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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 24 - Annexe B - Témoignages de la réunion à Londres (Angleterre)


Réunion concernant la responsabilité solidaire et les professions libérales

LONDRES, ANGLETERRE, le vendredi 22 novembre 1996

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 9 heures pour examiner l'état du système financier au Canada (responsabilité professionnelle).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Merci à tous d'être venus.

Permettez-moi de commencer par vous présenter mes collègues. Six membres du comité sont ici présents. Il s'agit du sénateur Don Oliver, du sénateur Michael Meighen, du sénateur Céline Hervieux-Payette et du sénateur Colin Kenny. Le vice-président du comité, le sénateur David Angus, est sans doute connu de nombre d'entre vous vu qu'il se rend souvent dans votre pays en portant non pas son chapeau de politique, mais bien son chapeau d'homme d'affaires.

Comme vous le savez peut-être, les six grands cabinets de comptables ont mené une campagne de lobbying très intensive et, franchement, très réussie, auprès de ministres et de hauts fonctionnaires du ministère de l'Industrie au Canada, arguant, en fait, que la responsabilité conjointe et solidaire devrait être remplacée, au moins en ce qui concerne la profession de comptable, par la responsabilité proportionnelle.

Le gouvernement a décidé qu'il lui fallait mieux comprendre le problème avant de rendre une décision. Voilà pourquoi le comité ici réuni s'est vu demander de tenir des audiences et de lui fournir au cours des six ou huit prochains mois des conseils quant à savoir si la politique en vigueur devrait demeurer la même ou bien si la loi devrait être modifiée.

Nous avons tenu des audiences préliminaires au Canada, et, bien franchement, les conseils que nous avons reçus étaient très contradictoires.

L'Association du Barreau canadien, par exemple, et l'Institut canadien des comptables agréés n'étaient pas tout à fait d'accord. L'Association des ingénieurs-conseils du Canada a elle aussi un point de vue quelque peu différent.

Nous avons donc pensé qu'il serait utile que nous tentions de comprendre la question dans un contexte international, plus vaste. Hier, nous avons rencontré le professeur Burrows ainsi que des porte-parole du DTI, et ce en vue de mieux cerner l'historique sur lequel s'appuie le rapport du professeur Burrows et d'approfondir certaines des questions qui en découlent. Nous tenions également à comprendre la position de votre gouvernement quant à la possibilité d'envisager des changements à la loi.

La principale question dont nous aimerions discuter avec vous ce matin est celle de la disponibilité d'assurance. La question a été soulevée car elle a été posée au comité, principalement par les six grands cabinets de comptables et, dans une moindre mesure, par certains autres témoins qui estiment eux aussi qu'il est parfois difficile d'obtenir des assurances. Il ne ressort pas clairement si la difficulté tient à des problèmes de disponibilité d'assurance ou bien au simple fait que ce soit trop coûteux et que ces coûts supérieurs ont une incidence considérable sur les tarifs.

Nous aimerions que vous traitiez tout d'abord de la question de savoir si la capacité existe ou non et, deuxièmement, du coût des assurances, en d'autres termes leur coût est-il prohibitif? Nous vous inviterions à faire cela non seulement dans le contexte des six grands cabinets de comptables -- mais si vous avez un avis sur les six grands, cela nous serait utile -- mais nous aimerions mieux comprendre l'assurance-responsabilité professionnelle en général, dans son application non seulement à la comptabilité, mais également au droit en matière de comptabilité, aux diverses organisations de construction, aux architectes, aux ingénieurs-conseils, et cetera. Nous aimerions connaître votre opinion en tant qu'assureurs sur ce marché.

Le sénateur Angus: J'aimerais ajouter un petit mot de bienvenue à vous tous et vous remercier d'être venus. Je sais à quel point votre temps est précieux. Cette observation s'applique non seulement aux assureurs, mais également à nos amis de Minet Inc. et d'Alexander & Howden. Nous avons ici un impressionnant aréopage représentatif du marché et mes collègues et moi-même sommes privilégiés d'avoir ainsi l'occasion d'avoir un échange de vues avec vous.

Un certain nombre de choses commencent à ressortir clairement pour nous, et j'espère que vous nous corrigerez si nous nous engageons sur une mauvaise piste. Il semble relativement clair qu'il existe un problème avec les six grands par suite de certaines des poursuites engagées aux États-Unis et dans d'autres pays du monde en matière de responsabilité conjointe et solidaire. Les six grands ont en effet été mis en cause dans tout cela. Bien qu'on ne les ait pas jugés comme étant les principaux coupables, ils doivent, que ce soit juste ou injuste, assumer le tout. Les chiffres sont astronomiques.

Hier, en fait, des amis de Minet nous ont dit que l'un des problèmes des six grands résulte du fait qu'il est difficile pour vous, en tant qu'assureurs, de ne serait-ce qu'évaluer les risques, étant donné l'ampleur du quantum potentiel. Il y a également la prévisibilité et tous les autres critères que vous appliquez, si nous avons bien compris, lorsque vous évaluez un risque aux fins de tarification. Ces facteurs sont tels que la situation est presque impossible.

Cependant, de façon générale, nous comprenons que la question des assurances est peut-être un prétexte. En effet, les comptables nous disent qu'il y a une crise des assurances et qu'ils ne pourront pas continuer d'exercer leur profession, et cetera, si la responsabilité conjointe et solidaire n'est pas remplacée par la responsabilité proportionnelle.

D'après ce que nous avons cru comprendre, il se pourrait qu'il y ait d'autres solutions.

Nous comprenons également que des assurances sont à la portée de la plupart des professions, qu'il y a un marché, qu'il y a une capacité et qu'en fait le coût n'est pas à ce point prohibitif que la situation est impossible pour les avocats, les ingénieurs, les architectes et d'ailleurs la plupart des comptables, exception faite des six grands.

Cependant, comme vous pouvez le comprendre, nous sommes tout à fait naïfs dans ce domaine et c'est pourquoi nous aimerions recueillir vos avis en la matière. Nos amis Peter Christie et Nick Rudnai joueront, nous l'espérons, le rôle d'interlocuteurs dans le cadre de cette discussion sur la question générale de la disponibilité d'assurance pour les professionnels et pour la responsabilité proportionnelle.

M. Peter S. Christie, président-directeur général, Minet Inc.: Ceux parmi vous qui assureraient les six grands aujourd'hui, levez la main je vous prie. Qu'il soit indiqué au procès-verbal que personne n'a levé la main en réponse à ma question.

M. Richard Hardingham, Agnew Syndicate: Je pense que les six grands présentent des caractéristiques très particulières en matière de risque. Il s'agit de gros cabinets qui oeuvrent à l'échelle mondiale et qui assurent des services de vérification et autres à près de 95 p. 100 des grosses sociétés, des sociétés d'envergure mondiale.

Malheureusement, la nature humaine étant ce qu'elle est, si une entreprise vient à s'écrouler et que les actionnaires et les banques perdent de l'argent, alors ceux-ci ont tendance à partir à la recherche de quelqu'un à blâmer. Si une grosse société s'effondre et qu'il ne reste que très peu pour les créanciers, alors, comme je le disais, la tendance au cours des 10 dernières années a de plus en plus été la suivante: les gens qui ont perdu de l'argent trouveront quelqu'un à blâmer et, neuf fois sur dix, ce sont les vérificateurs qui seront la principale cible. C'est ce qui se passe à l'heure actuelle avec l'affaire d'Orange County, en Californie. KPMG est certainement sur la ligne de tir là-bas, même s'il n'y a peut-être aucunement lieu de parler de responsabilité professionnelle.

Cela m'amène à un autre point. La question de la responsabilité professionnelle revient tout simplement au fait d'être au mauvais endroit au mauvais moment et de se faire entraîner dans une situation par association. Bien sûr, les gens essaient de prouver qu'il y a eu négligence.

Pour en revenir aux six grands et au rôle qu'ils jouent en matière de vérification, comme je l'ai dit, pour 95 p. 100 des sociétés internationales, ils sont tout de suite une cible dès qu'il y a un échec. On les perçoit comme étant une source de paiement des pertes, car on sait qu'ils disposent de ressources importantes et qu'ils ont une certaine couverture en matière de responsabilité professionnelle. Il est difficile d'assurer ce genre d'organisation si, comme je le disais, chaque fois qu'il y a une entreprise qui fait faillite, on vous renvoie au banc des accusés, on rejette toute la responsabilité de l'affaire sur vous et on exige que vous payiez.

Je ne peux pas leur reprocher d'avoir opté pour le statut de SRL. Il leur faut faire cela pour se protéger. C'est ce qu'ils ont largement fait aux États-Unis et je ne pense pas qu'il y ait d'États américains qui s'opposent à ce statut de SRL.

Le sénateur Kenny: Qu'entendez-vous par «SRL»?

M. Hardingham: Société à responsabilité limitée. Je ne leur fais aucun reproche s'ils essaient de se protéger en créant des organisations à responsabilité limitée et je ne leur fais aucun reproche s'ils tentent de faire modifier la loi en vue de la suppression de la responsabilité dite conjointe et solidaire car, autrement, ils auront beaucoup de mal à rester en activité.

Il leur sera également très difficile de recruter des gens car de nos jours les jeunes comptables demandent pourquoi ils devraient se joindre à l'un des six grands et consentir quantité d'efforts pour devenir associé s'ils sont exposés au risque de perdre tout ce qu'ils possèdent dans ce bas monde si une grosse entreprise fait faillite.

Le président: Dans quelle mesure s'agit-il d'un problème américain, du fait de l'importance des règlements par jury aux États-Unis, par opposition à un problème mondial? Dans quelle mesure, en un sens, sommes-nous en train d'être entraînés dans une situation à cause de certains aspects que nous percevons -- et j'imagine que c'est également votre cas -- comme étant parmi les plus bizarres du système juridique américain? Voilà une question.

Deuxièmement, dans quelle mesure les six grands ont-ils en quelque sorte créé leur propre problème en devenant les six grands? Si vous remontez 15 ou 20 ans en arrière, avant que des fusions n'aient ramené le nombre d'importants cabinets de comptables à une simple poignée, les six grands n'existaient pas sous forme de conglomérat comme c'est le cas à l'heure actuelle. Dans quelle mesure ont-ils créé leur propre problème? Par exemple, si au lieu des six grands il y avait 20 grands, le problème serait-il plus simple pour vous sur le plan assurance?

Mes questions sont tout à fait distinctes. L'une concerne l'aspect proprement américain et l'autre cherche à déterminer dans quelle mesure ces grands ont créé leur propre problème.

Quelqu'un voudrait-il également nous dire quelques mots sur l'assurance pour les professionnels en général, et non pas seulement les six grands?

M. Hardingham: Je pourrais peut-être répondre à la question: «Les six grands sont-ils responsables?». Je pense qu'il serait injuste de tirer une telle conclusion. Leur activité a pris de l'ampleur, comme ils l'ont voulu. C'est la nature même de leur activité qui fait qu'ils sont une cible. S'il y avait 20 grands, le même risque serait là, mais il serait davantage étalé. Il serait néanmoins toujours difficile de les assurer.

M. Julian Spence, B.H. Bannister Syndicate: Je pourrais peut-être répondre à la question de savoir s'il s'agit d'un problème particulièrement américain ou d'un problème international. Bien que nous nous concentrions sur les États-Unis d'Amérique parce qu'il y existe de sérieux problèmes, les six grands se sont trouvés confrontés à de gros problèmes en Australie, au Royaume-Uni et même au Canada. L'on pourrait donc qualifier le problème d'international.

Le président: Qu'en est-il d'autres professions et, en fait, d'autres volets de la profession de comptable?

M. Hardingham: Si vous descendez jusqu'au palier intermédiaire, où nous, en tant que syndicat, intervenons dans une certaine mesure -- le niveau juste en dessous des six grands -- vous verrez que leurs activités sont différentes parce qu'ils ne font pas de vérifications, ils n'ont pas ce même lien avec ce que j'appelle les grosses sociétés, celles qui sont cotées en bourse. Leurs activités concernent de plus en plus des sociétés privées, où le risque est différent. S'il y a échec, il y a moins de gens qui sont concernés. En règle générale, c'est la famille qui perd de l'argent et elle ne va dans la plupart des cas pas s'en prendre, dans une telle situation, aux comptables ou aux vérificateurs.

Vous pouvez avoir d'autres créanciers, par exemple la banque ou des fournisseurs, mais comme je viens de le dire, le risque est subtilement différent dans le cas de quelqu'un qui vérifie les comptes de grosses sociétés cotées en bourse par rapport à quelqu'un qui vérifie les livres d'une entreprise privée familiale. L'assurabilité de ce que j'appelle le «deuxième palier» gagne en viabilité plus vous abandonnez la vérification du secteur public en faveur de celle du secteur privé. Je ne parle ici que des comptables.

Le sénateur Oliver: Puis-je revenir à la première question concernant la disponibilité d'assurance, afin que l'on puisse étoffer cela davantage? Les primes peuvent certainement être plus élevées. Même avec des primes supérieures et les autres conditions, êtes-vous en train de dire qu'encore aujourd'hui vous vous détourneriez des six grands?

M. Hardingham: Je ne m'y intéresserais pas personnellement, étant donné qu'ils sont systématiquement la cible, à tort ou à raison, en cas d'effondrement d'une grosse société ou de perte d'argent par des investisseurs.

Le sénateur Oliver: Quelles recommandations vous feriez-nous donc?

M. Hardingham: Évidemment, si l'on pouvait réduire leur exposition dans le cadre de ce genre de réclamation, alors leur assurabilité serait améliorée. Il est difficile de voir comment y parvenir. Ils peuvent se protéger en devenant, comme je le disais, des sociétés à responsabilité limitée ou en limitant leur responsabilité d'une autre façon. Cela n'a à notre sens pas d'incidence sur l'exposition en ce qui concerne la responsabilité professionnelle. Peu importe qu'il s'agisse de sociétés à responsabilité limitée ou que la responsabilité soit limitée, nous aurons toujours à assurer le même risque en ce qui concerne l'aspect professionnel.

Si vous modifiiez l'aspect responsabilité conjointe et solidaire, il me faut reconnaître qu'il me faudrait attendre un petit moment pour en voir l'effet, avant d'être convaincu de l'assurabilité supérieure de l'un des six grands cabinets.

Le sénateur Oliver: Que pensez-vous de l'idée d'imposer un plus lourd fardeau au plaignant et de dire que celui-ci aurait dû faire davantage de recherches, aurait dû faire preuve de plus de diligence, et peut-être même que le plaignant pourrait être accusé d'avoir contribué au problème en étant négligent? Si c'était le cas, cela ne réduirait-il pas l'exposition des accusés?

M. Hardingham: Oui, je pencherais en faveur d'un rapprochement avec le système judiciaire canadien plutôt qu'avec le système judiciaire américain pour que l'affaire soit entendue par un juge plutôt que par un juge avec un jury sorti d'un trou quelque part au Texas ou ailleurs, ce qui peut donner un résultat très arbitraire. Dans le premier cas, vous pouvez compter sur les connaissances, la capacité et la compréhension du juge.

Si vous créez un environnement tel que les juges comprennent les questions ainsi que la façon de répartir la responsabilité, alors le résultat sera meilleur, plus équilibré, si vous voulez, pour les réclamations contre les six gros cabinets.

Le sénateur Kenny: Et une compagnie plus assurable?

M. Hardingham: Oui. Encore une fois, il me faudrait être convaincu sur une période de temps donnée, par suite de décisions rendues dans différentes affaires, que ce qui se passe a l'effet voulu.

Le sénateur Meighen: Même si vous avez une responsabilité proportionnelle et qu'on vous juge responsable à 40 p. 100 pour 500 millions de dollars, il n'en demeure pas moins que c'est beaucoup d'argent.

M. Hardingham: Oui. Il y a toujours cette possibilité d'une réclamation de 100 millions de dollars ou plus.

Le sénateur Meighen: Serait-il juste de dire que, si nous options demain pour la responsabilité proportionnelle, cela ne résulterait pas ipso facto dans...

M. Hardingham: Je ne pense pas que vous aurez forcément des assureurs qui bondissent des tranchées et se précipitent pour offrir de les assurer.

Le sénateur Hervieux-Payette: Existe-t-il un précédent du genre dans d'autres secteurs, d'autres endroits? Je sais que mon collègue travaille dans le secteur maritime, où les réclamations peuvent être sensiblement supérieures à la norme dans d'autres secteurs où il est question de responsabilité professionnelle. Quelle serait votre suggestion si nous sommes confrontés à cette situation tout à fait unique où les moyens qui sont en train d'être recommandés ne réduiront pas le risque? Quel genre de formule ou d'approche recommanderiez-vous?

M. Hardingham: De nombreuses réclamations résultent du fait que d'autres s'appuient sur la vérification. Vous pourriez limiter la responsabilité des comptables à ce qui découle de ce qu'ils ont fait dans le processus de vérification; en d'autres termes, vous pourriez leur offrir une certaine immunité. Cependant, ce serait très difficile à gérer, car vous voudrez toujours protéger les gens contre toute négligence professionnelle véritable.

Comme je l'ai dit, les genres de réclamations auxquelles nous sommes confrontés ne correspondent pas à des cas de négligence professionnelle: il s'agit plutôt d'avoir été au mauvais endroit au mauvais moment lorsque des gens ont perdu beaucoup d'argent.

Si vous pouviez créer un environnement où les six grands qui font la vérification seraient à l'abri de réclamations faites par des tiers, et cela mérite beaucoup de réflexion... alors vous amélioreriez certainement l'aspect «assurabilité» pour eux.

Le sénateur Oliver: Lorsque l'Association du Barreau canadien a comparu devant le comité, c'est justement la recommandation qu'elle a faite. Elle nous a fait deux recommandations. Elle nous a dit que nous devrions envisager de limiter ceux envers qui une obligation de diligence est due, et envisager de limiter les services qui seraient assortis d'une responsabilité professionnelle. Pour ce qui est du premier cas, les porte-parole de l'association ont dit que nous pourrions essayer de définir certaines de ces catégories. Est-ce cela que vous êtes en train de dire?

M. Hardingham: Oui, tout à fait. La vérification est une exigence de la loi, une exigence annuelle de la loi. Il s'agit de quelque chose de très spécial. Il s'agit d'un cliché annuel. Bien franchement, je doute de sa valeur, mais il s'agit d'une exigence de la loi telle qu'établie par le gouvernement. D'autres parties s'y appuient, et si vous pouviez limiter l'exposition des six grands ou de tout comptable, c'est-à-dire ceux envers qui ils ont des obligations, alors vous amélioreriez leur situation en matière de responsabilité en droit.

M. Christie: Au sujet de ce que vous venez de dire, monsieur, comment se fait-il que le marché des assurances puisse offrir, mettons, un demi-milliard pour une plate-forme de forage, sur le marché de Londres ou le marché national? Quelles sont les caractéristiques du marché qui vous excluent de ce genre d'activité alors que dans d'autres secteurs, on peut négocier une couverture énorme? Quel est le facteur déterminant, s'agit-il des réclamations, de la concentration?

M. Mike Quigley, Q.B.E. Insurance Company: C'est une très bonne question. Je n'y ai pas réfléchi depuis bien longtemps. C'est peut-être purement historique, mais ces derniers temps, la responsabilité professionnelle a subi un changement au niveau de l'exposition, changement qui a eu un effet négatif sur les souscripteurs potentiels qui seraient peut-être désireux d'assurer pour la responsabilité professionnelle.

Je pense qu'il s'agit d'une attitude très ambivalente et je suis d'ailleurs moi-même quelque peu confus en la matière. D'un côté, les assureurs ont très envie de s'occuper d'assurance-responsabilité professionnelle et ils se précipitent lorsque le marché est faible, mais de l'autre côté, il y a une certaine hésitation à créer d'importants montants de couverture disponible. Cela est par ailleurs quelque peu exacerbé par le fait que le client ne peut payer que pour ce qui est disponible et ce qui correspond à ses moyens.

Par exemple, au Royaume-Uni, les plus gros cabinets d'avocats vont, en théorie, acheter le maximum de ce qui est disponible. À l'heure actuelle, cela frôle les 200 millions de livres.

Le sénateur Angus: Pourriez-vous nous donner une idée de ce que cela coûte? Comme vous êtes nombreux à le savoir, pour obtenir ce genre de couverture au Canada, où les risques sont, je pense, de bien inférieurs à ce qu'ils sont aux États-Unis, le coût est prohibitif. Vous ne pourriez jamais payer la prime correspondant à une telle couverture.

M. Quigley: Pour ce qui est de la taille des cabinets d'avocats chez nous, sans vouloir citer de noms, les quatre ou cinq premiers touchent des honoraires très utiles.

Le sénateur Angus: Très joliment dit.

M. Quigley: Je sais qu'un cabinet en particulier va sans doute payer près de 6 millions de livres pour une couverture de 200 millions de livres.

Le sénateur Angus: Parlez-vous des gros cabinets comme Linklaters, Freshfields, Slaughter & May, Clifford Chance... de cabinets de cette envergure-là?

M. Quigley: Oui, mais je ne citerai pas de noms.

Le sénateur Angus: Ils ont été poursuivis au Canada pour 1 milliard de dollars pour Canary Wharf. C'est sans doute l'un de vos marchés.

M. Quigley: C'est bien sûr pourquoi ils achètent des limites du genre. Je ne suis pas très au courant de ce dossier en particulier. Les juristes, s'ils travaillent pour un plaignant, ont tendance à exagérer un peu l'agonie, si vous voulez, et cela n'aide en rien les choses.

Ces chiffres sont astronomiques. Cela dépasse l'entendement.

Il y a un cabinet d'avocats dans ce pays qui est sur le point de régler pour un montant plutôt considérable, et qui correspond à tout un bond pour la profession dans son ensemble.

Il importe de faire une distinction entre ce que j'appellerais les secteurs de «construction» et les secteurs de «non-construction».

Le sénateur Oliver: Cette affaire tourne-t-elle autour d'une question de fausse déclaration faite par négligence?

M. Quigley: C'est à toutes fins pratiques un règlement négocié. Les avocats se sont tout simplement plantés. Dans ce cas-ci, je pense qu'un clerc débutant aurait commis la même erreur. Je crois par ailleurs que l'associé qui a commis l'erreur n'est plus dans le cabinet. Ce genre de chose arrive.

Le sénateur Angus: C'est pourquoi nous avons des assurances.

M. Quigley: C'est pourquoi vous avez des assurances, mais, comme je le disais, des distinctions s'imposent. Le secteur de la construction peut être contenu.

Le président: Quelle est la différence?

M. Quigley: Il y a des situations qui sont tout à fait ouvertes aux deux bouts. Si un comptable est réputé avoir commis une erreur, cela pourra atteindre des centaines de millions de livres, mais le secteur de la construction ne connaît pas ce problème.

Le président: Est-ce à cause de la nature de la construction ou bien, pour reprendre l'exemple des plates-formes de forage de Peter, la limite étant fondée sur le fait que vous avez tout simplement à remplacer la plate-forme ou le bâtiment ou autre, est-ce parce qu'il y a une limite clairement fixée et que vous connaissez à l'avance? Est-ce là la différence?

M. Quigley: Il me semble que les tribunaux ramènent délibérément l'exposition aux pertes économiques et les tiers. C'est un autre domaine où ils ramènent l'exposition en matière de pertes financières et de pertes indirectes.

Dans le secteur de la construction, même si les réclamations connexes se sont multipliées, nous ne voyons pas le même ordre de grandeur dans les chiffres. Il est en fait possible de se prononcer sur un risque en matière de construction. Si, par exemple, un contrat de conception-construction vaut 50 ou 100 millions de livres, ils ne vont pas se planter complètement. Des problèmes peuvent être signalés et un assureur devra rendre une décision. C'est ici qu'interviendrait l'expérience en matière d'assurance. L'assureur prendrait une décision en tenant compte du niveau d'exposition correspondant au type de construction visé.

Je ne pense pas que vous puissiez appliquer cette façon de voir les choses à l'un des six grands, voire même à un gros cabinet d'avocats. C'est beaucoup plus ouvert. Je pense que vous constaterez qu'il y a une attitude différente pour les différents domaines où il y a responsabilité professionnelle.

Le sénateur Angus: Les dirigeants et les membres du conseil d'administration, et tout particulièrement les dirigeants de sociétés, courent-ils un risque analogue à celui que courent les six grands? Autrefois, c'était quelque chose de siéger au conseil d'administration d'une banque ou d'une grosse organisation financière publique, mais aujourd'hui, aux États-Unis et au Canada, il est, pour toutes ces raisons, très difficile de trouver des personnes qui acceptent.

M. Quigley: Je ne suis pas spécialiste dans ce domaine, mais je ne pense pas que la responsabilité soit une considération primordiale dans ce pays. Ce n'est pas la première idée qui vient à l'esprit d'une personne qui est en train de se demander si elle devrait ou non accepter un poste comme membre d'un conseil d'administration, mais la situation est sans doute tout le contraire aux États-Unis.

Le président: Ainsi qu'au Canada.

Le sénateur Angus: Du point de vue assurabilité, les risques ne sont-ils pas monumentaux?

M. Quigley: Non. Je pense que le Canada a plus d'histoire que le Royaume-Uni pour ce qui est de la question de la responsabilité des dirigeants et membres de conseil d'administration.

Un pays qui ressemble plus aux États-Unis et au Canada sur ce plan est l'Australie. Mon expérience en ce qui concerne un État australien correspond tout à fait à ce qui se passe en Californie, par exemple, non pas sur le plan ordre de grandeur, mais sur le plan approche. Il faudrait être très prudent à certains égards pour ce qui est de la responsabilité des dirigeants et membres de conseil d'administration en Australie car les avocats ont le même gène. Je pense qu'il y a entre eux un lien génétique.

Le sénateur Meighen: Je pense que la couverture des dirigeants et membres de conseil d'administration est davantage disponible à l'heure actuelle au Canada qu'il y a quelques années.

M. Christie: Y a-t-il quelqu'un ici qui consent des assurances dans le cadre de contrats canadiens?

M. James Blake, Cottrell Maguine Syndicate: Cela m'arrive.

Pour ce qui est de la question de la disponibilité générale d'assurance, si vous prenez un tableau d'ensemble du marché des assurances dans son entier, à l'heure actuelle, il existe une très grande capacité.

Le sénateur Angus: À des tarifs raisonnables?

M. Blake: Pas forcément de notre point de vue, mais du point de vue de l'acheteur, oui.

Le sénateur Angus: Vous dites en définitive qu'il s'agit d'un marché relativement faible, n'est-ce pas?

M. Blake: C'est exact. Du point de vue capacité, de ce côté-ci de l'Atlantique, nous dirions que votre vision a sans doute été colorée par ce qui s'est passé aux États-Unis. Lorsqu'un grand nombre de personnes se réunissent, elles excluent immédiatement les États-Unis et le Canada pour ce qui est de certaines exigences. Il y a certains participants dans ce marché qui n'assurent pas du tout d'entreprises américaines ou canadiennes. Je crains que la situation aux États-Unis ait déteint sur vous et que l'on vous assimile à un problème nord-américain.

L'autre problème auquel nous nous trouvons parfois confrontés se rattache aux limites que les gens choisissent d'acheter. Le client estime que s'il achète plus il sera poursuivi jusqu'à cette limite. C'est peut-être disponible, mais il choisit de ne pas l'acheter.

Évidemment, les entités plus petites ou plus régionales ne voient pas qu'elles sont exposées, qu'il s'agisse d'un architecte, d'un courtier en assurances ou autre.

Nous savons tous que des erreurs peuvent être commises et que cela peut créer des problèmes, mais il semble qu'il faille que le problème ressorte avant que vous ne le reconnaissiez, et tout d'un coup, vous vous dites: «Mon Dieu, peut-être qu'une protection d'un demi-million ne suffit pas du tout et qu'il me faudrait 5 ou 10 millions».

Le sénateur Kenny: Du point de vue assurances, y a-t-il moyen pour les sociétés de comptables primo de se structurer différemment et, deuzio, de fournir un type de vérification différent? On exerce beaucoup de pressions sur eux pour qu'ils fournissent des vérifications sans réserves. L'argument que l'on entend est le suivant: «Si nous ne donnons pas une vérification sans réserve, nous ne serons pas les vérificateurs retenus l'année suivante». En gros, il semble que les vérifications soient utilisées improprement, et c'est pourquoi elles sont devenues la cible que l'on sait.

Ma question comporte deux volets: premièrement, si les cabinets se structuraient différemment et, deuxièmement, s'ils fournissaient des vérifications d'une forme différente, avec réserves, cela changerait-il les choses pour vous?

M. Spence: Ce le pourrait, mais ce ne serait pas, comme l'a dit Richard, immédiat, car nous avons subi des pertes importantes et nombreuses du côté de la profession de comptable.

Il nous faudrait voir les changements que vous apporteriez éprouvés devant les tribunaux avant que nous ne puissions nous sentir à l'aise et avant d'être convaincus que ce que vous auriez mis en place tiendrait.

Le sénateur Kenny: Parlez-vous d'une décennie ou de cinq ans?

M. Hardingham: Il faudrait sans doute attendre cinq ans pour déterminer comment les éventuelles décisions prises auraient changé le bagage des six grands cabinets en matière de réclamation.

Le sénateur Hervieux-Payette: Que diriez-vous du plafonnement de l'exposition? Y a-t-il une formule que vous pourriez envisager?

M. Hardingham: Je suis certain que les comptables adoreraient qu'on plafonne la responsabilité à 30 ou 20 millions de dollars ou moins, mais à quel niveau fixer le plafond?

Le sénateur Hervieux-Payette: Que diriez-vous de cinq fois ou dix fois le tarif facturé annuellement? Voilà quelle serait la pénalité, et si vous ne faisiez pas un bon travail, vous seriez pénalisés. Vous perdriez le contrat pour x années.

M. Spence: S'il y avait un plafond, celui-ci ne deviendrait-il pas automatiquement la cible immédiate?

Le sénateur Oliver: Oui.

Le sénateur Kenny: Vous représentez le secteur des assurances et ce qui vous préoccupe c'est que ces cabinets de comptables se lancent eux aussi dans le secteur des assurances. Ils s'en occupent d'une façon ou d'une autre. Ils n'aiment pas trop les résultats, mais ils sont essentiellement autoassurés et ils s'en occupent. Y voyez-vous de la concurrence ou une chose contre laquelle vous pouvez quelque chose?

M. Hardingham: Nous ne considérons pas qu'il s'agit là de concurrence, non.

Le président: Cela ne vous ennuie pas de leur laisser cela?

M. Hardingham: Ils n'ont pas le choix, s'il leur faut financer leurs propres rétentions, quelles qu'elles soient, et je suis convaincu qu'elles sont importantes. Cela résulte du fait que le marché des assurances ne souhaite pas se retrouver pris avec ce genre de situation, car ce n'est pas payant dans ce contexte.

Le sénateur Kenny: Ils finiront par se structurer de façon à s'autoassurer.

M. Hardingham: Ils le font.

Le sénateur Kenny: Ils le font peut-être même d'une façon plus formelle et il s'agit alors de transactions que vous ne pourrez plus avoir.

M. Hardingham: Oui, ce seront des transactions que nous n'aurons pas. Je comprends ce que vous dites, mais la grande majorité des organisations commerciales ne veulent pas assumer de risques. Elles veulent s'occuper de leurs affaires. Elles ne veulent pas les ennuis, les inquiétudes.

Le président: Elles veulent reporter le risque sur quelqu'un d'autre et elles sont prêtes à en payer le coût.

M. Hardingham: Oui et, là encore, c'est la nature humaine. Si tout d'un coup le marché des assurances conventionnelles embrassait les six grands et leur disait: «Nous vous assurerons pour plus de 2 millions, 5 millions» ou autre, tous les mécanismes d'autofinancement qui sont en place à l'heure actuelle s'effondreraient tout de suite. Ils s'en débarrasseraient s'ils savaient qu'un marché conventionnel à long terme était à leur portée.

M. Quigley: Vous pouvez vous éloigner du cas des comptables et des six grands, car la plupart des associations de barreau et d'avocats dans ce pays et ailleurs fonctionnent à l'heure actuelle selon un régime d'autoassurance ou d'assurance mutuelle. Certains marchés sont sans doute très bien gérés, mais je pense que le marché conventionnel pourrait continuer de jouer un rôle dans ces secteurs qu'il a perdus. Il y a, dans tout système, des risques qui sont bons. Dans tout cabinet ou association de juristes, il y a des risques individuels qui sont bons et qui sont assurables selon les critères conventionnels.

Les membres qui se sont réunis pour former leur propre mutuelle se sont fait promettre, au départ, des primes vraisemblablement inférieures à ce qu'ils payaient à l'époque. Invariablement, ils se plaignent lorsque la mutuelle de l'association du barreau augmente ces tarifs.

Il y a un marché conventionnel qui, s'il le pouvait, n'agréerait pas certains de ces régimes et serait très heureux d'assurer les sociétés de taille petite ou moyenne qui se plaignent de payer pour les pertes des grosses sociétés dans ces régimes de mutuelles.

Les comptables, futés qu'ils sont et ressemblant fort aux banques, ne veulent aucunement être exposés. Ils continuent de s'adresser au marché conventionnel pour des réassurances et c'est là que des courtiers comme Peter négocieraient certaines ententes. Nous autres, du marché conventionnel, conservons toujours, d'une façon indirecte, certaines des expositions conventionnelles.

Je pense que, dans une certaine mesure, le marché conventionnel serait ravi d'obtenir les contrats correspondant à certaines de ces mutuelles si elles étaient perçues comme étant de meilleurs partis.

M. Steve Gilbert, Minet Inc.: Vous avez fait état de la réassurance. L'on devrait peut-être tenir compte des limites qui existent dans le cadre de certains secteurs de la construction et de l'énergie. Quel que soit le désir d'assurer un risque, dans quelle mesure allez-vous être influencé par la capacité de l'assuré? Il doit y avoir un engagement sur le plan capacité. Est-ce tout simplement une question de vouloir assurer les six grands puis d'être en mesure de le faire?

M. Hardingham: Si vous comparez, mettons, le marché des plates-formes, avec des risques, pour l'exposition physique, qui se chiffrent dans les milliards de dollars, alors le marché est plus vaste. Il y a suffisamment de réassurance disponible pour permettre aux compagnies d'assurance du syndicat du Lloyds d'offrir des lignes considérables pour les plates-formes.

Le sénateur Angus: Limitez-vous vos observations à l'aspect biens immobiliers, ou bien incluez-vous également la responsabilité en matière de pollution ou autre?

M. Hardingham: Je parle de tout le marché des plates-formes.

Le marché de la responsabilité professionnelle est plus jeune. Il est moins vaste pour ce qui est de la disponibilité de réassurance, et les gens sont moins encouragés à se lancer dans la réassurance pour la responsabilité professionnelle du fait des réclamations fantaisistes qui sont faites.

Une exposition physique comme celle d'une plate-forme de forage est beaucoup plus simple à analyser, à gérer, que l'exposition que je qualifierais de «nébuleuse» d'une société professionnelle susceptible d'être exposée à des pertes de 5, 100 ou même 500 millions de dollars.

Notre capacité d'établir des lignes importantes pour la responsabilité professionnelle est limitée par ce qui est disponible sur le marché de la réassurance.

Le sénateur Angus: Existe-t-il un marché intérieur? D'après ce que nous avons compris, le marché de Londres est le marché d'assurance professionnelle le plus développé et le plus sophistiqué qui soit.

Y a-t-il un marché national dans d'autres pays comme par exemple le Canada, les États-Unis, les pays de l'Europe continentale, l'Australie?

M. Hardingham: Il existe, certes, des compagnies nationales. GIO et FAI, en Australie, consentent d'importantes assurances pour la responsabilité professionnelle à l'échelle nationale ainsi qu'à l'échelle internationale. Au Canada, vous avez des compagnies comme Boreal qui assurent des risques en matière de responsabilité professionnelle. L'assurance-responsabilité professionnelle est plus développée dans les pays sophistiqués du monde. En règle générale des marchés nationaux sont établis pour assurer le risque aux côtés des assureurs internationaux, comme le Lloyds ou de gros groupes d'assurances comme IMG.

Le sénateur Angus: Trouvez-vous que la plupart de ces marchés nationaux ont tendance à réassurer ici à Londres?

M. Hardingham: Nous assurons partout, nous réassurons partout. Ils achèteront de la réassurance là où ils en trouvent.

M. Spence: Le marché de la réassurance est sans doute davantage concentré que le marché direct.

Le sénateur Angus: Vous voulez parler de Londres?

M. Spence: Oui, ainsi qu'à l'échelle internationale.

M. Nick Rudnai, Alexander & Howden: Est-il également juste de dire que, si vous regardez ces marchés internationaux, ils ont tendance à être structurés différemment? Ici, à Londres, nous avons des marchés de souscription où les gens ont des lignes relativement petites. Une ligne de 1 000 dollars serait une ligne relativement importante dans le domaine de l'assurance professionnelle. En Australie, les compagnies garantissent 20 millions de dollars pour une seule ligne, largement réassurée. Au Canada, les compagnies mettent 10 millions dollars, encore largement réassurés.

Le marché londonien a réagi à la responsabilité professionnelle très différemment de la plupart des pays. Ceux-ci ont très peu de marchés avec de grosses capacités.

M. Hardingham: Ce que vous dites c'est que des compagnies comme FAI, par exemple, en Australie, peuvent mettre plus d'argent. Je ne sais pas si elles peuvent mettre jusqu'à 20 millions de dollars, mais ce sont des sommes importantes. Cependant, cela est largement réassuré, tandis que le marché londonien, comme vous le savez, est un marché de souscription.

M. Rudnai: La seule différence est qu'ils mettent au départ beaucoup de réassurances, tandis que vous, vous offrez vos propres lignes nettes.

Le sénateur Angus: Êtes-vous d'accord là-dessus?

M. Hardingham: Nous poussons moins nos vitesses qu'eux.

M. Blake: Cela donnerait une fausse impression si l'on disait que les syndicats et les compagnies de Londres n'achètent pas de réassurance, car ils le font. La plupart, sinon toutes les compagnies, achètent sans doute des réassurances d'un genre ou d'un autre.

Lorsque le marché londonien tentait de mettre en oeuvre son système de placement électronique, le sondage a fait ressortir que pour chaque risque assuré, il y avait en moyenne 17 syndicats -- et il s'agissait de syndicats du Lloyds -- pour un seul placement.

Le sénateur Angus: Pour toutes les catégories?

M. Blake: Pour toutes les catégories. Cela étant dit, cela remonte à il y a quelques années, et je ne serais pas étonné de constater, si l'on faisait le même sondage aujourd'hui, un léger fléchissement. On parle de 17 compagnies différentes qui assurent un risque donné.

M. Christie: Ce pourrait être une seule ligne.

M. Blake: En effet.

Le sénateur Angus: Parlez-vous de compagnies ou de syndicats?

M. Blake: Des deux. Non, je fais erreur. Cela a été fait uniquement pour les syndicats du Lloyds.

Le sénateur Angus: Les principes que vous avez décrits s'appliqueraient-ils au marché des compagnies ainsi qu'au marché du Lloyds? Je veux parler de compagnies comme Q.B.E.

M. Quigley: Nous avons des lignes plus importantes, mais nous avons beaucoup de réassurance à l'intérieur de ces lignes.

Mme Mel Goddard, Q.B.E. Insurance Company: Il y a une différence fondamentale: un syndicat du Lloyds est une entreprise annuelle, et il lui faut apurer ses comptes pour retrouver la même capacité chaque année. Les compagnies peuvent parfois prendre un peu de recul et des rétentions plus importantes et avoir une vision à plus long terme des résultats.

Le sénateur Angus: Vous me corrigerez si j'ai tort, mais je pense que ce qu'entendent mes collègues et moi-même c'est que, que l'on raye ou non des livres une responsabilité conjointe et solidaire pour la remplacer par une responsabilité proportionnelle, cela ne changera rien à l'assurabilité, sur le plan capacité ou coût, des comptables en général, ainsi que des avocats, ingénieurs et autres professionnels qui sont couverts par une assurance- responsabilité professionnelle. Est-ce une conclusion raisonnable?

M. Hardingham: Il faudrait du temps pour que la capacité ait confiance dans tout changement apporté au contexte juridique.

Le sénateur Angus: Dans la situation actuelle, même avec une responsabilité conjointe et solidaire, des assurances adéquates, à un prix raisonnable, sont-elles à la disposition de tous les professionnels, mis à part les six grands?

M. Spence: Oui.

M. Rudnai: Puis-je ajouter quelque chose à cela? Dans l'industrie de la construction, de très petits consultants doivent se battre pour des contrats avec les gros joueurs et ils ne parviennent pas à exclure, dans les contrats, des choses comme, par exemple, des pertes financières indirectes. Leur capacité d'acheter des niveaux de couverture suffisants pour la responsabilité professionnelle pour se protéger n'est pas du tout proportionnelle à ce que leur rapporte le projet visé. Nous voyons là un problème.

Le sénateur Oliver: Que pourrait-on recommander pour garantir une source à long terme d'assurance pour les vérificateurs?

M. Hardingham: Êtes-vous préoccupé par les six grands?

Le sénateur Angus: Non, mais les six grands ont déclenché cette enquête. C'était très intéressant hier de discuter avec le professeur Andrew Burrows, auteur du Burrows Report, qui a été préparé pour la Law Reform Commission du Royaume-Uni. L'auteur y conclut que la responsabilité conjointe et solidaire est fondée sur le principe fondamental de l'équité et sur la capacité du plaignant d'être indemnisé intégralement, restitutio in integrum, et que, sur la base de son analyse juridique, pour assurer l'équilibre en matière d'équité il faut s'en tenir au statu quo.

Cependant, d'un point de vue commercial, il est reconnu qu'il y a un problème, problème qui pourrait être mieux résolu autrement. Je pense que c'est la raison pour laquelle nous nous penchons sur la question. Notre gouvernement nous a demandé d'évaluer la question de savoir s'il nous faudrait modifier la loi pour corriger le problème. Si je ne m'abuse, ce qu'on nous dit, c'est que ce n'est pas le meilleur moyen de corriger le problème.

Le sénateur Oliver: Je demanderais à chacun d'entre vous de répondre à la question précise que voici: comment pourrait-on favoriser la fourniture à long terme d'assurance aux vérificateurs et ce à des prix inférieurs? Que répondrait chacun de vous quatre à cette question?

Le sénateur Angus: Il y en a d'autres ici que nous aimerions entendre, par exemple ces assureurs très futés en matière de responsabilité illimitée.

M. Blake: Je viens en fait tout juste de changer de syndicat, alors je ne suis pas encore très au courant de tout ce qui a été assuré par le syndicat pour lequel je travaille maintenant. Je peux néanmoins vous dire que nous n'assurons pas de comptable.

Le sénateur Oliver: Que pourrait-on faire pour vous amener à assurer des comptables?

M. Blake: Beaucoup de choses. Il nous faudrait beaucoup de temps pour avoir la preuve, si de nouvelles lois sont adoptées, que la jurisprudence démontre bien qu'il y a des raisons pour nous de nous sentir rassurés à l'idée de nous lancer dans ce domaine.

M. Quigley: Pour en revenir à l'observation faite tout à l'heure par David au sujet des vérificateurs qui signent leur vérification annuelle, je comprends votre point de vue selon lequel les vérificateurs s'empressent parfois de signer des choses qu'ils ne devraient bien franchement pas signer, pour les raisons que vous avez citées. Par exemple, si j'étais vérificateur auprès d'une des compagnies Maxwell, et qu'on me payait des honoraires appréciables, Maxwell, en plus d'être un type plutôt intimidant, me terroriserait sans doute pour me convaincre de faire quelque chose que, je le sais, je devrais refuser de faire. Je pense que cela arrive assez régulièrement que les vérificateurs soient impressionnés et soumis à des pressions par des personnes plus intimidantes.

M. Christie: La référence à Maxwell est clairement hypothétique.

M. Quigley: Cela arrive sans doute plus souvent qu'on ne le pense. Mon observation ne s'appuie pas sur mon expérience, mais plutôt sur mon impression générale de la façon dont les choses se passent.

Le sénateur Kenny: Si je soulève cela, c'est que les entreprises divulguent tout aux autorités en matière de réglementation, et il en ressort toutes sortes de choses qui ne figurent pas dans les vérifications. Il y a tant de candeur dans certaines de ces divulgations que l'on est amené à se demander pourquoi quelqu'un ne voudrait jamais investir dans la société concernée. Je suis sensible à votre déclaration antérieure, soit que vous n'accordez pas beaucoup de poids aux vérifications.

Je ne comprends pas pourquoi ces pressions sont exercées sur les vérificateurs. La même compagnie, les mêmes administrateurs déposent une déclaration qui détaille le tout pour l'organisme de réglementation. Il me semble que la candeur du dépôt d'un formulaire 10K, par exemple, réduirait de beaucoup la responsabilité. Si vous avez tout déclaré, il n'y a plus de motif de poursuite, sauf erreur ou fraude.

M. Quigley: Précisément.

Le sénateur Hervieux-Payette: Votre conclusion est-elle qu'ils vont se faire du tort à eux-mêmes du fait de la façon dont ils exercent leur profession?

M. Quigley: C'est une question de compétence. La vérification proprement dite, de par sa nature, n'est pas exhaustive. Je suis convaincu que certaines des sociétés plus téméraires -- pas les cabinets de vérification, mais certaines des entreprises -- ont des techniques qu'elles peuvent utiliser pour manipuler la façon dont on traite avec le vérificateur pendant une vérification. Il y a tant de cas de vérifications qui sont effectuées mais pour lesquelles, lorsque le vrai résultat sort deux ou trois ans plus tard, l'on constate qu'elles disent tout le contraire de ce qu'elles auraient dû dire.

M. Spence: Même si nous pouvions voir des signes d'amélioration massive dans la gestion des risques des vérificateurs et leurs normes...

Le sénateur Angus: Grâce aux meilleurs efforts de leurs courtiers et de leurs conseillers?

M. Spence: Précisément. La confiance dont nous avons besoin pour assurer ce genre de risque ne peut être établie que si l'on perçoit des changements dans le cadre juridique. Comme je l'ai dit plus tôt, il faudra du temps pour que cette confiance puisse s'installer. En l'absence de tels changements, il y a peu d'incitations pour nous de nous relancer sur le marché.

Le sénateur Oliver: Pourriez-vous être plus précis quant à certains des changements au cadre juridique qui vous intéresseraient et qui vous procureraient les assurances que vous recherchez?

M. Spence: Ce serait une forme de restriction de l'envergure des poursuites que nous voyons à l'endroit des vérificateurs. Nous avons souligné le processus de vérification en particulier, mais le fait que des tiers -- et dans certains cas des tiers très distants -- s'appuient sur la vérification est l'un des aspects sur lesquels il faudrait se pencher.

M. Quigley: Au Royaume-Uni, la loi intervient à l'heure actuelle dans ce genre de situations. Il y a eu des décisions dans les affaires Caparo et Dickman, ainsi que dans d'autres. La tendance générale vise à limiter l'exposition à des situations délictuelles.

Le sénateur Angus: Nous appuyant sur les preuves fournies par les témoins experts qui ont comparu, si j'ai bien compris, tout tiers prudent ne s'appuierait pas uniquement sur un simple certificat de vérification mais exigerait la diligence voulue dans les procédures, ce qui devrait déboucher sur des prospectus et des présentations plus approfondis. Seriez-vous d'accord avec moi là-dessus?

M. Quigley: Vous avez tout à fait raison.

Mme Goddard: Si les affaires pouvaient être entendues plus rapidement par les tribunaux, il y aurait moins d'affaires en cours dont il faudrait s'occuper. Par exemple, avec des pertes pour dommages physiques avec un puits de forage pétrolier, vous avez au bout d'une période de temps raisonnable une assez bonne idée des sommes dont il est question. En tant qu'assureur, vous pouvez alors déterminer les primes qu'il vous faudrait sur ce marché étant donné les risques que vous courez. En bout de ligne, vous cotez les risques que vous prenez. Le temps qu'il faut pour régler certaines de ces grosses affaires pose d'énormes problèmes. Les gens savent que ces questions n'ont pas encore été réglées. L'affaire au Royaume-Uni que Mike a mentionnée est en souffrance depuis plusieurs années.

Le sénateur Angus: Il a mentionné l'affaire Caparo.

M. Quigley: Cette affaire a été réglée il y a quelque temps déjà.

Mme Goddard: Je ne pense pas que nous parlions de la même affaire.

Au bout du compte, l'important est que les assureurs viendront à la table si on leur fournit un risque à prendre, et ils se feront un plaisir d'essayer d'établir le prix du risque, s'il s'agit d'une possibilité imprévue.

Le problème, étant donné la taille des six grands, est qu'il y a une assez grande prévisibilité. Leur simple taille signifie qu'il y aura une certaine fréquence de réclamation. L'autre problème des six grands est une question de gravité.

Cependant, certaines filiales des six grands obtiennent une protection dans certaines régions du monde.

M. Quigley: C'est une question territoriale plutôt qu'une question d'insolvabilité ou autre. La culture de l'Europe continentale, par exemple, n'est pas la même que la nôtre ou que celle des États-Unis. Les gens n'essaient pas tout de suite de poursuivre quelqu'un ou de chercher un redressement dans ce sens-là. Ils essaient de régler les affaires sans intervention auprès des tribunaux. Intervient souvent une question de déshonneur. Au Moyen-Orient et en Extrême-Orient, perdre la face est un gros facteur. Les situations n'évoluent pas pour déboucher sur un litige comme c'est le cas dans les régions occidentales plus exposées.

Le sénateur Angus: Cela est peut-être en train de changer sur le continent. Ce matin même, à la télévision, nous avons vu un avocat en France qui est prêt à assigner des personnes en justice cet après-midi relativement à l'Eurotunnel. Cela m'a fait penser à votre trou perdu au Texas ou en Californie.

M. Quigley: Ils sont en train de faire du rattrapage.

Le sénateur Hervieux-Payette: Supposons qu'il y a des entités distinctes au sein de, mettons, KPMG. Il y aurait KPMG Toronto, KPMG Montréal, et cetera. Les divisions pourraient être établies selon l'État ou le centre de profit. Vous pourriez ainsi vous retrouver avec 500 sociétés, chacune étant une société à responsabilité limitée.

Votre situation serait-elle alors meilleure? Une unité ne pourrait pas mettre en danger toutes les autres unités, les 499 autres bureaux éparpillés dans le monde. Les prédateurs, ceux qui pensent pouvoir satisfaire leur appétit en puisant dans tous les bureaux du monde, seraient limités à un seul bureau avec des responsabilités limitées. Celui-ci déposerait alors son bilan et ses dirigeants fonderaient une nouvelle société la semaine suivante.

Le sénateur Kenny: Êtes-vous en train de dire que la solution est de n'avoir aucune assurance et de sortir de la société tous ses avoirs?

Le sénateur Hervieux-Payette: Si les intéressés fonctionnent déjà avec une société différente pour d'autres services, parce qu'ils offrent des services d'expert-conseil, il pourrait y avoir un mur entre elle et le reste de la société pour que celle-ci ne périclite pas du fait d'une seule erreur.

M. Quigley: Vous revenez à la question originale qui nous a été posée, soit: l'importance des vérificateurs milite-t-elle contre leur assurabilité?

Le sénateur Angus: La réponse est-elle que oui?

M. Quigley: La réponse est: je pense que oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: Dans le cas d'une multinationale, comme la société Bata, au Canada, qui fabrique des chaussures, chaque division ne couvre pas les autres avec son assurance, et ainsi de suite.

M. Christie: Je pense que dans la vaste majorité des cas des sociétés internationales couvriraient des sociétés internationales. Je ne suis pas d'accord avec vous là-dessus.

Le sénateur Angus: Un plaignant peut déchirer le voile d'une société. Même en comptabilité, et vous me corrigerez si j'ai tort, si j'ai bien compris, aux États-Unis, un plaignant peut poursuivre, mettons, KPMG Minneapolis, et alléguer qu'il a obtenu l'avis en matière de fiscalité du bureau de Londres et que la vérification environnementale a été faite par le bureau de Budapest, le résultat étant qu'ils sont tous pris dans le filet.

M. Christie: La société 3M protégera le bilan de son entreprise à l'échelle mondiale. Elle ne va pas essayer de protéger le bilan de chaque filiale. Elle regardera l'entreprise tout entière. Dans des cas extrêmes, elle utilisera son voile de société pour limiter la responsabilité, mais je ne pense pas que les gens soient nombreux à acheter leur assurance de cette façon.

M. Blake: Vous craignez toujours de ne pas couvrir un certain aspect et que celui-ci passe à travers les mailles, ce qui serait très gênant.

Le président: Vous avez dit que vous n'assureriez pas de comptables, n'est-ce pas?

M. Blake: À l'heure actuelle, nous ne le faisons pas.

Le sénateur Angus: Ce n'est pas qu'ils refusent de le faire.

Le président: Je pensais vous avoir entendu dire que vous n'assureriez pas de comptables.

M. Blake: Non, nous n'en assurons pas. Je devrais peut-être vous parler de l'endroit où je travaillais auparavant. La réponse est qu'ils n'assuraient pas de comptables.

Le sénateur Angus: Était-ce à cause d'une question de responsabilité conjointe et solidaire?

M. Blake: Non.

Le sénateur Angus: Y avait-il d'autres raisons?

M. Blake: Oui. Je suppose que nous sommes là pour payer des réclamations mais, en même temps, si le terrain de jeu n'est pas égal, l'on peut choisir de ne pas offrir de couverture à un secteur en particulier. Vous n'êtes pas tenu d'assurer toutes les catégories d'activité quelles qu'elles soient.

Le président: Laissant pour l'instant de côté les six grands, assurez ou assureriez-vous d'autres comptables?

M. Spence: Nous ne le faisons pas, et ce pour deux raisons. La première est peut-être d'ordre émotionnel. Cela a à voir avec nos cicatrices.

Le président: Avez-vous été brûlés?

M. Spence: La difficulté pour expliquer la différence entre les gros cabinets et les plus petits cabinets repose sur la difficulté d'essayer de les convaincre. Il est plus facile pour nous de dire que nous ne le faisons pas.

Cela étant dit, si nous y voyions la possibilité de réaliser un profit significatif, alors j'ose espérer que nous consentirions l'effort requis.

Le président: Assurez-vous d'autres professionnels?

M. Spence: Oui.

Le président: Richard, si l'on laisse de côté les six grands, assurez-vous d'autres comptables?

M. Hardingham: Oui. Au Canada, nous avons une liste, même si elle n'est pas très longue, de cabinets de comptables.

Le sénateur Angus: S'agit-il de cabinets de taille moyenne à grande?

M. Hardingham: Oui, des cabinets comme BDO, Doane Raymond et Raymond Chabot du Québec. Leur nombre n'est pas très important, mais nous sommes néanmoins actifs sur le marché des comptables au Canada.

Le sénateur Angus: Raymond Chabot est un cabinet de taille appréciable, il me semble.

M. Hardingham: Oui. Nous distinguons les risques selon qu'il s'agit de sociétés qui font des vérifications des comptes de grosses entités publiques ou de cabinets qui font des vérifications pour des entreprises privées de taille moyenne aux États-Unis. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y une distinction à faire.

Vous mettez l'accent sur le mauvais élément, si vous pensez que l'assurance va régler le problème. Il vous reste toujours à vous occuper du sort des six grands.

Le sénateur Oliver: Ils nous ont dit qu'ils ne parvenaient pas à obtenir d'assurance.

Le sénateur Hervieux-Payette: C'est pourquoi nous nous sommes adressés à vous.

M. Hardingham: Vous n'êtes qu'à la périphérie de ce problème lorsque vous parlez d'assurances, et de la question de savoir si elles sont disponibles ou pas. Le problème fondamental auquel il vous faut vous consacrer est celui de savoir comment fonctionne votre système judiciaire en plaçant les six grands cabinets dans la ligne de mire lorsqu'il y a une grosse société qui fait faillite. Cela pourrait s'appliquer à tout vérificateur, mais cela s'applique tout particulièrement aux six grands, étant donné la grosseur de leur clientèle.

À l'heure actuelle, votre approche juridique à l'égard de ces questions, si vous me permettez, c'est la grande moralité, car vous avez une responsabilité conjointe et solidaire. Vous tenez à protéger les investisseurs, petits et grands, et à veiller à ce qu'ils reçoivent une compensation lorsqu'ils perdent de l'argent. Comme je viens de le dire, je pense que c'est là le domaine de la grande moralité, car lorsque vous êtes ramené à la réalité de la vie et que vous tenez compte de la façon dont les gens fonctionnent, dont ils prennent des risques, et dont ils gèrent leurs entreprises, vous voyez que c'est très différent de la grande moralité. Ils prennent des risques en affaires, ils cachent des choses, ils manipulent les situations à leur avantage pour récupérer leurs pertes, s'il y en a. Nous voyons cela à répétition avec des investisseurs individuels, des compagnies qui investissent ou des gens qui gèrent des entreprises.

Je pense que cela va à l'autre extrémité de la gamme et enlève la responsabilité en matière de vérification aux comptables. Que vaut la vérification en réalité, car il ne s'agit que d'un cliché et, comme je le disais, sa valeur est, je pense, très limitée. Je comprends tout à fait ce que vous dites au sujet de l'équivalent de 10 000 $ qui est plus pertinent et plus intéressant pour quiconque s'intéresse à une entreprise. Une bien plus grande responsabilité devrait revenir à ceux qui gèrent les entreprises: ceux-ci devraient réagir et administrer ces entreprises d'une façon raisonnable. Quantité de fois, si une grosse entreprise ferme ses portes, les gens qui la dirigeaient disparaissent. La valeur de leur assurance de dirigeants et de membres du conseil d'administration sera relativement limitée. Elle disparaîtra dans les premières étapes du litige. Ils ont peut-être 5 ou 10 millions de dollars, mais les limites sont relativement petites par rapport aux sommes d'argent perdues.

Il faut revenir au principe de base: qui est responsable? Je ne pense pas que les six grands soient responsables de la plupart des faillites d'entreprises. Ce n'est pas de leur faute; les responsables sont ceux qui dirigent ces entreprises. Ce sont ces gens-là qui se sont placés en situation risquée, sur les marchés qui les intéressaient et dans le cadre des activités dans lesquelles ils se sont lancés, et dans la façon dont ils ont caché la valeur de l'actif de ces entreprises.

Un cabinet au Canada se trouve à l'heure actuelle aux prises avec une situation très difficile: il a vérifié les livres d'une entreprise pendant six ans, mais il s'est avéré que les administrateurs de cette compagnie lui avaient régulièrement caché la valeur de l'actif de celle-ci, au point où elle s'est écroulée. Qui est sur la sellette? Le cabinet de vérificateurs. Pourquoi? Tout simplement parce qu'il n'y a plus qu'eux autour qui ont un peu d'argent. Je pense que c'est là un problème.

Le sénateur Angus: Voulez-vous parler de l'affaire Castor Holdings?

M. Hardingham: Non.

Le sénateur Angus: Confederation?

M. Hardingham: Nous jouons un rôle dans la réclamation en question, alors je ne suis pas prêt à dire de qui ou de quoi il s'agit, mais il faut revenir au principe fondamental qui est celui de savoir qui est responsable, si vous allez régler ce problème. À l'heure actuelle, l'on oblige des personnes qui n'en sont pas responsables à en payer les frais. Je veux parler du cabinet de vérification.

Je pense qu'il faut rajuster les pendules de façon à ce que ce sur quoi les gens s'appuient principalement ne soit pas la vérification. À l'heure actuelle, on en parle beaucoup dans les milieux de la comptabilité, surtout aux États-Unis.

Le sénateur Oliver: Ce que vous avez dit nous a été très utile.

M. Hardingham: Si un gouvernement exige une vérification, pourquoi ne la fait-il pas lui-même?

Le sénateur Oliver: L'on peut parler de motif moral, mais il s'agit en fait d'un motif juridique, et l'important est d'assurer l'intégrité du plaignant.

L'autre principe ou considération d'ordre juridique ressort de l'affaire Hedley Byrne. Avant 1964, cela n'était pas applicable, mais la décision dans l'affaire Hedley signifie que l'on tiendra compte des déclarations possiblement négligentes faites par les vérificateurs, alors prenez garde. L'affaire Hedley est une affaire britannique, et non pas canadienne, mais nous l'avons intégrée à notre système du droit commun. Ce n'est pas vraiment un motif moral.

M. Hardingham: Eh bien, je pense que c'est le motif moral qui amène les considérations d'ordre juridique car, lorsque vous formez un gouvernement, vous voulez faire ce qui est bien pour tout le monde et vous abordez donc les choses d'un point de vue moral. Cependant, comme je le disais, la réalité du monde des grosses affaires est quelque peu différente.

Le sénateur Kenny: Ce serait intéressant, si nous avions un vérificateur parmi nous, de voir comment il ou elle réagirait à nos observations voulant que les vérifications soient de piètre valeur. Ce serait amusant de demander au vérificateur de défendre la valeur des vérifications, car toute cette question tourne dans une large mesure autour de la valeur de la vérification.

M. Quigley: Il s'agit de la responsabilité ou du devoir qu'a le vérificateur de remettre en question les renseignements qui lui sont fournis. Par exemple, si on lui dit que la valeur de certains avoirs est cachée, il devrait poser des questions là-dessus au lieu d'accepter tout simplement, pêle-mêle, les déclarations à cet effet. Je pense qu'il arrive parfois que les vérificateurs ne sachent pas quel est leur rôle dans le cadre d'une vérification.

Le sénateur Oliver: Pensez-vous que les dirigeants et les membres de conseil d'administration d'entreprise devraient avoir une plus grande responsabilité, qu'on devrait davantage compter sur leur assurance?

M. Hardingham: Ce sont eux qui gèrent l'entreprise et qui ont une connaissance intime de ce qui s'y passe. Un comptable est une tierce partie. Il est limité dans l'évaluation qu'il peut faire de ce qui s'est passé.

Dans l'affaire Miniscribe, par exemple, les vérificateurs auraient-ils dû ouvrir chaque caisse pour vérifier qu'elle n'était pas remplie de briques mais bien de matériel informatique? Il me semble que non. Le vérificateur accepte ce qu'on lui dit.

Le sénateur Angus: Les membres du conseil d'administration d'une société devraient-ils micro-gérer cette dernière? Ils ont un rôle de supervision. Vous voulez plutôt parler de la direction, n'est-ce pas?

Le comité vient tout juste de rédiger un rapport qui laisse entendre que l'intégrité du système exigerait que l'exposition des administrateurs soit limitée, plafonnée, ce en vue de les amener à rester, lorsqu'une société se trouve en difficulté financière, pour offrir conseils et supervision.

M. Hardingham: En endossant cela, vous proposez une limite à la responsabilité des personnes responsables du problème, mais vous n'acceptez pas une limitation de la responsabilité des vérificateurs qui, eux, ne sont pas responsables du problème.

Le sénateur Kenny: Non. Nous disons que les gestionnaires ont peut-être davantage de responsabilités.

Le sénateur Angus: Ce sont eux qui ont fait les «cachotteries».

Le sénateur Kenny: Le conseil d'administration est peut-être en fait là pour offrir aide, orientation et conseils aux gestionnaires. De temps à autre, on constate que les membres de conseils ne veulent plus y être à un moment donné tout simplement parce que, au Canada en tout cas, il leur faudra assumer toutes sortes d'obligations déraisonnables.

M. Hardingham: Parlez-vous des administrateurs non exécutifs?

Le sénateur Angus: Absolument. Des gens de l'extérieur.

M. Hardingham: On fait en général appel à eux à cause de ce qu'ils ont à offrir en matière de conseils généraux dans le domaine des affaires.

Le sénateur Angus: Jugement stratégique et tout le reste.

M. Hardingham: Ils ne s'occupent pas de gérer la boîte dans le quotidien. Je parle de la responsabilité de ce que j'appellerais les administrateurs exécutifs, qui gèrent l'entreprise. C'est chez eux que réside la responsabilité à mon sens.

M. Christie: Je pense qu'au Royaume-Uni cela n'existe pas, un administrateur non exécutif.

Le sénateur Oliver: Dans les affaires renvoyées devant des tribunaux du Royaume-Uni, ces administrateurs rejoignent-ils, dans les poursuites, les rangs des vérificateurs?

M. Hardingham: Mon expérience en la matière est limitée mais, en règle générale, tous les administrateurs seront convoqués et des poursuites seront engagées contre eux, mais ils ont des avoirs limités.

Le sénateur Oliver: Mais pas d'assurance?

Le sénateur Angus: Pas d'assurance de dirigeant ou de membre de conseil d'administration d'entreprise?

M. Hardingham: Individuellement, ils peuvent avoir peu ou pas du tout d'avoirs. Ils ont peut-être une assurance de dirigeant ou de membre de conseil d'administration, assurance qui aura en règle générale une valeur limitée parce que les limites d'achat ne sont pas forcément très élevées. Disons qu'il s'agit d'une seule limite qui s'applique à tous les administrateurs de la compagnie. Cela a tendance à être carrément balayé.

Le sénateur Oliver: Pour ce qui est d'étaler le risque et de fournir quelques assurances, n'est-ce pas là l'un des éléments sur lesquels nous devrions nous pencher?

M. Hardingham: Oui. Ce que je vous recommande c'est de placer la responsabilité là où elle réside.

Le sénateur Hervieux-Payette: Le fardeau devrait donc être déplacé à l'intérieur?

M. Hardingham: Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: Nous savons que lorsqu'une inspection des livres est faite aux fins de l'impôt sur le revenu, un exercice de vérification approfondie est entrepris. Dites-vous que ce sont les gouvernements qui devraient s'occuper du processus de vérification, envoyant une armée de bureaucrates dans une société?

M. Hardingham: Pourquoi pas? Vous allez avoir un problème avec les six grands parce que vous allez prendre un gros morceau de leurs revenus d'honoraires, mais c'est vous qui l'exigez.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je suis d'accord avec vous. Évidemment, nous avons des fonctionnaires et des sociétés d'État. Il y aurait une révolte.

Le sénateur Kenny: Revenons au 10K. Vous avez la même troupe d'acteurs qui sont tout à fait prêts à vous offrir une entière divulgation lorsqu'ils remplissent leur 10K, mais vous n'avez pas le même genre de divulgation avec une vérification. N'est-il pas nécessaire d'envoyer une armée de personnes de la Securities Commission pour les encourager à remplir le 10K? Les renseignements sont fournis volontairement. Vous avez les mêmes joueurs, mais dans un cas les renseignements sont fournis, et dans l'autre pas.

M. Hardingham: Oui, et les renseignements en ce qui concerne le 10K sont fournis par ceux qui devraient les fournir.

M. Christie: La proposition est-elle que les vérificateurs ont souvent été poursuivis parce qu'ils n'ont pas révélé dans le rapport de vérification ce qui avait été révélé dans le 10K? Je trouve cela très discutable.

Le sénateur Kenny: Non.

M. Christie: Dans 99 cas sur 100, lorsqu'un cabinet de comptables a été poursuivi, il a été allégué que quelque chose qui n'avait pas été divulgué dans le 10K l'a été par la suite. Vous ne devriez pas pouvoir être poursuivi si le renseignement n'était pas divulgué dans le 10K.

Le sénateur Kenny: La suggestion est que, s'il s'agit d'une vérification sans réserves et si d'énormes pressions sont exercées sur le cabinet de vérification pour qu'il produise une vérification sans réserves, alors il ne devrait pas y avoir de problème. Personne ne donne un 10K sans réserves.

M. Christie: Je pense qu'il nous faudrait des vérificateurs ici. Il me semble que vous pourriez fournir une vérification sans réserves si tous les renseignements ont été divulgués dans le 10K. Cela ne corrige pas le problème.

Le sénateur Angus: C'est exact.

M. Christie: Une vérification sans réserve signifie que celle-ci contient des renseignements justes. Mais cela ne relève pas de mon domaine.

M. Hardingham: Peut-être que je ne m'exprime pas assez clairement. La difficulté est que la vérification est autorisée par le cabinet de vérification et c'est ce geste-là qui lui confère une responsabilité en la matière.

Le sénateur Hervieux-Payette: Le 10K est signé par la compagnie.

M. Hardingham: Oui, le 10K est autorisé par les membres du conseil d'administration. Ce que je dis, c'est qu'il y a plus de renseignements dans le 10K, et les renseignements qui y figurent sont fournis par les personnes qui sont responsables de gérer la boîte.

Le sénateur Kenny: Qui d'autre ne peut pas obtenir d'assurance? Assurez-vous, par exemple, les compagnies de tabac?

M. Blake: Pour la responsabilité.

M. Quigley: Vous vous lancez dans des questions d'exposition de tiers, de responsabilité publique et de responsabilité en matière de produits, et cela déborde de la question de la responsabilité professionnelle.

Le sénateur Kenny: C'est exact.

M. Quigley: Je pense qu'il y a environ cinq ou six ans, les compagnies de tabac obtenaient une couverture, mais aujourd'hui, avec ce qui se passe, surtout aux États-Unis -- et cela commence à arriver ici avec des recours collectifs équivalents -- elles ne peuvent bien sûr pas en obtenir.

Le sénateur Kenny: Qui d'autre est exclu?

Le sénateur Angus: Qu'en est-il des questions environnementales?

M. Hardingham: Ce sont des eaux troubles.

Le sénateur Angus: C'est très imagé.

Le président: Le jeu de mots n'était pas intentionnel.

M. Hardingham: Lorsqu'on parle de questions environnementales, il intervient deux considérations. Tout d'abord, l'entité qui a causé le problème, et il s'agit en règle générale d'une société manufacturière. Clairement celle-ci devrait être responsable car elle a traité ses déchets d'une façon incompétente ou irresponsable.

Viennent ensuite ceux et celles qui sont responsables du nettoyage des dégâts, soit les experts-conseils en matière d'environnement, qui devraient être considérés, si vous voulez, comme étant les chevaliers blancs dans ce genre de situation. Ils viennent non pas pour créer un problème, mais bien pour en régler un.

Lorsqu'on parle de questions environnementales, une distinction s'impose: il y a les personnes qui sont responsables d'avoir causé le problème, et celles qui sont responsables de faire le nettoyage. Il devrait être parfaitement possible d'assurer les sociétés environnementales qui font le travail de nettoyage, selon leurs antécédents, leur expérience et tout le reste.

M. Quigley: Vous voulez parler des entreprises qui établissent l'envergure de la pollution?

M. Hardingham: Oui. Si les choses se troublent, c'est parce que la tendance des gouvernements -- surtout aux États-Unis -- est d'essayer de récupérer le coût du nettoyage, et ils se tournent vers quiconque a l'argent pour payer. Par conséquent, les experts-conseils en matière d'environnement sont exposés, même si, comme je le dis, ils devraient être considérés comme les chevaliers blancs dans ce genre de situation.

J'ai quelque réticence à assurer des experts-conseils en matière d'environnement car s'ils se trompent, s'ils ne font pas un assez bon travail de nettoyage ou s'ils pénètrent la nappe phréatique et polluent les eaux souterraines qui sont la source d'approvisionnement d'un parc résidentiel ou autre, alors ils auront tendance à assumer la note pour le problème tout entier, au lieu de la seule partie dont ils sont responsables. Voilà pourquoi j'hésite à assurer les ingénieurs environnementaux, les experts-conseils en écologie, et cetera. Tout d'un coup, comme c'est le cas des six grands, le spot est dirigé sur eux. On leur attribue une responsabilité de 100 p. 100 plutôt que de 10 p. 100.

Le sénateur Oliver: C'est une situation novus actus.

Le sénateur Angus: Des renseignements concernant l'affaire Nagasaki Spirit figurent beaucoup ces derniers temps dans la liste du Lloyds. Si j'ai bien compris, la Chambre des Lords a examiné ce dossier à l'automne. Elle devra trancher sur une question de pollution. Je n'en suis pas certain, mais je pense que cela relève de la Salvage Convention de 1991, en vertu de laquelle le sauveteur a droit à une prime supplémentaire du fait d'avoir évité ou empêché de plus graves dommages à l'environnement. Les articles que j'ai lus dans la liste du Lloyds semblent dire que le marché des assurances attend cette décision pour avoir une plus grande certitude sur les risques.

Cela cadre-t-il avec ce que vous dites, soit qu'il vous faut une plus grande certitude en ce qui concerne la loi avant d'assurer certains types de risques?

M. Hardingham: Je n'ai pas suivi le dossier et j'ignore si quelqu'un d'autre l'a fait.

M. Blake: Non.

M. Hardingham: Nous espérons des rédacteurs ou des administrateurs de la loi qu'ils mettent l'accent là où il le faut, de sorte qu'au lieu de prendre de l'argent à ceux qui sont autour, l'on tienne pour responsables ceux qui le sont véritablement.

M. Christie: Pourrait-on nous fournir des compléments d'information en réponse à la question du sénateur Kenny cherchant à savoir quelles sont les autres catégories manifestement non assurables? Par exemple, les sociétés pharmaceutiques ne parviennent pas à en obtenir suffisamment. Il y a deux choses: la disponibilité d'assurance et la possibilité d'en obtenir suffisamment. Les compagnies pharmaceutiques, en tout cas, diraient qu'elles ne parviennent pas à en obtenir assez.

Le sénateur Angus: Et qu'en est-il des hôpitaux et des médecins? On entend souvent parler, par exemple, d'oto-rhino-laryngologistes qui ont d'autres spécialisations mais qui n'ont pas les moyens de se procurer l'assurance requise pour exercer dans ces autres domaines. Ils doivent cesser ces activités-là, ou bien fermer leur cabinet. Cela arrive aux États-Unis.

Le sénateur Oliver: Cela arrive également aux spécialistes de chirurgie esthétique.

Le sénateur Angus: Certains médecins, s'ils voient un accident de la route, ne s'arrêtent pas.

M. Christie: Je pense qu'ailleurs qu'aux États-Unis, la plupart des gens peuvent obtenir une couverture. Je n'ai aucun doute, cependant, que le type qui fait de la neurochirurgie à temps partiel aura un problème.

M. Quigley: L'obstétrique et la gynécologie sont un domaine qui est très vulnérable.

Mme Goddard: L'avantage de la faute professionnelle médicale est que cela est dans une certaine mesure généralement lié à la valeur de la vie qui reste au plaignant. Par suite d'une faute professionnelle, une personne pourrait très bien se retrouver quadriplégique. Dans la réalité, l'on ne voit pas de règlement de 100 millions de livres dans les affaires de faute professionnelle médicale. Cela n'existe pas, alors il y a un marché pour l'assurance pour faute professionnelle. C'est peut-être coûteux parce que la fréquence des réclamations d'un certain ordre est supérieure... peut-être 2 millions de livres environ, mais les gens ne réclament pas des sommes de l'ordre de 100 millions ou de 200 millions de livres. La prime reflète la fréquence, mais ces réclamations n'ont pas la même gravité.

M. Christie: Nous conviendrions généralement que le marché des assurances réagit même avec des taux de fréquence très élevés. Ce qui crée le problème, ce sont les grosses bombes imprévisibles, comme les poursuites intentées contre les compagnies pharmaceutiques ou les comptables.

M. Hardingham: Il y a possibilité d'accumulations énormes avec les compagnies pharmaceutiques parce qu'elles sont internationales. Dans la pratique, des millions de personnes pourraient avoir le même problème, alors le montant réclamé pourrait être astronomique.

M. Spence: Le problème survient lorsqu'il y a à la fois fréquence et gravité.

Le sénateur Oliver: Ce qui est le cas avec les vérificateurs?

M. Rudnai: La situation est-elle aggravée dans le cas des vérificateurs du fait qu'il n'y a pas une grosse accumulation de primes? Le marché n'est pas suffisant pour que les assureurs décident de prendre le risque de s'y lancer.

M. Quigley: Êtes-vous en train de dire que la plupart des choses sont assurables, à condition que l'argent soit là?

Mme Goddard: Comme les satellites.

M. Rudnai: Si vous avez à la fois fréquence et gravité ainsi qu'un très gros marché de primes d'assurance, vous pouvez avoir une vision à long terme et tenir en attendant des jours meilleurs ou en tentant de faire du lobbying en vue d'obtenir des changements. Cependant, s'il y a fréquence et gravité, comme c'est peut-être le cas avec les six grands et certains des autres gros cabinets de comptables, vous n'avez pas des nombres très élevés et vous n'avez pas la grosse prime pour que cela vaille la peine de vous lancer sur le marché.

M. Christie: C'est très intéressant. Je ne pense pas que vous puissiez obtenir les données véritables, mais si vous exprimiez l'exposition potentielle présente et future de la profession de comptable, des six grands, en tant que pourcentage des revenus gagnés par les six grands, et si vous faisiez un calcul semblable pour les sociétés pharmaceutiques ou les compagnies pétrolières, vous constateriez un énorme déséquilibre en ce qui concerne les six grands. Les risques courus, comparativement à l'envergure de la profession, sont très élevés.

Le sénateur Kenny: Le problème serait-il atténué s'il y avait un gros déductible? S'ils prenaient les premiers 50 millions de dollars de risque, cela changerait-il quelque chose?

M. Christie: C'est déjà le cas.

Le sénateur Kenny: Je parle des six grands. Ils ne le font pas parce que vous ne les assurez pas. Pourquoi dites-vous qu'ils le font?

M. Hardingham: Ils assument de gros déductibles.

Le sénateur Kenny: Je pensais que vous ne leur accordiez aucune couverture quelle qu'elle soit?

Le sénateur Angus: Messieurs, je proposerais que nous fassions une petite pause pour ensuite reprendre.

Je constate que plusieurs personnes n'ont pas eu l'occasion d'intervenir et je devine, comme me l'a signalé le sénateur Oliver, que nous avons plus parlé que nous l'aurions dû et que vous avez peut-être des choses à nous dire qui pourraient nous aider dans notre travail.

À la reprise, après une courte pause:

Le sénateur Angus: Mesdames et messieurs, peut-être que nous pourrions couvrir les points restants au cours des 20 prochaines minutes environ. Pendant la pause, plusieurs questions qu'il serait bon que nous examinions de plus près ont été soulevées.

Monsieur Christie, vous avez dit avec un grain d'ironie que les comptables ne sont pas les seuls accusés ces jours-ci. Vous pourriez peut-être nous expliquer un peu plus ce que vous entendez par là.

M. Christie: C'était un simple commentaire que je faisais. Je ne sais dans quelle mesure cela s'inscrit dans notre discussion ici, mais à l'extérieur des États-Unis, ceux qui poursuivent le plus souvent des cabinets de comptables sont des cabinets de comptables ou de vérificateurs qui agissent en qualité de liquidateurs de sociétés. Je ne sais trop ce qu'il faudrait en conclure.

Le sénateur Angus: Votre remarque est excellente.

Dans ce marché, lorsqu'un des membres de l'ILU a eu un problème, les liquidateurs d'Orion ont été nommés dans cette ville, un membre des six grands -- et il y a une filiale d'Orion au Canada -- et ils ont à leur tour désigné PW ou quelqu'un d'autre et les poursuites se sont emballées. Peut-être qu'ils ont été les auteurs de leur propre malheur.

Un autre point a été soulevé. Richard, vous avez dit que le gros de la discussion jusqu'ici ce matin concernait les six grands et vous avez demandé si notre intérêt s'arrête là.

La réponse est un non des plus catégoriques. Ce qui nous intéresse, tout d'abord, c'est de démystifier l'idée que l'assurance-responsabilité professionnelle est la solution miracle. L'assurance-responsabilité professionnelle existe. Vous nous avez dit qu'il existe un vaste marché, même un marché faible en ce qui concerne les taux pratiqués à l'heure actuelle, pour la plupart des professionnels, exception faite des six grands.

M. Hardingham: Oui.

Le sénateur Angus: Cela ressort très clairement.

M. Hardingham: Je ne suis au courant d'aucun manque de couverture pour responsabilité professionnelle pour les avocats, les agents immobiliers, et cetera. Vous avez sans doute un marché qui s'occupe très bien de cela.

M. Christie: Puis-je intervenir au sujet d'un point qui a été soulevé quelques fois au cours des deux derniers jours. C'est peut-être quelque chose de très évident. Je conviens qu'il n'y a pas de pénurie d'assurance. Vous trouverez peut-être quelqu'un en Saskatchewan qui veut acheter une assurance de 100 millions de dollars mais qui constate que cela lui coûtera trop cher. Le marché des assurances ne peut pas satisfaire les personnes qui veulent payer 5 000 $ pour une assurance de 1 milliard de dollars. Par conséquent, les petits cabinets auront du mal à acheter une couverture suffisante. C'est un peu un problème structural.

Le président: C'est un problème de prix et non pas de disponibilité.

M. Christie: Oui, les prix étant si élevés.

Le président: Il y a une différence. Vous dites que vous n'assureriez pas les six grands. C'est un problème de disponibilité. Vous ne vous lanceriez là-dedans à aucun prix.

M. Christie: C'est un problème tout à fait différent.

Le président: Dans l'autre cas, c'est une question de prix, ce qui est très différent.

M. Christie: Par conséquent, le comité entendra peut-être à l'occasion que j'ai un problème d'assurance.

Le président: La politique publique ne peut pas résoudre le problème du prix, en ce sens que les prix sont établis par le marché.

Le sénateur Angus: Dans le temps qu'il nous reste, ce qui nous intéresserait beaucoup ce serait de bénéficier de votre sagesse collective quant aux solutions qu'il pourrait y avoir à un grave problème économique qui entrave le bon fonctionnement de nos systèmes financiers au Canada, ici au Royaume-Uni, ainsi qu'en Australie et aux États-Unis. Y a-t-il des solutions autres que la modification de la législation en matière de responsabilité conjointe et solidaire?

M. Rudnai: J'aimerais faire deux observations à ce sujet.

Premièrement, nous avons constaté que dans le cas de certaines professions -- et je pense que c'était le cas tout particulièrement des évaluateurs --, un effort a été fait pour essayer de déterminer ce qu'un évaluateur était censé faire dans le cadre de l'exercice de sa profession pour ensuite juger de sa négligence en fonction de sa capacité de s'acquitter de ces tâches. Je me demande s'il ne serait pas possible de faire de même dans le cas de la profession de comptable.

Le président: C'est ce qu'a dit Richard tout à l'heure.

Le sénateur Oliver: Limiter la portée?

M. Rudnai: Oui. Que vous limitiez ou que vous étendiez la portée, vous devriez essayer de définir clairement les fonctions. Les intéressés peuvent alors dire qu'ils sont responsables de s'occuper d'un aspect particulier du processus de vérification, mais qu'ils ne sont pas responsables des données qui leur sont fournies. Cela relève des administrateurs de la société. Vous pourriez alors les juger en fonction de leur capacité ou de leur incapacité de s'acquitter des tâches en question. J'ai l'impression que ces questions sont pour l'instant plutôt confuses.

Le sénateur Oliver: Quelle a été votre expérience en matière de réclamations une fois que vous avez fait cela pour les évaluateurs?

M. Rudnai: Cela a définitivement aidé. Il y avait une crise dans la capacité du marché d'ensemble pour les évaluateurs au début des années 90 et peut-être déjà à la fin des années 80. Il y avait de graves pénuries de capacité et de sérieuses augmentations dans les prix.

Le sénateur Kenny: Vous recommanderiez que les lois définissent ce qu'est une vérification, quel est son objectif et ce à quoi elle peut servir. C'est bien cela, n'est-ce pas?

M. Rudnai: Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne nous occupons pas beaucoup d'assurer des vérificateurs, alors je m'empresse de souligner cela dès le départ. Il me semble cependant qu'un vérificateur a un rôle très limité. Comme je l'ai dit plus tôt, il a un cliché de la compagnie, mais il doit alors faire une déclaration générale au sujet de l'exactitude des chiffres qui sont produits au bout du compte, au lieu de dire: «Voici ce que nous avons fait et nous défendons les renseignements que nous avons produits ainsi que nos conclusions qui s'appuient sur ces renseignements, mais nous ne pouvons pas aller plus loin que cela». Cela a été fait dans le cas d'autres professions.

L'autre point que vous avez évoqué plus tôt était la possibilité qu'avec un certain nombre de professionnels ayant une responsabilité personnelle illimitée, il y avait un risque réel qu'une réclamation passe. Vous vouliez savoir s'il serait possible de protéger au moins leurs avoirs personnels et peut-être les avoirs de la société elle-même, de façon à ce qu'elle puisse continuer d'être active.

Je dirais que faire cela n'irait pas à l'encontre de l'intérêt public, tant et aussi longtemps que n'est pas supprimée leur incitation à s'assurer au niveau maximal. On pourrait par exemple dire à un groupe: «On peut vous donner une police au comptant qui signifie que vous ne perdrez pas votre maison. Quelqu'un d'autre fournira ces fonds aux créanciers au lieu que vous ayez à liquider vos avoirs personnels». Je pense qu'il y a des questions dont on pourrait discuter.

Cependant, dans le cas des six grands, ce ne serait peut-être pas une solution, bien que cela puisse l'être pour les plus petits cabinets.

Dans le cas des gros cabinets, qui regroupent un nombre important d'associés, il peut y avoir des problèmes et des frustrations majeurs, car, bien sûr, vous avez une situation dans laquelle si une réclamation dépasse la limite de l'assurance- responsabilité professionnelle et est attaqué un associé, seront attaqués par la même occasion tous les associés et toutes les personnes qui ont un intérêt dans le cabinet. Par conséquent, si un associé vaut 1 million de dollars, et si les associés sont nombreux, j'imagine qu'il y aurait toujours une dure lutte à mener pour trouver la capacité nécessaire sur le marché pour les assurer tous. Il y a en tout cas eu des efforts par le passé pour offrir une assurance aux associés en vue de protéger leurs avoirs personnels, au cas où tout le reste irait mal et qu'ils soient attaqués par les créanciers.

Le sénateur Angus: Vous qui êtes assureurs, êtes-vous au courant de cette solution?

M. Hardingham: Oui.

Le sénateur Angus: Est-ce une approche utile?

M. Hardingham: Pour créer quelque chose de collectif.

M. Christie: Dans la mesure où ils ont à l'heure actuelle des sociétés à responsabilité limitée, je pense que la question a été résolue car ils n'ont plus à risquer leurs avoirs personnels. Cet aspect-là peut être corrigé.

Le sénateur Angus: Cela aidera beaucoup.

Le président: La création d'une société à responsabilité limitée ne règle-t-elle pas le problème? J'ai du mal à croire que les vérificateurs prétendent qu'ils ne devraient être responsables de rien. Une SRL les place au moins dans la même situation que toute autre société qui peut perdre son actif et faire faillite. Je n'ai aucun problème avec cela, mais les vérificateurs ont l'impression que leur cabinet ne devrait pas pouvoir faire faillite, que ce devrait être le cas de toutes les autres sociétés, mais qu'ils devraient, eux, être protégés.

M. Christie: Je suis du même avis qu'eux.

Le président: Je peux comprendre pourquoi. La responsabilité limitée laisse en place le principe juridique de la responsabilité conjointe et solidaire tout en réglant en même temps le problème réel des vérificateurs, qui semble être la protection de leurs avoirs personnels.

M. Christie: La SRL règle pour la plupart ce problème.

Le président: Les SRL n'existent pas au Canada.

Le sénateur Angus: Non, mais c'est presque cela.

M. Christie: Par exemple, aux États-Unis, je pense qu'ils estimeraient que cela a sensiblement réglé leur problème, soit que les associés responsables peuvent être tenus pour responsables personnellement. Cela pose plus de problèmes qu'on ne pourrait le croire, car ils s'inquiètent de la possibilité d'une réclamation portée contre l'administration. Il pourrait être allégué que l'associé administrateur aurait dû recruter de meilleurs associés. La question de savoir combien de personnes participent vraiment à l'aspect administratif compte parmi leurs préoccupations, mais la SRL est néanmoins un important pas en avant dans la résolution du problème que vous avez évoqué.

Le sénateur Angus: Cela aiderait-il les avocats pour ce qui est de l'assurance si les cabinets d'avocats pouvaient s'incorporer?

M. Blake: Il commence à y avoir des restrictions aux États-Unis.

M. Christie: Cela les aide s'ils n'ont plus d'assurance.

Le sénateur Angus: Ma préoccupation concernait le coût de l'assurance qui est, dans bien des cas, prohibitif. Nous trouvons que c'est le cas de toute façon.

M. Hardingham: Qu'il s'agisse d'une SRL ou d'une simple société de personnes, cela ne change pas le risque que nous assurons.

M. Blake: Vous ne les cotez pas séparément selon leur mode de constitution.

M. Hardingham: Cela ne change rien à ce qu'ils font.

Le sénateur Angus: J'aurais pensé que cela limiterait le montant d'argent pour lequel on pourrait les poursuivre.

M. Quigley: Au bout du compte, la justice n'est pas servie, que vous ayez ou non une SRL. S'il s'agit d'une erreur en bonne et due forme dont quelqu'un a subi les conséquences, qu'advient-il de cet excédent de responsabilité limitée? Comment légiférer pour couvrir ce qui arrive dans ce genre de situation?

M. Christie: Pensez-vous que les actionnaires de Q.B.E. devraient être tenus responsables personnellement?

M. Quigley: C'est là la solution ultime, n'est-ce pas?

M. Christie: Vous recevriez un avertissement.

M. Quigley: Merci beaucoup.

M. Hardingham: Il est intéressant de noter que dans l'État de New York, le statut de SRL a été autorisé le 1er juillet 1995, si je ne m'abuse.

Le président: Pour les vérificateurs?

M. Hardingham: De façon générale. Cependant, je parle ici tout particulièrement des cabinets d'avocats. Je m'étais attendu à ce que la majorité des gros cabinets d'avocats de New York optent pour la formule de la responsabilité limitée, mais cela n'a pas été le cas. Certains l'ont fait, mais ils sont relativement peu nombreux.

Le sénateur Angus: Pourquoi ne l'auraient-ils pas fait? Est-ce pour des raisons fiscales, comme dans le cas des comptables?

Le sénateur Oliver: À cause de la responsabilité personnelle.

M. Hardingham: La responsabilité individuelle demeure. Vous avez alors l'inconnue qu'est la responsabilité en matière de gestion car, bien sûr, si une personne est individuellement responsable, alors son patron est-il responsable à cause de la façon dont il l'a surveillée et cela s'étend-il jusqu'à toute la structure de gestion? Ce n'est pas une question claire et nette. Il est intéressant que les gros cabinets de l'État de New York ne soient pas nombreux à avoir opté pour cela.

Le président: L'une des principales raisons à cela doit certainement être les lois en matière de fiscalité, en matière d'impôt sur le revenu personnel, qui consentent un avantage énorme aux sociétés de personnes comparativement aux autres sociétés. Comme l'a dit David, c'est peut-être l'avidité qui explique dans une large mesure la décision de ne pas aller dans ce sens.

M. Christie: Je pense que c'est là la question. Il y a un équilibre entre la crainte et l'avidité. S'il y avait un ou deux règlements de 200 millions de dollars, ce changement viendrait peut-être.

Le sénateur Kenny: Une fois les choses équilibrées, la question de la politique publique disparaît.

M. Hardingham: Je ne pense pas que la situation serait tout à fait la même au Canada, à cause des différences au niveau de votre système judiciaire.

Le sénateur Angus: L'on tend déjà à l'heure actuelle vers des dommages punitifs. Nous voyons certaines décisions du genre, un peu comme c'est votre cas au Royaume-Uni, mais c'est loin d'atteindre le même niveau qu'aux États-Unis. C'est peut-être parce que nous n'avons pas de procès avec jury dans le cas de causes civiles. C'est peut-être là la clé.

M. Hardingham: Je pense que c'est la question fondamentale.

Si, pour les causes civiles, ce n'était plus un juge qui décidait mais un jury, alors la menace serait très grave. Il nous faudrait aller exactement dans le même sens.

Le président: Je ne pense pas que cela arrive.

M. Hardingham: C'est une question fondamentale pour nous.

Le sénateur Hervieux-Payette: Supposons que la loi exige qu'il faille tous les trois ans, par exemple, changer de cabinet de vérificateurs.

Le sénateur Angus: Comme pour les banques.

Le sénateur Hervieux-Payette: Cela mettrait fin aux amitiés entretenues avec la direction. Bien sûr, je sais qu'ils offrent d'autres services et cela pourrait créer certains problèmes, mais au bout du compte vous auriez au moins l'esprit de la réalité, soit entretenir des relations à distance par rapport à la société. Dans le contexte actuel, ils sont trop copains.

Si vous ajoutiez à cela davantage d'exigences en matière de rapports et si c'était une exigence de la loi de rapporter tous les petits péchés commis par la société, alors il leur faudrait dire à leur client qu'ils doivent faire rapport, sans quoi ils seront en situation de violation de la loi.

Mme Goddard: Ce n'est pas manquer de réalisme que de supposer qu'un vérificateur se rapproche d'une compagnie de façon à s'assurer que celle-ci ne lui raconte pas de salades?

Le sénateur Kenny: Alors quel est l'objet d'une vérification?

Mme Goddard: En effet. Et cela nous amène à la question que voici: sur qui doit-on rejeter le blâme?

Le sénateur Kenny: Nous devrions peut-être faire venir les vérificateurs pour qu'ils nous disent dans quelle mesure cela est important.

M. Hardingham: Le point que vous avez soulevé est très pertinent. Les vérificateurs peuvent se rapprocher de leur client et être manipulés par lui. Il y a également eu des cas où les vérificateurs ont été renvoyés parce qu'ils n'étaient pas prêts à fermer les yeux. Un nouveau vérificateur viendra et donnera son aval, optant pour une interprétation libérale de la valeur des stocks ou des avoirs ou de la loi en matière de fiscalité ou autre. L'idée de ne pas être le vérificateur à jamais peut être séduisante, car il n'y aura pas le même niveau de manipulation.

Cependant, changer de vérificateur soulève de nouveaux problèmes.

Le sénateur Oliver: Il y a la courbe d'apprentissage.

M. Hardingham: Il peut y avoir manipulation par les administrateurs de la compagnie lors du changement également.

M. Christie: Je me souviens vaguement d'une étude américaine dont les auteurs disaient que la première année de vérification est l'année où les risques sont les plus grands.

Le sénateur Hervieux-Payette: C'est pourquoi j'ai parlé de trois ans. La première année exige davantage de travail. Pour pouvoir signer la vérification la première année, vous avez intérêt à avoir fait vos devoirs.

Le président: Il est intéressant qu'en vertu de la Loi sur les banques du Canada, toutes les grosses banques à charte doivent assurer un roulement de leurs vérificateurs tous les cinq ans. Il est intéressant que ce principe s'applique aux banques depuis au moins 20 ans.

M. Christie: Les plus grosses réclamations faites à l'endroit de vérificateurs l'ont été par d'autres banques, bien sûr.

Le sénateur Kenny: Ils ont également deux vérificateurs. Quelle différence cela fait-il?

M. Hardingham: Bien franchement, je pense que sans le changement fondamental de responsabilité dans l'approche prévue dans la loi, le résultat est que deux compagnies au lieu d'une se feraient poursuivre. Cela double notre exposition.

Le sénateur Angus: J'allais dire qu'un précédent intéressant a été établi au Canada avant toutes les privatisations effectuées par ce «formidable» gouvernement de Brian Mulroney, où il y avait un membre d'un des grands six ou d'un autre cabinet de vérification comme KPMG ou Doane Raymond, ainsi que le vérificateur général. Cela a été appliqué à un certain type de société d'État. Différentes normes s'appliquaient. Chacun surveillait les autres. J'ignore si cela a maximisé ou minimisé les risques.

Mon impression est que, à cause du facteur rotation, les banques ont deux groupes de vérificateurs et leurs mandats sont étalés de sorte que leurs dates d'expiration respectives ne coïncident pas.

M. Christie: Je pense que vous avez raison. Elles ont également tendance à séparer la fonction vérification en tant que telle. Une part importante du travail est effectué en permanence par un cabinet.

Le sénateur Angus: L'expert-comptable responsable de la vérification intégrée.

M. Christie: Bien franchement, j'ignore si cela fonctionne mieux ou pas.

Le sénateur Kenny: La question était vraiment la suivante: cela fait-il en sorte que ce soit plus assurable, et votre réponse était que non, parce qu'il y en a deux, et non pas oui, parce qu'on aurait de meilleurs renseignements.

M. Hardingham: Oui.

M. Christie: Excusez-moi de modifier votre réponse, mais si cela amenait de meilleures vérifications, j'imagine que vous aimeriez cela. Cependant, il n'y a aucune preuve que ce soit le cas.

Le sénateur Kenny: Comment est le dossier des vérificateurs avec les banques?

M. Christie: Il est épouvantable.

Le sénateur Angus: On nous a demandé de tenir des audiences il y a environ deux ans pour voir quelles leçons l'on pouvait tirer de l'effondrement de la Confederation Life, une grosse société d'assurance-vie qui a été liquidée au Canada. Plusieurs questions ont été soulevées, par exemple: que savaient-ils et que ne savaient-ils pas? Quand l'organe de réglementation devrait-il intervenir? Et il y avait également des questions subtiles sur ce qui amènerait les gens à se précipiter pour liquider. C'est un domaine très délicat. La question de l'assurabilité est pertinente. Quand les comptables devraient-ils donner l'alerte?

Mme Goddard: C'est une question d'intégrité.

M. Hardingham: Ils craignent de perdre la vérification, alors ils ne le font pas.

Mme Goddard: À chaque niveau dans la hiérarchie les gens n'ont pas le niveau d'intégrité requis, et ce sont les assureurs qui se retrouvent avec la note.

M. Christie: Ce que vous dites est peut-être un peu sévère.

La meilleure façon de provoquer l'effondrement d'une compagnie d'assurance est d'annoncer qu'elle est en difficulté.

Le sénateur Angus: Selon mon expérience des compagnies cotées à la bourse, un vérificateur insistera peut-être pour que vous inscriviez, mettons, son survaloir parce que les avoirs qui sous-tendent le tout sont insuffisants, et les résultats du troisième trimestre sont sur le point d'être annoncés. Vous voulez maintenir la confiance. Je siège à plusieurs comités de vérification où les discussions avec les vérificateurs ont porté là-dessus. Le pauvre assureur n'a rien à dire.

M. Christie: L'une des grosses compagnies pétrolières du Royaume-Uni a découvert une faille dans plusieurs de ses baux pour la mer du Nord. Cela a soulevé une importante question en matière de divulgation, car la faille allait être éliminée en l'espace de six semaines. S'ils ne disaient rien, la faille allait disparaître.

Le sénateur Oliver: Comment ont-ils fait?

M. Christie: Ils ont adopté l'opinion de leur avocat et ils ont acheté beaucoup d'assurance.

Le sénateur Angus: Il est intéressant de relever les domaines à haut risque pour les vérificateurs et les avocats. Il me semble que la première question que vous devriez poser à un avocat ou à un vérificateur est la suivante: combien de travail faites-vous avec des valeurs mobilières? Vous voudriez savoir dans quelle mesure ils ont une expérience des prospectus et de la fiscalité. Bien sûr, les vérificateurs et certains cabinets d'avocats sont très actifs dans ces domaines. Cela vous amènerait-il à vous inquiéter?

M. Hardingham: Oui.

Le sénateur Angus: Étant donné que la question de la responsabilité conjointe et solidaire semble être un faux problème, y a-t-il d'autres choses qui pourraient être utiles en vue de la résolution du problème?

M. Hardingham: L'on peut s'occuper de travail fiscal et de travail en valeurs immobilières car chacune de ces catégories a ses caractéristiques propres.

Le sénateur Angus: Pourrait-on dresser des murs hermétiques autour des autres activités, par exemple, pour que celles-là soient assurables?

M. Hardingham: Oui.

Le sénateur Angus: Et les protéger?

M. Hardingham: Si vous dites que la fonction de vérification est obligatoire, que c'est une exigence du gouvernement, et qu'ils sont donc à l'abri de toute réclamation portant sur l'exécution de cette fonction, alors cela changerait notre interprétation de la comptabilité.

Le sénateur Angus: Ce serait dans le texte réglementaire?

M. Hardingham: Oui.

M. Christie: Si le cabinet de vérification se séparait du restant des six grands, vous auriez tout simplement la SPRL de vérification. La réponse doit être que le reste serait beaucoup plus facile à assurer. Vous auriez un vrai problème pour assurer les SPRL de vérification.

M. Hardingham: Oui, à moins qu'elles ne soient à l'abri de réclamations. Je ne suis pas certain que vous suggérez cela ou non.

M. Blake: Vous auriez alors le problème du consommateur qui ne tolérerait pas ce changement. Nous faisons les égoïstes et examinons les choses du point de vue des assurances.

M. Christie: Du point de vue politique publique, cette option ne tiendra pas.

M. Hardingham: C'est pourquoi j'ai recommandé que le gouvernement assume cette fonction.

Le sénateur Angus: Nous avons été surpris. Nous pensions que nous étions à Londres et non pas à Moscou!

Le sénateur Hervieux-Payette: Les assureurs nous ont dit que s'ils ne peuvent pas faire d'argent, alors ça ne les intéresse pas. Personne ne réfutera cela.

Le sénateur Kenny: Si c'était le gouvernement qui le faisait, je recommanderais que le service des postes soit le groupe de surveillance.

Le sénateur Angus: Il a été privatisé.

Le président: Cela donne un sens tout nouveau à l'adage que voici: «Je suis du gouvernement, et je suis ici pour aider».

M. Hardingham: Quels problèmes ont été esquissés par le Barreau du Haut-Canada?

Le sénateur Angus: Le problème avec le Barreau du Haut-Canada, si je vous ai bien suivi, c'est qu'il y avait une mauvaise gestion.

Comme vous le savez, tous les groupes ont un certain niveau d'assurance obligatoire qui est fournie par une mutuelle ou par une police que le Barreau assure sur le marché ou par l'intermédiaire d'une compagnie, mais c'est entièrement géré par la société du Barreau en question.

En Ontario, à cause d'une mauvaise gestion, d'une mauvaise cote ou d'autre chose, le coût par avocat pour ce premier palier, mettons 1 million de dollars, est passé de 500 $ à 1 900 $ par avocat, tandis qu'au Québec, le coût de cette première tranche est passé de 1 100 $ à 400 $, c'est-à-dire a évolué dans le sens tout à fait contraire. C'est purement une question de mauvaise gestion.

Mon cabinet, par exemple, a des bureaux dans cette juridiction de l'Ontario. Des problèmes épouvantables sont causés du fait de la différence entre les deux juridictions.

Est-ce de cela que vous vouliez parler?

M. Hardingham: J'ignore si c'était ou non une question politique.

Le sénateur Kenny: Seulement dans le milieu des juristes et seulement pour ceux qui ont dû payer.

Le sénateur Angus: Cela a stoppé l'émigration de bons citoyens du Québec à l'Ontario.

Je pense que nous avons couvert toute la question.

Le président: Notre discussion a été très utile.

Le sénateur Angus: Nous vous sommes très reconnaissants, à vous tous, d'avoir participé à ces discussions avec nous.

Le sénateur Oliver: Qu'en est-il des personnes au fond de la salle que nous n'avons pas entendues?

Le sénateur Angus: Peut-être que nous pourrions entendre un commentaire de chacun d'entre vous.

M. Richard Peters, S.J. Burnhope Syndicate: Pour récapituler, je n'ai que peu de sympathie pour les six grands cabinets de comptables. Les cabinets pauvres ne peuvent pas obtenir d'assurance. Dans une certaine mesure cela a à voir avec l'étalement du risque. Ils savent, vu l'historique de leur activité de vérification, qu'ils auront un problème par an, alors ils peuvent, en définitive, étaler leur risque en ayant 100 000 clients pour la vérification ou en facturant un peu plus leur travail de vérification, sachant, donc, qu'il y aura un problème dans un cas sur 100.

En tant qu'assureurs, nous ne pouvons pas étaler de la sorte le risque, car nous savons que nous aurons un problème par an. Je conviens qu'ils ont dans une certaine mesure créé eux-mêmes ce problème.

Je pense que le gouvernement canadien ne peut pas faire grand-chose pour aider les six grands cabinets, étant donné la nature de leurs activités et de la pratique internationale. Cependant, il importe de faire quelque chose à l'échelle mondiale pour protéger les six grands cabinets de comptables, car les réclamations ne se limiteraient pas au territoire canadien. Les sociétés font appel à un des six grands parce que ceux-ci ont une présence dans dix ou 20 pays et peuvent exécuter la fonction de vérification dans les différents bureaux régionaux des grosses boîtes.

Pour revenir sur la question de l'attribution de la responsabilité, je ne pense pas que ce soit aussi facile que de découper un gâteau. L'une des modes actuelles est de dire que si une compagnie échoue ce n'est pas forcément la faute à quelqu'un. C'est à la mode de penser qu'une compagnie peut s'effondrer à cause de mauvaise publicité ou autre.

Tout le monde veut pouvoir pointer quelqu'un du doigt, et les comptables sont à l'heure actuelle la cible de premier choix.

Le sénateur Angus: Le parfum du mois.

M. Peters: S'il y a eu négligence professionnelle, alors ils devraient être tenus responsables de cela, mais pas si c'est une simple question de mauvais investissement.

Le sénateur Angus: En d'autres termes, vous vous situez dans la grande moralité, ce qui ne correspond malheureusement pas au vrai monde, comme Mike et Richard l'ont souligné tout à l'heure.

M. Peters: Ce n'est pas le vrai monde. Ils ne peuvent pas acheter d'assurance à cause de la nature de la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Il faut toujours que ce soit la faute à quelqu'un, et à cause du système de jury ou autre, cela fonctionne. C'est pourquoi les gens agissent ainsi. Dès que cela ne fonctionnera plus, il y aura un changement. Cela changera peut-être lorsque les grosses sociétés internationales ne pourront pas acheter de services de vérification car les cabinets de comptables ne peuvent pas transmettre ce risque au reste de leurs clients. Cela amènera peut-être un changement, mais en attendant, j'ignore quelle est la solution.

Le sénateur Angus: C'est un point intéressant. En d'autres termes, ils devraient se protéger eux-mêmes à cet égard en n'acceptant pas certains types d'activités, et alors le syndrome de Moscou sera déclenché et il faudra que le gouvernement intervienne.

Quelqu'un d'autre aurait-il quelque chose à contribuer?

M. Matthew Irvine, S.J. Burnhope Syndicate: Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue, Richard, sur tout ce qu'il a dit.

M. Neil Beaton, Agnew Syndicate: Je pense que le gros problème, comme l'a dit Richard Hardingham, est que la moralité et les affaires ne vont pas très bien ensemble. Quelqu'un doit adopter une position morale, et quelqu'un doit adopter une position financière. Malheureusement, ces jours-ci, les deux ne se retrouvent pas forcément au milieu.

Je ne suis pas certain que le rôle de vérificateur doive revenir au gouvernement.

Je ne pense pas que les assureurs des six grands cabinets de comptables puissent être tenus responsables. Le problème est qu'ils ne parviennent pas à trouver d'assurance. Les assureurs ne sont pas prêts à prendre le risque. Il est difficile de trouver une solution, mais pour l'heure, ce n'est pas un problème dont les assureurs peuvent s'occuper.

M. Spence: En fin de compte, le problème est que les six grands sont trop grands.

Mme Goddard: Ils ne sont plus au nombre de six.

Le sénateur Angus: Leur nombre a-t-il augmenté ou baissé?

Le sénateur Kenny: Il n'y en a plus que quatre.

Mme Goddard: J'avais l'impression que par suite de fusions, il y en avait aujourd'hui moins de six.

Le sénateur Angus: Il y a Coopers & Lybrand, Ernst & Young, Arthur Andersen, Price Waterhouse, KPMG et Deloitte and Touche.

M. Spence: Comme l'a dit Richard, il y a un marché pour les plus petits cabinets. Je pense qu'il vous faut vous attarder sur la différence entre les vérificateurs ou les comptables dans les gros cabinets et ceux dans les cabinets de taille moyenne. Ce n'est pas seulement qu'ils ont des clients plus importants; c'est l'envergure internationale de leurs opérations. Tout devient de plus en plus nébuleux et c'est pourquoi nous ne les assurons pas.

Le sénateur Kenny: Certains d'entre vous ont dit que nous sommes ici pour tenter de résoudre un problème qu'ont les vérificateurs. Ce n'est pas notre cas. Les vérificateurs nous ont exposé leur position et ils ont proposé une solution. Nous sommes ici pour mettre cette solution à l'épreuve. Jusqu'ici, il semble que la solution ne soit pas satisfaisante.

M. Hardingham: Pourriez-vous dire quelle est cette solution?

Le président: La solution qu'ils privilégient est la responsabilité proportionnelle.

Le sénateur Kenny: Vous nous dites que peu importe qu'ils aient une responsabilité proportionnelle, cela ne changera rien à la façon dont vous traitez avec eux.

M. Hardingham: Pas tout de suite.

Le président: Leur logique est la suivante: nous sommes heureux de payer ce dont nous sommes responsables. Si nous ne sommes responsables que de x p. 100 du problème, alors nous ne devrions payer que x p. 100. Ce qu'ils nous disent en privé est que selon eux ce x est sans doute inférieur à 1 p. 100.

La première solution est la responsabilité proportionnelle.

La deuxième est la réduction de leur proportion maximale, ce qui est une stratégie logique de leur point de vue. La SRL serait, il est clair, utile, mais on en revient aux ramifications sur le plan de l'impôt personnel.

Ce que j'ai trouvé intriguant dans toute cette discussion est que ce n'est pas un problème généralisé dans les professions libérales. Il y a d'autres secteurs de l'économie -- on a parlé de l'environnement, et cetera -- dans lesquels les gens ont du mal à obtenir de l'assurance. Or, les gens ne demandent pas au gouvernement d'intervenir et de modifier les règles afin que ces sociétés puissent en obtenir.

La réponse pourrait fort bien être d'adopter une position semblable à celle proposée par le professeur Burrows dans son mémoire, soit conserver la responsabilité conjointe et solidaire, mais faire d'autres choses, comme créer des sociétés à responsabilité limitée, et cetera.

Ce qui a débuté comme une crise perçue par un groupe de personnes désireuses de voir le gouvernement intervenir pour régler leur problème... vous nous avez clairement expliqué ce matin que ce problème est particulier à ces six cabinets. Il faut alors se poser la question suivante en tant qu'auteurs de politiques. Doit-on, comme ils le voudraient, changer un principe comme celui de la responsabilité conjointe et solidaire, qui est fondamental et qui existe depuis longtemps, à cause des intérêts de six intervenants?

Le sénateur Kenny: La petite note qu'il faudrait cependant ajouter à cela est que ces six s'occupent de la vérification des comptes de 95 p. 100 des grosses sociétés. La question qui doit être à l'avant-plan dans notre esprit est la suivante: quelle est la valeur d'une vérification?

Le sénateur Oliver: On nous a dit qu'à moins que nous ne fassions quelque chose, les six en question vont peut-être fermer boutique ou déposer leur bilan à cause de réclamations en souffrance.

M. Quigley: Ils feront peut-être autre chose. Ce sont des gens rusés.

Le président: Vous avez tiré au clair l'envergure et la nature du problème et souligné qu'en fait la solution qui a été proposée -- et d'autres que des personnes nous ont recommandées dans le cadre de réunions précédentes -- n'est pas aussi simple, claire et nette que d'aucuns l'ont prétendu.

Il n'existe aucune solution miracle à ce problème, aucune panacée, et il faut être très prudent. En effet, toute solution envisagée doit être examinée dans le contexte de ses ramifications sur quantité d'autres domaines. Ce problème ne peut pas être isolé.

M. Hardingham: Nous n'avons pas abordé un risque qui est particulier aux six grands cabinets, soit le travail transfrontalier avec des limites transfrontalières. Ils ont une exposition sur ce plan-là également.

Le président: Est-ce que les petits cabinets comptables partagent ce risque?

M. Hardingham: Que cela vous plaise ou non, un certain nombre de grosses entreprises appartiennent à des Américains.

M. Quigley: Tout cela est forcément sous-tendu par le fait qu'ils doivent se demander: sommes-nous suffisamment compétents pour faire notre travail? Même un cabinet parfait aura des problèmes. Mais je suis sûr que la diminution de leur responsabilité les aiderait énormément.

Le président: Au nom de mes collègues, je tiens à vous remercier tous d'avoir pris le temps de venir. Je sais que vous êtes des gens occupés et ceci est un jour ouvrable. Je veux également remercier David d'avoir utilisé si efficacement ses contacts pour organiser cette réunion. Nous apprécions réellement votre participation.

Le comité suspend la séance.

À la reprise, à 14 h 30.

Le président: En substance, nous cherchons à cerner le problème de la responsabilité professionnelle; faut-il conserver la responsabilité conjointe et solidaire ou bien faut-il passer à autre chose? Ce que nous attendons de vous, c'est que vous nous expliquiez comment fonctionne la responsabilité des avocats; pensez-vous qu'il se pose un problème d'assurance aux avocats spécifiquement? Si vous avez des vues sur d'autres professions, très bien, mais votre expérience concerne évidemment les avocats.

M. Wodehouse: Eh bien, pas réellement. Il s'agit surtout du niveau en dessous, les avocats plaidants et les évaluateurs immobiliers. Le problème est plus aigu à l'heure actuelle dans le cas des évaluateurs que des avocats.

Le président: Oh, réellement? Je vois que vous avez également l'Association du logement. Je savais, d'après votre nom, SIMIA, que vous couvriez les avocats en Angleterre, et j'en ai conclu que vous n'assuriez que les avocats. Pourquoi ne commencez-vous pas par nous dire ce que vous faites et nous donner un aperçu du problème de l'assurance-responsabilité professionnelle tel que vous le concevez? Ensuite, si nous avons des questions particulières, nous vous les poserons au fur et à mesure, puisqu'il s'agit ici d'une discussion.

M. Wodehouse: Je dois vous dire que je n'ai pas préparé d'exposé.

Le président: Non, je comprends. C'est une discussion.

M. Wodehouse: Vous verrez dans notre feuillet de renseignements que, pendant très longtemps, nous nous sommes spécialisés dans le domaine maritime... en fait, depuis 1869. Il y a un peu plus de dix ans, pour des raisons que j'expliquerai plus tard car elles concernent le sujet de la discussion, nous nous sommes lancés dans le domaine non maritime. Je suis devenu agent d'assurance; j'ai fait le tour des avocats et constaté que les membres de la SIMIA étaient presque tous des avocats spécialisés en droit maritime qui savaient qui nous étions; et nous étions effectivement d'importants clients.

Le président: Au fait, que signifie le sigle SIMIA?

M. Wodehouse: Solicitors' Indemnity Mutual Insurance Association. Lorsque nous sommes allés voir les avocats autres que ceux spécialisés en droit maritime, ils ont demandé: «Qui diable est la SIMIA?», et nous avons dit: «Nous faisons partie du groupe Thomas Miller». Ils répondaient alors: «Qui diable est le groupe Thomas Miller?» Cela semblait donc un bon moment pour rédiger ce feuillet et, comme vous pouvez le voir, le secteur maritime est notre principal client. Nous avons lancé la SIMIA en 1985.

J'aimerais juste esquisser le contexte du lancement de la SIMIA car je pense que cela est en rapport avec le sujet de votre étude. Comme vous l'aurez certainement entendu dans le cours de vos délibérations, vers la fin 1984 et en 1985, nous avons assisté à un effondrement complet de la capacité du marché de l'assurance. Munich Reed, par exemple, s'est retiré du marché et ce qui apparaissait être un petit créneau douillet a soudain manqué de capacité à l'échelle mondiale. Aux fins de la SIMIA, nous avons vu s'ouvrir un marché à l'échelle mondiale. Nous avons d'abord été contactés...

Le sénateur Angus: Désolé, mais pour que moi-même et mes collègues comprennent bien, lorsque vous dites qu'il y a eu un effondrement du marché dans le milieu des années 80, entendez-vous par là la disparition de la disponibilité d'assurance-responsabilité professionnelle pour les avocats?

M. Wodehouse: Pour les professions libérales.

Le sénateur Angus: Toutes les professions libérales?

M. Wodehouse: C'est justement l'élément clé: les professions libérales en général. Les souscripteurs d'assurance-responsabilité, en règle générale, n'établissent pas de distinction entre les avocats-conseils, les avocats plaidants, les comptables, et cetera. Plus précisément, les sept ou huit plus gros cabinets juridiques ne pouvaient obtenir de couverture au-delà de 50 millions de livres, dont ils pensaient avoir besoin. Ils sont venus nous voir pour demander s'ils pourraient former entre eux une mutuelle pour obtenir une capacité supérieure à 50 millions de livres par réclamation, que le marché n'offrait plus.

Nous avons envisagé différents mécanismes, et je ne vous ennuierai pas avec les détails, mais aucun n'a réellement décollé. Tout d'abord, s'agissant d'une méga-indemnisation de cette sorte, il y avait de très fortes chances que deux ou trois de ces cabinets soient en cause en même temps, si bien que toutes sortes de conflits auraient pu surgir. Une raison plus concrète, cependant, était que les compagnies d'assurance ont recommencé à offrir cette couverture. Mais la raison d'être de la SIMIA était la volonté des avocats, et particulièrement de ceux qui connaissaient les mutuelles, à savoir les avocats spécialisés en droit maritime, de ne plus jamais être entièrement à la merci du marché de l'assurance. C'est pour cela que la SIMIA a été fondée. Ce n'était pas pour offrir une assurance à bas prix. Elle a été fondée pour offrir une capacité garantie -- et il faut souligner cette notion de garantie -- en l'occurrence pour la profession d'avocat.

Pour ce qui est du problème de la disponibilité garantie d'une assurance, je ne pense pas que l'existence ou la non-existence d'une assurance privée devrait jamais être considérée comme solution à long terme. Cette précarité a certainement exacerbé un problème à court terme, mais la raison d'être principale de la SIMIA était de garantir une assurance à long terme, car elle a pour seul but d'assurer les avocats. Elle n'a pas d'autre mission. Par conséquent, il est absolument exclu qu'elle puisse se comporter comme le ferait, par exemple, Royal Sun. La compagnie Royal Sun pourrait assurer les avocats aujourd'hui, mais il suffirait demain que son conseil d'administration décrète: «Nous n'aimons pas l'assurance-responsabilité pour les avocats», et cette capacité disparaîtrait instantanément.

Je dois dire -- et je déclare en cela un conflit d'intérêt -- que je ne suis pas ici uniquement pour vendre quelque chose, je suis venu répondre aux questions que vous voudrez poser. Cependant, par une coïncidence extraordinaire, lorsque j'ai appris que vous m'invitiez à comparaître ici, j'ai vu le lien avec une initiative que nous avons entreprise par le biais de notre bureau de New York, visant à aller au Canada pour convaincre les cabinets juridiques canadiens qu'ils ont besoin d'un mécanisme similaire à la SIMIA. C'est quelque chose que nous avons l'intention de faire, mais c'est une coïncidence que vous m'ayez invité à venir vous parler d'assurance-responsabilité des professions libérales. Voilà donc le contexte pour ce qui est de la profession juridique.

Une autre chose que la mutuelle a faite a été d'identifier les différents risques. Il est un autre problème de la responsabilité conjointe et solidaire qui ne me semble pas être pleinement couvert par les discussions que j'ai vues, mais j'ai l'impression que 90 p. 100 de vos problèmes concernent les comptables, particulièrement les six gros cabinets que votre texte n'identifie pas, et plus précisément sur le plan de la vérification comptable. Contrairement à la plupart des mégaréclamations potentielles, qui sont plus imaginaires que réelles, c'est un risque réel dans le cas des comptables, lesquels ont donc des problèmes sérieux tant sur le plan de la limitation de la responsabilité que de la responsabilité conjointe et solidaire.

Il est bon de signaler qu'avant la création de la SIMIA et d'autres mécanismes comme ceux mis sur pied par les avocats plaidants et les évaluateurs immobiliers -- et vous pourrez peut-être le confirmer -- les souscripteurs d'assurance-responsabilité professionnelle, en règle générale, ne faisaient pas de distinction entre les professions.

Mme Neilson: Il n'y avait guère de distinction avant 1983.

Le sénateur Oliver: Avec les mêmes primes?

Mme Neilson: Les mêmes primes et les mêmes limites, mais c'était dû au fait qu'il n'y avait pas eu de réclamation qui aurait permis de différencier entre les professions.

M. Wodehouse: Je me hâte d'ajouter que ce n'est pas une sorte de système de vente à sens unique. Mais c'est assez intéressant. J'ai ici une liste des membres fondateurs de la SIMIA -- si je vous la remets, ma serviette en sera allégée et la vôtre alourdie --, mais c'est assez intéressant. La SIMIA, pour que les choses soient claires, intervient en sus du régime obligatoire, qui est un mécanisme totalement différent; vous avez la même chose au Canada, d'ailleurs, et aussi le régime complémentaire. Ce dernier couvre au-delà de 1 million de livres. Nous avions comme membres fondateurs, pour n'en nommer que quelques-uns, Clifford Chance, Freshfields, Lovel White, Clydes et d'autres encore, et nous assurons maintenant 80 des plus gros cabinets et, je pense, neuf des dix plus grands. C'est donc le meilleur échantillonnage d'avocats anglais que vous puissiez trouver.

Le sénateur Angus: Sont-ils couverts uniquement par la SIMIA ou bien cette dernière ne représente-t-elle qu'un seul niveau de leur couverture?

Le sénateur Oliver: La couverture commence au-delà de 1 million de livres.

Mme Neilson: Connaissez-vous tous le fonds d'indemnisation des avocats?

Le sénateur Angus: Non.

Mme Neilson: Chaque avocat-conseil d'Angleterre et du pays de Galles, et M. Wodehouse rectifiera si je me trompe, est tenu de s'assurer auprès du fonds d'indemnisation des avocats.

Le sénateur Angus: Comme nous au Canada.

Mme Neilson: Ce fonds donne une couverture de 1 million de livres pour chaque réclamation; il n'y a pas de plafond collectif, et c'est donc pour chaque réclamation individuelle, jusqu'à l'infini.

Le sénateur Oliver: Par an? Que se passe-t-il s'il y a dix réclamations dans une année?

Mme Neilson: Oui, 10 millions de dollars, plus les frais. Les frais du défendeur sont donc couverts, en sus de la somme assurée, pour chaque avocat... de Clifford Chance et Freshfields jusqu'au plus petit cabinet à deux avocats.

Le sénateur Angus: Chaque avocat paie la même prime, n'est-ce pas?

Mme Neilson: Non, la prime est calculée surtout en fonction des honoraires.

M. Wodehouse: La formule est devenue de plus en plus complexe.

Mme Neilson: Oui, et il y a un boni pour absence de réclamation. C'est un barème de tarification très complexe.

Le sénateur Oliver: Donc, la taille du cabinet fait une différence?

M. Wodehouse: Les gros cabinets paient une fortune et ils n'aiment pas cela.

Mme Neilson: Les gros paient plus pour leur couverture que ce qu'ils en retirent, mais les franchises sont très faibles. En fait, la couverture du fonds d'indemnisation des avocats est une réserve qu'un gros cabinet devrait se constituer à titre d'auto-assurance.

Le président: Mais ils n'ont pas le droit de le faire?

Mme Neilson: Non, ils n'ont pas le droit.

M. Wodehouse: Cela ficherait en l'air le système.

Le président: L'universalité est indispensable au système?

Mme Neilson: Cela vise à aider ceux qui ne peuvent acheter d'assurance.

Le président: Cette dernière étant complémentaire?

Mme Neilson: Oui, c'est une assurance privée complémentaire.

M. Wodehouse: C'est juste, mais j'aimerais faire une remarque générale sous forme d'un exemple particulier. J'ai entendu dire par deux ou trois sources parfaitement fiables que le cabinet Allen et Overy avait fait l'objet d'une réclamation réglée par leur compagnie de réassurance, si bien qu'il a dû vendre son immeuble et le reprendre en location. J'ai entendu cela d'au moins deux sources. Or, il n'y avait pas un mot de vrai là-dedans. C'était absolument faux.

Le sénateur Angus: La rumeur a été répandue par Freshfields et Linklaters.

M. Wodehouse: C'est peut-être en train de changer en ce moment même, car une très grosse réclamation est en train d'être réglée, mais le fait est qu'aucune réclamation adressée à un avocat en Angleterre et au pays de Galles n'a jamais coûté plus de 10 millions de livres. Ce sont les chiffres que nous avons obtenus et ils démontrent à quel point les tarifs étaient aberrants au moment où la SIMIA a été lancée.

Je m'en tiendrai là; vous avez ici la liste des membres. L'exemple que j'ai donné montre qu'il y a davantage de rumeurs en circulation sur la place de Londres que sur aucune autre que je connaisse.

Mme Neilson: Pour me faire l'avocate du diable -- et vous et moi avons peut-être déjà eu cette conversation --, je pense qu'avec la mondialisation de la profession juridique, plus particulièrement, ce n'est pas nécessairement un scénario qui peut durer. C'était vrai par le passé et c'est vrai aujourd'hui, mais c'est quand même un marché d'assurance très risqué.

M. Wodehouse: Et la situation, dans le cas des géomètres-évaluateurs est évidemment bien différente.

Le président: Parlez-nous-en. Le cas des géomètres-évaluateurs est-il plus proche de celui des comptables, en ce sens qu'il y a eu de grosses réclamations et de gros règlements? Vous couvrez également les géomètres, n'est-ce pas?

M. Wodehouse: Lourdement, malheureusement. L'un des problèmes avec les mutuelles, que mon travail consiste à vendre, est qu'elles présentent un risque, en ce sens que s'il y a de très grosses réclamations avant que des réserves suffisantes soient constituées, les membres de la mutuelle doivent mettre la main à la poche. Incidemment, le moment où nous avons lancé cette mutuelle a fait que nous avons en quelque sorte touché le gros lot à l'envers. C'était deux années avant l'effondrement du marché immobilier mondial et il en a résulté des millions de réclamations. Mais si je puis en venir à ma réaction à votre document, qui porte sur la responsabilité conjointe et solidaire, je pense qu'il y a une limite.

J'aimerais illustrer ma préoccupation à cet égard, dans le cas du Royaume-Uni, en citant un exemple précis, qui pourrait très bien se reproduire. Nous avons eu cette semaine une longue conférence avec nos avocats sur cette affaire, où une banque a consenti un prêt à cette époque où les banques prêtaient de l'argent comme s'il n'y avait pas de lendemain. La banque a demandé à un géomètre-évaluateur d'évaluer le nantissement, ce qui a été fait. Elle a ensuite demandé à un deuxième cabinet d'évaluateurs de confirmer l'évaluation, ce pourquoi elle a payé 5 000 ou 6 000 livres. Le marché immobilier s'est effondré. Le débiteur de la banque a fait faillite -- un scénario qui s'est répété bien des fois -- et les banques se sont retournées contre l'évaluateur en l'accusant de négligence.

Le premier évaluateur a également fait faillite et sa compagnie d'assurance avait résilié la police. La banque s'est donc retournée contre le deuxième évaluateur, qui avait touché quelques milliers de livres pour confirmer l'évaluation initiale. Nous avons contesté la réclamation en justice et nous avons perdu. Le tribunal a jugé que la confirmation de la première évaluation constituait à toutes fins pratiques une deuxième évaluation. Du fait que le premier évaluateur a fait faillite, le deuxième, qui n'a effectué que 10, 20 ou 30 p. 100 du travail, peu importe, a dû affronter la totalité de la réclamation et s'est retrouvé poursuivi en justice et obligé de payer la plus grande part de la perte de la banque au titre de ce prêt.

À mon avis, c'est tout simplement absurde.

L'une des préoccupations que j'aimerais soulever ici intéresse la limitation de l'obligation de diligence. Je dois dire que je suis ravi de voir qu'elle semble être poursuivie plus activement au Canada qu'ici car vous aurez sans doute appris cette semaine que tout le monde en Angleterre freine des quatre fers et que rien ne bouge. Quoi qu'il en soit, avec l'approche des élections, nous allons avoir une période d'immobilité complète de six mois. Comme vous le savez, la question de la limitation de l'obligation de diligence a toujours été abordée sous un angle géographique: avez-vous une obligation de diligence ou bien n'en avez-vous pas? Personne n'a jamais cherché à la quantifier.

Si vous prenez l'exemple que je viens de citer, et qui s'est déjà produit à deux reprises, il ne fait absolument aucun doute que le deuxième évaluateur avait une obligation de diligence telle que définie en droit anglais. Je ne sais pas si la même notion existe en droit canadien. Quoi qu'il en soit, il ne fait aucun doute que cette obligation existe en l'occurrence; mais ensuite, il faut considérer la responsabilité à la lumière des honoraires. Je signale que la responsabilité peut aller jusqu'à 10 millions de livres.

Vous pourriez vous demander si, dans certaines circonstances, il ne serait pas raisonnable de limiter l'obligation de diligence sur le plan quantitatif aussi bien que qualitatif. Je dois dire que cette idée m'est venue seulement en lisant votre document et ne pensez donc pas que j'ai poussé la réflexion plus loin que cela. Évidemment, on appellera cela immédiatement un plafonnement, mais mon idée est que, si vous prenez un scénario comme celui que je viens d'esquisser, il est réellement pas mal ridicule que quelqu'un qui a touché 5 000 livres pour une évaluation, même s'il a fait preuve de négligence, soit passible d'une indemnité de 10 millions de livres. C'est moins ridicule dans le cas de la personne qui a effectué la première évaluation et qui, après tout, a touché des honoraires raisonnables, et c'est bien pour cela que l'on s'adresse à un cabinet d'évaluateurs de première catégorie.

Une possibilité que je vous soumets consisterait à limiter la responsabilité à un certain multiple des honoraires. Si, par exemple, vous limitez la responsabilité à 100 fois l'honoraire, le deuxième évaluateur, aussi négligent qu'il ait été, serait exposé à hauteur de 500 000 livres. Le premier évaluateur, s'il a été payé, mettons, 20 000 livres pour le travail, s'exposerait à payer 2 millions de livres. Cela me paraîtrait certainement plus rationnel, sur le plan de la limitation, sauf que l'existence d'un chiffre standard met en jeu une question d'intérêt public.

Le sénateur Kenny: Qui indemnise le plaignant?

M. Wodehouse: Je ne suis pas certain que l'indemnisation du plaignant, et c'est un autre élément que je voulais faire ressortir, soit nécessairement sacro-sainte, car dans ce document aussi il est beaucoup question de l'intérêt public et l'intérêt public peut signifier une foule de choses différentes. Si vous prenez trois entités commerciales, telles qu'un promoteur, une banque et un cabinet d'évaluateurs, à mon sens il n'est pas nécessairement dans l'intérêt public que la banque récupère tout l'argent qu'elle a perdu parce qu'elle a employé deux conseillers négligents. Vous êtes là dans le domaine de la prise de risque, et ce n'est pas une affaire de culpabilité morale. C'est une affaire entre professions, et de prise de risque.

Si vous interrogez l'homme de la rue sur la situation de cette banque particulière -- qui d'ailleurs s'est pliée en quatre pour accorder ce prêt, mais c'est une autre histoire -- et lui demandiez si ce plaignant doit être indemnisé, il vous répondrait évidemment: «Pourquoi donc?» En revanche, et je pense que la distinction est établie dans ces documents, c'est une toute autre histoire si vous prenez un particulier innocent ou naïf, ce qui nous ramène à la question très intéressante de l'origine de la responsabilité conjointe et solidaire. Dans ce cas, si vous posez la question à l'homme de la rue -- après tout, c'est lui au bout du compte qui décide -- et lui dites que vous êtes un jour allé voir un cabinet d'avocats et que celui-ci a complètement saboté le travail et si vous demandez si vous devriez être indemnisé, je pense que 99 personnes sur 100 répondraient oui.

Une distinction que l'on pourrait peut-être établir, s'agissant de l'intérêt public, est celle du lien de dépendance. Certes, ICL et des cabinets de deux personnes n'ont pas exactement de lien de dépendance, mais il s'agit dans les deux cas d'organisations commerciales; mais, encore une fois, c'est une philosophie différente.

Le président: Ceci est une variation sur un thème, en quelque sorte, que quelqu'un a proposé précédemment. J'aime bien votre mot «naïf». Ce que vous dites réellement, c'est que nous devrions pouvoir distinguer entre protéger à 100 p. 100 quelqu'un qui est naïf -- l'image classique de la vieille dame en chaussures de basket qui n'a pas les moyens de payer -- et quelqu'un qui devrait assumer une part du risque pour avoir clairement conclu une entente commerciale et qui devrait de ce fait être traité comme une personne qui avait la capacité et l'intelligence voulues pour prendre une décision et donc assumer une part de risque.

M. Wodehouse: Oui. Effectivement, il y a des cas où vous allez voir un conseiller financier comme une forme d'assurance contre vous-même. Théoriquement, nous pourrions tous conclure nos propres transferts immobiliers, si nous lisions un livre sur le sujet, mais on s'adresse à un cabinet d'avocats et on paie quelques milliers de livres parce qu'on sait très bien que le cabinet va vous protéger contre les ennuis. En pratique, cela revient à acheter une assurance.

En revanche, lorsqu'il s'agit d'une entreprise traitant avec une autre entreprise, je n'ai rien contre le principe de la responsabilité en soi, mais je n'aurais aucune objection à ce qu'une limite soit prévue, car si vous prenez la responsabilité solidaire et conjointe et la notion que le plaignant doit être indemnisé, et que vous l'appliquez à l'exemple que j'ai donné, celui de l'évaluateur qui confirme une première évaluation, cela m'apparaît tout simplement une aberration commerciale, mais vous êtes peut-être d'un avis différent.

Le président: Je m'interroge. Votre proposition est de lier la responsabilité au montant de l'honoraire. Je pensais que l'honoraire était déterminé par la quantité de travail, plutôt que par l'importance de la perte potentielle.

Le sénateur Angus: Ce n'est qu'un étalon.

M. Wodehouse: Mettons les choses en contexte. C'était simplement l'une des possibilités.

Le président: Vous érigeriez comme règle que...

M. Wodehouse: Ce n'était pas une proposition très fouillée.

Le président: Cela ne fait rien.

M. Wodehouse: Je pense que le critère de l'honoraire, ce qu'il recouvre, c'est le conseil gratuit, car 100 fois rien, c'est toujours rien.

Le président: En revanche, dans un système où une responsabilité proportionnelle est appliquée aux entreprises, il n'y aurait pas besoin de plafond, n'est-ce pas? L'entreprise ne toucherait qu'un montant proportionnel, si bien qu'il ne serait pas réellement nécessaire d'avoir un plafond.

M. Wodehouse: Eh bien, c'est le même argument, l'envers de l'argument de l'indemnisation complète du plaignant. Si vous un avez un plaignant que vous voulez indemniser, il faut renoncer à la proportionnalité; sinon, il ne sera pas pleinement indemnisé.

Le président: Répétez cela.

M. Wodehouse: Eh bien, je veux dire, si l'homme de la rue est protégé par...

Le président: Vous avez besoin d'une responsabilité «conjointe et solidaire» pour ma vieille dame en chaussures de basket?

M. Wodehouse: Oui, pour protéger l'homme de la rue.

Mme Neilson: Mais pas pour les investisseurs avertis.

Le président: C'est réellement la distinction entre «naïf» et «averti».

M. Wodehouse: C'est difficile à définir, mais nous voyons probablement bien ce que vous voulez dire.

Mme Neilson: Ne peut-on arguer que les investisseurs avertis sont d'une certaine façon coupables d'une part de négligence s'ils choisissent des conseillers inaptes parce que, par exemple, de par leur propre négligence, ils n'ont pas la capacité de faire face aux pertes? Si vous êtes un acheteur de services averti, vous devez tout de même acheter vos services auprès de gens qui savent ce qu'ils font, qui ont une assurance et cetera.

Le sénateur Kenny: Aidez-moi avec des critères qui permettraient de distinguer entre les deux catégories.

Mme Neilson: «Averti» par opposition à «non averti»?

M. Wodehouse: Je pense qu'il faudrait partir des deux extrêmes et voir où tracer la ligne au centre. Il y aura une zone floue au centre.

Le sénateur Kenny: Les extrêmes ne sont pas difficiles à discerner.

Mme Neilson: La partie difficile, c'est la zone grise au centre.

M. Wodehouse: J'aurais pensé, comme délimitation très grossière, que ce serait une entreprise commerciale par opposition à un particulier. Je suis certain que vous pourriez affirmer que les zones grises peuvent poser un problème mais, règle générale, on parlerait d'une entreprise commerciale par opposition à un particulier.

Le président: Une affaire commerciale par opposition à un particulier.

M. Wodehouse: Si vous êtes une entreprise commerciale et que vous concluez une affaire et savez parfaitement bien qu'il y a un risque de ne pas être indemnisé, cela est une décision commerciale que vous prenez.

Le sénateur Hervieux-Payette: Ou bien ce pourrait être une société privée par opposition à une société publique, car la première n'est normalement pas une grosse compagnie; elle est de taille moyenne. Bien entendu, même si elles ne sont pas cotées en bourse, légalement parlant, les entreprises d'une certaine taille sont traitées comme sociétés publiques. Mais ce sont les sociétés publiques qui ont quantité de personnel compétent, des gens qui connaissent les affaires, des gens qui sont censés faire preuve par eux-mêmes de diligence dans l'évaluation des risques qu'ils prennent lorsqu'ils prêtent de l'argent. On peut considérer qu'ils ont une obligation de diligence supérieure à celle des plus petites sociétés.

Normalement, par exemple, une entreprise comptant, mettons, 100 employés ne prêtera pas des centaines de millions de dollars à gauche et à droite. Elle fera de petits placements, comparé aux grosses sociétés, et le risque dans leur cas sera inférieur. Il y aura alors également une relation plus ou moins équilibrée entre des professionnels individuels, car même si elles sont un regroupement, ou un groupe d'associés, ce sont toujours des individus comparés à une méga-entreprise.

Autrement dit, en dernière analyse, on ne parle pas de la même taille, des mêmes avoirs et du même type de protection, et je pense que c'est le genre de distinction que nous visons. Je pense que c'est là le rôle des pouvoirs publics: trouver une approche plus équilibrée.

M. Wodehouse: Si vous établissez une distinction entre différentes catégories, quel que soit le soin que vous prenez à les délimiter, vous aurez toujours des anomalies.

Le président: Chaque fois que vous tirez une ligne, vous avez toujours le problème que quelqu'un se trouve juste de l'autre côté.

M. Wodehouse: C'est très bien, on peut s'en accommoder, mais vous aurez toujours des anomalies lorsque vous établissez de telles distinctions.

Le sénateur Angus: Dans ce cas, on fait une exception.

Mme Neilson: Mais ne faudrait-il pas également établir une distinction entre la négligence grossière et la négligence ordinaire, le principe de «norme de diligence», car tout le monde est innocent face à une négligence grossière? Même si je suis une mégasociété et un acheteur averti de services, si quelqu'un fait preuve de négligence grossière, je devrais tout de même être indemnisé de ma perte.

Mme Trish Harrison, ministère de l'Industrie du Canada: Pourquoi? Pourquoi en cas de négligence grossière et pas de négligence ordinaire?

Mme Neilson: Parce que, en cas de négligence grossière, si je suis un investisseur averti et que j'engage Price Waterhouse et que ce cabinet fait preuve de négligence grossière, je l'ai engagé et lui ai payé beaucoup d'argent pour faire un travail et, s'il l'a réalisé de manière incompétente, je devrais pouvoir être indemnisé.

Mme Harrison: Mais cet argument s'applique tout aussi bien à la négligence ordinaire.

Le sénateur Angus: Dans notre droit, notre droit civil, il y a une différence entre la négligence grossière et la négligence ordinaire, par exemple, en ce sens que vous ne pouvez limiter votre responsabilité par contrat, en cas de négligence grossière. Une clause de dérogation de responsabilité ne s'applique pas à la négligence grossière. Est-ce la même chose au Royaume-Uni, vu que vous êtes régi par la common law? Vous avez une formation de common law, n'est-ce pas?

M. Wodehouse: Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: Pour moi, la négligence grossière est assimilable à la fraude.

Le sénateur Angus: Vous ne pouvez vous en soustraire par contrat.

Le sénateur Hervieux-Payette: C'est la même chose qu'une fraude ou un délit.

Le sénateur Angus: Quelque chose de si grave que même l'idiot le plus élémentaire verrait la différence.

Mme Neilson: Je pense que la common law est différente. Je pense que vous avez raison.

Mme Harrison: Ce principe de droit n'existe pas ici.

Le sénateur Hervieux-Payette: Elle existe chez nous et nous ferons votre éducation.

Mme Neilson: La solution serait peut-être d'avoir une échelle mobile pour cette limitation de responsabilité, selon le degré de sophistication de l'investisseur et le degré de négligence.

M. Wodehouse: Si vous partez de la notion de prise de risque et que vous distinguez ensuite entre la négligence simple et la négligence grossière, je pense que vous réglerez beaucoup de problèmes. Certes, il peut y avoir fraude, laquelle échapperait à toute limite. Je pense que nous sommes à des millions de milles de la rédaction d'un texte de ce genre, mais je saisis la distinction.

Pour en revenir à l'exemple de l'évaluateur et de la banque, qui est tellement classique, vous avez là, loin d'un homme de la rue naïf trompé par un évaluateur, une banque hautement sophistiquée, avec probablement un responsable qui n'a même pas lu le rapport d'évaluation de toute façon, qui récupère la totalité de sa perte auprès d'un évaluateur dans une situation financière désespérée, comme ils le sont tous. C'est une situation réellement absurde.

Le sénateur Kenny: Mais c'est beaucoup demander à une banque que de s'y connaître en évaluation immobilière.

M. Wodehouse: Les banques n'y connaissent rien. À la fin des années 80, je ne pense pas que les banques regardaient seulement le rapport d'évaluation. Elles commandaient l'évaluation.

Le sénateur Kenny: Mais il ne sert à rien qu'elles en prennent connaissance si elles n'y comprennent rien de toute façon.

M. Wodehouse: Elles peuvent voir la valeur d'un demi-million de livres. Cela, elles peuvent le comprendre.

Le sénateur Kenny: Désolé, je ne vous suis pas.

M. Wodehouse: Elles ont besoin du rapport d'évaluation, qui est une formalité requise pour accorder le prêt. La réalité, à la fin des années 80, avant l'effondrement du marché immobilier, est que l'agent de portefeuille touchait une commission sur le prêt. Il allait voir son copain évaluateur et lui disait: «Voilà, je prête de l'argent à Joe Blogs pour son opération immobilière; il veut emprunter 16 millions de dollars. La politique de crédit de la banque exige que nous ayons 20 millions de livres; cela vaut 20 millions de livres, n'est-ce pas?» Et l'évaluateur lui remettait un rapport d'évaluation. J'exagère un peu, mais c'était un peu la façon dont cela se passait, et il produisait un rapport d'évaluation pour son copain qui indiquait environ 20 millions de livres.

Mme Neilson: Mais un tel évaluateur devrait faire faillite.

Le sénateur Angus: Les caisses d'épargne et de crédit aux États-Unis ont été confrontées précisément à ce genre de choses.

Le sénateur Kenny: Mais mon argument demeure, à savoir qu'il n'y a absolument aucune raison au monde d'attendre qu'un banquier connaisse quoi que ce soit à l'évaluation immobilière.

Le sénateur Angus: Il dit simplement que ce sont, en substance, des banquiers corrompus qui veulent obtenir la commande à tout prix.

M. Wodehouse: Eh bien, c'était une légère exagération.

Le président: Votre argumentation, et c'est une notion qui me convient assez bien, est que vous voulez protéger les personnes véritablement naïves et innocentes, mais qu'une transaction commerciale est une transaction commerciale et que vous devez partir du postulat qu'elle est faite en toute connaissance de cause. C'est l'argument de «l'adulte consentant», n'est-ce pas?

Le sénateur Kenny: J'aime bien cette idée; c'est une notion sensée.

Le président: Ce sont les modalités pour y parvenir qui ne sont pas claires.

Le sénateur Kenny: Vous savez, avant de conclure toute transaction, que vous devez vous en remettre à des quantités de gens compétents dans différents domaines dont vous ne savez rien du tout. Vous comptez sur eux pour qu'ils apportent ce savoir-faire à la table, pour mener le projet à bien, et en dernière analyse vous vous en remettez à leur intégrité et à leur signature. Vous savez que vous ne pouvez pas faire le travail vous-même, vous avez besoin d'eux, sinon l'affaire ne peut être conclue. Certes, vous êtes un grand garçon et vous êtes dans les affaires, et vous êtes averti, mais cela dit, vous ne pouvez tout de même pas être omniscient.

Le président: Vous avez toujours la responsabilité proportionnelle.

Mme Neilson: Voilà la différence. Les fournisseurs du service ne peuvent échapper à leur responsabilité. S'ils ont été négligents, ils doivent payer. Cependant, on ne peut les tenir pour totalement responsables, car vous avez conclu l'affaire en connaissance de cause. Cela nous ramène à la négligence contributive, la question dont nous débattons.

M. Wodehouse: Pour en revenir à l'exemple, lorsque vous n'avez qu'un seul évaluateur, alors celui-ci est responsable. Ensuite on aboutit à une question différente, celle de la limitation de responsabilité. J'envisageais une responsabilité proportionnelle par opposition à une responsabilité conjointe et solidaire, mais il se peut que nous mélangions là deux concepts différents, l'un étant la limitation de responsabilité.

Mme Harrison: Je veux bien admettre que, intuitivement, il soit logique de protéger la personne innocente ou naïve, mais lorsque vous enchaînez en disant que le prêteur fait preuve de négligence contributive de par son choix d'un conseiller, cela me paraît un peu difficile à avaler. Je trouve qu'il y a là une faille logique car, tout d'abord, faisant preuve de diligence, il s'adresse aux gros cabinets comptables parce qu'il a l'impression qu'ils sont plus fiables; ensuite, il s'aperçoit que ce n'est pas le cas, parce qu'ils font des erreurs, ou du moins que dans ce cas particulier ils ne l'étaient pas parce qu'ils ont fait une erreur. Ensuite, il se retrouve avec quoi? Avec une négligence contributive parce qu'il s'est adressé aux gros cabinets. À qui d'autre aurait-il dû s'adresser?

M. Wodehouse: Je pense que la confusion est de ma faute, car j'ai mélangé deux questions différentes. Revenons-en à mon exemple initial, où le deuxième évaluateur, qui est responsable à 30 p. 100, écope de 100 p. 100 du blâme. C'est réellement cette anomalie que nous faisons ressortir à ce stade, plutôt que la limitation de responsabilité, qui est un sujet différent.

Le sénateur Hervieux-Payette: Si les professionnels, de par leurs avis, donnent plus ou moins une assurance globale au prêteur, si une fois qu'ils rédigent un rapport ils deviennent totalement responsables si les choses tournent mal, j'y vois un problème car cela revient à assurer toutes les banques contre toutes les pertes chaque fois qu'ils présentent une expertise. J'ai tendance à convenir avec vous que les banques ne sont pas si ignorantes que cela. Je pense qu'il faudrait vraiment amener les vérificateurs à avoir une petite discussion avec les banquiers.

Le sénateur Angus a fait état des caisses d'épargne et de crédit aux États-Unis. Supposons que les évaluateurs se soient trompés dans leur expertise dans leur cas, eh bien, ils sauveraient la peau de ces caisses, car ils auraient à défrayer toutes les pertes. Cela ne me paraît pas normal.

Le sénateur Kenny: Voyons un peu pour quelle raison on s'adresserait à un deuxième évaluateur. Autrement dit, pourquoi un seul ne suffisait-il pas?

M. Wodehouse: Je pense que c'était une valve de sécurité.

Le président: Je suppose que les règles de la banque l'exigent.

M. Wodehouse: C'est une valve de sécurité.

Le sénateur Kenny: Vous êtes donc allé voir le deuxième évaluateur parce que vous vouliez vous assurer que vous pouviez vous fier au travail du premier. Le deuxième évaluateur était donc très important du point de vue de la diligence requise, si vous voulez, ou du point de vue de la manière dont vous obteniez ce dont vous aviez besoin.

M. Wodehouse: Ainsi que le tribunal l'a jugé, à tort ou à raison, la banque s'est fiée au deuxième évaluateur.

Le sénateur Kenny: Mais si vous vous êtes adressé à un deuxième évaluateur, alors vous, le plaignant, avez fait la preuve que vous êtes une personne très prudente et que vous méritez d'être indemnisée car vous avez pris la peine de demander un deuxième avis.

Mme Neilson: Mais méritez-vous d'être indemnisé à 100 p. 100 de votre perte par le deuxième évaluateur?

M. Wodehouse: Qui assume le risque de la faillite du premier évaluateur?

Le sénateur Kenny: Eh bien, mettons les choses différemment. Si vous êtes indemnisé à 100 p. 100 de votre perte lorsqu'il y a un premier évaluateur, et que si vous vous montrez encore plus prudent en allant voir un deuxième, pourquoi ne devriez-vous pas obtenir 100 p. 100?

M. Wodehouse: Mais qui supporte le risque de la faillite du premier évaluateur?

Le sénateur Kenny: Je ne connais pas la réponse mais je sais que la raison pour laquelle j'ai été voir le deuxième type, c'est que je voulais une bonne vérification du travail du premier.

Le sénateur Hervieux-Payette: Était-ce réellement une mauvaise évaluation ou bien y a-t-il eu une évolution du marché? Si vous aviez pris un troisième évaluateur, est-ce que le troisième vous aurait donné exactement la même réponse que les deux premiers?

Mme Neilson: Il aurait été bon pour le deuxième d'avoir demandé une troisième évaluation.

Le sénateur Hervieux-Payette: Mais supposons qu'après le fait, après que l'incident se soit produit, vous alliez voir un troisième évaluateur et, sans lui dire ce qui s'est passé, vous vous apercevez qu'il donne la même réponse, alors à qui est-ce la faute?

Mme Neilson: N'y a-t-il pas eu justement un jugement là-dessus?

M. Wodehouse: Oui. Le tribunal a jugé que le deuxième évaluateur a été négligent, mais pour revenir à ce que vous disiez, on aboutit à la question de savoir qui assume le risque de la partie qui a été négligente à 60 p. 100? La plus grande négligence était celle du premier évaluateur. C'est lui qui a effectué les calculs, qui a fait le gros du travail. Le deuxième évaluateur, en l'espace de deux ou trois jours, n'a fait que confirmer la méthodologie. La question se pose donc: qui, en pratique, doit assumer le risque de la faillite du premier évaluateur? Je pense que l'homme de la rue, si on lui posait la question, dirait que c'est la banque plutôt que le deuxième évaluateur.

Le sénateur Angus: Oui.

Le sénateur Kenny: Jacques dit pourquoi.

Le sénateur Angus: C'est une question d'équité.

Le sénateur Kenny: Pourquoi êtes-vous si convaincu, David?

Le sénateur Angus: Parce que je suis l'homme de la rue. Cela paraît disproportionné. Voilà pourquoi.

Mme Neilson: Si je suis l'homme de la rue, comme vous dites, et si je vais engager mon deuxième évaluateur, parce que je suis une personne prudente...

Le sénateur Kenny: Vous êtes le type d'homme qui porte à la fois ceinture et bretelles.

Mme Neilson: Oui, ceinture et bretelles. Je veux que le deuxième évaluateur évalue la théorie de mon premier; je ne veux pas qu'il se contente de cocher des cases, un point c'est tout. Je veux qu'il fasse une vérification véritable. Donc, si mon premier évaluateur fait faillite, je vais voir mon deuxième et je lui dis: «Désolé, mais je vous ai engagé pour vérifier le travail de cette personne. La raison pour laquelle j'ai été amené à le faire est une autre question, mais puisque je l'ai fait, je m'attends à ce que vous m'indemnisiez».

Le sénateur Kenny: Votre raisonnement ne tient pas, vu la nature du plaignant dans ce cas précis.

Le président: Vous contestez les 30 p. 100, mais la question n'est pas de savoir si ce devrait être 30 p. 100 ou 50 p. 100. La question est de savoir si ce devrait être moins de 100.

Mme Neilson: Une question plus vitale concerne l'assurance. Supposons que j'ai deux évaluateurs, l'un qui est assuré et l'autre qui ne l'est pas, et je choisis de poursuivre le deuxième uniquement parce qu'il est assuré. Voilà le problème réel pour les six gros cabinets, voyez-vous. Il peut y avoir d'autres coupables, mais il est trop compliqué de les poursuivre.

M. Wodehouse: C'est l'un des problèmes. Un autre est de savoir s'il devrait être responsable à 100 p. 100.

Le président: La responsabilité est le problème. Ensuite, on peut discuter des chiffres.

Le sénateur Kenny: Quelle part de responsabilité le premier évaluateur aurait-il dû assumer s'il avait été solvable; est-ce 100 p. 100?

Mme Neilson: Je dirais 50 p. 100.

Le sénateur Hervieux-Payette: Oui, au moins 50 p. 100.

Le sénateur Kenny: Non, à supposer qu'il ait été seul.

Le sénateur Angus: Ce serait 100 p. 100.

Mme Neilson: Oui, 100 p. 100, s'il n'y en avait qu'un.

Le sénateur Kenny: S'il y a un évaluateur, c'est 100 p. 100, et le plaignant à ce stade est entièrement indemnisé. Mais ce plaignant s'est muni à la fois d'une ceinture et de bretelles, ai-je bien saisi? Autrement dit, il se montre très prudent et s'adresse à un deuxième évaluateur pour vérifier le travail du premier. Cependant, par cette mesure de prudence supplémentaire, il se retrouve moins bien loti.

M. Wodehouse: Non, pas du tout.

Le sénateur Angus: Bien sûr que non. Il reçoit exactement la même chose. Il touche 100 p. 100.

M. Wodehouse: Il touche les mêmes 100 p. 100. Il s'en tire en fait mieux, car dans le scénario que nous considérons, qui est une situation réelle, le premier a fait faillite; par conséquent, en s'adressant à un deuxième, le plaignant s'en tire mieux, même s'il y a proportionnalité.

Mme Neilson: Il touche au moins 50 p. 100.

M. Wodehouse: Il touche au moins 50 p. 100, alors qu'autrement il n'aurait rien.

Le sénateur Angus: J'aimerais revenir à la question de l'assurance des avocats. Vous avez indiqué que vers le milieu des années 80, le marché s'est asséché et qu'il était impossible de souscrire une assurance. Vous avez dit que c'était un réel problème pour les professions libérales en général. Mais, d'après ce que je peux voir, les avocats disposent aujourd'hui de quantités d'assurance. Il y a l'assurance obligatoire. La plupart des ordres d'avocats du monde occidental ont un régime d'assurance obligatoire, et il y a ensuite la couverture complémentaire. Dites-vous qu'au Royaume-Uni cette dernière est assurée surtout par des mutuelles?

M. Wodehouse: Non, pas surtout.

Le sénateur Angus: S'agissant de ces 371 cabinets, jusqu'à quel montant va-t-elle?

M. Wodehouse: Les gros cabinets achètent une assurance jusqu'à 200 millions de livres.

Le sénateur Angus: C'est ce que l'on nous a dit ce matin. Jusqu'où allez-vous?

M. Wodehouse: Nous offrons un maximum de 4,5 millions de livres. C'est surtout dans le cadre du «neuf sur un». Notre maximum est de 50 p. 100, neuf sur un.

Le président: Qu'entendez-vous par «neuf sur un»?

M. Wodehouse: C'est 9 millions de livres, au-delà de 1 million de livres.

Le président: Et vous ne payez que la moitié de cela?

M. Wodehouse: Oui. Soit dit en passant, ce n'est pas juste de la propagande, car après 10 ans la déclaration du président de la SIMIA énonce la raison d'être de l'association et son action passée, et c'est une pure coïncidence que nous cherchions à vendre la SIMIA au Canada. Mais vous voudrez peut-être ajouter quelque chose à cela, sénateur Angus.

Le sénateur Angus: Non, je vous laisse faire. Voici les particularités de mon cabinet, sur cette feuille.

M. Wodehouse: Nous les connaissons déjà; vous êtes venu nous voir. Quoi qu'il en soit, ceci explique pourquoi la SIMIA a été créée et ce qu'elle fait.

Le sénateur Angus: Michael Payton? C'est suffisamment effrayant d'avoir affaire à lui.

Mme Neilson: Connaissez-vous Michael?

Le sénateur Angus: Est-ce que je le connais? Est-ce que je le poursuis en justice?

Mme Neilson: Je dois intervenir ici, car ce chiffre de 200 millions de livres ne cesse d'être brandi, et on nous dit qu'il est possible d'acheter une couverture supérieure à 200 millions de livres, si on le veut vraiment.

M. Wodehouse: Oui, j'en suis sûr.

Mme Neilson: Très bien. Je ne fais que le signaler.

M. Wodehouse: J'utilisais ce chiffre comme l'équivalent de la stratosphère, plutôt que comme un plafond littéral.

Mme Neilson: Mais il montre que les avocats britanniques ont quantité de possibilités de s'assurer. Il y a eu à un moment donné beaucoup de réclamations présentées aux États-Unis.

Le sénateur Angus: C'est toujours le cas.

Mme Neilson: C'est toujours le cas, mais elles commencent maintenant à un niveau d'attaque beaucoup plus élevé. C'est environ 90 millions de livres à l'échelle mondiale.

M. Wodehouse: Nous avons dû prendre une assurance supplémentaire pour la SIMIA cette année, car le principal souscripteur donnait une couverture américaine de niveau américain et nous avons dû suivre. C'est un marché difficile.

Mme Neilson: Parce que vous êtes obligé de tout suivre.

M. Wodehouse: Cela n'a rien à voir avec le risque.

Le sénateur Angus: Lorsque vous dites «souscripteur principal», parlez-vous là des autres 4,5 millions de livres et de l'excédent?

M. Wodehouse: Oui.

Le sénateur Angus: Y a-t-il donc une clause de substitution? J'entends, par exemple, pour la SIMIA. Si le fonds d'indemnisation des avocats ne couvre pas ou s'il y a quelque problème, est-ce que vous vous substituez tous à lui comme assureur de deuxième risque ordinaire?

M. Wodehouse: Non.

Le sénateur Angus: Mais les gros au-dessus de vous le font?

Mme Neilson: Non. Il y a une clause de substitution en cas d'épuisement des limites, mais il est difficile d'épuiser les limites puisqu'il n'y a pas de limite globale, seule une limite par réclamation; il n'y a pas de couverture de risque inhabituel, si bien que si le fonds d'indemnisation des avocats ne couvre pas, alors c'est la couverture complémentaire qui intervient.

Le sénateur Angus: Donc, en d'autres termes, il n'y a pas de police d'assurance sur mesure? Les mêmes conditions s'appliquent à tous?

M. Wodehouse: Oui, en théorie.

Mme Neilson: Cela dépend du cabinet.

Le sénateur Angus: C'est pourquoi nous ne sommes pas intéressés. Je savais qu'il y avait une raison.

M. Wodehouse: C'est censé être un seul et même instrument d'assurance. En réalité, au fur et à mesure que les grandes compagnies deviennent de plus en plus complexes, toutes sortes de choses émergent, mais en principe ce n'est qu'une seule vaste couverture d'assurance.

Le sénateur Angus: Est-ce que la SIMIA se réassure?

M. Wodehouse: Oui.

Le sénateur Angus: Sur le marché de Londres?

M. Wodehouse: Principalement, oui.

Mme Neilson: Mais je dois signaler qu'il y a un ou deux cabinets qui peuvent acheter une couverture pour risque inhabituel. Cela dépend des talents de votre courtier, bien entendu.

Le sénateur Angus: C'est juste. C'est un domaine pas mal intéressant. Pour laisser de côté les avocats, l'une des raisons, Hugh, pour lesquelles nous vous avons demandé de venir aujourd'hui est d'essayer d'obtenir une vue un peu équilibrée. Les comptables, en général, nous ont fait un gros numéro de vente. Nous avons pu déterminer que c'est clairement un problème propre aux six grands. Ce matin, il est apparu que c'est un problème insolvable. Ce sont des gens qui sont fondamentalement inassurables. Pourquoi le législateur devrait-il s'en préoccuper? Nous recommandons la politique publique au législateur canadien. Nous dirons: «Voyez, il y a un problème commercial de quelque sorte; nous ne pensons pas que la responsabilité conjointe et solidaire ou la responsabilité proportionnelle soit la solution, mais il y en a peut-être une.»

Selon votre expérience, y a-t-il quelque chose sur quoi nous devrions nous concentrer?

M. Wodehouse: Je pense qu'il y a deux choses. Si vous prenez les comptables, par exemple...

Le sénateur Angus: Nous avons demandé à l'Association du barreau de venir et elle nous a répondu: «Nous n'avons pas de problème».

M. Wodehouse: Elle n'a pas de problème; elle est couverte de haut en bas. Le problème que j'ai, c'est de dire aux c.r. quel montant d'assurance est raisonnable.

Le sénateur Angus: «Ne leur montrez pas des poches trop profondes», c'est là ce que vous leur dites, je suppose?

M. Wodehouse: Non, pas du tout. Plutôt l'inverse.

Mme Neilson: Parlez-vous là des avocats plaidants?

M. Wodehouse: Je parle ici des avocats plaidants, pas des avocats-conseils. Ceux-là sont très différents. Nous nous adressons là aux ténors du barreau spécialisés en droit commercial, qui pourraient théoriquement commettre des erreurs coûtant 100 ou 200 millions de livres. Le conseil que je leur donne, c'est que leur couverture ne doit pas être faible au point d'être provocante.

Le sénateur Angus: Estimez-vous qu'ils sont davantage exposés que les avocats-conseils?

M. Wodehouse: Non.

Le sénateur Angus: À mon sens, c'est plutôt l'inverse.

Le sénateur Kenny: Dites-moi ce que vous entendez par «niveau faible au point d'être provocant»?

M. Wodehouse: Voilà ce que j'entends par là. Prenons un c.r. de haut niveau spécialisé en droit commercial. Il pourrait causer une perte de montant incalculable, prenez n'importe quel numéro de téléphone pour la chiffrer. Je dis que dans le marché d'aujourd'hui il ne devrait pas souscrire une assurance inférieure à 10 millions de livres. Je lui dis ceci: «Si vous encourez une perte de 50 millions de livres et que vous avez 10 millions de livres de couverture», ce qui est raisonnable dans cette profession et convient à un particulier, «il y a des chances pour que la tierce partie ou le codéfendeur va accepter un arrangement pour 10 millions de livres. Cependant, si vous ne vous couvrez que pour un montant absurde, tel que 2 ou 2,5 millions de livres, sans assurance complémentaire, il dira: «Bon Dieu! Pourquoi le laisserais-je s'en tirer sans assurance?» et il réclamera un million ou deux de plus et vous mettra en faillite».

C'est le seul conseil que je puisse donner, car vous ne pouvez définir une couverture adéquate pour un spécialiste de droit commercial, car Dieu sait ce qu'elle devrait être.

Mme Neilson: On ne peut pas les poursuivre pour grand-chose.

M. Wodehouse: Les avocats-conseils sont en première ligne. Mais les avocats plaidants peuvent être poursuivis aussi.

Le sénateur Angus: Pourquoi? Je ne vois pas pourquoi.

M. Wodehouse: Eh bien, tout d'abord, les motifs d'immunité sont en train de rétrécir et, deuxièmement, si vous prenez par exemple les avocats fiscalistes, ils plaident très peu.

Le sénateur Angus: Les fiscalistes, dites-vous?

M. Wodehouse: Oui. Ils plaident très peu. Ce sont les types qui inventent les montages fiscaux. S'ils se trompent, ils sont réellement exposés... et d'ailleurs, la distance entre se tromper et la négligence, en matière de fiscalité, est presque invisible.

Le sénateur Angus: Je pensais que c'étaient des avocats-conseils qui faisaient ce travail. Mais je vois que ce sont les plaidants.

M. Wodehouse: C'est-à-dire qu'ils sont avocats plaidants, mais en fait bon nombre des avocats fiscalistes ne mettent pratiquement jamais les pieds en tribunal. Ils sont donc extrêmement exposés, mais le fait est qu'ils sont aussi extraordinairement compétents.

Le président: Juste pour en revenir à la question de David, si l'on élimine, aux fins de la discussion, les deux extrêmes que sont la responsabilité conjointe et solidaire et la responsabilité proportionnelle, avez-vous des idées sur ce qui pourrait marcher ou qui serait raisonnable dans la zone intermédiaire?

M. Wodehouse: Je pense que nous revenons là au point de départ. Si vous avez une espèce d'espace intermédiaire entre la responsabilité proportionnelle et la responsabilité conjointe et solidaire, cela revient à dire que si vous n'êtes responsable qu'à 25 p. 100 des pertes, dans le droit anglais actuel vous pouvez être amené à indemniser à 100 p. 100. Un compromis serait d'utiliser un multiple des honoraires touchés. On peut prendre une base de calcul numéraire ou bien un pourcentage, mais je préférerais la première solution, qui serait, par exemple, un multiple de l'honoraire payé. Ce n'est qu'une idée.

Le président: Vous auriez ainsi une espèce de règle empirique qui, bien qu'elle ne deviendrait pas une règle de droit et serait d'une certaine façon arbitraire, offrirait une sorte de compromis.

M. Wodehouse: Une règle arbitraire pourrait être que, si vous êtes responsable à moins de 50 p. 100, vous ne pourriez être amené à payer plus que 50 p. 100. Ce serait une possibilité. En d'autres termes, s'il y avait quatre parties négligentes dont deux en faillite, les deux autres se partageraient les 50 p. 100.

Le président: Oui.

M. Wodehouse: Mais le corollaire est qu'il pourrait ne pas y avoir suffisamment de parties obligées de payer, auquel cas le plaignant ne serait pas intégralement indemnisé.

Le président: Le problème se ramène réellement à ceci: faut-il indemniser intégralement le plaignant, ou bien faut-il renoncer au principe que le plaignant soit indemnisé.

M. Wodehouse: Tous les plaignants doivent être indemnisés, oui.

Le président: Bien, et votre proposition initiale consiste à diviser les plaignants en deux catégories, d'une part ceux qui doivent être indemnisés intégralement parce qu'ils sont naïfs.

Le sénateur Angus: La veuve et les orphelins.

Le président: Oui, la veuve et les orphelins et, d'autre part, ce que j'appelle les adultes consentants, qui n'ont pas à être indemnisés intégralement.

Mme Neilson: Mais nous ne savons même pas si la distinction entre société publique et privée règle le problème, parce que si vous prenez...

Le président: Cette distinction ne suffit pas.

Mme Neilson: Si vous prenez Donald Trump comme exemple, est-il une partie innocente?

Le président: La distinction entre société publique et privée ne règle pas le problème.

M. Wodehouse: Non. Nous ne pouvons pas définir les entités, mais nous savons à qui nous pensons.

Le président: La réponse est donc que nous devons trouver une façon d'opérer une distinction...

M. Wodehouse: Il faut une distinction entre les deux, mais qui sera toujours malaisée à la marge.

Le président: En politique, il faut faire ces jugements et trouver quelque chose qui se défend à peu près dans le contexte général; et nous disons en fait que l'intérêt public est peut-être un élément de compromis entre les deux.

M. Wodehouse: Oui, c'est juste. Je veux dire que vous êtes mieux placé pour le savoir que moi.

Le président: C'est l'intérêt public au sens le plus large du terme.

M. Wodehouse: Lorsque vous rédigez une loi, ce sont les 2 p. 100 de zone grise qui causent 95 p. 100 du problème. Nous savons parfaitement bien de quel côté se situent 95 plaignants sur 100; ce sont les cinq autres cas qui causent le problème.

Le sénateur Kenny: Il serait intéressant de mettre cela à l'épreuve à la lumière d'un éventail de cas potentiels.

Le président: De définitions potentielles.

Le sénateur Kenny: Pas seulement de définitions potentielles, mais de cas potentiels, dont il existe une pléthore chez les comptables.

Le président: En d'autres termes...

Le sénateur Kenny: Le prix et la sensibilité.

Mme Neilson: Comment définiriez-vous ce plaignant en particulier ou ce groupe de plaignants en particulier?

Le président: C'est intéressant. Cela revient à dire que nous devrions remonter dans le passé et considérer les jugements antérieurs.

Le sénateur Kenny: Oui, et procéder à quelques analyses de sensibilité.

Le président: Nous pourrions examiner un certain nombre de décisions et de règles mises en jeu par elles, et déterminer ce qui serait arrivé si notre règle avait été appliquée. Nous pourrions faire cela.

Le sénateur Kenny: Par ailleurs, y a-t-il là quelque élément de justice? Si on retient cela, ce sera une justice grossière dans tous les cas, mais cela vaudra peut-être mieux que pas de justice du tout.

M. Wodehouse: Elle est pas mal grossière en ce moment.

Le président: Sur la question de savoir où tirer la ligne, en 1975, lorsque nous débattions au Cabinet de la peine capitale, que nous avons fini par abolir, le débat durait depuis longtemps et les ministres éprouvaient de véritables cas de conscience; le vice-premier ministre de l'époque a résumé le débat et s'est tourné vers le premier ministre en disant: «Monsieur le premier ministre, en tant que Cabinet libéral, la raison pour laquelle nous avons tellement de difficulté avec cette question est qu'aucun d'entre nous ne trouve de façon de pendre à moitié quelqu'un». D'une certaine façon, soit il faut le faire, soit ne pas le faire.

Le sénateur Kenny: Nous avons donc fait appel à la canne.

Le président: Mais cette notion de pendre à moitié m'est toujours restée à l'esprit comme dilemme très intéressant pour ceux d'entre nous qui cherchent des compromis.

M. Wodehouse: On ne peut pas pendre à moitié.

Le président: Justement.

Le sénateur Hervieux-Payette: C'est également très difficile lorsqu'on s'aperçoit 20 ans après qu'il n'était pas coupable.

Mme Neilson: Particulièrement pour le pendu.

Le sénateur Kenny: Il obtient réparation. Il s'agit seulement de savoir de quel montant.

Le président: Je pense qu'il est temps de clore la discussion. Nous avons d'autres témoins à entendre.

Monsieur Wodehouse, madame Neilson, nous vous sommes très reconnaissants d'être venus nous voir cet après-midi. Vous pouvez voir l'ampleur du problème avec lequel nous nous débattons. Ce semblait être un si petit gland, mais il s'est mué en chêne assez impressionnant; il a acquis de nouvelles dimensions, mais je pense que vous nous avez grandement éclairés.

M. Wodehouse: Il y a certainement des changements à apporter. J'espère que vous réussirez.

Le sénateur Angus: Et n'oubliez pas la chemise brune, Hugh. Vous ne savez jamais ce que vous pourriez y trouver.

Le sénateur Kenny: Nous avons également apprécié la publicité.

M. Wodehouse: J'espère que vous l'entendrez de nouveau.

Le président: Merci de toute votre aide.

Nous allons entendre maintenant M. Nick Rudnai et M. Alastair Speare-Cole, de Alexander Howden, M. Richard Painter, de Reed Stenhouse et M. Peter Christie, de Minet Limited.

M. Nick Rudnai, Alexander Howden: Alastair parlera du marché de la réassurance, de la réassurance par traité et des mécanismes de réassurance, du fonctionnement du marché et des particularités de celui-ci s'agissant d'indemnisation professionnelle en particulier, si cet aspect vous intéresse. La deuxième chose dont nous traiterons, aussi brièvement que nécessaire, est la PAC.

Le président: Qu'est-ce que la PAC?

M. Rudnai: La protection des avoirs contre une catastrophe.

Le président: Heureusement, ce n'est pas ce que je pensais.

M. Rudnai: En cas de réclamation pour faute professionnelle d'ampleur catastrophique, excédant le plafond de l'indemnité professionnelle, comment protéger les avoirs personnels de l'associé exposé, dont la maison et la voiture sont en jeu?

Le président: Vous pourriez peut-être commencer par là.

Le sénateur Kenny: Autrement dit, les mettez-vous à l'abri?

M. Rudnai: Oui.

Le président: Tout comme la constitution d'une société à responsabilité limitée réglerait le problème.

M. Rudnai: Exactement.

J'ai apporté avec moi divers documents que je peux vous distribuer, si vous le souhaitez.

Le président: Nous les prenons volontiers.

M. Rudnai: La PAC est un mécanisme que nous avons mis sur pied il y a quatre ou cinq ans pour répondre aux besoins de certains de nos clients et des clients d'autres courtiers préoccupés par l'éventualité que des réclamations contre eux n'excèdent leur plafond d'indemnité professionnelle et inquiets de ce qui leur arriverait personnellement s'ils devaient payer ces indemnités. L'un des dilemmes était de déterminer quel montant d'assurance une société de personnes prudentes devrait acheter. Vous pouvez penser que vous avez les moyens de vous assurer pour 20 millions, mais devriez-vous plutôt acheter une assurance pour 40 millions ou 60 millions ou 80 millions? Il n'y en a jamais trop. On peut dire également que ce n'est pas quelque chose qui est particulièrement adapté aux gros cabinets comptables et cetera, car l'utilité dans leur cas est limitée.

M. Peter Christie, Minet Limited: Ils mettent en place une protection similaire par le biais de fiducies.

M. Rudnai: Oui. Nous avons essayé de constituer un mécanisme qui offrirait une couverture de faible coût, l'intention étant d'offrir aux associés le type de prime qu'ils paieraient, par exemple, pour couvrir leur voiture ou leurs effets personnels. La couverture n'est déclenchée qu'en cas de réclamation indemnisable en vertu d'une police d'indemnisation professionnelle avec des limites situées, mettons, entre 250 000 livres jusqu'à 1 million de livres. Ces limites sont en rapport avec la valeur des avoirs personnels des assurés, tels que leur maison et leur voiture.

Le sénateur Kenny: Comment cette couverture échappe-t-elle au filet, puisqu'elle n'apparaît qu'une fois un règlement effectué?

M. Rudnai: C'est juste. Le déclencheur est une réclamation valide aux termes d'une police IP.

Le sénateur Kenny: Une fois déterminés tous les avoirs qu'ils possèdent?

M. Rudnai: C'est juste.

Le sénateur Kenny: Comment évite-t-on que cette police soit englobée dans leur patrimoine?

M. Rudnai: C'est précisément le problème. Le premier problème a surgi lorsque nous avons demandé l'avis des avocats. Ils ont dit: «Excellente idée, mais, en théorie, la loi dit que cette police devient un avoir additionnel de l'associé, par conséquent, vous ne réglez pas le problème». Pour contourner cette difficulté, nous-mêmes et d'autres courtiers avons été amenés à vendre la police au conjoint, et cela est devenu un obstacle majeur.

Le sénateur Hervieux-Payette: Ils doivent donc se marier, et c'est une bonne chose.

Le sénateur Kenny: Non, non, ils doivent rester mariés. Mettons les choses en perspective.

M. Rudnai: C'était l'inconvénient.

M. Christie: Que faites-vous avec des partenaires de même sexe?

M. Rudnai: Nous avons esquivé cet écueil. Nous avons reçu des quantités d'appels téléphoniques de gens disant: «Nous aimerions le faire, je vis dans une relation stable avec mon amie. Je suis avocat et je pense qu'en droit nous sommes considérés comme un couple. Pourquoi, dans ces conditions, ne pouvons-nous bénéficier de cette assurance?» Mais le mécanisme prévoyait très clairement qu'il fallait que ce soit un conjoint, car nous devions bien partir de quelque part.

Mme Harrison: Vous n'avez pas la notion de concubinage ici?

M. Rudnai: C'est exactement ce que disaient ces personnes, qu'elles avaient la durée de cohabitation légale requise. En gros, ils disaient: «Nous avons droit à cette assurance au même titre qu'un couple normal».

M. Christie: Apparemment, les assureurs sont membres de la majorité morale.

Le sénateur Kenny: Dites-nous comment vous avez contourné le problème.

M. Rudnai: Il nous a fallu simplement émettre une police au conjoint pour ses droits assurables sur les avoirs de son partenaire. Supposons que le partenaire soit un homme et le conjoint une femme. Nous émettions la police au nom de la femme, laquelle devait payer la prime.

Le sénateur Kenny: Pourquoi l'homme ne mettait-il pas tous ses biens au nom de sa femme, tout simplement? Pourquoi vous payer une prime?

M. Rudnai: Si je saisis bien, les créanciers pourraient alors saisir les avoirs du conjoint, en tout cas s'ils avaient été transférés au cours des cinq dernières années, et réclamer également un pourcentage de ces avoirs.

M. Christie: Pourquoi l'assurance n'est-elle pas considérée comme un avoir du conjoint?

M. Rudnai: Je ne connais pas la réponse à cela. Légalement, ce n'est pas le cas.

M. Smith: Parce que ce n'était pas un transfert. Les règles de faillite et cetera interviennent lorsque les avoirs ont été transférés entre conjoints à l'intérieur d'une certaine période de temps.

Le sénateur Kenny: Cette période est de cinq ans au Canada.

Mme Smith: Les règles diffèrent selon le moment du transfert. Si le transfert est intervenu dans les 12 mois avant la faillite, il est réputé ne pas avoir eu lieu. S'il est intervenu plus de 12 mois avant mais moins de cinq avant, le syndic de faillite a le droit de le contester.

M. Christie: C'est un point intéressant. Si l'on assurait les avoirs du failli à l'intérieur de la période de transfert et versait ensuite le montant de l'assurance au conjoint...

M. Rudnai: Pour être franc, Peter, je pense que la façon dont le produit fonctionnait était une entourloupette. Ce que nous voulions, c'était protéger l'associé, non le conjoint, ce qui aurait exigé une modification de la loi de manière à autoriser l'associé à souscrire une assurance pour protéger ses biens personnels à condition d'avoir une assurance-responsabilité professionnelle d'un montant raisonnable et avoir géré son cabinet aussi prudemment que possible, lorsqu'une réclamation aboutit.

Il y a là aussi un élément d'intérêt public du point de vue du créancier. Au lieu de recevoir la maison de quelqu'un, je préférerais que l'on me paie la valeur de la maison. Je ne tiens pas réellement à subir le pensum de saisir 50 maisons de 50 associés et d'essayer de les vendre. S'il y a quelque part un paquet d'argent liquide, payez-moi simplement la valeur de la maison.

Nous pensions avoir une bonne argumentation, mais les avocats, dans leur sagesse, nous ont dit: «Non. Excellente idée, mais cela ne marchera pas». La seule raison pour laquelle nous en parlons ici aujourd'hui est que vous avez demandé des idées nouvelles sur toute cette question de la responsabilité professionnelle. Si, tout compte fait, vous décidez qu'il n'y a pas de façon viable de limiter la responsabilité des associés, vous pourriez au moins envisager une façon de protéger les avoirs personnels d'un associé.

Il y a certainement là un mécanisme possible. Pour que le produit devienne vendable, la loi devrait être telle que cette police ne soit pas considérée comme un avoir conditionnel.

Le président: Est-ce que le PAC ne peut pas fonctionner pour un célibataire?

M. Rudnai: Selon la loi actuelle, cela ne peut fonctionner que pour des gens mariés.

M. Christie: C'est facile à régler. Il suffit de se marier.

Le sénateur Angus: Ce n'est pas une solution.

M. Rudnai: Si la loi était modifiée de façon à permettre que la police indemnise l'associé ou verse à tout créancier la valeur des biens personnels de l'associé sans que la police elle-même soit considérée comme avoir supplémentaire, alors ce mécanisme serait disponible à tous indépendamment de la situation matrimoniale.

Le président: Dans sa forme actuelle, c'est hautement discriminatoire.

M. Rudnai: Selon la loi actuelle, c'est impossible.

Le président: La PAC ne fonctionne pas?

Le sénateur Kenny: Non, parce qu'il n'y a pas de rameau. Mais, s'il y avait un rameau, ce serait discriminatoire.

Le président: Qu'entendez-vous par «rameau»?

Le sénateur Kenny: Une petite branche de la loi qui permettrait que cela se fasse; voilà le rameau.

Mme Harrison: C'est la raison pour laquelle vous avez concocté ce mécanisme artificiel passant par le conjoint.

Le président: Il doit y avoir quelque chose qui m'échappe. Je saisis bien comment fonctionne la PAC, mais me dites-vous que la PAC n'existe pas?

Le sénateur Kenny: La PAC ne fonctionne pas.

M. Rudnai: La PAC pourrait exister demain si elle pouvait être commercialisée simplement. Le problème que nous avons rencontré...

Le président: Vous ne pouvez dégager de profit en vendant cette assurance aux conjoints?

M. Rudnai: Exactement.

Le président: C'est l'élément qui me manquait.

M. Rudnai: Le genre de prime dont nous parlions était ce que paieraient les conjoints, individuellement. Si une association achetait pour 5 millions de livres d'assurance-responsabilité professionnelle, et si les associés voulaient assurer des avoirs personnels à hauteur de 500 000 livres, il allait leur en coûter 345 livres.

Le président: Par avocat?

M. Rudnai: Oui, et c'était une police personnelle émise au nom du conjoint. Mais pour vendre cette police d'assurance personnelle, cela signifiait que nous devions parler au conjoint, discuter des options avec le conjoint, discuter des produits avec le conjoint. Peut-être le conjoint ne connaissait-il rien aux affaires juridiques ou financières et avait besoin de quantité d'explications. L'associé lui-même devait intervenir dans le processus, et tout cela pour une prime de 300 ou 340 livres.

Le président: Cela n'en vaudrait pas la peine.

M. Rudnai: Cependant, si la loi permettait que la police soit vendue directement à l'associé, nous pourrions alors prendre langue non pas avec les associés individuellement, mais avec la société. Nous pourrions aller voir le cabinet et dire: «Vous avez 40 associés; voilà ce que nous proposons». Cela ne représenterait toujours pas beaucoup d'argent pour nous, mais au moins ce serait un produit que nous, Minet ou quiconque d'autre pourrait vendre de façon viable.

M. Christie: Dans nos discussions avec les six grands, y compris au Canada, ils sont parvenus à la même conclusion, que cela n'était pas une protection.

M. Rudnai: Le problème avec les très gros cabinets -- et c'est pourquoi je ne suis pas certain que cela puisse marcher avec les grosses sociétés -- est qu'une fois que vous avez une réclamation au titre de l'assurance-responsabilité professionnelle, si vous attaquez l'un des associés, vous les attaquez tous. Avec un gros cabinet de 100 ou 150 associés, chacun couvert à hauteur de 1 million de livres, l'assurance est exposée à un risque global de 150 millions de livres.

Du fait que a) ce n'est pas un régime obligatoire et b) une assurance plutôt difficile à vendre, les primes dégagées ne suffisaient pas à offrir ce genre de couverture globale.

Le sénateur Kenny: Il faudrait pratiquement vendre cette assurance au Barreau tout entier.

M. Rudnai: S'il était légal de la vendre aux sociétés, alors on pourrait démarcher celles-ci. Cela deviendrait alors un programme que l'on pourrait recommander non seulement au Canada, mais partout dans le monde.

M. Christie: Cela supposerait une modification assez considérable de la loi, car cela reviendrait à dire que les biens de quelqu'un placé en faillite ne seraient pas exposés à risque parce que la personne aurait acheté un montant d'assurance égal à la valeur de ses avoirs.

Le sénateur Hervieux-Payette: Si la personne est assurée pour 500 $ et qu'elle doit plus que cela, tout est perdu sauf un montant nominal permettant de redémarrer.

M. Rudnai: La personne pourrait s'assurer pour plus que 500 $. Elle pourrait s'assurer pour la valeur de son patrimoine.

Le sénateur Angus: Mais elle ne ferait pas faillite.

Le sénateur Kenny: Il me semble que cela revient à cacher en quelque sorte un avoir.

Mme Harrison: Mais à qui cela porterait-il préjudice? Le plaignant reçoit la valeur des biens, parce que la compagnie d'assurance lui paie les 500 000 $.

M. Christie: Si une société achète pour 100 millions de dollars d'assurance et est condamnée à payer 200 millions de dollars, pourquoi ne pourriez-vous pas dire tout aussi bien que, une fois payés les 100 millions, elle n'est pas responsable des 100 millions suivants?

Le sénateur Kenny: Parce qu'elle a acheté quelque chose d'autre de valeur.

M. Christie: Elle a accru ses avoirs.

M. Rudnai: Je pense que, d'une certaine façon, vous abordez cela selon l'optique de votre client, les six grands. Nous abordons cela du point de vue plus large d'un groupe de professionnels qui ne savent pas réellement quelle limite d'assurance-responsabilité professionnelle ils doivent acheter.

M. Christie: Je ne parlais pas de la question de savoir si c'est une bonne ou une mauvaise chose que d'acheter une telle assurance. Je réfléchissais aux changements qu'il faudrait apporter à la loi pour que ce devienne possible. Il faudrait une modification majeure de la législation sur la faillite.

M. Painter: Dans le cas d'une société à responsabilité limitée, les avoirs sont plafonnés. En autorisant les associés à acheter une assurance, vous augmentez les avoirs.

M. Christie: Selon les six grands, ils n'ont pas besoin de cela dès lors qu'ils ont la responsabilité limitée.

M. Rudnai: N'oubliez pas que cela pourrait également agrandir le pot. Si je suis associé, dans le régime actuel de responsabilité illimitée, je vais faire tout mon possible pour cacher mes biens. Je vais les aliéner ou quelque chose du genre. Si je pouvais avoir une assurance m'offrant la garantie financière de ne pas perdre mes biens, il serait dans mon intérêt de rester dans la régularité. Ce mécanisme présente peut-être un intérêt public de ce point de vue, en ce sens qu'il mettrait davantage d'argent dans le pot, plutôt que moins.

Le sénateur Hervieux-Payette: Mais je n'irais pas jusqu'à une couverture illimitée. Je vois cela un peu comme l'autorisation de conserver un minimum de biens en cas de faillite, de façon à pouvoir dormir dans un lit, et cetera.

Le sénateur Kenny: Différentes personnes ont des besoins différents.

M. Christie: Cette idée pourrait s'appliquer à toute faillite, déclarée pour n'importe quelle raison. Pourquoi tout le monde ne pourrait-il pas protéger ainsi ses biens?

Le président: Pourquoi le limiter à quelques-uns?

Le sénateur Kenny: Vous avez dit tout à l'heure que la PAC ne serait pas intéressante pour les six grands parce qu'ils règlent le problème au moyen de fiducies. Très brièvement, de quelle manière les six grands règlent-ils ce problème?

M. Christie: L'idée -- et je pense qu'il a été convenu qu'elle marcherait -- est de créer une fiducie indépendante, avec des fiduciaires distincts, dont le seul but serait de faire une offre à un plaignant pour l'indemniser en échange de la renonciation à poursuivre les associés.

Vous avez des années pour accumuler des réserves dans la fiducie. Ensuite, si vous êtes poursuivi et que quelqu'un se présente à votre porte pour vous prendre votre maison, vous pouvez lui dire: «Vous pouvez entamer cette longue procédure judiciaire qui va nous mettre en faillite, ou bien il y a là ce fonds qui peut vous payer tant. Cependant, les conditions de création de la fiducie sont a) qu'elle n'est pas un bien de la société et b) ses administrateurs ne peuvent vous payer que si vous vous engagez à ne pas nous poursuivre». À ma connaissance, personne n'a encore fait cela. Je ne puis imaginer pourquoi, car cela me paraît une excellente idée.

M. Rudnai: Nous avons envisagé cette solution pour la PAC, pour éviter d'avoir à vendre la police à un conjoint. Avec une prime aussi faible, le problème était le coût de la mise sur pied de fiducies individuelles pour des associés individuels, sachant que ces personnes peuvent également être poursuivies en leur nom personnel.

Le sénateur Kenny: Je ne comprends pas lorsque vous dites que la prime est si faible. C'est vous qui fixez la prime.

Le sénateur Angus: Les souscripteurs fixent la prime.

Le sénateur Kenny: C'est ce que je ne comprends pas. Lorsque vous dites que la prime est si faible, vous sous-entendez que si elle était de 500 livres au lieu de 300 livres, nul ne voudrait acheter cette assurance. Est-ce là ce que vous dites?

M. Rudnai: Absolument. Nous avons parlé à un certain nombre d'associés de petits et moyens cabinets qui ont dit que s'ils pouvaient obtenir ce produit pour un montant similaire à ce que coûte une assurance de voiture, ils l'achèteraient. Cependant, si la prime était supérieure, alors ils chercheraient un autre moyen ou se contenteraient de la couverture qu'ils ont déjà.

Le sénateur Kenny: Que paierait la même personne pour une assurance-vie, en supposant qu'elle soit âgée de 40 ans et ait deux jeunes enfants?

Le sénateur Angus: Et ne fume pas.

M. Rudnai: Je ne connais pas la réponse.

Le sénateur Kenny: Elle paierait bien 2 000 livres, n'est-ce pas?

M. Rudnai: L'assurance-vie, dans une certaine mesure, est considérée comme un placement. Normalement, vous l'achetez dans le cadre d'un programme d'investissement, plutôt que comme assurance-vie pure. Pour une assurance-vie pure, je suppose que ce serait de l'ordre de 20 ou 30 livres par mois.

Le président: Je propose que nous donnions la parole à M. Speare-Cole maintenant, pour parler de réassurance.

M. Alastair Speare-Cole, Alexander Howden: Il y a quantité d'aspects de la réassurance dont je pourrais vous parler longuement, mais je suis sûr que vous en avez déjà abordé un certain nombre dans le courant de vos entretiens d'aujourd'hui. Permettez-moi de commencer par vous donner un peu de contexte.

Le sénateur Angus: S'il vous plaît, ne tenez pas pour acquis que nous savons ce qu'est la réassurance, ce qu'est un traité de réassurance et comment il fonctionne. Expliquez-nous cela brièvement, en indiquant comment les assureurs primaires transmettent le risque.

M. Speare-Cole: Le marché de l'assurance londonien s'est développé de façon légèrement différente de celui de l'Europe continentale. À Londres, la structure qui s'est constituée autour de Lloyds est largement caractérisée par la coassurance, c'est-à-dire que vous avez de nombreux porteurs assumant de petites parts de risque.

Le sénateur Angus: Un marché de souscription?

M. Speare-Cole: Un marché de souscription, exactement. Le marché allemand, par exemple, est composé de compagnies d'assurance régionales qui ont besoin de transmettre des risques à des compagnies de réassurance centralisées, si bien qu'il y a une plus grosse proportion de réassurance.

La réassurance est un mécanisme soit de partage soit de transfert de risque et je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'entrer dans ces détails. Parfois, la réassurance n'est qu'une substitution de capital ou une façon de partager le risque: «Je ne puis conserver tout cela, je peux en garder 10 p. 100. Je dois souscrire le tout, alors allez-vous me prendre 90 p. 100 de tout ce que je souscris et vous aligner totalement sur moi?»

D'autres formes de réassurance sont une réassurance en excédent de pertes, c'est-à-dire que, en substance, le risque de catastrophe est extrait du portefeuille initial et placé auprès de réassureurs contre une prime de risque appropriée et, par conséquent, la masse du risque ordinaire et des primes ordinaires est conservée par l'assureur et un petit pourcentage, mais souvent assorti d'une très haute limite de responsabilité, placé auprès de réassureurs.

Le sénateur Angus: Qui n'ont pas de lien contractuel direct avec les assurés.

M. Speare-Cole: Absolument. De fait, une caractéristique de toute réassurance est qu'il n'y a pas de lien direct entre le réassureur et l'assuré. Il y a aux États-Unis, et dans une mesure moindre au Canada, des dispositions contractuelles qui permettent de court-circuiter un assureur failli, de telle façon que l'assuré puisse s'adresser directement au réassureur, mais c'est là une disposition contractuelle expresse plutôt qu'une condition implicite de la police d'assurance et du contrat de réassurance.

Le sénateur Angus: En l'absence d'une disposition de court-circuitage appropriée, l'assuré ne peut s'attaquer au réassureur?

M. Speare-Cole: Non.

Le sénateur Angus: Même en cas d'insolvabilité?

M. Speare-Cole: Si des réclamations de réassurance sont dues à la compagnie ou au cabinet devenu insolvable, ces dernières deviennent des avoirs généraux de cette liquidation. Elles augmentent d'autant la proportion des créances recouvrées par les créanciers de toute nature. Voilà comment fonctionne la réassurance.

Le sénateur Hervieux-Payette: Y a-t-il beaucoup plus d'assureurs que de réassureurs, sachant qu'il s'agit d'un marché à deux paliers?

M. Speare-Cole: En théorie, ce devrait être le cas. Cependant, ces dernières années, on a assisté à une prolifération de réassureurs. Par ailleurs, les grosses compagnies d'assurance se sont dotées de filiales de réassurance, si bien que le rapport n'est pas aussi extrême que vous pourriez l'imaginer.

Pour vous donner un chiffre au hasard, je pense qu'au Royaume-Uni, il y a une cinquantaine d'assureurs offrant une assurance automobile et probablement une quarantaine de réassureurs pour ces derniers. Par ailleurs, maintes compagnies d'assurance américaines, allemandes et françaises sont représentées ici. Il y a presque qu'un nombre égal d'assureurs aux deux paliers.

Le sénateur Kenny: Pourquoi une compagnie d'assurance automobile aurait-elle besoin d'un réassureur? N'est-ce pas là une activité à fort volume et à faible...

Le sénateur Angus: Peut-être n'a-t-elle pas le capital.

M. Speare-Cole: Précisément; c'est la raison pour laquelle, dans bien des cas, elles achètent une réassurance. Le marché de l'assurance a connu récemment le décès très triste d'une personnalité connue, un certain Matthew Harding. Si Matthew Harding avait été tué dans sa voiture au retour de l'aéroport Heathrow plutôt que dans l'hélicoptère de Heathrow, et si quelqu'un en avait été responsable, il y aurait eu sans doute une note de 100 à 150 millions de livres à régler par un assureur, pour la perte de revenus futurs de M. Harding. Si vous avez un portefeuille original de 100 millions de livres de police d'assurance, un sinistre de 150 millions de livres peut vous mettre en faillite. Cela vous ferait passer certainement un sale moment.

Une caractéristique fondamentale de la réassurance est d'équilibrer le portefeuille original, de façon à en extraire le risque de catastrophe, permettant à l'assureur de se concentrer sur l'équilibre entre ses flux de revenus et le nombre d'unités de risque qu'il assure.

Le président: Parlez-nous de la réassurance du point de vue des professions libérales en général. Si vous avez quelque chose de précis concernant les comptables, nous serions ravis de l'entendre, mais vous pouvez nous parler aussi des avocats, des architectes ou d'autres professions libérales.

M. Speare-Cole: Les assureurs peuvent se diviser en deux ou trois catégories. Il y a ceux qui sont presque totalement indépendants de toute réassurance pour les montants qu'ils assurent, et ils peuvent assurer un membre de profession libérale ou un cabinet pour 5 ou 10 millions de livres. Il y en a d'autres qui opèrent à côté d'eux, offrant souvent une ligne de même montant. Le montant de ligne est un outil commercial plutôt que simplement...

Le président: Qu'entendez-vous par «montant de ligne»?

M. Speare-Cole: L'engagement qu'ils peuvent prendre à l'égard d'un cabinet donné. L'assureur A peut pouvoir souscrire une assurance de 10 millions de livres pour un cabinet; l'assureur B pourra offrir le double et l'assureur C la moitié seulement.

Les très grosses compagnies, les Signas et AIG de ce monde, peuvent se passer presque entièrement de réassurance car, dans le cadre de leur portefeuille d'ensemble, c'est un montant de sinistre qui n'est pas disproportionné par rapport à leur capital. Il y en a d'autres, en concurrence avec eux, qui ne peuvent le faire. Ce que je veux faire ressortir, c'est que le montant de ligne, c'est-à-dire l'ampleur de l'engagement que l'on peut prendre sur un risque unique, est souvent d'importance commerciale plutôt que simplement quelque chose de théorique.

Quelqu'un comme M. Rudnai ne placera pas des assurances pour des gens qui ont un montant de ligne trop faible car cela exige trop d'efforts. Cela suppose trop de visites, trop de négociations et tout le reste. Ce qu'il veut faire, c'est placer auprès du plus petit nombre de gens possible.

M. Rudnai: Les assureurs qui ont une ligne plus importante, que celle-ci soit pleinement réassurée ou...

Le président: Peu vous importe qu'ils soient réassurés ou non?

M. Rudnai: Je ne m'en soucie pas réellement, sauf que cela peut m'intéresser marginalement. Cela leur donnera plus de poids dans les négociations. Plus leur ligne est importante et plus ils seront susceptibles de m'influencer de par les conditions qu'ils pourront m'offrir, alors que s'ils se limitent à leur ligne nette, ils auront très peu d'influence sur moi car j'irais plutôt chercher du côté des plus gros qu'eux. Cela leur donne également une plus grande influence sur le plan de la souscription.

M. Speare-Cole: Ceux qui ont besoin de réassurance se réassurent et ceux qui n'en ont pas besoin ne le font pas. Ils viennent voir quelqu'un comme moi pour dire: «Alastair, j'entre dans cette nouvelle compagnie. Elle n'a jamais fait d'assurance- responsabilité professionnelle auparavant. Je veux pouvoir rédiger des polices pour 5 millions de livres. J'ai besoin de me tailler une place sur le marché. J'ai besoin d'une ligne de 5 millions de livres. Trouve-moi une réassurance par traité. Je peux probablement me permettre de garder un quart de million de livres moi-même par assuré».

Je lui cherche alors une couverture de risque d'environ 4,75 millions de livres en excédent de 250 000 livres, si bien que s'il a un sinistre...

Le sénateur Angus: Sur la prime payée pour la police complète?

M. Speare-Cole: Exactement. Mon client, l'assureur, rédige la ligne de 5 millions de livres. Il touche la prime, et j'en prends un pourcentage que je place sur le marché de la réassurance pour payer la couverture de ces 4,75 millions de livres en excédent de 250 000 livres. S'il a un sinistre de 500 000 livres, il paie les premiers 250 000 livres et je vais chercher les 250 000 livres suivantes auprès des réassureurs.

Le problème, particulièrement en matière d'indemnité professionnelle, c'est qu'il y a un nombre relativement faible d'unités de risque. Il y a un nombre relativement faible de professionnels ou de cabinets de professionnels, par rapport au montant de primes qu'ils peuvent générer et des types de réclamations qu'ils peuvent produire. Par conséquent, c'est une branche d'assurance beaucoup plus volatile et moins prévisible que, mettons, l'assurance automobile, l'assurance personnelle ou même l'assurance de biens.

Beaucoup de réassureurs sont réticents à souscrire des assurances-responsabilité professionnelle. Un certain nombre de choses sont difficiles à juger, telles que les définitions d'événements. C'est une procédure complexe que de définir ce qui est englobé dans une seule et même réclamation de réassurance, ou même une seule réclamation d'assurance. Dans votre pays et dans le nôtre, il y a une jurisprudence contradictoire sur ce qu'est une erreur et omission, ou ce qui est une série d'erreurs et d'omissions connexes ou ce qu'est une série d'erreurs et d'omissions indépendantes.

Un avocat ou un comptable peut écrire à 200 personnes, disant: «J'aimerais vous faire une offre. Je pense que vous devriez investir dans ceci». Sur ces 200 personnes, 100 peut-être vont répondre immédiatement en envoyant un chèque. Fin de l'histoire. Cent autres vont appeler l'intéressé au téléphone pour demander conseil et demander: «Est-ce que cela cadre bien avec mon portefeuille de placements?», ou quelque chose du genre.

Je crois qu'en Australie, cela a été jugé par un tribunal comme constituant un événement séparé. Les personnes qui ont simplement envoyé leur chèque ont été considérées comme un événement, parce qu'elles ont reçu un mauvais conseil initial. Toutes les autres qui avaient demandé de plus amples renseignements ont été traitées comme événement séparé. Comment traitez-vous cela du point de vue de la réassurance? Les réassureurs diront: «Je vous règle un seul sinistre; les autres devront être couverts par votre quart de million». Le réassuré, pour sa part, dira: «Non, non, je veux que tout cela soit traité comme un seul événement».

Le sénateur Angus: Une seule transaction?

M. Speare-Cole: De nombreux avocats ont échoué à trouver une définition inattaquable de l'événement en matière d'indemnité professionnelle, et c'est cette définition qui détermine où commence la réassurance et où s'arrête le compte net. C'est là une branche d'assurance qui est très difficile pour les réassureurs. Je pense avoir mentionné également la volatilité et le petit nombre d'unités de risque par comparaison avec les indemnités potentielles.

Dans le monde de la bourse et des fusions et acquisitions, il y a un potentiel de pertes incroyable. Il est presque impossible, statistiquement, de prévoir avec quelle fréquence ces pertes peuvent survenir. En outre, ces pertes peuvent atteindre 400 millions de livres, 600 millions de livres ou même 1 milliard de livres.

Le sénateur Angus: C'est exactement le problème avec les comptables.

M. Speare-Cole: Absolument, et le réassureur est dans une situation beaucoup plus volatile, beaucoup plus vulnérable que l'assureur. Supposons que l'assureur touche 100 millions de livres de prime. Il se réassure uniquement pour les risques de catastrophe, et cela lui coûte probablement 10 millions de livres. Le réassureur supporte donc 90 p. 100 du risque de catastrophe pour 10 millions de livres de prime. Sa vulnérabilité est plus grande que celle de l'assureur, car il est moins en mesure de prédire la séquence des réclamations qui pourrait se présenter sur le marché canadien du conseil juridique ou de la comptabilité. L'assureur pourra conserver au moins une partie de la prime initiale; au contraire, le réassureur doit prendre en charge le sinistre très élevé qui peut se produire à faible fréquence.

Les réassureurs ne sont pas attirés par cette branche d'assurance. Vous allez tout de suite me demander: pourquoi ne peuvent-ils augmenter leurs prix et obtenir ainsi un meilleur rendement? En fin de compte, c'est le résultat d'un marché complexe qui détermine où l'attrait prend fin. Il me semble que le marché de l'assurance plus réassurance s'enraye aux alentours de 200 millions de livres. J'imagine qu'il y a des polices pour des montants supérieurs à 200 millions de livres pour les professions libérales, mais il devient extrêmement difficile d'ajouter 100 millions de livres de plus.

Le président: Vous parlez là de cabinets, non de personnes?

M. Speare-Cole: Par cabinet.

Le président: De ce point de vue, il est plus facile d'assurer et réassurer de petits cabinets car ces derniers -- et je songe là aux comptables -- ne sont pas de grosses compagnies de vérification et toute poursuite contre eux est peu susceptible d'atteindre un niveau stratosphérique. Ce ne sera pas un procès pour 1 milliard de dollars.

M. Speare-Cole: Pour vous donner un exemple de ce phénomène sous une forme différente: chaque été, nous avons une espèce de branle-bas sur le marché de Londres, lorsque les avocats renouvellent leur assurance-responsabilité professionnelle à compter du 1er septembre.

Le sénateur Angus: Pourquoi le 1er septembre plutôt que le 31 décembre?

M. Speare-Cole: Parce que c'est en rapport avec le régime obligatoire d'assurance-responsabilité des avocats et c'est devenu un événement assez traditionnel. Chaque année circulent quantité de rumeurs sur qui va faire quoi et quels seront les prix. Beaucoup d'argent flotte autour de cette date de renouvellement dans cette branche d'assurance, et toutes sortes de protections spéciales sont mises en place pour cela.

Les réassureurs mesurent leur accumulation de pointe dans un portefeuille d'indemnisation professionnelle en essayant de savoir combien de leurs clients assureurs, les compagnies d'assurance, ont de lignes particulières. Clifford Chance est l'étalon, car ce cabinet achète habituellement le plus gros montant d'assurance indemnité professionnelle. Le réassureur va aller voir tous ses assureurs et leur dire: «Dites-moi pour combien vous avez assuré Clifford Chance, afin que je connaisse mon exposition maximale pour une perte unique dans ce portefeuille».

C'est un phénomène extraordinaire. Par exemple, j'ai un client qui a une capacité de peut-être 10 ou 20 millions de livres et il attend et attend. Il n'utilise pas sa capacité jusqu'à ce que le courtier arrive en disant: «J'ai atteint 150 millions de livres et maintenant, je suis coincé». À ce stade, mon client lui dit: «Je peux vous aider» et il rédige une ligne en sus du chiffre que le courtier a déjà atteint et il demande une prime aussi élevée que ce cabinet est prêt à payer, ce qui est souvent plus que ce que touche le réassureur de niveau inférieur qui est pourtant plus exposé.

Le président: Et qui sera le premier à devoir payer?

M. Speare-Cole: Absolument. Plus vous montez dans l'échelle, plus cela devient coûteux. Ceux à qui il reste une capacité peuvent exiger un prix plus élevé. L'associé principal du cabinet qui achète l'assurance dira: «Il m'en coûte 100 000 livres pour passer de 150 à 160 millions de livres. Je veux maintenant passer de 160 à 170 millions de livres, et vous me demandez pour cela un quart de million de livres. C'est trop, je ne peux plus suivre». Vous pouvez voir comment la capacité de réassurance se dissipe.

Le sénateur Kenny: Est-ce purement le jeu de l'offre et de la demande?

M. Speare-Cole: Absolument.

Le président: À un certain moment, le coût marginal pour le cabinet devient suffisamment élevé pour qu'il préfère le risque au coût marginal.

M. Speare-Cole: Tout à fait.

Le président: Certains nous ont dit ce matin qu'ils ne voudraient pas assurer les cabinets comptables dans le climat actuel, et tous ont dit qu'ils ne toucheraient pas aux six grands.

Le sénateur Angus: Ils se sont déjà brûlé les doigts.

M. Speare-Cole: Il y a un autre aspect à cela. Nous avons parlé d'assurance comme si c'était une affaire annuelle. Mais si vous regardez une période plus longue, toutes les professions sont très vulnérables à une évolution de l'économie ou du cadre juridique qui les touche toutes en série. Une grosse récession signifie que des gens font faillite, et la première chose que font les actionnaires, c'est de chercher quelqu'un...

Le sénateur Angus: À poursuivre en justice.

M. Speare-Cole: Oui, et tous les comptables essuient des rafales de réclamations en un très bref laps de temps. La même chose est arrivée avec les évaluateurs immobiliers lorsque le marché immobilier s'est effondré; tout le monde s'en est pris aux évaluateurs. L'assurance des évaluateurs a coûté des millions aux assureurs en l'espace de deux ou trois ans.

Ceux qui offrent l'assurance indemnisation professionnelle sont vulnérables à une crise de ce genre. Je suis sûr que ceux qui ont dit qu'ils ne voulaient plus assurer les comptables non seulement se sont déjà gravement brûlé les doigts mais entrevoient peut-être quelque chose à l'horizon dans l'environnement socio-économique qui va déclencher une flambée de réclamations contre les comptables.

Le sénateur Angus: Permettez-moi de poser une question qui n'est pas en rapport avec cela, mais que je brûle de poser depuis toute la journée.

On a énormément parlé au Canada de la débâcle de la Banque Barings. Notre comité lui-même a été invité à se pencher sur cette situation. J'imagine que l'intégrité même du système financier britannique a été mise en péril par ce qui est arrivé chez Barings, et tout le monde tout d'un coup s'est rendu compte que des gazillions de dollars peuvent être transférés en un clin d'oeil par ordinateur et cetera.

Tout d'abord, quelles étaient les répercussions de la faillite de Barings au niveau de l'assurance et de la réassurance?

M. Speare-Cole: Je pense que la première réaction a été la panique. Les banques ont divers types de couverture. Elles sont limitées exactement par les mêmes contraintes du marché que les comptables et les avocats. Très souvent, leur assurance-responsabilité professionnelle est placée auprès des mêmes assureurs, pour une capacité presque identique.

Il y a d'autres couvertures que les banques achètent dans le cadre d'une police forfaitaire, mais pour des limites bien inférieures et sans couverture en cas de catastrophe.

Le sénateur Angus: Comme l'assurance contre les détournements, par exemple?

M. Speare-Cole: Exactement.

Le sénateur Angus: Est-ce que l'assurance contre les détournements couvrait les activités de Leeson?

M. Speare-Cole: Il pouvait y avoir certaines dispositions dans certaines circonstances, mais probablement rien de l'ampleur d'une indemnité professionnelle. La banque a pu être indemnisée pour la perte de ses fonds propres, mais certainement pas pour ceux des tiers.

Le sénateur Angus: La raison pour laquelle je pose la question c'est que, lorsqu'on parle de l'imprévisibilité des pertes potentielles des comptables et des six grands, il me semble qu'avec des produits comme les instruments dérivés et d'autres nouveaux produits financiers sophistiqués, la situation doit être la même du point de vue de l'assurabilité.

M. Speare-Cole: Laissons un peu de côté l'aspect technique de l'assurance. Si vous comparez la capitalisation du marché de l'assurance à celle des marchés financiers, les marchés financiers sont beaucoup mieux équipés pour assurer l'indemnisation des pertes dues à leur propre négligence que l'industrie de l'assurance. C'est sans doute une simplification excessive. Je ne me souviens plus de ce qu'est la capitalisation globale du secteur américain de l'assurance, mais elle n'atteint probablement pas un dixième de la capitalisation des banques et des grosses institutions financières, les administrateurs de fonds. Il vient un moment où les risques engendrés par le marché des devises, le marché des options et toute cette sorte de choses dépassent la capacité d'absorption de l'industrie de l'assurance. Si l'on veut une indemnisation par opposition au principe du caveat emptor, il faut inventer de nouvelles structures.

M. Christie: Les chiffres qui me viennent à l'esprit sont que le capital propre global des compagnies d'assurance est de 1 000 millions de dollars et celui du marché des capitaux de 13 billions de dollars.

M. Speare-Cole: Oui, je pense que c'est juste.

M. Christie: Aux États-Unis, le chiffre est de 450 milliards de dollars. Ne me demandez pas d'écrire cela, je m'y perdrais dans tous les zéros.

M. Speare-Cole: J'ai oublié ce qu'était votre question sur Barings.

Le sénateur Angus: C'était réellement pour savoir si c'est une situation inassurable, et j'essayais de trouver une analogie. Le président a demandé ce matin s'il y avait d'autres situations contre lesquelles il est impossible de s'assurer, et c'est tout à fait indépendant du problème de la responsabilité conjointe et solidaire.

M. Speare-Cole: Parlez-vous de tous les types d'assurance ou simplement d'assurance-responsabilité professionnelle?

Le sénateur Hervieux-Payette: Non, dans tous les secteurs.

Le sénateur Kenny: La question ce matin portait sur tous les secteurs.

M. Rudnai: Pour ce qui est de l'aspect criminalité de la couverture, si Barings achetait pour 200 millions de livres d'assurance, cela ferait-il réellement une grande différence? Je pense que c'est le problème que vous avez soulevé également à l'égard des comptables. L'exposition au risque est tellement plus grande que la capacité à prix abordable que l'on peut trouver sur le marché de l'assurance que cela ne serait probablement pas économique. Les banques achètent de l'assurance autant aux fins de la gestion de risque et des contrôles de bilan au jour le jour que pour protéger l'entreprise.

Je ne pense pas qu'il existe sur le marché de l'assurance une capacité suffisante pour sauver l'entreprise elle-même, et les assurances souscrites le sont surtout pour le contrôle au jour le jour du bilan.

Le sénateur Angus: J'ai toujours eu l'impression -- et je suis sûr qu'elle est fausse -- que les compagnies de réassurance gagnent plus d'argent que les assureurs primaires. Pourquoi en est-il ainsi, si c'est le cas?

M. Speare-Cole: Si vous établissez une courbe du retour sur l'investissement des assureurs directs, par exemple sur le marché américain, vous verrez qu'elle est caractérisée par de petites vagues, des fluctuations vers le haut et le bas, au-dessus du point d'origine faut-il espérer. Vous retrouverez le même type de courbe dans l'industrie de la réassurance, mais avec des sommets et des creux beaucoup plus prononcés.

Le sénateur Angus: Est-ce parce que la protection en cas de catastrophe couvre davantage de choses?

M. Speare-Cole: Oui. Très schématiquement, il y a un effet d'amplification tel que, lorsque les taux initiaux sont en baisse, les réassureurs se voient doublement appauvris, puisque le taux de réassurance est calculé en pourcentage de ce taux initial, et inversement. Ce n'est pas tout à fait vrai, car j'ai l'impression que l'on pourrait citer toutes sortes de secteurs et toutes sortes de réassureurs pour qui ce n'est pas le cas, mais c'est la tendance historique. Si vous regardez l'ensemble de l'industrie de l'assurance-accident en Amérique sur la période de 1986 à 1996, vous constaterez probablement que ce que j'ai dit s'est bien produit.

Le sénateur Angus: Ensuite, bien entendu, on nous parle de Munich Re, qui est sans doute le caveau ultime où s'accumule toute la richesse de l'Allemagne et peut-être une partie de celle de Londres.

M. Christie: La profession comptable s'en occupe et ponctionne dans ce trésor à toute allure.

M. Speare-Cole: Cette compagnie était un très gros réassureur des six grands.

Le président: Elle ne l'est plus?

M. Speare-Cole: Certainement pas et il se passera beaucoup de temps avant qu'elle recommence. Je vais vous dire quelque chose qui ne répondra peut-être pas à votre question mais qui pourrait vous intéresser.

Le marché allemand est dans une situation assez particulière en ce sens qu'il y a une règle d'amortissement qui oblige les compagnies à amortir leurs avoirs au fil du temps et les actions qu'elles détiennent doivent être inscrites au bilan à la valeur la plus faible que les actions aient jamais atteinte, et non à leur valeur courante. Le résultat est que la capitalisation de Munich Re est sans doute de cinq à dix fois supérieure à ce qui apparaît à son bilan, lequel n'est déjà pas négligeable. Cela signifie également que le rendement du capital, s'il était correctement mesuré, est minuscule. Je pense qu'un jour les actionnaires de Munich Re, qui sont principalement des entreprises industrielles et des compagnies d'assurance allemandes, car toutes ces entreprises ont des participations croisées en Allemagne, finiront un jour par dire: «Voyons un peu, il vaudrait beaucoup mieux que nous vous disions d'arrêter de faire ce que vous faites, de vendre les éléments d'actifs et de placer cet argent chez Daimler Benz ou quelque chose du genre». Munich Re subira alors une pression terrible pour modifier sa façon de faire.

Oui, Munich Re est une très grosse compagnie, beaucoup plus grosse qu'il n'apparaît. Cependant, je ne sais pas si elle pourra poursuivre sous sa forme actuelle son activité de réassurance. Si elle décide d'abandonner la réassurance, les marchés de l'assurance et de la réassurance perdront une bonne part du capital dont ils bénéficient actuellement.

Le président: Sénateur Kenny, avez-vous une dernière question?

Le sénateur Kenny: Ce n'est pas tant une question qu'un commentaire.

Plus le temps passe, et plus il m'apparaît que les six grands ne vont pas être assurés. La question qu'il faut se poser est celle-ci: qu'advient-il de l'économie si l'un ou plusieurs d'entre eux coulent? Quelles sont leurs options, en dehors de l'assurance?

Voilà le type de question qui me vient à l'esprit, après avoir écouté ces présentations, et lorsque je m'interroge sur ce qu'il convient de faire.

Le président: Nous avons beaucoup de questions à l'esprit, dont beaucoup n'auraient pas surgi si nous n'avions pas fait ce voyage.

Merci à tous d'être venus.


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