Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 24 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 19 octobre 2000
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-16 concernant la citoyenneté canadienne se réunit aujourd'hui à 10 h 53 pour en faire l'étude.
Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, pour tenter d'apporter un peu d'ordre dans ce qui pourrait vraisemblablement tourner au chaos, je voudrais que les honorables sénateurs me disent quels articles ils souhaitent discuter en détail ou à l'égard desquels ils veulent proposer des amendements. Jusqu'ici sur ma liste, j'ai les articles 2, 16, 17, 18, 21 et 22, 24 ainsi que le paragraphe 27(3). On a également mentionné le serment et la possibilité d'un préambule.
Si les honorables sénateurs sont d'accord, nous allons procéder un article à la fois, même si je sais que le sénateur Beaudoin doit partir à 11 h 30.
Le sénateur Andreychuk: Je ne pensais pas que nous allions déposer des amendements.
La présidente: Non. On m'a remis les propositions d'amendements qu'au moins un de nos membres souhaite présenter, mais je voudrais que cela fasse l'objet d'une discussion et les intégrer à nos délibérations d'aujourd'hui.
Le sénateur Kinsella: Votre façon de procéder, madame la présidente, est tout à fait acceptable. Je veux simplement demander que l'on ajoute l'article 1.
Le sénateur Cools: Je vous ai entendu dire que le serment lui-même est en annexe, que ce n'est pas un article?
La présidente: Il figure en annexe, à la fin du projet de loi.
Le sénateur Cools: J'ai cru entendre qu'on parlait d'une liste d'articles et non d'une annexe.
La présidente: Oui. J'en suis aux articles 16, 17, 18, 21, 22, 23.
Le sénateur Grafstein: J'ai le 27.
Le sénateur Poy: Les articles 26 et 30. Je pense que tous les autres ont déjà été mentionnés.
Le sénateur Grafstein: J'ai les articles 27, 28, 34, 58, 60, 63 et 64. Je vais tous les déposer, madame la présidente.
La présidente: Étant donné que la liste des articles s'allonge, il serait probablement plus facile que quelques sénateurs déposent leurs commentaires ou propositions à l'amendement.
Le sénateur Grafstein: J'ai l'intention des les déposer tous. Nous pourrions peut-être déposer les autres et ensuite, au moment opportun, nous pourrions y revenir et les passer en revue de façon plus approfondie. C'est un peu plus compliqué pour les sénateurs qui les présentent maintenant, mais si tout le monde a l'intention de le faire, cela nous donnerait une bonne idée de leurs arguments et aussi du contenu des amendements. À ce moment-là, nous serons en mesure d'y réagir de façon plus cohérente.
J'ai un ensemble de propositions qui me convient. Je veux simplement apporter une précision aux fins du compte rendu à l'égard d'un fait qui a été porté à mon attention. Je le ferai au moment opportun.
Le sénateur Beaudoin: Avions-nous convenu de discuter aujourd'hui de la substance des amendements?
La présidente: C'est exact. Nous n'allons pas essayer de formuler des amendements en comité.
Le sénateur Beaudoin: Il s'agit d'idées?
La présidente: Nous allons énoncer des idées et des préoccupations.
Le sénateur Cools: Par conséquent, si j'ai bien compris, le projet de loi est pour ainsi dire en train de mourir de sa belle mort et les sénateurs auront ainsi l'occasion d'inscrire leurs préoccupations au compte rendu dans l'espoir sincère que le gouvernement et le ministère les accueilleront avec beaucoup de sympathie. On espère ainsi que le nouveau Parlement qui sera appelé à se pencher sur la Loi concernant la citoyenneté fera place à ces préoccupations.
La présidente: C'est précisément ce que j'ai expliqué hier, alors que vous n'étiez pas là, sénateur Cools.
J'ajouterais également -- et je devrais sans doute le faire maintenant, pendant que tout le monde est ici et non pas à la fin de la séance ce matin --, que notre comité est traditionnellement le théâtre de débats non partisans. Par conséquent, ce fut un plaisir que de travailler avec les membres du comité. En raison de notre approche dénuée de sectarisme et vouée à l'amélioration des projets de loi, nous entretenons depuis toujours d'excellents rapports avec les ministres et les ministères avec lesquels nous traitons. Depuis cinq ans que je siège au comité, je songe notamment aux ministères de la Santé, de la Justice, de la Défense nationale et du Solliciteur général. Chaque ministre a prêté une oreille attentive à nos instances et a collaboré pour tenter d'améliorer la législation. Il va de soi que le travail du Sénat consiste, entre autres, à améliorer le cadre législatif dans l'intérêt des Canadiens.
Cela étant dit, nous allons poursuivre. Voulons-nous parler d'abord du préambule?
Le sénateur Joyal: Madame la présidente, le préambule soulève une question de procédure. Étant donné que le projet de loi ne renferme pas de préambule, notre greffier légiste a confirmé qu'il ne nous était pas possible d'en proposer un à une mesure qui n'en referme pas. Nous pouvons proposer une disposition de déclaration d'objet, mais pas un préambule proprement dit. Fort de cette information, je suis disposé à vous soumettre une ébauche de déclaration d'objet, mais certainement pas sous forme d'un préambule.
Évidemment, le rédacteur d'une future mesure pourra décider d'insérer les objectifs de la loi dans un préambule.
La présidente: C'est une information utile.
Le sénateur Beaudoin: Nous allons suivre l'ordre des articles?
La présidente: Oui.
Le sénateur Beaudoin: Je n'ai pas d'objections pourvu que nous puissions discuter des points qui m'intéressent concernant l'article 22 avant 11 h 30.
La présidente: Nous allons certainement faire notre possible.
Le sénateur Kinsella: Au sujet du préambule, le sénateur Joyal a tout à fait raison en ce qui concerne la mesure dont le comité est saisi. Cependant, je souhaite -- et tiens à ce que cela figure au compte rendu --, que toute mesure proposée concernant la citoyenneté qui sera soumise à un nouveau Parlement englobe le genre de préambule que le sénateur Joyal et d'autres honorables sénateurs ont mentionné au cours de nos délibérations.
J'espère qu'une toute nouvelle loi concernant la citoyenneté sera adoptée en 2001 et que la loi actuelle sera abrogée. Dans toute l'histoire du Canada, il n'y a eu que deux lois sur la citoyenneté, la première en 1947 et la seconde en 1977. Une nouvelle mesure ne serait que la troisième dans notre histoire. Nous avons besoin d'une nouvelle loi sur la citoyenneté. Je conviens qu'elle devrait comporter un préambule.
Le sénateur Andreychuk: Si une nouvelle loi doit être rédigée, comme l'ont évoqué le sénateur Kinsella et d'autres, la citoyenneté étant plus importante que la dénaturalisation, je suis tout à fait en faveur de cela. À mon avis, le sénateur Grafstein a avancé un argument convaincant hier lorsqu'il a dit que si le projet de loi porte sur la dénaturalisation et les modalités d'accession à la citoyenneté canadienne pour les personnes qui ne sont pas nées en sol canadien, à ce moment-là nous avons un véritable problème, même pour ce qui est d'un préambule qui définirait la citoyenneté. Je tiens à dire publiquement que c'est la mauvaise façon de procéder. Ma préférence va à une nouvelle loi, une loi qui nous engloberait tous.
Le sénateur Grafstein: Sur le plan des faits, on nous a dit que quelque 20 000 citoyens canadiens sont nés à l'extérieur du pays. J'ai reçu de la part de la Société mennonite une lettre que je communiquerai au comité. Je pense que d'autres collègues l'ont aussi reçue.
La présidente: Plusieurs exemplaires, provenant de différentes sociétés.
Le sénateur Grafstein: S'il s'agissait de 1 000 personnes, on pourrait s'interroger sur la nécessité d'un amendement. Ce chiffre de 20 000 me semble expliquer de façon plus convaincante pourquoi ils ne devraient pas recevoir un avis en bonne et due forme. C'est une question pratique.
Je suis d'accord avec les sénateurs Kinsella et Andreychuk. Je pense que ce projet de loi représente un mécanisme visant à moderniser la loi actuelle. Nous sommes coincés par les structures démodées et dépassées de la loi actuelle. Il serait préférable que le ministère, si ses représentants veulent bien revenir devant nous, et si c'est le consensus qui semble se dégager autour de la table, tente d'adopter une approche nouvelle, comme l'a dit le sénateur Kinsella, et rédige une nouvelle mesure qui engloberait un préambule comprenant un énoncé des devoirs spécifiques du citoyen.
J'espère que cela donnera lieu à une large discussion au sujet des responsabilités liées à la citoyenneté. De cette façon, nous pourrions être plus sûrs du champ de la notion de citoyenneté. Plus nous acquerrons de certitudes à cet égard, moins nous laisserons aux tribunaux le soin de déterminer à la place des législateurs quelle devrait être la définition, l'application et les modalités d'une loi sur la citoyenneté.
J'ai en main toute une pléthore de motions. J'ai l'intention de les déposer ne serait-ce que pour permettre à mes collègues ainsi qu'aux représentants du ministère de les examiner à loisir et de comprendre comment certains d'entre nous percevons certaines dispositions précises. Nous ne nous bornons pas à faire des observations d'ordre général. On pourra voir quelle est notre démarche. Nous aurons des commentaires précis, article par article et chapitre par chapitre, au sujet de l'orientation à prendre.
Le sénateur Andreychuk: J'espère que les droits du citoyen en seront la pierre angulaire. J'ai cru remarquer au cours de nos discussions une tendance rampante à mélanger les questions d'immigration et de citoyenneté. Certains des maux que cette mesure tente de corriger auraient intérêt à être traités dans le contexte d'un projet de loi sur l'immigration et non sur la citoyenneté. Nous voulons vraiment séparer les deux. C'est une question de politique dans un ministère qui traite à la fois d'immigration et de citoyenneté et où, inévitablement, l'immigration domine.
Le sénateur Cools: Je pense que l'on soulève diverses questions. Je vais tenter de cristalliser les différentes questions.
Personnellement, j'estime que l'actuelle loi sur la citoyenneté est bien meilleure que le projet de loi C-16. Le statu quo est meilleur et plus pratique que le projet de loi C-16. Il faut faire la distinction entre la nécessité d'avoir une nouvelle loi sur la citoyenneté et celle d'avoir un meilleur projet de loi C-16. Nous sommes saisis du projet C-16 qui, de l'avis général du comité, est une mesure médiocre. Cela ne veut pas dire que le comité pourrait s'entendre sur ce que devrait renfermer une loi sur la citoyenneté entièrement renouvelée. A mon avis, le projet de loi C-16 comporte énormément de lacunes. Si le ministre nous revient avec une nouvelle mesure, ces problèmes devront avoir été réglés.
Je me perds en évoquant une loi sur la citoyenneté entièrement revue et corrigée car bientôt, nous aurons en parallèle une toute nouvelle loi sur l'immigration. Nous devrions instamment recommander au ministre, avant qu'il revienne nous proposer une nouvelle loi sur la citoyenneté, ou même un nouveau projet de loi C-16 ou une nouvelle loi sur l'immigration, soit le projet de loi C-31, qui lui aussi meurt au Feuilleton, de se pencher sérieusement sur les questions liées à l'immigration et à la citoyenneté et à aborder ces problèmes dans une perspective plus holistique et intégrée.
Je tiens à ce qu'il soit clair aujourd'hui que mon intervention est motivée par les lacunes du projet de loi C-16. Je ne peux envisager maintenant une toute nouvelle loi sur la citoyenneté, mais je peux affirmer sans réserve que le projet de loi C-16 n'est pas à la hauteur.
Je ne sais pas exactement dans quel ordre nous procédons, mais il y a de nombreuses questions que je veux soulever, particulièrement en ce qui a trait à la citoyenneté et au serment.
À mon sens, il faudrait qu'un comité du Sénat examine toute la question de la citoyenneté. D'ailleurs, cela pourrait être une recommandation du comité aujourd'hui. Lorsque nous reviendrons au début d'une nouvelle législature, le comité pourrait peut-être étudier de façon approfondie la question de la citoyenneté. Cela nous permettrait d'aborder ces questions dans le cadre d'une mûre réflexion et de présenter des recommandations dans la perspective de l'adoption future d'une nouvelle loi.
À l'heure actuelle, j'estime que nous devrions nous en tenir aux lacunes du projet de loi C-16 et à essayer de limiter ainsi le champ de notre débat.
Comment allons-nous procéder, madame la présidente, étant donné que je veux aborder ces problèmes?
La présidente: Pour le moment, je pense que tous les sénateurs ont pu exprimer leur point de vue au sujet de la mesure proposée en général, et nous allons donc commencer par l'article 1. Nous allons poursuivre jusqu'au serment.
Le sénateur Kinsella: Madame la présidente, au sujet de l'article 1, j'aurais proposé un amendement à la page 1 en vue de substituer le titre long par «une loi concernant la citoyenneté et la naturalisation». Cela ferait comprendre, par le biais du projet de loi C-16, qu'il existe une grande différence entre la citoyenneté, qui concerne 30 millions d'entre nous et l'acquisition de la citoyenneté, qui est un processus de naturalisation. On n'a même pas réussi à établir cela puisque la mesure porte davantage sur la dénaturalisation.
La présidente: Y a-t-il autre chose au sujet de l'article 1?
Le sénateur Cools: Je suis entièrement d'accord avec ce qu'a dit le sénateur Kinsella. Si l'on se reporte à une version plus ancienne de la même loi, soit à la loi de 1946, elle mentionnait clairement les questions de naturalisation et de statut des étrangers. Les anciens titres indiquaient très nettement que la citoyenneté dont il était question dans la loi était en rapport avec la naturalisation et la perte des droits conférés par la naturalisation. Cela semble faire une distinction entre les deux.
La présidente: Si chacun y va de ses commentaires pour chaque article figurant sur cette longue liste, nous serons ici pour l'éternité. Je propose donc que nous soyons le plus bref possible. Si certains d'entre vous ont de la documentation par écrit, comme c'est le cas des sénateurs Joyal et Grafstein, je leur demanderais de bien vouloir déposer leurs documents qui figureront en annexe des délibérations d'aujourd'hui.
Nous passons maintenant à l'article 2 du projet de loi.
Le sénateur Kinsella: Dois-je déposer maintenant?
La présidente: Si vous avez une brève observation à faire, faites-la, je vous en prie.
Le sénateur Kinsella: Je crois l'avoir dit. Je modifierais l'article 1 du projet de loi de cette façon. En deuxième partie, je remplacerais la ligne 4, à l'article 1 de la page 1, par: «1. Loi sur la citoyenneté et la naturalisation». Avec le consentement de mes collègues, je vais déposer ce qui aurait été l'amendement que je proposais.
Le sénateur Grafstein: Je constate que des amendements de fond sont proposés par le sénateur Joyal, par moi-même et par d'autres. Pour sauver du temps, je propose que nous les déposions tous maintenant. Je ne me sentirai alors pas obligé de commenter des questions de forme, car certains des amendements concernent le libellé et ainsi de suite. Par ailleurs, je ne soulignerai qu'une ou deux des questions principales. Je ne prendrai donc pas la parole à propos de chacune d'entre elles. Cela permettra d'économiser beaucoup de temps. Je vais vous parler d'une ou deux questions plutôt que de tout ce qu'il y a ici.
La présidente: Je vous en suis très reconnaissante. J'accepte que ce soit déposé maintenant, tout comme les amendements proposés par le sénateur Joyal.
Le sénateur Grafstein: Il s'agit à la fois d'une explication et des amendements. Il faut que je précise que M. Narvey, qui a jusqu'ici assisté à nos réunions, a beaucoup aidé à rédiger les amendements et à me conseiller -- non pas que je fasse miennes toutes les notions qu'il a énoncées, mais il m'a beaucoup aidé en rédigeant certaines dispositions pour moi.
Le sénateur Joyal: Madame la présidente, je pourrais certes en faire circuler des exemplaires auprès de mes collègues. Comme l'a mentionné le sénateur Grafstein, certains amendements sont d'une nature plutôt technique, alors que d'autres concernent des questions de fond, surtout celui qui a trait à l'article de déclaration d'objet, celui qui traite de l'état des partis au Sénat, c'est-à-dire l'article 24, celui où il est question d'intérêt public, article dont a longuement débattu notre comité, et celui qui concerne les serments.
La présidente: Nous allons maintenant débattre de l'article 2 du projet de loi.
Le sénateur Cools: L'article 2 du projet de loi a toujours eu l'air inoffensif en surface, de sorte qu'on a eu tendance à l'ignorer. Quand j'ai examiné l'annexe en rapport avec l'article 34 de la loi -- manifestement, il s'agit du serment de citoyenneté --, j'ai découvert que le serment de citoyenneté n'en est pas un du tout. J'ai fait beaucoup de recherches au sujet du sens du mot «serment». J'ai consulté de nombreux ouvrages savants.
Quand j'ai examiné l'article 2, c'est-à-dire celui des définitions et de l'interprétation, pour voir comment était défini le serment, j'ai découvert qu'il n'y a pas de pareille définition dans l'article du projet de loi réservé à cette fin, ce qui est très commode, n'est-ce pas?
L'expression «serment de citoyenneté» revient dans de nombreux articles du projet de loi, par exemple à l'article 28. On retrouve l'expression un peu partout dans le projet de loi. Si vous vous souvenez bien, dans les versions antérieures de cette loi, il était question du «serment d'allégeance». À l'élaboration du projet de loi actuel, le serment d'allégeance s'est transformé en «serment de citoyenneté», mais le serment d'allégeance formerait le texte du serment. Le libellé du projet de loi est truffé de mots en rapport avec le serment de citoyenneté, mais il n'y a pas de serment comme tel. Un serment n'est pas une promesse.
Il faudrait que l'interprétation, à moins d'être régie par une autre loi, mentionne quelque part le serment. Si l'on examine le libellé du serment comme tel dans la loi de 1977, on trouve les mots «serment» ou «déclaration solennelle». Le moins que l'on puisse faire est de préciser, à l'article 2 du projet de loi, que le serment inclut une déclaration solennelle.
La présidente: Je suis entièrement d'accord avec vous sur ce point.
Le sénateur Cools: Parce qu'il ne s'agit pas d'un serment du tout.
La présidente: J'étais plutôt abasourdie d'apprendre, quand j'ai prêté serment comme sénateur, que je ne pouvais pas faire de déclaration solennelle.
Le sénateur Joyal: C'est pourquoi, madame la présidente, je propose l'amendement qui circule.
La présidente: Nous y reviendrons plus tard. L'idée est d'inclure une définition dans l'article 2 du projet de loi.
Le sénateur Cools: En droit canadien, le terme «serment» désigne une réalité bien particulière. Ce dont nous traitons actuellement, ce n'est pas de la disparition de la mention de Sa Majesté, mais plutôt la disparition de mention de la nature des serments. C'est en réalité très fin et extrêmement trompeur.
Le sénateur Beaudoin: Le serment d'allégeance inclut une déclaration solennelle.
Le sénateur Cools: C'est ce que je dis, parce qu'on peut faire une déclaration solennelle quand on ne peut prêter serment. Le projet de loi C-16 n'exigeait pas de déclaration solennelle parce qu'il n'y a pas de serment. C'est pourquoi je dis qu'il est trompeur.
La présidente: Le sénateur Beaudoin m'a avisée qu'il devait quitter la salle à 11 h 30 et qu'il aimerait avant son départ que soit débattu l'article 22 du projet de loi.
Le sénateur Beaudoin: Il ne me faudra que trois ou quatre minutes.
La présidente: Les membres du comité sont-ils d'accord?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Beaudoin: Après avoir entendu ce qui a été dit de multiples fois, je n'ai qu'un seul amendement à proposer. Beaucoup d'autres amendements sont possibles, bien sûr. Toutefois, je m'intéresse au paragraphe 22(3). Je ne vois aucune raison valable de conserver cet article du projet de loi.
Le sénateur Moore: Vous avez dit le paragraphe (3) ou (5)?
Le sénateur Beaudoin: Le paragraphe (3), celui qui dit:
Le décret est définitif et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d'appel ni de contrôle judiciaire.
Cette disposition est carrément contraire à la Constitution du Canada, parce que c'est nous qui décidons de la constitutionnalité de nos lois. Nous avons accès aux tribunaux. Quand on a accès aux tribunaux, on a un droit d'appel.
Ce paragraphe est inutile. En fait, il est franchement mauvais. Je propose que le paragraphe (3) de l'article 22 du projet de loi soit retranché.
La présidente: Puisqu'il en est question, j'ai une question à poser au sénateur Beaudoin. Selon vous, cela s'applique-t-il également au paragraphe 27(3)?
Le sénateur Beaudoin: Oui, je crois qu'effectivement, cela s'y appliquerait parce qu'il s'agit exactement du même principe qui est, selon moi, mauvais.
La présidente: Je vous remercie.
Le sénateur Beaudoin: Je ne crois pas avoir autre chose à ajouter, car hier, j'ai expliqué mon raisonnement.
Le sénateur Grafstein: Sur ce point, il me semble que la question des voies régulières de droit se pose, mais de voies régulières qu'il faudrait limiter, en un certain sens. Il me semble que si nous retranchons la disposition prévoyant qu'il n'y a pas d'appel, mais qui prévoit ensuite un appel, il faudrait peut-être inclure une disposition qui dit que, si appel il y a, il faut qu'il porte sur des points de droit. Je l'ai dit parce que cela correspond au moins aux responsabilités que nous confère la Charte. Il y a eu enquête, puis, si l'on en appelle de la décision prise, l'appel est au moins limité aux questions de droit, ce qui rend encore plus important que nous définissions l'intérêt public et les critères en fonction desquels la citoyenneté est peut-être conférée ou retirée.
Si vous réunissez les deux, je crois, sénateur Beaudoin, que vous voudrez peut-être envisager une proposition selon laquelle, quand il y a appel, on ne reprenne pas l'audition de toute l'affaire, ce qui en fin de compte serait d'après moi contraire à l'intérêt public.
Le sénateur Beaudoin: Ce que je propose est très clair. Je tiens à faire éliminer ce paragraphe, à le faire retrancher, mais je ne suis pas du tout opposé à ce que le droit d'appel soit restreint aux points de droit. Naturellement, il est effectivement implicite, mais il est peut-être préférable, comme vous dites, de l'inclure en toutes lettres. Voilà essentiellement ce que je propose. Ce n'est pas une modification comme telle, mais il est clair que je ne veux pas que ce paragraphe demeure là.
Le sénateur Cools: Une fois que nous commençons, comme le sénateur Beaudoin, à vouloir retrancher ceci et retrancher cela, nous allons éprouver des difficultés même à obtenir un accord à cette table. Il me semble qu'une meilleure façon de faire serait de dire que cet article du projet de loi nous pose problème et expliquer ce qui fait problème. J'estime que l'article est problématique, mais simultanément, il faut que je vous dise, sénateur Beaudoin, qu'il ne faudrait pas qu'on puisse interjeter appel de certains décrets de sa Majesté, quel que soit le tribunal. Il se peut que cela soit dû à une différence fondamentale entre le droit civil et le common law, mais cela n'a pas d'importance en réalité. Je suis disposée à dire comme vous qu'il faut tout revoir. Des douzaines d'autres façons d'améliorer le libellé me viennent à l'esprit, mais votre préoccupation est profonde et il faut qu'on en tienne compte. Toutefois, il ne faudrait pas essayer d'obtenir un accord unanime.
La présidente: Nous n'y arriverons pas. Je peux vous le dire tout de suite.
Le sénateur Cools: Il faut toutefois faire valoir qu'il existe des décrets du Conseil des ministres ou certains exercices de la prérogative royale qui dépassent en réalité le champ de compétence des tribunaux. En fait, les juges ne nous ont-ils pas dit cela justement dans l'affaire de M. Black?
Le sénateur Nolin: J'aurais quelque chose à dire au sujet du commentaire du sénateur Grafstein. Je comprends ce qu'il dit, mais bien que dans l'article 27 il s'agisse en réalité d'un appel des voies régulières du droit, à l'article 22, ce n'est pas le cas. Il faut au moins que la question de l'examen et de l'interprétation des faits soit examinée d'un point de vue judiciaire quelque part.
Le sénateur Grafstein: Je ne le conteste pas. Je dis que nous ne voulons pas donner l'impression au grand public que nous sommes disposés à laisser un ministre faire enquête, par exemple, puis à tenir des procès faisant une nouvelle audition de tous les faits car il s'agirait, selon moi, d'un abus. En d'autres mots, où se trouve l'équilibre entre les deux?
Le sénateur Nolin: Le problème réside davantage dans la publicité qui entoure l'enquête menée par un tribunal ou dans le cadre d'un processus judiciaire. Je suis sûr qu'on peut demander à la Cour fédérale de tenir une audience à huis clos pour protéger les intérêts du pays. Cela se fait déjà.
Pour ce qui est de l'idée de prévoir un processus judiciaire qui ne porte pas sur les faits parce qu'un autre juge les a déjà examinés, je suis d'accord, parce que la règle de la preuve s'appliquera au juge de première instance. Je serais d'accord avec cela. C'est pourquoi l'article 27 du projet de loi ne me pose pas de problème, parce qu'il existe un processus judiciaire prévu dans le projet de loi, mais non à l'article 22. Et c'est pourquoi je tenais à faire cette observation. Nous sommes tous deux d'accord.
Le sénateur Beaudoin: Je suis moi aussi d'accord avec cela.
La présidente: Passons maintenant à l'article 6.
Le sénateur Joyal: Madame la présidente, qu'arrive-t-il aux modifications proposées par le sénateur Beaudoin à l'article 2?
Le sénateur Beaudoin: Une modification sera proposée aux articles 21 et 22 du projet de loi. Je tiens à ce que le paragraphe 22(3) disparaisse, mais ce ne sera pas nécessaire si les articles 21 et 22 sont retranchés, éventualité qui fait l'objet d'une autre proposition. Cependant, je n'irai pas aussi loin.
Le sénateur Joyal: Comme je l'ai dit tout à l'heure, le projet de loi, dans sa forme actuelle, n'a pas de préambule. Il est préférable, à ce stade-ci, dans la forme actuelle du projet de loi, de proposer un article de déclaration d'objet. J'ai fait circuler une ébauche. L'article de déclaration d'objet est un élément très important parce que, tout d'abord, il n'est pas question dans l'article 91 de la loi constitutionnelle de citoyenneté. L'article 91 porte essentiellement sur la perte de la nationalité et sur les étrangers. Il ne mentionne pas la citoyenneté comme telle parce que, bien sûr, quand la loi a été adoptée, le Canada n'était pas un pays souverain et ne pouvait donc pas conférer la citoyenneté.
Le sénateur Beaudoin: Maintenant, cela fait partie des pouvoirs résiduels.
Le sénateur Joyal: Maintenant, cela est prévu à la disposition sur les pouvoirs résiduels. Il est certainement approprié de préciser que la citoyenneté est une responsabilité qui relève du gouvernement fédéral. À cet égard, il est clairement établi dans le premier paragraphe que le projet de loi a pour objet de prévoir le statut et les droits des citoyens de l'unique nation souveraine du Canada reconnue comme telle par la communauté internationale. Ainsi, le pouvoir du Canada d'accorder la citoyenneté repose essentiellement sur le fait que le Canada est un pays souverain, reconnu sur la scène internationale. Ce pouvoir dont dispose le Canada depuis 1947 vient essentiellement du statut de nation indépendante et souveraine qui lui a été conféré par des lettres patentes.
Le deuxième paragraphe porte sur les avantages de la citoyenneté, notamment le droit de vivre conformément au principe de la primauté du droit énoncé dans la Constitution du Canada et de jouir au plan individuel et collectif des droits et libertés garantis par la Charte canadienne des droits et libertés et les autres lois fédérales et provinciales. Autrement dit, dès qu'un immigrant devient citoyen canadien, il bénéficie de la primauté du droit et des droits et libertés prévus dans la Constitution et dans les autres lois provinciales et fédérales.
Enfin, dans le dernier paragraphe, on précise que le projet de loi est le seul texte qui autorise l'attribution du statut de citoyen canadien autre que le statut de citoyen d'une Première nation.
C'est un élément important et je désire attirer l'attention de mes collègues là-dessus. En fait, nous n'avons jamais vraiment discuté du statut de citoyen d'une Première nation. Lorsque j'ai rédigé l'amendement, j'ai constaté qu'il y avait un élément qui entrait en conflit avec la Loi sur l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Yukon qui comporte une disposition interprétative selon laquelle:
Un «citoyen», est un citoyen de la Première nation au sens de la constitution qui la gouverne.
La «constitution» désigne la constitution de la Première nation visée à l'article 8.
Autrement dit, le concept de citoyenneté existe au moins dans cette loi du Parlement pour la Première nation. Néanmoins, cela soulève une question importante et assez troublante qui a déjà été examinée dans le cadre du projet de loi sur la Nation nisga'a. Certains de mes collègues, notamment le sénateur Grafstein et d'autres sénateurs de l'opposition, ont exprimé leurs préoccupations quant au nombre de citoyennetés qu'il y a au Canada. Il ne fait aucun doute que, si nous désirons établir un projet de loi sur la citoyenneté qui relève directement de la responsabilité du gouvernement fédéral, ce que nous entendons par «citoyenneté» doit être établi et énoncé clairement. Ainsi, compte tenu de la situation actuelle des lois du pays, la seule façon d'aborder convenablement cette question, après consultation, est de la traiter en rapport avec le statut de citoyen des Premières nations. Je ne veux pas dire que nous ne devrions pas en discuter et l'éclaircir à une autre occasion ou, comme cela a été suggéré plutôt, que nous ne devrions pas l'examiner plus attentivement. Il est clair pour moi depuis le début qu'il n'y a qu'une seule citoyenneté au Canada. Il y a un seul passeport, non pas deux, et ce passeport qui reconnaît cette citoyenneté ainsi que les avantages qui y sont associés.
Je veux être certain que le libellé que nous utilisons est facile à interpréter. Le projet de loi expose en détail un élément extrêmement important. Nous pourrions certainement en discuter davantage et chercher des moyens de rationaliser le concept de citoyenneté découlant de la nation souveraine du Canada reconnue comme telle par la communauté internationale et le statut de citoyen des Premières nations. Comme il peut y avoir confusion dans les termes, il est important de dissiper tout doute. Nous devrons éventuellement définir les mots «citoyen» et «citoyenneté» à l'article 2 en précisant la véritable signification de ces concepts car la définition de «citoyen» qui figure dans le présent projet de loi ne correspond pas à celle qui figure dans une autre loi. Cela soulève certains problèmes, mais la disposition d'objet ne peut tous les résoudre pour l'instant.
Compte tenu de la situation actuelle des lois du pays, il semble que ce soit la bonne façon de traiter la question. Il est très important de tenir compte de cela. Je sais que nous n'avons entendu aucun témoin à ce sujet ni la question, mais il est évident que c'est un aspect de la réflexion sur la citoyenneté au Canada. C'est assez particulier car, comme nous l'avons mentionné précédemment -- et, c'est précisément mon objectif -- il n'y a qu'une citoyenneté canadienne. Il n'est pas question de double ou de triple citoyenneté. Il y a une seule citoyenneté et, selon moi, c'est la raison pour laquelle il y a une seule Charte canadienne des droits et des libertés. C'est également la raison pour laquelle, lorsque nous avons préconisé l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés -- le sénateur Kinsella s'en rappellera sûrement -- nous pensions que les peuples autochtones seraient assujettis également à la Charte et à la primauté du droit. Aujourd'hui, il faut examiner cela même si ce n'est peut-être pas dans le contexte global qui convient, mais on ne peut l'ignorer. C'est pourquoi il en est question dans ce paragraphe.
La présidente: Merci, sénateur Joyal. En fait, l'objectif de cet amendement est d'ajouter une disposition d'objet au projet de loi.
Le sénateur Grafstein: Nous avons eu une discussion très animée au sein du Comité sénatorial des peuples autochtones au sujet de la citoyenneté. À cette occasion, je me suis abstenu précisément à cause de cette disposition. Si vous me le permettez, je vais résumer les deux questions puis, je vais tenter de les mettre en perspective de façon à pouvoir préciser ma position.
En premier lieu, je suis d'accord avec les propos de mon collègue, le sénateur Joyal, quant aux paragraphes (1) et (2). Toutefois, je ne suis pas d'accord avec le libellé troisième paragraphe parce qu'il porte sur une question fondamentale qui n'est pas encore résolue. Il est vrai que plusieurs lois traitent du concept de citoyenneté. Néanmoins, la loi sur le Yukon diffère de celle sur l'accord Nisga'a à cet égard. En effet, dans la loi du Yukon, la définition de «citoyen» est accessoire parce que le gouvernement fédéral et le Parlement sont en mesure de la traiter sans opposition. Cela ne me semblait pas satisfaisant, mais au moins je n'ai pas été forcé d'aborder la question tout de suite.
Néanmoins, quand il a été question de l'accord Nisga'a, la situation était bien différente parce qu'on avait donné à cette Première nation la possibilité -- et, je ne remets pas cela en question -- d'établir des principes permettant à ses membres de vivre sur son territoire et de bénéficier des avantages découlant de ses revendications territoriales. En fait, le projet de loi sur l'accord Nisga'a posait un problème parce qu'il établissait un principe selon lequel le gouvernement fédéral et le Parlement ne représentaient plus l'autorité suprême et qu'une question de cette nature aurait exigé un assentiment qu'il n'était pas prêt à donner. On compte de 80 à 120 groupes qui se définissent comme Premières nations. Ceci signifie que, dans 20 ans, nous pourrions compter dans ce pays jusqu'à 121 citoyennetés différentes. Le Québec pourrait alors demander «Pourquoi pas nous?» Nous nous trouvons donc confrontés à la théorie des deux nations et à la théorie multinationale, ce qui est contraire à la Charte. La Charte fait mention de la nation canadienne. Elle ne parle pas de plusieurs nations canadiennes ou d'une famille canadienne de plusieurs nations. Elle ne parle que de la nation canadienne.
Je reconnais que le plus grand honneur qui puisse être conféré dans ce pays est la citoyenneté, et que cela relève exclusivement de la compétence du gouvernement fédéral. De plus, c'est conforme aux prérogatives de l'État et au maintien de la paix, de l'ordre et d'un bon gouvernement. Or, nous sommes aux prises avec une série de notions idéologiques qui nous empêchent, pour l'instant, de régler la question. J'ose espérer que nous pourrons appliquer la solution américaine. Cette solution n'empêche pas la Nation apache de se désigner comme telle. Le Congrès n'a pas pour autant renoncé à sa suprématie. Politiquement, il peut sembler inacceptable d'intervenir, mais le Congrès ou le Parlement n'a pas renoncé à sa suprématie. C'est ainsi que la Constitution fonctionne. J'étais en profond désaccord avec la loi sur l'accord Nisga'a parce qu'il faut faire intervenir les tribunaux.
Je vous invite tous à lire la décision du juge Williamson au sujet de la citoyenneté. Je tiens à être prudent ici. Il ne faut pas critiquer les juges parce qu'ils ne peuvent se défendre. Cependant, cette décision énonce la définition de «citoyenneté» la plus extraordinaire que j'ai vue, c'est-à-dire que la citoyenneté, voter et le reste n'est pas important -- du moins, c'est la façon dont je l'interprète. J'invite tous les membres du comité à lire cette décision d'un tribunal inférieur qui, je l'espère, sera annulée.
Nous devons établir le principe qu'il y a une citoyenneté souveraine au Canada, et d'autres désignations. Cela m'a toujours surpris que les Premières nations veuillent se dire citoyens, alors que la notion de citoyenneté, d'après le peu que j'en sais sur les Premières nations, ne s'est jamais appliquée aux peuples autochtones. Autrement dit, leur notion de «citoyenneté» est une notion européenne qu'ils ont adaptée à leur culture autochtone. Et la raison en est bien claire: c'est parce qu'ils veulent obtenir des droits. Je sais que ça semble épouvantable, mais il est important d'en discuter, pour déterminer pourquoi nous ne pourrions pas en arriver à établir une citoyenneté souveraine et d'autres désignations pour ceux qui veulent s'identifier autrement.
Je tiens à le préciser parce que je pense que ce sera un débat orageux.
La présidente: Je dois dire au comité que je n'ai pas jugé utile de commander un repas ce midi. Je vous demanderais d'être le plus bref possible. Je sais que certaines de ces questions sont complexes.
Le sénateur Pearson: Je serais prête à appuyer l'énoncé de l'objet proposé par le sénateur Joyal. C'est une question dont nous n'avons pas beaucoup discuté ici. Si je comprends bien -- et j'aimerais bien savoir si vous êtes d'accord --, cette disposition reconnaît le fait que bien des gens au Canada sont des citoyens à double nationalité. Ce texte signifie simplement que, comme citoyen canadien, vous avez ces droits. Il n'exclut pas les droits que vous pourriez avoir comme citoyen d'un autre pays.
La présidente: Certains ont des droits comme sujets ou pairs britanniques.
Le sénateur Pearson: Certains ont la double citoyenneté irlandaise et canadienne. Il y a beaucoup d'exemples. Cette question n'a pas été souvent soulevée, et cela ne me pose pas de problème. Je n'ai pas d'objection à ce que quelqu'un soit citoyen dans deux pays, dans la mesure où la citoyenneté est bien comprise et qu'elle n'a rien d'exclusif. On a changé cela dans la loi, je pense. Je me rappelle que ma mère a perdu sa citoyenneté quand elle a voté à des élections au Canada. On a changé cela.
Le sénateur Joyal: Oui.
Le sénateur Pearson: Maintenant, une personne peut avoir la double citoyenneté. Le texte est très acceptable. En tant que citoyen canadien, vous avez ces droits. Je suis d'accord.
Pour ce qui est des Premières nations, je pense que théoriquement c'est juste, compte tenu de ce qui existe déjà. Cela soulève un problème sur lequel nous ne devrions pas nous arrêter, je pense, mais c'est un problème que nous avons à régler avec les nations autochtones. Les Mohawks sont venus nous dire, comme vous le savez sénateur Andreychuk, qu'ils ne réclamaient même pas d'être citoyens canadiens. Ils voyagent avec leur propre passeport. C'est une question non résolue, et nous n'allons pas la résoudre maintenant, mais vous nous avez aidés à cerner la question en vue de l'examiner plus tard.
[Français]
Le sénateur Nolin: J'abonde dans le sens que le projet de loi contienne un article qui établisse l'objet du projet de loi. Je préfère que ce soit le plus court possible. La plupart des droits inscrits dans le deuxième paragraphe existent de toute façon, que l'on soit citoyen canadien ou non. La Charte accorde ces droits à tous ceux et celles qui vivent au Canada. Je ne voudrais pas qu'on se crée plus de problèmes en faisant une énumération. Si on lit le deuxième paragraphe, cela veut-il dire que ceux qui ne sont pas citoyens canadiens n'ont pas ces droits?
Le sénateur Joyal: Non, pas nécessairement.
Le sénateur Nolin: Cela inclut des droits que l'on a déjà. Je suis d'accord à avoir une clause qui établit l'objet du projet de loi. Je ne veux pas qu'on se crée plus de problèmes. Tout en demeurant le plus précis possible, on devrait être aussi général dans l'affirmation qu'on va vouloir.
Le sénateur Joyal: Sur ce point, mon collègue sait que la Charte canadienne des droits et libertés mentionne, à trois endroits précis et de façon très précise, la définition des avantages qui découlent de la citoyenneté ou réservés à la citoyenneté: le droit de voter, le droit de se déplacer à l'intérieur et à l'extérieur du pays sans limite, et le droit de bénéficier de l'enseignement dans les deux langues officielles. A contrario, une personne qui est au Canada, un immigrant reçu par exemple, ne bénéficie pas du droit de voter, de se présenter aux élections et ne bénéficie pas non plus de la possibilité de rentrer et sortir du pays à volonté. Parce que s'il rentre et sort du pays, le temps qu'il va passer à l'extérieur du pays ne lui sera pas computable comme un élément de résidence qui le qualifiera pour obtenir des droits additionnels. Il y a une distinction sur le plan du droit à la mobilité et de l'accès à l'enseignement, plus un certain nombre de d'autres droits, dont celui d'avoir un passeport.
Le sénateur Nolin: Mon point était plus sur le droit de vivre conformément au principe de la primauté du droit. Tout individu au Canada a ce droit. Je comprends l'objectif, mais je ne veux pas que l'on crée plus de confusion qu'on en a déjà. Nous devrons avoir un débat au sujet de la double citoyenneté. Qu'est-ce qu'on en fait? Laquelle a priorité?
Le sénateur Joyal: L'autre élément, c'est qu'il y a un lien.
[Traduction]
Le sénateur Cools: La Charte des droits et libertés ne confère pas la citoyenneté. Certes, la citoyenneté canadienne précède toutes ces lois.
Le sénateur Nolin: Ce n'est pas ce que nous disons.
La présidente: Le nom du sénateur Andreychuk figure encore sur ma liste, et le sénateur Poy, qui aimerait également prendre la parole au sujet de l'article 6, doit partir bientôt.
Le sénateur Cools: Je veux encore parler du serment.
Le sénateur Andreychuk: Madame la présidente, je dois aussi partir bientôt et j'aimerais discuter de plusieurs dispositions.
Si nous siégeons cette semaine -- parce que nous ne savons pas si cet événement béni se produira dimanche ou non -- nous devons décider d'engager le débat et déterminer les experts à convoquer. Je ne veux pas discuter de la définition aujourd'hui. Si nous ne siégeons pas la semaine prochaine, ce qui semble plus vraisemblable, nous devrons faire savoir au ministère que le projet de loi comporte une faille fondamentale et que nous avons beaucoup de mal avec la notion de citoyenneté. Je ne vais pas approuver ou désapprouver la proposition du sénateur Joyal parce que je ne veux pas engager un débat de deux heures.
La présidente: C'est ce que nous voulons faire.
Le sénateur Andreychuk: Il faut indiquer au ministère qu'il aurait dû mieux examiner comment résoudre le problème.
La présidente: C'est ce que nous voulons faire. Nous essayons aujourd'hui de cerner les problèmes, et non pas de les résoudre, parce que ce n'est pas notre rôle.
Le sénateur Andreychuk: Ce n'est pas non plus notre responsabilité de le faire si un nouveau projet de loi est présenté. C'est la responsabilité du gouvernement.
La présidente: Tout à fait.
Le sénateur Poy: J'aimerais examiner l'article 6 parce que les changements proposés portent préjudice aux réfugiés. L'article 6 exige d'avoir le statut de résident depuis un certain temps pour devenir citoyen. Un réfugié peut attendre parfois plus d'un an avant d'être autorisé à rester au pays. Selon le projet de loi, cette période ne compte pas si le réfugié n'était pas résident permanent, alors que les choses sont différentes actuellement, si j'ai bien compris. Le projet de loi modifie la situation.
J'aimerais que la ministre corrige cette modification. Ce n'est pas juste à l'égard de ceux à qui on accorde le statut de réfugié. Si le statut de réfugié n'est pas accordé, les personnes doivent partir de toute façon. Si on leur accorde le statut de réfugié, pourquoi ne pas tenir compte du délai d'attente, dont ils ne sont pas responsables. Les retards dans l'instruction des demandes d'immigration peuvent leur faire perdre beaucoup de temps.
Le sénateur Andreychuk: Un de nos problèmes, c'est que nous savons qu'il y a un projet de loi sur l'immigration qui doit être soumis à l'examen de la Chambre des communes. Il est difficile de juger de l'utilité ou de l'équité du projet de loi C-16 parce que nous ne savons pas de quelle façon le projet de loi sur l'immigration va toucher les réfugiés.
Le sénateur Poy: J'ai posé la question à la ministre quand elle est venue nous rencontrer. Elle a dit que le projet de loi sur l'immigration traite d'immigration et n'est pas lié à la citoyenneté, mais les deux sujets sont liés. On ne peut pas vraiment séparer l'un de l'autre.
La présidente: Cela nous ramène à ce que le sénateur Cools disait. Cela fait partie de tout un processus.
Nous allons passer à l'article 14.
Le sénateur Andreychuk: Madame la présidente, j'ai aussi réfléchi à cette disposition. Elle ne m'avait pas frappé au début. Je pense que c'est le sénateur Grafstein qui a indiqué qu'il est injuste de priver sans avis quelqu'un d'un droit qu'il avait, compte tenu du fait qu'il est difficile de savoir où ces éventuels Canadiens se trouvent.
Si nous avions poursuivi l'étude de ce projet de loi, j'avais l'intention de présenter un amendement, une disposition sur le maintien des droits acquis. J'aurais demandé que la disposition sur le maintien des droits acquis s'applique pendant les six années suivant la date d'entrée en vigueur de la loi. Cela obligerait alors le ministère à recourir à tous les moyens raisonnables pour annoncer le projet de loi dans le monde, par les moyens habituels, les ambassades, les ONG, et cetera.
Les avocats m'ont dit qu'il faudrait alors modifier l'article 73, celui sur la date d'entrée en vigueur du projet de loi, c'est-à-dire que la loi n'entrerait pas en vigueur avant six ans. Cela semble être un compromis pour moi. Si nous voulions respecter ce que le ministère a dit, au sujet de l'attachement au pays et que c'était un nouveau point de vue, on pourrait accepter qu'il y ait au moins une période de grâce de six ans pour avertir les gens et bien faire comprendre ce que cette disposition veut dire.
Les Mennonites avaient également dit que le projet de loi C-63 était plus acceptable que la modification qui a finalement donné l'article 14. L'article qui se trouvait initialement dans le projet de loi C-63 envisage une autre option, un délai de grâce de six ans, ce qui veut dire que toutes les personnes visées auraient continué à profiter des avantages si cette loi n'avait pas été mise en vigueur, la loi ne devenant applicable que six ans plus tard.
Le sénateur Poy: En plus, les Mennonites nous ont contactés...
Le sénateur Andreychuk: Et d'autres également.
Le sénateur Poy: Si je comprends bien, à l'heure actuelle, dans le cas de ceux qui ont déjà un certificat de citoyenneté -- car ils sont des enfants de la deuxième génération, issus de personnes qui ne vivent plus au Canada, mais qui sont des citoyens canadiens -- ledit certificat ne porte pas de date d'expiration. Sans date d'expiration, ils ne savent pas jusqu'à quand il est valable. Ils présument simplement qu'ils sont citoyens canadiens, car ils n'ont pas l'habitude de constamment regarder leur certificat. Tout ce qu'ils savent, c'est qu'ils ont un certificat. Ces gens pourraient perdre leur citoyenneté sans le savoir et c'est là le problème.
Le sénateur Andreychuk: Il avait été recommandé à propos du projet de loi C-63 d'inscrire une date d'expiration. Ce serait une autre façon d'avertir ces gens-là.
Le sénateur Poy: C'est exact.
Le sénateur Andreychuk: On pourrait sinon prévoir une clause d'antériorité, ce qui obligerait le gouvernement à avertir le plus grand nombre possible de personne avec toute la diligence voulue.
La présidente: J'ai également reçu des lettres des Mennonites. Lorsqu'un groupe comme celui-ci veut influencer la décision d'un comité, je dirais qu'il vaudrait mieux qu'il comparaisse devant ce comité plutôt que d'essayer de contacter chacun de nous séparément. Cela devrait être public pour que tout le monde puisse voir et entendre en même temps.
Le sénateur Andreychuk: Pour défendre les Mennonites, je dirais que le processus relatif au projet de loi était déjà en train. Ils ont comparu, alors qu'il n'était plus possible de s'inscrire sur la liste. J'avais pensé que c'était l'un des groupes qui avait posé la question; la situation a été un peu confuse; je pense qu'ils ont comparu. Ce monsieur a été tout à fait honnête, il savait qu'il n'était plus possible de s'inscrire sur la liste, si bien qu'il nous a contactés les uns après les autres.
Le sénateur Cools: Autant que je sache, les Mennonites voulaient comparaître, mais ils ont pensé que c'était impossible si bien qu'ils ont contacté les membres du comité, ce que je considère tout à fait normal.
La présidente: Nous allons donc passer aux articles 14 à 16. Quelqu'un a proposé la motion; c'est peut-être le sénateur Grafstein, qui n'est pas présent pour l'instant; nous allons donc passer à l'article 17.
Le sénateur Moore: L'article 17 ne prévoit pas les motifs, comme c'est le cas ailleurs. Je peux faire circuler un projet d'amendement qui vise à inclure après le mot «avis» que l'avis comporte un résumé des motifs contenus dans le rapport.
Le sénateur Cools: Cela relève de la réglementation et de la procédure plutôt que de la loi.
Le sénateur Moore: Cela est prévu ailleurs, si bien qu'à mon avis, il s'agit d'un manque de cohérence. Il n'est pas possible de faire appel de cette décision. Si cela me touchait, j'aimerais savoir contre quoi je me bats. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faudrait envisager de le préciser.
Le sénateur Cools: Je ne conteste pas qu'il s'agit de droits fondamentaux.
La présidente: Nous allons déposer cette proposition également.
Le sénateur Andreychuk: Pour l'article 17, j'aurais déposé un amendement dont l'effet aurait été identique. Toutefois, je maintiens catégoriquement qu'il faut prévoir une autorisation d'appel. Les groupes nous ont fait remarquer de manière irréfutable que, pour l'instant, cette conclusion de fait dont est saisi le tribunal ne peut pas faire l'objet d'un appel. Cela cause un préjudice autant au ministère qu'à la personne qui fait l'objet de la révocation.
Il me semble que la ministre a répondu que c'était inscrit dans la loi depuis 1977 et avait bien fonctionné. D'après les preuves qui nous ont été présentées, cela ne fonctionne pas bien et même après avoir été mis à l'épreuve, cela ne correspond pas vraiment à notre interprétation d'application régulière de la loi.
Bien sûr, les gens se sont fait à l'idée que le droit d'appel est toujours possible. Cela ne veut pas dire qu'ils vont s'en prévaloir, mais il devrait être prévu. Cela devrait être possible pour les deux parties, car cela peut également paralyser le gouvernement. Je crois que ce n'est pas bon en soi, surtout lorsqu'il y a prépondérance des probabilités. D'après les tribunaux, la citoyenneté, même si elle relève du droit administratif, est quelque chose de fondamental. Il est généralement admis dans notre pays que les gens ont la conviction d'être égaux lorsqu'ils sont citoyens canadiens.
Des gens nous ont dit: «Faites-nous savoir ce dont nous sommes accusés pour que l'on puisse se défendre comme il faut»; cela équivaut à une forme d'appel, à quelque chose qui se rapproche plus de l'application régulière de la loi que ce qui est prévu ici selon les dires de la ministre. Il me semble qu'il est juste que 6 millions de Canadiens considèrent que le droit à une application régulière de la loi est au moins équivalent aux droits prévus en cas d'infraction criminelle mineure.
Je sais qu'il s'agit du droit administratif, mais peut-être ne le savent-ils pas. Il me semble que c'est important d'un point de vue d'équité et de justice. Les deux amendements que j'aurais demandés auraient correspondu à celui du sénateur Moore et à celui relatif au droit d'interjeter appel.
Le sénateur Joyal: Brièvement, je veux simplement me faire l'écho de ce que vient de dire le sénateur Andreychuk.
J'ai eu plus tôt une discussion avec le sénateur Beaudoin au sujet de cette même question. Nous avons convenu que, au lieu de proposer de nombreux amendements à ce sujet, il ne faudrait en proposer qu'un seul et c'est celui-là.
La présidente: Nous allons passer à l'article 18.
Le sénateur Andreychuk: Mes commentaires sont les mêmes à ce sujet. Autant que je sache, c'est limité au contrôle judiciaire. Les amendements visent le droit d'interjeter appel. Il est assez curieux qu'en vertu de la loi, on dise que vous êtes citoyen, mais s'agit-il d'une citoyenneté conditionnelle, d'une citoyenneté à l'essai? C'est intéressant. Là encore, grâce à l'application régulière de la loi, ce serait juste. L'amendement viserait le droit de bénéficier de quelque chose de plus qu'un simple contrôle.
La présidente: Nous allons passer à l'article 21.
Le sénateur Andreychuk: L'article 21 a fait l'objet de beaucoup de témoignages. On pourrait essayer d'améliorer l'article 21 et, par voie de conséquence, l'article 22; toutefois, si ce projet de loi n'est pas adopté, nous voudrions indiquer clairement au gouvernement que compte tenu d'une définition aussi vaste et floue, il faut pouvoir présenter des raisons irréfutables, ce qui n'est pas le cas. Les exemples donnés étaient véritablement des questions de sécurité nationale ou des questions visées par l'article 28. Il ne s'agissait pas véritablement d'autre chose.
Le seul exemple qu'on nous a donné au sujet des valeurs me paraît très inquiétant. Pour devenir citoyen, il faut répondre à certains critères; par ailleurs, la citoyenneté sera révoquée s'il existe un risque pour la sécurité nationale du Canada ou pour l'intérêt national ou si la citoyenneté a été obtenue par fraude. Dire maintenant que certaines personnes ne devraient pas être acceptées n'est pas la façon dont devrait procéder le Canada. Cela ne cadre pas avec nos normes nationales, nos obligations internationales ou l'exemple que nous voulons donner. Si cet article s'impose absolument, le gouvernement devrait nous donner une définition plus précise de l'«intérêt public», assortie d'un modèle de bonne application de la loi au lieu de quoi, il s'agit ici pratiquement d'un droit inconditionnel de définition sans examen.
La suppression des articles 21 et 22 aurait été mon amendement. Si ce projet de loi n'est pas adopté et qu'il est de nouveau déposé, le gouvernement devrait envisager sérieusement ce qu'il devrait véritablement comporter. Les articles 21 et 22 ne devraient pas servir à mettre de l'ordre dans le processus de l'immigration.
Par ailleurs, il ne faudrait pas agir à partir de soupçons. On ne devrait pas exclure des gens en fonction de soupçons si on ne peut pas prouver qu'une affaire met en danger la sécurité nationale ou relève des dispositions de l'article 28, et si on ne peut pas le préciser. Nous tirons fierté de la primauté du droit qui devrait s'appliquer dans ce cas précis également. Je trouve cela très inquiétant. Nous pouvons améliorer ce projet de loi, à moins que le gouvernement ne présente quelque chose de mieux.
La présidente: Avez-vous lu l'amendement que propose le sénateur Joyal à l'article 21?
Le sénateur Andreychuk: Oui. Nous devrons nous pencher là-dessus si nous allons de l'avant avec ce projet de loi. Toutefois, je ne crois pas que je devrais me substituer au gouvernement. Ce dernier devrait d'ailleurs se demander sérieusement, avant de déposer un nouveau projet de loi, si une telle mesure s'impose vraiment. On nous a demandé de fournir des outils qui, semble-t-il, allaient être rarement utilisés. Comme l'a indiqué l'Association du Barreau canadien, le gouvernement a dit la même chose en 1977. Or, l'Association nous a dit que le gouvernement avait eu recours à tous les outils mis à sa disposition. Une fois mis en place, ils sont utilisés.
Le Canada ne fait pas partie de ces régimes qui utilisent leur pouvoir discrétionnaire de façon absolue. J'implore le gouvernement de ne pas agir de la sorte.
Le sénateur Joyal: Madame la présidente, vous avez fait allusion à l'amendement que j'ai fait circuler. Il correspond à ce que nous ont dit, hier, les témoins experts au sujet des liens qui existent entre la notion d'intérêt public, la primauté du droit, les principes démocratiques énoncés dans la Constitution du Canada et les droits et libertés garanties par la Charte canadienne. Autrement dit, l'intérêt public s'entend des principes fondamentaux et non de cette vague notion de valeurs que diverses personnes se plaisent parfois à évoquer. Nous n'adoptons pas des lois qui restent en vigueur deux ans ou pendant la durée du mandat d'un gouvernement. La loi actuelle est en vigueur depuis 23 ans, et la loi précédente l'est restée pendant 30 ans.
Si nous voulons aider le gouvernement à revoir la notion d'intérêt public, nous devons profiter de cette occasion pour réfléchir à la définition d'intérêt public à la lumière des principes démocratiques fondamentaux que nous défendons et qui sont encadrés dans la Constitution et dans la Charte des droits et libertés.
Le sénateur Cools: Comme je l'ai dit, nous n'avons pas à nous entendre sur chacun des amendements que nous soumettons. Ce ne sont, en fait, que des propositions.
Le sénateur Andreychuk: Le paragraphe 23(6) se lit, en partie, comme suit:
Au terme de son enquête, le comité de surveillance fait rapport au gouverneur en conseil; il communique ses conclusions à l'intéressé au moment qu'il juge opportun [...]
Je crois comprendre que le gouvernement lui-même a dit que ce libellé n'était pas satisfaisant, qu'on aurait dû proposer quelque chose de mieux. Il devrait être plus précis.
Le sénateur Nolin: Les juges sont obligés de rendre un jugement dans six mois.
Le sénateur Andreychuk: L'expression «dans les meilleurs délais» est définie en droit pénal et dans d'autres lois, et cela veut dire qu'il faut prendre une décision avec une célérité raisonnable. Les expressions «célérité raisonnable» et «dans les meilleurs délais» sont bien connues. Je ne crois pas que les mots «au moment qu'il juge opportun» englobent l'idée de célérité raisonnable. Il faudrait se pencher là-dessus. C'est peut-être tout simplement une question de rédaction.
Le sénateur Moore: Pourquoi ne pouvons-nous pas proposer un délai fixe, comme six mois? Y a-t-il une raison à cela?
Le sénateur Nolin: Je préférerais qu'on utilise l'expression «dans les meilleurs délais». Cela réglerait tous les problèmes.
Le sénateur Andreychuk: Le problème, c'est que certaines enquêtes prennent beaucoup de temps. Nous devons aussi toujours tenir compte des ressources dont nous disposons, et à mon avis, il est question ici de risques, non pas d'intérêt public. Nous devons agir dans les meilleurs délais avec une célérité raisonnable.
La présidente: Article 24.
Le sénateur Joyal: Madame la présidente, j'ai fait circuler une liste d'amendements qui portent sur le régime des partis auxquelles nous nous sommes habitués dans les deux Chambres du Parlement. Je pense que le paragraphe 24(1) devrait refléter cette réalité. Nous avons commis une erreur dans un projet de loi antérieur, et il faudrait éviter de la répéter. Nous devrions la corriger. J'ai toujours dit, et je l'ai indiqué aussi au ministre et aux fonctionnaires du ministère, que nous devrions établir la parité entre les deux Chambres dans ce cas-ci. Il y a déjà eu des cas, dans le passé, où un parti était sous-représenté dans une Chambre, alors qu'il constituait la majorité dans l'autre. Il semblait absurde que ce parti soit exclu du processus de consultation alors que son leader occupait un poste dans l'autre Chambre qui est prévu dans la Constitution. Cet amendement vise essentiellement à rétablir la parité entre les deux Chambres.
Le sénateur Cools: En fait, madame la présidente, il faudrait que le Sénat participe lui aussi au processus. Je trouve le libellé un peu prétentieux. On dit ici que «cette nomination est précédée de consultations entre le premier ministre du Canada...». On a l'impression que c'est le premier ministre qui conseille le gouverneur en conseil dans ce cas-ci. Or, si le premier ministre est consulté en vertu de cette disposition, le leader du Sénat devrait l'être aussi.
La présidente: Personne ici ne contestera cela.
Passons maintenant à l'article 27.
Le sénateur Andreychuk: Nous en avons déjà discuté.
La présidente: L'article 28. Autres cas d'interdiction.
Le sénateur Moore: J'aimerais poser une question à ce sujet. J'en ai discuté, hier, avec Le sénateur Pearson. On dit à l'alinéa 28f): «tant qu'il fait l'objet d'une enquête menée par». Quand la personne fait-elle l'objet d'une enquête? Et dans quelles circonstances? A-t-on ouvert un dossier, reçu un appel anonyme ou une enveloppe brune? Qu'est-ce qui fait l'objet d'une enquête? Est-ce que nous le savons?
La présidente: Nous avons déjà la réponse à cette question. Notre attachée de recherche s'est renseignée auprès du ministère de la Justice.
Mme Nancy Holmes, attachée de recherche, Bibliothèque du Parlement: J'ai consulté le ministère à ce sujet, et je crois comprendre que, en ce qui concerne l'alinéa f), la GRC a une base de données à laquelle le ministère a accès. Toute personne qui présente une demande de citoyenneté fait l'objet d'une vérification. La GRC vérifie si elle a commis des crimes en vertu de l'article 73.71, soit des crimes contre l'humanité, et des infractions en vertu du Code criminel. La base de données lui indiquera si une personne fait l'objet d'une enquête par le ministre de la Justice, la GRC ou le SCRS.
Le sénateur Cools: Il veut savoir ce qu'on entend par faire l'objet d'une enquête.
Mme Holmes: Il faudrait que je me renseigne auprès du ministère.
Le sénateur Andreychuk: J'ai déjà enseigné à la Division dépôt de la GRC et je pense que c'est quelque chose qu'il faut prendre en considération. Il y a de nombreux protocoles et de nombreuses règles dont il faut tenir compte. Il y a aussi les systèmes internationaux de l'Interpol et les ententes que nous avons signées.
Le sénateur Moore: On dit à l'alinéa l): «tant qu'il fait l'objet d'une enquête sous le régime de l'article 15 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité». Je ne connais pas cet article.
Le sénateur Nolin: Il s'agit de l'article 7 du Code.
Le sénateur Andreychuk: C'est exact.
Le sénateur Moore: Il est question de l'article 15 de la Loi sur le SCRS. Je ne connais pas cet article.
Le sénateur Andreychuk: Cet article précise quand une enquête peut être menée, et de quelle manière, en vertu de la loi, des procédures ou règlements, ainsi de suite. Ce que voulait dire Le sénateur Pearson, c'est que la police est parfois frustrée parce qu'elle sait qu'il y a un pédophile dans tel pays qui n'a pas fait l'objet d'accusations. Comme, à son avis, les lois de ce pays comportent des lacunes, elle va suivre la situation de près.
La police évolue dans une sorte de zone grise, car elle ne sait jamais si elle a suffisamment de preuves et de renseignements en main pour arrêter cette personne. Il existe une zone grise. Nous continuons d'adopter des règles plus sévères, mais cela ne change rien à la situation. On sait que cette personne est un pédophile, mais que dit la loi à ce sujet? Nous sommes assez bien protégés, à la condition que les services d'immigration remplissent bien leur rôle. Nous savons qu'ils ont manqué de ressources dans le passé ou qu'ils n'ont pas toujours bien effectué leur travail pour une raison ou une autre. Nous savons qu'on a laissé entrer au pays des personnes qui, si elles avaient fait l'objet d'une enquête adéquate, ne seraient pas ici aujourd'hui.
Or, est-ce qu'elles sont entrées parce que le système n'a pas fonctionné ou à cause de cette zone grise qui nous permet de retracer certains «suspects» sans qu'on puisse faire quoi que ce soit à leur sujet? Ces cas auraient dû être relevés à l'étape de l'enquête de l'immigration, pas à l'étape de la demande de citoyenneté.
La présidente: Je crois comprendre que l'alinéa l) fait également allusion à la base de données du SCRS.
Le sénateur Moore: Oui.
La présidente: Comparativement aux deux.
De l'article 28, nous passons à l'article 30. Personne ne dit rien, alors nous poursuivons tout simplement.
Le sénateur Andreychuk: C'est déjà au compte rendu.
Le sénateur Joyal: Je crois qu'il est indiqué au compte rendu que nous avions des questions sur la traduction de «material defect».
La présidente: La traduction.
Le sénateur Nolin: L'important a été dit. Nous avons entendu la réponse des autorités à ce sujet, mais nous avons néanmoins quelques préoccupations.
La présidente: C'est l'une des questions.
Article 34, nous en sommes à l'Annexe.
Le sénateur Cools: Avant de passer à la question de l'Annexe, j'aimerais examiner celle des commissaires et de la suspension du mandat. Quel article en traite?
La présidente: C'est indiqué «nommé à titre amovible».
Le sénateur Andreychuk: C'est au paragraphe 31(1).
Le sénateur Cools: C'est curieux. On lit «à titre amovible... pour un mandat d'une durée maximale de cinq ans».
Le sénateur Andreychuk: C'est la durée habituelle des mandats.
Le sénateur Cools: Où est-il question de révocation du mandat avant son échéance? Il me semble avoir lu cela.
Le sénateur Andreychuk: C'est ça, «pour un mandat d'une durée maximale de cinq ans».
Le sénateur Cools: Quel article traite de révocation?
Le sénateur Andreychuk: Quand on est nommé à titre amovible, on doit composer avec les règles du gouverneur en conseil.
Le sénateur Cools: Je ne le vois pas encore, mais je pensais qu'il y avait un passage ici, à ce sujet, quelque chose qui parlait de motif.
La présidente: Je crois que les termes pertinents sont «à titre amovible».
Le sénateur Andreychuk: Beaucoup de témoins sont venus devant nous et ont exprimé l'avis qu'il est préférable d'être jugé selon le système en vigueur actuellement. Ils le trouvent plus indépendant que celui des commissaires, qui semble plus relever du ministre, et les témoins préféreraient le renforcement de l'indépendance de ce processus. L'idée de faire ces commissaires promouvoir un sens d'orgueil civique, et aussi du respect de la loi et du droit de vote, est liée à l'objet de cette loi qui est proposée, à l'objectif de citoyenneté et à la responsabilité claire de ces gens.
Il y avait un certain malaise au sujet des activités des commissaires. La réponse, c'est sûr, est qu'il y aurait des règlements et des lignes directrices. Eh bien, nous ne les avons jamais vus, donc cela suscite un malaise. Je réitère les revendications tout à fait légitimes de certains témoins.
Le sénateur Cools: Je crois que la ministre devrait être consciente que certains d'entre nous, moi du moins, n'étions pas tout à fait d'accord pour attribuer le titre de commissaire à cette personne, particulièrement quand nous ne savons pas ce qu'ils font en matière de promotion des valeurs, quelles que soient ces valeurs. Le titre de «commissaire» ne me paraît vraiment pas approprié.
Lors de son témoignage devant nous, la ministre a dit que le titre était changé, de «juges des citoyens» à «commissaires» parce qu'on ne voulait pas qu'il y ait confusion avec les véritables juges. Peut-être que, d'une manière ou d'une autre, après que la ministre aura lu ce témoignage aujourd'hui, ou le nouveau ministre dans les quelques prochaines semaines, elle pourrait réexaminer le raisonnement global sur le titre de ces postes, commissaires ou juges des citoyens, et examiner de plus près ce qu'ils sont réellement appelés à faire. Je ne suis pas, moi-même, tout à fait à l'aise avec le nouveau terme de «commissaire de la citoyenneté». Dans le passé, tout le monde savait que les juges de la citoyenneté n'avaient affaire qu'au serment. Le terme «commissaire» est beaucoup plus large et obscur.
Le sénateur Andreychuk: Madame le sénateur, j'ai été haut commissaire au Kenya. Quand j'ai été nommée, le seul autre titre semblable qui existait en Saskatchewan semblait être celui de commissaire de stationnement. Personne n'était très impressionné du fait que je renonce à être juge pour devenir commissaire.
Le sénateur Cools: Le terme «commissaire», dans notre loi, a une origine particulière, qui transcende l'objectif de cette loi qui est proposée.
La présidente: Passons à l'article 34, sur la formulation du serment de citoyenneté, ce qui nous amène aussi à l'Annexe.
Le sénateur Cools: Ce n'est absolument pas un serment. J'ai fait pas mal de recherche sur les serments. Ce qui caractérise un serment c'est que l'on jure, soit sur sa conscience ou sur son dieu. Si l'on s'arrête un moment sur la formule du serment de citoyenneté, il dit «Dorénavant, je promets fidélité...», puis cela continue avec la nouvelle formulation.
Un serment n'est pas une promesse. Cela pourrait sembler un détail insignifiant à certains, mais ce ne l'est pas. Bon nombre de nos systèmes, en procédure judiciaire, reposent sur des serments et sur des gens qui jurent, soit sur leur conscience ou devant leur dieu, de faire ce qu'ils s'engagent à faire, que ce soit de dire la vérité devant un tribunal ou d'accepter la souveraineté du pays qui les adopte.
Il m'a semblé que, peut-être, la ministre pourrait régler ce problème en laissant les choses telles qu'elles sont actuellement, ce qui réglerait aussi la question des affirmations. Si on peut envisager de laisser les choses telles qu'elles sont, dans la Loi actuelle sur la citoyenneté, le serment tel qu'il est maintenant, même au moment où nous parlons, parle de «serment ou affirmation de citoyenneté». La formule est la suivante:
Je jure (ou j'affirme) que je serai fidèle et porterai sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, reine du Canada, à ses héritiers et successeurs, que j'observerai fidèlement les lois du Canada et que je remplirai loyalement mes obligations de citoyen canadien.
À mon avis, la solution la plus simple pour la ministre à ce problème particulier aurait tout simplement été de continuer comme avant, de laisser le serment tel qu'il est depuis 1977 et ainsi, nous éviterions toutes sortes de problèmes. Si ce comité avait été appelé à débattre du projet de loi, j'avais l'intention de proposer un amendement pour réinstaurer le serment ou l'affirmation de citoyenneté tel qu'il était. J'aurais accompagné cela d'une modification à la clause d'interprétation, l'article 2, la clause définitionnelle selon laquelle un serment constituerait aussi une affirmation solennelle.
Ceci dit, ces deux documents sont disponibles. Le vrai problème, ici, c'est que le projet de loi renferme une supercherie inhérente. Toutes ses clauses s'appliquent, et le disent clairement, au «serment de citoyenneté» et s'y rapportent. Cependant, lorsqu'on en vient à ce serment de citoyenneté, ce n'est absolument pas un serment.
Je vous dirais que, en tant que sénateurs, nous ne pouvons pas accepter cette supercherie inhérente. Un serment, dans la loi, est un serment, un engagement pris sous serment qui invoque, soit une conscience humaine, soit votre dieu, de faire ce qui est à faire. Dans le cas du serment de citoyenneté, c'est le citoyen qui dit qu'il accepte la responsabilité de citoyen et se soumet à la nouvelle autorité du roi ou du souverain relativement à l'application des lois respectives du pays.
Je vous propose de réfléchir à ceci. Il y a derrière tout cela pas mal de recherches qui ont été faites. Je considère que les changements au serment illustrent l'érosion continue de ce que nous percevons comme la citoyenneté dans ce pays. Je pense que nous sommes tous bien conscients de l'érosion qui se poursuit de jour en jour, d'heure en heure. Je pensais que la meilleure façon de régler le problème serait de laisser les choses telles qu'elles sont.
Le sénateur Joyal: Madame la présidente, Le sénateur Cools a soulevé de nombreux éléments importants, particulièrement celui selon lequel la formulation du serment actuel ne constitue pas un serment. Un serment doit être: «Je jure» ou «J'affirme solennellement», et c'est la raison pour laquelle nous avons fait certains ajustements plus tôt à ce projet de loi.
À mes yeux, l'élément important du serment, comme je l'ai dit lors de séances précédentes, est de reconnaître que nous vivons dans un régime de monarchie constitutionnelle. Ces deux éléments doivent être présents dans le serment. Nous pourrions exprimer ces deux facettes essentielles en conservant le serment de fidélité et d'allégeance d'une part, et d'autre part, le serment lui-même c'est-à-dire l'affirmation solennelle du respect et de l'adhésion à la Constitution, y compris la Charte canadienne des droits.
Pour moi, il est très important que les nouveaux citoyens du Canada reconnaissent la suprématie de la règle de droit, telle qu'elle est énoncée dans la Constitution canadienne, ainsi que l'autorité suprême sur le territoire, personnifiée par le monarque, que ce soit un roi ou une reine, et que la monarchie détienne cette autorité tant et aussi longtemps qu'elle lui sera conférée par la Constitution. Nous ne sommes pas une monarchie absolue; nous sommes une monarchie constitutionnelle. J'ai pensé qu'il était important d'affirmer que cela est conforme au droit. Même le monarque est assujetti au droit.
Il s'agit là d'une question très complexe, et je sais que n'importe qui pourrait formuler un serment. Ma version du serment serait la suivante: «À partir d'aujourd'hui, je jure fidélité et allégeance à la Constitution du Canada et à Sa Majesté la Reine Elizabeth II, Reine du Canada, ainsi qu'à ses héritiers et successeurs, dans le respect de la règle de droit.» De cette façon, il est clair que la Reine est assujettie au droit.
Quant au serment solennel, il pourrait se lire ainsi: «Je m'engage à respecter la Constitution, y compris la Charte canadienne des droits et libertés, à observer fidèlement nos lois et à remplir mes devoirs et obligations de citoyen(ne) canadien(ne).»
Comme je l'ai dit, nous pouvons y apporter des changements ici et là.
Le sénateur Cools: C'est essentiellement un serment d'allégeance. Ni plus ni moins.
Le sénateur Joyal: Il me semble que nous atteignons ainsi les objectifs visés, ce qui est très important. Un citoyen doit savoir exactement ce que l'on attend de lui. Il peut se référer au texte et lire la Constitution. Il peut lire la Charte des droits et libertés. Il sait ce qu'il en est. On peut préciser qu'un citoyen s'engage à respecter les droits et libertés de son pays, à soutenir nos valeurs démocratiques, mais ce sont là des concepts vagues que l'on peut définir de différentes façons.
Ce qui est important, à mon avis, c'est de savoir que lorsqu'on devient citoyen canadien, on jouit de l'entière protection du système constitutionnel ainsi que des droits et libertés en vigueur au Canada. C'est fondamental. On peut modifier les lois fédérales et provinciales. La preuve, c'est que nous sommes en train d'en modifier une. Ce qui est permanent, ce sont les grands principes énoncés dans la Constitution. Voilà pourquoi elle a préséance sur le Parlement. Voilà pourquoi certains des droits et libertés ont préséance sur le Parlement. Comme vous le savez, la clause dérogatoire ne s'applique pas à tous les droits et libertés. Il y a des droits que le Parlement ne peut abroger. Il est fondamental d'y faire référence, particulièrement à une époque où le Canada devient plus diversifié, pour que les Canadiens soient mieux renseignés sur leurs droits et libertés.
C'est l'essentiel de ma proposition, encore que je sache pertinemment que quelqu'un d'autre pourrait en présenter une différente. Au départ, mes objectifs étaient de reconnaître la monarchie constitutionnelle dans laquelle nous vivons, la règle de droit qui nous régit ainsi que les droits et libertés que nous confère la Charte des droits et libertés. Ce sont là les grands principes énoncés dans ma proposition.
Le sénateur Cools: Pour poursuivre dans la même veine, le serment d'allégeance doit être premièrement, un serment et deuxièmement, être intégré dans la déclaration des principes que les Canadiens jureront d'observer. Si l'on examine l'histoire de l'évolution du serment, on constate que l'ancien serment est exactement le serment d'allégeance et que le nouveau, proposé dans le projet de loi C-16, laisse tomber l'expression «héritiers et successeurs». Selon moi, le principe fondamental veut que ce soit un serment et qu'il contienne à la fois le serment d'allégeance et la déclaration d'adhésion au cadre constitutionnel de notre pays, soit la monarchie constitutionnelle. En fin de compte, c'est l'essentiel.
La plupart d'entre nous conviennent qu'il importe peu de changer quelques mots ici et là, mais les nouveaux arrivants au Canada sont venus ici parce que c'est une monarchie constitutionnelle. Par conséquent, il est assez difficile d'affirmer que les nouveaux citoyens ne devraient pas y prêter une certaine allégeance. Le Canada est ce qu'il est en raison de ce qu'il a été.
Le sénateur Nolin: Pouvons-nous demander à quelqu'un de jurer d'être un citoyen irréprochable?
Le sénateur Andreychuk: Aussi irréprochable que nous le sommes.
Le sénateur Cools: Aussi irréprochable que vous deux.
La présidente: À ce stade-ci, je vais mettre un terme à la discussion car si vous êtes parfaits, je ne le suis pas.
Le sénateur Andreychuk: Deux sénateurs ont expliqué, suffisamment longuement à mon avis, ce qu'est le serment. Mais le hic, c'est qu'il comporte un problème.
Avec votre permission, j'aimerais dire deux choses.
La présidente: Nous avons maintenant terminé l'article 34 ainsi que le serment. De quel article voulez-vous parler?
Le sénateur Andreychuk: En l'absence du sénateur Pearson, je voudrais parler de la réglementation. J'appuie sans réserve son point de vue et de celui de certains autres groupes. La capacité des immigrants de déterminer ce qui constitue une relation parents-enfants est une question qui nécessite réflexion.
La présidente: Vous faites référence aux définitions de ce qui constitue une famille?
Le sénateur Andreychuk: Cela leur impose une responsabilité qui traditionnellement relève du Tribunal de la famille et des services sociaux ainsi que de la jurisprudence. C'est une question qui, à mon avis, mérite réflexion.
Deuxièmement, on m'a signalé que l'article 44, qui porte sur les pouvoirs du ministre, a une beaucoup plus grande portée dans la présente mesure que dans la Loi sur l'immigration. Encore une fois, même s'il s'agit de deux dossier distincts, il faut en tenir compte. Il y a lieu de se demander pourquoi il y a moins de discrétion, apparemment, dans les propositions de la Loi sur l'immigration concernant la délégation des pouvoirs qu'il y en a dans le projet de loi à l'étude. Dans le contexte d'une révision, il faudra se pencher sur la délégation de pouvoirs et la mettre en rapport avec les pouvoirs délégués dans la Loi sur l'immigration.
La présidente: Comme personne ne veut plus intervenir sur les articles 43 et 44, nous allons passer à l'article 58, le prochain à avoir été identifié.
Encore une fois, il est inscrit au nom du sénateur Grafstein. Ce dernier a exposé ses préoccupations à l'égard de tous ces articles. C'est la même chose pour les articles 63 et 64.
Sénateurs, je vous remercie d'avoir assisté à la séance et d'avoir participé à l'ensemble du processus ainsi qu'à cette législature. J'ai eu beaucoup de plaisir à présider votre comité.
À en croire les journaux, nous ne nous réunirons pas avant un certain temps. Par conséquent, je vous souhaite à tous un très Joyeux Noël et une période de détente ultérieurement en novembre.
Le sénateur Andreychuk: Étant donné que le vice-président n'est pas ici, je saisis l'occasion de vous remercier pour votre équité et votre courtoisie à l'égard de tous nos commentaires, instructions et souhaits. J'ai beaucoup aimé mon expérience ici. Je pense que le sénateur Beaudoin conviendrait avec moi que ce fut très agréable de travailler sous votre présidence. Nous espérons que cela continuera.
La séance est levée.