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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 5 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 2 décembre 1999

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyée la teneur du projet de loi C-6, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois, se réunit aujourd'hui, à 11 h 05, pour en faire l'examen.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, nos premiers témoins aujourd'hui viennent du ministère de la Santé de l'Ontario. J'espère qu'ils arriveront à lever le voile de confusion dans laquelle nous ont plongés les témoignages de diverses composantes du secteur de la santé. Nous disions hier que les opinions couvrent toute la palette.

Madame, si vous voulez bien commencer à faire votre déclaration, nous vous écoutons.

Mme Mary Catherine Lindberg, sous-ministre adjointe, Division des services de santé, ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario: Je vous remercie de m'avoir invitée à vous exposer le point de vue du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario au sujet du projet de loi C-6. L'Ontario a toujours eu pour principe que les renseignements personnels sur la santé doivent faire l'objet d'une très grande protection. Après trois années de consultation, le ministère a cerné les besoins d'exploitation du système de santé au sein de la province et les besoins de mesures législatives qui mettraient en place un cadre solide de protection de la vie privée, du caractère confidentiel et de la sécurité des renseignements personnels sur la santé et qui faciliteraient l'utilisation de ces renseignements en vue d'améliorer la santé des Ontariens et les soins de santé qui leur sont prodigués.

Plusieurs organismes qui font partie du régime de santé sont venus devant vous témoigner au sujet des conséquences qu'aura le projet de loi C-6 sur l'exploitation du système de santé. On vous a dit que le projet de loi n'était pas conçu pour s'appliquer au système de santé, mais qu'il a néanmoins un impact sur celui-ci. On vous a dit que ni le projet de loi à l'étude, ni le code CSA sur lequel il s'appuie n'a été rédigé en tenant compte des intérêts des intervenants du secteur de la santé. Industrie Canada n'a pas non plus consulté ces intervenants au sujet de l'impact qu'il aurait sur le régime de santé.

Quand nous avons pris conscience du problème, nous avons décidé d'informer Santé Canada des conséquences qu'aurait le projet de loi à l'étude sur le système de santé. L'Ontario a toujours été un leader dans le domaine de la protection des renseignements sur la santé. En 1978, l'Ontario a intégré dans sa Loi sur la santé mentale des dispositions très précises visant à protéger le caractère confidentiel de ces renseignements et à prévoir un privilège fondé sur le consentement à des fins judiciaires. En 1986, nous avons inclus dans la Loi sur la santé mentale le droit qu'ont les personnes atteintes de maladies psychiatriques de consulter leur propre dossier. En 1980, il y a eu aussi l'important rapport de la Commission Krever sur le caractère confidentiel des renseignements relatifs à la santé en Ontario.

En 1996, le ministre a consulté des organismes de tous les secteurs du système de santé au sujet de son avant-projet de loi visant à protéger les renseignements personnels sur la santé. Étaient représentés à ces consultations les patients, les fournisseurs de soins, les établissements privés et publics, les ordres de professionnels de la santé, les chercheurs et les experts de la protection de la vie privée. D'après les mémoires présentés par une vaste gamme d'intervenants en soins de santé lors de cette consultation, le ministère a reconnu qu'il est délicat et difficile d'équilibrer le besoin de protéger les renseignements personnels portant sur la santé et de permettre la circulation, restreinte mais essentielle, de ces renseignements dans le système. Nous croyons qu'avec l'aide des quelque 200 groupes qui ont pris part à cette consultation, nous avons atteint cet objectif.

Notre avant-projet de loi prévoit plusieurs balises visant à protéger la vie privée, la sécurité et le caractère confidentiel des renseignements personnels sur la santé tout en permettant l'utilisation restreinte de ces renseignements à des fins légitimes. Un pivot de notre avant-projet de loi est un mécanisme qui permettrait à certaines personnes de consentir à la communication de renseignements personnels sur la santé pour le compte de personnes incapables de le faire ou décédées. L'absence d'un pareil mécanisme dans le projet de loi C-6 est étonnante.

L'avant-projet de loi de l'Ontario visant à protéger les renseignements personnels sur la santé sera-t-il considéré comme «essentiellement similaire» au projet de loi C-6? La définition de ce qui est «essentiellement similaire» est laissée à la discrétion du gouvernement du jour, sans aucun critère qui puisse aider l'Ontario à s'en faire une idée.

Le ministère ne peut accepter que ce soit Industrie Canada qui décide des besoins de renseignements sur la santé des Ontariens. Le projet de loi C-6 ne cadre pas avec les directives européennes concernant les «renseignements sensibles», dont les renseignements sur la santé. Le projet de loi C-6 offre moins de protection dans plusieurs domaines et il beaucoup trop inflexible en ce qui concerne les renseignements personnels dans le contexte des soins de santé. Une des fins du projet de loi C-6 énoncée par Industrie Canada était de prévoir une protection adéquate aux fins des directives de l'Union européenne. Si des règles incohérentes s'appliquent à diverses parties du système de santé, on minera les efforts déployés en vue d'intégrer la prestation des soins de santé. Les prestataires des soins de santé ne font pas la distinction entre les activités commerciales et non commerciales du fournisseur de soins de santé. Ils veulent pouvoir compter que les renseignements personnels qui les concernent jouissent du même degré de protection, que les dépositaires soient des hôpitaux publics ou des centres privés de soins infirmiers.

On ne peut leur offrir pareille assurance en raison de l'incertitude et de la confusion qui entourent l'application du projet de loi C-6 au système de santé. Plusieurs hauts fonctionnaires fédéraux ont laissé entendre qu'il appartiendrait aux tribunaux de décider quels organismes et quelles activités sont assujettis au projet de loi. Le ministère juge cela inacceptable, particulièrement du fait que, de concert avec de nombreux autres organismes de soins de santé, il a présenté des demandes analogues à Industrie Canada pendant de nombreux mois. Par conséquent, il serait utile de pouvoir prendre connaissance des avis juridiques commandés par le gouvernement fédéral et Santé Canada au sujet des enjeux entourant le projet de loi C-6.

Nous tentons, par notre mémoire, de vous aider à mieux comprendre nos préoccupations, préoccupations que nous partageons avec de nombreux organismes du système de santé, dont certains sont venus témoigner devant vous. D'autres organismes du système de santé ont des préoccupations différentes, mais le message du ministère, comme celui de tous les groupes, est le même: lorsqu'il est appliqué au système des soins de santé, le projet de loi C-6 comporte de graves lacunes.

Le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario continue de prier instamment le gouvernement fédéral de soustraire le système de santé de l'application du projet de loi C-6. Nous proposons que soit modifié le paragraphe 4(2) du projet de loi en vue de soustraire à l'application du projet de loi tout organisme qui recueille, utilise ou communique des renseignements personnels sur la santé aux fins de recherche en matière de santé ou de gestion du système de santé, à condition que ces renseignements soient raisonnablement essentiels pour les fins énoncées. Vous trouverez cette proposition à la fin de notre mémoire.

Le sénateur Murray: Quels avis juridiques souhaitiez-vous obtenir de Santé Canada?

Mme Anita Fineberg, conseillère juridique, Direction des services juridiques, ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario: Nous croyons savoir qu'Industrie Canada et Santé Canada ont commandé des avis juridiques concernant le projet de loi C-6 et son application au régime de soins de santé. Étant donné la confusion qui persiste à ce sujet, nous croyons qu'il nous serait utile de prendre connaissance de ces avis.

Le sénateur Murray: S'il existe des avis émanant du ministère de la Justice, vous ne les obtiendrez pas. Y a-t-il des avis venant de bureaux d'avocats de l'extérieur?

Mme Fineberg: C'est ce que nous avons cru comprendre, du moins en ce qui concerne un avis récent.

Le sénateur Murray: Voulez-vous parler d'un avis donné au ministère de l'Industrie et au ministère de la Santé?

Mme Fineberg: Effectivement.

Le sénateur Murray: Nous pouvons vous l'obtenir. Je ne suis pas en mesure de discuter de votre loi provinciale concernant les renseignements personnels sur la santé. Nous n'avons entendu aucun témoignage à ce sujet, et je ne la connais pas.

Votre exposé fait valoir une préoccupation concernant la prestation des soins de santé et la planification et la gestion du régime de santé, plutôt qu'au sujet de la protection de la vie privée. Je reconnais que vos préoccupations concernant la prestation des soins de santé sont certes légitimes, valables et compréhensibles. D'autres intervenants du régime nous en ont parlé, y compris l'Association canadienne des soins de santé.

Vous parlez du droit en matière de renseignements personnels sur la santé comme étant fondé sur le consentement. J'ai lu un témoignage donné devant un comité de la Chambre des communes selon lequel le droit ontarien ne vise pas vraiment le respect de la vie privée, mais concerne plutôt l'accès à l'information. Pouvez-vous commenter cette affirmation?

Mme Lindberg: Ce qui nous importe au plus haut point, c'est de protéger les renseignements personnels sur la santé. Toutefois, il faut frapper un juste équilibre entre le partage de ces renseignements et la prestation de bons soins. Il n'est pas nécessaire que l'identité de la personne soit connue, mais il faut faire en sorte que le consentement ne soit pas obligatoire pour que nous puissions comparer les services fournis, par exemple, par des hôpitaux d'Ottawa et des hôpitaux de Toronto pour vérifier que les meilleurs soins sont prodigués en Ontario et pour réduire au minimum les écarts dans les soins de santé fournis partout dans la province. Tel que nous interprétons le projet de loi actuel, sans le consentement de tous ceux qui se présentent à l'hôpital ou dans un laboratoire, nous serions incapables d'effectuer ce genre d'étude, ce qui minerait considérablement notre capacité de fournir de bons soins en Ontario.

Le sénateur Murray: Le Conseil canadien d'agrément des services de santé dit pas mal la même chose dans son mémoire, comme vous l'avez probablement lu. Connaissez-vous le droit québécois en matière de respect de la vie privée, par hasard?

Mme Fineberg: Nous le connaissons jusqu'à un certain point. Nous ne sommes certes pas des experts du droit québécois.

Le sénateur Murray: Que vous sachiez, son approche est-elle différente de la vôtre?

Mme Fineberg: Il existe effectivement des dispositions différentes, à certains égards, des nôtres.

J'aimerais revenir à l'observation selon laquelle notre avant-projet de loi visant à protéger les renseignements personnels sur la santé concerne plus les renseignements à fournir que le respect de la vie privée. Des dispositions sont actuellement en vigueur partout au pays -- dans toutes les provinces, je crois, exception faite de l'Île-du-Prince-Édouard. Au niveau fédéral, c'est-à-dire à l'égard des organismes gouvernementaux et publics, nous avons ce que nous appelons habituellement des lois visant à protéger les renseignements personnels et la vie privée. Ces lois s'appliquent aux renseignements personnels, y compris aux renseignements sur la santé, que recueillent actuellement les établissements publics, c'est-à-dire gouvernementaux. Quant à la collecte, à l'utilisation et à la communication de ces renseignements, les trois principales activités d'information, vous remarquerez que le consentement à chacune de ces activités n'est qu'un moyen d'assurer la circulation de l'information dans les systèmes gouvernementaux.

Une grande partie de ces lois sont en vigueur depuis plusieurs années, et les mécanismes se rapprochent beaucoup de ce que prévoit notre avant-projet de loi, c'est-à-dire que le consentement est un moyen grâce auquel on peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels. Toutefois, toutes ces mesures législatives reconnaissent qu'il peut y avoir d'autres raisons, sur le plan des principes, de communiquer de l'information dans certaines circonstances limitées et elles prévoient la protection de ces renseignements quand ils circulent dans le système. Notre projet de loi est loin d'être unique en ce sens.

Le sénateur Murray: Voilà qui est extrêmement intéressant. Je suis heureux d'avoir obtenu ce renseignement. La question, naturellement, est de savoir si votre avant-projet de loi et les lois des autres provinces sont un moyen efficace de protéger la vie privée.

Comme vous le savez, les organisations comme l'Association médicale canadienne et l'Association dentaire canadienne ont une toute autre optique. Elles conviennent avec vous qu'il n'est pas pratique d'essayer de faire une distinction entre des activités commerciales et des activités qui ne le sont pas dans le secteur de la santé. Par contre, elles souhaitent que le projet de loi à l'étude soit beaucoup plus musclé. Elles réclament donc qu'on y annexe le code de l'AMC qui ait, dans une version convenablement modifiée, force de loi dans tout le secteur de la santé. Elles affirment que les exemptions prévues dans le projet de loi à l'étude ne conviennent tout simplement pas au secteur de la santé.

Mme Juta Auksi, consultante principale, Direction de la politique stratégique en matière de santé, ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario: Le code de l'Association médicale canadienne a été élaboré par une seule catégorie de professionnels. Il n'y a pas eu consultation entre tous les organismes et fournisseurs du secteur. Nous craignons que le genre d'approche adoptée dans ce code ne couvre pas toute la gamme des services fournis, leur planification et leur gestion.

De plus, nous croyons savoir que, jusqu'ici, le code n'a même pas été adopté comme norme par les médecins. Je suppose qu'un organisme de réglementation provincial comme l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario pourrait le faire, mais cela ne s'est pas produit.

Le sénateur Murray: C'est là aussi une source de préoccupation. L'Ontario a-t-il une opinion au sujet de la constitutionnalité du projet de loi à l'étude?

Mme Fineberg: Il en a effectivement une, mais le procureur général est mieux placé que le ministère de la Santé et des Soins de longue durée pour l'exprimer.

Le sénateur Murray: Quelle est cette opinion, brièvement? Le projet de loi est-il ultra vires ou représente-t-il l'exercice convenable du pouvoir fédéral en matière de commerce? Croyez-moi, vous et moi ne pouvons pas dialoguer très à fond sur cette question. Mais, de l'avis de l'Ontario, le projet de loi est-il constitutionnel ou non?

Mme Fineberg: La question fait l'objet d'un débat.

Le sénateur Murray: C'est toujours le cas.

Mme Fineberg: Effectivement.

Le sénateur Murray: Je crois que votre procureur général, de même que de nombreux autres, ont demandé que soit retiré le projet de loi. Est-ce vrai?

Mme Fineberg: Oui. Vous faites allusion à la lettre envoyée par les ministres de la Justice.

Le sénateur Murray: Il s'agissait à ce moment-là du projet de loi C-54.

Mme Fineberg: J'aimerais en revenir au sujet de la loi québécoise, parce que je n'ai pas répondu à votre question. Comme je l'ai dit, nous ne connaissons pas cette loi par coeur, mais nous croyons savoir que l'on reconnaît, dans certaines déclarations, que cette loi est essentiellement similaire au projet de loi C-6 et qu'elle sera probablement désignée en conséquence. Étant donné que le projet de loi C-68 est énoncé dans un cadre différent de celui du projet de loi C-6, il serait utile de savoir sur quoi on s'est fondé pour prendre cette décision.

Le sénateur Murray: Vous posez là une excellente question. Je n'oublierai pas de la poser au ministre quand il sera ici. Sur quoi se base le ministère ou, peut-être, le ministre lui-même pour dire que la loi québécoise serait admissible aux termes de l'article du projet de loi visant les lois provinciales essentiellement similaires? J'aimerais avoir une analyse de cette question.

Le président: Je crois que les hauts fonctionnaires ont dit, il y a déjà pas mal de temps, que la loi québécoise comportait des dispositions «essentiellement similaires».

Le sénateur Murray: J'aimerais savoir sur quoi ils s'appuient pour en juger et je crois que nos amis de l'Ontario aimeraient aussi le savoir.

Mme Fineberg: Ce serait utile à toutes les autres provinces.

Le sénateur Murray: Il semblerait que votre avant-projet de loi ne sera pas «essentiellement similaire», n'est-ce pas?

Mme Fineberg: Je ne crois pas que nous ayons reçu un avis officiel à cet effet.

Mme Auksi: Il n'y a pas eu de déclaration officielle en tant que telle, mais lors de discussions informelles, on ne nous a certes pas donné l'assurance que notre loi serait réputée «essentiellement similaire». Bien sûr, ce n'est pas encore la version définitive.

L'avocat de Santé Canada a fait valoir des préoccupations. Il a fait remarquer qu'en raison du nombre de renseignements à fournir sans consentement, ce qui n'a strictement rien à voir avec la teneur de ce qui est fourni sans consentement, notre loi ne répondrait peut-être pas aux critères.

Il faudrait ajouter que nous avons à l'occasion posé certaines questions à ce sujet. Nous avons demandé, par exemple, si la Loi manitobaine à cet égard était réputée comme «essentiellement similaire». Cette loi est en réalité en vigueur depuis plusieurs années. On ne nous a pas répondu.

Le président: Êtes-vous en pourparlers avec Industrie Canada ou Santé Canada à ce sujet? Avez-vous des rencontres avec les responsables des politiques et les avocats? La réponse pourrait être radicalement différente selon le cas.

Mme Auksi: Tant les décideurs que les avocats ont pris part à ces discussions. Nous avons eu des rencontres avec les deux ministères.

Mme Fineberg: Toutefois, en ce qui concerne la similarité entre le projet de loi C-6 et les lois provinciales sur la santé en vigueur ou projetées, je crois savoir qu'il n'y a pas eu de rencontres officielles avec Santé Canada.

Le président: Il n'y en a pas eu avec Santé Canada?

Mme Fineberg: Non.

Le président: Ces rencontres n'auraient-elles pas eu lieu par l'intermédiaire du procureur général du Canada?

Mme Fineberg: Non, pas du tout. Il n'y en a eu qu'avec Industrie Canada.

Le président: Voilà qui m'étonne. Vous a-t-on conseillé quant à ce qui est «essentiellement similaire» ou au sujet des changements à apporter à votre avant-projet de loi pour le rendre essentiellement similaire?

Mme Fineberg: Pas que je sache.

Le président: On peut supposer que vous en seriez consciente, puisque vous êtes l'avocate du ministère.

Mme Fineberg: C'est juste. Je n'ai pas travaillé à ce projet depuis ses tout débuts, mais nul n'a communiqué avec moi ou n'a tenté d'avoir ce genre de discussion avec moi. Naturellement, en l'absence de tout critère dans la loi comme telle, nous sommes dans le noir le plus total.

Le président: Il faut, j'imagine, qu'un décret soit pris pour déclarer officiellement qu'un projet de loi est essentiellement similaire.

Mme Fineberg: C'est juste.

Le président: Par conséquent, en un certain sens, la décision revient au cabinet fédéral. Je reviendrai là-dessus plus tard.

Le sénateur Finestone: Je vous remercie de cet exposé très complet. Vous avez répondu à plusieurs questions auxquelles j'essayais d'obtenir réponse du ministère de la Santé. J'avais demandé aux porte-parole s'ils avaient examiné le modèle de l'Union européenne et pourquoi. Il me semble que la différence entre le modèle de l'Union européenne, qui était de toute évidence la force de changement au sein de l'OCDE, et sa réalité est bien décrite au point 3 de votre mémoire. Vous dites qu'il existe différents moyens d'assurer la protection.

[...] le projet de loi C-6 offre une protection moindre, sur plusieurs plans, que celle exigée par la directive de l'UE:

1. [...] il ne contient pas de disposition spéciale pour la protection de «renseignements sensibles» [...]

2. [...] il ne contient pas de règle précise concernant les récipiendaires de renseignements personnels [...]

3. [...] il ne vise que la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels par les organismes qui se consacrent à des activités commerciales et passe sous silence tous les autres gardiens de renseignements personnels.

Le fait que l'Union européenne ait adopté cette approche générique à l'égard de la protection des données m'intéresse. Plus particulièrement, je me suis renseigné sur la loi relative aux vérifications dans le domaine médical au Pays-Bas. C'est une seconde étape visant à protéger les renseignements sur la santé comme étant de nature délicate.

Dans le cadre du travail que vous faites ou que vous avez fait en vue d'élaborer votre avant-projet de loi de protection des renseignements personnels sur la santé, avez-vous examiné d'autres modèles? Vous savez que le projet de loi C-6 s'inspire du modèle de l'OCDE. L'avez-vous comparé à votre avant-projet de loi? Avez-vous vérifié les concordances qui faciliteraient l'objectif final? L'objectif final auquel je fais allusion est, bien sûr, cet admirable objectif des ministres de l'Industrie et de la Santé, soit le concept d'union sociale en vertu duquel les renseignements personnels sur les Canadiens seraient protégés et, simultanément, le commerce électronique mieux contrôlé. Étant donné ce qui précède, le projet de loi à l'étude est une mesure législative vitale. Cependant, plus on en entend parler, plus il semble comporter de graves lacunes.

J'aimerais savoir où vous en êtes. Votre projet de loi générique, c'est-à-dire votre loi sur le secteur public de la santé, est muet en ce qui concerne l'accès à l'information et le respect de la vie privée, n'est-ce pas? Vous comblez maintenant ce vide grâce à votre avant-projet de loi sur la protection des renseignements personnels en matière de santé. Ai-je raison?

Mme Fineberg: Il y a un léger hic, en ce sens que la loi actuelle traite de tous les genres de renseignements personnels, y compris en matière de santé, recueillis dans le secteur public. Ce que fera notre avant-projet de loi, c'est de mettre en place des règles cohérentes pour la gestion des renseignements personnels sur la santé, qu'ils soient recueillis par le secteur public, c'est-à-dire le gouvernement, ou par l'entreprise privée.

Le sénateur Finestone: N'est-il pas possible que le projet de loi à l'étude, c'est-à-dire le projet de loi C-6, soit une première mesure prise par le gouvernement fédéral dans cet important domaine d'activité commerciale? Comme nous en avons discuté avec le sous-ministre de la Santé et avec d'autres témoins, il faut attendre un an avant que le projet de loi à l'étude n'entre en vigueur, et nous aurions espéré que la question de la santé serait réglée avec plus de pertinence. Étant donné l'approche graduelle de l'Ontario, province la plus populeuse du Canada, ne croyez-vous pas qu'il s'agit là également d'un processus acceptable, de procéder ainsi, à petits pas?

Mme Lindberg: À cause du caractère délicat des renseignements sur la santé, il serait préférable, selon nous, de les soustraire à l'application du projet de loi à l'étude et d'en traiter différemment. Une année est vite passée, et nous n'avons pas d'assurance quant à la manière dont le projet de loi à l'étude sera appliqué. Sans cette assurance, nous pourrions, dans 12 mois, voir la loi proclamée sans avoir dissipé les craintes de Santé Canada ou des provinces. Il en résulterait un régime de soins de santé complètement anarchique, ce qui serait dangereux pour la population de notre province.

S'il faut en reporter l'entrée en vigueur, nous avons besoin de plus de 12 mois et il faut régler les questions intra et interprovinciales concernant la manière dont une partie de ces renseignements circuleront. Il faut aussi inclure à la fois les renseignements recueillis par le secteur public et ceux de l'entreprise privée, car toutes les pharmacies du Canada seraient réputées être des entreprises commerciales.

Le sénateur Finestone: Ce sont des entreprises commerciales. Pourquoi voudriez-vous même supposer qu'elles ne le sont pas?

Mme Lindberg: C'est bien ce que je veux dire, mais la question concerne le partage des renseignements versés dans les dossiers de la pharmacie -- les médicaments qui ont été prescrits, la consommation excessive de médicaments. Il faut qu'un employé de l'urgence puisse obtenir cette information. Douze mois suffiront-ils à régler tout cela? Il faut faire en sorte que nous puissions communiquer de l'information vraiment cruciale pour la santé des Ontariens.

Le sénateur Finestone: Je tiens à bien comprendre. Examinez-vous cette question d'un point de vue épidémiologique, ce qui a de l'importance sur le plan des résultats à l'entrée et à la sortie dans le régime de santé, puisque les soins de santé coûtent cher et ont beaucoup d'influence sur le quotidien des Ontariens? Est-ce ce que vous faites valoir?

Mme Fineberg: Cela en fait partie. Quand nous parlons d'exemption et de procéder par étape, j'aimerais tout d'abord faire en sorte que nous parlions de la même chose, pour ce qui est des résultats recherchés. C'est là la première question à laquelle il faut répondre, parce qu'il semble y avoir une certaine confusion quant à la position du ministère de l'Ontario au sujet des exclusions.

Le sénateur Finestone: Je l'ai lue.

Mme Fineberg: Je tenais simplement à éclaircir ce point. Pour nous, la question est en réalité de savoir qui représentera les Ontariens en vue de cerner les enjeux importants sur le plan des soins de santé et de trouver des solutions.

Le sénateur Finestone: Madame Fineberg, j'aimerais vous poser une question. D'après le sous-ministre, qui a comparu récemment, il existe une table de consultations FPT.

Le président: Qu'est-ce qu'une table de consultations FPT?

Le sénateur Finestone: Je parle d'une table de consultations fédérales-provinciales-territoriales. Examinons les intérêts des Canadiens sur le plan du respect de la vie privée dans le secteur public et privé. Il existe un sous-comité de la table de consultations fédérales-provinciales-territoriales qui examine les questions de santé. Il existe des accords FPT dans de nombreux secteurs qui touchent notre quotidien.

Madame Fineberg, si vous êtes la conseillère juridique du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario et que vous ignorez tout de cette table, qui y représente l'Ontario et parle au nom des Ontariens?

Mme Fineberg: Je suis certes consciente de l'existence de cette table.

Le sénateur Finestone: Vous venez tout juste de dire que vous en ignoriez tout. Branchez-vous.

Mme Fineberg: Je suis désolée s'il y a eu confusion au sujet de ce point particulier. Mme Auksi a beaucoup participé à ces consultations visant un accord FPT. Elle peut peut-être vous fournir plus de détails.

Le sénateur Finestone: Madame Auksi, pouvez-vous me dire où en sont les consultations, à cette table? À quel point ont-elles évolué? Y a-t-il accord, dans l'intérêt général des Canadiens, pour que tous les Canadiens soient traités de la même façon et que l'on respecte les renseignements personnels qui les concernent?

Mme Auksi: Je ne crois pas être la meilleure porte-parole pour le comité.

Le sénateur Finestone: Ce n'est pas le comité entier qui m'intéresse, seulement les vues de l'Ontario à la table.

Mme Auksi: L'essentiel à retenir, c'est que, si les règles prévues dans le projet de loi C-6 limitent les moyens d'action de ce comité au point qu'il ne peut être efficace dans le domaine de la santé, alors il y a un problème.

Le sénateur Finestone: D'après ce qu'a dit le sous-ministre, j'avais cru comprendre qu'on travaillait à cette question. Naturellement, il n'occupe pas ses fonctions depuis longtemps. Il n'est là que depuis moins d'un an.

Le sénateur LeBreton: Il est loin d'être un débutant puisqu'il était auparavant sous-ministre des Finances.

Le sénateur Finestone: Il connaît déjà les fonctions. Quoi qu'il en soit, si j'ai bien compris, le but du sous-comité de la table de consultations FPT est de régler cette question, et la question que vous a posée le sénateur Murray à ce sujet est vitale. Lisez les articles 26 et 30. Voyez si le nouveau projet de loi que vous projetez cadre avec la catégorie d'exemption qui y figure et dans laquelle se classe censément le Québec. Il faudrait que tout cela soit examiné. Êtes-vous en train de me dire que vous ne discutez pas de ces questions générales? Discutez-vous de santé ou de quoi parlez-vous à la table? Quelles sont les questions sur lesquelles vous vous penchez?

Mme Auksi: C'est un débat en réalité très difficile parce qu'on connaît les lois qui existent dans les diverses provinces et qu'on tente de voir quel impact aura le projet de loi C-6 sur le processus.

On est pas mal d'accord sur ce que devraient être les principes de base. Je ne crois pas que l'on trouverait, au pays, beaucoup de personnes pour dire que les principes de la CSA ne représentent pas un bon point de départ, bien que les opinions puissent diverger quant à leur application, à la manière de tout structurer pour aller dans le sens des intérêts du régime de santé. Le respect de la vie privée préoccupe énormément tout le monde, mais on veut aussi que les soins de santé n'en souffrent pas.

Le sénateur Finestone: D'après les messages que j'ai reçus par télécopieur, par courriel et par la poste, ce n'est qu'à partir du 16 novembre 1998 que l'on a commencé à reconnaître que le projet de loi à l'étude, qui en était à l'étape initiale, affecterait l'industrie de la santé. Même alors, on a accordé très peu d'attention à la question lorsqu'elle a été étudiée par le comité permanent de la Chambre des communes. Le 16 novembre 1998, puis à nouveau le 18 mars 1999, on a demandé que la question de Santé Canada soit examinée. Industrie Canada n'y a pas répondu avant le 14 octobre 1999 ou, en réalité, le 20 juillet 1999 selon moi. Quelqu'un a-t-il fait remarquer le manque de dialogue entre Industrie Canada et Santé Canada? En a-t-il été question à votre table de consultations FPT?

Mme Fineberg: En toute honnêteté, je vous dirais que nous nous interrogeons à ce sujet. Industrie Canada a tenu des séances d'information au sujet du projet de loi C-6.

Le sénateur Finestone: Quand ont-elles eu lieu?

Mme Fineberg: L'automne dernier, en 1998.

Le sénateur Finestone: Donc, vous le savez depuis 1998, pas depuis 1999 comme certains l'ont affirmé. Est-ce vrai?

Mme Fineberg: Nous étions à l'automne de 1999 le mois dernier.

Le sénateur Finestone: C'est juste. J'aimerais savoir quand vous avez rencontré pour la première fois des fonctionnaires d'Industrie Canada au sujet de vos préoccupations en matière de santé et quand vous avez commencé à demander à Santé Canada ce qui se passait.

Mme Auksi: Je ne suis pas sûre de la date exacte, mais il y a certes eu une rencontre générale des représentants provinciaux au sujet du projet de loi C-54. Elle n'avait pas pour objet la santé, mais comme nous travaillions à notre propre avant-projet de loi sur les renseignements personnels en matière de santé, nous nous sommes demandé quel impact pourrait avoir cette mesure.

Le sénateur Murray: Quand avez-vous comparu devant le comité de la Chambre des communes?

Mme Auksi: Le 18 mars 1999. La première réaction d'Industrie Canada a été de dire que le projet de loi n'était pas destiné à s'appliquer au régime de santé.

Le sénateur Finestone: Vous voulez bien répéter?

Mme Auksi: Initialement, Industrie Canada a répondu que le projet de loi n'était pas censé s'appliquer au système de santé. Ce n'est qu'après avoir fouillé le projet de loi et à en avoir examiné le libellé de près que nous nous sommes aperçus qu'il s'y appliquerait; toutefois, comme vous avez pu le comprendre d'après notre mémoire et d'autres, les définitions sont si peu claires qu'on ne sait toujours pas vraiment à quoi le projet de loi s'appliquera.

Le sénateur Finestone: Si je comprends bien, c'est le 14 avril 1999 que des représentants d'Industrie Canada ont indiqué qu'il ne s'appliquerait pas à la santé. Puis, le 16 avril, en raison de votre grande inquiétude, vous avez insisté pour comparaître devant le comité sénatorial des banques afin de porter ce point à son attention.

Le 7 juin, alors qu'il s'adressait aux participants à une conférence sur la santé à Québec, le ministre a indiqué que certains s'inquiétaient profondément au sujet de l'application du projet de loi aux soins de santé et du fait qu'il risque de dresser des obstacles sur l'inforoute de la santé. Sans être au courant de cela, le ministre a suggéré que ceux qui s'inquiètent de la sorte devraient contacter son personnel.

Le sénateur LeBreton: Quel document citez-vous?

Le sénateur Finestone: Je lis un extrait d'un document de l'Association des pharmaciens du Canada que vous avez reçu hier soir.

Le sénateur LeBreton: Je ne l'ai pas reçu hier soir. Vous ne devriez pas présumer que nous l'avons reçu.

Le sénateur Finestone: Pouvons-nous annexer ce document aux délibérations?

Le président: Nous en avons des exemplaires.

Le sénateur Finestone: J'aimerais que ce document soit annexé aux délibérations.

Le président: Nous ne procédons habituellement pas de la sorte. Le document est disponible, comme tous ceux qui ont été présentés au comité.

Mme Auksi: Puis-je intervenir?

Le sénateur Finestone: Comme je suis nouvelle ici, je vais suivre le Règlement.

Si je le demande, c'est parce que je veux aussi poser cette question au ministre de l'Industrie, qui est notre prochain témoin. Il est important que le comité soit au courant de tout obstacle à propos des consultations tant au sein de votre ministère qu'au niveau fédéral-provincial-territorial. Pour examiner ce que vous demandez, soit essentiellement une exonération, ou la suspension ou les délais demandés par d'autres, il faut savoir ce dont on parle, puisque ce projet de loi est vital pour le Canada. Nous devons être au courant. Voulez-vous ajouter autre chose?

Mme Auksi: Au printemps 1998, avant le dépôt du projet de loi C-54, des représentants d'Industrie Canada ont rencontré des représentants de diverses provinces, y compris l'Ontario, pour décrire le contenu du projet de loi fédéral proposé. Nous nous sommes inquiétés au sujet des répercussions sur le système de santé et avons posé des questions à cet égard. On nous a répondu que ce projet de loi ne s'appliquerait qu'au secteur sous réglementation fédérale, message que j'ai transmis à ceux qui s'inquiétaient au sujet des répercussions du projet de loi. Bien sûr, le projet de loi déposé est de portée beaucoup plus vaste, puisqu'il vise le secteur provincial également et qu'il touche le secteur de la santé d'une manière à laquelle nous ne nous attendions pas.

Le sénateur Carstairs: J'aimerais revenir aux principes de base. Au Canada, la santé relève de la compétence provinciale. L'Ontario a déposé une très modeste loi sur la protection des renseignements personnels en 1978 qui ne s'applique toujours pas aux hôpitaux; il est à espérer que la nouvelle loi s'y appliquera. Les propos tenus hier par le commissaire à la protection de la vie privée m'ont frappée, contrairement à ceux tenus hier et les jours précédents par les représentants du gouvernement. Le commissaire à la protection de la vie privée a déclaré qu'il s'agit uniquement d'une base de référence; il a dit qu'il espérait que les provinces seront plus exigeantes en ce qui concerne la protection des renseignements personnels des patients. En quoi vous opposez-vous à cette base de référence?

Mme Fineberg: Si l'on part du principe que, par définition, cette base de référence représente le minimum en matière de protection des renseignements personnels, nous avons -- avec plusieurs autres groupes -- identifié d'importantes activités dans le secteur de la santé qui, d'après notre interprétation du projet de loi, ne pourront même pas respecter cette base de référence.

Les journaux ont dernièrement donné deux exemples, dont l'un vise la recherche. Il y a deux jours, le journal de l'Association médicale canadienne a publié un article sur un important travail de recherche qui conclut que près de 50 p. 100 des personnes âgées au Canada n'ont pas accès à des médicaments qui pourraient leur sauver la vie après une crise cardiaque. Nous sommes allés sur le site Web de l'Association médicale canadienne pour sortir le rapport scientifique de cette étude.

Ce genre d'études ne se fait pas avec le consentement des patients. En fait, il existe deux bases de données: l'Institut canadien d'information sur la santé, qui a été décrit plus tôt comme étant un important institut de recherche nationale dans le domaine de la santé; il recueille des données sur les séjours à l'hôpital; et...

Le sénateur Carstairs: Madame Fineberg, nous parlons ici des principes de base. Quel mal y a-t-il à obtenir le consentement d'un patient?

Mme Fineberg: Même si je ne peux pas parler au nom des chercheurs, il est difficile de concevoir de telles études scientifiques, parce qu'il y a toujours des gens qui ne sont pas intéressés ou qui ne veulent pas participer; ils en ont parfaitement le droit, du point de vue de la protection des renseignements personnels. Je pense également que si l'on part du point de vue que les gens ont le contrôle à 100 p. 100 des renseignements sur leur santé, on va se retrouver avec des lacunes dans les données que ni la recherche médicale, ni le suivi, ni les soins de santé ne vont pouvoir combler.

Le sénateur Carstairs: Je ne pense pas qu'il soit extrêmement difficile de demander à un patient qui suit un traitement de signer un formulaire de consentement qui permettrait d'utiliser les données sur lui -- uniquement les données -- à des fins de recherche.

Mme Fineberg: Beaucoup de recherches ne débutent pas dans l'anonymat, car il faut trouver un moyen d'établir des liens entre les renseignements sur la même personne dans deux bases de données. Les chercheurs commencent par prévoir un code identificateur pour la première base de données et en prévoient un autre pour la même personne dans l'autre base de données. On finit par arriver à garantir l'anonymat, mais la collecte initiale des données ne se fait pas toujours dans l'anonymat.

Les chercheurs pourraient très bien parler de distorsion inhérente -- au plan scientifique, relativement aux caractéristiques de ceux qui consentent à participer, par opposition à ceux qui n'y consentent pas -- qui peut avoir un impact sur les résultats.

Le sénateur Carstairs: Nous avons connu une période au Canada où les personnes atteintes du sida voulaient conserver l'anonymat. Elles refusaient de participer, car elles étaient terrifiées par l'impact sur leur vie privée de la communication de tels renseignements. Les Canadiens ont sûrement droit à ce minimum de respect dans notre société.

Mme Lindberg: Vous avez raison. Nous voulons garantir à tous la protection des renseignements personnels sur la santé. Toutefois, dans le cas des personnes atteintes du sida, il fallait assurer la communication des renseignements entre le laboratoire et le médecin. Comme le laboratoire est une entité commerciale, il faudrait également qu'il ait le consentement écrit du patient. Le médecin envoie le patient passer des tests et le laboratoire doit avoir le consentement du patient. De simples transactions courantes dans le système de santé seraient compromises si l'on exigeait un consentement signé pour chaque activité.

Actuellement en Ontario, le fait de remettre votre carte de santé est un consentement implicite, même s'il n'est pas nécessairement explicite. Les médecins ne veulent pas être inondés de paperasse et il y en aurait beaucoup plus s'il fallait fournir un consentement à chaque étape. Le problème, c'est que nous avons affaire à la fois au secteur public et au secteur privé.

Le sénateur Carstairs: Il s'agit essentiellement d'activités provinciales qui, nous l'espérons, sont cautionnées par des règlements provinciaux, ou qui le seront à l'avenir, nous l'espérons. Vous disposez d'un délai de quatre ans: une année, parce que la loi ne sera pas en vigueur pendant un an; trois années pour les domaines de compétence des provinces et qui seront visés par cette loi, le cas échéant. Ce ne sera pas le cas, si la province adopte des règlements et des lois. Je suis désolée, mais je ne vois pas où est le problème.

Mme Auksi: Si les dispositions du projet de loi C-6 ne peuvent pas s'appliquer au système de santé, comment pouvons-nous être sûrs que la loi que nous préparons sera considérée comme essentiellement similaire et que par conséquent, elle pourra s'appliquer -- à la place du projet de loi C-6 -- tant du point de vue de la protection des renseignements personnels que de leur utilisation autorisée à des fins légitimes? C'est pour nous une source de préoccupation.

En outre, le même problème se poserait entre les provinces. Comme nous l'avons fait remarquer dans notre mémoire, même si le Manitoba et l'Ontario avaient chacun une loi jugée essentiellement similaire, c'est le projet de loi C-6 qui s'appliquerait en ce qui concerne le transfert des renseignements au-delà des frontières provinciales. Si les soins de santé étaient dispensés sans égard aux frontières entre Ottawa et Hull, par exemple, ou entre Kenora et Winnipeg, ce sont les dispositions du projet de loi C-6 qui s'appliqueraient au lieu des règlements provinciaux.

Le sénateur Carstairs: Depuis 21 ans, la province de l'Ontario déclare qu'elle va prendre les mesures qui s'imposent. Or, elle n'a encore rien fait. Que pouvez-vous répondre à ce sujet? Depuis la promulgation de la première loi sur la protection des renseignements personnels, il y a 21 ans de cela, votre province n'a pas voulu essayer de protéger les droits individuels de ses citoyens. J'ai bien peur que sans le dérangement provoqué par le projet de loi C-6, rien ne se ferait. En toute justice, je ne parle pas simplement de l'Ontario, mais aussi des autres provinces de notre pays.

Mme Fineberg: Après trois ans de consultations menées auprès de 200 intervenants de tous les secteurs du régime de soins de santé, nous pensons arriver au but ou, à tout le moins, nous en rapprocher. Je comprends bien que vous puissiez manifester un certain cynisme, compte tenu des nombreuses années écoulées. Nous ne pouvons parler qu'au nom du gouvernement d'aujourd'hui et de la situation actuelle et non justifier les décisions ou le manque de décisions des gouvernements antérieurs.

Nous avons fait tout ce travail, nous avons eu la participation de tous ces intervenants et nous les avons tous entendus. Nous pensons avoir atteint un équilibre, acceptable de tous. Si, au bout du compte, notre loi est adoptée à l'Assemblée, sans toutefois être essentiellement similaire, où en serons-nous?

Le président: Un peu plus tôt, je disais en plaisantant à moitié que j'espérais que vous pourriez dissiper la confusion découlant des propos de tant d'intervenants de la santé. Puis-je dire que vous n'avez fait qu'aggraver la situation, ce dont je ne vous blâme pas; cela montre bien que la question est complexe.

Deux groupes n'ont pas encore témoigné devant nous, mais il s'avère que je connais leurs points de vue, qui sont tout à fait opposés. Je veux parler du Centre de recherches médicales qui ne voit pas de problème quant aux dispositions du projet de loi relatives aux renseignements personnels. Je veux parler aussi du Conseil consultatif de l'information sur la santé du ministre de la Santé, présidé par Roberta Bondar. Ce conseil trouve beaucoup à redire au sujet de ce projet de loi. Ces deux groupes -- qui se composent d'éminents spécialistes -- ont des points de vue opposés à ce sujet. C'est un problème.

Je n'aurais pas dit que le sénateur Carstairs faisait preuve de cynisme, j'aurais plutôt dit qu'elle faisait preuve de scepticisme. En tant qu'ancien fonctionnaire moi-même, ancien sous-ministre fédéral et provincial, je pourrais dire qu'elle faisait preuve de beaucoup de réalisme dans le sens où, traditionnellement, les fonctionnaires ont tendance à concevoir des lois qui facilitent leur travail. C'est propre à la nature humaine.

Il s'agit de savoir si toutes les questions soulevées non seulement par vous, mais par des fonctionnaires, ailleurs, y compris au fédéral, sont réelles ou imaginaires. Les gens se demandent s'il s'agit essentiellement de vous simplifier la vie. Il ne fait absolument aucun doute que la vie de tous ceux qui sont visés par ce projet de loi devient plus compliquée. La majorité des personnes ici présentes vont simplement dire «Tant pis» ou «Ce n'est pas trop tôt» ou avoir une réaction du même genre. Qu'en pensez-vous? À mon avis, ce sont des points de vue qui reviennent souvent -- pas seulement chez vous -- que nous avons entendus au cours des quatre derniers jours.

Mme Fineberg: Je ne connais pas les détails particuliers des dispositions liées à la recherche. Comme vous pouvez le voir dans notre mémoire, nous pensons que le projet de loi entraverait les efforts des chercheurs dans de nombreux cas -- que nous ne connaissons pas tous. Nous donnons un exemple de l'Institut canadien d'information sur la santé qui s'inquiète beaucoup au sujet des rapports sur les hôpitaux. D'après notre interprétation du projet de loi, nous pensons que cela poserait un problème, du point de vue de la recherche. C'est notre avis.

Bien sûr, le ministre de la Santé s'appuie sur les renseignements fournis par certains projets de recherche.

Le président: Je suis confronté à un dilemme. Le Centre de recherches médicales du Canada dit qu'il n'y a pas de problème. Je ne conteste pas votre point de vue et je suis sûr qu'il y a des chercheurs qui le partagent. Certains siègent au sein du Conseil consultatif de l'information sur la santé. J'ai passé beaucoup de temps au gouvernement, aux paliers fédéral et provincial, et je dois dire que je n'ai jamais encore vu de projet de loi provoquer une telle fragmentation de points de vue de la part de personnes appartenant au même secteur.

Mme Fineberg: On pourrait peut-être faire une analogie avec les témoins experts dans des affaires judiciaires.

Mme Lindberg: Le problème qui se pose en partie, c'est qu'au ministère, nous ne savons pas vraiment ce que veut dire l'expression «essentiellement similaire».

Le président: C'est fort légitime. En ce moment, vous essayez d'atteindre un objectif qui n'est pas défini. Dans un certain sens, ce n'est pas juste.

Mme Fineberg: La seule façon de concilier les divers points de vue sur le projet de loi consiste à dire que, compte tenu de l'incertitude et de la confusion, un groupe l'interprète d'une façon et en conclut que ses activités ne vont pas être entravées. L'autre groupe, dont l'interprétation est différente, considère avoir un problème.

Le président: Merci pour cette explication.

Mme Fineberg: Pour ce qui est de votre deuxième question et des sujets de préoccupation soulevés par les divers groupes de santé qui ont comparu devant vous, je dirais que les témoins ont traité de tous les aspects de la question. Les fonctionnaires ne se sont pas contentés de «travailloter»; ils ont plutôt fait ressortir les sujets de préoccupation de particuliers et d'entreprises qui oeuvrent directement dans le secteur de la santé et en comprennent le contexte réel. Ce n'est pas simplement de la théorie et il ne s'agissait pas de déterminer le nombre d'interprétations juridiques possibles.

Le président: Merci.

Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant le ministre. Monsieur le ministre, bienvenue. Je vous cède la parole.

L'honorable John Manley, ministre de l'Industrie: Honorables sénateurs, le projet de loi C-6 concerne deux importants volets de la stratégie du gouvernement sur le commerce électronique.

D'après une étude réalisée par Ekos en 1998, 94 p. 100 des Canadiens estiment qu'il est de plus en plus important que les renseignements personnels les concernant soient protégés sur Internet. En outre, les Canadiens sont de mieux en mieux informés sur les questions touchant à la protection des renseignements personnels. Une autre étude réalisée plus récemment par Ekos révèle qu'ils sont nettement passés d'un malaise général à des sujets de préoccupation bien précis en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels les concernant.

La première partie du projet de loi reprend, comme vous le savez, 10 principes équitables en matière d'information qui sont énoncés dans la norme de l'Association canadienne de normalisation -- CSA -- en matière de protection des renseignements personnels. Cette norme est une première canadienne, car notre pays est le premier pays du monde à définir une norme sur la gestion des renseignements personnels de concert avec des représentants des entreprises, des consommateurs, des gouvernements et de diverses organisations.

[Français]

Le gouvernement a amorcé, en 1994, les consultations publiques sur la nécessité d'adopter une loi sur la protection des renseignements personnels. Il a annoncé son intention de légiférer en la matière en 1996, et il a sollicité des opinions du public sur le projet de loi, même en 1998. Les autres intervenants se sont alors prononcés en très grande majorité en faveur de l'utilisation de normes de la CSA pour fonder la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

La première partie du projet de loi fait aussi du Commissariat à la protection de la vie privée, le mécanisme de supervision, et habilite le commissaire à recevoir des plaintes, à enquêter et s'efforcer de régler ces dernières.

Les parties II à V du projet de loi C-6 mettront les transactions électroniques régies par les lois fédérales sur un pied d'égalité avec les transactions sur papier. Elles donneront aux entreprises et aux citoyens la garantie qu'un document ayant une signature électronique a une valeur légale, et que l'un comme l'autre seront reconnus et acceptés par le gouvernement et les tribunaux, qui pourront également les faire valoir.

[Traduction]

Nous savons que le gouvernement lui-même doit devenir un utilisateur modèle de la technologie et faciliter les transactions avec les citoyens et les entreprises. Les Canadiens veulent que les transactions électroniques avec le gouvernement soient pratiques et faciles et que les renseignements personnels soient protégés. En fait, ils veulent pouvoir avoir confiance dans les nouveaux modes de transaction. Or, l'objectif du gouvernement est de répondre à leurs besoins tout en traitant efficacement avec eux. Les avantages qu'il y a à occuper une position de chef de file mondial dans l'économie du savoir et dans le commerce électronique sont immenses; cependant, pour que le Canada devienne un chef de file dans le domaine du commerce en ligne, les consommateurs et les entreprises doivent avoir «apprivoisé» les nouvelles technologies et ne pas en craindre les incidences sur leurs vies. La confiance est donc fondamentale.

C'est pourquoi le gouvernement a mis au point une stratégie que le premier ministre a annoncée en octobre 1998. Cette stratégie, qui vise à faire du Canada un chef de file mondial dans le développement et dans l'utilisation du commerce électronique, repose sur cette «première» dans les domaines de la protection des consommateurs, de la neutralité fiscale, de la politique en matière de cryptographie, des normes, du commerce électronique sûr ou infrastructure à clefs publiques, des signatures numériques et de la protection des renseignements personnels.

[Français]

Je suis fier de dire qu'en adaptant ce projet de loi C-6, le gouvernement aura réalisé les deux derniers volets de la stratégie. Il poursuit en un seul et unique objectif fondamental: renforcer la confiance dans le commerce électronique. Or, il présente un projet de loi dans ce but précis.

Il est admis que la protection des renseignements personnels est un pilier essentiel de la société mondiale de l'information. Ainsi, en 1998, l'Union européenne a publié une directive qui oblige les États membres à bloquer l'envoi de renseignements personnels vers les pays qui ne protègent pas suffisamment les données.

L'Union recherche les mêmes éléments que ceux que nous avons intégrés au projet de loi C-6: un ensemble fondamental de principes équitables en matière d'information, lesquels régiront la collecte, le traitement et la communication des renseignements, et l'existence d'un mécanisme de surveillance indépendant pour assurer la protection des données. Les principes exigent que le droit fondamental à la liberté de parole soit respecté, en prévoyant une exemption pour l'expression journalistique, artistique et littéraire. Ils insistent sur l'importance primordiale de protéger les renseignements confidentiels tels que les dossiers médicaux.

À l'heure actuelle, les renseignements personnels sont des marchandises que l'on peut acheter, vendre et échanger. Il existe aujourd'hui, au Canada, ce que le commissaire fédéral à la protection de la vie privée a appelé un «ensemble disparate» de lois, de règlements et de codes.

[Traduction]

Actuellement, les renseignements personnels traversent toutes les frontières, qu'elles soient provinciales, territoriales ou nationales. La plupart des industries ne sont assujetties à aucune règle concernant la collecte, l'utilisation et la communication des renseignements personnels. Seule la province de Québec a une loi générale s'appliquant au secteur privé dans les limites de son territoire.

Le projet de loi C-6 atteste le leadership du gouvernement. Il s'appuie sur les pouvoirs en matière de commerce pour créer un cadre de protection des renseignements personnels d'un bout à l'autre du pays, cadre qui vise à harmoniser la préparation de toutes les lois provinciales sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Après son entrée en vigueur, ce projet de loi s'appliquera jusqu'à ce que les provinces fassent le nécessaire pour protéger les renseignements personnels dans leur territoire. Il continuera de s'appliquer là où ces renseignements ne seront pas protégés et il vaudra à l'égard de la circulation transfrontalière des données personnelles.

Cependant, les pouvoirs en matière de commerce reposent sur l'activité commerciale même et le gouvernement du Canada a besoin que les provinces passent à l'action, car elles sont les seules à avoir compétence relativement à certains des renseignements les plus confidentiels que les Canadiens veulent voir protégés, y compris la plupart des dossiers relatifs à la santé, à l'éducation et à l'emploi. Quand les provinces auront pris les mesures nécessaires, le pays disposera de la couverture complète que les Canadiens réclament et qui lui conférera un avantage concurrentiel dans l'économie du savoir.

[Français]

Les entreprises canadiennes ont demandé une loi qui créerait un seul marché, définirait une réglementation unique et uniformiserait les règles de jeu de tous les intervenants. L'industrie du marketing direct, les entreprises du secteur de l'info-technologie, les entreprises de télécommunication et les banques comprennent toutes la nécessité d'un cadre législatif fédéral clair en ce qui concerne la protection des renseignements personnels. Elles comprennent aussi qu'une loi souple mais efficace aidera les clients à accepter les transactions électroniques et qu'elle leur coûtera moins cher que la seule autoréglementation: en effet, il faut payer un prix élevé pour gagner la confiance du public.

Nous vivons dans une économie du savoir où l'on recueille de plus en plus de renseignements personnels pour améliorer les services et mieux cibler les efforts de marketing. Dans le domaine médical, notre régime canadien de soins de santé unique en son genre assure aux malades les meilleurs soins qui soient, grâce à la portabilité des dossiers et à la recherche novatrice. Toutefois, pour que ces avantages se concrétisent vraiment, il faut intégrer la protection des renseignements personnels à la base de chaque structure informationnelle.

Le projet de loi C-6 est conçu pour protéger les renseignements personnels de toutes les personnes. Celles-ci, dans leurs activités quotidiennes, ne font pas la distinction entre les données personnelles se rapportant à leur état de santé ou à d'autres aspects de leur vie.

[Traduction]

C'est pourquoi le projet de loi s'applique à tous les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans le cadre d'activités commerciales. Toutes les activités commerciales du secteur des soins de santé sont visées; ce qui n'a aucun caractère commercial ne relève pas de la loi.

Le projet de loi C-6 fait de la transparence et du consentement des critères déterminant comment les renseignements personnels des Canadiens peuvent être utilisés. J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt les discussions tenues sur le projet de loi par les milieux des soins de santé. Je tiens à assurer aux honorables membres du comité que le gouvernement n'a clairement pas l'intention de faire du projet de loi un obstacle à la modernisation du régime des soins de santé.

Le gouvernement a rédigé le projet de loi C-6 en s'inspirant du code type de la CSA, qui peut être adapté aux besoins de tous les secteurs. Le code contient un ensemble générique de principes sur la protection des renseignements personnels, principes qui s'appliquent à toutes sortes de données, y compris celles concernant la santé des personnes. Le Bureau d'assurance du Canada, l'Association canadienne du marketing et l'Association médicale canadienne ont élaboré des codes à la lumière de la norme de la CSA. Il faut y voir des lignes directrices complémentaires tracées à partir du cadre fondamental et minimal défini par le projet de loi C-6.

Certains dans le secteur de la santé ont laissé entendre qu'ils ont besoin de plus de temps, peut-être de deux ans. Or, le projet de loi leur donne ce temps, en fait, il leur donne quatre ans. En effet, le projet de loi ne s'appliquera pas à l'immense majorité des transactions dans le secteur commercial des soins de santé pendant quatre ans, sauf si les organisations concernées s'adonnent à des échanges interprovinciaux ou nationaux de renseignements personnels. J'ai présenté un amendement à l'article 30 pour éclaircir cet aspect parfaitement. Le secteur de la santé a déjà tout le temps voulu pour agir.

Au cours de ces quatre premières années, chaque province pourra adopter sa propre loi. Dès qu'une province aura adopté une loi «essentiellement similaire», les organisations y étant assujetties ne seront plus visées par la loi C-6: on entend par là une loi qui établit, en matière d'information, un jeu fondamental de pratiques équitables allant dans le sens de la norme de la CSA et qui prévoit la mise sur pied d'un mécanisme indépendant de surveillance et des recours pour les personnes qui auront été lésées.

Le projet de loi C-6 n'entravera pas la circulation de l'information nécessaire à la protection de la santé des Canadiens, à l'amélioration de l'administration des soins de santé et à l'exécution des travaux de recherche. Les technologies de l'information et des communications donnent la possibilité d'améliorer les soins de santé. Leur utilisation rapide à cette fin suppose que la protection des renseignements personnels de nature médicale sera garantie.

[Français]

Dans le cadre de leurs activités commerciales, les organisations recueillent, utilisent et communiquent des données relatives à la santé afin de faire des recherches, de se renseigner sur la consommation des médicaments et d'offrir des services de santé fort utiles. Il s'agit là d'activités légitimes et le projet de loi prévoit des exceptions en ce qui concerne les études, la recherche et l'obligation de rendre compte.

Aux fins de la recherche, il est possible d'utiliser et de communiquer des renseignements sans obtenir le consentement des intéressés à condition d'en informer le commissaire à la protection de la vie privée. Si des données anonymes sont employées pour la recherche, la loi ne leur est pas applicable. Le gouvernement a aussi apporté une modification pour permettre aux organismes publics de recueillir des renseignements personnels auprès du secteur privé dans le contexte de l'obligation de rendre compte.

[Traduction]

Honorables sénateurs, à l'heure actuelle, la protection des données est très limitée dans le domaine de la santé et elle est quasi inexistante dans le secteur privé. Cette année, le Conseil consultatif en matière de santé a publié un rapport sur l'avenir de l'inforoute santé. Il y prévient que, sans la protection des renseignements personnels et sans le consentement des intéressés, on n'arrivera ni à réaliser les énormes gains en efficacité que l'infotechnologie peut mettre à la portée du système de soins de santé, ni à améliorer autant qu'on le pourrait les résultats de la recherche.

Certains membres du secteur de la santé ont déclaré que le projet de loi les obligera à obtenir le consentement exprès de leurs clients, exigence qui, craignent-ils, leur coûtera cher. Cela n'est tout simplement pas vrai, selon nous. Le projet de loi C-6 n'impose aucune tâche coûteuse aux fournisseurs de services; il exige tout simplement l'obtention du consentement dans les cas où des renseignements personnels seront utilisés à des fins commerciales. Je ne pense pas que ce soit trop demander. Dans de nombreuses circonstances, le consentement sera dans l'ordre logique des choses.

Selon la norme de la CSA, le consentement explicite n'est pas nécessaire quand l'intéressé s'attend raisonnablement à ce que des renseignements personnels le concernant soient recueillis, utilisés ou communiqués dans le cadre de la transaction. Par exemple, quand un malade demande un service pharmaceutique, il consent implicitement à ce que des renseignements à son sujet soient recueillis, utilisés ou communiqués, selon ce qui est nécessaire pour obtenir le service. Le consentement explicite n'est exigé que pour les utilisations et les communications secondaires des renseignements, quand le malade ne s'attend pas raisonnablement à ces dernières dans le contexte de la transaction. Il n'est pas nécessaire d'obtenir le consentement à chaque stade et à chaque fois pour les mêmes fins, et il existe diverses façons de l'obtenir. Toutefois, la norme exige que la personne soit informée et qu'elle donne son consentement.

Ce projet de loi établit des bases solides, selon moi. Gaylen Duncan, de l'ACTI, et John Gustavson, de l'Association canadienne de marketing, ont tous deux parlé devant le comité des longues négociations qu'avait nécessité la rédaction de la norme canadienne et de l'équilibre délicat atteint alors. Le projet de loi constitue un fondement juridique solide pour la norme et il marque le franchissement d'une première étape importante. La majorité des organisations n'y seront assujetties que dans quatre ans et le gouvernement examinera la loi et y apportera des modifications tous les cinq ans, si cela s'impose.

Cependant, nous ne devons pas oublier que le projet de loi C-6 vise tous les genres de renseignements personnels. Il doit répondre aux besoins de tous les intervenants, y compris les banques, les historiens, les journalistes, les rédacteurs, les sociétés d'assurance, les sociétés de marketing direct, les fournisseurs de services Internet, les entreprises de télécommunications, les comptables, les bureaux de crédit, les organismes de protection des consommateurs et les organismes de défense des libertés civiles. Voilà un défi de taille!

En bref, le projet de loi C-6 a pour objectif primordial de garantir dans une loi le droit à la protection des renseignements personnels sans imposer de fardeau énorme aux entreprises, sans empiéter indûment sur le droit à la liberté d'expression et sans détruire notre mémoire historique en gênant la présentation des documents. Cependant, le temps presse. Comme le dit Bruce Phillips au sujet du projet de loi: «Il est très loin d'être parfait, certes, mais il faut bien commencer quelque part, sans perdre de temps. Si les intérêts particuliers et les querelles de compétence l'emportent dans le débat... la vie privée de chaque citoyen et la progression du commerce électronique en souffriront grandement.» Je suis d'accord avec M. Phillips.

Le sénateur Murray: Monsieur Manley, permettez-moi de prendre quelques instants, puisque c'est la première fois que j'en ai l'occasion, pour vous remercier du rôle de leader que vous jouez dans le domaine général de la politique relative aux technologies, l'autoroute de l'information, etc. Je suis abonné au service hebdomadaire Strategis que j'utilise sans cesse. Si j'en avais le temps, j'en profiterais pour vous demandez où l'on en est en ce qui concerne le branchement de toutes les écoles du pays. Comme vous le savez, je vis pendant l'été dans une région du pays que certains considèrent éloignée et j'apprécie les efforts qui sont déployés pour informatiser toutes les régions éloignées du pays. Il apparaît évident, même pour quelqu'un de l'extérieur, que votre engagement à cet égard dépasse de beaucoup vos fonctions ministérielles. Vous êtes engagé sur cette voie. Pour tout cela, je crois que vous méritez notre respect et notre appréciation; je vous en fais part, personnellement à tout le moins.

Vous allez probablement partir d'ici en vous disant que les sénateurs ont une bien curieuse façon d'exprimer leur appréciation, puisque nous revenons maintenant au projet de loi dont nous sommes saisis. Pouvez-vous nous donner une justification raisonnée de la disposition du projet de loi que l'on retrouve à l'alinéa 7(3)h) et qui stipule qu'il est légal de communiquer des renseignements personnels recueillis pour des raisons commerciales au sujet d'une personne 20 ans après le décès de celle-ci. Je suis sûr que l'on vous a mis au courant des discussions que nous avons eues ces derniers jours et que vous vous attendez à cette question.

M. Manley: Tout d'abord, permettez-moi de dire que je crois que toutes les écoles sont maintenant branchées. La dernière est une école de Pictou Island qui ne compte que trois élèves. Nous avons fait un vidéo que je serais heureux de vous envoyer et qui montre l'arrivée des trois enfants à l'école. On leur pose des questions au sujet de l'informatique et un enfant de neuf ans, je crois, répond: «Cela veut dire que nous pouvons aller partout où nous voulons». Autant que nous le sachions, le Canada est le premier pays au monde où toutes les écoles sont branchées. Il va falloir faire quelques retouches pour aider certaines d'entre elles, parce que le service est un service de base, mais on va y arriver.

On me dit que la disposition dont vous faites mention est une règle courante d'archivage. Toute communication devra respecter le reste du code. Par exemple, la communication de renseignements personnels doit se faire aux fins précisées. Les banques ont dit qu'elles conservent en général les renseignements entre sept et dix ans. Dans ce contexte, 20 ans après le décès ne semble pas exagéré. On me dit que c'est courant.

Le sénateur Murray: Je ne vais pas me lancer dans un débat à ce sujet maintenant, mais, avec tout le respect que je vous dois, vous ne donnez pas de justification raisonnée. Je ne pense pas que l'on puisse jamais justifier la communication de renseignements personnels recueillis à des fins commerciales. Je suis d'accord avec le commissaire à la protection de la vie privée qui était ici pas plus tard qu'hier et qui, juste après vous, est peut-être le défenseur le plus énergique et enthousiaste de ce projet de loi que nous ayons rencontré ici. Il ne peut pas donner de justification raisonnée de cette règle. Je n'irai pas plus loin. Je vais peut-être reprendre la question, lorsque le projet de loi sera bien compris.

Monsieur le ministre, votre ministère ou celui de la Santé a-t-il obtenu, comme l'ont indiqué il y a quelques minutes les représentants du ministère de la Santé et des soins de longue durée de l'Ontario, un avis juridique externe quant aux répercussions de ce projet de loi sur le secteur des soins de santé?

M. Manley: Avons-nous demandé un avis?

Le sénateur Murray: Votre ministère ou celui de la Santé ont-ils obtenu un avis juridique externe? Apparemment, c'est ce qui s'est produit et les représentants du ministère de l'Ontario ont dit souhaiter en recevoir une copie.

M. Manley: Non. Je sais qu'il est possible d'avoir des avis externes, mais nous nous sommes appuyés sur l'avis juridique du ministère de la Justice.

Le sénateur Murray: Nous sommes au courant des autres avis juridiques. Nous les avons tous. J'aurais dû poser la question à M. Dodge hier, mais je n'en avais pas entendu parler avant ce matin.

Ma troisième et dernière question -- pour l'instant -- porte sur la loi du Québec que vous-même ou vos fonctionnaires ont qualifiée, je crois devant le Comité des communes, d'essentiellement similaire à ce projet de loi. Est-ce exact?

M. Manley: Oui. En fait, en réponse aux questions posées à la Chambre des communes, j'ai déclaré que selon nous, la loi du Québec répond à ce critère.

Le sénateur Murray: J'aimerais vous poser des questions à ce sujet. M. Roger Korman, directeur d'IMS qui a comparu devant nous l'autre jour, nous a dit que sa société fonctionnerait très bien dans le cadre de la loi québécoise, mais qu'elle ne fonctionnerait certainement pas dans le cadre de la loi fédérale proposée, le projet de loi C-6. Ceci mis à part, permettez-moi de vous dire ce qu'il a dit au sujet de la loi québécoise.

Au Québec, le projet de loi C-68 est considéré comme l'exemple même d'une bonne loi de protection des renseignements personnels. Cela s'explique par le fait qu'elle s'applique à l'utilisation des renseignements plutôt qu'à leur collecte. En vertu du projet de loi C-68, la collecte de renseignements personnels est autorisée sans consentement. Tel n'est pas le cas du projet de loi C-6. La loi du Québec permet de constituer des bases de données exhaustives, pas le projet de loi C-6. La loi du Québec établit un mécanisme continu.

Je lui ai demandé alors de quel genre de bases de données il voulait parler. Il a répondu ce qui suit:

Des bases de données concernant notamment les pratiques des médecins en matière d'ordonnances, ainsi que des renseignements généraux sur la santé des Canadiens, lorsque ces renseignements sont anonymes.

Le projet de loi C-68 comporte un mécanisme permettant des exemptions en matière de divulgation, pas le projet de loi C-6. En vertu de la loi du Québec, nous pouvons établir des bases de données exhaustives puis divulguer les renseignements en suivant les lignes directrices de la Commission d'accès à l'information. Avec le projet de loi C-6, une telle collecte de données exigerait le consentement éclairé du patient, ce qui constituerait un obstacle énorme.

Il a souligné de façon assez détaillée le contraste entre la loi québécoise et votre projet de loi. En supposant que son analyse soit correcte, comment pouvez-vous dire que la loi québécoise est essentiellement similaire au projet de loi C-6?

M. Manley: Nous ne cherchons pas avec ce projet de loi à empiéter sur le champ de compétence provinciale, contrairement à ce que certains de mes collègues du Bloc québécois ont déclaré. Nous essayons de respecter la compétence provinciale. Nous recherchons en fait des principes similaires. En d'autres termes, notre projet de loi et la loi québécoise s'appuient sur le même fondement, soit la norme de l'OCDE. Nous cherchons un mécanisme de supervision indépendant ainsi que des mécanismes de recours pour les particuliers. Nous ne cherchons pas à prescrire en détail ce que doivent faire les provinces. Le Québec a tout le mérite d'avoir pris cette initiative avant n'importe qui d'autre. À ma connaissance, le système québécois fonctionne raisonnablement bien, et c'est parfait. Étant donné que nous essayons de trouver un modèle pour l'ensemble du Canada, y compris les provinces assujetties à la common law, nous essayons de prendre comme point de départ une norme établie par consensus. Vous savez tout cela.

En ce qui concerne l'IMS, je ne suis pas sûr de vraiment comprendre son problème. Si j'ai bien compris, cette société a déclaré ne pas recueillir de renseignements personnels identifiables.

Le sénateur Murray: Pas de renseignements sur les patients, mais sur les médecins.

M. Manley: En ce qui me concerne, c'est une question que doivent régler les provinces. Il s'agit clairement d'un élément litigieux de renseignements. J'imagine que les médecins ne tiennent pas à ce que l'on recueille des renseignements sur leurs ordonnances et qu'ils considèrent que l'on devrait pouvoir se fier à leurs capacités professionnelles.

Le sénateur Murray: Que ce soit le cas ou non, monsieur le ministre, l'IMS est d'avis que votre projet de loi empêche la collecte de ces renseignements, alors que la loi québécoise le permet. Il apparaît clairement d'après le témoignage entendu, que cette société peut faire plusieurs choses au Québec qu'à son avis, elle ne pourra pas faire en vertu du projet de loi C-6. Si tel est le cas, comment pouvez-vous affirmer que la loi québécoise est essentiellement similaire?

M. Manley: Vous posez deux questions à la fois. Quelle devrait être la règle? Les renseignements doivent-ils être recueillis au sujet des médecins ou non? Il y aura divergence d'opinions à ce sujet. De toute évidence, la profession aura un avis sur ce point. À moins qu'il n'y ait transfert de renseignements au-delà des frontières provinciales, le projet de loi ne s'appliquera pas avant quatre ans. Les provinces et les professions visées ont tout le temps nécessaire pour se mettre d'accord à ce sujet. Si l'IMS obtient le consentement des médecins, cela ne pose pas de problèmes. Au bout du compte, c'est visé par le projet de loi.

Cela devrait-il être visé par la loi québécoise? Je ne le sais pas. Je n'ai pas à former ce genre d'opinion.

Le sénateur Murray: Je ne vous demande pas de le faire.

M. Manley: Je ne suis pas prêt à intervenir dans le champ de compétence du Québec et déclarer que le gouvernement fédéral laisse carte blanche au gouvernement et aux médecins du Québec. Nous fixons la norme générale et les provinces peuvent légiférer en fonction de cette norme.

Le sénateur Murray: Le fait est que ces deux projets de loi ne sont pas similaires, loin de là. Je me demande s'il ne s'agit pas simplement de diplomatie fédérale-provinciale, lorsque le gouvernement fédéral certifie que la loi québécoise est essentiellement similaire, alors que tout ce que nous avons en main prouve le contraire.

Les représentants de l'Ontario ont comparu devant nous. J'ai lu quelque part, peut-être dans les délibérations de la Chambre, que le projet de loi de l'Ontario ou le projet de loi de l'une des autres provinces, peut-être l'Alberta, ne passe pas. Vous ne considériez pas que cet avant-projet de loi est «essentiellement similaire».

M. Manley: Il faudrait l'examiner.

Le sénateur Murray: Vous avez déclaré que ni vous-même, ni vos fonctionnaires, n'ont donné d'avis au sujet de ces avant-projets de loi provinciaux.

M. Manley: Pas pour l'instant.

Le sénateur Carstairs: Monsieur le ministre, dans votre exposé, vous avez dit que, selon la norme de la CSA, le consentement explicite n'est pas nécessaire quand l'intéressé s'attend raisonnablement à ce que des renseignements personnels le concernant soient recueillis, utilisés ou communiqués, et cetera.

Lorsqu'un patient voit un médecin, ce dernier lui donne des petites feuilles de papier indiquant les tests à faire faire ainsi que les ordonnances à présenter au pharmacien. À votre avis, le patient donne-t-il implicitement son consentement lorsqu'il utilise ces feuilles de papier pour faire effectuer les tests et exécuter les ordonnances?

M. Manley: À ce moment précis, il n'a pas consenti à ce que le médecin communique des renseignements. Pour subir le test ou pour faire exécuter l'ordonnance, il amène ces feuilles au laboratoire ou à la pharmacie. Lorsqu'il présente cette feuille de papier au pharmacien, par exemple, je pense que l'on pourrait dire qu'il consent implicitement à ce que le pharmacien demande des éclaircissements au médecin au sujet de l'ordonnance ou de la posologie. La boucle est fermée lorsque le patient agit.

Le sénateur Carstairs: Toutefois, avant que le pharmacien, le médecin ou le technicien de laboratoire puisse communiquer ces renseignements à un tiers, il faut un autre consentement précisant qu'il y a consentement éclairé.

M. Manley: Là encore, cela dépend des renseignements qui sont communiqués. Certains pharmaciens m'ont dit que des clients réguliers présentent une carte autorisant le paiement des ordonnances; en pareil cas, il est possible d'en déduire que le client consent à remplir les exigences en matière de paiement, ce qui entraîne la communication de renseignements sur l'achat à la société d'assurance. À part cela, le pharmacien doit avoir le consentement du patient avant de pouvoir communiquer les renseignements à quelqu'un d'autre.

Le sénateur Oliver: Monsieur le ministre, j'ai trois questions assez brèves et je vais peut-être les poser toutes les trois à la fois.

M. Manley: Je répondrai à celles auxquelles je peux répondre.

Le sénateur Oliver: Premièrement, plusieurs témoins ont déclaré s'inquiéter du fait que certaines dispositions de ce projet de loi, comme la perquisition et la saisie, comportent un élément d'intrusion et pourraient aller à l'encontre de la Charte des droits et libertés. Vous avez dit au sénateur Murray que le ministère de Justice vous a donné un avis juridique. Pourriez-vous préciser?

Deuxièmement, l'Association médicale canadienne a dit savoir que la norme de la CSA est le modèle retenu en matière de déontologie, mais elle souhaiterait que son code de déontologie -- nettement supérieur -- soit annexé à ce projet de loi. Qu'en pensez-vous?

Troisièmement, vous avez dit dans votre allocution, clairement et sans équivoque, que toutes les activités commerciales du secteur des soins de santé sont visées et que ce qui n'a aucun caractère commercial ne relève pas du projet de loi. C'est clair. Toutefois, pouvez-vous nous aider à faire la distinction entre activités commerciales et activités non commerciales dans le secteur des soins de santé et pouvez-vous indiquer le critère que devraient utiliser ceux qui interprètent ce projet de loi? Par ailleurs, préparez-vous actuellement des règlements qui permettraient d'en donner une définition? Si oui, êtes-vous prêt à présenter ces règlements au comité avant qu'ils ne deviennent loi afin de faciliter l'explication voulue?

M. Manley: Tout d'abord, pour répondre à votre question sur l'intrusion, je dirais que comme c'est le cas pour chaque mesure législative, le ministère de la Justice examine tous les projets de loi avant leur dépôt afin de s'assurer qu'ils respectent les dispositions de la Charte; nous nous fions à cet avis que nous avons d'ailleurs déjà reçu. Je suis toujours prudent, étant donné que mon diplôme de droit est antérieur à la Charte, si bien que je ne suis jamais sûr de bien connaître la Charte.

Le principe est le suivant: les pouvoirs que renferme le projet de loi C-6 sont similaires à ceux que renferment d'autres mesures législatives, fédérales et provinciales. Les pouvoirs sont similaires pour le commissaire à la protection de la vie privée au Québec. À notre connaissance, il n'y a pas eu de contestation fondée sur la Charte à cet égard. Contrairement à la loi québécoise, où le commissaire a des pouvoirs exécutoires, notre projet de loi ne confère pas au commissaire fédéral de tels pouvoirs exécutoires, ce qui fait qu'il est encore moins probable que le projet de loi fédéral fasse l'objet de contestation fondée sur la Charte.

Dans l'affaire Potash de 1994 de la Cour suprême du Canada, il a été confirmé que les pouvoirs de réquisition et saisie à des fins d'inspection et des fins réglementaires ne constituent pas une infraction de l'article 8, car il ne s'agit pas de pouvoirs d'accès forcé et l'accès se fait à un moment raisonnable. Le commissaire ne peut pas forcer le respect mais peut prévoir des peines. Je suppose que le ministère de la Justice s'est appuyé sur certains de ces arguments pour approuver le projet de loi. En général, nous considérons qu'il respecte l'esprit de la Charte.

Pour ce qui est de votre deuxième question, bien sûr, la norme du code AMC est élevée.

Le sénateur Oliver: C'est une norme plus élevée.

M. Manley: Oui, c'est une norme plus élevée que celle du code de la CSA que nous avons adoptée. Pour nous, cela ne pose pas de problème. Le seul point que je soulignerais, et que j'ai fait ressortir à la fin de mon allocution, c'est que nous essayons d'avoir une mesure législative sur la protection des renseignements personnels qui vise toute une gamme d'activités. En fait, pour que l'accord général sur le commerce s'applique, il est impossible d'isoler un secteur, d'après la décision General Motors de 1989. Bien que cette décision soit postérieure à mon diplôme de droit, je l'ai quant même lue.

En essayant d'adopter la norme la plus consensuelle, la plus générale possible, nous ne changeons absolument pas la norme la plus élevée que doivent respecter les membres de la profession médicale. Nous nous attendons à ce qu'ils respectent leur code. Ce faisant, bien sûr, ils respecteront également le projet de loi C-6. Toutefois, ils ne disposent pas du cadre législatif prévu pour les plaintes et l'application que l'on retrouve dans le code de la CSA.

Si l'on ajoutait le code AMC au projet de loi, ce dernier deviendrait excessivement complexe. Les Canadiens ne veulent pas que certains de leurs renseignements personnels se trouvent ici et d'autres là. Nous ne voulons pas créer une situation où il faut aller dans un endroit donné pour les renseignements bancaires, dans un autre pour les renseignements médicaux et dans un autre encore pour d'autres renseignements. Cela créerait de la confusion, les gens ne sachant pas où aller. Nous essayons de rendre les choses simples: si vous avez une plainte à formuler, vous vous adressez au commissaire à la protection de la vie privée. Il y a un seul code, une seule application. Nous pensons que cela garantit un certain niveau de protection, même s'il n'est pas aussi élevé que celui prévu par le code AMC.

Le sénateur Oliver: À votre avis, y aurait-il un problème à ce que notre comité se penche sur une façon d'inclure la norme plus élevée? Comme vous le savez, c'est ce que certains témoins ont recommandé en réponse aux questions posées par la présidence et par d'autres.

M. Manley: Plusieurs questions se posent à propos du code AMC. Notamment, ce code traite de la relation patient-médecin, ce qui est bien. Toutefois, il ne vise pas le reste du secteur privé des soins de santé. Il semble s'appliquer aux renseignements sur les soins de santé dans les secteurs privé et public ainsi que dans le secteur sous réglementation fédérale. Il ne reconnaît pas que les renseignements personnels relevant du secteur public fédéral sont assujettis à la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels. Par conséquent, un tel amendement créerait de la confusion au sujet de la portée et de l'application du projet de loi C-6. La disposition de déclaration d'objet du code AMC est de portée étroite; par exemple, le code vise uniquement les renseignements sur les Canadiens. Le projet de loi C-6 vise les renseignements sur toutes les personnes qui y sont assujetties.

Ce sont là des exemples des problèmes que créerait l'ajout du code de l'AMC. Le projet de loi fédéral sur la protection des renseignements personnels constitue un point de départ. Mis à part la loi en vigueur au Québec, il constitue une première au Canada. Nous essayons d'établir un cadre crédible qui va évoluer et prendre de l'importance aux yeux des Canadiens. Je vous demande de nous donner le temps d'acquérir une certaine expérience avec ce projet de loi avant de nous encourager à en faire plus, pour que nous sachions s'il fonctionne et pour nous permettre de corriger les problèmes, s'il en est.

Cette question n'intéresse pas seulement le Canada, mais tous les pays. Une fois que les gens se rendront compte de l'importance de l'Internet, la protection des renseignements personnels figurera en tête de liste de leurs priorités. Les médias n'ont pas accordé beaucoup d'attention au projet de loi C-6, à la protection de la vie privée et des renseignements personnels. Peut-être parce que le ministre n'a pas assez insisté sur l'importance de celui-ci; je ne sais pas. Toutefois, cette question des plus fondamentales deviendra un enjeu majeur pour les Canadiens au cours de la prochaine décennie. Nous devons donc prendre le temps de mettre ces principes en pratique afin de voir s'il y a lieu de les améliorer, de mieux les définir. Entre temps, je pense que la simplicité demeure un point fort du projet de loi que nous proposons.

Concernant votre troisième question, sénateur Oliver, l'article 2 du projet de loi définit l'activité commerciale comme suit:

[...] toute activité régulière ainsi que tout acte isolé qui revêtent un caractère commercial de par leur nature, y compris la vente, le troc ou la location de listes de donneurs, d'adhésion ou de collecte de fonds.

Nous avons essayé d'établir une distinction entre l'activité commerciale et les échanges d'information qui vont nécessairement se produire à l'extérieur du secteur commercial, mais à l'intérieur du secteur des soins de santé.

Le sénateur Oliver: Le régime de soins de santé comprend un volet à la fois commercial et non commercial. Comment peut-on faire la distinction entre les deux?

M. Manley: Nous savons que les rapports qu'entretiennent les professionnels de la santé au sein du milieu hospitalier n'ont, en général, aucun caractère commercial. Toutefois, la compagnie d'assurance qui verse des indemnités effectue, elle, une transaction commerciale. C'est ce qui distingue les deux.

La communication de renseignements aux fins de paiement est assimilée à une transaction commerciale. Voilà une des questions à laquelle le projet de loi tente de répondre: qui vend de l'information, à qui et dans quel but? S'il y a vente de renseignements, le projet de loi C-6 s'applique. C'est très clair.

Le sénateur Oliver: Qu'en est-il des règlements?

M. Manley: Je ne crois pas qu'on envisage d'élaborer des règlements. Le projet de loi ne contient aucune disposition où il est question d'un organisme de réglementation.

Le sénateur Murray: Je trouve cela plutôt bizarre.

M. Manley: Je sais. Habituellement, c'est la disposition la plus importante du projet de loi, n'est-ce pas?

Le président: Je sais qu'il y en a une parce que je l'ai vu, hier.

M. Manley: De quel article s'agit-il?

Le sénateur Carstairs: De l'article 26.

M. Manley: Cet article a une portée beaucoup plus restreinte que ceux que vous avez vu dans le passé. Le pouvoir de réglementation est limité. D'après nous, il ne sera pas utilisé aux fins que vous décrivez. Toutefois, pour ce qui est de savoir si des règlements seront établis, je ne m'opposerais à ce qu'ils soient soumis à l'examen du comité. Je n'y verrais aucun inconvénient.

Le sénateur Callbeck: Monsieur le ministre, je voudrais vous poser une question que j'ai posée, hier, à M. Phillips, concernant l'incohérence du projet de loi. D'après le paragraphe 5(2), l'emploi du conditionnel dans l'annexe 1 indique qu'il s'agit d'une recommandation et non d'une obligation. Or, le paragraphe 11(1) dispose que tout intéressé peut déposer auprès du commissaire une plainte contre une organisation qui omet de mettre en oeuvre une recommandation énoncée dans l'annexe 1. De plus, le paragraphe 18(1) précise que le commissaire peut procéder à la vérification des pratiques de l'organisation en matière de gestion des renseignements personnels s'il a des motifs raisonnables de croire que celle-ci n'a pas mis en oeuvre une recommandation énoncée dans l'annexe 1. Autrement dit, bien que le paragraphe 5(2) dispose clairement que ces recommandations ne sont pas des obligations, ces articles-ci précisent que les organisations peuvent faire l'objet de mesures si elles ne les mettent pas oeuvre.

M. Manley: Nous nous attendons à ce que les pratiques diffèrent d'une organisation à l'autre. Toutefois, les gens devraient avoir le droit de déposer une plainte parce qu'une recommandation n'a pas été mise en oeuvre, et le commissaire devrait pouvoir mener une enquête et ensuite faire une recommandation. Autrement dit, il existe des recours qui permettent d'examiner les pratiques.

Pour ce qui est de savoir si le code devrait uniquement renfermer des principes obligatoires qui seraient appliqués de façon exécutoire, ce n'est pas ce que vise à faire le code. Si nous avons mis tellement de temps à établir un code, c'est parce que les pratiques diffèrent beaucoup d'un secteur, d'une industrie à l'autre. Certains principes vont y être énoncés, mais ils ne seront pas nécessairement obligatoires. Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Callbeck: Si une plainte est déposée, que le commissaire fait enquête et qu'il constate que l'organisation ne met en oeuvre la recommandation énoncée, pourra-t-il imposer des sanctions?

M. Manley: Non, le projet de loi ne prévoit aucune sanction. Prenons, par exemple, l'article 4.5.3 de l'annexe 1. Celui-ci dispose qu'on devrait détruire, effacer ou dépersonnaliser les renseignements personnels dont on n'a plus besoin aux fins précisées. C'est un principe que toutes les organisations devraient respecter. Or, il serait compliqué de vérifier si chacune d'entre elles l'applique. Une fois qu'on a établi, après enquête, qu'une organisation met en oeuvre les recommandations énoncées, celle-ci, par exemple, peut utiliser ce constat pour établir des rapports de confiance avec ses clients.

Le sénateur Callbeck: Je comprends ce que vous dites, mais je continue d'avoir des doutes.

Je voudrais revenir à un point qu'a soulevé le sénateur Oliver concernant l'activité commerciale. Plusieurs témoins ont dit que la définition n'est pas assez précise, qu'elle est trop vague. Quand vos fonctionnaires ont comparu devant le comité, le 25 novembre, je leur ai demandé si le projet de loi C-6 s'appliquait aux dossiers d'études. Les dossiers que possèdent les universités ne seraient pas, semble-t-il, visés par ce projet de loi, alors que ceux que possèdent les établissements privés le seraient. Or, les étudiants financent leurs études dans les deux cas. Il semble y avoir ici deux poids, deux mesures.

M. Manley: Cette question relève de la compétence des provinces. Je présume que l'Université Carleton a toujours mes dossiers, qui sont classés sous mon numéro d'étudiant. Pour ce qui est du projet de loi, seule la province aurait, dans un premier temps, le pouvoir de régir les dossiers à caractère local, sauf si les renseignements qu'ils contiennent sont communiqués pour contrepartie à l'extérieur de la province.

Le sénateur Callbeck: Si une province n'adopte pas de loi en ce sens, est-ce que les dossiers que possèdent les universités ou les établissements privés vont tomber sous le coup du projet de loi C-6?

M. Manley: D'abord, certaines provinces ont des règles qui visent à protéger les dossiers des étudiants. Ensuite, tous les dossiers, y compris les renseignements communiqués à l'intérieur de la province, bénéficieront, dans quatre ans, de la protection accordée par le projet de loi.

Le sénateur Callbeck: Si une province n'adopte pas de loi, est-ce que les établissements privés, et non les universités, vont tomber sous le coup du projet de loi C-6?

M. Manley: Oui. Au bout d'un an -- et il en est question à l'article 30 -- les renseignements communiqués à l'extérieur d'une province seront visés par le projet de loi.

Le sénateur Callbeck: C'est exact.

M. Manley: Toutefois, après quatre ans, l'utilisation commerciale de ces renseignements à l'intérieur de la province sera également visée par le projet de loi, si la province elle-même n'a pas adopté une essentiellement similaire.

Les provinces continueront d'avoir le droit de légiférer dans ce domaine. Il en va de même pour les renseignements ayant trait à la santé. La question est de savoir ce que l'établissement fait avec l'information. S'il s'en sert à des fins commerciales -- disons, s'il vend sa liste d'anciens étudiants, par exemple -- cette activité sera visée par la loi.

Le sénateur Callbeck: Est-ce que cela s'applique aux renseignements communiqués par les universités et les établissements privés?

M. Manley: Oui. Pourquoi ne le seraient-ils pas?

Le sénateur Carstairs: Monsieur Manley, on a laissé entendre l'autre jour que les universités, du fait qu'elles étaient des établissements publics, ne seraient jamais visées par la loi. Toutefois, les établissements d'enseignement privés, du fait qu'ils sont considérés comme une entreprise commerciale, le seraient.

Mme Heather Black, conseillère juridique, Division du droit commercial, Industrie Canada: C'est peut-être à cause de moi que les choses ne sont pas claires, parce que c'est moi qui ai répondu à la question de le sénateur Callbeck lors de notre comparution, la semaine dernière. Le fait de posséder des listes d'étudiants à des fins éducatives ne constitue pas une activité commerciale. L'université possède toutes sortes de renseignements à votre sujet. Une fois vos études terminées, elle garde le contact et vous sollicite en vue d'obtenir de l'argent. Si elle vendait cette liste, elle se livrerait à une activité commerciale qui tomberait sous le coup de la loi. Toutefois, pour ce qui est des dossiers d'études, ils ne sont pas visés par la loi si les universités les conservent, ne les vendent pas ou ne les utilisent pas à des fins commerciales.

Les activités des établissements d'enseignement privés pourraient, elles, être considérées comme des activités commerciales. Cela dépend toujours des circonstances. La plupart du temps, le collège d'enseignement technique qui donne, par exemple, des cours d'informatique exerce une activité commerciale. Les dossiers des étudiants compilés dans le cadre d'une activité commerciale seraient assujettis au projet de loi. Est-ce que cela vous aide à mieux comprendre la question?

Le sénateur Callbeck: Oui.

Le sénateur LeBreton: Monsieur le ministre, j'appuie de manière générale le projet de loi C-6. On l'a souvent qualifié de projet de loi sur le commerce électronique. Il a été rédigé par Industrie Canada et le ministère de la Justice. Il est vrai que les questions touchant la protection des renseignements personnels vont vite devenir une priorité pour le public, si ce n'est pas déjà le cas.

Or, les représentants du secteur de la santé ont déclaré que ce n'est que beaucoup plus tard dans le débat que la santé est devenue un enjeu. Le représentant de l'Association pharmaceutique canadienne a laissé entendre que vos fonctionnaires, en avril de cette année, ont déclaré que le projet de loi ne visait pas le secteur de la santé. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet? Est-ce que vous et vos fonctionnaires avez essayé de répondre à ces préoccupations? Sinon, avez-vous créé un groupe de travail qui se chargera de le faire?

M. Manley: Je suis très étonné d'entendre certains des commentaires que formulent ces gens. Le projet de loi n'a pas été conçu du jour au lendemain. En tant que ministre, j'ai commencé à m'occuper de ce dossier en 1994, mais déjà en 1990 ou 1991, le gouvernement s'intéressait à la question. Le processus est amorcé depuis longtemps. Les propositions et discussions ont été nombreuses, le comité consultatif sur l'autoroute de l'information ayant lui-même fait beaucoup de travail là-dessus. Le secteur de la santé n'a pas participé à l'élaboration du code de la CSA, bien qu'il ait été invité à le faire.

Le sénateur LeBreton: Certains contestent ce que vous dites.

M. Manley: Je tiens à dire qu'il ne m'est jamais venu à l'idée de présenter un projet de loi qui exclurait les renseignements médicaux, qui doivent figurer en tête de liste des priorités des Canadiens. Si la protection des renseignements personnels est en train de prendre de l'importance aux yeux des Canadiens, alors la protection des renseignements médicaux doit venir en tête de liste.

Le sénateur Oliver: De même que les renseignements financiers.

M. Manley: Oui, de même que les résultats de nos études universitaires de premier cycle.

Le sénateur LeBreton: Les fonctionnaires ont dit que le secteur de la santé n'était pas visé par ce projet de loi. Or, vous comprenez pourquoi les travailleurs de ce secteur jugent avoir été exclus du processus d'élaboration. Ces témoins se sont fait dire par vos fonctionnaires, en avril de cette année, que le secteur de la santé ne serait pas visé par le projet de loi. Vous pouvez donc comprendre pourquoi ils sont inquiets. Qu'allez-vous faire maintenant pour répondre à ces préoccupations? Va-t-on essayer de régler les problèmes qui existent entre vos fonctionnaires et ceux de Santé Canada en ce qui concerne ce projet de loi?

M. Manley: D'abord, je suis étonné de les entendre dire des choses pareilles. Le projet de loi a été déposé en octobre 1998, après maintes discussions. Je ne vois pas comment ils aient pu si mal interpréter les propos de mes fonctionnaires et croire que le secteur de la santé serait exclu du projet de loi. Il l'est depuis le début. Nous avons d'ailleurs redéposé le même projet de loi après la prorogation. Bien entendu, certaines personnes ont peut-être commencé à avoir des réserves sur le tard, et cela constitue toujours un problème quand le processus est très long.

Nous avons essayé de nous entendre avec chacun des groupes, de voir quelles préoccupations étaient fondées, et quelles ne l'étaient pas. Par exemple, les pharmaciens m'ont dit à un moment donné qu'ils pensaient avoir besoin du consentement écrit d'un client pour pouvoir communiquer avec son médecin parce qu'ils n'arrivaient pas à déchiffrer son écriture. C'est ridicule. Il est vrai que la plupart des activités du secteur de la santé sont exclues du projet de loi parce qu'elles ne sont pas de nature commerciale. Toutefois, il n'a jamais été question d'exclure le secteur du projet de loi.

Comme je l'ai déjà mentionné, la personne qui vend des renseignements dans les autres provinces a un an pour s'adapter aux dispositions du projet de loi. Ce délai peut être serré pour certains, mais les organisations ont affirmé ne pas se livrer à ce genre d'activité. Dans ce cas-là, il ne devrait pas y avoir de problème, car elles ont quatre ans pour régler tous les détails.

Nous sommes prêts à nous entendre avec les intervenants et à jeter un coup d'oeil sur leurs pratiques. Je suis certain que M. Phillips va lui aussi vouloir le faire, afin de s'assurer que les pratiques de son organisation cadrent avec les principes énoncés dans le code. Il s'agit-là d'un processus continu. Il n'est pas nécessaire d'adopter une loi, de changer le code ou encore de modifier le projet de loi pour répondre aux exigences du commissaire à la protection de la vie privée. Il suffit tout simplement de savoir à quel moment le consentement est requis, ce qu'il faut faire pour l'obtenir, et dans quelles circonstances. Nous avons beaucoup de temps pour régler tous ces détails, sauf pour ce qui est des questions interprovinciales.

Le président: J'aimerais vous poser une question qui découle de celle du sénateur LeBreton. C'est de là, d'ailleurs, que viennent la plupart des préoccupations que ressent le comité depuis le début des audiences. Vous avez fait état, dans votre déclaration et dans vos réponses aux questions, du consensus extraordinaire qui entoure cette question. Nous n'avons jamais, le sénateur Oliver et moi, assisté à une audience où les banques et les compagnies d'assurance étaient d'accord. Vous avez accompli tout un exploit. Mis à part le secteur de la santé, aucun secteur de l'économie n'a dénoncé ce projet de loi. Tout le monde a dit de celui-ci qu'il constituait un «équilibre délicat», un «consensus intéressant», ainsi de suite. Or, il est clair, d'après tous les témoignages recueillis, que le secteur de la santé ne fait pas partie de ce consensus. En fait, il n'existe aucun consensus au sein du secteur lui-même.

Ce projet de loi est important et il faut qu'il soit mis en oeuvre sans délai, qu'il s'applique à tous ceux qui sont partie au consensus. Puisqu'il est très clair qu'il n'existe aucun consensus au sein du secteur de la santé, ne serait-il pas raisonnable de mettre en oeuvre le projet de loi immédiatement, d'accorder un délai de deux ans au secteur de la santé, et de préciser que, à défaut de meilleure solution, celui-ci s'appliquera au secteur de la santé, une fois ce délai écoulé? Deux ans, ce n'est pas long puisque, de toute façon, le projet de loi ne sera pas en vigueur la première année.

Je m'intéresse depuis des années aux questions d'intérêt commercial, et jamais je n'ai vu de cas où un secteur adoptait une position qui tranchait avec celle des autres. D'ailleurs, ce secteur est lui-même divisé. S'il l'est, c'est en partie parce que les rapports entre les secteurs public et privé sont beaucoup plus complexes dans le domaine de la santé que dans n'importe quel autre segment de l'économie canadienne.

Personne ici ne veut retarder l'adoption du projet de loi. Est-il possible d'en arriver à un compromis raisonnable entre les deux parties?

M. Manley: Ce n'est pas la première fois qu'on fait cette suggestion. Je leur ai demandé de m'indiquer quelles sont les dispositions qui posent problème, non pas dans quatre ans, mais dans un an. Or, on ne m'a fourni aucun exemple, puisque l'entrée en vigueur du projet de loi est déjà retardée de quatre ans. Pourquoi prévoir un autre délai d'un an? En vertu de l'article 30, seule la communication de renseignements pour contrepartie à l'extérieur de la province est visée, après un an. Est-ce bien cela?

Le président: Je conviens avec vous que l'incertitude, la peur de l'inconnu, le changement, ainsi de suite, sont à l'origine de plusieurs des préoccupations qui ont été formulées. Franchement, vous et vos fonctionnaires avez fait de l'excellent travail en vue de parvenir à un consensus. Je suis sérieux. C'est la première fois que je vois un tel consensus se dégager dans tous les secteurs de l'économie.

Or, comme il y a un secteur qui ne fait manifestement pas partie du consensus et qui est mécontent, je trouve étrange qu'on ne prenne pas le temps de s'entendre avec lui, au lieu de lui imposer une solution, même si certaines de ses préoccupations sont non fondées et, comme vous l'avez dit en parlant des pharmaciens, plutôt ridicules.

M. Manley: Mis à part ce que j'ai déjà dit, il ne me vient aucun exemple à l'esprit. En fait, je n'en ai vu aucun.

Par ailleurs, nous risquons d'avoir des problèmes de définition si nous commençons à dire, «Nous allons prendre un secteur et le soustraire à l'application du projet de loi pendant une autre année.» Ce changement est beaucoup plus significatif qu'on ne le croit, parce qu'il faut alors définir le secteur.

Le sénateur Finestone: J'ai discuté avec vous de la nécessité d'apporter un amendement, parce que j'ai bien du mal à faire la part des choses. Toutefois, le projet de loi, à mon avis, est nécessaire. Je m'intéresse de près à la question de la protection des renseignements personnels depuis le milieu des années 90.

Je vais vous donner deux exemples. D'abord, un chirurgien retire un carcinome basocellulaire de la joue d'un patient, une procédure qui est prise en charge par l'assurance-santé de l'Ontario. Il enlève en même temps un grain de beauté, une procédure esthétique qui n'est pas prise en charge par l'assurance- santé. Le médecin envoie ces prélèvements à un laboratoire communautaire pour qu'ils soient analysés, un acte qui, bien qu'exécuté par une société privée, est payé par l'assurance-santé de l'Ontario. Les services qui excèdent le niveau de financement maximal ne sont pas remboursés.

Est-ce que le projet de loi C-6 s'applique au service non assuré offert par un médecin? Est-ce qu'il s'applique à la communication de renseignements au laboratoire communautaire, si ce dernier offre un service remboursé par l'assurance-santé de l'Ontario ou seulement s'il dépasse le maximum? Cet exemple figure à la page 4 du mémoire du ministère de la santé et des soins de longue durée de l'Ontario, qui a participé activement au débat, surtout aujourd'hui.

Je sais, monsieur Manley, que vous avez souvent parlé, dans l'autre endroit, de l'importance des intrants et des extrants. Ce sont des termes militaires ou commerciaux qu'on applique au secteur de la santé. Je vais maintenant passer à l'exemple suivant.

Le président: Je suis content d'en avoir un seul.

Le sénateur Finestone: D'autres groupes nous ont dit que les renseignements des recherches et des essais en laboratoire, et les renseignements relatifs aux patients sont deux choses bien différentes. Cela veut dire que les médecins et les patients ont de la difficulté à comprendre l'impact de la loi, et que les administrateurs d'hôpitaux ont de la difficulté à comprendre le champ d'application de la loi.

Le deuxième exemple que je voulais vous donner à trait aux laboratoires privés, aux cliniques de dialyse, ainsi de suite, aux pharmaciens et à leurs responsabilités. Cet exemple figure au bas de la même page.

Je veux tout simplement porter ces exemples à votre attention. Je ne m'attends pas à recevoir une réponse. Je tiens également à vous dire que nous recevons beaucoup de courrier électronique, d'appels, de télécopies et de lettres. J'aimerais attirer votre attention sur un article qui a paru dans le Times-Transcript de Moncton . On y voit une photo d'un médecin qui est en train d'examiner le dossier d'un patient à l'ordinateur, à l'hôpital de Moncton. C'est sur la première page de l'édition d'aujourd'hui. L'article invite le lecteur à imaginer que les renseignements médicaux le concernant sont rendus public, communiqués à son employeur, évalués par les institutions financières quand il fait une demande en vue d'obtenir une assurance-vie ou un prêt. L'article cite M. Winston Dykeman, qui a déclaré, en substance, que le code défini par le projet de loi sert uniquement à réglementer la vente de nourriture pour chiens ou autres activités commerciales... Parmi tous les renseignements qui sont recueillis, il n'y a rien de plus important et de plus hautement confidentiel que les renseignements médicaux nous concernant.

Je pourrais continuer. Nous savons tous que les données relatives à certains groupes font état de différences, d'aberrations, de cas uniques. Les personnes atteintes d'Alzheimer ou les membres de la famille ont déjà souffert de maladies du coeur ou de cancer sont regroupées dans des catégories précises.

Il se peut qu'une personne ne soit pas porteuse de cette information génétique ou ne souffre pas d'une de ces maladies à ce moment-ci, mais qu'elle figure dans ce groupe. Or, ces renseignements pourraient avoir un impact sur sa demande d'emploi ou d'assurance. Ils pourraient également influencer la décision d'un conjoint éventuel.

Ces répercussions sont graves. Je ne sais pas. Les gens attendent avec impatience de connaître vos réponses à ces questions, pour que le commissaire à la protection de la vie privée et les fonctionnaires de votre ministère puissent leur fournir les éclaircissements nécessaires. Est-ce que ce code s'applique uniquement à la vente de nourriture pour chiens, ou est-ce qu'il s'applique à nous? Voilà la question qu'on se pose.

M. Manley: Je n'ai pas vu l'article en question, mais je trouve ça tellement ridicule qu'il m'est difficile de répondre. Si c'était si important, pourquoi retarder le processus?

Le sénateur Finestone: Excusez-moi, monsieur le ministre, mais si je me fais avorter, je ne veux pas qu'on le sache. Autrement, je me chargerais de le dire moi-même. Or, ce renseignement figurera à mon dossier, et je ne veux pas qu'il y figure parce que je vais postuler un emploi.

M. Manley: Pourquoi ne voudriez-vous pas que les renseignements soient protégés?

Le sénateur Finestone: Je ne veux peut-être pas que mon employeur sache qu'il y a eu des cas de cancer dans ma famille.

M. Manley: Je ne comprends pas. Il me semble que nous essayons de proposer un projet de loi qui empêcherait les organisations de communiquer des renseignements. Il n'y a pas de loi à l'heure actuelle qui vous accorde une protection. Excusez-moi, si vous vivez au Québec, vous bénéficiez d'une protection. Mais ailleurs, il n'y en a pas.

Je demande qu'on me fournisse des exemples. Encore une fois, quatre ans, c'est beaucoup. Les avocats peuvent poser toutes les questions qu'ils veulent. Nous aussi. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de réponses. Nous avons quatre ans pour régler tous ces détails. Je ne vois pas, dans cet exemple de la page 4, une preuve qu'une organisation communique des renseignements pour contrepartie à l'extérieur de la province.

Le projet de loi ne sera pas appliqué avant quatre ans. Ne peuvent-ils pas déterminer, en quatre ans, ce qui advient d'un prélèvement de carcinome? Mon Dieu! Il est question ici de renseignements qui sont importants. Nous voulons créer un cadre à l'intérieur duquel nous pouvons protéger ces renseignements.

Le sénateur Finestone: J'aurais pu choisir des exemples différents. Je ne savais pas que vous alliez demander qu'on en fournisse. Je voudrais maintenant passer à ma dernière question, qui porte sur les normes de l'OCDE et de l'Union européenne. Je sais qu'il est important et essentiel pour le Canada de participer au commerce mondial, de bénéficier du genre de protection qui a presque empêché les États-Unis d'obtenir un contrat intéressant de l'Allemagne.

Votre sous-ministre a dit que le projet de loi s'inspire du modèle de l'OCDE, qu'il accorde une protection adéquate. Or, ce n'est pas le cas. Il offre une protection moindre sur plusieurs plans. D'abord, il ne prévoit pas de cadre distinct pour la protection de renseignements de nature délicate, tels ceux portant sur la santé, comme le fait la directive de l'UE. Bien entendu, ce modèle repose sur une approche différente, une approche commerciale, sauf que vous l'appliquez au secteur de la santé. Deuxièmement, contrairement à la directive de l'UE, il ne prévoit pas de règles précises concernant les récipiendaires de renseignements personnels. Troisièmement, il ne vise que la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels par les organismes qui se consacrent à des activités commerciales, et passe sous silence tous les autres dépositaires de renseignements personnels, contrairement à la directive de l'UE.

Par ailleurs, tous les pays membres de l'UE, du moins l'Allemagne et les Pays-Bas, se sont attaqués au deuxième volet que vous avez mentionné. Ils ont établi un cadre adapté au secteur de la santé. Le président vous a déjà posé une question à ce sujet. Compte tenu du caractère délicat de la question, pensez-vous être en mesure, à tout le moins, de régler le problème par le biais d'un groupe de travail fédéral-provincial-territorial, et en encourageant le ministère de l'Industrie à collaborer de près avec celui de la Santé? Existe-t-il un moyen de régler cette question très délicate?

M. Manley: La protection de ces renseignements relève essentiellement de la compétence des provinces. Or, nous attendons depuis longtemps qu'elles interviennent dans ce domaine.

Le sénateur Finestone: Je suis d'accord avec vous.

M. Manley: Mis à part le Québec, aucune autre province n'a adopté de loi dans ce domaine. Si le projet de loi les incite à en adopter une, alors tant mieux.

Le sénateur Finestone: Et sinon?

M. Manley: Il y a certaines questions auxquelles elles devront s'attaquer, dont l'échange de renseignements entre médecins. Les provinces peuvent légiférer dans ce domaine si elles le désirent.

Comme je l'ai déjà mentionné, je ne vois pas pourquoi nous devrions accorder un délai d'un an au secteur, alors que la plupart des questions qui le concernent ne seront pas visées par le projet de loi avant quatre ans. La communication de renseignements pour contrepartie à l'extérieur de la province est visée par le délai d'un an. On ne m'a fourni aucun exemple de cas où ce genre de communication poserait problème et justifierait la suspension du projet en attendant qu'on trouve un libellé adéquat pour expliquer pourquoi il s'avère nécessaire d'accorder un délai d'un an au secteur.

Le sénateur Finestone: Je ne veux pas d'un tel délai.

M. Manley: Si un problème se pose -- et je doute que cela se produise -- on ne parviendra pas à le régler en accordant au secteur un délai additionnel d'un an. S'il y a un problème, il va se manifester dans les quatre ans. Je ne vois pas ce que nous apporterait ce délai d'un an. Cela ne ferait que compliquer les choses, puisqu'il faudrait trouver un libellé pour expliquer pourquoi un tel délai s'avère nécessaire.

[Français]

Le sénateur Gill: Le projet de loi C-6 est nécessaire pour exercer un contrôle sur le commerce électronique. Il vaux mieux avoir un projet de loi comportant des faiblesses que de ne rien avoir.

Ma question concerne les autochtones. Vous connaissez sans doute la situation des autochtones. Sur le plan médical, il y a deux ou trois façons de traiter les autochtones. Il y a les médecins qui travaillent à l'acte, choisis par les individus et ceux qui sont engagés par la Santé nationale. Je ne pense pas que ces médecins travaillent à l'acte; j'ai l'impression qu'ils sont salariés. Les renseignements sont transmis, recueillis et colligés à la Santé nationale. Dans le passé, beaucoup de renseignements ont été divulgués pour toutes sortes de raisons, y compris les renseignements ayant trait à la santé ou à d'autres domaines.

La Loi sur l'accès à l'information s'applique-t-elle dans le cas d'actes médicaux transmis à l'hôpital et non transmis au fédéral? La Loi sur l'accès à l'information a-t-elle préséance lorsqu'il s'agit de transmettre des informations?

Dans le cas des universités, les chercheurs collectent leurs renseignements auprès du gouvernement et font de la recherche et publient des publications. Quelle loi s'applique dans ce cas?

M. Manley: Premièrement, si l'information va à Santé Canada ou au ministère de la Santé, c'est sous la juridiction de la Loi sur la protection de la vie privée. Deuxièmement, si des informations sont vendues au milieu commercial, la loi C-6, si adoptée, serait applicable. Dans le cas de Roberval, c'est sous la juridiction de la protection de la loi québécoise.

Le sénateur Gill: C'est la loi québécoise qui s'applique dans ces cas?

M. Manley: Dans le cas de Roberval, oui, c'est la loi québécoise. Selon le projet de loi C-6, une exemption est prévue pour la recherche, c'est-à-dire avec l'avis au commissaire de la protection de la vie privée.

Le sénateur Gill: Même si les médecins travaillent pour la Santé nationale, c'est sous juridiction provinciale?

M. Manley: Oui.

Le sénateur Gill: Même si les médecins ont été engagés par la Santé nationale?

M. Manley: Dans le cas du transfert des informations à Santé Canada, c'est la Loi sur la protection de la vie privée qui s'applique. Lorsque le médecin travaille dans la région, même s'il est payé par le gouvernement fédéral, il est sous la juridiction de la loi québécoise.

[Traduction]

Le sénateur Keon: Monsieur le président, vous avez déjà soulevé la question que je voulais poser. Le sénateur Finestone a utilisé les exemples que je voulais invoquer. Je serai donc très bref.

Monsieur le ministre, j'aimerais revenir sur ce point. Si vous posez la question aux professionnels de la santé, la plupart vont vous dire que ce projet de loi est nécessaire, qu'il arrive à point nommé, qu'il aurait dû être déposé il y a longtemps. Nous sommes heureux de l'avoir, sauf qu'il contient certaines lacunes.

Ce matin, vous avez dit qu'ils n'ont pas vraiment de problème parce qu'ils ont quatre ans pour régler tous les détails. Il semble y avoir absence de communication entre le ministère de l'Industrie et le secteur de la santé. Comme vous le savez très bien, la situation était encore plus grave il y a quelques années. Vous avez fait de l'excellent travail, de concert avec le ministre de la Santé, pour approcher les parties. Des progrès importants ont été réalisés dans le domaine de la commercialisation de la science, ainsi de suite.

Or, il continue d'y avoir manque de communication. Je vous écoute et j'écoute les commentaires du secteur de la santé, et je constate que vous ne vous comprenez pas. Vous dites que le secteur n'a pas vraiment de problèmes et que s'il en a, il a quatre ans pour les régler. Il doit y avoir un moyen, si vous tenez compte de ce qu'a dit le président, de rapprocher encore davantage les parties afin de tirer le maximum de ce projet de loi.

M. Manley: J'espère que ce moyen existe et que nous ne serons pas obligés de retarder l'entrée en vigueur du projet de loi.

Le sénateur Murray: Je voudrais revenir au commentaire du sénateur Keon. Il est vrai que, pendant quelque temps, nous avons eu de la difficulté à nous comprendre. Nous avons rencontré, au cours des derniers jours, de nombreux témoins, y compris des groupes d'intérêt, qui appuient le projet de loi, plus récemment, MM. Dodge et Phillips.

Ils nous ont dit que les critiques formulées par le secteur de la santé à l'égard du projet de loi sont très vagues et imprécises, qu'ils préféreraient que les témoins fournissent des exemples concrets. Vous avez plus ou moins dit la même chose aujourd'hui.

Je ne compte pas tous les passer en revue, mais les papillons jaunes que vous voyez ici renvoient à des exemples que nous a fournis Sharon Sholzberg-Gray, de la Canadian Health Care Association, qui représente les hôpitaux. Mme Sholzberg-Gray a déclaré que ce projet de loi nous empêcherait de recueillir les renseignements dont nous avons besoin pour fournir des soins de qualité. Elle fait allusion à la collecte de renseignements par le secteur privé des soins de santé, et elle en parle de façon assez détaillée.

Il y a toutefois un organisme sur lequel j'aimerais attirer votre attention, et il s'agit du Conseil canadien d'agrément des services de santé, qui accrédite les hôpitaux et tous les autres établissements de soins de santé. Il a analysé l'impact que pourrait avoir le projet de loi sur leurs services. Il s'occupe de vérifier les dossiers médicaux, les procès-verbaux des comités responsables de la qualité des soins de santé, les plaintes des patients, tout ceci dans le cadre du processus d'agrément, afin de s'assurer que l'établissement mérite toujours son certificat d'agrément. Or, le Conseil est convaincu que ce projet de loi va l'empêcher d'effectuer son travail.

Vous avez proposé un délai d'un an pour l'application des dispositions qui ont un volet interprovincial et international, et un délai de quatre ans pour l'application des dispositions qui ont un volet intraprovincial. M. Dodge a laissé entendre que lui et son ministère étaient prêts à collaborer avec le secteur de la santé en vue d'apporter des modifications au projet de loi, après qu'il aurait reçu la sanction royale, mais avant qu'il ne soit promulgué. Ce n'est pas comme ça qu'il faut faire. Nous devons procéder de façon ordonnée afin de produire un bon projet de loi, un projet de loi qui s'attaque aux objections formulées par ce secteur.

M. Manley: Dans les exemples que vous citez, il est difficile pour moi de comprendre pourquoi, si un patient dépose une plainte qui fait l'objet d'une enquête, on ne peut pas assimiler cela à un consentement tacite, voire explicite.

Le sénateur Murray: Le comité d'agrément examinerait le processus de traitement des plaintes mis sur pied par l'hôpital. Or, il soutient que ce projet de loi l'empêcherait de le faire.

M. Manley: L'organisme d'agrément examine les dossiers de l'hôpital afin de voir comment l'établissement traite les plaintes. Comment pourra-t-on déposer une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée, sur la base du projet de loi C-6?

Le sénateur Murray: Je ne sais pas.

M. Manley: Moi non plus. Voilà pourquoi j'ai de la difficulté à comprendre toutes ces objections. Il n'est pas question ici de transaction commerciale ou de communication de renseignements pour contrepartie.

Le sénateur Murray: Il est question de transaction commerciale, monsieur le ministre, parce qu'on part du principe que le conseil d'agrément est payé pour les services qu'il fournit.

M. Manley: S'agit-il d'un organisme du secteur privé ou public?

Le sénateur Murray: Les deux. Il s'agit d'un organisme d'agrément national et indépendant, qui travaille pour les établissements de soins de santé au Canada, aussi bien publics que privés. Il embauche des consultants. S'il veut délivrer un certificat d'agrément à un hôpital, ou maintenir celui-ci, il doit pouvoir examiner les dossiers médicaux, les dossiers des patients, les procès-verbaux des réunions du personnel médical, et de nombreux autres documents. Or, il affirme que le projet de loi l'empêchera de remplir son mandat.

Les questions qu'ils soulèvent, en tant que professionnels au sein d'un organisme qui a un rôle important à jouer dans le secteur de la santé, doivent être réglées.

M. Manley: Je ne sais pas combien de personnes ont abordé le sujet avec moi, mais quand je leur demande de me donner un exemple concret, on se rend compte que le problème n'est pas insurmontable.

Le sénateur Murray: Je ne prétends pas, et vous ne pouvez pas prétendre, en savoir plus qu'eux. Nous devons les prendre au sérieux.

M. Manley: Bien entendu, je ne prétends pas en savoir plus qu'eux. Le projet de loi a été déposé en octobre 1998. Bon nombre de ces objections ont été formulées sur le tard. De plus, bon nombre d'entre elles visent les provinces. Un délai de quatre ans est prévu si, en fait, la province n'adopte pas de loi en ce sens.

Nous essayons avant tout d'établir une norme pour la protection des renseignements personnels. Il s'agit-là d'un principe important, un principe pour lequel je suis prêt à me battre parce que nous essayons de faire du Canada le pays le plus branché au monde. Le Canada doit tirer parti de la technologie de l'information et des communications et l'utiliser de façon avantageuse. Nous devons établir un cadre de protection des renseignements qui inspire confiance. Nous savons que cette question va devenir un enjeu très important.

On peut peut-être nous reprocher d'avoir créé un cadre qui prévoit un délai de quatre ans, mais pas de procéder trop vite.

Si vous jetez un coup d'oeil sur les exemples qui ont été fournis, vous allez constater que ce sont ceux dont les pratiques portent atteinte à la protection de la vie privée qui auront des problèmes. Ils vont être confrontés à certaines difficultés administratives parce qu'ils seront obligés de demander le consentement de leurs patients. Je ne crois pas que ce soit une mauvaise chose.

Le délai de quatre ans nous donne le temps de traiter chaque cas individuellement, d'examiner tous ces exemples, de consulter le commissaire à la protection de la vie privée, afin de déterminer si certains de ces problèmes sont effectivement insurmontables. Quatre ans, c'est beaucoup. Nous avons tout le temps voulu pour agir.

Si nous disions, «Prenons le temps d'y penser jusqu'en février», nous ne réglerions aucun problème au cours de cette période. Le délai qui accompagne le projet de loi nous donnera le temps d'examiner à fond tous les problèmes, de déterminer s'il est possible de les régler en modifiant les pratiques au sein des diverses professions, ou si nous devons réexaminer le code afin de nous assurer qu'il réunit les critères nécessaires qui permettront d'assurer son efficacité. Nous ne pourrons obtenir les réponses à ces questions sans ce projet de loi.

La séance est levée.


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