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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 156

Le vendredi 19 juin 2015
L'honorable Leo Housakos, Président

LE SÉNAT

Le vendredi 19 juin 2015

La séance est ouverte à 9 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le conflit en Syrie

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je tiens aujourd'hui à parler du conflit en Syrie, qui a entraîné l'une des pires crises humanitaires depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce qui a commencé comme un mouvement populaire en faveur de la démocratie et du changement est devenu un problème régional complexe qui exige l'intervention immédiate du Canada et de la communauté internationale.

La situation actuelle est bien davantage qu'un affrontement entre le gouvernement syrien et les opposants. Elle s'est muée en crise régionale avec la montée en puissance de l'EIIS, qui compromet non seulement la sécurité des gens de la région, mais aussi la nôtre. Mais quelle est la solution à ce problème? Nous savons tous, dans les circonstances actuelles, que l'EIIS n'accepterait jamais de négocier avec nous, même si nous le voulions. L'idéologie draconienne qui motive ce groupe nous empêche de trouver une solution.

Quel sort cette situation réserve-t-elle aux Syriens? La crise en est à sa cinquième année. Or, le conflit ne fait que s'aggraver, et un nombre sans cesse grandissant d'acteurs violent les droits de la personne. Devant cette situation complexe où les droits des Syriens sont lésés, nous, Canadiens, devrions faire l'impossible pour alléger leurs souffrances. La tradition canadienne des missions de maintien de la paix nous commande, si nous avons vraiment l'intention d'aider les Syriens, d'appuyer les mesures de pacification de la Syrie.

Honorables sénateurs, les mesures de pacification peuvent commencer même pendant que le conflit fait rage. Elles peuvent prendre la forme de pressions diplomatiques en faveur de la démocratie, de mesures d'aide pour rebâtir les établissements d'enseignement et de santé de même que les infrastructures, de services de consultation pour traiter les traumatismes et d'initiatives de défense des droits des femmes. Le Canada devrait être à l'avant-garde de tous ces efforts.

En ce qui concerne l'EIIS, même si je n'ai pas aujourd'hui de solution à vous proposer, je sais malgré tout que nous ne devrions pas laisser son existence nous empêcher de nous embarquer dans une mission de paix. Aidons les Syriens à ramener la paix dans leur vie. Aidons la société civile syrienne, parce que même si c'est elle qui, dans les faits, devra faire le gros du travail pour ramener la paix, elle risque fort de manquer de ressources et d'argent pour y parvenir.

Honorables sénateurs, ne partons pas pour l'été en nous disant qu'il sera toujours temps de nous occuper du sort de la Syrie à la reprise des travaux. Le conflit actuel ne pourra que s'enliser si nous ne faisons rien maintenant pour rétablir la paix et la justice, en Syrie, évidemment, mais aussi dans les pays avoisinants.

[Français]

Hommages

L'honorable Marjory LeBreton, C.P.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai reçu un préavis du leader du gouvernement qui demande que, conformément à l'article 4-3(1) du Règlement, la période des déclarations de sénateurs soit prolongée aujourd'hui afin que l'on puisse rendre hommage à l'honorable Marjory LeBreton, qui prendra sa retraite le 4 juillet 2015.

Je rappelle aux sénateurs que, en vertu du Règlement, chaque intervention ne peut dépasser trois minutes et qu'aucun sénateur ne peut parler plus d'une fois.

[Traduction]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Chers collègues, je souhaite aujourd'hui rendre hommage à notre collègue, la sénatrice Marjory LeBreton, qui quittera le Sénat pour prendre une retraite bien méritée le 4 juillet, c'est-à-dire le jour de son anniversaire. La sénatrice LeBreton a dit ne pas vouloir d'hommages, et son souhait sera respecté. Je suis néanmoins d'avis qu'on ne peut pas complètement passer sous silence le passage de notre collègue au Sénat, mais aussi sur la Colline du Parlement, où elle a œuvré pendant une cinquantaine d'années.

Je sais que vous avez dit vouloir partir incognito, mais permettez-moi, chère Marjory, de vous adresser malgré tout ces quelques mots.

Nos chemins se sont croisés pour la première fois en septembre 2008 à Saint-Eustache. J'étais candidat aux élections fédérales et ma circonscription constituait la première escale en sol québécois de la tournée régionale du premier ministre. Vous étiez là vous aussi, de même que dans l'avion de campagne. J'ai vite compris que vous jouiez un rôle important aux côtés du premier ministre et au sein du gouvernement.

Puis, nous nous sommes revus au Sénat du Canada l'année suivante. C'est alors que j'ai vraiment appris à vous connaître. Je vous ai vu faire votre chemin dans ce milieu, où vous étiez comme un poisson dans l'eau. J'ai été impressionné par votre capacité à saisir les enjeux dans une

foule de domaines différents. Vous m'avez toujours fait confiance et vous m'avez confié de plus en plus de responsabilités. Ce fut un privilège de servir à vos côtés comme leader adjoint, à vrai dire, aux côtés d'une légende de la Colline du Parlement. Une personne qui, comme vous, assume plusieurs fonctions sur la Colline du Parlement en 50 ans est, de toute évidence, une légende.

Si je ne m'abuse, durant ces années, vous avez servi et travaillé aux côtés de huit chefs de notre parti politique, de John Diefenbaker à Robert Stanfield, de Joe Clark à Brian Mulroney, qui vous a nommée au Sénat en 1993, et aux côtés du très honorable Stephen Harper, qui vous a nommée leader du gouvernement au Sénat en 2006. Vous avez vu passer 10 premiers ministres, dont six conservateurs. Je le mentionne en passant pour les amateurs de chiffres parmi vous.

Marjory, ces dernières constatations sont éloquentes. Elles révèlent que vous avez été témoin de toutes les transformations qu'a connues notre pays au cours de la seconde moitié du dernier siècle.

Lorsque vous serez à la retraite, ce serait fantastique si l'on pouvait vous convaincre de rédiger vos mémoires, tous vos souvenirs, des années que vous avez passées en politique fédérale. Nous pourrions tous bénéficier de votre opinion impartiale, objective et non partisane sur les 50 dernières années de la politique canadienne.

Marjory, vous êtes authentique, intense, déterminée et loyale. Vos réalisations en politique sont impressionnantes et je me sens très privilégié d'avoir pu travailler à vos côtés.

En mon nom personnel, au nom de nos collègues au caucus et au nom de tous les membres de notre institution, j'aimerais vous remercier de votre contribution exceptionnelle à la démocratie canadienne. J'espère que vous profiterez au maximum des prochaines années avec vos proches, loin de la place publique.

(0910)

Merci, Marjory, et bonne retraite.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Chers collègues, à tous égards, la sénatrice LeBreton a eu une carrière politique longue, impressionnante, déterminante. Il y a plus de 50 ans, elle a commencé à travailler au quartier général du Parti progressiste-conservateur et a servi avec dévouement trois chefs successifs du parti : John G. Diefenbaker, Robert Stanfield et Joe Clark. Lorsque le Parti progressiste-conservateur a été au pouvoir, elle a été l'un des membres clés du cabinet du premier ministre, à titre de chef de cabinet adjointe et de directrice des nominations auprès de Brian Mulroney.

Au Sénat, la sénatrice LeBreton s'est distinguée par son travail acharné dans le domaine social. À titre de vice-présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, plus communément connu sous le nom de Comité Kirby, elle a participé à la direction d'une étude exhaustive sur le rôle du gouvernement fédéral dans notre système de soins de santé. Elle s'est attaquée ensuite à la conduite en état d'ébriété, à titre de présidente de l'organisation Mothers Against Drunk Driving, à la suite de la tragédie familiale qu'elle a elle-même connue.

Pendant un certain nombre d'années, alors qu'elle occupait les fonctions de leader du gouvernement au Sénat et que j'étais moi-même leader de l'opposition, nous avons régulièrement collaboré. Même si nous n'étions presque jamais du même avis dans cette enceinte ou pendant la période des questions, nos relations en dehors du Sénat ont toujours été cordiales.

Même si elle quitte cette institution, je suis sûr, compte tenu de son énergie, que nous continuerons à entendre parler de la sénatrice LeBreton. Je voudrais lui souhaiter, ainsi qu'à son mari, Douglas, beaucoup de santé et de bonheur pour les années à venir.

L'honorable Marjory LeBreton : Honorables sénateurs, j'avais l'intention de prendre la parole dans le cadre d'une interpellation et non pour participer aux éloges. Vous connaissez tous mon point de vue sur le temps excessif qui est passé à rendre hommage à des gens. Quoi qu'il en soit, il semble bien que, d'après la procédure, je ne serai pas en mesure de prendre la parole dans le cadre d'une interpellation. Je tenais l'idée du sénateur Robichaud. C'était lui qui, à son départ, avait donné avis d'une interpellation et avait prononcé une très brève allocution. J'avais vraiment l'intention de faire la même chose. Malheureusement, je ne pourrai pas le faire, de sorte que je participe maintenant au débat dans le cadre des éloges. C'est un ironique retour des choses.

Honorables sénateurs, c'était, hier, le 22e anniversaire de ma convocation au Sénat du Canada.

Je voudrais commencer par remercier quelques personnes qui ont joué un rôle déterminant dans mon succès à titre de sénatrice.

Le sénateur Cowan a mentionné mon mari, Doug, qui a été parfois un observateur réticent tandis que son épouse se consacrait à sa carrière politique bien-aimée. Comme certains d'entre vous le savent, Doug est un mécanicien automobile à la retraite. Avec son groupe d'amis qui partagent les mêmes idées — le groupe de discussion Tim Horton, comme je l'appelle —, il m'a toujours aidée à ne pas perdre la réalité de vue. Avant de faire n'importe quoi, je me suis toujours demandé ceci : vais-je pouvoir expliquer ce que je fais à ma famille, à mes amis, aux voisins, à mon fils, Michael Bruce, qui construit des maisons hors série à Victoria, son épouse comptable, Jessica Escovilla LeBreton, à mon beau-fils, comptable, Ed Holmes — époux de ma défunte fille, Linda — et à sa nouvelle épouse avocate, Tracey Eisenberg, à mes très chers petits-enfants, Steven, Jenna et le défunt Brian LeBreton-Holmes, à Maddy Eisenberg Carson, fille de Tracey née avant son mariage avec Ed, et à l'indomptable Drew Brian Eisenberg Holmes, mon dernier petit-fils qui aura bientôt 16 ans, à mon cher frère, Tom Mulvagh et à son épouse, Jan, à ma sœur et meilleure amie, Kay Stanley et, jusqu'à son décès l'année dernière, à ma défunte sœur Leah?

Je remercie avec effusion tous les membres de mon personnel. Ce fut toujours un plaisir de travailler avec eux. Même si je n'ai pas le temps de parler de chacun et chacune, ils comprendront si je ne fais que mentionner quelques-uns en particulier.

Sandy Melo, qui est à la tribune, a été mon adjointe et ma confidente pendant plus de 15 ans. Elle m'a servie comme chef de cabinet pendant les sept ans et demi où j'ai été leader du gouvernement au Sénat. Ses sages conseils et ses avis éclairés ont toujours été et sont toujours inappréciables.

Karen Adams, dont le sénateur Carignan a hérité et qui a fait partie du personnel de recherche du caucus pendant que nous étions dans l'opposition, a été la première personne que Sandy et moi avons appelée lorsque j'ai été nommée au Cabinet. Ses connaissances étendues et ses avis judicieux m'ont souvent permis d'éviter des ennuis en répondant au nom du gouvernement aux très nombreuses questions qu'on me posait au Sénat.

Chris Montgomery — le fameux Chris Montgomery —, mon directeur des affaires parlementaires qui connaît à fond la procédure et les règles parlementaires, a fait un travail extraordinaire en me donnant des conseils honnêtes et sans entraves.

Louise Haddock, dont la méticuleuse attention au détail et la chaleureuse personnalité ont donné un caractère amical à mon bureau pour quiconque s'y présentait, est encore avec moi. Elle passera chez le sénateur McInnis à mon départ. En fait, elle travaille déjà pour nous deux à l'heure actuelle.

Merci à Nick Mamo, mon compagnon de voyage qui m'a accompagnée matin et soir tous les jours où j'ai fait partie du Cabinet. Les intéressantes conversations que j'avais avec lui à propos de tout et de rien, mais toujours au sujet du sport, me manquent encore.

Merci aussi aux autres qui ont travaillé pendant des années au cabinet du leader du gouvernement au Sénat et qui poursuivront des carrières intéressantes en politique et dans d'autres domaines. Je vais simplement les nommer : Nick Ward, Monique Charron, Marcel Poulin, Johanna Quinney, Greg Kung, Amy Leindecker, Cheryl Stone, Jeffrey Kroeker, Rebecca Murphy, James Maunder, Wes McLean et George Rae. Wes McLean, bien entendu, est un autre de mes anciens collaborateurs dont le sénateur Carignan a hérité. Merci beaucoup à tous.

Je voudrais également exprimer mes remerciements les plus sincères à tout le personnel du Sénat, qu'il s'agisse des responsables de l'entretien, du personnel de sécurité, des pages, des greffiers ou des greffiers au Bureau. Je voudrais mentionner en particulier l'ancien greffier du Sénat, Gary O'Brien, qui a beaucoup fait pour remettre notre institution sur la bonne voie.

Merci à tous mes collègues sénateurs, mais surtout au groupe de direction, à Claude Carignan, qui a été mon leader adjoint et qui est maintenant leader du gouvernement, à Beth Marshall, qui occupe le même poste de whip, et à Rose-May Poirier, présidente du caucus, pour leur appui, leurs conseils et leur loyauté indéfectible, aussi bien dans les très bons moments que nous avons eus que pendant les périodes très difficiles que nous avons aussi connues.

Merci au premier ministre Brian Mulroney, qui m'a nommée au Sénat, pour m'avoir permis de poursuivre ma carrière politique, après y avoir consacré les 31 années précédentes, et pour m'avoir ouvert de nouvelles portes sur tous les aspects de la vie parlementaire. Comme le sénateur Cowan l'a mentionné — mais je ne ferai pas état de tout ce que nous avons réalisé au Sénat —, nous avons fait beaucoup, beaucoup de choses. Bien entendu, je regarde Dave Tkachuk, et je songe à l'enquête sur l'aéroport Pearson, qui a été un autre moment extraordinaire de notre vie au Sénat.

Pour ce qui est du temps que j'ai passé au Comité des affaires sociales, je dois dire que j'ai aimé chaque instant où j'ai siégé à ce comité, sous la direction de Michael Kirby. Ce fut un président hors du commun, qui dirigeait un excellent groupe très uni, dont certains membres sont encore ici. Je suis vraiment très fière de l'étude réalisée sur la santé mentale. Je suis également très fière du fait que notre gouvernement a tenu compte de l'avis de ce comité et a nommé Michael Kirby premier président de la Commission de la santé mentale du Canada.

Je serai toujours reconnaissante à M. Mulroney de l'occasion qu'il m'a donnée de servir au Sénat et de poursuivre ma carrière politique.

Merci au premier ministre Stephen Harper, qui m'a tendu la main après la réunification de la famille conservatrice et qui m'a donné l'occasion de toute une vie en me nommant au Cabinet comme leader du gouvernement au Sénat et en m'offrant la possibilité de siéger à plusieurs comités du Cabinet, dont ceux des priorités et de la planification, des opérations et des affaires sociales ainsi qu'au Conseil du Trésor et au sous-comité du Conseil du Trésor qui avait été chargé de l'Examen stratégique et fonctionnel.

Grâce au premier ministre Harper, j'ai eu l'honneur de servir pendant trois ans à titre de ministre d'État responsable des Aînés. Pendant cette période, nous avions considérablement renforcé l'appui au programme Nouveaux horizons pour les aînés et avions lancé la campagne de sensibilisation à la violence contre les personnes âgées.

J'ai eu le grand plaisir de voyager avec Stephen et Laureen Harper au cours de trois campagnes nationales, comme Claude l'a mentionné. Je m'en souviens. J'avais en fait acheté du vin lors de notre visite dans ce magnifique vignoble, bien que je n'aie pas l'habitude d'en boire, mais il était sûrement très bon. C'était pendant les campagnes de 2005-2006, en 2008 et en 2011. Nous avions alors pu voir de très près ce que chaque membre du caucus national conservateur sait : notre premier ministre est un homme convenable, intelligent, travailleur et plein de principes qui a prouvé, encore et encore, que notre pays est entre bonnes mains.

(0920)

Des voix : Bravo!

La sénatrice LeBreton : Il est authentique, et il sait qui il est. Il prend son travail au sérieux, et il comprend que le poste de premier ministre exige une grande dignité. Il n'a pas tendance à prononcer des discours ampoulés et à se livrer à des séances de photos bidon, indignes d'un premier ministre. Autrement dit, c'est le genre de personne que la plupart des gens, s'ils y pensent, aimeraient avoir comme premier ministre. De tous les chefs avec lesquels j'ai travaillé, il est celui auquel je m'identifie le plus. Le regretté Robert L. Stanfield avait la même force de caractère.

Honorables sénateurs, maintenant que j'ai terminé mes remerciements, je veux souligner quelques faits qui — et c'est une source de frustration, du moins pour moi — sont oubliés, peut-être délibérément. Ce que je vais dire maintenant pourrait être décrit comme la conclusion d'un discours que j'ai prononcé ici le 22 mai 2013, et dans le cadre duquel j'ai dévoilé mes sentiments sur les attitudes, les gestes et les motifs de certains sénateurs. J'ai dit à quel point l'attitude des sénateurs, qui se comportaient comme des membres d'un club fermé, m'avait importunée au fil des années. Certains de mes collègues n'ont pas apprécié mon discours, et ils me l'ont dit. De plus, certains journalistes n'ont pas compris où je voulais en venir, car ils étaient trop obnubilés par le fait que j'avais qualifié quelques-uns d'entre eux de « lèche-bottes ». Heureusement, certains ont compris ce que je voulais dire. Je songe notamment à Anthony Furey.

Honorables sénateurs, les faits sont clairs.

C'est un fait que, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les libéraux ont dominé le Sénat.

C'est un fait que, au cours de ces 70 dernières années, les conservateurs ont été majoritaires au Sénat seulement pendant un peu plus de 10 ans.

C'est un fait que, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 2006, il y avait 23 sénateurs conservateurs par comparaison à 77 sénateurs de l'opposition : 67 libéraux, 4 progressistes-conservateurs et 6 indépendants.

C'est un fait que, comme il l'avait promis lors de la campagne de 2006, le premier ministre Harper n'a nommé aucun sénateur pour remplir les postes vacants au Sénat, à deux exceptions près : Michael Fortier, en février 2006, pour donner une voix à Montréal au Cabinet, et Bert Brown, en juillet 2007, qui a été élu en Alberta.

C'est un fait que, au moment où se sont tenues les élections d'octobre 2008, il n'y avait que 20 sénateurs conservateurs dans cette enceinte et qu'ils devaient faire face à l'opposition combinée de 67 sénateurs. Il y avait 18 postes vacants.

C'est un fait que, au lendemain des élections de 2008, le premier ministre Harper a indiqué qu'il nommerait des sénateurs, le gouvernement ne pouvant plus tolérer que des sénateurs libéraux nommés par les premiers ministres libéraux précédents l'empêchent de mettre en œuvre son programme.

C'est un fait que le premier ministre a recommandé la nomination de 18 sénateurs à compter du 2 janvier 2009. À la suite de ces nominations, nous étions encore en nombre inférieur : 67 contre 38.

C'est un fait que, même si nous formons le gouvernement depuis 2006, les sénateurs libéraux ont été, pendant des années, encore majoritaires au Sénat, en particulier au sein de l'influent Comité de la régie interne.

C'est un fait que Paul Bélisle, qui a occupé le poste de greffier au Sénat pendant 15 ans, de 1994 à 2009, a été remplacé par M. Gary O'Brien en septembre 2009.

C'est un fait que les conservateurs sont devenus majoritaires au Sénat en 2010, quatre ans après avoir été élus pour former le gouvernement du Canada.

C'est un fait que, après le discours du Trône du 3 mars 2010, les conservateurs ont enfin pris le contrôle des comités, y compris le Comité de la régie interne, dont le sénateur Tkachuk a été nommé président. Ce fut un moment important dans l'histoire du Sénat.

C'est un fait que, en 2010, sous la présidence du sénateur Tkachuk, assisté par le greffier O'Brien, les procédures du Sénat ont été modifiées au nom de la responsabilité et de la transparence. Des rapports sur les dépenses des sénateurs allaient dorénavant être publiés chaque trimestre.

C'est un fait que, en janvier 2011, le premier de ces rapports trimestriels a été publié et couvrait la période de septembre à novembre 2010.

C'est un fait que, pour la toute première fois, les médias et, par conséquent, le public ont eu accès à ces renseignements.

C'est un fait que ce rapport a, au nom de la transparence et de la reddition de comptes, mis en lumière ce qui ne l'avait jamais été et a, comme nous le savons, exposé de très graves lacunes. Bien entendu, l'intérêt du public et des médias a augmenté, avec chaque rapport trimestriel, culminant par une série de nouvelles troublantes publiées dès décembre 2012.

C'est un fait que le Comité de la régie interne, sous la présidence du sénateur Tkachuk et de la vice-présidence du sénateur Furey, et avec l'aide du greffier O'Brien, a demandé à des vérificateurs externes de se pencher sur le cas des sénateurs en perdition.

C'est un fait que, après la publication du rapport des vérificateurs externes et son dépôt, le 9 mai 2013, le Comité de la régie interne a approuvé 11 changements au Règlement relatifs aux politiques de déplacement et de dépenses du Sénat. Mon temps de parole ne me permet pas de parler de tous ces changements en détail, mais ils sont bien connus.

C'est un fait que, après l'obtention de nouveaux renseignements, dans la foulée du rapport du 9 mai 2013, le cas de l'un des sénateurs a été renvoyé au Comité de la régie interne, lequel a ensuite décidé, à l'unanimité, de le renvoyer à la GRC.

C'est un fait que la population indignée a continué de réclamer une intervention et n'était pas encline à accepter que cette affaire soit réglée à l'interne au Sénat. Il était clair que seuls des experts externes seraient en mesure de tirer les choses au clair.

C'est un fait que, eu égard à ce qui précède et à d'autres éléments, et après consultation, j'ai décidé de présenter une motion au Sénat pour inviter le vérificateur général à procéder à une vérification. Le 3 juin 2013, j'ai publié un communiqué de presse pour faire part de mes intentions et j'ai déposé la motion le 4 juin 2013.

C'est un fait que le Sénat a débattu de la motion le 5 juin et l'a approuvée le 6 juin.

C'est un fait que cette décision a permis au Sénat, pour la première fois depuis des mois, de devancer la controverse et, plus important encore, de s'assurer le soutien du public.

Voici un autre fait, honorables sénateurs : le gouvernement conservateur a présenté neuf projets de loi distincts pour réformer le Sénat.

Honorables sénateurs, en terminant, je dois dire que, malgré les nombreuses améliorations qui ont été apportées entre 2010 et 2013, nous aurions dû être pleinement conscients de la nécessité de rassurer les contribuables quant au sérieux de notre démarche. Après tout, ce sont eux qui financent le Sénat. Nous savions bien que, en suivant les pratiques du passé, nous ne pourrions pas faire oublier les problèmes ou les régler à l'interne. La seule solution sérieuse, c'était de faire appel au vérificateur général.

Honorables sénateurs, il va sans dire que les dernières années ont été pour nous tous extrêmement difficiles et qu'elles nous ont causé beaucoup de stress et d'anxiété. Comme plusieurs d'entre vous le savent, j'ai été la cible plus souvent qu'à mon tour d'insultes et de coups bas. Je vous le dis en toute franchise : ce ne fut pas très agréable pour moi. Je ne pensais certainement pas que ma carrière au Sénat prendrait fin dans de telles circonstances. Cependant, il en est ainsi, et permettez-moi de citer Winston Churchill : « Vous avez des ennemis? Tant mieux. Cela signifie que vous vous êtes battu pour quelque chose au cours de votre vie. »

Honorables sénateurs, malgré les difficultés et le stress, le moment était venu de passer à l'action. Il fallait faire quelque chose. Grâce au rapport du vérificateur général, nous allons maintenant pouvoir prendre les mesures nécessaires pour optimiser la transparence et la reddition de comptes au Sénat. D'ici à ce qu'une véritable réforme du Sénat puisse se concrétiser, nous devrions appuyer nos leaders et le Président. Il faudra réformer le Sénat autant que possible à partir de l'intérieur. Je serai toujours très fière d'avoir contribué considérablement à faire en sorte que le Sénat emprunte la voie de la réforme.

Sur ce, honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention et vous fais mes adieux du Sénat.

Des voix : Bravo!

[Français]

L'expansion du commerce

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Je demande la permission à mes collègues de revenir à ma déclaration, puisque j'avais oublié mon texte dans mon bureau.

Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner cette occasion de faire un petit survol de certains sujets dont j'ai souvent parlé dans cette Chambre et sur lesquels j'aimerais vous faire réfléchir pendant vos vacances.

(0930)

[Traduction]

Les expériences passées ont montré que les accords de libre-échange ne créent pas d'excédents. Ils amplifient la situation existante, à savoir que les excédents s'accroissent, tout comme les déficits. Les échanges commerciaux avec les États-Unis constituent toujours une part importante des exportations canadiennes, mais les exportations vers ce pays ont atteint un plateau en 2001. Les accords de libre-échange créent des débouchés, mais les Canadiens n'arrivent pas à exploiter ces possibilités.

Nous avons également découvert qu'aucune preuve concrète ne permet de croire que 80 000 emplois seront créés grâce à l'Accord économique et commercial global, ou AECG. L'étude effectuée conjointement avec l'Europe n'a pas abouti au nombre de 80 000 emplois. L'étude préalable sur l'AECG a été publiée en 2008 et elle était fondée sur des données vieilles de 11 ans qui ne tenaient pas compte des bouleversements économiques des dernières années. Après avoir brossé le tableau de la situation canadienne, nous avons comparé nos politiques aux pratiques exemplaires internationales, puis nous avons dressé une liste de sept recommandations.

[Français]

C'est le sujet que je voulais laisser à votre réflexion.

[Traduction]

La première recommandation consiste à regrouper le commerce et l'industrie sous un même ministère, puisque la frontière séparant les activités commerciales nationales et internationales est en train de disparaître.

La deuxième consiste à utiliser des méthodes d'analyse modernes, connues sous le nom de chaîne de valeur mondiale. Cette méthode d'analyse permet aux Canadiens de comprendre les liens qui existent entre le plus gros producteur, le secteur des services, et le plus gros exportateur, le secteur manufacturier. Le lien en question est le contenu en services de nos produits manufacturés.

La troisième recommandation est une stratégie en matière de technologies et d'éducation. Le Canada entre dans une nouvelle ère de production qui a un contenu élevé en services et ces deux facteurs sont essentiels à sa réussite.

La quatrième recommandation concerne la création d'une agence commerciale exploitée par le secteur privé, parce que la structure incitative encouragerait les entreprises à élaborer des stratégies commerciales, au lieu d'attendre que l'appareil gouvernemental ne prenne les devants.

Cinquièmement, l'élaboration d'un solide réseau de moyennes entreprises, car ces entreprises permettent une meilleure répartition des bénéfices du commerce international.

Sixièmement, la mise en œuvre d'un programme national de coordination des politiques fédérales et provinciales, qui devra également effectuer une révision de l'ensemble du système tous les deux ans; on organisera par ailleurs un forum public biennal regroupant tous les intervenants.

Notre septième recommandation concerne l'établissement d'un processus transparent de ratification des futurs accords de libre-échange. À l'heure actuelle, le Parlement devra adopter l'AECG en l'absence de chiffres actualisés. Nous recommandons que le directeur parlementaire du budget obtienne le mandat et les ressources nécessaires pour effectuer un examen et une évaluation indépendants des accords de libre-échange auxquels le Canada entend être partie.

Honorables sénateurs, le contexte mondial a changé et les efforts que nous déployons pour nous y adapter laissent à désirer. L'avenir des exportations canadiennes se trouve dans les produits qui ont un contenu élevé en services. À l'aide de réformes judicieuses, nous pourrons réaliser cette transition. J'invite tous les sénateurs à lire notre rapport. Il est disponible en anglais et en français sur mon site web; je vous souhaite de faire des lectures intéressantes cet été.

Merci.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'environnement

Les changements climatiques

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, alors que la session tire à sa fin, tout comme le mandat du gouvernement et, je l'espère, le règne de ce gouvernement...

Le sénateur Plett : Vous rêvez en couleur.

Le sénateur Mitchell : Je n'insisterai absolument pas là-dessus. Quoi qu'il en soit, le premier ministre s'est fait remarquer sur la scène internationale lorsqu'il a déclaré, ce qui était pour le moins consternant, que, selon lui, on ne pourrait vraiment s'attaquer aux changements climatiques qu'en l'an 2100 — donc dans 85 ans. Or, il est fort intéressant de souligner que, en revanche, le Weather Channel, aux États-Unis, a lancé une campagne vigoureuse dans le but de passer du discours sur les changements climatiques à la recherche de solutions, car compte tenu des données scientifiques, le réseau reconnaît l'existence de ce phénomène.

Fait intéressant, des gens remarquables participent à la campagne, dont le général Charles Jacoby de l'armée américaine. Certains d'entre nous le connaissent parce qu'il a reçu le Comité de la défense au Montana. Il était à la tête du NORAD à l'époque, occupait le second grade le plus élevé de l'armée américaine et dirigeait le U.S. Northern Command — ce sont là des responsabilités énormes et impressionnantes. Charles Jacoby est l'un des intervenants interviewés dans le cadre de la campagne lancée par le Weather Channel. Il indique clairement que les changements climatiques représentent l'un des plus grands enjeux liés à la sécurité et à la défense que le monde devra affronter au cours des prochaines années.

Comment se fait-il qu'un général de cette envergure, qui connaît profondément le domaine de la sécurité, soutienne qu'il est urgent de réagir aux changements climatiques, alors que notre premier ministre, qui prétend se soucier des questions de défense et de sécurité nationale, affirme que nous pouvons attendre jusqu'en 2100 pour intervenir?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Le G7 a parlé d'une voix unanime dans le dossier des changements climatiques. Quant à nous, notre gouvernement a annoncé pour le Canada des cibles ambitieuses qui s'alignent sur celles des grands pays industrialisés. D'ici 2030, nous réduirons les émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport aux niveaux de 2005, ce qui correspond à une réduction de 225 mégatonnes. Nous continuerons de suivre une approche responsable et équilibrée.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : D'autres intervenants ont clairement précisé que la question ne divise plus la gauche et la droite aux États-Unis. Deux républicains très en vue, Henry Paulson, un ancien président de la banque Goldman Sachs et ancien secrétaire du trésor, et Christine Todd Whitman, ancienne administratrice de l'Environmental Protection Agency, puisque les deux ont travaillé — tenez-vous bien — sous le président George Bush, ont chacun insisté sur l'importance d'agir immédiatement.

Comment le gouvernement peut-il soutenir qu'il n'est pas si pressant d'agir, que nous devrions y repenser en 2100 et décider que, entre-temps, il ne fera rien à l'égard des changements climatiques et des émissions causées par les sables pétrolifères, alors que même des républicains américains de l'aile droite comprennent que la situation est urgente et cruciale?

[Français]

Le sénateur Carignan : J'ai entendu un discours, mais je n'ai pas entendu de question, alors je ne sais pas s'il y avait une question.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Je vous remercie; je répéterai mes propos avec plaisir. Comment est-ce possible qu'aux États-Unis, la droite, qui est formée de républicains très en vue, comprenne l'urgence de lutter contre les changements climatiques, alors que le premier ministre conservateur, lui, ne comprend pas qu'il est urgent d'intervenir dès maintenant? Il est prêt à attendre jusqu'en 2100 pour que la situation se règle, et il n'est pas prêt à prendre des mesures contre l'un des plus grands émetteurs du pays, en l'occurrence le secteur des sables pétrolifères. Comment se fait-il que les républicains aux États-Unis comprennent l'urgence de la situation, alors que les conservateurs d'ici, des gens de droite, ne comprennent pas qu'il faut agir de toute urgence?

Le sénateur Cowan : C'est très clair comme question.

Le sénateur Mitchell : C'est une question. Aurais-je dû préciser que mon intervention se terminait par un point d'interrogation?

[Français]

Le sénateur Carignan : Nous n'avons pas l'intention de nous ingérer dans la politique intérieure des États-Unis. Nous avons présenté officiellement notre cible pour le Canada, qui est connue sous le nom de Contributions prévues déterminées au niveau national dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Comme je l'ai dit, c'est une cible qui est équitable et ambitieuse, et qui s'aligne sur celle des autres grands pays industrialisés, notamment les États-Unis.

Elle reflète les circonstances du pays, notamment notre rôle à titre de chef de file mondial en production d'hydroélectricité.

(0940)

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Depuis que la Colombie-Britannique a instauré une taxe sur le carbone, c'est elle qui a l'économie la plus florissante au Canada, si je ne m'abuse.

Selon le gouvernement, est-ce une coïncidence que la Colombie-Britannique soit, sinon la première en importance, du moins l'une des économies les plus prospères au pays, malgré l'adoption d'une taxe sur le carbone, ou peut-être grâce à elle?

Le sénateur Tkachuk : Nous n'avons pas de taxe sur le carbone en Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Carignan : En fait, sénateur, nous sommes le premier gouvernement de l'histoire du Canada à avoir réduit la production de gaz à effet de serre.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015

Troisième lecture—Report du vote

L'honorable Larry W. Smith propose que le projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, le Comité des finances nationales vient de passer une semaine très chargée puisqu'il a procédé à l'étude préalable et à l'analyse détaillée du projet de loi C-59.

Puisqu'il y a déjà eu des débats à l'étape de la première et de la deuxième lecture, j'imagine que la seule chose qu'il reste à faire valoir, c'est l'importance d'aller de l'avant et d'adopter le projet de loi afin que les Canadiens qui travaillent dur puissent profiter des mesures qui y figurent. Assemblons-nous, votons pour le projet de loi à l'étape de la troisième lecture et allons de l'avant.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, le projet de loi m'apparaît important. Même si nous avons procédé par étude préalable afin d'accélérer le processus, il n'en demeure pas moins nécessaire que les sénateurs comprennent bien les mesures qui figurent dans le projet de loi C-59, le premier projet de loi d'exécution du budget de l'exercice courant.

Les honorables sénateurs se souviendront sans doute que nous avons discuté des particularités d'un projet de loi d'exécution du budget qui comprend un peu de tout. Croyez-le ou non, celui-ci comporte des mesures budgétaires, oui, mais aussi beaucoup d'autres qui n'ont rien à voir avec le budget — et qui se retrouvent toutes dans l'unique projet de loi omnibus dont nous sommes saisis.

Depuis que j'en ai parlé, il y a deux jours, à l'étape de la deuxième lecture, le projet de loi a été envoyé au comité. Nous en avons fait une analyse article par article en nous appuyant sur le travail effectué par le comité au moment de l'étude préalable, mais aussi sur le travail réalisé par cinq autres comités. Nous avons les rapports des comités; vous les avez aussi. Ils sont très importants, car ils nous aideront tous à comprendre ce que contient cette mesure législative. Ces rapports des divers comités se trouvent au Feuilleton. Il y en a six en tout, et ils touchent différents aspects du projet de loi.

Mercredi, quand j'ai pris la parole à l'étape de la deuxième lecture, je n'ai pas parlé du tout des deux premières parties. Comme je l'ai indiqué, le projet de loi compte trois parties, et la troisième comporte 20 sections. J'ai parlé de quelques-unes d'entre elles et j'ai exprimé certaines des préoccupations que les travaux de mon comité et des autres comités ont fait naître chez moi.

Je me permets de signaler, en passant, que ce n'est pas parce que je n'ai rien dit des deux premières parties qu'elles ne sont pas importantes. On ne peut pas faire des observations sur tout, honorables sénateurs.

Les deux premières parties traitent de fiscalité. La véritable préoccupation à cet égard — que je partage — a été exprimée par Aaron Wudrick, de la Fédération canadienne des contribuables, qui a témoigné devant notre comité. M. Wudrick a fait remarquer que notre code fiscal est de plus en plus complexe. C'est devenu un document extrêmement difficile à comprendre, et les gens ordinaires doivent faire appel à des comptables et à des avocats pour se retrouver dans ce recueil qui réunit de nombreuses mesures.

La Loi de l'impôt sur le revenu compte actuellement 3 283 pages, et les parties 1 et 2 la complexifieront encore plus. Je répète, honorables sénateurs : 3 283 pages. Nous devrions travailler à simplifier la législation fiscale et à rendre la Loi de l'impôt sur le revenu lisible et utilisable pour les citoyens du Canada. La mesure temporaire de l'impôt sur le revenu, établie pendant la Première Guerre mondiale, est devenue un document d'une grande importance et d'une grande complexité dont les dispositions sont censées être observées par tous les contribuables.

Ce que je voulais ajouter, honorables sénateurs, c'est qu'il y a de bonnes dispositions dans ce projet de loi. Vous n'auriez pas cru que j'étais de cet avis après avoir entendu ma déclaration de mercredi, et je n'ai pas eu de révélation depuis. J'étais déjà de cet avis, mais mon temps était limité. Cependant, honorables sénateurs, je tiens à vous dire qu'il y a de bonnes dispositions dans ce projet de loi. Les projets de loi omnibus ne sont pas souhaitables. Ils comprennent à la fois de bonnes et de mauvaises mesures. Voilà le problème. On nous demande de nous prononcer une fois pour toutes sur l'ensemble de ces dispositions, et c'est très difficile. Parfois, on s'en sort en s'abstenant. Ce projet de loi contient de bonnes dispositions, mais il y en a d'autres que je ne peux tout simplement pas accepter. Dans ce cas, que dois-je faire? M'abstenir. Je n'aime pas beaucoup cette option.

J'aimerais que nous adoptions certaines dispositions de ce projet de loi à différents moments et dans le cadre de projets de loi distincts afin que nous puissions les étudier séparément. Il n'y a aucune raison de toutes les regrouper ainsi, sauf si on veut les faire adopter plus rapidement. C'est ce qui s'est produit dans le cas du projet de loi C-58, qui portait sur le soutien aux anciens combattants. Son contenu a été intégré au projet de loi C-59. Je vais en parler brièvement plus tard, honorables sénateurs, mais c'est là un exemple d'un projet de loi distinct qui, pour des raisons de commodité, et parce qu'on voulait faire adopter ces dispositions plus rapidement sans les soumettre à un examen approfondi, a été intégré au projet de loi C-59 sous prétexte que cela allait grandement accélérer l'étude. Voilà essentiellement ce qui me préoccupe à propos des projets de loi omnibus, honorables sénateurs.

J'aimerais seulement parler de certaines dispositions de la partie 3. Je crois qu'il s'agit, dans certains cas, de bonnes mesures qui méritent qu'on s'y attarde.

La section 3 porte sur la propriété intellectuelle et sur la protection des communications entre les agents de brevets et les inventeurs, c'est-à-dire les créateurs de la propriété intellectuelle. Cette protection des communications est une pratique que les agents de brevets attendent depuis longtemps. Le gouvernement a finalement agi en ce sens. Le projet de loi propose de protéger les communications entre les agents de brevet et leurs clients de la même façon que sont protégées les communications entre les avocats et leurs clients.

(0950)

La section 4 porte sur le congé de soignant et la durée des prestations de soignant, qui passera de 8 à 28 semaines quand une personne prend congé de son emploi pour prendre soin d'un membre de sa famille malade et déclaré en phase terminale. C'est une bonne chose de prolonger le congé de soignant. Certains soutiendront toutefois que le financement nécessaire devrait provenir d'un autre programme que l'assurance-emploi. Plus on ajoute aux rôles que joue l'assurance-emploi, plus on oblige les employeurs et les employés à financer d'autres programmes, notamment pour l'emploi, et tout finit par grimper en flèche.

Est-il approprié d'utiliser l'assurance-emploi pour les prestations de soignant? L'assurance-emploi constitue fondamentalement une taxe à l'emploi, qu'il faut payer quand on a des employés. Est-ce là que devrait se trouver cette initiative importante? Je vous pose la question, une question que nous devrions toujours nous poser quand nous mettons en place de nouvelles initiatives à l'intention des Canadiens : devrait-on piger dans la caisse d'assurance-emploi, conçue pour servir d'assurance aux gens qui travaillent?

La section 5 porte sur la Loi sur le droit d'auteur. Les modifications proposées harmoniseront la loi canadienne à celle d'autres pays en ce qui concerne le droit d'auteur sur les œuvres musicales, les œuvres picturales et d'autres créations pour lesquelles la propriété intellectuelle est semblable. Dans le cas des œuvres littéraires et des œuvres non publiées, la durée du droit d'auteur est actuellement de 50 ans, et une disposition prévoit la faire passer à 70 ans. Une fois l'œuvre publiée, on ajoute 50 ans. Ainsi, si vous composez une œuvre musicale, la protection du droit d'auteur est prolongée de 50 ans une fois qu'elle est publiée.

La durée maximale est de 100 ans, que l'œuvre ait été publiée ou non. Cette mesure vise à s'assurer que les lois du Canada sont conformes aux lois en vigueur ailleurs dans le monde et qu'elles les respectent.

Grâce aux efforts déployés par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, dont le siège est à Genève, les lois relatives à la propriété intellectuelle sont beaucoup plus uniformes à l'échelle internationale que les lois relevant d'autres domaines. Il existe de nombreuses initiatives qui visent à uniformiser les lois en matière de propriété intellectuelle à l'échelle mondiale et, en adoptant ce projet de loi, le Canada ne ferait que s'adapter à une autre des tendances mondiales relatives au respect du droit d'auteur.

Plusieurs aspects des accords de libre-échange entre les pays comporteront des dispositions relatives à la propriété intellectuelle. Il est essentiel que le Canada respecte ses obligations commerciales internationales.

La section 6 modifie la Loi sur le développement des exportations. Lorsque le projet de loi sera adopté, Exportation et développement Canada n'aura plus à se limiter au financement des activités commerciales. Elle pourra aussi investir dans des activités de développement, lesquelles s'ajouteraient aux activités déjà organisées par des organismes de développement international. Ainsi, Exportation et développement Canada pourra également jouer un rôle dans ce secteur d'activité.

La section 7 porte sur le Code canadien du travail et vise à accorder aux stagiaires des protections en matière de santé et sécurité au travail. Voilà une très bonne initiative, je suis heureux qu'elle fasse partie du projet de loi.

La section 9 vise à modifier la Loi sur l'Office national de l'énergie. Je ne connais pas assez ce domaine pour savoir s'il s'agit d'une bonne initiative ou non, mais on nous a expliqué que le secteur du commerce international réclame que les licences d'exportation du gaz naturel soient d'une durée de 40 ans plutôt que de 25 ans.

À l'heure actuelle, les exportateurs de gaz naturel peuvent conclure des ententes d'une durée de 25 ans. Il semble que le marché international exige des ententes plus longues. Les intervenants à l'échelle internationale veulent conclure des ententes d'une durée de 40 ans, sans doute parce qu'ils doivent faire des investissements importants dans certains pays et qu'ils veulent assurer la sécurité de leur revenu pendant une plus longue période. Cette mesure est dans le projet de loi sur lequel vous devrez vous prononcer, et je voulais simplement m'assurer que vous le savez.

La section 10, qui a trait à la Loi sur le Parlement du Canada, crée un nouveau service de protection parlementaire, une force unifiée dirigée par la GRC.

À la section 11, les modifications à la Loi sur l'assurance-emploi visent à élargir les ententes sur le développement du marché du travail entre le gouvernement fédéral et les provinces. Davantage de personnes pourront recevoir des prestations pour continuer de travailler et pour retourner au travail. Voilà le principe.

La section 12 a trait à la Loi sur le financement des petites entreprises du Canada. La mesure vise à élargir les critères pour les prêts consentis aux petites entreprises et permettra de consentir à celles-ci des prêts pour l'achat de biens immobiliers. En raison de l'inflation et du fait que, dans bien des collectivités, le prix de biens immobiliers a beaucoup augmenté, le montant maximum pour un prêt consenti à une petite entreprise passera de 500 000 $ à 1 million de dollars, grâce à cette mesure.

La section 13 porte sur la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Il aurait été utile que ce dossier fasse l'objet d'une mesure législative distincte afin que nous puissions l'examiner de façon plus exhaustive. Un article a été publié sur ce sujet, et j'aurais aimé le porter à votre attention, honorables sénateurs, si seulement j'arrivais à le retrouver. Il s'agit d'un article rédigé par Michael Geist, qui soulève des préoccupations relativement à la Charte. Cette mesure vise à élargir la LPRPDE. Celle-ci a, pour fondement constitutionnel, une situation quelque peu complexe. Conformément aux dispositions sur les échanges commerciaux de l'Acte de l'Amérique du Nord et à la Loi constitutionnelle, le gouvernement fédéral a une certaine compétence en matière de commerce, mais les droits relatifs à la propriété et les droits civils relèvent de la compétence des provinces. Habituellement, les mesures législatives concernant la protection des renseignements personnels sont liées aux droits relatifs à la propriété et aux droits civils et, par conséquent, elles relèvent normalement de la compétence des provinces. Toutefois, comme il s'agit ici de renseignements personnels recueillis par des entreprises privées, le gouvernement fédéral a eu recours à sa compétence en matière de commerce pour faire adopter la LPRPDE. L'Agence mondiale antidopage, un organisme qui a son siège social à Montréal, estime que la loi provinciale n'est pas suffisamment rigoureuse. Des préoccupations ont été soulevées relativement à la protection des renseignements personnels, et l'Agence mondiale antidopage craint que les mesures législatives ne soient pas aussi rigoureuses à Montréal que dans d'autres régions du monde.

(1000)

On songe à déménager cette agence. La réaction du gouvernement fédéral pour combler cette lacune et renforcer la protection des renseignements personnels et des documents électroniques est d'élargir la portée de la LPRPDE, qui protège les renseignements personnels dans les documents. Vous pouvez imaginer, dans le contexte de l'antidopage, que des renseignements personnels sont recueillis auprès des athlètes et de différents organismes au pays. On veut élargir la portée de la loi pour qu'elle s'applique aussi à l'agence antidopage. Or, ce n'est pas une entité commerciale. Le gouvernement fédéral ne peut donc pas invoquer sa compétence en vertu de la Constitution. Il y a donc vraiment lieu de s'interroger sur la constitutionnalité de cette initiative.

C'est le genre de question qui est trop complexe pour se retrouver dans un projet de loi omnibus financier, mais elle s'y trouve. Il ne fait aucun doute que cette mesure sera contestée. Les tribunaux en seront saisis et le Sénat aura laissé passer l'occasion qui lui est donnée de faire un second examen objectif pour éviter que les tribunaux aient à régler ces problèmes. Ils sont nombreux. En voilà un parmi d'autres.

La section 14, qui traite des produits de la criminalité et du blanchiment d'argent, accroît le pouvoir du CANAFE de communiquer des renseignements.

Le CANAFE est un organisme qui surveille les institutions financières. Toutes les opérations bancaires y sont communiquées. Toutes les banques et les sociétés de prêt communiquent chaque opération financière au CANAFE.

Or, le CANAFE sera dorénavant autorisé à communiquer des renseignements non seulement aux ministères, comme le lui permettent les diverses dispositions législatives antiterroristes — soit à 17 ministères, comme nous l'avons vu dans le projet de loi C-51 —, mais aussi aux provinces. Dorénavant, les provinces qui ont des organismes de réglementation pourront aussi recevoir des renseignements sur les produits de la criminalité et le blanchiment d'argent du CANAFE. Ce n'est plus seulement la GRC et le SCRS, mais aussi les provinces.

Combien de renseignements personnels seront transmis aux différentes provinces? Et quelles restrictions et protections ces provinces ont-elles établies?

Tout cela se résume en bonne partie à la protection de la vie privée et des renseignements personnels. Il est question de vos comptes et de vos opérations bancaires. C'est préoccupant.

La section 15 modifie la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Elle élargit le recours aux contrôles biométriques et aux données électroniques. Les autorités recueilleront beaucoup plus de renseignements sur les gens. Cette tendance prend beaucoup d'ampleur.

La section 16 modifie la Loi sur la gestion financière des premières nations afin de favoriser l'autodétermination des Premières Nations. Il s'agit d'une très bonne initiative, mais, même si 158 nations y souscrivent déjà, nous n'avons jamais su pourquoi ces 43 modifications de nature administrative sont nécessaires. N'auraient-elles pas pu faire l'objet d'une mesure législative distincte que nous aurions pu étudier plus en profondeur?

La section 17 concerne les anciens combattants. J'en ai déjà parlé mercredi. Les initiatives prévues toucheront un très petit nombre de personnes, mais qui ira refuser l'argent que le ministère des Anciens Combattants pourrait leur verser? Quoi qu'il en soit, ces dispositions ne changent rien au fait qu'il faut procéder à un examen approfondi de la Charte des anciens combattants. Celle-ci a été élaborée par l'ombudsman des vétérans et l'ombudsman de la Défense nationale. Tous les deux ont dit qu'il s'agit d'un premier pas encourageant, mais uniquement d'un premier pas. Ils espèrent qu'elle donnera lieu à d'autres mesures.

La section 18 porte sur l'abolition du registre des armes d'épaule. J'en ai déjà beaucoup parlé au Sénat.

La section 19 modifie la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt. Elle porte sur les renseignements confidentiels que doivent transmettre les institutions bancaires et les sociétés de fiducie aux tribunaux lors de poursuites judiciaires. Ces dispositions font que les renseignements ne seront plus considérés comme « confidentiels », comme c'était le cas auparavant, mais comme « protégés ».

Il en va de même pour les agents de brevets, dont les communications seront elles aussi protégées. Deux dispositions en particulier portent sur les communications protégées. Elles visent à protéger les renseignements personnels et à donner une certaine assurance, aux personnes concernées, qu'ils ne seront pas disséminés à tout vent.

Ces initiatives, honorables sénateurs, existent bel et bien. Il faut les étudier en détail pour en comprendre l'utilité, mais elles existent.

Honorables sénateurs, grâce au premier tour d'horizon des différentes sections que j'ai fait à l'étape de la deuxième lecture et à celui que je viens de faire aujourd'hui, vous avez maintenant une bonne idée de ce que contient le projet de loi. Je vous recommande de lire les rapports produits par les six comités, qui poussent l'analyse plus loin.

Pour terminer, je prie de nouveau le Sénat et le Comité du Règlement de se pencher sur la manière dont nous étudions ces projets de loi et de voir s'il y a lieu de passer à l'étape suivante en permettant aux comités, qui étudient chacun la portion du texte pour laquelle, à notre avis, ils ont l'expertise nécessaire, d'en faire aussi l'étude article par article.

Pour le moment, chaque comité fait sa partie du boulot et soumet un rapport au Comité des finances. Je remercie les présidents et les vice-présidents des autres comités de venir nous présenter les fruits de leur travail, mais ce n'est pas nous qui avons entendu les témoins. Il est donc très difficile pour nous de faire l'étude article par article de toutes ces parties. Il serait beaucoup plus efficace que chaque comité fasse aussi l'étude article par article et en fasse ensuite rapport au Sénat.

Voilà qui fait le tour de mes observations, honorables sénateurs.

L'honorable Jane Cordy : Sénateur Day, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Day : Oui.

La sénatrice Cordy : Il y a quelques semaines, j'ai reçu à mon bureau un étudiant de l'Université d'Ottawa. Il m'a dit que lui et d'autres étudiants tentent de convaincre leurs consœurs et confrères de participer plus activement au processus politique, ainsi que de les encourager à voter et à prêter attention aux enjeux durant les campagnes électorales. Ces étudiants s'intéressent aussi aux projets de loi d'exécution du budget.

Ils en ont étudié quelques-uns. L'étudiant qui est venu me voir m'a dit que lui et les autres étudiants croyaient auparavant que ces projets de loi portaient sur des questions relatives à l'argent et aux dépenses. Quand ils les ont lus, ils ont été très surpris d'apprendre que ce n'était pas le cas. Il a dit qu'ils avaient fait une découverte, à savoir que tous les projets de loi d'exécution du budget qu'ils avaient examinés et qui avaient déjà été déposés — notamment celui de cette année — étaient, en fait, des documents de politique.

Nous savons que, chaque fois que nous recevons ce genre de projets de loi au Sénat, le leader adjoint du gouvernement confie l'étude des diverses parties du projet de loi à sept, huit ou neuf comités différents parce que le contenu des projets de loi d'exécution du budget est tellement hétéroclite.

(1010)

En fait, cette année, à ma grande surprise, le Comité de la régie interne a étudié une partie du projet de loi d'exécution du budget. Il a étudié les dispositions relatives à la sécurité. À mon avis, de telles dispositions méritent un projet de loi distinct. Or, le gouvernement les a enterrées dans un projet de loi d'exécution du budget.

Je me demande si vous avez constaté un changement dans les projets de loi d'exécution du budget depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs. Ne convenez-vous pas qu'ils ne sont plus des projets de loi financiers, mais des projets de loi politiques?

Le sénateur Day : Je vous remercie de votre question, sénatrice Cordy. Heureusement, ou peut-être pas, j'ai travaillé dans les finances nationales et je m'occupe de ce genre de questions depuis plusieurs années. Je suis donc à même d'observer des tendances. J'aimerais en mentionner deux en réponse à votre question.

La première, c'est que, depuis quelques années, le gouvernement présente deux projets de loi d'exécution du budget par an. Auparavant, nous n'en avions pas deux. Il y en avait un pour exécuter certaines dispositions des budgets.

La deuxième, c'est que les budgets eux-mêmes sont un énoncé de politique. Le parti au pouvoir peut les utiliser pour définir son orientation à long terme. Un projet de loi d'exécution du budget vise à exécuter les dispositions du plus récent budget et celles des budgets des trois, quatre ou cinq années précédentes, lorsque le gouvernement décide d'aller de l'avant avec certaines initiatives et les énoncés de politique.

C'est à cela que sert un projet de loi d'exécution du budget et les initiatives sont financées de deux façons : par le budget des dépenses ou par les dispositions de la loi d'exécution du budget.

Par ailleurs, en plus de nous être présentés en double, comme cela est le cas pratiquement tous les ans, les projets de loi d'exécution du budget sont chaque fois plus longs. Chaque année, ces projets de loi sont plus longs que ceux des années précédentes, et ce n'est pas en raison des dispositions qu'ils contiennent sur les finances et le budget.

Le titre du projet de loi se termine toujours par l'expression « d'autres mesures », comme c'est le cas dans le titre du projet de loi C-59. C'est ce dont je viens de parler ce matin. Dans la partie 3 du projet de loi se trouvent 20 mesures distinctes, et chacune pourrait, à elle seule, faire l'objet d'un débat.

Vos étudiants ont tout à fait raison. Ils voient, dans les projets de loi d'exécution du budget, des dispositions très étranges qui nous éloignent de ce dont il devrait normalement être question dans un budget, c'est-à-dire des prévisions à plus court terme et des mesures que le gouvernement veut mettre en œuvre. Il ne s'agit pas de faire des énoncés de politiques pour une période de 5, 10 ou 15 ans. Qui sait quel parti sera au pouvoir à ce moment? Qui sait quel sera l'état des finances publiques à ce moment? Beaucoup de choses peuvent changer d'ici là.

Nous ne votons même pas sur le budget, parce que cela ne nous serait pas utile. Voilà mes objections concernant le caractère omnibus des projets de loi d'exécution du budget. Je m'inquiète également beaucoup de voir qu'on nous force à faire une étude préalable de ces projets de loi et à les diviser en plusieurs parties. Je vous remercie pour votre question.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, j'ai seulement deux choses à dire. Je partage certainement les inquiétudes exprimées au sujet des projets de loi omnibus et des dispositions contenues dans le projet de loi actuel qui ne sont pas nécessairement liées ni au budget ni à l'économie, selon moi.

Cependant, je voudrais simplement signaler aux sénateurs une particularité du projet de loi omnibus actuel qui les intéressera peut-être. Le projet de loi contient une disposition qui signifie que le taux de nos cotisations au régime de pensions ne pourra plus être différent de celui des députés de la Chambre des communes. Je crois que le Bureau de l'actuaire en chef avait déjà le pouvoir d'appliquer un seul taux et qu'il est disposé à le faire.

Le gouvernement a inclus, dans le projet de loi, des dispositions modifiant la législation sur les pensions qui signifient que, malgré les grandes différences entre le Sénat et la Chambre des communes pour ce qui est de la courbe démographique et de la structure des cotisations au régime de pensions, nos cotisations et celles des députés devront désormais être les mêmes. Par conséquent, à partir de 2017, nous devrons payer environ 5 000 $ de plus chacun en cotisations, par rapport à ce que nous paierions si le calcul se faisait séparément pour les sénateurs et les députés.

Je tenais simplement à vous dire que c'est bien le cas. En fait, chacun de nous subventionne trois députés du Parlement. Ce n'est pas comme s'il fallait partager les risques. Ils utilisent une formule purement mathématique. Nous payons pendant bien plus longtemps parce que nous siégeons ici pendant plus longtemps, et nous recevons une pension pendant moins longtemps puisque nous prenons notre retraite plus tard et décédons plus tôt, selon la durée du versement des prestations. Essentiellement, chacun de nous subventionne la Chambre des communes à raison de 5 000 $ par an, et cela a été discrètement inclus dans le projet de loi. Je veux simplement que vous le sachiez. Chacun de nous contribue à hauteur de 5 000 $.

Jusqu'à présent, l'actuaire avait le pouvoir de supprimer nos pensions s'il choisissait de le faire. J'ai cru comprendre que c'était une possibilité, mais ce ne l'est plus maintenant, au cas où vous choisiriez de voter en faveur du projet de loi. Je voulais que vous le sachiez. Je suis convaincu que M. Clement ne vous l'a pas dit.

Je suis beaucoup plus préoccupé par ce qui a été négligé dans le projet de loi d'exécution du budget et par l'ensemble de l'approche économique du gouvernement. Le problème, c'est que le monde est en train de changer. Il change en ce qui concerne les combustibles fossiles. Le Canada jouissait d'une merveilleuse économie, qui reposait essentiellement sur les combustibles fossiles. On peut continuer de lutter. On peut continuer de dire que les gens ne comprennent pas. On peut continuer d'affirmer que ce n'est pas juste. Et on peut continuer de déclarer que nous ne produisons pas beaucoup de gaz à effet de serre. On peut faire tout cela.

Cependant, comme l'un des premiers ministres de l'Alberta l'a dit un jour — c'était très intéressant, et j'aimais bien Ed Stelmach, qui a beaucoup été critiqué, mais qui était en fait un visionnaire —, « Vous savez, vous pouvez choisir de vendre des complets noirs, mais, si les gens ne veulent acheter que des complets blancs, vous allez devoir commencer à en vendre des blancs. »

Je crois que, à un moment donné, il faut accepter que le monde change en ce qui concerne les combustibles fossiles et que les changements climatiques commencent à changer les sociétés et les mœurs sociales. Les vastes préoccupations de la société et les préoccupations économiques sont en train de changer. Le monde est en train de changer.

Selon moi, ce n'est pas une coïncidence que nous n'ayons pas pu obtenir l'approbation sociale pour le projet Northern Gateway. Nous n'avons pas pu obtenir l'approbation sociale pour construire un pipeline ouest-est. Nous n'avons pas pu obtenir l'approbation sociale pour le projet Keystone XL.

Si l'on tient compte de l'ensemble du développement économique qui aurait pu être stimulé par ces pipelines si nous avions agi et prouvé au reste du monde que nous luttions contre les changements climatiques, si nous avions pu profiter de la richesse qui aurait découlé d'une source d'énergie qui deviendra peut-être anachronique et transformé notre économie en une économie axée sur des énergies renouvelables et futuristes, si l'on tient compte de tout cela, on se rend bien compte des possibilités qui existent et que le monde est en train de nous doubler.

Le fait est que, si nous avions commencé à agir en ce sens — et quand nous commencerons à le faire —, nous pourrions obtenir l'acceptabilité sociale qui s'impose pour construire plusieurs de ces pipelines, qui, à leur tour, nous procureront la richesse nécessaire pour passer à une économie digne du XXIe siècle. À l'heure actuelle, selon le prix du pétrole, nous perdons probablement entre 60 et 70 milliards de dollars par année parce que ces pipelines n'existent pas. Ils auraient pu être construits il y a quatre ou cinq ans. Nous avons peut-être déjà perdu 500 milliards de dollars — un demi-billion de dollars — de retombées économiques parce que nous avons dû nous passer de ces pipelines, alors qu'ils auraient très bien pu être aménagés. Nous aurions pu utiliser ces fonds pour façonner, comme je l'ai dit, un avenir économique nouveau et différent.

Nous perdons déjà de l'argent à cause des changements climatiques. Les tempêtes sont coûteuses. En ce moment, il pleut très rarement dans ma province. Je ne sais pas si les autorités ont déclaré qu'il s'agit officiellement d'une sécheresse, mais les conditions sont exceptionnellement sèches. J'en conviens, il se produit parfois des sécheresses, mais nous savons tous très bien que les conditions climatiques sont en train de changer. Ces fluctuations climatiques nuisent à l'économie et nous font également perdre de l'argent et des emplois.

(1020)

Ce que je veux dire, ce n'est pas que nous devons dénoncer l'industrie des sables pétrolifères, à laquelle je ne m'oppose pas, car elle est formée de gens formidables. Je ne veux pas non plus dire que nous devons dénigrer le secteur énergétique, comme le pétrole et le gaz naturel. Ce secteur est exceptionnel, les gens qui en font partie sont remarquables, et il demeure un moteur de notre économie. Cependant, si le reste du monde nous tourne le dos, il faut que quelqu'un ait la vision nécessaire — idéalement, avant qu'il ne soit trop tard — pour que nous puissions prévoir et commencer à bâtir l'économie de l'avenir. Je sais que le sénateur Mockler voudrait bâtir une économie fondée sur le sirop d'érable — je lui souhaite d'ailleurs la meilleure des chances, parce que c'est un produit fantastique —, mais le monde ne tournera jamais le dos au sirop d'érable. Cependant, il se peut très bien qu'il le fasse avec les combustibles fossiles. C'est à cela que je voulais en venir.

La deuxième chose, c'est qu'il est très intéressant de constater que notre balance commerciale soit passée d'un excédent d'à peu près 20 milliards de dollars il y a une dizaine d'années, à un déficit de 65 milliards de dollars, puis de 75 milliards de dollars à l'heure actuelle. Peut-être qu'il y a eu une chute de 85 milliards à 100 milliards de dollars des échanges commerciaux en une seule année au cours des 10 dernières années. J'ignore si c'est une coïncidence, mais je pense que l'une des raisons qui expliquent cette situation, c'est que le Canada est en train de disparaître de la scène internationale. Notre réputation a été considérablement ternie par certains gestes qui ont été posés et d'autres qui ne l'ont pas été, et par notre manque de collaboration à l'échelle internationale en matière de changements climatiques. Il est devenu assez évident que le reste du monde s'en rend compte et qu'il ne s'en réjouit pas particulièrement.

Notre balance commerciale est à la baisse malgré le fait que, durant la majeure partie de la période visée, le cours du dollar chutait, ce qui aurait dû donner un coup de pouce aux exportations. La baisse de la balance commerciale a commencé même avant la chute des cours du pétrole, et ce, malgré les neuf ou dix accords commerciaux que le gouvernement avait négociés.

Malgré tous les facteurs qui auraient dû contribuer à renforcer notre balance commerciale et à la rendre excédentaire, celle-ci s'est avérée déficitaire, chutant de 85 milliards de dollars à 100 milliards de dollars. Vous vous demandez peut-être pourquoi. J'estime que c'est en partie attribuable au fait que notre réputation a été tellement mise à mal que les investisseurs du monde ne songent plus au Canada lorsqu'il s'agit d'investir. La situation au Canada les inquiète, ou bien ils ne pensent plus à nous car nous n'avons plus la réputation et le prestige dont nous jouissions auparavant.

Je fais donc les deux suggestions que voici. Premièrement, je pense qu'il faut commencer à réfléchir sérieusement à d'autres façons d'assurer la prospérité économique à l'avenir. Il nous faut le leadership d'un visionnaire pour créer une nouvelle économie, et nous devons nous servir de la richesse générée par les secteurs pétrolier et gazier traditionnels et par les sables pétrolifères pour créer la nouvelle économie du XXIe siècle et maintenir notre qualité de vie. Il faut écouter ce que disent les chefs de file du secteur énergétique comme Steve Williams, PDG de Suncor, la plus grande société pétrolière au Canada, qui a dit : « Imposez-nous une taxe sur le carbone. » Il faut écouter Preston Manning et Paul Martin, qui siègent tous deux au comité consultatif de la Commission de l'écofiscalité. Imaginez MM. Manning et Martin qui s'entendent pour dire qu'il faut taxer ce qui est indésirable plutôt que ce qui est désirable, qu'une taxe sur le carbone générerait des recettes que l'on pourrait réinvestir, comme l'a fait la Colombie-Britannique, en vue de réduire l'impôt sur le revenu et l'impôt des sociétés et ainsi stimuler l'économie.

La Colombie-Britannique, la Norvège et certains pays européens ont emprunté cette voie. En fait, selon un récent rapport de la Commission européenne, les taxes sur le carbone n'ont pas nui aux économies, mais les ont plutôt stimulées. Il faudrait seulement entrer dans l'esprit des conservateurs — espérons que nous n'aurons pas à le faire après les prochaines élections — qu'il doit sortir du passé où il est figé, et l'amener à progresser et à imaginer un nouvel avenir. Nous avons les ressources, les gens, les connaissances et la possibilité d'agir. Selon moi, il suffit de passer à l'action et ce n'est pas ce que propose le projet de loi.

L'honorable Daniel Lang : Le sénateur Mitchell accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Mitchell : Certainement.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur la construction de pipelines et son importance pour le Canada. Durant des débats sur des projets de construction aussi importants pour le pays, il faut éviter de réécrire l'histoire, selon moi. Le sénateur a souligné que c'est le gouvernement qui a tout fait pour empêcher que ce genre de projets de construction aille de l'avant et qu'il assume cette responsabilité.

Le sénateur pourrait-il indiquer à la Chambre pourquoi le Parti libéral et le NPD ont voté contre la construction du pipeline Northern Gateway, il y a quelques années? Peut-il nous dire pourquoi ils se sont prononcés contre le projet, d'autant plus que le processus d'évaluation environnementale n'était pas terminé?

Le sénateur Mitchell : Je ne sais pas exactement quand ils ont voté en ce sens et même s'ils ont voté contre. Bien entendu, je ne parle pas au nom des libéraux, puisque je ne fais plus partie de leur caucus. Vous devriez peut-être essayer de faire de même; vous y gagneriez un peu d'indépendance et vous n'auriez pas à vous soucier de ce que le cabinet du premier ministre vous somme de dire.

J'adore le sénateur Lang. C'est un homme formidable et je vais prendre sa question au sérieux.

Je veux préciser que le premier ministre n'a pas piloté ce projet de pipeline. Le premier ministre a dit qu'une fois qu'on aurait répondu aux 292 questions posées par les néo-démocrates, il serait acceptable de construire le pipeline. Il n'était pas question de voter contre le pipeline. Le premier ministre a lui-même déclaré qu'il fallait attendre les conclusions des évaluations environnementales. Nous lui en savons gré.

Ce qui est vraiment intéressant, c'est que cela soulève une autre question, en l'occurrence ce que le premier ministre pourrait faire pour favoriser la construction de pipelines. Après 10 ans au pouvoir, il n'est toujours pas parvenu à faire construire un pipeline. Il est tout à fait incroyable qu'il n'y parvienne pas, lui qui affirme que le Canada, une puissance énergétique, est extrêmement riche en ressources énergétiques. M. Harper n'est pas capable de faire construire un pipeline, et il n'est pas non plus capable de changer le Sénat. Il a fait des promesses, mais il ne les a pas tenues.

L'un des problèmes, c'est que nous ne construirons jamais de pipeline dans cette province tant que nous n'aurons pas négocié avec les Autochtones et obtenu leur appui. Qu'est-ce que le gouvernement a fait pendant qu'il tentait d'obtenir leur appui? Il n'a cessé de refuser les demandes des Autochtones, qui réclament une enquête sur les femmes portées disparues ou assassinées. Il a présenté un projet de loi sur l'éducation, et dès qu'ils ont dit qu'ils n'étaient pas d'accord — ils veulent seulement poser des questions, et non s'y opposer, et formuler des commentaires au sujet du projet de loi sur l'éducation des Autochtones —, il a tout simplement mis un terme au débat. C'est comme s'il faisait des pieds et des mains pour se mettre à dos ces gens, alors qu'il a absolument besoin de leur appui pour construire ce pipeline.

Cela n'a rien à voir avec l'issue du vote à l'autre endroit. M. Harper n'a pas insisté, et il n'est pas parvenu à faire construire un pipeline.

Je regarde le sénateur Neufeld. Il va bientôt m'invectiver, comme il l'a fait la dernière fois que j'ai fait un discours similaire; il n'est pas content. Vous savez quoi? Il faut voir la réalité en face.

Le sénateur Day : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Mitchell : Oui, bien sûr.

Le sénateur Day : Je vais donc avoir l'occasion de présenter mes excuses aux honorables sénateurs. J'ai omis de mentionner quelque chose alors que j'aurais dû le faire, car cette mesure a des répercussions directes sur le Sénat. Je parle de la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires et des modifications à celle-ci, que l'on trouve à la partie 3 de la section 8, si vous désirez consulter le tout.

J'ai deux questions, et je vais les poser en même temps. Pourriez-vous confirmer que les dispositions de cette section obligeront les parlementaires à verser 50 p. 100 du coût total des prestations de service d'ici janvier de l'année prochaine? Le partage du coût des prestations est le but visé.

Ma deuxième question porte sur ce que vous avez dit au sujet des répercussions de cette mesure. Vous avez notamment parlé de l'actuaire en chef et des coûts que chaque sénateur devra assumer. Je n'ai pu trouver aucun fondement à cette mesure ni voir en quoi elle est nécessaire. Pourriez-vous nous fournir quelques données générales qui nous aideraient à y voir clair?

Le sénateur Mitchell : Certainement.

Son Honneur le Président : Sénateur Mitchell, votre temps de parole est écoulé. Les sénateurs accordent-ils cinq minutes de plus au sénateur?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Mitchell : Merci.

C'est une excellente question. Il existe de l'information à ce sujet. Un sous-comité s'est penché sur la question.

(1030)

En fait, un ancien Président a adressé une lettre aux sénateurs du côté du gouvernement pour leur suggérer de scinder les deux régimes de pension, car rien ne justifie que le nôtre soit fusionné avec celui des députés. Apparemment, la réponse a été très catégorique, pour ainsi dire, indiquant que ce n'était pas acceptable. Pour cette raison, je crois que ce n'est pas une coïncidence si cette mesure a fini dans le projet de loi.

Pensons au jeune sénateur qui occupera sa fonction pendant 10 ou 20 ans. Il lui en coûtera 50 000 $, qu'il ne devrait pas lui revenir de payer, pour subventionner les pensions des députés, d'autant plus que cette subvention pourrait même augmenter étant donné qu'il y aura 30 députés de plus.

Loin de moi l'idée de soutenir que nous ne devrions pas verser 50 p. 100 de la valeur de notre pension. Nous devrions absolument le faire. Cela va de soi. Nous devons payer notre juste part. La proportion passera d'environ 9 p. 100 à 50 p. 100. C'est tout à fait la chose à faire. Tout ce que je dis, c'est que je ne suis pas convaincu que nous devrions aider les députés à payer leurs 50 p. 100.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

L'honorable Wilfred P. Moore : Je veux que nous poursuivions le débat.

Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui à propos du projet de loi C-59, Loi sur le plan d'action économique de 2015, et plus précisément de la section 18, qui s'intitule Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule. Cette section du projet de loi C-59 ne vise rien de moins qu'à court-circuiter la commissaire à l'information du Canada, qui a émis des réserves, et elle constitue une atteinte flagrante au Parlement.

J'aimerais résumer brièvement les réserves exprimées au Parlement par la commissaire à l'information, Mme Suzanne Legault, dans un rapport déposé en mai 2015. Voici les faits.

Le 25 octobre 2011, le projet de loi C-19, Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule, a été déposé au Parlement. Le 27 mars 2012, une personne a soumis une demande d'accès à l'information afin d'obtenir une copie des données et du registre des armes d'épaule. Cette demande a été faite le 27 mars 2012.

Le 13 avril 2012, la commissaire à l'information a écrit à l'honorable Vic Toews, qui était alors ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, pour demander qu'on ne détruise aucun dossier faisant l'objet d'une demande d'accès à l'information tant qu'une réponse n'aurait pas été fournie conformément à la Loi sur l'accès à l'information. Je vous rappelle que la GRC relève du ministère en question, et qu'elle a pour devise « Maintiens le droit ».

Quand il a répondu le 2 mai 2012, M. Toews a affirmé à la commissaire : « [...] la GRC respectera le droit d'accès décrit à l'article 4 de la Loi et ses obligations en la matière. »

Il convient de noter ce que dit l'article 4 de la loi :

4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l'accès aux documents relevant d'une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :

a) les citoyens canadiens;

b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

(2) Le gouverneur en conseil peut, par décret, étendre, conditionnellement ou non, le droit d'accès visé au paragraphe (1) à des personnes autres que celles qui y sont mentionnées.

(2.1) Le responsable de l'institution fédérale [...]

En l'occurrence, il s'agit du ministre Toews ou du directeur du programme canadien des armes d'épaule, M. Robert MacKinnon.

[...] fait tous les efforts raisonnables, sans égard à l'identité de la personne qui fait ou s'apprête à faire une demande, pour lui prêter toute l'assistance indiquée, donner suite à sa demande de façon précise et complète et, sous réserve des règlements, lui communiquer le document en temps utile sur le support demandé.

(3) Pour l'application de la présente loi, les documents qu'il est possible de préparer à partir d'un document informatisé relevant d'une institution fédérale sont eux-mêmes considérés comme relevant de celle-ci, même s'ils n'existent pas en tant que tels au moment où ils font l'objet d'une demande de communication. La présente disposition ne vaut que sous réserve des restrictions réglementaires éventuellement applicables à la possibilité de préparer les documents et que si l'institution a normalement à sa disposition le matériel, le logiciel et les compétences techniques nécessaires à la préparation.

Il est donc clair que le demandeur a parfaitement le droit de consulter cette information. La commissaire à l'information du Canada l'a indiqué par écrit au ministre responsable de la GRC, et celui-ci a accepté de transmettre l'information demandée.

Puis, entre le 25 et le 29 octobre 2012, la GRC, qui a pour mandat de défendre la loi, a détruit tous les documents relatifs à des armes à feu sans restriction. Seuls les dossiers relatifs à la province de Québec ont été épargnés.

Le 13 janvier 2013, la GRC a répondu à la demande d'accès à l'information présentée le 27 mars 2012. Le 1er février 2013, la commissaire à l'information a reçu une plainte au sujet de la réponse fournie par la GRC. Voici un extrait de la plainte qui a été déposée :

1. Les renseignements fournis sont incomplets [...]

2. La GRC n'a pas justifié la réponse incomplète.

3. En détruisant les documents correspondant aux demandes, la GRC a fait obstacle au droit d'accès du plaignant [...]

La commissaire Legault a lancé une enquête qui a permis de conclure que la réponse fournie par la GRC était bel et bien incomplète. La commissaire a fait trois recommandations, qui ont été présentées au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile le 26 mars 2015. Steven Blaney est le ministre à l'heure actuelle. Parmi ces recommandations, mentionnons le traitement des renseignements liés à l'enregistrement d'armes sans restriction au Québec et une nouvelle réponse au demandeur, ainsi que le traitement des renseignements toujours dans le Système canadien d'information relativement aux armes à feu et leur inclusion dans une nouvelle réponse au demandeur. De plus, la commissaire a demandé au ministre de conserver les dossiers jusqu'à ce qu'une enquête soit menée et qu'une procédure connexe soit entamée.

La commissaire a aussi conclu que la GRC avait détruit des dossiers qui avaient été demandés, sachant fort bien que ces dossiers étaient visés au paragraphe 4(1) de la loi, qui garantit le droit d'accès au demandeur. La commissaire à l'information a communiqué ses conclusions au procureur général et a intenté une poursuite devant la Cour fédérale pour défendre les droits du demandeur.

Le 7 mai de cette année, le projet de loi C-59 a été présenté à la Chambre des communes. La section 18 de ce projet de loi vise à modifier la Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule afin que la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s'appliquent pas à la destruction rétroactive des dossiers du registre des armes à feu au 25 octobre 2011.

La section 18 prévoit également que la Couronne, ses préposés, le commissaire aux armes à feu, les contrôleurs des armes à feu, les institutions fédérales, les responsables d'institution fédérale et les personnes qui agissent pour le compte de l'un ou l'autre d'entre eux ou sous leur autorité bénéficient de l'immunité pour tout acte ou omission commis, pendant la période commençant le 25 octobre 2011 et se terminant le jour de l'entrée en vigueur du nouveau paragraphe concernant l'application de la Loi sur l'accès à l'information ou la Loi sur la protection des renseignements personnels relativement à tout registre ou fichier. Ces modifications visent à rétablir l'intention initiale de la loi d'abolir le registre des armes d'épaule.

Honorables sénateurs, après tout le temps que j'ai passé sur la Colline, je n'ai jamais pensé qu'on me demanderait un jour d'appuyer un projet de loi qui, essentiellement, offre sur un plateau d'argent un moyen de protéger des gens qui pourraient avoir enfreint la loi. Ce projet de loi propose essentiellement que le Parlement du Canada promulgue une loi qui permettrait, de façon rétroactive, de faire comme si un acte qui pourrait s'avérer criminel n'avait jamais eu lieu.

La commissaire à l'information affirme que la section 18 aura pour effet « de répudier le droit d'accès du plaignant, de répudier ses recours devant les tribunaux et de dégager la responsabilité potentielle de la Couronne. »

(1040)

Lorsque vous lisez la section 18 et que vous y réfléchissez, vous ne pouvez pas vous empêcher de songer à l'expression « aider et encourager ». À mon avis, on nous demande à nous, législateurs, d'aider et d'encourager cette violation de la loi. Par conséquent, je n'ai pas l'intention d'appuyer la mesure législative. Il s'agit d'un piétinement de nos droits. C'est véritablement une abdication de nos responsabilités. Nous avons prêté serment au Sénat pour assurer le respect de la loi, et non la dénaturer ou se dispenser de l'appliquer lorsque c'est plus commode pour nous.

J'ai consulté le Guide parlementaire à la partie intitulée « Comment un projet de loi devient une loi ». Permettez-moi de citer les passages pertinents du guide :

Quand un projet de loi a franchi l'étape de la troisième lecture, il est envoyé au Sénat où il entame un processus similaire à celui qu'il a suivi à la Chambre des communes. Pour recevoir la sanction royale et devenir loi, un projet de loi doit être approuvé sous la même forme par les deux Chambres.

En fait, une charte accompagne le texte pour étayer cette assertion. Ce document dit qu'une fois qu'un projet de loi a été adopté par les deux Chambres et qu'il a reçu la sanction royale, il devient loi. Je n'ai lu nulle part qu'un projet de loi devenait loi lorsqu'il était déposé au Parlement. Je sais que ce n'est pas le cas, parce j'ai présenté quelques projets de loi au Sénat et qu'ils ne sont pas devenus des lois. Ils ont été déposés, mais maintenant on veut changer toute la façon...

Le sénateur Mitchell : C'est tout simplement une question de choix du moment.

Le sénateur Moore : ...de faire en sorte qu'un projet de loi devienne loi. Quelques étapes clés du processus sont occultées, y compris celle qui est liée à Sa Majesté.

Un projet de loi ne devient pas loi au moment où il est déposé. Si c'était le cas, une grande confusion régnerait au Canada et il y aurait probablement beaucoup plus d'avocats, ce qui, selon moi, ne serait pas une mauvaise chose. C'est pour cette raison qu'il existe autant d'étapes avant l'adoption d'un projet de loi.

Le projet de loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule a été déposé le 25 octobre 2011. Il est devenu loi le 5 avril 2012. Lorsque je siégeais au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, nous avons toujours jugé que les mesures fiscales avec effet rétroactif n'étaient pas une bonne idée. Les gouvernements ne décident pas d'aller chercher plus de recettes fiscales en augmentant rétroactivement les impôts. C'est une question de stabilité et de confiance en notre système.

Le fait de modifier rétroactivement la date d'entrée en vigueur d'un projet de loi pour donner l'impression que les lois sur l'accès à l'information n'ont pas été violées ne favorise pas la confiance en notre système. C'est là une autre mesure qui va contribuer à miner la confiance des Canadiens dans leur système politique.

Cette mesure législative est particulièrement troublante. Il faut se demander à quoi rime ce précédent. Quelles lois peuvent ou ne peuvent pas être modifiées rétroactivement pour satisfaire aux caprices du gouvernement en place? Demandez-vous jusqu'où un gouvernement pourrait être tenté d'aller pour se mettre à l'abri de ses propres lois? Nous savons tous que le registre des armes d'épaule a toujours été un sujet litigieux. Le registre a servi d'outil politique pour recueillir des fonds et solliciter un appui politique. Mercredi, soit avant-hier, à l'autre endroit, le premier ministre n'a pas fait allusion à la primauté du droit lorsqu'il a répondu à des questions au sujet des mesures prises par la GRC pour détruire le registre, en dépit du fait que les lois prévoyaient la préservation des documents renfermés dans le registre. Il a plutôt parlé des pêcheurs et des agriculteurs innocents qui font l'objet d'attaques par les partis de l'opposition, ce qui est un argument pour le moins fallacieux.

La loi ordonnant la destruction du registre a été adoptée. La destruction des documents deviendrait légale à partir du moment où les questions juridiques en suspens seraient résolues. Or, ces questions n'étaient pas réglées et elles ne le sont toujours pas. La destruction des documents est contraire à la loi, c'est-à-dire la loi adoptée par le gouvernement conservateur, mais non respectée par celui-ci.

Le caractère rétroactif de la section 18 n'est pas la seule préoccupation ici. Le lien entre les dispositions rétroactives et les dispositions sur l'exonération de responsabilité relativement à la destruction des documents et à la violation des lois sur l'accès à l'information est pour le moins troublant.

En deux mots, il semble que la commissaire à l'information ait été trompée à toutes les étapes. Mme Legault a demandé au ministre de la Sécurité publique de lui donner l'assurance écrite que le registre d'information ne serait pas détruit avant la fin de son enquête, et M. Toews lui a donné cette assurance le 2 mai 2012.

La sénatrice Ringuette : Parlez-vous de Vic Toews le directeur?

Le sénateur Moore : Je parle de Vic Toews, qui assumait alors les fonctions de ministre.

Il a été très clair. Sa réponse était directe. Il n'a pas fait allusion à quelque condition que ce soit. Il a dit que le registre serait maintenu. Nous allons suivre l'article 4, que je viens de lire.

Il est également intéressant de noter que les dossiers qui concernent la province de Québec ont été préservés. Comme l'a mentionné le sénateur Day l'autre jour, toute cette information se trouve dans l'affidavit de M. Neil O'Brien, qui fait partie des documents de la Cour fédérale. On y mentionne que les documents liés à la province de Québec sont visés par une ordonnance de la Cour supérieure du Québec qui interdit leur destruction.

Nous savons donc qu'un ministre fédéral a dit que les documents ne seraient pas détruits et nous savons aussi qu'une ordonnance de la Cour supérieure du Québec stipulait que ces documents ne devaient pas être détruits. Pourtant, la parole du ministre fédéral n'a pas été respectée.

L'échange de correspondance entre les personnes qui ont joué un rôle dans ce dossier, qui ont reçu l'ordre de détruire les documents, est incroyable. Le 29 mai 2012, M. Pierre Perron, commissaire adjoint du Programme canadien des armes à feu, a envoyé le courriel suivant à M. Robert MacKinnon, directeur du programme :

À titre d'information, je subis beaucoup de pressions de la part du cabinet du ministre pour que l'on détruise les documents plus rapidement.

Comme on pouvait s'y attendre, l'accélération de la phase 2 a soulevé des questions.

Puis-je avoir plus de temps?

Son Honneur le Président : Le Sénat accorde-t-il cinq minutes de plus au sénateur Moore?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Moore : Je vous remercie, chers collègues.

Bref, les responsables du programme ont fait le contraire de ce que le ministre s'était engagé à faire par écrit. Ils ne pouvaient pas ne pas le savoir.

J'ai rencontré Vic Toews à quelques reprises au fil des années. Il a notamment comparu devant les comités auxquels je siégeais, et il a toujours agi comme un homme honnête et franc. Je ne sais pas... était-il au courant? Après tout, ce sont les plus hauts dirigeants du programme qui en ont détruit les données.

J'ai lu le commentaire — absolument déplorable — du gestionnaire du Programme canadien des armes à feu, M. Jacques Laporte :

Entre vous et moi, il y a quelqu'un au cabinet du premier ministre qui va nous devoir toute une tournée s'il faut que ça se fasse d'ici la fin août.

Je me sers tout de suite un premier verre, même si je ne bois pas vraiment.

Le mépris et l'arrogance que cela laisse transparaître, à l'encontre des engagements pris par le ministre — j'ai du mal à croire qu'on puisse même être là à en discuter.

Le ministre actuel affirme que la section 18 vise simplement à éliminer une échappatoire. Le problème est bien plus important que cela. La commissaire à l'information a parlé d'une tentative pour créer un trou noir.

Comme je le disais, la mission première de la GRC est de faire appliquer la loi. Si vous voulez mon avis, elle a failli à sa mission. Au contraire, elle a bafoué les droits du demandeur et de la commissaire à l'information du Canada.

Chers collègues, il nous appartient de faire appliquer la loi. Il paraît que la commissaire contestera la constitutionnalité de cette section si jamais elle entre en vigueur. Elle craint que les documents qui restent, en l'occurrence le registre québécois, soient alors détruits. Cela témoigne du piètre état de notre démocratie que la commissaire demande d'urgence une ordonnance d'un tribunal pour empêcher que cela se produise.

En passant, la Police provinciale de l'Ontario a été saisie du dossier par le procureur.

Le lundi 15 juin marquait le 800e anniversaire de la création de la Magna Carta. Ce document est à la base des démocraties modernes. Cet anniversaire nous rappelle pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.

(1050)

L'historienne Carolyn Harris nous l'explique ainsi :

La Magna Carta a établi que personne, pas même le roi, ne peut se soustraire à la loi. Cette idée a permis la création de la monarchie constitutionnelle.

Lorsque la Constitution a été rapatriée en 1982, les droits juridiques inscrits dans la Magna Carta ont été intégrés à la Charte canadienne des droits et libertés à titre de principes de justice fondamentale.

Honorables sénateurs, la tentative visant à modifier rétrospectivement les règles afin qu'une mesure paraisse légale va à l'encontre de cette notion. On fait ainsi un usage abusif du système judiciaire. Cette façon de procéder porte atteinte à la primauté du droit, principe fondamental d'une démocratie mature et du fonctionnement de notre régime civil. Se servir ainsi du Parlement, c'est l'entacher. Pour les législateurs, rien n'est plus important que de défendre la loi et de protéger les principes qui sous-tendent notre démocratie. Je vous demande de tenir compte de ces considérations lorsque vous considérerez l'amendement que je propose.

Motion d'amendement

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui de l'honorable sénatrice Dyck :

Que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, aux pages 135 et 136, par suppression de la section 18.

Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Moore propose, avec l'appui de l'honorable sénatrice Dyck :

Que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, aux pages 135 et 136, par suppression de la section 18.

Nous reprenons le débat.

L'honorable George Baker : Monsieur le Président, il est dommage que cette motion soit proposée tout juste avant la fin de la présente législature. J'espère que le leader du gouvernement au Sénat n'oubliera pas que, avant de terminer, nous voulons nous prononcer sur le projet de loi C-586, Loi instituant des réformes.

Permettez-moi de dire quelques mots au sujet de l'amendement apporté. Il s'agit encore une fois d'un moment historique pour le Sénat parce que la Chambre des communes avait complètement omis de corriger cette erreur dans son analyse du projet de loi.

Cela me rappelle les neuf pages qu'ils avaient omis d'étudier dans un projet de loi omnibus complexe. Le NPD était venu nous voir, depuis l'autre bout du couloir, pour nous prier de remédier à une erreur dans l'étude du projet de loi, avec ses 550 pages de modifications de la Loi de l'impôt sur le revenu, parce que les députés ne s'étaient pas penchés sur les neuf pages en question, qui apportaient d'importants changements liés à l'industrie cinématographique canadienne. Vous vous en souvenez? Le NPD est venu parler à plusieurs d'entre nous en public pour nous demander de faire quelque chose, et le Sénat s'est exécuté. Il n'y a pas si longtemps de cela. Le gouvernement actuel était au pouvoir. C'est l'un des premiers gros projets de loi qu'il a présentés, et le NPD avait à l'époque fait l'éloge du Sénat pour être intervenu.

Je pense qu'il est important que des sénateurs aient soulevé le problème dont il est question maintenant. Je tiens à féliciter le sénateur Smith, celui qui est un ancien athlète professionnel et conseiller juridique d'entreprise, et non l'autre sénateur Smith. Je veux féliciter le sénateur Smith, de la division sénatoriale de Saurel — est-ce bien le nom de la division? — pour son travail au sein de ce comité. Il a accompli un travail formidable.

Le sénateur Day a, lui aussi, accompli un travail extraordinaire, en tant que président du comité, tout comme le sénateur Moore, qui a soulevé le problème.

Je tiens à souligner que c'est un cas extraordinaire. Je n'ai jamais vu un projet de loi dont une section entière vise à modifier rétroactivement l'application de la loi dans le but de blanchir des fonctionnaires, la police et divers ministères ou organismes fédéraux, notamment pour les soustraire à la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur l'accès à l'information, et ainsi de suite.

La section en entier vise à modifier rétroactivement une mesure législative afin que la non-application de certaines lois débute en 2011, au moment où cette mesure législative a été déposée, au lieu d'en 2012. Imaginez, la date à laquelle le ministre a présenté le projet de loi, à l'étape de la première lecture, serait celle à laquelle les nouvelles dispositions commenceraient rétroactivement à s'appliquer, de manière à blanchir tous ceux qui ont violé des dispositions de la loi dans l'intervalle d'un an.

Cette section prévoit que le commissaire aux armes à feu, la Couronne, tous les fonctionnaires, ainsi que tous les dirigeants des institutions gouvernementales, bénéficieront d'une immunité et ne seront pas soumis à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels en raison de l'application rétroactive de ces lois. C'est assez extraordinaire.

Comme le sénateur Moore l'a dit, notre jurisprudence établit clairement que l'application rétroactive est une grave erreur. Je viens de faire allusion à l'arrêt Whaling c. Canada , dans 2014 Carswell B.C. 690, où la Cour suprême du Canada, au paragraphe 55, dit ceci :

Outre la présomption de non-rétroactivité en common law, certains principes de non-rétroactivité en matière criminelle [...] Nous avons ici un cas où ces principes ne sont pas seulement appliqués aux lois en matière criminelle, mais aussi à celles en matière civile.

Pour ce qui est des tribunaux, voici ce qu'un tribunal de la Colombie-Britannique avait à dire sur ce sujet, au paragraphe 67 dans 2005 Carswell B.C., 3869 :

Les motifs donnés pour la décision [...] montrent clairement que le tribunal était préoccupé par l'effet rétroactif de la politique. Il a peut-être jugé qu'une interprétation forcée de la politique était requise pour ne pas porter atteinte aux présomptions de la common law en matière d'application rétroactive ou rétrospective. Quant à savoir si le tribunal a bien interprété la situation, il faut se pencher sur ces principes de la common law [...]

La Cour suprême du Canada et tous les tribunaux canadiens se sont prononcés contre l'application rétroactive des lois, tant dans le droit criminel que dans le droit civil. Il n'est pas question ici d'application rétrospective, mais de rétroactivité. C'est ce dernier terme qu'on trouve constamment dans la section 18.

Cette rétroactivité s'applique aux articles 12 et 13 de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada. Je veux citer le paragraphe 261 dans 2014 Carswell Ontario, 1075, qui dit ceci :

Conformément aux paragraphes 12(1) et 13(1) de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, le Bibliothécaire et Archiviste du Canada estime que tous les documents [...] de l'Annexe [...] ont une importance historique ou archivistique.

Cet article de la loi est exclu.

Dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, 2006 Carswell NAT, 903, Cour suprême du Canada, Compagnie H.J. Heinz du Canada Ltée. c. Canada (Procureur général), toute une section, le paragraphe 73, explique que le droit à la vie privée des tiers est protégé par la Loi sur la protection des renseignements personnels, plus particulièrement par l'article 29, qui protège les renseignements personnels des tiers, lesquels sont exclus de cette application rétroactive de la loi.

Ensuite, il y a l'article qui concerne la responsabilité, où il est dit qu'on ne peut pas intenter des poursuites contre les agents de police et les autres personnes en position d'autorité dans ce cas ou des cas qui en découlent.

Je vais citer la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan. Le paragraphe 82 de la décision 2003 Carswell SASK, 692 y fait référence. La Cour supérieure de la Saskatchewan cite le document intitulé Annual Review of Civil Litigation (Toronto : Carswell 2001). La conclusion du juge Todd L. Archibald, de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, se trouve aux pages 38 et 39. C'est un court paragraphe qui parle de l'évolution de la législation au Canada pour ne pas excuser les gestes intentionnels posés par la police et les fonctionnaires ministériels.

(1100)

Je cite :

Il ne fait aucun doute que les agents de police et les autres fonctionnaires sont exposés à une responsabilité accrue. Les tribunaux permettent aux accusés d'intenter des poursuites contre la police, dans des cas non seulement de poursuites abusives, mais aussi d'enquêtes négligentes et de violations de la Charte.

La dernière phrase du paragraphe se lit comme suit :

Cependant, la nouvelle jurisprudence s'éloigne de cette approche et s'oriente plutôt vers une responsabilité ayant une portée plus large [...]

À quoi avons-nous donc affaire ici? Il s'agit d'un article complet d'un projet de loi qui pardonne une chose qui, selon nos propres tribunaux, ne devrait pas être pardonnée en vertu de la loi, car il s'agit d'une question très grave. Nous pouvons remercier le comité du Sénat d'avoir soulevé cette question officiellement. L'une des fonctions importantes du Sénat consiste à procéder à un second examen objectif des projets de loi afin d'y déceler des failles qui auraient pu échapper à la Chambre des communes. Si l'autre endroit s'était aperçu du problème, il aurait enlevé cet article du projet de loi. Je dis bien s'il s'en était aperçu.

Ainsi, cette situation servira à mettre en garde la Chambre des communes : elle doit étudier attentivement toutes les dispositions d'un projet de loi et éviter qu'il appartienne au Sénat, alors que la législature tire à sa fin et que les sénateurs ont d'autres tâches importantes à effectuer, de devoir attirer l'attention de la Chambre des communes sur le fait qu'elle a commis une erreur dans l'article en question. Il est évident qu'elle a commis une erreur; c'est ce que nous indique la jurisprudence et c'est ce qu'ont souligné à plusieurs reprises les tribunaux et les tribunaux quasi judiciaires canadiens.

Comme le sénateur Moore l'a mentionné, dans les poursuites au civil et au criminel, cet article est contraire à la loi. Je le félicite d'avoir soulevé cet aspect, qui figure maintenant au compte rendu, montrant ainsi que le Sénat a souligné que cet article aurait dû être corrigé à la Chambre des communes.

L'honorable Pierrette Ringuette : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Baker : Tout à fait.

La sénatrice Ringuette : Sénateur Baker, cela fait des années que vous travaillez sur la Colline du Parlement; pendant cette période, vous avez aussi été ministre. Avant d'être déposés à la Chambre des communes, les projets de loi d'initiative ministérielle ne doivent-ils pas faire l'objet d'un examen exhaustif afin de déterminer leur validité constitutionnelle et de vérifier s'ils sont conformes aux décisions rendues par les tribunaux? Pourrait-il nous expliquer ce qu'il en est dans le cas qui nous occupe?

Le sénateur Baker : Vous avez tout à fait raison. Toutes les mesures législatives présentées par le gouvernement font l'objet d'un examen afin de déterminer leur validité constitutionnelle.

Cela dit, j'aimerais attirer votre attention sur une poursuite qui est devant la Cour supérieure de l'Ontario. Un fonctionnaire du ministère de la Justice, un avocat qui devait déterminer la validité constitutionnelle des projets de loi d'initiative ministérielle et parlementaire, a intenté une poursuite contre le ministère de la Justice parce que celui-ci a modifié la politique qui existait depuis toujours et déterminé que maintenant, il n'est plus nécessaire d'examiner de façon aussi exhaustive la constitutionnalité des projets de loi. C'est une affaire intéressante, dont la Cour supérieure de l'Ontario est saisie.

Je crois que ce qui est important ici, c'est qu'une erreur a été commise et que cette disposition sera contestée. Je ne sais pas ce qu'ont dit les témoins au comité, mais je suppose que quelqu'un a dû souligner que cette disposition serait un jour contestée. Est-ce exact, monsieur le président? Oui. Et elle sera contestée.

Cela dit, je pense que cette erreur aurait dû être rattrapée par la Chambre des communes et corrigée. Ce sont donc les sénateurs qui doivent la porter à l'attention du gouvernement du Canada et dire qu'il ne devrait plus agir de cette façon. Oui, nous devons exercer un second examen objectif, mais notre rôle ne consiste pas à rejeter des projets de loi d'initiative ministérielle. Ce n'est pas pour cela que nous avons été nommés ici. Ce n'est pas le rôle que le Sénat doit jouer, et nous ne devrions pas être tenus de nous engager dans cette voie, mais malheureusement, compte tenu de la négligence dont on a fait preuve en ce qui concerne cet article, qui s'applique rétroactivement au droit civil et criminel, il est clair pour tous ceux qui le consultent que c'est ce qu'il convient de faire.

Je félicite encore le sénateur Moore et le sénateur Day d'avoir porté cette question à notre attention.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Sénateur Baker, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Baker : Oui.

La sénatrice Jaffer : Sénateur Baker, vous êtes considéré comme le doyen du Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous nous en remettons tous à vous en ce qui a trait à plusieurs des projets de loi qui nous sont soumis.

L'une des choses que nous demandons toujours au ministre ou aux fonctionnaires lorsqu'ils comparaissent devant notre comité, c'est si la constitutionnalité du projet de loi a fait l'objet d'un examen et s'il est susceptible de faire l'objet d'une contestation en vertu de la Charte des droits et libertés. Je n'ai jamais entendu un fonctionnaire dire : « Non, le projet de loi n'a pas fait l'objet d'un tel examen. »

Pourtant, que signifie cette affaire qui est devant les tribunaux à Toronto? Quelle confiance avez-vous dans les fonctionnaires lorsqu'ils disent : « Oui, ce projet de loi résistera à une contestation en vertu de la Charte »?

Le sénateur Baker : Je crois qu'il faut tenir compte de l'ampleur de l'examen effectué. En fonction de ce que je sais et d'après les conversations que j'ai eues avec les fonctionnaires et d'autres personnes, il y a deux façons d'examiner la constitutionnalité d'un projet de loi et de le renvoyer à un comité du Cabinet. Il y a le document d'une seule page et l'analyse complète. Le premier est rédigé pour tous les projets de loi d'initiative parlementaire. On procède à l'analyse complète dans le cas des projets de loi ministériels. Il me semble cependant que, dans ce cas particulier, on a passé outre à ce processus, ou alors l'information transmise n'était pas exacte.

Vous avez parlé du temps que j'ai passé sur la Colline du Parlement. Par l'âge, je suis le doyen de cette assemblée, et je suis parlementaire depuis 42 ans. Avant cela, j'étais légiste d'une assemblée législative provinciale. À cette époque, nous étions chargés de rédiger des projets de loi. Une partie de mon travail, comme légiste de la Chambre d'assemblée de Terre-Neuve-et-Labrador, consistait à participer activement à l'élaboration des textes législatifs.

Dans ce cas particulier, ce qui arrive met en évidence la valeur du Sénat. Je ne peux pas m'empêcher de le signaler. Dans ce cas, la valeur de cette observation des sénateurs, attirant l'attention de la Chambre des communes sur la possibilité d'une future contestation constitutionnelle, est indubitable. La Chambre aurait dû se rendre compte du problème. Il faudra modifier la politique pour éviter la répétition d'erreurs de ce genre. Il semble évident qu'on ne peut pas imposer l'application rétroactive d'une loi. On ne peut pas se servir du mot « rétroactif » un an avant l'entrée en vigueur d'un projet de loi. Cela ne se fait pas.

La Cour suprême du Canada a rendu une décision dans l'affaire Kingstreet, que je crois avoir déjà mentionnée, établissant qu'une loi pouvait s'appliquer à titre rétroactif lorsque l'intérêt national est en jeu, comme dans le cas d'une province dans une affaire de fiscalité.

Je remarque que mon temps de parole est écoulé. Je vous remercie de votre question.

La sénatrice Ringuette : Je prends la parole dans le cadre du débat. Je voudrais certainement remercier mes collègues, les sénateurs Day, Moore et Baker, d'avoir fait entendre la voix de la raison au Sénat au sujet du projet de loi C-59.

J'aimerais porter à l'attention de mes collègues deux autres articles du projet de loi qui, en ce qui me concerne, sont inacceptables. L'un d'entre eux est sûrement inconstitutionnel. Je parle des articles 19 et 20.

Plus tard, le sénateur Baker, qui semble étudier régulièrement toutes les décisions fédérales et les arrêts de la Cour suprême, pourra peut-être confirmer le fait que je n'ai jamais vu autant de mesures législatives ministérielles contestées devant les tribunaux parce qu'elles ne respectent pas la lettre de la loi et ne sont pas conformes à la Constitution et à la Charte de notre pays.

(1110)

Cela m'amène à parler de l'article 20. Voilà maintenant plus d'un an que le président du Conseil du Trésor chercher à retirer leurs congés et leurs prestations de maladie aux membres de la fonction publique du Canada. Je suis consternée, surtout compte tenu du fait que le directeur parlementaire du budget a sérieusement remis en question les propos du président en ce qui a trait aux coûts du programme. Les coûts constamment présentés par le président du Conseil du Trésor ne correspondent pas à la réalité. Voilà la première chose.

La deuxième chose, c'est que ces avantages ont été négociés de bonne foi au fil des ans. Cela fait partie du contrat qui lie le gouvernement du Canada, c'est-à-dire la population canadienne, à ses fonctionnaires. Il s'agit d'une convention collective, et le processus qui mène aux conventions collectives, autrement dit le droit d'association, est garanti par la Charte. Cet article va totalement à l'encontre des principes que les Canadiens défendent depuis des décennies, totalement à l'encontre.

La raison pour laquelle les gens bénéficient de prestations de maladie est que, malheureusement, certaines personnes tombent malades. Ce n'est pas parce qu'elles le veulent, mais plutôt parce que le destin en a décidé ainsi. Nous avons tous ici la possibilité de prendre des congés de maladie, et chacun d'entre nous peut aussi toucher des prestations pour congé de maladie de longue durée. Cela fait partie de notre « contrat ».

Je suis ici depuis 12 ans et demi et j'ai beaucoup de chance, parce que j'ai été absente pendant seulement trois jours de séance au cours de cette période. J'ai de la chance parce que ma santé est relativement bonne. Cependant, ce n'est pas le cas de tout le monde. En outre, nous devons de plus en plus reconnaître que, quand il est question de santé et de maladie, il faut tenir compte du problème malheureux que représentent les troubles de santé mentale et le stress, quelle qu'en soit la raison, personnelle ou liée au milieu de travail.

Toutes ces mesures concernant les congés de maladie, dont le directeur parlementaire du budget dit qu'ils ne coûtent pratiquement rien aux contribuables canadiens, se trouvent sans raison dans la section 20 du projet de loi C-59. C'est une rupture de contrat. C'est une insulte, et je considère que c'est une atteinte aux droits garantis par la Charte. Cela fait certainement partie des problèmes dont vous devriez être bien conscients.

L'autre problème se trouve dans la section 19, qui crée une foule de nouveaux privilèges pour les banques et les institutions financières canadiennes. Avant la présentation du projet de loi C-59, il y avait un grand nombre de procédures et de contestations judiciaires. Les documents d'échange de renseignements entre le Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF, le secteur bancaire et le secteur des assurances, entre autres, étaient considérés comme confidentiels. Dans une procédure au civil, le juge pouvait examiner les documents pour établir les faits à propos d'une affaire, déterminer si ces documents étaient admissibles ou non pour l'établissement des faits, et déterminer si on pouvait rendre publique la teneur des documents ou si ces derniers devaient demeurer confidentiels et à l'usage exclusif du juge et des deux parties ou de toutes les parties concernées par la contestation judiciaire.

La section 19 fait en sorte que ces documents d'échange de renseignements entre le BSIF, les banques et les sociétés d'assurances aient soudainement le statut de documents protégés. À l'instar des documents du Cabinet et des documents parlementaires, ces documents deviendraient des documents protégés. Soudainement, ils ne seront plus accessibles lorsque des consommateurs s'adresseront aux tribunaux canadiens parce qu'ils estiment que ces institutions financières les ont mal conseillés ou leur ont fourni des renseignements erronés.

Chers collègues, nous sommes aux prises avec deux situations extrêmes. D'une part, avec le projet de loi C-377, le gouvernement Harper veut que soient rendus publics les détails sur toute somme d'au moins 5 000 $ gagnée par n'importe quel travailleur canadien. D'autre part, le gouvernement protège les élites en faisant en sorte que les documents d'échange de renseignements entre le BSIF et les institutions financières canadiennes passent du statut de documents confidentiels à celui de documents protégés, empêchant ainsi les consommateurs d'obtenir réparation. La section 19 offre aux institutions financières canadiennes un moyen de se défiler lors de toute procédure au civil qui les oppose à des consommateurs, et c'est doublement honteux.

Cependant, vous pouvez maintenant constater qu'il y a deux poids, deux mesures. On tape sur la tête des vaillants consommateurs et travailleurs canadiens, mais on confère des privilèges aux grosses institutions financières canadiennes afin de les protéger.

(1120)

En tant que Néo-Brunswickoise et Canadienne, je n'en reviens juste pas que le gouvernement tente d'accentuer le clivage entre les riches et les pauvres, non seulement sur le plan financier, mais aussi en ce qui concerne la notion de déclaration publique. C'est une vraie honte. Oui, c'est scandaleux.

Ne serait-ce que sur ce point, le projet de loi C-59 tente de camoufler des mesures protectionnistes au détriment des Canadiens qui travaillent dur et au profit des élites du pays qui, en ce qui me concerne, devraient être traitées sur un pied d'égalité avec les autres citoyens.

Motion d'amendement

L'honorable Pierrette Ringuette : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose le sous-amendement suivant :

Que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié comme suit : Que les divisions 19 et 20 soient abrogées.

Son Honneur le Président : Sénatrice Ringuette, il ne s'agit pas d'un sous-amendement. Il est question de la section 18, conformément à la proposition d'amendement du sénateur Moore. Il s'agit d'un amendement additionnel. Soit les sénateurs conviendront de les regrouper, soit le vôtre pourra être débattu ultérieurement.

Les sénateurs acceptent-ils de regrouper les deux propositions d'amendement?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Reprenons le débat.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Moore, avec l'appui de l'honorable sénatrice Dyck, propose :

Que le projet de loi C-59 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, aux pages 135 et 136, par suppression de la section 18.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la proposition d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la proposition d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : De toute évidence, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

L'honorable Jim Munson : Nous demandons que la sonnerie retentisse pendant une heure, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : La sonnerie convoquant les sénateurs retentira pendant une heure. La mise aux voix aura donc lieu à 12 h 24.

Convoquez les sénateurs.

(1220)

La motion d'amendement du sénateur Moore, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Campbell Jaffer
Cools Massicotte
Cordy Mitchell
Cowan Moore
Dawson Munson
Day Ringuette
Fraser Sibbeston
Hervieux-Payette Smith (Cobourg)—16

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk McInnis
Ataullahjan McIntyre
Batters Mockler
Bellemare Nancy Ruth
Beyak Neufeld
Black Ngo
Dagenais Ogilvie
Doyle Oh
Eaton Patterson
Enverga Plett
Fortin-Duplessis Poirier
Gerstein Raine
Greene Rivard
Lang Runciman
LeBreton Seidman
MacDonald Smith (Saurel)
Maltais Stewart Olsen
Manning Tkachuk
Marshall Wells
Martin White—40

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : l'honorable sénatrice Ringuette, avec l'appui de l'honorable sénateur Moore, propose que le projet de loi C-59 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié par suppression des sections 19 et 20.

La sénatrice Martin : Suffit!

Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : De toute évidence, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois plus de deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente?

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Conformément à l'article 9-10 du Règlement, je demande que le vote par appel nominal soit reporté à lundi, à 17 h 30.

Son Honneur le Président : Conformément à l'article 9-10(2) du Règlement, le vote est reporté à 17 h 30, à la prochaine séance, et le timbre sonnera à compter de 17 heures.

(1230)

[Français]

La Loi sur les parcs nationaux du Canada

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

La Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-64, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif — Troisième lecture

L'honorable Paul E. McIntyre propose que le projet de loi C-35, Loi modifiant le Code criminel (animaux d'assistance policière, animaux d'assistance militaire et animaux d'assistance), soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de participer au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-35, Loi sur la justice pour les animaux qui fournissent de l'assistance.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a étudié la mesure législative proposée et il en a fait rapport sans amendement.

Je veux d'abord souligner la présence à la tribune de Mme Diane Bergeron et de son chien, Lucy. Mme Bergeron est directrice exécutive, Relations stratégiques et Engagement, à l'Institut national canadien pour les aveugles. Elle a fait une déclaration très touchante lorsqu'elle a témoigné au sujet du projet de loi C-35. Cette personne montre à tous les Canadiens que ceux et celles qui souffrent d'un handicap visuel peuvent faire apporter des changements législatifs dont bénéficieront tous les Canadiens.

Le projet de loi C-35 donne suite à l'engagement pris dans le discours du Trône du 16 octobre 2013 de promulguer la Loi de Quanto et d'ainsi reconnaître que les animaux utilisés par les forces de l'ordre courent souvent des risques lorsqu'ils aident les policiers à appliquer la loi et à protéger la société.

Le projet de loi C-35 assure une protection légale spéciale aux chiens et aux chevaux qui sont dressés pour aider les policiers à s'acquitter de leurs responsabilités, aux animaux dressés pour aider les membres des Forces canadiennes à s'acquitter de leurs tâches, ainsi qu'aux animaux d'assistance certifiés qui aident les personnes handicapées.

Le projet de loi C-35 propose plusieurs changements au Code criminel afin d'interdire expressément le fait de tuer ou de blesser un animal d'assistance policière, un animal d'assistance militaire ou un animal de service. À cette fin, il propose la création d'une nouvelle infraction hybride dans le Code criminel.

Le projet de loi C-35 propose aussi le nouvel article 718.03, semblable à l'article 718.02, pour les infractions liées aux animaux d'assistance policière, aux animaux d'assistance militaire et aux animaux d'assistance. Dorénavant, les tribunaux devront tenir compte des objectifs de dénonciation et de dissuasion, relativement à la nouvelle infraction hybride prévue à l'article 445.01.

Les animaux qui ne sont pas visés par la portée de la nouvelle infraction proposée continueront d'être protégés par les dispositions existantes du Code criminel sur la cruauté envers les animaux.

Honorables sénateurs, lorsque j'ai pris la parole à l'étape de la deuxième lecture, je vous ai donné un exemple de la façon dont le projet de loi C-35 sera appliqué par les tribunaux une fois qu'il sera en vigueur. Les mesures proposées sont pondérées et raisonnables. J'espère que nous pourrons unir nos efforts afin d'adopter rapidement cette importante mesure législative.

Merci.

Des voix : Bravo!

L'honorable Jim Munson : Merci, Votre Honneur. Sénateur McIntyre, avez-vous bien dit le chien Lucy?

Le sénateur McIntyre : Oui.

Le sénateur Munson : « I love Lucy. »

Des voix : Oh!

Le sénateur Munson : Nous sommes vendredi.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour ajouter aux observations du sénateur McIntyre à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-35 sur la justice pour les animaux qui fournissent de l'assistance. Je tiens à dire clairement que j'appuie le projet de loi. Vous vous souvenez peut-être du débat à l'étape de la deuxième lecture, tenu plus tôt cette semaine. La disposition principale du projet de loi est l'introduction d'une peine minimale obligatoire de six mois lorsqu'une personne tue un animal d'assistance policière en service.

Hier, au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, nous avons pu nous faire une meilleure idée de la portée du projet de loi. M. Stephen Kaye, président de l'Association canadienne des maîtres de chiens policiers, a dit, en réponse à une question du sénateur Joyal, qu'environ 500 chiens policiers sont en service au sein des corps policiers du pays. Comme je l'ai mentionné dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, seulement 10 chiens policiers, en plus de Quanto, ont été tués en service depuis 50 ans. Ces deux chiffres illustrent la portée restreinte d'un projet de loi qui, autrement, nous porterait à croire que la violence envers les animaux d'assistance policière est beaucoup plus fréquente.

Le projet de loi C-35 prévoit également des peines consécutives. Je trouve préoccupant de voir le gouvernement avoir recours à ces deux mécanismes de plus en plus souvent dans ses mesures législatives. Le risque, honorables sénateurs, c'est qu'ils peuvent mener à une peine totale trop sévère. Comme on le sait, la Cour suprême a invalidé des dispositions semblables associées à d'autres infractions parce qu'elles contrevenaient à l'article 12 de la Charte des droits et libertés, qui protège les Canadiens contre les peines cruelles ou inusitées.

Cela dit, honorables sénateurs, vous serez peut-être étonnés d'apprendre que ma principale inquiétude, à propos de ce projet de loi, concerne l'absence de peines appropriées. La personne qui a tué Quanto a été condamnée à un emprisonnement de 24 mois, dont 18 mois pour avoir tué Quanto, et on lui a interdit d'avoir un animal de compagnie avant 25 ans.

Ce dernier élément représente une composante importante de la peine, selon moi. Toutefois, le projet de loi C-35 ne modifie pas la disposition qui a permis au juge d'imposer cette sanction, soit l'article 447.1 du Code criminel. Les délinquants reconnus coupables d'une infraction à cette mesure ne seraient donc pas passibles de la même interdiction, sauf s'ils ont aussi été reconnus coupables de cruauté envers les animaux.

Quand il a témoigné devant le comité hier, Michael Spratt, avocat de la défense au criminel et membre de la Criminal Lawyers' Association, a décrit à merveille la force et la faiblesse du projet de loi. Il a dit ceci :

Pour ce qui est du projet de loi, nous aimerions d'abord souligner que la Criminal Lawyers' Association ne s'oppose pas à la création d'une nouvelle infraction, tel que proposé. En effet, d'après les données recueillies par les criminologues, la création d'une infraction a un effet dissuasif sur la criminalité et contribue à la sécurité des collectivités.

Vous ne serez toutefois pas étonnés de savoir que nous n'appuyons pas un autre élément du projet de loi, soit la peine minimale obligatoire, car les données probantes à ce sujet ne sont pas convaincantes.

Pour ma part, après avoir passé la journée avec des associations de personnes sourdes et aveugles venues de partout au pays, après la célébration du mois de juin, et après avoir vu hier les superbes chiens-guides et chiens d'assistance, je crois que si quelqu'un tente délibérément de blesser ou de tuer un animal, on devrait lui interdire de posséder un animal jusqu'à la fin de ses jours.

(1240)

Je doute que ces modifications au Code criminel empêchent vraiment les gens de s'en prendre aux animaux d'assistance. En terminant, honorables sénateurs, le projet de loi dont nous sommes saisis n'est pas parfait, mais il est fondé sur de bonnes intentions. Si la session n'était pas sur le point de se terminer — et je sais que le sénateur White le croit —, je proposerais un amendement selon lequel les juges pourraient interdire aux personnes reconnues coupables selon cette loi de posséder un animal de compagnie. Je crois que cela nous permettrait de mieux protéger les animaux d'assistance au pays. En fin de compte, je crois que nous devrions appuyer le projet de loi C-35 dans sa forme actuelle puisqu'il s'agit d'un premier pas dans la bonne direction et qu'il reconnaît que les animaux d'assistance jouent un rôle essentiel pour les Canadiens.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

La Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Beyak, appuyée par l'honorable sénatrice Batters, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-61, Loi modifiant la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Chers collègues, ce projet de loi a été traité de façon très expéditive à la Chambre des communes. Les rares fois où les députés en ont parlé, c'était simplement pour dire qu'il était réputé avoir franchi toutes les étapes du processus législatif. Ils se sont empressés de nous l'envoyer, alors que nous avons aussi beaucoup de travail à faire en fin de session. Ce n'est pas une bonne façon de gérer une entreprise ou une institution comme le Parlement.

Les travaux préparatoires relatifs à la création de l'aire marine nationale de conservation du lac Supérieur ont commencé il y a près de 20 ans, soit en 1999. Il y environ huit ans, en raison du degré d'avancement du projet, le premier ministre a promis que l'aire marine serait créée incessamment. Huit ans plus tard, alors que la 41e législature est sur le point de se conclure, il semble que le projet se concrétisera enfin.

Comme nous venons d'être saisis du projet de loi, je n'ai pas eu le temps de faire une recherche approfondie sur le sujet, mais je dois dire que cela me paraît une mesure tout à fait louable.

Le lac Supérieur est non seulement un trésor canadien, mais aussi un trésor mondial. Il renferme environ 10 p. 100 de la réserve mondiale d'eau douce et il est en grande partie sous notre responsabilité. Cette aire marine de conservation, si je lis bien la carte, s'étendrait d'est en ouest sur environ 200 kilomètres dans la partie nord du lac Supérieur. Son centre administratif serait situé dans la ville de Nipigon. Je le précise pour les collègues qui connaissent cette région.

Il est vraiment important que le Canada crée des aires marines de conservation. Celle-ci, en particulier, semble intéressante en raison des éléments archéologiques qui s'y trouvent et qui témoignent des Premières Nations qui ont habité cette zone pendant 5 000 ans et qui ont laissé, entre autres, des peintures rupestres qui sont de véritables trésors nationaux.

La création de l'aire marine de conservation a été négociée avec le gouvernement de l'Ontario et nous savons tous qu'il n'est pas facile de conclure des ententes fédérales-provinciales sur quoi que ce soit. Toutefois, une entente sur cette aire a été conclue. Je crois donc qu'il est indiqué de renvoyer ce projet de loi au comité et j'ai hâte de voir les résultats de son étude.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motion :

L'honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à siéger à 18 heures, le lundi 22 juin 2015, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Une voix : Pourquoi ne se réunissent-ils pas plus tôt? Ils pourraient le faire à 14 heures.

L'honorable Joseph A. Day : Tandis que les leaders discutent entre eux, le sénateur Neufeld pourrait-il nous dire s'il serait possible que le comité siège plus tôt lundi, de manière à nous présenter son rapport le même jour, pendant la séance du Sénat?

Le sénateur Neufeld : À ce que je sache, la décision a été prise à la suite d'une discussion approfondie entre les deux partis.

Le sénateur Day : Merci. Si vous et moi continuons de parler, nous permettrons peut-être aux partis de tenir une autre discussion approfondie.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Pourrais-je poser une question au sénateur Neufeld?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Oui, madame la sénatrice Fraser.

La sénatrice Fraser : Je viens de dire que, à mon avis, ce projet de loi devrait être renvoyé à un comité, et c'est de votre comité qu'il s'agit. Pourquoi votre comité ne se réunit-il pas avant lundi soir? Pourquoi ne vous organisez-vous pas pour que la réunion commence plus tôt, à 13 heures, 13 h 30 ou 14 heures?

Le sénateur Neufeld : Je ne participe pas aux discussions concernant les heures de réunion des comités, mais, dans ce cas, il s'agit également de nous montrer conciliants envers le vice-président de notre comité, qui a d'autres engagements et qui n'arrivera pas à temps. Il y aurait aussi un conflit avec le vote qui est prévu pour 17 h 30. Alors, 18 heures semble être le meilleur moment pour commencer la réunion. Nous pourrons ainsi transmettre les préavis et le projet de loi à tout le monde et veiller à ce que tous les membres du comité aient l'information nécessaire.

Je suis prêt à siéger samedi si c'est ce que vous voulez.

La sénatrice Fraser : Je n'irais pas jusque-là, mais le vice-président m'a assuré qu'il serait présent à n'importe quelle heure de la journée lundi, et que le comité pouvait donc se réunir à l'heure qu'il voulait.

Je suis profondément déçue que vous ne fassiez pas l'étude du projet de loi sur le lac Supérieur plus tôt. Je trouve cela extrêmement dommage. Je ne saurais trop vous recommander d'amender votre motion, mais si vous ne voulez pas, c'est votre affaire.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur demande-t-il le consentement pour proposer sa motion dès maintenant?

Le sénateur Neufeld : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

L'honorable Paul J. Massicotte : Puis-je poser une question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous vous écoutons, sénateur Massicotte.

Le sénateur Massicotte : Sénateur Neufeld, si le vice-président, c'est-à-dire moi, était disponible à 14 h 30, pourrions-nous nous réunir à compter de 14 h 30?

Le sénateur Neufeld : Pour autant que je sache, ce n'est pas ici que ce genre de discussion doit avoir lieu. On m'a bel et bien confirmé que c'est cette heure-là qui avait été convenue.

Je m'en remets à mes supérieurs. S'ils veulent modifier l'heure et amender la motion, je vais tout reprendre depuis le début.

(1250)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs en sont-ils arrivés à une entente?

La sénatrice Cordy : Oui, le comité devrait siéger à 14 h 30.

L'honorable Anne C. Cools : Le sénateur demande seulement le consentement pour présenter une motion.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Aimeriez-vous...

La sénatrice Fraser : Pourrais-je faire une suggestion? Puisque l'heure convenue pour la réunion du comité semble susciter d'importantes divergences d'opinions, et qu'elle fait perdre beaucoup de temps précieux au Sénat, pourrais-je proposer que la motion soit modifiée de façon à ce qu'elle dise que le comité est autorisé à siéger lundi, même si le Sénat siège à ce moment-là, ce qui permettrait de négocier l'heure de début de la réunion à l'extérieur du Sénat?

Des voix : Bravo!

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Est-ce que je pourrais vous parler d'un autre élément d'information dont nous devrions peut-être tenir compte?

Une voix : Si c'est important.

La sénatrice Martin : Oui, c'est très important. Plus tôt aujourd'hui, quand nous avons reçu les deux projets de loi qui seront probablement renvoyés au Comité de l'énergie, j'ai demandé le consentement pour qu'ils soient examinés lors de la prochaine séance, c'est-à-dire lundi. Nous siégeons à partir de 14 heures cette journée-là. Par conséquent, pour nous donner le temps d'étudier ces projets de loi à l'étape de la deuxième lecture, je demande à tous les sénateurs d'adopter la motion du sénateur Neufeld visant à autoriser le Comité de l'énergie à siéger à 18 heures, comme je vous l'avais moi-même demandé.

Son Honneur la Présidente intérimaire : S'il vous plaît, ne pourriez-vous pas négocier cela entre vous à un autre moment? Cela ne relève pas du Sénat.

La sénatrice Martin : Oui. Je voulais seulement ajouter cette petite précision. Je demande à tous les sénateurs d'envisager l'adoption de cette motion.

La sénatrice Cools : Il ne s'agit pas de consentement. On demande le consentement pour présenter une motion. C'est irrecevable.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Cools, s'il vous plaît! Il ne s'agit pas d'une séance du Sénat. Pourriez-vous aller à l'écart et régler cela entre vous? Ce serait beaucoup plus facile. Merci.

La sénatrice Martin : Oui, Votre Honneur. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous passons maintenant aux points inscrits au Feuilleton.

Projet de loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015

Adoption du vingt-deuxième rapport du Comité des finances nationales sur la teneur du projet de loi

Le Sénat passe à l'étude du vingt-deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (teneur du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures), déposé au Sénat le 11 juin 2015.

L'honorable Joseph A. Day propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, nous voici à l'examen du vingt-deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales concernant l'étude du projet de loi C-59 par le comité. Vous avez déjà entendu tous les débats sur l'étude préalable qui a été réalisée et sur laquelle nous nous sommes appuyés pour examiner le projet de loi C-59 aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture. J'aimerais, par conséquent, que le rapport soit maintenant adopté par le Sénat.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

L'étude sur les meilleures pratiques en matière de politique linguistique et d'apprentissage d'une langue seconde dans un contexte de dualité ou de pluralité linguistique

Adoption du sixième rapport du Comité des langues officielles et demande de réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des langues officielles, intitulé Viser plus haut : Augmenter le bilinguisme de nos jeunes Canadiens, déposé au Sénat le 16 juin 2015.

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis propose :

Que le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles intitulé Viser plus haut : Augmenter le bilinguisme de nos jeunes Canadiens, déposé au Sénat le mardi 16 juin 2015, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles ayant été désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

— Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles intitulé Viser plus haut : Augmenter le bilinguisme de nos jeunes Canadiens.

J'aimerais en tout premier lieu remercier la présidente, la sénatrice Tardif, les membres du comité, les sénateurs Maltais et McIntyre, les sénatrices Chaput, Poirier et Seidman, ainsi que tous les autres honorables sénateurs qui ont participé aux réunions, pour leur contribution importante aux travaux du comité et à la préparation de ce rapport.

Je souhaite également, au nom du comité, remercier notre analyste, Mme Marie-Ève Hudon, et notre greffier, M. Daniel Charbonneau, qui ont tous les deux, encore une fois, fait un excellent travail afin de préparer ce rapport.

Au printemps 2013, nous avons adopté le mandat d'étudier les meilleures pratiques en matière de politique linguistique et d'apprentissage d'une langue seconde. J'ai présenté cette idée de projet d'étude, parce que j'ai à cœur que tous les jeunes Canadiens puissent avoir les même chances.

Le comité a tenu 19 réunions à Ottawa pour réaliser la portion canadienne de cette étude. Nous avons rencontré 51 témoins, qui nous ont beaucoup aidés à cerner les principaux obstacles et défis, de même qu'une série de bonnes pratiques qui sont mises en œuvre à travers le pays.

Les langues officielles sont au cœur de l'identité de notre pays, de notre histoire et de notre avenir, et les avantages du bilinguisme sont multiples, tant sur le plan social, économique, commercial que cognitif. Tous les Canadiens devraient pouvoir bénéficier de cette valeur ajoutée.

Nous avons cerné les défis principaux liés à l'apprentissage d'une langue seconde, et nous présentons sept recommandations à l'intention du gouvernement fédéral en vue d'améliorer la situation actuelle. J'aimerais brièvement partager quelques constats importants avec vous.

Commençons par les programmes d'enseignement de langue seconde. De tels programmes existent partout au Canada, mais ils varient selon les provinces. Il y a des programmes de base, des programmes intensifs, et ceux qui sont de plus en plus populaires partout au pays sont les programmes d'immersion. Ces derniers ont fait l'objet de plusieurs de nos réunions. Nous avons constaté un problème important lié à l'accès à ces programmes.

La demande pour les programmes d'immersion surpasse nettement l'offre dans beaucoup d'endroits au Canada. Plusieurs parents font la file d'attente au petit matin lorsque vient le temps d'inscrire leurs enfants à ces programmes. Dans certaines écoles, l'inscription se fait par tirage au sort! Nous devons résoudre ce problème d'accès afin que tous les Canadiens profitent de ces excellents programmes.

En plus du problème d'accès aux programmes d'immersion, il y a également une pénurie de professeurs au sein des programmes en général, qui est particulièrement importante dans les régions rurales et dans l'Ouest.

Cette pénurie entraîne parfois l'abolition des programmes. Nous devons trouver des moyens pour attirer et retenir les professeurs, car ils sont la clé de la réussite des prochaines générations.

(1300)

Tous les efforts en vue d'améliorer les programmes doivent également tenir compte du problème du maintien des acquis. En matière d'apprentissage d'une langue seconde, le maintien des acquis atteint un sommet au cours des années de fréquentation scolaire et tend à diminuer avec l'âge. Les élèves issus des programmes d'immersion maintiennent généralement plus longtemps leur capacité bilingue, mais très peu de ces jeunes parlent le français après le secondaire.

Il est alors crucial de miser sur les périodes de transition — c'est-à-dire les périodes entre l'école primaire et secondaire, et entre l'école secondaire et l'université — pour améliorer la situation. C'est souvent là où on perd les étudiants anglophones désireux de poursuivre leur apprentissage du français. Nous devons promouvoir activement les programmes d'enseignement postsecondaire existants afin d'éviter que les étudiants perdent leurs acquis.

Malgré tout, pour que les jeunes apprennent l'autre langue officielle et maintiennent leurs acquis, ils doivent le vouloir. Or, pour le vouloir, ils doivent être motivés, car la motivation est ici l'élément clé, le moteur, en quelque sorte.

Alors, qu'est-ce qui motive les jeunes à apprendre et à continuer d'apprendre l'autre langue officielle? Le simple fait de bien comprendre les avantages d'être bilingue constitue en soi une grande source de motivation chez les jeunes. C'est pourquoi il est essentiel de promouvoir la panoplie d'avantages que procure le bilinguisme — et les études à ce sujet ne manquent pas. Par exemple, d'un point de vue économique, le bilinguisme améliore les perspectives d'emploi. De plus, les gens bilingues ont souvent un revenu plus élevé.

Par ailleurs, plusieurs études montrent que le bilinguisme favorise le développement du cerveau. Ceux qui connaissent une deuxième langue ont habituellement plus de facilité à en apprendre une troisième ou une quatrième. Chose intéressante, le bilinguisme peut réduire les effets du vieillissement, et il aide même à prévenir certaines maladies cognitives, comme la maladie d'Alzheimer. Il augmente également la créativité, la capacité de raisonnement et la concentration. C'est pourquoi, je le répète, nous devons promouvoir ces bienfaits pour motiver les jeunes à apprendre et à continuer d'apprendre.

Une autre source de motivation se trouve dans les expériences authentiques. Les élèves doivent se sentir motivés à utiliser leur langue seconde en situation réelle, c'est-à-dire dans leur quotidien, à l'extérieur de la salle de classe, avec leurs amis, à la maison, en ligne et par l'entremise des médias sociaux.

[Traduction]

Plusieurs témoins, pour ne pas dire tous, affirment que les possibilités d'échanges entre jeunes Canadiens de toutes les provinces et écoles ont augmenté.

[Français]

Comme l'a bien dit l'un de nos témoins, pour apprendre une langue, il faut la vivre. L'intérêt pour les échanges est clair. La demande continue de croître. Les étudiants veulent vivre ce genre d'expérience.

Le commissaire aux langues officielles a mentionné que le gouvernement pourrait mettre sur pied un nouveau programme qui vise à offrir aux étudiants l'occasion d'étudier, de façon intensive, dans leur langue seconde, au sein d'un établissement canadien, à l'image du programme européen Erasmus, qui est devenu un véritable phénomène culturel. Ce programme connaît un grand succès en Europe.

De leur côté, les enseignants devraient, eux aussi, participer à des échanges. Des enseignants de l'Ouest canadien pourraient aller enseigner l'anglais de manière intensive au Québec, et des enseignants québécois iraient enseigner dans des programmes d'immersion dans l'Ouest. Toutefois, dans le contexte fédéral canadien, la mobilité entre les provinces est très difficile. Le gouvernement fédéral pourrait choisir d'élaborer une stratégie à cet égard.

Il ressort des témoignages qu'un cadre commun de référence est nécessaire. Un test canadien standardisé servirait de point de repère pour tous les apprenants, partout au Canada, et faciliterait la mobilité des jeunes à travers le pays. De plus, les jeunes pourraient être davantage motivés à apprendre l'autre langue et à se fixer des objectifs s'il existait une reconnaissance concrète des acquis.

Un autre défi concerne la reddition de comptes dans l'utilisation des fonds transférés par le gouvernement fédéral aux provinces et aux territoires.

[Traduction]

Plusieurs témoins nous ont dit, à plusieurs reprises au fil des ans, que des difficultés subsistent en ce qui a trait à la transparence et à la reddition de comptes. Il semble très difficile de savoir comment les fonds fédéraux sont utilisés par les divers ministres de l'Éducation.

Le gouvernement doit prendre des mesures pour améliorer la transparence et s'assurer que les fonds distribués sont investis conformément à nos attentes et à nos besoins.

[Français]

Les lois et politiques sur les langues officielles varient grandement d'une province à l'autre, et les témoins ont plusieurs fois plaidé en faveur d'une coordination nationale plus forte. Notre comité estime que le gouvernement fédéral joue un rôle crucial dans l'élaboration d'une stratégie nationale et qu'il est le mieux placé pour assurer une promotion active du bilinguisme.

Notre gouvernement doit continuer à promouvoir activement nos deux langues officielles et à soutenir l'essor des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le français et l'anglais sont parmi les langues les plus influentes du monde. Un Canada fort du bilinguisme accru de sa population ne pourra que mieux se démarquer à l'échelle mondiale.

En terminant, j'aimerais vous remercier, honorables sénateurs, d'avoir eu la gentillesse d'accepter la présentation de ce rapport. Je vous quitterai après le discours de la sénatrice Fraser, et je tiens à vous dire ceci : j'ai beaucoup aimé travailler avec vous tous. Vous allez énormément me manquer.

Des voix : Bravo!

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Comme la sénatrice est en bonne forme, et qu'elle a beaucoup contribué au travail de ce comité, je l'inviterais, au cours de ses belles journées de retraite, à se pencher sur un dossier en particulier qui nous préoccupe beaucoup au Québec, c'est-à-dire la question de l'alphabétisation. Il ne suffit pas de débattre du sujet des langues officielles; encore faut-il en maîtriser une avant d'en apprendre une autre. Cette suggestion s'applique aux deux langues. Chez les francophones et ceux qui immigrent au Québec, le taux d'alphabétisation pourrait certainement s'améliorer. Certains groupes travaillent déjà à cette fin. Je me permets donc de vous suggérer, dans vos loisirs, de faire un peu de bénévolat auprès de ces groupes, afin que leur taux de chômage diminue et qu'ils puissent maîtriser la langue officielle du Québec.

Comme vous êtes citoyenne de la ville de Québec, je crois que vous êtes bien placée pour comprendre que les deux gouvernements devraient déployer des efforts en vue de réduire, de façon importante, ce problème qui, en fin de compte, prive ces groupes de l'accès à tous les emplois.

Je demande donc à la sénatrice si elle accepterait de songer à la possibilité de faire du bénévolat, pendant sa retraite, dans le secteur de l'alphabétisation.

La sénatrice Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, je tiens à vous remercier de ce commentaire positif. Je suis toujours prête à donner un coup de main à ceux et celles qui me le demandent.

(1310)

Cependant, mon commentaire n'est pas tout à fait lié à votre question. Nous avons reçu au comité des témoins, des immigrants qui étaient arrivés au Québec, qui avaient appris la langue, mais qui avaient été invités dans des régions où les francophones sont en minorité — dans l'Ouest — pour s'y établir et y faire carrière.

Je dois dire qu'il n'est pas rare que le Québec — je ne devrais pas employer ce terme — se fasse « enlever » des immigrants qui y avaient appris le français, parce que les autres provinces souhaitent vivement les accueillir.

Je crois que votre commentaire porte plutôt sur le fait que, au Québec, nous devons mettre l'accent sur l'ensemble des jeunes Québécois. Selon les différents témoignages entendus, la situation n'est pas la même partout au Québec, et ce, malgré la volonté politique de faire en sorte que l'anglais soit enseigné au primaire. Ce n'est pas partout pareil. Tout dépend de l'argent dont les commissions scolaires disposent et de la volonté de la direction. Il y a donc encore du travail à faire sur ce plan, et ce n'est pas terminé.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Chers collègues, comme vous le savez, la présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles, la sénatrice Tardif, a dû s'absenter. Cependant, avant de quitter la Chambre, elle m'a demandé de lire son discours au sujet de ce rapport. Veuillez excuser mon accent, c'est maintenant Claudette Tardif qui vous parle.

J'aimerais tout d'abord souligner la contribution de la sénatrice Fortin-Duplessis, vice-présidente du comité. C'est animé par sa détermination à promouvoir le bilinguisme des jeunes Canadiens que le comité a entrepris cette importante étude.

Par la suite, la sénatrice Tardif remercie les mêmes personnes que la sénatrice Fortin-Duplessis a remerciées, soit les membres du comité, les membres du personnel, qui sont excellents, ainsi que les témoins. Je poursuis donc avec le discours de la sénatrice Tardif.

Au printemps 2013, les membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles entreprenaient une étude au sujet des meilleures pratiques en matière de politique linguistique et d'apprentissage d'une langue seconde. On sait que plusieurs pays ont mis en place des systèmes qui reconnaissent officiellement le bilinguisme ou le plurilinguisme.

En tenant compte des réalités sociodémographiques en évolution et de la volonté de plus en plus évidente de promouvoir la diversité linguistique et culturelle, le comité a choisi d'examiner les pratiques, les politiques et les systèmes au Canada conçus pour favoriser la promotion et l'apprentissage des langues officielles.

Ce rapport esquisse le portrait de l'enseignement du français langue seconde à l'extérieur du Québec et de l'enseignement de l'anglais langue seconde au Québec.

En 2011-2012, 2,4 millions de jeunes Canadiens apprenaient le français ou l'anglais comme langue seconde dans les écoles primaires et secondaires du pays. Au Québec, des projets-pilotes ont vu le jour à partir de 2011 pour l'enseignement intensif de l'anglais en cinquième et sixième années. De plus, 62 000 élèves ont participé à ces programmes intensifs de français à l'extérieur du Québec. Près de 350 000 jeunes anglophones étaient inscrits à des programmes d'immersion en langue française dans toutes les provinces du Canada.

[Traduction]

Même si les chiffres sont en hausse pour les programmes spécialisés, le pourcentage d'élèves des écoles publiques inscrits dans un programme de français de base a diminué comparativement à il y a 20 ans, passant de 53 p. 100 en 1991 à 44 p. 100 en 2011.

[Français]

Cette diminution est effectivement fort préoccupante. De plus, le comité sénatorial déplore la baisse de la proportion de jeunes Canadiens qui sont en mesure de soutenir une conversation en français et en anglais. En 2011, 22,6 p. 100 des jeunes Canadiens âgés de 15 à 19 ans avaient une connaissance des deux langues officielles, ce qui représente une baisse. Effectivement, de 2001 à 2011, le taux passe de 23,9 p. 100 à 22,6 p. 100.

Cette diminution doit être prise très au sérieux. Les constats de cette étude ont permis au comité de cerner certains obstacles qui freinent la croissance du bilinguisme au Canada et de présenter des recommandations pour augmenter le taux de bilinguisme dans notre pays.

Il en ressort de nombreux obstacles à surmonter, tels que l'accès inéquitable à des programmes d'enseignement de langue seconde; le manque de ressources pédagogiques; la pénurie d'enseignants et le manque de soutien à leur formation; l'absence d'un cadre commun canadien favorisant une pédagogie adaptée à l'enseignement de la langue seconde; l'accès à des programmes; ainsi que le fait que les besoins des immigrants sont absents de la mise en œuvre des programmes de français langue seconde.

En vue d'améliorer la situation, le comité propose dix recommandations au gouvernement fédéral qui sont axées sur quatre domaines : la promotion active du bilinguisme, la maîtrise accrue des langues officielles, les pratiques novatrices et le financement.

[Traduction]

Il faut agir immédiatement sur deux fronts. Premièrement, les programmes de langue seconde doivent être accessibles à tous et partout. Pour ce faire, le gouvernement fédéral doit encourager le public et le milieu des affaires à promouvoir l'utilisation des deux langues officielles et il doit lancer une campagne nationale de sensibilisation pour encourager les Canadiens à apprendre les deux langues officielles du Canada.

[Français]

Ensuite, il y a lieu de fixer des objectifs clairs et ambitieux pour l'avenir afin d'assurer une maîtrise accrue des langues officielles au sein de la population, en particulier chez les jeunes Canadiens âgés de 15 à 19 ans, d'ici 2018.

Il faudrait que Patrimoine Canada joue un rôle de chef de file pour convaincre ses homologues provinciaux et territoriaux d'adopter une cible nationale précise. La discussion devrait être menée avec les principaux acteurs du milieu : les organisations langagières, les conseils scolaires et les enseignants. La cible fixerait des objectifs mesurables à atteindre d'ici 2018, année à laquelle viendra à échéance la Feuille de route pour les langues officielles du Canada.

Le comité estime que le gouvernement fédéral doit assurer la promotion active du bilinguisme et qu'il doit mieux faire connaître les avantages du bilinguisme et agir comme champion pour amener l'ensemble des partenaires à développer une stratégie pancanadienne d'apprentissage des langues officielles. En se fondant sur les témoignages entendus, cette stratégie pourrait s'articuler de plusieurs façons : en assurant un accès partout et pour tous aux cours offerts dans l'une ou l'autre des langues officielles; en valorisant la profession d'enseignant des langues secondes; en appuyant les établissements postsecondaires afin qu'ils offrent davantage de programmes en français; et en adoptant un cadre canadien commun de référence pour les langues lié à l'enseignement, à l'apprentissage et à l'évaluation des compétences langagières au Canada. Un élément motivateur important pour la rétention des élèves serait l'augmentation du nombre de programmes d'échanges pour les élèves et les enseignants. Il faut encourager les pratiques novatrices en s'inspirant de nouvelles approches pédagogiques. Le gouvernement doit jouer un rôle actif en soutenant la recherche axée sur les pratiques novatrices, tout en assurant la diffusion des résultats, en offrant un financement équitable et durable, et en améliorant la reddition de comptes.

Tout au long de notre étude en comité, les témoins nous ont confirmé que le bilinguisme procurait de nombreux avantages, que ce soit sur le plan social, économique ou cognitif, et qu'il s'agissait d'une valeur ajoutée dont tous les Canadiens devraient pouvoir bénéficier.

Le comité trouve donc important de prendre dès maintenant les mesures qui s'imposent pour renforcer le statut et l'égalité des deux langues officielles au Canada. Le Canada, fort du bilinguisme accru de sa population, ne pourra que mieux se démarquer à l'échelle mondiale.

(1320)

Permettez-moi de citer la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, qui s'est exprimée ainsi :

L'apprentissage du français hors Québec fait partie de l'identité nationale de notre pays. Ce n'est pas seulement une question de vouloir apprendre le français à titre d'intérêt personnel. Cela fait partie d'un projet plus grand qui est important pour nous tous en tant que pays.

Honorables sénateurs, à l'aube du 150e anniversaire de la Confédération canadienne, le Canada doit emboîter le pas pour que le bilinguisme reprenne la place qui lui revient à titre de valeur fondamentale dans l'ensemble du pays. Je vous recommande vivement d'appuyer cette motion et d'adopter ce rapport. Merci.

C'était la fin du discours de la sénatrice Tardif. Je voudrais, moi aussi, ajouter quelques mots et féliciter la sénatrice Fortin-Duplessis du travail qu'elle a accompli ici, et tout au long de sa carrière. Je lui souhaite une très belle retraite, heureuse et active. Bonne chance.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motions :

L'honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que, pour les fins de son examen des projets de loi du gouvernement, le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à siéger le lundi 22 juin 2015, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi de 2014 instituant des réformes

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Report du vote

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tannas, appuyée par l'honorable sénateur Oh, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-586, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada (réformes visant les candidatures et les groupes parlementaires).

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Merci, madame la Présidente. Chers collègues, j'interviens pour participer au débat sur le projet de loi C-586, un projet de loi d'initiative parlementaire qui a d'abord été présenté à l'autre endroit par M. Michael Chong.

Ce projet de loi nous est présenté, à nous et, chose plus importante encore, aux Canadiens, comme constituant une étape vers le renouvellement de notre démocratie parlementaire.

Le sénateur Tannas, qui parraine le projet de loi au Sénat, nous a dit la semaine dernière que le projet de loi, et je cite, « a pour but de redonner du pouvoir aux membres des caucus, ou groupes parlementaires, afin que les Canadiens aient la certitude que les députés qu'ils ont élus représentent les gens de leur circonscription sans le contrôle rigide des chefs de parti ».

Chers collègues, comme un grand nombre de nos concitoyens, je suis très préoccupé par l'état de notre démocratie parlementaire. Dans un article publié le 31 mars dans le National Post, John Ivison a déclaré que le Parlement canadien avait été « réduit [...] au statut de Parlement de façade. Il est devenu une assemblée législative bidon, conçue pour faire croire aux touristes et aux dignitaires de passage [que] le Canada est toujours une démocratie parlementaire dynamique ».

Ces paroles sont dures, chers collègues, mais bien des Canadiens s'entendraient pour dire qu'elles sont trop proches de la vérité. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que plusieurs d'entre eux aient été encouragés par la présentation du projet de loi audacieusement intitulé « Loi de 2014 instituant des réformes ». Mais celui-ci est-il vraiment porteur des changements que les Canadiens savent nécessaires?

Je crains que, au contraire, les Canadiens soient profondément déçus. Le projet de loi, malgré les bonnes intentions de M. Chong, ne fait rien pour régler les véritables problèmes qui affligent notre démocratie parlementaire.

Par exemple, l'un des plus graves problèmes actuels est la concentration sans précédent des pouvoirs au cabinet du premier ministre et l'abdication correspondante des pouvoirs par les parlementaires. Je conviens, chers collègues, que le problème de la centralisation des pouvoirs au cabinet du premier ministre en est un qui s'aggrave depuis des décennies.

Selon le sénateur Wallace, la centralisation des pouvoirs entre les mains des chefs des partis constitue le problème fondamental soulevé par M. Chong. Il a dit ceci : « En termes simples, le projet de loi C-586 propose de rééquilibrer le pouvoir entre les parlementaires élus et les chefs de parti. »

Si seulement c'était vrai, chers collègues, ce serait merveilleux.

Malheureusement, la portée du projet de loi est beaucoup plus modeste. Comme l'a expliqué le sénateur Tannas, le projet de loi vise plusieurs objectifs. Tout d'abord, il propose que chaque parti politique confie la tâche d'approuver des candidats à d'autres personnes qu'au chef du parti. Je crois qu'aux yeux de bien des Canadiens, cette modification n'aura pas tellement d'incidence. Pourtant, elle est le premier exemple utilisé par le sénateur Tannas pour illustrer comment le projet de loi renforcerait le caucus en tant qu'organe décisionnel. Je crois cependant que beaucoup de Canadiens ne verraient pas en quoi le fait de transférer un pouvoir du chef du parti à une personne choisie par le parti redynamiserait le caucus.

Le projet de loi propose également de modifier les règles régissant l'expulsion des députés de leur caucus et leur réadmission au sein de celui-ci. Il prévoit des règles pour la sélection des présidents de caucus, des chefs intérimaires et — ce qui a soulevé le plus de controverse — pour l'expulsion et le remplacement des chefs de parti.

Et c'est tout.

Chers collègues, quand avez-vous entendu pour la dernière fois un Canadien exprimer sa frustration à l'égard de l'état de sa démocratie parlementaire? Combien de fois un Canadien vous a-t-il dit : « Si seulement on avait une meilleure procédure de sélection des présidents de caucus, tout irait mieux » ? Combien de fois avez-vous entendu quelqu'un exprimer de la colère au sujet des règles régissant la sélection du chef intérimaire d'un parti?

Dans mes longues années en politique, quand j'étais directeur de parti et que je faisais du porte-à-porte à l'occasion d'innombrables campagnes électorales, je ne me souviens pas d'une seule fois où ces questions ont été soulevées.

Les Canadiens ont plutôt les questions suivantes à poser : Pourquoi les parlementaires ne font-ils pas preuve de discernement par rapport aux projets de loi dont ils sont saisis? Pourquoi n'écoutent-ils pas les Canadiens? Pourquoi n'adopte-t-on aucun amendement visant à améliorer les projets de loi? Pourquoi la discipline de parti est-elle plus importante que les témoignages présentés au Parlement?

Chers collègues, rien dans le projet de loi ne changera quoi que ce soit à tout cela.

Les Canadiens éprouvent de la frustration à l'égard de l'injustice de notre système électoral uninominal majoritaire à un tour, affirmant qu'il ne devrait pas être possible pour un parti élu avec les voix de seulement 23 p. 100 des Canadiens en âge de voter de former un gouvernement majoritaire. C'est carrément non démocratique.

Rien dans le projet de loi ne changera quoi que ce soit à cela.

C'est un projet de loi de « cuisine interne » assorti d'un titre ronflant. À mon avis, plusieurs des problèmes auxquels s'attaque le projet de loi pourraient être réglés dans les règlements des caucus ou les constitutions des partis. Le fait que ce projet de loi tente de s'attaquer à ces problèmes n'en fait pas un important « projet de loi instituant des réformes », car il ne pourra réformer aucun des graves problèmes auxquels est actuellement confrontée notre démocratie parlementaire.

Tout comme un amateur de saucisse ne devrait jamais assister à la fabrication des saucisses, ceux qui se passionnent pour le droit ne devraient jamais assister au processus législatif. Le gouvernement majoritaire est allé encore plus loin, transformant le Parlement en quelque chose qui ressemble dangereusement à une usine à saucisses. Bien trop souvent ces derniers temps, au lieu de nous acquitter activement de notre rôle de parlementaires, nous suivons la procédure établie machinalement, pour la forme.

(1330)

Combien d'études préalables avons-nous menées au cours de la dernière année sur des projets de loi qui inquiètent beaucoup les Canadiens, sans même nous soucier de présenter par la suite des rapports sur ces études préalables dans cette enceinte?

Combien de fois avons-nous ignoré d'éminents Canadiens, y compris des constitutionnalistes, qui ont insisté pour que nous réexaminions certains projets de loi ou que nous les amendions afin d'y apporter des améliorations concrètes?

Combien de projets de loi omnibus avons-nous adoptés en sachant très bien qu'il était impossible que nous nous acquittions de notre rôle et que nous examinions comme il se doit toutes les dispositions de ces mesures législatives comptant plusieurs centaines de pages?

Notre rôle, qui consiste à effectuer un second examen objectif, est mis en péril. Il ne faut pas se leurrer, chers collègues; nous sommes responsables de cette situation.

Par exemple, nos anciens collègues, le sénateur Banks et le sénateur Murray, ont découvert une disposition enfouie dans un projet de loi omnibus qui privait le Parlement de son pouvoir de surveiller les emprunts effectués par le gouvernement. Ce projet de loi omnibus, comme tous les autres, avait été étudié à la hâte et, donc, cette disposition a été découverte bien après que le projet de loi ait reçu la sanction royale.

Chers collègues, dans une démocratie parlementaire, rien n'est plus important que le pouvoir du Parlement de surveiller les finances, et pourtant, une disposition portant sur ce pouvoir avait été enfouie dans un projet de loi omnibus.

Le sénateur Murray a proposé un projet de loi d'initiative parlementaire visant à rendre ce pouvoir au Parlement. Mon collègue, le sénateur Moore, a repris le projet de loi et l'a présenté de nouveau chaque nouvelle session. Le gouvernement l'a laissé traîner. Cette mesure législative est encore inscrite au Feuilleton. Il s'agit maintenant du projet de loi S-204. L'adoption de ce projet de loi représenterait un important pas en avant. Le fait de rendre au Parlement son pouvoir sur les deniers publics constituerait une véritable réforme, mais selon ce que je constate on ne s'intéresse pas vraiment à cette question.

Chers collègues, pendant la dernière année, nous avons adopté deux projets de loi alors que nous savions qu'ils comportaient des erreurs, des erreurs que nous avons découvertes et que nous aurions pu corriger. C'est notre rôle, chers collègues. C'est ça, le second examen objectif. Comme d'habitude, le gouvernement a refusé d'accepter des amendements, quels qu'ils soient, et donc de mauvaises lois, des lois boiteuses, ont été adoptées.

On nous a donné l'assurance que le gouvernement allait présenter un projet de loi pour corriger les erreurs que nous avons trouvées. Nous savons tous que le Parlement s'ajournera très bientôt pour l'été — l'autre endroit est peut-être ajourné en ce moment même — et qu'il y aura des élections à l'automne. Le gouvernement n'a présenté aucun projet de loi pour corriger ces erreurs. Quand nous ne faisons pas notre travail, de mauvais projets de loi deviennent la loi du pays. Il n'est guère surprenant que les Canadiens soient découragés par la démocratie parlementaire.

Vous pouvez comprendre pourquoi je suis sceptique lorsqu'on nous promet que les dispositions de ce projet de loi redonneront des pouvoirs aux parlementaires.

Chers collègues, en somme, les parlementaires des deux Chambres n'ont pas besoin d'un projet de loi qui leur redonne leurs pouvoirs. Ils ne les ont jamais perdus. Ils n'ont qu'à exercer les pouvoirs qu'ils ont déjà. Ils n'ont qu'à faire leur travail.

C'est d'ailleurs pourquoi je m'oppose aux pressions exercées sur nous pour que, comme le disent certains, y compris M. Chong, nous adoptions tel quel le projet de loi C-586.

Chers collègues, on ne peut pas permettre aux parlementaires de faire leur travail en disant à d'autres parlementaires de ne pas faire le leur. Nous avons entendu d'excellentes interventions très pertinentes sur ce projet de loi. La qualité de notre débat a été pour moi une source de fierté. À vrai dire, c'est ainsi que la démocratie parlementaire devrait fonctionner.

Même si je comprends que M. Chong soit impatient de faire avancer la réforme parlementaire, je trouve paradoxal qu'il nous exhorte à adopter son projet de loi tel quel, nous disant par le fait même que nous n'avons pas à en débattre ou même à songer à des amendements, alors que, pour une autre mesure, le projet de loi C-290, qui porte sur les paris sur une épreuve sportive, le député a écrit à chacun d'entre nous une lettre pour exhorter le Sénat...

[...] à jouer [son] rôle constitutionnel en tant que Chambre de second examen objectif en rejetant le projet de loi C-290.

Donc, il faudrait approuver son projet de loi tel quel, mais assumer notre rôle constitutionnel de Chambre de second examen objectif en ne nous contentant pas de l'amender, mais bien en rejetant un projet de loi qui lui déplaît.

Honorables sénateurs, ce n'est pas ainsi que nous renforcerons notre démocratie parlementaire. Ce serait une démocratie qui aurait deux poids, deux mesures, et, bien franchement, ce n'est pas ainsi que je conçois la démocratie, qu'elle soit ou non parlementaire.

À vrai dire, lorsque je réfléchis aux réformes qu'apporterait le projet de loi C-586, je ne puis m'empêcher de me demander si elles feraient bel et bien progresser la démocratie parlementaire ou si elles ne la feraient pas plutôt régresser.

La semaine dernière, lorsque les sénateurs Wallace et Tannas sont intervenus, je les ai interrogés sur un point qui me chicote, c'est-à-dire les dispositions du projet qui concernent l'examen de la direction.

Comme le savent les sénateurs, le projet de loi légiférerait un unique ensemble de règles applicables à tous les partis politiques, peu importe la manière dont chacun choisit son chef. Aux termes du projet de loi, 20 p. 100 des députés élus suffiraient à déclencher un examen de la direction et 50 p. 100, à destituer le chef de leur parti.

Honorables sénateurs, il est vrai que les chefs de parti étaient autrefois choisis par de petits groupes, généralement composés d'hommes blancs d'âge mûr, qui prenaient des décisions au nom des centaines ou même des milliers de membres de leur parti. Je suis convaincu que nous nous réjouissons tous que cette époque soit révolue.

Comme nous l'a rappelé l'autre jour le sénateur Plett, le chef de mon parti, le Parti libéral du Canada, a été élu par 81 389 Canadiens selon le principe « une personne, un vote ». Vous n'êtes pas sans savoir que le groupe parlementaire du Parti libéral se compose de 36 députés; 20 p. 100 de 36, cela fait un peu plus de 7. Selon le projet de loi, à peine sept ou huit personnes suffiraient donc à déclencher un examen de la direction.

En quoi permettre à sept ou huit personnes de contester une décision prise par 81 389 personnes constitue-t-il un progrès sur le plan de la démocratie? La démocratie sera-t-elle mieux servie si 18 ou 19 personnes ont le pouvoir d'annuler la décision des 81 389 membres et partisans d'un parti politique?

Je suis tout particulièrement déconcerté par l'idée que nous, législateurs, puissions être appelés à changer les règles que se sont données ces membres — ou, dans le cas de mon parti, ces partisans — et qui sont enchâssées dans la constitution du parti. Les membres et les partisans du parti ne devraient-ils pas changer eux-mêmes les règles de la constitution qu'ils ont adoptée, plutôt que de se voir imposer des changements par un petit groupe de législateurs?

Si les membres d'un parti politique — le mien ou un autre parti — souhaitent conférer ou déléguer ces pouvoirs aux députés de la Chambre des communes, eh bien soit. Il ne revient pas à nous, parlementaires, de prendre cette décision en leur nom.

Soyons clairs, chers collègues. La définition de « groupe parlementaire » dans le projet de loi ne me trouble nullement, pas plus que le fait qu'elle ne vise que les députés de l'autre endroit. Ce n'est pas l'exclusion des sénateurs qui me dérange, mais celle des membres des partis — ou celle des partisans, dans le cas du Parti libéral.

Selon les dispositions du projet de loi, les provinces où aucun candidat du parti n'aurait été élu seraient ignorées, exclues, même si des dizaines de milliers de Canadiens dans ces provinces ont voté pour le chef. Est-ce démocratique?

Les membres du groupe parlementaire représentent les électeurs de leur circonscription et non l'ensemble des membres ou des partisans du parti. Ils ne représentent certainement pas les membres et les partisans des autres provinces, et avec raison. Cela dit, ce serait une erreur de leur donner le pouvoir d'annuler les décisions des membres ou partisans des autres provinces qui n'ont pas remporté le scrutin majoritaire uninominal dans les élections précédentes. Voilà qui aggraverait assurément les problèmes actuels, au lieu de les atténuer.

Je sais cela, et je suis sûr que tous les autres, dans cette enceinte, ont reçu des centaines de courriels les implorant d'adopter le projet de loi C-586. Je sais aussi que, lorsque j'exprime ces préoccupations — en particulier celles qui concernent l'examen de la direction — dans mes échanges avec des membres du parti, on me répond qu'on n'y avait jamais pensé et qu'il y a effectivement un problème.

Qu'est-ce que je propose? Je reconnais que ce projet de loi porte sur des questions internes qui concernent l'autre endroit, mais il porte également sur des questions internes qui concernent les partis politiques. Si j'émets des réserves, ce n'est pas à titre de sénateur, mais à titre de membre de longue date d'un parti politique. Comme d'autres membres de parti, j'ai porté ces questions à l'attention des dirigeants du parti politique auquel j'appartiens. Ils ne semblent pas partager mes craintes. Néanmoins, en tant que membre d'un parti, je suis très déçu.

(1340)

Cela dit, ma position, à titre de sénateur à qui on demande d'étudier ce projet de loi, n'est pas la même. Comme je l'ai déjà dit, nombre des dispositions qu'on y trouve portent sur le fonctionnement interne des groupes parlementaires de l'autre endroit, et les députés y ont donné leur accord. Dans cette optique, je ne vois pas ce qui me permettrait à moi, un sénateur, de rejeter un tel projet de loi. Par contre, pour les motifs que je viens d'exposer, ma conscience m'empêche aussi de lui donner mon appui.

Je vais donc m'abstenir de voter. Ce n'est pas dans mes habitudes, mais vu la nature particulière de ce projet de loi et des préoccupations qu'il soulève chez moi, je dois conclure que cette avenue, aussi inhabituelle soit-elle, est la seule qui s'offre à moi.

Chers collègues, nous avons rigoureusement et vigoureusement débattu de tous les aspects du projet de loi, et je sais que d'autres vont encore en parler cet après-midi. Je suis fermement convaincu que les dispositions qu'on y trouve, les bonnes comme les moins bonnes, ont été amplement décortiquées par les deux groupes parlementaires du Sénat. Nous avons tous reçu des centaines de courriels de Canadiens qui nous pressent de l'adopter.

Dans les circonstances, j'espère que les sénateurs accepteront, une fois que nos autres collègues auront pris la parole cet après-midi, de passer au vote. Je vous remercie.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La sénatrice Ringuette souhaite vous poser une question, sénateur Cowan. Acceptez-vous d'y répondre?

Le sénateur Cowan : Bien sûr.

L'honorable Pierrette Ringuette : J'ai moi-même été députée de 1993 à 1997. À l'époque, le chef du Parti réformiste, M. Manning, et son bras droit, Stephen Harper, étaient assis juste en face de moi. Pendant un certain temps durant la législature, ils avaient tous les deux réclamé une loi sur la révocation des députés. C'est quand même amusant que l'une des deux personnes qui voulaient qu'un député soit révoqué s'il allait à l'encontre de la volonté de ses chefs en votant conformément à la volonté de ses électeurs soit justement celle qui occupe les fonctions de premier ministre du Canada depuis 2006, c'est-à-dire depuis neuf ans.

Voici ma question, sénateur Cowan : si le premier ministre du Canada avait le courage de réformer pour vrai les procédures parlementaires et constitutionnelles et qu'il présentait une loi sur la révocation des députés, voteriez-vous pour ou contre?

Le sénateur Cowan : Pour ma part, je ne suis pas en faveur d'un projet de loi sur la révocation. Je ne crois pas que ce soit approprié dans le cadre de notre système. J'estime que notre système donne de très bons résultats, bien que quelques modifications puissent y être apportées, mais, personnellement, je ne crois pas qu'un tel projet de loi soit une bonne chose.

L'honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-586, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada, mieux connue sous le nom de Loi instituant des réformes. J'ai bien aimé les débats qui ont eu lieu au Sénat et à la Chambre des communes, ainsi que dans les médias. Le projet de loi a suscité un débat très public. J'aimerais vraiment que tous les projets de loi suscitent des débats aussi vigoureux.

Un certain nombre de dispositions ne me posent aucun problème, notamment le processus au moyen duquel un candidat qui cherche à se faire élire à la Chambre des communes est soutenu par son parti politique, la sélection du président d'un groupe parlementaire, l'expulsion ou la réadmission d'un député d'un groupe parlementaire à la Chambre des communes. C'est en effet une décision qui incombe aux députés de la Chambre des communes ou du parti. Je crois qu'il est préférable que ces questions continuent d'être réglées, comme l'a dit le sénateur Cowan, par le parti visé, mais, si le Sénat et la Chambre des communes estiment que cela doit être inscrit dans la loi, je n'y vois aucun inconvénient.

J'ai toutefois quelques préoccupations relativement au projet de loi, et elles portent sur l'efficacité et le caractère inclusif de notre système politique, la façon dont nous organisons nos partis politiques et le respect que nous devons témoigner aux députés de tous les partis. Ce sont des éléments essentiels de la démocratie canadienne.

Conformément au paragraphe 49.5(2) du projet de loi C-586, il faut la signature de seulement 20 p. 100 des députés d'un groupe parlementaire d'un parti pour amorcer le processus de remplacement du chef du parti. Si la signature de 20 p. 100 des députés du groupe parlementaire est obtenue, alors un autre vote est immédiatement tenu pour savoir si le chef devrait être remplacé. Il importe de se rappeler que le chef du parti peut en fait être le premier ministre. Le projet de loi ne contient aucune restriction quant au nombre de reprises où cela peut se produire.

Le député Michael Chong est l'auteur du projet de loi. Sa participation au Comité du Règlement s'est avérée instructive. Le sénateur Doyle a posé une question au sujet de l'examen de la direction :

Est-ce que cela se fait une fois ou est-ce que cela peut se faire plusieurs fois?

M. Chong a répondu ceci :

[...] il est possible qu'un groupe parlementaire effectue ce genre d'examen plusieurs fois de suite au cours d'une seule législature [...]

Pensez-y, honorables sénateurs. Les partis politiques ont besoin de stabilité, les gouvernements ont besoin de stabilité et les marchés financiers ont besoin de stabilité.

Le sénateur Plett et d'autres intervenants ont très bien expliqué comment les choses se passent dans la législature actuelle. Des milliers de personnes élisent le chef d'un parti et, dans le cas du Parti conservateur, doivent pour ce faire payer des droits d'adhésion. Qu'un segment d'un groupe parlementaire prenne sur lui de renverser la décision démocratique névralgique des membres du parti constitue une atteinte à la démocratie et au vaste système d'approbation que les partis modernes ont mis au point, que les députés ont à cœur et que nous célébrons.

Dans le cas de M. Trudeau, on pourrait faire fi de la volonté exprimée par plus de 80 000 personnes; il suffirait, comme l'a dit le sénateur Cowan, d'une majorité simple de ce petit caucus de 36 députés, soit 19 personnes, c'est tout.

Pour ce qui est du Parti conservateur du Canada et de l'actuel premier ministre, le cinquième des députés conservateurs, à peine 32 personnes, suffirait à déstabiliser le gouvernement. En politique, lorsqu'on forme un gouvernement majoritaire, fort et stable comme celui-ci, s'il n'y a que 20 p. 100 de vos collègues qui n'aiment pas ce que vous faites, je dis : mission accomplie.

Honorables sénateurs, nous demandons très peu de choses aux membres de notre parti respectif, notamment de donner de l'argent et de participer au choix de son chef. Or, le contenu du projet de loi leur retirerait essentiellement le droit de choisir leur chef. Les membres ne serviraient plus qu'à satisfaire à nos demandes de dons. Ce serait le comble de l'arrogance et du mépris.

En tant que sénateurs, nous devons écouter les gens qui pourraient être victimes d'oppression. J'ai déjà dit que les partis étaient davantage en mesure de juger de la pertinence des dispositions contenues dans le projet de loi. M. Chong, l'auteur du projet de loi, l'a reconnu et l'a compris, et c'est pourquoi il a tenté, en vain, d'intégrer ces pratiques au programme de son parti lors des trois derniers congrès d'orientation du Parti conservateur. Ces congrès se sont déroulés à Montréal, à Winnipeg, et le dernier a eu lieu à Calgary, en 2013. Chaque fois, la base conservatrice et les organisateurs du congrès ont estimé que ces pratiques ne correspondaient pas au programme conservateur. Évidemment, ils ne voulaient pas que l'on s'en prenne à leurs droits.

Toutes les personnes intelligentes aux prises avec une difficulté s'efforcent de trouver une solution de rechange, comme le disent les ingénieurs. M. Chong a choisi, à titre de solution de rechange, de présenter ses idées au Parlement au moyen d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Il a semé la division au sein du caucus, il a promis à certaines personnes qu'elles auraient plus de pouvoirs, et il tente maintenant d'intimider le Sénat pour qu'il se plie à ses demandes. Il y a deux semaines, en réponse à une question posée par ma collègue, la sénatrice Jaffer, lors d'une réunion du Comité du Règlement, M. Chong a dit que le Sénat devrait faire son travail et approuver le projet de loi tel quel.

D'autres témoins ont soulevé des points intéressants lors de leur passage devant les membres du Comité du Règlement. Si vous le permettez, chers collègues, j'aimerais vous lire quelques extraits du témoignage d'un député, M. Stéphane Dion. Cela aidera sans doute ceux qui n'ont pas assisté aux réunions du Comité du Règlement et qui n'ont pas lu les comptes rendus des nombreuses réunions que nous avons tenues à ce sujet. Il a déclaré ce qui suit :

[...] le projet de loi C-586 n'est pas un bon projet de loi.

[...] il n'améliorera pas la démocratie canadienne.

Je trouve particulièrement odieux qu'un député soit expulsé d'un groupe parlementaire par scrutin secret au lieu d'un vote à main levée.

Ces déclarations sont très justes, mais c'est l'affirmation suivante qui résume le mieux son point de vue :

À mon avis, une convention tacite est préférable à une règle officielle pour l'expulsion d'un chef, une décision capitale s'il en est une.

L'ancien Président de la Chambre des communes, Pete Milliken, appuyait le projet de loi C-586. Il a proposé une solution plutôt étonnante pour pallier ses lacunes. Je le cite :

Je préférerais autre chose, mais c'est un début.

Il ajoute ensuite ceci :

Après les prochaines élections, je suis certain que le parti élu voudra y apporter des modifications, peut-être pour en améliorer le fonctionnement ou pour favoriser une approche plus raisonnable...

De toute évidence, il n'était pas débordant d'enthousiasme.

(1350)

Chers collègues, le travail du Sénat est de faire les choses correctement du premier coup et non de reconnaître des lacunes évidentes, de les approuver telles quelles à la demande du parrain de la mesure à la Chambre en espérant que d'autres après nous rempliront l'obligation que nous n'avons pas remplie. La sénatrice Fraser a posé une question à M. Chong lorsqu'il a comparu devant le Comité du Règlement. La question était simple :

Le gros du projet de loi traite des groupes parlementaires (caucus) et un des aspects qui me préoccupent particulièrement est que je me demande pourquoi une loi devrait dire aux groupes parlementaires comment ils doivent organiser leurs activités. Comme vous le savez, les différents partis ont des traditions et des constitutions différentes et là, nous sommes confrontés à un projet de loi qui dirait : « Peu importe ce que dit la constitution de votre parti, ce que sont vos diverses traditions ou ce que pensent vos membres. Voilà, c'est comme ça que se feront les choses. »

Voici ce qu'a répondu M. Chong :

J'ai observé au cours des 11 ans que j'ai passés comme député à la Chambre basse que c'est un endroit où se prennent des décisions chaotiques, arbitraires et ad hoc au sujet des groupes parlementaires...

Si vous voulez éviter les situations chaotiques, ce projet de loi est bien la dernière chose que vous voulez voir.

Le moment est bien choisi pour voir, chers collègues, ce qui incite les chefs de parti à quitter leur fonction. Nous avons entendu parler de Kathy Dunderdale, dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, et d'Alison Redford en Alberta. Ni l'une ni l'autre n'a quitté sa fonction après un vote de confiance tenu par le groupe parlementaire. En fait, les deux avaient été élues avec une écrasante majorité par leur électorat, puis avaient démissionné de leur poste respectif parce que cela leur paraissait la chose à faire et qu'elles avaient subi des pressions.

J'ai posé la question suivante à la Bibliothèque du Parlement : qu'est-ce qui a déjà justifié qu'on procède à l'examen de la direction? Voici la réponse : la démission du chef pour des raisons de santé, le fait que le chef n'ait pas été élu aux élections générales, la défaite du parti aux élections générales, la fusion de partis et les pressions internes du parti ou des groupes parlementaires. Honorables sénateurs, notre système n'est pas défectueux. Ce n'est pas le chaos. Il fonctionne très bien.

Les arguments justifiant la mesure législative sont plutôt faibles. On n'a qu'à penser à la disposition qui définit ainsi un « groupe parlementaire » : « groupe composé exclusivement des députés qui adhèrent à un même parti reconnu ».

Si le projet de loi est adopté, ce sera la seule occurrence, dans la législation canadienne, d'une définition de « groupe parlementaire ». Pourquoi? Parce que la notion de groupe parlementaire ne relève pas du droit, mais des partis politiques.

Jetons un coup d'œil aux autres pays dont s'inspire le projet de loi. Selon la Bibliothèque du Parlement, le terme « groupe parlementaire » n'est pas utilisé au Royaume-Uni. Il ne se trouve pas dans le lexique parlementaire publié sur le site web du Parlement du Royaume-Uni. Il ne se trouve pas non plus dans la 24e édition de l'ouvrage Parliamentary Practice, d'Erskine May. Les recherches dans les lois britanniques se rapportant à cette question n'ont donné aucun résultat. L'auteur du projet de loi C-586 continue pourtant de dire que cette mesure législative s'inspire du modèle de Westminster.

Chers sénateurs, tournons-nous vers l'Australie. Le terme « groupe parlementaire » n'est ni défini ni employé dans le règlement de la Chambre des représentants de l'Australie, ni dans celui du Sénat. Aucune définition de ce terme ne se trouve dans la législation ou la jurisprudence australienne. Le lexique parlementaire de l'Australie en donne les définitions suivantes : « assemblée des membres parlementaires d'un parti politique » et « députés appartenant à un parti politique [...] »

Honorables collègues, n'oublions pas que, même si, au Canada, on établit couramment une distinction entre les députés et les sénateurs, selon qu'ils siègent à la Chambre des communes ou au Sénat, nous sommes tous des parlementaires.

Finalement, en Nouvelle-Zélande, le terme « groupe parlementaire » n'est défini de manière formelle dans aucune loi ou décision judiciaire. Cependant, sur le site web du Parlement de la Nouvelle-Zélande, il est défini comme « une expression générale désignant tous les membres d'un même parti politique. »

Les trois pays dont je viens de parler ne définissent pas le terme « groupe parlementaire » dans des lois, mais le projet de loi C-586 tente de le faire, et prétend suivre l'exemple de ces pays. De plus, la définition que le projet de loi C-586 donne de ce terme est incompatible avec les définitions inclusives admises qui se trouvent dans les glossaires des pays régis par le système de Westminster.

Au Canada, le terme « groupe parlementaire » fait clairement allusion à l'appartenance à un parti, ce que nous voyons très clairement dans cette enceinte. Au sein du Parti conservateur, les députés et les sénateurs font partie du groupe parlementaire conservateur. En revanche, au sein du Parti libéral, seuls les députés, et non les sénateurs, sont actuellement considérés comme des membres du groupe parlementaire libéral.

Lors de sa comparution devant le comité qui a étudié le projet de loi, M. Chong, en réponse à une question de la sénatrice Martin, a affirmé que les règles relatives aux groupes parlementaires des partis sont définies dans la Loi sur le Parlement du Canada. Ni moi ni la Bibliothèque du Parlement n'avons trouvé aucune confirmation de cette affirmation.

Le terme « groupe parlementaire » n'est défini dans aucune loi fédérale canadienne. Cependant, selon le Vocabulaire de procédure parlementaire, il est défini comme étant « le groupe composé de tous les députés [de la Chambre des communes] et sénateurs d'un même parti ».

De façon similaire, dans La procédure et les usages de la Chambre des communes, les députés qui appartiennent au même parti, ainsi que leurs homologues au Sénat, sont désignés collectivement comme le groupe ou caucus parlementaire du parti.

Enfin, on n'a pu trouver aucune définition de caucus par les tribunaux canadiens. Ceux-ci ont adopté une position juridique de longue date selon laquelle les partis politiques sont considérés essentiellement comme des entités privées ou des associations privées de personnes se réunissant dans l'objectif commun de briguer des fonctions politiques et d'exprimer des positions politiques.

Durant la présentation de M. Chong aux sénateurs conservateurs, on lui a demandé pourquoi il a inclus le terme dans le projet de loi puisque sa définition de « groupe parlementaire » exclut explicitement les sénateurs. Sa réponse est étonnante et trahit un manque de compréhension total de ce qui constitue une équipe unie et efficace. Il a dit qu'on peut toujours assister à la réunion du mercredi.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Wells : Comme c'est magnanime de sa part.

Chers collègues, je pense que nous pouvons régler cette question. Cette définition de groupe parlementaire n'est pas reconnue par les assemblées législatives ni du Royaume-Uni, ni de la Nouvelle-Zélande, ni de l'Australie, et elle est diamétralement opposée à la définition qui existe déjà dans les documents de référence canadiens générés par la Chambre des communes.

Honorables sénateurs, le système proposé aux termes du projet de loi C-586 ne tient pas compte des opinions des membres du parti. La direction et les politiques d'un parti pourraient être complètement établies par une partie du groupe parlementaire. La mesure exclut de nombreux membres de longue date, dont certains ont contribué à la fondation des partis. Dans cette seule enceinte, j'aperçois des organisateurs politiques, des experts en politique, des collecteurs de fonds, des candidats et de loyaux soldats, tous très respectés et chevronnés, et tous des éléments indispensables de l'action politique populaire.

De plus, le projet de loi occasionnerait, peut-être même souvent, des périodes d'instabilité politique considérables. Il créerait des factions et des divisions au sein de groupes parlementaires et permettrait à des groupuscules intéressés à une seule question de contrarier la volonté de la majorité en menaçant de déstabiliser le chef. Il aggraverait les rivalités au sein des groupes parlementaires, rivalités susceptibles de créer des scissions linguistiques, régionales ou rurales-urbaines. Ces divisions ne sont pas dans l'intérêt de l'unité des groupes parlementaires ou des partis et n'encouragent pas la loyauté au sein du gouvernement ou de l'opposition.

En vertu de cette mesure législative, il pourrait arriver qu'à l'issue des élections, un parti politique soit appelé à former le gouvernement et que son chef devienne par conséquent le premier ministre, mais qu'ensuite, une partie du groupe parlementaire de ce parti mette un autre chef à la tête du gouvernement sans recours procédural ni consultation des électeurs. Nous ne pouvons contribuer à l'adoption d'une mesure législative qui rendrait possible une telle éventualité. C'est là le seul objectif du projet de loi.

Chers collègues, si ce projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, n'aura pas son mot à dire dans l'expulsion du chef de mon parti, ni dans le choix d'un chef intérimaire, car elle n'a pas de député conservateur.

De même, l'Alberta, qui est pourtant une grande province, n'aurait pas, elle non plus, voix au chapitre dans les discussions concernant le chef libéral et elle pourrait à peine se permettre un murmure dans le cas du chef néo-démocrate. En fait, les libéraux de l'Ouest du Manitoba sont si peu nombreux à la Chambre qu'il existe un déséquilibre évident, fondé sur des facteurs régionaux, ce que le pays a longtemps cherché avec acharnement à éliminer sous de nombreux gouvernements. En outre, la voix des territoires faiblit considérablement, car un seul parti fédéral est représenté dans chacun d'eux.

Ce projet de loi semble avoir pour but de donner du pouvoir aux députés. Donner du pouvoir, c'est très bien, mais toute médaille a son revers. Ce que l'un gagne, un autre le perd. Il est clair que les militants des partis politiques, ceux qui forment l'assise d'un système démocratique, sont lésés. Ma province et d'autres y perdent aussi. Quant aux trois territoires, ils sont relégués au dernier rang.

Chers collègues, les partisans de ce projet de loi ont énuméré toutes sortes de raisons pour justifier son adoption, notamment : que l'auteur a travaillé fort et longtemps sur son projet de loi; que notre Parlement se trouve dans un état lamentable; qu'il appartient au Sénat de se plier à la volonté de la Chambre; qu'il s'agit d'une mesure législative à participation volontaire; que la réputation du Sénat va être encore plus ternie en ces temps difficiles; que tout cela n'a rien à voir avec le Sénat; que l'auteur du projet de loi est un rebelle; que le fait d'apporter des amendements au projet de loi aura pour effet de le torpiller; et que, comme la session tire à sa fin, nous devrions faire notre travail et adopter le projet de loi.

Chers collègues, cette mesure législative a été inscrite au Feuilleton du Sénat il y a moins de quatre mois, parmi plusieurs projets de loi d'initiative parlementaire et ministérielle. Elle a traîné à l'autre endroit pendant 11 mois. Nous ne nous sommes pas traîné les pieds et n'avons pas tergiversé. Nous avons fait notre travail, et nous l'avons fait rapidement et de manière très soignée.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Wells, voulez-vous qu'on vous accorde plus de temps?

Le sénateur Wells : Puis-je avoir cinq minutes de plus, chers collègues?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Wells : Merci, chers collègues. Il me faudra deux minutes.

Les commentaires qui laissent entendre le contraire sont insultants et erronés. Chers collègues, si nous décidons d'adopter ce projet de loi, faisons-le parce qu'il s'agit d'une bonne mesure législative. Faisons-le parce qu'il permettra d'affermir les fondations de notre démocratie et de corriger une injustice, et parce que c'est une bonne chose pour le Canada.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-586 ne fera rien de tel.

(1400)

Motion d'amendement

L'honorable David M. Wells : Pour toutes ces raisons, et d'autres encore, je propose l'amendement suivant :

Que le projet de loi C-586 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 4, à la page 2, après la ligne 35, par l'ajout de ce qui suit :

« 49.21 L'article 49.2 ne s'applique pas au chef d'un parti. »

Je vous remercie, chers collègues.

L'honorable Pierrette Ringuette : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à quelques-unes de mes questions?

Le sénateur Wells : Absolument, sénatrice.

La sénatrice Ringuette : Je ne connais pas bien les politiques du Parti conservateur, alors j'aimerais que vous me disiez s'il dispose de politiques, ou de règles concernant la confirmation ou la contestation du chef.

Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre question, sénatrice Ringuette. En règle générale, l'usage dans notre parti veut que nous décidions après chaque élection s'il y a lieu de tenir un vote de confiance.

La sénatrice Ringuette : Est-ce que c'est ce que disent les règles du parti, que les votes de confiance ont lieu seulement après les élections?

Le sénateur Wells : C'est ainsi que nous procédons habituellement, sénatrice.

La sénatrice Ringuette : Autrement dit, rien dans vos règles ne parle de la confirmation ou de la contestation du chef.

Le sénateur Mockler : On vient de vous dire que oui.

La sénatrice Ringuette : C'est ce que je demande.

Le sénateur Wells : C'est effectivement l'usage chez nous.

La sénatrice Ringuette : Un usage ou une règle?

Le sénateur Wells : Une règle peut être basée sur l'usage.

La sénatrice Ringuette : Sauf erreur, le chef de votre parti n'a fait l'objet d'aucun vote de confiance depuis 10 ans.

Mon autre question porte sur le vote concernant ce projet de loi à l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes. Pourriez-vous nous dire si les députés conservateurs ont voté pour ou contre?

Le sénateur Wells : Tout à fait. Pour tout vous dire, j'étais présent quand a eu lieu le vote à l'étape de la troisième lecture. Si je me fie à ma mémoire et aux documents que j'ai lus — je suis vraiment content que vous ayez posé la question —, les députés ont voté pour se prendre en main à 260 voix contre 17. Ils ont pris cette décision au détriment de la base.

La sénatrice Ringuette : Voilà qui en dit long, honorable sénateur.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, la position du sénateur Wells m'intrigue beaucoup, de même que ses explications.

Sénateur Wells, il ne fait aucun doute que les partis politiques sont des sociétés privées.

Le sénateur Tkachuk : Pardon?

La sénatrice Cools : Des sociétés ou clubs privés qui n'ont pas beaucoup de comptes à rendre. Des clubs privés, purement et simplement. Il est bien connu que le caucus forme l'aile parlementaire du club privé, du parti. Vous dites que la Grande-Bretagne, l'Australie et d'autres pays n'utilisent pas vraiment le terme « caucus » dans un contexte légal.

Ma question porte sur l'événement suivant. En 1922, Lloyd George était premier ministre libéral d'un gouvernement de coalition formé avec les conservateurs, qui s'est dissolu à la suite d'un vote par lequel les conservateurs lui retiraient leur appui. Lloyd George a démissionné quelques minutes après le vote. Deux heures plus tard, son remplaçant, le premier ministre Bonar Law, a été assermenté au palais de Buckingham. Ne croyez-vous pas que les caucus du Royaume-Uni sont très puissants?

Le sénateur Mockler : Le vote!

La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, voici ma prochaine question. À ce stade-ci du développement de notre société, croyez-vous que les partis politiques peuvent continuer de fonctionner comme des sociétés secrètes, avec des caucus axés sur le secret, où l'on persécute les membres...

Le sénateur Mockler : C'est un discours. Le vote!

La sénatrice Cools : ... dans l'unique but de les contrôler?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Cools...

La sénatrice Cools : Selon vous, dans le monde d'aujourd'hui, où l'on prône la diversité et la transparence, peut-on continuer de poser de tels gestes?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice, votre temps de parole est écoulé. Sénateur Wells, vous avez 30 secondes.

La sénatrice Cools : Alors, donnez-lui plus de temps; c'est une question importante.

Le sénateur Wells : Je ne pense pas que j'aurai besoin de beaucoup de temps, Votre Honneur.

Je considère que la prémisse de la question est fausse, alors je n'ai pas de réponse à donner concernant des sociétés hypersecrètes à l'intérieur de sociétés secrètes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il ne reste plus de temps.

Le débat se poursuit, et je cède la parole à la sénatrice Cordy.

L'honorable Jane Cordy : Je vais parler très brièvement du projet de loi C-586 et de l'amendement qui a été présenté.

Je voudrais remercier Michael Chong pour le travail qu'il a accompli afin de présenter le projet de loi C -586, qui vise à accroître le pouvoir des députés élus et à réduire le contrôle que peuvent exercer sur eux les chefs de parti. Il a pour but de favoriser l'autonomie des députés, et c'est certainement un pas dans la bonne direction.

Ce projet de loi contient des dispositions facultatives pour les caucus de députés. Il est souple et, en même temps, il fournit un modèle à suivre pour les groupes parlementaires et favorise les saines discussions entre membres de ceux-ci.

Honorables sénateurs, ce projet de loi n'impose pas de grands changements, mais c'est un pas dans la bonne direction. Voici le point de vue exprimé par Bob Rae devant le Comité du Règlement :

À mon avis, le projet de loi ne va pas suffisamment loin. J'aurais aimé qu'il en dise davantage au sujet de l'élection des présidents des comités, sur la façon dont fonctionnent les comités de la Chambre, tout en accordant une plus grande indépendance aux députés pour ce qui est des votes relatifs aux projets de loi, de ce qui devrait être une question de confiance et de ce qui ne devrait pas en être une.

Cela dit, je pense qu'il faut toujours partir de ce qui existe.

Lorsque M. Chong a comparu devant de Comité du Règlement, il a dit ceci :

[...] la loi instituant des réformes vise uniquement la Chambre des communes. Elle traite de la façon dont les groupes parlementaires (caucus) de la Chambre des communes doivent être régis et comment les députés sont élus à la Chambre des communes.

Honorables sénateurs, nous savons que les députés, qui sont le plus directement touchés par la mesure législative, ont voté pour la Loi instituant des réformes par un vote de 260 contre 17. C'est 95 p. 100 des députés. En passant, je ne dis pas que nous devrions voter pour le projet de loi parce que la Chambre a voté pour. Je me contente de vous donner cette information et je suis d'accord avec le sénateur Wells que le Sénat n'est pas tenu de se plier à la volonté de la Chambre.

Honorables sénateurs, j'ai reçu des centaines de courriels de Canadiens qui veulent que le Sénat adopte ce projet de loi. Pas plus tard qu'hier, j'ai reçu un courriel de Mike McNeil, adressé à tous les sénateurs de la Nouvelle-Écosse. Voici ce qu'on peut y lire :

En tant que résidant de la Nouvelle-Écosse et fier citoyen canadien, je vous écris pour vous demander de tout mettre en œuvre pour conclure l'étape de la troisième lecture de la Loi instituant des réformes et de voter pour son adoption.

Honorables sénateurs, les Canadiens veulent du changement sur la Colline du Parlement — à la Chambre des communes et au Sénat. Ce projet de loi est un petit pas et, même s'il n'est pas parfait, nous l'appuierons.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La sénatrice Jaffer a la parole.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-586, un projet de loi instituant des réformes. Nous savons tous que les Canadiens ont soif de réformes.

La sénatrice Martin : J'invoque le Règlement...

La sénatrice Jaffer : Je veux intervenir au sujet de l'amendement.

La sénatrice Martin : Concernant l'amendement, merci.

(1410)

La sénatrice Jaffer : Je remercie M. Chong de sa vision et de sa détermination. Le temps est venu. Le projet de loi C-586 a été présenté à la Chambre des communes en avril 2014 et a été reçu par le Sénat à la fin de février 2015.

Le projet de loi vise à modifier la Loi électorale du Canada, afin que l'agent principal de chaque parti doive indiquer le nom des personnes que le parti autorise à soutenir des personnes qui désirent se porter candidates. Le projet de loi prévoit aussi la mise en place de processus permettant au groupe parlementaire d'un parti à la Chambre des communes d'expulser ou de réadmettre un député du groupe parlementaire, d'élire ou de destituer le président d'un groupe parlementaire, d'exiger un examen de la direction et d'élire un chef intérimaire. Les mesures s'appliqueraient aux groupes parlementaires qui votent l'adoption de ce projet de loi.

J'ai écouté très attentivement le sénateur Wells, et ce qu'il a dit, honorables sénateurs, est très convaincant. J'ai aussi écouté ce que la leader adjointe de mon parti, la sénatrice Fraser, avait à dire en tant que porte-parole de ce projet de loi. Je félicite la sénatrice Fraser de ses observations. Elle s'est montrée perspicace et a été une excellente porte-parole en ce qui concerne ce projet de loi. Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement notre collègue, le sénateur Runciman, qui a parlé avec beaucoup de passion du projet de loi. Il a expliqué brièvement pourquoi nous devrions appuyer ce projet de loi.

Honorables sénateurs, je fais partie du Comité du Règlement. Par conséquent, j'ai aussi eu le privilège d'entendre mon ancien chef, Bob Rae, ainsi que Stéphane Dion et l'ancien Président Milliken.

Voici ce que M. Rae a déclaré :

Je crois que le projet de M. Chong est un pas dans la bonne direction. Si l'on y pense bien, c'est un pas assez modeste, mais il a pour effet de centrer davantage le débat sur la façon dont nous pourrions continuer à faire une différence entre le Parlement et l'exécutif. On peut voir là une tentative de définir si vous voulez, le rôle du chef de parti dans le but de limiter le pouvoir de l'exécutif ou le pouvoir du chef, mais de le faire tout en respectant le plus possible les réalités politiques de l'époque.

Je ne citerai pas M. Rae davantage, si ce n'est pour dire qu'il est allé encore plus loin en indiquant qu'il voudrait que le projet de loi ratisse plus large et qu'il confère plus de droits aux membres des partis. Le Président Milliken a aussi exprimé son appui au projet de loi.

Mon ancien chef, M. Dion, n'est pas aussi favorable au projet de loi. Il a donné six raisons pour lesquelles il faudrait voter contre. Les voici :

En premier lieu, le projet de loi C-586 propose des règles très douteuses. Je trouve particulièrement odieux qu'un député soit expulsé d'un groupe parlementaire par scrutin secret au lieu d'un vote à main levée [...]

En deuxième lieu, ce serait une erreur pour le Canada de devenir la seule démocratie à imposer, par une loi, un ensemble de mêmes règles démocratiques internes aux partis politiques et aux groupes parlementaires reconnus [...]

En troisième lieu, avec des plafonds aussi bas que 20 p. 100 pour remettre en cause un premier ministre et 50 p. 100 plus une voix pour sa destitution, il est possible d'empêcher un premier ministre de prendre des décisions qui s'imposent si des membres du parti n'y souscrivent pas [...]

En quatrième lieu, pourquoi le Canada deviendrait-il la seule démocratie à imposer, par une loi, une règle incongrue, selon laquelle un chef élu par les membres de son parti peut être expulsé par à peine la moitié de son groupe parlementaire? [...]

En cinquième lieu, le projet de loi C-586 permettrait qu'un chef soit expulsé par un groupe parlementaire composé de très peu de représentants, voire aucun, d'une région donnée. C'est le cas du caucus libéral, formé que de quatre députés dans quatre provinces de l'Ouest et des trois territoires du Nord, ainsi que du caucus conservateur formé de cinq députés du Québec. Est-il logique d'accorder le pouvoir de destituer un chef à seulement la moitié des députés de groupes parlementaires aussi inégaux sur le plan des régions? Je ne le crois pas.

En sixième lieu, il est vrai que la démocratie parlementaire au Canada se porte mal, mais certaines personnes et moi-même, dont mon parti, avons proposé des moyens plus efficaces pour régler ce problème [...]

M. Dion poursuit ainsi :

Passons à ma deuxième prise de position. Si mauvais soit-il, ce projet de loi ne doit pas être bloqué par le Sénat. Dans son avis de 2014, la Cour suprême a bien décrit ce que doit être le rôle du Sénat en tant que Chambre de second examen objectif. La cour a notamment affirmé que le Sénat doit être « un organisme législatif complémentaire plutôt qu'un éternel rival de la Chambre des communes dans le processus législatif ». C'est pourquoi la pratique, que les honorables sénateurs ont suivie depuis la Confédération, a été que le Sénat propose, de temps à autre, des amendements que la Chambre accepte souvent et qui jouent un rôle utile en ce sens. Or, le Sénat rejette très rarement, hors circonstances exceptionnelles, les projets de loi émanant de la Chambre des communes.

Honorables sénateurs, M. Dion a ensuite dit que, même s'il voit plusieurs lacunes à ce projet de loi, il considère que nous ne devrions pas le bloquer, mais l'adopter. J'approuve complètement ce que dit M. Dion et, pour les raisons qu'il a énumérées, j'appuie ce projet de loi en dépit de ses lacunes importantes. Je vous exhorte à vous prononcer sur ce projet de loi dès aujourd'hui.

Le sénateur Mockler : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Smith, avez-vous une question?

L'honorable David P. Smith : Je n'ai pas de question, mais je vais prendre la parole.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je crois que c'est au tour de la sénatrice Batters. Vous pourrez prendre la parole ensuite.

Le sénateur D. Smith : D'accord. Je n'y vois aucun inconvénient.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous poursuivons le débat. Le sénateur Smith a la parole.

Le sénateur D. Smith : Je compte appuyer ce projet de loi. Je ne crois pas qu'il soit parfait, mais il a été adopté par l'autre Chambre et porte sur la structure et l'administration de cette dernière. Il faut d'abord se demander quels sont les problèmes que ce projet de loi vise à régler.

J'ai siégé à la Chambre des communes et j'ai remarqué que ce sont les whips qui font tout, en tout temps, et que les députés sont de simples robots. Cela ne me semble pas acceptable. Je crois que ce serait une bonne chose que les députés aient davantage l'occasion d'exprimer clairement leur propre opinion et de dire ce qu'ils pensent vraiment.

Mon point de vue sur la question a grandement été influencé, croyez-le ou non, par le plus ancien des parlements, notre modèle, celui du Royaume-Uni. En effet, ce Parlement a mis en place des mécanismes qui permettent aux députés de se prononcer sur certains enjeux. Il existe trois catégories de mesures législatives distinctes. L'une de ces catégories comprend les projets de loi relatifs au budget ou d'une importance similaire. Si un projet de loi de cette nature est rejeté et qu'on déclenche des élections, les députés peuvent se prononcer dans le cadre d'un vote de troisième catégorie. Toutefois, il existe aussi des mesures législatives pour lesquelles il n'y a pas de vote de troisième catégorie : le gouvernement ne risque pas de tomber s'il n'arrive pas à faire adopter un projet de loi de cette nature.

Il serait souhaitable, à mon avis, d'adopter cette façon de faire. Elle donne aux députés la possibilité de jouer un rôle plus significatif et de dire ce qu'ils pensent vraiment. Dans un pays où l'on prône la liberté d'expression et où les représentants doivent être élus, il faut que les députés soient en mesure de dire ce qu'ils pensent. Je trouve qu'il est tout à fait déplorable que, en raison de la façon dont nos institutions parlementaires ont été conçues, les whips soient au cœur de toutes les décisions et que les simples parlementaires ne peuvent pas exprimer leur point de vue.

Le sénateur Day : Sans vouloir offenser qui que ce soit.

Le sénateur D. Smith : Je pense que plus vous pouvez être vous-même, mieux c'est. Je pense honnêtement qu'il est inspirant de regarder du côté du plus vieux parlement du Commonwealth, car le Royaume-Uni est passé par là.

Tout d'abord, les parlementaires ont structuré leur Chambre ainsi. Qui sommes-nous pour leur dire qu'ils ont tort?

La sénatrice Cordy : Comme Bill Casey.

Le sénateur D. Smith : D'accord, Bill Casey. Je pourrais continuer, mais je pense que je me suis fait comprendre. Je ne dis pas que le projet de loi est parfait, mais je pense qu'il contribuera à rendre le Parlement plus libre et permettra aux gens de dire vraiment ce qu'ils pensent, et qu'il arrivera moins souvent que les whips mettent tout le monde au pas. Je peux le comprendre lorsqu'il en va de la survie d'un gouvernement, mais pas tout le temps.

Je pense que c'est une amélioration. Il leur appartient de déterminer comment fonctionne leur Chambre. S'ils adoptaient une mesure qui nous dirait comment nous devons fonctionner, comment réagirions-nous? Pensez-y.

J'appuie donc le projet de loi.

L'honorable Jim Munson : J'ai une question. Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur D. Smith : Avec joie.

Le sénateur Mockler : Cela ne vient pas d'un robot.

Le sénateur Munson : En qualité de gentil whip libéral indépendant, je vous demande si vous avez pu vous exprimer?

Le sénateur D. Smith : Oui. Je ne me plains pas de notre situation.

(1420)

Le sénateur Ogilvie : C'est toujours la faute de l'autre endroit.

Le sénateur D. Smith : Quand Justin Trudeau a pris une certaine mesure...

Des voix : Qui?

Le sénateur D. Smith : Vous savez de quoi je parle. Cette mesure a suscité différentes réactions, mais moi, elle m'a rappelé les paroles immortelles de Martin Luther King fils : « Enfin libres, enfin libres. Merci, Dieu Tout-Puissant, nous sommes enfin libres. »

L'honorable Scott Tannas : Je reviens au débat sur l'amendement. J'ai déjà parlé du projet de loi. Je trouve que le sénateur Wells a parlé avec grande d'éloquence. Je voudrais seulement m'arrêter sur quelques aspects troublants qui ont donné lieu à l'amendement et sur l'amendement lui-même.

Le sénateur Wells a dit qu'on demande aux membres du parti de faire des dons et de choisir le chef. Pour ce qui est de mon parti, le Parti conservateur, je m'attends à ce qu'on choisisse un nouveau chef après 15 ans, ou peut-être même après plus longtemps.

On demande chaque année aux membres de faire un don, mais le sénateur oublie de dire qu'on leur demande aussi de nommer les candidats qui se présenteront aux élections et qui formeront au bout du compte les groupes parlementaires au Parlement.

Je rappelle que les députés ne viennent pas de nulle part. Ils sont issus d'un processus, au sein de leur parti, auquel participe la base, les membres, qui les envoient ici et qui leur confient, dans notre cas, un nouveau mandat à l'image de ce qui les préoccupe aujourd'hui plutôt qu'il y a dix ans.

Il est absurde de dire que les députés sont complètement coupés de la base. Quiconque participe activement aux activités d'un parti politique, dans les circonscriptions, ou a occupé les fonctions de député le sait très bien.

Deuxièmement, je conviens que le modèle qui a été proposé comporte certaines lacunes. L'idée des 20 p. 100 ne m'emballe pas, et ce, pour les raisons dont nous avons tous parlé ici. Je peux concevoir l'avantage des 20 p. 100 dans la mesure où il s'agit d'une proportion raisonnable de gens mécontents ou insatisfaits pour déclencher un vote. Cependant, le fait que ces mécontents soient en mesure d'y parvenir d'une manière qui aurait un effet perturbateur constant ne tient pas compte de l'autre aspect de ce projet de loi, à savoir qu'un caucus peut tenir un vote pour exclure des membres. Je suppose qu'il agirait promptement afin d'exclure les mécontents qui le déstabilisent.

Enfin, l'une des choses que j'ai trouvées intéressantes, c'est que plusieurs personnes nous ont dit pourquoi, à leur avis, nous devons adopter ce projet de loi. Le sénateur Wells a parlé de Stéphane Dion. Il a cité plusieurs excellents extraits de son témoignage — nous l'avons tous cité, nous devons bien l'aimer —, sauf un, dans lequel il affirmait que, selon son éminente opinion, il nous recommandait d'adopter ce projet de loi.

Le sénateur D. Smith : C'est vrai.

Le sénateur Tannas : Cela dit, je tiens à dire que je n'appuierai pas cet amendement, et que j'ai évidemment l'intention de voter en faveur du projet de loi. Merci.

La sénatrice Ringuette : Je souhaite participer au débat sur l'amendement. J'ai écouté attentivement les observations du sénateur Tannas au sujet de cet amendement, et je suis tout à fait d'accord.

Il faut comprendre que si un groupe de 20 p. 100 demande la tenue d'un vote, ce sont les 80 p. 100 qui prendront la décision. C'est une proportion considérable et, par la suite, ces 80 p. 100 peuvent expulser n'importe lequel des membres du caucus faisant partie des 20 p. 100 qui ont provoqué cette situation.

Cela fait 28 ans que je suis en politique — d'abord à l'assemblée législative provinciale, puis à la Chambre des communes et maintenant au Sénat — et je suis heureuse de m'être distancée de l'aspect politique. À mon sens, l'amendement du sénateur Wells est totalement contraire à l'intention visée, soit renforcer notre démocratie — à tout le moins, ce serait un petit pas en ce sens.

Son amendement qui veut exclure les chefs de parti vide complètement le projet de loi de sa substance. C'est le mauvais message à envoyer. Lorsque j'ai demandé au sénateur Wells comment le caucus de son parti avait voté à l'autre endroit, il m'a répondu que la grande majorité des députés avaient appuyé le projet de loi.

Cela dit, la Loi sur le Parlement du Canada dit que chaque Chambre a le privilège exclusif de diriger ses propres affaires. C'est un principe auquel nous adhérons d'aussi loin que je me souvienne. C'est une de ces questions. Les députés de la Chambre des communes, tous partis confondus, ont voté en très grand nombre en faveur du projet de loi. Qui sommes-nous pour leur dire qu'ils ne peuvent pas faire comme bon leur semble?

Si nous voulions mettre une telle loi en œuvre, j'estime que je m'en réjouirais dans une certaine mesure et que nous choisirions nous-mêmes notre sort. Ils ont décidé ce qu'ils veulent et comment ils veulent procéder.

Je ne suis pas née de la dernière pluie, c'est pourquoi je vois bien que le but premier de l'amendement que vous avez présenté, sénateur Wells, est d'extraire du projet de loi son élément essentiel, soit la direction du parti. Et puis, si vous — les sénateurs de l'autre côté et quelques-uns de ce côté-ci — votez en faveur de l'amendement, vous torpillerez le projet de loi, car les travaux ont déjà ajourné à l'autre endroit.

Ce n'est pas un simple geste symbolique. Le vote sur l'amendement, c'est un vote sur le sort du projet de loi. L'adoption de l'amendement, que je ne recommande pas — si ce n'est en raison de son contenu, alors de la raison pour laquelle il a été présenté —, revient à tuer le projet de loi. Je ne suis pas naïve au point de penser que le sénateur Wells n'a pas l'intelligence politique nécessaire pour connaître les conséquences de ce qu'il propose de faire.

Je n'appuierai donc pas cet amendement. Je n'ai pas l'autorité morale pour agir de la sorte. J'appuierai sans réserve le projet de loi de M. Chong.

L'honorable Donald Neil Plett : Accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Ringuette : Oui.

Le sénateur Plett : Sénatrice Ringuette, j'ai deux questions à vous poser. Premièrement, quel genre de processus de sélection des chefs préconisez-vous? Êtes-vous en faveur d'un processus de sélection délégué, en vertu duquel les députés de la Chambre des communes et d'autres personnes assez importantes au sein d'un parti contrôlent tous les délégués? Sinon, préférez-vous que les militants du Parti libéral choisissent le chef, comme dans votre cas, ou que les membres du Parti conservateur choisissent le chef, comme dans notre cas? Quel processus de sélection des chefs préconisez-vous?

(1430)

La sénatrice Ringuette : Pour autant que je sache, le projet de loi dont nous sommes saisis n'a rien à voir avec le processus de sélection. Il porte sur un examen de la direction. Ce ne sont pas seulement 20 députés qui pourraient rejeter un chef. Il faudrait une majorité, mais un groupe de 20 députés pourraient enclencher le processus. Il s'ensuivrait automatiquement un examen de la direction par la base, par les militants.

J'ai posé la question au sénateur Wells. Il semble que, depuis 10 ans, votre parti n'a eu aucun processus d'examen de la direction sur une base régulière, indépendamment du fait que des élections se tiennent ou non.

Sénateur Plett, le projet de loi ne porte pas sur un processus de sélection des chefs. Il porte plutôt sur la remise en question du leadership.

Le sénateur Plett : Comme je m'y attendais, vous n'avez pas du tout répondu à ma question et vous accusez le Parti conservateur de ne pas avoir de processus. Il va de soi que nous avons un processus. Au terme de chaque campagne électorale, si nous ne formons pas le gouvernement, si nous perdons les élections, nous procédons à un examen de la direction et cet examen est fait par l'ensemble des membres du parti, et non pas par les députés. Par conséquent, nous avons un processus en place.

Je pense, et vous me corrigerez si je me trompe, que votre parti — en fait, il ne s'agit pas de votre parti, mais plutôt du parti qui vous a mise à la porte — a un processus en vertu duquel s'il ne forme pas un gouvernement majoritaire, il organise un examen de la direction. Je ne sais pas trop. Cela dit, ce n'est évidemment pas ma question.

Je vais poser une deuxième question, étant donné que vous n'avez pas répondu à la première. Vous avez dit qu'un groupe représentant 20 p. 100 du caucus pouvait déclencher un processus d'examen de la direction. Sauf erreur, vous avez dit que cela n'aurait pas d'effet perturbateur étant donné que c'est l'autre 80 p. 100 qui prendrait la décision. Cela n'est évidemment pas vrai. Ce pourrait être un autre 30 p. 100 qui prend la décision. Ce ne serait pas nécessairement les 80 p. 100, parce que 20 p. 100 plus 30 p. 100 donne 50 p. 100, soit le pourcentage requis pour se débarrasser du chef. Par conséquent, 30 p. 100 de plus pourrait suffire. Vous avez ensuite ajouté : « Dans ce cas, les 80 p. 100 pourraient mettre à la porte les gens du caucus. »

Permettez-moi de vous poser une autre question afin de voir si vous pouvez y répondre. Il va de soi que j'espère que nous allons former un gouvernement majoritaire. Je m'y attends et j'ai toutes les raisons de croire que ce sera le cas, mais supposons que cela ne se produise pas. Supposons que nous formions un gouvernement minoritaire avec un, deux ou trois députés de plus que l'opposition, et que 20 p. 100 du caucus décide que ce n'est pas un résultat assez bon et que nous devons procéder à un examen de la direction, de notre chef, qui serait encore le premier ministre, et que ces gens échouent.

La sénatrice Cordy : Je ne crois pas.

Le sénateur Plett : Qu'arrivera-t-il si les 80 p. 100 renvoient ces trois députés, alors que nous n'avons qu'un coussin de deux sièges? Vous croyez que cela n'aura pas un effet perturbateur pour le gouvernement?

La sénatrice Ringuette : Ai-je besoin de cinq minutes de plus pour répondre à la question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : C'est vous qui décidez. Il vous reste six minutes.

La sénatrice Ringuette : Premièrement, sénateur Plett, j'ai répondu à votre première question. J'ai répondu à la première question au sujet du projet de loi dont nous sommes saisis.

Pour ce qui est de votre deuxième question, à propos de la démocratie, lorsque seulement 52 p. 100 de la population exerce son droit de vote lors du scrutin, que le premier ministre a recours à un projet de loi pour restreindre les activités et les renseignements visant à accroître la participation, et que le gouvernement est majoritaire à la Chambre des communes, cher sénateur, la démocratie correspond à seulement 30 p. 100 des 52 p. 100 qui ont voté.

Par conséquent, pour revenir au processus décrit dans le projet de loi, il m'apparaît tout à fait adéquat qu'une proportion de 20 p. 100 permette de le déclencher. De plus, en ce qui concerne le fonctionnement de la Chambre des communes, si un vote interne entre députés obtient presque 90 p. 100 des voix, je considère qu'il s'agit d'un vote démocratique, que nous devons respecter.

Recours au Règlement

L'honorable Anne C. Cools : J'invoque le Règlement. Chers collègues, Votre Honneur, cet amendement ne peut pas être mis aux voix, car il contient des erreurs, particulièrement dans la numérotation.

L'amendement du sénateur Wells propose :

Que le projet de loi C-586 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 4, à la page 2, après la ligne 35, par l'ajout de ce qui suit :

« 49.21 L'article 49.2 ne s'applique pas au chef d'un parti. ».

Si vous regardez l'article 49.2, vous constaterez qu'il n'y a pas de place pour l'article 49.21. Il s'agit d'une erreur, d'un problème de rédaction. Il n'est donc pas possible de mettre cet amendement aux voix dans sa forme actuelle.

Je vous prierais de rendre une décision en ce sens, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Wells, auriez-vous une réponse à ce sujet?

L'honorable David M. Wells : Je n'ai pas de réponse pour le moment, Votre Honneur, mais si on me laisse le temps de vérifier, je pourrai répondre ensuite.

La sénatrice Cools : J'invoque le Règlement. Le projet de loi est encore vicié. Nous ne pouvons poursuivre le débat sur l'amendement. Il est vicié. Il faut interrompre le débat et s'occuper du fait que la numérotation de l'amendement est erronée ou défectueuse.

Dois-je le lire encore une fois?

Des voix : Non.

La sénatrice Cools : De toute façon, il est irrecevable.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice, je vous remercie. Nous examinons ce qui devrait être fait. Par conséquent, je vous demande de faire preuve de patience.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci beaucoup...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Non, nous ne pouvons pas poursuivre le débat tant que le problème n'est pas réglé.

Le sénateur Maltais : D'accord.

[Traduction]

L'honorable Joseph A. Day : Mon intervention est liée au recours au Règlement. Je ne suis pas tout à fait du même avis que la sénatrice Cools, parce que l'amendement est très clair. Si vous lisez l'amendement — en faisant abstraction du débat actuel —, vous constatez qu'il dit simplement que, en vertu dudit amendement le chef d'un parti ne peut être expulsé par 20 p. 100 des votes exprimés par le caucus. C'est tout ce que dit l'amendement. Celui-ci n'est pas irrecevable. Il existe un processus pour expulser des gens du caucus, mais ce processus ne s'applique pas au chef d'un parti. C'est ce que dit l'amendement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La sénatrice Cools est préoccupée par la numérotation, et non par le libellé. C'est la numérotation qui pose problème.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : J'hésite vraiment à me lancer dans ce débat, mais je me demande si l'intention ici n'est pas d'avoir les articles 49.1, 49.2, puis 49.3. Sauf erreur, le sénateur Wells propose d'insérer entre les articles 49.2 et 49.3 un autre article qui pourrait être le 49.2.1, au lieu du 49.21. Cela correspondrait-il à ce que vous essayez de faire sénateur?

Le sénateur Wells : Oui, sénateur Cowan. Je viens de lire le projet de loi et ma motion. Par conséquent, puis-je avoir la permission de corriger la coquille?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

La sénatrice Cools : Pas encore. Quelqu'un ici doit identifier officiellement l'erreur de façon précise. Les greffiers doivent en prendre note et quelque chose doit être fait. Vous ne pouvez pas dire simplement : « Donnez-moi une minute et je vais corriger l'erreur. »

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous avons reçu un avis du greffier. Je vais suspendre la séance durant quelques minutes, le temps d'obtenir une opinion de notre équipe de juristes.

Des voix : D'accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le timbre sonnera durant cinq minutes pour rappeler les sénateurs.

(La séance est suspendue.)


(1500)

(Le Sénat reprend sa séance.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je remercie la sénatrice Cools de son intervention.

Honorables sénateurs, j'ai examiné la motion d'amendement de l'honorable sénateur Wells et j'aimerais répondre au recours au Règlement de l'honorable sénatrice Cools.

Même si cela peut ne pas sembler évident, le numéro « 49.21 » qui apparaît dans le libellé des amendements est correct.

L'amendement propose d'adopter une nouvelle disposition à l'article 4 du projet de loi, entre les articles 49.2 et 49.3 de la Loi sur le Parlement du Canada, que le projet de loi vise à modifier. Cet amendement n'a pas pour but de créer un paragraphe à l'article 49.2.

La numérotation employée dans les normes de rédaction législatives fédérales dans un tel cas consiste à utiliser le numéro de l'article qui précède et à ajouter un « 1 » à la fin. Cette norme a été suivie.

Par conséquent, le recours au Règlement de la sénatrice Cools n'est pas fondé.

Le débat sur l'amendement peut donc avoir lieu.

[Français]

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, depuis un certain temps, nous débattons de ce projet de loi, et il y a un mot que je n'ai pas entendu souvent, c'est le mot « militant ». Qu'est-ce qu'un parti politique? Il s'agit d'un regroupement de personnes qui s'unissent sous la même bannière pour militer, faire élire des représentants dans un parlement et aussi élire leur chef.

Dans toutes les sociétés démocratiques, la base de la démocratie est le militant. Il est faux de prétendre qu'un parti politique est un club privé. C'est ignorer complètement le travail des militants dans chacun des comtés qu'ils forment lors d'une élection, c'est ignorer le travail des militants lorsqu'il est temps de composer un programme politique. Les militants nomment des délégués dans des congrès, ils travaillent au sein d'un parti politique, et ils travaillent pour élaborer un programme politique. Le chef qu'ils ont choisi devra défendre leurs idées aux quatre coins du pays, dans les provinces. Le chef qui est élu, c'est le premier ministre. Il obtient son mandat à titre de chef du parti d'abord auprès des militants de son parti, non pas auprès des députés ni d'un caucus. Il faut respecter la base de tout parti politique.

Je ne veux pas passer sous silence le fait que certaines personnes pourraient être frustrées, mais le mot « militant » est la base même de la démocratie. Encore une fois, il faut tenir compte de cela dans ce projet de loi, et l'amendement du sénateur Wells vient préciser cette fonction.

Il y a un autre facteur dont il faut tenir compte également, c'est celui d'une démocratie totale. Ceux qui ont déjà travaillé au sein de parlements, qui ont dû faire face à des crises de leadership, savent fort bien comment cela se passe, et les militants ne sont pas consultés aussi souvent qu'ils devraient l'être. Si nous avions voulu donner un sens à ce projet de loi, il aurait fallu renforcer la question du militantisme à l'intérieur du parti, et c'est ce que nous aurions dû faire.

L'autre facteur, madame la Présidente, c'est que nous nous sommes fait pointer du doigt tout à l'heure : « Si vous votez pour cet amendement, vous allez tuer le projet de loi. » Cela fait trois jours que nous adoptons des amendements. Je n'abonde pas dans ce sens. Je voterai librement et selon ma conscience, car je n'ai pas de leçon à recevoir de qui que soit pour me dire comment voter, qu'il s'agisse des gens de l'autre endroit ou d'ici.

L'honorable Percy Mockler : Sénateur Maltais, j'ai posé une question au sénateur Plett cette semaine, et ma question était la suivante : si nous adoptons ce projet de loi, est-ce qu'il y a un mécanisme en place afin qu'une circonscription qui n'est pas représentée par un député du gouvernement ou l'inverse, par la voix des militants des différents partis, puisse se prononcer à la lumière de ce que vous entendez du débat d'aujourd'hui?

Le sénateur Maltais : Madame la Présidente, il est nécessaire qu'un parti soit doté d'une constitution. Il y en a qui ne sont pas dotés d'une constitution. Dans le parti dont je suis membre, il y a une constitution. De là l'importance des associations de comté qui représentent les membres de ce parti, étant donné que les membres de ce parti peuvent se faire entendre soit par l'entremise de leur chef, soit par leur candidat. C'est là où la représentation de base prend toute son importance.

Le sénateur Plett sait très bien de quoi je parle, il était lui-même président d'un parti élu par la base du parti, et la base du parti déléguait des gens au congrès et votait pour ou contre le sénateur Plett. Beaucoup plus de gens ont voté en sa faveur que l'inverse, car il a été président pendant une longue période. Les militants étaient satisfaits de son travail, et c'est de cette façon qu'un militant d'un parti politique peut participer, de manière productive, à la démocratie de son pays.

[Traduction]

Le sénateur Mockler : Madame la Présidente, pour ce qui est de l'amendement au projet de loi qui a été proposé par le sénateur Wells, en 1986 j'ai participé au processus de modernisation de la Constitution et de la Loi électorale dans la province du Nouveau-Brunswick. Nous avions eu tout un débat, et ce, pour les mêmes raisons qu'ici aujourd'hui, à savoir que la démocratie est l'objectif auquel aspirent tous les partis politiques.

Des questions ont été posées au sénateur Wells au sujet du mécanisme mis en place par le Parti conservateur du Canada lorsque le moment est venu de permettre aux membres de s'exprimer, peu importe que nous ayons des circonscriptions orphelines ou des membres qui siègent comme députés ou ministres. J'aimerais ajouter aux observations formulées par le sénateur Wells lorsqu'il a répondu à ces questions.

Tout comme le sénateur Wells, j'aimerais parler à mes collègues dans cette enceinte de la constitution du Parti conservateur du Canada, l'une des constitutions les plus modernes dans toute l'histoire de notre pays.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mockler : Je veux lire l'article 10.8 aux sénateurs libéraux indépendants. On peut y lire ce qui suit :

Si l'une des situations suivantes se produit, l'Exécutif national entreprend le processus de sélection du chef au moment le plus opportun :

10.8.1 le décès ou le départ à la retraite du chef;

10.8.2 le chef indique son intention de démissionner par un avis écrit au président de l'Exécutif national;

10.8.3 plus de cinquante pour cent (50 %) des voix exprimées par les délégués à un congrès national, selon les dispositions de l'article 10.6, sont en faveur du processus de sélection du chef.

Voilà ce que j'appelle un système vraiment démocratique.

(1510)

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mockler : Je vais vous faire part de mon expérience quand je suis arrivé en politique. En 1982, dans la circonscription que j'ai demandé à représenter, les gens ont voté pour mon parti, et j'ai été le premier, depuis la Confédération, à être élu avec une forte majorité. Nous nous sommes maintenus chaque fois depuis, dans cette petite circonscription de Madawaska-Sud — j'ajouterai que ma collègue, la sénatrice Ringuette, se rappelle fort bien de cette circonscription.

La sénatrice Ringuette : Je me souviens très bien des élections.

Le sénateur Mockler : C'était celles de 1987 : le parti de M. McKenna avait remporté les 58 sièges à l'assemblée législative.

Cela dit, je suis arrivé en politique en affirmant aux gens que je voulais représenter qu'ils auraient toujours leur mot à dire dans le processus démocratique. Ma façon de voir le processus démocratique était la suivante : que je sois au gouvernement ou dans l'opposition, nous avions un mécanisme qui nous permettait de signaler des choses aux membres du groupe parlementaire — parce que le parti ne leur appartient pas. Ce sont des membres d'un parti qui ont été élus pour représenter une circonscription donnée et ils forment alors le groupe parlementaire du parti.

La sénatrice Olsen : C'est juste. Un vote.

Le sénateur Mockler : Un vote. Comme pour nous ici.

Nous sommes des parlementaires, et je dirai ceci : les indépendants ne font pas partie du groupe parlementaire libéral, mais cela ne signifie pas qu'ils n'ont pas leur mot à dire dans le processus démocratique. C'est important.

Une voix : Et au sein du parti.

Le sénateur Mockler : Et au sein du parti.

C'est un pas dans la bonne direction, selon moi. Cependant, si nous souhaitons apporter des changements à la démocratie canadienne, il faudrait les faire ensemble et les faire correctement. Je ne suis pas du genre à approuver les projets de loi tels quels, les yeux fermés.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Wells, avec l'appui de l'honorable sénatrice Batters, propose :

Que le projet de loi C-586 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 4, à la page 2, après la ligne 35, par l'ajout de ce qui suit :

« 49.21 L'article 49.2 ne s'applique pas au chef d'un parti. ».

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : De toute évidence, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : J'aimerais que nous procédions à un vote par appel nominal, et que nous reportions le vote à la prochaine séance du Sénat, lundi.

Son Honneur le Président : Conformément à l'article 9-10(2) du Règlement, le vote est reporté à 17 h 30, à la prochaine séance, et la sonnerie retentira à compter de 17 h 15.

La Loi sur la sécurité ferroviaire

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'honorable Donald Neil Plett propose que le projet de loi C-627, Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire (sécurité des personnes et des biens), soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, c'est un privilège de prendre la parole aujourd'hui pour parler d'une autre mesure législative conçue pour accroître la sécurité ferroviaire au Canada. Le projet de loi C-627, Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire, reflète la volonté du gouvernement de faire de notre pays un chef de file mondial en matière de sécurité. Ce projet de loi propose de modifier la Loi sur la sécurité ferroviaire afin de mieux protéger les personnes et les biens contre les risques liés aux activités ferroviaires.

La députée de Winnipeg-Centre-Sud, Joyce Bateman, a expliqué au comité le bien-fondé de cette importante mesure législative et la manière dont elle cadre avec l'approche globale qu'adopte le gouvernement avec son projet de loi C-52.

Mme Bateman a salué la manière dont la ministre des Transports s'est affairée à améliorer la sécurité ferroviaire dans la foulée de la tragédie de Lac-Mégantic. Elle a cependant relevé une faille dans la loi actuelle. Voici ce qu'elle a dit au comité :

J'ai constaté une autre insuffisance que j'aimerais corriger. En fait, la réglementation actuelle ne permet pas à la ministre ou aux inspecteurs des passages à niveau d'ordonner la fermeture d'un de ces passages, s'il est jugé dangereux pour les piétons, les cyclistes, les personnes en chaise roulante ou les véhicules.

Pour expliquer comment elle en était venue à proposer son projet de loi, Mme Bateman a expliqué qu'une dame de sa circonscription était déjà restée coincée à un passage à niveau. Heureusement, elle a été secourue avant qu'il n'arrive quoi que ce soit de fâcheux.

C'est à la suite de cette expérience qu'elle a décidé de présenter le projet de loi C-627 afin de modifier la Loi sur la sécurité ferroviaire. Sa mesure législative vise d'abord et avant tout à protéger les Canadiens et leurs biens contre les accidents ferroviaires comme il en arrive parfois sur les voies ferrées et aux passages à niveau.

Le projet de loi C-627 inscrirait noir sur blanc que certains pouvoirs doivent aussi être exercés de manière à assurer la sécurité des personnes et des biens.

Les modifications qu'il apporterait à la Loi sur la sécurité ferroviaire donneraient au ministre le pouvoir de ne pas tenir compte des objections soulevées concernant de futures installations ferroviaires, si les installations en question sont d'intérêt public.

Il étend aussi les pouvoirs des inspecteurs de la sécurité ferroviaire afin qu'ils puissent désormais intervenir lorsqu'une activité exercée dans le cadre de l'exploitation ferroviaire menace la sécurité des personnes et des biens.

Le projet de loi crée en outre un nouveau type d'ordre ministériel en vertu duquel le ministre peut obliger une entreprise à apporter les correctifs nécessaires si les activités exercées dans le cadre de l'exploitation ferroviaire constituent une menace importante pour l'environnement ou pour la sécurité des personnes ou des biens. Les ordres de ce type demeureraient en vigueur jusqu'à ce que le Tribunal d'appel des transports du Canada rende une décision.

Le projet de loi C-627 complète le projet de loi d'initiative ministérielle C-52, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada et la Loi sur la sécurité ferroviaire, étant donné que les deux cadrent avec les objectifs de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Toutefois, le sénateur Eggleton, même s'il appuie cette mesure législative, a soulevé des préoccupations concernant la redondance des deux projets de loi. Chers collègues, permettez-moi d'expliquer rapidement les différences entre les deux mesures législatives.

Le projet de loi C-52 confère de nouveaux pouvoirs aux inspecteurs de la sécurité ferroviaire, notamment celui de donner un avis ou d'ordonner par arrêté à la personne ou à la compagnie de chemin de fer d'atténuer les risques qui menacent ses opérations ferroviaires. Toutefois, dans le projet de loi C-52, le libellé précise que cette disposition se limite aux risques qui menacent les activités ferroviaires.

Le projet de loi C-627 confère le pouvoir aux inspecteurs de la sécurité ferroviaire de donner avis ou de délivrer des ordres aux compagnies de chemin de fer lorsque les activités ferroviaires exercées dans le cadre de l'exploitation ferroviaire menace la sécurité des personnes ou des biens.

En outre, dans le projet de loi C-52, il est stipulé que le ministre est autorisé à ordonner, par arrêté, à une compagnie, à une autorité responsable du service de voirie ou à une municipalité d'apporter les mesures correctives qu'il précise et qu'il estime nécessaires pour la sécurité ferroviaire.

Le projet de loi C-627 confère au ministre un nouveau pouvoir lui permettant d'ordonner des mesures correctives s'il estime qu'une activité exercée dans le cadre de l'exploitation ferroviaire est une menace importante à la sécurité des personnes ou des biens ou à l'environnement. En fait, la disposition qui reconnaît une menace à l'environnement répond à certaines préoccupations soulevées par des témoins qui ont comparu au sujet du C-52.

J'exhorte mes collègues à accorder au ministre et aux inspecteurs de la sécurité ferroviaire les pouvoirs dont ils ont besoin pour faire en sorte que le réseau ferroviaire du Canada soit le plus sûr au monde. Je vous encourage tous à voter pour le projet de loi C-627, un élément important de la stratégie globale du gouvernement pour améliorer la sécurité ferroviaire.

(1520)

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Comme les sénateurs le savent, le sénateur Eggleton est le porte-parole de l'opposition au sujet de ce projet de loi, mais il a dû s'absenter du Sénat à ce moment même. Pour ne pas retarder les travaux, il m'a autorisée à dire qu'il avait étudié le projet de loi. Il l'a comparé avec d'autres lois et a constaté qu'il n'entrait pas en contradiction avec celles-ci. Je pense qu'il a dit ceci : « Le projet de loi ne causera pas de torts. Qui sait dans quelle mesure il sera utile? » Il ne voyait toutefois aucune raison de s'opposer au projet de loi.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi sur la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice

Dix-neuvième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Frum, appuyée par l'honorable sénateur Dagenais, tendant à l'adoption du dix-neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (projet de loi S-208, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice, avec une recommandation), présenté au Sénat le 1er avril 2015.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, pour le sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Vingt-quatrième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles—Motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Runciman appuyée par l'honorable sénatrice Batters, tendant à l'adoption du vingt-quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel (identité de genre), avec amendements), présenté au Sénat le 26 février 2015;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Mitchell, appuyée par l'honorable sénatrice Dyck, que le vingt-quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ne soit pas maintenant adopté, mais qu'il soit modifié par suppression de l'amendement no 3.

L'honorable Grant Mitchell : J'invoque le Règlement au sujet de l'article no 1. Je me demandais tout simplement, Votre Honneur, si je peux, en dernier recours, proposer dès maintenant le vote sur le rapport relatif au projet de loi C-279, étant donné que nous sommes tous d'humeur à voter.

Des voix : Non.

Le sénateur Mitchell : Puis-je au moins demander le vote? S'il vous plaît, pouvez-vous donner la permission pour que l'on tienne un vote?

Son Honneur le Président : Si les sénateurs ne sont pas prêts à se prononcer, nous ne pouvons pas demander le vote.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Si vous me le permettez, le débat a été ajourné. J'aimerais donc ajourner le débat pour le reste de mon temps de parole. Je ne suis pas prête à prendre la parole aujourd'hui.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Non.

La sénatrice Cordy : C'est une honte.

Le sénateur Mitchell : J'aurai au moins essayé.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Wilfred P. Moore propose que le projet de loi S-230, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), soit lu pour la deuxième fois.

—Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet d'un projet de loi que je suis très fier d'avoir présenté la semaine dernière. Il s'agit du projet de loi S-230, Loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins, qui a pour objectif d'interdire progressivement la mise en captivité de baleines, de dauphins et de marsouins au Canada.

Son Honneur le Président : À l'ordre. Honorables sénateurs, je vous en prie.

Le sénateur Moore : Ce projet de loi a pour objectif d'interdire progressivement la mise en captivité de baleines, de dauphins et de marsouins au Canada. Je vais expliquer exactement comment on procédera du point de vue juridique. Cependant, je tiens à dire dès le départ que la pratique consistant à garder ces magnifiques créatures dans des piscines est injustement cruelle; c'est une évidence. J'espère que tous les parlementaires, tous les candidats et tous les partis appuieront la Loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins. Ce n'est pas un enjeu politique qui doit être mis de l'avant par un groupe partisan; c'est une question éthique qui fait appel aux valeurs morales de tous les Canadiens. Je m'adresse à tous mes collègues, qu'il s'agisse des sénateurs conservateurs, des sénateurs libéraux ou des sénateurs indépendants : nous devons tous unir nos efforts et prendre les mesures qui s'imposent pour éliminer progressivement la mise en captivité des baleines et des dauphins.

Beaucoup de Canadiens se mobilisent déjà pour cette cause, qui touche vraiment une corde sensible. Depuis l'annonce du projet de loi, la semaine dernière, mon bureau a reçu d'innombrables manifestations de soutien de la part du public. Le projet de loi S-230 jouit également de l'appui de Phil Demers, ancien entraîneur en chef à Marineland, de Marc Bekoff, de l'institut Jane Goodall, de Gabriela Cowperthwaite, réalisatrice de Blackfish, un documentaire distribué par CNN, de la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux, de la Société protectrice des animaux de la Colombie-Britannique, d'Elizabeth May, du Parti vert, de trois anciens entraîneurs de SeaWorld aux États-Unis, ainsi que de Zoocheck Canada. Dans quelques instants, je vous ferai part des mots d'encouragement que quelques-unes de ces personnes m'ont envoyés.

Aujourd'hui, j'espère tout particulièrement obtenir l'appui du leader du gouvernement au Sénat. Certains d'entre vous se souviendront que j'ai abordé le sujet auprès de lui en octobre, durant la période des questions réservées au public. La question était la suivante :

Le gouvernement serait-il prêt à modifier les dispositions juridiques canadiennes interdisant la cruauté contre les animaux dans le but de mettre progressivement fin au maintien en captivité des baleines et des dauphins, au Canada, puis d'interdire complètement cette pratique?

Le leader du gouvernement au Sénat m'a répondu ceci :

Sénateur, si vous croyez que la situation nécessite qu'on y apporte une correction, vous avez toujours la possibilité de présenter un projet de loi d'intérêt privé du Sénat visant à apporter des correctifs.

Honorables sénateurs, j'ai fait mes devoirs et je suis heureux d'exercer cette option. Je demande donc au leader du gouvernement au Sénat et au gouvernement d'appuyer la Loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins, aujourd'hui ou lorsque je représenterai le projet de loi à l'automne. Je vais réclamer le même engagement auprès de tous les partis politiques canadiens. Comme je l'ai déjà dit, c'est une question d'éthique. Le Canada doit se ranger du bon côté de l'histoire.

Les baleines, les dauphins et les marsouins, qui appartiennent à l'ordre des cétacés, sont des mammifères très intelligents, sensibles et sociaux qui sillonnent les océans sur de vastes distances. À l'état sauvage, plusieurs espèces de baleine et de dauphin vivent en groupes familiaux qui peuvent compter plus de 100 individus. Les populations distinctes communiquent entre elles au moyen de vocalisations complexes qui s'apparentent à une langue. Les orques peuvent parcourir 150 kilomètres par jour, atteindre une vitesse de 45 kilomètres à l'heure ou plonger à plus de 200 mètres de profondeur.

En captivité, les cétacés sont contraints de vivre dans l'isolement et sans liberté de mouvement, dans des conditions stressantes. Les orques voient leur aileron s'affaisser, meurent beaucoup plus jeunes et deviennent agressives sous l'effet du stress. À l'Université Emory d'Atlanta, en Georgie, Lori Marino, une sommité de la recherche sur les cétacés, estime même que des cétacés maintenus en captivité ont tenté de se suicider en se fracassant la tête contre des parois ou en s'expulsant hors de leur réservoir. Quiconque doute de la souffrance des cétacés en captivité n'a qu'à regarder le documentaire Blackfish. C'est à vous briser le cœur. Il est accessible sur Netflix, et j'espère bien pouvoir organiser un visionnement, cet automne, à l'intention des parlementaires.

Au Canada, deux établissements maintiennent actuellement des baleines, des dauphins ou des marsouins en captivité. À Niagara Falls, en Ontario, le parc d'attractions privé Marineland possède officiellement une orque, cinq dauphins à gros nez et une quarantaine de bélugas captifs, quoique, selon Phil Demers, un ancien entraîneur de Marineland que nous avons consulté en préparant le projet de loi, le nombre de bélugas approcherait en fait la soixantaine. Bien entendu, Marineland n'a pas à révéler ce renseignement, car ces baleines sont sa propriété privée. Cependant, M. Demers nous a affirmé que, étant donné que les États-Unis n'autorisent habituellement pas l'importation de baleines prises à l'état sauvage, Marineland se procure des baleines sauvages capturées en Russie, puis les accouple au Canada afin d'approvisionner les aquariums étatsuniens. Honorables sénateurs, je pense que nous convenons tous que, pour les Canadiens, il n'y a pas là de quoi se sentir fiers.

L'aquarium de Vancouver, un établissement public, garde en captivité un dauphin à flancs blancs du Pacifique, deux marsouins communs, un faux-orque et deux bélugas, ainsi que six autres baleines qui sont prêtées à des aquariums aux États-Unis, y compris SeaWorld. Il n'y a pas très longtemps, il y avait sept bélugas. Or, en février, l'un d'entre eux a connu une mort violente à SeaWorld après s'être brisé la mâchoire. Notons également que l'aquarium de Vancouver a un programme d'élevage en captivité pour les bélugas, et qu'il prévoit agrandir les bassins de ses baleines et de ses dauphins à partir de cette année.

Comment ce projet de loi changerait-il la situation actuelle? Le projet de loi S-230 mettra fin progressivement au maintien en captivité des baleines, des dauphins et des marsouins en interdisant, au Canada, l'élevage en captivité de ces animaux ainsi que l'importation et l'exportation de cétacés capturés vivants. Le projet de loi S-230 permet de procéder au sauvetage et à la réadaptation de cétacés blessés qui pourraient être utilisés pour la recherche si on ne peut pas les relâcher dans la nature. C'est un aspect très important, puisque l'aquarium de Vancouver fait habituellement allusion au sauvetage et à la recherche pour justifier toutes ses activités. Ce projet de loi n'aurait aucune incidence sur ces quelques activités justifiables de l'aquarium de Vancouver, qu'il ne faut pas confondre avec ses autres activités.

(1530)

Pour ce qui est des cétacés qui sont présentement en captivité, le projet de loi S-230 permettrait aux propriétaires de les conserver, mais ils ne pourraient pas en faire l'élevage. Pour dire les choses comme elles sont, le projet de loi vise à éliminer l'élevage de baleines. Je suis ravi de vous annoncer que ce projet de loi se fonde sur une loi qui a récemment été adoptée en Ontario. Celle-ci éliminera graduellement la pratique qui consiste à garder des épaulards en captivité dans la province. J'aimerais d'ailleurs féliciter l'honorable Yasir Naqvi et le gouvernement de l'Ontario d'avoir pris cette mesure progressiste.

La loi adoptée en Ontario m'amène à soulever une autre question importante. Les baleines, les dauphins et les marsouins qui vivent en captivité relèvent de la propriété privée du point de vue légal. Il s'agit donc d'un enjeu de compétence provinciale. Or, les animaux forment une catégorie spéciale de propriété privée. Le Code criminel du Canada interdit la cruauté envers les animaux de façon générale, et il comporte aussi plusieurs dispositions précises relatives au combat ou au harcèlement d'animaux ou d'oiseaux, pour ne nommer que celles-là. Si le projet de loi est adopté, il ajouterait à ces pratiques interdites en vertu du Code criminel la mise en captivité et l'élevage en captivité de cétacés. En outre, il serait obligatoire d'obtenir une licence délivrée par le lieutenant-gouverneur en conseil pour organiser un spectacle mettant en vedette des cétacés en captivité.

Le projet de loi S-230 propose aussi d'autres changements importants. À l'heure actuelle, il faut obtenir un permis du ministère des Pêches et des Océans du Canada pour capturer des cétacés en liberté. Le projet de loi modifie la Loi sur les pêches afin d'interdire la mise en captivité de cétacés, à moins que l'animal soit blessé ou qu'il ait besoin d'aide. De plus, l'exportation et l'élevage en captivité de cétacés ne sont pas réglementés au Canada. Le projet de loi corrigerait cette lacune et interdirait l'importation et l'exportation de cétacés ou de matériel reproductif provenant de cétacés en modifiant la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial. Ce sont des changements importants.

J'ai été étonné d'apprendre que le Canada accusait un certain retard par rapport à d'autres administrations dans ce dossier. Le Chili et le Costa Rica ont interdit la mise en captivité de baleines et de dauphins, et l'Inde interdit cette pratique lorsqu'elle ne vise qu'à divertir le public. Le Royaume-Uni a imposé des restrictions si sévères qu'aucun cétacé n'y est gardé en activité à l'heure actuelle. L'Italie ne permet plus au public de nager avec les dauphins et a mis fin à tous les programmes qui offraient cette possibilité. La Nouvelle-Zélande exige que les organisations qui gardent des cétacés en captivité disposent d'une preuve ministérielle. Enfin, plusieurs pays comme Chypre, la Hongrie et le Mexique, ont interdit l'importation de cétacés vivants.

Honorables sénateurs, j'aimerais citer certains défenseurs de cette cause, que j'ai mentionnés précédemment. Phil Demers, ex-dresseur en chef de Marineland, a dit :

En tant qu'ancien entraîneur de mammifères marins, j'estime que le projet de loi visant à interdire le maintien et l'élevage de cétacés en captivité au Canada est impératif et qu'il aurait dû être déposé depuis longtemps. J'ai été témoin des séquelles aux niveaux physiologique et émotif que le maintien en captivité a sur ces magnifiques créatures et sur ceux qui en prennent soin. Aucun être vivant ne devrait être forcé de subir ce dont j'ai été témoin, et j'espère que ce projet de loi mettra fin une fois pour toutes à ces pratiques cruelles.

Gabriela Cowperthwaite, réalisatrice du documentaire Blackfish diffusé par CNN que j'ai mentionnée plus tôt, avait ceci à dire :

J'ai fait Blackfish parce que je voulais comprendre comment il était possible qu'un entraîneur finisse par être tué par un épaulard. Je ne faisais pas partie d'un groupe de défense des animaux et j'avais même amené mes enfants à SeaWorld. J'avais simplement une question. J'ai rapidement découvert l'histoire déchirante des épaulards en captivité. Toutes les baleines et tous les dauphins souffrent dans les parcs marins, et réduire ces incroyables créatures à faire des acrobaties n'a aucune valeur sur le plan social, éducatif ou de la conservation. Il est temps pour nous d'évoluer. J'espère que les Canadiens appuieront le sénateur Moore et mettront fin à cette pratique.

Marc Bekoff, qui siège au Comité d'éthique de l'institut Jane Goodall, a dit ce qui suit :

La science a prouvé sans aucun doute que les baleines et les dauphins souffrent de séquelles psychologiques et physiques profondes et durables lorsqu'ils sont maintenus en captivité. La pratique est indéfendable sur le plan éthique, et l'interdiction proposée par le sénateur Moore constitue un changement opportun et important à la législation canadienne. Ces créatures intelligentes, émotives et sociables méritent de vivre en liberté dans la nature, là où elles devraient être.

Marineland et l'aquarium de Vancouver se sont attaqués à cette proposition. J'espère que les deux pourront venir faire valoir leur point de vue devant le comité. Toutefois, je ne m'attends pas à ce que leurs arguments soient convaincants. La réaction de Marineland à ce projet de loi a été particulièrement surréaliste. L'organisme a dit que c'était : « un projet de loi pour créer des emplois et favoriser le tourisme dans les régions côtières aux dépens de l'Ontario », qui privera « l'Ontarien moyen de la chance de voir nos mammifères marins ».

Honorables sénateurs, c'est bien le comble de l'ignorance de prétendre qu'il est injuste que les baleines et les dauphins ne vivent que dans les océans. Que je sache, aucun philosophe ni aucun chef religieux n'a jamais proposé que l'on reconnaisse aux gens le droit moral de voir des dauphins à l'intérieur du pays. Et si personne n'y a songé, c'est probablement qu'une telle proposition serait ridicule.

Pour ce qui est de l'argument du tourisme, je peux garantir au Sénat qu'il n'a jamais été question, au cours de la genèse de ce projet de loi, de favoriser le tourisme dans une quelconque partie du pays. Personne ne veut faire fermer Marineland. Personne ne souhaite qu'il y ait des pertes d'emplois. Le projet de loi vise à mettre fin au maintien en captivité des cétacés parce qu'il est temps que cette pratique cesse.

Le maire de Niagara Falls, où se trouve Marineland, souhaite que ce parc d'attractions évolue. Je le cite :

Vous savez, il y a 53 ans, nous ne recyclions pas nos déchets, nous ne portions pas de ceinture de sécurité, nous ne nous préoccupions ni de la conduite en état d'ébriété ni du sort des mammifères marins transformés en bêtes de cirque. En 53 ans, beaucoup de choses ont changé. La perspective de la société a changé.

Marineland doit avoir l'occasion de se réinventer progressivement.

Un porte-parole de l'aquarium de Vancouver a déclaré que les aquariums avaient une importance scientifique et que les cétacés gardés en captivités pouvaient nous aider à mieux comprendre ceux qui vivent dans la nature. Il a donné l'exemple d'un jeune faux-orque que l'on a sauvé en juillet dernier et de l'occasion sans précédent qu'il en a résulté pour les chercheurs d'en apprendre davantage sur cette espèce, y compris sur ses communications vocales.

Premièrement, je souligne que le projet de loi S-230 autoriserait le sauvetage et la réadaptation des cétacés du genre du faux-orque dans le but de les utiliser pour faire de la recherche. Des dauphins à flancs blancs du Pacifique ont également été sauvés, et les chercheurs adorent s'en servir comme sujets pour leurs travaux de recherche. Le projet de loi ne vise pas à nuire au sauvetage des animaux et aux travaux scientifiques sur eux. Cet argument vise à faire diversion.

En revanche, le projet de loi mettra fin au programme d'élevage en captivité de bélugas à l'aquarium de Vancouver. Voici ce que Jane Goodall a dit sur cette pratique.

[...] on ne peut plus se servir de motifs scientifiques pour justifier l'existence de programmes d'élevage de cétacés à l'aquarium de Vancouver, ou son prêt de bélugas à Sea World. Cela est démontré par le haut taux de mortalité associé à ces programmes d'élevage et par le fait que l'aquarium continue d'utiliser ces animaux dans des spectacles interactifs afin de divertir les foules [...]

L'élimination progressive de ces programmes est une conséquence naturelle de notre vision évolutive des animaux non humains qui partagent cette planète avec nous.

Honorables sénateurs, déterminer si nous devrions garder en captivité des baleines, des dauphins et des marsouins est une question d'éthique. Je ne crois pas que c'est un choix difficile à faire. Les dauphins et les baleines ne devraient pas être dans des piscines, mais dans les océans. C'est aussi simple que cela. Il s'agit d'une question morale, et le moment est venu de ne plus seulement manifester de l'empathie pour les êtres humains. Comme le grand mahatma Gandhi l'a dit, « la grandeur et le progrès moral d'une nation se mesurent à la façon dont elle traite ses animaux ».

Honorables sénateurs, chers collègues, le Sénat peut être un chef de file dans ce dossier. Je vous implore d'appuyer le projet de loi S-230 et, peu importe votre orientation politique, de faire tout votre possible pour convaincre les autres de l'appuyer eux aussi. C'est la décision qui s'impose.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, au nom de la sénatrice Johnson, le débat est ajourné.)

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motions d'amendement, motion de sous-amendement et motion—Nouveau report du vote

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Dagenais, appuyée par l'honorable sénateur Doyle, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières);

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l'honorable sénateur Black, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 1, à la page 5, par adjonction, après la ligne 45, de ce qui suit :

« c) aux organisations ouvrières dont les activités de relations de travail ne relèvent pas de la compétence fédérale;

d) aux fiducies de syndicat dans lesquelles aucune organisation ouvrière dont les activités de relations de travail relèvent de la compétence fédérale ne possède d'intérêt juridique, bénéficiaire ou financier;

e) aux fiducies de syndicat qui ne sont pas constituées et administrées en tout ou en partie au bénéfice d'une organisation ouvrière dont les activités de relations de travail relèvent de la compétence fédérale, de ses membres ou des personnes qu'elle représente. ».

Et sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Cowan, appuyé par l'honorable sénatrice Ringuette, que la motion d'amendement ne soit pas maintenant adoptée, mais qu'elle soit modifiée par adjonction, dans le paragraphe introductif, suivant les mots « à la page 5 » de ce qui suit :

« :

a) par substitution de la ligne 35 par ce qui suit :

"ont trait à l'administration, à la";

b) ».;

Et sur la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Eggleton, C.P., que le sous-amendement ne soit pas adopté, mais, conformément au paragraphe 12-8(1) du Règlement, qu'il soit plutôt renvoyé avec l'amendement au comité plénier aux fins d'examen et de rapport, et que le Sénat se forme en comité plénier immédiatement après la période de questions de la deuxième journée de séance suivant l'adoption de la présente motion.

Sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Dawson, que la motion de l'honorable sénatrice Ringuette ne soit pas adoptée maintenant mais qu'elle soit modifiée en remplaçant le mot « deuxième » par le mot « premier ».

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Honorables sénateurs, en ce qui concerne le vote reporté à 17 h 30 ce soir ainsi que la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, j'aimerais, conformément à l'article 9-10(4) du Règlement, faire reporter le vote au lundi 22 juin, à 17 h 30.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(1540)

Droits de la personne

Autorisation au comité de siéger pendant l'ajournement du Sénat et de reporter la date du dépôt de son rapport final sur son examen de la façon dont les mandats et les méthodes de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains, et de le déposer auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 16 juin 2015, propose :

Que, nonobstant les ordres du Sénat adoptés le mardi 6 mai 2014, et le jeudi 11 décembre 2014, le dépôt du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne relativement à son examen de la façon dont les mandats et les méthodes de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains, en prêtant une attention particulière à la crise qui secoue actuellement la Syrie, soit reporté du 30 juin 2015 au 31 décembre 2015;

Qu'en conformité avec l'article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à se réunir du lundi 22 juin 2015 au vendredi 4 septembre 2015, inclusivement même si le Sénat est ajourné à ce moment pour une période de plus d'une semaine;

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé durant la période entre le 22 juin 2015 et le 4 septembre 2015 et nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat un rapport si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Affaires étrangères et commerce international

Autorisation au comité de déposer auprès du greffier son rapport sur l'étude des conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable A. Raynell Andreychuk, conformément au préavis donné le 16 juin 2015, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport sur l'étude des conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique durant la période allant du 22 juin 2015 au 4 septembre 2015, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable Anne C. Cools : Puis-je poser une question? Dans le cas où il y aurait dissolution, comment cela pourrait-il être en vigueur?

La sénatrice Andreychuk : Cela sera en vigueur jusqu'à une éventuelle dissolution.

La sénatrice Cools : Jusqu'à la dissolution. D'accord, je comprends. Merci. Je comprends votre intention.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Sécurité nationale et défense

Autorisation au comité de déposer auprès du greffier son rapport sur l'étude concernant les menaces à la sécurité nationale pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Daniel Lang, conformément au préavis donné le 16 juin 2015, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport sur les menaces à la sécurité nationale durant la période allant du 22 juin 2015 au 31 août 2015, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Autorisation au comité de siéger pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Daniel Lang, conformément au préavis donné le 16 juin 2015, propose :

Qu'en conformité avec l'article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à se réunir du lundi 22 juin 2015 au vendredi 31 juillet 2015, inclusivement même si le Sénat est ajourné à ce moment pour une période de plus d'une semaine.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Droits de la personne

Autorisation au comité de déposer auprès du greffier du Sénat son rapport sur l'étude des obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 18 juin 2015, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport sur l'étude visant à surveiller l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et à examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne durant la période allant du 22 juin 2015 au 4 septembre 2015, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi sur le renforcement de l'examen et de la surveillance civils de la Gendarmerie royale du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suspension du débat

L'honorable Grant Mitchell propose que le projet de loi S-232, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Conseil civil d'examen et de surveillance de la Gendarmerie royale du Canada et ombudsman de la Gendarmerie royale du Canada) et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois.

— Monsieur le Président, chers collègues, il s'agit là du projet de loi S-232, intitulé « Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Conseil civil d'examen et de surveillance de la Gendarmerie royale du Canada et ombudsman de la Gendarmerie royale du Canada) et modifiant d'autres lois en conséquence ». Il a pour titre abrégé « Loi sur le renforcement de l'examen et de la surveillance civils de la Gendarmerie royale du Canada ».

Je n'ai pas élaboré ce projet de loi seul. Je remercie vivement mon personnel, et je tiens à remercier particulièrement le personnel du conseiller parlementaire. Ces gens ont rendu des services inestimables et ont fait un travail exceptionnel pour élaborer cette mesure pendant ce qui s'est avéré leur période de travail la plus mouvementée.

Ce projet de loi est le fruit de près de quatre ans de travail, soit trois ans et demi. En décembre 2011, lorsque le nouveau commissaire de la GRC, M. Paulson, a été invité à témoigner devant le Comité de la défense, je lui ai posé plusieurs questions sur le harcèlement sexuel et les autres formes de harcèlement qui ont cours au sein de l'organisation, car la presse publiait de nombreux renseignements à ce sujet. J'ai reçu soudainement un grand nombre d'appels de la part de personnes qui avaient subi des blessures souvent très graves à cause de ces formes de harcèlement au sein de la GRC.

Je me suis penché là-dessus pendant plusieurs mois, comme nous le faisons au Sénat lorsqu'un problème attire notre attention. Ayant épuisé toutes mes ressources en tentant d'obtenir une étude, j'ai finalement présenté une motion demandant au Sénat de confier au comité la réalisation d'une étude sur le harcèlement.

Quand j'ai présenté cette motion, j'étais convaincu qu'elle serait rejetée, puisqu'il s'agissait d'une motion de l'opposition qui n'avait pas l'appui du président du comité. Mais grâce à un véritable miracle, qui est tout à l'honneur des sénateurs conservateurs, ceux-ci se sont rangés du côté de l'opposition, de mon côté, en disant : « Nous aimerions appuyer cette motion. Nous aimerions que le Comité de la défense examine la question du harcèlement sexuel. » Et la motion a été adoptée.

C'est ainsi que le comité a produit un rapport consensuel intitulé Des questions de conduite : la Gendarmerie royale du Canada doit transformer sa culture, sous la direction d'un excellent président, le sénateur Lang, et d'un merveilleux vice-président, le sénateur Roméo Dallaire, qui a malheureusement pris sa retraite depuis. Ce rapport mettait clairement en lumière la nécessité de changer la culture de la GRC. En effet, bien que le harcèlement sexuel ne soit pas omniprésent à la GRC, il s'agissait clairement d'un problème important et relativement répandu, comme l'ont reconnu le ministre et le commissaire.

Dans son rapport, le comité parle de différentes façons de transformer en profondeur la culture de la GRC et de l'améliorer afin qu'elle offre — surtout aux femmes, mais aussi aux hommes — un milieu de travail où ils pourront travailler en sécurité, sans avoir à craindre le harcèlement et ses conséquences.

Le rapport a été accueilli favorablement. Il semble avoir eu un certain effet à la GRC et avoir inspiré une initiative, mais il restait beaucoup à faire. J'ai donc uni mes efforts à ceux de la députée Judy Sgro. Nous avons produit un autre rapport après avoir rencontré, partout au pays, des victimes et leur famille. Nous avons organisé des tables rondes pour entendre ce que les gens avaient à dire et faire en sorte qu'on en tienne compte. En décembre 2014, nous avons produit un rapport intitulé Rêves brisés : Le harcèlement sexuel et le mécontentement systématique à la Gendarmerie royale du Canada.

(1550)

Ce rapport était accompagné d'un certain nombre de recommandations, notamment l'établissement d'une procédure obligatoire de règlement des problèmes et de grief qui n'ait aucun lien avec la chaîne de commandement; l'établissement d'une stratégie nationale pour un milieu de travail psychologiquement en santé avec suffisamment de ressources en santé pour gérer les cas de stress post-traumatique et de blessures de stress opérationnel; et l'établissement d'arrangements en matière de mise en commun des ressources entre les Forces canadiennes et d'autres organisations policières pour la prévention, le diagnostic et le traitement des blessures de stress opérationnel... je pourrais continuer.

Il est intéressant de constater que le Comité des anciens combattants a commencé à se pencher sur ces questions, surtout en ce qui concerne les militaires, mais aussi, explicitement, en ce qui concerne les anciens membres de la GRC. Il est probablement nécessaire d'examiner la question des blessures de stress opérationnel et des troubles de stress post-traumatique chez d'autres premiers intervenants, car il devient de plus en plus évident que les pompiers et les travailleurs paramédicaux, par exemple, commencent à se rendre compte qu'ils souffrent, eux aussi, de blessures de stress opérationnel.

Je félicite le Comité des anciens combattants qui a travaillé sur le cas des anciens membres des forces armées et de la GRC et qui s'est engagé à poursuivre le travail en ce qui concerne la GRC. Il faut s'en réjouir et l'encourager.

C'est dans un tel contexte que ce projet de loi a été conçu. La députée Sgro et moi avons recommandé, entre autres, dans notre rapport, que soit établi un organisme civil officiel de surveillance de la GRC, qui en plus de ses responsabilités fédérales, s'occupe aussi beaucoup du maintien de l'ordre au niveau municipal. Je regarde le sénateur Tkachuk : la GRC en fait beaucoup dans sa province. C'est une force policière extraordinaire, constituée de personnes exceptionnelles, qui servent remarquablement le pays depuis bien des décennies.

Il y a cependant un fléau à enrayer. Les grandes réformes qu'ont subies les forces armées dans la foulée de leur expérience cathartique en Somalie, tout comme les préoccupations qu'elles ont exprimées dans le cadre de ce processus et qui réapparaissent encore aujourd'hui, nous ont appris que les militaires bénéficient énormément de la rétroaction d'un organe d'examen externe, non pas militaire mais bien composé de membres du public, capable de les aider à réaliser une transformation. Il est vrai qu'il est maintenant nécessaire d'apporter quelques ajustements, mais cela les a certainement aidés à faire la transformation.

Pour le projet de loi, je me suis penché sur le travail de commissions d'examen de certains grands corps policiers au Canada. Il est clair que la commission d'examen a fait de l'excellent travail à Edmonton, la ville où j'habite, ainsi qu'à Calgary. La plupart des grands corps policiers ont une commission publique d'examen indépendant qui aide les chefs de police et leurs subalternes, en premier lieu, à limiter les pressions exercées par les politiciens; il est préférable que nous facilitions une surveillance objective plutôt que d'exercer trop de pressions sur les services de police.

J'aimerais attirer votre attention sur la différence entre « surveillance » et « examen ». Ces deux termes sont souvent utilisés de façon interchangeable, à tort. La surveillance est une activité proactive; elle s'apparente davantage aux activités d'un conseil d'administration qu'à une gestion quotidienne. L'examen, pour sa part, se fait après coup, et consiste à examiner les plaintes, à cerner les problèmes après qu'ils se soient produits et à formuler des recommandations. En l'occurrence, je parle d'un organe de surveillance. C'est le premier élément du projet de loi.

Le deuxième porte sur la fonction d'examen, exercée par un ombudsman de la Gendarmerie royale du Canada.

Je vais décrire ce qu'accomplira le projet de loi lorsqu'il sera adopté par le Sénat puis par la Chambre des communes. J'estime qu'il changera radicalement le fonctionnement de la GRC et lui permettra de faire évoluer sa culture bien plus rapidement qu'à l'heure actuelle et de mieux fonctionner au sein d'une structure devenue très traditionnelle — si je peux vraiment qualifier de traditionnelles les forces de police modernes — et qui est aujourd'hui très répandue parmi les services de police.

La première partie du projet de loi vise à établir le Conseil civil d'examen et de surveillance de la Gendarmerie royale du Canada, qu'il ne faut pas confondre avec la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, qui existe déjà et qui procède à des examens après les faits, même s'il lui arrive peut-être, dans certains cas, de procéder à l'examen proactif d'une politique ou d'une question donnée.

Le conseil serait composé d'un président, d'un vice-président et d'un maximum de 11 autres membres nommés par le gouverneur en conseil. Il aurait pour mission d'examiner et de surveiller, en toute indépendance, les opérations de la GRC afin d'en améliorer l'efficacité et l'efficience ainsi que d'assurer l'équilibre essentiel entre l'obligation de rendre des comptes au public et l'indépendance policière.

Avant que les personnes choisies puissent faire partie du conseil, les nominations devraient être approuvées par les comités du Sénat et de la Chambre des communes qui étudient normalement les questions liées à la GRC, ce qui signifie le Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense et le comité correspondant de la Chambre des communes.

La sélection des membres du conseil devrait se faire en tenant compte de la nécessité d'assurer la représentation des régions.

Les pouvoirs du conseil seraient les suivants : l'examen des avant-projets de budget et des autres rapports et états financiers de la GRC; le contrôle des allocations et des dépenses de la GRC; l'examen de la planification, de l'élaboration et de la mise en œuvre des priorités et des plans stratégiques de la GRC; l'examen des programmes et des initiatives de la GRC ainsi que de leur mise en œuvre; l'examen des politiques, des procédures, des lignes directrices et des pratiques existantes de la GRC ainsi que des modifications envisagées; la surveillance de la vérification interne de la GRC; et, enfin, la réalisation d'études sur toute question liée aux opérations de la GRC.

Le projet de loi prévoit que le conseil serait tenu de présenter des rapports au ministre et d'y inclure des recommandations et aurait aussi à remettre au moins une fois par année un rapport au Parlement.

Le conseil aurait accès à tous les renseignements détenus par la GRC, à l'exception de ceux qui sont protégés par le privilège du secret professionnel liant le conseiller juridique à son client et à l'exception de ceux qui sont liés à la sécurité nationale. Voilà pour le Conseil civil d'examen et de surveillance de la Gendarmerie royale du Canada.

Le deuxième élément important est l'ombudsman. Le gouverneur en conseil nommerait l'ombudsman après approbation du Sénat et de la Chambre des communes, c'est-à-dire des comités respectifs que j'ai mentionnés plus tôt. L'ombudsman pourrait s'assurer les services de diverses personnes, à titre de membre du personnel, nécessaires à l'exécution de sa mission. Cette mission serait la suivante : d'abord, d'agir, en toute neutralité et objectivité, comme médiateur, intervenant, enquêteur et rapporteur pour les questions relatives à la GRC afin que chacun soit traité avec justice et équité; ensuite, de contribuer à améliorer, de manière substantielle et durable, le bien-être des membres et du personnel civil de la GRC; de cerner et d'examiner tout problème nouveau ou d'ordre systémique qui concerne la GRC et qui touche ses membres, ses anciens membres, les membres de son personnel civil ou les anciens membres de son personnel civil, à titre individuel ou en groupe; de diriger les membres, les anciens membres, les membres du personnel civil et les anciens membres du personnel civil de la GRC vers les services d'aide et de redressement des griefs déjà en place au sein de la GRC; enfin, de favoriser, pour les membres, les anciens membres, les membres du personnel civil et les anciens membres du personnel civil de la GRC, l'accès aux programmes et services en leur fournissant de l'information et des services d'aiguillage.

Il y aurait des limites quant aux enquêtes pouvant être effectuées par l'ombudsman. Il ne pourrait pas par exemple faire enquête sur une décision d'une province. Ses pouvoirs pourraient être délégués. Il n'aurait ni grade ni échelon dans les forces armées; il se rapporterait directement au ministre.

Une plainte pourrait être déposée auprès de l'ombudsman par un membre ou un ancien membre, un membre du personnel civil ou un ancien membre du personnel civil, une personne qui présente sa candidature pour devenir membre ou membre du personnel civil, ou encore une personne agissant au nom d'une autre personne. L'ombudsman pourrait mener une enquête de sa propre initiative. S'il refusait de mener une enquête, il devrait fournir au plaignant les raisons de sa décision.

Un plaignant serait d'abord tenu d'épuiser les recours et mécanismes de redressement dont il pourrait se prévaloir sous le régime de la loi. Si une enquête était lancée, l'ombudsman devrait informer notamment le commissaire, le ministre provincial et le ministre fédéral. Il devrait en outre respecter les normes de service régissant les délais pour le traitement des plaintes.

L'ombudsman pourrait tenir des audiences dans le cadre d'une enquête. Il pourrait demander tout document ou renseignement pertinent pour l'enquête et il pourrait aussi assigner et interroger toute personne après enquête...

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l'article 3-4 du Règlement, comme il est maintenant 16 heures, je déclare que la séance est levée, et que le Sénat s'ajourne au lundi 22 juin 2015, à 14 heures, par décision du Sénat.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au lundi 22 juin 2015, à 14 heures.)

© Sénat du Canada

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