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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 7 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 13 avril 2000

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles s'est réunit aujourd'hui, à 9 h, pour examiner certaines questions se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles au Canada.

Le sénateur Mira Spivak (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Bonjour, monsieur Andognini. Nous sommes heureux de vous accueillir parmi nous. Nous avons suivi votre carrière de près. Nous savons que vous avez créé, en janvier 1997, le groupe consultatif d'évaluation de la performance des opérations nucléaires, qui a été chargé d'effectuer une évaluation indépendante et intégrée de ce qui était à l'époque Ontario Hydro Nuclear. Je crois comprendre que ces évaluations sont devenues pratique courante au sein de l'industrie nucléaire américaine, à la suite de l'accident de la centrale nucléaire de Three Mile Island.

Monsieur Andognini, nous sommes prêts à vous écouter.

M. Carl Andognini, conseiller spécial du président sur les questions nucléaires, Ontario Power Generation: Bonjour. C'est un plaisir et un honneur pour moi de comparaître devant vous. Je suis là pour discuter de mon expérience et de mes opinions nucléaires personnelles, qui ne reflètent pas nécessairement celles de Ontario Power Generation. Je suis un Américain ayant à son actif plus de 40 années d'expérience nucléaire, et j'ai travaillé dans des centrales nucléaires ou contrôlé le fonctionnement de réacteurs nucléaires ici et là dans le monde. Par conséquent, si mon exposé semble favorable au nucléaire, vous comprendrez pourquoi.

Je voudrais tout d'abord dire que je suis un opérateur breveté en réacteurs nucléaires aux États-Unis, et que je travaille avec les technologies nucléaires depuis plus de 40 ans. Je suis fermement convaincu que la technologie CANDU mise au point par le Canada est la plus sûre au monde, surtout quand on la compare aux réacteurs à eau ordinaire utilisés aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

Si je dis cela, c'est parce que le CANDU est muni de systèmes d'arrêt redondants et autonomes. Ces systèmes complètement automatisés sont contrôlés par des opérateurs brevetés hautement formés et expérimentés. De plus, il existe une différence entre l'approche américaine et l'approche canadienne, tout comme il existe une différence entre un Boeing et un Airbus.

L'Airbus est entièrement automatisé, le pilote assumant un rôle d'appoint. Le Boeing, lui, est contrôlé par le pilote, et les systèmes automatisés ne sont utilisés qu'en cas de besoin.

Aux États-Unis, les réacteurs fonctionnent comme un Boeing. Ils sont contrôlés par des opérateurs surtout. Au Canada, les réacteurs fonctionnent un peu comme un Airbus; ils sont contrôlés par des systèmes automatisés. Lorsqu'une défaillance survient dans la salle de commande, l'opérateur dispose d'une quinzaine de minutes avant d'intervenir. Ce délai lui permet de cerner le problème.

Les réacteurs CANDU ont ceci d'avantageux qu'ils utilisent de l'uranium naturel. Il ne peut y avoir un incident comme celui qui s'est produit au Japon, où un accident de criticité a été enregistré. Autre avantage: le Canada traite 60 p. 100 de l'uranium naturel au monde. La technologie CANDU utilise également le réapprovisionnement en marche, qui est un indicateur de performance. Il n'est pas nécessaire d'arrêter le réacteur ou de mettre du combustible d'uranium enrichi dans des réservoirs remplis d'eau. Le réacteur CANDU présente donc de nombreux avantages.

En novembre 1996, le président d'Ontario Hydro a communiqué avec moi pour me demander d'évaluer les centrales nucléaires d'Ontario Hydro. J'ai un tableau ici -- mais je n'ai aucun moyen de vous le montrer -- qui fait état de la baisse de performance qui a été observée dans les années qui ont précédé mon entretien avec le président.

La présidente: Si vous voulez bien le déposer auprès du comité, nous allons le faire circuler.

M. Andognini: Le président m'a également demandé d'évaluer sans complaisance les causes de cette baisse et de mettre au point un programme d'amélioration. S'il s'est adressé aux Américains, c'est en raison de l'expérience qu'ils possèdent en matière de redressement nucléaire. À la suite de l'accident de la centrale nucléaire de Three Mile Island, en Pennsylvanie, de nombreuses installations ont été obligées de mettre au point un programme d'amélioration. On a également créé l'Institute of Nuclear Power Operations, un organisme de réglementation qui s'apparente à la Commission de réglementation de l'énergie nucléaire. Donc, il y avait deux organismes de réglementation intrusifs qui contrôlaient les installations, de sorte qu'elles ont été obligées de participer à un programme d'amélioration.

Nous avons utilisé une méthodologie éprouvée qui a exigé environ 35 000 heures-personnes à trois endroits, plus le bureau de l'entreprise. Entre janvier et août 1997, nous avons élaboré et mis en oeuvre l'évaluation, tout en continuant à faire fonctionner 19 des 20 unités que possédait Ontario Hydro. Une des unités avait été fermée des années auparavant à cause de générateurs de vapeur endommagés.

Les constatations qui se dégageaient de notre évaluation étaient assez claires. La baisse des besoins en électricité à la fin des années 70 et au début des années 80 a donné lieu à des régimes de retraite anticipée. Beaucoup de gens compétents sont partis. En 1993, la société a fait l'objet d'une réorganisation, et trois unités se sont retrouvées en concurrence directe avec elles-mêmes. Ils ont décentralisé les opérations, de sorte que les efforts et les coûts ont non seulement doublé, mais également triplé et quadruplé.

La baisse de la performance était aussi attribuable au fait que l'organisation n'était jamais passée d'une organisation formidable d'ingénierie et de construction à une organisation d'exploitation et de maintenance. Elle n'en est pas tout à fait encore là.

Il s'agit là d'un problème fondamental, un problème qui s'est également posé aux États-Unis, où les ingénieurs pensaient pouvoir opérer les unités de la même façon qu'ils les avaient construites. Or, ce n'est pas ainsi que les choses se font.

Par ailleurs, Ontario Hydro a cru, dès le début, qu'elle était un opérateur de classe mondiale. Or, à mon avis, elle n'était pas un opérateur de classe mondiale. Elle faisait plutôt fonctionner des réacteurs de classe mondiale. Or, si elle a connu du succès à ses débuts, c'est en raison de la robustesse des unités.

Nous avons constaté, entres autres, qu'il y avait des lacunes au niveau de la direction de l'organisation, et aussi un problème de culture chez les employés -- ils estimaient avoir certains droits, du fait qu'Ontario Hydro était une ancienne société de la Couronne. Le travail des employés laissait à désirer, étant donné l'absence de critères de rendement. Les processus et procédures que j'ai mentionnés -- le fait qu'elle ne soit jamais passée d'une organisation d'ingénierie et de construction à une organisation d'exploitation et de maintenance -- ne répondaient pas aux besoins à long terme d'une installation nucléaire.

Comme je l'ai indiqué, la décentralisation des opérations avait donné lieu à de la concurrence interne. De plus, aucun effort de recrutement n'avait été entrepris au cours des années précédentes dans le but de remplacer les employés qui avaient pris leur retraite. Les relations de travail étaient difficiles, puisqu'il fallait maintenant travailler avec les syndicats, et non leur donner des directives, et cela entraîne inévitablement des changements. Or, beaucoup de choses ont changé à la suite de l'arrivée de M. Osborne. Il a privilégié le travail d'équipe, une approche qui s'est avérée fort efficace.

Après un examen exhaustif et détaillé de toutes les données d'évaluation, nous en sommes venus à la conclusion que la performance était passablement inférieure aux normes de l'industrie, mais qu'elle avait produit des résultats «tout juste acceptables». Le gouvernement américain avait utilisé cette expression quand il avait procédé à une inspection des installations aux États-Unis. Il est important de comprendre que les opérations pouvaient se poursuivre sans danger, mais qu'il fallait veiller immédiatement à améliorer la performance. Voilà la conclusion à laquelle nous étions arrivés.

Nous avons préparé un rapport à l'intention du conseil d'administration en août 1997, et nous lui avons recommandé que les sept unités les plus vieilles soient désarmées -- quatre à Pickering A et trois à Bruce A -- pour consolider les ressources en vue de former le personnel et de mettre en oeuvre un programme d'amélioration de la performance.

Ce programme prévoyait aussi la mise au point de nouveaux processus et de nouvelles procédures, et la formation du personnel -- un défi intéressant. Pour améliorer les communications, nous avons organisé des face-à-face avec des milliers d'employés. Ontario Power Generation emploie aujourd'hui environ 10 000 travailleurs. Nous avons préparé une fiche de performance pour que le personnel, l'organisation, les agglomérations voisines et l'organisme de réglementation comprennent bien les progrès qui ont été accomplis au chapitre du rendement et du programme d'amélioration.

Nous avons organisé des assemblées trimestrielles avec les conseils des municipalités voisines. Nous avons organisé des assemblées communautaires annuelles pour permettre aux citoyens de poser des questions et de se renseigner sur nos activités.

Nous avons institué la restructuration de l'organisation dans le but d'uniformiser les descriptions de postes, de créer des postes identiques dans les trois centrales. Nous avons également formé, encadré et guidé la direction.

Nous avons créé un programme de médiation, qui a été extrêmement bénéfique, pour permettre aux employés de faire part de leurs préoccupations à la direction sans crainte de représailles. Cet outil fort efficace a permis à la direction d'instituer des mesures correctives.

Nous avons également élaboré des indicateurs de performance pour le compte de l'Association mondiale des exploitants de centrales nucléaires. Ces indicateurs sont uniformes d'une centrale à l'autre, d'un pays à l'autre. Ainsi, l'indicateur de performance de l'Association, qu'il soit appliqué au Canada, au Japon, en Chine ou aux États-Unis, fonctionne selon les mêmes principes.

Au début de 1997, l'indicateur de performance était de 57 p. 100. La moyenne nord-américaine à l'époque était de 81 p. 100. À la fin de 1999, l'indicateur de performance s'établissait à 81 p. 100, ce qui constitue une amélioration. Or, la moyenne nord-américaine est passée de 81 p. 100 à 88 p. 100, ce qui veut dire qu'on essaie d'atteindre une cible mobile. Oui, il y a eu des progrès, mais il reste encore beaucoup à faire pour devenir une organisation de classe mondiale.

En ce qui concerne la réglementation, j'ai compris, grâce à mon expérience aux États-Unis, que la création de l'Institut de contrôle des centrales nucléaires, à la suite de l'accident de la centrale nucléaire de Three Mile Island, a constitué un point tournant pour l'industrie nucléaire américaine. Les changements qu'elle a subis au cours des 15 à 18 dernières années ont eu très peu d'impact sur le Canada. Quand nous avons effectué notre évaluation indépendante entre janvier et août 1997, nous avons décelé bon nombre des mêmes problèmes qui avaient été observés aux États-Unis au cours d'une période de 10 à 15 ans -- des problèmes qui exigeaient une attention immédiate. Ainsi, le Canada ne prêtait aucune attention à ce qui se passait au sud de la frontière.

Si vous m'aviez demandé il y a 10 ans si la Commission de réglementation de l'énergie nucléaire aux États-Unis transférerait un permis de centrale nucléaire sans audience, je vous aurais répondu, «Jamais, au grand jamais», et j'en mettrais ma main au feu. Or, c'est ce qui est arrivé. Les centrales aux États-Unis ont été en mesure de transférer un permis sans audience. Par ailleurs, les centrales ont pu faire renouveler leur permis pour 20 ou 30 ans. Au Canada, les permis peuvent être renouvelés pour une période maximale de 2 ans. C e processus de renouvellement est laborieux en soi, sa préparation exigeant énormément de travail.

Aux États-Unis, ils ont renouvelé le permis de deux unités de la Baltimore Gas and Electric Co., à Baltimore, Maryland, pour 20 ans. Ce renouvellement a été fait sans audience. Le régime de réglementation aux États-Unis a subi de profonds changements.

Au Canada, l'évaluation de la performance a beaucoup préoccupé la CCEA. Elle a essayé, au fil des ans, de redresser la situation. Après plusieurs tentatives infructueuses, elle s'est sentie très frustrée. Ce rapport constitue donc une bénédiction pour la CCEA.

Toutefois, il existe, à mon avis, des problèmes au sein même de la Commission. L'organisme de réglementation intervient de façon trop directe dans le processus décisionnel. Par exemple, si le système de protection incendie fait l'objet de réparations, vous devez obtenir l'approbation de la Commission avant de le remettre en marche.

Aux États-Unis, l'organisme de réglementation surveille les travaux qui sont effectués, de même que la façon dont le système est remis en service. S'il juge que les travaux ne sont pas satisfaisants, il prend des mesures réglementaires. Au Canada, la situation est tout autre.

L'organisme de réglementation a également indiqué à la Ontario Power Generation que si elle décidait de vendre certaines de ces unités, il faudrait qu'un nouveau permis soit délivré au nouveau propriétaire, ce qui impliquerait la tenue d'audiences publiques et la réalisation d'évaluations environnementales. À mon avis, la durée des permis est trop courte. Un organisme de réglementation doit avoir le pouvoir de fermer des unités à tout moment, si le besoin s'en fait sentir.

En terminant, j'aurais cinq observations à faire. Premièrement, à mon avis le CANDU est la technologie nucléaire la plus sûre au monde. En plus, elle a des avantages économiques. Deuxièmement, la vente de réacteurs CANDU partout dans le monde assure la propagation de la technologie nucléaire la plus sûre au monde et procure des bienfaits économiques à tous les Canadiens. Troisièmement, les crises pétrolières de 1970 et 2000 nous amènent à nous demander si l'on peut compter à long terme sur le pétrole et le gaz naturel. J'en doute. Quatrièmement, le Canada a besoin d'une énergie propre et respectueuse de l'environnement. Les réacteurs CANDU ne relâchent pas dans l'atmosphère de dioxyde de carbone, d'anhydride sulfureux, de mercure et autres matières que l'on trouve dans le charbon. D'après moi, c'est une source d'énergie très propre et sécuritaire.

J'espère avoir fourni à ce comité une information qui permet de mieux comprendre et de mieux apprécier cette source d'électricité sûre et propre. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le sénateur Taylor: Merci, monsieur Andognini, pour votre exposé précis et concis.

À la page deux de votre présentation, vous dites «utiliser une méthodologie éprouvée qui a exigé environ 35 000 heures- personnes» à trois endroits. Je ne comprends pas ce que vous entendez par cela. Est-ce à dire que les centrales sont sécuritaires en raison des nombreuses heures qui ont été consacrées à la formation?

M. Andognini: Ce que j'essayais de dire, sénateur, c'est que nous avons utilisé une méthodologie éprouvée pour effectuer notre évaluation. C'est la méthodologie que la Commission américaine de réglementation de l'énergie nucléaire a mise au point pour évaluer le rendement des centrales aux États-Unis. Elle a utilisé la même méthodologie pour déterminer si les centrales pouvaient être remises en marche en toute sécurité, une fois les mesures de réglementation instituées.

La méthodologie que nous avons utilisée englobait tous les processus qu'ils ont appliqués. Elle a exigé environ 35 000 heures-personnes à trois endroits, plus le bureau de l'entreprise. C'est une évaluation très longue et intrusive.

Le sénateur Taylor: J'ai l'impression, quand je lis ces commentaires, que vous dites que le système fonctionne bien, mais que la formation qu'ont reçue les opérateurs, les formateurs ou les employés laisse parfois à désirer. Est-ce bien cela?

M. Andognini: À mon avis, le CANDU est un réacteur puissant et sûr. Or, comme vous n'êtes pas passé d'une organisation d'ingénierie et de construction à une organisation d'exploitation et de maintenance, vous ne pouvez assurer l'entretien des unités adéquatement, ce qui veut dire que le réacteur va perdre de sa puissance au fil des ans. Vous disposez toujours d'un réacteur puissant, quoique quelque peu dégradé. Toutefois, vous pouvez lui redonner toute sa puissance, ce qu'on a fait au cours des trois dernières années.

Le sénateur Taylor: S'il existe des risques pour la sécurité, ceux-ci sont beaucoup plus susceptibles de se situer du côté de la méthodologie et de la formation, et non du réacteur lui-même, n'est-ce pas?

M. Andognini: En toutes choses, que l'on opère une voiture, un avion ou un réacteur nucléaire, c'est l'instinct qui prime. C'est l'employé qui est responsable de la qualité du travail, de la sécurité. Or, ces principes doivent être inculqués par la direction. C'est l'employé qui, au bout du compte, est responsable de la qualité du travail, de la sécurité.

Le sénateur Taylor: Est-ce que la formation que nous donnons au Canada est satisfaisante? Quelle cote lui attribuez-vous sur une échelle de 1 à 10?

M. Andognini: Il m'est difficile de répondre à cette question, parce que je ne sais pas à quoi je dois la comparer.

Le sénateur Taylor: À la perfection.

M. Andognini: Comment définissez-vous la perfection? Je ne cherche pas à faire le difficile, sénateur. Il m'est impossible de vous donner une réponse. Je peux vous dire que les réacteurs CANDU au Canada sont très fiables. Ont-ils été bien exploités et ont-ils fait l'objet d'un entretien adéquat? Non. A-t-on pris des mesures pour corriger la situation? Oui.

Le sénateur Taylor: Pour ce qui est des permis, vous dites que leur durée au Canada est de deux ans -- il faut se tenir à jour tout le temps, et cela demande beaucoup de travail. Or, vous dites qu'aux États-Unis, les permis sont renouvelés pour 10 ou 20 ans. Quelle serait la période idéale?

M. Andognini: La méthodologie utilisée aux États-Unis est très efficace car la Commission américaine de réglementation de l'énergie nucléaire renouvelle parfois les permis pour 20 ans, et parfois 30 ans. Toutefois, elle a, dans de nombreux cas, pris des mesures immédiates et ordonné la fermeture de la centrale en attendant que des mesures correctives soient prises.

La CCEA possède également ce pouvoir. À mon avis, un permis de deux ans, c'est trop court. Il faut beaucoup de temps pour tout préparer. Quand nous sommes arrivés ici, le permis de Pickering n'était que de six mois. L'organisme de réglementation voulait obliger la centrale à prendre des mesures correctives. Voilà pourquoi il a fixé la durée du permis à six mois. Nous avons travaillé très fort pour amener celle-ci à neuf mois, à douze mois, et enfin à deux ans. La préparation de ces audiences demande beaucoup de temps et d'efforts. Or, ces ressources, pour la plupart, auraient pu servir, par exemple, à capitaliser le rendement.

Le sénateur Taylor: Donc, vous dites qu'un permis de 10 ou 20 ans est acceptable.

M. Andognini: Je dirais qu'un permis de 20 ans est une période raisonnable.

Le sénateur Christensen: Merci de votre exposé. Il était clair et concis. Comme vous le savez, nous avons eu le plaisir de visiter la centrale Pickering la semaine dernière. J'ai trouvé cela fort intéressant. Ce qui m'intéresse avant tout, c'est le facteur humain, comme vient de le mentionner le sénateur Taylor. C'est ce qui nous préoccupe le plus. En tout cas, je suis impressionnée par l'importance qu'on attache à la redondance au sein de la centrale.

Concernant le combustible nucléaire, les effets qu'il peut avoir sur la population et l'environnement, comment composons-nous avec la situation si un accident se produit? Comment pouvons-nous avoir la garantie que ces réacteurs ne présentent aucun danger?

M. Andognini: Il faut une formation très, très poussée pour pouvoir travailler dans une centrale nucléaire. Il faut une formation de base en radioprotection, en procédures d'exploitation et de maintenance. Les programmes sont très structurés. Les procédures sont établies et révisées par des tiers avant d'être mises en place. Les méthodes de travail font toutes l'objet d'un contrôle.

Par exemple, il faut environ quatre ans pour obtenir un permis en vue d'opérer un réacteur nucléaire. Le cours est très long et très exigeant.

Tous les programmes sont structurés, révisés. Ils font l'objet de contrôles de qualité, de vérifications indépendantes par des organismes de réglementation, des experts-conseils de la centrale et de l'extérieur. Le rendement, mais également les procédures et le personnel, font régulièrement l'objet d'évaluations.

Le sénateur Christensen: Vous dites que le CANDU est l'un des réacteurs les plus sûrs au monde. Vous avez également parlé des avantages économiques qui découlent de la vente de réacteurs à l'étranger. Avez-vous des inquiétudes au sujet du régime de réglementation auquel sont soumis ces réacteurs une fois qu'ils sortent du pays?

M. Andognini: Oui, et je peux vous en donner un exemple. L'Inde a acheté un réacteur CANDU il y a plusieurs années. Elle a, depuis, conçu et construit plusieurs réacteurs. Je trouve cela inquiétant, car elle ne fait pas partie de l'Association mondiale des exploitants de centrales nucléaires. Cela m'inquiète. Les accidents qui surviennent dans le monde ont un impact non seulement sur les réacteurs CANDU, mais sur tous les réacteurs.

Le sénateur Christensen: Que peut-on faire pour régler ce problème?

M. Andognini: Je pense que l'Association mondiale des exploitants de centrales nucléaires travaille très fort en vue de maîtriser la situation. Elle visite les centrales partout dans le monde et les soumet à des évaluations qui sont identiques à celles dont font l'objet les centrales en Amérique du Nord. Elle rencontre les cadres de direction pour qu'ils soient pleinement conscients de ce qui se passe. Elle fait la même chose avec les conseils d'administration.

Ils sont allés en Russie, et aussi en Chine. Leur équipe ne se compose pas que de gens des États-Unis ou du Canada; il s'y trouve des membres qui viennent du monde entier. Lorsqu'ils sont venus évaluer les centrales du Canada, il y avait des membres de la Russie et du Japon. L'équipe qui fait ces évaluations est très expérimentée et est formée de l'élite professionnelle. C'est l'une des grandes initiatives de contrôle qui sont prises maintenant dans le monde entier.

Le sénateur Christensen: Nous avons vu où le combustible irradié est entreposé, dans les grands conteneurs réfrigérés, et nous avons été impressionnés par la quantité relativement faible qu'il y avait...

M. Andognini: Parlez-vous du stockage à sec?

Le sénateur Christensen: Oui -- pour des centrales qui sont exploitées depuis pas mal d'années. Je sais que le stockage à long terme et permanent pose un énorme problème. Qu'en pensez-vous? Est-ce qu'on pourrait continuer de stocker ces déchets comme on le fait maintenant?

M. Andognini: C'est une question sur laquelle tout le monde ne s'entend pas forcément. Certains pensent que le stockage à sec est une méthode à long terme de traitement du combustible nucléaire; d'autres croient plus en un dépôt souterrain très profond.

Aux États-Unis, ce n'est pas un problème d'ordre technique, mais plutôt politique. C'est la même chose pour le Canada. Ce n'est pas vraiment une question d'ordre technique. Techniquement, les déchets nucléaires peuvent être stockés en surface de façon permanente dans ces conteneurs de stockage à sec, dont on peut assurer le contrôle. Les déchets peuvent aussi être stockés dans des dépôts souterrains, de façon permanente, et contrôlés. Les aspects techniques ont été réglés. C'est un enjeu politique.

Le sénateur Christensen: Est-ce qu'il y a des recherches sur une utilisation possible de ces matériaux dans d'autres secteurs?

M. Andognini: Voulez-vous parler des composantes du combustible?

Le sénateur Christensen: Oui.

M. Andognini: Les Français retraitent encore le combustible nucléaire. Les États-Unis l'ont fait pendant quelques années, puis ils ont cessé parce qu'il faut assurer le contrôle de ces produits de fusion, certains pouvant servir pour la guerre.

Pour l'instant, c'est un processus coûteux et fastidieux. Il ne présente pas d'avantages par rapport au coût, particulièrement en ce qui concerne un réacteur CANDU, parce qu'il faut de l'uranium naturel. C'est le Canada qui possède la plus grande partie de l'uranium naturel qui existe dans le monde, donc ce n'est pas économiquement faisable de retraiter le combustible.

Le sénateur Taylor: J'ai une question à poser, dans le même ordre d'idée que celle du sénateur Christensen. Devrions-nous vendre des réacteurs à des pays qui ne sont pas membres de l'Association mondiale, ou qui ne veulent pas l'être, ou à ceux qui en sont membres?

M. Andognini: Je ne peux pas dicter sa conduite au Canada. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'actuellement le Canada vend des réacteurs à des pays comme la Chine et la Corée, qui sont membres de l'Association mondiale des exploitants de centrales nucléaires. Je suis allé en Chine très récemment, j'y étais d'ailleurs il y a environ trois semaines. L'Association mondiale assure un contrôle. Le seul pays qui n'en est pas membre, à ma connaissance, c'est l'Inde.

Le sénateur Taylor: Il me semble que nous ne devrions pas vendre de matériaux nucléaires à un pays qui n'est pas contrôlé.

M. Andognini: Je suis d'accord avec vous. Cette vente date de nombreuses années.

Le sénateur Buchanan: Ça n'a peut-être rien à voir avec le Canada mais, sur une période de 13 ans, j'ai participé à la Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'Est du Canada. À la fin des années 70 et au début des années 80, le grand sujet de l'heure pour les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre était Seabrook. Vous connaissez tous la centrale de Seabrook.

M. Andognini: Moi, oui.

Le sénateur Buchanan: Du côté du New Hampshire, il y avait les gouverneurs Thomson, Sununu et Gregg, et de l'autre côté se trouvait le gouverneur Michael Dukakis. Il était intéressant de les entendre. Même en présence des premiers ministres du Canada, ils ne pouvaient pas s'empêcher de s'embarquer dans un débat. Michael Dukakis affirmait qu'il faudrait construire une espèce de mur entre le Massachusetts et le New Hampshire pour faire obstacle au rayonnement. C'était une véritable bataille, si vous vous en souvenez. Ce qui se passait là-bas ne nous posait aucun problème, même si le New Hampshire n'est pas si loin du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Nous n'y voyions aucun inconvénient.

Si j'ai bien compris, bien que je ne sois plus très au fait de tout cela depuis 1991, il n'y a pas eu de problème avec Seabrook. La centrale est en service depuis le milieu des années 80. À ce que je sache, Seabrook fonctionne bien même si, à l'époque, les actionnaires s'arrachaient les cheveux de la tête à cause des coûts additionnels. Seabrook n'a posé aucun problème, n'est-ce pas?

M. Andognini: Le seul problème avec Seabrook a été celui des coûts. À l'origine, on avait prévu de construire deux unités de 1 100 mégawatts. Lorsque la construction de la deuxième unité était avancée à moitié ou aux deux tiers, ils ont décidé d'annuler le projet. Alors tous les coûts qu'il y avait eu jusque là ont été portés au compte de la construction de la première unité. Seabrook est une source d'énergie fiable. Elle fonctionne bien et est bien gérée; tout y va très bien.

Le sénateur Buchanan: C'est ce que j'avais cru comprendre.

La question suivante concerne le réacteur de Point Lepreau, au Nouveau-Brunswick. Est-ce qu'il y a des problèmes là-bas, en ce moment?

M. Andognini: Je ne pourrais pas vous le dire, parce que je ne suis jamais allé à Point Lepreau. J'entretiens cependant des rapports étroits avec les gens de Point Lepreau. Ils ont été avisés de l'évaluation que nous avons menée et de ses résultats. Nous avons proposé tous les programmes de mesures correctrices, les nouvelles procédures et les nouveaux programmes, sans frais, et à Hydro-Québec aussi.

Le sénateur Eyton: Je vous remercie d'être ici. C'est une discussion très intéressante. Vous avez fait certaines observations et comparaisons. Pourriez-vous prendre un moment pour nous parler de votre propre formation et de votre expérience? Vous avez reconnu être partisan de l'énergie nucléaire. Quelle est l'ampleur de votre expérience, et connaissez-vous d'autres modes de production d'énergie?

M. Andognini: La réponse à votre dernière question est oui.

J'ai fait mes études en génie mécanique. Je suis titulaire d'une maîtrise en énergie nucléaire du MIT, le Massachusetts Institute of Technology. Je l'ai obtenue en m'occupant de leur réacteur de recherche, avant qu'il y ait le réacteur Yankee Rowe, qui a posé des problèmes en 1960. J'ai obtenu mon baccalauréat en sciences en 1958. J'ai assisté à la construction et à la mise en oeuvre du réacteur Yankee Rowe, le premier réacteur commercial des États-Unis. J'ai aussi été chargé de la mise en service du réacteur Connecticut Yankee, le deuxième réacteur à eau sous pression des États-Unis. Et puis j'ai assumé la responsabilité de la mise en service des réacteurs Vermont Yankee et Maine Yankee, avant d'aller travailler pour Boston Edison, qui m'a mis en charge de l'exploitation et de l'ingénierie de son unité nucléaire, la centrale Pilgrim. Ensuite j'ai été embauché par l'Arizona Public Service, qui m'a mis en charge de toutes les modes de production et de transmission de l'énergie, et aussi de la mise en marche des trois unités Palo Verde, de 1 200 mégawatts.

De là, je suis allé à une centrale qui était en difficulté, la centrale Rancho Seco du Sacramento Municipal Utility District, qu'on appelait SMUD. La centrale avait été fermée depuis 18 ou 20 mois par les autorités de réglementation, à cause de certains problèmes. Nous avons conçu un programme de mesures correctrices et mis sur pied une équipe, de telle sorte que nous avons pu corriger tous les problèmes et remettre le réacteur en marche dans les limites du budget et conformément à l'échéancier que nous avions fixé. Après cela, j'ai été expert-conseil pendant quelque temps, avant de retourner à une autre centrale. Plus tard, j'ai été engagé par Ontario Hydro. J'étais membre de l'équipe, après l'incident Three Mile Island, qui a créé l'Institute of Nuclear Power Operations, et j'ai siégé au premier conseil d'administration de cette organisation.

Le sénateur Eyton: Quelle est votre expérience d'autres formes de production d'énergie?

M. Andognini: À l'Arizona Public Service, nous avions des usines à gaz, à charbon, au pétrole et, croyez-le ou non, en Arizona même, deux usines hydroélectriques.

Le sénateur Eyton: C'est très impressionnant. Vous n'en aviez pas exposé la moitié que j'étais déjà prêt à dire que vous avez une vaste expérience dans le domaine.

M. Andognini: Les deux centrales hydroélectriques n'étaient pas très importantes. L'une produisait un mégawatt, et l'autre un demi-mégawatt, mais c'étaient néanmoins des centrales hydroélectriques.

Le sénateur Taylor: Où avez-vous pu trouver autant d'eau en Arizona?

M. Andognini: Dans le nord de l'Arizona, c'est de l'eau qui jaillissait du sol. Les centrales avaient été construites en 1909 et 1911. Cette eau a depuis 100 ans le même contenu en minéraux, la même température et le même débit. En fait, ils sont en train de fermer ces deux centrales en ce moment, pour faire un musée national autour de cette ressource hydrique.

Le sénateur Eyton: Dans vos observations, vous avez parlé d'indicateurs de performance. Pourriez-vous vous expliquer un peu? Quels sont les principaux critères, et quels sont les facteurs de pondération relative?

Je vous le demande parce que selon vos graphiques l'Ontario, à la fin de 1999, a reçu pour l'organisation nucléaire une note de 81 p. 100, comparativement à une moyenne de 88 p. 100. C'est une échelle courante, mais une moyenne n'est qu'une moyenne. C'est donc qu'il y a des exploitants en Amérique du Nord qui n'ont que 81 p. 100 ou moins, alors que d'autres ont une excellente note. Peut-être pourriez-vous nous dire qui sont ceux-là, aussi.

D'abord, donc, quels sont les principaux indicateurs de performance et quels sont les facteurs de pondération relative?

M. Andognini: Le facteur de capacité de l'unité est l'un des indicateurs de performance. Il est calculé selon une moyenne mouvante sur deux ans. Autrement dit, si vous avez une bonne performance pendant un mois, ou même toute une année, cela ne fait pas forcément monter la moyenne tout de suite parce qu'elle est calculée sur deux ans.

Les autres indicateurs sont: le taux d'accidents du travail; la radioexposition collective; la performance chimique, ce qui est très important dans un réacteur, pour qu'il y ait les produits chimiques appropriés et adéquats; la fiabilité du combustible -- autrement dit, ses lacunes; la résistance thermique, c'est-à-dire dans quelle mesure l'unité fonctionne bien; la disponibilité d'une source d'énergie alternative d'urgence, une procédure de secours au cas où quelque chose se détraquerait; la fiabilité du circuit d'eau d'alimentation de secours; la disponibilité d'un système d'injection à haute pression, qui sert en cas d'urgence, calculé, je le répète, selon une moyenne mobile; des arrêts automatiques, ou manoeuvres du réacteur qui n'ont pas été programmés, tout cela calculé selon une moyenne mobile sur deux ans.

Le dernier paramètre est le facteur de perte non programmée de capacité, qui mesure la qualité du fonctionnement dans les limites temporelles de votre cycle, et le nombre de pannes. S'il y a beaucoup de pannes, cela fait baisser la cote de performance.

Je vais vous donner en exemple les résultats de l'évaluation de l'Ontario Power Generation. Sur le plan des accidents du travail, à la fin de 1999, Ontario Power Generation a reçu une cote de 4,7 points sur 5. Au titre de la radioexposition collective, selon une moyenne mobile sur deux ans, c'était 8 sur 8. Sur le plan chimique, c'était 5,9 points sur 7, à cause de certains problèmes avec les condensateurs, qui sont en voie de règlement. Pour la fiabilité du combustible, on a reçu 7,8 points sur 8.

Pour la performance thermique, nous avons eu 1,1 points sur 6. La raison de cela est que les moules zébrées nous posent d'énormes problèmes. Elles s'accrochent à notre prise d'eau, ce qui fait que l'eau ne peut pas se rendre jusqu'aux condensateurs pour les refroidir. À Darlington, nous avons retiré plusieurs tonnes de moules zébrées accrochées à la prise d'eau. Cela se répercute sur la performance thermique.

Pour la fiabilité du combustible, nous avons obtenu 7,7 points sur une possibilité de 8 points. Pour la disponibilité d'une source d'énergie alternative d'urgence, nous avons obtenu 9,3 points sur 10. Pour la fiabilité du circuit d'eau d'alimentation de secours, nous avons eu 9,6 points sur 10. Pour le système d'injection à haute précision, nous avons reçu 9,4 points sur 10. Pour les manoeuvres automatiques non planifiées, nous avons eu 8 points sur 8.

Nous avons eu des problèmes avec la perte de capacité non programmée. C'est calculé sur une moyenne mobile sur deux ans, alors nous ne pouvons pas constater d'amélioration immédiate; il nous faudra régler cela sur deux ans. Pour cet indicateur, nous avons reçu 4,8 points sur 12.

Un total est fait de tous ces chiffres et pour nous cela a donné une moyenne de 81 p. 100.

Le sénateur Eyton: Est-ce qu'il y a beaucoup de facteurs de pondération dans cette échelle?

M. Andognini: Oui, mais ils sont les même pour toutes les centrales. Donc si vous comparez une centrale d'ici à une autre ailleurs, c'est selon les mêmes critères et la même échelle.

Le sénateur Eyton: Vous avez utilisé une expression -- je croyais que c'était une terminologie utilisée pour l'art -- «tout juste acceptable». Cela concernait ce pourcentage de 81 à la fin de l'année 1999. Je présume que ce «tout juste acceptable» peut se traduire en pourcentage. Qu'est-ce que ce serait de nos jours? En sommes-nous bien loin?

M. Andognini: Non, ce n'est pas comme cela que ça fonctionne. Ces termes ont été définis par la Nuclear Regulatory Commission des États-Unis, d'après des années d'étude et d'analyse de données à la centrale. La Commission a établi plusieurs catégories. «Excellent» est un rendement qui excède les normes de l'industrie, c'est-à-dire une exploitation de classe mondiale. «Satisfaisant» est un rendement qui satisfait à la plupart des normes de l'industrie. «Inférieur à la norme» est un rendement, cela va de soi, inférieur à la norme mais qui, généralement, produit les résultats escomptés. «Minimum acceptable» est un rendement qui est bien au-dessous des normes de l'industrie, mais il est encore sécuritaire de poursuivre l'exploitation de la centrale. «Inacceptable» est un rendement qui n'est pas acceptable, et la sécurité nucléaire est compromise. «Non qualifié» signifie qu'il n'y a pas assez de données disponibles pour assigner une cote. Ce sont les cotes qui sont attribuées, et les systèmes que nous appliquons pour évaluer les centrales.

Vous me demandez quelle cote je donnerais à la centrale aujourd'hui?

Le sénateur Eyton: J'essayais de l'appliquer à une échelle. Cependant, d'après ce que vous venez de dire, je me rends compte que lorsque vous parlez de «minimum acceptable», c'est plus dans un sens de fonctionnement sécuritaire et de normes de sécurité plutôt que des indicateurs de performance que renferme la cote de 81 p. 100.

M. Andognini: C'est bien cela. Nous n'avons pas observé l'exploitation de la centrale lorsque nous avons fait cette évaluation. Nous n'avons observé que les aspects de sécurité et de fonctionnement de la centrale. Des études ont été faites aux États-Unis et dans le monde entier, qui concluent que les centrales les plus sûres sont généralement aussi les plus économiques.

Le sénateur Eyton: Je vais formuler ma question autrement. Si l'indicateur de rendement, sur votre échelle mathématique, était de 50, est-ce que ce serait un minimum acceptable?

M. Andognini: Si vous obtenez moins de 50, vous tombez dans la zone inacceptable.

Ai-je répondu à votre question?

Le sénateur Eyton: Oui, en général, lorsque vous avez parlé des deux échelles distinctes. À certains moments, vous envisagez les deux types de critères, et ils vous indiqueraient la même chose.

M. Andognini: C'est cela qui est difficile. Nous fonctionnons avec plusieurs échelles, et ce n'est pas clair. Nous n'avons pas très bien réussi à faire comprendre notre démarche au public. L'industrie nucléaire a été créée, il y a de nombreuses années, par des ingénieurs qui pensaient savoir tout et savoir tout faire. Nous avons vite compris que ce n'était pas le cas.

Il y a un programme d'envergure -- que dirige M. Dicerni, qui m'accompagne aujourd'hui -- à l'Ontario Power Generation, qui vise à améliorer les communications avec le public. Dès qu'on parle à quelqu'un d'énergie nucléaire, ça lui est facile d'affirmer que ce n'est pas sécuritaire. Si je veux essayer de le convaincre que c'est sécuritaire, je dois entrer dans des détails techniques et, du moment que j'entre dans les détails techniques, je perds son attention. Voilà le problème.

Le sénateur Taylor: Dans le même ordre d'idée que ce que demandait le sénateur Eyton, au haut de la page 5 de votre exposé, vous dites: «Il y a eu des progrès, mais il reste encore beaucoup à faire pour devenir une organisation de classe mondiale». Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire par là.

M. Andognini: Je vous ai dit que la définition de l'excellence est un rendement supérieur à la norme de l'industrie -- autrement dit, de classe mondiale. C'est de là que je tire l'expression «classe mondiale».

Le sénateur Taylor: Autrement dit, c'est ce qu'on vise. Est-ce qu'il y a des pays qui sont de «classe mondiale»?

M. Andognini: Oh, oui. J'aurais dû apporter le graphique, mais je ne l'ai pas. Je pourrai vous le fournir plus tard. Il illustre l'indice de performance des centrales de l'Amérique du Nord. C'est réparti en quartiles. Les centrales de classe mondiale se situent dans le quartile supérieur, et il y en a beaucoup.

Le sénateur Taylor: De quoi tient-on compte dans cette évaluation? Le sénateur Eyton semble avoir dit que le coût de l'électricité et l'efficacité n'entrent pas en jeu.

M. Andognini: Ce sont tous les facteurs qui sont mentionnés sur cette courbe. L'indicateur de performance tient compte de tous ces facteurs réunis. Ce n'est pas seulement une question de sûreté, de coût ou de production d'électricité; ce sont tous ces facteurs réunis.

Le sénateur Taylor: Lorsqu'on regarde le diagramme à secteurs, chaque catégorie semble avoir le même poids presque. Ai-je raison?

M. Andognini: Non. Les accidents de sécurité professionnelle n'ont rien à voir avec l'équipement. Il est question plutôt de la sécurité des personnes.

Le sénateur Taylor: Vous parlez d'erreurs humaines?

M. Andognini: Non. Je ne dirais pas qu'il s'agit d'erreurs humaines. C'est ainsi que ce sont produits de nombreux accidents industriels. Ils sont évalués en fonction d'une échelle -- les employés ont-il été blessés? C'est le taux d'accident professionnel. Cela n'a rien à voir avec le nucléaire.

Le sénateur Eyton: On vous a demandé d'être d'une franchise brutale au sujet de l'organisation des centrales nucléaires. De pareilles constatations sont en réalité fort dévastatrices. C'est fort bien d'entendre que vous avez des installations de calibre mondial, mais les commentaires au sujet de la gestion et des exploitants sont loin d'être élogieux.

Vous ne l'avez pas dit aujourd'hui et je ne l'ai peut-être pas entendu dire depuis quelque temps, mais on laisse toujours entendre que cet état de fait est dû en partie à l'isolement en quelque sorte de la division nucléaire à Ontario Power Generation. Elle est traitée comme une entité distincte et gérée à part. Est-ce toujours le cas ou l'a-t-on bien intégrée à l'Ontario Power Generation? Je reconnais que l'OPG est en pleine évolution et qu'elle traverse une période de changement. La division nucléaire est-elle bien intégrée à l'organisation et y a-t-il une bonne reddition de comptes? Cela a-t-il changé depuis quelques temps?

M. Andognini: D'importantes améliorations ont été apportées, non seulement en termes de relations internes à l'OPG mais dans les rapports externes avec l'Institute of Nuclear Power Operations situé à Atlanta, en Georgie. Nous y avons envoyé des employés. Nous participons à ses programmes. Chaque année, l'institut tient une conférence des premiers dirigeants d'entreprise. Notre PDG y est allé. L'institut organise des rencontres de gestionnaires de centrale et des rencontres d'ingénieurs. Nous avons pris une part active à toutes ces rencontres. Nous y envoyons des employés afin qu'ils y assistent, qu'ils apprennent et qu'ils acquièrent de la formation. Donc, d'importantes améliorations ont été apportées sur ce plan depuis trois ans et demi.

À l'interne, la communication est meilleure que par le passé.

Que la centrale fonctionne au charbon ou au combustible fossile, il y a toujours une différence entre celui qui travaille à la centrale et celui qui est au siège social. Dès que vous quittiez la centrale pour aller travailler dans les bureaux du centre-ville, vous deveniez un gars de l'administration. Il existe certains mots pour décrire le phénomène, mais je ne puis les répéter ici. C'est la même chose, qu'il s'agisse d'une centrale nucléaire ou d'une centrale au combustible fossile.

Gene Preston travaille très fort à intégrer le service du génie à celui de l'exploitation, pour qu'ils ne fassent plus qu'un. On y consacre énormément d'efforts.

Le sénateur Eyton: C'était plutôt l'aspect de la reddition de comptes qui m'intéressait dans cette intégration.

M. Andognini: Nous avons aussi adopté l'organigramme requis, de manière que tous les emplois, du haut jusqu'en bas, ont été entièrement redéfinis quant à la responsabilité, à l'autorité, à la reddition de comptes et aux besoins. Chacun de ces emplois a été passé en revue. À ce stade de la réorganisation, nous avons constaté que les descriptions de travail étaient différentes, selon qu'on se trouvait à Darlington ou à Pickering et à Bruce. Les descriptions ont toutes été normalisées. Elles sont toutes identiques. Elles définissent clairement l'obligation de rendre compte, l'autorité et les études requises.

Le sénateur Kelleher: J'aurais quelques questions à poser qui n'ont pas rapport directement avec vos responsabilités à Ontario Power Generation, mais pour lesquelles vous avez peut-être la réponse. Savez-vous si nous fixons des conditions d'exploitation à la vente des CANDU à l'étranger?

M. Andognini: L'information que je puis vous donner à cet égard est très limitée. Dans le passé, un grand nombre d'employés ont été formés à Ontario Hydro. Certains de ces employés agréés d'Ontario Hydro ont été envoyés en Roumanie, par exemple, afin de former le personnel et de voir au démarrage des réacteurs.

Dans le cas de la Chine, plusieurs de ses employés sont formés à Hydro-Québec. Nous avons fourni certains documents de formation aux Chinois. Toutefois, chaque fois, l'AECL aide les services publics étrangers à former ces employés ou s'organise pour qu'un service public d'ici le fasse.

Le sénateur Kelleher: Une fois la période de formation initiale passée, quand les centrales fonctionnent bien, savez-vous si l'AECL, c'est-à-dire l'organe responsable, continue de surveiller l'exploitation?

M. Andognini: Oui. L'automne dernier, je suis allé en Corée pour y examiner les réacteurs en exploitation. Ils ont là-bas des personnes qui les surveillent à temps plein, sans frais pour le service public coréen. Ces données existent. Toute l'information connue sur les réacteurs CANDU est recueillie. Il existe un «Groupe de propriétaires de CANDU» composé essentiellement de services publics canadiens. Il vient d'être élargi et se compose maintenant des Chinois, des Coréens, des Roumains, des Canadiens et des Argentins. Ils s'échangent de l'information sur l'exploitation. En tant qu'organisme, nous surveillons ce qui survient à toutes ces centrales. Tous se partagent les données. Si une anomalie ou un problème survient, si un support lâche ou qu'une pompe est défectueuse à l'une des centrales, tous sont mis au courant.

Le sénateur Kelleher: J'espère que nous avons intégré ce coût dans le prix de vente initial.

M. Andognini: Non. Ce coût est assumé par le service public.

Le sénateur Kelleher: Paie-t-il notre travail?

M. Andognini: Le Groupe des propriétaires de CANDU est un organisme financé par les services publics. L'EACL y participe, mais il s'agit en réalité d'un organisme distinct. Son président ne relève pas de l'EACL. Il réunit toutes ces données, les collige puis les transmet à tous les services publics.

Le sénateur Kelleher: Payons-nous une partie de ce coût?

M. Andognini: Oui, il fait partie de votre facture d'électricité.

Le sénateur Adams: Les consommateurs de l'Arctique paient leur électricité beaucoup plus cher que les Ontariens.

Envisagez-vous d'exploiter d'autres ressources que l'énergie nucléaire? Je sais qu'on découvre constamment de nouvelles technologies. Avez-vous des annonces à nous faire à cet égard? On est en train de mettre sur le marché de nouvelles ampoules.

M. Antognini: M'interrogez-vous au sujet de la fusion, monsieur?

Le sénateur Adams: Oui.

M. Andognini: En fait, je travaille beaucoup au dossier de la fusion, pour le compte du président. Il existe un organisme appelé ITER Canada, qui est l'organe chargé de la fusion qui travaille très activement à établir une installation de fusion ici au Canada. Il existe un conseil international pour l'ITER. La seule véritable concurrence à laquelle fait face le Canada en vue d'obtenir cette installation d'essai vient du Japon. Cependant, les Japonais ont éprouvé certaines difficultés à leurs installations. Le seuil critique a été atteint par inadvertance à une installation de traitement du combustible. Ils n'ont pas été sincères dans une partie des renseignements qu'ils nous ont fournis dans le passé au sujet de l'exploitation de leurs centrales. C'est l'occasion rêvée pour le Canada d'établir ici une source d'approvisionnement en énergie et une installation de recherche extrêmement névralgiques. Le Canada y travaille très fort actuellement. Certains travaux sont en cours aux États-Unis, dans certaines universités, mais ce genre de travaux exigent en réalité une installation très importante. Des travaux techniques sont en cours dans plusieurs régions du monde à l'appui de ce programme.

Le sénateur Adams: À mesure que se développent les villes, nous nous interrogeons quant à l'avenir de la production de l'électricité. Que prévoyez-vous comme demande future d'énergie au Canada? Par exemple, les gens de General Electric ou de Westinghouse étudient-ils des moyens de réduire la consommation d'énergie, par exemple en mettant au point des ampoules qui consomment moins?

M. Andognini: On mène beaucoup de travaux en vue de conserver l'énergie -- des ampoules, des frigos plus efficaces et ainsi de suite. C'est la loi de l'offre et de la demande qui continue de régner.

Je ne puis vous parler que de mon expérience personnelle. J'ai travaillé dans des centrales utilisant les combustibles fossiles et les centrales nucléaires. Si ce n'était que de moi, nous construirions des centrales nucléaires. Si j'avais mon mot à dire, j'opterais pour le nucléaire. Si vous optez pour le gaz, vous pouvez avoir une centrale à cycles combinés au gaz. Le coût de remise en marche de quatre unités à Pickering est d'environ 2,6 ou 2,7 cents le kilowatt. Une centrale de combustion de gaz à cycles combinés a un coût d'environ 4,6 cents le kilowatt. Je ne suis pas sûr de la disponibilité à long terme de grandes quantités de gaz, et sa combustion n'est pas aussi propre que celle d'une centrale nucléaire, car il y a des rejets dans l'atmosphère. Si j'avais à choisir entre installer ma famille à proximité d'une centrale nucléaire ou d'une centrale de combustible fossile, je préférerais nettement la centrale nucléaire.

Le sénateur Adams: Nous sommes allés là-bas il y a environ une semaine. C'était la première fois depuis 20 ans environ que j'entendais parler de Pickering. La première fois que nous avons visité la centrale, nous avons été satisfaits de l'exploitation. Le seul problème, c'est qu'il faut dix ans environ pour refroidir le combustible irradié.

M. Andognini: Il existe une technologie pour manipuler en toute sécurité le combustible irradié, monsieur. Elle a fait ses preuves aux États-Unis. Il s'agit d'une technologie dont la sûreté a même été démontrée au Canada, mais le grand public n'en a pas voulu. La technologie existe.

Le sénateur Adams: Depuis combien de temps les tubes de cuivre sont-ils en exploitation? Cela fait-il plus de 20 ans?

M. Andognini: Ces tubes de condensateur sont utilisés depuis les années 70, je crois. Je ne veux pas passer pour ironique ou vindicatif, mais si c'est le cuivre rejeté dans l'eau qui vous inquiète, il vaudrait mieux se préoccuper du nombre de bateaux dans l'eau, parce que le fond de chaque bateau est recouvert d'une peinture antisalissure composée à 70 p. 100 de cuivre. Cette peinture est rafraîchie tous les deux ou trois ans. La quantité de cuivre présente dans les tubes de condensateur à la centrale de Pickering est très faible par rapport à celle qui est laissée par les bateaux.

Le sénateur Adams: L'acier inoxydable durerait-il aussi longtemps?

M. Andognini: Soit l'acier inoxydable, soit le titane. On peut utiliser l'un ou l'autre. Les deux matériaux durent longtemps et ne renferment pas de cuivre.

Le sénateur Cochrane: Je vous remercie d'avoir été des nôtres aujourd'hui. J'ai bien aimé ma visite à Pickering. Vos gens ont été très gentils et ont répondu à beaucoup de nos questions.

M. Andognini: J'en suis ravi.

Le sénateur Cochrane: Quels sont vos liens avec la CCEA? Pendant que nous étions là-bas, nous avons remarqué que la commission a un bureau permanent à votre centrale. Je ne me trompe pas?

M. Andognini: Effectivement. Cette pratique a vu le jour après l'incident de Three Mile Island, aux États-Unis. L'instance de réglementation était préoccupée par ce qui se passait chez l'exploitant et a donc installé des inspecteurs en permanence sur place afin de surveiller le rendement, le fonctionnement au jour le jour, les employés, les façons de procéder, la mise en oeuvre, la sécurité et tout le reste. Le programme a été repris ici au Canada. Le personnel de la commission est composé de ce qu'on appelle des inspecteurs en chef à demeure et de deux ou trois employés affectés à toutes les centrales nucléaires du Canada et des États-Unis. C'est un peu comme si vous aviez un agent de la circulation chez vous.

Le sénateur Cochrane: Vous avez parlé de certains travaux de modernisation et du remplacement de quelque chose. Vous avez mentionné la prévention des incendies ou quelque chose du genre. S'il faut remplacer quelque chose, vous avez dit que cela prenait du temps et qu'il fallait ensuite attendre d'avoir l'approbation de la CCEA. Pourriez-vous nous en dire davantage à cet égard, je vous prie?

M. Andognini: À mon avis -- et il s'agit d'une opinion personnelle -- l'instance de réglementation canadienne se substitue à la direction. Quand vous arrêtez un système pour le réparer, quel qu'il soit, qu'il s'agisse d'un système électrique ou d'alimentation en eau, et que vous faites les réparations, il faut obtenir l'approbation de l'instance de réglementation avant de le remettre en marche.

Le sénateur Cochrane: Vous en avez des employés sur place, n'est-ce pas?

M. Andognini: Ils sont sur place et vous surveillent tout le temps. À nouveau, selon moi, quand on fait cela, on retire aux cadres intermédiaires la responsabilité de voir à ce que tout fonctionne bien, parce que les inspecteurs sont là pour vous en donner l'assurance. Il faudrait en réalité laisser aux services publics le soin de juger si l'exploitation est sécuritaire ou pas. Si elle ne l'est pas, c'est alors à l'instance de réglementation de la faire cesser.

Le sénateur Cochrane: L'instance de réglementation n'envoie-t-elle pas des gens inspecter une fois que le travail est fait?

M. Andognini: Les gens sont là avant, durant et après les travaux.

Le sénateur Cochrane: Donc, tout devrait bien fonctionner.

M. Andognini: C'est un de mes dadas. Cela ne signifie pas que c'est mal. C'est simplement la façon de travailler à laquelle je suis habitué.

Le sénateur Cochrane: Parlez-moi un peu de la privatisation. Je crois savoir que la centrale Bruce sera peut-être privatisée.

M. Andognini: Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question. M. Dicerni peut vous répondre.

Le sénateur Cochrane: Dites-moi vers quoi nous nous orientons en matière de privatisation de ces centrales nucléaires.

M. Richard Dicerni, vice-président-directeur et secrétaire général aux Affaires environnementales, Ontario Power Generation: Il y a quelques mois, la société a pressenti des investisseurs pour voir s'ils s'intéressaient à conclure un partenariat avec le secteur public concernant les unités de Bruce. Plusieurs entreprises seraient effectivement intéressées à assumer la gestion et l'exploitation de ces centrales. Nous sommes actuellement en pourparlers avec elles. De toute évidence, nous avions passé déjà à des fins commerciales des accords de confidentialité avec diverses parties, mais nous avons été ravis de constater qu'un nombre assez intéressant d'entreprises accepterait de participer et, par exemple, d'investir dans la technologie CANDU.

Le sénateur Cochrane: Est-il question seulement de la centrale Bruce?

M. Dicerni: Non, nous parlons ici des quatre unités en exploitation, et de l'unité Bruce A qui, comme l'a précisé M. Andognini, n'est pas exploitée depuis un bon bout de temps. Elle a été fermée temporairement. Nous parlons de tout l'emplacement.

Le sénateur Cochrane: Qui approuve les acheteurs? Il est tout de même question d'énergie nucléaire ici.

M. Dicerni: Un processus plutôt rigoureux sera mis en place pour les prochaines étapes. Il faut d'abord obtenir l'aval de notre propre conseil d'administration. Il faut que les administrateurs soient convaincus que les nouveaux investisseurs pourront faire un bon travail. Notre actionnaire, le gouvernement de l'Ontario, doit aussi donner son approbation. Enfin, il faut que la CCEA accorde un permis au nouvel exploitant. Quiconque achète ou loue, par exemple, ces centrales, doit obtenir de la CCEA un permis d'exploitation, tout comme nous le ferions pour n'importe laquelle des quatre autres centrales. Il y aura donc en place un processus plutôt rigoureux, en termes de diligence, sur le plan financier ainsi que sur le plan de la sécurité, pour faire en sorte que les nouveaux propriétaires-exploitants satisfont à toutes les normes pertinentes.

Le sénateur Cochrane: Êtes-vous satisfait actuellement des progrès réalisés à la centrale de Pickering? Vous avez mentionné, monsieur Andognini, certains des problèmes posés auparavant. Êtes-vous maintenant convaincu que nous en sommes arrivés au point que nous visions?

M. Andognini: Nous sommes en mesure selon moi de remettre en marche en toute sécurité les unités Pickering A. Une réflexion profonde a eu lieu à ce sujet. La question a été examinée par un organe indépendant. Elle a été passée en revue par la haute direction. Elle a été étudiée par la commission à plusieurs reprises. Remettre en marche ces unités représente un investissement de taille pour Ontario Power. Cela lui coûterait un milliard de dollars. Cette source d'énergie est très propre, fiable et économique.

Pour ma part, je suis très à l'aise avec l'idée de les remettre en marche. Nous en avons fait suffisamment sur le plan des systèmes de gestion, des programmes et des façons de procéder pour aller de l'avant et les remettre en marche.

Le sénateur Cochrane: Du côté de la sécurité tout autant que de la production.

M. Andognini: Oui.

La présidente: Lors de notre visite à Pickering, je me suis enquis de la différence entre la centrale Pickering A, qu'on est en train de remettre en service, et la dernière technologie CANDU. Je crois comprendre que tous les réacteurs CANDU ont deux systèmes d'arrêt indépendants. Cependant, d'après ce que j'ai cru comprendre, la centrale Pickering n'est pas dotée de deux systèmes d'arrêt indépendants rapides et qu'elle n'en a, en fait qu'un seul. Cependant on y a séparé les dispositifs indicateurs. J'aimerais des précisions à ce sujet.

M. Andognini: Il n'y a pas pour l'instant deux systèmes d'arrêt indépendants à Pickering A. Cependant, on est en train d'en installer l'équivalent pour respecter la réglementation avant de remettre la centrale en service.

La présidente: On m'a signalé que la centrale n'était pas dotée de deux systèmes d'arrêt indépendants rapides.

M. Andognini: On y trouve l'équivalent.

La présidente: Un système, si je comprends bien, qui se compare à ce qu'il y a de plus récent en matière de sécurité pour les nouveaux réacteurs CANDU.

M. Andognini: Je ne peux vous en donner l'analyse technique. Si vous voulez une réponse précise à cette question, je vais devoir m'adresser à quelqu'un qui s'y connaît mieux au sujet des systèmes de sécurité et qui pourra vous donner une réponse satisfaisante.

La présidente: Ça irait. Peut-être pourriez-vous nous fournir ces renseignements par écrit.

M. Andognini: Je le ferai avec plaisir.

La présidente: Ma deuxième question porte sur l'évaluation environnementale.

Je crois comprendre que vous aviez suggéré que l'examen par les pairs de la portée de l'évaluation environnementale se fasse de concert avec un groupe de scientifiques pour la ville de Pickering. Ils ont recommandé un groupe indépendant qui tiendrait des audiences publiques.

Monsieur Andognini et monsieur Dicerni, quelle est votre opinion à cet égard?

M. Andognini: Voulez-vous mon opinion personnelle.

La présidente: Oui.

M. Andognini: J'estime, compte tenu de mes 42 années d'expérience dans des centrales nucléaires, qu'il n'est ni requis ni nécessaire de procéder à une évaluation environnementale pour remettre ces tranches en service. Ces tranches n'ont pas été arrêtées. Nous y avons plutôt laissé le carburant pendant que nous prenions les mesures nécessaires pour en ramener la performance à un niveau acceptable. Je pense que nous pourrions le faire en toute sécurité, en nous conformant purement et simplement à la réglementation.

La présidente: Merci.

Le sénateur Christensen: L'évaluation environnementale dans le cas de Pickering A a été faite de façon indépendante. Dans votre exposé, vous avez fait allusion aux mauvaises communications avec le public, parce que les ingénieurs estiment qu'ils ont toujours raison. Est-ce qu'il y aurait avantage à ce que cela se fasse pour réconforter les gens et les groupes de la région que la question préoccupe?

M. Andognini: Je ne peux répondre à cette question parce que je ne connais pas les Canadiens. Comme j'ai plus d'expérience aux États-Unis, je ne crois pas qu'il me revient de parler de cela. M. Dicerni veut peut-être répondre.

M. Dicerni: Il y a deux ou trois choses. Ayant dirigé le ministère de l'Environnement en Ontario pendant trois ans et demi, je m'y connais donc beaucoup en matière d'évaluations et de questions environnementales. L'évaluation environnementale à laquelle nous avons procédé à Pickering est assez importante. Nous soumettrons sous peu notre rapport à la Commission de contrôle de l'énergie atomique.

La présidente: Parlez-vous de la portée?

M. Dicerni: Non, je parle de l'évaluation environnementale à laquelle nous procédons à l'heure actuelle.

Le sénateur Christensen: Je ne veux pas vous interrompre, mais ce qui m'intéresse ce sont les relations publiques. Je ne mets pas en doute l'évaluation, mais plutôt la prise en considération du sentiment d'aise de ceux qui ont des préoccupations importantes parce qu'ils vivent à proximité des installations.

M. Dicerni: Il y aura toujours des gens qui ne seront pas satisfaits, peu importe ce que nous faisons.

Le sénateur Christensen: Nous le savons très bien.

Le sénateur Buchanan: Êtes-vous bien au fait de la seule usine marémotrice en Amérique du Nord, la centrale marémotrice à faible hauteur de chute munie d'une turbine à écoulement direct qui n'a été installée en Amérique du Nord, dans la vallée de l'Annapolis en Nouvelle-Écosse?

M. Andognini: Non, monsieur.

Le sénateur Buchanan: Je vous invite à y faire une visite. Je l'ai inaugurée avec le Prince Charles. C'est une des merveilles du monde.

M. Andognini: Est-ce que cette usine s'apparente à celle qui sera construite dans le Maine?

Le sénateur Buchanan: Non. L'usine utilise l'énergie de la marée du bassin d'Annapolis. La grosse centrale devait être construite dans la baie de Fundy. La New York Power Authority et le New England Power Pool en avaient fait la promotion, mais le projet a été relégué aux oubliettes.

La présidente: Je voulais vous poser des questions, monsieur Andognini, au sujet du projet de pile à combustible à oxyde solide. Nous pourrons peut-être le faire ultérieurement ou pouvez-vous nous fournir de la documentation à ce sujet.

Merci messieurs d'être venus ici aujourd'hui.

Honorables sénateurs, nous avons deux motions qui nous attendent. La première porte sur l'échange d'eau entre bassins -- plus particulièrement avec le Manitoba mais aussi en ce qui a trait au système de distribution d'eau en général. Je vais demander au sénateur Taylor de proposer la motion suivante:

Que les sénateurs Kenny et Spivak soient autorisés à aller à Washington au besoin pour s'entretenir avec leurs homologues et les autorités compétentes de l'échange d'eau entre bassins.

Le sénateur Taylor: Je le propose, honorables sénateurs.

Le sénateur Spivak: Les honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adoptée.

Le sénateur Taylor: En ce qui concerne le projet de loi S-20, Loi visant à donner à l'industrie canadienne du tabac le moyen de réaliser son objectif de prévention de la consommation des produits du tabac chez les jeunes au Canada, je propose qu'il soit renvoyé au comité et que le comité réserve de 12 à 16 heures, en mai et en juin, pour l'étude du projet au cas où il serait renvoyé au comité.

Le sénateur Kenny: Je demande aux membres du comité de m'excuser de mon retard.

Pour résumer, le projet de loi, qui fait l'objet de la motion, devrait probablement être renvoyé au Comité des affaires sociales. Le président de ce comité m'a informé que leur programme, en ce qui a trait aux mesures législatives émanant du gouvernement, lesquelles ont toujours eu préséance, les occupera jusqu'en juin.

Ce comité procède également à une étude pour laquelle il a reçu l'approbation du Sénat il y a déjà un certain temps; comme vous pouvez le constater, le sénateur Kirby préférerait ne pas étudier le projet de loi.

La même chose s'applique pour le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. C'est probablement le comité qui examine le plus de mesures législatives émanant du gouvernement; il est fort peu probable qu'il pourra examiner le projet de loi avant le congé d'été.

Je sais que certains membres de ce comité s'intéressent à cette question. Elle a quelque chose à voir avec l'aspect environnemental de notre mandat. Après en avoir discuté avec votre comité de direction, on semble penché en faveur de l'étude de ce projet de loi, mais reste à savoir si les membres du comité abondent dans le même sens.

Je vous demande donc maintenant si vous acceptez que nous examinions le projet de loi. Je suis bien sûr disposé à répondre à vos questions.

La présidente: Y a-t-il des questions?

Le sénateur Kelleher: Est-ce que cela pourrait nuire de quelque façon à notre étude sur la sécurité des réacteurs nucléaires?

La présidente: Pas du tout. Nous disposons de tranches de temps. La mesure législative importante qu'examinera notre comité est bloquée au Sénat jusqu'à l'automne je crois, peut-être jusqu'en juin.

Vous comprenez que les mesures législatives ont toujours priorité. Il s'agit d'une mesure législative émanant du Sénat et je crois que nous pouvons nous débrouiller.

Quelqu'un a-t-il quelque chose à dire?

Êtes-vous tous d'accord?

Des voix: D'accord.

La séance est levée.


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