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BORE

Sous-comité de la Forêt boréale

 

Délibérations du sous-comité de la
Forêt boréale

Fascicule 4 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 23 septembre 1998

Le sous-comité de la forêt boréale du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 30, en vue de poursuivre son étude de l'état actuel et des perspectives d'avenir de la forêt au Canada, plus particulièrement de la forêt boréale.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte.

Une des grandes questions que doit résoudre le Canada concerne la façon dont il gère sa forêt boréale. Certains de l'assistance ignorent peut-être que la forêt boréale ressemble à une cape jetée sur les épaules de la Terre dans l'hémisphère Nord, plus de 20 p. 100 de la forêt boréale étant située au Canada.

Notre comité a été clairement mandaté pour évaluer les progrès réalisés par le Canada dans l'atteinte des objectifs qu'il s'est fixés en matière de viabilité de la forêt, de protection de la biodiversité, de droits autochtones et de questions fédérales-provinciales. Notre sous-comité ne s'intéresse pas qu'aux arbres, voire à la forêt, mais également aux personnes, à leur gagne-pain, à leurs loisirs, à leurs traditions, à leur patrimoine et à leur avenir. Les questions que nous examinons nous tiennent au fait des intérêts nationaux et mondiaux du Canada. Au cours de la dernière année, nous avons visité l'ouest du Canada. Nous projetons maintenant de nous rendre en Ontario et dans les provinces atlantiques. Nous avons examiné nos intérêts nationaux et mondiaux, dont la conservation et la préservation, la richesse industrielle et les emplois pour les Canadiens, les droits autochtones (étroitement liés à nos forêts boréales), la concurrence commerciale à l'échelle locale et mondiale et, enfin, le partage des compétences entre les gouvernements d'ordre provincial, fédéral et, jusque dans une certaine mesure, municipal. Enfin, nous avons examiné l'utilisation de nos ressources forestières dans l'optique du développement durable.

Il faut faire en sorte de voir non seulement l'arbre, mais la forêt tout entière et même plus. Il faut réfléchir à ce que cette ressource précieuse représente pour notre pays et pour notre avenir.

Nous accueillons aujourd'hui M. Graham Lochhead, directeur du Bureau des forêts et de l'environnement au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Monsieur Lochhead, si vous voulez bien nous exposer le point de vue de votre ministère.

M. Graham Lochhead, directeur, Bureau des forêts et de l'environnement, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Monsieur le président et distingués sénateurs, je vous remercie. C'est pour moi un honneur de répondre à votre invitation. Avant de faire mon exposé, j'aimerais vous décrire les origines de l'homologation forestière et le processus connexe qui, selon l'industrie forestière canadienne, contribueront à l'implantation d'une gestion durable des forêts et faciliteront aussi le commerce international de produits forestiers.

Je passerai ensuite en revue la progression du Canada dans la mise en oeuvre d'une nouvelle norme canadienne et je soulignerai le rôle important joué par les normes dans le commerce international.

Étant donné la prolifération des diverses autres normes internationales, la nouvelle norme nationale canadienne de gestion durable des forêts arrive à point nommé, puisque les régimes concurrents d'homologation forestière et des questions connexes soulèvent déjà des difficultés au sein de certains marchés.

Enfin, je vous donnerai des exemples récents de sources de frictions commerciales auxquelles nous nous sommes butés sur la scène internationale dans ce secteur et des mesures correctives qu'est en train de prendre le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Plus de 10 p. 100 des forêts du monde se trouvent au Canada. Le Canada s'est acquis une réputation internationale comme intendant responsable de cette précieuse ressource et comme leader dans l'élaboration de programmes évolués. Le Canada s'est engagé à réaliser la viabilité de ses forêts.

Étant donné notre prééminence dans les dossiers forestiers, nous jouissons de l'attention soutenue d'écologistes internationaux intéressés, qui ont souvent fait une contribution utile à ce qui est devenu un débat public soutenu à l'échelle du Canada. Nous nous sommes aussi attirés pas mal de critiques parfois.

Toutefois, toutes les critiques visant l'industrie forestière canadienne n'étaient pas justifiées. On a souvent maquillé la réalité et exagéré les faits. Certaines des critiques les plus virulentes ont mis en évidence des activités qui sont manifestement orchestrées de manière à attirer l'attention des médias et à rapporter des fonds à certaines organisations et à leur cause.

En vue de contrer ces critiques avec efficacité, il fallait que l'industrie forestière canadienne fasse ses preuves comme intendante auprès de la population canadienne et de ses clients internationaux et nationaux. Elle a donc décidé de se doter d'une norme nationale ferme qui serait garante d'une gestion durable des forêts au Canada.

Cette norme nationale repose sur deux piliers, soit les critères et les indicateurs élaborés et approuvés par le Conseil canadien des ministres des Forêts de toutes les provinces et territoires, ainsi que les normes relatives aux systèmes de gestion de l'environnement élaborées dans le cadre du processus crédible et respecté de l'ISO -- l'Organisation internationale de normalisation.

La première diapositive vous montre, sous forme de schéma, les origines des deux piliers ou pierres angulaires. En bas, à gauche, on peut voir que la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement qui a eu lieu à Rio en 1992 a demandé aux pays membres de formuler des critères et indicateurs à base scientifique solide qui permettraient de faire une gestion, une conservation et un développement durables de tous les genres de forêts.

Cent dix pays ont participé à huit processus intergouvernementaux en vue d'examiner les aspects scientifiques et les énoncés de principe concernant les forêts, y compris le concept de gestion durable. C'est ainsi qu'ont été élaborées huit séries remarquablement analogues de critères et d'indicateurs -- que l'on peut voir dans le coin supérieur gauche sur la diapositive --, chacune s'appliquant aux forêts d'une région particulière du monde.

Ainsi, le processus de Montréal auquel a contribué le Canada s'applique à 12 pays non européens où se trouvent des forêts boréales et tempérées. Parmi les autres, on compte celui d'Helsinki, qui touche 39 pays européens; l'Organisation internationale des bois tropicaux, qui réunit 27 pays producteurs; le processus de Tarapoto, mis en oeuvre par huit pays du bassin de l'Amazone; le processus de Lepaterique, qui s'applique à sept pays d'Amérique centrale; celui de la zone de sécheresse de l'Afrique du sud du Sahara, qui touche 28 pays; le processus d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, qu'ont adopté 20 pays; et celui de l'Organisation africaine du bois dont sont membres 13 pays. Ces derniers ne se sont pas encore entendus sur le processus comme tel, mais son élaboration est assez avancée.

Le Conseil canadien des ministres de la Forêt déploie des efforts d'avant-garde en vue d'appliquer ces critères et ces indicateurs au Canada. À cette fin, il a eu recours à des experts du milieu universitaire, de l'industrie, des organismes non gouvernementaux, de la collectivité autochtone et des écologistes qui représentaient tout le savoir scientifique dont on disposait au sujet de la gestion durable des forêts.

Tous ces efforts ont culminé en février 1995, à Santiago, au Chili, quand les membres signataires du processus de Montréal ont adopté une série complète de critères et d'indicateurs de conservation durable des forêts appliqués par les signataires individuels, c'est-à-dire les 12 pays non européens.

Sur la deuxième diapositive, on peut voir la liste des critères élaborés par le Conseil canadien des ministres de la Forêt dont s'est servi l'Association canadienne de normalisation pour énoncer nos normes nationales, soit les normes CSA Z808 et Z809.

La première diapositive montre aussi que cette même conférence des Nations Unies a été à l'origine des principes appliqués par l'Organisation internationale de normalisation, c'est-à-dire l'ISO, pour élaborer la norme ISO14001 s'appliquant aux systèmes de gestion de l'environnement.

Comme les normes de l'ISO sont génériques, des travaux ont été amorcés au sein de ce qu'on appelait le groupe de travail 2 en vue de rédiger un document qui traduirait la norme générique, c'est-à-dire la norme de gestion de l'environnement rédigée à l'intention de toutes les industries, en termes que peuvent facilement comprendre les gestionnaires des forêts qui souhaitent peut-être obtenir l'accréditation en fonction de la norme ISO14001. L'élaboration de ce document est maintenant achevée, et les membres de l'ISO se sont tous prononcés en sa faveur cette année.

La diapositive fait aussi état du lien qui existe entre le processus d'homologation forestière et le processus multilatéral (côté gauche) de définition des critères et des indicateurs. Les objectifs génériques se trouvent à droite du processus de gestion de l'environnement de l'ISO. La diapositive montre aussi que le groupe de travail 2 a rédigé son rapport en fonction des résultats du processus global de définition des critères et des indicateurs pour la conservation et la gestion durable des forêts du monde.

On ne s'étonnera donc pas que les normes de l'ISO et de la CSA soient en grande partie compatibles, ce que fait ressortir la diapositive 3. Évidemment, les deux normes ne sont pas identiques, et la diapositive l'indique, là où il n'y a pas de croix sous la colonne de gauche. La norme de la CSA insiste en fait sur la participation du public. Elle met aussi l'accent sur les prévisions. Voilà deux éléments qui ne figurent pas dans la norme de l'ISO. La norme canadienne est donc plus rigoureuse et plus ferme que celle de l'ISO. En termes simples, celui qui demande l'homologation en fonction de la norme ISO14001 serait en bonne voie d'obtenir l'homologation en fonction de la norme canadienne.

J'aimerais vous dire un mot en passant des normes et du commerce en général. Les normes internationales jouent un rôle essentiel en vue de faciliter le commerce international et, vice-versa, l'absence de normes internationales reconnues peut nuire au commerce. C'est la situation à laquelle nous sommes actuellement confrontés en matière de normes de gestion des forêts.

Au moment où s'intensifie le commerce mondial, l'existence de normes internationales donne l'assurance de conformité aux éventuels acheteurs, facilitant ainsi la tâche de vendre des produits en garantissant le côté technique et environnemental ainsi que la qualité et la sécurité d'un produit ou d'un service. Les normes internationales peuvent aussi avantager les fournisseurs en leur conférant un atout commercial par rapport à ceux qui ne se sont peut-être pas conformés à des normes crédibles reconnues mondialement. On peut en voir des exemples au Royaume-Uni, particulièrement dans certaines grandes chaînes de vente au détail qui rivalisent d'ardeur pour prouver à leurs clients qu'elles ne vendent que des produits du bois écologiques.

Conscientes que l'adoption de normes internationales crédibles a de l'importance en commerce international, de nombreuses organisations forestières ont déjà adopté les normes de gestion de qualité de la série ISO9000. Dans leur empressement à améliorer leur performance environnementale, ces organismes souhaitent adopter et faire leurs les normes de série ISO14000 de gestion de l'environnement qui viennent tout juste d'être mises au point par cette fédération mondiale d'organismes nationaux de normalisation.

La norme ISO14001 repose essentiellement sur le fait qu'il faut que l'entreprise élabore et rende public un système de gestion qui coïncide avec son engagement. Il faut que l'entreprise communique à tous les intéressés ses objectifs en matière d'environnement, non seulement à l'interne, mais également à l'externe. Il faut qu'il y ait une amélioration constante. En somme, on relève constamment la barre. Il faut aussi que l'entreprise se soumette à une vérification effectuée par des tiers. En réalité, l'homologation n'est donnée qu'à la suite d'un audit effectué par des tiers.

Le cadre est extrêmement souple. Chaque requérant, chaque entreprise, peut définir dans son plan sa propre culture organisationnelle, le genre de forêts qu'elle exploite, le mode de propriété dominant dans une région forestière particulière et définie, les lois ou les règlements qui s'appliquent à cette région, la situation de la faune, l'hydrologie, et ainsi de suite. La situation de chacune est particulière, ce dont tient compte le cadre.

La norme d'exploitation forestière de l'ISO a été rédigée par le comité technique 207, qui a conçu le système de gestion de l'environnement relevant de la norme 14001. C'est le groupe de travail 2, réunissant 160 experts de 33 pays différents, qui a contribué à la rédaction du rapport technique qui tient maintenant lieu de document de base pour les organisations forestières dans l'application des normes 14001 aux systèmes de gestion de l'environnement. Il a adapté le système à l'exploitation forestière. Le document a été mis aux voix cette année et il a été adopté à l'unanimité.

L'ISO a été créée en 1947 en vue d'établir des normes internationales par voie de consensus entre pays signataires. Il s'agit d'une fédération mondiale d'organismes nationaux de normalisation, soit un par pays, pour un total de 117 membres. Trente mille experts internationaux venus de plus de 90 pays contribuent chaque année aux travaux de l'ISO, qui a jusqu'ici publié près de 11 000 normes internationales. Ces normes sont élaborées dans le cadre d'un processus multipartite auquel participent toutes les parties matériellement touchées. Ces normes sont d'adoption volontaire et, en tant que telles, sont d'application volontaire, même lorsqu'elles ont été adoptées comme normes nationales par des instituts nationaux de normalisation.

Les normes internationales facilitent le commerce international et aident à le stabiliser. Ce sont des outils qui permettent d'éliminer les barrières techniques au commerce, fonctions importantes que reconnaît l'Organisation mondiale du commerce, pièce maîtresse du régime de commerce mondial, qui les a reprises dans ses règles. Le principal objectif de l'Organisation mondiale du commerce est de créer un climat de commerce international stable, transparent et fondé sur des règles.

Le processus prévu pour élaborer les normes fournit habituellement une tribune où peuvent discuter tous les intéressés, y compris les consommateurs, les gouvernements, les organismes non gouvernementaux et l'industrie. Cette participation équilibrée de divers groupes d'intérêt est une particularité importante dans l'élaboration des normes internationales. Tous peuvent faire valoir leurs préoccupations, et on en tient compte en vue d'intégrer dans la norme des idées fort utiles.

Les gouvernements sont conscients qu'une prolifération de normes, chacune étant assortie de ses propres exigences qui ne coïncident pas avec celles de l'autre, limite inévitablement les échanges commerciaux. C'est pourquoi l'OMC a actuellement comme priorité, entre autres, de réduire le nombre de barrières créées par la prolifération de normes différentes.

L'industrie forestière fait actuellement face à ce problème. Les normes nationales de gestion des forêts sont en concurrence avec des approches différentes et variées, parfois élaborées en vase clos sans consultation des intéressés ou après une consultation limitée et sans tenir compte des processus et des institutions de normalisation acceptés.

C'est ainsi que sont nés des groupes d'acheteurs formés de personnes bien intentionnées qui sont convaincues de l'avantage, sur le plan environnemental, de n'acheter que des produits de bois qu'un organisme, moyennant des frais, atteste être du bois en provenance d'une forêt satisfaisant à leur définition exclusive et parfois variée d'une forêt bien gérée.

Dans la confusion qui en résulte sur le marché, le besoin d'un refuge, sous forme de lignes directrices fermes mondialement reconnues ou de normes internationales crédibles, se fait de plus en plus criant. C'est particulièrement le cas quand on tient compte de l'impact économique du commerce mondial dans ce secteur et que l'on mesure les coûts éventuels de ces obstacles malvenus au commerce, en termes de réduction des échanges et d'éventuelles pertes d'emplois.

La diapositive suivante illustre le triste fait, dont il a été question quand nous parlions de l'impact du commerce mondial des produits forestiers sur l'environnement. Seulement 23 p. 100 de la production forestière totale contribue au commerce mondial, le reste servant de combustible pour la cuisson et le chauffage (environ la moitié de la production totale) et à la consommation intérieure (27 p. 100 environ). En somme, notre discussion de l'homologation forestière ne s'applique qu'à la partie qui se trouve en bas, à droite.

Les efforts actuels en vue de mettre en oeuvre une norme respectée, crédible et mondialement reconnue pour les systèmes de gestion de l'environnement pourraient s'appliquer à toute la production. C'est particulièrement vrai si nous réussissons à traiter du sujet d'une manière équilibrée lors de l'élaboration d'une convention internationale ou d'un code international de conduite en matière de gestion des forêts. C'est, en fait, une des priorités canadiennes actuellement.

C'est un très bon argument en faveur de l'approche de l'ISO qui reconnaît la réalité, soit que différents pays, particulièrement les pays en voie de développement, font face à des conditions très différentes dans leurs forêts respectives et qu'il faut que les pratiques de gestion des forêts en tiennent compte. Le système de gestion de l'environnement de l'ISO peut le faire. Sa particularité de constamment s'améliorer, alliée à sa capacité d'adaptation aux conditions nationales, oblige les pays à constamment chercher à améliorer l'état de leurs forêts sans forcément les pénaliser, sur le plan du commerce des produits forestiers.

À la diapositive 9, il est question de la place qu'occupe le Canada dans le commerce mondial. Elle illustre l'importance relative des divers pays producteurs sur le marché international des produits forestiers, qui représente environ 3 p. 100 du commerce mondial et dont la valeur est de 155 milliards de dollars environ. La valeur des exportations forestières du Canada excède 31 milliards de dollars. Ce secteur demeure notre plus important exportateur net et crée des emplois directs et indirects pour plus de 800 000 personnes au Canada.

J'aimerais vous toucher quelques mots au sujet de la norme nationale canadienne et de la situation canadienne de normalisation. Je tiens simplement à souligner que la CSA est un organisme de normalisation qui comprend près de 32 comités techniques étudiant les divers aspects de différents genres de normes. Elle met à contribution les producteurs, les chercheurs universitaires, les scientifiques, le grand public, les écologistes et les organismes de réglementation.

L'élaboration de la norme canadienne s'est étalée sur deux ans et a exigé neuf rencontres. Les organismes non gouvernementaux ont été consultés tout au long. On a aussi tenu une série d'examens publics. Des projets pilotes ont été exécutés en vue de mettre à l'épreuve les concepts discutés et élaborés en comité. Enfin, la norme a fait l'objet d'un scrutin secret et a obtenu l'approbation unanime en 1996. Elle a ensuite été soumise au Conseil canadien des normes qui, après examen, l'a approuvée comme norme nationale du Canada.

La présente diapositive illustre le processus adopté en vue de réaliser l'objectif de gestion durable des forêts. Le système que je vous décris dans le cadre d'application de la norme de gestion durable des forêts, celui qu'il faut constamment améliorer, s'applique à une région forestière définie. La population locale est invitée à exprimer son opinion au sujet des normes, des critères et des indicateurs à utiliser dans cette région particulière. Le processus aboutit à une performance sur le terrain qui, faut-il l'espérer, répond à notre définition d'une gestion durable de la forêt.

La première particularité de la norme canadienne est l'engagement. Pour obtenir l'homologation de la CSA, le requérant doit s'engager à élaborer et à mettre en oeuvre un système fondé sur les critères et la performance concrète et à en faire part tant au sein de l'organisme qu'aux intéressés de l'extérieur. Cela comprend de s'engager à respecter tous les règlements pertinents, voire à les excéder, et à faire participer le public à chaque étape de la planification.

Quand je parle de règlements ici, je parle de reconnaître le fait que la réglementation des questions forestières relève des provinces.

La participation du public. Le requérant, l'organisme qui effectue l'audit et le public doivent identifier ensemble les valeurs qui caractérisent la région forestière définie, ainsi que les objectifs de gestion qui permettront de conserver ces valeurs. Un indicateur de performance accompagne chaque objectif de gestion. À titre d'exemple, si les participants accordent de la valeur à une population d'orignaux ou de grizzlis en santé, l'objectif de gestion pourrait être d'accroître la taille de l'habitat. L'indicateur de performance qui l'accompagne pourrait être une croissance nette de l'habitat.

La planification maintenant. Le requérant élabore des plans de gestion à court et à long terme, y compris la façon de réaliser les objectifs. Ces plans sont mis à l'essai afin d'évaluer leur impact prévu sur la région forestière.

La mise en oeuvre. Il faut que les requérants prouvent qu'ils ont alloué suffisamment de ressources et prévu suffisamment de contrôles.

La mesure. La performance sur place est un élément essentiel de l'approche de la CSA à l'égard de la gestion durable des forêts. Des organismes réunissent des données sur la performance grâce à des inspections constantes sur le terrain et à la comparaison des résultats et des prévisions.

L'examen et l'amélioration constants est une particularité déterminante du processus d'homologation. Durant le processus de participation publique, on donne une description de la forêt future en termes socio-économiques et environnementaux, description qui devient le fondement du plan de gestion pour cette région. Au moyen de modèles informatisés et de données complètes sur la forêt, les planificateurs peuvent ensuite vérifier les effets du plan de gestion sur la croissance des peuplements forestiers 20 à 50 ans plus tard. Actuellement, il y a moyen de produire une forêt virtuelle au moyen d'une technologie fort avancée.

Parmi les données complètes sur les forêts, on trouverait peut-être de l'information comme des cartes topographiques, un répertoire de la forêt, les types de peuplement, les données sur la croissance et la production, l'âge du peuplement, les sols, la classification des écosystèmes forestiers, les conditions météorologiques et les classifications de l'habitat faunique. Les prévisions requises par la norme CSA canadienne sont uniques.

La crédibilité de l'Association canadienne de normalisation joue ici. La CSA a été créée en 1919 et s'est depuis lors taillé une réputation internationale d'intégrité et d'excellence dans le domaine. Le fait qu'elle soit d'adhésion volontaire, qu'elle ne soit pas inscrite dans une loi et qu'elle n'ait pas de but lucratif confère à la nouvelle norme forestière beaucoup de crédibilité.

Comme 94 p. 100 des forêts canadiennes sont de propriété publique, il est normal que la principale institution canadienne de normalisation soit le fer de lance d'un système national visant à assurer le développement durable de cette précieuse ressource.

L'essentiel à retenir au sujet du Conseil canadien des normes, c'est que cette norme a été élaborée en conformité avec les processus et les règles qu'il a lui-même approuvés. Le 8 mai 1998, le conseil d'administration de l'Association canadienne de vérification environnementale, qui voit aux normes professionnelles, techniques et éthiques s'appliquant aux vérificateurs, a annoncé que sept personnes avaient été agréées comme vérificateurs de l'environnement en ce qui concerne la viabilité des forêts. Il s'agit du premier groupe de vérificateurs agréés pour répondre à la demande de vérification des compagnies forestières.

Le processus contraste avec celui du Forest Stewardship Council qui ne tient pas compte des organismes nationaux d'agrément et qui accrédite lui-même les organismes d'homologation.

Quant à la mise en oeuvre des nouvelles normes, les organismes canadiens d'homologation s'attendent de commencer à accréditer des compagnies forestières canadiennes en vertu de la norme CSA cet automne.

Jusqu'ici, je vous ai surtout parlé des processus de l'ISO et de la CSA, puisque les deux ont été mis au point dans le cadre des processus habituels de normalisation nationaux et internationaux et selon les règles des organismes de normalisation.

Un troisième processus est en train de voir le jour sur le marché. Le Forest Stewardship Council, c'est-à-dire le FSC, est une coalition internationale d'organismes et de personnes de 40 pays qui ont en commun un intérêt pour les questions forestières. Le FSC dont le siège se trouve au Mexique n'homologue pas des produits forestiers comme tels; il garantit plutôt aux clients, grâce à l'accréditation, que ceux qui attestent la qualité des produits forestiers répondent aux critères du FSC, en ce sens qu'ils appliquent les principes adoptés par lui pour garantir une bonne gestion des forêts. Il a une approche normative plutôt qu'une approche fondée sur des systèmes de gestion.

Le processus ou dialogue du FSC n'engage aucune participation gouvernementale. Les produits de ces forêts peuvent porter une étiquette du FSC qui les distingue des autres produits sur le marché. Le programme d'homologation du FSC, axé sur l'étiquetage, est utile comme régime de commercialisation des produits forestiers. Les processus d'homologation de l'ISO et du CSA, par contre, insistent davantage sur la gestion durable des forêts.

Pour l'instant, des entreprises de tout le Canada sont en train d'intégrer cette nouvelle norme à leurs pratiques courantes. Environ 15 grandes forestières et 12 000 propriétaires privés de terrains boisés représentant près de 20 millions d'hectares de forêts ont annoncé qu'ils projetaient d'adopter la norme relative aux systèmes de gestion forestière durable de la CSA et d'obtenir l'homologation.

Ce taux d'acceptation nous encourage à croire que l'approche de la CSA sera l'une des plus réussies au monde et qu'elle accentuera le rôle du Canada comme leader dans l'élaboration de programmes forestiers et de pratiques de gestion forestière durable.

Passons maintenant à l'impact commercial des produits forestiers.

Comme on peut s'y attendre, des problèmes ont vu le jour suite aux divers processus d'homologation qui se livrent concurrence. On court le risque que certains n'utilisent peut-être l'homologation comme barrière non tarifaire pour exclure certains des marchés. Le Canada appuie l'homologation comme activité commerciale dans la mesure où elle contribue à une gestion durable des forêts. Toutefois, il faut que le processus soit axé sur le marché, qu'il soit indépendant et que chacun soit libre d'y adhérer. Tous ne sont pas d'accord avec cette façon de voir.

L'industrie canadienne a déjà éprouvé des difficultés sur certains marchés. Voici quelques exemples récents d'homologation des produits qui illustrent la diversité des barrières non tarifaires que l'on est en train d'opposer à notre commerce de produits forestiers. J'en ai choisi deux au hasard, dans une liste assez longue.

Le gouvernement des Pays-Bas est en train d'examiner un projet de loi qui rendrait obligatoire l'étiquetage du gros bois d'oeuvre et des produits du bois d'oeuvre en conformité avec des règles conçues et appliquées par un organisme, soit le Forest Stewardship Council. Le projet de loi est discriminatoire et imposerait un obstacle inutile au commerce international, ce qui est contraire aux obligations contractées par les Pays-Bas et par l'Union européenne dans l'accord établissant l'Organisation mondiale du commerce. Le caractère obligatoire de l'étiquetage semble violer les articles visant les barrières techniques au commerce et, en mentionnant le Forest Stewardship Council, on se sert de définitions qui ne font pas l'objet d'un accord international et qui désavantagent d'autres pays qui pourraient utiliser des approches équivalentes pour la gestion de leurs forêts.

Autre exemple, la Ville de Los Angeles a projeté d'émettre une ordonnance modifiant ses règles concernant l'acquisition de bois et de produits du bois de forêts tempérées, limitant les achats au bois homologué par un seul organisme, soit le Forest Stewardship Council, comme étant du bois provenant d'une forêt gérée de manière durable. La Ville de Santa Monica et d'autres municipalités des États-Unis envisagent l'adoption de principes analogues.

Cela confère à l'unique organisme d'homologation un monopole de fait et établit de la discrimination contre d'autres processus nationaux et internationaux légitimes qui sont en place pour garantir une gestion durable des forêts. On fait aussi une distinction entre les produits du bois et des produits analogues fabriqués à partir de matériaux non ligneux qui n'exigent pas une pareille homologation. Les lignes directrices concernant les acquisitions qui figurent dans l'ALENA précisent que ce genre de spécifications doit reposer sur des normes internationales et éviter de créer des barrières inutiles au commerce.

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international est intervenu dans chacun de ces cas, faisant remarquer que de pareils règlements pourraient nuire à notre commerce bilatéral et mettant en évidence certains aspects de ces projets qui semblent être contraires aux pratiques commerciales acceptées ou aux règles de l'OMC.

Bien sûr, ces exemples montrent que nous ne pouvons pas nous fier exclusivement à l'homologation des produits forestiers pour résoudre toutes nos difficultés d'accès aux marchés. Un processus crédible d'homologation peut toutefois tenir lieu de réaction professionnelle et scientifique à ceux qui voudraient taxer la mauvaise gestion de nos forêts de manière à exclure les compagnies canadiennes des marchés internationaux.

C'est au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international qu'il revient de réagir aux critiques des groupes écologistes étrangers. De concert avec Forêts Canada, les provinces et l'industrie, le ministère règle ces questions en faisant en sorte que les employés d'ambassade affectés en Europe et aux États-Unis suivent la situation locale de manière à signaler les difficultés et les projets législatifs, qu'ils réagissent rapidement aux critiques et qu'ils y répondent par des faits, qu'ils établissent des liens de collaboration avec divers groupes d'intérêt et qu'ils renforcent le dialogue avec les institutions, les chercheurs, les scientifiques et les parlementaires clés.

Tant les missions qui viennent ici que celles qui vont à l'extérieur ont été organisées de manière à ce que les personnes averties aient la possibilité de constater par elles-mêmes l'état réel des forêts canadiennes et de s'entretenir avec des Canadiens intéressés par les pratiques forestières locales. Ce programme a connu beaucoup de succès.

On a ainsi réussi à montrer que certains faits diffusés par des groupes écologistes sont faux. Les efforts intensifs déployés par des Canadiens en vue de communiquer les hauts faits et les réalisations survenus dans les pratiques forestières canadiennes et en vue de décrire notre gestion des forêts dans la politique d'aménagement du territoire ont en règle générale réussi à faire contrepoids à ces accusations et ont été bien accueillis par les clients européens.

La forêt est unique dans la mesure où elle continue à donner lieu à l'élaboration de principes, de critères et d'indicateurs internationaux et nationaux de gestion durable. Le processus d'homologation s'ajoute à la trousse d'outils qui peuvent faire progresser la réalisation de notre objectif, soit la gestion durable des forêts au Canada et ailleurs dans le monde.

D'un point de vue commercial, une des priorités consistera à travailler de concert avec d'autres pays à la mise en place d'un système de reconnaissance réciproque ou d'équivalence des divers régimes d'homologation des forêts. Les aspects commerciaux de l'homologation et les diverses campagnes qui menacent de restreindre le commerce canadien sur certains marchés continueront d'absorber les ressources du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international dans des processus d'examens connexes. Nous continuerons d'utiliser les voies les plus pertinentes de coopération bilatérale et multilatérale entre gouvernements de manière à mieux les sensibiliser aux irritants commerciaux connexes et à en faciliter l'élimination.

C'est tout ce que j'avais à dire. Je demeure à votre disposition si vous avez des questions.

Le sénateur Stratton: Dans l'élaboration d'une définition du développement durable de nos forêts, particulièrement en ce qui concerne le réchauffement de la planète, on dit maintenant que ce réchauffement serait en partie causé par la déforestation. Les études ne sont pas concluantes, mais c'est ce qu'on dit. Dans ce contexte, lorsque vous examinez la définition de développement durable et que vous utilisez des repères de la CSA et de l'ISO pour en arriver à une définition, la définition est-elle une cible en mouvement? En d'autres mots, à mesure que nous en savons plus au sujet du réchauffement de la planète, la cible se déplace-t-elle ou le développement durable demeure-t-il le simple fait d'être capable de reproduire suffisamment d'arbres pour maintenir la production de petit bois d'oeuvre et de pâte de bois?

M. Lochhead: Tant la norme canadienne que la norme de l'ISO sont très exigeantes, en ce sens qu'elles requièrent toutes deux des améliorations constantes. On procède effectivement par tâtonnements, mais il n'en faut pas moins constamment relever la barre. Le milieu scientifique et ceux qui font de la recherche à Ressources naturelles Canada sont pleinement conscients qu'au Canada, il faut accroître notre savoir dans ce domaine. C'est un processus en pleine évolution. Les spécialistes des forêts seraient les premiers à admettre que les connaissances et l'intensité des efforts déployés pour mener de la recherche scientifique dans ce domaine ont fait un bond au cours de la dernière décennie.

Le sénateur Stratton: Quand vous dites qu'elles ont fait «un bond», vous parlez des connaissances et de la compréhension du développement durable au cours des 10 dernières années. Étant donné que nous avons enregistré des records cette année, par exemple que ce fut l'année la plus chaude de la dernière décennie et du siècle, l'été le plus chaud depuis qu'on a commencé à recueillir des données à ce sujet, il faut se demander s'il y a effectivement réchauffement de la planète -- on ne peut l'affirmer avec certitude encore, mais tout le laisse croire. Un autre bond est-il vraisemblable? Y a-t-il moyen de le mesurer? Existe-t-il un moyen grâce auquel les scientifiques pourraient nous dire qu'un autre bond est probable et, à nouveau, les effets qu'il aurait? Examinez-vous ces questions 5, 10 et 20 ans à l'avance pour voir si les décisions ne peuvent être sources éventuelles de difficultés plutôt graves?

M. Lochhead: Ce que je sais du travail effectué en vue d'élaborer une stratégie nationale des forêts et une série de priorités scientifiques connexes, c'est que cette question a été discutée en long et en large et qu'on s'est fixé des défis à relever, des défis qui représentent en fait une réaction positive à votre question. Je ne suis pas sylviculteur. Je ne suis donc pas en mesure de vous parler des aspects scientifiques de cette question; toutefois, je suis confiant que l'on prend les mesures qui s'imposent dans la mesure où les organismes d'homologation et les diverses provinces qui réglementent l'exploitation forestière au Canada sont de plus en plus conscients des multiples effets de la politique de gestion des forêts.

Le sénateur Stratton: Je l'espère pour assurer qu'en établissant ces normes nous tentions, du mieux que nous pourrons, de tenir compte de ces facteurs inconnus. Ce n'est pas une mince tâche. Je pense qu'on parle alors de gestion des risques. Comment y parviendriez-vous si la tendance se maintient en ce qui a trait à ce soi-disant réchauffement de la planète? Vous considérez toujours une stratégie de rechange et c'est à espérer qu'il en existe une.

M. Lochhead: Sénateur, j'ai quelque part dans mes dossiers un diagramme qui montre cette amélioration constante dans le processus d'application de la norme. Il me ferait plaisir de vous le faire parvenir.

Le président: En ce qui concerne l'ISO et la CSA, quel pourcentage des chargements canadiens de bois d'oeuvre exporté sera étiqueté? Parle-t-on de la totalité ou de la moitié? Est-ce que chaque chargement de bois d'oeuvre qui sort du Canada est étiqueté?

M. Lochhead: La norme de la CSA a trait à une région forestière définie et dit simplement que le bois provenant d'une région forestière définie a été certifié conformément à la norme nationale du Canada. Il n'y a pas d'étiquetage comme tel.

Le président: Mettons les choses au clair. Si quelqu'un en Allemagne achète un chargement de bois d'oeuvre, comment sait-il que le produit est certifié? Où figure la marque de l'ISO et de la CSA?

M. Lochhead: Je crois comprendre que comme pour la norme ISO 9000, c'est la compagnie qui est certifiée.

Le président: Je vois. L'exportateur est certifié.

Avançons d'un cran. Je remarque qu'environ 23 p. 100 du bois d'oeuvre exporté fait l'objet d'échanges. La moitié de celui-ci est destiné à la cuisson et au chauffage et près du quart est destiné à la consommation domestique. Quelle quantité est exportée par des compagnies reconnues par l'ISO ou la CSA?

M. Lochhead: Il n'y en a pas encore. Nous en sommes à l'étape préliminaire. Il s'agit d'un processus en évolution. Au cours des deux dernières années, nous nous sommes occupés de l'élaboration des normes et de la mise en place du processus de vérification et d'accréditation des vérificateurs. J'ai cru avoir mentionné que nous nous attendons à ce que la toute première compagnie canadienne annoncera sa certification d'ici les deux prochains mois.

Le président: Voulez-vous risquer une hypothèse quant au moment où 90 p. 100 des exportations canadiennes de bois d'oeuvre proviendront, selon vous, de compagnies certifiées par l'ISO ou la CSA?

M. Lochhead: Je ne risque pas d'hypothèse, monsieur le président.

Le président: Tout se fait sur une base volontaire à l'heure actuelle?

M. Lochhead: Je crois avoir fait une observation au sujet du nombre de compagnies qui ont déjà annoncé publiquement qu'elles s'engageaient à respecter la norme. Il s'agissait de 15 compagnies importantes.

Le président: Je sais que vous l'avez fait, mais l'engagement ne semblait pas très ferme. Cela me rappelle une chanson qui dit que cela peut être pour plusieurs années ou que cela peut être pour toujours. S'agit-il d'un engagement qui va durer plusieurs années ou toujours?

M. Lochhead: Permettez-moi de faire une comparaison avec la norme ISO 9000. Si vous dirigez une compagnie et que vous devez mettre en place de nouveaux secteurs de gestion environnementale ou en fait de gestion de la qualité, vous devez alors procéder du sommet à la base ou de la base au sommet pour raffiner ce que j'appellerais des processus généraux de gestion. Cela ne se fait pas en criant lapin. Il faut un bon bout de temps.

Il y a de nombreux secteurs nouveaux en cause ici. Je crois comprendre que certaines entreprises n'en disposent pas encore. Cela a exigé de nombreuses analyses de l'écart et la mise en place de nouveaux systèmes. Le processus a été beaucoup plus lent ce qui en a exaspéré certains. Une fois la norme mise au point, nombreux ont été ceux qui croyaient qu'elle serait mise en oeuvre immédiatement. Il s'agit d'un processus permanent. Les compagnies chefs de file seront les premières sur la ligne de départ.

Il y a une autre dimension à cela, monsieur le président, et c'est que la demande pour un produit certifié est immensurable.

Le président: J'allais dire que ça semble être fonction des consommateurs plutôt que des producteurs. Cette influence des consommateurs provient-elle principalement de l'Europe?

M. Lochhead: Jusqu'ici oui, mais j'ai envie de dire que le «mal» se répand aux États-Unis.

Le président: Dans le même ordre d'idée, vous avez parlé de la vérification et du fait que nous avons enfin des vérificateurs environnementaux agréés qui ont reçu une formation appropriée. L'étude que nous menons nous a appris que les communautés autochtones sont touchées de très près. Ces communautés entretiennent une relation quasi-symbiotique avec nos forêts boréales. Bien sûr, c'est la même chose avec les autres forêts, mais ce sont nos forêts boréales que nous sommes en train de tuer.

Vous venez de dire que les consommateurs européens exercent des pressions. J'aimerais souligner que c'est positif, et non pas négatif. Ils s'intéressent évidemment au sort des autochtones. N'importe qui peut vous dire combien il a été facile de boycotter les produits du papier d'une certaine compagnie du nord de l'Alberta. Les communautés autochtones ont de nombreux alliés parmi les consommateurs des produits de nos compagnies de pâtes et papier.

Nous parlons d'un processus commandé par les consommateurs et de la vérification des forêts et de l'environnement. Que faisons-nous pour tenir compte des autochtones dans cette vérification? Autrement dit, est-ce que les compagnies peuvent affirmer qu'il n'y a pas d'autochtones en train de couper leurs arbres ou d'autochtones qui prétendent qu'elles endommagent leur territoire de piégeage, par exemple? Je vous entends parler de «culture», mais dans quelle mesure cette mentalité s'est-elle implantée? Nous devons démontrer que nos autochtones sont satisfaits, ou du moins qu'ils sont traités correctement en ce qui concerne les normes ISO et CSA.

M. Lochhead: Les communautés autochtones ont participé au processus d'élaboration des normes. Je ne pourrais pas vraiment vous dire si elles sont ou non représentées au sein de cette première vague de vérificateurs. C'est l'Association canadienne de vérification environnementale qui s'est chargée de ça.

Vous soulevez une question très importante. Je transmettrai vos remarques à ce sujet, sénateur. Elles sont très pertinentes et peut-être qu'il en a été tenu compte. Si ce n'est pas le cas, nous y veillerons.

Le sénateur Robichaud: Vous disiez qu'environ 15 compagnies ont entamé des démarches pour appliquer les normes ou obtenir la certification. Ces compagnies sont-elles situées un peu partout au Canada, dans la région des forêts boréales ou dans les régions plus tempérées? Avez-vous une idée d'où elles se trouvent?

M. Lochhead: Elles viennent de toutes les régions du Canada, d'un bout à l'autre du pays.

Le sénateur Robichaud: Avez-vous l'impression que ces compagnies sauront répondre facilement aux conditions prescrites? Est-ce une bonne chose pour nos forêts que des compagnies puissent profiter de leur certification pour commercialiser leurs produits dans le monde entier?

M. Lochhead: Ce sont de grandes compagnies. Je ne tiens pas à en désigner une en particulier, mais nous avons de grandes compagnies dans tout le pays. Elles ne sont pas toutes chez nous, mais nous en avons un bon nombre.

Elles ont certainement l'intention de s'en servir. Comme je l'expliquais au début, c'est pour elles un moyen nécessaire de faire la preuve de leur bonne intendance des forêts qu'elles exploitent, donc elles s'adaptent.

Le sénateur Robichaud: Mais ce qui incite ces compagnies à répondre à la norme c'est de pouvoir s'en servir comme outil de marketing n'est-ce pas, de pouvoir utiliser la norme ISO14001 comme les autres utilisent la norme ISO9000? C'est ce qui les motive, non?

M. Lochhead: Oui, mais ce n'est pas uniquement une question de marketing. Je ne suis pas assez naïf pour affirmer que c'est exclusivement pour une raison ou pour une autre. Les des deux normes, la norme CSA et la norme ISO, ont le grand avantage de régler la question du renouvellement des forêts tout en aidant, si on peut dire, les compagnies à répondre à ceux qui critiquent leurs méthodes d'exploitation. Il est utile d'avoir une norme nationale ou internationale qu'on peut prouver qu'on respecte.

Je dirais qu'au plan international, la norme canadienne est très complète et se classe parmi les meilleures. Nous n'avons pas à rougir de quoi que ce soit, la norme canadienne peut parfaitement résister à un examen serré. Elle est très disciplinaire contrairement à d'autres. Les difficultés qui se présentent et dont j'ai parlé dans mes exemples se rapportent davantage à la vente et à la promotion de la norme elle-même. Étant donné qu'elle ne fait qu'entrer en vigueur pour l'instant, les sociétés et l'industrie ne se sont pas encore engagées, car les critiques commenceraient tout d'abord à mettre en question le lieu de certification du produit. Nous serons en mesure de répondre comme il se doit dans un ou deux mois.

Le sénateur Robichaud: Vous avez parlé de deux villes aux États-Unis qui sont en train d'élaborer leurs propres normes ou de demander les normes FSC. Qu'en est-il de la certification ISO aux États-Unis?

M. Lochhead: Le cas des États-Unis est très différent du nôtre. Alors que quelque 94 p. 100 de nos forêts appartiennent à l'État, c'est presque l'inverse aux États-Unis, puisque 90 p. 100 des forêts, si pas plus, appartiennent à des particuliers, déterminés à agir comme bon leur semble. Il n'est pas facile, d'après nous, de parvenir à un consensus entre dix provinces et plusieurs territoires, mais c'est encore plus difficile à réaliser aux États-Unis. Pour répondre brièvement, toutefois, je dirais qu'en ce qui concerne l'approche ISO ou l'approche FSC, beaucoup esquivent autant que possible les règlements commerciaux américains qui sont encore plus complexes et plus forts que ceux que nous avons au Canada. La situation évolue et il est très difficile de connaître la position des États-Unis à propos de ces nouvelles tendances. Nous nous sommes aperçus de cette hésitation dans l'appui tempéré qu'ils apportent au principe d'une convention internationale.

Le sénateur Robichaud: Nous parlons du bois d'oeuvre, mais le bois d'oeuvre travaillé fait aussi l'objet d'échanges commerciaux. Cette norme s'appliquera-t-elle également au bois d'oeuvre travaillé?

M. Lochhead: Oui.

Le sénateur Robichaud: Par conséquent, si je fabrique des panneaux à copeaux orientés ou des panneaux contreplaqués pour la vente, je devrais adopter cette norme ISO?

M. Lochhead: Oui; la norme va s'appliquer à une région forestière définie, si bien que la norme s'appliquera à toute fibre de bois provenant de cette région. Par exemple, Greenpeace a critiqué tout produit provenant de la partie centrale de la côte de la Colombie-Britannique -- qu'elle a rebaptisée forêt pluviale Great Bear. Il s'agit d'une région. Greenpeace s'est inquiétée -- exagérément, dirons-nous -- au sujet de cette région. Si cette région avait été certifiée, je crois que les sociétés visées n'auraient pas tardé à le signaler, même si elles avaient effectivement suivi un processus triennal de planification en vertu du code de foresterie de la Colombie-Britannique relatif aux approbations. Pour répondre rapidement à votre question, je dirais que la norme s'appliquerait également aux panneaux à copeaux orientés.

Le président: J'ai quelques questions rapides à poser. Vous avez parlé de vérification environnementale, mais comme vous le savez, dans le domaine de l'environnement, on parle de coupe rase par opposition à coupe sélective. On parle aussi, et cela est peut-être de nature plus culturelle, d'exploitation forestière à la machine par opposition à exploitation à cheval, ou exploitation forestière à très forte densité de main-d'oeuvre, notamment dans certaines de nos collectivités des Premières nations. Se servir d'une scie n'a rien à voir avec le déboisement rapide d'une superficie de 100 acres à la machine. Est-on en mesure de donner une réponse au consommateur qui demande si la pâte qu'il souhaite acheter provient effectivement d'une région où beaucoup d'emplois ont été créés, si toutefois le coût n'en est pas trop élevé. On a aujourd'hui le choix en matière de société de service public. On peut opter pour l'électricité produite par énergie éolienne, pour l'hydroélectricité ou encore pour l'électricité produite par le charbon. Cela dépend de l'attitude que l'on a face à l'environnement. Dans le processus de la vérification, se penche-t-on sur la question non seulement du type de coupe, mais aussi des emplois créés?

M. Lochhead: Toutes ces questions relatives à l'application des critères et des indicateurs approuvés par la province pour la région visée vont être abordées dans le processus de la participation du public; tous les intérêts seront représentés, ce qui permettra de déterminer ce qui convient le mieux au développement de telle ou telle vallée. Le public discutera des objectifs et devra les approuver avant de poursuivre. Par conséquent, si l'emploi représente une priorité, ou comme je l'ai dit dans mon premier exemple, si une concession minière inexploitée est prioritaire, ou s'il existe d'autres priorités biologiques, le public devra décider du type de coupe à adopter.

Le président: Vous parlez des gens sur le terrain. Nous concluons d'après ce que vous dites que tout cela dépend entièrement du consommateur ou de l'acheteur. Comment un acheteur suédois pourra-t-il avoir son mot à dire à propos des coupes effectuées dans telle ou telle vallée? Étant donné que c'est volontaire et que le consommateur achète notre bois d'oeuvre, on peut dire alors que c'est le consommateur qui, en fait, impose les conditions; l'acheteur a donc beaucoup de pouvoir. Comment le consommateur et l'acheteur peuvent-ils participer à un processus relatif à l'établissement de normes ou à l'exploitation forestière d'une vallée?

M. Lochhead: Il suffira de leur parler des mérites du système de certification canadien ou du système de certification ISO pour qu'ils se rendent compte de l'importance de la participation du public au plan local. Nous espérons que des ententes entre gouvernements permettront la reconnaissance réciproque des normes d'un pays à l'autre.

Le sénateur Robichaud: La durabilité ne vise pas seulement la production de fibres de bois à long terme, mais aussi l'habitat dans la région désignée, n'est-ce pas? Cela fait partie de l'ensemble.

M. Lochhead: C'est exact. Et cela est pris en compte dans les critères du CCMF. Le Conseil canadien des ministres des Forêts s'est entendu sur les critères et les indicateurs appropriés. Ces indicateurs sont déjà mesurés afin d'évaluer les progrès que nous avons réalisés ces quelques dernières années.

Le sénateur Robichaud: Ce serait très important pour un acheteur sensibilisé à l'environnement qui pourrait avancer cet argument pour vendre son produit en Europe. Il pourrait affirmer que la durabilité tient compte de la faune et de l'habitat, ainsi que de la production de fibres de bois.

M. Lochhead: La première diapositive montre que c'est la CNUED de 1982 qui est à l'origine de cette dynamique. C'est à ce moment-là que les pays ont été sommés d'élaborer des critères et des indicateurs pertinents. C'est ce qu'ont fait les ministres canadiens des Forêts; ils ont identifié des critères et des indicateurs et ont déjà commencé à les mesurer.

Le sénateur Robichaud: Diriez-vous que le Canada est en avance sur les autres pays?

M. Lochhead: Je dirais que nous sommes bien placés et que nous sommes même en tête.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lochhead, d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.

La séance est levée.


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