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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 13 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 11 février 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-220, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le droit d'auteur (fruits d'une oeuvre liée à la perpétration d'un acte criminel), se réunit aujourd'hui à 17 h 19 pour en faire l'étude.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Je tiens à m'excuser et je vous remercie d'avoir eu la patience de nous attendre. Nous étions en réunion jusqu'à maintenant. Nous nous sommes dépêchés pour vous rejoindre.

Nous accueillons aujourd'hui M. Jeffrey House et Mme Marian Hebb, membres de la Law Union of Ontario. Si vous voulez bien commencer.

M. Jeffrey House, avocat, membre, Law Union of Ontario: Je tiens à vous remercier au nom de la Law Union of Ontario de nous avoir offert cette occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui à propos de cet important projet de loi. Je suis avocat au criminel et Mme Hebb est une spécialiste de la Loi sur le droit d'auteur. Nous espérons que vous en tiendrez compte au moment de poser les questions.

La Law Union of Ontario est fermement convaincue que le projet de loi dont vous êtes saisis comporte de graves lacunes tant sur le plan de sa constitutionnalité que sur le plan de la politique publique.

Quel que soit l'objet du projet de loi, nous considérons qu'il limite la liberté d'expression prévue au paragraphe 2b) de la Charte. À notre avis, la portée de ce projet de loi est beaucoup trop large à plusieurs égards. Tout d'abord, il porte atteinte à un droit garanti par la Charte et deuxièmement il utilise des moyens beaucoup trop généraux pour atteindre son objectif.

Le projet de loi vise le droit d'auteur non seulement d'oeuvres fondées en substance sur la perpétration d'un acte criminel, comme on en entend parler parfois lors de condamnations pour crime, mais aussi d'oeuvres qui relatent ou qui représentent la perpétration d'un acte criminel. Nous considérons qu'une oeuvre qui ne fait que mentionner un acte criminel en passant n'est pas une oeuvre qui relate en substance un acte criminel. Le projet de loi mentionne la création, au Canada ou hors du Canada, d'une oeuvre qui relate ou représente la perpétration d'une infraction réelle ou qui correspond essentiellement à une telle infraction. Nous estimons que les verbes «relate» et «représente» confèrent au projet de loi une portée très large que nous considérons tout à fait inacceptable.

Par ailleurs, nous estimons que le projet du projet de loi est d'une portée indue parce qu'il vise des infractions mixtes -- c'est-à-dire des infractions qui peuvent être poursuivies par mise en accusation ou par procédure sommaire. Le projet de loi englobe tous ces articles du Code criminel.

J'ai eu l'occasion de prendre connaissance du témoignage de M. Wappel. Il semble penser que ce projet de loi vise essentiellement des criminels comme Paul Bernardo ou Clifford Olson. J'ai préparé une brève liste d'autres articles du Code criminel qui tombent sous le coup du projet de loi. Il s'agit d'infractions mixtes. Autrement dit, les personnes reconnues coupables d'une des infractions figurant sur la liste pourraient être déchues de leur droit d'auteur si elles osaient mentionner leur crime dans un livre ou un autre type d'oeuvre d'art. Il y a le vol à l'étalage, provoquer quelqu'une à se battre en duel, prêter une arme à feu à une personne de moins de 18 ans, la mutinerie, le bookmaking, la polygamie, alarmer Sa Majesté, la trahison, et intimider le Parlement. Une vaste série d'infractions tombent sous le coup de ce projet de loi.

De toute évidence, le projet de loi n'exige pas l'emprisonnement des personnes en question. Il est même possible -- et je me fie à ceux d'entre vous dont le français est meilleur que le mien -- qu'il ne se limite pas aux personnes qui ont été déclarées coupables de crimes. Dans la version française du projet de loi, on lit «une personne a été déclarée coupable». Si je comprends bien, cela inclurait les personnes qui ont fait l'objet d'une absolution sous condition. Elles sont déclarées coupables mais libérées sous condition. Je me trompe peut-être car je reconnais que ma connaissance du français est limitée.

La présidente: On me dit que vous avez raison.

M. House: C'est bon à savoir. J'espère que ce ne sera pas la seule fois.

Il ne fait aucun doute dans notre esprit que tout acte qui prétend saisir les droits d'auteur d'un livre, d'un film ou d'un article de journal porte effectivement atteinte à la Charte, et le fait de prétendre que nous ne portons pas atteinte à la liberté d'expression mais confisquons uniquement les produits de cette expression est à notre avis un argument plutôt spécieux. Nous ne parlons pas nécessairement d'une personne en prison. La rédaction d'un livre sur une période de temps demande des efforts et il est plus difficile de faire des efforts s'ils ne sont pas rémunérés. Nous estimons que le fait de prétendre que l'unique objet de ce projet de loi est de confisquer les gains et non de porter atteinte à la liberté d'expression est un raisonnement spécieux.

Par analogie, il existe un certain nombre de pays dotés de merveilleuses constitutions qui assurent la liberté d'expression mais où il est illégal de posséder plus d'un certain nombre restreint de journaux. Ces pays ne peuvent produire qu'un nombre limité de journaux. Il s'agit d'une atteinte économique, d'une atteinte indirecte, à la liberté d'expression.

La Law Union vous a déjà fourni un mémoire écrit dont je vous recommande la lecture. Les oeuvres dont ce projet de loi rend la production plus difficile se rangent en trois catégories, et chacune de ces catégories doit faire l'objet d'un débat aussi vaste que possible. Le fait de rendre la production de ce type d'oeuvres beaucoup plus difficile constitue une faille importante du projet de loi, qu'il s'agisse d'une disposition anticonstitutionnelle, ce que nous estimons être le cas, ou simplement d'une très mauvaise raison d'ordre public.

La première des trois catégories -- et je sais qu'on vous en a parlé donc je serai bref -- est la catégorie «Je suis innocent». Malheureusement, dans ce pays comme ailleurs, il arrive effectivement que des personnes innocentes soient déclarées coupables de crimes. L'affaire Morin a été mentionnée tout comme l'affaire Marshall et peut-être l'affaire Steven Truscott.

Pour vous montrer l'importance de la chose, je vous demanderais de prendre en considération l'affaire Alfred Dreyfus. Il y a une centaine d'années, Alfred Dreyfus a écrit un livre à propos de sa prétendue trahison. Ce livre a été lu par Émile Zola qui, après avoir consulté Mathieu Dreyfus, le frère d'Alfred Dreyfus, a écrit J'accuse, l'un des plus importants articles de l'histoire de la France. Si Alfred Dreyfus n'avait pas pu écrire ce livre ou si on l'avait empêché de l'écrire, il ne fait aucun doute que cela aurait modifié le cours de l'histoire en France. Par conséquent, ce n'est pas parce qu'une personne a été reconnue coupable d'un crime qu'elle n'a rien à dire.

La deuxième catégorie est celle des personnes reconnues coupables et qui ont effectivement commis les actes dont elles ont été reconnues coupables mais qui contestent la validité de la loi. Au Canada, dans l'affaire Morgentaler, nous avons un exemple d'une personne qui a été emprisonnée et qui a peut-être collaboré à certains ouvrages. Je ne connais pas les détails financiers, mais ce sont peut-être les gains tirés de la publication de ces ouvrages qui ont permis d'obtenir un jugement final des tribunaux sur le caractère anticonstitutionnel de la loi même. Cela représenterait un changement important des dispositions d'ordre public du Canada.

Aux États-Unis, Martin Luther King a écrit Letter from the Birmingham Jail. Ce livre a connu beaucoup de succès dans les années 50 et a été financé en partie par le mouvement pour la défense des droits civils dans le sud des États-Unis. Ici encore, vous auriez une situation où tous les droits d'auteur de King, s'il avait convaincu quelqu'un de le publier, auraient été saisis.

Enfin, j'aimerais faire remarquer que cette deuxième catégorie dément l'un des arguments avancés par M. Wappel, à savoir qu'une personne innocente ne peut pas relater un crime. Un membre du comité a indiqué que cela est faux dans le cas de Donald Marshall qui était là et qui avait un point de vue différent du crime. Cela s'applique particulièrement aux personnes reconnues coupables de crimes et dont la condamnation est par la suite annulée après avoir été jugée anticonstitutionnelle. Manifestement, elles sont parfaitement au courant du crime. Morgentaler savait parfaitement comment aider quelqu'un à se faire avorter et il était important pour lui d'écrire pourquoi il avait agi ainsi et ce que cela comportait.

Troisièmement, il existe une catégorie d'oeuvres créées par des criminels qui se sont amendés. Les membres du comité se souviennent peut-être de l'ouvrage de Caryl Chessman qui avant d'être mis à mort aux États-Unis, a écrit un livre important à ce sujet. On a également parlé du livre de Roger Caron, Go Boy. Aux États-Unis, The Autobiography of Malcolm X et Soul on Ice de Eldridge Cleaver étaient tous deux des ouvrages qui relataient de façon incidente, et parfois plus, dans des chapitres importants, des crimes qu'ils avaient commis. Pourtant, ce sont des livres importants sur le plan historique aux États-Unis. Il serait déplorable d'adopter une politique qui entraverait la production de ce genre d'oeuvres.

Je songe également à John Dean qui a été reconnu coupable de parjure. Il a écrit un livre important à propos de la Maison-Blanche sous Nixon et les pressions qui ont été exercées sur lui pour qu'il se parjure. Et il y a bien d'autres exemples.

En conclusion, nous estimons que ce projet de loi est d'une portée beaucoup trop large sans aucune raison valable. Une interdiction plus limitée s'appliquant seulement à des cas précis pourrait avoir du sens, mais le paragraphe 163(8) du Code criminel déclare illégale toute publication dont une caractéristique dominante est l'exploitation indue de choses sexuelles et de l'un quelconque ou plusieurs des sujets suivants, entre autres le crime, l'horreur, la cruauté et la violence. La publication de ce genre de choses constitue une infraction.

Il existe probablement des dispositions législatives valables pouvant s'appliquer à l'aspect dont on doit véritablement s'occuper. Nous considérons que le reste n'est que faux-semblant politique.

Mme Marian Hebb, avocate, membre, Law Union of Ontario: Je parlerai du deuxième volet du projet de loi C-220, qui modifie la Loi sur le droit d'auteur en y ajoutant un article prévoyant que le droit d'auteur sur certaines oeuvres est dévolu à la Couronne, ce qui aura pour conséquence de restreindre la liberté d'expression et de constituer une contravention, de la part du Canada, à ses obligations internationales.

Le volet relatif au droit d'auteur du projet de loi C-220 comporte une note explicative qui indique que le projet de loi n'interdit pas la publication, mais vise seulement à faciliter la saisie des profits en découlant. C'est inexact. Le projet de loi prévoit en effet la déchéance automatique du droit d'auteur qui appartiendrait autrement à l'auteur de l'infraction. Comme le droit d'auteur naît au moment de la création d'une oeuvre écrite et non seulement lors de sa publication, l'auteur perd ses droits avant même de pouvoir en disposer. Seul le titulaire du droit d'auteur peut autoriser la publication de son oeuvre, et au moment où il est déchu de son droit d'auteur, l'auteur perd son droit de publier, et non uniquement son droit de toucher des redevances ou d'autres sommes.

Malgré l'apparente intention des parrains de ce projet de loi, l'auteur perd ainsi le droit d'exprimer ses idées en les publiant. Par conséquent, seule Sa Majesté, en tant que titulaire du droit d'auteur, peut autoriser la publication. Le gouvernement peut interdire l'oeuvre ou, s'il choisit de publier l'oeuvre en question, il peut en censurer certaines parties. Pour cette raison, le projet de loi viole également la liberté d'expression garantie par le paragraphe 2b) de la Charte.

Cela constitue-t-il une limite raisonnable à la liberté d'expression, comme le prévoit l'article 1 de la Charte? Si le projet de loi avait une portée suffisamment limitée et précise pour empêcher seulement les Bernardo de ce monde de créer des oeuvres à sensation au sujet de leurs crimes et d'en tirer profit, il pourrait être défendable. Mais en fait, le projet de loi a une portée beaucoup plus large. Il est susceptible de viser un grand nombre d'oeuvres dont on aurait tort de décourager la publication. Mon collègue vous en a donné des exemples.

Nul ne sait la signification que les tribunaux donneront à une oeuvre qui relate en substance la perpétration d'une infraction en particulier ou les circonstances dans lesquelles elle a été perpétrée. Ce libellé est beaucoup plus important dans la partie relative au droit d'auteur du projet de loi C-32 que dans celle qui modifie le Code criminel.

Que signifie l'expression «qui relate en substance»? Une personne est assurément en droit de savoir si l'oeuvre qu'elle produira tomberait sous le coup des nouvelles dispositions. Les cas extrêmes ne font pas vraiment de doute. Le récit à sensation de la perpétration d'une infraction tomberait sous le coup des dispositions du projet de loi relatives au droit d'auteur mais une oeuvre qui ferait allusion de façon incidente à la même infraction dans le cas d'une longue autobiographie, par exemple, échapperait probablement au projet de loi. Par contre, elle tomberait sous le coup des dispositions du projet de loi portant sur le Code criminel. Même la mention d'une oeuvre autobiographique correspondrait à la description d'une oeuvre qui relate quelque chose.

Entre ces deux extrêmes, il existe une vaste zone grise dans laquelle peuvent se retrouver un grand nombre d'oeuvres potentielles et au sujet desquelles la loi ne donne aucun indice. L'auteur Rudy Wiebe, qui s'est vu décerner le Prix du Gouverneur général, est en train de rédiger un livre en collaboration avec Yvonne Johnson, une femme autochtone emprisonnée pour meurtre. Les auteurs craignent que le livre tombe sous le coup du projet de loi C-220. Leurs craintes seront sans doute partagées par l'éditeur.

Si elles sont adoptées telles quelles, ces nouvelles dispositions auront, même si elles sont contestables, un effet dissuasif sur les auteurs et les éditeurs qui n'ont ni l'envie, ni les ressources nécessaires pour faire face à des poursuites en justice imprévisibles et prolongées. On a dit pendant les délibérations de votre comité que les dispositions du projet de loi ne sont pas rétroactives. Le paragraphe 12.1 du projet de loi ne mentionne pas la création d'une oeuvre mais parle plutôt de sa publication. Le paragraphe 12.1 parle d'une oeuvre créée, préparée ou publiée. La définition de «publication» dans la Loi sur le droit d'auteur désigne une activité permanente de publication et non uniquement une première publication. Il est possible qu'un livre soit publié depuis dix ans mais s'il tombe sous le coup de cet article, cela pourrait en empêcher la réimpression, et une édition en livre de poche attirerait probablement l'attention. On a beaucoup parlé de cet article concernant la rétroactivité et c'est un réel problème.

Le droit d'auteur est un domaine qui relève de la compétence exclusive fédérale et la Loi sur le droit d'auteur définit ce droit. Si la Loi sur le droit d'auteur devait être modifiée pour éteindre certains droits dans certaines circonstances, il pourrait être difficile de prétendre que le gouvernement n'avait pas la compétence voulue pour le faire. La question est toutefois différente lorsque le droit d'auteur est retiré au créateur et dévolu au gouvernement. La propriété intellectuelle du créateur lui est enlevée et il est privé de l'argent auquel il a droit au même titre que si on lui confisquait son compte en banque. Je qualifierais cela de préemption de droits contractuels.

Indépendamment de tout problème interne de ce genre, en modifiant la Loi sur le droit d'auteur pour permettre la déchéance du droit d'auteur détenu par certains auteurs protégés au Canada en vertu de notre Loi sur le droit d'auteur, le Canada contrevient à ses obligations internationales, c'est-à-dire à la Convention de Berne, à l'ALENA et à l'APIC qui constitue une annexe de l'accord créant l'Organisation mondiale du commerce.

La Convention de Berne crée des droits minimaux et n'autorise certaines restrictions à la protection accordée que dans des cas spéciaux qui n'entrent pas en conflit avec l'exploitation normale de l'oeuvre ou qui ne portent pas abusivement atteinte aux droits légitimes de l'auteur. Bien que les gouvernements aient invoqué certaines dispositions de la Convention de Berne pour justifier la censure, il est en règle générale entendu que la Convention ne permet pas la déchéance des droits d'auteur.

Nous concluons donc que le projet de loi C-220 est peu souhaitable sur le plan social étant donné qu'il porte atteinte de façon injustifiable au droit à la liberté d'expression qui est garanti par la Charte des droits.

Le projet de loi ne tient aucunement compte du fait que les oeuvres créées par des personnes reconnues coupables d'une infraction peuvent être valables sur le plan social et politique et qu'elles peuvent contribuer à la compréhension par le public des graves problèmes auxquels est confrontée la société canadienne. De plus, la saisie du droit d'auteur par la Couronne contrevient aux obligations contractées par le Canada en vertu de la Convention de Berne et d'autres traités internationaux.

Nous vous remercions de l'attention portée aux questions que nous avons soulevées devant vous et nous vous exhortons à recommander au Sénat de rejeter le projet de loi C-220.

Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur Cogger: Dans le résumé de votre mémoire, vous indiquez que même si cette loi relève de la compétence fédérale, elle est incompatible avec les lois provinciales de l'Ontario qui traitent de la même question. De quelle loi s'agit-il?

M. House: Mme Hebb est peut-être mieux en mesure de vous en parler. Il existe une loi ontarienne en vigueur. Je crois comprendre que la loi fédérale proposée pourrait remplacer la loi ontarienne puisqu'il s'agit d'une sphère de compétence qui relève en définitive du gouvernement fédéral.

Mme Hebb: Je ne me souviens plus du numéro de la loi ontarienne, mais c'est une loi qui a fait couler beaucoup d'encre et qui ne peut servir de modèle. Je ne dirais pas qu'elle évite toutes les questions de constitutionnalité, mais elle prévoit le versement de sommes au curateur public, qui doit les conserver dans un fonds pendant cinq ans au profit des victimes qui soumettraient des demandes en dommages-intérêts. Le projet de loi dont vous êtes saisis irait à l'encontre de cette loi en ce sens que, si le droit d'auteur est retiré, le gouvernement -- c'est-à-dire la Couronne -- en tant que titulaire du droit d'auteur, deviendrait propriétaire de ces sommes et le curateur public de l'Ontario serait obligé de demander au gouvernement de lui remettre cet argent.

M. House: Il s'agit de la Loi sur le droit des victimes aux gains réalisés à la suite d'un acte criminel. Elle a été adoptée en décembre 1994.

Le sénateur Cogger: A-t-elle été contestée devant les tribunaux?

M. House: Je ne le crois pas.

Mme Hebb: Par encore, mais je crois comprendre qu'elle le sera bientôt. La loi ontarienne s'inspire de la version originale de la loi en vigueur dans l'État de New York, la loi dite du fils de Sam, qui a été jugée inconstitutionnelle. La loi de New York a depuis été révisée pour éviter qu'elle ne soit déclarée inconstitutionnelle, comme ce fut le cas pour la première.

Le sénateur Cogger: Logiquement, en supposant que l'on juge cette loi constitutionnelle, et cetera, d'après votre mémoire, cette question devrait essentiellement relever de la compétence provinciale parce qu'elle concerne la propriété et les droits civils.

Mme Hebb: C'est exact.

M. House: Il y a des arguments à l'encontre de cette thèse -- et je ne crois pas que tout soit aussi simple -- mais nous estimons que cette question relève essentiellement de la compétence des provinces et non du fédéral.

Le sénateur Cogger: Madame Hebb, j'ai été étonné de vous entendre dire que, si le projet de loi avait une portée suffisamment limitée pour empêcher les Bernardo de tirer profit de leurs crimes, il pourrait être défendable, sauf que le projet de loi de M. Wappel semble avoir une portée beaucoup trop vaste. Pourriez-vous préciser votre pensée?

Mme Hebb: J'aimerais faire une mise au point. Ce que j'espère avoir dit, c'est que le projet de loi pourrait être défendable parce que c'est un des risques que nous devons prendre dans une société démocratique. Même si c'est très déplaisant, nous devons entendre ce que ces personnes ont à dire. Je crois qu'il existe déjà des recours pour ce genre de situations. Si M. Bernardo gagne beaucoup d'argent, je suis certaine qu'il va faire l'objet de poursuites. Je doute beaucoup qu'il puisse garder cet argent. Ce projet de loi, à mon avis, vise à créer un «effet apaisant». Il est difficile de le critiquer sans donner aux gens l'impression que vous vous portez à la défense de Bernardo.

M. House: Si le projet de loi portait atteinte d'une façon ou d'une autre à un droit garanti par la charte, le gouvernement serait obligé de démontrer, d'abord, que le projet de loi répond à une préoccupation urgente et réelle. Il n'y aurait rien de plus simple, sauf que, dans ce cas-ci, il n'arriverait sans doute pas à le faire. Ensuite, le gouvernement serait tenu de démontrer que le projet de loi satisfait le critère de proportionnalité et qu'il restreint de façon très limitée le droit à la liberté d'expression. Il est clair que le gouvernement n'arriverait pas non plus à démontrer cela.

Le sénateur Cogger: La loi ontarienne serait donc beaucoup plus susceptible de satisfaire ces critères. Elle semble mettre l'accent sur le partage des profits, en ce sens qu'elle donne aux victimes ou aux personnes qui présentent une demande en dommages-intérêts la possibilité d'avoir accès à l'argent, mais ne prive pas carrément les auteurs de leur droit d'auteur.

M. House: Dans un sens, le projet de loi s'empare des profits éventuels avant que les victimes n'aient eu l'occasion d'y avoir accès.

Le sénateur Cogger: Il va beaucoup plus loin que cela. Il retire le droit d'auteur.

Mme Hebb: Une fois le droit d'auteur retiré, il n'y aura sans doute pas beaucoup d'ouvrages qui seront publiés. C'est l'effet que produira le projet de loi.

Le sénateur Lewis: Il n'y aurait pas de profits.

Mme Hebb: Oui. Un éditeur n'oserait pas publier un ouvrage comme celui-là, à moins d'avoir beaucoup d'argent.

Le sénateur Gigantès: Vous avez dit que le projet de loi est mal rédigé. J'ai fait la même observation dans une lettre adressée à M. Wappel, mais ce dernier m'a dit aujourd'hui que je n'avais pas le droit de faire un tel commentaire avant que le comité ne se soit prononcé sur la question. Il a peut-être raison. Il a cru, et il n'avait pas tout à fait tort, que je me faisais le porte-parole du comité, et je souhaite présenter mes excuses aux membres du comité. Néanmoins, j'ai dit que le projet de loi était mal rédigé, et vous avez fait la même remarque. Pouvez-vous nous donner des précisions là-dessus?

M. House: Il y a plusieurs dispositions qui sont mal conçues, comme, par exemple, celle qui précise que l'oeuvre doit relater, en substance, la perpétration de l'infraction ou les circonstances dans lesquelles elle a été perpétrée. Toute oeuvre qui relate, en substance, la perpétration d'un crime en relate également les circonstances. Le mot «ou», ici, est inutile.

L'autre exemple -- et il s'agit d'une question technique, mais qui soulève des inquiétudes -- c'est que le projet de loi ne fait aucunement mention des infractions de criminalité organisée. Je ne sais pas si on en a déjà discuté devant vous, mais on ne peut pas modifier la définition de «produits de la criminalité» et s'attendre à ce que cela ait un effet en droit parce que, si l'on se fie à ce que disent l'article 462.3 et les articles suivants du Code criminel, il n'y a aucun effet en droit, sauf s'il s'agit d'une infraction de criminalité organisée.

Je ne sais pas si les rédacteurs l'ont libellé de cette façon parce qu'ils ne veulent pas que la première partie du projet de loi ait un effet en droit, mais il en aura un. Ceux qui ont rédigé le projet de loi n'ont pas vraiment tenu compte des dispositions du Code criminel.

Mme Hebb: Je crois que l'ordonnance de confiscation peut uniquement être rendue au moment du prononcé de la peine.

M. House: Oui; c'est ce que dit la loi.

Mme Hebb: C'est une autre lacune.

Le sénateur Gigantès: D'après M. Wappel, l'ordonnance de confiscation est rendue au moment du prononcé de la peine, sauf qu'elle est rétroactive à la date du dépôt de l'accusation. Est-ce que c'est une mauvaise chose en soi?

M. House: À mon avis, cela veut dire que les conséquences négatives du projet de loi, soit que toute personne déclarée coupable d'un acte criminel, y compris de vol à l'étalage, ne peut publier un livre là-dessus, seraient rétroactives à la date du dépôt de l'accusation. Manifestement, si vous êtes un éditeur et que vous voulez publier un ouvrage, vous savez que vous devez attendre deux ans avant que le procès n'ait lieu. Une fois celui-ci terminé, vous savez que l'ordonnance pourrait être rétroactive à la date du dépôt de l'accusation. Par conséquent, vous ne voudrez pas conclure de contrat parce que vous ne savez pas si la partie contractante détient un droit d'auteur.

Le sénateur Gigantès: La personne qui finirait par être déclarée innocente n'aurait pas le droit, en vertu de ce projet de loi, d'écrire quoi que ce soit durant son procès pour se défendre. Elle pourrait, à la longue, être innocentée.

M. House: Le projet de loi le lui interdirait.

Le sénateur Gigantès: Prenons l'exemple de l'ancien ministre fédéral John Munro, qui a été accusé et ensuite innocenté 10 ans plus tard. Si ce projet de loi avait été en vigueur, il aurait eu de la difficulté à trouver un éditeur qui aurait accepté de publier un ouvrage dans lequel il explique son point de vue.

M. House: Oui, parce qu'il pourrait finir par être reconnu coupable. En fait, le projet de loi ne s'applique qu'aux personnes déclarées coupables. Néanmoins, quand vous êtes prudent en affaires, vous ne concluez pas de contrats et ne produisez pas beaucoup d'ouvrages qui finissent par appartenir à la Couronne.

Mme Hebb: Nous savons aussi que, dans les affaires Morin, Marshall et Milgaard, les ouvrages et les articles rédigés au cours de la période durant laquelle ces gens ont été déclarés coupables ont été très utiles puisqu'ils ont provoqué la tenue de nouveaux procès. Ces personnes ont, par la suite, été innocentées. Cela ne serait pas possible en vertu du projet de loi.

Le sénateur Gigantès: À votre avis, quelles améliorations pouvons-nous apporter au projet de loi? M. Wappel a dit aujourd'hui que si le projet de loi comporte des lacunes, il revient au Sénat de les corriger.

M. House: Je ne crois pas pouvoir vous aider à ce chapitre, mais je tiens à vous donner mon opinion là-dessus.

Il y a peut-être beaucoup de gens au Canada qui croient que les crimes commis par Paul Bernardo sont obscènes et qu'il ne devrait pas avoir le droit de tirer profit de ces actes. Si le projet de loi est perçu comme une sorte de loi sur l'obscénité, il faut alors tenir compte des facteurs que la Cour suprême du Canada a pris en considération dans l'affaire R. c. Butler. La Cour a en effet statué que le paragraphe 163(8) du Code criminel porte atteinte à la liberté d'expression, mais que cette atteinte est justifiée vu sa portée très limitée.

Si le comité décidait qu'il voulait, malgré tout, reformuler le projet de loi, je lui dirais alors de tenir compte de ce qu'a dit M. Wappel. Il n'a pas parlé de vols à l'étalage, mais uniquement de deux cas atroces. Ma réaction serait, «D'accord. Parlons de ces atrocités. Parlons des tueurs en série.» Il y aurait toujours atteinte à la liberté d'expression, mais on pourrait peut-être un jour soutenir que cette atteinte était justifiée, compte tenu de l'existence de préoccupations urgentes. Je n'en suis pas tellement convaincu, mais il y a, à tout le moins, certaines possibilités.

Mme Hebb: J'examinerais les deux dispositions séparément. En ce qui concerne la disposition sur le droit d'auteur, je ne crois pas qu'elle soit défendable. Elle comporte de sérieuses lacunes. Vous ne pouvez pas utiliser la Loi sur le droit d'auteur pour enlever le droit d'auteur à un créateur et le déléguer à quelqu'un d'autre. Cette disposition constitue un énorme embarras pour le Canada.

La disposition qui modifie le Code criminel comporte également de sérieuses lacunes parce qu'elle empiète sur la compétence des provinces. Elle traite à la fois le Code criminel et de la Loi sur le droit d'auteur. Je ne vois pas comment vous pouvez la remanier.

Le sénateur Gigantès: Mais le droit criminel ne relève-t-il pas du gouvernement fédéral? Le Code criminel est promulgué par le gouvernement fédéral et appliqué par les provinces. Ai-je tort ou raison?

M. House: Vous avez raison. Il faut d'abord voir si le projet de loi traite effectivement d'une affaire de droit pénal ou d'une question qu'on essaie de faire passer pour une affaire de droit pénal.

Ces questions sont très complexes, et je crois qu'il y a des arguments à l'encontre et à l'appui de cette thèse. De manière générale, nous estimons que le projet de loi ne traite pas d'une affaire de droit pénal, mais d'une affaire de droit contractuel. Évidemment, on pourrait soutenir le contraire.

Le sénateur Gigantès: Supposons que nous avons un violeur en série dont la première victime a été sa propre fille, qui est restée profondément traumatisée par cette expérience. Elle se rend en prison et dit, «Papa, pourquoi m'as-tu fait cela?» Elle écrit un livre à ce sujet pour se libérer de ce traumatisme. Si j'ai bien compris, les profits tirés de cet ouvrage pourraient être confisqués en vertu de ce projet de loi, n'est-ce pas?

M. House: Oui. Il n'y a aucun doute là-dessus.

Ce que je trouve étrange, c'est que le projet de loi englobe les membres de la famille. Vous pourriez en effet essayer de contourner le projet de loi en faisant en sorte que les profits soient versés aux membres de votre famille. Toutefois, il y a de nombreuses personnes qui ne font pas partie de la famille, mais avec lesquelles vous entretenez des liens d'amitié, et vous pourriez peut-être vous en servir pour contourner le projet de loi. Je trouve cette démarche très étrange parce que si vous faites partie de la famille du violeur en série, vous ne pourriez pas tirer profit du crime qu'il a commis, même si vous êtes la victime. La loi ontarienne, elle, garantit le versement de certains profits à la victime, chose qui serait impossible en vertu de ce projet de loi.

Le sénateur Gigantès: Ce projet de loi ne pourrait pas être appliqué rétroactivement à M. Clifford Olson, n'est-ce pas?

M. House: Il détiendrait toujours le droit d'auteur.

Mme Hebb: Il n'a encore rien publié.

Le sénateur Gigantès: Son avocat a mis sur pied, aux États-Unis, une petite entreprise qui vend des vidéocassettes où l'on voit M. Olson décrire ce qu'il faut faire pour enlever un enfant et lui faire subir toutes les horreurs qu'il a fait subir à ses propres victimes. Ces vidéocassettes constituent une des sources de revenu de M. Olson.

Mme Hebb: Ce matériel continue d'être vendu. Je pense qu'il serait visé par l'article 12.1 que je vous ai lu plus tôt, même si certains de vos comptes rendus laissent entendre le contraire. J'espère que cela ne vous encouragera pas à adopter le projet de loi. Je crois que ce type de matériel serait visé.

M. House: Ce que je trouve encore plus étrange, c'est que Clifford Olson explique comment enlever des enfants et leur faire subir toutes sortes de choses sans jamais faire allusion à ce qu'il a fait. Un monstre peut avoir plusieurs visages; il n'est pas nécessaire qu'il décrive un crime en particulier. Il pourrait dire: «Je n'ai pas fait cela, mais voici ce que je voudrais que vous fassiez.»

Le sénateur Lewis: Je pense que nous connaissons tous l'objet du projet de loi. Je suppose qu'il s'attaque essentiellement à ces crimes horribles. C'est pour cette raison que vous avez établi cette liste.

M. House: Je l'ai préparée hier soir. Elle aurait pu être beaucoup plus longue.

Le sénateur Lewis: C'est ce que j'ai pensé. Quand on dit qu'une personne est déclarée coupable d'un acte criminel, je suppose qu'on fait allusion à certains des actes qui sont énumérés ici.

M. House: On fait allusion à une infraction mixte, à un acte criminel ou à une infraction pouvant faire l'objet d'un acte d'accusation.

Dans bon nombre de ces cas, la Couronne choisit de procéder par voie sommaire. Toutefois, elle peut également procéder par voie de mise en accusation. Le projet de loi engloberait également les infractions mixtes. Bon nombre des infractions qui sont commises constituent des actes criminels et très peu, des infractions mixtes.

Le sénateur Lewis: Certaines d'entres elles semblent ridicules.

M. House: Que le projet de loi aurait des conséquences ridicules était prévisible. Reste à savoir s'il faudra attendre trois mois, six mois ou un an pour voir les résultats. Il y aura des cas que personne ne sera en mesure de justifier.

Le sénateur Gigantès: Vous ne mentionnez pas la polyandrie.

M. House: Non. Est-ce que j'ai mentionné la polygamie?

Le sénateur Gigantès: Oui. Est polygame celui qui a plusieurs femmes. Est polyandre celle qui a plusieurs maris.

M. House: On retrouve les deux définitions dans le Code criminel. Il faudra que je les relise.

Le sénateur Beaudoin: J'ai essayé de trouver une raison d'appuyer ce projet de loi, et je dois avouer que je n'en ai trouvé aucune. Ce projet de loi sert uniquement à supprimer deux possibilités. Autrement dit, on ne veut pas que des monstres puissent tirer profit de leurs crimes. Est-ce bien cela?

Plus nous analysons le projet de loi, plus nous nous rendons compte qu'il empiète sur le partage des pouvoirs et la Charte des droits et des libertés. Comment peut-il être justifiable en vertu de l'article premier de la Charte, sauf dans le cas de l'affaire Bernardo, entre autres.

Ce projet de loi me pose beaucoup de problèmes. On retire à une personne son droit d'auteur parce qu'elle tire profit des crimes qu'elle a commis. Je comprends cela. Les gens sont frustrés. Ils disent, «Bernardo ne devrait pas pouvoir tirer un million de dollars de ses crimes.» Je comprends cela, mais c'est une sanction que l'on ajoute à la sentence.

En vertu de notre régime, la personne qui commet un crime perd sa liberté. Elle est emprisonnée. Toutefois, elle peut hériter un million de dollars de son père ou rédiger un ouvrage magnifique sur tel et tel sujet. Dans ce cas-là, nous disons, «C'est très bien, mais si vous tirez profit de vos crimes, nous allons confisquer cet argent.» Soit que cette question relève de la compétence des provinces, soit qu'elle constitue une démarche purement négative. C'est ce que je n'arrive pas à comprendre.

Si une personne dit: «J'ai commis des crimes. J'ai été atroce. J'ai commis une grave erreur. Je vais maintenant écrire un beau livre pour les jeunes, leur dire de ne pas faire cela, d'être juste et équitable», et cetera, elle ne pourra pas écrire quoi que ce soit en vertu de ce projet de loi. Cette personne peut également être victime d'une erreur judiciaire, comme cela ce produit à l'occasion.

Le sénateur Gigantès: Il est possible que cela se produise souvent.

Le sénateur Beaudoin: C'est exact. C'est quelque chose qui arrive. Dans un cas comme celui-là, la personne qui n'est pas coupable devrait avoir le droit d'écrire un livre pour expliquer son innocence.

Ce que je ne comprends pas, c'est que le projet de loi punit une personne parce qu'elle gagne de l'argent. Je trouve cela étrange. Je comprends la frustration que ressentent les gens parce qu'ils ne voient pas pourquoi une personne devrait tirer des gains d'un crime qu'elle a commis. Toutefois, si la personne gagne de l'argent, c'est parce qu'elle possède un droit d'auteur qui est autorisé par la loi. Si cela va à l'encontre des dispositions du Code criminel qui traitent, par exemple, de la pornographie, cette personne est toujours assujettie au Code criminel, n'est-ce pas?

M. House: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Cette personne peut également faire l'objet de poursuites si elle enfreint une des dispositions du Code. Mis à part les sanctions qu'il impose, je ne vois pas la raison d'être de ce projet de loi.

Le sénateur Gigantès: Que se passe-t-il si la personne ne vend aucune copie de son oeuvre?

Le sénateur Beaudoin: Comment puis-je voter pour un projet de loi qui empiète sur les pouvoirs provinciaux définis à l'article 92, soit la propriété et les droits civils, et qui prive une personne des produits tirés d'un droit d'auteur? Comment pouvons-nous voter pour un projet de loi qui limite la liberté d'expression -- sauf si le parrain du projet de loi est en mesure d'établir qu'il est juste, dans une société libre et démocratique, de saisir les produits tirés du droit d'auteur.

M. House: Il s'agit là d'un argument très important qui suffit à justifier toute atteinte aux droits fondamentaux, chose qu'on ne peut pas faire dans ce cas-ci.

Le sénateur Beaudoin: Oui, mais ne serait-il pas préférable de dire, «Vous gagnez un million de dollars grâce aux atrocités que vous avez commises. Vous allez faire l'objet de poursuites en vertu du droit civil ou de la common law.» On pourrait dire cela, non? Si une personne tire profit des crimes qu'elle a commis, rien n'empêcherait une famille ou les victimes du crime d'intenter des poursuites contre elle, au civil.

M. House: Il serait préférable pour la victime que ce soit l'auteur du crime, et non le gouvernement, qui détienne les profits.

Le sénateur Beaudoin: Si j'ai bien compris -- et corrigez-moi si je me trompe -- le droit d'auteur est dévolu à la Couronne.

M. House: Il n'est pas dévolu à la Couronne; c'est elle qui s'en empare.

Le sénateur Beaudoin: La Couronne n'a rien fait, mais elle se trouve à être le titulaire du droit d'auteur.

Mme Hebb: Je trouve répréhensible que la Couronne puisse alors avoir le droit de décider de publier un ouvrage scandaleux.

Le sénateur Beaudoin: Je ne vois pas comment ce projet de loi sert les intérêts des victimes d'un crime. Si un criminel tire profit de ses crimes, alors actionnez-le.

Mme Hebb: Je suis d'accord avec tout ce que vous dites. Toutefois, la situation est beaucoup plus compliquée que cela. Il n'est pas simplement question ici de mettre la main sur des profits, parce que, souvent, les auteurs ne font pas d'argent. Il y a beaucoup d'ouvrages qui tombent sous le coup de cette loi, mais qui génèrent très peu de profits, sinon aucun, et c'est ce qui dissuade une personne de publier un livre ou un article. Il n'est pas question ici de prendre quelque chose, de retirer à quelqu'un son droit d'auteur s'il y a beaucoup d'argent en cause. Le droit d'auteur est retiré de toute façon.

Le sénateur Beaudoin: Mais si M. Wappel dit: vous n'aurez pas de droit d'auteur. On vous le retire. À qui va l'argent? À la Couronne?

Mme Hebb: Oui, c'est à la Couronne que revient l'argent.

Le sénateur Beaudoin: Les victimes ne peuvent toutefois pas poursuivre la Couronne?

M. House: Non.

Le sénateur Beaudoin: À quoi sert le projet de loi?

Le sénateur Lewis: Dans ce projet de loi, il n'y a pas d'article à propos de ce qu'il advient des produits obtenus.

Le sénateur Beaudoin: Une victime pourrait dire: «Cet homme a commis de nombreux crimes et il est en prison pour de nombreuses années. Il est en train de gagner un million de dollars, je veux le poursuivre, j'en ai le droit.» Dans ce cas-là, nous n'avons pas besoin de ce projet de loi. Si quelques personnes votent en faveur de ce projet de loi, c'est à la Couronne que reviendront les produits en question; il reste toutefois qu'il ne permet pas d'améliorer la situation des victimes. Je n'arrive pas à comprendre; le mystère est entier.

Mme Hebb: Il faudrait que Sa Majesté signe un accord de publication avec l'éditeur afin d'obtenir ces biens mal acquis.

Le sénateur Beaudoin: Les victimes seraient-elles dédommagées?

Mme Hebb: Non.

M. House: Vous avez parfaitement raison, la victime s'en sortirait mieux si les biens éventuels de la personne en question pouvaient être saisis par suite d'un délit civil.

Le sénateur Cogger: M. Wappel qui a comparu devant nous a suggéré qu'au lieu de disparaître aux Bahamas ou être hors de portée de la victime, les fonds se retrouveraient entre les mains de la Couronne. En d'autres termes, le montant de la somme serait connu du public. En tant que partisan du projet de loi, je dirais que cela permettrait aux victimes d'avoir plus facilement accès aux fonds en question.

Le sénateur Beaudoin: Je suis prêt à suivre ce raisonnement. Comment cela va-t-il se passer? Supposons qu'un criminel gagne un million de dollars en écrivant un livre sur ses crimes. Cet argent reviendrait-il donc à la Couronne du chef du Canada?

Mme Hebb: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Comment les victimes vont-elles se le partager?

Le sénateur Lewis: Elles ne vont pas se le partager; rien dans le projet de loi ne traite de ce point.

La présidente: Il n'y aurait pas de produits, car il faudrait tout d'abord que la Couronne accepte de publier l'oeuvre en question, chose qu'elle ne fera jamais.

Le sénateur Lewis: Êtes-vous en train de dire, monsieur le sénateur, que nous devrions encourager les auteurs de ces livres licencieux?

Le sénateur Beaudoin: Non. Je ne vois pas comment ce projet de loi améliore la situation des victimes de crimes. Si aucune amélioration n'est apportée du point de vue des victimes, à quoi sert ce projet de loi? Je n'arrive pas à le comprendre.

Le sénateur Gigantès: Sénateur, c'est un projet de loi qui permet à certains de se sentir bien.

[Français]

Il y a des gens, des «cutéreux» du Reform qui vont se sentir un peu mieux si on passe cette législation.

[Traduction]

C'est pour faire plaisir au Parti réformiste.

La présidente: M. Wappel qui doit de nouveau comparaître avant le vote sur ce projet de loi, est la seule personne qui puisse répondre à cette question.

Le sénateur Beaudoin: Le mystère reste entier. Ce projet de loi n'aide absolument pas les victimes, mais par contre, il punit l'auteur au cas où ce dernier ferait de l'argent.

Mme Hebb: Non. Il le punit de toute façon. En effet, il perd son droit d'auteur et ne peut pas publier. Par exemple, si une personne, déclarée coupable, adresse une lettre à un journal au sujet de son crime, le journal devrait théoriquement obtenir l'autorisation de Sa Majesté avant de publier cette lettre.

Le sénateur Beaudoin: Si c'est le cas, il risque d'être très difficile de prouver devant un tribunal que, dans une société libre et démocratique, il est justifié d'agir de la sorte. En effet, cela équivaudrait à une infraction de la Charte des droits ainsi qu'à une violation du partage des pouvoirs. En outre, ce projet de loi n'est d'aucune utilité, il est purement négatif et n'aide personne.

Mme Hebb: Dans l'exemple que j'ai donné au sujet d'une personne adressant un article ou une lettre à un journal, on peut dire que le débat public est étouffé. Il n'est plus question de gros sous. Ce ne sont pas seulement les produits de la criminalité qui sont en cause, comme vous l'avez si bien souligné, mais le fait que le débat, qui ne rapporte rien, soit étouffé.

Le sénateur Gigantès: Il procurera toutefois de l'emploi à certains bureaucrates.

Le sénateur Doyle: Savez-vous combien de députés de la Chambre des communes sont avocats?

Mme Hebb: Je pense qu'il y en a beaucoup.

M. House: Probablement 75 p. 100.

Mme Hebb: Ils ne sont pas aussi nombreux qu'avant.

Le sénateur Cogger: Ils représentaient 75 p. 100 de la Chambre, mais ce n'est plus le cas.

M. House: Représentent-ils maintenant 80 ou 90 p. 100?

Le sénateur Cogger: Non, les pourcentages ont diminué.

Le sénateur Doyle: Si je pose cette question, c'est bien évidemment parce que je me demande encore comment ce projet de loi a pu être adopté à l'unanimité à deux reprises. Vu que ce projet de loi pouvait plaire aux électeurs, aucun député ne s'est véritablement soucié d'examiner ce qu'il adoptait comme loi, ce qui me paraît fort surprenant.

M. House: Il se peut qu'ils aient réagi en tant que politiciens plutôt qu'en tant qu'avocats à ce moment-là, car j'imagine que personne ne veut être mis dans le même sac que des gens comme Clifford Olson. C'est la seule explication que je peux donner. Il est choquant de voir que ce projet de loi a été adopté à l'unanimité à la Chambre des communes.

Le sénateur Doyle: On pourrait penser qu'à un moment donné, entre le premier et le deuxième votes, un avocat se soit réveillé en plein milieu de la nuit pour se demander: «Qu'ai-je donc fait?»

Mme Hebb: Le Sénat est la chambre de second examen objectif. Nous espérons que vous procéderez à un tel examen, car ce projet de loi ne devrait pas être adopté.

Le sénateur Doyle: Je dois dire que le second examen objectif que nous sommes appelés à faire est facilité par des témoins comme vous-même et aussi comme Richard Mosley, en particulier. Lorsque M. Mosley a comparu, il a souligné que, quelle que soit l'approche adoptée, l'écriture d'un livre ne peut devenir un crime à moins qu'il ne s'agisse de pornographie.

Un livre sur la pornographie n'est pas nécessairement pornographique, tout comme un livre sur un meurtre n'équivaut pas nécessairement à un meurtre. Il a insisté sur le fait que ce projet de loi n'a aucun sens et qu'il est donc inutile de s'attaquer aux subtilités de la Charte et à celles d'autres lois, y compris la Loi sur le droit d'auteur.

Il y a des gens qui m'écrivent pour me demander de tout faire pour sauver le projet de loi C-220. Je ne sais que répondre, vu que j'ai tellement entendu parler de la futilité de cette mesure. On vous a demandé ce que vous recommanderiez pour sauver le projet de loi et vous avez répondu que vous ne feriez rien pour le sauver.

M. House: Le fait est que s'il fallait présenter des recommandations pour le sauver, nous en limiterions considérablement la portée. Toutefois, rien dans ce projet de loi ne mérite d'être sauvé.

Le sénateur Watt: J'aimerais bien comprendre.

Que se passe-t-il lorsque la personne qui a enfreint la loi est accusée, mais qu'elle n'est pas déclarée coupable? Est-ce qu'il y a un conflit entre la Loi sur le droit d'auteur et le Code criminel? Quelle règle intervient et à quel moment, lorsque la personne en question est accusée, mais qu'elle n'est pas déclarée coupable?

Nous ne voulons pas qu'une personne déclarée coupable profite financièrement de son crime. C'est un des objectifs de ce projet de loi, d'après ce que je comprends. Toutefois, une personne accusée bénéficie de la présomption d'innocence, n'est-ce pas? En vertu de ce projet de loi, les droits de la personne qui est accusée sont en jeu, car elle pourrait être déclarée coupable avant même d'avoir accès à une procédure équitable.

Mme Hebb: Dès qu'elle est accusée, le projet de loi intervient et elle perd ses droits.

Le sénateur Watt: Si elle est déclarée coupable, la situation est claire et nette. Qu'arrive-t-il par la suite si elle est déclarée non coupable? Ce qui m'inquiète ici, c'est qu'une personne accusée ne puisse prouver son innocence qu'en publiant un livre. Dans ce cas, il me semble que ce droit lui est retiré avant même qu'elle ne soit déclarée coupable.

M. House: Cela n'est pas dit ouvertement, mais c'est l'effet produit.

Le sénateur Watt: Permettez-moi de proposer une solution qui pourrait fonctionner. Nous parlons de la Loi sur le droit d'auteur et du Code criminel et nous devons prendre en compte les outils qui seront utilisés. Qu'est-ce qui intervient après la Loi sur le droit d'auteur, par exemple?

Mme Hebb: C'est la Loi sur le droit d'auteur qui pourrait s'appliquer.

Le sénateur Watt: La loi s'appliquerait à la personne accusée, en supposant qu'elle a déjà été déclarée coupable.

Mme Hebb: Oui. Le paragraphe proposé 12.1(2) précise que la loi s'applique à toute oeuvre publiée par une personne déclarée coupable depuis la date du dépôt de l'acte d'accusation.

Le sénateur Watt: C'est très inquiétant. Déclarer une personne coupable avant même qu'elle n'ait accès à une procédure équitable, avant même qu'elle ne soit déclarée coupable, m'inquiète. Il serait utile de pouvoir s'appuyer sur des exemples législatifs de l'histoire de notre pays. Il y a des gens qui ont été déclarés coupables à tort pour de bons motifs et on a prouvé leur innocence. Pouvons-nous nous servir de ces exemples dans le contexte de ce projet de loi? Cela permettrait-il d'éclaircir la situation?

A cet égard, il semble que nous essayons d'adopter une loi qui pourrait un jour nous faire commettre une erreur. Imaginons qu'une personne a été accusée sans être déclarée coupable et que ses droits lui sont retirés. Imaginons qu'écrire un livre, raconter son histoire afin de se sortir de ce mauvais pas, est le seul recours dont elle dispose. Nous lui retirons ce droit. C'est ce que je comprends.

M. House: Il est intéressant de voir -- et peut-être que le comité est au courant de cette affaire -- que Michael Harris, l'auteur de l'histoire de Donald Marshall, a publié un article d'une page entière dans le Toronto Sun sur la façon dont cette loi l'aurait empêché d'écrire ce livre; c'est en fait ce qu'il a déclaré. Ce n'est qu'un exemple, mais il y en a probablement beaucoup d'autres.

C'est important pour moi et je ne veux pas seulement parler du livre. L'auteur a pu écrire le livre, ce qui a ameuté l'opinion publique. Il s'est avéré que l'homme était innocent et d'ailleurs, des modifications ont été apportées au Code criminel suite à l'enquête ordonnée à ce sujet. L'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Stinchcombe renvoie précisément à l'enquête Marshall. La publication de ce livre a déclenché toute une suite d'événements; c'est très important.

Le sénateur Watt: C'est très dangereux.

Le sénateur Gigantès: Le paragraphe 12.1(3) m'inquiète également; il se lit comme suit:

Il demeure entendu que le droit d'auteur sur l'oeuvre d'une personne déclarée coupable d'un acte criminel et dévolu à Sa Majesté par application du paragraphe (1) ne revient pas à cette personne après qu'elle a purgé toute peine imposée pour l'infraction, mais demeure dévolu à Sa Majesté.

Cela signifie que la peine continue de s'appliquer même après que la personne a purgé toute peine imposée.

Mme Hebb: C'est exact, le sénateur Beaudoin l'a déjà dit; c'est comme si l'on ajoutait une autre peine.

Le sénateur Beaudoin: C'est une deuxième peine, car la personne en question connaît le succès.

Le sénateur Cogger: Dans ce contexte, nous savons que dans l'affaire Bernardo, des bandes vidéos ont été faites. Qui détient le droit d'auteur sur ces vidéos?

Mme Hebb: Celui qui les a faites. Dans ce cas-là, ce serait Paul Bernardo et sa femme, probablement.

Le sénateur Cogger: Sur quoi donc s'est appuyé le juge pour ordonner la destruction des bandes ou en interdire la diffusion? Cela ne revient-il pas à dire que la Couronne a mis la main sur un droit d'auteur?

Mme Hebb: Dans ce cas-là, c'est la loi sur les publications obscènes qui s'est appliquée.

Le sénateur Cogger: J'étais sûr que vous alliez en parler. N'a-t-on jamais prouvé la nature obscène de ces vidéos? A-t-on jugé qui que ce soit pour possession de publications obscènes?

Mme Hebb: M. Murray, l'avocat de Bernardo, a été accusé de possession de publications obscènes, ou de quelque chose du genre, mais je crois que ce chef d'accusation a été retiré par la suite. Peut-être s'agissait-il d'une accusation de pornographie, car il en a fait des copies.

Le sénateur Cogger: Si Bernardo arrivait à trouver une compétence jugeant que ces bandes ne sont pas pornographiques, criminelles, ou autre chose, il en aurait le droit d'auteur et aurait donc le droit de les vendre, de les distribuer et de les diffuser, même si cela peut passer pour du sadisme. Je n'ai rien trouvé de précis à ce sujet, mais il reste que la Couronne ou les autorités ont en quelque sorte empiété sur ce droit.

Mme Hebb: Je ne vois pas pourquoi on a besoin de ce projet de loi pour régler ce problème.

Le sénateur Cogger: Non, ce projet de loi n'existait pas encore, mais la Couronne a décidé d'intervenir de toute façon.

Le sénateur Gigantès: Dans ce cas-là, le juge peut-il décider d'effacer ces bandes -- c'est-à-dire, de les saisir et de les détruire?

M. House: Si je me souviens bien -- je devrais vraiment relire le tout -- ces bandes ont servi d'éléments de preuve. Bien que le public ait habituellement le droit de voir les preuves, le juge a, au cours du procès, pris une décision qui n'a pas été contestée; en effet, il a déclaré que l'on pouvait entendre les bandes, mais qu'on ne pouvait pas les voir et qu'elles seraient mises sous séquestre. Je ne peux pas dire s'il avait vraiment le droit de le faire, mais personne n'a vraiment protesté, si je me souviens bien. Je ne pense pas que l'avocat de Bernardo s'en soit beaucoup préoccupé à ce moment-là.

Le sénateur Doyle: Après l'utilisation des bandes pendant le procès, les parents des femmes assassinées ont demandé au juge de détruire les bandes et il a été d'accord.

Mme Hebb: Je ne crois pas qu'en vertu du Code criminel on soit tenu de rendre des preuves de cette nature, alors qu'elles ont été saisies.

Le sénateur Doyle: Il a fait en sorte qu'elles soient détruites.

Le sénateur Beaudoin: Le juge peut-il ordonner la destruction des bandes vidéos?

M. House: Oui, je crois que le juge a ce pouvoir. Habituellement, on demande à l'avocat s'il s'oppose à une ordonnance de destruction de la preuve et, en général, l'avocat répond par la négative. C'est ce qui se passerait dans le cas de bandes vidéos pornographiques.

Je crois que le juge a ce pouvoir, mais il faudrait que je le vérifie.

Le sénateur Cogger: Connaissez-vous cette publication intitulée Journal of Prisoners and Prisons?

Mme Hebb: Oui, je l'ai déjà vue.

Le sénateur Cogger: Je crois que tous les sénateurs l'ont reçue; c'est un professeur de criminologie de l'Université d'Ottawa qui nous l'a envoyée. On peut y lire que le comité de rédaction convient d'appuyer toute contestation fondée sur la Charte des droits si jamais ce projet de loi est adopté.

Mme Hebb: Je ne suis pas au courant.

Le sénateur Cogger: Je ne sais pas depuis quand cette publication existe, mais savez-vous si le comité de rédaction a contesté le projet de loi de l'Ontario?

Mme Hebb: Je ne pense pas qu'il y ait de contestation du projet de loi de l'Ontario jusqu'ici, mais la création littéraire prend beaucoup d'importance dans les prisons où beaucoup de cours sont offerts, notamment des cours de création littéraire. Les prisons ont produit quelques merveilleux écrivains qui, pendant leur séjour en prison, ont acquis des compétences qui leur ont permis de repartir de zéro. C'est tout à fait étonnant. Cette publication, qui jouit d'une très bonne réputation, témoigne de ce travail de réadaptation.

En général, les prisonniers n'écrivent pas pour glorifier leur crime, mais plutôt pour s'en repentir.

M. House: L'article 164 du Code criminel a trait à un mandat de saisie dans le cas de pornographie juvénile et autres publications du genre. Le juge peut rendre une ordonnance de confiscation. Cela ne revient pas à dire que la publication va être détruite, mais qu'elle va être confisquée. Pour le reste, je n'en sais pas plus que vous.

La présidente: Madame Hebb, j'ai plusieurs questions au sujet du droit d'auteur. Vous avez dit que ce projet de loi contrevient aux engagements que nous avons pris en vertu de la Convention de Berne et d'autres ententes. Que pourrait-il arriver si l'on contrevenait à la Convention de Berne?

Mme Hebb: Un particulier ne pourrait pas porter plainte; seul un pays pourrait se plaindre du fait que les lois canadiennes ne sont pas compatibles avec les engagements pris en vertu de conventions internationales. Un mécanisme de règlement des différends est prévu dans le contexte de l'OMC. Il faudrait qu'un pays se serve de ce mécanisme, forçant ainsi le Canada à se défendre. Cela pourrait d'ailleurs fort bien arriver.

La présidente: Vous avez fait mention de l'ALENA et de l'Accord ADPIC.

Mme Hebb: Oui.

La présidente: Autant que je sache, la Convention de Berne est impuissante, contrairement à l'ALENA et à d'autres accords.

Mme Hebb: C'est exact, à cause des mécanismes de règlements des différents qui s'y trouvent et que l'on ne retrouve pas dans la Convention de Berne.

La présidente: Si nous voulions améliorer le projet de loi, pensez-vous que, au lieu de transférer le droit d'auteur à la Couronne, on pourrait le laisser au titulaire d'origine, tout en stipulant que toute redevance reviendrait à la Couronne?

Mme Hebb: Cela voudrait dire que la partie de la loi relative au droit d'auteur n'aurait plus sa place et que l'on s'appuierait uniquement sur la première partie qui servirait alors de loi pénale portant sur les produits de la criminalité.

La présidente: Peut-être est-ce à vous de répondre, monsieur House.

Mme Hebb: J'ai de la difficulté à assimiler les produits de l'écriture à des produits de la criminalité, même si on les définit ainsi de façon arbitraire. Il ne s'agit pas de blanchiment d'argent. Cela n'a rien à voir avec l'exemple que l'on vous a donné à propos de l'achat d'une police d'assurance, ou autre chose du genre. Nous parlons ici de quelqu'un qui a travaillé de longues années sans ménager ses efforts. Cela ne revient pas à du blanchiment d'argent, ce n'est pas de l'argent obtenu par des moyens détournés, c'est totalement différent. D'après moi, il est ridicule d'assimiler les produits de l'écriture à des produits de la criminalité.

La présidente: Je vous remercie d'avoir comparu devant nous, ainsi que de votre patience. Comme vous le voyez, vos propos n'auront pas été vains.

La séance est levée.


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