perquisition est abusive lorsqu'elle touche des renseignements personnels. Comment détermine-t-on si les renseignements sont personnels? On peut s'attendre, de façon subjective, à ce que nos renseignements soient privés, mais on doit aussi s'attendre, de façon objective, à ce que nos intérêts soient protégés.

Pour ce qui est de l'attente subjective, quand on signe un contrat avec un fournisseur de service Internet, on s'attend à ce que notre adresse IP et les sites que l'on visite ne soient pas publics et que nos renseignements ne se retrouvent pas entre les mains de tiers.

En ce qui concerne l'attente objective, on a évalué que la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques va dans le sens de la protection des renseignements privés; elle va dans le sens selon lequel les renseignements personnels se doivent d'être protégés.

Les juges ont donc convenu de dire qu'il est raisonnable de s'attendre à ce que les renseignements soient privés; non seulement la personne peut avoir conclu un contrat avec le fournisseur de service, mais la loi stipule que ses renseignements doivent être privés. Donc, l'utilisateur Internet s'attend raisonnablement à ce que ses renseignements et son adresse IP, et surtout l'utilisation qu'il fait de son service ou de son ordinateur — parce qu'il s'agit non seulement de l'adresse IP et du nom, mais aussi des sites qu'il visite et de l'historique des sites qu'il visite — soient privés.

C'est dans cette optique que nous avons examiné la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, et jamais, au grand jamais, la cour n'invalide, ou ne dit, ou ne sous-tend que cette loi est inconstitutionnelle ou a été appliquée de façon inconstitutionnelle. Au contraire, la Cour suprême confirme la protection qui est accordée aux renseignements personnels par la loi, et c'est le sens du projet de loi S-4. Tous les articles du projet de loi S-4 ont pour objectif de protéger les renseignements personnels.

D'ailleurs, la commissaire à la protection de la vie privée par intérim, Chantal Bernier, a dit, au sujet du projet de loi S-4, qu'il présente d'importantes avancées en matière de droit à la vie privée des Canadiens et qu'elle souscrit aux propositions contenues dans le projet de loi.

Pourquoi s'est-elle exprimée ainsi? Parce que le projet de loi S-4 va bonifier la protection des renseignements personnels des individus.

La Cour suprême a analysé le sous-alinéa 7(3)c.1)(ii) dans son application parce qu'une demande a été faite à Shaw Communications par le service de police sur la base de cet article. L'article stipule qu'une entreprise peut divulguer des renseignements lorsque la demande est faite à une institution gouvernementale ou à une subdivision d'une telle institution qui a demandé d'obtenir le renseignement en mentionnant la source de l'autorité légitime étayant son droit de l'obtenir. Ce sont les mots clés : la source de l'autorité légitime étayant son droit de l'obtenir. La cour précise que, pour obtenir cette information, la légitimité de la demande et le droit à l'obtention doivent être démontrés. Dans un tel cas, la source de l'autorité légitime étayant son droit de l'obtenir équivaut à un mandat de perquisition. C'est ce que la Cour suprême affirme dans l'arrêt Spencer. Pour démontrer la source de l'autorité légitime ayant le droit d'obtenir cette information, un mandat de perquisition doit être fourni, selon l'interprétation que la Cour suprême fait de cet article.

C'est l'arrêt Spencer qui applique la Loi sur la protection des renseignements personnels en ce qui concerne le sous-alinéa 7(3)c.1) (ii), qui indique simplement que, lorsque la police demande une information dans le cadre d'une enquête sur une entreprise qui a des renseignements personnels de la nature d'une adresse IP et d'un historique de sites web ou de navigation, un mandat de perquisition doit être fourni, parce que c'est une information sensible, privée, dont une personne raisonnable est en droit de s'attendre à ce qu'elle soit protégée. C'est l'arrêt Spencer; il est basé sur ce sous-alinéa.

Le projet de loi S-4 ne touche pas du tout à cette section. Le projet de loi prévoit différents articles pour renforcer la protection de la vie privée et en aucun temps, directement ou indirectement, le jugement Spencer n'affecte la loi actuelle et encore moins le projet de loi S-4.

Je pense qu'il est important de clarifier ces faits avant de voter. Il ne faut pas tirer des conclusions de l'arrêt Spencer qui nuiraient ou iraient à l'encontre du projet de loi S-4. Ce serait faire une mauvaise lecture de l'arrêt Spencer, pour le dire poliment.

J'aimerais également dire quelques mots sur les articles qui, selon vous, vont à l'encontre de la Charte. Je ne suis pas d'accord du tout avec votre interprétation, parce que l'article 8 vise les perquisitions et les fouilles. Par conséquent, le service de police doit faire une demande, et non l'inverse. L'alinéa d.3) du paragraphe 7(3), que vous avez cité, stipule que la demande, et je cite :

[...] est faite, à l'initiative de l'organisation à [...] une institution gouvernementale [...]

C'est l'entreprise privée qui décide de transmettre l'information à la police parce que, selon elle, une infraction peut avoir été commise ou parce qu'elle soupçonne qu'une infraction est commise et qu'elle détient l'information. Elle décide de la transmettre à la police. Lorsque c'est l'organisation qui transmet l'information à la police, ce n'est pas une intrusion dans la vie privée de la part de l'État. Ce n'est pas une action de l'État, c'est l'inverse. C'est l'entreprise qui décide de divulguer et, dans ce cas, on autorise ce transfert à différentes conditions. Il ne s'agit pas du tout d'un cas de perquisition. L'entreprise appelle la police et transmet l'information. Elle est autorisée à le faire et non pas, à l'inverse, lorsque c'est la police qui va chercher l'information.

Honorables sénateurs, je vous invite donc à voter en faveur du projet de loi S-4, parce qu'il contribue à renforcer la Loi sur la protection des renseignements personnels et oblige les entreprises à aviser le plus rapidement possible les gens dont les renseignements ont été perdus ou divulgués. Ce projet de loi établit également des amendes sévères pour que les renseignements personnels soient protégés et pris en compte. C'est un projet de loi important, compte tenu de l'évolution rapide des informations qui sont échangées, et plus particulièrement sur le Web tel qu'on le connaît maintenant.

(1930)

Donc, c'est une mise à jour qui est nécessaire, une mise à jour que nous étions tenus de faire, parce que, lorsque le projet de loi avait été adopté, un engagement avait été pris de réviser la loi de façon régulière. L'évolution de la technologie nous a montré que le renforcement et les modifications de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques étaient nécessaires, et c'est exactement ce que nous faisons pour remplir notre objectif de protéger les renseignements personnels des Canadiens.

[Traduction]

Le sénateur Baker : En d'autres termes, vous disiez que la police, pour l'information qu'elle ne peut pas obtenir d'elle-même parce qu'il lui faut un mandat, n'a qu'à demander à une association ou à un organisme de la lui obtenir pour pouvoir intenter des poursuites.

Vous avez mentionné la commissaire à la protection de la vie privée. Or, elle a émis son opinion avant cette décision de la Cour suprême. Vous avez parlé de perquisition et de saisie et vous avez laissé entendre qu'une perquisition visait un domicile ou un ordinateur. Dans le cas présent, la perquisition était l'obtention du nom et de l'adresse du titulaire de l'adresse IP. Selon la décision de la Cour suprême, il s'agissait là d'une perquisition. Pourquoi? Parce qu'il était raisonnable de s'attendre à ce que ces renseignements soient privés.

Je comprends ce que vous dites. Vous dites que, si la police veut perquisitionner une voiture — et il est raisonnable de s'attendre à ce que ce soit un lieu privé — elle doit se procurer un mandat. Si elle veut perquisitionner un domicile et qu'il est raisonnable de s'attendre à ce que ce soit un lieu privé — et c'est l'exemple d'attente en matière de vie privée la plus raisonnable que vous puissiez avoir — il lui faut un mandat. Pour une adresse IP, la police doit être munie d'un mandat. Vous suggérez qu'un troll de droit d'auteur pourra obtenir des noms et des adresses, une fois cette mesure adoptée, pour mener à bien ses combines contre des Canadiens et ce, sans mandat.

Somme toute, lorsqu'on y pense bien, je ne peux pas voir comment on peut conclure que cette décision de la Cour suprême du Canada, qui répète l'objet de la LPRPDE, à l'article 3 :

[...] de fixer, dans une ère où la technologie facilite de plus en plus la circulation et l'échange de renseignements, des règles régissant la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels d'une manière qui tient compte du droit des individus à la vie privée [...]

Ne pensez-vous pas que cette modification de la loi aura pour effet de nier le même principe qui, selon la Cour suprême, a été transgressé dans l'affaire Spencer?

[Français]

Le sénateur Carignan : J'imagine que c'était une question. En ce qui a trait aux renseignements, premièrement, si je remets mon BlackBerry à la police et qu'elle l'examine, ce n'est pas une perquisition. Si la police vient chercher mon BlackBerry dans ma poche, c'est une perquisition; c'est la différence que fait la loi.

Deuxièmement, en ce qui a trait à l'application, c'est la Loi sur les renseignements personnels qui est appliquée. Donc, la Cour suprême précise que, dans le cadre de l'application du sous-alinéa 7(3)c.1)(ii), lorsqu'une institution gouvernementale examine une infraction et demande l'adresse IP et l'historique de consultation d'un individu dans le cadre d'une enquête criminelle, cela devient une perquisition. Elle a le pouvoir de le demander en vertu du sous-alinéa 7(3)c.1)(ii), mais elle doit démontrer son autorité légitime à le faire et elle doit obtenir un mandat. Donc, la Cour suprême vient compléter, dans le cadre des pouvoirs d'enquête de la police, la façon d'appliquer le sous-alinéa 7(3)c.1)(ii).

Il me semble que c'est très clair, et je ne sais pas si cela répond à l'ensemble de vos préoccupations, sénateur Baker. Cependant, je suis sûr que vous comprenez bien les dispositions en jeu et que vous faites bien la distinction entre l'échange de renseignements entre entreprises et l'échange d'information ou l'action de l'État qui cherche à obtenir un renseignement personnel.

Finalement, je trouve intéressante la nuance que vous avez faite avec la perquisition dans une résidence privée. La Cour suprême fait cette distinction. Elle utilise aussi d'autres cas de perquisition extrêmement intéressants, entre autres avec le chien renifleur. On traite de l'air autour du sac à dos, ou de l'odeur autour du sac à dos. Peut-on s'attendre à avoir une vie privée quant à l'odeur autour de notre sac à dos lorsque le chien le renifle et que cela nous donne une indication de ce qu'il peut y avoir dans le sac à dos? La Cour suprême a reconnu que même l'odeur autour d'un sac à dos, si cela a pour effet de faire réagir le chien et de donner une indication de ce qui s'y trouve, est une forme de perquisition. Je vois mon ami policier qui réagit à ce jugement.

La Cour suprême, pour en revenir à l'aspect de la maison, a fait justement une différence par rapport à la résidence. Ce n'était pas parce que l'ordinateur se trouvait dans une résidence privée. C'était un autre cas qui exigeait une perquisition. Vous vous rappellerez dans les faits que ce qui a été perquisitionné, c'est l'ordinateur de la sœur de M. Spencer, parce qu'il a utilisé l'ordinateur de sa sœur pour aller chercher cette information-là, et c'est sa sœur qui avait signé le contrat avec Shaw et qui avait accepté les conditions de la politique de divulgation de renseignements personnels. Cela ne s'adressait donc pas à lui puisque ce n'était pas son ordinateur et qu'il n'avait pas signé de contrat avec Shaw à ce niveau-là. Cependant, la Cour suprême n'a pas tenu compte de la résidence. Un mandat de perquisition a été autorisé en bonne et due forme pour aller dans la maison, mais l'adresse IP, le nom et surtout l'utilisation qui en est faite constituent des renseignements qui doivent être protégés, et c'est ce que la cour a déterminé et a traité complètement à part.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Permettez-moi de vous lire le paragraphe 7 :

Monsieur Spencer, qui habitait avec sa sœur, se connectait à Internet à partir d'un compte ouvert au nom de cette dernière. Il utilisait le programme de partage de fichiers LimeWire sur son ordinateur pour télécharger [...]

Alors, il utilisait son ordinateur, mais l'adresse IP appartenait à sa sœur.

Supposons que le sénateur donne à la police son appareil BlackBerry, comme il le dit. Si la police saisit un ordinateur ou un BlackBerry et si vous lui donnez un tel appareil, elle a besoin d'un deuxième mandat pour en examiner le contenu. Il faut qu'un deuxième mandat soit délivré.

Si vous remettez votre BlackBerry à la police, ce n'est pas pour qu'elle en examine le contenu. J'imagine que, si vous l'autorisez par écrit à le faire, elle n'aurait pas besoin d'un mandat. Vous avez parlé des chiens renifleurs. Évidemment, c'est une sorte de perquisition. Au Canada, la loi dit depuis 20 ans que c'est une perquisition. L'examen d'une maison avec des senseurs infrarouges pour y détecter l'existence d'une culture illégale de cannabis constitue également une sorte de perquisition, selon la Cour suprême du Canada.

Nous pourrions énumérer 20 types de collecte de renseignements de la part de la police qui, même si cela peut paraître étrange, sont considérés comme des perquisitions.

Ce projet de loi pose problème parce que la décision de la Cour suprême du Canada portait sur une affaire criminelle, mais, comme en fait foi l'extrait que j'ai lu tout à l'heure, les juges ont invoqué la raison d'être de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, qui est justement de protéger les renseignements personnels. Par conséquent, la police ne peut pas se servir de l'article 7 de cette loi.

Devrions-nous adopter une loi qui permettrait à tout le monde d'obtenir des renseignements personnels, alors que la police elle-même n'a pas le droit? Cela va à l'encontre même de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et des organisations et institutions qui en relèvent.

(1940)

Ne croyez-vous pas que les Canadiens feraient preuve de bon sens et se diraient : « Eh bien, si on ne permet pas aux services de police de le faire sans mandat, pourquoi laisserait-on la Banque du Canada ou un troll américain de droits d'auteur harceler, sans mandat, les Canadiens pour obtenir leurs coordonnées? »

Des voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Carignan : Le sénateur Baker a pris l'exemple du BlackBerry. Si j'ouvre mon BlackBerry et que je montre l'ensemble de l'information qu'il contient à la police, il n'y a nul besoin de perquisition, parce que c'est moi qui montre l'information.

Vous demandez pourquoi une entreprise privée pourrait le faire alors qu'une société ne pourrait pas le faire. La différence est assez claire, et elle se trouve dans l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. Comme vous le savez, la Charte canadienne s'applique aux actions gouvernementales. S'il n'y a pas d'action gouvernementale, ce n'est pas la Charte canadienne des droits et libertés qu'on invoque. Au Québec, ce pourrait être la Charte québécoise des droits et libertés qui s'applique entre parties privées. Elle peut renfermer une disposition de cette nature qui pourrait régir les enquêtes privées.

Il pourrait s'agit de la Charte québécoise, peut-être, et de la Charte de l'Ontario également. La Charte de la Colombie-Britannique est une charte d'application privée aussi, de même nature que celle du Québec. C'est possible. Toutefois, en ce qui concerne la Charte canadienne des droits et libertés, la condition est qu'il doit y avoir une action gouvernementale. Dans le cas que vous citez, il n'y a pas d'action gouvernementale, donc pas d'application de la Charte.

[Traduction]

Le sénateur Baker : La Cour fédérale a rendu un jugement le 20 février 2014 dans l'affaire Voltage Pictures LLC c. M. Untel et Mme Unetelle, qui impliquait une entreprise américaine. Dans le long jugement du protonotaire Kevin Aalto, la Cour fédérale a conclu qu'on ne peut obtenir des renseignements personnels de cette façon. Voici la première phrase du premier paragraphe :

Les personnes qui téléchargent d'Internet des contenus protégés par droit d'auteur en recourant à un réseau de pairs (P2P) et au protocole BitTorrent (BitTorrent) par l'entremise d'un prestataire de service Internet (PSI) disposent-elles du droit au respect de la vie privée, de telle sorte que leurs coordonnées ne puissent être révélées à la partie dont le droit d'auteur est enfreint?

C'est ce qu'a conclu la Cour fédérale. L'entreprise devait s'adresser à la Cour fédérale pour obtenir des renseignements, et non directement au fournisseur de service Internet. Pourquoi? Parce que la loi l'exige. C'est ainsi que la Cour fédérale a interprété la loi.

Or, nous nous apprêtons à modifier la loi pour donner ce droit à des organisations pour les mêmes raisons que nous le donnons à des gens ici qui ont violé une entente ou les lois canadiennes, dont la loi sur le droit d'auteur, que le sénateur connaît dans leurs moindres détails. Le fait de modifier la loi permettra d'obtenir, sans s'adresser à la cour, des renseignements personnels, comme l'a si vigoureusement dénoncé le sénateur Furey au comité. Le sénateur croit-il vraiment que nous devrions aller dans cette direction avec la législation sur la protection des renseignements personnels au Canada?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, sauf votre respect, vous mélangez les pommes et les oranges. Vous m'avez dit que j'étais bon en droit civil. C'est un bel exemple de droit civil que vous avez donné, c'est-à-dire la possibilité pour une personne dont les droits, prévus par la loi, auraient été violés de poursuivre pour dommages et intérêts afin de s'assurer du respect de ses droits.

La question que vous avez soulevée est liée à l'effet de la décision Spencer dans le cadre d'une enquête criminelle. C'est l'une des applications de la Charte canadienne des droits et libertés, particulièrement selon l'article 8.

On s'éloigne énormément. Évidemment, les personnes qui verront leurs droits civils violés auront plus de recours grâce au projet de loi S-4, parce que celui-ci renforce leur protection et prévoit même des amendes plus importantes.

J'espère que vous allez être d'accord avec nous et que vous voterez, dans les prochaines minutes, en faveur du projet de loi pour augmenter la protection des renseignements personnels des Canadiens et faire en sorte que les entreprises qui violent les renseignements personnels des individus puissent être poursuivies et condamnées en bonne et due forme, et que ces méfaits soient réduits le plus possible, sinon anéantis.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Mais les dispositions législatives sur le droit d'auteur forment une loi. Si une personne possède un ordinateur et une adresse IP et que quelqu'un — par exemple un petit-enfant ou un arrière-petit-enfant — s'amène et télécharge de la musique, le projet de loi permettra, en vertu des dispositions législatives sur le droit d'auteur, d'envoyer une lettre aux grands-parents leur disant : « Vous nous devez 5 000 $. Si vous ne nous remboursez pas, nous allons vous poursuivre en justice. » Pourquoi? Parce que vous avez téléchargé du matériel. Imaginez maintenant s'il s'agissait de films. Imaginez quel serait le contenu de la lettre.

Ne pensez-vous pas que vous créez cette possibilité en ouvrant la porte à ce cas lié au droit civil — que vous confirmez être un cas relevant du droit civil — en vertu duquel une entreprise américaine ciblant 20 000 adresses IP au Canada pour le téléchargement de la musique veut s'en prendre aux gens qui possèdent ces adresses IP, que ce soit eux ou non qui ont téléchargé la musique? Au Canada, nous avons une loi qui empêche les compagnies de faire cela, sauf dans certaines conditions qui ont été énoncées par le sénateur Furey dans ses amendements. Il faut satisfaire à un certain nombre de conditions. Or, le projet de loi supprime cette exigence.

Telle est la réalité. Si les Canadiens étaient conscients de la portée du projet de loi, je ne pense pas qu'ils voudraient que nous l'adoptions. Après réflexion, n'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire que vous devriez vous lever et voter contre le projet de loi?

Des voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Carignan : Honorable sénateur, vous avez quitté l'arrêt Spencer graduellement, et maintenant, vous tombez dans le fondement du projet de loi S-4, qui contient des dispositions qui augmentent la protection de la vie privée et des renseignements personnels, ainsi que les recours auxquels ont droit les Canadiens. C'est ce qui a fait dire ce qui suit à Chantal Bernier, en parlant du projet de loi, et je cite :

[il] semble contenir des éléments très favorables aux droits à la protection de la vie privée des Canadiennes et Canadiens […] j’accueille avec satisfaction les propositions [contenues dans le projet de loi]

Je vous invite à contribuer à ces importantes avancées dans la protection de la vie privée au Canada.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Nous avons une très bonne personne qui occupe parfois le fauteuil, qui connaît l'article 8 de la Charte probablement mieux que quiconque lié à ce rapport, le rapport Nolin — cette personne a d'ailleurs été appelée à témoigner devant les tribunaux du Canada relativement à des causes portant sur l'article 8 —, et j'en suis venu à la conclusion que nous allons devoir convenir que nous sommes en désaccord. Je vous remercie sincèrement de nous avoir donné vos réponses ce soir et de nous avoir fourni l'occasion de poser des questions. Merci.

(1950)

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Le sénateur Carignan accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Carignan : Oui.

La sénatrice Fraser : Vous avez cité Chantal Bernier il y a un instant, et il est bien vrai que, le 8 avril, elle a fait la déclaration suivante à propos du projet de loi S-4 : « À première vue, [...] le projet de loi semble contenir des éléments très favorables aux droits à la protection de la vie privée des Canadiennes et des Canadiens [...] »; je ne pense pas que qui que ce soit de ce côté-ci ait remis cela en question. Le sénateur Furey s'efforçait, dans son discours, de mettre en valeur les bons éléments du projet de loi.

Cependant, le 13 juin, parlant de l'arrêt Spencer, Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée, a dit ceci :

Le Commissariat accueille cette décision fondamentale pour la protection de la vie privée au Canada. [...]

La Cour a déterminé qu'il existe une attente raisonnable en matière de vie privée concernant les renseignements relatifs à l'abonné. Elle a convenu que ces renseignements pourraient, dans de nombreux cas, constituer la clé permettant l'accès à des renseignements confidentiels sur les activités en ligne d'un utilisateur, et donc qu'ils méritent d'être protégés par la Constitution.

Ce jugement a d'importantes répercussions sur le projet de loi C-13 ...

— dont nous ne sommes d'ailleurs pas encore saisis. Puis, à la toute fin, il dit ce qui suit :

Nous encourageons les parlementaires à examiner attentivement les répercussions de ce jugement lors de leurs délibérations concernant le projet de loi C-13 ainsi que le projet de loi S-4, la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques.

Sauf erreur, il semble que le commissaire à la protection de la vie privée sonne l'alarme. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette déclaration.

[Français]

Le sénateur Carignan : Tout comme vous, j'ai pris connaissance de cette déclaration. Au cours du week-end dernier, nous avons justement pu faire ce que le commissaire nous invitait à faire, c'est-à-dire prendre connaissance du jugement, ce que lui n'avait peut-être pas eu le temps de faire en même temps qu'une analyse complète du jugement, puisque sa déclaration n'a été faite que quelques heures après la décision de la Cour suprême.

À votre suggestion, durant le week-end, nous nous sommes prêtés à l'exercice, et j'imagine que vous avez fait la même chose de votre côté, afin de voir s'il y avait des incidences négatives par rapport au projet de loi S-4. Nous en avons aussi débattu au Sénat, et nous en arrivons à la conclusion que le jugement n'a aucune incidence sur le projet de loi S-4. L'arrêt Spencer vise à ce que, lorsqu'un représentant du gouvernement, tel un service de police, demande l'accès à une information comme une adresse IP dans l'objectif de faire une enquête sur un crime, ce représentant détienne un mandat de perquisition et justifie son autorité légitime non seulement pour demander, mais aussi pour obtenir un renseignement.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Eh bien, honorables sénateurs, j'ai moi aussi passé une partie de la fin de semaine à parcourir autant de documents pertinents que possible. Je dois dire que je suis davantage convaincue par l'argument original qu'a présenté le sénateur Furey avant la décision dans l'affaire Spencer, et tout particulièrement par la présentation très percutante du sénateur Baker de la situation à la lumière de l'arrêt Spencer.

Je n'arrive vraiment pas à comprendre pourquoi nous cherchons à autoriser les organisations privées à faire ce que la Cour suprême vient d'interdire à la police concernant la communication de renseignements personnels. En l'occurrence, comme l'a dit le sénateur Baker, nous allons simplement devoir nous contenter d'être en profond désaccord.

[Français]

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, à la suite de mes questions de vendredi dernier concernant ce projet de loi et à la suite de certains commentaires tout juste entendus, j'aimerais à mon tour émettre quelques commentaires. Je serai brève. Vous vous souviendrez que, vendredi dernier, j'ai indiqué aux honorables sénateurs que le Sénat jouissait d'une particularité lui permettant de s'assurer du respect de la Constitution et de la Charte canadienne des droits et libertés.

J'ai également ajouté que je n'étais nullement convaincue que le projet de loi S-4 remplissait son mandat. Cette Chambre a pour rôle de faire un second examen objectif, et il est doublement plus important, dans le cas du projet de loi S-4, avant que le Sénat le renvoie à l'autre Chambre, qu'il se soit assuré sans aucun doute que le projet de loi respecte au moins la Charte canadienne des droits et libertés.

À la suite des discussions que nous avons tenues vendredi matin dernier, une décision de la Cour suprême oriente notre réflexion sur le projet de loi encore plus intensément sur la protection des Canadiens.

Je n'ai pas étudié en droit, mais il a été dit que, en droit civil, une personne dont l'information a été transmise par une organisation peut intenter des poursuites judiciaires contre l'organisation en question. Je vous rappellerai que, vendredi dernier, on nous a indiqué que les personnes en question ne peuvent même pas savoir que leurs renseignements personnels ont été transmis, parce que cela créerait une bureaucratie considérable pour les organisations.

Évidemment, je suis très déçue ce soir de constater que cette Chambre ne veut pas attendre pour faire en sorte d'obtenir l'assurance nécessaire. Ce n'est pourtant pas une question de quelques semaines ou de quelques mois qui changerait quelque chose à l'ensemble de l'économie canadienne.

Avant de poursuivre, assurons-nous de la conformité du projet de loi; procédons au renvoi du projet de loi au comité afin d'en effectuer un second examen objectif. Je vous en prie. Ne trouvez-vous pas que cette Chambre a déjà été assez soumise à un regard fort peu complaisant de la part du public? Et maintenant, aujourd'hui, au lendemain d'une décision de la Cour suprême, nous serions prêts à renvoyer un projet de loi qui, selon moi, contredit la Charte des droits et libertés des Canadiens à l'autre endroit? Voyons donc!

Mes collègues disaient s'attendre à ne pas en arriver à une entente avec vous. Il se pourrait que, en raison du nombre de sénateurs se trouvant dans cette enceinte, les possibles résultats du vote, si vous tenez mordicus à ce que nous procédions à la troisième lecture ce soir, soient tels que l'ensemble des Canadiens, dans quelques mois, auront encore une fois l'occasion de dire que les sénateurs ont peut-être manqué, encore une fois, à leur devoir de faire un second examen objectif.

[Traduction]

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement les propos de l'honorable leader du gouvernement et je dois dire qu'une partie de sa réponse me laisse perplexe. Quiconque tente de comprendre les principes fondamentaux énoncés par la Cour suprême dans sa décision historique verra qu'elle affirme, pour la première fois, qu'Internet a multiplié les risques associés à la protection des renseignements personnels et qu'il est difficile d'établir des limites étant donné la facilité avec laquelle l'information circule sur Internet. Vous prenez votre ordinateur, vous l'allumez, vous tapez votre nom ou votre mot de passe et voilà, vous avez accès au monde.

(2000)

C'est très bien. C'est efficace et utile, mais l'opération comporte un risque : celui que tout ce que vous faites, dites, notez ou ajoutez peut être capté et utilisé contre vous si quelqu'un est en train de vous espionner.

La cour a dit qu'il y a là des principes que nous devons établir, « nous » désignant la cour. Elle dit très clairement que quiconque utilise son ordinateur, son BlackBerry, son téléphone portable ou tout autre appareil lié à ce mode de communication peut avoir des attentes raisonnables en matière de respect de la vie privée. C'est un principe fondamental. Ce n'est pas parce que vous pouvez communiquer avec le monde entier que le monde entier peut s'introduire dans votre ordinateur, votre BlackBerry, votre téléphone portable pour aller y chercher n'importe quel renseignement pour l'utiliser ses propres fins et le communiquer à d'autres groupes sans que vous puissiez savoir où tout cela finira. Comme l'information peut circuler aussi facilement, personne ne semble penser qu'il devrait y avoir des paramètres. Comme je l'ai dit, il est tellement facile d'aller partout dans le monde.

Je crois que l'un des principes fondamentaux que la cour a énoncés est qu'il y a une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée. Par conséquent, à moins que vous ne consentiez clairement à ce que votre information soit communiquée à quelqu'un d'autre, il faut qu'un tribunal décide raisonnablement, dans le cadre d'un processus où une personne présente une demande et montre des preuves à un juge, que l'information est nécessaire à des fins publiques. Toutefois, personne ne peut s'introduire dans votre ordinateur.

Un fournisseur de services Internet échangera cette information avec d'autres fournisseurs parce qu'il n'y a pas de problème. Par exemple, Rogers peut la transmettre à Shaw qui, à son tour, peut la communiquer à Bell. Ensuite, Bell peut envoyer l'information à AT&T aux États-Unis, qui la transmettra à British Telecom et ainsi de suite. Tout le monde sait alors où vous vous trouvez.

Le principe fondamental est que vous pouvez avoir des attentes raisonnables en matière de respect de la vie privée. Je crois qu'il est très important de tirer cette conclusion en fonction de l'arrêt Spencer. Que ce soit à des fins pénales ou à des fins privées, si vous signez un contrat de service avec un fournisseur — n'importe lequel —, il est on ne peut plus clair que vous renoncez à votre droit à la vie privée et autorisez le fournisseur à partager votre information avec n'importe qui sans vous informer qu'il la transmettra à une société établie aux États-Unis. Cette société américaine n'étant pas assujettie aux lois canadiennes peut communiquer votre information à n'importe qui : agence frontalière, banque, peu importe. Imaginez tout l'éventail de ceux qui voudraient jeter un coup d'œil à vos renseignements.

Il me semble que c'est la conclusion fondamentale de l'arrêt Spencer. La cour a dû interpréter l'article 8 de la Charte. Je suis tout à fait d'accord, mais la cour énonce aussi très clairement ce que semblent être les paramètres de dissémination de l'information. Voilà ce que je crois tellement important dans ce débat.

Il y aura un autre débat, honorables sénateurs. Ne croyez pas que le dernier mot sera dit ce soir. Tout ce que nous dirons ici sera repris à l'autre endroit. Nous avons échangé les deux rôles du Parlement : nous sommes les premiers à examiner ce projet de loi. S'il est adopté, il sera envoyé à l'autre endroit, qui examinera tout ce que nous aurons dit. Les réponses de l'honorable leader du gouvernement et nos interventions de ce soir — la mienne et celles des sénateurs Baker, Fraser, Ringuette, Furey et tous les autres — seront soigneusement lues. Les députés reprendront le débat et ce sont eux qui feront le second examen objectif.

Je crois qu'il est très important dans un tel domaine, où les principes n'étaient pas aussi clairs jusqu'à vendredi dernier, que nous nous demandions si nous sommes persuadés d'avoir bien étudié ce que j'appellerai la logique de l'arrêt de la Cour suprême.

Dans sa décision au sujet du renvoi concernant le Sénat, qu'a dit exactement la cour? Elle a dit que nous devons examiner la nature et l'architecture de la Constitution. Il ne suffit pas de lire les articles 28 et 26 et de dire : « Eh bien, l'article 41 ne dit pas cela, ou l'article 38 ne contient pas tel mot. » La cour nous a demandé d'essayer de comprendre le système.

En ce qui concerne Internet, nous devons essayer de comprendre comment le système fonctionne et où se situent les limites. C'est pourquoi je pense, dans le contexte de ce débat, qu'il est tellement important de prendre notre temps, de réfléchir et de nous demander si nous comprenons bien les paramètres énoncés par la Cour suprême dans son raisonnement concernant la dissémination de l'information. Je dirais que le principe de la renonciation à la vie privée, lorsqu'on utilise le système, ne correspond pas à la protection des droits et libertés des citoyens.

Voilà ce que je pense, honorables sénateurs. Je comprends que nous arrivons au terme de la session du printemps. Nous voulons tous partir, je le sais, et je n'y échappe pas non plus. Toutefois, dans le cas du projet de loi S-4 — au sujet duquel le débat vient tout juste de commencer concernant les incidences sur l'avenir et les droits des Canadiens relativement à l'utilisation d'Internet et de tous les autres moyens de communication —, je ne crois pas que nous ayons besoin d'agir à la hâte. Je crois que nous avons besoin de réfléchir sur ces choses et que l'été est un bon moment pour le faire. Emportez les 48 pages de l'arrêt Spencer avec vous à la plage, ou installez-vous sous un parasol, et essayez de comprendre ce qu'il signifie pour vous. Ensuite, à votre retour en septembre, vous aurez peut-être la sagesse nécessaire pour prendre position et voir si c'est le mieux que le Sénat puisse faire.

Merci, honorables sénateurs.

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Puis-je poser une question?

Si l'on réfléchit au but du projet de loi, je me demande si l'on peut faire un parallèle avec une lettre livrée par Postes Canada et si quelqu'un peut ouvrir notre courrier privé. J'essaie de faire le rapprochement entre les moyens de communication que nous utilisons maintenant et la raison pour laquelle Postes Canada éprouve autant de difficultés. Peut-être que le gouvernement souhaite accroître l'utilisation du courrier par l'entremise de Postes Canada, et alors tous nos secrets seraient dans le courrier. Si l'on compare les deux, ne devrait-on pas avoir les mêmes principes pour ce qui est du caractère sacré du message contenu, qu'il soit communiqué par voie électronique ou par l'entremise de Postes Canada?

Le sénateur Joyal : Relisez la décision de la Cour suprême. À mon avis, le juge Cromwell a rendu un grand service au public canadien.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Joyal : Le juge Cromwell est d'une grande sagesse. Je sais que certains d'entre vous ont lu quelques-unes de ses décisions antérieures. Il ne tire jamais de conclusions hâtives ou précipitées. Il tente de comprendre la question dont il est saisi, ainsi que toutes les implications possibles.

Puisque la Cour suprême a entrepris de rendre ces importantes décisions afin de définir le cadre de ce que j'appelle la communication électronique dans son sens le plus large, ces principes doivent concorder avec la protection des renseignements personnels dont jouissent habituellement les Canadiens.

Encore une fois, ce n'est pas la voie électronique qui détermine que le droit n'existe plus. Ce n'est pas la charrue qui dit aux bœufs où aller. Ce n'est pas le dispositif électronique qui doit dire : « Allez-y, ouvrez la barrière. » Il a été capable de comprendre que le principe que la cour a établi, dans sa sagesse, servira à l'avenir dans d'autres décisions. Et il y a d'autres décisions. Il y en a eu une qui... Je ne veux pas dépasser mon temps de parole. Ça va toujours?

(2010)

Son Honneur le Président intérimaire : Vous avez encore du temps.

Le sénateur Joyal : Il y a une décision dont j'ai pris connaissance ce matin dans La Presse. Je conseille à mon collègue, l'honorable leader du gouvernement, d'en prendre connaissance également. C'est une décision de la Cour fédérale d'appel des États-Unis.

La cour en est venue à la conclusion que les renseignements qui sont conservés sur un téléphone portable lorsqu'on fait des appels sont protégés par le quatrième amendement de la Constitution des États-Unis, à moins qu'une autorisation ne soit demandée à un tribunal pour les examiner.

Cela veut dire que l'entreprise qui offre le service ou une entreprise qui lui est alliée, à tout le moins, ne peut essayer de récupérer les renseignements qui sont sur votre téléphone. Parce que vous avez fait un appel de Toronto, quelqu'un d'autre peut décider : « Oh, elle était à Toronto; donc, elle ne peut pas être à Ottawa. Si elle est à Ottawa, elle ne peut pas prétendre qu'elle était à Toronto. »

Si je vous parle de cela, c'est parce que le vérificateur général utilise aujourd'hui cette méthode.

Le sénateur Moore : C'est mal.

Le sénateur Joyal : Le vérificateur général prend votre liste de contacts et essaie de trouver où vous avez appelé. À partir de ces observations, il est possible de tirer des conclusions.

Le sénateur Moore : On n'a pas le droit.

Le sénateur Joyal : D'après la décision de la Cour d'appel fédérale des États-Unis aujourd'hui — lisez-la —, cela ne peut se faire que si la police a des raisons suffisantes de croire, à la lumière de faits, je le répète, à la lumière de faits, qu'elle peut examiner votre liste de contacts téléphoniques.

C'est la décision que j'ai lue ce matin. Je savais que, si je parlais de cette décision au Sénat ce soir, vous écouteriez tous. Pourquoi? Parce qu'il y a ici un élément de respect de la vie privée. Le vérificateur général ne peut pas non plus venir dans votre bureau et vous demander d'allumer votre ordinateur parce qu'il veut voir tout ce qui s'y trouve, parce qu'il a besoin de ces renseignements.

On a besoin de ces renseignements pour un audit de gestion? Ce n'est pas un audit de gestion, mais un audit juricomptable. Il y a une différence entre les deux, honorables sénateurs. S'il s'agit d'un audit juricomptable, c'est parce qu'on part du fait de base qu'il y a quelque chose qui justifie ce type d'audit. Autrement dit, ce ne peut pas être une expédition exploratoire.

Ce sont les principes que la Cour suprême a soulignés vendredi. Lorsque je vous ai dit que ce qui était important, c'était la nature et la structure de la décision, c'est à cela que je songeais.

Par conséquent, honorables sénateurs, à chacun d'y réfléchir pour soi. Je n'avais pas prévu aborder ce sujet ce soir, mais la question que la sénatrice Hervieux-Payette m'a posée nous a amenés à traiter de cet aspect. Il est important que nous en discutions. Je n'ai pas peur d'en parler, car nous vivons dans un régime de primauté du droit.

Puis-je avoir encore quelques minutes?

Une voix : Encore cinq minutes.

Son Honneur le Président intérimaire : D'accord.

Le sénateur Joyal : Je n'ai pas peur de soulever le sujet, car nous vivons dans un régime de primauté du droit, et la primauté du droit est autant l'obligation de tout citoyen ou de tout sénateur relativement au Sénat. La primauté du droit, c'est également le système juridique qui protège les droits et libertés de la personne, des citoyens ou des sénateurs.

Nous sommes protégés par la primauté du droit tout comme, au nom de la primauté du droit, nous avons des obligations envers le Sénat. L'étendue de ces obligations est importante, et nous réfléchissons tous, en ce moment, à la lumière de ces responsabilités.

Il me semble que, à ce propos, il y a des groupes responsables au Sénat. Il y a par exemple le Comité de la régie interne, dont un sous-comité rencontre régulièrement le vérificateur général et son représentant. Honorables sénateurs, je vous dirai humblement qu'ils devraient soulever les principes applicables à ces enjeux.

Le sénateur Moore : Tout à fait.

Le sénateur Joyal : Je n'ai pas peur de dire cela au Sénat. J'ai l'impression de me mouvoir dans un magasin de porcelaine. Par ailleurs, je vous dis que, si nous ne faisons pas cette réflexion maintenant, nous pourrions à un moment donné nous retrouver devant les tribunaux comme des citoyens qui découvrent que tout ce qu'ils sont et tout ce qu'ils ont été est soudain révélé à tous, sans aucun paramètre et sans aucun recours.

C'est l'application régulière de la loi qui nous protège, comme tout autre citoyen. Honorables sénateurs, je crois que ce que j'ai dit ce soir est très important et très sérieux. Nous sommes tous concernés, moi le premier, mais il nous faut soulever la question parce que, si nous ne le faisons pas et préférons régler chacun pour soi sa petite affaire en secret, in petto, comme on dit en latin, nous n'aidons pas le système à s'améliorer et à se développer, si important soit-il d'honorer nos obligations, si fondamental soit-il que nous connaissions les règles à suivre et sachions comment elles doivent s'appliquer.

Voilà ce que je veux proposer, sénatrice Hervieux-Payette, pour répondre à votre question, car je crois que, avant que nous ne partions pour la pause estivale, il y a là matière à réflexion.

[Français]

Le sénateur Carignan : Est-ce que le sénateur Joyal accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Joyal : Certainement, sénateur.

Le sénateur Carignan : Je suis d'accord avec environ 90 p. 100 de ce que vous avez dit, et vous l'avez fait de façon éloquente, mais j'ai parfois l'impression que, en discutant, on finit par perdre le principe même de la décision Spencer, qui est de savoir pourquoi la Cour suprême est arrivée au principe que le renseignement de l'adresse IP est le lien. Parce qu'il n'y a pas que l'adresse IP, il y a également l'usage qu'on en fait qui permet de donner des détails intimes que l'on doit protéger. C'est grâce à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. La cour a dit que, étant donné que la loi les protège, et que ces renseignements personnels sont protégés par cette loi, les personnes doivent s'attendre raisonnablement à ce que cette information soit protégée.

Donc, la base même de la protection de ce renseignement ou ce qui fait qu'il est protégé est qu'une loi précise que c'est un renseignement personnel et qu'il est protégé. Ce qu'on fait aujourd'hui avec le projet de loi S-4, c'est renforcer cette protection.

Ainsi, pourquoi se priver et priver les Canadiens, aujourd'hui, d'une plus grande protection qui va dans le même sens que la décision Spencer?

Le sénateur Joyal : À cause d'un principe extrêmement fondamental selon lequel tout ce qui n'est pas autorisé ou prévu par la loi comme devant être public, à travers un certain processus, doit rester privé. Dans le cas présent, une entreprise pourrait prendre les renseignements d'un citoyen ou d'un client et les partager avec une autre entreprise qui, elle aussi, a des renseignements qu'elle pourrait transférer à la personne qui le demande, dans une sorte d'intérêt commun de partager l'information au-delà de l'autorisation donnée par la personne qui, de bonne foi, met ces renseignements dans la banque de données.

(2020)

C'est fondamentalement le principe qui est en cause. On peut prévoir un processus législatif aux termes duquel l'information pourrait être partagée. Encore faut-il que la personne qui est propriétaire de ces informations, qui les détient, exprime un consentement clair et libre de pressions pour que ces renseignements-là soient transmis. C'est là le principe fondamental de la protection du droit à la vie privée.

Quand je dis que le consentement doit être libre, il n'est pas libre quand la compagnie ou le fournisseur vous dit : « Si vous ne m'autorisez pas à transmettre des renseignements à une autre entreprise, je ne vous prends pas comme client ». On n'est plus dans le libre marché; on est dans une position où on est captif du fournisseur, et à ce moment-là on perd complètement le droit que l'on peut avoir de négocier de bonne foi un contrat fondé sur des tarifs réglementés par le CRTC ou les organismes publics. C'est dans ce contexte-là, à mon avis, que la Cour suprême a établi le principe de la protection de la vie privée, quel que soit le médium électronique que l'on utilise, que ce soit le téléphone, Internet, votre ordinateur privé, votre BlackBerry ou tout autre instrument, la montre intelligente ou tout ce vous pouvez imaginer — d'ailleurs, tous les six mois, un autre bidule arrive sur le marché et collecte encore plus de renseignements sur qui vous êtes et ce que vous faites.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

[Traduction]

Des voix : Le vote !

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que ceux qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, honorables sénateurs, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président intérimaire : Convoquez les sénateurs.

Les whips ont-ils une recommandation sur la durée de la sonnerie?

La sonnerie retentira pendant 30 minutes. Le vote aura lieu à 20 h 52.

(2050)

La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Martin
Ataullahjan McInnis
Batters McIntyre
Bellemare Meredith
Beyak Mockler
Boisvenu Neufeld
Buth Ogilvie
Carignan Oh
Champagne Patterson
Dagenais Plett
Demers Poirier
Doyle Raine
Eaton Rivard
Enverga Runciman
Fortin-Duplessis Seidman
Frum Seth
Gerstein Smith (Saurel)
Greene Stewart Olsen
Housakos Tannas
Johnson Tkachuk
Lang Unger
LeBreton Verner
MacDonald Wallace
Maltais Wells
Marshall White—50

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Hervieux-Payette
Callbeck Hubley
Campbell Jaffer
Chaput Joyal
Charette-Poulin Lovelace Nicholas
Cordy Massicotte
Cowan Merchant
Dallaire Mitchell
Dawson Moore
Day Munson
Downe Ringuette
Dyck Robichaud
Eggleton Smith (Cobourg)
Fraser Tardif—29
Furey

ABSTENTIONS
L'HONORABLE SÉNATEUR

Nolin—1

(2100)


Projet de loi sur la croissance économique et la prospérité — Canada-Honduras

Troisième lecture

L'honorable Leo Housakos propose que le projet de loi C-20, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Honduras, de l'Accord de coopération dans le domaine de l'environnement entre le Canada et la République du Honduras et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République du Honduras, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui dans le cadre du débat de troisième lecture du projet de loi C-20 concernant l'Accord de libre-échange Canada-Honduras. J'ai l'intention d'être bref à ce stade puisque j'ai prononcé un long discours lors de la deuxième lecture du projet de loi et que celui-ci a été renvoyé au comité.

Je tiens à cet égard à souligner l'excellent travail accompli par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international sous la direction de sa présidente, la sénatrice Andreychuk. Je voudrais également remercier l'honorable sénateur Dennis Dawson, porte-parole de l'opposition pour le projet de loi C-20, pour sa coopération diligente et efficace. Je veux aussi remercier tous les membres du comité, y compris les libéraux indépendants, pour leur appui à cet accord.

Les accords de libre-échange constituent la pierre angulaire de la stratégie du gouvernement en matière de développement du commerce international et d'amélioration des marchés canadiens dans l'intérêt du secteur privé et des entreprises du pays. De toute évidence, comme le Canada est une nation marchande, c'est une longue tradition pour nous de profiter des accords de libre-échange. Nous connaissons bien les plus importants, comme l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, et l'Accord économique et commercial global qui nous permettra de faire le commerce avec des centaines de millions de personnes et d'énormes marchés. Toutefois, nous ne pouvons pas sous-estimer les petites ententes et les accords de moindre envergure conclus avec des pays tels que la Corée du Sud et, maintenant, le Honduras.

Nous sommes conscients des défis qui existent dans le cas du Honduras dans les domaines de la sécurité, de la pauvreté et des droits de la personne, mais le comité et le Sénat doivent féliciter le gouvernement du Canada d'avoir reconnu qu'il vaut mieux affronter ces problèmes en resserrant les liens avec les pays en cause plutôt qu'en les isolant. À notre avis, l'engagement est le meilleur moyen d'aider le Honduras à relever ces défis.

Pour le Canada, cet accord ouvrira de nouveaux marchés, de nouvelles perspectives et un nouveau potentiel pour des secteurs canadiens tels que les producteurs de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard, les producteurs de porc de l'Ontario et du Québec et les producteurs de bœuf de l'Alberta. Ce ne sont que quelques-uns des secteurs qui profiteront de cet accord de libre-échange avec le Honduras.

De plus, les investisseurs auront, en vertu de cet accord, la possibilité d'obtenir une protection et seront encouragés à développer leurs investissements actuels dans le pays. Le Canada jouit déjà du privilège d'être l'un des plus importants employeurs. Des sociétés canadiennes emploient en effet un grand nombre de travailleurs honduriens.

Bien entendu, nous comprenons et reconnaissons tous que les accords de libre-échange favorisent non seulement les échanges commerciaux, mais aussi les échanges culturels et technologiques. Nous croyons que ce premier pas fait par le Canada au Honduras nous ouvrira la voie des pays voisins et du reste de l'Amérique latine.

C'est la raison pour laquelle je vous engage tous, honorables sénateurs, à appuyer à l'unanimité le projet de loi C-20.

L'honorable Percy E. Downe : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Housakos : Très volontiers.

Le sénateur Downe : Vous avez dit que les échanges sont la source de notre prospérité au Canada et que le commerce international est un élément vital de notre économie. Les exportations représentent 31 p. 100 du PIB national, et un emploi sur cinq au Canada en dépend directement ou indirectement.

Compte tenu de l'importance du commerce, la valeur des accords de libre-échange devrait être évidente. Toutefois, si on considère les faits, les avantages de ces accords mineurs sont loin d'être établis. Sur les sept accords de libre-échange pour lesquels nous disposons de données, cinq révèlent une augmentation de notre déficit commercial avec les pays en cause.

Le sénateur peut-il nous expliquer les raisons de ce phénomène?

Le sénateur Housakos : Honorable sénateur, il est évident que les chiffres varient d'un pays à l'autre et que les circonstances aussi varient selon la région, les conditions et l'année.

Comme je l'ai dit dans mon discours de deuxième lecture et comme je l'ai répété à l'occasion de la troisième lecture, la conclusion d'accords de libre-échange, surtout avec de petits marchés, constitue une initiative à long terme. Il y a des ramifications politiques dans le cas de ces pays quand on parle d'ententes sur le travail et l'environnement. Comme je l'ai dit, il y aura aussi des échanges technologiques. Certains de ces petits marchés doivent affronter des difficultés liées à la pauvreté, à la gouvernance et à la corruption. Ils n'ont pas nécessairement l'infrastructure voulue pour les échanges bilatéraux, comme les États-Unis, le Canada et l'Union européenne. Nous croyons cependant qu'il s'agit d'une stratégie à long terme et qu'en faisant de tout petits pas, nous les aidons à améliorer leur gouvernance, à combattre la pauvreté et, dans certains cas, à pallier le manque de gouvernance. Nous ne pouvons pas simplement considérer les résultats commerciaux. Il faut examiner des accords de libre-échange dans une perspective à long terme.

Le sénateur Downe : Je vous remercie pour votre réponse, qui est très intéressante, mais ce que nous voyons s'inscrit dans une tendance assez alarmante.

Sous le présent gouvernement, la valeur de nos exportations de biens et de services a baissé de 7,5 p. 100, faisant passer notre déficit commercial de 37,8 à 143 milliards de dollars entre 2006 et 2011. En proportion de notre PIB, les exportations se situent aux alentours de 31 p. 100. Lorsque le présent gouvernement a pris le pouvoir, ce chiffre était de 38 p. 100. Pourquoi signons-nous davantage d'accords de libre-échange alors que notre déficit commercial ne cesse de croître?

Le sénateur Housakos : Sénateur Downe, comme je l'ai déjà dit, les accords de libre-échange sont une œuvre en constante évolution et, par le passé, les gouvernements conservateurs ont montré qu'ils savaient où ils allaient. Dois-je rappeler à tous les sénateurs que vous avez été le chef de cabinet d'un premier ministre qui voulait tailler en pièces l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis? Évidemment, avec le recul, vous conviendrez sans doute que cet accord n'était pas nécessairement une mauvaise affaire.

Nous sommes prêts à défendre ces accords. Nous savons que nous sommes en train de bâtir des structures et des relations politiques à long terme avec ces pays. Nous leur faisons confiance. Nous pensons que ces pays nous ouvrent des portes sur diverses régions, comme la Corée du Sud en Asie et le Honduras en Amérique latine.

Le sénateur Downe : Voilà une réponse fort défensive, pour peu que ce soit une réponse. Depuis que vous formez le gouvernement, les exportations, en proportion du PIB, ont été ramenées à 31 p. 100, alors qu'elles représentaient 38 p. 100 avant votre arrivée.

Si vous faites un aussi bon boulot, pourquoi les statistiques ne le confirment-elles pas?

Le sénateur Housakos : Sénateur Downe, dois-je vous rappeler que, en 2008 et 2009, nous avons connu l'une des pires crises économiques du siècle, en tout cas la pire depuis celle de 1929? Vous comprendrez que le coup de frein dans les échanges commerciaux pendant ces deux années a eu des effets sur les chiffres, mais en matière de création d'emplois et de commerce, le Canada fait figure de modèle, si on le compare au reste du monde. Nous nous en tenons à notre politique et à notre bilan.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Downe : On pourrait soutenir que le Canada est un modèle parce que ces autres pays souhaitent certainement signer des accords avec nous étant donné que la balance commerciale leur est favorable à eux, et pas à nous. Nous sommes donc un modèle pour le monde, nous pouvons le dire.

Pourquoi le gouvernement n'en fait-il pas plus pour aider les entreprises canadiennes à profiter des accords qu'il signe? Pourriez-vous vous expliquer un peu plus à ce sujet?

Le sénateur Housakos : Là encore, je crois que vous êtes injuste. Si vous considérez les échanges avec le Honduras, par exemple, vous constaterez que nos exportations là-bas sont plus importantes que celles de ce pays chez nous. Bien entendu, nous croyons que nous ne pouvons pas aborder les accords commerciaux avec un esprit de clocher. Il faut que les deux parties à un accord commercial y trouvent leur compte. Comme je l'ai dit tant de fois, les accords commerciaux ne se réduisent pas à la question de l'équilibre entre les importations et les exportations. Il faut tenir compte de plusieurs éléments, et pas seulement de la question de savoir quelle partie y gagnera, par opposition à telle autre.

Le sénateur Downe : Je ne sais pas trop. S'agit-il d'accords sur le commerce ou sur la politique sociale? S'il s'agit de politique sociale, c'est une toute autre histoire. En matière commerciale, nous ne nous tirons pas très bien d'affaire.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, notre déficit commercial est passé de 37 milliards de dollars en 2006 à 143 milliards de dollars en 2011. Comment l'expliquez-vous? C'est peut-être une bonne politique sociale, n'est-ce pas?

Le sénateur Housakos : Je vous dirai que la politique sociale découle de solides indicateurs économiques, et les indicateurs économiques placent maintenant le Canada au premier rang mondial. Je ne crois pas que nous ayons des leçons à recevoir des libéraux en matière de commerce. Comme je l'ai déjà dit, sénateur Downe, vous avez fait partie d'un gouvernement et d'une administration qui voulaient déchirer l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Dites-moi quels sont les chiffres sur notre commerce avec les États-Unis au cours des 15 dernières années. Si vous donnez le bénéfice du doute aussi à ces autres accords de libre-échange plus modestes et leur laissez le temps de porter fruits, ces prochaines années, peut-être aurons-nous alors à propos de ces accords le même genre d'échange qu'aujourd'hui au sujet de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et de l'Accord de libre-échange nord-américain.

(2110)

Le sénateur Downe : Le contre-argument, c'est que, si vous aviez travaillé à des accords plus importants, vous auriez peut-être eu davantage de résultats qu'avec des accords avec la Jordanie et la Colombie. Nous avons plus d'échanges avec les États-Unis en neuf heures que nous n'en avons avec la Jordanie en un an.

Où en est l'accord commercial que le premier ministre a annoncé il y a huit mois?

Le sénateur Campbell : Avec l'Europe?

Une voix : Ça s'en vient.

Le sénateur Housakos : Encore une fois, vous minimisez ces réussites obtenues dans l'intérêt de l'économie du Canada. L'Accord économique et commercial global est probablement l'accord commercial le plus important depuis l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Vous avez dénigré l'accord avec les États-Unis et voici que vous dénigrez aussi l'AECG.

Le sénateur Campbell : Mais où est-il?

Le sénateur Housakos : C'est un marché de 500 millions de consommateurs, un solide marché qui va s'ouvrir aux échanges commerciaux avec notre pays.

Bien entendu, lorsqu'on traite avec un nombre important de pays, comme dans le cas de l'Europe, il faut un peu de temps, des efforts et une vue d'ensemble. Sénateur Downe, c'est une chose que le gouvernement actuel et les gouvernements conservateurs du passé ont toujours eue. Il faut être patient. Nous avons un projet d'accord avec l'Union européenne. Elle est actuellement en train de faire approuver l'accord par les différents États-nations.

Le sénateur Campbell : Bien sûr.

Le sénateur Housakos : Une fois l'AECG signé, vous constaterez qu'il aura des avantages nets, comme vous l'avez vu dans le cas de l'Accord de libre-échange nord-américain et l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis.

Le sénateur Downe : Je suis ravi d'apprendre que nous avons un projet d'accord. Le sénateur aurait-il l'obligeance de le déposer au Sénat pour que nous puissions l'étudier?

Le sénateur Housakos : Il est à l'Union européenne en ce moment et il sera déposé à la Chambre des communes. Lorsque cet accord arrivera à la Chambre des communes, nous aurons amplement le temps d'en examiner tous les détails.

Le sénateur Downe : Vous avez tout à fait raison, mais le premier ministre a annoncé cet accord il y a huit mois. Où est-il?

Une voix : Il s'en vient.

Le sénateur Plett : Ce n'est pas la période des questions.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Housakos : Sénateur Downe, vous allez voir cet accord, mais nous discutons en ce moment de l'accord de libre-échange avec le Honduras. Il faut se pencher sur un accord à la fois.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : J'ai une question complémentaire. Sénateur, je vous ai écouté attentivement. Vous avez parlé des défis auxquels doivent faire face certains pays. Vous avez parlé de corruption. Je me demande, après avoir étudié ce dossier attentivement, quelle est la situation relativement aux droits de la personne, en particulier dans le secteur de l'exploitation minière?

Le sénateur Housakos : L'exploitation minière par des sociétés canadiennes ou l'exploitation minière en général au Honduras?

La sénatrice Jaffer : Sénateur, vous êtes attendrissant. Lorsque nous concluons un accord commercial, nous devons tenir compte, entre autres, des valeurs canadiennes. Voulons-nous conclure un tel accord? Voulons-nous faire du commerce avec ce pays, dans un contexte de libre-échange? Je pose la question : avez-vous examiné le dossier des droits de la personne, et comment allez-vous les protéger lorsque nous conclurons cette entente, sans oublier non plus la responsabilité sociale des entreprises?

Le sénateur Housakos : Tous les aspects du libre-échange ont été pris en considération. Le comité a entendu un certain nombre de témoins, y compris les représentants d'une société minière canadienne qui est l'un des plus importants employeurs au Honduras. Sauf erreur, cette compagnie emploie plus de 800 personnes. Elle verse à ses employés un salaire quatre fois plus élevé que le revenu moyen des salariés honduriens. Elle leur fournit des soins de santé. Il ne se fait pas mieux dans un pays comme le Honduras.

Nous pensons que les sociétés minières canadiennes qui sont présentes au Honduras respectent les exigences, les règles et la réglementation du pays d'une façon admirable. Toutefois, ce qui est plus important, c'est que les compagnies canadiennes apportent avec elles les compétences canadiennes, la gouvernance canadienne et le respect canadien de la politique environnementale et sociale. Elles souhaitent servir de modèles à toutes les autres sociétés minières au Honduras. Je sais que c'est le cas. Il y a plusieurs exemples de réussite.

La sénatrice Jaffer : Amènent-elles des valeurs canadiennes? Amènent-elles la responsabilité sociale des entreprises? Vous avez parlé des représentants d'une société minière, mais qu'en est-il de la jeune femme qui a déclaré que les droits miniers n'étaient pas respectés? Qu'a-t-elle dit au juste?

Le sénateur Housakos : Un sénateur a expressément demandé à cette dame si les violations de droits miniers au Honduras impliquaient des sociétés canadiennes, et elle a répondu non. Elle n'a donné aucun exemple de non-respect des normes sociales et environnementales qui nous sont chères mettant en cause des entreprises canadiennes. L'exploitation minière est une industrie extrêmement importante chez nous. Les sociétés minières canadiennes jouissent d'une excellente réputation dans le monde pour ce qui est de faire de l'exploitation minière d'une façon très efficace et très respectueuse.

La sénatrice Jaffer : Savez-vous ce qui s'est produit au Congo?

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Puisque vous êtes un grand amateur d'accords de libre-échange et que vous avez cité tantôt l'ALENA, je voudrais savoir, en ce qui concerne l'AECG et l'ALENA, combien de pays seront couverts par des visas spéciaux, comme c'est le cas avec le Mexique qui, à l'heure actuelle, réduit le commerce avec le Canada. On nous a récemment annoncé qu'un homme d'affaires pouvait obtenir un visa à l'intérieur d'une période de 10 jours. Je n'ai jamais vu d'homme d'affaires qui prenne 10 jours avant de décider d'aller voir un client ou pas.

Allez-vous imposer une restriction pays par pays ou est-ce que toute l'Europe pourra maintenant avoir accès au Canada sans visa?

[Traduction]

Le sénateur Housakos : À ma connaissance, il y a un certain nombre de compagnies européennes concernant lesquelles les visas posent un problème. Je crois savoir que la situation est en train d'être corrigée.

Je tiens aussi à dire à tous les sénateurs qui posent des questions aujourd'hui que le Parti libéral du Canada a donné son appui unanime à cet accord.

Des voix : Et après?

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi de crédits no 2 pour 2014-2015

Troisième lecture

L'honorable JoAnne L. Buth propose que le projet de loi C-38, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2015, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, lors de mon discours à l'étape de la deuxième lecture, je vous ai donné les détails concernant le Budget principal des dépenses. Voici donc le deuxième projet de loi lié au Budget principal des dépenses. Je tiens seulement à remercier la greffière, Jodi Turner, de son travail acharné au Comité sénatorial permanent des finances nationales, ainsi que les analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sylvain Fleury et Raphaëlle Deraspe. J'aimerais aussi remercier le président et le vice-président du comité, les sénateurs Joseph Day et Larry Smith.

J'aimerais souligner le travail effectué au Comité des finances nationales, les interrogatoires détaillés qui y sont tenus, et les services exceptionnels offerts par la greffière et les analystes.

L'honorable Joseph A. Day : Tandis que nous en sommes aux remerciements, j'aimerais également remercier la sénatrice JoAnne Buth. Je vous suis très reconnaissant du travail que vous avez fait au comité, et j'espère que vous continuerez d'assumer ce rôle.

Honorables sénateurs, il s'agit d'un projet de loi de crédits lié au Budget principal des dépenses. Vous devez vous prononcer sur des crédits de 61,5 milliards de dollars. Avec les crédits votés de 24 milliards de dollars sur lesquels vous vous êtes prononcé en mars, on arrive à un total de crédits votés de 86,3 milliards de dollars pour cette année, en plus des crédits législatifs de 149 milliards de dollars. Par conséquent, pour mener ses activités au cours de cet exercice, le gouvernement a besoin d'environ 235 milliards de dollars, si on exclut le Budget supplémentaire des dépenses.

La sénatrice a parlé du rapport qui a été présenté, et je n'ai pas non plus l'intention d'y revenir. Cependant, je vais vous aider à comprendre ce qui se trouve dans le Budget principal des dépenses. Il s'agit du deuxième rapport intérimaire. D'autres rapports seront présentés. Nous étudions le Budget principal des dépenses tout au long de l'année. Nous prévoyons également des fonds supplémentaires par l'intermédiaire des Budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) et (C).

(2120)

La seule autre observation que j'aimerais faire — que je fais généralement à la troisième lecture pour les projets de loi portant affectation de crédits —, c'est qu'il faut regarder l'annexe pour nous assurer que c'est la même que celle qui accompagne le Budget principal des dépenses.

Au dos du budget principal se trouve une annexe. Je l'ai examinée. On y trouve des points intéressants. L'un d'eux, qui pourrait intéresser les sénateurs, porte sur les crédits pour l'année. Le Sénat demande environ 57 millions de dollars — mettons 60 millions. Avec trois fois plus de monde à la Chambre des communes, on devrait s'attendre à ce que celle-ci demande à peu près 180 millions de dollars. Or, elle demande 270 millions de dollars pour fonctionner. Nous devons garder ce chiffre à l'esprit, honorables sénateurs.

Ce sont les subsides. C'est ce dont le gouvernement a besoin pour faire fonctionner l'appareil gouvernemental au cours de la prochaine année.

L'honorable Jane Cordy : Sénateur Day, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Day : Certainement.

La sénatrice Cordy : Il y a quelques années, nous avons entendu parler des 3,1 millions de dollars que le ministre Clement avait perdus. Est-ce que votre comité ou quelqu'un a pu les retracer?

Le sénateur Day : Nous avons interrogé le ministre Clement à ce sujet, et il a dit que c'était quelque part dans des boîtes, dans le sous-sol du Conseil du Trésor. C'est tout ce qu'il a pu nous dire pour nous aider à trouver cet argent dont on a perdu la trace.

La sénatrice Hervieux-Payette : Il doit s'agir d'une grande boîte.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, j'aimerais faire quelques observations sur le projet de loi C-38. Je tiens en fait à souligner un élément du deuxième rapport intérimaire sur le Budget principal des dépenses de 2014-2015 qui va vraiment de pair avec la mesure législative dont nous sommes saisis. Je tiens à parler d'un point qui revient à plusieurs reprises dans le rapport, qui soulève chez moi de grandes inquiétudes et qui fait en sorte qu'il me sera extrêmement difficile de voter en faveur de cette mesure législative.

Comme je l'ai déjà dit dans cette enceinte, la majorité des ministères ont dans leur budget des postes portant sur les économies ou les réductions découlant de l'examen des dépenses de 2012. Or, nous ne sommes presque jamais capables d'avoir le détail de ces compressions. Lorsque nous obtenons enfin une réponse, ce qui est très rare, les renseignements reçus sont vagues, et nous n'obtenons pas vraiment l'information désirée.

Honorables sénateurs, ce problème est là pour rester. Dans le rapport dont je parle, on peut lire ce qui suit à quatre endroits différents :

Les fonctionnaires se sont engagés à soumettre une liste des économies réalisées dans le cadre de l’examen des dépenses du budget fédéral de 2012. Au moment de la rédaction de ce rapport, le Comité n’avait pas reçu l’information demandée.

Voici les ministères qui n'ont toujours pas répondu aux demandes de renseignements que nous avions présentées dans le cadre du rapport : Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada, qui a fait des compressions à hauteur de 52,7 millions de dollars; Citoyenneté et Immigration, 13,9 millions; et Santé Canada, 59,1 millions. Nous n'avons donc absolument aucun renseignement sur des compressions qui s'élèvent au total à 125 millions dollars.

On trouve à la fin du rapport la réponse d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, à qui l'on avait aussi demandé le détail des programmes et des postes qui seraient affectés par les compressions de 240,2 millions de dollars qui lui ont été imposées. Voici l'information que le ministère nous a transmise :

[...] 61,3 millions de dollars découlant de la modification du financement de projets que le Ministère versera aux organisations autochtones représentatives [...]

Eh bien, qu'est-ce que cela veut dire, au juste?

Le sénateur Moore : Rien du tout.

La sénatrice Callbeck : Exactement. De quelles modifications s'agit-il? De quelles organisations?

On lit ensuite ce qui suit :

[...] 51,7 millions de dollars provenant d'une révision du programme Gouvernance et institutions gouvernementales [...]

Encore là, ce n'est pas très limpide.

Je poursuis :

[...] 42,2 millions de dollars découlant de la rationalisation et de la restructuration des services internes; 28,5 millions de dollars provenant d'un réalignement du programme Relations de coopération; 16,7 millions de dollars découlant d'un réalignement des programmes de développement économique des Autochtones.

Pour chacun de ces réalignements — l'un pour 28,5 millions, l'autre pour 16,7 millions —, il n'y a pas la moindre explication sur la manière dont on a réalisé les économies.

J'imagine qu'on pourrait se dire que c'est mieux que rien et se réjouir d'avoir au moins des chiffres. Cependant, ce n'est pas conforme à l'explication détaillée que le comité a réclamée.

Lorsqu'on lit ce genre de réponse, on comprend parfaitement pourquoi des personnes comme Kevin Page finissent par se tourner vers les tribunaux afin d'obtenir l'information nécessaire pour évaluer les répercussions des compressions. Des chiffres aussi généraux ne nous apprennent rien du tout sur ce qui se passe au sein des ministères. Pourtant, c'est sur cette base qu'on nous demande ce soir de voter pour le projet de loi.

J'estime que les parlementaires ont fondamentalement le droit de savoir à quoi sert ou ne sert pas chaque dollar du Trésor public. Nous ne devrions pas avoir à nous battre pour obtenir l'information : elle devrait nous être fournie volontiers, de même qu'aux députés, car, sans elle, nous ne pouvons pas nous acquitter pleinement de nos fonctions. Ça, c'est le nerf du problème. L'opacité et la fermeture croissantes de l'administration gouvernementale sont pour le moins troublantes.

À l'instar de plusieurs autres sénateurs qui siègent au comité, j'en ai assez qu'on nous fasse de l'obstruction et qu'on nous donne des réponses incomplètes, alors que les questions sont très simples. C'est ainsi que nous nous retrouvons, ce soir, à devoir nous prononcer sur un projet de loi de crédits alors qu'on ignore combien d'argent est dépensé.

Dans notre système, le Parlement est censé être l'instance suprême. Il ne faut pas l'oublier. Sous ce gouvernement, nous nous éloignons de ce principe fondamental. L'exemple que je viens de donner le montre de façon éloquente.

Honorables sénateurs, il m'est très difficile de voter en faveur d'un projet de loi pour lequel nous n'avons reçu qu'un tas de chiffres accompagnés de vagues explications, au lieu des renseignements que nous avions réclamés.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Une voix : Avec dissidence.

Son Honneur le Président intérimaire : Adoptée, avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)

Projet de loi de crédits no 3 pour 2014-2015

Troisième lecture

L'honorable JoAnne L. Buth propose que le projet de loi C-39, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2015, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi C-39 est le projet de loi sur le Budget supplémentaire des dépenses (A). Au risque de me répéter, je tiens à consigner au compte rendu combien nous sommes reconnaissants envers la greffière Jodi Turner et les analystes de la Bibliothèque du Parlement Sylvain Fleury et Raphaëlle Deraspe. Merci également au sénateur Joseph Day, président du comité, et au sénateur Larry Smith, vice-président.

(2130)

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'aimerais faire écho à la sénatrice Buth et remercier moi aussi les greffiers et les membres du personnel qui nous ont donné un coup de main. Il arrive très souvent que les projets de loi comme ceux-là — sur la mise en œuvre du budget, les crédits, le Budget principal des dépenses ou les budgets supplémentaires — arrivent tous en même temps. Il faut alors que les employés de la Bibliothèque du Parlement et la greffière redoublent d'ardeur pour faire tout ce que l'on attend d'eux, et c'est sans parler de la collaboration de tous les membres du comité, que je remercie d'ailleurs d'avoir fait des heures supplémentaires pour que ces projets de loi soient prêts à temps.

Le Budget supplémentaire des dépenses (A) s'ajoute au montant de 86 milliards de dollars figurant au Budget principal des dépenses et dont nous venons de parler. Le gouvernement a déterminé qu'il lui fallait 2,5 milliards de dollars de plus. Cette somme, qui s'ajoute au Budget principal des dépenses, est liée aux initiatives annoncées dans le budget. Comme je le disais plutôt, le budget est préparé en même temps que le Budget principal des dépenses, et c'est pourquoi les dépenses qui y figurent ne se trouvent pas dans le Budget principal des dépenses, mais bien dans les budgets supplémentaires.

Les sommes inscrites dans ce premier document s'élèvent à 2,5 milliards, ce qui est dans la moyenne. Je n'ai pas l'intention de m'attarder pour le moment au rapport traitant du Budget supplémentaire des dépenses (A), parce que nous l'avons déjà étudié. Nous devons cependant étudier l'annexe du budget supplémentaire et le comparer à celui du projet de loi de crédits. S'ils sont identiques, nous pourrons considérer que nous en avons fait l'étude préalable. S'ils ne sont pas identiques, alors nous avons un problème. J'ai constaté, à la lecture de l'annexe en question, qu'ils sont identiques, alors nous n'avons pas à nous inquiéter. C'est la même chose que ce que nous avons déjà étudié.

J'ai regardé les parties de l'annexe concernant le Sénat et la Chambre des communes. La Chambre des communes demande 3,8 millions de plus dans le Budget supplémentaire des dépenses pour voir à son fonctionnement. Le Sénat n'a rien demandé de plus. C'est important, quand les gens nous parlent de ce que coûtent le Sénat et la Chambre des communes, que nous ayons des chiffres à fournir à ceux qui remettent nos dépenses en cause.

Honorables sénateurs, vous avez entre les mains le projet de loi de crédits pour le Budget supplémentaire des dépenses (A). Réfléchissez bien à votre décision.

Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)

Projet de loi no 1 sur le plan d'action économique de 2014

Deuxième lecture

L'honorable Larry W. Smith propose que le projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, maintenant que nous avons terminé notre étude préalable du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du plan d'action économique de 2014, je suis heureux d'expliquer brièvement la structure de la mesure législative, dont le président du comité, le sénateur Day, parlera plus en détail dans quelques instants.

Le projet de loi C-31 est divisé en six parties. La partie 1 met en œuvre diverses mesures relatives à l'impôt qui profiteront aux particuliers, aux familles, aux agents d'application de la loi, aux entreprises et aux investisseurs de même qu'à l'environnement. La partie 2 met en œuvre certains ajustements à la taxe sur les produits et services et à la taxe de vente harmonisée afin de détaxer les biens dans certains domaines de nécessité, comme les appareils médicaux. La partie 3 met en œuvre des mesures relatives à l'accise consistant notamment à abolir le droit d'accise préférentiel applicable au tabac.

La partie 4 porte sur les modifications au Tarif des douanes. La partie 5 met en œuvre un processus visant à assurer la conformité du Canada à la Foreign Account Tax Compliance Act, la FATCA, des États-Unis. La partie 6 du projet de loi C-31 est divisée en 30 sections ayant pour objet d'adopter et de modifier plusieurs lois; le Comité des finances nationales s'est penché sur 11 de ces sections tandis que quatre autres comités ont examiné les 19 autres et ont fait rapport de leurs conclusions au Comité des finances nationales.

Pour conclure, j'aimerais remercier les comités suivants d'avoir examiné la mesure législative dont nous sommes saisis aujourd'hui : les comités des transports, de la sécurité nationale, des affaires sociales et des banques. J'encourage tous les sénateurs à accorder au projet de loi l'appui qu'il mérite.

L'honorable Joseph A. Day : Sénateur Smith, je vous remercie d'avoir préparé le terrain pour me permettre de parler un peu du projet de loi C-31, le projet de loi d'exécution du budget. Nous nous sommes penchés sur les crédits et nous examinons maintenant l'autre document qui découle du budget, c'est-à-dire le projet de loi d'exécution du budget. Traditionnellement, il y en a deux : un à ce moment-ci de l'année et l'autre à l'automne pour couvrir d'autres éléments.

Je signale également que, souvent, en raison de la manière dont évoluent ces mesures législatives, un projet de loi d'exécution du budget comprend aussi des éléments de budgets précédents et pas seulement du budget de l'année en cours. Le projet de loi C-31 compte 363 pages, il est divisé en six parties et compte 486 articles. Il propose de modifier 40 lois existantes et d'en créer trois nouvelles. Honorables sénateurs, on dit souvent qu'il s'agit d'un projet de loi omnibus.

J'ai vérifié la longueur moyenne des projets de loi d'exécution du budget pour avoir une petite idée, parce que 363 pages représentent beaucoup de matériel à examiner pour le comité. Sous l'ancien premier ministre Jean Chrétien, les projets de loi d'exécution du budget comptaient en moyenne 78 pages. Sous l'ancien premier ministre Paul Martin, c'était 88 pages. Sous le premier ministre Stephen Harper, la moyenne est de 319 pages. Nous pouvons dégager une tendance, honorables sénateurs. Ce projet de loi de 363 pages fait grimper la moyenne. Voilà le premier point que je veux soulever : le projet de loi contient beaucoup de choses et il est long. C'est pourquoi nous l'avons divisé entre six comités pour l'étudier.

Les projets de loi omnibus ne sont pas tous mauvais. Ils ont leur place, mais lorsqu'ils deviennent trop volumineux, les parlementaires ne peuvent tout simplement pas étudier les dispositions en profondeur dans le temps qui leur est imparti.

(2140)

La preuve en est que, chaque année, nous trouvons de plus en plus de corrections dans le projet de loi d'exécution du budget en raison de dispositions qui ont été mal formulées, qui n'ont pas été formulées clairement ou qui ont été modifiées par suite de contestations judiciaires visant des projets de loi d'exécution du budget antérieurs. Cela se produit de plus en plus souvent.

Honorables sénateurs, comment pouvons-nous régler ce problème? Nous avons dit que les projets de loi omnibus sont tellement longs qu'ils rendent très difficile la tâche que l'on attend de nous. Dans ce cas-ci, nous avons divisé le projet de loi en six parties et nous avons confié différentes parties aux comités les plus aptes à les étudier. Si nous avons pu faire cela, pourquoi ne pourrions-nous pas franchir un autre pas, soit scinder le projet de loi en six parties et laisser chaque comité étudier un aspect particulier?

Nous n'avons fait que la moitié de la démarche. Nous laissons d'autres comités s'occuper des articles qui relèvent de leur compétence. Ces comités présentent ensuite un rapport, qui peut être long ou très court. Nous n'avons pas eu de débat sur ces autres rapports, mais ceux-ci ont été déposés. Le Comité des finances est tenu de faire une étude article par article de tout le projet de loi. Par conséquent, nous n'avons pas scindé le projet de loi aux fins de l'étape suivante. Cette situation est elle aussi problématique en ce sens qu'à titre de membres du Comité des finances nationales nous devons nous demander s'il faut prendre le rapport et examiner chaque article étudié afin de comprendre ces articles de la même façon que ceux que nous avons nous-mêmes étudiés.

Le comité directeur a décidé de ne pas faire cela. Le sénateur Smith, la sénatrice Buth et moi avons décidé de demander à la présidence et à la vice-présidence de chacun des comités ayant étudié des parties du projet de loi de nous rencontrer et de nous dire ce qu'ils avaient constaté dans leur étude de ces parties de la mesure législative. Cette façon de faire s'est révélée utile, mais elle n'a pas été pleinement satisfaisante. Il serait bien préférable que chaque comité puisse faire une étude article par article des parties du projet de loi qui relèvent de sa compétence.

Honorables sénateurs, une partie du problème lié aux projets de loi omnibus ne tient pas au fait qu'il s'agit de projets de loi omnibus renfermant un grand nombre de dispositions variées. Le problème est plutôt que les projets de loi omnibus à caractère financier qui portent sur le budget renferment aussi un grand nombre d'éléments qui ne sont pas de nature budgétaire. C'est là que réside le problème, parce que les projets de loi liés au budget font l'objet d'un traitement spécial dans nos procédures et dans notre Chambre. Normalement, nous ne savons pas ce qui est inclus dans le budget avant sa présentation. Le contenu du budget est secret. Par conséquent, les postes inclus dans le projet de loi d'exécution du budget qui font suite au budget comme tel n'ont pas fait l'objet de consultations.

Nous entendons souvent dire que certaines dispositions contenues dans un projet de loi d'exécution du budget comme le projet de loi C-31 ne portent pas sur des questions financières, mais plutôt sur d'autres questions telles que des révisions de la Loi sur les marques de commerce, dont vous allez sûrement entendre parler davantage au cours des prochains jours. Ces dispositions ne sont pas d'ordre financier et elles ne font pas partie du budget. Elles sont incluses sans avoir fait l'objet de consultations, même si elles portent sur des dossiers aussi fondamentaux que le commerce et les échanges dans notre pays. Tout ce que nous savons, c'est ce que les témoins nous ont dit et ce qu'on a pu lire dans le rapport du Comité des banques sur cette question, parce que c'est ce comité qui a fait l'étude principale sur cette partie du projet de loi. Il s'agit de la section 25 de la partie 6. Le Comité des banques a dit la même chose, à savoir que des questions avaient été posées et qu'on a répondu qu'il n'y avait pas eu de consultations. Cette situation pose un problème dans le cas de la mise en œuvre du budget.

Il y a aussi le fait que les projets de loi d'exécution du budget sont des questions de confiance. La confiance n'est pas directement un enjeu au Sénat, mais elle l'est indirectement. Le gouvernement tombe s'il est défait relativement à une question de confiance à l'autre endroit. Par conséquent, un sénateur qui appuie le gouvernement va appuyer le projet de loi. Nous n'avons pas l'occasion de débattre du projet de loi comme nous devrions le faire, et nous n'avons pas l'occasion de débattre des questions qui ne sont pas d'ordre financier ou budgétaire.

Honorables sénateurs, voilà mes objections concernant ce projet de loi budgétaire omnibus, dont la nature et la longueur posent problème. Il serait beaucoup moins long si nous en retirions toute la partie 6, qui traite des « autres questions », c'est-à-dire celles qui ne sont ni financières ni budgétaires.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples de questions qui n'ont rien à voir avec la mise en œuvre du budget. La section 6 de la partie 6 vise à modifier la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires concernant un cas particulier. Elle prévoit que, pendant qu'un député ou un sénateur est suspendu, il n'a pas le droit de verser des cotisations au régime de pensions des parlementaires.

Quant à la section 11 de la partie 6, elle prévoit le transfert des responsabilités concernant les ouvrages de référence en ligne et le Musée virtuel du Canada. L'administration de ces programmes, qui incombe actuellement au ministère du Patrimoine canadien, serait confiée au Musée canadien de l'histoire. Ce n'est ni une question financière ni une question qu'il fallait absolument traiter dans ce projet de loi. Ces dispositions se trouvent dans le projet de loi simplement parce que quelqu'un est allé voir les ministères et leur a demandé quels étaient leurs souhaits. « Que voulez-vous que nous mettions pour vous dans ce projet de loi? Les dispositions qui vous intéressent seront adoptées très rapidement parce qu'il s'agit d'un projet de loi omnibus d'exécution du budget qui doit être adopté avant que les sénateurs rentrent chez eux pour la pause estivale. Ils sentiront alors qu'ils doivent se dépêcher, et le débat ne durera pas longtemps. »

D'autres dispositions n'ont rien à faire dans un projet de loi d'exécution du budget, comme je l'ai indiqué. La section 25 modifie la Loi sur les marques de commerce. La section 29 de la partie 6 édicte la Loi sur le Service canadien d'appui aux tribunaux administratifs, afin de regrouper les services qui sont offerts à 11 tribunaux. Les sénateurs n'auront pas de peine à imaginer la variété des facteurs qui entrent en ligne de compte pour mettre sur pied un tel service. Il se pourrait que ce soit une bonne idée, mais nous n'aurons absolument pas le temps d'examiner le cas de chacun des 11 tribunaux pour déterminer quels volets particuliers de leur travail se prêtent mal à une généralisation et quels services leur sont nécessaires, mais pas aux autres tribunaux. Il serait impossible de répondre à ces questions. La section 30 édicte la Loi sur les prêts aux apprentis, une nouvelle loi de plus. Comme je l'ai indiqué, le projet de loi crée trois nouvelles lois.

J'ai déjà mentionné la liste de solutions envisageables pour mettre fin à cette façon de faire. Les choses ne s'améliorent pas. Il y a environ un an, nous avons adopté un projet de loi d'exécution du budget qui était passablement plus petit. Je me disais qu'on nous avait entendus et je m'en réjouissais, mais nous entretenions alors de faux espoirs.

Honorables sénateurs, beaucoup de possibilités s'offrent à nous. Permettez-moi de les mentionner encore une fois. Nous pourrions supprimer toutes les dispositions non budgétaires et n'étudier que les parties du projet de loi qui sont de nature budgétaire. Nous pourrions rejeter le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture au moyen d'un amendement dont le motif serait que le projet de loi est un affront au Parlement. Et c'est bel et bien le cas.

(2150)

Nous pourrions dire que le ministre des Finances a commis un outrage en continuant d'avoir recours à une pratique dénoncée par le Sénat ou encore établir une nouvelle règle au Sénat qui interdirait la présentation de projets de loi d'exécution du budget qui renferment des mesures non budgétaires.

Nous pourrions prendre l'une ou l'autre de ces mesures. Nous devons avant tout déterminer ce que nous pouvons faire pour éviter ces situations, car elles nous empêchent de faire le travail que nous sommes censés réaliser.

J'estime aussi nécessaire de parler d'une autre question, soit les études préalables. Nous sommes appelés à effectuer des études préalables — et ce n'est pas la première fois que nous le faisons — parce que la Chambre des communes tarde à nous renvoyer certains projets de loi. Nous savons que, si nous avions attendu que le projet de loi nous soit renvoyé, nous commencerions à peine à l'étudier et que cet examen devrait se poursuivre pendant le mois de juillet. C'est ce que nous avons dû faire il y a environ trois ans, car nous avions refusé de réaliser une étude préalable d'un projet de loi.

Combien d'études préalables avons-nous réalisées ces derniers temps? Il me semble que leur nombre dépasse grandement la portée du Comité des finances. Jusqu'ici, en 2014, quatre projets de loi nous ont été renvoyés aux fins d'étude préalable. Or, l'étude préalable est contraire au rôle fondamental du Sénat, qui est la Chambre de second examen objectif. Nous avons entendu souvent des citations de sir John A. Macdonald sur la question des études préalables.

Ces derniers temps, nous avons été saisis des projets de loi suivants pour étude préalable : le projet de loi d'exécution du budget C-31; le projet de loi C-23 sur les élections; le projet de loi C-24 sur la citoyenneté; et, enfin, le projet de loi C-33 sur l'éducation des Premières Nations. Dans ce dernier cas, le projet de loi devait faire l'objet d'une étude préalable, mais le processus a été retardé pour d'autres raisons.

Honorables sénateurs, nous devons éviter la solution de la facilité, qui consiste à accepter de tenir des études préalables sur toutes sortes de projets de loi en raison de ce qui se passe à l'autre endroit, car nous devons ainsi sacrifier un rôle fondamental que nous sommes dans l'obligation d'assumer. On prive le Sénat du rôle de Chambre de second examen objectif qui fait sa réputation.

Le Sénat ne peut profiter de l'étude initiale de la Chambre des communes si nous effectuons une étude préalable. Quand nous ne bénéficions pas de cette étude initiale, les résultats des projets de loi ne sont pas aussi bons, et les tribunaux n'y font pas référence, comme le sénateur Baker nous l'a souvent rappelé, parce que nous nous contentons d'un examen initial de la mesure législative, et pas d'une étude aussi poussée que d'habitude.

Honorables sénateurs, je crains que les études préalables ne soient devenues la norme dans cette enceinte, et je suggère respectueusement que nous songions à renverser cette tendance. J'ai également fait quelques recherches à ce sujet.

Lorsque Jean Chrétien était premier ministre, une seule étude préalable a été menée, et elle portait sur la Loi antiterroriste après les événements du 11 septembre. Lorsque Paul Martin était premier ministre, il n'y a eu aucune étude préalable. Cependant, depuis l'arrivée au pouvoir de Stephen Harper, il y a déjà eu 18 études préalables. Ce n'est pas une tendance très saine, honorables sénateurs.

Honorables sénateurs, voilà les observations que je tenais à formuler. Nous étudions le principe du projet de loi, et je suis d'avis que, en principe, cette mesure législative n'est pas un outil acceptable pour mettre en œuvre les postes budgétaires. Je vous suggère donc, en principe, de voter contre le projet de loi, qui aurait dû, selon moi, être scindé en six parties différentes. Étant donné la façon dont nous avons étudié les parties du projet de loi, nous aurions dû scinder ce dernier.

Voilà ce que j'avais à dire sur le principe du projet de loi C-31, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président intérimaire : Poursuivons-nous le débat?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

Son Honneur le Président intérimaire : La motion est adoptée avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Smith (Saurel), le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

Le Code criminel
La Loi sur la défense nationale

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Plett, appuyée par l'honorable sénatrice Verner, C.P., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-394, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale (recrutement : organisations criminelles).

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, je ne ferai pas de discours au sujet du projet de loi. J'aimerais plutôt soulever une question de procédure concernant cette mesure législative.

Tout le monde est d'accord sur l'objet du projet de loi, à savoir l'adoption de dispositions législatives interdisant le recrutement de jeunes gens dans les gangs.

C'est un projet de loi d'initiative parlementaire émanant de la Chambre des communes, mais il pose un problème. Si j'ai bien compris, trois projets de loi inscrits au Feuilleton du Sénat posent le même problème. Le problème, c'est que nous sommes censés être la Chambre de second examen objectif, mais on nous dit que nous ne pouvons pas amender ces projets de loi.

À mon avis, c'est la mention « recrutement : organisations criminelles » qui porte à confusion; cela n'a rien avoir avec le recrutement de jeunes gens.

Le député, à l'autre endroit, a voulu présenter un projet de loi visant à mettre fin au recrutement de jeunes gens dans les gangs de Toronto et Mississauga, entre autres, des villes où, selon lui, c'est un grave problème. Il a donc élaboré un projet de loi qui reflète les dispositions antiterroristes et les dispositions concernant les organisations criminelles. Autrement dit, il donne des pouvoirs extraordinaires aux policiers pour mettre des téléphones sur écoute sans respecter les procédures habituelles en cas d'enquête sur un homicide, par exemple. Ce projet de loi confère aux policiers les mêmes pouvoirs que la Loi antiterroriste : ils n'ont pas besoin d'informer la personne visée que son téléphone a été mis sur écoute si, entre autres, aucune poursuite n'est intentée. Voilà pourquoi on appelle cela « recrutement : organisations criminelles ».

(2200)

Je vous explique le problème. Nous avons étudié le projet de loi au comité. Le premier problème qui a surgi est le suivant : le comité de la Chambre des communes a entendu un témoin qui était le ministre de la Justice de la Saskatchewan.

Le sénateur Plett : Du Manitoba.

Le sénateur Baker : Du Manitoba. C'est un bon ami du sénateur Plett, du moins pour ce qui est de cette mesure législative. En fait, c'est le seul lien d'amitié entre les deux, comme il l'a dit publiquement lors des audiences.

Le ministre de la Justice était accompagné de son sous-ministre, qui le conseillait. Il a dit à la Chambre des communes que, dans le projet de loi d'initiative parlementaire, on disait « recrutée, sollicitée, encouragée ou invitée ». Il a dit que, selon l'avis juridique que lui avait donné son ministère, la notion de contrainte était nécessaire. Il fallait inclure le mot « contraint » parce que, selon lui, les jeunes et leurs familles étaient menacés s'ils ne se joignaient pas en permanence à un gang.

Après avoir entendu ce témoignage, la Chambre des communes a procédé à l'étude article par article du projet de loi et le ministériel qui siégeait au comité a dit qu'il y avait lieu d'inclure le mot « contraint » pour les jeunes gens. Le porte-parole du NPD a dit : « Oui, nous sommes d'accord. Il faut inclure le mot « contraint » pour les jeunes ». C'est tout ce qui a été fait.

Le comité n'a pas précisé à quelle ligne, à quelle page ou à quel article. Il a simplement dit qu'il ajouterait le mot « contraint ». Le président a demandé si tout le monde était d'accord. Tous ont répondu oui et le comité est ensuite passé à un autre article du projet de loi.

Ils ont inclus la notion de « contrainte » au mauvais endroit, dans la mauvaise phrase. Cette notion ne vise pas du tout les jeunes. Nous avons maintenant une disposition qui dit, dans le cas des personnes âgées de plus de 18 ans, « recrute, sollicite, encourage, contraint ou invite », tandis que dans le cas des personnes de moins de 18 ans, la disposition dit simplement « recrutée, sollicitée, encouragée ou invitée », sans que le mot « contrainte » ne soit présent.

Le ministre de la Justice est venu témoigner devant le comité sénatorial. Il a remarqué cette incohérence et il a dit que c'était une erreur qu'il fallait corriger. Ce sont les jeunes qui nous préoccupent. En vertu du libellé actuel, le projet de loi prévoit une peine minimale obligatoire dans le cas des jeunes qui sont recrutés avant l'âge de 18 ans, mais le mot « contrainte » ne s'y trouve pas. Ce terme n'est employé que dans le cas des personnes de plus de 18 ans. C'est ainsi que se lit le projet de loi. Par conséquent, le ministre de la Justice a dit qu'il fallait corriger le libellé.

Par la suite, les juristes du comité ont constaté que le projet de loi renfermait une autre erreur. Le projet de loi précise quels articles des dispositions sur le terrorisme s'appliquent, mais quatre modifications corrélatives ont été apportées et l'une d'entre elles n'a pas été incluse. Autrement dit, si cette mesure législative est adoptée, il y aura un manque d'uniformité dans le Code criminel. Le représentant du ministère de la Justice qui est venu témoigner au comité a dit que c'était exact, qu'il fallait assurer l'uniformité et insérer cet article. Ce sont deux éléments qui doivent être modifiés dans le projet de loi.

De plus, le témoin s'est présenté devant le comité et a annoncé qu'une modification s'applique aussi à deux autres projets de loi au Feuilleton. Il a dit qu'étant donné qu'il était maintenant secrétaire parlementaire, il ne pourrait plus appuyer le projet de loi lorsque celui-ci reviendrait à la Chambre des communes, puisque le Règlement de la Chambre des communes dit que, si vous êtes secrétaire parlementaire, vous ne pouvez pas parrainer un projet de loi d'initiative parlementaire.

L'autre projet de loi inscrit au nom du président est parrainé par un député néo-démocrate qui exerce les fonctions de vice-président. Il a perdu le droit. On ne peut donc apporter les amendements. Il y a deux amendements qui s'imposent, mais la Chambre des communes nous a dit, officiellement — je me suis même entretenu avec le greffier du Sénat, qui est très savant, ainsi qu'avec le personnel. Ils ont vérifié ce qu'a dit la Chambre des communes, soit qu'aux termes du Règlement, les secrétaires parlementaires ne peuvent participer aux initiatives parlementaires. Nous nous heurtons à un vice de procédure car le projet de loi est toujours inscrit au nom de M. Gill, un secrétaire parlementaire incapable de présenter la motion nécessaire pour que la Chambre soit saisie des amendements présentés au Sénat. Autrement dit, si on apporte ces deux amendements nécessaires, le projet de loi sera coulé lorsqu'il retournera à la Chambre. On aura torpillé le projet de loi.

Que pouvons-nous faire? J'ai consulté plusieurs personnes. Il faut évidemment que je propose les amendements nécessaires.

Les députés ministériels reconnaissent le problème et ont recommandé que nous fassions des observations; nous nous entendons là-dessus. Ces observations diraient que les amendements auraient dû être apportés mais que nous n'avons pas pu le faire. J'aimerais citer ce que le comité permanent a dit :

Le comité est aussi préoccupé par le fait que, lorsqu'un projet de loi émanant d'un député est modifié au Sénat, la procédure de l'autre endroit ne permet pas d'étudier à leur valeur les amendements du Sénat lorsque le parrain initial du projet de loi n'est plus en mesure de solliciter l'agrément de la Chambre pour ces amendements.

Motions d'amendement

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, j'ignore comment nous allons procéder, mais je dois présenter les deux amendements. Je les présente avec l'appui du sénateur Campbell :

Que le projet de loi C-394 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à la page 2 par adjonction, après la ligne 8, de ce qui suit :

« 6.1 L'alinéa 196.1(5)a) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

a) une infraction prévue aux articles 467.11, 467.111, 467.12 ou 467.13; ».

C'est l'amendement qu'a accepté le ministère de la Justice, et ce, afin d'assurer l'uniformité du Code criminel.

Voici maintenant l'amendement rectifiant l'erreur qui a été commise lorsqu'un mot a été ajouté au mauvais endroit, faisant en sorte qu'il est légal de contraindre les jeunes personnes à faire partie d'une organisation criminelle, et que ces jeunes se verront imposer la peine maximale s'ils sont contraints à le faire.

Que le projet de loi C-394 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 9, à la page 2, par substitution, à la ligne 33, de ce qui suit :

« sollicitée, invitée, contrainte ou encouragée est âgée de ».

(2210)

Son Honneur le Président intérimaire : Nous débattons des deux amendements.

L'honorable Donald Neil Plett : Merci, Votre Honneur. Je suis d'accord en grande partie avec ce qu'a dit le sénateur Baker ce soir. Comme le sénateur l'a mentionné à notre leader un peu plus tôt, nous devons convenir que nos opinions divergent sur certains points. Nous en conviendrons, j'en suis certain.

Chers collègues, le comité a étudié attentivement les amendements dont a parlé le sénateur Baker. Je tiens d'ailleurs à remercier le sénateur Baker et le sénateur Joyal d'avoir porté cette question à notre attention. Je les remercie aussi de toute la diligence avec laquelle ils étudient les projets de loi soumis à notre comité.

J'étais au comité lorsque le ministre de la Justice du Manitoba a parlé de ce point. Il suffit de lire le compte rendu pour voir combien il tenait à ce qu'on parle de contrainte. Il a dit, je crois, qu'il s'attendait à trouver ce terme dans le projet de loi et qu'il appuierait un amendement en ce sens. Je ne crois pas qu'il ait dit que nous devrions hésiter à adopter ce projet de loi sans l'amendement.

Il y a de petits oublis, c'est vrai, par exemple la notion de contrainte, qui a été ajoutée à la description de la nouvelle infraction mais pas à la partie sur les sanctions. Le sénateur a aussi raison de signaler un oubli dans la disposition sur l'écoute électronique. Le paragraphe 196(5) du Code criminel prolonge la période maximale qui peut s'écouler avant qu'on doive informer une personne que ses communications privées ont été interceptées, notamment dans le cas d'une infraction liée à une organisation criminelle. Le projet de loi C-55, qui a prolongé cette période, a été adopté alors que cette mesure-ci était encore à l'étude à la Chambre des communes. Il aurait fallu modifier ce détail et le faire concorder avec ce qui est prévu pour les autres infractions d'organisations criminelles.

Or, comme le sénateur Baker l'a si justement fait remarquer — et ce n'est pas une règle que nous avons choisi d'adopter au Sénat — ce projet de loi ne peut pas être amendé ici, puis amendé encore une fois à l'autre endroit. Si nous l'amendons, il va mourir; c'est donc à nous de déterminer son importance.

Le sénateur Campbell : Pas très grande.

Le sénateur Plett : Je suis d'accord sur l'amendement du sénateur Joyal, dont a aussi parlé le sénateur Baker : nous devons envoyer un message à l'autre endroit et demander aux députés de faire le ménage dans leur Règlement afin qu'une telle situation ne se reproduise pas.

Chers collègues, un représentant du ministère de la Justice est venu témoigner devant le comité. Nous lui avons alors posé quelques questions. Il a convenu que le mot « contraindre » est inclus dans les verbes « inviter » ou « encourager ». Je ne crois pas qu'une personne puisse en contraindre une autre à faire une chose si elle ne l'a pas d'abord invitée ou encouragée à le faire. Or, ces mots sont toujours dans le texte du projet de loi. Si une personne invite un jeune de 16 ans à se joindre à une organisation criminelle, elle commet une infraction criminelle punissable d'une peine minimale obligatoire de six mois d'emprisonnement. Je ne pense sérieusement pas qu'une personne passe directement à la contrainte; elle va sans doute commencer par inviter sa victime et l'encourager à obtempérer. Le représentant du ministère était du même avis.

Voici la question que je lui ai posée : « Pourrait-on soutenir que l'absence du mot « contrainte » à l'alinéa a) n'a pas pour effet de créer une lacune et que la culpabilité dépendra des faits établis par la Couronne et que celle-ci fera l'objet d'un examen au cas par cas? En outre, s'agit-il d'un aspect qui... » — et la formulation était très précise — « ... pourrait être très facilement modifié par la suite si nous ajoutons à notre rapport une observation et que nous modifions par la suite cette disposition? » Il a répondu qu'il « souscrivait à tout ce que [je venais] de dire ».

Selon le fonctionnaire du ministère de la Justice, il était donc très clair que cet aspect pouvait être amendé plus tard. Il pouvait être amendé à notre retour à l'automne. Nous pouvons y voir dès maintenant. Nous pouvons demander immédiatement aux gens de l'autre endroit d'amender ce projet de loi.

Lorsque le sénateur Baker a soulevé la question de l'écoute électronique lors de l'examen article par article, le fonctionnaire du ministère de la Justice a reconnu qu'il y avait un oubli, puis il a dit ce qui suit :

Je dirais toutefois que cela n'entraînerait pas nécessairement une lacune. Lorsqu'on examine l'article 196.1 du Code criminel, on constate qu'il y a également l'alinéa 5b). Cette disposition vise « une infraction commise au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle, ou en association avec elle ». Cette disposition se retrouve dans cet article parce que l'infraction en question, par définition, une infraction reliée au crime organisé, pourrait, quelle qu'elle soit, faire l'objet d'une enquête par interception de communications dans un contexte de crime organisé, ce pourrait donc être du trafic de drogues, par exemple, une infraction grave

Il est vrai que l'ajout de ce texte à l'alinéa a) apporterait davantage de clarté et d'uniformité, mais à strictement parler, l'alinéa b) viserait cette nouvelle infraction de participation, de sorte que l'exception à la période normale d'avis de 90 jours s'appliquerait néanmoins aux enquêtes reliées à l'infraction de participation.

Il m'a plus tard garanti que le mot « contraindre » pourrait facilement être ajouté ultérieurement si le gouvernement décidait de présenter une mesure législative afin d'éliminer ces incohérences. Encore une fois, nous sommes d'accord avec les sénateurs Baker et Joyal, le ministre de la Justice, Andrew Swan, et les représentants du ministère de la Justice pour dire qu'il y a effectivement des incohérences et qu'il faut les éliminer.

Je ne vais pas défendre les gens de l'autre endroit, mais, à mon avis, cette mesure législative est beaucoup trop importante pour que nous votions contre à cause de quelques incohérences qui peuvent être éliminées. Il s'agit d'un bon projet de loi. Il est le fruit de beaucoup de travail, et il ne vaut pas la peine de l'amender au risque de le torpiller et de nous retrouver sans mesure législative. Des enfants sont en cause, et des agents d'application de la loi de tout le pays nous ont répété à plusieurs reprises comment les enfants sont invités et encouragés à faire partie d'une organisation criminelle, et y sont même parfois contraints. Ils nous ont dit comment les membres de gangs rôdent autour des écoles et des terrains de jeu et incitent les jeunes à se joindre à un gang dont ils ne peuvent plus sortir une fois entrés. Honorables sénateurs, des choses de ce genre se produisent alors que nous nous parlons.

Nous ne pouvons donc pas prendre le risque de ne pas adopter une mesure législative ou d'adopter quelques amendements, comme l'a laissé entendre le sénateur Baker. Je sais qu'il... mais bon, je ne peux parler à sa place. Il croit qu'il devait proposer ces amendements, et c'est son droit, mais les sénateurs Baker et Joyal m'ont nettement donné l'impression — mais je ne parlerai pas pour eux non plus — qu'ils étaient plutôt en faveur de cette mesure législative et je pense que c'est le cas de la plupart de mes collègues ici.

Je vous demande donc, je vous implore de ne pas prendre de risque avec cette mesure législative, car Parm Gill ne pourra pas la présenter de nouveau et personne d'autre ne peut la parrainer. On nous a lu les règles et les lois, l'article et la disposition qui expliquent pourquoi, et le sénateur Baker en convenait. Nous n'avons certainement pas décidé d'inclure sciemment une échappatoire pour que quelqu'un d'autre prenne le projet de loi à ce stade-ci et le fasse amender à l'autre endroit.

(2220)

Chers collègues, que vous soyez d'accord ou non avec le sénateur Baker, cela n'a aucune importance. Si vous vous appuyez l'amendement, alors vous vous opposez au projet de loi.

Vous soutiendrez peut-être que le projet de loi pourra être présenté de nouveau plus tard cette année. Effectivement, il pourra l'être. Quelqu'un d'autre pourra présenter un autre projet de loi d'initiative parlementaire. Sachez toutefois que, dans les faits, si vous appuyez ces amendements, vous rejetez le présent projet de loi. Chers collègues, je vous demande de vous opposer à ces amendements de sorte que le projet de loi puisse être rapidement adopté et que nous puissions protéger les enfants partout au pays. Merci.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Plett : Certainement.

Le sénateur Cowan : Je n'avais pas compris avant ce soir le contexte et la raison pour laquelle il est impossible d'amender le projet de loi, comme nous souhaiterions tous le faire, semble-t-il. Je comprends les conséquences qu'aurait l'adoption d'un amendement, mais je comprends également pourquoi le sénateur Baker a posé la question.

Vous avez dit dans votre exposé que les représentants — et je ne saurais dire si vous parliez du ministre ou de fonctionnaires — ont dit que cela pourrait être corrigé et modifié. Il y a une différence entre dire que cela pourrait être corrigé ou modifié et dire que ce le sera bel et bien.

Il me semble qu'une position logique en l'occurrence serait, si nous sommes d'accord pour dire que ces modifications doivent être apportées afin d'améliorer le projet de loi et de corriger des incohérences ou omissions dans le libellé du projet de loi, de demander au ministre de s'engager à présenter les amendements nécessaires pour remédier aux problèmes cernés par le comité. Avez-vous fait des démarches en ce sens? Le cas échéant, quel a été le résultat? Et si ce n'est pas le cas, pourquoi?

Le sénateur Plett : Merci, sénateur Cowan, de m'avoir posé cette question. Non, nous n'avons pas demandé au ministre de prendre pareil engagement. Les sénateurs Baker et Joyal et moi avons fait des vérifications poussées. Le greffier nous a lu les règles. M. Gill nous a expliqué que c'était impossible.

Même si le ministre était d'accord, il faudrait tout de même que nous amendions le projet de loi et que quelqu'un d'autre le reprenne à son compte à l'autre endroit. Le ministre ne peut pas l'amender, parce qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire que M. Gill a présenté alors qu'il était simple député, et il est maintenant secrétaire parlementaire. Même si le ministre était d'accord avec nous, il ne pourrait pas apporter cet amendement. Cette règle nous a été très clairement expliquée. À l'heure actuelle, il lui serait impossible d'amender la mesure législative.

Le ministre peut-il convenir avec nous qu'il faut essayer de corriger cette erreur? Absolument. Je crois certainement que nous devrions aller de l'avant, je ne m'y opposerais pas. Répétons tout de même que les fonctionnaires du ministère de la Justice — et il ne s'agissait pas d'employés du ministre, mais bien des fonctionnaires de Justice — ont clairement affirmé que ces deux libellés veulent dire exactement la même chose, mais que, pour assurer une certaine cohérence, on devrait corriger cette lacune. Répétons qu'ils ont dit clairement que les deux libellés disent exactement la même chose.

Pour répondre à votre question, sénateur Cowan, non, je n'ai pas fait d'autres démarches, et je crois que personne d'autre n'en a fait. À mon avis, c'est ce qui explique que nous ayons fourni les observations que j'ai proposées. Les trois observations — tant les deux que j'ai proposées que celle du sénateur Joyal — ont été adoptées à l'unanimité, et je pense qu'elles révèlent clairement que nous souhaitons que des mesures soient prises

Le sénateur Cowan : Je n'ai pas voulu laisser entendre, sénateur Plett, que le ministre pourrait accepter d'amender le projet de loi et trouver un moyen de contourner le Règlement de la Chambre des communes. Cependant, puisque nous avons convenu au comité qu'il y a des incohérences et des problèmes à régler — ce pourquoi nous avons ajouté des observations à notre rapport —, pourquoi ne demanderiez-vous pas au ministre de s'engager à agir? Je crois comprendre que cela s'est déjà fait au cours de législatures passées. Lorsque des problèmes ont été relevés, des ministres ont répondu : « Oui, c'est un problème. Je m'engage, à notre retour, cet automne, à présenter un projet de loi pour le régler. »

Avez-vous demandé au ministre de prendre un tel engagement? Je crois comprendre que vous ne l'avez pas fait. Pourriez-vous demander au ministre de le faire, puis nous faire part de sa réponse?

Le sénateur Plett : Sénateur Cowan, je me ferai un plaisir d'en discuter avec le ministre et de vous communiquer sa réponse, oui.

Le sénateur Cowan : Merci.

Le sénateur Baker : N'oublions pas que la même situation s'applique à trois projets de loi qui figurent au Feuilleton. Nous ne pouvons pas les amender.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Baker, votre question s'adresse-t-elle au sénateur Plett?

Le sénateur Baker : Oui. La voici : est-il vrai que nous avons vérifié la question auprès de la Chambre des communes et qu'on nous a alors confirmé que le parrain du projet de loi pouvait être modifié par consentement unanime? On nous a donné l'exemple du projet de loi C-393, Loi modifiant la Loi sur les brevets, qui figurait initialement dans l'ordre de priorité du Feuilleton au nom de Mme Wasylycia-Leis, autrefois députée de Winnipeg-Nord. Il a pu y être inscrit au nom de M. Dewar, et l'ordre portant deuxième lecture et renvoi au comité permanent a été adopté. Le nom a été changé avec le consentement unanime de la Chambre.

Le sénateur pourrait-il le confirmer? Peut-il également confirmer que celui qui était alors leader du gouvernement à la Chambre des communes, John Baird, a dit : « Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Cette motion ne devrait pas être perçue comme un précédent [...] »?

Par conséquent, même si la Chambre des communes pouvait accepter à l'unanimité le changement, le projet de loi pourrait mourir au Feuilleton si les députés ne donnaient pas leur consentement unanime. Ne convenez-vous pas que tout cela nous place dans une situation quelque peu délicate concernant d'autres projets de loi inscrits au Feuilleton?

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Plett, avant de répondre à la question, souhaitez-vous disposer de plus de temps?

Le sénateur Plett : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Cinq minutes de plus.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Plett : Vous avez raison, sénateur Baker. C'est bien ce qu'on nous a dit. Je crois que nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il serait plus facile d'obtenir un consentement unanime au Sénat qu'à l'autre endroit, d'autant plus que le projet de loi en question était loin de rallier tout le monde là-bas, bien qu'il ait été adopté par une grande majorité. Je ne voudrais pas renvoyer le projet de loi à l'autre endroit en présumant qu'un consentement unanime est possible.

Mon argument tient, étant donné cela et en raison du fait que je suis prêt à parler au ministre, comme je l'ai dit au sénateur Cowan. Toutefois, je ne veux pas laisser entendre que nous pouvons parler au ministre et peut-être voter plus tard. Il nous faut adopter ces amendements avant l'ajournement estival. Merci.

Son Honneur le Président intérimaire : Avant que nous poursuivions le débat, je dois mentionner que j'ai fait une erreur. Avant de lire l'amendement, j'ai vu quelques sénateurs se lever. Je présume qu'ils souhaitaient poser une question au sénateur Baker. Est-ce exact? Si c'est le cas, je demande la permission au Sénat de revenir en arrière et de laisser ces sénateurs poser leur question au sénateur Baker. Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président intérimaire : Est-ce que des sénateurs qui voulaient poser des questions à ce moment-là veulent le faire maintenant?

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Je me suis trompé. Merci. Tout le monde est content. Poursuivons-nous le débat?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Le vote porte sur l'amendement. L'honorable sénateur Baker, avec l'appui de l'honorable sénateur Campbell, propose :

Que le projet de loi C-394 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à la page 2 par adjonction, après la ligne 8, de ce qui suit :

« 6.1 L'alinéa 196.1(5)a) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

a) une infraction prévue aux articles 467.11, 467.111, 467.12 ou 467.13; »;

Le vote porte aussi sur le deuxième amendement :

Que le projet de loi C-394 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 9, à la page 2, par substitution, à la ligne 33, de ce qui suit :

« sollicitée, invitée, contrainte ou encouragée est âgée de ».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter les motions d'amendement?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur des motions veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre les motions veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

(2230)

Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les non l'emportent.

Une voix : Avec dissidence.

Son Honneur le Président intérimaire : En conséquence, les motions d'amendement sont rejetées à la majorité.

Nous passons maintenant à la motion principale. L'honorable sénateur Dagenais, avec l'appui de l'honorable sénateur Maltais, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les oui l'emportent.

Une voix : Avec dissidence.

Son Honneur le Président intérimaire : La motion est adoptée avec dissidence.

(La motion est adoptée, avec dissidence, et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi sur la modernisation des conseils d'administration

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Fraser, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-217, Loi visant à moderniser la composition des conseils d'administration de certaines personnes morales, institutions financières et sociétés d'État mères, notamment à y assurer la représentation équilibrée des femmes et des hommes.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je souhaite participer au débat, mais je ne suis pas tout à fait prête aujourd'hui. Par conséquent, je propose l'ajournement du débat pour le temps de parole qu'il me reste.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénatrice Fraser, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-208, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice.

L'honorable Stephen Greene : Honorables sénateurs, j'aimerais proposer l'ajournement du débat.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : J'ai déposé ce projet de loi le 12 juin 2013. Vous vous souviendrez qu'alors, le Parlement a été prorogé. Je l'ai déposé de nouveau le 6 novembre 2013. Je suis intervenu pour la première fois au mois de février, et c'est aujourd'hui la deuxième fois qu'il est à l'étude.

Pourriez-vous me dire à quel moment vous souhaitez intervenir sur ce projet de loi?

Le sénateur Greene : Je n'ai pas encore tout à fait terminé mes notes. À quel moment vais-je intervenir là-dessus? Très bonne question. Pas avant le mois de juillet et après notre retour en septembre.

Le sénateur Cowan : Sénateur Greene, vous trouvez peut-être que c'est amusant, mais ce projet de loi intéresse beaucoup de gens. Êtes-vous le porte-parole de votre parti au sujet de ce projet de loi?

Le sénateur Greene : Non.

Le sénateur Cowan : Qui l'est?

Le sénateur Greene : Je serai heureux de participer au débat, mais je ne suis pas le porte-parole de mon parti à ce sujet.

Son Honneur le Président intérimaire : Je vais mettre la motion d'ajournement aux voix.

L'honorable sénateur Greene, avec l'appui de l'honorable sénateur MacDonald, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : La motion est adoptée avec dissidence.

(Sur la motion du sénateur Greene, le débat est ajourné, avec dissidence.)

Projet de loi sur la Journée du patrimoine national en matière de chasse, de piégeage et de pêche

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Beyak, appuyée par l'honorable sénateur Wells, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-501, Loi instituant la Journée du patrimoine national en matière de chasse, de piégeage et de pêche.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, je tiens à assurer à la sénatrice Beyak, qui a patiemment attendu, que, contrairement au sénateur Greene, j'ai vraiment l'intention de prendre la parole au sujet de ce projet de loi avant l'ajournement pour l'été. Elle comprendra certainement que, en tant que fille de la ville, j'ai besoin de plus de temps qu'elle pour étudier cette question afin de parler en connaissance de cause.

Je m'engage à prendre la parole au sujet de ce projet de loi avant l'ajournement pour l'été. Cela dit, je propose l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

Conflits d'intérêts des sénateurs

Adoption du cinquième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs (modifications au Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs), présenté au Sénat le 13 juin 2014.

L'honorable A. Raynell Andreychuk propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du cinquième rapport du Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs. Notre rapport propose plusieurs modifications au Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs.

Les sénateurs se souviendront que, en avril dernier, le comité a recommandé, et le Sénat a approuvé, que des modifications soient apportées au processus des plaintes et des audiences. Le comité n'aurait plus le pouvoir de déposer des plaintes et la conseillère sénatoriale en éthique enquêterait sur les plaintes sans lien de dépendance avec le comité. On a créé un processus d'audience afin de refléter ces modifications et de maximiser la reddition de comptes, la transparence et l'équité. À l'époque, le comité avait dit qu'il continuerait de travailler, comme il l'avait fait au cours de la dernière année, sur les modifications proposées au code.

Honorables sénateurs, on a demandé à la conseillère sénatoriale en éthique et à d'autres personnes de continuer à fournir des suggestions. Les réponses obtenues ont été utiles et ont mené aux propositions présentées dans le cinquième rapport. Les modifications que nous proposons sont le fruit d'un examen attentif par le comité et de consultations permanentes auprès de la conseillère sénatoriale en éthique et d'autres sénateurs.

Les modifications proposées sont également fondées sur notre examen continu du code et les anciens rapports adoptés par le Sénat. J'aimerais mentionner tout particulièrement le troisième rapport présenté par le comité au cours de cette session, et le troisième rapport qui a été adopté la session précédente.

Le code doit continuer d'évoluer pour répondre aux besoins changeants du Sénat et des sénateurs, ainsi qu'aux attentes de la population que nous avons pour mission de servir. Depuis sa création, le Sénat répond à des règles, à des pratiques, à des notions et à des normes élevées de conduite. Par conséquent, le comité veut que ces éléments soient intégrés au code afin d'assurer clarté, compréhension et uniformité d'application.

Dans notre rapport, nous proposons huit modifications relatives aux questions suivantes : les principes, les règles de déontologie, la déclaration de fiducies, la déclaration relative aux dépôts auprès d'une institution financière, le délai pour le signalement d'erreurs ou d'omissions au conseiller sénatorial en éthique, le délai pour l'avertir de tout changement important des renseignements contenus dans la déclaration confidentielle, le délai accordé à un sénateur pour examiner son résumé public et le renvoyer au conseiller sénatorial en éthique, ainsi que le titre du code.

À l'heure actuelle, il y a trois principes énumérés à l'article 2 du code. La première modification proposée établirait un principe de base qui est sous-entendu, mais pas énoncé expressément dans le code, à savoir que les obligations et les fonctions parlementaires des sénateurs l'emportent sur toutes les autres. Cette modification correspond au bref nous appelant au Sénat.

(2240)

Le texte du bref en question, par lequel nous prêtons serment, contient le paragraphe suivant :

Et nous vous ordonnons de passer outre à toute difficulté ou excuse et de vous trouver en personne, aux fins susmentionnées, au Sénat du Canada en tout temps et en tout lieu où Notre Parlement pourra être convoqué et réuni, au Canada, sans y manquer de quelque façon que ce soit.

La modification proposée reprend l'obligation dont il est question ici — le passage où on dit que nous devons passer outre à toute difficulté ou excuse — et l'intègre directement au code. De cette façon, on peut considérer que nous codifions une pratique existante, une coutume juridique et les attentes des sénateurs. On peut aussi considérer que nous ramenons l'engagement que nous fait prendre le bref au cœur de nos fonctions afin qu'il nous serve de principe directeur pour l'interprétation du code. Voilà pourquoi cette modification fait désormais office de principe premier du code. Elle sera ainsi clairement exposée à la vue du public.

Aux termes de la deuxième modification, les sénateurs devront adhérer aux normes générales de conduite. À l'heure actuelle, le code vise d'abord à éviter les conflits d'intérêts. Nous proposons de faire un pas de plus. La modification proposée précise que les sénateurs doivent exercer leurs fonctions parlementaires avec dignité, intégrité et honneur. Nous voulons ainsi signifier aux sénateurs qu'ils ne doivent pas se conduire de manière à nuire indûment à leurs fonctions sénatoriales ou au Sénat en tant qu'institution.

La troisième modification porte sur la déclaration des fiducies. Elle corrige une lacune dans le code qui nous avait été signalée par la conseillère sénatoriale en éthique. Les sénateurs seraient tenus de déclarer au conseiller sénatorial en éthique les fiducies dont ils pourraient tirer un avantage direct ou indirect, actuellement ou dans l'avenir. Cette déclaration ferait l'objet d'une déclaration confidentielle et ferait aussi partie du résumé public du sénateur.

La quatrième modification proposée clarifie ce que désignent les dépôts des sénateurs auprès d'institutions financières. Selon le code, ces dépôts n'ont pas à être déclarés au CSE, car ces avoirs sont liés aux activités personnelles du sénateur. Ils ne pourraient pas créer, en théorie, de conflit d'intérêts, apparent ou réel. Par conséquent, la modification proposée répond à la suggestion du CSE d'ajouter la mention « l'argent en caisse » au libellé de l'exemption.

Le groupe suivant de modifications réduirait le délai pour fournir certains types de renseignements au CSE. Ces modifications sont proposées pour faciliter le travail du CSE et garantir une divulgation rapide.

À l'heure actuelle, selon le code, le sénateur a 60 jours pour répondre à une demande d'information du CSE concernant des erreurs ou des omissions dans sa déclaration confidentielle. On propose que ce délai soit réduit à 30 jours.

Une modification connexe concerne les changements importants des renseignements contenus dans la déclaration confidentielle du sénateur. À l'heure actuelle, ces changements doivent être déclarés dans les 60 jours suivant le changement. Le comité propose de réduire ce délai à 30 jours.

La troisième modification de ce groupe concerne le résumé public du sénateur. À l'heure actuelle, le code n'impose pas d'échéance aux sénateurs pour examiner, signer et retourner leur résumé public au CSE après la préparation du résumé. Nous proposons que les sénateurs soient tenus d'examiner et de retourner leur résumé public dans un délai de 30 jours.

Le comité considère que ces propositions ne sont pas coûteuses, et on accordera encore suffisamment de temps. La conseillère sénatoriale en éthique croit également que le processus administratif peut tenir compte de certaines circonstances atténuantes. On fournirait à la conseillère sénatoriale en éthique les renseignements dont elle a besoin pour administrer le code en temps opportun et de manière efficace.

La dernière modification que nous proposons concerne le titre de notre code. Actuellement, il est intitulé Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs. Le comité est d'avis que ce titre ne reflète plus de manière appropriée la nature du code, qui a évolué depuis sa mise en place, en 2005. La portée du code s'étend désormais au-delà des conflits d'intérêts. Il vise à maintenir certaines normes de conduite et à amener les sénateurs à adopter un comportement conforme à l'éthique.

Cette recommandation s'aligne sur les dispositions de la Loi sur le Parlement du Canada, qui a créé le Bureau du conseiller sénatorial en éthique. Cette modification reflète la volonté du Parlement de tenir compte du concept plus large de l'éthique. Par conséquent, le comité propose que le code soit renommé Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs. Notons l'aimable suggestion de la sénatrice Cools à cet égard.

J'aimerais souligner que cet aspect du code évolue, et que nous tenons compte des autres codes, avec les attentes que cela implique. Je tiens à vous rappeler que le comité a passé de longues heures à examiner d'autres codes et à considérer les problèmes qui lui ont été soumis par des sénateurs, par la presse et par la conseillère sénatoriale en éthique. Nous croyons qu'il est temps d'apporter ces changements. Les sénateurs et le Sénat adhèrent probablement déjà à certains énoncés sur l'intégrité et la dignité, mais nous croyons qu'il faudrait néanmoins les inclure dans le code pour plus de clarté.

Comme toujours, j'aimerais remercier le vice-président, le sénateur Joyal, de son dévouement au comité, de sa compréhension des dossiers et des recommandations qu'il a proposées.

Je remercie aussi les autres membres du comité — les sénatrices Cordy et Frum et le sénateur Tannas — de la diligence dont ils ont fait preuve au cours des longues heures d'étude de cette question. Ils ont présenté des points de vue uniques et différents des miens et de ceux du sénateur Joyal.

Je pense que nous avons trouvé un terrain d'entente. Par conséquent, les amendements que nous proposons sont le résultat d'une unanimité au sein du comité. Je ne mentionnerai pas les amendements que nous n'avons pu présenter parce qu'il n'y a pas eu consensus à leur égard. Cela dit, nous allons continuer à les travailler et à y réfléchir.

Il va sans dire que nous n'aurions pas pu présenter notre cinquième rapport sans le soutien de notre personnel — Catherine Piccinin, greffière du comité; Michel Patrice et Michel Bédard, conseillers parlementaires; et, enfin, Sebastian Spano et Eric Pelot, analystes de la Bibliothèque du Parlement. Nous avons beaucoup de chance de pouvoir compter sur un groupe aussi talentueux de professionnels qui se dévouent pour le Sénat, qui se préoccupent de son travail et, enfin, qui tiennent à ce que notre processus soit juste et efficace.

Finalement, je veux remercier Lyse Ricard, conseillère sénatoriale en éthique, et son personnel, d'avoir examiné en profondeur nos propositions et de nous avoir fourni leurs points de vue.

Honorables sénateurs, comme je l'ai dit au début de mes remarques, le code est un instrument pouvant servir à améliorer la confiance du public à l'égard du travail du Sénat et des sénateurs. Toutefois, il nous incombe de nous servir de nos pouvoirs pour modifier le code lorsque le besoin s'en fait sentir. Nous devons nous adapter au caractère évolutif de nos rôles et responsabilités, ainsi qu'aux attentes changeantes des Canadiens à l'endroit du Sénat et des sénateurs. C'est pour cette raison que le code continuera d'être évalué par le comité, qui doit exercer un rôle de surveillance.

Comme je l'ai déjà dit, notre code est l'un des meilleurs parmi ceux des Chambres hautes des parlements inspirés du modèle de Westminster. Il en est ainsi parce que nous sommes capables d'identifier les améliorations qui s'imposent et d'agir en conséquence. Le renforcement en permanence de nos règles nous permettra de faire en sorte que les sénateurs continuent d'agir honorablement et avec intégrité. J'insiste sur le fait que les sénateurs doivent continuer d'agir honorablement et en faisant preuve d'intégrité.

Le fait d'avoir un code à jour et efficace dans un contexte d'attentes et de normes sociales en constante évolution nous aidera à préserver la capacité du Sénat de s'acquitter de ses fonctions constitutionnelles. À cette fin, les membres du comité et moi vous prions instamment d'appuyer les changements proposés.

Comme d'habitude, j'invite le sénateur Joyal à nous faire part de ses remarques très utiles dans le cadre de l'étude de cette motion.

(2250)

L'honorable Serge Joyal : Merci, honorables sénateurs. Je serai très bref.

J'aimerais tout d'abord rappeler, comme l'a fait la sénatrice Andreychuk, qu'il s'agit d'un texte vivant, destiné à évoluer. On ne parle pas ici d'une sorte d'évangile qui aurait été dicté une fois pour toutes et dont on ne pourrait plus changer une virgule, un mot ou une phrase. Pour paraphraser la Cour suprême du Canada, on pourrait parler d'un arbre vivant, puisque cet aspect de notre réalité exigera une réflexion continue. Dans ce contexte, la proposition d'aujourd'hui n'a rien de profondément nouveau. Comme l'a expliqué la sénatrice Andreychuk, il s'agit de codifier les règles, les pratiques et les valeurs auxquelles nous adhérons tous : ces valeurs que sont l'intégrité, l'honneur et la dignité; la responsabilité de préserver la réputation du Sénat; et le fait que chacun d'entre nous doive se comporter de façon à mériter pleinement le titre d'« honorable », que nous portons tous avec fierté.

Si les Canadiens nous appellent « honorables », c'est parce que nous agissons de façon honorable. Qu'entend-on par agir de façon honorable? C'est agir avec intégrité. C'est se comporter avec toute la dignité attendue d'une personne dont le poste est assuré, j'allais presque dire « à vie », mais plutôt jusqu'à 75 ans. Les sénateurs ne peuvent pas être démis de leurs fonctions, sauf si un élément de la Constitution est en jeu. Nous en sommes tous conscients. Nous l'avons appris à notre arrivée ici. Si on nous accorde une telle confiance dès notre arrivée au Sénat, c'est que la population a certaines attentes concernant nos comportements individuels, la façon dont nous maintiendrons la réputation du Sénat, et le fait que cette institution est essentielle au fonctionnement du Parlement.

J'ai entendu la semaine dernière un député dire qu'ici, nous n'avons pas de code régissant les conflits d'intérêts, pas de conseiller sénatorial en éthique, pas de règles, que personne ne veille sur nous, que nous sommes, en quelque sorte, un groupe sans cadre de comportement professionnel. Nous savons tous que c'est faux et qu'en fait, à l'autre endroit, on a proposé l'abolition de notre budget de 91 millions de dollars dont le sénateur Day a parlé plus tôt.

J'invite tous les sénateurs à lire le compte rendu du débat qui a eu lieu à l'autre endroit la semaine dernière.

Les députés avaient l'impression que, en abolissant le budget du Sénat, ils aboliraient le Sénat et le Parlement continuerait de fonctionner.

Une voix : Impossible.

Le sénateur Joyal : Ils n'ont, de toute évidence, pas lu la décision de la Cour suprême selon laquelle, si le Sénat ne fonctionne pas, le Parlement ne fonctionne pas. Aucune mesure législative ne peut être adoptée. On ne peut abolir le Sénat d'un coup de crayon en déclarant qu'il ne sert à rien, qu'il va disparaître et que la Chambre des communes sera contente d'être la seule Chambre à légiférer au Canada.

Nous savons tous que ce n'est pas la façon dont le Parlement du Canada fonctionne. Nous avons, chacun d'entre nous, la responsabilité de maintenir la dignité et la réputation de cette institution. Comment? Essentiellement en nous comportant selon la responsabilité qui nous incombe et que dénote le titre d'« honorable » que nous portons tous.

Si, pour désigner un juge éminent, on parle de « l'honorable juge Untel », c'est parce que le public a confiance en cette fonction. Tant que nous exerçons cette fonction, nous sommes censés entretenir cette confiance.

Nous n'ajoutons rien de nouveau au code. Comme la sénatrice Andreychuk l'a dit, nous codifions simplement les attentes que les Canadiens ont à notre égard. Il nous incombe donc de nous acquitter des devoirs du Sénat.

Je me souviens très bien lorsque j'ai été escorté à la table pour prêter serment, pour jurer que je serais présent aux séances du Parlement et que ce serait ma principale responsabilité. Bien entendu, si l'un de nos proches est en difficulté, est malade, par exemple, le Règlement du Sénat prévoit qu'un sénateur peut prendre congé et être absent pendant un certain nombre de jours. C'est prévu dans le Règlement, et cela ne changera pas.

Voici notre rôle fondamental : nous devons assumer les responsabilités du Sénat. On s'attend à ce que nous disions ce que nous pensons des mesures législatives, comme nous l'avons justement fait ce soir concernant les divers projets de loi sur les mesures budgétaires, concernant les modifications au Code criminel que le sénateur Plett a proposées, ou concernant d'autres amendements ou mesures législatives. Voilà notre devoir premier, et il faut lui accorder la priorité. Toutefois, si, pour des raisons personnelles ou familiales, nous ne pouvons siéger, le Règlement du Sénat prévoit le cadre dans lequel nous pouvons nous acquitter de nos responsabilités personnelles.

En gros, nous avons le mandat d'assurer l'intégrité de cette institution. Voilà pourquoi, à mon avis, il est si important que le Comité sur les conflits d'intérêts continue ses travaux afin que nous puissions, comme le veut la maxime, apprendre de nos erreurs. Je pense que tout le monde sait à quoi je pense lorsque je parle de nos erreurs communes et, dans certains cas, de nos erreurs personnelles; il faut en tirer des leçons et améliorer nos règles, car ce sont nos règles qui assurent notre efficacité et notre crédibilité.

Je vous invite donc, honorables sénateurs, à appuyer ces changements. Nous nous sommes réunis en caucus, chacun de notre côté. Nous avons aussi regroupé nos caucus, en un seul groupe. Tout sénateur qui a des questions peut toujours les poser à l'un des membres du comité ou à la conseillère sénatoriale en éthique pour discuter d'une situation particulière et obtenir des conseils. Nous n'examinons jamais les dossiers personnels. J'insiste : le comité ne se penche jamais sur les dossiers personnels de sénateurs en particulier. Comme je l'ai dit, nous sommes collectivement responsables de la réputation de cette institution et, à mon avis, il s'agit d'une tâche capitale que nous avons cherché à assujettir aux normes les plus élevées parce que notre crédibilité individuelle en dépend.

Je tiens à remercier tous les sénateurs de chacun des caucus qui ont pris part à cette discussion et à cette réflexion. Comme la sénatrice Andreychuk l'a dit, nous allons poursuivre cette réflexion en fonction de l'expérience. Rien n'est coulé dans le béton ni immuable. Au contraire, nous voulons faire preuve de souplesse et évoluer selon la situation et, en fait, être très conscients que cette responsabilité incombe à chacun de nous.

Se comporter de façon honorable, c'est précisément être personnellement conscient que nous avons cette responsabilité et veiller à demeurer à la hauteur de cette norme. C'est pourquoi je crois qu'il s'agit d'un travail important et que tous les membres du comité, que ce soit le sénateur Tannas, les sénatrices Frum ou Cordy et, bien sûr, la sénatrice Andreychuk ou moi, attachent une telle importance à cette responsabilité. Comme nous savons que ce que nous faisons et que ce que nous proposons aura une incidence sur votre réputation individuelle, nous nous acquittons de notre tâche avec toute la rigueur et tout le souci voulus pour nous assurer de répondre à vos attentes.

Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Sécurité nationale et défense

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur les répercussions médicales, sociales et opérationnelles des problèmes de santé mentale dont sont atteints des membres actifs et à la retraite des Forces canadiennes et sur les services et les avantages offerts aux membres ainsi qu'à leur famille—Neuvième rapport du comité—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Wells, appuyée par l'honorable sénateur Black, tendant à l'adoption du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (budget—étude sur les problèmes de santé mentale dont sont atteints des membres actifs et à la retraite des forces armées canadiennes—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 5 juin 2014.

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, on m'a demandé de donner des explications supplémentaires sur l'objet de cette motion, étant donné que la présente session tire à sa fin.

(2300)

J'ai parlé à l'auteur de la motion, le sénateur Dallaire, ainsi qu'au sénateur Wells. En tant que membres du Sous-comité des anciens combattants, ils me disent qu'il est important d'adopter cette motion pour que nous puissions établir un programme de travail au cours de l'été.

Je vous signale que la somme de 63 000 $ a été allouée par le comité directeur pour les déplacements à Valcartier, Winnipeg, Deer Lodge et Petawawa et pour les audiences à Ottawa. Il serait important que nous adoptions cette motion pour que nous puissions définir le cadre de référence et établir le programme de travail.

Je sais que la sénatrice ayant ajourné le débat voulait obtenir davantage d'information. J'espère avoir suffisamment éclairé le Sénat.

Son Honneur le Président : Ajournerons-nous de nouveau le débat au nom de la sénatrice Cools?

Le sénateur Lang : Je voudrais que la motion soit mise aux voix, si vous le permettez, Votre Honneur.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Permettez-moi de vous donner quelques précisions. J'ai parlé de ce sujet avec la sénatrice Cools le jour où il y avait une certaine confusion concernant la façon de présenter la motion. Elle m'a dit alors qu'elle avait demandé l'ajournement du débat parce qu'elle voulait savoir si le sénateur Dallaire avait un mot à dire. Elle m'a dit qu'elle était favorable à la motion, mais qu'elle avait demandé l'ajournement du débat à son nom au cas où le sénateur Dallaire voudrait prendre la parole.

L'honorable Jane Cordy : Votre Honneur, je souscris certainement aux observations faites par le président du Comité de la défense. Je suis d'accord pour dire qu'il s'agit d'une étude importante. Toutefois, il me semble qu'il serait inhabituel de procéder ainsi. Le débat a été ajourné au nom de la sénatrice Cools, alors, en toute équité, il me semble que nous devrions attendre qu'elle prenne la parole elle-même, même si je suis tout à fait de l'avis du président du comité. Il serait important d'agir ainsi par simple courtoisie. Un jour de plus ne fera pas une grosse différence.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Je prends bonne note de ce que la sénatrice Martin a dit et je suis un peu surpris que même la sénatrice Cools veuille savoir ce que j'ai à dire à ce sujet, car j'ai présidé cette séance et le sénateur Wells en était le vice-président. Nous sommes donc à jour, bien sûr. En outre, demain, je ne serai ici que très peu de temps, car je dois prendre l'avion pour Minneapolis et c'est ma dernière journée au Sénat. Je ne pourrai donc pas répondre à la sénatrice Cools. Si elle ajourne le débat parce qu'elle veut me parler, nous sommes alors devant un dilemme.

Je ne sais pas quelles sont vos procédures dans ce cas-ci. Par contre, je peux dire que j'ai travaillé pendant près d'un an sur les détails de ce projet d'étude et que j'ai préparé les données sur le financement pendant près de trois mois. Tout ce que nous demandons est établi à son strict minimum. Il est absolument essentiel, voire crucial, que le comité consulte ces cinq sites afin d'approfondir l'étude.

Voilà la réponse que j'aurais donnée à la sénatrice Cools si elle avait été là, et j'aurais appuyé sans réserve le rapport. Cela dit, je laisse le soin aux autorités supérieures parmi nous de régler cette question.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nos pratiques ont toujours voulu que, lorsqu'un sénateur ne prend pas la parole au sujet d'un article inscrit à son nom et qu'un autre sénateur souhaite prendre la parole et intervient dans le débat, la question est alors ajournée pendant un jour au nom de ce sénateur. Honorables sénateurs, je crois que nous pourrons revenir sur cette question demain. On a répondu à la question posée par le sénateur Lang.

La question demeure inscrite au nom de la sénatrice Cools jusqu'à demain.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à décerner la citoyenneté canadienne d'honneur à Mme Asia Bibi—Report du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P. :

Que le Sénat du Canada rappelle au gouvernement du Pakistan l'urgence de libérer sans délai Madame Asia Bibi, femme chrétienne détenue arbitrairement pour ses croyances religieuses;

Que le Sénat du Canada déclare son intention de voir la citoyenneté canadienne d'honneur décernée à Madame Asia Bibi et son intention de voir le Canada lui accorder asile avec sa famille à sa libération si elle en fait la demande;

Qu'un message soit envoyé à la Chambre des communes pour lui demander de faire front commun avec le Sénat aux fins de ce qui précède.

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Sénateur Greene, cette motion est inscrite à votre nom. Je ne sais pas combien d'autres sont aussi inscrites à votre nom, mais cette femme est en prison et elle risque de se faire tuer. Nous avons déjà perdu beaucoup de temps, et ce n'est pas la première fois que nous adoptons une motion comme celle-là. Je vous pose donc la question : quand allez-vous prendre la parole?

L'honorable Stephen Greene : Bientôt.

(Le débat est reporté.)

L'accord sur la santé

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Callbeck, attirant l'attention du Sénat sur le besoin croissant, pour le gouvernement fédéral, de collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi qu'avec les autres parties intéressées, en vue d'assurer la pérennité du système canadien de soins de santé et de mener des négociations en vue de conclure un nouvel Accord sur la santé qui puisse entrer en vigueur à l'expiration du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, mes recherches sur cette interpellation vont bon train, mais il commence à se faire vraiment tard, et je sais que nous voulons tous entendre ce que le sénateur Dallaire a à dire, alors je vous demande la permission d'ajourner le débat à mon nom pour le temps de parole qu'il me reste.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la non-discrimination génétique

Adoption de la motion tendant à retirer l'étude du projet de loi au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles pour le renvoyer au Comité des droits de la personne

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 27 mai 2014, propose :

Que le projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique, qui a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, soit retiré dudit comité et renvoyé au Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(2310)

Le Rwanda
La République centrafricaine

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Roméo Antonius Dallaire, ayant donné préavis le 5 juin 2014 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les liens clairs et réels qui existent entre le génocide au Rwanda et la crise actuelle en République centrafricaine.

— Honorables sénateurs, puis-je commencer par dire quelques mots? J'aimerais citer un ouvrage auquel je fais référence de temps à autre, qui est intitulé The Wicked Wit of Winston Churchill. Je vais lire rapidement deux passages pour donner le ton à ce dont je m'apprête à parler dans le cadre du débat sur cette motion.

Voici le premier petit passage :

Lorsque, en 1960, un journaliste du London Evening Standard demanda à Churchill ce qu'il pensait de la prédiction récente selon laquelle, d'ici l'an 2000, les femmes domineraient le monde, Churchill grommela, l'air sombre : « Elles domineront toujours le monde, n'est-ce-pas? »

Une autre question lui a été posée :

Lors d'un dîner, la question « Si vous étiez un autre que vous, qui aimeriez-vous être? » fut posée à tour de rôle autour de la table. Lorsque vint le tour de Churchill, tous étaient impatients d'entendre quelle serait la réponse de l'ancien grand premier ministre. Or, il fit une pause pour produire un effet, puis, se tournant vers Clementine [son épouse], il répondit : « le second mari de Mme Churchill ».

La dernière, si vous me permettez, est pour nous amuser à 23 heures. Je suis sûr que c'est ce que vous attendiez. Alors qu'il contemplait le monde et ses habitants, Churchill déclara un jour ce qui suit :

Je me demande ce que Dieu pense de ce que Ses créatures ont inventé. Il est vraiment très étonnant qu'Il ait accepté tout cela. Mais je présume qu'Il doit penser à l'univers entier, pas seulement à nous. Je ne voudrais pour rien au monde être à Sa place. Mon travail est difficile, mais le Sien l'est beaucoup plus et, en plus, Il ne peut même pas démissionner.

Chers collègues, ceci est mon dernier discours, maintenant que j'ai démissionné de cette auguste institution. Je vous remercie de votre patience pendant que je tente d'établir un lien et que j'utilise cet instant pour parler d'une interpellation qui, je l'espère, attirera votre attention et suscitera même un débat.

Auparavant, je sais que je vous ai déjà remerciés et que j'ai remercié mon personnel pour le travail qu'il a fait. Cependant, sans ma chef de cabinet — que je connais depuis près de 40 ans, puisqu'elle a travaillé au collège militaire, où elle était alors ma secrétaire —, je n'aurais pas pu abattre autant de travail. J'aimerais aussi remercier certaines personnes que je considère comme des mentors dans cette institution. Si j'en oublie, j'espère que vous me le pardonnerez, mais je vais en nommer quelques-unes.

La première est le sénateur Joyal, qui m'a beaucoup guidé, en me faisant bénéficier de ses idées. Je dois dire que la lecture de son livre m'a beaucoup aidé à comprendre la complexité de notre fonction. Je dirais que, même après neuf ans, il y a des domaines où j'aurais encore beaucoup à apprendre. Même s'il n'aime pas le terme, j'estime que, sans cette « Bible », il est très difficile ne serait-ce que de tenir un débat sur l'avenir du Sénat.

J'aimerais remercier le sénateur Nolin, en sa qualité de colonel honoraire et de collègue, avec qui j'ai échangé au fil de bien des discussions au comité, surtout au Comité de la défense.

J'aimerais remercier le Président, le sénateur Kinsella, qui m'a généreusement guidé et qui a répondu à certaines de mes demandes et, surtout, pour nous avoir aidés à rendre hommage aux 11 officiers qui ont vécu le génocide et pour nous avoir reçus dans ses appartements en avril, à l'occasion du 20e anniversaire. Plusieurs d'entre nous ont pu enfin tourner la page après cette expérience.

Je remercie le sénateur Colin Kenny de m'avoir constamment rappelé que j'avais encore beaucoup à apprendre. Il n'est pas ici pour recevoir ces remerciements. Je l'ai observé créer le comité et j'ai observé tout ce qu'il faisait. J'ai alors compris qu'il y avait eu des moments difficiles. La première fois qu'on m'a invité à me joindre au Comité de la défense, il en était président, et j'ai répondu non, disant que le comité ne saurait gérer deux généraux. J'ai préféré attendre mon tour, et c'est ce que j'ai fait.

J'aimerais remercier le sénateur Plett, qui n'a pas toujours été facile, mais qui est honnête et résolu, qui recherche toujours ce qu'il y a de mieux et qui s'attend à un débat vigoureux pour y parvenir. Cette institution a besoin de débats solides et rigoureux sur le plan intellectuel entre opposants — et non entre ennemis — afin de nous inciter à produire les meilleures lois possible pour la population.

Je remercie le sénateur Lang également d'assumer la présidence, de nous guider et de faire en sorte que les dossiers progressent. Il est devenu tout un ami pour moi parmi mes collègues d'en face. Je tiens également à remercier le sénateur White de m'avoir donné un aperçu du monde policier lorsque nous avons été appelés à examiner la GRC.

J'aimerais, si je le puis, remercier non seulement le leader et les leaders adjoints que mon parti a connus au fil des ans, mais aussi un sénateur qui, mon supérieur d'une année au collège militaire, m'a harcelé et m'a presque fait expulser. Mais il n'a pas réussi, alors j'ai décidé de le suivre en cet endroit. Je parle bien entendu du sénateur Joe Day.

Nos cinq ans d'études collégiales auront été bénéfiques, notamment parce que vous êtes toujours ici alors que moi, je m'en vais.

Chers collègues, j'abuse de votre temps; pardonnez-moi. Je voulais simplement formuler ces quelques mots à l'intention de certains de mes collègues.

Je voulais porter à votre attention un sujet qui est bien réel pour moi. Pour certains, il s'agit d'une nouvelle parmi les plus tristes qui sont diffusées, mais pour ceux d'entre nous qui sont allés sur le terrain et qui se sont trouvés au milieu de certains conflits, ce ne sont pas des nouvelles. C'est la réalité. Nous revivons ces événements. Nous entendons crier les femmes qui sont en train de se faire violer. Nous entendons des enfants qui meurent de faim crier parce qu'ils ont perdu leurs parents. Nous entendons les projectiles, les munitions, l'artillerie, les mortiers. Nous entendons le bruit des machettes qui pénètrent la chair humaine et les gens qui essaient de survivre, quand ce n'est pas de mourir enfin, avec dignité sur le terrain. Nous sentons l'odeur de ce qui se passe là-bas. Nous sentons encore cette odeur. Ce qui se passe dans ces zones de conflit ne nous est pas étranger et ne devrait jamais être étranger pour un grand pays comme le nôtre.

Notre pays est l'un des 11 pays les plus puissants au monde. Nous ne sommes pas 69e ou 70e. Il y a 193 pays au monde et nous figurons parmi les 11 les plus puissants. Nous ne l'avons pas nécessairement voulu. Nous nous sommes mérité cette place en créant une démocratie qui est l'une des plus stables au monde et dont nous célébrerons bientôt le 150e anniversaire. Nous avons gagné cette place parce que nos jeunes gens ont traversé l'Atlantique il y a près de 100 ans et qu'ils se sont battus, qu'ils ont versé leur sang, qu'ils sont morts et qu'ils ont remporté la victoire grâce à laquelle nous avons été reconnus non pas comme le cousin colonial, c'est l'une des observations que j'ai entendues le plus souvent, mais comme un État-nation. Nous l'avons payé de notre sang, Vimy.

Dans trois ans, nous vivrons une année exceptionnelle au cours de laquelle nous soulignerons le 150e anniversaire de notre pays et le 100e anniversaire de la création de notre démocratie et de notre État nation. Cela arrivera bientôt et mes questions sont les suivantes : quel est le plan? Qu'allons-nous offrir aux Canadiens? Quelle est notre vision en cette époque très complexe et ambigüe dans laquelle nous sommes tombés? Jusqu'à maintenant, je pense que tout ce que j'entrevois c'est une commémoration avec de gros gâteaux au chocolat et quelques bagues du centenaire, mais je pense que nous valons beaucoup plus que cela. J'espère que nous serons capables de mener une réflexion qui guidera notre grand pays et l'amènera à exploiter pleinement son potentiel, ce que nous n'avons pas fait depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous n'avons pas essayé d'augmenter notre puissance depuis ce temps. Nous avons essayé de repousser nos limites, ce qui est bien, mais nous n'avons pas essayé de transcender notre rang de puissance intermédiaire. Nous n'avons pas exploité tout notre potentiel.

(2320)

La dernière fois que nous l'avons fait, c'était pendant la Seconde Guerre mondiale, il y a 70 ans, alors que nos forces armées comptaient un million d'hommes et de femmes. Même à cette époque, pas un seul général ou amiral canadien ne faisait partie des organes décisionnels mis sur pied pour cette guerre. Pas un seul. On nous considérait comme un élément de capacité militaire tactique, puisqu'on pouvait envoyer un million de soldats en campagne. Alors, nous avons été un élément tactique.

Depuis lors, nous nous sommes munis d'une capacité non seulement opérationnelle, mais aussi stratégique. C'est dans cette arène que nous devrions évoluer. Nous sommes l'une des premières puissances intermédiaires du monde, et nous avons la responsabilité de nous doter d'une approche stratégique, de prendre des engagements stratégiques et de considérer les visions, les options et les risques sous un angle stratégique, comme un grand pays qui suscite l'admiration dans le monde. Les autres pays nous admirent en raison de notre éthique du travail, de notre maîtrise des technologies, de notre attachement aux droits de la personne, qui constituent le fondement de nos lois. Ils nous admirent aussi parce que nous n'essayons pas d'assujettir les autres.

Cela dit, nous accusons encore un grand retard dans le dossier des Premières Nations, et les risques dans ce domaine sont énormes. Un nombre croissant de jeunes Autochtones privés de leurs droits finiront par présenter un risque pour la sécurité de notre pays si nous ne nous efforçons pas d'agir de manière préventive pour réduire ce risque.

Alors, si nous voulons penser stratégiquement, nous devrions avancer stratégiquement.

Certains m'ont demandé pourquoi j'avais choisi le 17 juin comme date pour quitter le Sénat. Je voudrais répondre à cette question en remontant plus loin que CNN, c'est-à-dire en faisant un retour 20 ans en arrière. Si vous permettez, je vais lire le texte que nous avons préparé.

[Français]

En juin 1994, il y a exactement 20 ans, le génocide du Rwanda était finalement en train de s'essouffler. Le Front patriotique rwandais resserrait toujours plus son étau sur le gouvernement intérimaire hutu qui consacrait le plus gros de ses ressources à tuer des civils plutôt qu'à se défendre. La détermination des génocidaires commençait donc à flancher. Mais, au moment où il semblait que les massacres allaient prendre fin, ils ont connu une nouvelle flambée, à cause d'une intervention extérieure.

C'était le 17 juin 1994. Comme j'en ai fait le récit par le passé, j'ai reçu ce jour-là dans mon bureau, au quartier général de la MINUAR, la visite d'un politicien français nommé Bernard Kouchner. Plusieurs honorables sénateurs se souviendront qu'il était l'un des fondateurs de Médecins Sans Frontières, et qu'il a été, plus récemment, ministre des Affaires étrangères de la France. Il était accompagné à ce moment-là d'un émissaire du président français Mitterrand. Cet après-midi-là, les deux envoyés m'ont informé que, dans l'intérêt de l'humanité, la France prendrait la tête d'une coalition franco-africaine qui interviendrait au Rwanda en vertu du chapitre 7 des Nations Unies, pour mettre fin au génocide et apporter une aide humanitaire. Pour ce faire, ils entendaient créer une zone de refuge dans l'ouest du pays. Le génocide était alors en cours depuis plus de deux mois et demi. À ce moment-là, on avait estimé qu'il y avait eu plus de 500 000 morts, près de 800 000 blessés et 3,9 millions de déplacés et de réfugiés. Ils étaient un peu en retard.

M. Kouchner voulait mon appui, mais, sans hésitation, je lui ai dit que non, il n'en était pas question. Comment pouvait-il ne pas voir l'erreur que représentait ce plan? Oubliait-il que la France avait été une puissance coloniale dans la région et que ce passé était lourd d'implications? Après tout, c'était leurs alliés francophones au sein du régime Habyarimana qui étaient les architectes de la tuerie.

J'avais l'impression que la France, sous le couvert de l'aide humanitaire, voulait en fait que les forces du gouvernement hutu conservent une partie du pays, ce qui était dans son intérêt. Quelles qu'aient été ses intentions, il ne fait aucun doute que ce qu'on a appelé l'opération Turquoise a été d'une inefficacité catastrophique.

Premièrement, quand les médias contrôlés par l'État du Rwanda ont commencé à annoncer que la France enverrait des soldats, les génocidaires de Kigali ont pensé qu'ils venaient les sauver; ainsi confortés, ils ont repris de plus belle leurs massacres, allant jusqu'à poursuivre les survivants dans les églises et les édifices publics. Qui sait combien d'innocents ont été tués?

De plus, l'annonce de l'intervention française a motivé les forces du gouvernement à accélérer leur retraite vers l'ouest, où ils ont suivi quelque 2,5 millions de Rwandais. Mais cette masse de gens en marche a été fréquemment attaquée par les miliciens de l'Interahamwe, des jeunes de 15 à 20 ans qui ont tué non seulement des Tutsis, mais aussi des personnes trouvées sans carte d'identité, car l'ethnicité des individus figurait sur la carte d'identité. Pourvu que l'on n'ait jamais, dans notre pays, des cartes d'identité gouvernementales, car on ne sait jamais ce qu'on pourrait en faire en période de crise.

Cependant, la conséquence la plus désastreuse de l'opération Turquoise a peut-être été la protection qu'elle a accordée à de nombreux responsables du génocide. Elle leur a en effet permis de se réfugier dans des pays voisins, dont le Congo, dans la province du Kivu. Il en a résulté une militarisation des camps de réfugiés dans ce qui est aujourd'hui le Congo. C'est cette militarisation qui a déclenché la guerre qui se poursuit aujourd'hui encore dans cette région des Grands Lacs.

Je ne peux pas concevoir de plus grande tragédie que le génocide du Rwanda, mais ce conflit qui a fait plus de 5,5 millions de morts au Congo est en train de s'avérer pire encore. Ceci est attribuable à notre inefficacité au Rwanda. Le conflit qui s'est produit dans un pays a déstabilisé une région.

Maintenant que tout cela a été dit, revenons à la question qui nous intéresse : pourquoi le 17 juin? Pourquoi mettre fin à ce chapitre de ma vie, ma carrière de sénateur, ce jour-ci en particulier? Parce que la décision prise par la France pendant le génocide au Rwanda, décision qui m'a été présentée il y a 20 ans aujourd'hui, reste pour moi — et, je l'espère, pour d'autres personnes ici et à l'autre endroit — la preuve que des pays de moyenne puissance comme le Canada ont un rôle à jouer pour régler les conflits et prévenir les atrocités.

Beaucoup trop souvent, ce sont les anciennes puissances coloniales et les superpuissances comme les États-Unis qui dirigent les interventions, alors que nous savons par expérience que le passé de ces États nuit à l'efficacité de leur mission. En effet, ils ont des intérêts stratégiques dans la région, ou encore des liens de patronage avec les régimes et les groupes d'opposition, sans compter que leur histoire est souvent lourdement marquée par une ingérence dans les affaires domestiques du pays.

C'était certainement le cas des Français au Rwanda, et c'est loin d'être le seul exemple. C'est pourquoi le Canada aurait encore un rôle à jouer s'il acceptait de reprendre sa place de leader dans le règlement des conflits internationaux et la prévention des atrocités. C'est un rôle qu'il ne remplit pas actuellement.

[Traduction]

Cependant, nous avons une fière tradition de défense des droits de la personne et de la paix dans le monde. Les Canadiens ont joué un rôle clé dans l'adoption de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l'homme, dans l'établissement de la Cour pénale internationale, dans l'adoption de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction ainsi que dans la mise en œuvre du principe de la responsabilité de protéger. Nous avons plus ou moins inventé le concept moderne du maintien de la paix.

(2330)

Nous avons des forces armées exceptionnelles, composées de jeunes hommes et femmes intelligents et courageux, qui sont tous des anciens combattants, ou à peu près. Notre corps diplomatique est formé de membres talentueux et dévoués. Nous avons des agents de développement et des employés d'organismes pangouvernementaux qui sont prêts à être déployés et dont l'ingéniosité est inestimable dans le cadre des opérations actuelles, qui sont de plus en plus complexes et ambiguës.

Nous avons une société civile dynamique, qui continue de cogner à la porte même après que les serrures ont été changées. Nous avons de nombreux outils à notre disposition pour favoriser notre engagement au sein de la communauté internationale. Nous avons certainement des citoyens qui sont fiers de tout ce que j'ai mentionné.

Cependant, la situation a changé au cours des dernières années. À l'heure actuelle, plus de 110 000 Casques bleus sont déployés dans le monde, et seulement 43 d'entre eux sont Canadiens. De nos jours, nous devons esquiver les mots « responsabilité de protéger », contourner la Cour pénale internationale et même éviter le terme « enfant soldat » par crainte de devoir appliquer de manière concrète notre politique étrangère fondée sur des principes.

De nos jours, nous parlons des sommes que nous avons consacrées pour l'aide humanitaire, qui ne sont jamais suffisantes, et nous affirmons que nous avons fait notre part. À l'heure actuelle, il y a beaucoup de tentatives d'intimidation, mais pas de grande crédibilité; plus de préoccupations exprimées que de planification d'urgence; davantage de consultations interminables avec nos alliés, en tout cas, c'est ce qu'on nous dit, et moins de mesures concrètes. Enfin, il y a plus de demandes de respect des droits de la personne qui ne s'accompagnent pas de démarches auprès de ceux qui les enfreignent.

Je l'ai déjà dit par le passé, mais je ne peux pas le répéter assez. Si nous voulons surmonter les défis auxquels le monde se heurte, nous avons besoin de dirigeants transparents qui ont des convictions profondes et des intentions honorables. Autrement dit, nous avons besoin de véritables hommes et femmes d'État. Il n'y a pas suffisamment de dirigeants qui possèdent un bon sens politique, qui prennent des risques, qui font preuve de souplesse, qui ont un esprit d'innovation et qui sont humbles. La question est la suivante : quand le Canada répondra-t-il de nouveau à l'appel?

À mon avis, il n'y a pas de lieu où il est plus pressant d'agir qu'en République centrafricaine. Comme les médias l'ont bien documenté, et comme nous l'avons dit au Sénat, la République centrafricaine est encore aux prises avec une crise humanitaire qui ressemble fortement à la catastrophe qui a frappé le Rwanda il y a 20 ans. Des milliers de personnes ont été ciblées et tuées en raison de leur identité religieuse par des bandes de rôdeurs. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées, et plusieurs ont fui à l'extérieur des frontières comme réfugiés. Des familles entières ont été détruites, et des femmes sont sans cesse victimes de violence sexuelle. Le viol est un instrument de guerre.

La principale arme dans ce conflit, ce sont les milliers d'enfants — certains n'ont que 11 ans — recrutés de force comme enfants soldats, et endoctrinés afin de poursuivre le cycle de violence. L'ancienne haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a dit que la situation est actuellement l'une des plus atroces et des plus horribles dans le monde.

Encore une fois, dans ce cas-ci, nous avons affaire à une situation où l'ancienne puissance coloniale mène l'intervention internationale. Dans ce contexte, ce sont les pires intervenants qu'on peut envoyer sur le terrain. Cependant, une mission de paix de l'ONU est prévue pour septembre. C'est une occasion importante dont il faut profiter pour établir un nouveau leadership.

En un mot, le Canada doit être sur le terrain pour appuyer les troupes de courageux soldats africains qui sont déjà déployés. Il y a notamment des Rwandais qui risquent leur vie pour en sauver d'autres, et qui essuient parfois des pertes humaines. De plus, nos militaires, nos services de police et notre population civile peuvent faire la différence. Ils connaissent les langues locales, la région et la culture. Il y a plusieurs raisons d'aller sur le terrain, comme le réclament plusieurs pays qui se demandent pourquoi nous n'y sommes pas.

En premier lieu, le président par intérim a déjà pressenti nommément le Canada en tant que pays susceptible de faire un apport considérable dans le dossier de la paix et de la réconciliation étant donné sa fière tradition de multiculturalisme.

Deuxièmement, nos troupes sont bien entraînées, expérimentées et compétentes — bilingues de surcroît —, ce qui les rend très précieuses aussi bien sur le plan des opérations directes que de l'instruction d'autre personnel sur les questions essentielles à la mission. Grâce au gouvernement, nous avons accès au transport stratégique nécessaire pour soutenir les troupes déployées au cœur de l'Afrique, là où il n'y a aucun port. Nous avons les moyens logistiques d'éviter que nos forces manquent de munitions, de nourriture ou de fournitures médicales. Nous avons des capacités de commandement et de contrôle que ne possèdent pas d'autres pays afin de rassembler des troupes pour gagner en efficacité. Nous avons les compétences nécessaires pour assurer la planification d'urgence et employer les forces efficacement sur le terrain. Nous pouvons compter sur le leadership de nos officiers généraux, qui ont appris à évoluer dans des situations complexes et ambiguës, des années durant, et qui sont prêts à servir la cause.

Le plus important à ce sujet, c'est l'instruction axée expressément sur les difficultés qu'implique la présence massive d'enfants soldats en République centrafricaine. À leur arrivée, nos troupes doivent savoir non seulement comment faire face aux enfants soldats et les neutraliser, mais aussi comment éviter leur recrutement par les groupes armés, et ce, sans jamais recourir à la force létale envers eux car, selon la doctrine militaire, les enfants soldats ne sont que des belligérants.

Nous possédons des compétences. Nous pouvons les mettre à profit et les transmettre de manière à éviter qu'on détruise de jeunes vies et même à neutraliser le recours aux enfants soldats. Cette expertise fait partie du travail que j'accomplis et nous en faisons profiter la Somalie, le Mali et la Libye. Nous envisageons d'envoyer des forces et d'offrir de la formation en République centrafricaine, mais nous sommes seuls.

Troisièmement, comme la liberté de religion constitue une priorité pangouvernementale pour les conservateurs, le Canada devrait être parmi les premières nations à offrir des forces terrestres et d'autres formes de soutien à la mission américaine de maintien de la paix. En République centrafricaine, les musulmans et les chrétiens sont régulièrement la cible de dangers en raison de leur religion et les signes avant-coureurs de génocide et de nettoyage ethno-religieux se multiplient.

Par ailleurs, le recrutement des enfants soldats signale que ceux qui se prêtent à ces pratiques sont prêts à tout pour atteindre leurs objectifs, y compris les meurtres en série et même, ultimement, le génocide.

Nous n'avons pas demandé au Bureau de la liberté de religion de fournir du financement et de l'expertise aux groupes locaux et aux leaders religieux qui cherchent à établir un dialogue interreligieux et à promouvoir la réconciliation sur le terrain.

En avril dernier, à Bruxelles, j'ai vu notre ministre des Affaires étrangères à la Conférence internationale sur la prévention des génocides. Je l'ai vu également à Londres, lors d'une conférence internationale sur la violence sexuelle envers les femmes durant les conflits, où il a été le seul des 132 ministres présents à avoir le courage de présider une rencontre de 90 minutes avec ses homologues, qui visait à générer un débat d'idées nouvelles sur la question. Pour cela, je le salue; il s'en est très bien sorti. Durant cette conférence à Bruxelles, il a déclaré ce qui suit :

Pour nous dirigeants, le moment est venu d’agir. N’attendons pas qu’il soit trop tard et de regretter ne pas en avoir assez fait.

Je souscris complètement à cette déclaration. Toutefois, la seule façon d'éviter une telle éventualité pour le Canada et d'autres pays est de mettre en œuvre en République centrafricaine tous les éléments pertinents de la doctrine de la responsabilité de protéger. Soyons clairs : je ne parle pas seulement d'une mission de paix aux termes du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. En fait, nous devrions appliquer les termes du chapitre VIII à l'Union africaine : des sanctions pour ceux qui soutiennent les groupes armés; l'application du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits des enfants, concernant la participation d'enfants aux conflits armés, qui tient responsables de leurs actes ceux qui recrutent et utilisent les enfants soldats comme des armes de guerre; l'autorité d'intervenir; un important soutien au développement, pour aider le pays à reconstruire sa capacité en matière de sécurité, ses écoles, son économie et son système judiciaire.

Honorables sénateurs, ce n'est que si nous avons agi à tous les niveaux qu'il nous sera permis de regarder en arrière et de dire que nous en avons fait assez pour renverser la situation, car la dernière fois, nous ne l'avons pas fait. Toutefois, notre responsabilité ne prend pas fin en même temps que nos missions à l'étranger. En effet, nous avons des obligations ici aussi, que nous devons remplir au maximum. Si le Canada devait envoyer des soldats et d'autre personnel en zones de conflits, notamment en République centrafricaine, nous devrions absolument nous assurer de bien nous occuper d'eux et de leur famille à leur retour, car on ne revient pas indemne de ces conflits. Il faut s'occuper non seulement des blessures physiques, mais aussi des blessures psychologiques, qui peuvent persister et avoir des conséquences mortelles. Le trouble de stress post-traumatique peut être mortel.

(2340)

Honorables sénateurs, comme vous pouvez le voir, toutes ces questions sont liées entre elles. En abordant la prochaine étape de ma vie, je consacrerai beaucoup de temps à chacune d'entre elles au cours de mes travaux, et je serai heureux de vous rencontrer si jamais vous souhaitez m'inviter comme témoin.

Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)

© Sénat du Canada

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