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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 12 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 8 avril 1997

Le comité permanent des transports et des communications auquel est renvoyé le projet de loi C-216, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (politique canadienne de radiodiffusion), se réunit aujourd'hui à 15 h 31 pour étudier ledit projet de loi.

Le sénateur J. Michael Forrestall (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président: Honorables sénateurs, le comité peut entendre des témoignages en l'absence de quorum; nous allons donc poursuivre nos audiences sur le projet de loi C-216.

Nous souhaitons la bienvenue à nos premiers témoins qui représentent le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Je vous cède la parole.

Mme Françoise Bertrand, présidente, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes: Bon après-midi, honorables sénateurs. C'est une première pour moi. Apparemment, il faut avoir comparu devant un comité de la Chambre des communes ou du Sénat avant d'être considéré comme à même de présider une agence fédérale.

Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui avec mes collègues. À ma gauche, se trouve M. Wayne Charman, directeur général de la Distribution et de la technologie de radiodiffusion.

[Français]

À mon extrême droite, vous avez Mme Anne-Marie Des Roches, gestionnaire de la radiodiffusion de langue française; et enfin, Me Alastair Stewart, notre conseiller juridique.

J'aimerais profiter de l'occasion qui nous réunit pour faire le point sur la distribution des services de télévision ainsi que des progrès actuels en ce domaine, de façon à bien vous présenter le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi.

J'aimerais également préciser dès le départ que sur la question qui nous intéresse, le CRTC appuie tout à fait les intérêts des consommateurs et leur droit de faire des choix avisés parmi diverses options de programmation et de distribution abordables. Comme je vous l'expliquerai dans quelques instants, nous croyons que la concurrence entre différents distributeurs est la condition essentielle pour permettre aux consommateurs de pouvoir véritablement choisir parmi une vaste gamme de services de distribution et de programmation, offerts à prix concurrentiels.

La technologie et les différents modes de distribution évoluent aujourd'hui si rapidement que l'on peut dire, en quelque sorte, que les événements se sont chargés de régler la plupart des préoccupations qui ont inspiré le projet de loi. L'univers qui s'ouvre maintenant devant nous requiert une toute nouvelle façon de contrôler les pratiques commerciales indésirables.

Le rythme de l'évolution de la radiodiffusion et des autres secteurs sur lesquels influe la technologie, a en fait changé l'orientation du marché: celui-ci n'est plus guidé par les choix qu'impose la technologie, mais bien par les choix qu'exige le consommateur. Cette nouvelle réalité qu'est le règne du consommateur, oblige les fournisseurs de services, en place ou à venir, à répondre favorablement aux attentes des consommateurs, afin d'éviter de se faire évincer du marché.

Il est vrai qu'au cours des trois dernières décennies, les câblodistributeurs ont eu le monopole de la distribution des signaux de télévision. Il en a été ainsi parce que le développement de leur infrastructure a été mis de l'avant comme instrument de politique nationale par plusieurs gouvernements successifs et ce, dans le but de réaliser les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.

Chargé de faire appliquer cette loi, le CRTC a encouragé l'essor d'une industrie bien de chez-nous, à même de contribuer à la production et à la diffusion d'une programmation canadienne, et apte à fournir aux Canadiens l'accès à des sources communes de nouvelles et d'informations, ainsi qu'à des services de radiodiffusion qui incorporent et reflètent nos valeurs canadiennes.

La promotion du contenu canadien constitue la pierre angulaire de la Loi sur la radiodiffusion. Cet objectif n'a nullement changé. La chose importante qui a changé en cette nouvelle période qui s'ouvre à nous et que je viens d'évoquer, c'est la façon d'acheminer la programmation canadienne jusqu'aux foyers des auditeurs et des téléspectateurs. Le gouvernement a, en effet, établi qu'en raison de nouvelles options offertes par la technologie, les objectifs primordiaux de la Loi sur la radiodiffusion peuvent être mieux servis au moyen de la concurrence dans le marché de la distribution.

[Traduction]

Et à cela le Conseil a déjà donné suite. D'autres modes de distribution ont été autorisés pour concurrencer le câble et, au cours des deux prochaines années, les consommateurs auront accès à de toutes nouvelles options pour la réception des signaux de télévision, tandis que les entreprises rivaliseront pour leur offrir les services qu'ils souhaitent recevoir aux prix qui leur conviennent.

Le monopole de la distribution en radiodiffusion est maintenant chose du passé, comme en témoigne la radiodiffusion directe par satellite et, à différents endroits au pays, les systèmes de distribution multipoints. D'ici peu, l'introduction de systèmes de communication multipoints locaux -- SCML -- pourrait permettre, entre autres applications, la distribution de signaux de radiodiffusion. Sans compter les compagnies de téléphone qui ont aussi exprimé leur désir de distribuer des services de radiodiffusion. Je reviendrai sur ces différents modes de distribution dans quelques instants.

Dans un tel milieu concurrentiel, les câblodistributeurs comme les nouveaux venus savent bien qu'ils ont tout intérêt -- ne serait-ce que sur le plan financier -- à ne pas recourir à des méthodes de commercialisation et de tarification qui pourraient déplaire à leurs clients, parce que dans un environnement concurrentiel, les clients peuvent et iront tout simplement magasiner ailleurs. Cette évolution est tout à fait conforme à l'importance que le gouvernement accorde aujourd'hui à la concurrence comme un moyen d'assurer aux consommateurs des choix variés et abordables, d'encourager le progrès technologique et de promouvoir le développement économique.

C'est pour ces mêmes raisons que nous demeurons persuadés que le projet de loi proposé est superflu. Par ailleurs, en dépit de l'objectif visé, nous craignons que ce projet de loi ne soit pas véritablement à l'avantage du consommateur, puisqu'il pourrait nuire à l'éventail des choix offerts, à la diversité de la programmation et à l'abordabilité des services. En d'autres termes, l'adoption de ce projet de loi, qui vise une seule question bien particulière, pourrait entraîner bien des difficultés dans plusieurs autres domaines qui ne posent pas de problèmes à l'heure actuelle.

Lorsque le Conseil a sollicité les projets de services spécialisés qui ont été autorisés en septembre dernier, il était entendu qu'il privilégiait, du côté anglais, des services de programmation qui seraient généralement distribués sur une base facultative. Il était donc clair pour les producteurs comme les distributeurs que les nouveaux services seraient offerts à titre facultatif. C'est en se basant sur cette hypothèse qu'ils ont élaboré leurs plans d'affaires.

Pour rejoindre le plus grand nombre possible d'abonnés à un prix abordable et satisfaire les goûts les plus variés, les nouveaux services seront généralement regroupés à l'intérieur de blocs de services représentant le maximum d'attrait et donc le plus de chances de réussite financière.

Honorables sénateurs, vous n'êtes pas sans savoir que la technologie actuelle -- la technologie analogique -- impose une limite au nombre de canaux que peut offrir un câblodistributeur. De plus, il ne serait pas rentable à l'heure actuelle, pour la plupart des câblodistributeurs, d'ajouter ou de retirer l'un ou l'autre des services spécialisés au gré de chaque abonné. Autrement dit, il faut prendre tout le bloc de services tel qu'assemblé, ou bien ne pas s'y abonner du tout.

Permettez-moi d'utiliser un exemple pour illustrer les avantages qu'un assemblage flexible des services de programmation présenterait pour le consommateur. Prenons le cas d'un câblodistributeur qui décide d'ajouter un, deux ou même trois des services spécialisés récemment autorisés à un volet facultatif donné, convaincu que ceux-ci plairont aux abonnés. Un certain nombre d'abonnés seront sans doute heureux de recevoir ces nouveaux canaux, et donc prêts à y souscrire. D'autres, par contre, n'en voudront pas. Les premiers non seulement conserveront les services qu'ils reçoivent déjà, mais en recevront de nouveaux. Les autres abonnés ne recevront aucun des nouveaux canaux, mais ils devront renoncer au bloc de services tout entier, pour les raisons que je viens d'expliquer; les blocs de services ne peuvent malheureusement pas être taillés sur mesure pour chaque abonné.

On peut ici tracer un parallèle intéressant avec les quotidiens. Ceux-ci comportent de nombreuses sections -- politique, éditorial, sports, économie, mode, annonces classées, et ainsi de suite -- afin de répondre aux intérêts du plus grand nombre de lecteurs. Imaginons maintenant qu'un quotidien doive offrir ces sections en pièces détachées à l'intention de petits groupes de clients... Cela n'aurait évidemment pas de sens. Ce ne serait pas pratique sur le plan de la production, du marketing, de la publicité, de la distribution et des coûts. Le prix de revient de chacune des sections serait inacceptable tant pour le quotidien que pour le client. En d'autres termes, la somme que doit débourser chaque lecteur est réduite si le quotidien est acheté dans sa totalité.

C'est la même règle des économies d'échelles qui s'applique à la distribution des services de télévision. Les services doivent être regroupés pour demeurer abordables, et plus la pénétration d'un service est élevée, plus son prix à l'unité diminue.

Des cas concrets serviront à illustrer mes propos. Premièrement, celui du service spécialisé récemment autorisé «Report on Business Television» -- ROBTV. Si ce service était offert seul, il en coûterait à l'abonné 2,95 $ par mois. Mais une fois incorporé à un bloc de services à taux de pénétration moyen -- de l'ordre de 45 à 70 p. 100 --, son coût chute à 32 cents par mois. Et avec un degré de pénétration élevé -- c'est-à-dire au moins 70 p. 100 --, il n'en coûte à l'abonné que 25 cents par mois. Cela démontre bien les avantages qu'un fort degré de pénétration présente non seulement aux producteurs et aux distributeurs, mais aussi aux consommateurs.

Par contre, un service autonome à faible taux de pénétration se révèle beaucoup plus coûteux. Il suffit de penser au nouveau service de télévision payante «South Asian Television», dont le prix d'abonnement se chiffre à 19,95 $ par mois.

[Français]

Notre principale préoccupation a trait aux répercussions que le projet de loi pourrait avoir sur l'ensemble du marché canadien. Mais il va sans dire que les difficultés qu'il suscite prennent une ampleur particulière dans le cas des services de langue française. Tout le monde sait que le marché canadien, en anglais comme en français, est assez restreint. L'existence des services canadiens, dans l'une ou l'autre langue, y est forcément précaire. Nous croyons que les restrictions que le projet de loi imposerait en matière de marketing pourrait sérieusement limiter le potentiel de mise en marché et la viabilité financière des services de langue française au Québec et ailleurs au pays.

Comme j'y ai fait allusion dans le cas du service «Report on Business», seule une forte pénétration permet de réduire le coût aux abonnés tout en assurant la performance financière d'un service donné. Puisque le marché francophone est moins large, le niveau de pénétration atteint au sein d'une masse critique d'abonnés y est d'autant plus important.

Au Québec, comme les membres de ce comité le savent, l'offre de services de radiodiffusion a évolué selon les caractéristiques et les besoins propres de ce marché. Jusqu'ici, le succès de nouvelles chaînes a été fonction de leur insertion dans le service de base des câblodistributeurs, qui leur garantit une pénétration plus grande.

Nous pensons que l'industrie québécoise a raison de croire que certains nouveaux services devraient être inclus dans un volet à haute pénétration afin qu'ils puissent atteindre un niveau de pénétration convenable.

Pour ce qui est d'offrir de nouveaux services spécialisés de langue française ailleurs au pays, ceux-ci doivent d'abord rejoindre une masse critique d'abonnés au Québec même, avant qu'il ne soit financièrement possible de les offrir à des marchés francophones qui sont à la fois plus petits et dispersés sur tout le territoire canadien. S'il ne sont pas inclus à l'intérieur d'un volet composé de services variés et concurrentiels, alors dans certains cas, ces nouveaux services devront être distribués seuls. L'exemple de la chaîne de télévision sud-asiatique que j'ai mentionné plus tôt illustre bien à quel point cela pourrait s'avérer prohibitif.

[Traduction]

Nous avons compris dès le départ que le projet de loi visait à prévenir certains problèmes liés à la commercialisation des nouveaux services spécialisés qui seraient éventuellement offerts aux consommateurs et, notamment, les services que nous avons autorisés le 4 septembre dernier.

Parmi les éléments qui nous préoccupent, nous craignons que la portée du projet de loi, dans son libellé actuel, n'aille au-delà des nouveaux services pour également englober la commercialisation des services actuellement offerts. S'il en était ainsi, cela pourrait inciter des câblodistributeurs à retirer certains services de leurs volets à fort degré de pénétration pour les inclure dans d'autres volets, peut-être à prix plus élevé. Nous croyons que cela va plus loin que l'objectif initial du projet de loi. Les fournisseurs de services autorisés, ainsi que d'autres parties intéressées, vous le savez, se sont également dits inquiets d'une telle incidence du projet de loi.

Permettez-moi de revenir un instant sur l'importance de la concurrence et les solutions de rechange au câble, auxquelles je faisais allusion au tout début.

Il nous faut parfois, effectivement, des mesures de protection contre d'éventuels abus en matière de tarification ou de commercialisation, lorsque nous sommes en présence d'un monopole. Voilà une situation que nous avons vécu pendant de nombreuses années en câblodistribution, mais elle ne correspond plus à la réalité d'aujourd'hui.

De nouvelles technologies de distribution ont déjà fait leur apparition un peu partout au pays. Nous assistons à l'émergence d'un nouveau marché concurrentiel, où les consommateurs se verront offrir par différents distributeurs des blocs de services attrayants, à prix compétitifs.

Le Conseil a en effet autorisé de nouveaux services de distribution en concurrence directe avec les câblodistributeurs. AlphaStar offre déjà un service par satellite de radiodiffusion directe -- SRD --, et d'autres services du même genre seront lancés cette année. Au Manitoba et en Saskatchewan, des systèmes de distribution multipoints -- SDM -- constituent d'ores et déjà une solution de rechange au câble. Nous avons déjà prévu une audience pour examiner des requêtes visant à offrir des services de SDM dans le Sud de l'Ontario, et nous prévoyons tenir sous peu d'autres audiences portant sur des requêtes semblables pour d'autres régions du Canada. Notons également l'attribution par Industrie Canada de trois licences d'exploitation pour des systèmes de communication multipoints locaux -- SCML -- qui viendront s'ajouter aux modes de distribution disponibles dans tout le pays.

Nous avons aussi autorisé des câblodistributeurs concurrents à desservir un seul et même marché, par exemple au Concord Pacific Place du centre ville de Vancouver. L'industrie du téléphone a déjà indiqué son désir de se lancer dans la distribution de services de radiodiffusion. Il est fort probable que de nouveaux services de programmation, tel que la vidéo sur demande, soient un jour disponibles.

Étant donné tous ces nouveaux modes de distribution, il paraît inévitable que les choix en place inciteront les joueurs à commercialiser et à tarifer leurs services de façon juste et concurrentielle.

[Français]

J'aimerais rappeler aux membres de ce comité qu'on en est maintenant à élargir l'accès des secteurs de la radiodiffusion et des télécommunications aux concurrents intéressés dans le but d'accroître le nombre d'options offertes aux consommateurs au sein d'un marché véritablement concurrentiel. Vous êtes probablement au fait des récents accords de l'Organisation mondiale du commerce qui incitent le Canada et ses partenaires économiques à libéraliser davantage le secteur des télécommunications.

Vous savez également sans doute que le Conseil rendra public d'ici peu un nouveau cadre réglementaire favorisant la concurrence dans le marché des services téléphoniques locaux. Cela est l'aboutissement logique de la concurrence dans le marché interurbain, que le Conseil a instaurée en 1992.

Le nouveau cadre de réglementation en télécommunications sera compatible avec les politiques de distribution que le Conseil a annoncées le mois dernier et qui ont pour but d'élargir la concurrence à tous les distributeurs de programmation télévisuelle. Comme nous l'avons déjà indiqué, ces nouvelles politiques:

[...] visent à encourager une juste concurrence qui profitera aux consommateurs et renforcera la présence d'émissions canadiennes de qualité dans notre système de radiodiffusion.

En effet:

[...] la concurrence sur le marché de la distribution permettra aux consommateurs de choisir leur fournisseur de services de radiodiffusion parmi différents distributeurs concurrents. Cela devrait entraîner une amélioration du service, la venue de nouveaux produits et des prix plus compétitifs.

Monsieur le président, étant donné l'état actuel des choses et compte tenu du nouvel univers qui s'ouvre à nous, nous croyons que le fait d'imposer de nouvelles règles aux distributeurs, qui par ricochet se répercuteraient sur les services de programmation, est contraire aux politiques établies qui ont précisément pour objectif de promouvoir le choix, la concurrence et une tarification équitable.

Si le projet de loi avait pour but de remédier à un problème continu et généralisé, alors il servirait ses fins. Il y a deux ans, le monopole de la câblodistribution et les méthodes de commercialisation utilisées par certains distributeurs ont suscité beaucoup de controverse parmi les abonnés des services de langue anglaise. J'aimerais rappeler aux membres de ce comité que l'industrie a alors rapidement pris les mesures nécessaires pour corriger la situation et ce, en réponse à la réaction des consommateurs, et non parce que la législation l'y obligeait. De nombreux câblodistributeurs se sont même engagés publiquement à ne plus recourir aux mêmes méthodes de commercialisation. Y a-t-il donc vraiment lieu d'adopter un projet de loi inspiré par une situation très particulière et ponctuelle, qui s'est d'ailleurs corrigée d'elle-même, comme je l'ai dit plus tôt?

En terminant, nous sommes d'avis que l'évolution du marché dont je vous ai fait part aujourd'hui va dans le sens de ce que requièrent les consommateurs, c'est-à-dire un choix de distributeurs, une diversité de programmation et des prix concurrentiels que les consommateurs sont prêts à payer.

Je vous remercie de votre attention. Nous nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

La présidente suppléante: Merci beaucoup. Vous nous avez fait un exposé très clair.

[Français]

Le sénateur Poulin: Madame Bertrand, nous vous remercions pour votre présentation. Vous avez su vraiment nous donner un portrait contextuel, un portrait commercial et culturel et on l'apprécie énormément. Et ce qui nous facilite la tâche aussi, c'est votre comparaison justement avec la presse écrite pour nous démontrer à quel point un coût peut devenir exorbitant.

J'étais très heureuse de vous entendre dire que la priorité, c'est la protection du consommateur. Je pense que c'est un objectif qui nous tient tous à coeur. Est-ce que le CRTC a la responsabilité et le pouvoir d'imposer des conditions, en ce moment, sur les câblodiffuseurs, en fonction de la mise en marché d'abonnement par défaut?

Mme Bertrand: D'abord, je vous remercie de vos commentaires quant à notre présentation et je rappellerai que j'étais heureuse de joindre le Conseil compte tenu de sa grande expertise. Je pense qu'on a l'obligation de partager l'expertise qui existe au Conseil pour informer tous et chacun, mais en particulier lorsqu'il y a une grande décision à prendre comme celle que vous avez devant vous.

Pour ce qui est des matières de responsabilité et d'autorité, je me tournerai vers notre conseiller juridique pour m'assurer qu'on vous transmette les informations correctement et que je ne vous laisse pas sous de fausses impressions. N'étant pas moi-même avocate, je sors toujours avec un avocat.

M. Alastair Stewart, conseiller juridique, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes: La réponse à cette question d'après nous, c'est oui. Nos pouvoirs actuels d'après la Loi sur la radiodiffusion nous permettraient d'établir des conditions dans ce domaine.

Le sénateur Poulin: Sous quelle section de la Loi?

M. Stewart: D'abord, il faut regarder l'article 3 qui constitue bien sûr les objectifs. Ces objectifs, je vous soumets, nous permettraient d'établir des conditions qui s'adresseraient à la pratique que vous avez mentionnée. Nous pourrions le faire par biais de règlement, d'après l'article 5 de la Loi sur la radiodiffusion. Je pense que le Parlement nous a conféré beaucoup de pouvoirs. Il nous a laissé le choix d'établir la meilleure façon de réglementer la radiodiffusion au Canada.

Mme Bertrand: Toutefois, si vous me permettez, nous croyons que ce pouvoir si on l'exerçait de façon générale ou même individuelle, ce serait vraiment s'ingérer dans les lois qu'impose une nouvelle pratique qu'amène la concurrence. C'est cela qui amène toute notre philosophie dans le moment et la première annonce que je faisais, c'étaient les canaux spécialisés lorsque je suis arrivée au mois de septembre. C'était ma première conférence de presse.

Pour nous, c'était très important que l'on respecte et que l'on ne tombe pas dans le piège de venir gérer en lieu et place. Nous passons d'une situation monopolistique, comme je le décrivais, à une situation concurrentielle et nous souhaitons absolument accompagner cette démarche. Nous savons bien qu'il y a une transition, mais on veut vraiment laisser les responsabilités aux acteurs de cette concurrence.

Le sénateur Poulin: Madame Bertrand, la Loi vous confère la responsabilité, en tant que Commission autonome, d'implanter la Loi; si un réseau ou un câblodiffuseur venait vous voir pour vous demander une exception, est-ce que vous hésiteriez, à ce moment-là, à prendre cette décision par respect du marché?

M. Stewart: Nous aurions devant nous un câblodistributeur qui demanderait une exception. En ce moment, il y a pas de prohibition qui existe. Alors il n'y aurait pas d'exemption à donner. Cela, c'est sur le plan strictement juridique. Et ma réponse précédente était aussi une réponse sur le plan strictement juridique.

Le sénateur Poulin: L'Association des consommateurs du Canada a fait un témoignage devant nous il y a quelques semaines. Ils nous ont dit qu'en 1993, ils vous avaient fait la demande de prendre les dispositions nécessaires face à la pratique de l'abonnement par défaut. Et justement, à ce moment-là, nous les membres du comité, nous sommes demandés pourquoi vous ne l'aviez pas fait à ce moment-là.

Mme Bertrand: Comme vous le savez, je n'étais pas là. Et bien qu'on m'ait raconté l'histoire, je me tournerai vers M. Charman qui pourrait mieux vous raconter les faits.

[Traduction]

M. Wayne Charman, directeur général, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes: En 1993, nous avons tenu une audience publique dans le but d'établir et de réviser notre politique de radiodiffusion à l'égard des câblodistributeurs. Nous croyions à cette époque qu'il était important que les consommateurs soient parfaitement au courant de tous les choix que leur câblodistributeur mettait à leur disposition. Nous avons demandé avec insistance aux câblodistributeurs qu'ils informent parfaitement bien leurs abonnés pour que ceux-ci comprennent clairement les options et les choix de manière à pouvoir prendre des décisions éclairées. C'était, à nos yeux, ce qui importait le plus. Peu importe les techniques de commercialisation utilisées, les consommateurs doivent comprendre les choix qui leurs sont offerts.

Le sénateur Poulin: En vertu de la Loi sur la radiodiffusion, nous examinons les intérêts culturels de l'ensemble du pays; or, je me pose souvent la question suivante à propos des décisions prises par le Conseil: pourquoi certains services de langue française ne font-ils pas partie du service de base?

Mme Bertrand: C'est une question qui est souvent posée.

[Français]

Mme Des Roches, qui est vraiment responsable de toute la question des services francophones, serait plus apte à répondre à cette situation.

Mme Anne-Marie Des Roches, gestionnaire, Radiodiffusion de langue française, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes: Pour ce qui est des services francophones à l'extérieur du Québec, on a parlé de RDI et s'il y a des choses qui arrivent en termes de marketing pour les services francophones à l'extérieur du pays, c'est que cela a quand même été avantageux d'offrir certains services en bouquet de services.

Dans plusieurs cas, soit en Ontario, en Alberta et en Saskatchewan par exemple, il y a eu un assemblage avec les règles d'assemblage du Conseil. Un assemblage avec le réseau Fox Network a permis un service étranger où les câblodistributeurs ont décidé de mettre RDI à l'extérieur, dans les marchés non francophones. Ceci a vraiment facilité la distribution de RDI à l'extérieur.

Donc, ces pratiques ont fait qu'en Ontario on a un taux de pénétration de RDI de 84 p. 100, TV5 à peu près la même chose, peut-être même 89 p. 100 dans certains marchés. Donc, on a un très haut pourcentage de certains marchés. Ce sont les règles d'assemblage, la vente par bouquet de services, qui a permis en fait la pénétration des services francophones dans les marchés non francophones.

La présidente intérimaire: Je dois excuser notre président, le sénateur Forrestall, qui a pris quelques minutes, mais qui nous revient immédiatement.

Le sénateur Roberge: J'en profite pour vous souhaiter la bienvenue à votre première réunion avec nous, certainement pas la dernière. L'article 3(1)c) de la Loi sur la radiodiffusion reconnaît une différence entre les radiodiffuseurs anglophones et francophones, en ce qui a trait surtout à leurs besoins et à leurs conditions d'exploitation. Le projet de loi C-216, que nous avons devant nous, impose des exigences qui sont uniques pour les deux marchés. Il me semble donc que le législateur se place dans une situation qui est un peu contradictoire avec lui-même. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

Mme Bertrand: Vous avez regardé la bonne personne. C'est M. Stewart qui va vous répondre.

M. Stewart: L'article 3 réunit plusieurs objectifs et certains de ces objectifs peuvent entrer en contradiction avec d'autres. C'est au Conseil que le Parlement a donné l'obligation de résoudre les conflits s'il y a conflit. L'article 3 est vraiment la base de la Loi sur la radiodiffusion et tout émane de cet article.

L'article 3(1)c) que vous nous avez cité est un élément extrêmement important qui sous-tend le pouvoir du Conseil de différencier entre les marchés francophones et les marchés anglophones. C'est un objectif que le Parlement a mis dans la Loi pour une raison très précise, pour permettre au Conseil d'avoir cette liberté de refléter le pays.

Le sénateur Roberge: Ce que vous m'expliquez n'est pas très clair.

[Traduction]

Si le gouvernement ou le législateur vous impose des principes généraux, n'est-il pas contradictoire qu'il présente alors un projet de loi qui impose des exigences uniques pour les deux marchés?

[Français]

M. Stewart: Nous pensons que, effectivement, le projet de loi n'entre pas vraiment dans le contexte de l'article 3. Le langage n'est pas en harmonie et cela c'est strictement sur le plan juridique, avec le langage que l'on trouve dans les objectifs cités dans l'article 3. Il se peut qu'il y ait contradiction. Et c'est au Conseil de résoudre ces contradictions, dans la mesure où elles existent. Ceci est le schéma, la vision de la Loi sur la radiodiffusion telle que le Parlement canadien l'a établie.

[Traduction]

Le sénateur Roberge: J'aimerais revenir sur ce point. Nous avons un avis juridique au sujet des alinéas 3(1)c), 3(1)d) et 3(1)k), dont les objectifs correspondent à des politiques générales. Par contre, le projet de loi C-216 renferme des objectifs de politique précis, détaillés, restrictifs. Étant donné que ces objectifs de politique détaillés, restrictifs vont à l'encontre des objectifs de base, on nous dit que cela l'emporte sur les dispositions générales prévues pour le CRTC.

M. Stewart: Si je comprends bien, c'est le point de vue d'une société d'avocats. Tout en le respectant, nous ne le partageons pas complètement. Nous pensons que nous devons également examiner les objectifs énoncés à l'article 3, tout en reconnaissant qu'une incertitude plane à ce sujet, que d'autres ont des points de vue différents et tout en comprenant qu'un avis a été présenté à ce comité à cet effet.

Le sénateur Roberge: Je vais probablement revenir pour la deuxième série de questions. Certaines questions que je voulais poser ont déjà été posées par la présidence.

[Français]

Le sénateur Maheu: Un peu plus tôt, vous avez suggéré que la raison d'être du CRTC était de protéger les intérêts des consommateurs. De l'autre côté, vous dites que tout émane de l'article 3 où le pouvoir du Conseil d'intervenir y est bel et bien expliqué. Lors de votre témoignage vous avez dit que le Conseil hésitait énormément à intervenir dans ce qui est considéré l'entreprise privée, si je peux changer vos paroles parce que je ne m'en souviens pas exactement, au niveau de la compétition. Si l'article 3 vous donne des pouvoirs de protéger les radiodiffuseurs de langue française et anglaise, malgré certains points communs, ils sont différents quant à leurs conditions d'exploitation et éventuellement quant à leurs besoins. Il me semble que l'article 3 vous démontre le désir du gouvernement canadien à peindre un portrait de notre pays d'un bout à l'autre, pas juste du Québec, mais aussi des Franco-Ontariens et des Franco-Albertains. Est-ce que vous suggérez que, compte tenu que vous avez peur d'utiliser l'article 3, que l'on doit l'enlever du «broadcasting»? Sinon, expliquez-moi pourquoi vous avez peur de l'utiliser quand il le faut?

Mme Bertrand: Je m'excuse si j'ai été confuse. Moi aussi c'est ma première comparution devant le comité, alors je pense que là-dessus on peut s'entendre. Alors, je vais recommencer. Nous ne sommes pas craintifs d'utiliser l'article 3, c'est notre responsabilité et on s'y emploie chaque jour, et certainement pas plus l'élément de la diversité linguistique et culturelle que tous les autres éléments de cet article. Nous en avons la responsabilité et nous en sommes fiers et nous essayons d'être à la hauteur de la tâche que nous a confiée le gouvernement.

Ce à quoi je faisais référence tantôt, c'est de dire que nous avons aussi la compréhension dans l'application de l'ensemble de ces objectifs. Présentement, la concurrence est un élément environnemental dans la radiodiffusion qui est très important pour apporter et prendre soin de l'intérêt des consommateurs. Nous croyons que c'est cela qui amène la diversité des choix, une qualité accrue de la programmation canadienne et nous croyons aussi que c'est cela aussi qui, en bout de piste, amène le plus possible les meilleurs prix. À cet égard, lorsque nous établissons des règles pour cette concurrence, c'est ce que nous avons fait et nous avons été assez actifs à accompagner l'introduction de la concurrence à ce chapitre, nous croyons qu'il est important de rappeler les grandes règles du jeu, mais nous croyons que nous n'avons pas à s'interposer à chaque moment dans l'exercice de la concurrence.

Nous avons toujours le pouvoir et nous ne renions pas notre responsabilité. Nous croyons que c'est la bonne façon de prendre soin de l'intérêt des consommateurs à ce moment-ci. Il y a des concurrences, ce qui n'était pas le cas lorsqu'il y a eu cette fameuse crise qui a suscité vraiment tout l'ensemble de la problématique que nous avons devant nous.

Le consommateur ou l'abonné du câble ne pouvait pas se tourner et avoir la possibilité d'un autre distributeur qui pourrait lui offrir de meilleurs services à meilleur prix et avec une approche qui était intéressante. Il n'avait pas cette possibilité.

Ce que nous disons à ce moment-ci et c'est vraiment là la base de notre intervention, c'est de dire que l'univers change. On passe notre temps à dire que l'univers des communications, non seulement est évolutif, mais est en évolution constante. On dit que c'est un univers où la concurrence arrive. Elle n'était pas présente en matière de distribution. Elle était présente, par contre, en matière de télédiffusion comme telle, mais en distribution, c'est une première et nous pensons que notre responsabilité a été, pour le consommateur, de mettre en place un cadre de concurrence qui fait en sorte que le consommateur va avoir un choix. Nous avons une responsabilité dans la façon dont nous allons interpréter l'intérêt public au sens de l'article 3.

Le sénateur Maheu: Peu importe les besoins des chaînes francophones ou de l'audience francophone hors Québec?

Mme Bertrand: Nous sommes très attentifs aux besoins des francophones. À cet égard, lorsque nous avons octroyé les licences aux chaînes francophones, nous avons donné un double statut pour permettre que ces chaînes puissent avoir accès non pas strictement à un étage discrétionnaire, mais puissent aussi avoir la possibilité d'être distribuées sur un service de base.

Donc, il y avait, dès le moment de l'octroi de la licence, une reconnaissance d'une situation qui importait et qui était notre interprétation et notre analyse quant à notre responsabilité à l'article 3. Alors, nous prenions en compte et nous étions attentifs à la réalité différente.

Je comprends très bien la situation francophone, mais je pense que ce qu'on veut dire ici, c'est de dire la situation des chaînes francophones est peut-être plus critique, mais c'est un problème qui se répercute sur l'ensemble des services canadiens. Si l'on veut avoir une diversité de programmation canadienne et ne pas être inondés par la diversité de programmation américaine, nous avons à vraiment prendre les moyens pour faire en sorte que l'ensemble des services de langue française et de langue anglaise puissent avoir accès à une pénétration décente et de faire en sorte que le consommateur, au bout de la ligne, aura un réel choix.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald: Madame, vous êtes au courant du fait qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire, n'est-ce pas?

Mme Bertrand: Oui.

Le sénateur MacDonald: Vous réalisez bien sûr que l'objet du projet de loi est, en apparence, louable. Il vise à abolir une technique de commercialisation impopulaire. Personne au sein de ce comité ne s'oppose à cet objet louable.

Dix membres du cabinet ont voté pour ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture; ils l'ont appuyé en principe. Toutefois, le 19 septembre, le gouvernement a annoncé qu'il retirait son appui à l'égard de ce projet de loi. Par conséquent, aucun ministre du cabinet n'était présent au moment de l'adoption de ce projet de loi.

Le gouvernement a découvert ce problème technique qui nous préoccupe depuis déjà plusieurs semaines. Vous êtes l'organisme de réglementation en chef. Il ne me semble pas vous avoir entendu dire que vous avez une solution précise pour les problèmes, bien réels d'après nous, qui touchent les services de langue française.

Vous avez parlé de concurrence et autres choses du genre. Ne pensez-vous pas que vous devriez proposer une solution? Ne pensez-vous pas que lorsque le gouvernement retire son appui à l'égard d'un projet de loi, il est important que l'organisme de réglementation fédéral de la radiodiffusion au Canada propose une solution plus précise pour régler la question?

Mme Bertrand: Nous avons concentré nos efforts sur l'analyse du projet de loi au sens large. À cet égard, alors que nous sommes préoccupés, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, essentiellement par les services de langue française, nous nous penchons également avec beaucoup de sérieux sur tous les nouveaux services. Nous pensons que si le projet de loi était adopté, ce serait certainement le pire des scénarios pour les services de langue française, mais ce serait également catastrophique pour les services de langue anglaise, compte tenu de la multitude des canaux américains qui arrivent dans notre pays. Nous savons que l'on ne pourra jamais empêcher la réception des signaux des canaux américains au Canada.

Nous devons veiller à avoir une programmation canadienne solide. C'est ce qui est au coeur de notre responsabilité, telle que la prévoit l'article 3 et nous pensons que nous devons, dans l'intérêt du public, appuyer une programmation canadienne à un prix abordable. Nous croyons que les consommateurs veulent des services canadiens à un prix abordable.

Nous pensons qu'il existe une solution au problème francophone, mais nous n'avons pas canalisé tous nos efforts sur ce point, car selon nous, le problème est plus vaste et se pose également en ce qui concerne les services de langue anglaise. Le Conseil et moi-même sommes du même avis que nos amis québécois qui considèrent que le problème est très grave; je ne tiens certainement pas à les contredire, mais nous croyons que le problème est grave du côté anglais également.

Le sénateur MacDonald: Vous avez utilisé le mot «grave». Le 26 septembre dernier, notre collègue, le sénateur Gauthier, a envoyé une lettre à tous les sénateurs dans laquelle il nous encourage vivement à voter contre ce projet de loi car, d'après lui et je cite, il «menace la survie culturelle du Québec».

Pensez-vous qu'il exagère? Vous avez dit que le problème est grave. Il dit que le projet de loi menace la survie culturelle du Québec.

Mme Bertrand: Je vais certainement lui laisser le soin de qualifier l'impact du projet de loi, mais de mon point de vue le problème est grave.

Mme Des Roches: Ce projet de loi traite de deux questions. Il y a des marchés francophones et des marchés non francophones. Un des effets possibles de ce projet de loi, c'est que, dans les marchés anglophones, où il existe une minorité de francophones, la majorité anglophone devra faire des demandes de services au cas par cas. Il est fort possible qu'il n'y ait alors pas de demande de services en langue française dans un bloc. Dans ce cas-là, ce projet de loi a un effet sur le marché francophone à l'extérieur du Québec.

Nous nous sommes toujours efforcés d'offrir un maximum de services en français au Québec. Que nous ayons beaucoup de services en langue anglaise ou de services américains, il y aura toujours un déséquilibre entre le nombre de services en langue anglaise et de services en langue française.

Est-il question de la survie des services en langue française? Nous nous efforçons d'équilibrer le nombre de services en langue française et d'assurer leur survie. Dans les 41 marchés non francophones, qui sont essentiellement à l'extérieur du Québec, la minorité ne recevra pas les services si la majorité vote contre.

[Français]

Le sénateur Gigantès: Merci, Madame la présidente. Si je regarde cette législation, il me semble, peut-être que je me trompe, qu'elle donnerait la possibilité aux anglophones hors Québec de voter contre toutes les émissions en français qui ne seraient pas profitables et qui seraient donc retirées, et quand j'irais habiter chez des amis à Vancouver, pour des petites vacances, il n'y aurait plus de canal français. Par contre, si je vais habiter avec de la parenté que j'ai à Alma, de la parenté séparatiste, et que je veux doser les nouvelles que je reçois par RDI en écoutant NewsWorld, ce que je fais tous les jours là où je suis à Hudson, je n'aurai plus la possibilité parce qu'il n'y aura pas suffisamment de gens à Chicoutimi qui vont voter pour regarder NewsWorld.

Il me semble que dans un pays qui se dit bilingue, qu'il faut absolument s'assurer que même si je suis le seul anglophone à Chicoutimi, je peux écouter NewsWorld. Même si je suis le seul francophone à Terrace en Colombie-Britannique, je peux écouter RDI. Je le fais par masochisme, mais je le fais quand même tous les jours. Et j'écoute CNN pour les nouvelles américaines.

Le sénateur Roberge: Ce sont des programmes grecs.

Le sénateur Gigantès: Non, je ne regarde pas les programmes grecs, ils sont très mauvais. Alors, est-ce que je fais de la paranoïa là-dessus? Est-ce que c'est cela la peur qui nous confronte ou quoi? Vous parlez de protéger les services français au Québec; c'est facile. Vous parlez de protéger les services anglais dans le reste du Canada. Cela aussi c'est facile. Mais protéger les services anglais au Québec et les services français au reste du Canada, est-ce que cette législation menace ce principe, dans les faits?

Mme Bertrand: Nous estimons qu'il a un danger à cet égard. Nous pensons qu'on ne l'invoque pas ici comme menace de la même façon que vous le faites, mais nous croyons que oui, pousser à la limite, c'est possible, en effet.

Le sénateur Losier-Cool: Je vous remercie, madame la présidente. Je dois aussi vous féliciter pour ce rapport très informatif, si je peux dire, sur le Conseil. Je suis une francophone du Nouveau-Brunswick. Alors, j'ai pris un intérêt particulier à ce projet de loi, peut-être pas d'une façon aussi paranoïaque que mon collègue, mais vous vous posez des questions et après votre présentation, je me suis dit que peut-être qu'on n'en a pas besoin d'un tel projet de loi. C'est peut-être la question que vous vous posez à la fin de la page 8. Est-ce que vous accepteriez une modification au projet de loi qui stipulerait le rôle du Conseil dans le projet de loi. Est-ce qu'on pourrait amender ce projet de loi en donnant la responsabilité au CRTC? Est-ce que vous accepteriez?

Mme Bertrand: Je vais certainement passer la parole à M. Stewart, le conseiller juridique qui est avec nous. Sur le point de vue de l'autorité du Conseil, nous avons la pleine responsabilité de l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion. C'est notre responsabilité.

Nous ne croyons pas que le Conseil ait besoin du projet de loi, parce que nous croyons qu'il répond à un problème qui a existé, nous croyons qu'il est en voie de disparition, compte tenu qu'on est dans un contexte de concurrence. C'est notre position. Sur la question des amendements au projet de loi, je laisse la parole à mon collègue.

Le sénateur Losier-Cool: Je pense à un amendement parce que cela respecterait l'abonnement par défaut pur les personnes qui sont préoccupées par cela et qui est un des buts du projet de loi.

M. Stewart: Sénateur Losier-Cool, je pense qu'il faudrait que l'on voie exactement le libellé d'un tel amendement. L'article 3 nous confère beaucoup de pouvoirs comme je l'ai dit. Nous pensons, et il y en a d'autres qui ne sont pas de cet avis, que nous pouvons différencier entre les marchés francophones et anglophones, d'après nos pouvoirs. Mais ce n'est pas un point de vue qui est partagé par tout le monde. Si vous pensez qu'un amendement soit nécessaire, nous vous suggérerions que l'amendement respecte la vision de l'article 3, c'est-à-dire de permettre au Conseil de soupeser les objectifs en fonction des circonstances devant lui.

Le sénateur Losier-Cool: Plus ou moins?

M. Stewart: Oui.

Le sénateur Gigantès: Mais est-ce que ces besoins correspondent à la préservation des services en anglais au Québec et la préservation des services en français hors du Québec, quoi qu'en pense la majorité? C'est cela le problème.

M. Stewart: Ce sont des facteurs dont nous tiendrions compte certainement et d'après l'article 3, on est obligés d'en tenir compte, oui.

La présidente intérimaire: Nous sommes désolés d'être obligés de clore cette rencontre avec vous, mais nous avons quand même sept autres témoins à entendre avant la fin de la journée. Notre journée, comme vous voyez, est loin d'être terminée.

[Traduction]

Le vice-président: Sénateurs, nous avons quelques questions à régler. Nous devons approuver, de façon provisoire, notre budget pour que le sous-comité puisse se rendre à Washington, la semaine prochaine.

Nous avons reçu une demande d'autorisation budgétaire, pour la période se terminant le 31 mars 1998, du Sous-comité sur la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications. Le budget provisoire s'élève à 73 870 $. Ce montant avait été approuvé lors d'une réunion du sous-comité, à Halifax.

Quelqu'un peut-il proposer que le budget soit approuvé?

Le sénateur Roberge: J'en fais la proposition, monsieur le président.

Le vice-président: Honorables sénateurs, j'aimerais vous présenter l'honorable Francis Fox, qui est grandement responsable de notre présence ici, cet après-midi.

Monsieur Fox, vous avez la parole.

L'honorable Francis Fox: Monsieur le président, je souhaite dire quelques mots, après quoi je répondrai aux questions du comité.

[Français]

Je voudrais tout d'abord, monsieur le président, vous remercier de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous aujourd'hui.

Mon intérêt personnel et professionnel pour le développement de ce que j'ai convenu d'appeler «l'espace audiovisuel francophone» remonte à plus de 15 ans. Et si je suis devant vous aujourd'hui, c'est que je crois profondément que ce projet de loi, s'il était adopté dans sa formulation actuelle, aurait des effets néfastes et destructifs non seulement pour les compagnies affectées, mais pour la composante francophone de notre système de radio-télédiffusion et en conséquence, pour notre pays.

Je n'ai pas l'intention cet après-midi de faire l'exégèse des textes législatifs, puisque les associations qui me suivront et le Conseil qui m'a procédé l'ont fait dans un cas et le feront sûrement dans l'autre.

Je voudrais plutôt aborder le sujet sous un angle différent: celui de l'histoire des efforts concertés des gouvernements canadiens et québécois successifs pour assurer le développement d'un espace audiovisuel francophone riche, tant par sa qualité que par sa variété. Les promoteurs du projet C-216 -- et je n'ai aucun doute sur leur bonne foi -- s'inscrivent carrément à contre-courant de tous ces efforts, à tel point qu'on serait porté à penser qu'ils en ont eu aucune connaissance.

Création, développement, production, post-production, distribution, voilà les éléments clés qui doivent être favorisés dans une politique bien comprise. En attaquant de front le volet distribution comme le fait le projet de loi C-216, on affecte en même temps tout l'aspect production et en conséquence, la création de nouvelles oeuvres elles-mêmes. On dit dans le milieu que sans distribution, pas de production. Effectivement, si on frappe de plein front la distribution, on affecte inévitablement tous les éléments de la chaîne.

Je n'ai pas l'intention de traiter ici de la radiodiffusion anglophone dont la problématique est fort différente. Pour la radiodiffusion francophone, la question de l'offre a toujours constitué le problème de fond.

Une dizaine d'initiatives législatives, administratives, réglementaires ont été prises avec succès depuis les années 80 pour assurer le développement de cet espace audiovisuel francophone chez nous. Toutes ces initiatives étaient basées sur la prémisse que des mesures particulières doivent être prises dans le contexte canadien, si l'on veut assurer non seulement la survie, mais l'épanouissement de l'audiovisuel francophone chez nous.

Cette prémisse a été reconnue tout d'abord dans un livre blanc que j'ai signé moi-même en 1983 et qui s'intitulait : «Vers une nouvelle politique nationale de la radio-télédiffusion». Elle a été l'objet d'un accord entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec dans un rapport intitulé : «Rapport sur l'avenir de la télévision francophone de 1985». Elle a été réitérée dans le rapport du groupe de travail sur la politique et la radiodiffusion, communément connue sous le nom de Rapport Sauvageau-Caplan.

Et elle a trouvé reconnaissance législative dans un projet de loi présenté au Parlement canadien par le gouvernement conservateur de l'époque, projet de loi qui a trouvé l'assentiment très majoritaire de tous les partis des deux côtés de la Chambre et on retrouve, évidemment 3(1)c) cité par le sénateur Roberge il y a quelques instants.

Et pendant cette même période de temps, une série d'initiatives ont été prises au soutien du développement de l'espace audiovisuel francophone par des gouvernements libéraux et conservateurs à Ottawa, et par des gouvernements libéraux et péquistes à Québec.

Au niveau fédéral, on peut penser aux initiatives suivantes: les traités de coproduction avec la France en 1983 dont les résultats ont été tout simplement au delà de tout espoir. Traités signés avec le ministre de la Culture, M. Lang et le ministre de la Communication, M. Filioud et qui l'an dernier, ont permis la production de plus de 200 millions de dollars de production dans la grande région de Montréal; la création de Téléfilm Canada en 1983, à laquelle j'ai participé, et l'ajout par le ministre Masse des volets longs métrages et distribution en '86 ou en '87. Si bien aujourd'hui, 37,5 p. 100 des fonds de Téléfilm sont destinés à la production de langue française, reconnaissant encore une fois, qu'il est important d'avoir des mesures presque faites sur mesure pour le marché francophone. Je mentionnerais plus précédemment les initiatives prises par la ministre du Patrimoine canadien, Mme Copps par l'enrichissement substantiel des fonds de production dans une période de pénurie de fonds gouvernementaux.

Passons aux initiatives réglementaires du CRTC: pensons à TVFQ 99, à TV5, au nouveau service TQS, aux services spécialisés qui ont été introduits par le CRTC, et au niveau provincial, nous pouvons noter également la loi 109 qui a été appuyée par l'Assemblée nationale de façon générale.

On peut penser à la SODEQ et ses précurseurs dont la mission est de promouvoir la programmation de langue française. Et je pense également -- si votre présidente avait été ici aujourd'hui -- à la première entente signée par le Motion Picture Export Association of America avec un gouvernement, qu'il soit provincial, fédéral ou quelque état que ce soit, le premier accord signé qui s'appelle l'accord Bacon-Valenti et qui avait pour effet de favoriser la distribution au Québec de certains produits qui avaient été, jusqu'alors, distribués par les membres de la MPEAA.

Et j'ajoute le plus récent de tous les rapports au niveau fédéral...

[Traduction]

... le rapport du Comité consultatif sur l'autoroute électronique, déposé la semaine dernière, qui, dans le communiqué du 4 avril 1997, reconnaît l'importance d'efforts particuliers pour favoriser la production du contenu francophone sur l'autoroute électronique.

[Français]

Monsieur le président, il y a toute une série de constantes dans ces textes, ces règlements et ces décisions.

J'en reconnais une en particulier: la radiodiffusion de langue française en terre canadienne a des besoins et des exigences qui peuvent différer de sa contrepartie de langue anglaise. Et ceci, on l'a noté tout à l'heure, a maintenant été reconnu à l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion adoptée par le Parlement canadien en 1991.

Tel que rédigé, le projet de loi C-216, ou bien ne permettra pas aux nouveaux services francophones de démarrer ou encore, les empêchera de le faire à des prix raisonnables, privant ainsi les francophones de ce pays d'avoir accès dans leur langue, alors que c'est éminemment réalisable à une programmation d'une plus grande variété et d'une plus grande richesse.

Ce projet de loi mérite votre attention. Ce projet de loi doit être modifié pour les motifs déjà énoncés auxquels j'ajouterais: c'est de la législation qui va à contre-courant de tout ce qui a été fait depuis 15 ans par les gouvernements successifs au niveau fédéral. C'est un texte qui n'a pas sa place dans l'article principal de la Loi sur la radiodiffusion qui traite d'une vision positive de ce que doit être notre système.

[Traduction]

Pour la première fois dans notre histoire, nous introduisons à l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion, le principal article de la Loi, une restriction que nous ne retrouvons nulle part ailleurs dans le texte de loi. C'est un professeur de l'Université de Montréal, auteur de l'ouvrage qui fait autorité, au Canada français, dans le domaine de la radiodiffusion et des lois qui la régissent, qui m'a signalé la chose. Cette restriction n'a pas sa place dans cet article. Il s'agit d'une mesure réglementaire qui est négative, qui manque de vision et qui va à l'encontre des objectifs de la loi.

[Français]

De plus, c'est un texte qui change les règles de jeu établies en connaissance de cause par l'organisme expert en la matière: le CRTC, comme vient de l'exposer la présidente du Conseil. C'est un texte qui change les règles du jeu, ex post facto, entre l'attribution des licences et l'entrée en service, faisant fi des règles les plus élémentaires de justice naturelle.

C'est un texte qui ne tient nullement compte de la problématique francophone, ni au Québec, ni au Nouveau-Brunswick, ni au Manitoba, ni ailleurs au pays. L'extension des nouveaux services francophones devient une utopie. S'ils ne peuvent pas exister au Québec, ils ne pourront pas exister ailleurs au pays.

Et que dire du secteur de la production, que dire de la création? Tous ces engagements pris devant le CRTC par les détenteurs de licences disparaîtront dans le brouillard du matin, alors que les décisions du CRTC avaient pour effet de consolider à Montréal une industrie de haute technologie d'avant-garde.

Mentionnons les maisons de production dont une partie au moins du succès est due à cet encadrement que je viens de décrire et qui sont la fierté du milieu: les Coscient, les Cinar, les Productions de la Fête, Sovimage, Prima, SDA, Malofilm. L'APFTQ chiffre la seule production des producteurs indépendants en 1995, 1996, à 350 millions de dollars et toutes ces personnes sont affectées si l'on affecte le secteur de la distribution.

Et que dire du rôle du gouvernement canadien, rôle qui a toujours été rempli avec empressement, rôle d'agir comme promoteur, comme fiduciaire au niveau fédéral, de cette culture française en Amérique?

Monsieur le président, il n'est pas surprenant que tous les députés francophones de toutes les formations politiques en Chambre, le jour du vote en troisième lecture, aient voté contre ce projet de loi. Ils ont compris que ce projet de loi était néfaste dans sa rédaction actuelle.

Je vous laisse avec une citation d'un communiqué de presse émis le 24 septembre 1996, par la ministre de la Culture et des communications du gouvernement du Québec, Mme Louise Beaudoin. Après avoir fait sa propre analyse des effets néfastes de ce projet de loi sur l'audiovisuel francophone, elle posait dans les deux dernières lignes de son communiqué de presse la question suivante:

Qui a dit que la culture francophone et la culture québécoise étaient protégées dans un Canada uni?

Voilà la question qu'elle posait à ce moment-là et j'espère que les sénateurs dans cette pièce lui répondront par un amendement approprié en fin de journée.

Le sénateur Roberge: Monsieur Fox, vous êtes un ancien ministre des communications?

M. Fox: Je n'aime pas le mot «ancien».

Le sénateur Roberge: Ancien ne veut pas dire vieux. Dans votre cas, ancien ne veut certainement pas dire vieux. Mais je dois admettre que durant votre mandat, vous avez fait de l'excellent travail, comme aujourd'hui dans votre présentation, une excellente présentation, je vous félicite.

M. Fox: Je vous remercie.

Le sénateur Roberge: Selon vous, la problématique de l'abonnement par défaut devrait-elle être solutionnée par législation ou par réglementation?

M. Fox: J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que madame la présidente du Conseil a eu à dire il y a quelques instants, et si j'ai bien compris, elle témoignait à l'effet que ce projet de loi n'était pas nécessaire dans le contexte actuel, étant donné qu'il y avait de nouveaux moyens de distribution.

Deuxièmement, ses conseillers juridiques ont témoigné à l'effet que le Conseil avait déjà tous les pouvoirs nécessaires pour intervenir si jamais il y avait des abus dans les pratiques prises par les détenteurs de licences de distribution.

Mon point de vue à moi, je n'ai pas voulu regarder le côté anglophone parce qu'il semblait y avoir un certain consensus au pays, mais il me semblait très clair qu'au point de vue du développement de l'industrie de la télévision, de la radio-télédiffusion, dans un contexte francophone, ce projet de loi était néfaste, qu'il empêcherait probablement les nouveaux services de démarrer. S'il empêchait les nouveaux services de démarrer, on ne pourrait pas parler de disponibilité et de choix pour les francophones au Québec. Et si on ne peut pas parler de disponibilité de choix pour les francophones au Québec, il est illusoire de penser à l'extension de services dans les autres partie du Canada.

Sénateur Roberge, puisque vous soulevez la question, je pense que si l'on empêche les francophones d'avoir accès à un plus grand choix de programmation dans leur langue, dans cet univers de 500 canaux dont on nous parle toujours, c'est une avalanche, une marée, vraiment, de programmation anglophone qui sera disponible. Et du point de vue du gouvernement fédéral, on pourrait à ce moment-là dire que vous êtes responsables en partie de l'anglicisation des populations francophones du Canada. Alors, j'opte pour la continuité dans ce que les gouvernements, tant libéraux que conservateurs, ont fait ici et je le dis sans aucune partisanerie. On a toujours essayé d'approcher les questions de radiodiffusion au Canada dans un esprit de non partisanerie. La loi de 1968 sur la radiodiffusion a été adoptée à l'unanimité à la Chambre des communes et celle de 1991, je pense qu'il n'y avait que quelques votes négatifs qui avaient été portés à ce moment-là.

Et je trouve tout à fait extraordinaire de penser que l'on puisse parler d'un texte de loi aussi important, qui normalement fait l'objet d'examens par les ministères, par les comités parlementaires sénatoriaux avant de vraiment aller de l'avant avec ce projet de loi, qu'un projet est rendu ici un peu par l'astuce d'une personne qui, tout en voulant faire la promotion d'une idée valable, n'a pas eu l'occasion, de toute évidence, de réfléchir suffisamment aux conséquences de son projet de loi, sur tout le côté francophone, à tout le moins.

Le sénateur Roberge: On a l'impression, d'ailleurs, que même le Cabinet et le ministre responsable n'ont complètement pas vu passer du tout la parade dans ce dossier. C'est comme si quelque chose était arrivé puis ils s'en sont rendu compte un peu plus tard.

M. Fox: Je pense que vous pourriez peut-être poser la question aux détenteurs de licences de services spécialisés. Tout le monde admettrait que lorsque le projet était devant le comité de la Chambre, il n'y a personne qui a pensé qu'un tel projet de loi pourrait être pris au sérieux. Les conséquences sont tellement néfastes qu'il n'y a personne, l'été dernier, qui pensait que l'on pourrait sérieusement considérer l'adoption d'un projet de loi comme celui-là, qui aurait pour effet les conséquences que je viens de vous décrire.

Le sénateur Roberge: Je vous remercie d'une excellente présentation.

Le sénateur Gigantès: Je vous remercie, monsieur Fox. Je partage votre inquiétude au sujet de l'avenir de la programmation en langue française si la demande est diminuée. Mais ne croyez-vous pas qu'il faut placer le problème en même temps pour le français et pour l'anglais? Je sais que le danger pour le français est plus grand, mais par contre, je crois qu'il est nécessaire aussi de s'assurer que de la programmation canadienne-anglaise sera disponible au Québec.

Je sais que les canaux américains seront là par satellite. On veut protéger la minorité francophone en dehors du Québec sur le plan de l'accès à la programmation canadienne-française dans un cas ; il faut le faire pour la minorité anglophone à l'intérieur du Québec pour qu'elle ait accès à la programmation anglophone à l'intérieur du Québec.

M. Fox: Je ne suis pas en désaccord avec vous. J'ai pensé que le secteur anglophone était tellement bien représenté et tellement articulé, qu'il ferait part de sa position sur ce projet de loi de façon très claire. Et j'ai pensé, par ailleurs, que du côté francophone, il était important que quelques personnes, à titre professionnel ou à titre personnel, soulignent les dangers qui nous guettent dans ce secteur. Effectivement, je partage l'opinion de la présidente du Conseil qui nous a dit que le projet de loi, en lui-même, n'est pas nécessaire.

Mais s'il faut aller de l'avant avec un projet de loi, pour des raisons qui ne sont pas les miennes, je crois qu'il serait très utile d'amender le projet de loi que vous avez devant vous pour exclure la radiodiffusion dans les marchés francophones du Canada. Si, par ailleurs, vous partagez l'opinion du Conseil, le Conseil, évidemment, a beaucoup d'expertise et de sagesse dans le secteur. Le Conseil est en mesure d'établir les conditions de licence pour assurer non seulement la présence, mais les conditions dans lesquelles la mise en marché sera faite. Le Conseil semble nous dire que ce projet de loi, dans le contexte actuel, est différent du contexte d'il y a deux ou trois ans. Et cela témoigne à quelle vitesse le contexte technologique évolue: ils nous disent qu'aujourd'hui qu'il n'est plus nécessaire.

Alors, je ne sais pas pourquoi on veut légiférer quand les choses ne sont pas nécessaires.

Le sénateur Gigantès: Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas nécessaire, mais il y a une réalité politique à laquelle on doit faire face.

Le projet de loi a été présenté. Les médias, dans certaines parties du pays, se sont saisis de ce projet de loi et en ont fait des manchettes, et il y a certaines pressions qui se sont développées qu'on ne peut pas ignorer. Tel étant le cas, il faut vider l'abcès. Et pour vider l'abcès, il faut deux bistouris: un francophone, un anglophone. Il faut penser à l'intérêt de la minorité anglophone au Québec quand on veut défendre l'intérêt de la minorité francophone en dehors du Québec.

M. Fox: Pour la minorité francophone à l'extérieur du Québec, la situation est évidemment beaucoup plus difficile que pour la minorité anglophone au Québec. Je m'explique parce que c'est trop facile de dire cela sans explications.

Plus difficile pour les francophones parce que, effectivement, si les nouveaux services n'entrent pas en vigueur, ne sont pas en opération au Québec, il n'y aura pas d'extension à l'extérieur.

Par ailleurs, à l'extérieur, dans les marchés anglophones du pays, un marché au point de vue câblodistribution, qui est, je pense, environ quatre fois plus grand que celui du marché de la câblodistribution du Québec, il est assez évident que si les nouveaux services spécialisés démarrent dans ces marchés anglophones, ils seront également disponibles au Québec.

Je pense que l'Association des câblodistributeurs témoignera cet après-midi et elle vous parlera de la situation à l'extérieur du Québec. Je vous laisse avec deux chiffres simplement: il y a 1,6 millions d'abonnés au câble au Québec. Il y en a six millions dans le restant du Canada. Alors, cela vous donne une petite idée qu'il y a beaucoup de sagesse dans cet article 3(1)c) qui dit que l'on doit regarder les deux composantes de notre système de radiodiffusion: la composante francophone et la composante anglophone, et ne pas avoir peur d'avoir des conditions d'exploitation qui diffèrent.

En d'autres mots, il faut avoir un système qui est taillé sur mesure pour le marché francophone et non pas imposer à tout le marché canadien un système qui est taillé sur mesure, simplement pour le côté anglophone. Mais si vous voulez aller plus loin que moi, je n'ai évidemment pas d'objections, mais je suis ici surtout aujourd'hui pour vous faire part de mon point de vue sur l'effet de ce projet de loi, sur des politiques qui ne peuvent pas être les politiques les plus importantes qui ont fait l'honneur du Canada au cours des années: notre façon de développer notre système de radiodiffusion en assurant que la composante francophone et la composante anglophone peuvent se développer.

Et dans le contexte qu'on a devant nous aujourd'hui, il y a de forts doutes qui peuvent être soulevés sur les effets de ce projet de loi sur le côté francophone, tel que l'a indiqué d'ailleurs Mme Bertrand, également.

Le sénateur Gigantès: C'est très bien de vous entendre dire cela. Je ne veux pas que vous preniez mes propos comme une critique des avocats, j'en ai cinq dans ma famille et je les aime beaucoup, mais j'ai eu l'impression, quand le conseiller juridique du CRTC parlait, que c'était ni chair ni poisson. Il nous disait qu'il y avait une certaine prudence qui allait jusqu'à la timidité. Peut-être que je ne le comprenais pas assez, malgré le fait que je suis habitué à écouter le langage des avocats autour de moi, l'une d'elles que vous avez formée d'ailleurs, ma fille.

Est-ce qu'on ne devrait pas peut-être passer un petit amendement qui dirait que le CRTC doit faire certaines choses?

M. Fox: Absolument pas, sénateur Gigantès. À ce moment-là, vous seriez en train d'augmenter le fardeau administratif du CRTC. Le CRTC, normalement, agit à l'intérieur d'un cadre réglementaire. Ils ont une expertise reconnue dans le secteur et on doit faire confiance à nos organismes. On doit faire confiance à nos institutions à l'intérieur de paramètres généraux. Ils ont tous les pouvoir nécessaires pour mettre fin à des abus, si abus il y a.

Le sénateur Gigantès: Mais vous avez dit qu'ils ont un fardeau. Alors, peut-être qu'on pourrait les aider à porter un nouveau fardeau en coupant peut-être le vérificateur général qui est la partie de la fonction publique qui grandit le plus rapidement par an en dépenses et en personnel. On pourrait prendre un de ces vérificateurs et le donner au CRTC.

M. Fox: Je pense que votre comité doit prendre une décision. J'espère que mon témoignage clair et précis vous aidera d'une certaine façon. Vous deviez exempter les marchés francophones de l'application de cette loi, si cette loi va de l'avant.

Par ailleurs, vous avez la présidente du Conseil qui vous dit: «Cette loi en soi n'est plus nécessaire dans le contexte d'aujourd'hui.» Alors, est-ce qu'on veut continuer à légiférer dans des secteurs où l'expertise nous dit que ce n'est pas nécessaire? Peut-être, mais dans le cas des francophones, les effets sont tellement clairs, les effets sont tellement précis, les effets sont tellement néfastes, qu'on vous supplie d'exempter au moins le secteur francophone.

Et si le secteur anglophone veut faire la même argumentation, ils ont l'occasion de venir vous voir et je pense qu'ils vont venir vous voir au cours de l'après-midi.

Le sénateur Gigantès: Ce que fait ce projet de loi, c'est tâcher d'éviter aux gens d'écrire au câblodistributeur, dépenser 0,52 sous et d'écrire au câblodistributeur, disant: «Je ne veux pas ce nouveau bouquet que vous me proposez.» C'est tout. Ce n'est pas très dur d'écrire une lettre. Et 0,52 sous, c'est quelque chose que même les plus pauvres des Canadiens peuvent se permettre de dépenser une fois.

M. Fox: Les gens sont consultés. Les câblodistributeurs vont vous le dire. Je ne suis pas câblodistributeur, je suis un abonné. On est consulté, on nous demande si on veut tel service ou non.

Le sénateur Gigantès: Non, ils m'ont fourni un nouveau bouquet quand j'habitais la Gatineau, sans me consulter et ils m'ont envoyé une facture pour le nouveau bouquet et j'ai écrit que je ne le voulais pas. On ne m'avait pas consulté et ils y ont mis fin.

M. Fox: Vous les aurez devant vous cet après-midi, ils vous répondront. Ils vont vous répondre, je présume. Vous leur poserez la question. Je ne suis pas habilité vraiment à répondre à ce genre de question-là.

Le sénateur Poulin: M. Fox, je vous remercie beaucoup. Je pense que vous nous avez apporté une lumière sur l'importance de la continuité. Et quand on regarde aujourd'hui notre pays et qu'on se compare avec d'autres pays, on voit que notre loi sur la radiodiffusion nous a bien servis, et au Canada anglais «coast to coast» et au Canada français d'une mer à l'autre.

J'ai une question face à votre suggestion. Vous avez dit: «Si on empêche l'abonnement par défaut dans les marchés anglophones, on devrait au moins donner une exception au marché francophone.» Je vous ai bien compris?

M. Fox: C'est exact.

Le sénateur Poulin: Étant donné que notre objectif -- et le sénateur Macdonald le disait très bien tantôt -- c'est quand même de s'assurer que nous sommes là pour protéger le consommateur. Tout le monde est d'accord avec cela. Est-ce que ce ne serait pas donner un message de deux poids, deux mesures, que le consommateur au Canada anglais a besoin d'être protégé puis le consommateur au Québec n'a pas besoin d'être protégé?

M. Fox: Je crois plutôt qu'il s'agit d'une reconnaissance de ce qui peut fonctionner dans un marché, ne fonctionne pas nécessairement dans un autre marché.

Nous le constatons sur une période de 15 ans où rapport après rapport, on indique clairement que si on veut avoir un espace audiovisuel francophone vibrant, riche et dynamique dans un marché aussi étroit que celui du Canada français, c'est un petit marché, il faut être prêt à prendre des mesures différentes.

Effectivement, vous n'avez pas entendu le même genre de tollé de protestations provenant du Canada français que du Canada anglais.

Je pense qu'on est dans une situation fort différente. Il y a trois ans, les câblodistributeurs exerçaient une fonction de monopole dans la distribution de programmation au Canada. Aujourd'hui, on parle de câblodistribution. On parle de DTH, on parle des nouveaux services qui entrent en fonction. On parle d'une situation où si un câblodistributeur essayait aujourd'hui au Canada anglais d'imposer le même genre de pratiques employées il y a deux ou trois ans, c'est maintenant rendu impensable de leur part.

Deuxièmement, regardons le projet de loi au point de vue technologie. Ce que propose le projet de loi ne peut pas se réaliser. Mme Bertrand l'a indiqué encore une fois. Si je vous appelle et que je vous dis que vous avez trois services sur un volet quelconque que vous aimez beaucoup et que j'en ajoute un quatrième, est-ce que vous le voulez oui ou non? Vous me dites non, je ne le veux pas. À ce moment, dans l'état actuel de la technologie, vous êtes obligés de renoncer à tous les services que vous auriez à ce moment-là.

Le projet de loi est mal rédigé à plusieurs points de vue. Il ne tient pas compte de plusieurs réalités et l'une d'entre elles, c'est le milieu technologique.

Effectivement, on peut avoir toutes les bonnes intentions du monde quand on veut amender un projet de loi aussi fondamental que la Loi sur la radiodiffusion, on doit regarder toutes les incidences de ce que l'on essaie de faire. C'est clair et évident que les incidences n'ont pas été étudiées, ni du point de vue technologique, francophone ou de l'évolution du système de radiodiffusion au Canada.

Pour moi, ce projet de loi aurait dû mourir il y a fort longtemps mais étant donné qu'il semble y avoir une volonté politique pour le faire adopter, de grâce n'assassinez pas le système francophone parce que quelques députés d'arrière-banc veulent faire adopter un projet de loi qui va faire leur affaire en période électorale. Est-ce que je suis clair?

Le sénateur Gigantès: Vous avez passé à côté de la question qui est qu'on ne peut pas vraiment protéger le côté francophone si on ne protège pas le côté anglophone, même si ce n'est qu'une question de perception. La perception comme vous le dites dans une période électorale est très importante. Il faudrait faire quelque chose qui protège les deux côtés même si l'un a besoin de beaucoup de protection et l'autre n'en a besoin que de très peu.

M. Fox: Ce sont des choses qui m'échappent et qui ne vous échappent pas. La responsabilité vous incombe à vous, pas à moi.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald: Monsieur Fox, je suis tout à fait d'accord avec vous et Mme Bertrand. Ce projet de loi, qui vise à interdire l'abonnement par défaut, est totalement inutile. Cette pratique a été interdite dans trois provinces et dénoncée par l'association des câblodistributeurs. C'est l'Association des consommateurs qui dit, «Oui, mais ces gens vont trouver un moyen détourné de réintroduire cette pratique si nous n'adoptons pas ce projet de loi.» Bien que cette mesure soit inutile, il faudrait beaucoup de courage pour voter contre celle-ci. Les habitants de Chester, en Nouvelle-Écosse, me lapideraient si je le faisais. Nous devons adopter le projet de loi C-216 en raison de l'objectif qu'il vise, mais en le modifiant.

Je présume que vous êtes contre tout amendement qui implique une intervention continue de la part du CRTC.

M. Fox: D'abord, je suis conscient de la position dans laquelle vous vous trouvez. Le comité a été saisi du projet de loi, et il doit donc l'examiner. Notre rôle est de venir devant vous, de vous expliquer les lacunes du projet de loi et de vous encourager à le modifier. Bien entendu, ce projet de loi, s'il doit être adopté, doit d'abord être modifié.

Il faudrait proposer un amendement plus général, qui exclurait peut-être certains secteurs de l'industrie de la radiodiffusion. J'ai demandé que les marchés francophones soient exclus de l'application de la loi. Toutefois, je présume qu'il y a d'autres libellés que nous pouvons utiliser pour faire en sorte que le projet de loi soit interprété à la lumière des objectifs plus vastes de la Loi sur la radiodiffusion, dans le respect de ceux-ci. Mais cet amendement devrait être proposé par d'autres intervenants.

En exigeant que le CRTC tienne, dans chaque cas, des audiences pour déterminer si l'abonnement par défaut devrait ou non être accepté, vous allez créer un processus long et laborieux. Le Conseil pourrait très bien régler la question en appliquant le principe de façon générale. Par exemple, il serait préférable de proposer un amendement qui permettrait au CRTC non pas d'examiner les demandes au cas par cas, mais de façon globale, comme il l'a fait dans le cas des services spécialisés de langue française. En effet, le CRTC a précisé, dans son appel de demandes, que le nouveau service ferait partie d'un bloc de services à grande pénétration. Il serait préférable d'utiliser cette démarche plutôt que d'obliger le Conseil à tenir des audiences ponctuelles sur une question qui, comme nous le savons tous, est assez délicate.

Le sénateur MacDonald: Je suppose que les membres du CRTC ne veulent pas montrer leur enthousiasme à cet égard.

M. Fox: Je crois comprendre que vous allez rencontrer, cet après-midi, des représentants de Patrimoine Canada. Vous pourriez peut-être leur demander s'ils ont trouvé un moyen de concilier tous ces objectifs.

Le vice-président: D'après votre expérience, croyez-vous qu'un grand nombre de compagnies vont faire des démarches auprès du Conseil, à Ottawa, pour obtenir des exemptions?

M. Fox: Je ne le crois pas. Je pense que le marché a réglé le problème. Toutefois, si vous ajoutez cette nouvelle règle dans la loi, vous allez obliger les gens à venir à Ottawa. Il faudrait, à mon avis, laisser jouer les forces du marché. S'il y a abus dans un cas particulier, alors le Conseil pourra, comme l'a laissé entendre le conseiller juridique, intervenir. C'est comme cela qu'il faudrait procéder. Il ne faudrait pas obliger les gens à venir à Ottawa pour défendre leur point de vue. Il faudrait que le Conseil puisse intervenir lorsque des abus sont commis. Il nous a dit aujourd'hui qu'il possède ce pouvoir.

Le vice-président: Je présume que c'est pour cette raison que les simples députés ne devraient pas s'occuper de dossiers très complexes.

Je vous remercie d'être venu, monsieur Fox.

Nous accueillons maintenant des représentants de l'Association des consommateurs du Québec. Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.

[Français]

Mme Françoise Drolet, présidente, l'Association des consommateurs du Québec: Nous vous remercions tout d'abord, honorables sénateurs, d'avoir bien voulu nous permettre de nous faire entendre aujourd'hui. Notre association de consommateurs va vous produire un mémoire sur le projet de loi C-216. Permettez-moi de me présenter: je m'appelle Françoise Drolet, je suis présidente de l'Association des consommateurs du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Claude Ouellet qui est directeur général de l'Association des consommateurs du Québec. Je vais passer brièvement la parole à monsieur Ouellet afin de définir le rôle de l'Association des consommateurs du Québec.

M. Claude Ouellet, directeur général, l'Association des consommateurs du Québec: L'Association des consommateurs du Québec, c'est le principal organisme de défense des droits, des intérêts et des attentes des consommateurs au niveau de la province de Québec. Elle existe depuis 1948. Elle a constitué durant une trentaine d'années le volet québécois de l'Association des consommateurs du Canada.

Au cours des 20 dernières années, elle a fonctionné de façon beaucoup plus autonome. On est intervenu au cours des cinquante dernières années dans les principaux débats de consommation qui concernaient les gens du Québec et du reste du Canada, dont le dossier des télécommunications. On estime qu'il y a quelque chose d'important dans ce dossier qui peut toucher l'ensemble de nos membres et le reste de la population.

Nous sommes constitués d'environ 30 000 membres, des membres individuels et des membres corporatifs qui se retrouvent dans les quatre coins du Québec. Cela vous brosse un peu le tableau général. Je vais être disponible pour les questions.

Mme Drolet: Comme vous le savez tous, nous ne sommes ni câblodistributeurs, ni radiodifffuseurs, ni juristes. Le point de vue que nous désirons vous exprimer aujourd'hui, c'est carrément celui du consommateur québécois. Nous nous sommes attardés dans notre analyse sur les effets que ce projet de loi pourrait avoir sur le consommateur de langue français, au Québec en particulier et par extension, sur le consommateur de langue française en dehors du marché principal, de la francophonie canadienne.

Ce projet de loi, examiné sous la loupe de l'intérêt du consommateur francophone, comporte non seulement des inconvénients mais des désavantages majeurs qui, selon nous, exigent correction.

Nous reconnaissons d'emblée d'ailleurs que les motifs qui ont pu présider à la présentation du projet de loi ont pu être nobles, et comportaient des avantages dans le Canada de langue anglaise. Nous laissons toutefois à d'autres d'en débattre puisque notre mission, c'est la défense des droits des consommateurs du Québec. Nous sommes persuadés à cet effet que les auteurs du projet n'ont jamais examiné ou compris les conséquences néfastes du projet de loi pour les francophones du pays. Ils auraient sûrement voulu en tenir compte s'ils l'avaient compris. Nous comptons, en ultime analyse, sur leur bonne foi et aussi nous espérons qu'ils sauront reconnaître le bien-fondé de notre position.

Monsieur le président, en étudiant ce projet de loi, nous nous sommes posés une série de questions dont trois nous sont apparues plus importantes que les autres pour le consommateur québécois.

Premièrement, ce projet de loi assure-t-il aux consommateurs la disponibilité d'un plus grand choix, d'une plus grande variété de programmation de langue française?

Deuxièmement, ce projet de loi assure-t-il aux consommateurs un plus grand choix à moindre prix? Finalement, troisièmement, le CRTC a-t-il les pouvoirs nécessaires pour corriger des abus, s'il y en a?

Quant à la première question, nous souscrivons d'emblée à la proposition que dans cet univers de 500 signaux qui nous attend, un univers où la langue anglaise prédominera forcément dans un contexte nord-américain, il est important d'augmenter le nombre de signaux disponibles dans les marchés francophones.

Je ne sais pas s'il est nécessaire d'en dire davantage à ce sujet. Est-il nécessaire de rappeler que pour les consommateurs du Québec, les mots «choix de programmation» veulent dire non seulement en langue anglaise mais évidemment dans sa propre langue. Nous croyons que le CRTC l'a compris depuis longtemps en refusant d'imposer une réglementation unique à travers le pays mais plutôt en prenant une approche qui reconnaît que le marché francophone a des besoins différents. En lançant son appel d'offre pour des services spécialisés de langue française, le Conseil avait mis de l'avant une architecture de système qui encourageait la mise en service d'un plus grand nombre de services de langue française. C'est l'objectif que nous partageons.

Qu'en est-il par ailleurs de ce projet de loi? Nous sommes d'avis que loin de promouvoir la mise en place d'un plus vaste choix pour le consommateur, ce projet risque fort de réduire à néant cet objectif que nous partageons avec le Conseil, avec les gouvernements du Canada et du Québec, en rendant ex post facto illégal le modèle proposé par le Conseil.

Nous avons été également frappés par le fait qu'au moment de l'adoption en troisième lecture, tous les ministériels présents ont voté contre le projet de loi, et tous les parlementaires francophones du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario ont également voté contre le projet de loi, et cela, indépendamment de leur appartenance politique.

Ce seul fait devrait exiger plus ample réflexion de la part des promoteurs du projet de loi à l'étude. En référence à la question deux, il ne faut pas être éminent comptable ou économiste chevronné pour comprendre que dans un marché aussi restreint que celui du marché francophone, on ne peut lancer de nouveaux services à coûts raisonnables à moins de pouvoir en répartir les coûts sur un grand nombre d'abonnés.

Le projet de loi aurait pour effet d'empêcher carrément le recrutement d'un grand nombre d'abonnés avec comme résultat, soit d'empêcher les services de démarrer à défaut de rentabilité, cela est très clair, puis si tel était le cas, l'objectif du Conseil et du gouvernement d'assurer une plus grande disponibilité d'un plus grand nombre de services de langue française dans une mer de programmation de langue anglaise aurait été totalement réduit à néant. L'autre effet serait soit d'empêcher les services de démarrer à des tarifs raisonnables. Ceci nous inquiète au plus haut point.

Pas besoin d'être grand comptable ou économiste chevronné pour comprendre que si l'hypothèse d'abonnements établie par le CRTC est mise de côté, il y aura forcément moins d'abonnés et l'imposition de tarifs plus élevés par les détenteurs de licence en quête de rentabilité.

En résumé, notre analyse nous porte à croire que ce projet de loi aura pour effet, ou bien d'empêcher la mise en onde de nouveaux services, et donc de réduire l'accès des francophones à une plus grande diversité de programmation dans leur langue, ou bien de réduire le nombre d'auditeurs francophones pouvant y avoir accès puisque le prix exigé ne permettra qu'aux plus fortunés de souscrire aux nouveaux services, c'est notre crainte.

Alors il y a deux autres conséquence qui sont tout aussi prévisibles. D'abord, l'absence de services francophones disponibles à prix abordables, les consommateurs francophones devront se replier sur les services spécialisés anglophones. Cela nous apparaît l'évidence même. En l'absence de services viables à tarif raisonnable au Québec, inutile de même songer à la priorité que constitue l'extension de ces services aux francophones hors Québec.

Somme toute, les promoteurs du projet vous demandent comme législateurs de dire non à la disponibilité pour les consommateurs de langue française du pays d'un plus grand choix, d'une plus grande variété de programmation dans leur langue; non à la disponibilité de ces services à des prix raisonnables; et, non à la possibilité d'extension de ces services aux communautés francophones du pays.

Ajoutons en dernier lieu que tel que rédigé, le projet de loi prône des pratiques d'abonnement que ne permet pas la technologie actuelle. Face à la question de prendre ou de ne pas prendre un nouveau service faisant partie d'un bouquet, c'est forcément à tout le bouquet que le consommateur devra renoncer.

Notre dernière question avait trait au CRTC lui-même. Nous sommes de ceux qui croyons en nos institutions et à notre capacité de travailler avec elles. Le Conseil a tous les pouvoirs nécessaires pour faire face à des abus possibles. Nous serons d'ailleurs les premiers à inciter le Conseil à agir, si abus il y a.

Je vous assure que nous y veillerons. Pour toutes ces raisons, nous croyons que ce projet de loi comporte tellement de désavantages qu'il ne saurait être adopté dans sa forme actuelle. Nous vous soumettons respectueusement qu'il devrait, et nous insistons, être repensé pour assurer que les intérêts véritables du consommateur francophone soient bel et bien protégés dans ce nouvel univers de la radiodiffusion.

C'est le message que nous tenions à vous livrer. Nous vous remercions de votre bienveillante attention. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald: L'Association des consommateurs du Canada a comparu devant le comité il y a quelques semaines. Vous étiez présents à ce moment-là, n'est-ce pas?

[Français]

M. Ouellet: Nous n'étions pas là lors de cette présentation. L'Association des consommateurs du Québec ne faisait pas partie de la présentation et n'a pas été consultée, non plus, sur le contenu de la présentation de l'Association des consommateurs du Canada.

Mme Drolet: Nous sommes deux organismes tout à fait indépendants l'un de l'autre.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald: Vous connaissez la position de cette association?

Mme Drolet: Oui.

Le sénateur MacDonald: Vous n'avez pas discuté de cette question avec elle, et votre position est totalement différente de la sienne?

Mme Drolet: Oui.

Le sénateur MacDonald: Vous défendez les intérêts des consommateurs, qui sont des abonnés?

[Français]

Mme Drolet: Nous avons fait notre propre analyse. L'Association des consommateurs du Canada ne nous a pas consultés. Ils ont leur position qui leur est propre. Nous présumons qu'ils ont peut-être plus regardé le côté anglophone, et nous avons fait notre propre analyse qui nous amène à dire que nous sommes inquiets pour les consommateurs francophones.

Le sénateur Roberge: Lorsque l'Association canadienne des consommateurs était ici, la présidente qui est une francophone du Québec, nous a laissés l'impression qu'elle parlait aussi au nom des consommateurs du Québec. Vous nous dites qu'il n'y a eu aucune communication entre vous deux?

Mme Drolet: C'est exact. Nous n'avons eu aucune communication. Nous sommes deux organismes indépendants.

Le sénateur Roberge: Vous n'avez pas eu l'opportunité de discuter ensemble de différents dossiers fédéraux? Cela ne vous arrive pas?

M. Ouellet: Il arrive à l'occasion que l'on discute de certains dossiers. C'est assez récent. Lorsque j'ai débuté la présentation, j'ai dit que durant une trentaine d'années, l'Association des consommateurs du Québec a été la constituante québécoise de l'Association des consommateurs du Canada. Ce n'est plus le cas depuis les 20 dernières années.

Suite au retrait de la majorité des membres de l'Association des consommateurs du Canada au sein de l'Association des consommateurs du Québec, l'Association des consommateurs du Canada a reconstitué un autre groupement au Québec. Mais il regroupe beaucoup moins de gens que nous autres.

Le sénateur Roberge: À ce moment-là, l'Association des consommateurs canadiens a des membres au Québec qui ne sont pas vos membres.

M. Ouellet: C'est exact.

Le sénateur Roberge: Est-ce que ce sont des membres francophones ou anglophones?

M. Ouellet: Ils sont répartis dans les deux langues. L'Association des consommateurs du Canada a des constituantes dans toutes les provinces canadiennes. Ils développent à leur réunion des positions qui défendent la majorité de leurs membres. Ce sont donc des membres anglophones en grande partie. Que la présidente soit d'origine québécoise, c'est la première fois dans l'histoire que cela arrive. Mais elle réside au Québec et elle est d'origine anglophone.

Le sénateur Roberge: S'il y a des problèmes de caractère national ou qui touchent le fédéral, ne devriez-vous pas communiquer avec eux pour avoir une position commune pour défendre les intérêts des Québécois?

M. Ouellet: On peut dire qu'au cours des dernières années, il y a eu des périodes où il y a eu un peu moins de discussions. On est en train de développer plus de partenariat sur différents dossiers d'envergure nationale. Je pense, entre autres, au dossier des assurances au Canada. On travaille en collaboration. On va travailler ensemble sur les dossiers.

Cependant dans le cas des communications, on n'a pas été partie prenante de ces discussions ou de cette présentation.

Mme Drolet: L'Association des consommateurs du Québec représente quelques 36 000 membres au Québec.

Le sénateur Roberge: Et eux combien?

Mme Drolet: La branche québécoise est peu nombreuse. On n'a pas de chiffres, mais ils ne sont pas nombreux. C'est pour cela qu'on commence à regarder des ententes que l'on pourrait avoir ensemble. Mais dans le moment, notre position est la nôtre.

[Traduction]

Le vice-président: Je désire vous remercier d'avoir pris le temps de nous rencontrer.

[Français]

Mme Drolet: Il y a aussi Mme Bertrand qui vous a livré un message de ses préoccupations de consommatrice, et je vous assure que nous les partageons.

[Traduction]

Le vice-président: Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association de la télévision spécialisée et payante.

[Français]

Jane Logan, présidente de l'Association de la télévision spécialisée et payante: Je vous présente, M. Gérald Janneteau, président du Réseau des sports; Pierre Roy, président du Réseau Premier Choix, exploitant les services spécialisés Canal Famille et Canal D ainsi que le service de télévision payante Super Écran; John Riley, président de Teletoon, un nouveau service spécialisé dans l'animation, et Michel Arpin, vice-président à la planification de Radiomutuel, une entreprise dont les canaux spécialisés sont MusiquePlus, MusiMax et le Canal Vie.

Permettez-moi de vous présenter notre association puisque c'est la première fois qu'elle a l'occasion d'intervenir devant vous. L'Association de la télévision spécialisée et payante a été formée au cours de l'automne dernier afin de regrouper les titulaires de licence émise par le CRTC dans les domaines de canaux spécialisés de la télévision payante et de la télévision à la carte. Ces différents modes de distribution de signaux de télévision ont débuté au Canada en 1984. Aujourd'hui ils regroupent une trentaine d'entreprises titulaires de 54 licences dont 31 sont en exploitation. Notre association représente 80 p. 100 des revenus de ces entreprises ainsi que la vaste majorité des nouveaux titulaires d'une licence.

Quoique notre association ait de sérieuses réserves à l'égard du libellé du projet de loi déposé par M. Roger Gallaway, nous sommes en accord avec lui sur l'objectif de la protection du consommateur et sur la nécessité d'assurer un cadre harmonieux entre les partenaires qui sont les consommateurs, les télédistributeurs et les exploitants de services spécialisés et payants.

Compte tenu que l'Association n'a pignon sur rue avec une permanence que depuis le début de février 1997, et que la question du projet de loi présentement à l'étude par votre comité est en cours depuis bientôt une année, les exploitants de canaux spécialisés de langue française s'étaient regroupés, pour faire valoir leurs vues. Je leur laisserai le soin de présenter le point de vue des exploitants de canaux spécialisés sur le projet de loi C-216.

M. Gérald Janneteau, président de l'Association de la télévision spécialisée et payante: Monsieur le président, le problème fondamental du projet de loi C-216 est que son libellé tantôt imprécis et portant à de multiples interprétations, tantôt trop restrictif et niant toute flexibilité au CRTC dans son application, est sans rapport réel et sans commune mesure avec les intentions affichées et les objectifs visés lors de son adoption.

Deux éléments principaux expliquent cette distorsion. En premier, notons l'imprécision du libellé quant à la nature du service auquel doit s'appliquer le consentement exprès et préalable de l'acheteur ou de l'acheteur potentiel.

La question fondamentale que soulève le libellé est de savoir si le consentement du consommateur, auquel le paragraphe réfère, s'applique à l'achat des services non obligatoires de télévision spécialisée en tant que tel ou s'applique à des volets de service de programmation, comme le service de base ou les bouquets de services spécialisés.

Or, sur ce point les interprétations juridiques divergent. Si dans le cas du service de base, d'aucuns sont enclins à considérer que le consentement s'applique aux services en son entier et non à chacun des services de programmation qui le compose. D'autres, dont les auteurs de l'opinion juridique accompagnant notre mémoire, considèrent que tout ajout de services non obligatoires aux services de base, sans le consentement exprès et préalable de l'abonné sera interdit.

La présomption, à l'effet que le consentement exprès et préalable de l'acheteur ou de l'acheteur potentiel s'applique aux services non obligatoires de programmation en tant que tels, et non pas à l'unité variable que constituent les bouquets de services spécialisés mis en marché par les câblodistributeurs, est encore plus grande en ce qui a trait aux étages de services spécialisés.

Or, si une telle interprétation est retenue, cela aura pour effet:

Premièrement, de transformer progressivement tous les services spécialisés existants en services de télévision payante entièrement discrétionnaires à l'abonné;

Deuxièmement, de compromettre le lancement des quatre services spécialisés de langue française autorisés en septembre 1996 et devant être introduits en septembre 1997;

Troisièmement, de multiplier pour l'abonné par 5, voire par 10, les coûts mensuels d'abonnements aux services spécialisés de langue française, qui seront portés au niveau de celui des services de télévision payante;

Quatrièmement, de faire supporter par les abonnés individuels, une portion plus grande du coût du service par rapport aux annonceurs, ainsi rendre ces services inabordables;

Cinquièmement, de conduire à un cul-de-sac au plan technologique, puisque son application ne serait réalisable que dans un univers entièrement numérique où chaque abonné serait équipé d'un décodeur coûtant, selon des estimés récents, jusqu'à 700 $; le tout à être payé par l'abonné.

Sixièmement, de créer des conditions d'exploitation totalement inadaptées aux réalités économiques incontournables de l'étroit marché francophone au Canada et de forcer conséquemment nombre de services spécialisés de langue française à déposer leur bilan.

Notons que même si l'interprétation retenue est à l'effet que le consentement de l'acheteur s'applique exclusivement au bouquet de services spécialisés, tels que mis en marché par les câblodistributeurs -- ce dont nul ne pourrait être assuré avec que les tribunaux ne se prononcent -- cela pourrait avoir des effets négatifs très sérieux pour les services de langue française, car dans le nouveau contexte créé par le projet de loi, un bouquet discrétionnaire pourrait n'atteindre qu'un niveau de pénétration moyenne ou pis, se voir scinder en bouquets multiples chacun à faible pénétration. Ce qui, de l'avis même du CRTC, constitue des conditions d'exploitation inadaptées aux services spécialisés de langue française dans les marchés francophones, qui ne peuvent être viables et abordables que s'ils sont distribués aux services de base ou à un volet à forte pénétration.

M. Michel Arpin, vice-président planification de l'Association de la télévision spécialisée et payante: En second lieu, nous notons que le projet de loi ne contient aucune référence au fait que les radiodiffuseurs de langue française et anglaise diffèrent quant à leurs conditions d'exploitation et éventuellement quant à leurs besoins.

Pourtant, l'article 3(1)c) de la Loi sur la radiodiffusion, dont on a traité beaucoup aujourd'hui, reconnaît expressément que les systèmes de radiodiffusion de langue française et anglais diffèrent quant à leurs conditions d'exploitation et leurs besoins et que l'article 5(2)a) de la même loi fait expressément obligation au CRTC d'en tenir compte.

Or, en adoptant un article qui impose des exigences uniques pour les deux marchés, le législateur se placerait en contradiction avec lui-même. Si d'aucuns ont pu prétendre que l'absence de reconnaissance des différences entre marché francophone et anglophone, dans le projet de loi, pouvait être contournée par le pouvoir discrétionnaire du CRTC, l'avis juridique, que nous avons déposé, démontre tout au contraire que le libellé actuel du projet de loi C-216 enlèvera toute flexibilité au CRTC en la matière.

Cette interprétation très probante, ne pourra qu'être renforcée si le Sénat ou le Parlement canadien refuse expressément d'adopter des amendements au projet de loi, qui iraient dans le sens de la reconnaissance du caractère distinct des radiodiffusions de langue anglaise et française.

En terminant, rappelons que les éléments du libellé démontrent hors de tout doute raisonnable, que ce projet de loi va consciemment ou inconsciemment au-delà des intentions affichées et que ses répercussions concrètes seront sans commune mesure avec l'objectif visé initialement.

En effet, il propose des modalités de distribution qui vont bien au-delà de son objectif initial d'empêcher la pratique de l'abonnement par défaut; vont provoquer des répercussions désastreuses pour les services spécialisés de langue française qui sont sans commune mesure avec la nature et l'importance du problème abordé; vont générer des effets pervers négatifs pour le consommateur, beaucoup plus lourds de conséquence que les soi-disant bienfaits qu'il devait en principe leur apporter; font fit des obligations inscrites dans la Loi sur la radiodiffusion à l'effet de reconnaître les caractéristiques particulières des radiodiffusions de langue française et anglaise. Finalement, menacent l'intégrité du système de radiodiffusion de langue française et le dynamise de la culture française en Amérique.

Pour toutes ces raisons, nous demandons au comité sénatorial des transports et des communications d'initier une modification du projet de loi C-216, dans le sens que nous indiquons dans le texte de la modification soumise en annexe à notre mémoire, dont vous trouverez le libellé de notre proposition en français et en anglais, à la dernière page de cette présentation; c'est-à-dire en excluant les marchés francophones de son champ d'application. Mes collègues et moi-même sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le sénateur Poulin: Je remercie les témoins qui ont bien voulu nous expliquer fortement et hautement leurs inquiétudes face à la situation actuelle.

J'adresse ma question à M. Janneteau. Ce qui m'a beaucoup frappée dans votre présentation, c'est le message que Mme Bertrand nous a livré. Est-ce que le projet de loi C-216, dans le contexte actuel, peut donner l'impression à l'usager qu'il peut choisir ses services de câble non pas par bouquet, mais par chaîne ?

M. Janneteau: C'est en effet notre opinion. Tel que libellé présentement, le projet de loi peut porter à confusion et faire croire aux consommateurs qu'ils pourraient choisir véritablement à la carte le service qu'il veut recevoir chez lui; donc piger à travers tout l'offre des services.

Non seulement est-ce impossible du point de vue technologique dans le moment, mais ce qui nous inquiète aussi fortement c'est que dans l'avenir, si ces choses se produisaient, les canaux spécialisés aux francophones du Canada seraient grandement compromis.

[Traduction]

Le vice-président: Donc, vous ne dites pas que ce n'est pas possible du point de vue technologique, mais que ce n'est pas économiquement réalisable?

M. Janneteau: Ce n'est pas possible, du point de vue technologique, d'offrir un tel choix à ce moment-ci. Les câblodistributeurs pourront peut-être vous donner plus de précisions à ce sujet, mais pour l'instant, compte tenu du libellé du projet de loi, il ne sera pas possible d'offrir ce genre de choix au consommateur.

Le sénateur Roberge: Et qu'en est-il du SRD?

[Français]

M. Janneteau: Dans le moment, technologiquement les services de satellite directs au foyer peuvent vous offrir ces possibilités. Mais de façon générale, tous ces services vont être offert en bouquets.

Les négociations, que nous avons eues avec les fournisseurs de ces services jusqu'à ce jour, nous indiquent qu'il y aura des bouquets de services parce que c'est une façon pratique et plus économique de faire le marketing des services.

M. Arpin: J'ajouterais que même s'il y avait faisabilité technologique, il faudrait un décodeur numérique assez sophistiqué qui, en ce moment, nous apparaît pour l'industrie de la câblodistribution une pièce d'équipement d'une valeur de 700 $. Pour les services américains, qui ont déjà commencé à diffuser des signaux numériques sur l'Amérique du nord, on sait que les décodeurs se vendent au-delà de 1 000 $ américains, y compris l'antenne.

Le sénateur Roberge: Dans 5 ans ou dans 10 ans, cette possibilité va probablement exister à un coût très bas? C'est plus que probable.

M. Arpin: Il est probable que cette technologie, comme toutes les technologies de l'information, vont voir les prix chuter rapidement après l'introduction massive. Mais au Canada, nous attendons encore, malgré les promesses, que cette technologie soit implantée. Aux États-Unis, elle y est présente mais elle ne se développe que normalement.

Le sénateur Roberge: Le CRTC ne s'implique pas présentement dans les négociations que vous avez avec ces détenteurs de licence DTH?

M. Arpin: Absolument pas, non.

Le sénateur Roberge: Par contre, si on regarde vers l'avenir, dans 10 ans, où à ce moment-là il sera possible de l'avoir à la carte, à un coût raisonnable. Il va falloir qu'il y ait une certaine protection pour le réseau francophone, au moins?

M. Arpin: Je vais passer la parole à Pierre Roy, qui va compléter. Mais, c'est là une expérience qui nous apparaît illusoire. Les Américains l'ont étudié sur un marché immense et ils s'aperçoivent qu'il s'agit d'une stratégie de mise en marché qui n'intéresse pas le consommateur.

M. Pierre Roy, président de Réseaux Premier Choix: Je pense que, effectivement d'ici 10 ans, les progrès technologiques, iront peut-être dans le sens de rendre cela plus accessible au niveau du coût. Mais, cela ne changera pas le problème au niveau du marché francophone. Les services spécialisés francophones auront toujours besoin d'un fort taux de pénétration, pour être viables et offrir un coût abordable aux consommateurs. C'est un peu comme les vases communicants, si nous n'avons pas assez de pénétration il faut augmenter notre coût aux consommateurs, pour financer notre programmation. Alors, le prix va augmenter à ce moment-là et ne sera plus accessible aux consommateurs. Alors, au-delà de la technologie, je crois qu'il faut séparer. La technologie n'est pas là aujourd'hui, elle le sera peut-être un jour. Mais, le problème restera entier au niveau de la composante du marché francophone.

Le sénateur Roberge: Je suis totalement d'accord avec vous. C'est pour cela que j'ai dit qu'il va falloir avoir une réglementation où le CRTC sera obligé de s'impliquer à un moment donné, pour protéger le marché francophone.

M. Arpin: À chaque temps, sa réglementation et son esprit. Dans 5 ans, c'est dans 5 ans. Certains d'entre nous, qui sommes ici à cette table et d'autres de nos collègues qui sont ici dans la salle, devront lancer des entreprises dans les prochains mois, pas dans 5 ans. Nous avons obtenu des licences du CRTC qui sont impératives. On doit mettre notre opération en marche dans les 12 mois de l'attribution de la licence. Or, ces licences ont été attribuées le 4 septembre 1996. Donc, le CRTC s'attend à ce que l'on soit en opération, accessible aux abonnés au plus tard le 4 septembre 1997, et non pas dans 5 ans.

Le sénateur Gigantès: Est-ce que l'on va arriver au point où je pourrai avoir un appareil et demander de voir Michael Jordan, pour toute la nuit? Je souffre d'insomnie et je veux le voir jouer au basket-ball toute la nuit.

M. Roy: Aujourd'hui, il existe déjà la télévision à la carte, des programmes à la carte; il faut faire la différence entre une programmation, un contenu, un film ou un événement que vous pouvez acquérir par abonnement. C'est Viewer's Choice qui l'offre au Canada anglais. C'est le canal Indigo au Canada français. Donc, cette technique existe au niveau d'un programme à la fois. Cela est bien différent pour ce qui est d'un service où, pour assurer le service d'une façon continue, il faut une masse critique de revenus pour en assurer la qualité de la programmation. Si vous vouliez avoir Michael Jordan toute la nuit, pour combattre votre insomnie...

Le sénateur Gigantès: Non, pas pour combattre l'insomnie. Pour combattre l'insomnie, je lis la Loi sur l'impôt; deux paragraphes et c'est fini.

Le sénateur Losier-Cool: Les membres du comité apprécient toujours lorsque les témoins proposent des modifications ou présentent leur position. J'ai lu vos amendements et je vous pose la même question, que j'ai posée tout à l'heure à la représentante du CRTC. Accepteriez-vous une modification au projet de loi qui entrerait un peu dans les mêmes idées que vous nous avez énoncées, mais qu'en même temps nous donnions la responsabilité au CRTC?

M. Arpin: Le premier volet de ma réponse, c'est de vous dire que effectivement, vous avez posé cette question au CRTC, nous nous sommes laissé dire qu'il y aurait peut-être une proposition qui émanerait d'un témoignage plus tard dans la journée; malheureusement on n'en connaît pas la teneur. Nous n'avons pas eu l'opportunité de l'analyser et d'en voir l'impact. Il s'agit d'un long processus d'étude de la pertinence d'un projet de loi.

Si nous effectuons la genèse du projet de loi C-216, il a fait l'objet de débats à la Chambre des communes au printemps de 1996, et nos licences ont été attribuées le 4 septembre 1996. Donc, au moment où le débat a eu lieu à la Chambre des communes, nous aurions peut-être dû en être préoccupés, mais notre première préoccupation était de se présenter devant le CRTC pour essayer d'obtenir un permis. Pendant l'été, nous étions en attente d'une décision. Nous avons commencé à comprendre la portée et l'impact de l'amendement de M. Gallaway. C'est à partir de ce moment que nous sommes intervenus et que nous avons fait comprendre au législateur qu'il y avait problème.

Nous avons proposé un amendement appuyé d'une opinion juridique. On nous incite, spéculativement, à donner notre caution à un amendement qui ne nous est pas encore connu dans sa teneur. Nous aimerions bien avoir l'opportunité, après en avoir pris connaissance, d'aller voir nos conseillers juridiques pour leur demander si cet amendement a une portée semblable à celle que l'on a ou meilleure.

On ne prétend pas qu'on a la solution. On prétend que la solution que nous vous avons proposée remplit les objectifs des représentants qui sont ici à la table. Peut-être que l'amendement qui sera proposée plus tard sera meilleures mais collègues mais nous ne sommes pas en mesure spéculativement de vous donner un chèque en blanc.

Le sénateur Losier-Cool: Je comprends très bien cela. Ma question est assez générale, à savoir si cette modification donnait un rôle au CRTC?

M. Arpin: On a entendu le témoignage d'un représentant du CRTC qui à dit lui-même qu'il avait son rôle; son rôle était déjà inscrit dans la Loi, qu'il l'exerçait et donc qu'il était imparti de cette obligation et qu'il l'exerçait. Il semble que le CRTC ne vous a pas convaincu puisque vous insistez encore davantage pour avoir notre soutien. Je comprends votre préoccupation et qu'il y a eu beaucoup de débat autour de cela.

L'opinion des conseillers que nous avons consultés est à l'effet que effectivement la préoccupation que nous avons est véritable et que l'amendement que nous vous proposons y répond. Donnez-nous la chance de connaître la proposition qui émanera plus tard puis on va revenir rapidement.

Le sénateur Gigantès: Les représentants du CRTC nous ont dit qu'ils ont le pouvoir, mais les termes qu'ils utilisaient étaient tellement prudents, timides que cela ne nous rassurait pas du tout. Nous voulons très vite une décision claire.

M. Janneteau: Nous croyons que le CRTC a effectivement ces pouvoirs dans le moment. Le problème est à l'effet que si l'amendement est adopté, nos conseillers juridique nous disent justement que cela va infirmer les pouvoirs du CRTC. C'est ce qui nous inquiète en ce qui concerne l'avenir des canaux spécialisés francophones.

Le sénateur Gigantès: De quel amendement parlez-vous?

M. Arpin: De l'amendement Gallaway, du projet de loi tel qu'il est devant vous.

Le sénateur Gigantès: On parle d'un amendement fait par ce comité disant que le CRTC a le droit de trancher sur ces sujets. C'est au CRTC de prendre la décision et non pas aux consommateurs.

M. Arpin: Le CRTC, si j'ai bien compris leur témoignage aujourd'hui même si vous traitez ce témoignage de timide, a quand même dit qu'il était imparti de cette question, qu'il l'avait traitée. Je me réfère aussi au témoignage du prédécesseur de Mme Bertrand au comité de la Chambre des communes, qui lui aussi a dit que le Conseil avait tous les pouvoirs pour régler cette question.

Le sénateur Gigantès: Mais nous avons devant nous un projet de loi qui a été adopté par la Chambre des communes et qui a une vague d'appuis mal considérés, à mon avis, par les médias.

M. Arpin: Effectivement, il y a une vague d'appuis j'en conviens avec vous. Je supporte entièrement ce que vous venez d'affirmer. Je pense que le libellé du projet de loi Gallaway est plus large que son intention. Les journalistes ont rapporté les propos de M. Gallaway, mais ils n'ont pas rapporté les fondements juridiques du projet de loi. Les journalistes s'en sont tenus aux déclarations publiques qui ont été faites sur la question par divers intervenants, y compris le parrain du projet de loi. Mais ils n'ont pas eux-mêmes fait l'analyse de la portée du projet de loi. Je n'ai pas vu d'opinion dans les journaux, je n'ai pas entendu de débat la radio ou la télévision sur la portée du projet de loi. La seule opinion que je connaisse, c'est celle déposée devant vous avec notre mémoire.

[Traduction]

Le sénateur Adams: Vous dites que vous allez accuser un retard de cinq ans si ce projet de loi est adopté. Vous dites que vous n'avez pas la technologie nécessaire pour assurer la radiodiffusion en français. Est-ce qu'elle va coûter moins cher dans cinq ans?

M. Roy: La technologie sera peut-être disponible dans cinq ans, à un coût abordable, mais il faudra attendre au moins cinq ans. À l'heure actuelle, le consommateur doit dépenser près de 700 $ juste pour avoir cette liberté de choix. Ce n'est pas, à mon avis, l'objectif visé par ce projet de loi. L'impact négatif qu'il aura sur les services de langue française ne fera qu'augmenter les coûts.

Le sénateur Adams: Donc, même si le projet de loi est adopté cette semaine ou la semaine prochaine, vous serez obligé d'attendre cinq ans.

M. Roy: La technologie et le marché francophone sont deux choses complètement différentes. Le coût de cette technologie pose, pour l'instant, un problème additionnel. Toutefois, la taille du marché francophone et le faible taux de pénétration seront les mêmes dans cinq ans. Ce sont deux questions distinctes.

M. Janneteau: Autrement dit, même si la liberté de choix est le seul facteur en jeu, et que le consommateur pourra à la longue choisir les services qu'il veut, les services offerts dans l'ensemble du Canada, mais surtout dans les marchés francophones, continueront d'être confrontés à la réalité suivante: le taux de pénétration d'un service, quel qu'il soit, sera nettement moins élevé s'il n'est pas distribué dans un bloc de services. Par conséquent, si l'on veut offrir le même service et une programmation de même qualité, il faudra augmenter le coût. L'impact sur le consommateur sera beaucoup plus grand que ce qui avait été envisagé lorsque le projet de loi C-216 a été déposé.

Le sénateur Adams: Certaines personnes soutiennent qu'il y aura jusqu'à 500 canaux qui seront offerts aux consommateurs. Nous en avons présentement environ 200. Est-ce qu'il y aura un plus grand nombre de canaux de langue française?

M. Janneteau: Je ne saurais vous le dire. Personnellement, je crois qu'on exagère quand on dit que les consommateurs auront accès à 500 canaux. Ces canaux englobent de nombreuses chaînes qui ne seront pas accessibles au consommateur. Par exemple, il sera possible de visionner un film, à n'importe quel moment, sur 80 à 100 chaînes, mais celles-ci ne seront pas perçues comme étant des canaux.

Vous voulez savoir si nous aurons accès à un plus grand nombre de canaux de langue française. J'en doute. Il y en aura plus, mais pas beaucoup. En tout cas, il n'y en aura pas autant que dans les marchés anglophones du Canada, ou qu'aux États-Unis.

Le sénateur Adams: Pour revenir au projet de loi C-216, supposons que quelqu'un me demande combien de canaux je veux avoir. Je lui réponds que j'en veux 10. Toutefois, une autre personne répond qu'elle en veut 20, mais de langue française. Est-ce qu'il sera possible de les offrir?

M. Janneteau: Je ne le sais pas. Je ne peux pas répondre à cette question.

Le vice-président: Merci beaucoup. Ce fut un plaisir pour nous de vous accueillir aujourd'hui. Votre position est très claire.

Nous accueillons maintenant des représentants de l'Association des câblodistributeurs du Québec. Vous avez la parole.

[Français]

M. Marcel Bujold, président de l'Association des câblodistributeurs du Québec et président de Câblodistribution G. inc.: M. le président, je suis accompagné de Lysline Parenteau, directrice générale de l'Association; Francine Côté, conseillère juridique de Côté et associés; Jacques Bégin, vice-président et directeur général de Cogéco Câble; Michel Bissonnette, vice-président marketing, Vidéotron et de M. Édouard Trépanier, directeur, Affaires réglementaires, Le Groupe Vidéotron.

L'Association des câblodistributeurs du Québec (ACQ) regroupe une centaine d'entreprises de distribution par câble qui représente près de 2 millions d'abonnés, soit un taux de pénétration de 65 p. 100 des foyers qui reçoivent notre service de câblodistribution et qui ont accès à des chaînes spécialisées.

Comme vous le savez déjà, il n'est pas possible, étant donné la taille restreinte du marché francophone, de multiplier les chaînes spécialisées francophones au même rythme que les chaînes anglophones. Le déséquilibre entre l'offre des services de langue française et de langue anglaise exige donc de faire la promotion de services de langue française, en ayant recours à des moyens différents. La Loi sur la radiodiffusion reconnaît expressément la différence entre le système de langue française et anglaise et permet au régulateur de prévoir des conditions d'exploitation qui tiennent compte de cette situation.

Dans cet environnement particulier, il est nécessaire d'introduire rapidement une gamme variée de services spécialisés de langue française à un nombre étendu d'abonnés pour en assurer la viabilité. L'intention du projet de loi C-216 est louable en ce qu'elle vise à permettre au consommateur de payer pour les seuls services de programmation spécialisés ou payants qu'il désire expressément recevoir. Toutefois, le projet de loi ignore le caractère particulier du système francophone en proposant une seule et même mesure pour les deux systèmes de radiodiffusion. L'ACQ estime qu'une telle mesure entraînera rapidement l'appauvrissement du système de radiodiffusion francophone. Le consommateur sera le premier à souffrir. Le choix des services offerts sera nécessairement réduit et les services en mode de survie seront offerts à un prix évidemment plus élevé. Le projet de loi C-216 risque de ramener les pendules à l'an 1982, au moment de l'introduction des services de télévision payante au Canada.

Au Québec, au début des années 80, vous vous souviendrez que plusieurs services avaient alors été autorisés, dont un service national d'intérêt général en langues française et anglaise et cinq services d'intérêt régional, dont un en langue française.

Le lancement de tous ces services fut un désastre mémorable. Il devint rapidement évident que le modèle concurrentiel des services de télévision payante offerts sur une base facultative n'était pas viable, entraînant une restructuration hâtive des services autorisés. En juillet 1984, le service régional de langue française fut autorisé à se fusionner au service national, compte tenu du peu de succès et de la faible pénétration de ces services.

Le problème était si grave que les gouvernements durent intervenir. En décembre 1984, les ministres des Communications du Canada et du Québec constituaient un comité fédéral-provincial chargé d'étudier l'avenir de la télévision de langue française. Le comité, dont le rapport fut publié en mai 1985, recommandait que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes favorise la création de services spécialisés de langue française dans l'est du Canada. Le financement de ces services serait assuré par la publicité et un léger supplément au tarif d'abonnement du service de base du câble.

Entre-temps, dans un effort pour améliorer la pénétration de leurs services respectifs qui demeurait stagnante, First Choice, Super Écran et Super Channel décidèrent en avril 1986 de les offrir en bouquet avec les services spécialisés de langue anglaise, de musique, de sport, de santé au tarif de 15,95 $. Cette nouvelle méthode de distribution a connu un succès immédiat et a permis à ces services d'émerger.

Par la suite, en novembre 1987, le Conseil autorisait plusieurs nouvelles entreprises de programmation spécialisées dont cinq de langue française. Le Conseil indiquait dans ses décisions qu'il s'inquiétait de l'absence de services spécialisés destinés aux auditoires francophones et de la nécessité d'assurer une disponibilité égale de ces services, afin d'éviter un glissement progressif de l'auditoire francophone vers les services de langue anglaise.

C'est ainsi que le Conseil en est venu à développer un scénario original d'introduction des services spécialisés de langue française, par la règle du: « qui en prend un, les prend tous ». Un câblodistributeur qui choisissait de distribuer un des services spécialisés de langue française autorisés devait distribuer le bloc complet de ses services pour une période de trois ans. Si le projet de loi C-216 avait été en vigueur à cette époque, les services spécialisés de langue française, comme TV-5, Canal famille, Musique Plus, Météo Média, le Réseau des sports, n'auraient jamais été lancés.

Ce scénario original répondait aux caractéristiques de l'environnement télévisuel de l'époque, alors qu'il n'y avait pas de services spécialisés de langue française. Pour s'assurer que leur lancement soit viable, il fallait implanter ces services rapidement auprès du plus grand nombre d'abonnés.

Ce scénario, résultant des dures leçons apprises dans les années 1980, a ainsi contribué au développement du système de radiodiffusion francophone, en permettant aux services spécialisés de développer une notoriété auprès des abonnés, tout en réduisant le coût d'abonnement par rapport à une offre de services à la pièce.

Deux autres services de langue française furent autorisés en 1994. Le Conseil ouvrait alors la porte à la distribution des services spécialisés de langue française sur une base facultative, en autorisant Canal D à être distribué à un volet facultatif plutôt qu'au volet de base, comme c'était le cas pour les services précédents. Il s'agissait d'un début dans l'assouplissement de la réglementation afin de permettre aux câblodistributeurs d'offrir les services spécialisés sur une base facultative.

Pour la première fois au Québec, certains de nos membres ont introduit en 1995 un volet facultatif de forte pénétration. Ce volet a connu un grand succès. Aujourd'hui, les services spécialisés autorisés selon les principes de distribution facultative à un volet de forte pénétration, représentent une offre de services diversifiés, à un coût abordable. Quatre autres services spécialisés de langue français ont par la suite été autorisés selon le même principe. Cette décision accroît le choix de services francophones dans l'univers multicanaux, tout en rendant possible l'addition d'autres services de langue française dans l'avenir.

L'ACQ estime que le rythme de croisière, atteint au terme de 15 ans de progrès, sera compromis par l'adoption du projet de loi dans sa facture actuelle. En effet, le projet de loi C-216 ne tient aucunement compte des réalités historiques, économiques et culturelles du système francophone dont nous venons de faire état. Le projet de loi ne tient pas compte non plus des prescriptions mêmes de la Loi sur la radiodiffusion. Le projet de loi a pour effet de soustraire la discrétion dévolue au conseil, notamment pour tenir compte des conditions d'exploitation et des besoins particuliers du système de radiodiffusion de langue française selon des règles souples.

L'histoire a démontré que le marché francophone ne peut soutenir des services offerts à la pièce sur une base facultative. Pour exercer un véritable choix, encore faut-il que le consommateur puisse choisir parmi une gamme de services attrayants disponibles. Si les services sont offerts à la pièce, tout comme les services de télévision payante, leurs prix respectifs seront nécessairement plus élevés. L'augmentation de prix aura pour effet de réduire la demande. A cause de cet effet de spirale, certains services seront condamnés à disparaître. Les autres services seront réduits à un mode de survie, avec des revenus sévèrement diminués. La réduction des revenus aura un impact négatif sur les dépenses en programmation canadienne et du même coup, sur le contenu canadien et la qualité des services. Le projet de loi C-216 aura donc pour effet de nuire à la réalisation des objectifs de politique prévus à la Loi sur la radiodiffusion, notamment en matière de diversité et de contenu canadien. Le consommateur se trouvera perdant avec un nombre réduit de services, à un prix plus élevé, offrant un contenu moins attrayant.

En effet, l'introduction du volet facultatif à forte pénétration a permis aux consommateurs de choisir et de recevoir une nouvelle gamme de services plutôt que de forcer la réception au volet de base. Ironiquement, le projet de loi C- 216 nous empêcherait de donner ce choix aux consommateurs.

Enfin, le projet de loi aurait un effet rétroactif sur les titulaires de licences de services spécialisés. Une telle situation est tout à fait inéquitable puisqu'elle équivaut à changer les règles du jeu en cours de licence. Il va sans dire que le prochain lancement des services autorisés, prévu pour l'automne 1997, sera remis aux calendes grecques si le projet de loi est adopté.

En conclusion, l'objectif des câblodistributeurs est d'offrir le plus grand choix aux consommateurs au meilleur prix possible dans le respect -- et j'insiste -- dans le respect de la clientèle. L'ACQ estime que le projet de loi C-216 va complètement à l'encontre de cet objectif. Pour cette raison, nous vous demandons de modifier le projet de loi de façon à permettre une exception pour le système francophone.

Je vous remercie. Nous sommes disposés à répondre à vos questions.

[Traduction]

Le vice-président: Si aucun autre témoin ne souhaite ajouter quelque chose, nous allons passer aux questions. Sénateur MacDonald.

Le sénateur MacDonald: Qu'est-ce que vous entendez par «modifier»?

[Français]

M. Bujold: Ce serait amender le projet de loi de façon à permettre au Québec de lancer des services par bouquet au lieu d'à la pièce, et de le faire d'une façon respectueuse de notre clientèle. Certains câblodistributeurs ont expérimenté «les services à l'étage», cela a été expérimenté avec les services spécialisés et il y a eu très peu de critiques qui provenaient du Québec. Cela s'est fait d'une façon différente, il y a eu très peu de critiques. Personnellement, j'étais là un an après que ces câblodistributeurs aient fait l'expérience des services spécialisés et tout s'est bien déroulé. Il n'y a pas eu de critiques de la part de la clientèle. De le faire à la pièce au Québec, nous n'avons pas la masse critique nécessaire. Il faut amender le projet de loi de façon à permettre que les nouveaux services et les services existants puissent survivre au Québec.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald: Avez-vous des suggestions à nous formuler quant aux modifications que nous pourrions apporter à ce projet de loi pour répondre à vos préoccupations?

Mme Francine Côté, Association des câblodistributeurs du Québec: Sénateur MacDonald, l'amendement que nous proposons est identique à celui qu'ont recommandé les derniers témoins, l'Association de la télévision spécialisée et payante. Vous le trouverez à la page 8 de notre mémoire.

[Français]

Le sénateur Gigantès: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il faut absolument protéger l'accès aux consommateurs du Québec, afin d'avoir suffisamment de demandes pour justifier la production. Mais, il faut penser aussi aux francophones hors Québec. Or, une modification du projet de loi dans le sens d'une exception pour le Québec seulement ne s'adresse pas à cet autre problème. À mon avis, s'il y a modification, il faudrait que la modification protège l'accès aux services francophones pour les consommateurs francophones hors Québec et il faudrait qu'il y ait une protection parallèle pour les consommateurs anglophones au Québec. Politiquement, c'est ce qu'il faut faire; il faut regarder cette option-là. Il n'y a pas qu'un seul volet, il y a cette autre réalité politique à laquelle il faut s'adresser.

M. Bujold: Il existe une réalité canadienne avec laquelle il est parfois difficile de travailler. Protéger en même temps les francophones du Québec et hors Québec, il s'agit là d'un objectif très louable. Il faut comprendre que la masse critique des francophones est située au Québec. Si l'on ne protège pas cette masse critique, les services francophones ne seront pas disponibles pour les francophones hors Québec.

Le sénateur Gigantès: Je suis parfaitement d'accord avec vous.Il faut protéger les services francophones au Québec, cela est intouchable. J'aimerais que vous nous aidiez un peu et que vous nous suggériez une avenue qui soit acceptable du côté anglophone. De telle sorte que, par exemple, les anglophones du Manitoba ne disent pas qu'ils ne veulent pas acheter les services télévisés francophones ou que les câblodistributeurs du Manitoba ne présentent pas votre production francophone au Manitoba.

M. Bujold: Ce que permet le projet de loi C-216.

Le sénateur Gigantès: Exactement. Je suis contre ce projet de loi.

M. Édouard Trépanier, directeur des affaires réglementaires, Le Groupe Vidéotron Ltée: Ce que nous exprimons aujourd'hui, c'est qu'en permettant que les services de langue française puissent continuer à évoluer et et en permettant l'arrivée de nouveaux services de langue française, les marchés francophones, tels que définis dans la réglementation du CRTC pourront survivre à l'avenir.

Vous soulevez une question très importante pour les francophones qui ne vivent pas dans des marchés francophones tels que définis par le CRTC. Il est très important qu'il y ait des services, mais il faut qu'ils y aient accès. La présidente du CRTC ne s'est pas prononcée en faveur du projet de loi C- 216. Le CRTC a toujours travaillé fort pour que les minorités soient bien servies, que ce soit les francophones dans les marchés anglophones ou les anglophones dans les marchés francophones. L'ACTC, représentant les câblodistributeurs de l'ensemble du Canada, vous communiquera la problématique qui existe dans les marchés anglophones avec le projet de loi C- 216. À notre avis, il n'y aura même pas de services en langue française si le projet de loi C- 216 est adopté dans sa forme actuelle.

Le sénateur Gigantès: Il y a une réalité politique. Le projet de loi C-216 a été adopté par la Chambre des communes. Le parrain de ce projet de loi a reçu une vague d'appuis médiatiques. C'était un tour de force de sa part, mais il l'a fait. Il a présenté cela comme un moyen de protéger le consommateur. Dans le moment, le consommateur n'a qu'à prendre sa plume, écrire une lettre aux câblodistributeurs, acheter un timbre de 52 cents et dire qu'il ne désire pas tel ou tel service qui lui a été proposé. On nous a présenté cela comme une forme de protection du consommateur hors Québec, qui est exploité par les câblodistributeurs, n'est-ce pas?

M. Trépanier: C'est vrai.

Le sénateur Gigantès: Il faut s'en sortir, on est mal pris. Alors, je vous demande de vous transformer en bon citoyen qui a le droit de vote, de penser en politicien et de nous faire quelques petites suggestions à ce sujet?

Mme Côté: Sénateur Gigantès, la préoccupation, dont vous venez de faire état, vous honore. Je comprends vos problèmes. Je dois ajouter aux commentaires de mon collègue, M. Trépanier, à l'effet que la première préoccupation doit être de maintenir en vie les services spécialisés de langue française. La deuxième préoccupation pour les francophones hors Québec, qui vous honore tout à fait et qui préoccupe l'Association, c'est d'avoir accès, pour ces francophones hors Québec, aux services de langue française. Selon les règles actuelles, lorsque les services de langue française sont distribués ou offerts dans un marché non francophone, ils sont offerts à un prix beaucoup moindre que lorsqu'ils sont offerts dans le marché francophone.

Le projet de loi C-216 n'aurait sans doute pas le même effet pervers qu'il pourrait avoir dans un marché francophone, à savoir que d'une part avec l'amendement, que nous vous soumettons pour le système francophone, les francophones hors Québec continueraient d'avoir accès à des services francophones. Ces services seraient disponibles sur une base à la pièce ou facultative, à un prix beaucoup moins élevé que les services maintenant offerts dans le système francophone.

Le sénateur Gigantès: C'est dans votre amendement?

Mme Côté: Oui, tout à fait. En réponse à la préoccupation que vous avez soulevée à quelques reprises cet après-midi, à savoir que l'abonné qui ne veut pas recevoir le volet ou le bouquet discrétionnaire avec son service de base n'a qu'à écrire ou téléphoner à son câblodistributeur ou encore n'a qu'à acheter un timbre à 0,59 cents. M. Bujold vous a dit qu'au Québec la méthode d'implantation du volet discrétionnaire, de forte pénétration, s'est fait différemment. Je peux vous donner un exemple pour le volet de Télé Max, de CF Câble TV où le consommateur, selon votre préoccupation -- encore une fois, tout à fait fondée -- n'avait même pas à se procurer un timbre de 0,59 cents. Il a reçu un coupon-réponse pré-affranchi avec sa facturation, à retourner s'il ne voulait plus recevoir tel ou tel service. Tout est dans la façon de faire les choses. Et c'est pour cela qu'au Québec, compte tenu de l'environnement tout à fait particulier que nous avons, cela n'a pas causé les mêmes problèmes que dans le reste du Canada.

Le sénateur Roberge: Avez-vous été appelés comme témoins à la Chambre des communes devant le comité permanent de la Chambre?

M. Bujold: Je ne suis pas allé. Est-ce que quelqu'un y est allé?

Mme Côté: Non.

Le sénateur Roberge: D'après ce que je viens d'entendre, je constate que personne de la communauté francophone n'est allé devant le comité de la Chambre.

Mme Parenteau: L'association n'y était pas, en tout cas.

Le sénateur Roberge: J'essaie de comprendre pourquoi. Il me semble que si les associations du Québec avaient été défendre leur position, comme ils viennent de l'exprimer d'une façon si éloquente, nous ne serions pas rendus où nous en sommes aujourd'hui. J'essaie de comprendre le pourquoi.

M. Bégin: Les câblodistributeurs du Québec envisageaient l'octroi d'un ou peut-être deux nouveaux canaux francophones. Le problème se posait à ce moment-là peut-être différemment. Comme le disait M. Arpin précédemment, nous étions peut-être un peu plus préoccupés par les audiences du CRTC et l'arrivée des nouveaux produits. Nous avons réalisé, au cours de l'été, la teneur du projet de loi.

Le sénateur Roberge: Vous avez réalisé seulement à ce moment-là.

M. Bégin: Oui, oui.

Le sénateur Gigantès: Je n'ai pas compris!

M. Bégin: Nous avons réalisé seulement plus tard, au cours de l'été, l'impact du projet de loi. Auparavant, nous étions préoccupés par les audiences du CRTC et l'octroi de licences des services spécialisés.

Nous avions l'impression que le CRTC allait accorder une licence à un ou deux nouveaux services francophones et, à ce moment-là, la question se posait différemment. Est-ce que ces services allaient être distribués au service de base ou est-ce que ces services allaient faire partie du volet actuel, tout simplement rajouté. On ne voyait pas l'impact à ce moment-là. En juillet, quand on a eu vraiment la chance de voir ce qui se passait, on a réalisé que pour le Québec, le projet de loi, tel que stipulé, pouvait créer un problème majeur. En septembre, avec l'accord de licences à quatre services francophones, on s'est rendu compte qu'on ne pourrait pas les offrir à la pièce d'aucune façon. On s'est rendu compte qu'une pénétration faible d'un produit offert en option positive, donc additionnée d'un deuxième volet, allait définitivement avoir une pénétration beaucoup plus basse que les 80 p. 100 que l'on a aujourd'hui. Si la pénétration est autour de 40 p. 100, le prix va doubler ou tripler, et à ce moment-là, c'est une chaîne spirale vers le bas. Pour nous, c'est absolument certain qu'il n'y aurait pas de services français offerts au Québec en septembre prochain, si le projet de loi est adopté tel qu'il l'est présentement.

M. Bissonnette: Toutes les études de marché effectuées par Vidéotron dans son marché nous confirment exactement les mêmes données. Si le projet de loi est adopté tel quel, les quatre nouvelles licences ne pourront pas vivre dans le marché québécois. S'il n'y a pas la masse critique dans le marché québécois, c'est donc un produit qui ne pourra pas être disponible dans le Canada anglais pour les clientèles francophones.

À la veille de l'arrivée de la concurrence et surtout à la veille des inforoutes où il y a un décloisonnement total des contenus, il est important que nous ayons du contenu canadien qui soit de qualité et qu'il y ait du contenu canadien qui soit francophone de qualité aussi.

Nous sommes tous surpris de se retrouver ici aujourd'hui avec un projet de loi qui remet en cause tout cela. Il faut trouver une solution d'amendement pour les marchés francophones. Ces nouveaux canaux résultent d'un processus d'audiences du CRTC, une volonté de produit que l'on retrouve sur nos marchés et de l'intérêt de la population. Suite à une bévue d'un câblodistributeur, nous nous retrouvons dans une situation où tous sont menacés d'être traités de la même façon et la naissance de ces nouveaux canaux est mise en péril.

Je souhaite que l'on puisse trouver une solution rapidement. Le mois de septembre vient rapidement. Il y a des consommateurs qui, au départ, veulent avoir le choix au meilleur prix et c'est exactement ce que l'on veut leur proposer. Le projet C-216 nous empêchera de le faire s'il était adopté tel quel.

Le sénateur Gigantès: J'ai une question assez personnelle. Pour de vieux métèques comme moi, qui ne sont pas capables de voir la rondelle de hockey, parce que certains n'acceptent pas le truc de Fox , je pouvais voir où était la maudite rondelle! Puisque vous avez de l'influence; pourriez-vous convaincre la Ligue nationale de hockey de remettre cette rondelle avec «aura» dessus pour qu'on puisse la voir? Deuxièmement, pourriez-vous nous donner un peu plus de soccer? Nous autres, métèques, nous avons été élevés dans le soccer et il y en a pas assez sur le Réseau des sports.

M. Bégin: Je comprends que vous demandez le choix?

Le sénateur Gigantès: C'est exact, juste le choix.

Le sénateur Maheu: Quand vous nous avez montré la carte tantôt, vous nous avez dit que le timbre y était déjà apposé, c'est une carte pré-affranchie. Après l'installation du système, vous demandez aux consommateurs de l'annuler s'ils n'en veulent pas. Pourquoi pas l'inverse?

Mme Côté: Pourquoi pas l'inverse? C'est que la technologie ne le permet pas. Évidemment, il y a des études qui sont faites en ce sens. Moi, je suis avocate et pas câblodistributeur, mes collègues pourront ajouter. C'est la technologie la plus propice pour l'offre de service en bouquet. Comme nous l'avons mentionné dans l'allocution tout à l'heure, il s'agit d'une amélioration par rapport à ce qui se faisait il y a quelques années, où l'on avait seulement accès au service de base, auquel on ajoutait constamment des services qui faisaient monter la facture mensuelle; c'est l'équivalent de l'arbre de Noël auquel on ajoute toujours des décorations.

Maintenant, nous avons la possibilité d'offrir un volet de forte pénétration. Nous demandons à l'abonné, qui l'a reçu le service pendant quelques semaines gratuitement, s'il ne veut plus le recevoir, de téléphoner ou d'envoyer le carton-réponse déjà affranchi aux câblodistributeurs. C'est une situation tout à fait différente de ce que l'on retrouvait il y a quelques années, avant que l'Office de protection du consommateur n'intervienne au Québec; où l'on pouvait recevoir une encyclopédie à la maison et pour s'en débarrasser on devait la remettre dans la boîte, la porter au bureau de poste ou à un expéditeur avec l'affranchissement nécessaire pour le retourner; à défaut de quoi, si on ne le faisait pas dans le délai qui était indiqué dans l'envoi, il fallait payer comme une vente à tempérament pendant des mois, pour un service qui n'avait jamais été demandé. Dans le cas des câblodistributeurs, il y a un abandonné qui a déjà sollicité le service, qui a signé un contrat qui comporte des dispositions très claires à l'effet que les services peuvent être changés et que la tarification peut changer dépendamment des services demandés. Il y a une relation dynamique entre l'abonné et le fournisseur de services. Il y a une distinction tout à fait claire là-dessus.

C'est pour cette raison, qu'au Québec le législateur est intervenu avec la Loi de protection du consommateur, mais qu'il a laissé les câblodistributeurs offrir cette option aux consommateurs, parce que cela représentait un avantage par rapport à la situation avant le bouquet spécialisé, le bouquet de forte pénétration.

M. Bégin: J'aimerais ajouter un élément en rapport avec la période de visionnement et la facturation qui s'ensuit. Les volets sont prévus pour fonctionner avec un haut taux de pénétration. C'est de cette façon que ça a fonctionné au Québec; 80 à 85 p. 100 des gens prennent ce volet.

Il était donc préférable de s'adresser aux 15 p. 100 qui ne le voulaient pas, que de recevoir 85 p. 100 d'appels ou de cartes pour des gens qui voulaient le garder. C'est juste une question pratique. Dans l'approche faite au Québec, il n'y a pas eu qu'une seule carte envoyée à la résidence. Nous avons parfois envoyé quatre fois la même carte à la résidence, plus des campagnes de promotion et publicité à la télévision et à la radio, plus des lettres informant la clientèle.

On s'adressait donc à un 15 p. 100 de la clientèle et on s'est adressé à eux à plusieurs reprises. Je vais plus loin. Dans le cas d'un client qui, même après avoir été facturé, réalisait qu'il ne voulait pas le produit, par un simple coup de téléphone gratuit, il pouvait annuler le service et tous les câblodistributeurs, qui ont offert le produit, n'ont pas facturé le client.

C'est la raison pour laquelle au Québec, nous avons procédé de cette façon. Nous avons offert un produit par une mise en marché que l'on juge excellente si l'on considère le peu de plaintes que l'on a eues de notre clientèle. Il y a moyen de faire les choses de façon proactive avec la clientèle québécoise. En fait, l'Association des consommateurs vous disait tout à l'heure exactement la même chose.

Le sénateur Roberge: Au point de vue marketing ce n'est pas mauvais non plus, parce qu'il y a un petit agacement, cela se comprend.

Le sénateur Maheu: Bien, oui.

M. Bégin: Il existe la fondation des normes et puis, le nombre de clients québécois qui ont fait des plaintes à la Fondation des normes est moins de 1/4 de 1 p. 100, alors c'est très peu.

Au Québec, nous avons connu une mise en marché de ces produits d'une façon qui n'est pas négative du tout.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald: Vous avez démontré que la formule de l'abonnement par défaut ne pose pas de problèmes au Québec.

M. Bégin: Nous préférons donner le choix aux consommateurs, pour que nous puissions offrir de nouveaux services d'une façon positive. Toutefois, je suis d'accord avec vous. Nous avons démontré que cette formule peut être appliquée avec la collaboration de nos clients.

Le sénateur Gigantès: On ne procède pas de la même façon dans les autres provinces?

M. Bégin: Certains câblodistributeurs l'utilisent. Nous desservons cinq provinces et oui, nous avons utilisé la même formule et nous avons reçu moins de plaintes que d'autres compagnies.

En fait, comme l'a mentionné M. Bissonnette, il y a une entreprise de câblodistribution qui a eu de gros problèmes, et c'est pour cette raison que nous nous retrouvons avec ce projet de loi.

M. Bujold: Il n'y en a pas eu beaucoup.

Le sénateur Gigantès: Et qui était le coupable? Rogers?

Le vice-président: C'est une question que nous débattrons une autre fois, et peut-être dans un autre endroit.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier d'avoir comparu devant nous et d'être restés si longtemps. L'après-midi a été très long.

Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association canadienne de télévision par câble.

M. Charles King, directeur, Relations gouvernementales, Association canadienne de télévision par câble: Honorables sénateurs, l'ACTC représente plus de 700 titulaires canadiens de licences de télédistribution qui fournissent des services de télévision par câble à quelque sept millions d'abonnés partout au pays. Nous représentons les plus grandes entreprises de câblodistribution, et certaines plus petites, de toutes les provinces et des territoires.

Monsieur le président, honorables sénateurs, l'industrie de la câblodistribution au Canada tient à respecter la liberté de choix des consommateurs. Nous voulons offrir à nos clients des services de programmation nouveaux et de qualité, et leur donner l'occasion d'avoir accès aux services qui répondent le mieux à leurs intérêts et besoins.

Comme vous le savez, le secteur des télécommunications est soumis à la concurrence. Le CRTC vient d'adopter de nouvelles règles pour favoriser la concurrence dans le domaine de la câblodistribution. Plusieurs services de distribution par SRD ont été autorisés, et une entreprise est déjà en exploitation. Il y a des exploitants de systèmes de distribution multipoints -- ou SDM -- qui se livrent concurrence au Manitoba et en Saskatchewan. Le CRTC tiendra le mois prochain une audience dans le but d'examiner les demandes de cinq groupes qui veulent offrir des services SDM concurrentiels dans le sud de l'Ontario.

Nous nous sommes, en tant qu'industrie, adaptés à ce nouvel environnement compétitif et il nous tarde de relever les défis qu'il présentera. Nous savons également que si nous voulons être en mesure de soutenir la concurrence, nous devons offrir des services qui tiennent compte des besoins des consommateurs. Nous ne voulons rien faire qui risque de nuire aux consommateurs. Nous ne pouvons pas nous permettre d'aliéner nos clients parce que, si nous le faisons, ils risquent de se tourner vers les entreprises de distribution par SRD, les exploitants de SDM ou les compagnies de téléphone. Plusieurs concurrents sont en train d'émerger, et ils seraient tous très heureux de nous voir trébucher pour pouvoir nous soutirer nos clients.

L'industrie de la câblodistribution a tiré des leçons du passé et est pleinement consciente des défis qui l'attendent. C'est pour cette raison que nous jugeons inutile d'adopter une loi qui vise à interdire l'abonnement par défaut. En effet, l'industrie n'a pas besoin d'une loi pour la rappeler à l'ordre quand un service ne sert pas les intérêts du client. Nous poursuivons le même objectif que M. Gallaway. Nous voulons que les consommateurs puissent choisir les services qui les intéressent, et nous voulons qu'ils sachent que leur câblodistributeur leur offre ce choix. Là où nous divergeons d'opinion avec lui, c'est dans la façon d'offrir ce choix aux consommateurs.

Le projet de loi C-216, dans sa forme actuelle, ne nous permettra pas malheureusement de leur offrir ce choix. Le libellé est tellement général qu'il restreint en fait, au lieu de l'étendre ou de le protéger, le choix qui est offert aux consommateurs en matière de programmation.

Vous avez entendu parler de l'impact qu'aura le projet de loi sur les services de langue française dans les marchés francophones. Je n'ai pas l'intention de reprendre ces arguments. Néanmoins, nous souhaitons unir notre voix à ceux qui proposent que l'on modifie le projet de loi pour faire en sorte que les francophones reçoivent les mêmes services de programmation que les anglophones.

Tel qu'il est libellé, le projet de loi a une autre conséquence malheureuse. Dans sa forme actuelle, le projet de loi se trouverait à figer à perpétuité les services de programmation que les câblodistributeurs offrent à l'heure actuelle à leurs abonnés canadiens. Cela limitera sérieusement la capacité des câblodistributeurs à réagir à la concurrence et aux changements que connaît le système de radiodiffusion canadien en constante évolution. Laissez-moi vous expliquer brièvement la situation.

L'industrie de la câblodistribution ne vend pas de services individuels. Elle vend des blocs de services. Les consommateurs ont réagi négativement en 1995 lorsque que les câblodistributeurs ont lancé un nouveau bloc de services selon la formule de l'abonnement par défaut. C'est le problème auquel le projet de loi C-216 veut remédier. Malheureusement, le projet de loi parle de la fourniture ou de la vente d'un service de programmation plutôt que d'un bloc de services. C'est pourquoi le projet de loi empêcherait l'industrie de la câblodistribution, contrairement aux autres fournisseurs de biens et de services, qu'il s'agisse de dentifrice ou de détergent à lessive, d'offrir à ses clients un produit nouveau et amélioré. Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, nous ne pourrons pas changer nos blocs de services actuels en y ajoutant des services pour élargir le choix offert à nos clients. Nous ne pourrons pas, comme le font les autres entreprises, apporter le genre d'améliorations qui rendront nos services plus intéressants pour nos clients actuels ou qui nous permettront d'attirer de nouveaux clients.

De plus, cette limitation nous désavantage sérieusement par rapport à nos nouveaux concurrents. Lorsqu'ils arriveront sur le marché, ils auront l'entière liberté, dans les limites des règles du CRTC, d'agencer leurs blocs de services pour nous prendre nos clients. Or, nous n'aurons aucune façon de riposter. Le projet de loi C-216 nous obligera de continuer à offrir les mêmes blocs de services qu'à l'heure actuelle.

Honorables sénateurs, en limitant ainsi notre marge de manoeuvre, le projet de loi C-216 ne se trouvera pas simplement à empêcher que se reproduisent les événements de 1995. Il nous empêchera d'améliorer notre produit comme peuvent le faire les autres entreprises en réaction à la concurrence. C'est pourquoi nous avons proposé que le projet de loi parle de blocs de services et non de services individuels. Par ailleurs, comme nous l'avons proposé par le passé, le projet de loi pourrait prévoir une certaine forme de pouvoir discrétionnaire de réglementation. En d'autres mots, le projet de loi pourrait être amendé pour autoriser le CRTC à rajuster la règle générale proposée par le projet de loi afin qu'elle cadre de façon harmonieuse avec la ligne de conduite sur la radiodiffusion énoncée dans la Loi sur la radiodiffusion sans nuire, sur le plan de la concurrence, à une catégorie particulière de titulaires de licences.

Nous avons voulu, en comparaissant devant vous ce soir, honorables sénateurs, contribuer de façon constructive à ce processus. J'espère que nos commentaires vous ont été utiles. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur MacDonald: Vous voulez faire intervenir le CRTC?

M. King: Oui.

Le sénateur MacDonald: Vous voulez que le CRTC apporte des rajustements. Vous voulez qu'un câblodistributeur fasse des démarches auprès du CRTC chaque fois qu'il veut être exempté de l'application de ce projet de loi et que le CRTC se prononce sur chaque cas.

Mme Roberge: Sur chaque cas?

Le sénateur MacDonald: Il le faut.

M. King: Mon collaborateur, qui est un expert dans ce domaine, n'est pas ici. Je ne peux pas vous répondre.

Le vice-président: Mais dans l'ensemble, vous réagissez positivement à la question du sénateur MacDonald?

M. King: Oui.

Le sénateur Gigantès: Pourquoi le CRTC ne pourrait-il pas intervenir de façon ponctuelle et, en fonction d'un cas porté à son attention, rendre une décision qui s'appliquerait à tous les cas?

Le sénateur MacDonald: Vous adressez-vous au témoin?

Le sénateur Gigantès: Je m'adresse à M. Fox. Vous êtes avocat et expert dans ce domaine. Comme notre témoin n'est pas accompagné de son avocat, nous sommes plus ou moins obligés de nous adresser à vous, monsieur, ce qui est toujours un plaisir. Le CRTC pourrait-il, en fonction d'un cas porté à son attention, établir une règle d'application générale?

Le vice-président: Nous devons nous organiser ici. Nous avons un témoin. Si nous voulons entendre M. Fox, nous le rappellerons à la table. S'il s'agit de donner des conseils, je suis sûr qu'il est en mesure de répondre à ces questions.

Le sénateur MacDonald: Le sénateur Gigantès a posé une question intéressante. Nous sommes ici pour apprendre. Si le comité est d'accord, M. Fox pourrait peut-être venir s'asseoir à la table.

M. Fox: Puis-je être accompagné de mon avocat?

Le sénateur MacDonald: Bien sûr.

Le vice-président: Monsieur King, je ne suis pas sûr de la situation dans laquelle je vous ai laissé, mais le sénateur Gigantès voudra peut-être poser sa question à M. Fox.

Le sénateur Gigantès: Monsieur Fox, vous avez indiqué que le CRTC interviendra dans chaque cas particulier, ce qui semble laisser croire, comme vous l'avez dit plus tôt, que cela alourdira énormément le fardeau administratif du CRTC. Je vous ai alors demandé si le CRTC peut, à partir d'un seul cas, prendre une décision d'application générale?

M. Fox: C'est une très bonne question. Elle se rapporte à votre interprétation de l'article 6 de la loi qui donne au CRTC le pouvoir d'établir des lignes directrices sans être toutefois lié par elles. Quant à savoir si le CRTC peut établir une politique en fonction d'une seule décision ou doit procéder au moyen de lignes directrices, c'est une question qui n'a pas encore été tranchée.

Si je comprends bien M. King, on préfère que le projet de loi reste général. Par exemple, si un amendement était apporté, il devrait être général et permettre, par exemple, d'atteindre les objectifs d'une politique.

En vertu de l'article 5 de la loi, le CRTC est déjà tenu de superviser et de mettre en oeuvre toutes les obligations prévues à l'article 3. Il peut alors décider de le faire de la manière qu'il juge la plus appropriée, que ce soit au moyen de lignes directrices ou de façon ponctuelle. Je ne crois pas que M. King ait vraiment voulu dire qu'il faut charger le CRTC d'entendre, un à un, tous ceux qui veulent obtenir un certain type d'autorisation ou d'exemption. Cela représenterait un énorme fardeau sur le plan réglementaire pour le CRTC et pour les requérants et finirait par remettre la décision entre les mains du gouvernement puisque les conditions se rattachant aux licences accordées par le CRTC pourraient faire l'objet d'appels.

L'abonnement par défaut est une question difficile à résoudre pour le gouvernement. Je crois que la meilleure façon de procéder consiste à prévoir une exemption générale qu'on laisse alors au CRTC le soin de mettre en oeuvre dans le cadre de ses pouvoirs généraux de supervision et de son obligation d'atteindre les objectifs de l'article 3.

Le sénateur MacDonald: Monsieur Fox, la seule instance habilitée à interpréter l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion est le CRTC.

M. Fox: C'est exact. Le Parlement lui a accordé ce pouvoir.

Le sénateur MacDonald: Pour revenir à la question du sénateur Gigantès, si un tel amendement prévoyait l'intervention du CRTC, il faudrait décider s'il est préférable que chaque titulaire de licence fasse des démarches chaque fois qu'il veut une exemption ou s'il est préférable d'obtenir une décision d'application générale. J'ignore quelle est la réponse à cette question.

Mme Côté: Nous considérons que les dispositions de la loi autorisent le CRTC à réglementer dans des cas précis. L'article 5 et l'alinéa 3(1)c) renferment des dispositions particulières pour le système francophone. Des dispositions sont également prévues en ce qui concerne les besoins régionaux. Cela ne signifie pas que le CRTC se servirait de son pouvoir pour le faire. Je considérerais cela comme une forme de discrimination. Il est nettement préférable pour l'évolution des deux systèmes, anglophone et francophone, de fonctionner selon une politique et de lignes directrices générales.

Je ne crois pas que M. King veuille que nous fassions des démarches auprès du CRTC pour obtenir une exemption chaque fois qu'il y a un problème. Cela serait catastrophique pour les deux systèmes. Je crois que la Loi sur la radiodiffusion prévoit tous les pouvoirs nécessaires pour permettre au Conseil d'intervenir si un titulaire de licence abuse du système. Le Conseil est habilité à superviser et à contrôler les titulaires de licences et peut convoquer un titulaire de licence s'il considère sa conduite répréhensible.

Le sénateur Roberge: S'il y a eu de l'abus par le passé, pourquoi le CRTC n'est-il pas intervenu?

[Français]

Mme Côté: Dans sa sagesse, le Conseil a décidé qu'il ne s'agissait pas d'un abus, à première vue. Il m'est difficile de me substituer au Conseil, mais je regarde l'historique de la chose, je présume que le Conseil exerce de façon diligente les pouvoirs qui lui sont donnés dans la loi. Il y a eu une révolte des consommateurs à cause d'une façon de faire les choses, et après cela...

M. Fox: Les consommateurs ont réagi.

Le sénateur Roberge: Ils ont corrigé eux-mêmes.

Mme Côté: Cette question a été soulevée à plusieurs reprises avec le titulaire de la licence, notamment au moment de l'acquisition des systèmes de McLean-Hunter.

Le sénateur Roberge: Il a réagi lui-même rapidement. Il n'a pas attendu que le CRTC lui tape sur les doigts.

Mme Côté: Il ne faut pas oublier que les distributeurs, que ce soit les câblodistributeurs ou éventuellement ceux qui offriront la télévision directe par satellite, les LMCS ou les LMDS ont tous le même objectif: conserver leurs abonnés et aller en chercher le plus grand nombre possible. S'ils se rendent compte que effectivement la façon de commercialiser les services ou de les mettre en marché soulève la protestation des abonnés, ils vont changer très rapidement. Ce sont les forces du marché et nous nous orientons vers l'évolution d'un marché de plus en plus concurrentiel. Vous pouvez être certains que les câblodistributeurs, comme les autres distributeurs, vont faire en sorte de conserver et d'améliorer leurs bases d'abonnés.

Le sénateur Roberge: Revenons au CRTC en ce qui concerne l'article numéro 3. Dans toutes les régies ou commissions ou sociétés quelconques, sociétés d'État, il y a toujours un article comme celui-là, qui traite de l'intérêt public et qui est très large. Ceux qui sont en place doivent déterminer si l'intérêt public est vraiment en jeu. La difficulté de la prise de décision vient de là. On retrouve cela dans toutes les commissions, toutes les régies de même administration, où il y a des émissions de permis, et cetera. Le CRTC n'y échappe pas non plus. Alors, la question soulevée: est-ce que cela cause des torts à l'intérêt public? Est-ce que c'est néfaste? C'est un jugement qui est difficile à rendre. Vous allez retrouver cela dans toutes les associations, régies ou commissions qui ont un article semblable, par exemple, la Régie des permis d'alcool. C'est dans ce sens-là que Mme Bertrand disait: «On a le pouvoir, mais on pense qu'on peut laisser aller et intervenir». Alors, si l'intérêt public est plus ou moins ou pas en danger, je ne pense pas qu'ils interviennent. C'est ma façon de voir cela. C'est pour cela que l'article est large.

[Traduction]

Le sénateur Gigantès: Nous avons un problème de réalité politique. Un député libéral s'est accroché à cette question et a réussi à la faire mousser auprès des médias. Nous sommes aux prises avec ce problème et nous devons trouver une solution qui permettra à M. Gallaway de ne pas perdre la face et qui nous permettra de venir à bout de cette très mauvaise loi.

Le vice-président: Nous n'y sommes pas obligés.

Le sénateur Gigantès: Vous n'y êtes pas obligés mais ceux d'entre nous qui détiennent la majorité dans ce comité y sont obligés.

Le sénateur MacDonald: C'est tout à fait exact.

Le sénateur Gigantès: Nous avons besoin de votre aide dans l'intérêt de la radiodiffusion au Canada.

Le sénateur Adams: Je constate dans votre mémoire que votre organisation compte plus de 700 titulaires de licences et sept millions d'abonnés.

M. King: Environ 7,5 millions.

Le sénateur Adams: Vous dites que si le projet de loi est adopté, vous serez dans une situation difficile parce que les gens auront plus de choix. À l'heure actuelle, je peux regarder environ 25 canaux. Si le projet de loi C-216 est adopté, je peux refuser de payer les canaux supplémentaires. Est-ce cela qui vous inquiète?

M. King: Nous vendons des blocs de services et non pas des services individuels. Il y a le service de base plus les volets facultatifs. Vous êtes obligé de vous abonner au service de base et vous avez ensuite l'option de vous abonner à des volets supplémentaires si vous le souhaitez.

Le sénateur Adams: Combien y a-t-il de canaux à l'heure actuelle?

M. King: Le nombre varie. Il y a 65 à 70 canaux.

Le sénateur Adams: Certains craignent que si le projet de loi C-216 est adopté, les gens devront payer pour des canaux dont ils ne veulent pas. Combien coûte le service de base?

M. King: Le service de base dans l'ensemble du pays coûte environ entre 20 et 25 $. Tous les volets facultatifs sont en sus. Vous avez le choix de vous y abonner ou non.

Le vice-président: Je ne comprends pas. Je paye 40 $ et je ne reçois rien. Quelle est votre majoration de base? Lorsque vous achetez un service en gros, combien me le vendez-vous au détail?

M. King: Je ne peux pas répondre à cette question.

Le vice-président: Vous ne le pouvez pas ou vous ne le voulez pas?

M. King: Je ne le peux pas.

Le vice-président: Vous ne le savez pas?

M. King: Je ne suis pas sûr. M. Thomson aurait les réponses à cette question mais malheureusement il n'est pas ici.

Le sénateur Adams: Pour revenir à ce que vous avez dit dans votre témoignage, si le projet de loi C-216 est adopté, quelles en seront les conséquences? Vous me dites que vous n'avez pas d'objection au libellé actuel du projet de loi.

M. King: Non, nous avons des réserves au sujet du libellé actuel du projet de loi parce qu'il parle de services individuels. Nous ne vendons pas de services individuels; nous vendons des blocs de services. Il est impossible à l'heure actuelle de dire par exemple: «Je veux ces cinq canaux et c'est tout.» La technologie n'est malheureusement pas encore disponible dans le commerce.

Le sénateur Adams: Cela exige un matériel spécial.

M. King: Nous parlions plus tôt des coffrets d'abonnés qui coûtent 700 $. C'est ce qu'il nous faut. Malheureusement, nous ne les avons pas encore. Ils arriveront sur le marché ces prochaines années.

Le sénateur Adams: Votre entreprise a-t-elle les moyens à l'heure actuelle d'acheter ce matériel ou devriez-vous augmenter les tarifs que vous imposez aux consommateurs?

M. King: Pour faire quoi?

Le sénateur Adams: Pour acheter le matériel. Vous dites que vous n'avez pas ce type de matériel à l'heure actuelle et que les tarifs que vous demandez s'échelonnent entre 17 $ et 25 $.

M. King: Cela varie d'un système à l'autre.

Le sénateur Adams: Si vous me vendez ce bloc de services et que j'en veux un meilleur, vous devez le produire mais vous ne l'avez pas encore; est-ce exact?

M. King: Oui. Ce matériel n'est pas encore disponible sur le marché.

Le sénateur Adams: Comment ferez-vous alors?

M. King: Nous nous adresserons à des fournisseurs de technologies comme General Instrument.

Le sénateur Adams: S'agit-il d'un coffret d'abonné de 700 $ pour chaque téléviseur? Vous êtes en train de parler de combien de coffrets?

M. King: Il s'agit du montant approximatif par coffret, par téléviseur, et il varie selon le type de coffret.

Le sénateur Adams: Peut-on choisir 60 canaux avec un coffret?

M. King: Non. Le coffret de compression vidéo numérique vous permet d'avoir accès à 500 canaux.

Le sénateur MacDonald: En d'autres mots, la technologie n'existe pas encore pour vous permettre une sélection aléatoire.

Le sénateur Adams: Je croyais que certaines entreprises pouvaient offrir jusqu'à 60 canaux, mais je ne les regarde pas tous. Je paie 25 $ par mois. Si on ramène le tarif à 17 $, je crains qu'on m'enlève quatre ou cinq canaux.

M. King: Ce type d'option n'existe pas. C'est comme acheter le journal. Vous ne pouvez pas acheter juste une partie du journal; vous devez acheter tout le journal.

Le sénateur MacDonald: Vous avez entendu les câblodistributeurs du Québec indiquer que l'abonnement par défaut a été très bien accueilli par leurs abonnés. Êtes-vous d'accord avec cette déclaration?

M. King: Oui.

Le sénateur MacDonald: Ils ont eu la même expérience positive en ce qui concerne l'abonnement par défaut avec leurs abonnés anglophones au Québec, n'est-ce pas?

M. King: Oui.

Le vice-président: Merci beaucoup, monsieur King, pour votre témoignage.

Nous accueillons maintenant M. Jay Thomson, vice-président des affaires juridiques et réglementaires, qui se joint à M. Charles King.

Monsieur Thomson, M. King a présenté le mémoire, et le comité est en train de lui poser des questions. Il a toutefois déclaré qu'il aurait préféré que vous soyez là pour l'aider à répondre aux questions techniques. C'est pourquoi j'invite les membres du comité à poser à nouveau leurs questions.

J'ai été assez étonné d'apprendre qu'on peut obtenir un service de câblodistribution pour 20 $ à 25 $ un peu partout au pays. Dans la région d'où je viens, il est impossible d'obtenir ce service à ce prix.

Lorsque vos membres achètent le produit brut, ils paient vraisemblablement le même prix de gros partout au pays. Il n'y aurait pas tellement de différence. Il pourrait y avoir une plus grande différence dans le coût de livraison du produit d'une région à l'autre. Dans l'ensemble, quelle est la majoration? Quelle est la différence en général entre le prix de gros et le prix de détail?

M. Jay Thomson, vice-président, Association canadienne de télévision par câble: Monsieur le président, cela dépend si le service est offert dans le cadre du service de base que chaque abonné reçoit lorsqu'il s'abonne la première foi. À ce stade, comme ce tarif est réglementé, le CRTC a limité la majoration à 2 cents pour chaque service, indépendamment du prix de gros du service.

Le sénateur Gigantès: Pour quelle période?

M. Thomson: La majoration est de 2 cents par abonné par mois.

Le vice-président: Est-ce pour le service de base?

M. Thomson: Oui. Si par exemple, le prix de gros du service était de 50 cents, lorsque le câblodistributeur offre ce service dans le cadre du service de base réglementé, il est autorisé à l'augmenter de 2 cents de sorte qu'il serait en fait de 52 cents.

La situation serait différente pour ce que nous appelons les volets facultatifs qui aujourd'hui comprendraient la plupart des services spécialisés. La majoration pour ce genre de services est généralement de 100 p. 100.

Le sénateur Gigantès: Si on vous autorise uniquement 2 cents pour le service de base, il est naturel que vous vouliez une majoration de 100 p. 100 pour les services facultatifs. C'est ce que je ferais.

Le sénateur MacDonald: Il est évident qu'il y a quelqu'un qui ne vous croit pas. Il ne fait aucun doute que l'abonnement par défaut n'a plus de raison d'être. L'abonnement par défaut est tout ce qu'il y a de plus mort. N'êtes-vous pas d'accord?

M. Thomson: Ce que vous dites est assez juste dans le cas des marchés anglophones. Par ailleurs, comme l'ont dit des représentants, il se peut que cela s'impose encore dans certains cas pour le marché francophone.

Le sénateur MacDonald: Ce n'est pas la question que je vous ai posée. Vous extrapolez. Je vous parle de la situation actuelle. Des représentants de votre association ont dit devant le comité de l'autre endroit que vous n'alliez plus jamais recourir où que ce soit au Canada à l'abonnement par défaut.

M. Thomson: C'est exact. Ce que nous avons dit c'est qu'il n'y aurait plus d'abonnement par défaut. En même temps, nous avons fait ressortir les caractéristiques spéciales du marché québécois. Nous avons demandé que le projet de loi en tienne compte pour faire en sorte -- que nous parlions d'option négative ou non -- que les services en langue française sur le marché francophone puissent avoir un degré élevé de pénétration.

Le sénateur MacDonald: Cela m'amène à vous demander si vous croyez que la solution au problème réside uniquement dans une option négative conviviale?

M. Thomson: Appelez-la comme vous voulez, mais il s'agit d'offrir le service au plus grand nombre d'abonnés possible au coût le plus bas possible. La solution semble consister à l'ajouter au bloc de services actuels offerts à tous les abonnés.

Le sénateur Spivak: Pourriez-vous nous dire brièvement ce qui peut arriver exactement en ce qui concerne vos concurrents? Lorsqu'il existera d'autres moyens de distribution pour tous ces canaux, même au Québec, il sera sûrement possible de pénétrer le marché et de faire tout ce dont vous parlez sans opter pour une option négative. Auriez-vous l'obligeance de nous expliquer en quoi pourrait consister la différence en ce qui a trait à la technologie? On nous a dit que c'est la seule façon de procéder parce que, du point de vue technologique, il est impossible de le faire de quelque autre manière. Pourriez-vous nous éclairer sur le sujet? Je parle de communications par satellite, de communications sans fil, de communications cellulaires et de tout ce dont nous entendons parler. Je m'intéresse particulièrement à la façon dont vous procédez dans une ville. Il y a les systèmes cellulaires.

M. Thomson: Voulez-vous parler du SCML, sénateur?

Le sénateur Spivak: Oui.

M. Thomson: Tout d'abord, au départ, peu importe le genre d'entreprises de distribution dont vous parlez, elles doivent avoir à leur disposition des services pour être en mesure de les offrir aux abonnés. Dans ce pays, sans une base solide d'abonnés au câble, ces services ne peuvent ni être établis, ni fonctionner efficacement ni être mis à la disposition des entreprises de distribution concurrentes. Il faut qu'elles atteignent avant tout ce degré élevé de pénétration si elles veulent se lancer, acheter de la programmation et être en mesure de continuer de le faire ainsi que d'offrir leur service. Les entreprises doivent donc, à tort ou à raison, s'en remettre au câble pour atteindre ce degré de pénétration.

Si vous parlez du service en langue française distribué par SRD, par un système de diffusion par micro-ondes ou par un SCML s'il distribue des services de radiodiffusion, elles auront déjà à leur disposition les services dont le câble a fait un succès. Les entreprises n'ont pas à nécessairement s'inquiéter d'offrir ces services au plus large public possible si elles veulent continuer à y avoir accès. Elles peuvent faire ce qu'elles veulent lorsqu'il s'agit d'offrir ces services à leurs abonnés. Elles peuvent tout simplement les offrir à la carte parce que si l'abonné les refuse, ce service continuera d'exister et pourra être offert à un autre abonné. On ne peut pas dire la même chose de la télévision par câble et de la façon dont elle distribue ses services.

Le sénateur Spivak: Oui, mais nous aurons un marché concurrentiel d'ici cinq ans. Vous ne pourriez faire cela si vos concurrents, qui font un bond technologique par rapport à vous, offrent une autre option. Pourquoi les gens feraient-ils cela? C'est une question de coût. Pourquoi est-ce que je paierais 35 ou 40 $ par mois pour des canaux que je ne regarde jamais, tout simplement pour avoir les canaux que je veux alors qu'une autre option s'offre à moi? On parle de quelque chose d'imminent. Il n'est pas question d'un avenir lointain.

M. Thomson: Je suis d'accord avec vous. Nous avons soutenu que ce projet de loi était peut-être inutile pour ces raisons mêmes. En supposant que les services auront cette base solide d'abonnés, qu'ils sont en place et sont accessibles, les distributeurs ou nous-mêmes les offrirons de la façon la plus conviviale possible. Il semblerait normal d'offrir aux abonnés le plus grand choix possible grâce à ce système de télé à la carte. S'ils désirent les services, ils en feront la demande et paieront en conséquence, et s'ils n'en veulent pas, ils ne les demanderont pas. Tout le monde fonctionnera de cette manière.

Le sénateur Spivak: Considérez-vous toujours que ce projet de loi est inutile?

M. Thomson: Oui.

Le sénateur MacDonald: Monsieur Thomson, avant que vous arriviez, M. King, de sa propre initiative et sans l'aide de son avocat, nous a fait un exposé intéressant au cours duquel il a dit que toutes ces choses devraient contribuer aux objectifs de l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion et que le CRTC était l'organisme tout indiqué pour les interpréter. Ainsi, a-t-il dit, tout le monde devrait se précipiter pour essayer d'obtenir des exemptions ou des décisions auprès du CRTC en ce qui concerne tout ce qui serait préjudiciable à la survie du service en langue française. Autrement dit, il a fait du CRTC le grand patron.

Des représentants du CRTC ont comparu devant nous. L'idée ne leur a pas vraiment été soumise, je ne crois pas, mais ils ont très bien su dissimuler leur enthousiasme, à l'instar de certains autres témoins. Que répondez-vous à cela?

M. Thomson: Je ne serais pas en désaccord avec mon collègue. Je pourrais l'expliquer autrement, si vous voulez.

Le Conseil, en tant qu'organisme de réglementation de l'industrie de la radiodiffusion, doit s'acquitter de son mandat qui consiste en fin de compte à prendre des décisions dans l'intérêt public et, ce faisant, à réaliser l'équilibre entre les intérêts du système de radiodiffusion et de la programmation canadienne et ceux des consommateurs. Le Conseil dispose, par l'entremise de ses règlements ou de son pouvoir décisionnel, d'outils lui permettant d'offrir une programmation conviviale qui ne l'empêche toutefois pas de rejoindre le plus de gens possible.

Les câblodistributeurs ou les services individuels ne seront pas nécessairement tenus de s'adresser au Conseil dans chaque cas, l'inondant de demandes d'exemption en ce qui a trait aux dispositions du projet de loi. Le Conseil est en mesure de publier un énoncé de politique pour indiquer à l'industrie dans quelles circonstances elle pourrait ou non offrir les services. Il pourrait le faire par l'entremise d'une politique ou d'un règlement qui serait alors d'application générale et qui lui éviterait d'être submergé de demandes.

Le sénateur MacDonald: Même si nous nous entendons tous pour dire que cette option négative est inutile et même si c'est l'objectif principal du projet de loi -- il est excellent et il a la faveur du public --, le fait est que nous sommes dans l'embarras. Allons-nous voter contre et essayer d'expliquer dans les coins et recoins de ce pays que des sénateurs véreux et non élus ont rejeté le projet de loi portant sur l'abonnement par défaut? Vous voyez le problème avec lequel nous sommes aux prises.

À supposer que M. Gallaway, qui est un génie malveillant, dise: «Ils ont permis au CRTC d'accorder des exemptions, ils ont autorisé l'abonnement par défaut au Québec et, par surcroît, les consommateurs ne sont pas protégés.» Il aura notre peau. Voyez-vous la réaction?

M. Thomson: Tout le monde peut critiquer les politiques mises de l'avant par le CRTC.

Le sénateur MacDonald: Mais au moins il s'agit de ses politiques et non de celles du Sénat.

M. Thomson: Si vous deviez amender le projet de loi de manière à permettre au Conseil d'indiquer dans quelles circonstances l'option négative ne serait pas indiquée, cela finirait tout de même par être une politique du Conseil. Vous ne lui fourniriez que l'occasion de faire son travail. Sa politique serait celle qui dominerait. Finalement, si un problème se pose dans la façon dont le Conseil applique ses politiques, le gouvernement peut aussi émettre des directives à son intention pour l'obliger à modifier sa politique au besoin.

Le sénateur MacDonald: Pour citer ce que M. Robert Fowler a dit dans son rapport sur la radiodiffusion il y a des années, pourquoi nous défendre nous-mêmes si nous avons un organisme comme le CRTC pour le faire?

M. Thomson: Je crois qu'il a également dit que ce qui compte c'est la programmation et tout le reste n'est que de l'administration interne. Toutes les présentations qui vous ont été faites ont insisté sur l'importance de la programmation et sur l'importance de l'offrir partout au Canada.

Le sénateur De Bané: D'après ce que je crois comprendre, jusqu'à présent les câblodistributeurs détenaient le monopole de la distribution des émissions de télévision. Nous entrons dans une ère où il y aura d'autres moyens concurrentiels de fournir des programmes de télévision. Si jusqu'à présent le marché était guidé par la technologie, peut-être avec la concurrence, sera-t-il guidé par le consommateur.

Par conséquent, comment les services de programmation seront-ils offerts au consommateur à l'avenir? Est-ce que ce sera comme aller faire ses courses au supermarché, c'est-à-dire qu'on pourra choisir chaque article et ne payer que ces articles? La technologie permettra-t-elle au consommateur de vraiment choisir ce qu'il veut? Est-ce l'ère dans laquelle nous entrons ou les choses seront-elle plus compliquées?

M. Thomson: Il ne fait aucun doute que la technologie permettra de faire son choix comme au supermarché. Vraisemblablement, tous les distributeurs offriront cette option à leurs abonnés. Parallèlement, comme l'expérience nous l'a appris dans l'industrie de la câblodistribution, les gens préfèrent qu'on leur offre aussi des blocs de services car souvent on peut leur offrir un tarif beaucoup plus intéressant que si ces services étaient offerts individuellement. Par conséquent, je crois que l'on peut dire, du moins en ce qui concerne notre industrie, que nous continuerons à offrir aussi des blocs de services.

Par exemple, nous assemblerons des services qui intéressent les amateurs de sports. Ils pourront acheter un bloc de services de sports. La même chose vaut pour la musique ou les informations. Il y aura un mélange de services individuels et de blocs de services.

Le sénateur De Bané: Croyez-vous qu'en autorisant plusieurs concurrents à offrir des émissions de télévision, des canaux de télévision, et cetera, ils offriront nécessairement des services différents qui répondront aux besoins du consommateur et que le consommateur sera celui qui décidera en fin de compte de ce qui est dans son intérêt?

M. Thomson: Oui, parce qu'en fin de compte ils seront motivés par le désir de faire autant d'argent que possible. La seule façon d'y arriver, c'est d'avoir autant d'abonnés que possible, soit en attirant ceux qui ne sont pas déjà abonnés au câble ou en prenant les abonnés d'autres câblodistributeurs. Donc, pour attirer chez eux ces abonnés, ils offriront des services qui répondent le mieux aux attentes des consommateurs. Parallèlement, nous ferons la même chose pour nous assurer de ne pas perdre nos abonnés.

Le sénateur De Bané: Je suppose par conséquent que vous serez d'accord avec les commentaires de la présidente du CRTC, Mme Bertrand, qui a déclaré:

[...] l'adoption de ce projet de loi, qui vise une seule question bien particulière, pourrait entraîner des difficultés dans plusieurs autres domaines qui ne posent pas de problème à l'heure actuelle.

M. Thomson: Nous sommes tout à fait d'accord avec cette déclaration.

Le sénateur Gigantès: Est-il possible que vous autorisiez à l'avenir vos clients à choisir eux-mêmes leurs blocs de services? Autrement dit, vous diriez aux clients, si vous êtes prêts à choisir 30 canaux, nous vous laisserons en choisir 30 et nous vous demanderons un tarif global plutôt que de vous demander 30 fois le tarif individuel?

M. Thomson: C'est tout à fait possible. Il existera toujours ce que nous appelons maintenant le service de base; c'est-à-dire le service auquel il faut s'abonner avant de pouvoir choisir les services facultatifs. Une fois qu'ils se seront abonnés au service de base, il sera dans doute possible de leur offrir cette gamme d'options dans les limites bien entendu des règles du Conseil régissant les services canadiens qui peuvent être offerts avec certains services étrangers.

Il existe peut-être une liste de 100 services canadiens et de 100 services américains et à chaque service américain correspond un service canadien et vice-versa, ce qui permet de créer son propre bloc de services.

J'aimerais en profiter, sénateur Gigantès, pour répondre à certaines questions que vous avez posées plus tôt concernant les répercussions du projet de loi sur les services dans les marchés de langue minoritaire, par exemple les services de langue française dans les régions anglophones et vice-versa.

Traditionnellement, les services de langue minoritaire, si je peux les appeler ainsi, ont été offerts dans les blocs de services existants de langue majoritaire, ce qui permet de les fournir à un tarif très bas aux personnes de langue minoritaire. Par conséquent, au Canada anglais, le canal RDI serait offert dans un bloc de services de langue anglaise, et au Québec, un canal comme YTV pourrait être offert dans un bloc de services de langue française.

Si le projet de loi est adopté, cela ne sera pas possible. On continuera à le faire en ce qui concerne les services déjà en place mais en ce qui concerne les nouveaux services, de langue française ou de langue anglaise, les câblodistributeurs ne pourraient pas les ajouter aux blocs de services existants, ni augmenter le tarif parce que cela irait à l'encontre du projet de loi. Cela nuira aux services de langue minoritaire partout au pays.

Le vice-président: Merci beaucoup de votre témoignage. Nous vous remercions d'avoir comparu devant nous ce soir et nous espérons avoir l'occasion de vous revoir.

Nous pourrions peut-être maintenant inviter M. Jacques Michaud, de la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada, à prendre la parole.

Veuillez présenter vos collègues.

[Français]

M. Jacques Michaud, président, Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada: Je suis président de la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada. Le directeur général de la Fédération est Yvon Samson, et nous avons aussi son agente de communication Sophie Galarneau. La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada tient à remercier le comité sénatorial permanent des transports et des communications de lui donner l'occasion d'exprimer son point de vue sur le projet de loi C-216 sur la facturation par défaut.

Pour ceux et celles qui ne nous connaissent pas, la FCFA du Canada regroupe les associations des neuf provinces et des deux territoires ainsi que quatre organismes nationaux à vocation sectorielle. Elle a pour objet de défendre et de promouvoir les droits et les intérêts du million de francophones, d'Acadiens et d'Acadiennes vivant à l'extérieur du Québec.

Je tiens dès maintenant à dénoncer le projet de loi dans sa forme actuelle. A la FCFA du Canada, nous sommes profondément inquiets des retombées de ce projet de loi sur l'accès aux services spécialisés de langue française pour les communautés que nous représentons. Il importe de comprendre pleinement la portée d'un tel projet de loi pour nos communautés. Plus jamais les communautés francophones et acadiennes, vivant en milieu minoritaire, ne pourront avoir accès à de nouveaux postes spécialisés dans leur langue.

Je vous soumets deux mises en situation démontrant bien les limites du projet de loi et les effets désastreux qu'il aurait sur les communautés francophones et acadiennes.

Pour commencer, nous prendrons l'exemple du service spécialisé de langue française, le Réseau de l'Information, communément connu sous le nom de RDI. Si le projet de loi est adopté, les câblodistributeurs devront obtenir l'accord de chaque abonné avant d'ajouter le RDI au service de base et d'en hausser le coût en conséquence. Nous pouvons déjà prévoir que là où les francophones sont minoritaires, la majorité de la population n'acceptera pas une hausse de tarif en retour d'un service de langue française. Donc, les communautés ne recevant pas déjà le RDI, sur le service de base, ne pourront espérer l'obtenir éventuellement.

Deuxièmement, arrêtons-nous quelques minutes sur la situation des volets ou des brochettes de services spécialisés qui sont actuellement offerts par les câblodistributeurs sur une base facultative. L'esprit de la loi permettra aux abonnés de choisir, à l'intérieur d'un volet, les services spécifiques qu'ils veulent capter et ceux qu'ils ne veulent pas. On peut facilement croire que les anglophones ne voudront pas payer pour les services spécialisés de langue française, et conséquemment, ils ne les commanderont pas. Il ne sera plus rentable pour les câblodistributeurs de les offrir et ils disparaîtront rapidement de la liste des services disponibles chez les différents câblodistributeurs desservant les marchés où les francophones sont minoritaires.

La conséquence est grave: si le projet de loi est accepté, il deviendra impossible pour un nouveau poste spécialisé de langue française d'être diffusé par un distributeur dans une région à majorité anglophone.

Le débat sur la facturation par défaut ne doit pas nous faire oublier que l'avenir du Canada ne peut être assuré « que s'il est capable de traduire, dans ses lois et dans ses institutions la dualité linguistique », comme l'a si bien dit le juge Michel Bastarache.

Les communautés francophones et acadiennes veulent préserver ce principe selon lequel elles devraient avoir accès à des produits culturels ou d'information dans leur langue autant que l'autre collectivité de langue officielle.

La Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada croit que les moyens de communication figurent parmi les moyens de renforcer notre identité nationale et culturelle. L'objectif n'est pas d'enfreindre les droits d'un consommateur mais bien d'assurer une diffusion accrue de la programmation franco-canadienne.

Par contre, si l'utilisateur francophone de la télévision n'y trouve aucune ou très peu d'émissions en français, quel message doit-il saisir sur la valeur de sa langue et sur la place de son identité culturelle?

Le gouvernement du Canada doit avoir, dans l'élaboration de ses politiques, des éléments assurant aux communautés francophones et acadiennes un accès à du contenu de langue française.

D'ailleurs, la Loi sur les langues officielles donne à tout l'appareil gouvernemental la responsabilité de favoriser l'épanouissement des communautés minoritaires francophones et anglophones, ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. Cet engagement vise non seulement à faire en sorte que les communautés minoritaires aient accès à des services dans leur langue, mais également que les institutions fédérales participent activement au développement et à l'épanouissement de ces communautés.

Les services de langue française ont déjà de la difficulté à percer les marchés à majorité anglophone. De plus, aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, les communautés francophones sont toutes incluses à l'intérieur du marché anglophone à deux exceptions près. Elles sont donc déjà défavorisées. Il nous est impossible de croire que les politiciens et les politiciennes pourraient adopter un projet de loi qui aggraverait la situation, au point de rendre impossible la présence de services spécialisés de langue française dans les communautés francophones et acadiennes.

Ce projet de loi ne tient actuellement pas compte de la réalité canadienne. Ce pays n'est pas un ensemble monolithique. Il est traversé par différentes cultures et les lois doivent refléter ces différences. En cherchant à niveler les différences par le bas, ce projet de loi s'apparente davantage au programme électoral des Réformistes. Pour s'assurer que l'environnement législatif est davantage conforme à la réalité canadienne et pour respecter les autres lois canadiennes, notamment la Loi sur les langues officielles, la FCFA du Canada propose deux solutions. La première de ces solutions: nous proposons que le Sénat renvoie le projet de loi au ministère du Patrimoine canadien afin que l'équipe de législateurs, au département de radiodiffusion et télédistribution, se penchent sur la question de la facturation par défaut. Ceux-ci seront en mesure de proposer un nouveau projet de loi qui ne causera pas préjudice aux communautés francophones et acadiennes.

La FCFA du Canada ne s'oppose pas aux efforts mis de l'avant pour contrer la facturation par défaut. Les intentions du projet de loi sont évidemment louables. Toutefois, il ne prévoit manifestement pas toutes les conséquences que sa mise en oeuvre pourrait engendrer. La télédistribution est certes un secteur très complexe où interviennent d'innombrables enjeux. Nous croyons que l'équipe d'experts du ministère du Patrimoine canadien est davantage en mesure de présenter un projet répondant pleinement aux besoins de la diversité canadienne.

En deuxième lieu, nous proposons que si toutefois cette option est inévitable et que ce projet de loi doit être amendé, qu'il fasse exception des marchés anglophones abritant des communautés francophones et acadiennes.

Tous les Canadiens et Canadiennes sont égaux devant la loi. Mais, comme semble le confirmer ce projet de loi, certains et certaines sont plus avantagés que d'autres. Le gouvernement canadien, tous partis confondus, a la responsabilité de se conduire équitablement envers la population canadienne. Les communautés francophones et acadiennes ne demandent aucun traitement de faveur. Elles veulent simplement que leurs droits fondamentaux, dont celui de l'information, soient respectés peu importe leur lieu de résidence.

Il n'en demeure qu'à vous, mesdames et messieurs les Sénateurs, de vous assurer que les lois du pays permettent de préserver un espace où les communautés francophones et acadiennes sauront se reconnaître et laisser libre cours à leur épanouissement.

Nous vous remercions de votre attention et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le sénateur Gigantès: Nous avons un problème. Nous sommes tellement d'accord, tous autour de cette table, avec vous, que l'on n'a vraiment pas de questions à vous poser, parce qu'on est d'accord. On a eu des questions intéressantes à poser à d'autres avec lesquels on n'était pas nécessairement d'accord. Je trouve qu'il est impensable de porter atteinte à la production de programmes en français en limitant la distribution de ces programmes; si ce projet de loi passe tel quel, c'est ce qui va arriver. C'est un commentaire. Je m'excuse de ne pas poser de questions mais je n'en ai pas parce que je suis d'accord avec vous.

M. Michaud: Nous vous remercions de votre appui.

Le sénateur Poulin: J'aimerais remercier les représentants de Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada de leur présentation. Vous avez pris le temps de nous rappeler les principes fondamentaux, qui font de notre pays l'envie du monde entier. Nous constatons, depuis plusieurs semaines, dans toute la presse nationale, à quel point nous faisons l'envie du monde entier. Comme sénateurs, nous avons la responsabilité de nous assurer que tous les moyens soient pris pour que ces principes demeurent et soient appliqués dans les différents secteurs d'activité au Canada. Le projet de loi a été lu pour la première fois à la Chambre des Communes au début de mars et le projet est allé en comité à la Chambre des Communes. Est-ce qu'à ce moment-là la Fédération a fait état de son inquiétude auprès de nos collègues de l'autre endroit?

Mme Sophie Galarneau, agente de communications, Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada: Non. Nous avons été informés de l'existence du projet de loi à la fin de juin. Alors, il a été impossible pour nous de réagir à ce moment-là. Nous avons envoyé des lettres à la députation, pour souligner notre position par rapport au projet de loi, mais il est passé en dernière lecture à la fin de juin.

Le sénateur Poulin: Non, la dernière lecture a eu lieu à la fin de septembre.

M. Yvon Samson, directeur général, Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada: Effectivement, nous sommes intervenus, mais il était trop tard pour comparaître devant le comité. Nous avons fait parvenir notre opinion à tous les parlementaires avant qu'il se rende à la troisième lecture. Malheureusement, il a été adopté en troisième lecture avec ses conséquences. Vous savez que même la députation hors Québec a voté contre le projet de loi tel que libellé.

Le sénateur Poulin: Vous n'y étiez pas tantôt. Tous les collègues ont verbalisé le fait que nous partageons l'objectif du député Gallaway, pour s'assurer de la protection du consommateur. Nous sommes tout à fait d'accord sur ce point. Mais, avec la réalité d'aujourd'hui, nous comme sénateurs, nous ne voulons pas donner de message aux Canadiens et Canadiennes à l'effet que nous ne sommes pas d'accord avec une législation qui vise la protection du consommateur. Nous sommes donc forcés d'adopter la position d'améliorer la législation qui est devant nous. Avez-vous des suggestions à nous faire?

M. Michaud: Nous représentons plus d'un million de Canadiens et Canadiennes, nous serions mal avisés de d'adopter une position qui n'encouragerait pas la protection du consommateur; nous encourageons cette option. C'est pour cela que notre recommandation principale est de renvoyer la loi au ministère du Patrimoine canadien, pour s'assurer que les spécialistes puissent passer au peigne fin les éléments qui ne causeront pas de problèmes aux valeurs fondamentales du Canada. Nous recommandons de ne pas détruire la loi dans son entité, mais plutôt de la passer au peigne fin afin d'y ajouter ou d'y soustraire des éléments qui pourraient causer des problèmes à la toile de fond qu'est notre Charte, notre Constitution, les valeurs ajoutées à la dualité linguistique.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald: C'est une proposition intéressante. Les représentants du ministère du Patrimoine seront nos derniers témoins ce soir.

Ce n'est qu'après la deuxième lecture du projet de loi que le gouvernement s'est rendu compte qu'il y avait un pépin. Comme vous le savez, il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Le gouvernement a retiré son appui. Il est chez Mme Copps depuis ce temps-là. Comme elle n'a pas réussi à convaincre les députés libéraux qui appuyaient le projet de loi Gallaway, le projet de loi a franchi toutes les étapes du processus et se retrouve ici.

Pourquoi devrions-nous le leur renvoyer? Le ministère du Patrimoine l'a depuis septembre. Ils ont 27 000 SMA et spécialistes en radiodiffusion. Ont-ils attendu de dire finalement: «Nous l'enverrons au Sénat et le Sénat se chargera de l'arranger pour nous?»

Le sénateur Gigantès: C'est notre rôle.

[Français]

M. Michaud: Je regrette de répondre de la même façon. Si je comprends bien notre système démocratique au Canada, c'est pour cela que vous êtes ici. C'est une énorme responsabilité, mais c'est ce qui fait que notre système est admiré un peu partout dans le monde. Quand il arrive des problèmes comme celui que vous venez de rencontrer, vous êtes là pour vous assurer qu'il n'y ait pas de tort fait à la toile de fond qui définit le Canada par la Charte des droits et libertés et la Constitution. Vous avez une énorme responsabilité et je ne vous envie pas. Il est vrai que vous êtes la cible de la critique, mais la critique que vous allez subir aujourd'hui n'est pas une critique que vous allez subir dans 10 ans, lorsque l'on va voir s'effondrer la toile de fond qu'est le Canada.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald: Parfois on ne reconnaît la valeur de quelqu'un qu'après sa mort.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Je vous félicite. Vous nous avez ramenés à la réalité canadienne. Je suis contre le projet de loi C-216 dans sa forme actuelle, et j'en ai parlé au Sénat. Comme le sénateur MacDonald vient de le dire, nous devons débattre de cela et vous mentionnez que c'est notre responsabilité. Le sénateur Poulin vous a demandé des suggestions. Accepteriez-vous une modification au projet de loi qui serait à l'effet d'ajouter et définir les responsabilités du CRTC? Les représentants du CRTC nous ont pratiquement indiqué que le projet de loi n'avait pas sa raison d'être; que le CRTC faisait cela déjà. Nous désirons améliorer le projet de loi, est-ce que vous accepteriez une certaine modification où on stipulerait le rôle du CRTC?

M. Michaud: Je vais demander à Mme Galarneau de vous répondre, c'est une technicalité. J'aurais peur de vous amener vers une orientation qui ne soit pas juste pour le Canada.

Mme Galarneau: Je vais vous répondre de la sorte: «Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras». À ce point-ci, si on nous dit que le CRTC va revenir par la porte d'en arrière tenter possiblement de nous aider, ce n'est pas suffisant. Actuellement, le CRTC attribue des marchés; il attribue un type de langue à ces marchés. Donc, au Québec et deux marchés à l'extérieur du Québec, ce sont des marchés francophones; ailleurs ce sont des marchés anglophones. La majorité de nos 110 communautés vivent à l'intérieur d'un marché anglophone. Est-ce que le CRTC est prêt à revoir tout son fonctionnement pour attribuer des titres spécifiques aux communautés francophones et acadiennes qui, elles-mêmes souvent, sont desservies par un câblodistributeur qui dessert une plus grosse communauté qui est à majorité anglophone? Ce système n'offre pas de sécurité. Nous n'avons pas de garanties avec un tel amendement, que nos droits soient respectés et que l'on ait accès à un maximum de services spécialisés français. Si le Sénat tient absolument à amender le projet de loi, ne veut pas le retourner au ministère du Patrimoine et veut l'amender, nous proposons qu'il y ait une exception pour les marchés anglophones qui abritent des communautés francophones et acadiennes. Cela va toucher beaucoup de marchés anglophones. Nous regardons cette loi-là avec les yeux des communautés francophones. Nous n'avons pas une équipe de 15 législateurs avec nous pour réécrire ce projet de loi-là, pour s'assurer qu'il respecte les consommateurs; qu'il respecte le droit de ne pas se faire imposer des services qu'ils ne veulent pas, mais en même temps, de protéger la dualité linguistique.

Le sénateur Losier-Cool: Je serais d'accord avec cela. Mais, ne craignez-vous pas que l'on se fasse dire qu'il y a «deux poids, deux mesures»?

M. Michaud: C'est pour cette raison que nous favorisons plus la première option. Il y a un élément de favoritisme dans la deuxième. Mais, comment peut-on s'assurer que la francophonie soit présente chez les câblodistributeurs, chez les services de télédiffusion et radiodiffusion, si on ne s'assure pas que l'on va conserver la communication en français d'un bout à l'autre du Canada, que cette toile de fond soit conservée. Cette loi-ci ne nous le permettra pas. Le projet de loi C-216 tel que rédigé amènera rapidement vers l'absence de services de langue française, autant à Vancouver que dans le Nord de l'Ontario, que à Terre-Neuve. C'est pour cela qu'on ne peut pas se permettre de définir le Canada comme étant une dualité linguistique territoriale, comme on le fait avec cette loi: le Canada anglais à l'extérieur du Québec et le Canada français au Québec. Je crois que l'on défavorise le canadianisme dans cette loi et que l'on encourage l'américanisation de nos diffusions de communication.

Le sénateur Losier-Cool: Vous nous dites que pour arriver à un principe d'équité pour les consommateurs francophones hors Québec et en dehors des deux districts, il faut presque du favoritisme -- si on peut l'appeler ainsi -- ou on pourrait même l'appeler un rattrapage?

M. Michaud: Oui, ou des spécificités qui prennent en considération l'existence de pochettes de francophones partout au Canada, mais qu'ils vivent à l'intérieur d'une majorité anglophone qui oriente les décisions des câblodistributeurs.

Le sénateur Losier-Cool: Vous parlez à une convertie.

M. Michaud: Oui, je sais.

Le sénateur Gigantès: Nous avons questionné le CRTC dans le même sens que vous venez de nous mentionner en leur demandant s'ils pouvaient nous assurer, avec la loi existante, que des services en français soient diffusés aux communautés francophones au Canada anglais et des services en anglais aux communautés anglophones à l'intérieur du Québec. Ils nous ont répondu oui. On leur a demandé s'ils allaient le faire. Nous avons obtenu une réponse, de leur avocat, dont je ne suis pas tout à fait certain. C'était ni figue ni raisin, ni chair ni poisson. Nous sommes revenus à la charge et ils ont dit: «Absolument, on peut le faire. Nul besoin de nous dire quoi que ce soit, nous ne voulons pas de cette loi. Nous pouvons protéger le consommateur sans cette loi.»

Mais, nous avons un problème politique réel. Nous ne pouvons pas renvoyer cela au ministère du Patrimoine. La Chambre des communes a adopté ce projet de loi. Quand un projet de loi a été voté par la Chambre des communes, automatiquement, il vient devant la Chambre du Sénat et nous devons l'étudier. Soit, le laisser mourir sur le Feuilleton ou le renvoyer à la Chambre des communes avec des recommandations pour des amendements ou le tuer simplement en votant contre. Mais, il y a une réalité politique. Le parrain de ce projet de loi l'a présenté comme étant pour la protection du consommateur. Ce n'est pas le cas, c'est un fait. Il est arrivé à le présenter comme cela et les médias ont pensé comme lui. J'ai honte d'avoir appartenu aux médias dans le temps, car ils ne font pas leurs devoirs ces jours-ci; ils n'examinent pas les cas. Ils font les manchettes. Ils veulent faire la une surtout. Alors, on va dire n'importe quoi pour faire la une. Ils sont vraiment lamentables.

Donc, il s'agit d'une croisade pour protéger le pauvre petit consommateur qui est brimé par ces méchants câblodistributeurs. C'est vrai qu'ils sont méchants, ils ne me donnent pas, par exemple, la rondelle électronique de Fox pour que je puisse savoir où est la rondelle durant une partie de hockey. J'ai demandé au monsieur qui est là pour le Réseau des Sports et il me dit qu'il va faire ce qu'il peut. En tous les cas, nous avons ce problème politique. Le problème politique est très simple. Nous devons amender ce projet de loi de façon à permettre à la loi existante de fonctionner et de protéger les communautés francophones hors Québec et les communautés anglophones à l'intérieur du Québec sans faire perdre la face au parrain du projet et à tous ceux qui l'ont suivi et ont voté pour le projet de loi quand ils n'auraient pas dû. C'est notre problème. Le parrain est ici présent. Que voulez-vous qu'on y fasse?

M. Michaud: Encore une fois, je le répète, c'est dommage. Mais encore là, je remercie quand même le processus décisionnel du Canada, de nous permettre d'avoir accès à un autre palier gouvernemental qui va empêcher que l'on ne commette de graves erreurs qui pourraient gâcher tous les avantages que l'on peut promouvoir sur le marché mondial présentement. La dualité linguistique étant un élément extrêmement important, cette loi pourrait gâcher cet élément de fond que l'on a, étant canadiens.

Le sénateur Gigantès: Il ne s'agit pas d'une loi, c'est un projet de loi et il ne sera pas adopté par ce comité sans amendement. Je vous l'assure!

M. Michaud: J'espère bien que le ministère du Patrimoine, que vous entendrez bientôt, aura des solutions à vous proposer et que vous prendrez des décisions de façon conjointe. Sans connaître le détail de votre processus décisionnel, j'espère bien que cela va se concrétiser.

Le sénateur De Bané: Ce que j'ai compris, sénateur Gigantès, c'est que M. Michaud a bien dit que lui, il est contre l'abolition du Sénat!

Le sénateur Gigantès: Ce serait trop compliqué. L'Ile-du-Prince-Édouard imposerait son veto!

[Traduction]

Le vice-président: Merci beaucoup, messieurs, d'avoir comparu devant nous ce soir.

J'inviterai maintenant les représentants de l'Association canadienne des radiodiffuseurs à prendre la parole.

Nous vous écoutons.

M. Michael McCabe, président-directeur général, Association canadienne des radiodiffuseurs: Bonsoir. Je suis accompagné ce soir de notre conseillère juridique, Cynthia Rathwell.

[Français]

L'Association canadienne des radiodiffuseurs est l'association professionnelle nationale des stations de télévision et de radio privées et de leurs réseaux. Tout récemment, nous avons commencé à représenter aussi un grand nombre de services spécialisés. C'est en cette nouvelle qualité de représentants des services spécialisés que nous comparaissons devant vous aujourd'hui, car le projet de loi C-216 les touche particulièrement.

[Traduction]

Je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de participer à vos délibérations sur ce projet de loi. Comme vous êtes très occupés, nous ne prendrons que quelques moments de votre temps pour vous indiquer notre appui général envers les objectifs du projet de loi. Nous émettrons toutefois certaines réserves quant aux conséquences négatives que pourrait entraîner ce projet de loi en ce qui concerne la fourniture de services spécialisés de langue française et la modification de l'agencement de la programmation offerte par les câblodistributeurs.

Nous aimerions tout d'abord féliciter le député Roger Gallaway de s'être attaqué au problème de l'abonnement par défaut et d'avoir présenté un projet de loi qui répond si directement aux préoccupations soulevées par les Canadiens. Quelle que soit la décision que prendra le Sénat, le projet de loi a déjà permis de s'assurer que tous les membres de l'industrie de la radiodiffusion feront preuve d'une plus grande sensibilité envers leurs clients, surtout dans leurs pratiques commerciales.

L'influence du projet de loi de M. Gallaway et de l'opinion des consommateurs est évidente dans les témoignages des représentants de l'industrie de la câblodiffusion qui ont comparu devant le comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, lorsqu'ils ont déclaré qu'ils n'utiliseraient plus de techniques commerciales qui déplaisent au consommateur. Je fais allusion aux commentaires de Richard Stursberg, président de l'Association canadienne de télévision par câble, dans son témoignage devant le comité lorsqu'il a déclaré:

L'industrie de la câblodistribution au Canada a décidé d'un commun accord que les consommateurs devraient être libres de choisir eux-mêmes les blocs de services de divertissement et d'informations qu'ils reçoivent chez eux [...] l'industrie canadienne de la câblodistribution s'est engagée à respecter la liberté de choix des consommateurs et s'est engagée à [...]

-- s'assurer --

[...] que les nouveaux services de programmation offerts aux abonnés du câble le seront exclusivement selon la formule de l'«option positive».

Les modifications à la Loi sur la radiodiffusion proposées par le projet de loi C-216 sont une façon d'obliger les distributeurs, comme les câblodistributeurs, à tenir parole et à s'assurer que les consommateurs canadiens seront traités équitablement lors du lancement de nouveaux services spécialisés. Il faut toutefois s'assurer, même dans le cas d'une loi qui jouit d'un vaste appui populaire, qu'une nouvelle loi ne comporte pas de conséquence non intentionnelle. C'est pourquoi les modifications législatives doivent être suffisamment générales et souples pour répondre aux besoins de tous les Canadiens et pour résister au passage du temps.

Bien que nous approuvions en principe le projet de loi C-216, nous avons deux réserves en particulier concernant ce que nous croyons être les conséquences non intentionnelles que pourrait avoir le projet de loi. Il risque premièrement de nuire aux nouveaux services spécialisés de langue française et deuxièmement d'empêcher les entreprises de câblodistribution de modifier l'agencement des services faisant partie des blocs de services actuels.

Comme vous l'ont indiqué d'autres témoins qui ont comparu devant vous, les entreprises de câblodistribution de langue française ont besoin d'une plus grande souplesse pour commercialiser les nouveaux services spécialisés de langue française. Effectivement, s'il leur est impossible d'offrir de nouveaux services de langue française dans le cadre des services existants, cela risque de compromettre la viabilité des nouveaux services spécialisés de langue française dont le lancement est prévu en septembre 1997 et même de priver les consommateurs de la possibilité de les recevoir.

Les plans d'affaires de ces services se fondent en majeure partie sur l'hypothèse selon laquelle les câblodistributeurs au Québec devront offrir un nouveau service de langue française dans un volet de services existants de façon à pouvoir attirer une masse critique d'abonnés au Québec. Ce service devra d'abord avoir du succès au Québec avant de pouvoir être offert sur les autres marchés au Canada où la population francophone n'est pas aussi importante, mais doit néanmoins être servie.

[Français]

Afin de répondre aux inquiétudes concernant l'effet qu'aurait le projet de loi C-216 sur les services francophones, il a été proposé que le CRTC contourne les problèmes éventuels en exigeant la distribution obligatoire de certains services francophones. Nous pensons que cette façon de procéder est malheureusement irréaliste dans la pratique.

[Traduction]

Il est vrai que le CFTC a le pouvoir d'ordonner à une entreprise de distribution d'offrir un service particulier en le rendant obligatoire. Il ne peut cependant y recourir que dans des cas extrêmes lorsque le service est dans l'intérêt public national. Il serait difficile d'invoquer l'intérêt public national dans le cas de services spécialisés pour les rendre obligatoires.

De plus, pour déclarer un service obligatoire, il faut qu'il soit offert dans le cadre du service de base. Si le consommateur ne veut pas du nouveau service obligatoire, il devra soit annuler son abonnement au service de base du câble, soit continuer à recevoir le service de base avec le nouveau service dont il ne veut pas. Ce sont les deux seules options dont dispose le consommateur en cas de distribution obligatoire. Compte tenu de la rigidité de l'option de distribution obligatoire, nous ne croyons pas qu'elle puisse garantir une distribution satisfaisante des services de langue française aux téléspectateurs canadiens.

Notre deuxième réserve concerne le fait que le projet de loi, selon son libellé actuel, puisse limiter la capacité des entreprises de câblodistribution de modifier l'agencement des services qu'elles offrent dans leurs blocs de services actuels. Une telle limitation pourrait empêcher les entreprises de câblodistribution d'ajouter de nouveaux services aux blocs de services existants par exemple, même si le nouveau service était offert à un tarif très minime.

En 1995, la réaction négative des consommateurs a surtout été provoquée par le retrait de certains services des volets existants, et leur transfert dans de nouveaux volets et non pas par l'ajout de nouveaux services aux volets de services existants.

Les petits câblodistributeurs qui comptent entre 2 000 et 6 000 abonnés et qui ne peuvent offrir des blocs de services seront particulièrement touchés par le projet de loi. Ils ne pourraient offrir de nouveaux services si la vaste majorité des abonnés n'acceptaient pas d'abord de les recevoir. Ce projet de loi va les empêcher de répondre aux besoins de leurs clients avec efficience et efficacité.

Nous ne croyons pas que le projet de loi vise à empêcher les câblodistributeurs d'offrir de nouveaux services dans les blocs existants, ou à compromettre le lancement de nouveaux services spécialisés de langue française. Il s'agit là de conséquences imprévues que nous souhaitons porter à votre attention. Nous demandons au comité de protéger les Canadiens contre toute stratégie de commercialisation qui ne sert pas leurs intérêts, et aussi de préserver la flexibilité qu'offre la Loi sur la radiodiffusion, puisqu'elle permet à l'industrie de la radiodiffusion de fournir aux consommateurs des services d'information de grande qualité.

Peut-être jugerez-vous satisfaisantes les garanties verbales de l'industrie de la câblodistribution, qui s'est engagée à ne plus jamais avoir recours à l'abonnement par défaut. Peut-être jugerez-vous que l'abonnement par défaut ne constitue plus une véritable menace pour les consommateurs, puisque la capacité de canaux sera bientôt accrue grâce à la compression vidéo numérique, la concurrence dans le marché de distribution par SRD et les nouvelles technologies de télédistribution sans fil. Ou encore peut-être jugerez-vous qu'un amendement législatif, par le biais du projet de loi C-216, constitue la seule façon de protéger les droits des consommateurs.

Si vous optez pour la dernière solution, nous vous demandons alors d'examiner les droits des consommateurs dans leur ensemble, et de faire en sorte que les amendements législatifs ne portent pas atteinte, de façon imprévue, à la liberté de choix des consommateurs en privant le système de radiodiffusion de toute flexibilité.

Le sénateur Maheu: Une des personnes qui travaillent de près avec les rédacteurs du projet de loi m'a dit que cette mesure visait uniquement les services spécialisés et rien d'autre. Êtes-vous du même avis?

M. McCabe: D'une manière générale, oui. Dans le cas de la radiodiffusion en direct -- c'est-à-dire, les radiodiffuseurs conventionnels --, il est question de services prioritaires distribués sur le câble ou sur un autre système, ce qui signifie que tout le monde y a accès. Or, il est question ici de services spécialisés et, de manière plus précise, de l'ajout de nouveaux canaux.

Le sénateur Maheu: Vous parlez des nouveaux canaux qui vont être offerts?

M. McCabe: Oui.

Le sénateur Spivak: À la dernière page de votre mémoire, vous dites que si nous décidons de modifier la loi, nous devons examiner les droits des consommateurs dans leur ensemble. Voulez-vous dire par là qu'il ne faut pas priver le système de radiodiffusion de la flexibilité dont il jouit?

M. McCabe: Oui.

Le sénateur Spivak: Vous ne voulez pas dire que nous ne voulons pas décourager toute forme d'innovation.

M. McCabe: Ce n'est pas à cela que je faisais allusion, mais au premier point que vous avez soulevé.

Manifestement, le projet de loi, et le Parlement de manière générale, cherche à protéger les consommateurs, par voix législative, contre toute forme d'abus. Toutefois, nous devons éviter de créer un cadre trop rigide qui nuit aux consommateurs d'une autre façon en ne les empêchant pas d'avoir accès à des services qu'ils voudraient recevoir autrement ou qui ne pourraient être offerts par le marché.

Le sénateur Spivak: Que proposez-vous comme solution?

M. McCabe: Nous n'avons pas proposé d'amendement particulier. Toutefois, deux solutions s'offrent à nous. La première serait d'exclure les services de langue française de cet amendement. C'est une solution. La deuxième -- et je ne sais pas si elle a été proposée de façon formelle --, est de fournir au CRTC le pouvoir général d'abroger cet article si les intérêts prédominants des consommateurs ou du système de radiodiffusion sont menacés. C'est pour cette raison sans doute que le CRTC existe. Vous pouvez dire, «Eh bien, il était là lors de la dernière débâcle en 1995.» Toutefois, il ne faut pas oublier que le Conseil est une institution qui, pendant très longtemps, a appliqué la ligne de conduite imposée par divers gouvernements qui affirmaient que, «l'industrie de la câblodistribution est l'instrument désigné; c'est elle qui a le monopole.» Elle l'avait dans le passé et elle l'a probablement toujours. Ils n'ont pas changé de vue.

D'abord, le CRTC a finalement compris la politique du gouvernement actuel, qui «favorise la concurrence dans le domaine de la distribution». Ensuite, la concurrence permettra, de manière générale, de faire en sorte que la situation que nous avons vécue à l'automne de 1995 ne se reproduise plus.

Le sénateur Spivak: Êtes-vous en train de dire que, si nous décidons de modifier le projet de loi -- si c'est l'option que nous retenons --, nous devrions alors dire, «Laissons le CRTC régler la question»?

M. McCabe: Nous avons mis de l'avant deux préoccupations, la principale étant l'impact négatif qu'aura ce projet de loi sur les distributeurs et les consommateurs, les réalités économiques du marché francophone étant très différentes. On ne tient pas compte de la question plus vaste, à savoir si les câblodistributeurs, dans l'intérêt du consommateur, seront en mesure d'apporter les changements qui sont souhaitables. Il serait peut-être plus raisonnable d'opter pour un amendement plus général.

Le sénateur Spivak: Pourquoi? Est-ce que cela donnerait plus de pouvoirs au CRTC?

M. McCabe: Les lois sont parfois exemplaires. Nous avons l'impression dans ce cas-ci que des abus graves sont commis, et tout le monde s'entend pour dire qu'il serait bon d'éclaircir la situation.

Bien que je comprenne que le pouvoir doit continuer de rester entre les mains de ceux qui le détiennent, le Parlement semble vouloir dire -- et je crois que le public se sentirait plus rassuré, -- qu'il légiférera dans ce domaine, tout en donnant au CRTC la flexibilité dont il a besoin. Il s'agirait là d'une mesure raisonnable. Je ne crois pas que le projet de loi portera atteinte aux pouvoirs du CRTC s'il est modifié

Le sénateur Spivak: Il y a un problème qui se pose ici, à mon avis. Si le CRTC a le pouvoir d'intervenir, pourquoi voudriez-vous que quelqu'un d'autre légifère en disant, «Ne faites pas ceci»? Si vous êtes censé avoir un organisme indépendant qui a le pouvoir d'intervenir et que, tout à coup, vous arrivez avec ce projet de loi, alors quelqu'un d'autre, demain, dira, «Faisons ceci et faisons cela.» Cela va à l'encontre du principe d'autonomie. Si le CRTC a commis une erreur dans ce cas-là, nous devrions peut-être avoir recours à une autre forme de réprimande, juridique ou autre. Il aurait été préférable de passer par les tribunaux.

Nous ne pouvons pas laisser quelqu'un déposer un projet de loi, et dire ensuite, «Non, remettez ce pouvoir entre les mains de celui qui devait l'exercer en premier lieu.» Ce n'est pas une façon tellement logique d'élaborer des politiques.

M. McCabe: Je pense que toute cette situation est illogique. Nous savons que le processus d'élaboration des lois n'est pas toujours très clair.

Le sénateur Spivak: Mais nous voulons adopter de bonnes lois, non pas des lois qui sont mauvaises.

M. McCabe: Je pensais que nous étions en train de parler du projet de loi C-216, pas d'une autre mesure législative.

Le sénateur Spivak: Nous sommes en train de parler du projet de loi C-216.

M. McCabe: Il est vrai qu'il a le pouvoir d'intervenir, mais le Parlement a lui aussi le pouvoir d'établir des directives. Je pense que ce domaine est suffisamment vaste pour qu'il puisse le faire.

Qu'est-ce que j'en pense? Je pense que, avec le temps, la concurrence à laquelle sera soumis le milieu de la radiodiffusion finira par régler le problème. Toutefois, on voit que les législateurs, comme en témoigne ce projet de loi, veulent rassurer les consommateurs. Ce qui est tout à fait logique, sauf que nous devons prendre garde de ne pas créer de problèmes en cours de route.

Le sénateur Spivak: Donc, cet amendement, à votre avis, n'entraînera pas de conséquences imprévues ou n'empêchera pas le lancement de services spécialisés de langue française.

M. Gallaway, lui, visait tout autre chose. Il ne songeait qu'à trouver un moyen de régler ce problème particulier, chose qui aurait dû être faite. Il ne s'inquiétait pas des répercussions générales qui pourraient en résulter. Il ne bénéficiait pas de l'appui des 27 000 fonctionnaires du ministère du Patrimoine, ou du moins des personnes que vous avez mentionnées.

M. McCabe: Nous non plus.

Si vous allez de l'avant avec l'amendement qui a été proposé, alors oui, ce que vous laissez entendre risque de se produire; vous risquez de limiter l'accès à des services légitimes.

Le sénateur Spivak: Vraiment?

M. McCabe: C'est ce que nous pensons, comme d'autres groupes d'ailleurs. Nous avons proposé qu'on apporte un amendement qui vise de manière précise les services de langue française, ou un amendement plus général pour éviter que cela ne se produise.

Le sénateur MacDonald: À la dernière page de votre mémoire, vous dites qu'un amendement législatif constitue peut-être la seule façon de protéger les droits des consommateurs.

Je ne comprends pas tellement ce que vous voulez dire.

M. McCabe: C'est une solution de rechange que nous avons proposée. Vous allez peut-être juger que des garanties informelles ou une concurrence plus vive ne permettront pas de régler le problème. Vous allez peut-être décider que vous avez besoin d'une loi pour y arriver. Si c'est le cas, alors il faut apporter au projet de loi les modifications que nous avons proposées. Si les deux autres solutions -- soit les garanties que vous avez reçues jusqu'ici et la concurrence -- ne permettent pas de régler le problème et que vous voulez aller de l'avant avec le projet de loi, vous devez le modifier.

Le sénateur MacDonald: Je n'avais pas compris, parce que la seule façon de protéger les droits des consommateurs, c'est d'adopter le projet de loi C-216 sans amendement. Cela devrait suffire.

Le sénateur Spivak: Je ne le crois pas. Mes droits risquent d'être compromis par le fait que je n'aurai peut-être pas accès à de nouveaux programmes. Il en va de même pour les consommateurs du Québec.

M. McCabe: C'est ce qui nous préoccupe. On peut envisager le problème sous un angle plus vaste. Je ne crois pas que le consommateur au Québec va trouver que ses droits sont bien protégés si nous créons un régime qui empêchera le lancement d'un service particulier parce qu'il n'est pas possible de le faire pour des raisons économiques. C'est illogique. Je ne crois pas que les droits des consommateurs sont protégés par le projet de loi C-216, dans sa forme actuelle.

Le vice-président: Merci d'avoir comparu si tard dans la journée.

Nous allons entendre maintenant MM. Rabinovitch et Durr, du ministère du Patrimoine canadien. Vous avez la parole.

M. Victor Rabinovitch, sous-ministre adjoint, Développement culturel et patrimoine, Patrimoine canadien: Monsieur le président, je m'appelle Victor Rabinovitch. Je suis le sous-ministre adjoint du Développement culturel et du patrimoine au sein du ministère du Patrimoine canadien. À ma gauche se trouve M. Larry Durr, qui est le directeur des politiques des affaires réglementaires au sein de la Division de la politique sur la radiodiffusion.

[Français]

Monsieur le président, c'est avec plaisir que je réponds à l'invitation lancée il y a quelques semaines pour vous entretenir brièvement du projet de loi C-216, traitant de la pratique de l'abonnement par défaut.

[Traduction]

Ce soir, j'aimerais, si vous me le permettez, aborder certaines des préoccupations qui ont été exprimées depuis que ce projet de loi d'initiative parlementaire a été déposé à la Chambre des communes, il y a environ un an.

D'abord, je tiens à dire que le ministre du Patrimoine canadien et, bien entendu, le ministère du Patrimoine, ne sont pas en faveur de la formule de l'abonnement par défaut. Plusieurs groupes vous ont déjà expliqué pourquoi cette pratique est à rejeter. Elle constitue un moyen de dissimuler de l'information sur les prix et les choix. Elle peut miner la relation vendeur-acheteur qui, de manière générale, repose sur une décision éclairée faite par un acheteur consentant et un vendeur fiable.

Ensuite, il faut tenir compte des besoins de l'ensemble du système de radiodiffusion canadien. La Loi sur la radiodiffusion est essentiellement, ou du moins principalement, un document culturel. D'après certaines personnes, elle constitue le pilier de la politique culturelle canadienne. Elle précise clairement à l'alinéa 3(k) que:

une gamme de services de radiodiffusion en français et en anglais doit être progressivement offerte à tous les Canadiens, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens;

Ce qui nous inquiète, c'est que telle qu'elle apparaît actuellement dans le projet de loi C-216, l'initiative relative au consommateur peut, en fait, l'emporter sur les objectifs culturels de la Loi sur la radiodiffusion. Par exemple, il nous semble que le projet de loi l'emporte sur la capacité de la loi de prendre en compte les considérations particulières qui soutiennent les différents marchés du Canada. En outre, le projet de loi peut ne pas prendre en compte les problèmes économiques de la programmation en langue française dans un marché télévisuel essentiellement de langue anglaise.

Il semblerait, monsieur le président, que les membres de ce comité soient appelés à déterminer si le projet de loi C-216 assure un bon équilibre entre les objectifs du consommateur et les objectifs culturels. Si les membres de votre comité concluent que le projet de loi n'assure pas l'équilibre qui convient, il leur faudra alors sans doute envisager les meilleures façons d'y parvenir.

Au Canada, comme vous le savez, monsieur le président, le Parlement et les ministres se sont toujours appuyés sur le CRTC pour assurer un équilibre dans le fonctionnement du système de radiodiffusion. Cela prend en compte les objectifs concurrents prévus à l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion. Pour ce faire, le CRTC a dû user de ses pouvoirs en matière d'octroi de licences et tenir des audiences publiques afin de réunir l'information nécessaire et imposer des exigences en matière de licence, tout en élaborant une réglementation.

Il faut faire preuve de discernement à cet égard, ce qui nécessite autant de souplesse que de fermeté en matière de réglementation. Le Parlement a soigneusement rédigé l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion de manière à ce que des décisions pratiques, pragmatiques permettent d'assurer un équilibre entre ces divers éléments.

[Français]

Les ramifications immédiates du projet de loi sur le marché de langue française ont soulevé maintes inquiétudes auprès des dirigeants des services spécialisés francophones. Il n'est pas de mon ressort d'expliquer en leur nom les effets que le projet de loi pourrait susciter dans ces marchés. Vous avez déjà entendu beaucoup de gens devant vous qui ont apporté des informations. Les préoccupations qu'exprimait la Coalition des services spécialisés de langue française nous semblent tout à fait dignes de mention. À ce titre, nous espérons que les membres de ce comité vont s'assurer que la mise en oeuvre des objectifs sous-tendant la Loi de la radiodiffusion qui reconnaît explicitement les conditions d'exercice distinct des marchés de langue française et de langue anglaise ne soient pas mis en veilleuse par l'adoption du projet de loi C-216.

[Traduction]

Monsieur le président, le secteur de la radiodiffusion traverse une période cruciale de transition. Ce secteur est confronté tout à la fois aux défis de la convergence technologique, de la globalisation du marché et de la restructuration de l'industrie. D'un point de vue d'administration publique, une certaine prudence permettrait de maintenir la souplesse et la latitude du CRTC dans son processus de décision. Je pense que vous-même, monsieur, et les membres de votre comité, voudrez décider si le projet de loi C-216 permet en fait le maintien de cette souplesse.

Pour conclure, monsieur le président, j'aimerais vous remercier, ainsi que les membres de votre comité, de nous avoir donné l'occasion de prendre la parole ce soir. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le sénateur Maheu: J'aimerais remercier M. Rabinovitch pour avoir dit que la Loi sur la radiodiffusion est un document et un pilier culturels. Je ne crois pas avoir entendu pareils propos de la part de qui que ce soit d'autre aujourd'hui. C'est une réalité dont nous devons tous nous rappeler. Malgré les questions que ce projet de loi suscite en ce qui concerne son impact politique et les intérêts du consommateur, il ne faut pas oublier les raisons fondamentales de la création de cette loi.

Faudrait-il proposer un amendement pour rendre le projet de loi un peu plus acceptable? Je suppose que par cet amendement, nous demanderions au CRTC de prévoir une réglementation spéciale ou des services qu'il n'a pas actuellement. Et si je dis qu'il ne les a pas actuellement, c'est parce que, à tort ou à raison, j'ai eu l'impression plus tôt aujourd'hui qu'il hésite et se demande s'il doit lancer un débat à propos de l'article 3 ou de l'article 5. Il ne l'a pas fait, car il est très prudent à l'égard des valeurs du marché et d'autres questions.

Beaucoup parmi nous attendons que quelqu'un se décide à dire: «Nous sommes Canadiens et c'est ainsi que nous procédons. Faisons les choses comme il faut.» Personne ne s'est encore manifesté. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Je sais bien que le CRTC considère que je me trompe, que l'on m'a donné une mauvaise impression ou que j'ai eu une mauvaise impression plus tôt aujourd'hui. C'est toujours ce que je pense, malgré ses objections.

M. Rabinovitch: Monsieur le président, j'espère bien comprendre la question, car je n'étais pas là lorsque le CRTC a comparu un peu plus tôt aujourd'hui.

L'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion renferme plusieurs objectifs de politique exposés sous la forme d'une déclaration. Après cette série de vastes objectifs politiques, nous avons le paragraphe 3(2) qui stipule précisément que le système de radiodiffusion constitue un système unique et que la meilleure façon d'atteindre les objectifs énoncés à l'article 3 consiste à confier la réglementation et la surveillance de ce système à un seul organisme public autonome. Cet organisme public est le CRTC.

Pour ce qui est de l'équilibre, élément pragmatique, pratique, dans le contexte d'un système de radiodiffusion, le Parlement a créé le CRTC et s'en remet à lui pour trouver l'équilibre qui convient dans la multiplicité des objectifs. Le projet de loi C-216 ajouterait un objectif, relatif à la protection du consommateur.

Dans le cadre de votre examen du projet de loi C-216, vous voudrez peut-être arriver à une conclusion sur la manière dont il devrait cadrer avec tous les autres objectifs de la loi. Voulez-vous qu'il ait la priorité, implicite ou autre, sur tous les autres objectifs? Voulez-vous qu'il représente une série d'objectifs que le CRTC devrait alors juger et équilibrer? Ce sont des questions auxquelles seuls les sénateurs, dans leur sagesse, peuvent répondre.

Nous essayons simplement dans nos remarques de vous indiquer comment le projet de loi C-216 pourrait cadrer avec la série d'objectifs qui se trouvent dans la loi. J'espère vous avoir donné la réponse que vous recherchiez, mesdames et messieurs les sénateurs.

Le sénateur Spivak: Je ne trouve pas vraiment les mots qui conviennent, mais si vous aviez été informé de tels abus à l'avance, auriez-vous essayé de régler la question? Vous parlez de la protection du consommateur. La protection du consommateur est prévue dans un autre article de notre loi.

Le CRTC, comme je l'ai dit plus tôt a déjà des pouvoirs en tant que conseil sans lien de dépendance. Maintenant, c'est comme si l'on avait fait entrer un éléphant dans un magasin de porcelaine. Vous nous dites de parvenir à un équilibre. Ne faudrait-il pas, pour ce faire, dire que ce projet de loi n'aurait jamais dû exister? Il pourrait expirer. Cela s'est déjà produit au Sénat. Beaucoup de projets de loi bien meilleurs ont expiré au Sénat, les services de garderie en étant un exemple.

Le sénateur Gigantès: C'est parce que vous avez déclenché des élections.

Le sénateur Spivak: Ce n'est pas moi qui les ai déclenchées.

Comment pouvez-vous équilibrer quoi que ce soit qui empiète, dans un sens, sur d'autres lois? Cette question de protection du consommateur ne pourrait-elle pas être réglée par d'autres lois? Il doit sûrement y avoir des lois qui traitent de l'inégalité ou des prix déguisés et des relations entre le consommateur et le vendeur ou entre l'acheteur et le vendeur.

Vous nous avez donné une très belle réponse philosophique, mais comment peut-on parvenir à un équilibre? Vaut-il mieux ne pas parvenir à un équilibre que simplement abandonner le projet de loi?

M. Rabinovitch: Monsieur le président, le projet de loi est bien sûr un projet de loi d'initiative parlementaire. En tant que tel, il a l'autorité morale de la personne qui l'a proposé, ainsi que l'autorité qui découle du fait qu'il a passé l'étape de trois lectures à la Chambre des communes.

Je vous donne cette information pour faciliter la réalisation des objectifs du projet de loi qui semblent importants du point de vue du consommateur tout en respectant l'esprit et le contexte de la Loi sur la radiodiffusion.

Si les sénateurs en arrivent à la conclusion que ce projet de loi est valable tel quel, c'est leur choix. S'ils en arrivent à la conclusion que le projet de loi doit être intégré à la loi, il faudrait alors le rédiger de manière à s'assurer que ses objectifs permettent explicitement d'atteindre les objectifs de l'article 3 de la loi.

Le sénateur Gigantès: Voulez-vous parler de l'article 3 seulement ou de l'ensemble de la loi?

M. Rabinovitch: Cela dépend des conseils des rédacteurs juridiques. S'il est intégré dans l'article 3 de la loi, il faudrait normalement qu'il soit assujetti ou qu'il contribue clairement et explicitement aux objectifs de cet article. Autant que je sache, ce serait la façon normale de procéder. Je ne suis pas expert en la matière.

Le vice-président: Il n'y est pas.

M. Rabinovitch: Effectivement.

Le sénateur Spivak: On pourrait l'intégrer. Cet amendement ne contredit pas le principe.

Le vice-président: C'est un amendement que notre groupe pourrait proposer.

M. Rabinovitch: Ne croyez pas s'il vous plaît que je propose un amendement. Je suis un simple philosophe, sénateur.

Le sénateur Spivak: Pas de problème. Les gens ne veulent pas d'abus dans le domaine des relations vendeur acheteur. Savez-vous si d'autres lois peuvent permettre de régler la question? N'y a-t-il pas d'autres lois? Pourquoi faut-il un projet de loi particulier, même si c'est un projet de loi d'initiative parlementaire, si la question est réglée ailleurs?

M. Rabinovitch: Nous nous sommes posé les mêmes questions lorsque le projet de loi est passé par toutes les étapes voulues à la Chambre des communes. Il y a des lois provinciales qui traitent de la protection du consommateur, plusieurs d'entre elles visant précisément la protection du consommateur dans le cas d'achats effectués ou de services offerts sous le régime de la Loi sur la radiodiffusion.

On en arrive à des questions très difficiles en matière de compétences fédérales et provinciales. Au cours des discussions, on s'est demandé si les lois provinciales du consommateur devaient l'emporter dans un domaine qui, en fait, relève de la compétence fédérale. C'est une question très complexe. Au bout du compte, après avoir examiné d'autres lois, nous avons été guidés par le fait qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Ce n'était pas vraiment à nous ou à quiconque de dire que ce projet de loi n'avait pas lieu d'exister. Nous avons essayé de simplement l'examiner comme le projet de loi qui a été adopté par la Chambre des communes. Cela dit, j'espère que mes conseils vous seront utiles.

Le sénateur MacDonald: Je ne sais pas contre qui M. Gallaway serait le plus fâché, contre notre comité ou contre l'organe exécutif dont il est membre.

Le sénateur Spivak: Et alors?

Le sénateur MacDonald: Même si dix membres du Cabinet ont appuyé ce projet de loi d'initiative parlementaire à l'étape de la deuxième lecture, ils étaient absents et ont retiré leur appui. Aujourd'hui, nous avons entendu plusieurs témoins parler des problèmes des services de langue française. Je ne peux donc pas comprendre pourquoi vous nous dites que c'était un projet de loi d'initiative parlementaire et que c'est la raison pour laquelle on y a probablement pas porté beaucoup attention.

Le sénateur Gigantès: Ce n'est pas ce qu'il a dit. Il a dit que nous ne nous en sommes pas occupés, parce que c'était un projet de loi d'initiative parlementaire. Je crois que c'est ce qu'il a voulu dire.

Le sénateur MacDonald: Très bien.

M. Rabinovitch: Je veux être clair. Nous avons suivi le processus du projet de loi depuis la première lecture. Nous en avons certainement parlé et répondu aux questions qui nous ont été posées, mais c'est un projet de loi d'initiative parlementaire à l'égard duquel nous avons conservé nos distances.

Le sénateur MacDonald: Même si vous saviez, en tant que sous-ministre adjoint du ministère du Patrimoine que, sans vos conseils, sans vos propositions et sans contribution politique de la part de votre ministère, ce projet de loi aurait pu être adopté avec les problèmes dont on nous a fait part aujourd'hui. Je ne comprends pas cette quasi-indifférence, sous prétexte que c'est un projet de loi d'initiative parlementaire. Je ne cherche pas à vous attaquer, je ne comprends tout simplement pas pourquoi, depuis septembre dernier, rien n'a été fait.

M. Rabinovitch: Monsieur le président, le sénateur fait ressortir un problème intéressant. Le projet de loi porte manifestement sur une question de protection du consommateur qui suscite de très fortes émotions. En tant qu'abonné du câble, j'ai moi-même peu apprécié les lettres pratiquement incompréhensibles reçues de mon fournisseur, ce septembre-là, lorsqu'ont été introduits les nouveaux services.

Par contre, il n'est facile d'assurer la prestation complexe de services à d'autres groupes linguistiques -- non seulement à des groupes francophones, mais aussi à d'autres groupes minoritaires -- partout au pays sans violer le principe sur lequel s'appuie le projet de loi C-216. À l'origine, les conséquences n'étaient peut-être pas suffisamment bien comprises par beaucoup de gens.

À ce stade-ci, seuls les parlementaires sont en réalité en mesure de juger de la suite à donner au projet de loi. Même durant mon témoignage actuel, durant lequel je suis censé attirer votre attention sur certains points, j'aurais bien du mal à vous conseiller ou à vous faire des suggestions. Je ne suis pas en mesure de le faire.

Le vice-président: Il faut donc se demander où est la ministre? Où est le secrétaire parlementaire, qu'on puisse lui poser la question politique? Je suis un peu déçu de constater qu'ils ne sont pas ici, mais enfin, leur dernière comparution remonte à septembre dernier.

Le sénateur Gigantès: Il n'est pas le gardien de son maître.

Le vice-président: J'ai été député pendant 24 ans. Je sais comment cela se passe.

Le sénateur De Bané: Monsieur Rabinovitch, je vous ai écouté avec attention. Bien que vous ayez pris grand soin de ne pas nous dire quoi faire au sujet du projet de loi à l'étude, vous avez souligné les grandes questions qu'il suscitera s'il est adopté.

La présidente du CRTC a elle aussi affirmé que le projet de loi à l'étude, bien qu'il vise à régler une question, créera des difficultés dans une foule d'autres domaines qui, pour l'instant, ne posent pas problème. Elle nous a rappelé que le projet de loi à l'étude se veut une réponse à un certain problème, soit à la question de l'abonnement par défaut. Je tiens à rappeler au comité que l'industrie a immédiatement réagi. Ce sont les consommateurs qui l'ont poussée à le faire, pas une loi. D'après la ministre, le problème est réglé. L'industrie de la câblodistribution s'est déjà engagée à ne plus avoir recours à la pratique de l'abonnement par défaut. De plus, grâce à une nouvelle technologie, plutôt que de se contenter des services offerts par le fournisseur, le consommateur décidera lui-même des services qu'il veut.

Serait-il injuste de dire qu'à la lumière de tous les points que vous avez soulignés et de ce que nous a affirmé la présidente du CRTC, le projet de loi à l'étude serait une mesure mal avisée? Je sais que vous êtes un haut fonctionnaire. Cependant, tant le ministère que le tribunal de réglementation ont semblé dire que le projet de loi créerait beaucoup de problèmes, s'il était adopté.

M. Rabinovitch: Monsieur le président, j'ai eu le plaisir de travailler à un certain moment donné pour l'honorable sénateur De Bané lorsqu'il était ministre. Il pourrait vous dire qu'en tant que haut fonctionnaire, je ne suis pas de ceux qui croient que les représentants élus du peuple peuvent adopter des mesures mal avisées.

Manifestement, votre comité a reçu beaucoup d'information. Ceux qui la lui ont fournie, bien qu'ils soient d'accord avec les objectifs visés par le projet de loi, se disent préoccupés par les conséquences involontaires qui en découleront probablement. Ce supplément d'information vous permettrait peut-être de trouver le moyen d'incorporer l'objectif général du projet de loi sans le faire primer sur les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion ou de l'en isoler. Les membres du comité pourraient être tentés de prendre cette décision à la Salomon ou de trouver un autre moyen de trancher le noeud gordien et, par la même occasion, d'aplanir les différences culturelles.

Le sénateur De Bané: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais profiter du fait que les hauts fonctionnaires du ministère sont présents pour souligner un point. Je vois dans la salle plusieurs Montréalais.

Monsieur Rabinovitch, puisque vous êtes vous-même un Québécois vivant à Ottawa, où se trouve le Parlement du Canada, vous comprendrez mon ressentiment à l'égard du câblodistributeur de cette ville qui a récemment trouvé le moyen d'ajouter d'autres canaux en faisant preuve de très peu de délicatesse. Nous pouvons maintenant capter des stations de Hamilton et de Toronto, et le câblodistributeur en ajoute. Cependant, il n'a jamais été capable de nous offrir les stations de Montréal, qu'il s'agisse de TVA ou de Radio-Canada. Nous savons tous que les deux principales stations qui diffusent en français au Canada se trouvent à Montréal. Pourtant, nous sommes incapables de les capter à Ottawa. On nous a dit: «Si vous voulez écouter les émissions de Montréal, déménagez à Hull, de l'autre côté de la rivière». J'ignore si le problème est de votre ressort ou de celui du CRTC. Voilà 30 ans presque que je vis à Ottawa, et pareil manque de sensibilité -- je le dis devant les Montréalais -- est inacceptable.

Nous habitons dans la capitale nationale. Les deux principales stations de télévision qui diffusent en Français au Canada se trouvent à Montréal. Ce sont les stations qu'il nous faut.

[Français]

Le sénateur Poulin: Après un message important comme celui que vient de nous livrer le sénateur De Bané, j'ai l'impression que mon commentaire va être plutôt banal. M. Rabinovitch, je peux comprendre dans quelle situation vous vous trouvez. J'apprécie surtout le respect que vous avez pour les responsabilités que nous exerçons en tant que membres du comité permanent des Transports et communications. Le projet de loi C-216 a été référé en comité en début décembre. M. Gallaway a été entendu comme premier témoin et il nous a très bien présenté l'objectif qui est poursuivi, c'est-à-dire: la protection du consommateur. Mais, à la surprise de tout le monde, après avoir entendu plusieurs témoins, nous avons découvert que les radiodiffuseurs, les câblodiffuseurs et l'Association des consommateurs du Québec n'ont pas eu l'occasion de faire leurs représentations sur le projet de loi C-216 au comité de la Chambre des Communes et que tout à coup, cette responsabilité incombe maintenant au Sénat. Ce projet de loi a attiré énormément de sympathie auprès des médias, en ce sens qu'il a pour objectif la protection du consommateur; c'est là une vertu que nous appuyons tous. Mais, au fur et à mesure des auditions, nous nous rendons compte qu'il y a des dangers dans le mécanisme utilisé pour atteindre cet objectif, que nous partageons tous.

Nous dites-vous présentement que le document de base, qui peut vraiment protéger notre histoire, le système de radiodiffusion au pays, qui est le système complémentaire privé, public, anglophone, francophone, canaux généraux, canaux spécialisés, c'est vraiment la Loi de la radiodiffusion? C'est le document de base? Nous dites-vous que si nous référons à ce document de base pour amender le projet de loi C-216, nous allons être respectueux de tout ce qui a été fait depuis 50 ans en radiodiffusion au Canada?

M. Rabinovitch: Il s'agit d'une question complexe. Nous pensons -- et je parle au pluriel, parce que je représente la Couronne -- nous pensons que si les objectifs du projet de loi C-216 sont assujettis au restant de l'article 3 de la loi, que cela fera partie de l'article 3. Dans ce cas, les objectifs seront ou deviendront parmi la multiplicité des objectifs de la loi et qu'il sera de la responsabilité du CRTC, comme pour le restant des objectifs, d'interpréter et de balancer et d'équilibrer tous ces objectifs en même temps. C'est notre meilleure interprétation.

[Traduction]

Le sénateur Gigantès: Monsieur Rabinovitch, vous m'impressionnez beaucoup. Il faudrait vous dépêcher comme émissaire pour essayer de rapprocher M. Nétanyahu, M. Arafat et même les membres les plus orthodoxes du Cabinet israélien. Vous êtes vraiment très fort. Je vous remercie.

Le sénateur Poulin: Que croyez-vous qu'il essaie de faire?

M. Rabinovitch: Monsieur le président, le sénateur MacDonald a dit qu'il est parfois nécessaire de mourir pour recevoir des louanges. J'espère sincèrement qu'il ne pensait pas à moi.

Le sénateur Maheu: Monsieur Rabinovitch, pouvez-vous nous répéter le nom des trois provinces qui ont une loi de protection du consommateur ou une loi de la radiodiffusion?

Le sénateur Gigantès: Plutôt une loi de protection du consommateur.

M. Rabinovitch: M. Durr et moi vous les citons de mémoire. Le Québec a une loi de protection du consommateur qui vise expressément l'abonnement par défaut. La Colombie-Britannique a une loi particulière à ce sujet. Nous croyons savoir que la Nouvelle-Écosse en a également une. Toutefois, lorsque nous avons étudié la question, nous avons constaté que la Loi sur la radiodiffusion prime sur les lois provinciales parce qu'elle est de compétence fédérale. Par conséquent, bien qu'il existe des lois provinciales, elles ne s'appliquent probablement pas s'il existe une loi fédérale au même sujet.

Le sénateur Maheu: Donc, même si le Québec a une loi de protection du consommateur, on pourrait y faire de l'abonnement par défaut.

M. Rabinovitch: Oui, c'est l'interprétation administrative qu'on en fait.

Le sénateur Maheu: La loi n'interdit donc pas en réalité l'abonnement par défaut.

Le vice-président: Je vous remercie tous deux d'être venus nous aider durant cette longue séance de cinq heures et demie.

M. Rabinovitch: Monsieur le président, bien que les observations faites à la fin par le sénateur De Bané n'aient pas directement trait au projet de loi, je m'engage personnellement à les transmettre à la présidente du CRTC et à notre ministre. J'estime qu'elles sont importantes.

Le sénateur De Bané: Je vous remercie.

Le vice-président: Passons maintenant à l'étude article par article. Nous allons mettre la question en délibération et la mettre aux voix. Il n'y a qu'un article dans le projet de loi. S'il y a un amendement, il devra forcément porter sur cet article. Plaît-il aux honorables sénateurs de faire rapport du projet de loi sans proposition d'amendement?

Des voix: Non.

Le vice-président: La parole est à ceux qui veulent proposer des amendements.

Le sénateur MacDonald: Ce «non» était-il unanime?

Le vice-président: Oui.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Merci, monsieur le président. J'aimerais proposer l'amendement suivant:

Que le projet de loi C-216, à l'article 1, soit modifié par addition, après la ligne 19, page 1, de ce qui suit:

c) lorsque la mesure est de nature à favoriser la réalisation des objectifs de cette loi.

J'ai le texte en anglais et en français.

Le sénateur Gigantès: Est-ce que vous pourriez le dire en anglais à ces braves personnes?

[Traduction]

On m'a demandé de répéter ma motion en anglais. J'en ai un exemplaire pour chacun. Je propose:

That Bill C-216 in clause 1 be amended by replacing lines 16 to 18 on page 1 with the following:

Rate is charged,

(b) no distinct separate charge is levied for that service, or

(c) it is conducive to the achievement of the objectives of this Act.

Le sénateur Gigantès: La loi en question étant, bien sûr, celle de la radiodiffusion.

Le sénateur Losier-Cool: Effectivement.

Le vice-président: La question est mise en délibération. Quelqu'un veut-il prendre la parole?

Le sénateur MacDonald: L'expression «de nature à favoriser la réalisation des objectifs de cette loi» signifie-t-elle implicitement que c'est le CRTC qui décide?

Le sénateur Losier-Cool: Oui. Il s'agit de la Loi sur la radiodiffusion.

Le sénateur Gigantès: C'est le CRTC qui surveille l'application de la Loi sur la radiodiffusion.

Le sénateur MacDonald: C'est-à-dire qu'il l'interprète.

Le vice-président: Que toux ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien lever la main. Que tous ceux qui sont contre la motion veuillent bien lever la main. Je déclare la motion adoptée.

Plaît-il aux honorables sénateurs que je fasse rapport du projet de loi modifié?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup. La journée a été longue. Je déclare la séance levée.

Le comité s'ajourne.


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