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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 20 - Témoignages du 25 août 1999 (séance du matin)


OTTAWA, le mercredi 25 août 1999

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles auquel a été renvoyé le projet de loi C-32 visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable, se réunit aujourd'hui à 9 heures pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nos audiences sur le projet de loi C-32 se poursuivent. Nous avons l'honneur d'accueillir ce matin l'honorable David Anderson.

Monsieur le ministre, avant de commencer, je tiens à vous féliciter personnellement et au nom de mes collègues pour votre nomination. Nous savons que vous avez démontré que vous étiez en mesure de comprendre les problèmes environnementaux. Les problèmes auxquels nous sommes actuellement confrontés ont des répercussions très importantes dans le domaine environnemental. Le projet de loi à l'étude est également un projet de loi très important.

Nous nous réjouissons de votre nomination. Nous vous remercions d'être venu ce matin et nous sommes impatients d'entendre vos observations.

Nous considérons que cette réunion est d'une importance capitale. Avant de commencer, je voudrais savoir ce que vous pensez de ces audiences.

J'ai sous les yeux une interview que vous avez donnée à Susan Murray, de CBC, le 7 août 1999. Dans le cadre de cette interview, elle vous a notamment posé les questions suivantes.

Le Sénat est notamment en train d'examiner la Loi sur la protection de l'environnement qui, d'après bien des écologistes, a été tellement édulcorée qu'elle sera pratiquement inefficace. Ferez-vous le nécessaire pour y remédier? Essayerez-vous d'y apporter plusieurs amendements pour lui donner plus de vigueur et montrer ainsi que vous y accordez de l'importance?

Voici ce que vous avez répondu d'après les notes de Mme Murray:

Cette loi a été adoptée en 1988. Une de ses dispositions prévoyait une révision tous les cinq ans. Elle a été réexaminée. Le comité a siégé un an. Il a parcouru le Canada et est revenu avec des suggestions. Le gouvernement a examiné celles-ci très attentivement et y a répondu, ce qui a pris un an. Nous avons ensuite présenté le projet de loi; il a été renvoyé au comité et celui-ci a mis un an à l'examiner.

Nous avons reçu 470 amendements à un projet de loi qui ne comptait que 400 paragraphes. Le gouvernement les a tous examinés attentivement. Les amendements venaient de partout. Nous sommes enfin parvenus à le faire adopter par la Chambre, puis il a été envoyé au Sénat.

Si je décidais que l'on recommence complètement à zéro, cela voudrait dire que je ne ferais vraiment pas grand-chose d'autre que de remanier des dispositions qui ont été déjà remaniées à deux reprises au cours des cinq dernières années. J'estime qu'il faut respecter la décision de la Chambre et aller de l'avant. Nous avons d'autres chats à fouetter. Nous devons examiner les problèmes du réchauffement planétaire. Nous devons étudier la question de l'eau exportée. Nous avons bien d'autres problèmes à examiner et je ne tiens pas à m'enliser dans un débat qui a déjà eu lieu.

Monsieur le ministre, je vous signale que nous avons un nombre considérable de témoins. D'après votre réponse à ces questions, j'ai l'impression que si le comité proposait des amendements, vous refuseriez de les examiner parce que vous ne tenez pas à vous enliser.

Je voudrais que vous répondiez.

L'honorable David Anderson, ministre de l'Environnement: Certainement. Je vous remercie pour votre chaleureux accueil.

Je l'apprécie beaucoup et je suis heureux d'avoir l'occasion de collaborer avec vous.

Le passage de l'interview que vous avez lu concerne le processus de la Chambre. Je ne tiens pas à recommencer un processus qui durera encore trois ans. Le projet de loi initial a été adopté en 1988. Sa révision a commencé en 1993. Nous sommes en 1999. À un moment ou l'autre, il faut reconnaître que ce projet de loi était fait pour être adopté tel quel en 1988 et pourrait être réexaminé et remis à jour tous les cinq ans. Si le processus d'examen par la Chambre dure des années -- et ce n'est nullement une critique à l'endroit du Sénat puisqu'il n'avait rien à voir avec le processus jusqu'à présent --, la loi ne sera jamais remise à jour.

Un peu après le passage de l'interview que vous avez cité, je faisais allusion au Sénat et je disais -- et j'espère que c'est exact -- que le Sénat avait un rôle important à jouer et que l'examen des projets de loi gouvernementaux par le Sénat faisait partie du processus législatif.

À la fin du passage de l'interview en question, je disais que si nous renvoyions le projet de loi à la Chambre et recommencions le processus à zéro, cela pourrait nous retarder de plusieurs années. Je pense être ministre de l'Environnement pour deux ans. J'ai été ministre du Revenu national, ministre des Transports et ministre des Pêches pendant deux ans dans chaque cas. Compte tenu de cette tendance, je ne serais probablement plus là lorsque le projet de loi reviendrait au Sénat après avoir été examiné une fois de plus à la Chambre parce qu'il faudrait alors qu'il vous soit renvoyé à nouveau.

Ce que je veux dire, c'est qu'un très grand nombre de personnes ont déjà témoigné. Je suis entièrement d'accord avec vous. Le Sénat a parfaitement le droit d'écouter autant de témoins qu'il le désire et d'y consacrer tout le temps qu'il a prévu. Cependant, si l'on examine la question sous un angle pratique, nous examinons une loi dont la révision aurait dû être terminée l'année dernière. En fait, la deuxième révision aurait dû commencer l'année dernière. Nous en sommes toujours à la première révision. La loi a été adoptée en 1988. Nous avons entamé sa révision cinq ans plus tard, en 1993. Nous sommes en 1999. Nous sommes à l'aube du nouveau millénaire. Il faut bien qu'à un moment ou l'autre ce projet de loi soit adopté et utilisé, pour protéger les Canadiens des substances toxiques et prendre diverses mesures visant à protéger la population.

Je n'ai aucun contrôle sur les travaux du Sénat ou de la Chambre des communes. Je ne suis qu'un des rouages d'une machine. Ce que je veux dire dans ce passage de l'interview est que l'on a procédé à une analyse très minutieuse et les législateurs doivent reconnaître à un moment ou l'autre qu'il faut aller de l'avant ou décider que le processus est inefficace et qu'il faut alors continuer d'utiliser la version initiale de la loi, celle de 1988.

Le président: J'apprécie vos observations, monsieur le ministre. Je vous signale toutefois que nous sommes plusieurs à avoir l'impression que notre travail sur ce projet de loi est inutile. Hier, la majorité libérale au Sénat a invoqué la clôture avant même que le comité n'entame ses audiences proprement dites. Nous n'avions entendu jusqu'alors que les témoignages des représentants du ministère. Nous avons des contraintes de temps. Étant donné qu'il a fallu huit mois au comité de la Chambre pour examiner le projet de loi et que l'on y a apporté, comme vous l'avez signalé, plus de 400 amendements, et étant donné que ce projet de loi revêt une importance capitale pour les Canadiens et qu'il aura des répercussions sur leur santé et sur l'avenir de nombreuses générations, nous estimons que c'est le projet de loi le plus important que nous ayons eu à examiner depuis que je suis membre de ce comité. Nous avons passé trois jours à écouter les représentants de votre ministère et nous n'avons pas encore fini. Environ 25 témoins, dont plusieurs membres de votre caucus, doivent venir nous faire des suggestions très intéressantes. Comme vous le savez, votre caucus compte d'acharnés défenseurs de l'environnement. Par conséquent, étant donné que vous dites qu'il est urgent d'adopter ce projet de loi parce qu'une prorogation est imminente, j'en conclus que nous ne pourrons pas y apporter d'amendements. Je voudrais que vous soyez aussi franc que moi.

M. Anderson: Je serai tout à fait franc. J'estime qu'il serait déplacé de ma part de critiquer une décision du Sénat du Canada. Je ne le ferai pas inutilement.

J'estime que c'est votre décision. Il serait inopportun de votre part de me demander de faire des commentaires sur une décision qui a été prise hier par la majorité au Sénat. Je ne connais pas les résultats du vote. J'ignore si certains sénateurs ont voté sans tenir compte de leurs allégeances politiques. Je n'en sais absolument rien et, si vous n'y voyez aucun inconvénient, je m'abstiendrai de critiquer la Chambre haute.

En ce qui concerne toutefois ce projet de loi, vous êtes pris dans un dilemme. Il y a trois semaines que je suis ministre de l'Environnement. Cette loi a été révisée, examinée et analysée pendant six ans. Le projet de loi ne doit rester en vigueur que cinq ans à la fois. C'est une loi qui est censée être révisée tous les cinq ans. En fait, ce projet de loi devrait correspondre à la deuxième révision. Nous en sommes toujours à la première et nous n'avons pas encore apporté de modifications à la loi de 1988.

Je vous signale que ce projet de loi a fait l'objet d'une analyse minutieuse. La plupart des témoins que vous entendrez ont déjà témoigné devant l'autre Chambre. Pour être tout à fait franc, je vous signale que l'on ne peut plus laisser la Chambre délibérer indéfiniment et que l'on ne peut plus y consacrer beaucoup d'énergie. Si l'on renvoyait le projet de loi à la Chambre -- et c'est la Chambre et pas le Sénat que je critique --, il faudrait peut-être attendre encore deux, trois ou quatre ans. C'est plus que la durée de mon mandat étant donné que, contrairement aux sénateurs, les députés doivent se faire élire et que des élections auront lieu d'ici environ deux ans. J'estime par conséquent que la Chambre n'aurait probablement plus assez de temps pour réexaminer ce projet de loi. Je le sais par expérience.

Vous m'avez demandé de vous parler franchement des contraintes de temps et je vous réponds très franchement en espérant que mes observations sont très exactes.

Le président: Je vous en remercie.

Le fait que la Chambre des communes ait consacré autant de temps à ce projet de loi démontre l'importance qu'on lui accorde. Le fait qu'il soit renvoyé au Sénat après avoir passé huit mois à l'autre endroit et que l'on s'attende à ce que le comité sénatorial -- et nous sommes extrêmement fiers du travail de nos comités -- examine dans un délai aussi court un projet de loi de 200 pages contenant 300 articles dont les dispositions auront des répercussions considérables, rabaisse les comités du Sénat et le Sénat lui-même.

Si par exemple...

Le sénateur Robichaud: Monsieur le président...

Le président: Laissez-moi finir, puis je céderai volontiers la parole à d'autres sénateurs.

Le sénateur Taylor: C'est ce qui nous inquiète: quand aurez-vous fini?

Le président: Dans une minute. C'est moi qui ai abordé le sujet et je tiens à terminer.

Nous pensons que des amendements importants seront présentés. Le comité ne sera peut-être pas d'accord. Si l'on propose des amendements, en tiendrez-vous compte?

M. Anderson: Presque tout ce que vous avez dit au cours de votre dernière intervention concerne le délai que le Sénat a imposé lui-même au comité hier. Je vous répète qu'il serait déplacé de ma part de faire des commentaires sur les décisions du Sénat.

Je pense qu'il serait injuste de demander à un représentant de la Chambre des communes de critiquer vos collègues et la façon dont le Sénat procède. Si vous proposez des amendements, il est bien entendu que je les examinerai. Tout ce que voulais dire dans les propos que vous avez cités et tout ce que je veux dire maintenant, c'est que nous connaissons tous les deux le système. Le projet de loi sera renvoyé à la Chambre. Il sera renvoyé au comité. Les mêmes témoins comparaîtront à nouveau à la Chambre et cela durera encore plusieurs mois. C'est une question d'efficacité. Ça ne veut pas dire que vous ne devriez pas proposer d'amendements. Je tiens seulement à vous rappeler la possibilité que ce projet de loi disparaisse, qu'il s'évanouisse. C'est possible.

Tout le travail qui a été fait pour améliorer cette loi n'aurait alors servi à rien parce que le temps presse et que l'analyse approfondie a déjà été faite.

Je ne suis pas là pour vous donner des conseils et j'ignore ce que diront les témoins. J'ignore bien entendu si leurs arguments sur les erreurs ou les omissions qu'ils ont relevées dans le projet de loi ou sur la nécessité d'y apporter des amendements seront convaincants. De toute évidence, je ne peux pas écarter d'avance les propositions que vous pourriez faire. Il est possible que des lacunes très importantes soient signalées.

Ce que je tiens à signaler, c'est que nous sommes pressés par le temps et par le système électoral. Si nous renvoyons le projet de loi à la Chambre et si des discussions interminables reprennent, il ne sera jamais adopté.

Le président: D'autres sénateurs ont-ils des observations à faire?

[Français]

Le sénateur Robichaud: Monsieur le président, le fait de demander au ministre de comparaître devant un comité pour commenter une décision déjà prise par un comité du Sénat m'apparaît injustifié. Même si nous ne sommes pas tous d'accord avec les décisions prises hier, nous n'avons d'autre choix que d'agir en conséquence maintenant qu'elles sont entérinées.

Le ministre peut penser ce qu'il veut de notre décision, il n'y peut absolument rien. Si nous devons convenir d'autres changements, le ministre n'aura d'autre choix que de les considérer. Demander au ministre de commenter notre décision voudrait dire que nous ne sommes pas tout à fait indépendants, que c'est lui qui nous mène, alors que ce n'est le cas. Il peut penser ce qu'il veut, cela ne changera pas ma façon d'agir dans ce comité.

[Traduction]

Le sénateur Spivak: Monsieur le ministre, je vous félicite pour votre nomination. Je suis heureuse que le gouvernement ait jugé bon une fois de plus de nommer un ministre de tout premier plan à la tête du ministère de l'Environnement. On ne peut que s'en réjouir.

Le président a fait une remarque importante. Le comité n'est pas très souvent tenu par une contrainte de temps dès le début de ses audiences. J'ai abordé la question des amendements hier. J'ai dit que cette contrainte nous empêcherait peut-être d'apporter des amendements parce que nous n'aurons pas le temps de procéder à une étude article par article. Aucun de mes collègues ne m'a contredite.

Je tiens à vous signaler qu'une centaine d'amendements ont été apportés au projet de loi à la Chambre des communes à l'étape du rapport. Il est inhabituel que le travail approfondi de la Chambre des communes soit révisé à l'étape du rapport et que des amendements importants soient apportés à un projet de loi à cette étape. Aucun témoin n'a encore eu l'occasion de faire des commentaires sur cette centaine d'amendements.

Vous prétendez que c'est une question de temps. Depuis que je suis au Sénat, c'est-à-dire sous deux gouvernements différents, il est arrivé à deux reprises que des projets de loi soient renvoyés à la Chambre des communes et reviennent au Sénat presque instantanément. Puisqu'il est majoritaire, le gouvernement pourra s'arranger pour que le projet de loi revienne immédiatement, s'il le désire.

Dans un tribunal ou dans n'importe quelle autre institution destinée à servir l'intérêt public, on ne tient jamais compte des inconvénients lorsqu'il s'agit de débattre le fond d'un problème. C'est avec le plus grand respect que je vous le signale. Je suis au courant de vos antécédents. Je comprends ce que vous voulez dire mais c'est la situation dans laquelle nous nous trouvons. Vous devez bien comprendre ce que des personnes comme moi ressentent en examinant ce projet de loi. Nous voyons les amendements qui ont été recommandés. D'ailleurs, plusieurs membres de votre caucus estiment que ce projet de loi doit être modifié.

Nous nous trouvons dans une situation assez difficile. Monsieur le ministre, nous devons écouter des témoins tout en sachant très bien qu'aucun amendement ne sera accepté. C'est la première fois depuis que je suis ici que l'on nous impose une telle contrainte dès le début des audiences. Je vous prie de nous comprendre.

Bien que je ne le souhaite pas ardemment pour ma part, de nombreuses personnes ont dit qu'il serait nettement préférable de conserver la version originale, c'est-à-dire le projet de loi C-88 au lieu d'accepter le présent projet de loi qui impose d'innombrables contraintes et contient de multiples erreurs grossières. Je voudrais en signaler une ce matin, si c'est possible.

Nous parlons franchement. Nous sommes dans une tribune politique. Nous comprenons les considérations politiques qui entrent en ligne de compte. J'espère que vous comprenez mieux pourquoi ce processus nous préoccupe.

M. Anderson: Je vous remercie pour vos aimables remarques. J'ai eu le plaisir d'être questionné par vous dans le cadre des travaux de plusieurs autres comités, pour divers autres ministères. J'attends vos autres questions avec une certaine appréhension, mais avec un certain plaisir.

J'admets que le gouvernement pourrait affirmer sa situation majoritaire de façon plus vigoureuse. Il pourrait peut-être faire adopter très rapidement à la Chambre un projet de loi qui a été modifié. Je serais toutefois exposé à des critiques semblables à celles que le président a faites ce matin, à savoir que l'on ne laisse pas assez de temps aux membres du comité et que l'on ne tient pas compte des amendements proposés à la suite de vos délibérations et au comité de la Chambre.

Ce que vous suggérez de faire à la Chambre, et qui risque de se produire également au Sénat, est précisément ce à quoi le président s'oppose fermement, si j'ai bien compris.

Il faut être plus équitable. Si le projet de loi était renvoyé à la Chambre des communes, le processus serait très long. C'est une simple remarque. Je serais enchanté qu'il en soit autrement.

Je vous rappelle que les chambres seront bientôt prorogées, ce qui signifie que tous les projets de loi expireront au Feuilleton. Nous devrons passer des ententes avec les partis de l'opposition à la Chambre des communes et d'autres au Sénat, ce qui complique la situation. Le maintien de plusieurs projets de loi entraînerait des complications.

Personnellement, je ne tiens pas à m'enliser au cours des deux années qui restent de mon mandat. Cela m'obligerait à négliger ou à ignorer certains problèmes, comme celui des exportations d'eau et celui des transferts d'eau dans les bassins hydrographiques. Je ne tiens pas à m'enliser au point de négliger la nouvelle législation sur les espèces menacées que j'estime importante et que je tiens à faire appliquer. Je ne tiens pas à négliger les problèmes de qualité de l'air qui ont une incidence profonde sur la santé des Canadiens et plus particulièrement sur les jeunes et les habitants du centre du pays. Je ne tiens pas à ce qu'il y ait des retards parce que je veux m'attaquer sérieusement au problème des sites contaminés.

Je veux que ce projet de loi soit adopté. Il améliore la loi actuelle, même si je respecte votre opinion que le projet de loi C-88 est meilleur. Pour ma part, j'estime que ce projet de loi est une amélioration par rapport à la loi actuelle grâce à ses dispositions prévues pour l'avenir, mais nous pouvons effectivement continuer à appliquer la loi de 1988.

Le sénateur Hays: Monsieur le ministre, comme le président et d'autres collègues, je tiens à vous féliciter pour votre nomination.

Je trouve qu'il est un peu inhabituel de commencer le débat de cette façon. Nous avons commencé directement par des questions, ce qui est peut-être bien, mais elles ont une saveur politique. Voilà ce que je tenais à dire en guise d'introduction.

Nous sommes dans une tribune politique. Nous sommes des politiques. Les tentatives d'atermoiements, au même titre que la clôture, constituent une stratégie politique légitime dans notre processus parlementaire. Nous avons consacré assez de temps aux considérations politiques. Le jeu politique suivra son cours. Nous savons tous combien de députés il y a à la Chambre et combien de sénateurs au Sénat. Nous connaissons l'opinion des ministériels au sujet de ce projet de loi. Nous avons tendance à être du même avis que le gouvernement, que nous appuyons.

Je concède toutefois qu'il y a quelques questions importantes à régler. Certains aspects de ce projet de loi ont été contestés pendant tout le déroulement du processus à l'autre endroit et ils sont contestés ici également. En fait, notre liste de témoins inclut des députés du parti ministériel.

Si je vous le signale, c'est pour vous donner une idée de la situation. Contrairement à M. le président, je ne crois pas que le Sénat soit rabaissé. Je suis plutôt de votre avis. Comme l'a dit le sénateur Robichaud, nous sommes en train d'examiner le projet de loi et il sera renvoyé au Sénat peut-être avec des amendements ou avec une recommandation de ne pas l'adopter.

Ayant eu l'occasion de lire l'exposé du ministre, je suggère que l'on passe aux sujets importants sur lesquels de nombreux sénateurs ont des questions à poser.

Monsieur le ministre, vous pourriez peut-être abréger votre exposé et vous en tenir aux aspects que vous jugez les plus importants, pour nous permettre de poser nos questions.

Le sénateur Kenny: Je vous signale seulement que la motion qui a été adoptée hier n'interdit à personne de proposer des amendements. Elle nous oblige uniquement à avoir fini pour le mardi 7 septembre à midi.

J'ai quelques questions importantes à poser au ministre. Si vous êtes d'accord, monsieur le président, je commence tout de suite.

Le président: Pas tout de suite. Le ministre doit d'abord faire un exposé, je suppose, si l'on suit la procédure normale.

Le sénateur Taylor: Je signale que l'on ne cesse de dire que nous sommes pressés. Comme je suis vice-président du comité, que je suis le principal responsable en la matière du côté ministériel et que je fais également partie du comité de direction, j'estime qu'il serait bon d'indiquer au compte rendu que nous avons essayé de tenir des audiences à la fin du mois de juin. Nous avons reçu ce projet de loi depuis la troisième semaine de juin. Nous n'avons pas pu organiser des réunions en juin ou en juillet. J'en ai parlé au président parce que j'estimais important que Le sénateur du Manitoba qui est la porte-parole de l'opposition en matière d'environnement soit présente et parce que le président fait partie de l'opposition. En juillet, elle ne pouvait pas être là. En août, ...

Le sénateur Spivak: Est-ce un avertissement?

Le sénateur Taylor: Nous en sommes à la troisième semaine d'août. Cette réunion est prévue depuis la fin juin. Comme l'a dit le sénateur Hays, un retard est légitime. J'ai passé beaucoup plus d'années dans l'opposition que du côté ministériel et j'aime lancer de temps à autre des grenades par-dessus la clôture pour ralentir la parade. Je suis très conscient de ce qui se passe. Il y a un moment où il faut relancer les grenades ou bien déguerpir à toute vitesse.

En ce qui concerne l'acceptation d'amendements éventuels, je n'ai encore jamais entendu parler, même si je ne suis pas depuis longtemps au Sénat, d'un projet de loi venant de la Chambre avec un commentaire disant: «Ce n'est peut-être pas un bon projet de loi. Nous sommes prêts à accepter des amendements». Ce serait du jamais vu si un ministre venait nous demander de modifier un projet de loi parce qu'il le trouve mauvais et juge qu'il doit être modifié avant d'être renvoyé à la Chambre. Normalement, on nous renvoie les projets de loi en disant qu'ils sont assez bons.

Pourquoi ne pas attendre de voir ce que fera le Sénat?

Je vous dis ça pour signaler que nous avons consacré beaucoup de temps à ce projet de loi et que nous devrons peut-être y consacrer encore beaucoup plus de temps mais le ministre a son point de vue à défendre. Nous l'examinerons et nous y apporterons des modifications ou nous l'accepterons tel quel.

Le président: S'il n'y a pas d'autres commentaires, monsieur le ministre, je voudrais faire une dernière observation. Certaines personnes que je ne veux pas nommer m'ont signalé que quelqu'un de votre ministère leur avait conseillé de ne pas se donner la peine de venir aux audiences du Sénat parce qu'il n'y aurait pas d'amendements. C'est pour cette raison que l'une d'elles a décidé de ne pas venir alors que l'autre est venue malgré tout.

Le sénateur Taylor: Ce ne sont que des ouï-dire.

Le président: C'est direct. Compte tenu de la motion de clôture qui nous a été imposée hier et étant donné que nous considérons que ce projet de loi est d'une importance capitale, sans vouloir vous faire affront, monsieur le ministre, je demande à mon vif regret au sénateur Taylor d'occuper le fauteuil. Je reviendrai cet après-midi pour m'occuper des représentants du ministère sinon mes collègues s'occuperont d'eux. Nous serons là, bien entendu, pour tous les autres témoins, par respect pour leurs opinions, mais nous n'avons rien d'autre à ajouter au sujet de l'attitude adoptée à l'égard du Sénat, de nos comités et de ce projet important. Par conséquent, mes collègues et moi allons quitter la salle et je demande au sénateur Taylor d'occuper la présidence. Nous reviendrons cet après-midi pour entendre les fonctionnaires du ministère. Je m'excuse, mais nous prenons cette affaire très au sérieux.

Le sénateur Taylor: Je suppose que vous voudrez reprendre le fauteuil cet après-midi?

Le sénateur Kenny: Y a-t-il un orchestre qui joue ou est-ce de la musique?

Le sénateur Hays: C'est une tactique politique légitime.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président: C'est une des armes que j'utilisais également lorsque j'étais dans l'opposition.

Allons-y. Voulez-vous faire d'abord un bref exposé, monsieur le ministre?

M. Anderson: Monsieur le vice-président, je dois reconnaître que je suis déçu de la façon dont ça se déroule.

Le vice-président: Vous ne devriez toutefois pas être étonné.

M. Anderson: Je signale que cette situation est due aux déclarations de personnes non nommées qui transmettent les opinions d'autres personnes non nommées. Les ministres ne tardent pas à remarquer que de nombreux fonctionnaires prétendent parler en leur nom et pourtant, personne n'a le droit de faire des déclarations en mon nom à ce sujet. Je maintiens la déclaration que j'ai faite à la presse qui contient des paroles très louangeuses et très respectueuses à l'égard des travaux du Sénat.

Je n'ai bien entendu pas de commentaires à faire au sujet de la motion de clôture adoptée au Sénat.

Chaque année, les problèmes écologiques auxquels nous sommes confrontés deviennent plus complexes. Par contre, les connaissances scientifiques ne cessent de s'améliorer, de même que les lois et les politiques. Je crois que ce projet de loi constitue une amélioration par rapport à la LCPE de 1988 et que c'est un progrès.

Par contre, je répète ce que j'ai déjà dit à Le sénateur Spivak: il est toujours possible de continuer à utiliser la loi initiale. Elle n'est pas aussi efficace, mais c'est possible. Cependant, nous avons besoin de ce projet de loi pour profiter des changements et des progrès qui ont été réalisés dans le domaine scientifique et dans d'autres domaines. Ce projet de loi nous aidera à relever les défis environnementaux.

[Français]

En adoptant ce projet de loi, vous nous permettez, à mon collègue le ministre de la Santé et à moi-même, de nous appliquer à la mise en oeuvre de la nouvelle LCPE. C'est absolument crucial. La mise en oeuvre de la nouvelle LCPE, son utilisation et celle des mesures législatives fédérales qui la complètent permettront de mieux protéger l'environnement et la santé des Canadiens, notamment de nos enfants et de nos petits-enfants.

Avant de souligner certains détails du projet de loi, j'aimerais vous parler brièvement de ses cinq années d'histoire. J'ai ici l'histoire et cela vaut peut-être la peine de la lire.

Vous savez que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement actuelle impose une évaluation publique tous les cinq ans pour garantir que la loi suit l'évolution des sciences de l'environnement et de la santé. Le projet de loi C-32 résulte de ce processus d'évaluation très ouvert. Le débat a couvert tous les aspects de la question et a été très stimulant. C'est ce à quoi s'attendent les Canadiens, tout comme ils s'attendent à ce que le gouvernement protège l'environnement et la santé publique contre les effets des substances toxiques.

[Traduction]

Il y a plus de cinq ans, le comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre a entamé une étude de l'actuelle loi sur la protection de l'environnement, qui a duré un an.

Le comité permanent a entendu des témoins de toutes les régions du pays -- des représentants des gouvernements provinciaux et des administrations municipales, de plusieurs groupes de défense de l'intérêt public, de l'industrie, des milieux syndicaux, des Autochtones et des milieux universitaires. En 1995, la réponse du gouvernement au rapport du comité permanent a servi de base au projet de loi C-74, qui a été présenté vers la fin de 1996. Ce projet de loi a expiré au Feuilleton au printemps de 1997.

À la suite d'autres consultations auprès de Canadiens que la question intéresse, on a préparé le projet de loi C-32 qui a été présenté en mars 1998, il y a près d'un an et demi. Ce projet de loi a fait l'objet d'un débat très animé à l'autre endroit et plus de 450 amendements ont été présentés, débattus et, pour la plupart, adoptés.

Comme je l'ai déjà signalé, la loi impose une révision tous les cinq ans, mais je ne pense pas que ses rédacteurs s'attendaient à ce que cette révision dure plus de cinq ans.

Étant donné que votre tâche consiste à examiner divers problèmes liés à l'environnement, à l'énergie et aux ressources naturelles, vous savez très bien que les débats peuvent devenir très polarisées. Au cours de diverses étapes de son élaboration, certaines personnes ont prétendu que le projet de loi C-32 découragerait l'investissement. D'autres ont affirmé que ses dispositions ne sont pas assez strictes pour protéger l'environnement. L'essentiel est toutefois que ce projet de loi nous dote de nouveaux outils législatifs efficaces pour protéger l'environnement sans décourager l'investissement.

Les détracteurs de ce projet de loi lui reprochent principalement trois défauts: premièrement, la nécessité d'obtenir l'accord du gouverneur en conseil pour ajouter une substance à la liste des substances toxiques au lieu de se contenter de l'approbation du ministre de l'Environnement et du ministre de la Santé; la façon dont on procède pour «la quasi-élimination» d'une substance et l'inclusion du terme «effectif» dans le processus décisionnel.

En ce qui concerne le premier point, je vous assure que ce sont en fait les ministres de l'Environnement et de la Santé qui décident qu'une substance cause ou peut causer un dommage à l'environnement ou à la santé humaine et qu'elle doit être réglementée, peu importe le nombre de personnes qui approuvent l'inscription d'une autre substance sur la liste des substances toxiques.

Vous savez très bien que les décisions du Cabinet ne sont pas prises à la suite d'un vote. Lorsque deux ministres auxquels la loi confère des responsabilités prennent des décisions, leurs collègues auraient tort de marquer leur désaccord sans avoir d'excellentes raisons de le faire. En cas de désaccord et d'incertitude, la disposition qui prévoit que tous les ministres de toutes les régions du pays doivent participer à la discussion pour que tous les points de vue soient connus est extrêmement raisonnable.

Cette disposition du projet de loi n'est pas nouvelle. La loi actuelle exige également l'approbation du gouverneur en conseil pour ajouter une substance à la liste des substances toxiques. En fait, le comité spécial du Cabinet a toujours tenu compte des recommandations des ministres de la Santé et de l'Environnement avant d'ajouter une substance à la liste. Nous nous acquittons consciencieusement de nos responsabilités et aucune substance susceptible de représenter un danger pour l'environnement ou la santé humaine n'échappera à la rigueur de ce processus.

Le deuxième aspect de la quasi-élimination concerne une catégorie spéciale de substances toxiques telles que les dioxines et les furannes qui persistent dans l'environnement, s'accumulent dans les tissus des organismes vivants et sont rejetés dans l'environnement en raison de l'activité humaine. Le rejet de ces substances peut causer des problèmes pour l'environnement et pour notre santé. C'est pourquoi le projet de loi C-32 exige leur quasi-élimination et nous devons par conséquent continuer de poursuivre l'objectif qui est de réduire leur quantité à un niveau inférieur au niveau mesurable au moyen des techniques modernes. Il ne faut pas oublier que notre capacité de mesurer des quantités infinitésimales progresse plus rapidement que la technologie permettant d'éliminer des quantités minimes.

Dans certains cas, la quasi-élimination ne sera pas possible immédiatement pour des motifs sociaux, économiques ou techniques valables. Cependant, le projet de loi C-32 prône de façon explicite la tactique progressive pour éviter des risques pour la santé tout en ne perdant pas de vue l'objectif final de la quasi-élimination.

À mon avis, cette quasi-élimination prévue dans le projet de loi C-32 constitue un progrès considérable par rapport à la loi actuelle. C'est une tentative innovatrice et les tentatives innovatrices attirent généralement les critiques, notamment à cause de la peur de l'inconnu.

J'appuie vigoureusement la disposition concernant la quasi-élimination parce que c'est une approche préventive qui réduira les risques pour l'environnement et pour la santé humaine. Par ailleurs, le projet de loi prévoit que les facteurs d'ordre social, économique et technique doivent être pris en considération dans toute décision concernant la quasi-élimination d'une substance.

[Français]

Troisièmement, on a exprimé des inquiétudes au sujet de l'adjonction du concept d'efficacité par rapport au coût au principe de prudence. Il ne s'agit pas là d'un nouveau concept introduit à la dernière minute comme mesure de compromis, comme le prétendent certains détracteurs. Le projet de loi C-32 reflète précisément les termes mêmes du principe de prudence sur lequel le Canada et plus de 100 autres pays se sont entendus au Sommet de Rio en 1992.

Il est important de situer la question de l'efficacité par rapport au coût dans son contexte. Premièrement, cela n'a aucune incidence sur les décisions que nous prenons contre la toxicité d'une substance. Je vous assure que ces décisions continueront de se fonder sur les données scientifiques.

Comme dans le passé, c'est sur le genre de mesure à prendre pour limiter les polluants que les questions d'efficacité par rapport au coût auront quelque influence. Ces décisions n'ont pas été prises dans le vide; dans toutes ses décisions, le gouvernement tient compte du coût aussi bien que des questions sociales, économiques et techniques.

[Traduction]

En ce qui concerne la protection de l'environnement et de la santé humaine, il est clair que les coûts de l'inaction peuvent être beaucoup plus considérables. En fait, l'intégration du principe de la prudence à ce projet de loi constitue une amélioration qui m'aidera beaucoup lorsque j'insisterai pour que l'on passe à l'action.

J'explique brièvement les points saillants du projet de loi. Pourquoi est-ce une amélioration? Pour quatre raisons principales: prévention de la pollution; possibilité de réglementer les carburants et les émissions des véhicules, application plus efficace de la loi et meilleur contrôle des substances toxiques.

En ce qui regarde la prévention de la pollution, la nouvelle LCPE fera de la prévention de la pollution la tactique prioritaire de protection de l'environnement au Canada. Ça veut dire qu'au lieu de se contenter de gérer la pollution de l'air et de l'eau après coup, on essaiera de la prévenir. Notre expérience prouve que certaines substances engendrent des problèmes environnementaux extrêmement coûteux et que le nettoyage est difficile. Tous les Canadiens ont entendu parler des étangs bitumeux de Sydney. Cette situation démontre qu'il est plus avantageux sur les plans environnemental, économique et social de prévenir la pollution que d'essayer d'en atténuer les conséquences. Par conséquent, nous mettrons l'accent sur la prévention de la pollution.

Le projet de loi nous confère de nouveaux pouvoirs en matière de carburants et d'émissions des véhicules. La qualité de l'air, surtout dans nos villes et principalement dans le centre du Canada, mais aussi dans de grandes villes telles que Vancouver, sur la côte ouest, nous préoccupe tous de plus en plus, surtout ceux qui habitent dans ces grands centres. Les statistiques de Santé Canada indiquent que depuis 1979, le nombre de cas d'asthme chez les enfants a augmenté de 400 p. 100 et que chaque année, plus de 5 000 personnes meurent prématurément de maladies liées à la pollution atmosphérique. J'ai été asthmatique lorsque j'étais enfant et je suis très sensible aux cas des enfants qui souffrent de cette maladie.

Nous savons que les gaz d'échappement des voitures contribuent à la pollution atmosphérique mais les émissions produites par une tondeuse à gazon utilisée pendant une heure équivalent à celles produites par une voiture sur un parcours de 500 kilomètres. Par conséquent, la pollution atmosphérique n'est pas causée uniquement par les automobiles. Pour le moment, la LCPE ne nous permet pas d'établir des normes concernant les gaz d'échappement produits par les moteurs. Le projet de loi C-32 nous aidera à lutter contre la pollution atmosphérique et la nouvelle LCPE conférera au gouvernement des pouvoirs plus étendus en matière d'établissement de normes sur les émissions des véhicules et des moteurs, y compris des moteurs de machines utilisées hors route telles que les tondeuses à gazon, les génératrices, les machines agricoles et l'équipement de construction. Autrement dit, les dispositions concernant les émissions couvrent une gamme plus étendue de machines.

L'actuelle LCPE confère des pouvoirs restreints en ce qui concerne la réglementation des composants de combustibles qui polluent l'atmosphère.

Le projet de loi C-32 nous permettra de prescrire les ingrédients ou les caractéristiques des combustibles qui sont permis pour les rendre compatibles avec les nouvelles technologies de moteurs non polluants ou le nouveau matériel de contrôle de la pollution.

Je parlerai maintenant des pouvoirs accrus d'application de la loi. Les agents de l'autorité auront des pouvoirs assimilés à ceux des agents de la paix, qui leur permettront d'avoir recours aux dispositions générales du Code criminel concernant les mandats, ce qui augmentera leurs pouvoirs d'enquête, leur permettra de dépister les substances illégales et leur permettra d'effectuer des fouilles périmétriques chez les personnes soupçonnées de polluer l'environnement. En vertu des dispositions de la nouvelle loi, ces agents auront également la possibilité de prendre sur-le-champ des arrêtés exécutoires visant la protection de l'environnement pour faire cesser toute activité illégale dans des cas d'urgence.

J'aborderai ensuite le sujet des substances toxiques. Le projet de loi prévoit de nouvelles obligations en ce qui les concerne. Le gouvernement doit examiner toutes les 23 000 substances qui sont sur le marché au Canada pour déterminer lesquelles doivent faire l'objet d'une évaluation des risques en priorité. Par conséquent, chaque année, de 15 à 25 substances actuellement utilisées au Canada seront déclarées toxiques. Le nombre de substances analysées et répertoriées sera par conséquent trois fois plus élevé qu'à présent.

[Français]

L'actuelle LCPE ne précise pas les échéances avant lesquelles il faut prendre des mesures concernant les produits toxiques. La nouvelle LCPE établit ces délais. Une fois qu'une substance est déclarée toxique, des mesures de contrôle, y compris des mesures réglementaires, doivent être annoncées publiquement dans les 24 mois. Ces mesures doivent être finalisées dans les 18 mois qui suivent. Cela protégera beaucoup plus vite les Canadiens contre les effets des substances toxiques que la loi actuelle.

De plus, le projet de loi C-32 rend obligatoire l'inventaire national des rejets des polluants. Au cours de l'année prochaine, d'autres substances toxiques au terme de la LCPE, persistantes et biocumulatives, telles les dioxines et les furannes, s'ajouteront à cet inventaire.

[Traduction]

En outre, nous effectuerons de la recherche sur les substances qui perturbent le système endocrinien, celles qui permettent de changer de sexe. Parmi les autres faits saillants de mon exposé, il y a également la question du financement, au sujet de laquelle je voudrais dire quelques mots. Le gouvernement a débloqué de nouveaux fonds d'un montant de 111 millions de dollars pour les cinq prochaines années, pour permettre de passer à l'action en ce qui concerne les substances toxiques et pour financer l'application de cette nouvelle loi. Cela permettra d'examiner les 23 000 produits chimiques dont j'ai parlé et d'améliorer le processus utilisé pour évaluer les substances nouvelles. Plusieurs améliorations et des fonds seront prévus pour la réglementation et le processus de dépistage.

[Français]

En mai, on a annoncé que 11 millions de dollars tirés d'une initiative de recherche de 40 millions de dollars seraient affectés à des projets portant sur des questions clés comme les produits perturbateurs du système endocrinien, les polluants organiques persistants, les métaux dans l'environnement, les questions de qualité de l'air en milieu urbain et les effets cumulatifs des substances toxiques.

Ces nouveaux fonds nous permettront de faire un usage efficace des outils offerts par la Loi canadienne sur la protection de l'environnement renouvelée pour mieux protéger l'environnement et la santé des Canadiens.

[Traduction]

Honorables sénateurs, l'octroi de ces fonds ne dépendra pas de l'adoption du projet de loi mais si celui-ci n'est pas adopté, le Conseil du Trésor devra examiner les divers motifs invoqués pour justifier ce niveau de financement. Tout ce que je peux dire, c'est que nous serions à nouveau dans l'incertitude. Je vous assure toutefois que c'est le niveau de financement prévu. Nous voulons donner du mordant à ce projet de loi.

Ce projet de loi contient d'autres outils mais je passe outre cette partie du mémoire. Je me contenterai de signaler que, si j'estime qu'il est toujours possible, avec de la bonne volonté, d'utiliser une loi surannée, ce projet de loi, dont l'élaboration et l'examen ont été tortueux, constitue une amélioration par rapport à la présente loi. Je tiens à remercier les innombrables personnes qui ont participé à ce long processus et contribué à en faire la meilleure mesure législative possible.

Je suis prêt à répondre aux questions que vous avez à me poser et je vous remercie à nouveau de m'avoir donné l'occasion de venir témoigner. Je reviendrai volontiers à n'importe quel moment, sauf quand mes devoirs de ministre principal m'appellent en Colombie-Britannique. Je crois que les sénateurs qui ont fait partie d'autres comités se souviennent que je suis parfois venu témoigner sans invitation. Je juge les délibérations du Sénat extrêmement importantes et, dans la mesure de mes possibilités, je suis prêt à revenir pour répondre à vos questions. Par contre, si vous avez des questions personnelles à poser, je vous invite volontiers à venir dîner ou souper avec moi. Le ministère de l'Environnement pourrait probablement payer l'addition. Bref, si vous avez des questions sur des problèmes environnementaux, je serais heureux de vous rencontrer d'une façon ou d'une autre.

Le vice-président: Merci, monsieur le ministre. Cette offre semble intéressante.

Je vous souhaite bonne chance en Colombie-Britannique. Il me semble qu'une des dernières fois que vous y êtes retourné, un autre skieur vous a heurté.

Monsieur le ministre, avant de permettre aux sénateurs libéraux de poser des questions, je signale que la plupart des questions sur ce projet de loi ont été posées et que la plupart des problèmes qui le concernent ont été signalés par des membres de notre caucus. Vous le savez probablement déjà. Le débat s'est déroulé au sein de notre caucus. Vous êtes donc prévenu. Vous pouvez vous attendre à des questions assez embarrassantes.

Le sénateur Kenny: Je voudrais aborder brièvement trois sujets. Soyez le bienvenu, monsieur le ministre. Je voudrais d'abord parler de vos commentaires au sujet de l'application de la loi. La dernière fois que nous avons examiné un projet de loi relatif à la LCPE, un ministre nous a parlé de l'importance des nouveaux pouvoirs que le gouvernement s'attribuait mais lorsque nous lui avons demandé combien d'inspecteurs étaient prévus pour la mettre en application, il nous a dit, si j'ai bonne mémoire, qu'il y en avait 18, ce qui fait environ un et demi par province et par territoire.

De quels moyens dispose votre ministère? De quelles ressources disposez-vous pour exercer ces nouveaux pouvoirs? Ne s'agit-il pas de pouvoirs qui n'existent que sur papier et qui sont purement théoriques?

M. Anderson: Je suis heureux de constater que vous faites partie de ce comité, sénateur Kenny. Je me souviens très bien, comme tous les autres Canadiens qui s'intéressent à l'environnement, de vos importants travaux d'avant-garde. Je crois que vous pouvez être fier des résultats de vos efforts.

En ce qui concerne la question proprement dite, je suis personnellement d'accord avec vous pour l'essentiel. Il est nécessaire que la loi puisse être appliquée de façon efficace. Sans mesures de répression, sans mesures permettant de s'assurer que la loi est respectée par les rares personnes qui sont irresponsables sur le plan social, la loi ne peut être appliquée efficacement et, dès lors, il n'y a plus la moindre raison pour qui que ce soit d'assumer ses responsabilités sociales.

Je ne peux pas vous communiquer des chiffres immédiatement mais je demanderai à M. Guimont de répondre à votre question. Lorsque j'étais ministre des Pêches, j'ai augmenté considérablement le nombre d'inspecteurs. Nous avons engagé 80 inspecteurs supplémentaires par an. Les agents d'exécution du gouvernement fédéral sont généralement des personnes qui ont à peu près le même âge que moi ou que vous -- peut-être plutôt le même âge que vous --, la moyenne d'âge étant de 49 ans. D'une façon générale, un agent d'exécution de 49 ans ne peut pas rattraper un braconnier de 22 ans à la course. Par conséquent, il ne faut pas seulement se baser sur le nombre mais il faut également tenir compte de l'âge des agents de l'autorité. Ce n'est pas uniquement une question de nombre.

Je cède maintenant la parole à M. Guimont pour qu'il vous communique les chiffres de notre ministère.

M. François Guimont, sous-ministre adjoint, Protection de l'environnement, Bureau de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ministère de l'Environnement: Monsieur le président, nous avons actuellement une soixantaine d'agents d'exécution dans les diverses régions du pays; il s'agit d'enquêteurs et d'inspecteurs mais ce n'est pas le seul contingent. Il y a aussi d'autres personnes qui aident ces deux équipes.

Des représentants du ministère ont témoigné dernièrement devant le comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes dans le cadre de l'étude sur l'application de la loi. Un rapport a été rédigé à la suite de ces audiences et il a été déposé au Parlement. Le gouvernement a présenté sa réponse et 15 projets ont été créés à la suite de ce processus. Le ministère est en train de mettre en oeuvre ces 15 projets qui concernent l'efficacité, l'accroissement de la capacité et l'accroissement de notre force d'intervention sur place. Nous réorganisons nos processus décisionnels, nos rôles et responsabilités, notre formation, le statut d'agent de la paix et mettons en oeuvre divers autres projets. À mesure que nous progresserons, nos interventions sur le terrain deviendront plus efficaces.

En ce qui concerne la question des ressources, le ministre a signalé que le gouvernement a attribué au ministère 14,3 millions par an pour essayer de régler le problème des substances toxiques. Ces fonds sont destinés à faciliter la «mise en application du projet de loi C-32». Nous nous préparons pour que, au cas où le projet de loi ne serait pas adopté, nous puissions malgré tout intervenir rapidement sur le terrain.

Les fonds en question sont destinés à améliorer le système d'évaluation, le système de mesure et le système de dépistage. Nous avons réservé une partie des fonds pour la mise en application de la loi. Un de nos 15 projets porte sur une analyse type pour savoir si nous avons besoin de ressources supplémentaires pour exercer d'autres fonctions que celles de base que nous sommes en train de réexaminer.

Au cours du présent exercice, nous avons injecté des ressources dans notre programme d'application de la loi à titre palliatif. Lorsque l'analyse type sera terminée et que le ministre aura reçu des informations sur les 15 projets, nous déciderons quelles seront les prochaines étapes du plan d'action.

Le sénateur Kenny: Il faut reconnaître qu'il n'y a pas longtemps que vous êtes ministre de l'Environnement. Avez-vous eu l'occasion de réfléchir aux ressources et aux commentaires que vient de faire M. Guimont? Estimez-vous avoir actuellement des ressources suffisantes ou comptez-vous réexaminer cette question au cours des prochains mois?

M. Anderson: Sénateur, j'examinerai la question de très près au cours des prochains mois, surtout en ce qui concerne l'application de la loi sur laquelle porte précisément votre question. Nous accroîtrons les effectifs mais nous attribuerons en outre des pouvoirs plus efficaces aux inspecteurs. Ils seront davantage en mesure de faire de la prévention sur-le-champ, de prendre des injonctions dans les cas flagrants d'entreposage inadéquat de matières polluantes et dans d'autres cas analogues. Ces pouvoirs supplémentaires leur permettront d'être plus efficaces.

J'examinerai les chiffres de plus près en ce qui concerne l'application de la loi et d'une façon plus générale les niveaux de financement prévus au ministère. Nous pourrons nous réorganiser ou, en cas de besoin, peut-être dans le domaine de l'application de la loi, envisager d'essayer d'obtenir des ressources supplémentaires.

Le sénateur Kenny: Serait-ce trop vous demander que de nous communiquer vos opinions d'ici la fin de l'année civile, par exemple?

M. Anderson: C'est une requête tout à fait raisonnable. J'essaierai de vous les communiquer au mois de décembre.

Le sénateur Kenny: J'ai des questions à poser au sujet des combustibles et des émissions produites par les véhicules. Je suis régulièrement au Feuilleton les progrès réalisés par les divers ministères. Je constate que votre ministère est le seul qui n'utilise pas l'instrument Q. En outre, je suis avec intérêt les informations de presse récentes indiquant que le gouvernement estime que l'utilisation d'autres types de carburants n'est pas aussi efficace qu'on ne l'avait escompté.

Vous a-t-on déjà donné des informations à ce sujet? Pouvez-vous faire des commentaires?

M. Anderson: Pas encore, sénateur. Personnellement, j'ai joué un rôle dans le cadre de mes autres attributions en ce qui concerne Ballard Power et la recherche de technologies nouvelles plutôt que d'utiliser un autre type de carburant.

Je reconnais qu'il y a des lacunes dans mon information. Je serai mis au courant des dernières nouveautés dans ce domaine. Il est fort possible d'atteindre les niveaux adoptés à Kyoto en utilisant des carburants de remplacement ainsi qu'en créant une technologie entièrement nouvelle, que la société Ballard Power représente.

La combinaison finale sera intéressante à voir. Une des considérations importantes en ce qui concerne les carburants de remplacement est le capital déjà investi. On peut parfois profiter de l'investissement existant. Par exemple, un moteur normal d'automobile peut être converti pour un carburant de remplacement à faible coût. Il serait peut-être beaucoup plus coûteux de faire fonctionner une automobile normale avec le système Ballard et ce serait peut-être plus difficile à brève échéance.

Le sénateur Kenny: Deux problèmes se posent en ce qui concerne le parc de véhicules du gouvernement. L'une est liée au nombre de véhicules. Il semble que nous en ayons beaucoup trop. Avez-vous une opinion à ce sujet?

L'autre est dû au manque de leadership chez certains de vos collègues en matière de conversion aux carburants de remplacement. Pourriez-vous nous dire quel type de carburant vous utilisez actuellement pour votre véhicule?

M. Anderson: J'utilise du propane. J'ai un autre véhicule au gaz naturel. Ce véhicule peut également fonctionner à l'essence étant donné que dans certaines régions le système de distribution du gaz naturel est insuffisant. Je compte faire faire un jour une étude sur l'efficacité d'un véhicule qui peut utiliser deux types de carburants.

Le sénateur Kenny: Ne vous donnez pas cette peine.

M. Anderson: Ces questions techniques seraient de toute évidence du plus haut intérêt. J'ai également un véhicule à essence qui vient d'un autre ministère.

Le sénateur Kenny: Une question qui préoccupe beaucoup les Canadiens et dont vos collaborateurs ont brièvement parlé hier est celle de l'efficience dans le contexte des décisions relatives aux substances toxiques.

Pourriez-vous nous en parler à nouveau pour nous rassurer sur la façon dont ce principe est utilisé dans le projet de loi et nous faire savoir s'il y a lieu de s'en préoccuper?

M. Anderson: Je ne pense pas qu'il y ait lieu d'être préoccupé à ce sujet. Ce serait pire s'il n'en était pas question dans le projet de loi. Il est nécessaire d'examiner et de faire la part des risques que posent diverses substances dans plusieurs régions. Les ressources sont limitées. Le seul moyen d'évaluation que nous ayons est une sorte d'analyse de rentabilité.

Prenons le cas d'une voiture particulière. Le propriétaire s'aperçoit que les pneus ont 25 000 kilomètres d'usure mais décide de ne pas dépenser 600 $ pour acheter des pneus neufs. Il sait que l'utilisation de pneus usagés comporte de légers risques supplémentaires mais il prend une décision basée sur le coût et les avantages et opte pour le léger risque supplémentaire pour lui et sa famille au lieu de faire une dépense de 600 $. Nous avons tous déjà pris des décisions de ce genre. C'est parfois nécessaire quand nos ressources sont limitées.

Dans d'autres domaines, les coûts inquiétants ne se calculent pas uniquement en dollars. Par exemple, une substance toxique comme l'amiante peut ne présenter aucun risque pour la santé à moins que quelqu'un ne décide de l'enlever et par conséquent d'engendrer un risque inattendu en la déplaçant ou du moins un risque plus élevé que celui que l'on essayait d'éliminer. Il est nécessaire de comparer les coûts aux avantages.

C'est ainsi que j'analyse la situation. J'ignore si M. Guimont a une autre observation à faire mais je ne vois pas comment on peut éviter de faire une sorte d'analyse de rentabilité. On le fait dans tous les secteurs d'activité humaine.

Le sénateur Adams: Ça fait plaisir de vous revoir, monsieur le ministre. Nous vous avons vu souvent au comité des pêches du Sénat et maintenant nous parlons d'environnement au lieu de parler de poissons. Félicitations pour votre nomination au poste de ministre de l'Environnement.

Vous n'êtes pas tout à fait un étranger pour nous dans l'Arctique. Je sais que vous y êtes venu plusieurs fois. Après que nous ayons examiné le projet de loi C-32, on nous a signalé à maintes reprises que les habitants de cette région étaient déjà touchés par la pollution malgré l'absence de grandes usines. La pollution vient non seulement de la partie sud du Canada mais aussi de l'étranger. Le fait que le Nord, d'après les experts qui ont étudié les problèmes environnementaux dans cette région, ait déjà été touché par la pollution me préoccupe.

Mes préoccupations n'ont rien de nouveau pour vous. Ce qui me préoccupe principalement, ce sont les BPC et plus particulièrement les taux de BPC décelés chez les femmes qui accouchent et chez les bélugas.

Au cours des vacances d'été, j'aime chasser le caribou et aller à la pêche. Les habitants de ma région le font tout le temps. Dans le Sud, on voit des vaches d'élevage et du bétail le long des grand-routes. Les inspecteurs examinent les problèmes que cela peut poser pour la santé. Depuis des années, on a remarqué les effets de la pollution sur les caribous qui mangent de la mousse, ainsi que sur le poisson et nous ressentons également les effets de la pollution venant de l'étranger par la voie aérienne, d'après ce que disent les scientifiques. Dans le Nord, l'air est froid et lorsque les polluants entrent en contact avec cet air froid, ils se déposent sur le sol.

Nous aurons beaucoup à faire au cours des prochaines années pour essayer de régler les problèmes environnementaux qui se posent dans le Nord. Je suis heureux que cette loi doive être révisée tous les cinq ans. Autrefois, nous étions très préoccupés au sujet du projet de loi C-68 et le ministre de la Justice de l'époque, M. Rock, avait engagé plusieurs personnes pour l'examiner. Nous n'avons jamais entendu parler de changements ou d'initiatives ni des conséquences de la réglementation des armes à feu pour les habitants de ma région.

J'espère que nous adopterons ce projet de loi et que nos préoccupations seront prises en considération. J'espère qu'au cours des révisions quinquennales de la loi, la situation de l'Arctique et de ses habitants sera prise en considération.

M. Anderson: Sénateur, l'analyse que vous avez faite de la concentration de substances toxiques dans le Nord est absolument exacte. Les systèmes atmosphériques naturels ont tendance à causer le dépôt de nombreuses substances toxiques dans l'Arctique.

Lorsque les caribous mangent du lichen, leur langue couvre une grande surface de roches et elle ramasse plus de polluants que celle des vaches dans le sud du pays. Vous avez parlé de régime alimentaire et il est vrai que les polluants sont concentrés dans les parties grasses des animaux. Comme vous l'avez si bien dit, la situation est par conséquent devenue très préoccupante pour la mère qui allaite.

Ce projet de loi améliorera la situation. Cependant, le problème qui se pose dans l'Arctique est essentiellement un problème international et nous devrons essayer de le régler dans le cadre de la conférence circumpolaire et par le biais d'accords bilatéraux, en particulier avec la Russie. Le versant nord de la Russie est probablement la région la plus polluée du monde étant donné qu'elle comporte une pente très douce en direction des cours d'eau qui arrosent l'Arctique. Des sous-marins nucléaires qui ne sont pas en très bon état sont amarrés dans les ports arctiques de la Russie et ils engendreront des problèmes à l'avenir. Les sous-marins ont été littéralement abandonnés dans les eaux. Nous savons que les épaves peuvent dériver pendant des décennies. On a notamment retrouvé au Groenland une épave de navire après quatre ou cinq ans de dérive. Nous savons que le courant va en direction de notre région.

Je crois que ce sera un de nos principaux problèmes internationaux. C'est un problème qui ne concerne pas uniquement le Canada mais également les autres pays membres du Conseil de l'Arctique. Nous aurons besoin de leur aide pour nous engager dans ces activités. Il faudra des fonds internationaux considérables pour améliorer la situation de l'Arctique.

Je voudrais pouvoir être plus optimiste et plus rassurant. Ce projet de loi améliorera la situation en ce qui concerne les polluants qui viennent du sud du Canada mais dans l'Arctique, le problème est qu'une faible proportion seulement des polluants qui atteignent cette région viennent du Canada. C'est effectivement très préoccupant et il faut faire de la prévention. On ne peut pas attendre que des problèmes se posent. Il faut essayer d'enrayer le mal avec l'aide de bonnes connaissances scientifiques. L'Arctique est une région très préoccupante. Les polluants y sont concentrés pour diverses raisons.

Le vice-président: Le sénateur Adams a parlé de la concentration de polluants dans l'alimentation parce que de nombreux habitants du Nord mangent davantage d'aliments traditionnels que nous. Dans le Sud, les services d'inspection des aliments inspectent toutes les carcasses mais ce serait trop demander que l'on inspecte toutes les carcasses de gibier. Ce projet de loi contient-il des dispositions qui font en sorte que les habitants du Nord seront tenus au courant de tout type de pollution ou de tout accroissement de la quantité de substances chimiques indésirables dans le gibier qu'ils consomment?

M. Anderson: Oui. Ces dispositions réduiront la pollution venant du Sud du Canada. Je ne sais pas quel pourcentage de la pollution cela représente, mais je crois qu'il est très faible. Nous sommes en fait confrontés à un problème planétaire qui est concentré dans l'Arctique. Je demanderai à mes collaborateurs s'ils peuvent me communiquer des chiffres à ce sujet.

Le projet de loi améliorera la situation. Même le cerf que l'on peut tuer en Alberta ou en Colombie-Britannique a un régime alimentaire différent qui pollue beaucoup moins la chair de l'animal que dans le cas des animaux de l'Arctique et ce, pour plusieurs raisons. Nous avons notamment tendance à éviter de consommer les parties grasses de l'animal alors que les habitants du Nord ont tendance à préférer ces parties-là, en raison des conditions climatiques.

Le vice-président: Je n'ai peut-être pas formulé ma phrase de façon assez claire. Je sais ce que vous essayez de faire pour éviter que la pollution n'atteigne cette région mais je parle d'évaluation mensuelle des produits alimentaires qui y sont consommés.

M. Anderson: Vous avez tout à fait raison. C'est Santé Canada qui fait l'analyse. Je suis peut-être injuste à son égard mais je ne peux que répéter les critiques que j'ai entendues dans tout l'Arctique, d'Inuvik à Iqualuit.

L'analyse est lente et les chiffres sont parfois communiqués sous une forme inutilisable. Si quelqu'un veut savoir si un animal est comestible, il ne tient pas à avoir les résultats six mois plus tard sur imprimé d'ordinateur. Il faut améliorer le système d'analyse. Il faut faire en sorte que ces renseignements puissent être utilisés par les habitants de cette région.

Le sénateur Adams: Merci, monsieur le ministre. Cette question me préoccupe beaucoup. Les phoques et les bélugas sont les aliments de base dans le Nord et si leur chair est polluée, nous devons le savoir avant qu'il ne soit trop tard. Nous n'avons pas les moyens d'acheter du steak au magasin et nous ne pouvons plus manger de viande de caribou qui est également un élément de base de notre régime alimentaire.

Vous dites que le ministère dispose de 40 millions de dollars pour la recherche. J'espère que l'on consacrera davantage de fonds à une étude de la situation dans notre région.

M. Anderson: Sénateur, j'espère que je pourrai vous rencontrer un jour avec le ministre de la Santé, M. Allan Rock. Il est à espérer que d'ici là, le système actuel d'analyse aura été amélioré. Il est insuffisant. On ne tient pas suffisamment compte de l'importance des aliments traditionnels. Il faut faire quelque chose pour donner un minimum de confiance aux habitants du Nord.

Le sénateur Adams: Je suis également préoccupé par la surpopulation d'oies. Ce problème n'a pas été très étudié. Ce qu'elles mangent quand elles sont dans le Sud peut être un sujet de préoccupation. Il faudrait tenir compte de ce genre de problèmes dans un projet de loi comme celui-ci.

M. Anderson: Ces questions devraient faire l'objet d'une séance spéciale parce qu'elles sont importantes pour une très forte proportion de la population du Nord. Le système actuel est trop morcelé. Nous n'avons pas une vue d'ensemble globale claire pour les habitants du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest.

Le vice-président: Le sénateur Adams m'a confié ses préoccupations au sujet de l'efficience et je trouve qu'elles sont fondées. Ne seriez-vous pas moins préoccupé par les conséquences de la pollution dans le Nord que par ses répercussions dans les régions méridionales du pays à cause des avantages économiques liés à une plus forte concentration de population?

M. Anderson: Je ne le pense pas. Les Canadiens se soucient beaucoup du bien-être de leurs concitoyens. Le fait que nous nous préoccupions du sort des habitants des régions côtières et des régions agricoles le prouve.

Le problème est que les pays qui produisent les émissions ne se préoccupent nullement du Canada, qu'il s'agisse du Nord ou du Sud. C'est que le système international de réglementation des émissions de polluants n'est pas efficace. Nous nous intéressons beaucoup au problème du réchauffement planétaire et nous sommes en train de conclure un accord international à ce sujet. Cependant, nous avons encore beaucoup de progrès à faire en ce qui concerne les polluants et l'Arctique est la région la plus touchée.

En outre, les perspectives ne sont pas encourageantes. Il est possible que le problème s'aggrave en raison des perturbations économiques en ex-Russie.

La situation s'est améliorée à certains égards. L'unification de l'Allemagne a réduit les quantités de polluants en provenance de l'ex-Allemagne de l'Est. Les pays les plus démocratiques de l'Europe de l'Est ont adopté de meilleures politiques que les régimes précédents. Cependant, nous sommes confrontés à un problème qui s'est aggravé au fil des ans et qui persiste; c'est un problème de taille. C'est particulièrement visible dans l'Arctique canadien. Par contre, 80 p. 100 de la pollution atmosphérique dans les Maritimes provient de l'extérieur du pays et vous pouvez deviner d'où.

La pollution atmosphérique en Ontario vient également en grande partie de l'autre côté de la frontière et contribue aux décès infantiles et aux problèmes d'asthme infantile dont j'ai parlé tantôt. En ce qui concerne plusieurs de ces problèmes, la seule solution possible est une intervention à l'échelle mondiale. J'espère que ce sera une préoccupation majeure du ministre Axworthy ainsi que du ministre de la Santé et de plusieurs autres ministres.

Le Canada a toujours été très conscient de ses responsabilités internationales mais nous devrons être plus actifs dans ce domaine au cours des 20 prochaines années. Le maintien de la paix est une excellente chose mais il est à espérer qu'au cours des prochaines décennies, le Canada aura une aussi bonne réputation dans le domaine de la protection de l'environnement que dans celui-là.

Le sénateur Hays: Monsieur le ministre, j'ai des questions à poser sur trois sujets différents. La première porte sur la partie 5 du projet de loi et les deux autres sur la partie intitulée «Dispositions diverses». Elles concernent les instruments économiques et les cas de constitution d'une commission de révision.

En ce qui concerne la partie 5, je voudrais savoir comment elle sera administrée. Nous avons questionné des représentants de votre ministère hier et j'ai compris que l'on était en train d'établir un système d'identification des substances d'une toxicité intrinsèque, qui sont définies dans le projet de loi. La liste en comprend actuellement 12. Il s'agit de polluants organiques persistants. D'après les discussions qui ont eu lieu hier, j'ai compris que neuf d'entre elles avaient été quasi éliminées et les autres pas. Étant donné que l'on a décidé qu'elles sont d'une toxicité intrinsèque, l'efficience est-elle la raison pour laquelle le délai de quasi-élimination de ces dernières est plus long?

En outre, il serait utile de faire un commentaire d'ordre général sur la façon dont est prise la décision d'inclure des substances de la liste qui comprend 23 000 substances -- liste qui s'allongera certainement. Il me semble que les substances radioactives et bien d'autres substances correspondent à la définition et qu'il ne serait pas pratique de quasi éliminer les substances nucléaires qui alimentent les réacteurs, par exemple.

Je ne poserai pas de questions plus précises. Vous pourriez peut-être ou vos collaborateurs pourraient peut-être répondre à cette question.

M. Anderson: Merci, sénateur. Vous avez dit que mes collaborateurs pourraient peut-être fournir des renseignements précis et c'est effectivement à eux que je confierai cette tâche.

Il s'agit d'un problème important étant donné que ces 23 000 substances toxiques représentent un nombre énorme de substances. Même si l'on n'en analysait que de 15 à 25 par an, on aurait manifestement des difficultés à mener cette analyse à bien.

Je cède maintenant la parole aux experts.

M. Guimont: Monsieur le président, le sénateur a abordé plusieurs sujets. Je commencerai par les 23 000 substances. Ces 23 000 substances constituent ce que l'on appelle la liste intérieure des substances qui fait partie de la loi de 1988 et subsistera dans la nouvelle LCPE. Il s'agit en quelque sorte d'une liste de référence immuable. Elle correspond à un point dans le temps où ces substances étaient utilisées dans le commerce au Canada. Si je le précise, c'est parce que la LCPE et sa nouvelle version contiennent des dispositions relatives aux substances nouvelles. C'est ce que nous appelons le règlement concernant les substances nouvelles. En ce qui concerne les substances déclarées nouvelles en vertu du règlement, les entreprises doivent envoyer un avis aux fonctionnaires. Cet avis doit être accompagné de renseignements qui leur permettent de décider si telle substance pose un problème et si elle peut être intégrée à la Liste intérieure des substances ou LIS, ou si cette substance les préoccupe et dans ce cas, le ministre peut imposer des conditions.

Depuis deux ou trois, c'est-à-dire depuis que le règlement a été pris, pas moins de 900 substances nouvelles ont été présentées par année.

En ce qui concerne la Liste intérieure des substances, il faut comprendre ce qui en fait partie. En gros, la nouvelle LCPE donne au ministère la mission d'examiner, sur une période de sept ans, la liste intérieure de 23 000 substances pour en faire une sorte de classement ou une catégorisation.

Ça vous intéressera peut-être de savoir que certaines des substances inscrites sur cette liste ne sont plus utilisées au Canada. Elles restent toutefois sur la liste. Ce que j'essaie de signaler, c'est que dans le délai de sept ans dont j'ai parlé, nous devons pouvoir examiner la liste mécaniquement pour en retirer par exemple les substances qui ne sont plus utilisées. Dans le cadre de ce processus, nous nous basons sur certains critères dont celui de la toxicité intrinsèque. En d'autres termes, la persistance et la bioaccumulation sont les signes qui nous permettront de savoir auxquelles des 23 000 substances il conviendrait d'accorder davantage d'attention.

Ce processus peut aboutir à trois types de conclusions. Premièrement, la substance ne posant pas de gros problème reste inscrite sur la LIS. Deuxièmement, lorsque certaines substances peuvent poser un problème de toxicité, on agit en conséquence. Enfin, dans certains cas, il sera peut-être nécessaire d'envisager une évaluation plus approfondie. C'est ce que l'on appelle l'évaluation des substances inscrites sur la liste des substances d'intérêt prioritaire.

L'évaluation plus approfondie est en fait une évaluation axée sur les risques faite au moyen d'outils et d'informations scientifiques complètes. Ces considérations sont liées à la question de la quasi-élimination, sujet qui a été abordé également.

Si une substance répond à certains critères, à savoir la persistance, la bioaccumulation et la toxicité et si sa présence est principalement due à l'activité humaine, elle peut être désignée pour la quasi-élimination.

J'aborde maintenant la question de l'efficience. Que l'on décide, dans le cadre du programme de notification des substances nouvelles, qu'une substance nouvelle n'est pas désignée pour la quasi-élimination ou qu'elle est désignée pour la quasi-élimination, les intervenants participent au processus dans tous les cas. La différence entre la loi actuelle et le projet de loi est que celui-ci impose des délais. Ce n'est pas un processus qui prendra des années. C'est un processus d'une durée de 24 mois visant à déterminer les diverses options possibles en ce qui concerne une substance qui doit faire l'objet de certaines mesures. Un autre délai de 18 mois est prévu pour appliquer la mesure pour laquelle on a opté, c'est-à-dire que nous consulterons les représentants de l'industrie, les groupes écologiques et d'autres intervenants avant de décider quelle mesure sera prise pour cette substance.

La LCPE ne prévoit pas de tels délais de sept ans pour la catégorisation des substances inscrites sur la LIS. Elle ne prévoit pas de délai de 24 mois pour le choix des options ni le délai de 18 mois pour l'application de la mesure choisie. Ces délais sont nouveaux et ils apportent à mon avis une responsabilisation et une transparence accrues entre le moment où la présence d'une substance toxique est décelée et une intervention sur le terrain.

Le projet de loi proposé prévoit des mesures et non une simple réglementation. Il n'exclut pas la réglementation mais ne se limite pas à ça. La notion d'«efficience accrue» évoque une façon de procéder jugée plus efficace pour obtenir des résultats. Les résultats à obtenir ne sont pas précisés; ils sont fonction de nos objectifs. Nous nous demanderons quelle est la méthode la plus efficace pour les atteindre.

La notion d'efficience fait partie intégrante du projet de loi C-32. Le genre d'explication que je vous donne aujourd'hui indique notre façon habituelle de procéder.

Le sénateur Hays: Pourquoi prévoit-on un délai pour la quasi-élimination des 12 autres substances qui ne sont pas quasi éliminées?

M. Guimont: Il n'y a pas encore de liste de substances vouées à la quasi-élimination. Le projet de loi C-32 dérive de la politique de gestion des substances toxiques qui a été approuvée par le Cabinet et déposée à la Chambre en 1995. Nous avons présenté les principaux aspects de cette politique sous une forme législative.

Étant donné que la loi actuelle ne contient pas de dispositions concernant la quasi-élimination de certaines substances, nous avons établir des règlements en ce qui concerne les dioxines, les furannes et les effluents papetiers. Ces règlements ont permis d'éliminer pratiquement les dioxines et les furannes des effluents papetiers.

Nous avons déjà un exemple de quasi-élimination, même si le projet de loi C-32 n'est pas encore en vigueur. Nous avons une liste des substances désignées pour la quasi-élimination. Le DDT n'est plus utilisé au Canada depuis les années 60. Si on nous pose la question, nous pouvons dire que nous avons pratiquement éliminé le DDT au Canada. Dans le cas des dioxines et des furannes se trouvant dans les effluents papetiers, nous estimons également qu'ils ont été quasi éliminés.

En ce qui concerne les autres substances qui n'ont pas été interdites ou qui n'ont pas été quasi éliminées, il faudra prendre des mesures analogues à celles qui ont été prises dans le cas des substances des effluents papetiers.

M. Anderson: Sur les 111 millions de dollars dont j'ai parlé précédemment, 79 millions de dollars sont prévus pour ce processus, ce qui démontre que l'on a prévu de quoi financer le processus dont a parlé M. Guimont.

Le sénateur Hays: Je voudrais parler maintenant de l'article 333 du projet de loi portant sur la constitution d'une commission de révision. Un processus quasi judiciaire est prévu dans cet article. Celui-ci indique notamment qu'un avis d'opposition peut être déposé et que dans ce cas, le (ou les ministres) peut constituer une commission de révision -- et j'insiste sur les termes «peut constituer» -- chargée d'enquêter sur la nature et l'importance du danger que représente la substance visée. Des procédures d'appel de la décision sont prévues.

Quel genre de droit est-ce? Les ministres peuvent prendre une décision et l'appliquer. Si le ministre désire donner à quelqu'un l'occasion de mettre officiellement la décision en doute, la décision est prise de toute façon. S'il a décidé de faire faire une révision, le ministre choisit la commission qui s'en chargera. C'est de la cuisine interne, si je puis m'exprimer ainsi.

Pourriez-vous dire si vous estimez que cette procédure est équitable pour la personne qui fait appel? On s'attendrait normalement à ce que les appels puissent porter sur un certain nombre de circonstances dans lesquelles un appel est justifié et dans ce cas, l'appel est adressé à un organisme indépendant. Ces dispositions permettent de faire appel dans diverses circonstances et la décision se situe à deux niveaux: il s'agit d'abord de déterminer si la constitution d'une commission de révision se justifie puis de déterminer qui doit faire partie de cette commission.

M. Anderson: Je demanderai aux experts de répondre à cette question de détail mais je tiens à signaler qu'il n'est pas inhabituel de faire appel au ministre dans des cas comme celui-ci où la procédure suscite quelque inquiétude.

En outre, comme nous l'ont signalé clairement les personnes qui ont témoigné au sujet de ce projet de loi, divers groupes d'intérêt très déterminés et très compétents suivront ces décisions de très près.

Par ailleurs, certains domaines relèvent de la responsabilité du gouvernement, comme celui de la protection de la santé et de la prévention de la pollution. Si l'on chargeait un autre organisme d'examiner les appels, les ministres seraient en quelque sorte déchargés des responsabilités qu'ils ont en vertu de la constitution. Des organismes indépendants n'auraient pas à rendre des comptes et se chargeraient de l'orientation de la politique.

Ce sont quelques considérations générales mais les experts auront probablement une réponse beaucoup plus précise à vous fournir.

M. Guimont: Les dispositions du projet de loi C-32 concernant la commission de révision sont les mêmes que celles de la LCPE. Elles sont donc en vigueur depuis un certain temps.

Une commission de révision est à mon avis un organisme qui examine des points bien précis. Il convient de signaler que ces dispositions concernent la réglementation et les divers pouvoirs auxquels le ministre peut faire appel mais elles indiquent que celui-ci peut constituer une commission de révision chargée d'enquêter sur la nature et l'importance du danger que représente la substance qui a fait l'objet d'une décision. La commission de révision détermine la nature et l'importance du danger. On ne peut pas s'adresser à une commission de révision parce qu'on n'est pas satisfait du papier sur lequel la décision est imprimée, par exemple.

Ainsi, l'évaluation d'une substance figurant sur la liste des substances prioritaires et la rédaction d'un rapport scientifique sur une substance prennent du temps. C'est un travail très élaboré. Ce sont des scientifiques qui s'en chargent. Ils font des prévisions et communiquent avec Santé Canada. Il s'agit d'une analyse scientifique très fouillée. Cependant, il est possible que l'on ait de nouvelles données au moment où la décision est connue. Par exemple, si une entreprise ou un individu désapprouvait la décision qui a été prise concernant la toxicité éventuelle de la substance visée ou si l'on possédait de nouvelles données en ce qui concerne l'importance du danger que représente cette substance et qu'on voulait les communiquer au ministre, celles-ci seraient examinées par des personnes compétentes qui diraient au ministre s'il convient de constituer une commission de révision. C'est le principe sur lequel ce système est fondé. Il faut de nouvelles preuves.

Une commission de révision donnera automatiquement un avis indépendant parce que les nouvelles données seront examinées par les personnes qui font les évaluations.

Le sénateur Hays: J'ai toujours des doutes au sujet de la nature de l'appel. Ce système peut être très efficace mais il y a apparence de manque d'impartialité de la part du décideur au cours des trois étapes. Je suppose qu'un plaignant a d'autres possibilités de recours aux termes de la loi. De toute façon, il serait préférable que les appels soient examinés par un organisme plus indépendant.

J'ai une dernière question à poser au ministre et c'est la première fois que j'ai l'occasion de le faire en public. Je voudrais qu'il fasse des commentaires sur les dispositions du projet de loi qui permettent le recours à des mesures économiques pour régler des problèmes tels que celui des émissions de gaz à effet de serre. Je constate que les dispositions de l'article 322 de la loi habilitante font mention de dépôts, de remboursements et d'unités échangeables mais pas de la troisième mesure économique normale, c'est-à-dire une taxe de pollution. Je sais que c'est délicat en ce qui concerne les hydrocarbures, mais les taxes de pollution constituent une mesure économique efficace et elles pourraient être appliquées également en ce qui concerne les composés sulfurés ou azotés, par exemple. Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet? Pourquoi le gouvernement exclurait-il le recours à ce type de mesure économique? Il y a peut-être une réponse à cette question.

Ce serait peut-être l'occasion de faire des commentaires d'ordre général sur le délai dans lequel vous prévoyez que l'on se servira de certaines de ces dispositions pour régler plusieurs problèmes que nous nous sommes engagés à essayer de résoudre. Je pense bien entendu à celui du changement climatique.

M. Anderson: J'ignore quels sont au cours de la genèse de ce projet de loi les termes qui ont été insérés et ceux qui ont été exclus, étant donné qu'il a été modifié par 470 amendements. Je laisserai aux personnes qui ont suivi tout le processus le soin de répondre à cette question. Je ne sais pas à quel moment certains termes ont été insérés ou d'autres retirés. M. Lerer pourrait peut-être nous le dire.

M. Harvey Lerer, directeur général, Bureau de la loi canadienne sur la protection de l'environnement, ministère de l'Environnement: Je ne pense pas que ces dispositions aient été modifiées à la suite de l'examen du projet de loi par la Chambre. Comme vous l'avez signalé, il est question des permis échangeables. Cette partie du projet de loi contient également des dispositions concernant le recouvrement des coûts.

En ce qui concerne les taxes de pollution, je dirais que je ne suis pas certain que le gouvernement les ai exclues. Certaines mesures ou d'autres lois du Parlement pourraient peut-être convenir mieux à ce genre de disposition. On a supposé que ce n'était peut-être pas le projet de loi le plus efficace pour appliquer le principe des taxes de pollution.

Le sénateur Hays: Je dois dire que je préférerais trouver ce principe dans ce projet de loi que dans la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le sénateur Chalifoux: Monsieur le ministre, je vous félicite d'avoir accepté de relever ce défi de taille. Notre pays est un pays très jeune. Il existe depuis un peu plus d'un siècle. Nous sommes passés de l'époque des chariots dans la vallée de la rivière Rouge à la conquête de l'espace. L'environnement doit être un des enjeux les plus dynamiques et les plus urgents à l'heure actuelle, surtout dans notre pays.

Je voudrais faire des commentaires sur une question dont j'ai discuté avec certains de vos collaborateurs hier, en ce qui concerne l'interprétation des définitions.

Au Canada, il y a l'Arctique et le Sud et entre les deux, la zone du Canada central. Cette zone inclut la région située au sud du 60e parallèle, qui s'étend jusqu'au nord d'Edmonton. Je m'occupe des problèmes auxquels sont confrontés les habitants de cette région depuis des années. On dirait qu'ils ont été oubliés. Cette région est peuplée d'Autochtones, c'est-à-dire de membres des Premières nations, d'un grand nombre de Métis et de quelques Inuits. Vous avez parlé de la chaîne alimentaire dans l'Arctique mais pas de la chaîne alimentaire de la zone du Canada central, qui est également très importante.

Je vous rappelle qu'à l'article 3, dans la définition du terme «gouvernement autochtone», vous excluez en fait toute possibilité ou tout besoin de consulter les Métis et les Inuits de ces régions. La Loi sur les Indiens ne les concerne pas. Pour le moment, nous ne connaissons qu'un seul gouvernement autochtone qui corresponde à cette interprétation, c'est celui de la Bande indienne de Sechelt.

Les Autochtones sont les gardiens de la terre, surtout dans ces régions. Nous consommons des aliments traditionnels et menons un style de vie traditionnel. Si je n'entends par hurler les coyotes, je suis perdue et je me sens seule. Je dois retourner là-bas. C'est notre mode de vie.

Pourtant, aucune disposition de ce projet de loi ne prévoit que vos agents de l'autorité ou vos enquêteurs doivent consulter les Métis, les Inuits ou les membres des collectivités des Premières nations qui ne vivent pas dans des réserves.

Je voudrais savoir par ailleurs quel est le lien entre ce projet de loi et les ententes provinciales. La plupart des Canadiens ignorent que plus de 60 p. 100 des cours d'eau canadiens coulent vers le Nord. Je parlerai principalement de l'Alberta puisque c'est ma province. Les usines de pâtes et papiers ont littéralement détruit plusieurs de nos cours d'eau dont le Wapiti. L'ancienne usine de pâtes et papiers de Procter & Gamble à Grande-Prairie a causé beaucoup de dommages. Nos poissons sont toxiques. Nos lacs sont pollués par le mercure. Nous ne pouvons plus manger la viande d'animaux et d'oiseaux contaminés. En outre, l'installation d'élimination de produits toxiques de la région de Swan Hills pollue le Petit lac des Esclaves.

Comment ce projet de loi peut-il aider le gouvernement de l'Alberta à régler ces problèmes?

Le problème de la pollution dans l'industrie pétrolière est également un problème de taille. Un homme qui a été accusé d'avoir saboté des installations pétrolières vient d'être libéré sous caution. Une fillette est morte de mort violente à cause de cet affrontement. Comment ce projet de loi contribue-t-il à régler ces problèmes ou à aider les provinces à les régler?

On a en outre décelé la présence de BPC et d'autres substances dans le lait maternel. Nos jeunes femmes souffrent. En six mois, six jeunes femmes, dont ma fille, sont décédées des suites de types de cancer jusqu'alors inconnus dans notre région. Comment ce projet de loi protège-t-il les habitants de la zone du Canada central et ceux du Nord et du Sud.

M. Anderson: Merci, sénateur. Vous avez très bien exposé les défis qui nous attendent. Je ferai de mon mieux pour répondre brièvement à certaines de vos questions.

Vous avez dit que c'est une tâche gigantesque. Je le reconnais. Nous avons beaucoup à faire. Nous sommes confrontés à des difficultés encore jamais vues. Ce sera un gros problème pour le gouvernement fédéral et pour les autres gouvernements.

Vos commentaires au sujet de la zone du Canada central et des habitants de cette région sont exacts. Nous avons identifié un groupe de personnes qui ne sont peut-être pas aussi visibles que les habitants du Nunavut en raison de divers événements historiques. Au cours des premiers siècles, à l'époque des contacts avec les Européens, ces personnes étaient en fait très connues grâce à la Compagnie de la Baie d'Hudson. Le peuple métis est issu des contacts avec les personnes établies dans cette région.

On persiste à croire que les origines du Canada ne remontent qu'à 130 ans mais ce n'est pas le cas; elles remontent à 500 ans. Au cours de la période qui a précédé la création de la Confédération, la zone du Canada central était la région la plus connue des Européens. C'est un fait historique qu'il ne faut pas oublier. Les événements historiques indiquent que la situation actuelle ne correspond pas nécessairement exactement à ce qu'elle devrait être.

Vous avez raison en ce qui concerne l'allusion aux autochtones dans les articles d'interprétation. Mon intervention dans ce processus est plutôt tardive. Je ne suis responsable de ce projet de loi que depuis trois semaines alors que son étude dure depuis six ans. Je n'ai aucune explication ni aucune excuse à donner. Tout ce que je peux dire c'est que c'est une mesure rudimentaire. Je suis certain que, grâce à vos rappels constants, nous n'oublierons pas ce problème quand nous mettrons le projet de loi en oeuvre. Rien ne nous empêche de tenir compte de la situation des Métis ni des autochtones qui vivent dans la zone du Canada central.

J'ai entendu très clairement ce que vous avez dit, comme d'habitude. Je sais que vous ne me laisserez pas oublier que des consultations et qu'une représentation de cette région sont nécessaires. Nous en discuterons certainement plus tard. Je reconnais que vos observations sont très pertinentes.

En ce qui concerne les ententes avec les provinces et les usines de pâtes et papiers, nous réalisons incontestablement des progrès. J'ai eu de longues relations parfois houleuses avec les usines de pâtes et papiers de la côte ouest de la Colombie-Britannique au cours des dernières décennies. Quand on a mon âge, on parle de décennies et pas d'années.

Les furannes et les dioxines ont été considérablement réduits, voire pratiquement éliminés. Je demanderai à mes collaborateurs de faire des commentaires à ce sujet.

Vous avez parlé de mercure. La quantité de mercure provenant de sources ponctuelles a été considérablement réduite mais nous avons maintenant des problèmes de pollution atmosphérique par le mercure. Il est indéniable que la pollution des bassins hydrographiques par le mercure, par la voie aérienne, est un problème de plus en plus inquiétant. Comme je l'ai déjà dit, je ne tiens pas à m'enliser dans des questions de détail concernant un seul projet de loi et à oublier d'essayer de régler avec les États-Unis les problèmes de la qualité de l'air. À propos, je rencontrerai un représentant de l'EPA dans environ six semaines.

La situation s'est améliorée. Nous serons davantage en mesure de prévenir ce genre de problèmes en répertoriant et quasi-éliminant les substances toxiques. C'est une bonne initiative pour toutes les régions du Canada. Je n'aborderai pas le problème de l'élimination des déchets toxiques, même si je suis certain qu'elle présente certains avantages.

Les dispositions de ce projet de loi s'appliquent également à l'industrie pétrolière. Certaines améliorations seront apportées mais je laisserai le soin aux experts de répondre aux aspects précis de cette question.

Vous avez signalé le problème des cancers. Je n'ai pas de renseignements détaillés sur ce problème de santé. Le sénateur Adams a bien exposé la situation et ses commentaires sont valables également pour d'autres régions du Canada. Ce n'est pas parce que nous avons parlé du Nord que nous oublions pour autant les autres régions.

Le cancer est un problème majeur. L'importance des aliments traditionnels n'est pas reconnue. Nous vivons dans une civilisation du supermarché et pourtant, la consommation d'aliments traditionnels est une tradition culturelle; c'est un mode de vie qui consiste à tirer sa subsistance de la terre. Il est important de reconnaître qu'il ne s'agit pas de méthodes bizarres, inhabituelles ou historiques. Les aliments traditionnels sont présents dans la vie quotidienne de bien des Canadiens. Je pense que nous essaierons de régler ce problème.

J'accepte vos critiques et je reconnais qu'il faut élargir le débat et appliquer l'analyse aux régions situées entre l'Arctique, y compris ses zones côtières, et le sud du pays.

Le sénateur Chalifoux: Comment les dispositions de ce projet de loi seront-elles appliquées dans le contexte des compétences des provinces en matière d'environnement?

M. Guimont: Les dispositions concernant l'équivalence sont maintenues dans le projet de loi C-32. J'explique brièvement. Par exemple, si le gouvernement fédéral a un règlement qui s'applique à l'échelle nationale alors qu'une province s'est dotée d'un règlement provincial concernant le secteur visé, comme celui de l'entreposage des BPC, la province peut demander un accord d'équivalence avec le gouvernement fédéral, pour autant que certains critères soient respectés. Nous tenons à ce que certains critères soient respectés. S'ils le sont, un accord d'équivalence est adopté et le règlement fédéral cesse d'être applicable.

D'après les dispositions du nouveau projet de loi, il y a révision après cinq ans et l'équivalence peut être prolongée mais elle n'est pas permanente. C'est le premier mécanisme fédéral-provincial.

L'autre mécanisme est ce que l'on appelle les ententes administratives qui sont des ententes fonctionnelles. Comme vous le savez, les deux paliers de gouvernement, à savoir fédéral et provincial, ont compétence dans le domaine de l'environnement. C'est ainsi que la fédération est organisée. L'actuelle LCPE et sa nouvelle version nous confèrent des pouvoirs qui nous permettent de conclure des ententes qui nous permettront d'éviter d'intervenir au même endroit en même temps. En effet, une double intervention n'est pas très efficace. Ces pouvoirs sont maintenus dans le projet de loi.

Enfin, outre ces deux mécanismes du projet de loi, il y a ce que l'on appelle l'«accord d'harmonisation» qui a été signé par les ministres provinciaux de l'Environnement et le ministre fédéral de l'Environnement. Cet accord codifie les éléments de base de la coopération fédérale-provinciale dans le domaine de l'environnement et son but est de nous permettre d'être aussi efficaces que possible et d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Voilà comment fonctionnent en gros ces divers mécanismes.

M. Anderson: À propos, j'enverrai une lettre au sujet de Swan Hills, si vous voulez.

Le sénateur Chalifoux: Je l'apprécierais beaucoup.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Quel genre de consultations avez-vous eu avec les provinces et quelles furent leurs réactions? Récemment, en deux occasions importantes, le gouvernement du Québec n'a pas appliqué sa propre loi en sautant la question des audiences publiques sur l'environnement en ce qui a trait aux lignes de transmission d'électricité dans la région de Saint-François et de Charlevoix. Les provinces ont-elles eu une réaction positive? Il s'agit de compétences partagées entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Quelle est la position du Québec? Est-il prêt à jouer les règles du jeu dans ce domaine?

M. Anderson: Les consultations avec les provinces ont été nombreuses et celles-ci nous ont beaucoup conseillés. Il est très important d'avoir leur participation. Les gouvernements provinciaux ont compétence sur l'environnement dans un pourcentage de 70 p. 100 par rapport à 30 p. 100 pour le gouvernement fédéral.

Par contre, s'il y a des responsabilités clairement défnies se rapportant à la santé ou à l'environnement, par exemple, je n'ai pas à consulter les provinces pour qu'elles me disent quoi faire. En ce qui concerne les consultations et la position prise par les différentes provinces, plus particulièrement la province de Québec, M. Guimont pourra mieux vous renseigner.

M. Guimont: Premièrement, pendant l'élaboration du projet de loi, nous nous sommes assurés d'une liaison constante avec les provinces au fur et à mesure que le travail progressait et ce, par le biais de téléconférences. Cela a permis d'échanger nos positions et d'en expliquer les raisons, de sorte que les provinces aient une bonne compréhension des changements proposés. Lors des discussions au comité de la Chambre des communes, mon collègue, Harvey Lerer, a toujours soutenu la communication avec les provinces.

Deuxièmement, à propos de la «Toxic Substances Management Policy», politique passée en 1996, je tiens à mentionner qu'il s'agit d'une politique fédérale qui est devenue essentiellement une politique fédérale-provinciale, supportée par les ministres de l'Environnement des provinces, y compris le Québec. La politique fédérale sur les substances toxiques a été discutée et certains ajustements y ont été apportés sur le plan lexical, mais l'essence de la politique est maintenant nationale et en ce sens elle inclut le Québec.

J'ai expliqué auparavant que la question de l'approche de l'élimination virtuelle était un parallèle entre cette politique et le nouveau projet de loi. Certaines provinces, parfois, ont voulu s'assurer que ce qui était proposé dans le projet de loi concernant l'élimination virtuelle -- ce que l'on retrouve dans les sections 65(1) à 65(3) -- était cohérent avec la politique qui avait été acceptée par le Conseil des ministres de l'Environnement. La réponse a été oui.

Le Québec a une position spécifique sur certaines sections et il sent qu'il a la capacité juridique de gérer ses problèmes environnementaux. En ce sens, il ne se sent pas nécessairement confortable avec le projet de loi tel que proposé.

Le sénateur Hervieux-Payette: Il ne se sent pas confortable sur quel plan? Juridique, scientifique ou opérationnel?

M. Guimont: Je suis incapable de vous répondre à ce sujet. Si ma mémoire est bonne, je sais simplement qu'une lettre a été envoyée à notre ministre de l'Environnement.

Le sénateur Hervieux-Payette: Même s'il y a controverse, est-ce que l'ensemble des provinces canadiennes nous suit dans l'esprit, la philosophie et les clauses de ce projet de loi? Est-ce que les provinces, le moment venu, tiendront compte de cette nouvelle loi et chercheront à s'en s'inspirer?

M. Guimont: De par les contacts que nous avons eus, je crois que les provinces comprennent ce qu'on veut faire et que la mesure du succès est dans la mise en oeuvre. La plupart du temps, les gens comprennent ces sections. Les provinces et nous, du ministère de l'Environnement, verrons à la mise en oeuvre si certaines modifications doivent être adoptées, mais a priori, les gens comprennent les différentes propositions et le contenu de la loi comme il est présenté en ce moment.

Le sénateur Hervieux-Payette: La dernière fois que je me suis penchée sur la question environnementale, il s'agissait d'un projet de loi qui soulevait aussi des controverses, c'était au sujet du MMT.

Alors compte tenu que votre ministère ne nous a pas fourni de preuves provoquant un doute raisonnable sur la toxicité, seriez-vous en mesure de nous dire où en est le dossier et si cette loi va nous permettre de régler le problème de façon intelligente?

Vous comprendrez que comme législateur, dans ce cas-ci, je trouve inconfortable d'avoir à ne pas appliquer une loi parce que nous n'avons pas eu, autant du côté du ministère de la Santé que du ministère de l'Environnement, les études nécessaires.

Pouvez-vous nous dire si ces études sont effectuées, si elles vous ont été soumises et si ce projet de loi va finalement nous donner les réponses que nous avons attendues de la législation concernant le MMT?

M. Guimont: Essentiellement, s'il est démontré que le MMT peut avoir un impact sur la santé humaine, la nouvelle loi nous permettrait de prendre une action. Il faut aussi souligner qu'il y a de nouveaux pouvoirs au niveau de la Partie 5 de la loi qui permettent de prendre une action réglementaire si une substance a un effet sur le mécanisme antipollution d'un véhicule.

Ce n'est pas le cas en ce moment. Concernant le MMT, il y avait deux éléments mis de l'avant. Nous croyons que la substance au travers du manganèse présent peut avoir des impacts sur la santé humaine -- Santé Canada a fait son évaluation là-dessus -- et que le MMT a un effet sur les systèmes de diagnostic électronique des nouvelles voitures, ce qu'on appelle les «Onboard Diagnostic System 2». Alors si un de ces deux cas se produisait, la LCPE nous permettrait clairement de prendre une action.

Le sénateur Hervieux-Payette: Qui va faire cette évaluation? Quel est le processus envisagé dans ce projet de loi qui permettra d'arriver à une décision concernant le MMT? Est-ce que c'est vous qui allez initier les études et qui ferez le suivi ou va-t-on attendre que les compagnies de voitures commandent et nous soumettent une étude? Quel outil ce projet de loi va-t-il nous fournir afin de recevoir l'information et qu'elle soit validée par votre ministère?

M. Guimont: Au niveau de la santé humaine, des études scientifiques ont été faites par des chercheurs. C'est un peu normal que ce soit sur le manganèse, sur un autre métal lourd ou une substance organique émanante. Je n'ai pas le détail de cela parce que cette information est colligée par Santé Canada, mais il a y a effectivement des études qui se font ou qui se feront. Cette information est transmise à Santé Canada qui en fait une évaluation par rapport à l'évaluation qu'ils ont faite en 1994, si je me rappelle bien.

Au niveau des véhicules, il y a un programme exhaustif -- des millions de dollars -- qui a été mis de l'avant par les manufacturiers de l'automobile aux États-Unis et qui est presque terminé. Cela fait déjà plusieurs années qu'il est en cours. C'est un programme complexe en ce sens qu'on prend les différents modèles de voitures, en parallèle, et on les fait tourner pour accumuler beaucoup de milles afin de déterminer les effets. L'information qui en résulte est une information technique qui n'est pas encore disponible. Lorsqu'elle le sera, elle sera examinée, évaluée, comprise, et à partir de là, une prochaine étape sera entreprise. En ce moment, au niveau de Santé Canada je suis mal placé pour en parler, mais en ce qui concerne le programme américain, l'information ne devrait être disponible que vers la fin de l'année.

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce vous qui vous occupez du suivi? Si oui, avez-vous un calendrier pour ce suivi? J'ai compris que la loi vous permettait d'intervenir une fois que vous aurez l'information, mais va-t-on toujours se fier à des études américaines ou est-ce vous qui avez exigé que les études américaines vous soient soumises à un moment précis?

Il me semble que sur une longue période de temps, ce n'est pas tellement crédible d'attendre qu'un autre pays nous fournisse la preuve que ce produit endommage les véhicules. Je comprends que pour Santé Canada, concernant la loi, ce soit le plan opérationnel que vous avez mentionné un peu plus tôt. À ce niveau, je suis d'accord avec vous qu'une loi est crédible lorsqu'elle peut être appliquée et qu'il y a des mécanismes de surveillance. Cependant, comment procédez-vous sur le terrain pour être capable de faire le suivi sur le MMT et, après cela, pour prendre les moyens qui sont dans votre loi?

M. Guimont: Je voudrais éclaircir un point au niveau de la LCPE. Ce n'est pas seulement une question d'utiliser la LCPE, il faut qu'il y ait un cas scientifique. C'est très important. Ce cas scientifique doit être documenté de la même façon qu'on documente, par exemple, la toxicité d'un autre métal lourd ou d'une autre substance. Ce n'est pas seulement de dire que parce que le mécanisme est là, on l'utilise. Le mécanisme est là, les pouvoirs aussi et ils sont assujettis à une approche scientifique.

Quant à l'échéancier des Américains, leur travail est déjà commencé depuis plusieurs années. Je n'ai malheureusement pas les détails, mais je pourrai vous les envoyer. Nous sommes en contact avec les manufacturiers de l'automobile américains. Comme je le mentionnais, leur étude est presque achevée. Lorsque l'information sera disponible, on va évidemment la revoir pour comprendre ce qu'ils ont fait et comment ils l'ont fait. On étudiera la validité de l'information, leurs conclusions, et cetera.

C'est un peu la même chose au niveau de la santé humaine. Je sais qu'il y a eu différents colloques sur la question du manganèse ou de la neuro-toxicité. Présentement, je n'ai pas les détails à savoir comment cela s'agence dans le temps et si ces colloques ont donné des conclusions qui sont disponibles, mais votre question est claire et je pourrai vous envoyer cette information.

M. Anderson: Si le cas scientifique des Américains est clair, qu'ils ont employé de bons moyens et qu'ils ont bien fait leur étude, il n'y a alors aucune raison de rejeter leurs résultats, mais c'est nous qui décidons si oui ou non ils ont bien fait leur étude. Vous avez raison, on ne peut pas examiner toute l'étude à partir du début, mais nous acceptons souvent l'information scientifique européenne ou américaine parce c'est la meilleure possible.

Le sénateur Robichaud: Vous avez parlé dans votre présentation de la pollution causée par les émissions des véhicules automobiles. Vous avez aussi parlé des petites machines: tondeuses, scies à chaîne, moteurs hors-bord, et cetera. Vous dites qu'actuellement, vous n'avez pas les outils pour mettre en place un régime de contrôle des émissions de ces machines.

Quel effet comptez-vous obtenir des mesures que vous allez mettre en place? Est-ce que cela diminuera la pollution atmosphérique causée par les émissions de petits engins?

M. Anderson: Beaucoup de rejets toxiques proviennent des petits moteurs, incluant les motomarines. Couper la pelouse pendant une heure pollue autant qu'une voiture roulant sur une distance de 500 kilomètres. Alors il y a clairement quelque chose à faire. Il y a 25 ans, en Californie, on ne pouvait pas employer des combustibles liquides pour les barbecues parce que cela augmentait le niveau de pollution. Nous n'avons pas le droit de faire la même chose sauf dans certains cas pour des véhicules. La quantité de pollution émise par chaque petit moteur est très élevée.

M. Guimont: Il me fera plaisir de vous faire parvenir une table très claire démontrant les quantités d'émissions rejetées par un véhicule ayant un moteur à deux temps. Qualitativement, les moteurs à deux temps consomment plus d'essence. De ce fait, ils émettent plus de dioxyde, de monoxyde de carbone et autres gaz. De plus, ils n'ont pas de système antipollution. Dans une tondeuse à gazon de deux ou trois chevaux-vapeur, il y a tout simplement un petit morceau de métal pour atténuer le bruit, c'est à peu près tout. La comparaison qu'a faite le ministre plus tôt entre la consommation d'une tondeuse et celle d'une voiture met les choses en perspective.

Dans le cas des moteurs hors-bord ou d'autres engins récréatifs estivaux utilisés sur un plan d'eau, la pollution se produit davantage quand il fait beau et chaud. Ce sont des conditions optimales pour la formation du smog urbain. Ce n'est pas seulement une question de quantité de moteurs, c'est aussi une question de concentration de leur nombre dans le temps. Lorsque nous additionnons le coupe-bordure, la tondeuse à gazon, le véhicule personnel à quatre roues motrices et le bateau hors-bord ensemble, même si on a l'impression qu'ils ne sont pas très nombreux, peut-être que les conditions dans lesquelles ils opèrent augmentent leur impact -- même si ce n'est pas directement proportionnel à la quantité d'émissions et même si les émissions, a priori, sont plus élevées qu'un moteur à quatre temps comme par exemple une voiture qui est très bien équipée pour diminuer les émissions.

Le sénateur Robichaud: Je suis d'accord qu'un peut polluer plus que l'autre, mais est-ce que vous allez encourager les Canadiens à s'acheter des moteurs à quatre temps plutôt qu'à deux temps ou allez-vous demander que certains mécanismes antipollutions soient installés sur ces petites machines?

M. Anderson: Nous allons faire les deux. Dans plusieurs endroits, le moteur à quatre temps est préférable. Il y a d'autres moyens pour améliorer la technologie des petits moteurs comme les moteurs à deux temps. L'amélioration de leur efficacité est bien possible et, de concert avec l'industrie, je crois que nous allons arriver à améliorer la situation actuelle.

Le sénateur Robichaud: Ma question reste la même. Quel effet pensez-vous obtenir? Vous parlez d'augmentation de la fréquence de l'asthme chez les enfants à cause de ce genre de pollution. Si vous avez identifié ces engins comme étant à problèmes, vous cherchez certainement à savoir quelle sorte de résultats cela va vous donner.

M. Anderson: C'est l'augmentation de la pollution dans l'atmosphère en général. Ce n'est pas que le jeune homme ou la jeune femme dans un bateau avec un moteur à deux temps qui sont affectés. C'est la contribution dans l'atmosphère en général et, concernant cette contribution, nous avons de chiffres à vous donner.

M. Guimont: Nous avons des évaluations. Je pourrai vous faire parvenir, avec la table, une projection de ce que cela veut dire. Nous travaillons avec des «pie charts» en ce qui concerne la contribution des gaz dans l'atmosphère, pour reprendre les mots du ministre. Nous sommes capables de voir quelle est la contribution dans un secteur donné.

Le sénateur Robichaud: Vous allez me dire qu'il y a un certain pourcentage qui est dû à tel genre de machine, mais quels sont les résultats que vous espérez obtenir lorsque vous mettrez en place les mesures pour contrôler ces émissions? Cela va les réduire de combien? De 2 p. 100, de 5 p. 100?

M. Anderson: C'est impossible d'obtenir une réponse sans avoir consulté l'industrie elle-même. En ce moment, tout n'est pas en place pour savoir quelles contributions pourraient être faites pour tel ou tel secteur. Avec la nouvelle loi, il sera possible pour nous d'aller consulter les gens de l'industrie et de savoir ce que nous pouvons faire avec ce problème. Si c'est nécessaire, nous pourrions leur donner un encouragement financier. C'est possible, rien n'est mis de côté. S'il est nécessaire d'avoir un certain niveau législatif, nous pourrons le faire.

En ce moment, tant que la loi n'est pas en place et que les consultations n'ont pas commencé, il n'est pas possible de donner des chiffres détaillés. Nous voulons faire de notre mieux, mais nous devons toujours prendre les coûts en considération.

M. Guimont: Nous avons eu des discussions avec différents manufacturiers de petits moteurs et plusieurs sont d'accord avec ce que le ministre a décrit. Nous aimerions obtenir des ententes au préalable avec les manufacturiers, de façon à bénéficier de réductions, sans attendre la réglementation, parce que cela risque de prendre un certain temps. Ce serait un processus en parallèle. Il serait préférable d'avoir des mémoires d'entente avec les différentes compagnies afin d'obtenir des résultats à court terme. Cependant, cela ne vous donne pas la réponse quant à savoir quelles seront les réductions. Je n'ai pas ces évaluations avec moi aujourd'hui.

Le sénateur Robichaud: Je voulais tout simplement savoir si vous aviez fait des projections. Vous parlez des mesures importantes de cette loi que vous pourrez mettre en place. La pollution atmosphérique pour ceux qui ont des problèmes respiratoires est d'une grande importance. Avez-vous une idée de la façon dont ces gens pourraient se sentir mieux par après?

M. Anderson: Nous n'en sommes pas à ce stade, parce que nous ne disposons pas des résolutions de la nouvelle loi qui nous fourniraient l'occasion d'aller voir les industries pour discuter des améliorations pouvant être apportées et des moyens à prendre pour les obtenir.

[Traduction]

Le vice-président: Un des défauts du projet de loi dont j'ai brièvement parlé hier est que l'on semble s'attaquer surtout à la pollution ponctuelle. Vous connaissez bien le Lower Mainland de la Colombie-Britannique et le couloir Hamilton-Toronto. Il faudrait peut-être examiner la situation de la même façon qu'on l'a fait dans le bassin de Los Angeles. Il faut commencer par limiter la pollution. Autrement dit, une tondeuse à gazon de plus, c'est trop. Ça empiète beaucoup sur les crédits de pollution et sur les échanges de droits d'émission.

Je voudrais savoir si le ministère a consacré assez de temps à réfléchir à un moyen de nous préparer un système de crédits de pollution et d'échanges de droits d'émission au Canada, étant donné qu'il faut tenir compte des provinces.

M. Anderson: Nous avons certainement beaucoup à apprendre de Los Angeles. Je me souviens d'avoir eu des contacts avec une commission sur la qualité de l'air dans le sud de la Californie; elle examinait un projet de construction de terminal pour pétroliers qui aurait produit des rejets considérables d'hydrocarbures. Dans ce cas, les promoteurs du projet ont racheté diverses autres entreprises polluantes causant une pollution équivalente. C'est la méthode dont vous parlez. Ils ont racheté toutes les teintureries dans un rayon de plusieurs milles. Je ne sais pas ce que la clientèle de ces teintureries a fait. Les promoteurs du projet ont pu dire qu'ils avaient fait une contribution. Le projet de terminal a toutefois été abandonné. Par conséquent, je n'ai jamais su comment l'affaire s'est terminée.

La question des échanges se posera certainement. Ce projet de loi ne l'aborde pas de façon aussi précise que votre question. Il faudra faire preuve de souplesse et examiner chaque nouveau processus. Les échanges de droits d'émission présentent certains inconvénients que les groupes écologiques ne tarderont pas à nous signaler. Par contre, c'est parfois une question de choix entre le mauvais et le pire ou entre une initiative qui est bonne et une situation moins agréable.

Nous examinerons d'autres mesures. Nous prenons bonne note de votre commentaire concernant les autres paliers de gouvernement. Nous ne voulons pas réinventer la roue. Il y a beaucoup d'exemples importants.

Ce qui est capital lorsqu'il s'agit de pollution aérienne venant de chez nos voisins du Sud, c'est d'établir un système standard avec la collaboration de l'administration américaine, comme on l'a fait dans une certaine mesure il y a une dizaine d'années en ce qui concerne les pluies acides. Le problème des pluies acides n'est toutefois pas encore complètement résolu. Cependant, la situation s'est considérablement améliorée.

Nous avons de nombreux alliés potentiels aux États-Unis. Lorsque leurs forces seront bien équilibrées, nos préoccupations pourraient faire pencher la balance en faveur d'une amélioration. Nous avons un rôle à jouer dans ce système américain. J'estime que c'est une situation comparable à celle qui a entouré le traité sur le saumon du Pacifique ou, avant cela, la question du pipeline de l'Alaska où des intérêts canadiens étaient en jeu. Nous devons saisir les bonnes occasions et choisir soigneusement nos tribunes pour que l'on tienne compte comme il se doit de nos intérêts.

Les discussions intergouvernementales habituelles ne sont pas toujours aussi efficaces qu'une intervention dans le système. Nous saisirons toutes les occasions de nous inspirer de modèles américains ou de collaborer avec les Américains quand leurs intérêts coïncident avec les nôtres.

Le sénateur Hays: Nous avons examiné de près la question de la réduction des émissions dans l'atmosphère, qu'il s'agisse d'émissions de soufre ou d'autres émissions toxiques, dans le contexte de la Clean Air Act américaine. Vous avez également parlé de la commission d'étude des ressources atmosphériques de Californie et des commissions de gestion de la qualité de l'air dans les divers bassins où l'on essaie de réduire les émissions. Vous avez dit que c'est un bon modèle pour le Canada. Vous pourriez peut-être nous donner plus de précisions à ce sujet. Vous êtes manifestement au courant des méthodes américaines.

Estimez-vous que nous aurions intérêt à nous inspirer de certaines de ces méthodes de réduction des émissions dans l'atmosphère? Certaines régions sont peut-être beaucoup plus motivées que nous, principalement à cause du problème concernant l'ozone troposphérique.

Certaines méthodes américaines pourraient-elles nous être utiles? Les Américains ont adopté en quelque sorte une approche concertée. En plus de ces méthodes, ils ont recours aux interdictions et au contrôle.

En ce qui concerne les approches volontaires, pouvez-vous expliquer comment elles contribuent à atteindre les objectifs?

M. Anderson: Un exemple est le cas de la pollution causée par les moteurs hors-bord en été, dont a parlé le sénateur Robichaud. Veuillez m'excuser si en trois semaines, je n'ai pas pu me renseigner suffisamment pour pouvoir répondre comme je le voudrais à vos questions.

Certains des mécanismes dont nous disposons pour essayer de régler les situations extrêmes ne sont pas assez précis. Dans certains cas, on ne voudrait imposer des restrictions que pendant une période de cinq à dix jours par an, lorsque les conditions sont les plus mauvaises. C'est une décision qui s'applique surtout à l'échelle locale ou provinciale dans certains cas. On impose parfois des interdictions générales au lieu d'interdictions temporaires. C'est un domaine où l'on pourrait à mon avis être plus efficace.

De toute évidence, lorsque certains niveaux sont dépassés, la pollution peut poser des problèmes critiques pour la santé. C'est évident si l'on fait le lien entre la température, la qualité de l'air et le nombre de personnes admises dans les hôpitaux. Par conséquent, on peut être plus efficace en appliquant les restrictions aux quelques journées critiques seulement.

Je me trompe peut-être en supposant que les Américains peuvent être plus efficaces que nous ou qu'ils ont de meilleurs cas que les nôtres. Dans la plupart des cas liés à la qualité de l'air, ils ont des problèmes plus graves que les nôtres. Ce sont des facteurs dont il faut tenir compte.

La remarque que vous avez faite à propos des émissions est très pertinente. Est-il possible de ne pas s'aligner sur un système américain lorsque l'on a affaire à une industrie intégrée, comme l'industrie automobile ou l'industrie pétrolière? C'est une question que je veux examiner de très près parce que, en ce qui concerne les émissions de soufre notamment, notre objectif est de les réduire à un niveau qui représente à peu près un dixième du niveau actuel. Nous ne tenons toutefois pas à provoquer des perturbations telles que le coût de l'opération soit supérieur aux avantages. Il faut voir ce que font les Américains pour instaurer un système qui ne provoque pas de perturbations.

Dans de nombreux cas, les frais ont été plus élevés qu'ils n'auraient dû l'être parce que nous nous étions trompés au sujet des réactions des Américains. Le cas le plus flagrant est peut-être celui de la métrisation. Nous avions supposé que les Américains adopteraient également le système métrique, mais nous nous sommes trompés. Par conséquent, l'industrie a eu des frais élevés parce qu'elle devait maintenir deux systèmes. Dans certains secteurs, nous avons intérêt à adopter un système analogue au système américain.

Le sénateur Hays: C'est une approche volontaire. Par exemple, divers codes de bonnes pratiques et protocoles d'entente servent de normes pour l'isolation d'une maison dans le but de réduire la consommation d'énergie. Le programme Défi-Climat sur les émissions atmosphériques se classe dans cette catégorie également. Pourriez-vous nous dire comment ces protocoles d'entente et codes de bonnes pratiques vous permettront de relever le défi que vous vous êtes fixé et d'atteindre vos objectifs en ce qui concerne les récompenses ou les motivations supplémentaires que vous voulez offrir pour améliorer l'état de l'environnement dans plusieurs domaines en faisant appel à la bonne volonté?

M. Anderson: La formule qui consiste à inciter les Canadiens à adopter volontairement un comportement social souhaitable est la solution idéale. Le problème, c'est l'effet d'entraînement. Quelques citoyens ont un comportement antisocial et d'autres se sentent obligés de les imiter sous prétexte de limiter leurs frais. Dans ce cas, un système volontaire n'est pas très efficace. Parfois, presque tous les citoyens sont conscients de leurs responsabilités sauf quelques-uns et, à cause d'eux, les mesures volontaires ne sont pas très efficaces et on ne s'en préoccupe plus.

On a de gros problèmes lorsqu'une ou deux personnes sont irresponsables car cette attitude incite les citoyens responsables à se comporter de la même façon. Les coûts sont alors très élevés. En instaurant un système coercitif, on s'assure que tous les citoyens soient responsables et, dès lors, les frais sont compris dans le prix du produit utilisé. Au lieu de faire payer la facture par le contribuable, le prix du produit concerné est rajusté en conséquence.

Il n'est pas possible d'être catégorique. Je préfère toujours une approche volontaire. Je préfère toujours collaborer avec l'industrie ou avec les provinces. Cependant, il est parfois nécessaire de prendre des mesures radicales, ne fût-ce que pour rendre le système volontaire efficace. Une certaine coercition et un certain contrôle sont nécessaires. Il est possible que l'on ne doive jamais y avoir recours mais la seule présence de mesures coercitives assure l'efficacité du système volontaire.

Le vice-président: Merci beaucoup. La dernière déclaration est probablement applicable au comité.

Vous nous avez donné des renseignements très intéressants. Je crois que tous les sénateurs ont posé les questions qu'ils avaient à poser et je suis sûr que les autres examineront très attentivement le compte rendu des délibérations d'aujourd'hui. Ils pourront même réécouter les enregistrements.

Le sénateur Robichaud: Monsieur le ministre, il est regrettable que le président ait invité d'autres sénateurs conservateurs à quitter la salle parce qu'ils auraient eu intérêt à entendre ce que vous avez dit.

Le vice-président: Merci. Reprise de la séance à 13h30.

La séance est levée.


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