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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 15 - Témoignages pour la séance de l'après-midi


OTTAWA, le lundi 4 mai 1998

Le comité sénatorial des transports et des communications, à qui a été renvoyé l'examen du projet de loi C-9, Loi favorisant la compétitivité du réseau portuaire canadien par une rationalisation de sa gestion, prévoyant la création des administrations portuaires et l'aliénation de certains ports, régissant la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent et des traversiers et des questions connexes liées au commerce et au transport maritime, modifiant la Loi sur le pilotage et abrogeant et modifiant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 13 h 50 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous poursuivons notre examen du projet de loi C-9. Cet après-midi, nous aurons comme premiers témoins, M. David Luther, maire de la ville de Corner Brook, et M. Erle Barrett, vice-président de la société Oceanex. Bienvenue, messieurs.

M. Luther, veuillez commencer.

M. David Luther, maire de Corner Brook, Terre-Neuve: Je vous remercie d'accorder à notre municipalité l'occasion de venir présenter un mémoire à votre comité aujourd'hui. Je suis également heureux qu'Oceanex ait accepté de se joindre à notre municipalité pour venir présenter son témoignage.

J'ai inclus dans mon mémoire une annexe contenant certaines informations historiques et géographiques au sujet de la Ville de Corner Brook; je pense que vous y verrez la preuve de l'importance critique que revêt le port de Corner Brook pour la vie économique de notre collectivité et de notre région en général.

Je n'ai pas l'intention de m'étendre indûment sur le sujet; cependant, je souhaite vous faire remarquer que le port de Corner Brook arrive au deuxième rang des ports réservés au transport des marchandises de notre province. C'est en grande partie l'importance de notre port qui explique pourquoi la Ville de Corner Brook est devenue le noyau central de l'ouest de Terre-Neuve et du Labrador, devenant du même fait le centre de distribution et de service régional de l'ouest et du nord de Terre-Neuve et du sud du Labrador.

Comme le port revêt une importance vitale pour notre ville, le conseil municipal de Corner Brook a senti qu'il était impératif de venir présenter un témoignage à l'audience d'aujourd'hui et demande respectueusement à votre comité d'envisager d'exempter du projet de loi C-9 la cession du port régional de Corner Brook. Même si la ville de Corner Brook appuie l'initiative gouvernementale visant à améliorer le système de transport maritime du pays et que nous applaudissons les efforts déployés par le gouvernement pour rendre ce système plus compétitif et plus efficient, nous estimons qu'on peut quand même y parvenir en exemptant le port de Corner Brook de l'application du projet de loi C-9.

Nous ne vous demandons pas de ne pas adopter le projet de loi C-9; nous vous demandons simplement d'exempter notre port -- et peut-être d'autres ports régionaux placés dans la même situation que nous -- de l'application du projet de loi C-9. Si nous n'en sommes pas exemptés, nous avons de sérieuses réserves quant à l'adoption de ce projet de loi dans sa forme actuelle et craignons qu'il ait des conséquences catastrophiques sur notre port et les collectivités de notre province. Nous craignons que s'il y a aliénation du port, le fédéral ne consacrera plus de fonds au maintien de l'infrastructure économique de nos installations portuaires.

Je ne saurais insister assez sur l'effet néfaste que pourrait avoir l'adoption du projet de loi C-9 sur notre économie locale et régionale. En tant qu'insulaires, les habitants de Terre-Neuve entretiennent une relation étroite avec la mer, et c'est à la proximité de l'océan que l'on peut attribuer dans la plupart des cas notre existence même. La base industrielle de la Ville de Corner Brook est formée de petites industries de fabrication et d'entreprises de services, ainsi que d'un certain nombre de grandes industries. La plupart de ces entreprises dépendent du port pour l'expédition des marchandises afin d'être en mesure de mener leurs affaires de façon compétitive sur le marché mondial.

Toutes ces entreprises contribuent au bien-être économique de notre collectivité. Par exemple, l'usine de pâte à papier de Corner Brook est l'un des plus importants employeurs de la ville, puisqu'il y travaille jusqu'à 13 078 personnes, et le moulin produit jusqu'à 350 000 tonnes métriques de papier journal chaque année. La société North Star Cement emploie jusqu'à 95 employés et met en marché du ciment dans toute la province, dans les provinces de l'Atlantique et dans l'est du Canada. Au cours des dernières années, North Star Cement a investi 4,5 millions de dollars dans son usine de Corner Brook afin de moderniser ses opérations et d'être mieux en mesure de faire concurrence sur les marchés national et international. Notre région compte aussi trois grandes usines de transformation du poisson qui emploient, de façon saisonnière, plus de 400 personnes. Ces usines dépendent du port pour l'exportation de leurs produits vers les marchés internationaux, principalement le Japon et la Russie.

La société Atlantic Gypsum produit des panneaux muraux et des produits de gypse et les exporte sur les marchés national et international. L'usine fournit du travail à environ 62 personnes. Oceanex exploite un service régulier de conteneurs entre Corner Brook, Halifax et Montréal. Elle emploie 25 personnes à longueur d'année et peut en compter jusqu'à 60 dans les périodes de pointe.

L'industrie des croisières est une importante composante de notre marché touristique. Par exemple, le Queen Elizabeth II est venu mouiller dans notre port à la fin des années 80. En 1998, huit paquebots devaient y venir, et neuf autres sont déjà prévus pour 1999. Chaque paquebot amène de 250 000 $ à 1 million de dollars, environ, à notre économie.

J'ai également joint à mon mémoire, à l'annexe 1, des lettres de soutien d'entreprises et d'organisations de notre collectivité et de notre région. Pour la plupart, ces organisations ont pris l'initiative d'écrire ces lettres lorsqu'elles ont appris que notre municipalité viendrait témoigner devant votre comité. Je pense que cela montre à quel point le port est important pour notre région et pour notre industrie en général.

Oceanex nous a déjà informés qu'il est fort possible qu'elle doive cesser ses activités à Corner Brook si le port est privatisé, ce qui entraînera la perte de 25 emplois directs. Il est difficile à l'heure actuelle de déterminer quelles autres entreprises seront indirectement affectées par ces pertes d'emploi ou quelles répercussions l'aliénation du port aura sur d'autres grandes industries.

Malheureusement, le gouvernement fédéral n'a pas procédé à une analyse de l'impact économique pour déterminer quel effet l'aliénation du port aura sur notre collectivité ou notre région en général. Nous n'avons nous-mêmes pas été en mesure de procéder de façon adéquate à une telle analyse en raison du bref préavis que nous avons eu. Il est inconcevable que le gouvernement fédéral envisage même de se départir de certains de ses ports sans procéder au préalable à une étude de l'impact économique.

Nous prions instamment le gouvernement de procéder à une étude de l'impact économique avant d'adopter le projet de loi C-9.

Pour Corner Brook, la privatisation du port aura non seulement un effet immédiat sur notre économie, mais elle limitera aussi notre capacité d'attirer de nouvelles entreprises dans la ville. Comme la Voie maritime du Saint-Laurent, le port de Corner Brook est une voie d'accès au reste du Canada. Lorsqu'on parle de transport et de débouchés d'expansion économique régionale, un principe fondamental de la politique nationale de transport du Canada est que le transport doit être reconnu comme un élément essentiel de l'expansion économique régionale. Il faut équilibrer les liens de transport viables sur le plan commercial avec les objectifs d'expansion économique régionale, de façon à pouvoir réaliser pleinement le potentiel économique de chaque région.

Il est évident que les autorités fédérales, provinciales et municipales constatent que les installations portuaires de Corner Brook constituent véritablement l'une ses forces économiques, et elles ont toutes investi dans le financement des améliorations portuaires.

En 1976, on a procédé à une étude sur la mise en valeur du port de Corner Brook. Son objectif consistait à préparer un plan maître de 20 ans pour l'expansion du port de Corner Brook. On avait établi un énorme potentiel économique pour le port, et depuis qu'il avait été adopté, d'importants travaux avaient été réalisés pour améliorer le secteur. Cela comprenait la construction de trois grandes artères. Ces routes faisaient le lien entre le port et nos grands parcs industriels, ainsi qu'avec la route transcanadienne. Elles ont permis d'améliorer et de rendre plus sûr le transport des marchandises, en plus de permettre la mise en valeur future d'autres secteurs riverains, au coût de plusieurs millions de dollars.

En 1989, le gouvernement fédéral a dépensé 17 millions de dollars pour la mise à niveau et l'amélioration des installations portuaires de Corner Brook. On a apporté des améliorations aux installations à terre et aux quais de Barry's Fisheries, à Curling, ainsi qu'à notre usine de papier local. Conformément au plan maître, nous avons, dans le cadre de la stratégie d'expansion économique de la Ville de Corner Brook, mis en marché notre port de façon dynamique afin d'attirer de nouveaux investissements dans notre collectivité.

J'ai bien peur que si le port régional de Corner Brook est privatisé, les droits portuaires augmenteront de façon spectaculaire, ce qui exercera un effet dissuasif majeur sur la création d'entreprises. Cela pourrait aussi entraîner la réduction des effectifs des entreprises existantes, ou les forcer à déménager hors de notre ville. Cela entraînerait d'importantes pertes d'emploi et, en définitive, un exode des travailleurs.

Le transport de marchandises par camion-remorque, par opposition au transport maritime, limite notre capacité d'expansion économique et pourrait allonger les délais de livraison. La taille des expéditions de marchandises serait limitée par la capacité des camions-remorques, ce qui pourrait faire augmenter, dans de nombreux cas, le coût des affaires. Le transport maritime est certes la façon la plus efficiente pour notre province de transporter des marchandises.

Comme je l'ai dit tout au long de mon exposé, la Ville de Corner Brook est gravement préoccupée par les répercussions négatives que pourrait avoir sur notre région la cession du port. Sur le plan opérationnel, le port de Corner Brook est tout à fait viable. Cependant, sur le plan des capitaux, il n'est pas autonome.

Je le répète, le gouvernement fédéral a dépensé plus de 17 millions de dollars au cours des dix dernières années pour mettre notre port à niveau. En dépit de cette importante dépense, il faut affecter d'autres sommes des budgets des immobilisations et de l'entretien pour réparer le quai du bassin Corner Brook. Il est très improbable qu'une société privée puisse se permettre des dépenses de cette ampleur, ou qu'elle consente à investir tant d'argent. La durée de vie des pieux est normalement de 30 à 35 ans, et 70 p. 100 de la structure actuelle a été installée depuis 29 à 39 ans. Des dépenses de l'ordre de 15 à 20 millions de dollars sont nécessaires dès maintenant, ou seront nécessaires au cours des cinq à dix prochaines années, si nous voulons conserver la charge structurelle actuelle.

Il ne fait aucun doute que la qualité du port se juge à ses installations et bassins. Si le port perd sa capacité d'être compétitif, les répercussions financières pour la région seront dévastatrices. Nous craignons que, si le gouvernement choisit de se dessaisir de ses intérêts dans le port de Corner Brook, cela pourrait entraîner une détérioration majeure des installations et, peut-être, la fermeture de notre port.

Il est important de ne pas oublier que le port de Corner Brook n'a pas qu'un seul usager, et nous considérerions inapproprié qu'il soit exploité par un seul usager. Si c'était le cas, l'usager en question serait susceptible d'établir un monopole sur les activités portuaires, et nous ne voulons pas que cela se produise. Un exploitant privé pourrait mettre fin à la concurrence et créer un monopole, simplement en imposant des droits astronomiques pour l'entrée au port. Il en résulterait une concurrence déloyale, et les entreprises locales seraient privées de leur capacité de faire affaire sur le marché mondial.

Si les droits d'utilisation du port deviennent trop élevées à Corner Brook, toutes les marchandises devront transiter par St. John's. Comme il faut compter presque 1 000 kilomètres pour se rendre de Corner Brook à St. John's, les frais de transport augmenteraient encore davantage. C'est pourquoi nous ne croyons pas que le port devrait être vendu à un utilisateur unique. Il doit plutôt continuer à être public, et le gouvernement fédéral doit y conserver ses intérêts. Si le port est vendu à un utilisateur unique, les utilisateurs actuels du port en souffriront, et le port pourrait devoir fermer.

Rien dans la Loi maritime du Canada ne prévoit que le gouvernement fédéral reprendra des ports qui connaissent l'échec ou sont acculés à la fermeture. Dans le cas de Corner Brook, je crains que le dessaisissement du port n'entraîne sa fermeture et des pertes d'emploi. Il en résultera un exode et un ralentissement économique.

Si le port est privatisé, rien ne prévoit qu'il continuera à être ouvert à tout le monde. Sur le plan opérationnel, le port pourrait ne jamais atteindre l'autonomie. Cependant, du point de vue de l'expansion économique régionale, il joue un rôle vital pour notre survie.

L'une des composantes du projet de loi C-9 concerne la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent et prévoit des mesures de protection à son égard. En effet, l'alinéa 78d) du projet de loi protège l'exploitation et la viabilité à long terme de la Voie maritime et en fait une partie intégrante de l'infrastructure du Canada en matière de transport. Je ne comprends pas que le gouvernement fédéral puisse faire une telle déclaration au sujet de la Voie maritime et ne pas appliquer le même principe au port de Corner Brook.

N'oubliez pas que Terre-Neuve est une province insulaire et que l'océan est notre seul lien avec le reste du pays. Pour nous, il se situe réellement dans le prolongement de l'autoroute transcanadienne. Il ne fait pas de doute qu'en raison de sa partie insulaire, la province se démarque du reste du pays à cet égard, même des collectivités de la rive du Saint-Laurent. Si celles-ci comptent énormément sur la Voie maritime du Saint-Laurent pour assurer le transport de leurs marchandises, elles peuvent encore se permettre d'autres moyens de transport, ferroviaires ou routiers, par exemple. Les habitants de Terre-Neuve n'ont pas ce luxe. Comme vous le savez déjà, nous n'avons plus de réseau ferroviaire fonctionnel dans notre province, et nous sommes reliés au reste du Canada par voie d'eau, et non pas par route. Nous n'avons d'autre choix que de compter sur le transport maritime pour assurer l'acheminement efficient et économique de la plus grande part de nos marchandises.

Si le gouvernement fédéral se dessaisit de tous les ports régionaux, la ville de St. John's comptera le seul port quasi-public. Toutes les marchandises importées ou exportées devront passer par St. John's ou Port aux Basques.

En raison de notre position géographique, nous sommes déjà désavantagés par les frais de transport élevés et la mise en marché des concurrents. Notre viabilité économique ne peut que s'affaiblir si nous sommes forcés de transporter nos marchandises d'un bout à l'autre de la province, ou si nous devons les faire venir de l'extérieur de la province par camion. Non seulement cette situation fera-t-elle grimper de façon spectaculaire le coût des biens et des services, mais elle provoquera aussi un chaos sur les routes de la province. Le nombre de camions qui circulent augmentera, alors même que la route transcanadienne ne satisfait déjà pas aux normes. Tous les résidents de la province devront en payer le prix, et cela pourrait mener à une détérioration majeure de notre réseau routier.

En conclusion, avant d'approuver ou de rejeter le projet de loi C-9, tenez compte, je vous en conjure, des répercussions économiques qu'il aura sur les petites collectivités. Je pense non seulement à Corner Brook, mais aussi à l'ouest de Terre-Neuve et aux régions voisines.

Corner Brook sert une population d'environ 160 000 personnes. Nous sommes actuellement une ville très axée sur le progrès, et nous travaillons dur pour amener de nouvelles industries à venir s'installer chez nous. L'un des avantages que nous avons prônés récemment est l'accès à un vaste port en eau profonde, bien équipé, et c'est là l'un des plus importants facteurs commerciaux de notre développement économique. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-9 aura un effet dévastateur.

M. Erle G. Barrett, vice-président, Oceanex (1997) Inc.: Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de nous avoir invités à comparaître devant le comité à l'occasion de l'examen du projet de loi C-9.

Oceanex est une société ouverte offrant des services maritimes dans la province de Terre-Neuve et du Labrador à partir de terminaux d'expédition dans les ports de Halifax et de Montréal. Chaque année, Oceanex assure 50 p. 100 du transport intérieur de marchandises diverses à destination de Terre-Neuve, ce qui représente au total environ 500 000 tonnes par année.

Ces marchandises transitent par deux ports de Terre-Neuve, celui de St. John's desservant l'est de la province, et celui de Corner Brook, l'ouest de l'île de Terre-Neuve et le sud du Labrador. Puisque les effets du projet de loi C-9 se feront sentir surtout dans les petits ports de Terre-Neuve, nous allons limiter nos commentaires à celui de Corner Brook.

Le projet de loi C-9, appelé couramment Loi maritime du Canada, est un texte législatif très complet qui vise un objectif fort louable, à savoir l'amélioration de l'efficacité des ports et des voies maritimes du Canada. Nous tenons toutefois à exprimer notre opposition aux mesures prévues pour accélérer la cession des ports classés non commerciaux.

Dans le rapport Scott, déposé en mai 1995, on proposait que les ports canadiens existants soient classés en deux catégories, celle des ports commerciaux et celle des ports non commerciaux. Pour être considérés comme commerciaux, les ports devaient être en mesure de s'autofinancer, c'est-à-dire d'assumer seuls leurs coûts de fonctionnement et d'immobilisation. Tous les autres devaient être classés dans la catégorie des ports non commerciaux.

On indiquait en outre que certains ports non commerciaux auraient encore besoin de l'assistance du gouvernement fédéral, par exemple ceux des régions isolées de l'Arctique et ceux qui desservent des traversiers privés, provinciaux ou fédéraux, en vertu d'obligations constitutionnelles dans certains cas.

Tous les autres ports non commerciaux seraient loués ou transférés aux provinces, aux municipalités ou au secteur privé; en dernier recours, ils seraient fermés lorsqu'il serait impossible de les privatiser.

C'est un des points sur lesquels nous sommes en complet désaccord avec le projet de loi que vous avez en main. Il se peut que certains ports, à cause de leur situation particulière, ne soient pas des candidats idéaux à la privatisation et que leur fermeture entraîne un préjudice indu en raison de leur importance régionale.

Nous sommes d'avis que c'est le cas du port de Corner Brook. Il pourra peut-être atteindre l'autosuffisance à long terme, mais ce n'est pas une option pour le moment. La plupart des ports relevant de la SCP ont un débit dépassant largement le million de tonnes par année, et certains dépassent de beaucoup ce chiffre. Le volume des marchandises qui transitent par le quai public de Corner Brook tourne autour de 100 000 tonnes par année, en moyenne. Le tonnage total des mouvements de marchandise au port de Corner Brook au cours des cinq dernières années est indiqué à la fin de mon rapport.

Dans une lettre récente aux membres de l'industrie maritime, le ministre des Transports indiquait que la cession des ports ne dépendait pas de l'adoption du projet de loi C-9. Il s'agit en fait, disait-il, d'une initiative du gouvernement pour tenter de remettre la propriété et l'exploitation des ports publics entre les mains d'intervenants locaux, mieux placés pour les gérer dans l'intérêt de la localité. C'est un objectif fort louable, mais beaucoup de collectivités n'ont pas les ressources financières nécessaires pour gérer leur port. Le ministre annonce ensuite que, depuis la fin de 1995, ce programme avait permis de désaffecter, de céder ou de démolir 316 sites dans tout le pays.

Ce chiffre donne l'impression d'une initiative d'envergure, mais ce que le ministre n'a pas dit, c'est qu'en réalité, plus de 200 de ces sites sont considérés comme des ports publics alors qu'il ne s'y trouve pas d'installations portuaires, qu'il ne s'y fait aucun trafic et que, par conséquent, leur désaffectation n'aura aucun effet.

On peut affirmer sans crainte de se tromper que, dans la majorité des cas, l'activité commerciale depuis cinq ans y était inexistante ou minime. Il s'agissait donc de cas faciles à régler, puisque les conséquences socio-économiques étaient négligeables. Parfois, il n'y en avait aucune.

Sur les 233 ports publics restants, 34 sont considérés comme isolés et continueront d'être exploités et entretenus par Transports Canada, et 109 ont déjà signé des lettres d'intention au sujet de la négociation d'accords de transfert avec le gouvernement; il reste donc 90 ports pour lesquels le gouvernement doit décider s'il convient de les céder ou de les fermer. Il serait intéressant de savoir exactement quels sont ces 90 ports dont le sort n'est pas encore scellé et dans quelle proportion ils ont contribué aux recettes commerciales totales de la Direction des ports et des havres au cours des dernières années.

Il faut se demander également pourquoi aucune analyse n'a été effectuée au sujet des conséquences économiques de la fermeture éventuelle de ces ports. Il est possible que ces ports aient fourni la majeure partie de ces recettes totales, avec la majeure partie du tonnage total des mouvements de marchandises. Toute modification de leur statut pourrait avoir d'énormes répercussions pour l'économie des régions environnantes.

Il est malheureux que cet exercice se soit déroulé sans participation de la population, ou presque. En fait, il y a eu au port de Corner Brook une seule rencontre, en mai 1996, au sujet du programme de cession des ports. Le gouvernement fédéral avait alors très peu d'information à fournir, à part le fait qu'il avait l'intention de se décharger de la responsabilité de certains de ses ports.

À l'époque, ce n'était guère alarmant, et la plupart des participants à la rencontre l'avaient oublié puisqu'ils n'avaient plus jamais entendu parler du programme. Nous avons appris qu'il y a eu des audiences à Ottawa au sujet du projet de loi C-9, mais aucun des intervenants de Terre-Neuve n'y a été invité. Et voilà que le gouvernement revient nous parler de son intention de céder des ports alors que l'approbation du projet de loi est presque chose faite.

Nous nous opposons par conséquent à l'adoption de ce projet de loi en raison des répercussions du programme de cession des ports pour les collectivités comme celle de Corner Brook.

Notre rapport contient une carte du centre et de l'ouest de l'île de Terre-Neuve, où se trouvent les collectivités desservies par le port de Corner Brook, qui assurent également des services de transport aux collectivités du sud du Labrador. Cette zone regroupe environ 30 p. 100 de la population de Terre-Neuve et du Labrador.

Le port de Corner Brook n'est pas en mesure d'atteindre l'autosuffisance à court terme. Il faut se demander quelles seraient les conséquences de sa fermeture sur toutes les localités qui dépendent de ce centre d'approvisionnement régional. Aucune étude n'a été réalisée sur la question; il est certain que la fermeture du port de Corner Brook serait catastrophique sur le plan socio-économique. Les tarifs marchandise augmenteraient sans aucun doute par suite de la disparition graduelle du seul moyen de transport faisant concurrence au transport routier, ce qui ferait augmenter le coût de la vie dans une région déjà dévastée par la fermeture de la pêche.

De plus, le niveau d'emploi diminuerait sûrement dans une région où les emplois sont rares. Oceanex fournit à elle seule 25 emplois directs, et nos dépenses annuelles sont indiquées dans le rapport. Elles ne seraient sûrement pas remplacées par celles des camionneurs qui achèteraient un peu de carburant et une tasse de café.

Oceanex n'étant pas la seule compagnie installée dans le port de Corner Brook, nous ne pouvons pas mesurer l'incidence économique totale qu'aurait sa fermeture. Il est toutefois très important de déterminer cette incidence avant de modifier de quelque façon que ce soit le statut du port de Corner Brook.

Pour justifier le maintien de l'aide financière accordée à la Voie maritime du Saint-Laurent, un député faisait remarquer que la Voie maritime est considérée comme un prolongement du réseau routier. Or, les ports régionaux de Terre-Neuve devraient sûrement être considérés de la même manière. Ce sont des éléments essentiels de l'infrastructure de transport, dont l'activité peut avoir des retombées considérables sur l'économie des alentours.

Comme nous l'avons déjà mentionné, environ 50 p. 100 des marchandises diverses qui arrivent dans la province de Terre-Neuve en provenance d'autres régions du pays passent par les ports de St. John's et de Corner Brook. Le seul autre port d'entrée où transite un volume substantiel de fret est celui de Port aux Basques, qui va continuer de bénéficier de l'aide financière du gouvernement du Canada en vertu d'une obligation constitutionnelle.

Celui de St. John's, en raison du tonnage total des marchandises qui y transitent chaque année, est déjà autosuffisant. Le seul autre grand port d'entrée, celui de Corner Brook, ne l'est malheureusement pas encore, et il ne le sera pas non plus dans un proche avenir. Il aura encore besoin d'une aide financière du gouvernement du Canada pour fonctionner, sans quoi il devra fermer. Et une fois qu'il sera fermé, les quelque cent mille tonnes de marchandises diverses qui y passent chaque année se retrouveront sur les routes de la province de Terre-Neuve, ce qui ne fera qu'ajouter à leur détérioration.

Cette fermeture se répercutera certainement aussi sur la sécurité routière puisque les camions gros porteurs devront transporter dix mille charges de plus par année sur les routes de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, du Québec et de l'Ontario.

Le sénateur Forrestall: Vous n'avez pas encore de routes à péage dans votre province.

M. Barrett: Si je mentionne plus précisément ces provinces, c'est parce que la plupart des marchandises importées dans notre région viennent du Québec et de l'Ontario.

Lorsqu'il a signé le protocole de Kyoto le 10 décembre 1997, le Canada s'est engagé à réduire de 6 p. 100 ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2008 à 2012. Il faudrait peut-être se demander s'il en coûterait vraiment plus cher de maintenir le port de Corner Brook en opération que de devoir entreprendre des réfections plus fréquentes sur les routes de quatre ou cinq provinces, sans parler de l'augmentation de la pollution.

Le port de Corner Brook génère chaque année des recettes d'environ 500 000 $. Il n'est donc pas en mesure d'assumer seul les coûts de son exploitation courante. Malheureusement, il n'est pas capable non plus de consacrer les sommes nécessaires aux travaux de réfection majeure que requièrent ces installations.

En effet, le quai de Corner Brook a été construit par erreur sur des pieux de béton qui nécessitent beaucoup d'entretien. Les pieux d'origine, installés en 1959, se sont détériorés à un point tel que leur armature de béton est maintenant exposée aux éléments. Ils risquent donc de se désagréger rapidement s'ils ne sont pas réparés immédiatement. En outre, certaines portions de la surface du quai ne peuvent pas supporter le poids de l'équipement moderne de manutention de conteneurs, et le revêtement autour du terminus est tellement abîmé qu'il doit être remplacé.

On estime qu'il en coûterait aux alentours de 20 millions de dollars sur les dix prochaines années pour corriger ces problèmes. Les recettes actuelles ne pourraient certainement pas justifier une telle dépense. Puisque nous n'avons pas accès aux documents de Transports Canada, nous pouvons difficilement évaluer par ailleurs les sommes qu'il faudrait consacrer chaque année aux opérations et aux immobilisations, mais il n'est pas exagéré de dire qu'elles approcheraient le million de dollars par année. Or, combien de personnes seraient intéressées à dépenser une telle somme en sachant que les recettes brutes ne s'élèvent actuellement qu'à 500 000 $ par an? Si le gouvernement songe à privatiser le port de Corner Brook, il doit certainement se pencher d'abord sur cet écart entre les revenus et les dépenses.

En vertu du projet de loi C-9, il serait impossible d'obtenir du financement pour des projets d'immobilisation de ce genre puisqu'on ne peut pas placer une sûreté sur des biens immeubles appartenant au gouvernement fédéral. En outre, ce dernier ne veut pas garantir de prêt pour le développement des ports. Ces dispositions du projet de loi C-9 doivent absolument être modifiées, sans quoi les ports comme celui de Corner Brook seront condamnés à une mort certaine.

En supposant que le port de Corner Brook soit obligé de fermer, il faut se demander également qui assurera le contrôle et la sécurité de la navigation puisque des navires comme les pétroliers et les transporteurs de papier se serviront encore de ses installations. Qui va veiller à ce qu'il n'y ait pas de pollution? À l'heure actuelle, il y a sur place un directeur de port qui est chargé de cette responsabilité. Une fois le port fermé, les pollueurs auront le champ libre. Songez un peu aux répercussions de la pollution du port sur la qualité de la vie dans un endroit aussi pittoresque.

À Terre-Neuve, les ports publics font partie du patrimoine culturel. Ils sont aussi importants pour notre province que l'a été le chemin de fer pour le développement de l'Ouest canadien. On oublie constamment que ces ports sont une nécessité de la vie à Terre-Neuve. Terre-Neuve est une île, et nos ports sont pour nous un lien vital avec le reste du pays. Leur fermeture marquerait le début de la fin pour nous, la disparition de tous nos espoirs économiques. Comme on dit à Terre-Neuve, «aussi bien enlever le bouchon».

Le projet de loi C-9 semble avoir été conçu en fonction des Grands Lacs, et non de la région de l'Atlantique. Il ne doit pas être adopté sans modification. La loi devrait prévoir un mécanisme permettant d'assurer la survie des ports qui présentent une importance régionale, avec des garanties financières suffisantes.

Les ports d'intérêt régional doivent être considérés comme des prolongements du réseau routier, tout comme la Voie maritime du Saint-Laurent. Il ne faut en aucun cas permettre la cession de ports en opération sans s'assurer d'abord que la population a été suffisamment consultée pour permettre une évaluation de l'importance de ces ports pour l'économie régionale.

Les conséquences socio-économiques de la cession ou de la fermeture des ports doivent être un facteur primordial de la prise de décisions à cet égard. Les questions comme la protection de l'environnement, la sécurité et la réduction de la pollution doivent aussi entrer en ligne de compte. Nous ne pouvons pas laisser le gouvernement fédéral abdiquer ses responsabilités dans ce domaine.

En ce qui concerne le port de Corner Brook, il doit demeurer ouvert sous le contrôle du ministre des Transports, qui doit garantir qu'il disposera de fonds suffisants pour survivre à long terme. Sa cession pourrait être possible plus tard, à condition qu'un comité régional soit constitué pour y procéder et qu'il ait démontré la possibilité d'augmenter le volume d'activités du port.

S'il se révèle impossible d'assurer l'autosuffisance du port, celui-ci doit demeurer ouvert en raison de son importance régionale. Entre temps, il doit recevoir les fonds voulus pour des projets bien nécessaires d'amélioration des immobilisations.

Si le programme de cession des ports est mené à bien, il ne restera plus de port public à Terre-Neuve, une île qui dépend du transport maritime. Les nouveaux exploitants des ports tiendront l'industrie du transport maritime à leur merci et pourraient même forcer la fermeture de cette industrie si tel était leur bon vouloir. Ce genre de chose est tout à fait inacceptable.

Enfin, il faut aussi tenir compte de l'importance culturelle des ports à Terre-Neuve. Ils font partie de notre identité, et nous ne devrions pas être obligés de changer nos habitudes sous prétexte d'efficience économique. Il y a certaines choses qui méritent d'être préservées pour assurer le maintien d'un mode de vie. Les habitants de notre pays ne veulent pas nécessairement tous adopter la culture de Bay Street. N'oubliez pas que c'est la diversité qui fait notre force.

Le sénateur Forrestall: Je suis ravi que vous ayez tellement votre port à coeur que vous êtes venu à Ottawa pour nous faire part de votre opinion. Je tenais à vous le dire.

Tout d'abord, j'aimerais m'informer de la capacité de la Ville de Corner Brook d'assumer le soutien financier du port, si la cession devait se faire. Je me demande quelles répercussions cela aurait sur vos taux de cotisation et d'imposition actuels. Avez-vous la capacité de les augmenter ou de compenser la perte des subventions tenant lieu d'impôts? Pouvez-vous vous tourner vers la province pour obtenir le genre de revenu dont vous pensez avoir besoin? Avez-vous accès aux livres?

Comment le port est-il structuré? Avez-vous un représentant ou un ami de la Ville dans l'administration portuaire?

M. Luther: Non, nous n'avons pas de représentant à l'administration portuaire.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous vu les livres?

M. Luther: La seule information que j'ai provient de groupes comme Oceanex.

Pour répondre à votre première question, non, nous n'avons pas d'argent. Nous n'avons aucune façon de l'obtenir. Le gouvernement provincial nous dira qu'il n'en a pas non plus. Il s'agit d'une dépense trop grande pour que nous puissions même envisager de l'assumer.

La Ville de Corner Brook a l'un des taux d'imposition les plus élevés de la région, et nous faisons de notre mieux pour le diminuer, et non pas l'augmenter. Il n'y a rien que nous puissions faire pour obtenir plus d'argent. Nous en sommes maintenant rendus à la limite.

Le sénateur Forrestall: Je comprends ça. J'essaie simplement de voir ce que cela signifie concrètement pour le port.

M. Luther: Il n'y a pas d'administration portuaire. Le port, ce sont les bureaux de Transports Canada utilisés par d'autres personnes. Oceanex les utilise, comme les autres entreprises mentionnées dans notre mémoire. Il n'y a pas d'administration portuaire proprement dite. La Ville n'a pas son mot à dire. Il s'agit d'une entité totalement distincte.

Le sénateur Forrestall: Obtenez-vous de l'argent du port tenant lieu d'impôt, ou percevez-vous des taxes sur les biens à usage commercial?

M. Luther: Il y a bien une quelconque taxe sur les biens à usage commercial, et une petite subvention tenant lieu de taxe, mais ce ne sont pas de grosses sommes.

Le sénateur Forrestall: Pourriez-vous me dire combien vous obtenez en subventions et en taxes directes?

M. Luther: Non. Je n'ai pas le chiffre exact, mais ça ne représente pas beaucoup d'argent. Il y a quelques mois, nous avons établi notre budget pour la nouvelle année, et ce n'était même pas un facteur. Le montant était tellement faible qu'il n'était même pas pris en considération.

Le sénateur Forrestall: On peut certes dire que la route transcanadienne à Terre-Neuve a besoin d'une réfection. Quelqu'un vous a-t-il déjà parlé du coût de réfection de ces 600 kilomètres?

M. Luther: Je pense que l'argent qui provient de l'accord de remplacement des voies ferrées par des routes est presque complètement épuisé, et beaucoup de routes ont encore besoin de réfections majeures. Dans certaines parties du centre et de l'ouest de Terre-Neuve, certaines routes ont besoin d'une réfection majeure. Si vous roulez sur les routes de Terre-Neuve, vous croisez sans cesse des camions-remorques. Des centaines ou des milliers d'entre eux font la navette entre Port aux Basques et St. John's chaque jour, et on en trouve sur les routes secondaires de la péninsule nord, et ainsi de suite. Si l'on ajoute encore 10 000 camions-remorques, il n'y aura plus de place pour les voitures. Déjà, le grand nombre de camions-remorques suscite beaucoup de plaintes.

Sur le continent, on peut choisir de prendre une autre route. À Terre-Neuve, vous ne pouvez le faire. Vous n'avez qu'une route qui traverse l'île de Port aux Basques à St. John's, et tout le monde passe par là. La plupart des camions-remorques détériorent la route, et nous n'avons déjà pas suffisamment de place pour tout le monde. On pourrait éviter tout ce problème en maintenant simplement le trafic maritime.

Le sénateur Forrestall: Il faut donc faire en sorte que le port demeure ouvert et viable.

M. Luther: Oui.

Le sénateur Forrestall: Je ne sais pas ce que nous ferions sans la liaison Montréal-Halifax. Nous avons maintenant des routes à péage en Nouvelle-Écosse, et d'importants péages seront bientôt exigés au Nouveau-Brunswick. Vous êtes loin de votre marché ou de votre centre d'approvisionnement, c'est-à-dire Montréal. Avez-vous examiné les répercussions financières qu'aurait cette perte sur le port?

M. Luther: Les répercussions seraient immenses. Il y a eu beaucoup de protestations dernièrement au sujet de l'augmentation des coûts attribuables aux autoroutes à péage qui seront ouvertes au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Des entreprises de camionnage nous disent qu'elles devront augmenter leur tarif en raison de ces péages. Cela a déjà des effets sur nous.

Si tout ce qui arrive dans la province doit être expédié par camion-remorque, les coûts augmenteront de façon générale. Le prix de tout ce dont nous avons besoin augmentera, depuis les aliments jusqu'à l'ameublement, en passant par les vêtements.

Il y a eu une terrible absence de planification. On nous a donné ce port magnifique, et on a consacré énormément d'argent à la promenade Marine, magnifique autoroute qui compte deux accès à la route transcanadienne. Cet argent a servi à permettre le transport efficient des marchandises vers la route transcanadienne. La route sera probablement terminée à la fin de l'automne prochain, mais elle ne servira pas à grand-chose, puisqu'il n'y aura aucun port où acheminer les marchandises, de sorte qu'elle sera inutile. Il y a eu un terrible manque de planification lorsque tout cela a été pensé.

Le sénateur Forrestall: La voie d'évitement qui traverse et contourne Corner Brook a englouti une importante partie des fonds fédéraux qui étaient disponibles.

M. Luther: L'idée était de construire le port et, ensuite, de mettre en place cet excellent système de transport. Pour la première fois, nous sommes prêts, avec l'aide d'organismes gouvernementaux comme l'APECA et l'ACDI, à aller à l'extérieur et à tenter d'attirer des usines de fabrication. Nous pourrions enfin redonner du travail aux gens, attirer les Terre-Neuviens chez eux, leur donner un emploi et mettre un terme à l'exode.

Le port est un élément clé qui nous permet d'atteindre ce but. Sans le port, nous aurons beaucoup de mal à attirer des fabricants. Les fabricants devront utiliser des semi-remorques, et certains n'ont pas les moyens de le faire. Ils ont besoin de navires pour transporter leur marchandise.

Le sénateur Forrestall: Pourriez-vous demander à la province de faire des démarches auprès de l'APECA pour financer une étude d'impact? Après tout, il pourrait y avoir une période de mise en oeuvre graduelle.

M. Luther: Nous ne l'avons pas encore fait, parce que tout s'est déroulé tellement vite. Vendredi après-midi, nous étions encore à travailler à notre exposé, et j'ai pris l'avion samedi pour venir ici; j'ai passé deux jours dans ma chambre d'hôtel à le relire et à me préparer pour la rencontre d'aujourd'hui. On nous a forcés à agir très vite. Il faudra envisager une étude d'impact, mais je crois que cela prendrait un peu de temps.

Le sénateur Forrestall: Y a-t-il eu des rencontres officielles?

M. Luther: Non. Nous n'en avons pas eu la chance.

Le sénateur Forrestall: Aimeriez-vous avoir plus de temps pour approfondir cet aspect?

M. Luther: Si nous avions en main les documents adéquats concernant les coûts, cela ne ferait pas de tort. L'idéal serait de pouvoir présenter ce document ici, parce qu'alors, nous pourrions dire quelles répercussions aurait la perte du port, pas seulement sur Corner Brook, mais également sur d'autres importantes collectivités de l'ouest de Terre-Neuve, comme Stephenville et Deer Lake.

La présidente: Avez-vous discuté du projet de loi C-9 avec Transports Canada?

M. Luther: Non, je ne l'ai pas fait. J'ai été élu il y a seulement sept mois, et j'ai entendu parler de l'enjeu qui nous préoccupe lorsqu'il m'a été présenté il y a quelques semaines. D'autres politiciens ont discuté avec l'ancien maire, certains des conseillers et le gestionnaire municipal des répercussions possibles du projet de loi C-44. Il semblerait que toute l'affaire a commencé à préoccuper tout le monde.

Le sénateur Roberge: Félicitations pour votre élection.

Avez-vous une idée de ce que l'administration des autres ports de Terre-Neuve pense du projet de loi C-9?

M. Luther: Ils sont tout à fait d'accord avec ce que nous avançons. Les mesures législatives proposées auraient les mêmes répercussions sur chaque collectivité.

M. Barrett, d'Oceanex, me confiait plus tôt aujourd'hui que tous les intervenants de l'industrie des pâtes et papiers pourraient devoir expédier leur marchandise à partir d'un seul port. Nous disposons de trois usines de papier, et elles seraient forcées de faire affaire avec une seule région. Actuellement, elles font affaire avec trois régions: Corner Brook, Botwood et Stephenville.

Le sénateur Roberge: Je trouve un peu étonnant qu'elle n'ait pas demandé à comparaître devant nous.

M. Luther: Certaines d'entre elles ont envoyé des lettres.

Le sénateur Roberge: Monsieur Barrett, vous disiez que le port génère des recettes de 500 000 dollars. S'agit-il uniquement des recettes que génère votre exploitation?

M. Barrett: Non. Il s'agit des recettes brutes du port de Corner Brook, recueillies par Transports Canada par le truchement de divers frais: tarif de location, frais portuaires, droit de mouillage, droit de quaiage, et ainsi de suite.

Le sénateur Roberge: Ces chiffres englobent tous les utilisateurs?

M. Barrett: Oui. Oceanex compte pour environ 75 p. 100 des recettes, et les 25 p. 100 qui restent proviennent de toute évidence des autres utilisateurs du port.

Le sénateur Roberge: La raison pour laquelle vous dites que les frais portuaires devront augmenter si quelque chose se produit est très claire.

M. Barrett: Ils devront augmenter de façon substantielle, mais nous n'avons pas accès aux chiffres exacts.

Le sénateur Roberge: Je me demande si nous pouvons obtenir les chiffres exacts. Je constate que le ministère n'a pas communiqué avec vous. Nous non plus, nous n'avons pas eu accès à une partie de ces renseignements.

M. Barrett: Travaux publics Canada a effectué une évaluation de la structure de Corner Brook. Quelqu'un, dans un ministère, a certainement une idée des coûts que représentera son entretien au cours des cinq à dix prochaines années.

Le sénateur Roberge: Comment le port évoluera-t-il dans l'avenir? A-t-on couché des plans et des stratégies sur papier?

M. Luther: Nous voulons attirer de nouvelles industries à Corner Brook et ces industries devront utiliser le port. Il faudra apporter des améliorations, parce qu'il y aura une augmentation de la circulation maritime. Nous ne savons pas exactement dans quelle mesure il y aura augmentation. Nous devons commencer par inciter les entreprises à venir s'établir.

C'est comme pour le paradoxe de l'oeuf et de la poule. Nous devons faire en sorte que quelque chose se produise avant de savoir exactement ce qui va arriver. Sans le port, nous ne pouvons pas attirer l'industrie de la fabrication à Corner Brook et lui demander d'expédier ces marchandises. Comme le représentant d'Oceanex l'a souligné, si une entreprise prenait le contrôle du port, on serait en face d'un monopole. L'entreprise pourrait augmenter les frais à sa guise. Elle pourrait éliminer d'autres intervenants.

Le sénateur Roberge: J'imagine que vous pourriez utiliser une partie des 125 millions de dollars prévus dans le budget de désinvestissement.

M. Luther: Vous avancez un point intéressant. Si les 125 millions de dollars étaient répartis parmi les ports, je crains que la part de celui de Corner Brook ne serait que de quelque 400 000 dollars. Même 125 millions de dollars ne représentent pas un très gros montant lorsqu'il est divisé entre 90 ou 100 ports, surtout lorsque certains de ces ports demandent 20 millions de dollars. J'ai bien peur qu'il y ait peu d'argent à partager. Lorsqu'on divise 125 millions de dollars par 90 ou 100, le montant obtenu n'est pas faramineux.

Le sénateur Roberge: Vous pourriez faire une demande en tant que port éloigné.

M. Luther: Nous sommes une province éloignée.

Le sénateur Bryden: Vous avez présenté deux mémoires très percutants. Vous avez disposé de peu de temps pour y travailler, on vous a très bien appuyé sur le plan de la recherche, et vous avez fait du bon travail. Ils expriment des points de vue qui ont été mis de l'avant par d'autres personnes, et qui seront probablement repris par certaines personnes qui vous suivront. Le port de Canso, par exemple, est dans la même situation.

Si chaque port a besoin d'à peu près 20 millions de dollars pour devenir viable sur le plan commercial, il n'y aura pas beaucoup d'argent à distribuer, même si on augmente le montant du fonds. Je crois toutefois que le port de Canso négocie le transfert de cette opération à la municipalité locale, ou à sa commission de développement économique.

Cette négociation suppose d'importantes réparations pour permettre au port de répondre aux normes qui lui permettraient d'être viable, sur le plan commercial. Je crois qu'il lui faudrait 17 millions de dollars. Le gouvernement souhaite l'amener à respecter des normes minimales, pas nécessairement à le rendre viable sur le plan commercial. Des normes minimales signifient que vous l'entretenez de façon à ce que l'eau ne l'érode pas et vous posez sur les quais des pierres de revêtement.

Votre point de vue concernant le fonds de transition pour ces 90 ports est très bien abordé.

M. Luther: Vous ne réglerez pas le problème du Canada atlantique avec 125 millions de dollars.

Le sénateur Bryden: Pas si ces ports doivent être rénovés pour respecter des normes commerciales.

Vous avez parlé de privatisation. Le point de vue privilégié par Transports Canada est le suivant: le port n'est pas privatisé dans le sens où il y a un exploitant privé. Ce n'est plus le gouvernement qui en est propriétaire et qui l'exploite au niveau fédéral. Un organisme sans but lucratif serait transféré à une municipalité, aux usagers et ainsi de suite. Est-ce ainsi que vous voyez les choses?

M. Luther: Non. Je crois en fait que le gouvernement fédéral accorde le premier choix au gouvernement provincial et que celui-ci le refuse. La municipalité ne peut accepter ce genre d'attitude.

Si, en tant que maire de Corner Brook, je demande qu'on m'accorde la chance de mettre sur pied une administration portuaire, le gouvernement provincial refusera, parce que ce sera lui qui finira par payer la note. Le gouvernement fédéral la refile au gouvernement provincial qui, à son tour, la refile au secteur privé. On dit qu'une annonce sera publiée dans le journal demandant à toute personne intéressée au port de Corner Brook de présenter son projet.

M. Barrett: Transports Canada m'a laissé entendre que l'annonce était prête à être imprimée dans le journal de Corner Brook il y a environ deux semaines. Lorsque les responsables ont su que l'on présenterait une opposition au projet de loi à la présente audience, ils ont changé d'idée et ont décidé de ne pas publier l'annonce dans le journal. L'annonce demandait à toute personne intéressée à l'exploitation du port de Corner Brook de se faire connaître. Il se pourrait bien qu'un exploitant privé veuille l'utiliser à ses propres fins.

Le sénateur Bryden: Si on élimine le transport maritime des marchandises, on pourrait faire face à des problèmes de pollution et de détérioration des routes. Lorsqu'il a comparu devant un comité de la Chambre des communes le 28 octobre 1997, le sous-ministre adjoint de Transports Canada a déclaré que la Voie maritime était l'infrastructure de transport la plus précieuse que nous ayons.

Il a déclaré qu'à une époque où on parle beaucoup de changements climatiques et de toutes ces choses les cargos demeurent le moyen de transport le moins énergivore. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?

M. Barrett: Oui, tout à fait. C'est également le moyen de transport le moins polluant.

Le sénateur Bryden: Les gouvernements de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard se préoccupe beaucoup du fait que ma province, le Nouveau-Brunswick, exige un péage sur une bonne partie de la nouvelle autoroute transcanadienne à quatre voies en raison de l'augmentation des coûts. Les péages resteront certainement en place dans la province, et pourraient bien apparaître en Nouvelle-Écosse aussi.

Un 18 roues chargé cause autant de dommages à nos autoroutes que 10 000 voitures. S'il faut que vous transportiez vos marchandises à partir de Corner Brook en utilisant la route transcanadienne plutôt que le transport maritime, la route ne va-t-elle pas tout simplement tomber en morceaux?

M. Barrett: Oui. C'est déjà le cas de certaines parties de la route à Terre-Neuve. Il y a certaines parties de cette route sur laquelle je suis certain que vous ne voudriez pas circuler.

M. Luther: Si vous veniez à Terre-Neuve, nous pourrions vous montrer à quel point il est amusant d'essayer d'éviter les camions-remorques, de jour comme de nuit.

Le sénateur Bryden: Sans compter les orignaux.

M. Luther: Oui.

Le sénateur Bryden: Vous avez souligné la possibilité d'un monopole privé si les ports sont remis aux soumissionnaires. Se pourrait-il que l'un des principaux usagers, peut-être pas Oceanex, mais disons l'usine de papier, rachète le port?

M. Luther: Non. L'usine de pâtes et papiers a ses propres quais. Je ne devrais pas parler en son nom, mais je sais qu'elle y a beaucoup travaillé depuis un an et demi. Elle s'inquiète surtout de toutes les questions liées aux brise-glaces, de même que des autres tâches à accomplir qui surgiront si Transports Canada se retire. Si elle en vient à devoir payer des services de brise-glace en janvier et en février, cela entraînera sans contredit une augmentation considérable de ses coûts.

D'autres aspects viennent se greffer à cela. Tout n'est pas clair et bien défini.

Le sénateur Bryden: Si on en vient à faire un appel d'offres, ce qui semble probable, vraisemblablement n'importe qui pourrait présenter une soumission concernant le port. Si je comprends bien, ces soumissions sont surtout évaluées par rapport à leur rentabilité financière pour Transports Canada, plutôt que par rapport à leurs répercussions sur le développement économique. Est-ce également votre point de vue?

M. Barrett: Oui.

M. Luther: Je ne sais pas si M. Barrett approuvera ce que je vais dire maintenant, mais si Oceanex prend le contrôle du port pour un million de dollars ou je ne sais trop, et que l'entreprise n'a pas l'argent nécessaire pour faire les réparations qui s'imposent et que dans deux ans le port commence à tomber en ruines, elle sera propriétaire de quais inutilisables et ne pourra quand même pas transporter ses marchandises. Seul le gouvernement fédéral a les moyens de faire fonctionner un port. Aucune industrie privée n'en a les moyens s'il faut compter un million de dollars par année pour exploiter le port et qu'il ne rapporte que 500 000 $. Personne de sensé n'embarquerait dans une entreprise de ce genre.

Le sénateur Bryden: Selon vous, si le port devait fermer, les répercussions économiques sur les 160 000 personnes et sur la collectivité atteindraient-elles au moins un million de dollars?

M. Luther: Elles dépasseraient de beaucoup ce montant. Tout coûterait plus cher, les voitures, la nourriture, les vêtements et tout ce que les bateaux d'Oceanex apportent dans la province. Qu'adviendrait-il de notre fabrique de gypse et de notre usine de ciment, et de tout le reste, si, tout d'un coup, elles devaient transporter leurs matériaux par camion? Nous reviendrions au problème de l'autoroute encore une fois. Nous tournons en rond. Ça ne peut pas marcher. En fait, ça pourrait peut-être marcher dans les petites collectivités qui n'utilisent pas leur port comme une structure économique viable. Toutefois, le port représente une partie importante du développement économique de Corner Brook. Sans lui, nous sommes fichus.

Le sénateur Adams: Lundi passé, nous avons accueilli deux témoins, un avocat et un autochtone, qui venaient de Terre-Neuve, du Labrador plus précisément. Ils nous ont dit que certains ports du Labrador étaient déjà passés du gouvernement au secteur privé. Une des entreprises est la John Crosbie Shipping Company, et le témoin a également mentionné certaines usines de papier. On nous a dit que ces entreprises avaient signé un contrat de deux ans. Le CN s'occupe-t-il du Labrador pour ce qui est de l'envoi de marchandises aux petites collectivités?

M. Luther: Dans ces cas, il s'agit probablement d'une collectivité qui est dotée d'un quai et d'une entreprise qui a le contrat de les approvisionner pendant les mois d'hiver. La nourriture et les autres marchandises sont apportées en un voyage à l'automne et doivent permettre aux gens de passer l'hiver. Il ne s'agit pas réellement d'une exploitation commerciale. Cela ne suppose ni fabrication ni transport de biens et de marchandises. Il s'agit d'un contrat qu'une entreprise signe avec un port simplement pour obtenir les marchandises de première nécessité.

M. Barrett: Si je comprends bien ce qui s'est produit au Labrador, le gouvernement fédéral a été obligé de fournir un service aux collectivités côtières par le truchement de Marine Atlantic. La province de Terre-Neuve a convenu de prendre cette responsabilité en échange d'une certaine somme d'argent. Je n'ai aucune idée du montant. J'espère que, dans son cas, il s'agit de plusieurs centaines de millions de dollars, parce qu'elle en aura besoin. Elle a accepté d'assumer cette obligation et, en retour, a donné à contrat le transport de marchandises au Labrador. Il s'agissait d'un appel d'offres public, et c'est l'offre d'un consortium qui a été acceptée.

Vous avez mentionné John Crosbie, mais je crois qu'en fait il s'agissait de Colin Crosbie, qui est sûrement parent, et deux autres entreprises qui oeuvrent dans le domaine du transport. Les entreprises ont signé un contrat par lequel ils s'engagent à fournir des services de transport au Labrador pendant deux ans avec une possibilité de renouvellement pour une troisième année. Une partie de cet accord portait sur le transfert des ports à la province de Terre-Neuve. La province de Terre-Neuve assume la responsabilité de l'entretien de ces ports, ce qui signifie qu'ils se détérioreront et qu'ils finiront par tomber en ruines parce que la province n'a pas les moyens de les entretenir.

Le sénateur Adams: J'ai demandé plus tôt qui fournirait l'argent pour construire ces quais, et on m'a répondu que l'argent viendrait à 100 p. 100 du gouvernement fédéral. Est-ce la même chose pour Corner Brook?

M. Barrett: Oui. En fait, le gouvernement fédéral a investi une somme importante dans le port de Corner Brook pour la mise sur pied d'installations, et je crois que cela fait partie d'une démarche d'amélioration échelonnée des installations. Maintenant qu'ils ont atteint un certain point, ils vont dire, nous sommes désolés, nous essayons de privatiser le port, mais les travaux entrepris sur la structure ne sont pas terminés. C'est pourquoi nous estimons qu'il faudra encore 20 millions de dollars pour terminer le travail qui a déjà été entrepris. Il a été commencé, mais la structure, si ce travail n'est pas terminé, est en fait inutile.

Le sénateur Adams: Faites-vous des affaires entre Corner Brook et le continent?

M. Barrett: Nous n'exploitons pas de traversier de passagers, ni rien de ce genre. Nous nous occupons de transport de marchandises. Nous partons de Montréal et de Halifax pour nous diriger vers St. John's et Corner Brook. Il existe un service de traversier de Marine Atlantic entre North Sydney et Port aux Basques.

Le sénateur Adams: Entre temps, dites-vous que le gouvernement donnera le port à toute personne intéressée à soumissionner sur votre quai? S'agit-il d'une récompense qu'accorde la province au secteur privé? Comment cela va-t-il fonctionner?

M. Barrett: Nous ne le savons pas, mais si vous voulez prendre comme exemple ce qui s'est passé jusqu'à maintenant, penchez-vous sur ce qui est arrivé au chantier maritime de St. John's. J'ai l'impression que le gouvernement fédéral était très heureux de se décharger de ses obligations sur une entreprise privée, qui les assume maintenant. Le gouvernement a obtenu la somme de 1 $.

De plus, le gouvernement s'est engagé à s'occuper de toutes les obligations liées à l'environnement que pourrait avoir à assumer le chantier maritime dans l'avenir. Il s'agissait d'un bon contrat pour l'entreprise privée qui l'a obtenu.

Le sénateur Adams: Y a-t-il des usines de transformation du poisson à Corner Brook?

M. Luther: Oui.

Le sénateur Adams: S'agit-il d'usines gouvernementales ou privées?

M. Luther: Ce sont des usines privées. Elles disposent de leurs propres quais, mais ceux-ci sont tous intégrés au port de Corner Brook; c'est pourquoi elles les ont améliorés.

Le sénateur Adams: Est-ce que ça se trouve sur des propriétés de l'État?

M. Barrett: Elles ont une installation qui leur est propre, mais elles louent également une partie du quai gouvernemental et un hangar qui se trouve sur ce quai. Certains bateaux partent de leurs propres installations, et d'autres, du quai gouvernemental.

Le sénateur Adams: Si le gouvernement leur remet ces installations, devront-elles acheter cette propriété? Comment cela fonctionnera-t-il?

M. Barrett: J'imagine qu'elles pourraient l'acheter pour le même montant que celui qui a payé le chantier maritime de St. John's.

Pour leurs besoins, elles pourraient probablement exploiter cet endroit beaucoup plus longtemps que ne le ferait une gare maritime générale. Il y a beaucoup plus de chargement sur la structure du quai que dans une gare maritime générale dotée d'équipement de manutention des conteneurs.

Le sénateur Johnstone: Vous êtes au courant que de nombreux ports de la région de l'Atlantique connaissent bien vos problèmes et les partagent avec vous. D'un point de vue strictement commercial, il semblerait que vous nous disiez que, si le projet de loi C-9 n'est pas modifié ni changé, à long terme, le gouvernement fédéral devra dépenser plus d'argent. Il faut y apporter des modifications ou y intégrer plus de souplesse?

M. Luther: Oui. Le gouvernement devrait laisser les choses comme elles sont, et laisser intacte l'excellente infrastructure qu'il a mise en place au cours des années. Il devrait nous donner la possibilité d'en faire quelque chose, d'attirer plus d'industries dans la région. S'il met fin au financement, et que de nombreuses personnes perdent leur emploi, il faudra dépenser davantage pour les routes, pour les chômeurs, pour le transport de marchandises et pour les voyages. Les coûts n'arrêtent pas d'augmenter.

En dix ans, ils auront peut-être épargné 10 millions de dollars, mais ils en auront dépensé 45. On semble se diriger vers une situation de ce genre.

Le sénateur Johnstone: Il n'y aura pas de mesure visant à inciter les nouvelles entreprises à venir installer.

M. Luther: Non.

Le sénateur Johnstone: Peut-être que rien n'incitera les entreprises à y rester.

Le sénateur Forrestall: Nous avons entendu d'autres témoins, et leurs lettres sont intégrées au mémoire de Corner Brook. Sheila Butt, administratrice déléguée de Nfld. Ship Agencies Ltd., a exprimé ses inquiétudes et appuie le mémoire. M. Rob Gillette, de Super-Atlantic Seafoods & Stevedoring, partagent la même opinion. Le Humber Economic Development Board apporte tout le soutien qu'il peut, et déclare ouvertement que le projet de loi C-9 devrait être modifié et que le port de Corner Brook ne devrait pas faire l'objet d'une privatisation. Le Corner Brook District Labour Council partage ces préoccupations, tout comme la chambre de commerce de Corner Brook.

Un des seuls produits à sortir du port qui présente une certaine croissance est le poisson. M. Barry, le président de SeaFreez Foods déclare qu'il faut accorder des dispenses. Il faut étudier la question.

La Atlantic Group Limited, qui fait transporter du gypse et d'autres marchandises en vrac, a dit exactement la même chose dans son court mémoire. Elle nourrit visiblement les mêmes préoccupations que M. Luther et la ville de Corner Brook.

Je ne veux que personne n'ait l'impression que le maire ne compte que sur l'appui d'un des utilisateurs principaux du port.

Outre le service de brise-glace, la Garde côtière assume le coût des vieux caboteurs, des aides à la navigation, des bouées et des balises. Qui paie la note?

M. Barrett: C'est la Garde côtière qui assume le coût de toute aide à la navigation dans la région de la baie des Îles.

Le sénateur Forrestall: Vous utilisez des bouées de chenal très lourdes là-bas. Comment feriez-vous pour garder ces bouées si cela devenait votre responsabilité?

M. Barrett: À Terre-Neuve, nous appliquons notre sens pratique à ce genre de décision: allez ouste! Elles disparaîtraient.

Le sénateur Forrestall: Elles coûtent trop cher.

M. Luther: Vous avez fait allusion aux lettres d'appui. La réaction m'a ébahi. J'ai seulement réussi à faire paraître un article dans un journal il y a une semaine et demie. J'ai assisté à la réunion du Great Humber Joint Council qui regroupe environ 25 collectivités de la région immédiate de Corner Brook. C'est un samedi que les gens ont manifesté leur appui au moyen d'un vote. Quand les lecteurs ont pu en savoir plus en lisant leur journal le lundi matin, les lettres ont commencé à affluer. Les gens arrivaient à mon bureau armés de lettres d'appui. Je n'avais jamais même entendu parler de certaines de ces entreprises. Tout cela est arrivé très vite -- je me suis réjoui énormément de l'appui que nous avons reçu.

Le sénateur Forrestall: Oceanex peut descendre le Saint-Laurent et se rendre à bon port sur son erre d'aller, mais elle en a encore assez pour renverser la vapeur, pour ainsi dire, sur le chemin du retour. Je vous remercie d'être venu ici et d'avoir exprimé avec franchise vos préoccupations. Il se peut bien qu'il y ait des solutions aux problèmes que vous évoquez.

M. Luther: Au nom de ceux qui sont touchés par ce projet de loi dans tous les petits ports, je vous prie de trouver ces solutions.

Le sénateur Forrestall: Il est question aussi des ports de Halifax, de Georgetown, de Charlottetown et de Summerside.

M. Barrett: On m'a demandé pourquoi les responsables d'autres ports n'étaient pas venus comparaître devant le comité. Si le dossier avait eu une plus grande diffusion, vous auriez été submergés de représentants des ports de Terre-Neuve. Ceux-ci ne sont pas encore conscients des effets éventuels de tout cela.

Le sénateur Forrestall: Notre présidente ne nous permettait pas de nous déplacer.

Le sénateur Johnson: Pourquoi les gens ne sont-ils pas au courant?

M. Barrett: Je présume que c'est parce qu'ils comptent sur les médias pour s'informer et que les médias ont accordé peu d'attention à la question. Par ailleurs, il n'y a pas eu d'audience sur la cession des ports à Terre-Neuve, autres que les audiences initiales, où personne ne pouvait répondre à des questions. Tout ce qu'on nous a dit, c'est qu'il y avait un programme en cours d'élaboration. Nous en serions tous informés plus tard.

La présidente: Ça fait quatre ans que ça dure.

Le sénateur Johnson: Vous dites qu'il y a eu des travaux faits sur le quai, mais que ce n'est pas fini. À votre connaissance, le gouvernement a-t-il l'intention de terminer les travaux en question? Maintenant que les choses ont été entamées, y a-t-il un plan à cet égard?

M. Barrett: Je ne sais pas très bien si la dépense d'investissement a été approuvée. Je ne sais pas si le personnel régional de Transports Canada à Terre-Neuve a dressé un plan de modernisation de l'installation. Je ne sais vraiment pas si Ottawa a donné le feu vert ou non.

Le sénateur Johnson: Qu'arrivera-t-il si le projet de loi est adopté? Croyez-vous que les améliorations nécessaires seront apportées?

M. Barrett: Si le projet de loi est adopté, cela ne se fera jamais, car personne n'en aura les moyens.

Le sénateur Johnson: Vos prévisions à propos de ce beau port se réaliseront. À votre avis, il n'y aura plus de port.

M. Barrett: Tout à fait.

Le sénateur Bryden: Quelle est la position du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador à propos de ces questions?

M. Luther: J'ai signalé aux responsables gouvernementaux que je venais ici présenter un mémoire. Je les ai consultés et je leur ai demandé si quiconque avait un message à transmettre. On m'a dit d'y aller comme prévu.

Le sénateur Bryden: C'est une question très critique dans votre région. Il y a aussi d'autres questions critiques concernant la stratégie du poisson de fond. Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador déploie des efforts énormes en ce sens, comme il se doit. Je me demandais si vous étiez au courant d'une telle préoccupation?

M. Luther: Je ne peux parler au nom du gouvernement. Toutefois, si j'étais responsable des choses et qu'on me disait qu'il est possible que plusieurs petits ports aient besoin de réparations qui coûteraient des millions de dollars, cela me préoccuperait quelque peu. Personne n'a les fonds nécessaires. Nous n'avons pas les moyens de faire effectuer les réparations en question. Je ne crois pas vraiment que le gouvernement provincial nous aidera.

M. Barrett: Nous avons rencontré des responsables du ministère des Travaux, des Services et des Transports. Ils sont à ce point convaincus que le programme restera lettre morte qu'ils ne s'y opposent pas. Ils affirment qu'il est à ce point déraisonnable de s'attendre que la province prenne en charge la responsabilité de tous ces ports qu'ils ont refusé de le faire lorsque que Transports Canada en a fait la demande. Ils croient que le programme restera lettre morte. Nous aurions pu adopter la même approche et faire l'autruche. Nous avons toutefois décidé de procéder autrement.

Le sénateur Forrestall: Bravo.

M. Luther: Le fait que vous nous ayez fait témoigner si longtemps et que vous nous ayez posé toutes ces questions me réjouit au plus haut point. Vous auriez pu dire simplement: «Merci et au revoir».

La présidente: Nous voulons prévoir tout le temps possible pour que les sénateurs posent des questions et pour que vous exprimiez votre point de vue sur le projet de loi.

Merci beaucoup.

Nos prochains témoins sont M. Thomas J. Hayes, président, et M. Wade Elliott, directeur général, Halifax-Dartmouth Port Development Commission.

M. Thomas J. Hayes, président, Halifax-Dartmouth Port Development Commission: Nous apprécions l'occasion qui nous est offerte de souligner nos préoccupations à propos du projet de loi C-9.

Pour ceux qui ne connaissent pas la Halifax-Dartmouth Port Development Commission, il s'agit d'un organisme provincial-municipal qui a pour mandat de promouvoir et de développer l'activité du port de Halifax. Nous y conseillons le gouvernement sur les questions liées à la compétitivité du port.

Nous participons depuis longtemps à des projets de développement portuaire entre autres l'Autoport, les terminaux internationaux à conteneur de Halifax et Fairview Cove, un service de train à deux niveaux ainsi que plusieurs initiatives visant à transformer Halifax en porte de sortie commerciale vers le Midwest américain.

À la fin de 1996, la province de la Nouvelle-Écosse et la municipalité régionale de Halifax ont réorganisé le conseil d'administration. Cela visait à encourager une meilleure coordination entre les intervenants du secteur du transport et du commerce dans la région métropolitaine, en donnant une place aux représentants de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, de la Société du port de Halifax, de la Halifax Longshoremen's Association, de la Waterfront Development Corporation, du Trade Centre Limited, du Greater Halifax Partnership, de la Shearwater Development Corporation et de l'administration de l'aéroport international de Halifax.

Grâce à ces importantes installations, le port de Halifax est un port moderne et polyvalent par lequel transite un large éventail de marchandises. Le trafic conteneur est particulièrement important, compte tenu de son substantiel impact économique. On estime qu'il représente environ 2 000 emplois, des revenus gagnés de 70 millions de dollars et 100 millions de dollars en dépenses, alors que l'impact économique total du port est de 7 000 emplois, 240 millions de dollars de revenus et 330 millions de dollars de dépenses.

Le trafic conteneur qu'attire le port de Halifax est critique pour la viabilité à long terme du réseau ferroviaire à l'est de Montréal. Par ailleurs, la fréquence et la diversité des services de transport de conteneurs qui font escale à Halifax principalement pour desservir le marché intérieur offrent aux producteurs et aux exportateurs de la région de l'Atlantique un excellent accès aux marchés outre-mer.

Compte tenu d'un marché local relativement modeste, la réussite de Halifax en tant que port d'escale de lignes de navigation internationale dépend de sa capacité d'accès ferroviaire aux marchés intérieurs américains. Traditionnellement limité en grande partie au trafic ontarien et québécois, cet accès élargi grâce à l'ouverture du tunnel St. Clair du CN donne à Halifax la possibilité d'offrir un service compétitif vers le Midwest américain et au-delà.

Parallèlement, l'évolution du transport maritime, notamment dans le domaine des importants accords de partage de navires, le regroupement de services et de ports d'escale, et l'introduction de porte-conteneurs post-Panamax de plus en plus grands -- le nôtre est le seul port de la côte est du Canada capable d'accueillir des navires de cette taille -- cadrent parfaitement avec les avantages naturels dont nous bénéficions. Notre port est libre de glaces et a une profondeur de 18 mètres, de sorte que le dragage n'est pas nécessaire. C'est à partir de notre port que se font les voyages océaniques les plus courts entre l'Amérique du nord et l'Europe, aussi bien qu'entre l'Amérique du nord et l'Asie du sud-est par le canal de Suez.

Nous sommes persuadés que, compte tenu de l'évolution de l'industrie et avec la mise en place d'une politique portuaire appropriée, Halifax pourra atteindre son plein potentiel et devenir un centre de distribution majeur de la côte est. Malheureusement, si le projet de loi C-9 est adopté dans sa forme actuelle, nous douterons sérieusement que ce potentiel puisse jamais être atteint.

M. Wade Elliott, directeur général, Halifax-Dartmouth Port Development Commission: La commission participe depuis de nombreuses décennies aux débats qui ont lieu sur la politique portuaire. Elle a toujours préconisé une plus grande autonomie locale; au début des années 1980, elle a défendu vivement la législation fédérale qui a entraîné le démantèlement du Conseil des ports nationaux et la rétrocession de certaines de ses fonctions aux sociétés portuaires locales.

Certains aspects du projet de loi C-9 sont positifs. Ainsi, la décision de dissoudre la Société canadienne des ports devrait aboutir à une réduction des coûts et à une certaine rationalisation de la prise de décisions à l'exception d'un élément majeur -- et négatif -- , nous ne sommes pas convaincus que les pratiques, le rôle ou les résultats des nouvelles administrations portuaires devant être créées en application du projet de loi différeront énormément de ceux des sociétés portuaires locales qu'elles remplaceront. Même si le ministre ne jouit plus de la même latitude pour nommer les membres du conseil d'administration, le gouvernement fédéral continuera d'exercer un contrôle substantiel. Par conséquent, le projet de loi est en recul par rapport à la politique maritime nationale annoncée en décembre 1995.

Fait encore plus important, le projet de loi empêchera l'accès à une importante source traditionnelle de financement des grands projets d'investissement -- le gouvernement fédéral. En même temps, celui-ci soutirera au port une redevance annuelle sous la forme d'un prélèvement pris sur les revenus bruts. C'est l'élément négatif principal du projet de loi, celui qui, selon nous, suffit à en faire une mesure rétrograde en ce qui concerne le développement des ports canadiens.

L'impossibilité pour le gouvernement fédéral de participer à de futurs investissements de capitaux, conjuguée à la redevance annuelle qui sera exigée, est inéquitable et produira un effet défavorable sur la compétitivité et le potentiel de croissance du port de Halifax. C'est le vice majeur du projet de loi C-9. On notera que les analyses effectuées pour le compte du gouvernement fédéral par Nesbitt Burns sur l'autosuffisance financière du port ne portaient que sur le maintien des activités actuelles et ne prenaient pas en considération le besoin d'entreprendre d'importants investissements en biens d'équipement à Halifax.

La plupart des installations portuaires ont une forte intensité de capital et doivent être construites bien avant que l'on connaisse les engagements de leurs utilisateurs. Comme l'ont démontré à de nombreuses reprises les comportements des transporteurs maritimes, les utilisateurs ne se manifestent pas tant que les installations ne sont pas en place. Dans le cas de Halifax, du fait qu'une très petite proportion du trafic est captive, il n'existe pas de garantie que les utilisateurs resteront une fois venus. Ils ne resteront pas s'ils trouvent un autre port qui leur offre un accès moins coûteux aux marchés intérieurs nord-américains qu'ils cherchent à desservir.

Dans ces circonstances, le financement nécessaire à la construction d'installations portuaires majeures ne peut être que partiellement orchestré par le secteur privé. Aucun bailleur de fonds ou investisseur du secteur privé ne peut se permettre d'avancer la majeure partie d'un tel financement en échange d'engagements d'utilisateurs qui se matérialiseront, ou non, une fois les installations terminées. De plus, s'ils se matérialisent effectivement, ils peuvent rester ou ne pas rester jusqu'au moment où les mises de fonds auront été remboursées. Si le projet de loi C-9 avait été en vigueur à la fin des années 60, Halifax n'aurait pu construire et équiper ne serait-ce qu'un terminal pour conteneurs, et le port aurait été depuis longtemps relégué à un rôle mineur dans l'économie canadienne.

La ligne de conduite que nous recommandons n'est pas de déplorer la situation après l'adoption du projet de loi C-9. Pour parler franchement, les futurs gros investissements en biens et équipement qui seront nécessaires, par exemple un nouveau terminal pour conteneurs, ne seront tout simplement pas possibles si le projet de loi C-9 est adopté tel quel. Les dispositions à caractère financier du projet de loi C-9 sont essentiellement inadaptées aux investissements d'équipement majeurs. Ces grands projets d'équipement nécessiteront en matière d'investissement un partenariat entre les secteurs public et privé. Or, celui-ci dépassera la capacité des parties prenantes locales et des gouvernements provincial et municipal.

Le projet de loi C-9 empêchera le gouvernement fédéral de participer. Celui-ci prélèvera parallèlement une redevance annuelle, freinant d'autant la capacité d'emprunt du port.

Nous soutenons qu'il est foncièrement inacceptable que le gouvernement fédéral continue d'insister pour soutirer des recettes du port de Halifax, alors qu'il refuse de devenir son partenaire pour les investissements futurs.

Le port de Halifax se trouve dans une situation concurrentielle unique. Les ports américains bénéficient d'une marge de manoeuvre beaucoup plus grande: ils peuvent emprunter des capitaux grâce aux obligations indexées sur les résultats, à la possibilité de nantissement des effectifs, à l'imposition directe et à d'autres mécanismes. Ils bénéficient aussi de subventions considérables des gouvernements, sans acquitter de redevances.

Le projet de loi C-9 ne servira qu'à aggraver la situation et à infléchir les règles du jeu encore plus à notre désavantage. Au nord, le port de Montréal continue de bénéficier d'un soutien massif des contribuables canadiens grâce à la prestation gratuite des services de brise-glace. Dans l'intervalle, Halifax et son partenaire ferroviaire, le CN, ne bénéficient d'aucune aide malgré les efforts qu'ils déploient pour affronter leurs concurrents subventionnés, sur le marché du centre du Canada et du Midwest américain.

Un autre exemple de ce traitement inégal est fourni par les dispositions du projet de loi C-9 qui continuent d'accorder à la Voie maritime du Saint-Laurent l'accès au Trésor canadien. Or, le port de Halifax n'y aurait pas accès. Bien souvent, la Voie maritime concurrence directement Halifax, par exemple dans le domaine du transport des marchandises lourdes, de l'acier et d'autres marchandises non regroupées ou en vrac.

Dans le projet de loi C-9, le législateur s'évertue à justifier un traitement à deux vitesses, au paragraphe d) de l'article 78, qui exprime l'objectif suivant:

d) protéger le fonctionnement à long terme et la viabilité de la Voie maritime à titre d'élément constitutif de l'infrastructure nationale des transports au Canada.

Le port de Halifax/ville porte du CN représente une composante au moins aussi importante que l'infrastructure nationale des transports au Canada. Étant donné l'évolution de l'industrie et les changements qui interviennent dans les courants d'échanges commerciaux, nous prétendons qu'il offre un potentiel considérablement supérieur du point de vue de l'expansion de son rôle dans le commerce international, à l'avantage de tous les Canadiens. Le port de Halifax mérite d'être traité comme les autres ports et voies d'acheminement, et le gouvernement fédéral doit reconnaître qu'il a l'obligation de se montrer conséquent en matière de soutien de l'activité portuaire canadienne.

M. Hayes: Pour conclure: la Halifax-Darmouth Port Development Commission est tout à fait convaincue que le port de Halifax a le potentiel voulu pour développer substantiellement son rôle de point de passage vers l'Amérique du Nord. Cela se soldera par un accroissement de l'emploi, le renforcement et la viabilité à long terme du réseau ferroviaire de l'Est du Canada et un meilleur accès aux marchés outremer pour les producteurs et les manufacturiers canadiens. Toutefois, le projet de loi C-9 fait peser de sérieux doutes sur ce scénario parce qu'il restreint de façon considérable la capacité du port de financer des projets d'équipement majeurs. Malheureusement, les architectes du projet de loi C-9 ont choisi d'ignorer la réalité à laquelle est confronté le port de Halifax en matière de concurrence, particulièrement vis-à-vis des ports américains, qui bénéficient de capacités de financement bien supérieures.

Dans le contexte canadien, le port de Halifax continue d'être désavantagé au plan de la compétitivité, tout comme l'a été l'aéroport international de Halifax à cause de la politique incohérente du gouvernement fédéral. Le projet de loi C-9 aggraverait encore cette situation et bloquerait en réalité l'expansion future du port.

Nous considérons que l'offensive du gouvernement en faveur d'une adoption rapide de ce projet de loi est une grave erreur. Quels que soient les changements qui pourraient découler de l'examen obligatoire de cette mesure législative dans quatre ans, cela reviendra à fermer la porte de la grange alors que les chevaux ont décampé depuis longtemps. La commission vous prie instamment de ne pas permettre que cela arrive.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous des statistiques là-dessus? Pourriez-vous nous donner une idée des chiffres en fait de subventions tenant lieu d'impôts? Une idée approximative?

M. Elliott: Je ne connais pas les chiffres exacts. À Halifax, les rapports avec la municipalité ont toujours été très bons. De fait, la Municipalité régionale de Halifax et son précurseur, la Ville de Halifax, sont parfois venus en aide aux terminaux pour conteneurs par le truchement de réduction des cotisations d'impôts durant les années difficiles.

Le sénateur Forrestall: J'essaie de comparer ce que vous pourriez être tenu de verser au fédéral et ce que vous recevez en ce moment en fait de subventions tenant lieu d'impôts. J'aimerais aussi connaître la somme des impôts que vous pourriez avoir à verser. Je veux avoir une bonne idée du coût de tout cela. Je comprends et j'apprécie le débat qui a lieu à propos de l'impôt sur les recettes brutes, plutôt que les recettes nettes. Si nous avions des chiffres, nous aurions peut-être une idée de ce que le port de Halifax a à gagner et à perdre.

Avez-vous des chiffres?

M. Hayes: Vous parlez de la proposition qui est faite d'exiger une redevance en fonction des recettes brutes du port. Je ne sais pas si quiconque saurait à quel pourcentage la redevance s'établirait. Dans le secteur privé, tout de même, on ne prendrait jamais pour référence les recettes brutes, plutôt que les recettes nettes. C'est un aspect négatif sur lequel nous ne nous sommes pas vraiment penchés.

Le sénateur Forrestall: Vous n'avez pas de chiffres. Vous ne pouvez dire, par exemple, que cela vous donnerait 200 000 $ de la façon actuelle, mais que vous perdriez 200 000 $ de l'autre façon?

M. Hayes: Je ne crois pas que le projet de loi C-9 modifie la relation pour ce qui touche les subventions tenant lieu d'impôts.

M. Elliott: Pour ce qui est des subventions tenant lieu d'impôts, le rapport avec les municipalités devrait demeurer le même. La Société du port de Halifax se qualifie elle-même de petite entreprise, de par les recettes d'environ 15 millions de dollars par année qu'elle touche et les gains nets d'autour de 3 millions de dollars par année qu'elle présente. Si nous voulons obtenir à l'avenir des investissements notables, notre principale préoccupation est la suivante: la somme que nous pourrons emprunter suivant notre trésorerie suffira-t-elle à justifier les gros investissements en question?

Le sénateur Forrestall: Je présume qu'il est difficile de mettre des terrains fédéraux en garantie contre les gros emprunts?

M. Hayes: Le projet de loi exclut cette éventualité. Le gouvernement fédéral demeurera propriétaire des biens, contrôlera l'entreprise et touchera une redevance sur les recettes brutes, mais, pour ce qui est des futurs projets d'investissement, il n'est pas intéressé.

Le sénateur Forrestall: Il faut être prêt à payer le prix. Si vous voulez donner de l'expansion au terminal, c'est sa volonté qui prévaudra.

M. Hayes: Étant donné les recettes qu'elle génère actuellement, la Société du port de Halifax ne pourra susciter le genre d'investissement privé qu'il faut pour mettre en place les installations en question. Sans ce genre d'investissement, le port sera tranquillement relégué au second plan.

Le sénateur Forrestall: Vous êtes-vous assis avec les principaux utilisateurs des installations pour déterminer s'ils ont les moyens de mettre les installations en place?

M. Elliott: Il y a toujours des discussions à propos d'investissements qui ont lieu entre les exploitants de terminaux pour conteneurs, par exemple, et la Société du port de Halifax. Si vous considérez l'ampleur des investissements que nous envisageons d'ici quelques années, un nouveau terminal pour conteneurs coûterait autour de 200 millions de dollars. Compte tenu de ce que nous pouvons offrir, l'absence du gouvernement fédéral à ces discussions voudra vraisemblablement dire que le terminal ne sera pas construit.

La présidente: Certains ports ont versé des dividendes au gouvernement fédéral par le passé. Est-ce le cas du port de Halifax?

M. Elliott: Oui, il a versé des dividendes aussi bien que contribué à des paiements spéciaux en espèces. Il a versé en espèces environ 5 millions de dollars, et il y a eu des dividendes, par exemple les frais de la Société canadienne des ports.

La présidente: Avez-vous effectué des études détaillées sur la somme des investissements requis dans un proche avenir pour que le port demeure concurrentiel?

M. Elliott: Oui. Nous mettons beaucoup l'accent là-dessus depuis quelques années. De concert avec d'autres organismes de développement économique et le CN, nous étudions la situation concurrentielle de Halifax et essayons de déterminer ce qui se révélera nécessaire à l'avenir.

Une des grandes questions concerne la taille croissante des navires, phénomène qui est à l'avantage du port de Halifax, où les eaux sont très profondes. Pour accommoder ces navires, il faut toutefois de grandes grues dont la longue portée permet d'atteindre le côté éloigné. Or, les grues en question, il faut les payer, et nous négocions actuellement dans l'espoir que cela se concrétise.

Si nous continuons à croître, nous aurons besoin d'une plus grande capacité en ce qui concerne les conteneurs. Un investissement qui se révélera nécessaire comme dans le cas du terminal pour conteneurs ne sera plus possible si le projet de loi est adopté.

M. Hayes: La somme d'argent nécessaire varie selon la personne à qui on s'adresse. Qu'il s'agisse de moderniser les installations existantes ou d'ajouter un troisième ensemble «clés en main», les chiffres donnés varient entre 100 et 600 millions de dollars. C'est une somme d'argent très importante.

La présidente: Les chiffres que vous donnez proviennent-ils d'études précises?

M. Hayes: Plusieurs études ont été effectuées. Certaines données viennent confirmer les chiffres, en fonction de l'envergure de l'investissement envisagé.

Il nous faut continuer à croître. Je ne crois pas que Halifax ait le choix. Il nous faut nous moderniser pour accommoder les nouveaux navires de grande taille, sinon nous pouvons oublier l'activité qui fait notre pain. Nous n'avons pas le choix.

Le sénateur Bryden: Les dispositions du projet de loi concernant la Voie maritime du Saint-Laurent permettent au gouvernement fédéral d'accorder des subventions, de fournir des garanties et de tirer des fonds sur le Trésor dans certaines circonstances. Est-ce cela que vous voulez pour un port comme le vôtre?

Dans les cas où il faut construire un terminal de 150 millions de dollars, je peux comprendre qu'aucun banquier ne prêtera la somme si le bien n'est pas nanti ou que personne n'est là pour le garantir. Voulez-vous que le gouvernement fédéral garantisse cette dépense? Si c'était le cas, est-ce que vous appuieriez le projet de loi C-9?

M. Hayes: Nous souhaitons que le gouvernement fédéral ait au moins le choix de devenir partenaire dans un futur projet d'investissement. Nous ne laissons pas entendre qu'il doit forcément l'être. Il faudrait qu'il s'agisse d'un investissement approprié. Par contre, il devrait tout au moins pouvoir l'envisager. Compte tenu du projet de loi que nous étudions ici, il ne saurait le faire.

Le sénateur Bryden: Il est interdit pour lui de le faire.

M. Hayes: Tout à fait.

Le sénateur Bryden: Qu'est-ce que la Société du port de Halifax et qui est M. Bellefontaine?

M. Hayes: C'est le président de la Société du port de Halifax, la société portuaire fédérale qui possède et exploite le port à l'heure actuelle.

La Société du port de Halifax est un organisme provincial-municipal dont la création remonte à 1984. Halifax a déjà vu sa part de commissions portuaires; la commission actuelle a été crée par l'adoption d'une loi de la province de la Nouvelle-Écosse. Notre financement provient de la province aussi bien que de la municipalité.

Le sénateur Bryden: Quelle relation existe-t-il entre votre organisation et la Société du port de Halifax?

De tradition, c'est la Société du port de Halifax qui exploite le port. La commission portuaire, de concert avec la société portuaire locale, encourage la mise en valeur du port et sonde les transporteurs maritimes susceptibles de venir y augmenter le trafic. Parfois, nous ne nous entendons pas sur des questions relevant de la politique maritime. La Société du port de Halifax est un organisme du gouvernement fédéral, alors que nos maîtres politiques sont la province et la municipalité. Tout de même, le président de la Société du port de Halifax siège à notre conseil d'administration, de sorte qu'il y a échange de vues. Nous travaillons de concert à faire valoir les avantages du port.

M. Elliott: Vous avez reçu un mémoire de la Société du port de Halifax, où un grand nombre des préoccupations que nous soulevons nous-mêmes sont évoquées.

Le sénateur Bryden: La semaine dernière, nous avons entendu dire qu'il y a parfois des froids entre les deux groupes.

Je crois que votre préoccupation principale a également été soulevée dans le mémoire de la Société. Selon elle, la difficulté, c'est que le projet de loi interdit le nantissement des biens fédéraux dans le contexte d'hypothèques, de prêts et ainsi de suite. C'est simplement une autre façon de dire ce que vous venez de dire.

M. Hayes: Tout à fait.

Le sénateur Roberge: J'aimerais savoir pourquoi certains des autres grands ports n'ont pas de réaction favorable au projet de loi C-9. Dans le cas de Montréal, vous avez parlé des services de brise-glace gratuits. Y a-t-il d'autres raisons?

M. Elliott: La situation financière à Halifax est l'une des plus importantes raisons. La trésorerie est l'une des façons principales dont les nouvelles administrations portuaires sont censées financer les nouveaux investissements. Dans le meilleur des scénarios, le port de Halifax générerait probablement de 30 à 40 millions de dollars. Or, nous parlons ici de dépenses se chiffrant entre 75 et 200 millions de dollars.

À Montréal et à Vancouver, les recettes suffisent peut-être très bien à couvrir les dépenses, mais c'est parce que l'envergure des opérations n'est pas la même.

M. Hayes: Le port de Vancouver, le port de Montréal et le port de New York attirent tous un trafic local considérable de sorte que les navires y font escale. Environ 80 p. 100 des navires qui passent par Halifax ne sont pas obligés de s'y arrêter. Notre port est un port discrétionnaire en quelque sorte. Pour cette raison, il est beaucoup plus difficile de s'assurer que les navires y feront escale à l'avenir et que les recettes soit garanties. Ce n'est pas le cas de Vancouver ni de Montréal.

Le sénateur Roberge: Selon votre rapport, vos revenus s'élèvent à 200 millions de dollars, et vos dépenses, à 330 millions de dollars.

M. Elliott: Nous parlons là des effets économiques du port dans leur ensemble.

Le sénateur Adams: Vous avez parlé des conteneurs à quelques reprises. Comment les conteneurs sont-ils expédiés à destination depuis vos installations portuaires? Cela se fait-il par la route?

M. Elliott: Pour desservir les grands marchés à Montréal, à Toronto et à Chicago, les deux tiers environ du trafic sont acheminés directement par train. Nous mettons de plus en plus l'accent sur le Midwest depuis quelques années. Environ 15 p. 100 de nos activités concernent les déplacements par camion dans la région. Le reste est transporté sur l'eau, entre Halifax et Corner Brook, ou St. John's, ou la Nouvelle Angleterre. Il y a un important trafic ferroviaire au-delà du marché local de la région de l'Atlantique.

Le sénateur Adams: Est-ce que vous touchez à du grain au port de Halifax?

M. Elliott: Nous touchons un peu au grain. Pour la majeure partie, il est destiné à l'industrie du bétail dans la région de l'Atlantique. Nous n'exportons plus beaucoup, même si cela nous arrive encore de le faire de temps à autre.

Le sénateur Adams: Vous dites avoir des installations portuaires pour les conteneurs et que cela vous occupe toujours plus d'année en année. Si la banque ne prête pas les 200 millions de dollars nécessaires pour moderniser le dock, allez-vous être en mesure de continuer? Et encore, avez-vous besoin d'un canal plus profond, ou l'eau est-elle suffisamment profonde?

M. Elliott: Heureusement, Halifax a une situation géographique des plus heureuse. Nous n'avons pas à nous soucier de glace ou de marée. Par l'effet d'un glacier, nous avons un havre naturel d'une grande beauté dont la situation nous permet d'exploiter les tendances de l'industrie. Les navires sont de plus en plus gros, et les ports capables de les accueillir, de moins en moins nombreux. Halifax cadre certainement bien dans ces projets, et le dragage n'y coûte rien.

Tous les coûts vont à la construction du terminal.

Le sénateur Adams: Le transport maritime n'y connaît pas de ralentissement durant l'année?

M. Elliott: Non.

Le sénateur Forrestall: Vous nous avez donné des chiffres très approximatifs en ce qui concerne le coût d'agrandissement des installations -- de 150 à 700 millions de dollars. Les décideurs envisagent-il de venir à Navy Island Cove? Sinon, pourquoi pas?

M. Elliott: Les discussions sur le développement du terminal pour conteneurs ont permis de retenir plusieurs sites. Celui qui refait le plus souvent surface se trouve un peu plus au nord, le long de la côte de Rockingham.

Le sénateur Forrestall: Quelle profondeur a l'eau là-bas? Tout comme moi, vous en connaissez exactement la profondeur tout comme vous connaissez le coût qu'il faut engager pour récupérer ce bout de terre. C'est ce qui fait passer le prix de 100 à 200 millions de dollars.

M. Elliott: On a envisagé Shearwater, comme divers autres endroits.

Le sénateur Forrestall: Le meilleur emplacement dans le port est le site entre l'Institut de Bedford et l'usine de gypse. Si on nivelait le terrain et qu'on le repoussait vers le large, on se retrouverait dans une zone où l'eau est très profonde. C'est le plus gros lot de terrains, à moins qu'on ne remplisse l'anse de Navy Island.

Les chiffres sont époustouflants. Combien cela coûtera-t-il d'installer de plus grandes grues dans les terminaux?

M. Elliott: Il y a diverses façons d'y parvenir. Il en coûtera probablement quelque 30 millions de dollars par terminal.

Le sénateur Forrestall: Peut-on apporter des modifications à l'équipement déjà en place?

M. Elliott: Si l'on veut que les terminaux soient efficients, non.

Le sénateur Forrestall: Vous devrez acheter du nouveau matériel. Bonne chance.

M. Elliott: Vous avez mentionné la possibilité d'envisager d'autres sites. L'an dernier a été fructueux pour Halifax. Notre trafic de conteneurs a augmenté de 20 p. 100. Le trafic du Midwest a augmenté de 40 p. 100. Il existe un potentiel, car dans notre domaine, il y a peu de trafic captif. Nous croyons que nous pouvons devenir une plaque tournante pour l'Amérique du Nord. Nous espérons pouvoir être en position d'envisager ces types de sites pour le développement futur du port et l'établissement de nouveaux terminaux.

Le sénateur Forrestall: Nous avons commis deux erreurs dans le passé. Pourquoi en faire une troisième? Mettons-en 20 ou 30, à mesure que les besoins se font sentir.

M. Elliott: Si le projet de loi C-9 est adopté, nous n'aurons pas cette possibilité.

Le sénateur Forrestall: C'est ce que je crains. Où trouverait-on le capital?

M. Elliott: Exactement.

La présidente: Je vous remercie pour votre exposé.

Notre prochain témoin est le capitaine Claude L. Ball, directeur administratif, Halifax Shipping Association.

Le capitaine Claude L. Ball, directeur administratif, Halifax Shipping Association: La Halifax Shipping Association, aussi connue sous le nom de HSA, est une organisation qui représente les transporteurs maritimes, les entreprises de débardage, les agents, les transitaires, les fournisseurs de services et autres intervenants du commerce maritime dans le port de Halifax. Cette association, qui existe depuis longtemps, a été établie pour informer ses membres sur les questions d'actualité au port et pour représenter ses membres relativement aux répercussions des politiques sur les activités.

L'initiative de redéfinition des ports canadiens arrive à point nommé pour le développement du commerce mondial et de la logistique des transports sur les marchés mondiaux. Dans ce contexte, nous croyons que le port de Halifax pourrait devenir un carrefour important, avec tout ce que cela comporte comme potentiel de croissance et de développement: il y aura là beaucoup à gagner ou à perdre.

L'évolution de la technologie maritime comme l'avènement des navires post-Panamax, le regroupement de plus en plus important de transporteurs maritimes, le partage de navires et la consolidation du trafic maritime dans les ports clés, en plus des économies de capitaux liées à la réduction des stocks et à des délais de livraison plus courts sont autant d'atouts dans le jeu du port de Halifax. Il s'agit d'un port en eaux profondes, littéralement situé sur la route orthodromique, offrant une excellente interface bateau-rail et pouvant desservir toute l'Amérique du Nord. Tout cela fait du port de Halifax le chemin le plus court en temps entre, d'une part, les marchés d'Europe et de Suez et, d'autre part, les marchés canadiens et du Midwest américain.

Toutefois, rien de tout cela ne pourrait se réaliser si le statu quo est maintenu. Il faut mettre au point et mettre en oeuvre un programme dynamique de développement des infrastructures et de commercialisation pour que ce potentiel voie le jour. Nous croyons que, pour saisir cette occasion sans précédent, il est essentiel que des mesures déterminantes soient prises immédiatement. Si nous ratons cette occasion, le port sera éventuellement relégué au statut de port d'approvisionnement pour le seul marché des Maritimes. Nous craignons fort que le projet de loi C-9 ne compromette le financement des grands projets d'immobilisations.

D'autres sont mieux placés que nous pour juger des répercussions négatives que cette réduction à la fonction de port d'approvisionnement aurait sur l'économie de Halifax, de la Nouvelle-Écosse et même de l'économie canadienne; par contre, nous sommes en mesure d'affirmer que les pertes d'emploi qui en résulteraient pour notre industrie à Halifax seulement se compteraient par milliers. En conséquence, nous avons profité du dépôt du projet de loi, intitulé Loi maritime du Canada, pour examiner le port et tenter de décrire notre vision de ce que la nouvelle autorité portuaire pourrait être et ensuite pour examiner les aspects du projet de loi C-9 qui s'accordent avec cette vision et ceux qui s'en écartent.

Nous imaginons une organisation à faible coût, efficace et financièrement autosuffisante, dirigée par le secteur privé, dont la mission consiste à développer la vision et l'orientation du port, non seulement pour assurer le maintien de sa situation concurrentielle comme porte commercialement fiable de la côte est, mais aussi pour qu'elle réalise pleinement son potentiel.

Nous recommandons que l'énoncé de cette vision figure dans les lettres patentes de la nouvelle autorité portuaire du port de Halifax en guise de facteur d'identification. Nous croyons que ce sont les besoins et les occasions qui existent dans le secteur privé qu doivent déterminer les orientations et les stratégies si nous voulons que le port atteigne son potentiel.

La HSA reconnaît qu'en éliminant la Société canadienne des ports et en améliorant l'autonomie locale, le nouveau projet de loi constitue une certaine amélioration du statu quo. Ces améliorations seraient toutefois éclipsées par les graves problèmes créés sur le plan financier.

Le projet de loi n'assure pas que le gouvernement actuel et tous les gouvernements futurs donneront carte blanche aux autorités portuaires pour poursuivre des objectifs commerciaux libres de tout lien politique. Cela se produirait malgré que le gouvernement fédéral se retire comme investisseur éventuel dans les projets portuaires.

L'alinéa e) de l'article 4 («Politique maritime nationale»), précise ce qui suit: «offrir un niveau élevé d'autonomie...». La définition de «élevé» est laissée entièrement à l'interprétation. Ce mot devrait être remplacé par l'expression suivante: «... d'autonomie totale, dans les limites établies par la loi».

Le projet de loi énumère les activités des autorités portuaires et les restrictions qui leur sont imposées. La seule façon de favoriser le développement et l'entrepreneurship est de préciser clairement les règles du jeu.

À l'article 14, «administrateurs», nous notons une différence de choix de mots dans le texte anglais: certains administrateurs sont «appointed» par les municipalités ou les provinces, tandis que les autres sont «nominated» par le ministre en consultation avec les utilisateurs. On prend grand soin dans la Loi de décrire les qualifications des candidats admissibles et les restrictions qui s'appliquent à eux. Afin de s'assurer que les autorités relèvent du secteur privé, la Loi devrait énoncer clairement les qualités d'un administrateur et les restrictions auxquelles il est soumis. Des groupes d'utilisateurs particuliers, comme la HSA, pourraient alors nommer le nombre d'administrateurs selon les critères de la loi.

L'article 16 décrit les «catégories de personnes exclues» à titre d'administrateurs. Cette terminologie est beaucoup trop vague puisqu'on ne définit pas l'utilisateur d'un port. Elle porte atteinte à la capacité du secteur privé d'exiger que l'on prenne des décisions d'affaires non partisanes et ouvre la voie aux abus et au favoritisme.

On doit élaborer une définition des personnes exclues et l'enchâsser dans le projet de loi. La définition peut avoir une portée universelle ou se limiter à un port. Toutefois, nous aimerions nous attacher aux points qui, selon nous, s'appliquent au port de Halifax.

Bien que la HSA reconnaisse la possibilité que des employés des transporteurs maritimes et des autres clients du port puissent être en conflit d'intérêts s'ils siègent au conseil, cela n'est pas nécessairement le cas de certains fournisseurs de services. Plus particulièrement, le port de Halifax et le CN ont des rapports d'interdépendance extraordinaires. La participation du CN aux activités du port est essentielle à la survie du port. Par ailleurs, si le port ne peut demeurer une porte d'accès majeure à l'Amérique du Nord, cela pourrait sérieusement compromettre la viabilité commerciale du principal lien ferroviaire entre Montréal et Halifax.

Nous notons, à la partie 3 du projet de loi, qui traite de la Voie maritime, que l'alinéa 78d) reconnaît l'importance de «protéger le fonctionnement à long terme et la viabilité de la Voie maritime à titre d'élément constitutif de l'infrastructure nationale des transports au Canada». Le lien ferroviaire entre le port de Halifax et les grands marchés canadiens est aussi partie intégrante de l'infrastructure nationale des transports du Canada, et il apporte une contribution importante à l'économie canadienne. À cet égard, il faut considérer les répercussions que la perte de ce lien avec le reste du Canada aurait sur les provinces de l'Atlantique et, ultimement, sur l'ensemble du pays. La meilleure façon d'assurer la viabilité à long terme du lien ferroviaire est d'appliquer de bons principes commerciaux. Pour y parvenir, nous recommandons que la société ferroviaire soit encouragée à jouer un rôle plus actif au sein de l'autorité portuaire.

Le CN devrait avoir un représentant au conseil d'administration, et cette personne devrait être exemptée des restrictions applicables aux utilisateurs du port. En ce qui a trait aux autres administrateurs, la HSA, qui compte des représentants des compagnies de navigation de Halifax, doit faire partie du processus de sélection. Les restrictions applicables aux candidats et la définition d'utilisateur doivent être précisées, ajoutées au projet de loi avant son adoption et établies de manière à éliminer toute exclusion arbitraire.

C'est dans la section financière, notamment à l'article 25 «pas de crédit» qu'on retrouve l'élément le plus troublant du projet de loi. Le projet de loi C-9 interdit aux autorités portuaires du Canada de chercher à obtenir des prêts ou des crédits du gouvernement fédéral pour financer des projets. De plus, le projet de loi ne permet pas aux autorités portuaires d'offrir leurs actifs (propriété de l'État) comme garantie pour des prêts bancaires. Cela impose de graves restrictions financières aux ports, particulièrement celui de Halifax. Ces limites risquent d'avoir des effets nuisibles sur la capacité des ports d'obtenir un financement des banques surtout quand il faut d'importants capitaux pour de grands projets d'infrastructures portuaires. Tout cela aurait vraisemblablement pour effet d'interrompre sur-le-champ l'élaboration de tout grand projet d'immobilisations, comme le nouveau terminal conteneur.

Le projet de loi propose le versement au gouvernement d'un droit annuel proportionnel aux revenus bruts de l'autorité portuaire. Ce droit grève considérablement le port et aura un effet sur sa capacité d'emprunter. La HSA estime que si le gouvernement fédéral cherche à s'exclure de la possibilité de se considérer comme un partenaire des grands projets d'immobilisations, il n'a pas le droit de nuire à la capacité des autorités portuaires de lever des fonds en percevant des droits.

Les ports des États-Unis n'ont pas à verser de tels droits. De fait, ces ports -- qui sont nos concurrents -- ont toujours accès aux octrois de l'État. Les ports de Seattle et de Tacoma disposent de pouvoirs d'imposition des propriétaires fonciers qui leur permettent de soutenir leur programme d'infrastructures.

La Halifax Shipping Association apprécie l'occasion qui lui est offerte de présenter son point de vue. Nous craignons fort, si le projet de loi est adopté sans les changements nécessaires, qu'il compromette grandement le développement futur du port, d'autant plus que des décisions clés en matière d'investissement doivent être prises très bientôt. Par conséquent, la HSA vous invite fortement à prendre les mesures nécessaires pour que le port de Halifax puisse devenir une grande porte d'entrée sur la côte est pour le bénéfice de tous les Canadiens.

Le sénateur Roberge: Vous avez soulevé un point intéressant concernant les administrateurs: vous dites qu'une personne qui exerce les fonctions d'administrateur, d'agent ou d'employé d'un port ne peut faire partie du conseil d'administration. Par contre, le projet de loi prévoit qu'on doit choisir un candidat jouissant d'une vaste expérience en matière de gestion portuaire et d'utilisation des ports. C'est contradictoire. Est-ce que la divulgation d'un conflit d'intérêts ne serait pas suffisante?

M. Ball: Je crois que oui. Lorsqu'on fait partie d'un conseil ailleurs, on fait un travail crédible. Il est avantageux de retrouver dans la salle du conseil des gens qui connaissent le domaine. Dans le cas qui nous occupe, il devrait être suffisant de faire comme de nombreux autres conseils d'administration et tout simplement divulguer les intérêts qu'on a à l'égard de certains points. Le port serait donc dirigé par des personnes qui connaissent le domaine et qui ont grandement avantage à ce que les choses se fassent bien.

Le sénateur Roberge: Oui, mais les circonstances varient d'un port à l'autre. Par exemple, le port de Sept-Îles se retrouve dans une situation très particulière: trois grandes sociétés utilisent le port. Il est insensé d'affirmé qu'elles ne peuvent avoir un mot à dire en ce qui concerne le fonctionnement du port.

M. Ball: C'est bon pour les affaires.

Le sénateur Bryden: Au port de Halifax, est-ce qu'on transborde la marchandise de gros navires sur de plus petits navires en vue de descendre la côte Est?

M. Ball: Oui, on y fait du transbordage.

Le sénateur Bryden: Le recours à cette pratique est-il susceptible d'augmenter?

M. Ball: Nous l'espérons. Nous voudrions que Halifax devienne un port clé. Avec l'avènement des navires post-Panamax, que peu de ports seront en mesure d'accueillir, on s'attend à ce qu'ils viennent ici pour décharger leurs marchandises destinées à des ports plus modestes. C'est à ce moment que les services d'approvisionnement entreraient en jeu. Nous estimons que nos eaux profondes et notre proximité des itinéraires de navigation permettraient la réalisation d'un tel scénario, moyennant une conjoncture économique favorable.

Le sénateur Bryden: J'aimerais soulever la question du recours à l'eau et au rail comme solution de rechange aux camions pour le transport des marchandises. Je comprends que, pour de nombreux types de marchandises, le transport maritime demeure la première solution. Comment le transport maritime se compare-t-il aux autres, en termes non seulement de coût, mais aussi d'impact environnemental?

Il est clair que le ministère des Transports cherche à réduire les niveaux de pollution découlant du transport. Le ministre Collenette a déclaré, devant le comité des transports de la Chambre des communes, que 27 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre au Canada sont attribuables au transport. Il a parlé de la croissance du trafic routier, qui semble irréversible, et a mentionné qu'on prévoit une croissance de 50 à 100 p. 100 du trafic de véhicules privés au cours des 25 prochaines années. Concernant l'impact de cette tendance sur Toronto, le ministre a dit ce qui suit:

Ce que cela signifie, c'est que si l'on double le trafic de camions dès 2025, nous aurons besoin d'une autre route équivalente à la 401 qui traverserait la région de Toronto: cela représente 16 voies. Nous ne pourrions pas la soutenir. Nous ne pouvons pas la bâtir. Nous ne pouvons pas la payer. Cela ne se fera pas. Nous devons envisager d'autres solutions.

Je crois que l'une des solutions de rechange envisagées au gouvernement et ailleurs consiste à combiner le transport de marchandises sur de gros navires s'arrêtant à des ports comme celui de Halifax et l'établissement d'un réseau ferroviaire à très grande vitesse reliant ces ports et des villes comme Toronto.

Essayez-vous de placer le port de Halifax dans une position qui lui permettrait de faire concurrence dans un tel contexte?

M. Ball: C'est vrai, je ne crois pas que le transport routier soit une option. À l'heure actuelle, les routes ne peuvent accommoder nos conteneurs. C'est pourquoi, il y a quelques années, nous nous sommes tournés vers les trains à deux niveaux de chargement. On a agrandi le tunnel de Sarnia afin que ces trains à deux niveaux puissent se rendre au Midwest américain. C'est un avantage pour Halifax. La subsistance du port est fonction des marchés qui longent la ligne ferroviaire: Montréal, Toronto et la région de Chicago. C'est pourquoi nous voulons que le CN joue un rôle plus actif. De cette façon, nous pourrions améliorer les délais de livraison.

À l'heure actuelle, nos transporteurs maritimes qui s'arrêtent à Halifax peuvent acheminer un conteneur à Chicago avant que le navire ne se rende à New York, parce que nous sommes le premier port atteint. Nous avons besoin de ce genre d'avantage pour être concurrentiel.

Le sénateur Bryden: Est-ce que cela améliorerait votre compétitivité à l'égard d'autres ports, comme celui de Montréal?

M. Ball: Oui. Si nous sommes tous assujettis aux mêmes règles, le port de Halifax peut actuellement faire concurrence à n'importe quel port. Chaque port a certains besoins. Dans notre cas, nous avons besoin d'aide gouvernementale. Nous rembourserions l'aide, mais il est difficile d'approcher une banque et de demander 200 millions de dollars sans offrir de garantie. Je ne crois pas qu'on nous l'accorderait.

Le sénateur Forrestall: J'aimerais retourner à la question de l'emprunt, telle que prévue dans le règlement. Avez-vous vu le projet de règlement qui découlera du projet de loi C-9?

M. Ball: Non. J'ai le projet de loi en ma possession. J'ai vu les articles du projet de loi qui, selon nous, interdisent toute participation, et c'est sur ces articles que nous nous fondons.

Le sénateur Forrestall: Les articles interdisent la participation selon les limites prescrites par le règlement. J'aimerais faire une parenthèse. Au début de la semaine dernière, j'ai demandé au greffier s'il pouvait obtenir le projet de règlement. Avez-vous réussi?

M. Michel Patrice, greffier du comité: Pas encore. On m'a répondu que le projet de règlement n'était pas disponible pour l'instant.

Le sénateur Forrestall: Est-ce qu'on ne nous a pas dit que quelqu'un l'examinait?

La présidente: Je suis surprise que quelqu'un l'ait obtenu.

Le sénateur Forrestall: Moi aussi.

La présidente: Personne d'autre n'a mentionné cela au comité.

Le sénateur Forrestall: Est-ce qu'on vous a dit quand nous pourrions l'examiner?

M. Patrice: Je dois m'en informer, mais on attend essentiellement le projet de loi.

Le sénateur Roberge: Avant d'établir le règlement?

M. Patrice: Avant de l'établir ou de le distribuer, je ne suis pas certain.

Le sénateur Forrestall: Il m'est difficile d'admettre cela.

M. Ball: Nous sommes convaincus que le Sénat résoudra ces problèmes.

Le sénateur Forrestall: Il est très important que nous trouvions une solution, mais nous ne pouvons y parvenir seuls. Je peux vous en assurer.

M. Ball: Soyez certains que vous aurez notre aide et notre coopération.

Le sénateur Forrestall: Maintenant, j'aimerais que ceux qui ont le projet de loi regardent le paragraphe 27(1) pour un instant.

Pour l'application de la présente partie, le gouverneur en conseil peut prendre des règlements en vue de la gestion et du contrôle des administrations portuaires ou de leurs filiales à 100 p. 100...

Sheet Harbour serait-il considéré comme un sous-port ou comme un port affilié? Serait-il considéré comme un port autonome?

M. Ball: Il serait probablement considéré comme un port autonome privé. Il y a quelques années, le pilotage y était obligatoire, mais aujourd'hui les pilotes de Halifax y assurent le service à titre volontaire. Le pilotage n'est pas obligatoire. Il y a des années, il a pu l'être en vertu d'anciens règlements portuaires. Le port n'a certes pas le même statut que Halifax.

Le sénateur Forrestall: Non, c'est vrai, mais on a envisagé de demander au port de Halifax de le prendre sous son aile et de contribuer à le soutenir dans la période qui a suivi immédiatement l'aménagement du quai.

M. Ball: L'une de nos sociétés de débardage y assure des services.

Le sénateur Forrestall: En vertu de la réglementation, on fixera la modalité de l'assurance des ports. Avez-vous une idée de l'effet que l'assurance du port aura sur vos membres? La situation actuelle suscite-t-elle chez vous de graves objections? Seriez-vous satisfait si la nouvelle loi la reconduisait, à condition que les chiffres demeurent à peu près les mêmes?

M. Ball: Je crois que oui, parce que certaines améliorations ont été apportées. Par exemple, on a rationalisé la Société canadienne des ports. À son apogée, elle coûtait à Halifax 800 000 dollars par année. On procède aujourd'hui à une élimination graduelle. Nous croyons que le port aura accès aux fonds publics, dès que nous aurons fait la démonstration de la viabilité du projet. Lorsque je travaillais à la société portuaire, nous avons réalisé des études sur un troisième terminal conteneurs. Avec des experts-conseils, nous avons étudié l'anse de Navy Island, Sheerwater, et que sais-je encore, et les angles droits constituent la solution la plus efficiente. Si ma mémoire est fidèle, le coût était d'environ 200 millions de dollars pour deux postes de mouillage. Nous avons l'infrastructure d'appoint: le chemin de fer est tout juste là, et l'eau. Bien entendu, l'eau trop profonde pose un problème lorsqu'on doit faire du remplissage pour aménager un terminal conteneurs. On doit utiliser le matériau adéquat. Il ne suffit pas de jeter du sable.

Le sénateur Forrestall: Je ne devrais pas faire le trafic de mes préoccupations personnelles, mais je suis un ardent partisan de l'anse de Navy Island. Pour une fois, nous disposons de toute la superficie d'appoint nécessaire et d'un accès par rail aux principales artères du réseau routier. Nous pouvons sortir les conteneurs des rues de Halifax et du pont A. Murray Mackay.

M. Ball: À partir de là, on peut directement sortir de la ville.

Avant d'aménager, on devra mettre à jour l'étude parce qu'elle date d'environ cinq ans. Le scénario serait le même. Les coûts seraient peut-être légèrement supérieurs.

Nous aurons peut-être besoin d'aide à l'égard des grues post-Panamax auxquelles vous avez fait référence plus tôt. Comme les navires sont très larges, les grues doivent être plus hautes et avoir une portée plus grande. En fait, on place 17 ou 18 conteneurs dans le sens de la largeur. Traditionnellement, l'industrie n'investit pas dans le matériel du terminal. Par le passé, les exploitants de terminaux fournissaient les grues, mais elles coûtent aujourd'hui près de 10 millions de dollars chacune.

Les exploitants de terminaux ne sont pas riches à ce point. Ils auront besoin d'aide pour financer ces grues. On ne peut s'en tenir à une seule grue post-Panamax. Comme je l'ai déjà dit, il en faut au moins deux par terminal. Pour bien faire, il en faudrait trois.

D'après moi, nous avons besoin d'aide à Halifax pour représenter l'industrie. Cette dernière ne fournira pas de fonds parce qu'elle n'est pas tenue de le faire dans d'autres ports. Il est rare qu'un transporteur possède un terminal, sauf peut-être à Rotterdam, mais c'est parce que de méga-conteneurs y transitent.

À Halifax, on retrouve quelques transporteurs à chaque terminal, et ils ne sont pas tenus d'assumer quelque coût d'infrastructure que ce soit. Ils paient un tarif d'environ 820 $ le conteneur.

Vous avez fait allusion aux subventions et aux nouvelles taxes. Dès qu'un terminal est loué à un exploitant privé comme Haltern, ce dernier paye des taxes. Les taux sont confidentiels et négociés avec la ville. Dans certains cas, le taux s'élève à près de 1 million de dollars avant d'être négocié à la baisse en raison des retombées économiques que le terminal procure au port. L'exploitant obtient une importante réduction du taux naturel de taxation, mais il s'agit d'une négociation confidentielle entre la municipalité et, dans ce cas, la société de débardage.

Le sénateur Forrestall: Voilà le principal problème. L'autre problème a trait à l'article 25, où on précise qu'aucun paiement n'est effectué.

M. Ball: À titre d'industrie qui éponge la facture, nous aimerions que les administrateurs que nous recommandons soient nommés au conseil. Nous ne voyons pas pourquoi nous devrions envoyer de nombreux noms sans avoir la moindre idée de qui sera choisi. Nous sommes de l'ancienne école. Si c'est l'utilisateur qui paie, il devrait avoir son mot à dire. Nous sommes peut-être dans l'erreur, mais, à mon avis, les choses vont mieux lorsque ce sont des personnes qualifiées et qui connaissent la question qui siègent au conseil.

Le sénateur Forrestall: Au fil des ans, elles auront gagné des millions de dollars pour le compte de leurs sociétés respectives grâce à l'application de bonnes pratiques commerciales.

M. Ball: Tout ce qu'il nous faut, c'est une chance égale. Nous sommes en plein dans la course. Cependant, on peut aussi choisir de paver la Voie maritime et d'y faire circuler des camions.

Le sénateur Johnstone: Capitaine Ball, je crois comprendre que les navires sont de plus en plus gros. Cette situation pourrait-elle se révéler plus avantageuse pour le port de Halifax que pour les ports intérieurs?

M. Ball: Oui, monsieur, parce que ces navires choisiront leur port d'escale. Premièrement, Halifax peut les accommoder du point de vue de la taille et du tirant d'eau, sans dragage. Certains ports ne peuvent en faire autant. Même New York éprouverait un problème. On y éprouve déjà des problèmes. On a dû y procéder à un dragage considérable, et on doit aujourd'hui faire face aux résidus hautement contaminés du dragage du fleuve Hudson. L'État n'est pas trop satisfait des résultats de ce dragage.

Nous avons la possibilité de prendre une part plus grande du marché de New York parce que ces grands navires ne peuvent pas faire escale dans tous les ports, mais Halifax est l'un de ceux où ils le peuvent. Aux États-Unis, il y a quelques ports qui peuvent accueillir de grands navires, mais nous espérons que Halifax pourra alléger leur fardeau. Nous sommes à 18 jours de Suez. Lorsque les navires qui en viennent sont chargés à Halifax, nous pouvons les approvisionner en combustible et en eau en grande quantité. Il s'agit d'un atout additionnel pour le port.

Le sénateur Johnstone: Capitaine, vous envisagez également des percées emballantes pour le port de Halifax. Vous dites que l'interface navire-rail y est excellente et que vous pouvez fournir des services à l'ensemble du marché nord-américain. Pourriez-vous expliquer les modifications que vous souhaiteriez voir apporter au projet de loi C-9 pour que l'avenir que vous envisagez se concrétise?

M. Ball: J'aimerais que nous ayons la possibilité d'emprunter au Trésor lorsque nous sommes à même de fournir les justifications nécessaires, ce que nous avons toujours fait par le passé. Si nous avons besoin de rails, de grues ou de terminaux-conteneurs additionnels, le Trésor est notre banquier. Nous rembourserons, mais nous avons besoin de la mise initiale. Nous ne sommes pas une entreprise conventionnelle capable de dire à la banque que, si elle souhaite aménager un quai pour conteneur, son projet se réalisera.

Si vous l'aménagez, des clients viendront peut-être, mais je puis vous assurer que si vous ne le faites pas, ils ne viendront pas. Voilà comment sont les choses. Très peu de clients s'engageront avant que l'installation ne soit en place. Telle est la nature de notre activité. Si on dispose des installations voulues et qu'on assure des délais d'exécution rapide, les clients viendront, nous en avons la conviction.

Le sénateur Johnstone: Merci, capitaine. C'est très encourageant.

Capitaine, vous avez fait état du réseau ferroviaire et de la mise à niveau des entrepôts pour conteneurs du port. Si vous procédez à une mise à niveau, attirerez-vous des compagnies de chemin de fer autres que le CN? Amtrak, par exemple, passe par Chicago. Le matériel utilisé pour les conteneurs est-il déficient?

M. Ball: Le CN, qui possède la capacité requise, est un bon chemin de fer. Avec une recrudescence de l'activité, il pourrait être plus efficient. Les trains à double niveau de chargement qui se déplacent dans les deux directions en rotation assureront une efficience maximale. Un fort volume est souhaitable.

Le sénateur Adams: Vous fait allusion à Chicago à quelques reprises. Les Américains préfèrent-ils expédier en Europe à partir de Halifax ou de Chicago?

M. Ball: Dans mon mémoire, j'ai mentionné le système de stockage au moment adéquat. Parfois, la valeur du contenu des conteneurs s'élève à 130 000 dollars. Si nous pouvons l'obtenir un jour avant notre concurrent, l'expéditeur utilisera notre port. C'est la règle du jeu.

Avant que le CN ne surélève le tunnel de Sarnia il y a quelques années, les trains à double niveau de chargement ne pouvaient se rendre à Chicago. Pour le port, il s'est agi d'un important atout.

Le sénateur Adams: Le CN a maintenant des trains à double niveau de chargement. Entre-temps, les Américains vous donneront-ils l'assurance qu'ils utiliseront votre port si vous mettez à niveau les installations destinées aux conteneurs? Utiliseront-ils votre port plutôt que celui de Chicago?

M. Ball: Les clients sont en quête d'un service de qualité. Depuis l'ouverture du tunnel, le fret en provenance du Midwest américain augmente chaque année. Il faut donc que nous soyons sur la bonne voie. C'est le service, conjugué au prix, qui fait loi. Si nous n'agissons pas comme il faut, les utilisateurs des installations s'adresseront ailleurs.

Le sénateur Adams: Les banques vous prêteront-elles 200 millions de dollars?

M. Ball: Ce n'est pas la voie que je veux emprunter. Comme je l'ai dit, je sais que les sénateurs corrigeront la situation d'entrée de jeu.

La présidente: Merci de votre contribution, capitaine Ball. Nous apprécions votre témoignage.

Les prochains témoins représentent la Commission du havre de Port Alberni. M. Hugh Anderson, président, et M. Denis White, directeur du port et président-directeur général.

M. Hugh Anderson, président, Commission du havre de Port Alberni: Honorables sénateurs, c'est pour nous un grand honneur que de comparaître devant vous. Lorsqu'on constate des lacunes dans un projet de loi, on peut réagir de deux façons: laisser faire et espérer qu'elles se corrigeront plus tard ou, s'il est possible d'agir auparavant, éviter que le gouvernement et les ports ne se retrouvent dans l'embarras. Nous sommes ici en tant qu'amis, et non en tant qu'ennemis, pour suggérer des améliorations. Le réseau portuaire canadien est complexe; il n'a rien de simple.

Les honorables sénateurs savent peut-être que, il y a un certain nombre d'années, les grands ports du Canada ont fait faillite. C'est en raison de la faillite de ports majeurs comme Vancouver et Montréal que le gouvernement fédéral a fait son entrée dans le secteur.

Vers 1947, le Parlement, dans sa sagesse, a adopté la Loi sur les commissions portuaires. Pendant 50 ans, son fonctionnement a été si efficient que ni le gouvernement ni les commissions portuaires n'ont trouvé à y redire. Il est apparu que les seules personnes qui, à l'époque s'intéressaient aux commissions portuaires étaient les fonctionnaires qui jugeaient que nous bénéficiions d'une marge de manoeuvre trop grande et que nous prenions trop de décisions par nous-mêmes. Nous réalisions des profits, et ils estimaient avoir droit à une part du gâteau ou encore devoir faire en sorte que nous ne prenions pas trop de décisions sans que ces dernières aient été au préalable examinées à la loupe. Comme elles ne demandaient pas d'argent, les commissions portuaires ont toujours suscité la méfiance. Les commissions portuaires étaient solvables, elles réalisaient des bénéfices, elles avaient de l'argent à la banque et, aux termes de la Loi sur les commissions portuaires, apportaient une importante contribution à l'économie de la région où elles se trouvaient. Je ne parle pas des grands ports comme Vancouver.

Port Alberni expédie environ 300 000 tonnes de produits forestiers par année. Environ 75 millions de tonnes transitent par le port de Vancouver. Comparativement à Vancouver, nous ne sommes pas dans la même ligue. Toutefois, les ports de notre ligue stimulent l'économie des régions où ils se trouvent. Nous avons aménagé trois ports de plaisance parce que les promoteurs privés, après avoir étudié les coûts et le rendement de tels aménagements, en sont venus à la conclusion qu'ils ne constituaient pas un bon investissement. Nous avons toutefois pensé que nous pourrions attirer des gens dans notre région en aménageant des postes de mouillage pour les bateaux de plaisance. Sur l'île de Vancouver, où nous nous trouvons, le tourisme est un secteur en pleine croissance. Nous appelons notre île le joyau du Pacifique, et Port Alberni, la capitale mondiale du saumon. Toutefois, nous ne le disons pas trop souvent.

La Loi sur les commissions portuaires statue que c'est aux administrations locales qu'il incombe de superviser le développement social et économique. Des projets devaient nous être soumis, et nous devions les approuver, à condition que nous ayons les fonds nécessaires. Nous l'avons fait. Nous l'avons fait pendant 50 ans, car la Commission du havre de Port Alberni célèbre son cinquantième anniversaire. Pendant 50 ans, nous avons réalisé des profits chaque année. Nous n'avons pas exercé de ponction dans les fonds gouvernementaux. Suivant la même logique, nous ne leur avons pas versé d'argent non plus qu'aux municipalités. Nous avons gardé l'argent non pas pour le bénéfice des commissaires et de leurs employés, mais bien pour celui du développement économique. Nous avons aménagé une usine de transformation du poisson: ce faisant, nous croyions attirer des débarquements sur nos quais, ce qui s'est matérialisé. Nous avons aménagé une fabrique de glace, dotée de congélateurs pour la congélation rapide. Les pêcheries n'en voyaient pas l'utilité. Nous l'avons aménagée malgré tout, et aujourd'hui on y fait massivement appel. En prenant ces initiatives, nous avions la conviction de fournir un service et aussi d'accroître l'activité économique.

Jusqu'à tout récemment, tout allait bien. Nous étions satisfaits de la situation. Nous n'avons pas demandé au gouvernement fédéral de modifier quoi que ce soit. Nous lui avons demandé d'approuver des projets que nous nous chargerions de financer à même l'argent que nous avions mis de côté. Le gouvernement ne nous a pas donné d'argent; nous l'avons économisé.

Nous constituions des réserves de 5 ou 6 millions de dollars, puis nous demandions au gouvernement la permission d'utiliser 4 millions de dollars pour aménager un terminal ou autre chose. Nous gardions un peu d'argent en réserve, nous aménagions le terminal et tout le monde était satisfait. Il s'agissait d'un bon système. Plutôt que d'emprunter, nous économisions. L'intérêt sur ces sommes nous venait en aide, et nous le consacrions à des projets d'immobilisation.

Notre commission portuaire est un conseil d'administration composé de trois membres. Deux membres sont nommés par le gouvernement fédéral, et un, par la ville de Port Alberni. Nous avons 14 employés. Nos recettes brutes moyennes s'élèvent à environ 5 millions de dollars par année. Nous touchons un rendement d'environ 10 p. 100 sur notre investissement; voilà d'où vient l'argent mis de côté que j'ai évoqué. En moyenne, il s'agit de 500 000 dollars. Et nous exploitons une belle société.

Je nourris des inquiétudes à propos de quelques articles du projet de loi qui, en voulant tout regrouper sous un même texte de loi et en tentant de faire en sorte que tous fassent la même chose de la même façon, posent de graves problèmes pour notre commission portuaire.

Le gouvernement du Canada dit que nous verserons un droit sur nos recettes brutes. Si nos recettes sont de 5 millions de dollars, il veut que nous en retournions 4 p. 100 à Ottawa, soit environ 200 000 dollars. Je parle ici de recettes brutes.

D'abord, quelqu'un a oublié qu'il y a au Canada deux types de ports différents. Oublions la distinction entre les ports de petite et de grande taille. Il y a des ports exploitants, dont nous faisons partie, et des ports locateurs, dont font partie bon nombre des ports de plus grande taille. En d'autres termes, un port locateur profite du loyer que lui versent les entreprises qui exercent leurs activités sur son territoire.

S'il s'agit, comme nous, d'un port d'expédition, il sous-traite le travail de débardage, et il impose un droit pour l'utilisation de ses installations. À titre de port exploitant, nous facturons l'expéditeur pour les biens qui transitent par notre quai, et nous payons les entreprises de débardage et les débardeurs. En d'autres termes, nous sommes un «intermédiaire». Nous prélevons des sommes auprès de l'entreprise, nous acheminons l'argent aux entreprises de débardage et aux débardeurs, et nous empochons la différence.

Vous vous demandez peut-être où je veux en venir. À la lumière du chiffre mentionné, nous devons verser à Ottawa non pas ce que nous recevons, mais tous les frais, avant que quoi que ce soit n'en soit déduit. Si, en vertu de la formule gouvernementale axée sur les recettes brutes, nous soustrayons 200 000 dollars de 500 000 dollars, environ 50 p. 100 disparaît d'un seul coup.

Un port locateur ne paie pas les débardeurs. L'entreprise de débardage lui verse 200 000 dollars parce qu'elle utilise ses installations, tandis que 90 p. 100 de la somme de 5 millions de dollars ont trait à l'argent que nous prélevons auprès des compagnies de transport à titre d'intermédiaire. Nous payons par la suite les débardeurs et tous les autres coûts.

Nous avons nos propres chariots élévateurs à fourche. Ils n'appartiennent pas à l'entreprise de débardage. Pourquoi? Parce que 90 p. 100 du profit de 500 000 dollars que réalise la commission portuaire s'expliquent par le fait que nous exploitons nous-mêmes les terminaux, plutôt que de confier cette responsabilité à une autre partie.

Le gouvernement versera les profits à Vancouver. Nous disons non. Notre commission portuaire peut utiliser cet argent. Nous l'administrerons. Nous sommes assez intelligents pour le faire. Si nous agissons de la sorte à titre de port exploitant, c'est uniquement pour que notre collectivité dispose de recettes plus grandes, qui peuvent être réinvesties dans des améliorations des immobilisations. Le gouvernement a dit qu'il faut assujettir toutes les parties aux mêmes règles du jeu au risque de nuire à quelques-uns. Tant pis pour les ports exploitants. Je dis que ce n'est pas la bonne façon de faire. Nous punit-on pour avoir exploité pendant 50 ans une société qui fonctionne bien?

Certains autres témoins ont évoqué la possibilité de recourir aux banques. Une fois qu'on nous aura retiré 50 p. 100 de l'argent que nous consacrerions normalement aux immobilisations, on nous confronte à une autre difficulté, savoir qu'il faut maintenant verser des droits aux municipalités. Quelles sommes? Nous n'en sommes pas sûrs. Personne n'en a une bonne idée parce que nous n'avons jamais été confrontés à une telle situation auparavant.

Disons qu'il s'agit de 100 000 dollars. De la somme initiale de 500 000 dollars, 300 000 dollars sont maintenant partis. Il nous reste donc 200 000 dollars. Si nous nous adressons à la banque parce que nous souhaitons aménager un nouveau terminal de 10 millions de dollars et que cette dernière constate que notre encaisse est de 200 000 dollars -- et encore, il s'agit d'une bonne année -- , j'ai bien peur que nous ne serons pas considérés comme un très bon risque.

Nous pouvons agir de l'autre façon. Nous pouvons leur dire de prendre notre argent, et nous nous adresserons à eux lorsque nous aurons besoin de capitaux. Toutefois, je pensais que le projet de loi visait à nous habiliter et à nous rendre indépendants. Nous épargnerions et nous nous occuperions de nos affaires.

Du point de vue des commissions portuaires -- et certainement de celui des ports exploitants, par opposition aux ports locateurs --, le projet de loi dilapidera les fonds que nous avions l'habitude de consacrer au développement. Nous devrons peut-être alors nous adresser au gouvernement, que la loi n'autorise pas à nous donner de l'argent, mais nous ne serons pas en mesure d'en gagner. Nous ne serons pas non plus en mesure d'en emprunter. Au lieu de réaliser un projet en cinq ans, nous devrons peut-être le réaliser en vingt ans parce qu'il nous faudra plus de temps pour épargner l'argent. On nous a retiré la moitié de ce que nous avions. C'est cela qui nous préoccupe. On restreint ainsi la capacité que nous avons d'effectuer le travail que nous croyions avoir à faire, c'est-à-dire stimuler l'économie de notre région. Mais peut-être n'est-ce pas le cas; peut-être que le gouvernement croit pouvoir faire mieux.

Nous avons exercé nos activités pendant 50 ans sans avoir à demander de l'argent au gouvernement. Nous avons économisé et dépensé. Il nous semble que nous allons régresser, et non progresser. Nous pouvons donner l'argent aux municipalités et au gouvernement fédéral. Nous devrons alors nous adresser à eux pour obtenir qu'ils nous remettent ce qu'ils nous ont pris, puisque nous n'en aurons pas assez pour exploiter un port. Cela vous paraît peut-être sensé, mais, du point de vue économique, cela ne se justifie pas à nos yeux.

En vérité, les grands ports comme ceux de Halifax, de Vancouver et de Montréal vous diront qu'ils adoreraient fonctionner en vertu de la nouvelle Loi sur les commissions portuaires. Depuis des années, ils essaient d'accéder à la Loi sur les commissions portuaires. Nous y voyions une bonne idée, mais ne voulions pas qu'on touche à la loi. En dernière analyse, on a été témoin d'une sorte de mariage.

Les commissions portuaires perdent de l'autonomie, et les grands ports acquièrent une autonomie plus grande que celle qu'ils avaient auparavant. Le projet de loi assujettit les petits ports -- ce que sont les commissions portuaires -- à un régime dont ils ne devraient jamais relever. C'est un régime conçu pour Montréal, Vancouver et d'autres grands ports.

Même dans les grands ports, le projet de loi C-9 ne fait pas l'unanimité. Le projet tente de mettre tout le monde dans le même bateau. Étant donné notre taille et notre empressement, nous ne pouvons pas toujours être mis dans le même bateau, de sorte que nous serons mis en péril.

Nous ne critiquons pas pour le simple plaisir de critiquer. Toutefois, nous tenons à vous sensibiliser au fait que, en agissant de la sorte, vous réduirez nos fonds de fonctionnement et les sommes que nous pouvons utiliser à des fins d'investissement. Vous limiterez notre capacité de consacrer de l'argent à des projets d'immobilisations dans notre région.

Nous avons déclaré à M. Chan, le ministre du Commerce international, que, en tant que commission portuaire, la seule façon que nous avions de recueillir des fonds consistait à augmenter les droits d'utilisation. Telle est l'option qui s'offre à nous. Or, nous parlons déjà de compétitivité et de commerce international. Je ne pense pas que le gouvernement aurait l'intention d'obliger les commissions portuaires ou d'autres ports à compenser les pertes subies par une augmentation des frais d'utilisation, ce qui aurait pour effet de les rendre encore moins concurrentiels qu'ils ne le sont aujourd'hui. Toutefois, c'est la solution de rechange qui s'offre à nous. Je ne suis pas certain que le Sénat ni la Chambre des communes y voient une solution pratique. C'est le prix à payer lorsqu'on agit de la sorte, c'est-à-dire celui de la compétitivité internationale.

Je pensais -- et je suis certain que le Sénat le pensai aussi -- que le projet de loi C-9 avait pour but de rendre le système plus efficient. Dans le mémoire que nous avons présenté, nous soutenons que le projet de loi C-9 nous rendra moins efficients. J'ai dit que nous comptions un effectif de très petite taille. Plus l'effectif serait réduit, croyions-nous, et plus nous serions efficients. Toutefois, nous devrons passer à sept commissaires et peut-être même jusqu'à 11. Le nombre des commissaires serait presque supérieur à celui des employés. Nous pourrions asseoir un commissaire à chacun de nos bureaux. Voilà qui entraîne des coûts supplémentaires.

Du point de vue philosophique, si, comme le prévoit le projet de loi, nous passons à sept commissaires, il y aura des volets municipal, fédéral et provincial ainsi que quatre groupes d'utilisateurs. Nous n'avons rien contre les groupes d'utilisateurs, mais les commissaires nommés par les utilisateurs d'un port risquent d'avoir un point de vue différent de ceux qui n'ont pas d'intérêts dans l'industrie. Ces personnes auront la majorité. Nous nous demandons si vous y avez réfléchi. Nous ne nous opposons pas aux groupes d'utilisateurs, mais nous nous demandons si sept ou 11 commissaires sont bel et bien nécessaires pour les ports de petite taille.

Nous serons également visés par des dispositions qui ne nous ont jamais touchés auparavant, par exemple celles qui ont trait à l'accès à l'information, ce qui entraînera également des coûts pour nous. Par conséquent, le projet de loi a pour effet d'augmenter nos coûts. Pour donner satisfaction au gouvernement fédéral, nous dépenserons probablement cette année 100 000 $ en honoraires d'experts-conseils spécialisés dans divers domaines, au moment où l'économie de l'industrie forestière de la Colombie-Britannique connaît des moments difficiles. Nous savons que nos recettes diminueront.

A-t-on réfléchi aux répercussions du projet de loi sur les ports de plus petite taille? Plutôt que d'imposer aux petits ports toutes les exigences auxquelles doivent se conformer les ports de grande taille, le projet de loi ne devrait-il pas plutôt prévoir un régime à deux paliers?

Les commissions portuaires ont bien servi le pays. Elles ont été un moteur de croissance, sans pour autant constituer un fardeau pour les contribuables. Si les commissions portuaires n'existaient pas, nous aurions dû, en fait, créer autre chose pour les remplacer puisqu'elles génèrent de l'activité économique sans qu'il en coûte un sou aux gouvernements, ce qui fait toujours l'affaire de ces derniers.

Il y a les articles du projet de loi, notamment celui qui a trait aux recettes brutes, qui nous désavantagent particulièrement parce que nous avons choisi d'exploiter notre port plutôt que de le louer. De plus, nous devrons composer avec un certain nombre de facteurs de coûts qui contribueront à réduire encore nos recettes. Nous espérons qu'on trouvera un moyen quelconque d'intégrer un régime à deux paliers pour nous permettre de fonctionner aussi efficacement que nous l'avons fait sous le régime de la Loi sur les commissions portuaires.

Madame la présidente, nous ne coûtons vraiment pas cher. Nous exerçons nos activités en vertu d'appointements fixés par le gouvernement fédéral en 1982 et qui n'ont pas été augmentés depuis. À titre de président à temps plein, je gagne 500 $ par mois. Très efficiente, notre exploitation a un budget et des coûts très limités. Nous utilisons l'argent que nous touchons pour contribuer au développement de notre région.

Nous serons heureux de répondre à vos questions. M. White, notre président-directeur général, est ici présent pour répondre aux questions difficiles que vous nous poserez.

Le sénateur Forrestall: Je suis heureux de vous revoir, monsieur Anderson.

Avez-vous été consulté à propos du projet de loi C-4 ou du projet de loi C-9 actuel?

M. Anderson: Sénateur, j'ai été quelque peu désavantagé. J'ai siégé à la commission portuaire de 1980 à 1986, et je suis revenu il y a environ deux ans, soit après le dépôt du projet de loi C-44. Il y a eu des discussions avec le ministère. Des propositions ont été mises de l'avant, mais personne ne savait ce qu'allait être le résultat final. Au fil du temps, nous avons eu des rencontres et des discussions, à l'occasion desquelles on a dit craindre que le tout n'allait pas fonctionner aussi bien que prévu. Aujourd'hui, nous avons rencontré des fonctionnaires pour parler de la question des recettes brutes. Ils nous ont dit que nous n'exploitions pas une entreprise sans but lucratif et que, par conséquent, nous ne devrions pas parler de recettes brutes et nettes. Très peu d'entreprises sont tenues de payer des impôts sur des recettes brutes. Cela n'a pas de sens. Nous avons des dépenses et des mouvements de trésorerie.

Oui, nous avons eu des discussions, et on nous a dit qu'il était très difficile de créer un projet de loi s'appliquant à tous les ports du Canada. Il est difficile de formuler une définition qui s'applique à tous. Je suis d'accord. À mon humble avis, tous les ports ne devraient pas être visés par un seul et même texte de loi.

Le sénateur Forrestall: Je ne vous contredirai pas sur ce point.

Le projet de loi aura des impacts considérables quant au déclenchement de mécanismes d'examen environnemental. Traditionnellement, comment le havre de Port Alberni s'est-il acquitté de cette responsabilité? À supposer que le projet de loi soit adopté, il n'y aura plus rien pour déclencher une évaluation ou un examen. Comment ferez-vous face à cette situation?

M. Anderson: Il s'agit d'un aspect du projet de loi qui n'a pas encore été arrêté de façon définitive, même si on nous a dit qu'il s'agit de la version finale. Jusqu'à maintenant, nous étions assujettis aux inspections provinciales et fédérales. Nous aménageons actuellement un nouveau port de plaisance. Des évaluations environnementales ont été menées par les gouvernements fédéral et provincial.

En vertu du projet de loi, il y aura une nouvelle disposition. Elle se révélera coûteuse et probablement superflue puisqu'il existe déjà deux très fortes séries de lois environnementales auxquelles nous devons nous conformer et qui, croyons-nous, demeureront en place.

Les nouvelles dispositions augmenteront nos coûts, mais amélioreront-elles la situation? Nous sommes déjà, croyons-nous, assujettis à un nombre suffisant d'inspections environnementales. Ces nouvelles dispositions ne constitueront pas une amélioration.

Le sénateur Forrestall: Je crois comprendre que le projet de loi aura comme effet net de vous soustraire aux évaluations environnementales en vous confiant cette responsabilité. Comment vous acquitterez-vous de cette responsabilité? Comment en assurerez-vous les coûts?

M. Denis White, directeur du port et président-directeur général, Commission du havre de Port Alberni: Comme M. Anderson vous l'a dit, nous avons par le passé eu recours aux ministères provincial et fédéral de l'Environnement pour inspecter non seulement les projets de la commission portuaire, mais aussi ceux de nos clients. Nous voyons dans cette nouvelle réglementation une autre formalité administrative à laquelle le promoteur doit se conformer. Il s'agit d'une autre étape de la bureaucratie gouvernementale qu'un projet de loi devra franchir, et nous ne croyons pas que cela soit nécessaire.

Le sénateur Forrestall: J'imagine que les ports comme celui de Port Alberni -- et ils sont nombreux au Canada -- devront consulter des conseillers juridiques et des experts-conseils en environnement pour mettre au point un plan acceptable pour la province, en ce qui a trait aux travaux délicats pour l'écosystème du port et de la région avoisinante.

M. White: Nous n'avons pas à notre service d'employés rompus à ce genre de réglementation environnementale. Je suppose que nous pourrions embaucher et former des personnes qui auraient pour mandat de s'acquitter de cette tâche pour le port. Toutefois, comme je l'ai dit auparavant, ce travail est déjà effectué par d'autres ministères gouvernementaux.

Le sénateur Forrestall: Tout cela risque cependant de s'interrompre brutalement. Avez-vous vous la réglementation, ou quelqu'un vous a-t-il donné une idée de ce qu'elle pourrait être?

M. Anderson: Nous avons vu le projet de loi et les lettres patentes. C'est pourquoi nous sommes ici. Nous n'avons pas vu la réglementation.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous une idée de la façon de traiter les recettes brutes ou nettes?

M. Anderson: Oui. Les recettes brutes sont définies pour nous.

Le sénateur Forrestall: Quel est le pourcentage défini?

M. Anderson: Cela figure dans les lettres patentes. On nous a déjà informés: jusqu'à 3 millions de dollars, le pourcentage est de 2 p. 100; de 3 millions de dollars à 10 millions de dollars, il est de 4 p. 100. Ce sont les chiffres que j'ai utilisés dans l'exemple des 5 millions de dollars.

Le sénateur Forrestall: Je me demande si c'est bien à cela que doivent servir les chiffres. La commission du Fraser en a parlé. C'est probablement ce dont il est question.

M. Anderson: Je crois comprendre que les pourcentages seront les mêmes partout au Canada. Voilà pourquoi on entend parler de «règles du jeu égales». Selon les recettes brutes, Montréal paiera 4 p. 100 sur les sommes qui excèdent 5 millions de dollars, puis d'autres échelles s'appliqueront également. En d'autres termes, nous paierons tous la même chose.

Le problème, c'est que, comme je l'ai mentionné, on a affaire à des ports locateurs et à des ports exploitants. Il en résulte une iniquité criante. Nous pourrions devoir payer plus que le port de Vancouver parce qu'il s'agit d'un port locateur. Si cela vous paraît sensé, messieurs, nous ne partageons certes pas votre avis.

Le sénateur Forrestall: Vous comprenez comment cela peut se produire.

M. Anderson: À nos yeux, il est évident que cela peut se produire parce que nous utilisons des chiffres différents pour établir les recettes brutes. Ils touchent des loyers, et nos chiffres comprennent le total des salaires, des machines et de tout. Même si notre revenu réel est beaucoup moindre que celui du port de Vancouver, il paraît plus grand parce que nous assumons les coûts de la main-d'oeuvre et tout le reste. Nos recettes brutes, lorsqu'on les compare à celles de Vancouver ou d'autres ports, peuvent donner l'impression que nous comptons parmi les géants de l'industrie portuaire, tandis que nous comptons parmi les nains. Tout dépend de la façon dont s'effectuent les calculs et du type de port. Le gouvernement doit s'attaquer à ce problème essentiel. Il ne peut pas se permettre de laisser les ports exploitants en plan simplement parce qu'ils ont choisi d'assurer leur propre exploitation. Ce n'est pas une pénalité. Exploiter un port n'est pas mauvais en soi. Pourquoi, dans ce cas, imposer des sanctions pécuniaires?

Le sénateur Bryden: Pourrions-nous obtenir ces lettres patentes, ou en avons-nous des copies?

La présidente: Nous pouvons en faire la demande.

Le sénateur Bryden: À part nous, tout le monde semble les avoir. Ce serait bien que nous les ayons.

M. Anderson: Nous pourrions mettre à la disposition du comité les copies qui nous ont été fournies par le ministère. On ne nous a pas dit qu'il s'agissait de documents confidentiels. Pour tirer vos propres conclusions, je suis certain qu'il serait utile que vous ayez en main les lettres patentes pour bien comprendre la nature des propositions.

Le sénateur Bryden: Je suis certain que cela ne sera pas nécessaire. Le ministère a été des plus avenants. S'il apprend que ces documents nous seront utiles, nous les aurons sur nos bureaux demain matin.

Quelle est la population de Port Alberni?

M. Anderson: La Ville de Port Alberni et la région environnante dans la vallée compte environ 30 000 habitants. De 19 000 à 20 000 d'entre eux vivent dans la ville.

Le sénateur Bryden: Avez-vous dit qu'il y avait trois commissaires?

M. Anderson: Nous avons trois commissaires et trois terminaux.

Le sénateur Bryden: Qui nomme les commissaires?

M. Anderson: Aux termes de la Loi sur les commissions portuaires actuelle, un commissaire est nommé par la Ville de Port Alberni, et deux, par le gouvernement fédéral.

Le sénateur Bryden: La commission et la Ville entretiennent-elles de bonnes relations?

M. Anderson: La Ville et la commission portuaire, au cours de ses 50 années d'existence, ont travaillé la main dans la main à une diversité de projets, au point où la Ville de Port Alberni n'a jamais demandé de subventions tenant lieu d'impôts. Le phénomène s'explique par le fait que nous avons coparrainé les projets avec elle. C'était une façon de nous imposer indirectement puisque notre argent était investi dans des projets avantageux pour la Ville et nous.

Je ne peux pas me prononcer pour les conseils futurs. Toutefois, je puis vous assurer que, au moment où on se parle, le maire et le conseil, s'il leur revenait de prendre la décision, préconiseraient probablement qu'on laisse l'argent dans les mains de la commission portuaire et qu'on lui laisse le soin de l'utiliser aux fins du développement portuaire.

Le sénateur Bryden: Vous pensez que la municipalité appuiera la position que vous défendez aujourd'hui?

M. Anderson: Sénateur, je pense que la question ne se pose même pas. Les recettes brutes n'ont rien à voir avec la Ville. Il s'agit d'une question distincte qui concerne le gouvernement du Canada. Toutefois, les subventions tenant lieu d'impôts fonciers ne figurent pas très haut sur la liste des priorités de la Ville. Si c'est la viabilité du port qui était en cause, avec des subventions tenant lieu d'impôts fonciers et des appointements versés au gouvernement fédéral, je sais que la Ville de Port Alberni ferait tout en son pouvoir pour faire en sorte que nous demeurions une société à but lucratif stable.

Le sénateur Adams: Vous avez fait allusion à des congélateurs et à des usines de transformation du poisson. Ces entreprises vous appartiennent-elles? Qui emploie les ouvriers? Comment le système fonctionne-t-il?

M. Anderson: Comme je l'ai dit, la Commission du havre de Port Alberni est heureuse d'être un moteur économique. Port Alberni, pour ceux qui l'ignoreraient, est en dehors des sentiers battus. Nous ne nous trouvons pas du côté est de l'île de Vancouver, où sont situées les villes de Parksville, Courtenay, Nanaimo et Victoria. Si vous remontez la route de l'île jusqu'à Parksville, puis que vous vous dirigez vers l'ouest, vous nous retrouverez environ au milieu de l'île, sur un fjord.

Notre emplacement a des qualités et des défauts. La région est magnifique, et 30 000 personnes occupent quelques centaines de milliers de kilomètres carrés. Jusqu'à tout récemment, nous faisions pousser de beaux grands arbres. Nous ne pouvons toutefois plus les récolter puisqu'il s'agit d'une réserve naturelle.

Lorsqu'il s'agit de ports de plaisance ou d'usines de transformation du poisson, il est difficile d'attirer des investisseurs à cause de villes comme Nanaimo, Victoria, Vancouver, et cetera.

En ce qui concerne les emplois liés à l'eau, la commission portuaire a fait la promotion de certaines industries. Nous avons aménagé une usine de transformation du poisson dotée d'une fabrique de glace, et cetera. Nous l'avons louée pendant un certain nombre d'années. Certaines des entreprises, en raison de mauvaises captures, ont fait faillite et ont été remplacées par d'autres. Toutefois, nous tenions à mettre une installation à la disposition de personnes intéressées à y faire de la transformation. Nous leur avons donné la possibilité de louer l'installation pour leur éviter d'avoir à consacrer leurs capitaux à une industrie par nature cyclique. Nous avons installé une fabrique de glace pour inciter quelqu'un à faire de la transformation.

Le sénateur Adams: Pouvez-vous me parler de la durée de votre saison?

M. Anderson: La saison s'est rallongée pour nos deux ports de plaisance. Nous ne nous sommes absolument pas convertis au communisme.

Nous payons à la province de la Colombie-Britannique un loyer sur un terrain de camping. La province ne voulait pas aménager un terrain de camping. Nous avons aménagé un port de plaisance, et la province possédait le bien-fonds littoral. Nous avons dit que nous attirions un grand nombre de personnes et de bateaux. Nous avons fini par verser un loyer à la province sur un parc qu'elle possédait. Nous avons probablement dépensé près de 1 million de dollars pour aménager le terrain de camping. Lorsque nous avons aménagé le port de plaisance, la province nous a dit que nous avions causé un problème en intéressant des gens à venir dans la région. Moi, je croyais que c'était justement l'objectif du tourisme.

Nous nous trouvons en dehors des sentiers battus, de sorte que, comme je l'ai dit, nous avons tenté de bonifier quelque peu notre région. Nous avons investi là où les promoteurs privés ont choisi de ne pas le faire. Ce n'est pas que nous tenions à investir dans les ports pour petites embarcations ou encore dans des usines de transformation du poisson; nous aimerions que des investisseurs s'en chargent. Comme cela ne s'est pas produit, nous avons cependant jugé que notre rôle consistait à tenter de stimuler le développement. Notre région est foncièrement axée sur l'industrie forestière et la pêche, et le tourisme y est relativement nouveau. L'observation des baleines y est relativement nouvelle. Depuis près de 50 ans, nous nous efforçons de faire la promotion de notre propre activité économique.

Le sénateur Adams: Le port impute-t-il des frais aux pêcheurs et aux chalutiers qui acheminent du poisson à l'usine de transformation?

M. Anderson: Nous la louons à une entreprise. Elle leur vend de la glace, et elle transforme le poisson. Dans notre région, la pisciculture est aujourd'hui florissante. Comme je l'ai dit, nous nous trouvons sur un fjord et non directement au bord de l'océan. Dans notre région, il y a bon nombre d'exploitations piscicoles, et on transforme le poisson qu'elles produisent.

Le sénateur Adams: Si votre port est privatisé, les droits que vous imposez augmenteront-ils?

M. Anderson: Personne n'a jamais demandé à acheter nos installations. Il est difficile de répondre à une question hypothétique. Nous ne nous opposerions pas à l'idée que quelqu'un l'achète.

Je suppose que c'est le marché qui dicterait le prix de la transformation. Comme vous le savez, les frais de la main-d'oeuvre varient. Je ne cherche pas à contourner la question, mais c'est difficile à dire.

Le sénateur Forrestall: J'ai été absolument fasciné par la croissance du kayak de mer sur la côte Ouest. Ce sport a-t-il gagné Port Alberni?

M. Anderson: Oui, monsieur. Nous avons deux navires. L'un, le Lady Rose, a été construit aux environs de 1937 en Écosse. Il s'agit d'un petit vapeur qui va et vient le long du canal Alberni pour approvisionner de petits villages et certaines communautés autochtones qui ne sont accessibles que par bateau. Il est devenu très célèbre. On peut y embarquer son kayak, descendre jusqu'à l'embouchure du canal Alberni et faire du kayak à loisir. Sur les petites îles, il y a de jolies plages sablonneuses, et les eaux sont abritées.

La présidente: Avez-vous des phares?

M. Anderson: Oui, et, si je comprends bien, ils seront maintenant occupés. Le tourisme, c'est-à-dire les adeptes de l'observation des baleines et du kayak, entre autres, contribuent de plus en plus au développement économique de la région.

La présidente: Nous entendrons maintenant la Chamber of Shipping of British Columbia. M. Ron Cartwright est le président, et il a à ses côtés M. Roper, le président du conseil, M. Nicol, le directeur, et M. Stevens, le secrétaire-trésorier. Nous vous souhaitons la bienvenue au comité.

M. Anthony G. Roper, président du conseil, Chamber of Shipping of British Columbia: Nous apprécions l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant vous et de présenter les vues des mandants de la Chamber of Shipping of British Columbia et de la North West CruiseShip Association. Le projet de loi revêt une très grande importance pour le monde maritime.

La Chamber of Shipping of British Columbia est une organisation professionnelle qui représente les propriétaires de navires hauturiers internationaux, des exploitants, des représentants, des courtiers et des entreprises connexes de toute la Colombie-Britannique. Nous représentons ainsi plus de 100 entreprises, y compris des membres associés et des membres de l'industrie des services. Ces entreprises contribuent collectivement au commerce international, en générant des bénéfices de près de 800 millions de dollars et en faisant bénéficier l'économie canadienne de 9 000 emplois.

La North West CruiseShip Association est la filiale canadienne de l'International Council of Cruise Lines, de Washington D.C. Elle représente l'industrie canadienne de la croisière aux quatre coins du Canada. Au nom de ses transporteurs membres, elle traite avec des organismes publics et privés relativement à l'exploitation des ports et des terminaux, à la prestation de services tels que la sécurité, le pilotage et les douanes, de même qu'au cadre réglementaire qui influe sur les activités de l'industrie de la croisière dans la région.

En 1995 et 1996, ces organismes ont fait valoir leurs points de vues auprès du comité permanent des transports à propos du projet de loi C-44. Nous tenons à préciser que nos vues actuelles sur la Loi maritime du Canada sont tout à fait conformes à celles que nous avons déjà exprimées. Nous continuons de soutenir le projet de loi, que nous considérons comme progressiste, et nous souhaitons que le projet de loi C-9 soit, dans sa forme actuelle, mis en oeuvre sans délai, de manière à ce qu'on puisse tirer profit des avantages qu'il comporte.

Nous craignons les altérations qui pourraient être faites au projet de loi à la suite de modifications apportées au thème du processus de consultation publique. Dans la partie 1, «Administrations portuaires canadiennes», nous estimons que la décision de conférer aux ports une autonomie plus grande, même s'ils continuent de relever de la compétence fédérale, est tout à fait conforme au besoin crucial de préserver la compétitivité du Canada. La structure proposée reconnaît aussi clairement l'obligation qu'ont les ports de servir de porte d'entrée vers le vaste arrière-pays. Cela est essentiel à la capacité du Canada de fournir des services aux marchés mondiaux du commerce international.

Ce que nous voulons, c'est éviter que les ports ne soient assujettis à de multiples strates de compétences pour faire en sorte qu'ils aient la capacité de fixer des politiques et de fonctionner avec l'assurance et l'esprit de décision d'une entité commerciale. Dans ce contexte, nous tenons à attirer l'attention du comité sur les efforts louables déployés par le port de Vancouver, qui a pris des dispositions pour établir un groupe portuaire transitoire conforme à l'esprit du projet de loi. Nous croyons comprendre que cet organisme représentant de nombreuses parties a commencé à définir le mécanisme administratif, de même que les lettres patentes, y compris la structure et les règles de fonctionnement du conseil. Nous appuyons fortement les activités de ce groupe, qui pourraient servir de modèle à d'autres ports.

Il est clair qu'on doit tenir compte de considérations locales. Par exemple, la définition de ce qui constitue les activités de base d'un port peuvent varier selon les régions. Ces activités devraient être clairement définies dans les lettres patentes locales.

À notre avis, on devrait enjoindre au groupe de poursuivre ses travaux à son propre rythme, et le gouvernement devrait afficher son appui à sa démarche.

En ce qui concerne la partie portant sur les ports publics, nous appuyons en principe la politique d'abrogation des désignations. Tout en reconnaissant que les nouveaux ports commerciaux doivent pouvoir s'autoriser de dispositions législatives pour recouvrer les coûts de la prestation de services, nous tenons à préciser que, selon la compréhension que nous avons de la situation, les droits applicables à l'utilisation des ports publics disparaîtront avec l'abrogation. Les présentations faites par Transports Canada nous ont amenés à conclure que les frais de services pour la navigation maritime introduits par la Garde côtière en 1996 dédoubleraient dans les faits les droits portuaires. Il faudrait faire confirmer l'existence d'un tel lien dans le texte de loi.

La partie du projet de loi qui porte sur la Voie maritime du Saint-Laurent a peu d'impacts sur notre région. Nous considérons toutefois que les propositions méritent notre soutien.

Nous soutenons la dissolution de la Société canadienne des ports proposée à l'article 139. Dans le contexte de l'autonomie portuaire, il s'agit d'un niveau de compétences superflues.

Nous appuyons les modifications proposées dans la partie 7, Modifications de la Loi sur le pilotage. Nous tenons à faire ressortir le mécanisme de règlement des différends et l'examen ministériel proposé.

Dans la partie 1, nous pensons que la définition du mot «utilisateur» doit être sans ambiguïté. À notre avis, le terme «utilisateur» devrait s'appliquer à ceux qui paient directement des services portuaires à la suite d'activités commerciales. À l'article 8, qui a trait à la constitution, on devrait tenir compte du rôle du groupe transitoire de Vancouver et de groupes analogues dans d'autres ports.

À l'alinéa 8(2)f), nous sommes fermement convaincus que le conseil d'administration d'un port devrait représenter le plus largement possible les utilisateurs et les intérêts publics. Pour assurer une gestion efficace, il est essentiel que les administrateurs soient choisis en fonction de leurs qualifications fonctionnelles plutôt que politiques. Voilà qui va incontestablement dans le sens des intérêts du gouvernement fédéral, à titre d'intervenant majeur dans un port.

Nous sommes d'accord avec la proposition. Nous avons toutefois des réserves quant à la représentation provinciale additionnelle prévue pour le port de Vancouver. Il s'agit d'un précédent et d'un scénario particulier. Nous ne voyons pas pourquoi la représentation provinciale ne pourrait pas être assurée par la mise en commun des efforts des quatre provinces touchées.

Nous sommes d'avis que la fonction de premier dirigeant sera renforcée du fait qu'on laisse au conseil des pouvoirs discrétionnaires absolus quant à sa nomination. Le premier dirigeant, qui n'a pas de droit de vote, s'ajoute aux administrateurs nommés en vertu de la procédure ministérielle. La capacité du conseil d'administration du port de fonctionner efficacement dépend de sa structure. Nous sommes fortement d'avis que le conseil devrait élire le président du conseil, comme on le précise à l'article 17.

Tandis que le conseil déploiera ses efforts dans le secteur de la politique au sens large, nous pensons qu'il a un rôle important à jouer en tant que tribunal d'appel ayant le mandat de corriger toute forme d'iniquité opérationnelle éventuelle, qu'il s'agisse d'une réglementation arbitraire ou d'un droit. Ce principe est énoncé à l'article 20.

Nous sommes favorables à la notion de nomination ministérielle, à condition que la sélection s'effectue à partir d'une liste proposée et compilée par les utilisateurs. À cet égard, nous attirons l'attention du comité sur l'existence de la Western Marine Community, coalition officieuse de tous les utilisateurs des ports, issus de tous les secteurs. À ce titre, l'organisme pourrait très bien jouer un rôle clé objectif dans le processus de consultation ou de sélection.

Nous sommes d'accord avec le principe selon lequel le gouvernement fédéral doit avoir certaines certitudes quant au rendement sur son investissement, et nous comprenons le bien-fondé de l'imposition d'un droit sur les recettes. Ce que nous craignons, c'est que ces droits, s'ils sont trop élevés, fassent peser un fardeau indu sur un port donné, en cas de difficultés économiques. Nous préconisons plutôt une formule à deux volets fondée sur un droit de base perpétuel, auquel s'ajouterait un facteur d'immobilisations. Le premier pourrait être fixé à un niveau rendant compte des avantages à long terme que le gouvernement fédéral tirera des ports grâce, par exemple, à des subventions tenant lieu d'impôts fonciers municipaux. Le régime présenterait un niveau d'immobilisations remboursées pour une année donnée, c'est-à-dire que le droit, à terme, disparaîtrait.

Nous sommes favorables au processus défini dans les articles 10 à 13, «Prorogation des commissions portuaires».

De façon générale, nous sommes aussi favorables aux dispositions qui figurent dans les articles 14 à 22, «Administrateurs». Comme nous l'avons déjà dit, nous nous interrogeons sur le bien-fondé de la restriction des pouvoirs du premier dirigeant prévue au paragraphe 21(2). Nous recommandons aussi que le conseil d'administration soit habilité à agir comme tribunal d'appel.

Les modifications proposées aux articles 34 à 43 rendent compte des modifications limitées qui ont fait l'objet de discussions dans le cadre du processus national et régional qui a suivi les recommandations antérieures du Comité permanent des transports. À cet égard, la Chamber of Shipping of British Columbia et la Northwest CruiseShip Association appuient les propositions du ministre qui visent la région de l'Ouest.

En ce qui concerne l'article 47, nous avons fait état des vives inquiétudes que nous inspirent les ambiguïtés causées par l'exclusion de la Loi sur la protection des eaux navigables des activités prévues aux articles 62, 74 et 98. À cet égard, nos préoccupations demeurent les mêmes.

En ce qui concerne la Partie 7, «Modifications de la Loi sur le pilotage», nous tenons à rappeler au comité que, depuis l'adoption du régime actuel en 1972, la communauté de la côte Ouest a respecté l'obligation qui lui a été faite d'assurer un service de pilotage autonome. Jamais nous n'avons demandé une participation des contribuables canadiens.

La Chamber of Shipping of British Columbia et la Northwest CruiseShip Association représentent les armateurs qui utilisent le service de pilotage. Les armateurs se tournent vers les pilotes pour obtenir, 24 heures sur 24, tous les jours de l'année, des orientations professionnelles, ce qui, étant donné les dangers de la navigation côtière, représente un atout précieux. Dans ce contexte, les intérêts des armateurs coïncident avec ceux du grand public.

Dans le domaine de la sécurité, la côte Ouest a un dossier enviable: il compte parmi les meilleurs au monde. Le système actuel, bien qu'imparfait, on en convient, a évolué dans le sens d'un équilibre délicat entre les préoccupations pour la sécurité et la nécessité de préserver l'efficience.

Dans le cadre du processus d'examen, certains se sont dits insatisfaits du système, et ces insatisfactions avaient trait pour une bonne part à l'hypothèse selon laquelle un service concurrentiel entraînerait une diminution des coûts. Nous sommes tout à fait en désaccord avec cette idée. Néanmoins, il en est résulté un examen poussé des activités par l'entremise d'un groupe de travail de la région de l'Ouest présidé par la Chamber of Shipping of British Columbia.

Le groupe de travail en est venu à la conclusion que la situation actuelle répond essentiellement aux besoins de l'industrie. En même temps, on a défini des secteurs où des améliorations seraient souhaitables, à court et à long termes, et nous continuerons d'y travailler. En dernière analyse, on a convenu que le service est rentable par rapport au coût de services analogues dans la zone commerciale de la côte Ouest.

Il existe des exemples positifs d'initiatives progressives axées sur la collaboration prise de concert par l'industrie, l'Administration de pilotage et les pilotes. Ces initiatives sont le résultat direct des efforts du groupe de travail. On songe notamment à l'accès à Kitimat et à l'embarquement par hélicoptère pour optimiser l'utilisation des bateaux-pilotes.

Parmi d'autres preuves tangibles des effets positifs de la réflexion récente, citons l'acceptation par les pilotes de l'offre finale de règlement dans le cadre des négociations contractuelles. Nous sommes impatients de participer à l'examen ministériel proposé.

On peut résumer comme suit notre philosophie du pilotage. L'industrie internationale du transport a droit aux services de pilotes spécialisés dont elle a besoin, à un coût raisonnable.

Nous croyons que, dans l'ensemble, le projet de loi est valable et qu'il rend compte des compromis considérables faits au stade de la conception. Même si nous avons fait état de certaines caractéristiques souhaitables, il n'en reste pas moins que nous appuyons le projet de loi dans sa forme actuelle. Nous espérons que notre témoignage aura un effet constructif, et nous souhaitons au comité bonne chance dans ses délibérations futures.

Le sénateur Roberge: Vous avez été consultés par Transports Canada avant le dépôt du projet de loi C-9 et du projet de loi C-44, n'est-ce pas?

M. Ropper: C'est vrai.

Le sénateur Roberge: C'est intéressant parce que un bon nombre d'autres organismes ne l'ont pas été.

Votre organisme envisage-t-il une méthode viable d'apporter une contribution aux ports plus pauvres de la Colombie-Britannique?

M. Joseph A. Nicol, directeur, Chamber of Shipping of British Columbia: Faites-vous référence à une forme d'interfinancement, d'un secteur commercial à un autre?

Le sénateur Roberge: Oui.

M. Roper: Nous nous opposons à toute forme d'interfinancement. Nous nous opposons au principe même de l'interfinancement. Nous sommes d'avis que le principe de l'utilisateur-payeur devrait s'appliquer et que des droits devraient être imputés en contrepartie des services nécessaires. Ces droits devraient être assumés par ceux qui ont besoin des services.

Le sénateur Forrestall: Lorsque nous avons fait cette suggestion il y a quelques années, vous nous êtes tombés dessus à bras raccourcis. J'admire votre constance.

Le sénateur Bryden: La Chamber of Shipping of British Columbia représente les propriétaires de navires hauturiers internationaux. Vous représentez plus de 100 entreprises. De ce nombre, combien y a-t-il de propriétaires de navire hauturiers?

M. Roper: Parmi les entreprises elles-mêmes, 25 représentent des navires internationaux. Les armateurs représentés sont manifestement beaucoup plus nombreux puisqu'un seul et même représentant peut représenter de nombreux armateurs internationaux. Chaque année, la Colombie-Britannique reçoit près de 3 000 navires étrangers, qui battent tous pavillon étranger. Ils appartiennent à une multitude de propriétaires internationaux.

Le sénateur Bryden: Quel serait votre groupe le plus localisé? Vous représentez des propriétaires de navires hauturiers internationaux, des exploitants, des représentants, des courtiers et des entreprises connexes. Combien de représentants y a-t-il?

M. Roper: Il y en a environ 60.

Le sénateur Bryden: Ces représentants représentent-ils les propriétaires de navires hauturiers?

M. Roper: Oui.

Le sénateur Bryden: Avec les courtiers, la situation est-elle la même?

M. Roper: Les courtiers les représentent de façon différente. Un courtier organise les chargements et apparie propriétaire et fret en vertu de critères commerciaux. Pour ce faire, les navires n'ont pas même à se rendre à Vancouver. L'arrivée physique du navire exige toutefois l'attention d'un agent mandaté pour s'occuper de ses affaires.

Le sénateur Bryden: Est-il possible que nous comptions en double? Vous faites référence à 100 entreprises distinctes. Je suppose que ce nombre exclut les propriétaires de navires hauturiers, à moins qu'ils n'aient leur siège social à Vancouver.

M. Roper: On y retrouve un certain nombre de propriétaires de navires hauturiers dont le siège social est aujourd'hui à Vancouver.

Le sénateur Bryden: Combien?

M. Roper: Il y a aujourd'hui environ 20 directeurs-propriétaires établis à Vancouver et qui administrent leur tonnage à partir de Vancouver.

Le sénateur Bryden: Les autres sont des fournisseurs de services aux armateurs.

M. Roper: D'une façon ou d'une autre -- par le truchement d'activités de consignation de navires ou de courtage pour organiser des chargements. Certains de nos membres associés s'occupent de la livraison de biens aux navires, s'occupent des affaires des navires, et cetera.

Le sénateur Forrestall: La gestion de navires battant pavillon canadien représente quelle proportion?

M. Roper: Il n'y a pas de navires battant pavillon canadien administrés à partir de Vancouver.

Le sénateur Forrestall: Vous comptez un nombre important d'agents représentants des intérêts étrangers par opposition aux intérêts canadiens, n'est-ce pas?

M. Roper: Oui. Il n'y a pas de navires hauturiers battant pavillon canadien. De toute évidence, il y a des barges battant pavillon canadien, mais les navires hauturiers sont tous étrangers.

Le sénateur Bryden: Certains de ces navires font-ils escale à Port Alberni?

M. Roper: Certains, mais très peu.

Le sénateur Bryden: S'agit-il de navires de charge?

M. Roper: Oui. Ils transportent des produits forestiers, principalement au départ de Port Alberni.

La présidente: Des témoins de la Colombie-Britannique ont mentionné que certains aspects du projet de loi allaient nuire à la compétitivité des ports de la Colombie-Britannique. Partagez-vous ce point de vue d'une façon ou d'une autre?

M. Roper: La compétitivité se résume au coût de fonctionnement. Dans une certaine mesure, on revient aux droits que le port doit verser pour fonctionner, ou encore aux droits versés aux pilotes pour assurer le déplacement des navires. Tant et aussi longtemps que ces coûts font l'objet d'un contrôle -- on doit reconnaître que nous soutenons la concurrence non pas nécessairement d'autres ports canadiens, mais bien de ports de la côte Ouest américaine -- , ce facteur ne devrait pas jouer un rôle trop important. Toutefois, il faut reconnaître que la compétitivité doit faire l'objet d'une forme de contrôle.

Le sénateur Forrestall: Depuis 25 ou 30 ans, je mène la lutte pour les pavillons canadiens avec votre groupe, le Council of B.C. Forest Products et d'autres, et il n'y a pas grand-chose que je puisse apporter au débat.

Que des navires battant pavillon étranger viennent à Vancouver pour livrer des marchandises et en rapporter revêt une importance capitale. Toutefois, je n'aime pas qu'une personne assise dans un bureau de Hong Kong me dise ce qui est bon pour la côte Ouest et ce qui ne l'est pas. Ces propos, je les entends depuis longtemps. Si nous avions deux ou trois cents navires battant pavillon canadien, j'aimerais voir les armateurs prendre leur place et modifier quelque peu l'équilibre.

Je soupçonne que des chaînes possédant 250 navires immatriculés au Canada et possédant un équipage canadien auraient sur le projet de loi des vues tout à fait différentes des vôtres. Ce qui accrédite votre thèse, c'est que vous êtes ancrés dans la réalité et que, pour ma part, je me cantonne dans le rêve. Je le comprends.

M. Roper: Il convient peut-être de souligner que certains armateurs internationaux immatriculés ou établis à Vancouver administrent aujourd'hui environ 10 millions de tonnes de fret à partir de Vancouver. En outre, on discute actuellement de la possibilité d'apporter à la Loi sur la marine marchande du Canada des modifications qui transformeront la façon dont l'équipage des navires battant pavillon canadien doit être formé.

De toute évidence, les personnes intéressées à mettre au point un tel système sont celles qui sont à l'affût d'activités et de services concurrentiels. Si les modifications apportées à la Loi sur la marine marchande du Canada peuvent jouer un rôle en ce sens, les personnes qui administrent du fret à partir de Vancouver, mais à l'aide d'un bateau battant pavillon de Singapour, de Hong Kong ou de Panama, pourraient très bien en venir à la conclusion que le pavillon canadien est une option. On en discute. Ce n'est peut-être pas un rêve absolu. Peut-être y viendra-t-on un jour.

Le sénateur Forrestall: Je vous remercie de considérer cette question comme suffisamment importante pour avoir fait un long voyage à seule fin de nous faire bénéficier de vos vues.

M. Nicol: Dans notre exposé, nous avons mentionné les 9 000 emplois canadiens dont nous sommes responsables, de sorte que nous parlons en tant que Canadiens. Ma société emploie 30 personnes, et nous agissons comme représentants de compagnie maritime étrangère.

Notre organisme est une société sans but lucratif qui travaille à titre bénévole, de sorte que nous nous exprimons à titre de Canadiens. Nous avons notamment pour mandat de promouvoir et de favoriser le commerce qui transite par les ports de la Colombie-Britannique. Nous croyons que le projet de loi contribuera à faire la promotion des ports canadiens de même qu'à créer des emplois.

Nous sommes également tout à fait favorables aux modifications qui visent à rendre le pavillon canadien plus concurrentiel. Toutefois, le fait de demander à un secteur commercial de payer pour un autre nous pose problème. Nous nous opposons à toute forme d'interfinancement d'un secteur commercial à un autre. Cependant, nous avons mentionné clairement à d'autres organismes gouvernementaux que, à supposer que les contribuables canadiens jugent le recours à des subventions nécessaires pour l'économie d'une région, on devrait recourir à l'argent des contribuables canadiens.

Le sénateur Forrestall: Sur le plan financier, le port de Vancouver a-t-il les reins suffisamment solides pour soutenir les projets d'immobilisations massifs qu'il doit entreprendre pour libérer et créer de nouveaux espaces?

M. Roper: Je pense qu'il vaudrait mieux poser cette question à des représentants du port. Ont-ils témoigné devant vous?

La présidente: Ils seront ici demain matin.

M. Roper: Peut-être auront-ils des commentaires à formuler à ce sujet.

Le sénateur Adams: Avez-vous dit que votre organisation comprenait 9 000 membres?

M. Nicol: Non. Nous avons créé 9 000 emplois dans l'économie canadienne. Notre organisme compte 100 membres, et quelque 3 000 navires étrangers font escale chez nous.

Le sénateur Adams: Vous appuyez le projet de loi C-9 sans modification. Or, des personnes de la côte Est nous ont dit qu'elles perdront leur emploi si le projet de loi C-9 est adopté et que leurs parts sont vendues à des sociétés privées. Peut-être la situation en Colombie-Britannique diffère-t-elle de celle de la côte Est. Le projet de loi ne provoquera-t-il pas des pertes d'emplois autour des bassins de la Colombie-Britannique?

M. Roper: Nous croyons que le projet de loi aidera les ports à être plus concurrentiels, ce qui en contrepartie, entraînera la création d'un plus grand nombre d'emplois. On peut imaginer qu'il y aura une certaine forme de restructuration dans les bureaux du port, ce qui risque d'entraîner la modification d'un emploi ou deux.

Le sénateur Adams: Plus tôt aujourd'hui, nous avons entendu des témoins de Halifax, dont le quai doit être mis à niveau. Si le projet de loi est adopté, nous ont-ils dit, le port ne pourra pas être mis en valeur de manière à stimuler l'activité.

M. Roper: Je ne comprends pas leurs objections. Si le port a l'autonomie nécessaire pour prendre de telles initiatives et aller de l'avant, il continuera, croyons-nous, de créer des emplois et de préserver les emplois qui existent déjà.

Je dois avouer que je ne connais pas les problèmes particuliers de Halifax.

Le sénateur Adams: Si le projet de loi est adopté, ils auront besoin de 200 millions de dollars pour mettre à niveau le bassin, et ils ne peuvent pas emprunter 200 millions de dollars. Ma préoccupation a trait à la façon dont ils s'y prendront pour créer des emplois.

La présidente: Merci beaucoup, Messieurs, de votre contribution.

La séance est levée.


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