Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 9 - Témoignages du 5 décembre
OTTAWA, le mercredi 5 décembre 2001
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 17 h 58 pour examiner l'accessibilité, l'éventail et la prestation des services, les problèmes liés aux politiques et aux compétences, l'emploi et l'éducation, l'accès aux débouchés économiques, la participation et l'autonomisation des jeunes, et d'autres questions connexes.
Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Soyez les bienvenus à la séance du Comité permanent des peuples autochtones.
Avant que nous entreprenions notre travail, j'ai donné aux témoins un peu d'information sur nos activités et sur le contenu de ce plan d'action et de changement. Leur participation est très importante afin que nous sachions exactement ce qui se passe. Nous tenons à repérer les lacunes dont nous avons entendu parler. Certains des organismes peuvent nous aider à le faire.
Mme Judith LaRocque, sous-ministre déléguée, ministère du Patrimoine canadien: M. Moyer et moi sommes accompagnés ce soir de la personne qui connaît vraiment tout de ce programme, Mme Audrey Greyeyes, notre agente de planification et de politiques. Nous allons nous en remettre à elle si nous ne réussissons pas à bien répondre à vos questions.
Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous rencontrer pour vous parler de ce que nous faisons actuellement au ministère du Patrimoine canadien. Notre exposé vous permettra d'obtenir des renseignements sur nos activités touchant les jeunes Autochtones. Je suis consciente que vous avez peut-être un plus vaste horizon, mais nous avons décidé de faire le point avec vous sur l'objectif que nous révèle votre lettre, soit de connaître les principales initiatives de notre ministère relatives aux jeunes Autochtones vivant en milieu urbain.
Nous administrons trois programmes à cet effet: le Programme des centres d'amitié autochtones, l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones que nous appelons l'ICUPJA pour faciliter les choses, et le programme Jeunesse Canada au travail pour les jeunes Autochtones en milieu urbain.
L'élément essentiel du mandat du Patrimoine canadien est d'encourager les citoyens à participer à la société canadienne. Le Programme sur les Autochtones nous permet d'exécuter ce mandat en favorisant la participation des Autochtones à la société canadienne. Entre autres choses, cela peut vouloir dire leur permettre de définir et de concevoir des solutions à des problèmes qui ont des répercussions sur leur vie culturelle.
Les programmes du Patrimoine canadien s'adressent à tous les Autochtones, c'est-à-dire les Premières nations, les Indiens non reconnus, les Métis et les Inuits. Les programmes portent surtout sur les collectivités autochtones vivant hors-réserve. La Direction générale des peuples autochtones du Ministère compte 11 programmes touchant entre autres la représentation, les communications et les langues, les femmes, les jeunes et les programmes urbains. En outre, d'autres programmes ministériels comportent des composantes portant sur des enjeux autochtones comme le sport amateur ou nos industries culturelles, de même que les arts et les questions patrimoniales.
Nos portefeuilles - et ils sont nombreux - comptent également des programmes spécifiquement destinés aux peuples autochtones. Je peux laisser la liste de ces programmes aux membres du comité.
[Français]
Nous savons que Statistique Canada et d'autres experts ont déjà présenté au comité leur point de vue sur le profil démographique et géographique de la communauté autochtone en général, et des jeunes autochtones en particulier. Cependant, il importe de souligner ici, qu'en règle générale, la population autochtone est une jeune communauté.
En effet, 62 p. 100 sont âgés de moins de 30 ans et 53 p. 100 ont moins de 25 ans. En outre, le taux de croissance de la population autochtone est plus du double que celui du Canada.
Les jeunes autochtones vivent en majorité sur les réserves. Le pourcentage mentionné ici inclut les jeunes des Premières nations qui vivent en réserve. À la page 5, le pourcentage de 71 p. 100 inclut les jeunes des Premières nations. Ils vivent en majorité dans des centres comptant une population de mille ou plus, ce qui tombe dans le champ d'application de l'initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes autochtones. Le plus grand nombre vit dans l'Ouest et compte pour une plus grande proportion de la population des villes dans cette région.
[Traduction]
Je vous invite à aller à la page 6 des documents, vous y verrez les 24 régions métropolitaines de recensement.
La présidente: Avant que vous ne continuiez, puis-je vous poser une question? Ce document indique qu'environ 71 p. 100 des Autochtones vivent hors-réserve. Incluez-vous les Métis et les Inuits dans ces statistiques?
Mme LaRocque: Oui. Poursuivons, en page 6, les 24 régions métropolitaines de recensement sont définies ici comme des villes comptant une population de 100 000 habitants ou plus où l'on trouve une population autochtone. De ces 24 régions, les neuf villes à l'ouest de Sudbury indiquent un pourcentage important de jeunes Autochtones déclarés. Il est remarquable de constater qu'à partir de Sudbury, il y a des jeunes Autochtones déclarés. C'est là où la majorité des programmes autochtones seront appliqués.
Actuellement, le Patrimoine canadien est l'un des trois grands programmes stratégiques destinés aux jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. Le Programme des centres d'amitié autochtones investit 14,6 millions de dollars par an pour offrir un soutien opérationnel aux centres d'amitié et à l'Association nationale des centres d'amitié, qui est leur groupe de coordination. L'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones, quant à elle, investit annuellement 23 millions de dollars dans des programmes destinés aux jeunes vivant en milieu urbain. Le programme Jeunesse Canada au travail consacre 1,5 million de dollars par année pour offrir aux jeunes Autochtones en milieu urbain une expérience de travail estivale dans les centres d'amitié.
Au total, le Ministère investit quelque 40 millions de dollars par année dans les programmes destinés aux jeunes Autochtones en milieu urbain. Je tiens à souligner que ces programmes sont administrés par des organismes autochtones indépendants.
Ces centres d'amitié autochtones, premier pilier des trois programmes, sont à l'origine de l'interaction entre le gouvernement fédéral et la communauté autochtone vivant en milieu urbain. Au milieu des années 1950, les centres étaient d'abord des services d'aiguillage. Dans les années 1970, ils étaient devenus un outil essentiel d'application des programmes fédéraux et des lieux de rencontre pour les activités d'information du gouvernement fédéral et des autres gouvernements. Ils permettaient également au gouvernement d'obtenir des données et des renseignements sur les peuples autochtones vivant en milieu urbain qu'il n'était pas toujours facile d'obtenir en recourant aux sources normales de collecte.
[Français]
Ce qui a fait la force des centres d'amitié, ce sont les membres de leur conseil d'administration, leurs employés et leurs bénévoles. Les jeunes font partie intégrante de tout centre d'amitié et les centres d'amitié jouissent d'une forte participation des jeunes autochtones. De nombreux jeunes obtiennent leur première expérience de travail dans des centres d'amitié. Les jeunes participent à plusieurs activités bénévoles.
[Traduction]
Le Programme des centres d'amitié autochtones, ou le PCAA, est géré et administré par l'Association nationale des centres d'amitié dans le cadre d'une entente quinquennale de transfert. Nous en sommes actuellement à la première année d'une deuxième entente de ce genre. Cette entente est le fruit d'une proposition de l'Association nationale des centres d'amitié et de ses membres qui se sont engagés à effectuer la gestion du programme. Comme je l'ai dit, l'entente offre annuellement 14,6 millions de dollars de financement de base pour venir en aide à 99 centres et à l'Association nationale.
À l'instar de tous les programmes fédéraux et à la suite de l'examen des programmes, celui-ci a fait l'objet de compressions budgétaires dans les années 1990. Malgré un financement réduit, l'ANCA a maintenu le réseau initial des 99 centres. Et 18 autres centres non financés réussissent à demeurer actifs grâce à l'apport généreux des bénévoles et au financement des projets, et grâce à une subvention provisoire de près de 900 000 dollars qui leur a été accordée cette année par Patrimoine canadien.
[Français]
Cette année, la trousse d'information de l'ANCA sur les centres d'amitié révèle que seulement 20 p. 100 du budget d'exploitation de ces centres vient des programmes fédéraux. L'ANCA signale également que le bassin estimatif de ces bénévoles s'établit à 11 200, qu'elle accueille chaque jour un nombre estimatif de 7 250 clients par jour et qu'elle compte sept catégories de programmes et de services. L'évaluation et la gestion de l'administration de l'entente de transfert par l'ANCA s'est révélée positive.
[Traduction]
Comme vous pouvez le voir, leurs statistiques sont impressionnantes. Ils comptent 11 200 bénévoles et reçoivent en moyenne 7 250 clients par jour. Les évaluations en sont venues à la conclusion qu'ils administrent le programme de façon remarquable.
Mais d'autres problèmes se posent toujours. Les centres d'amitié ont toujours le même budget malgré la croissance de la population autochtone en milieu urbain. Partenaires importants du gouvernement fédéral en milieu urbain, les responsables du programme assument de plus en plus de responsabilités et doivent faire face à une charge de travail de plus en plus lourde. Dix-huit centres n'ont aucun financement permanent. On ne comprend pas encore tout le travail que doivent faire les centres d'amitié. On trouve beaucoup d'information dans les rapports, mais un examen exhaustif de cette information n'a jamais été entrepris.
Nous sommes en train d'établir un cadre de responsabilité de gestion axée sur les résultats avec l'Association nationale des centres d'amitié dans le but d'avoir une idée globale de ce que l'on ne connaît actuellement que partiellement. Nous sommes convaincus que cela nous permettra de comprendre davantage la nature des enjeux.
[Français]
Les membres de l'ANCA et de ses CAA ont clairement établi ce dont ils ont besoin pour élaborer des programmes et des projets qui peuvent efficacement répondre aux préoccupations des jeunes autochtones en milieu urbain. Plus précisément, il faut, selon eux, la participation des jeunes à la conception, à la planification et à la mise en 9uvre des programmes, la participation active et prévenante de la communauté, la création de capacités et le développement du leadership chez les jeunes. Nous sommes entièrement d'accord avec eux.
[Traduction]
Cela nous amène à une question qui intéresse particulièrement le comité, l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones, soit la principale initiative fédérale destinée aux jeunes Autochtones en milieu urbain.
Le budget de ce programme est de 100 millions de dollars sur cinq ans. Il est centré sur les centres urbains hors-réserve, c'est-à-dire les centres contenant une population de 1 000 habitants ou plus, dont nombre d'entre eux ont également des centres d'amitié. À l'instar de nos autres initiatives, ce programme s'adresse aux Premières nations, aux Indiens non reconnus, aux Métis et aux Inuits en milieu urbain. Certains projets portent sur les jeunes de moins de 15 ans, cherchant à obtenir l'appui des pairs grâce à des activités comme le sport, les loisirs et les initiatives culturelles dans le but d'encourager les jeunes à rester à l'école, à être fiers d'eux-mêmes et à renforcer leurs capacités. Cette initiative n'est qu'un élément de la solution pouvant répondre aux besoins de nos jeunes Autochtones en milieu urbain. Le succès de ces initiatives est tributaire d'une approche horizontale et de l'établissement de partenariats.
Le premier objectif de ce programme est d'améliorer les perspectives personnelles, économiques et sociales des jeunes Autochtones en milieu urbain. Pour y parvenir, les projets doivent être pertinents sur le plan culturel, axés sur la collectivité, accessibles et porteurs de réalisations. Les activités entreprises dans le cadre de ces projets portent sur des choses comme le parachèvement des études, l'emploi, les problèmes de gangs et de violence, la culture et le patrimoine ainsi que le soutien des activités culturelles et sportives. Ces activités permettent aux jeunes d'avoir confiance en eux et les aident à acquérir les compétences et l'encouragement dont ils ont besoin. Notre approche est d'élaborer un réseau et une infrastructure solides, pris en charge par les jeunes Autochtones, de mobiliser leurs propres collectivités et d'obtenir la collaboration et le soutien d'une vaste gamme d'autres partenaires.
Nous avons tenu plusieurs réunions avec les jeunes Autochtones durant les phases de conception et d'élaboration de cette initiative. Ce sont les jeunes eux-mêmes qui ont fixé les six priorités qu'ils attendent du programme, que l'on trouve à la page 16, soit: le parachèvement des études; l'employabilité; le développement personnel; l'éducation; la sensibilisation en matière de santé; les sports et les loisirs, et l'art et la culture. Cependant, les jeunes Autochtones ont clairement exprimé qu'un seul thème sous-tend ces priorités, à savoir la nécessité de se réapproprier et de valoriser leur patrimoine autochtone.
La mise en 9uvre de l'ICUPJA a nécessité l'adoption d'une approche souple pour tenir compte des réalités différentes que l'on trouve dans les centres urbains partout au Canada. Nous avons deux modèles. Soixante sept pour cent des programmes sont administrés par des organismes autochtones et dans 33 p. 100 des cas, c'est le ministère du Patrimoine canadien, mais dans six villes de l'Ouest seulement et sous la direction des conseils consultatifs des jeunes Autochtones. Il y a 14 organismes autochtones responsables de l'administration des programmes et sept conseils consultatifs des jeunes Autochtones qui travaillent aux mêmes fins.
Grâce à l'ICUPJA, nous avons réussi à obtenir le soutien additionnel de tous les paliers de gouvernement et à favoriser la coopération et l'établissement de liens entre les prestataires de services autochtones et non autochtones. L'Initiative se veut un catalyseur, elle aide à réunir les partenaires principaux et à renforcer leurs activités.
[Français]
Nous sommes heureux de pouvoir vous dire que les résultats sont très positifs à ce jour. Nos partenaires de prestations de programmes autochtones, comme ceux de notre propre ministère, nous présentent des rapports donnant un aperçu de ce qui se passe dans les communautés qu'ils desservent. Le ministère a signalé qu'environ 200 organismes de services locaux, et principalement autochtones, sont financés par ce programme. Les projets reflètent clairement les priorités établies par les jeune autochtones et quelque 10 000 jeunes participent chaque année au projet appuyé dans le cadre de l'initiative.
[Traduction]
Nous avons élaboré un cadre d'évaluation de l'ICUPJA en collaboration avec nos partenaires, travaillant d'arrache-pied pour atteindre les buts de nos partenaires autochtones, dont l'objectif était qu'ils soient simples et clairs pour les deux parties. L'évaluation portera sur l'approche adoptée par l'Initiative, et les rédacteurs du cadre d'évaluation tenaient particulièrement à respecter la culture et les perspectives à long terme. Cette évaluation sera entreprise en collaboration avec nos partenaires et achevée en juin 2002. Entre-temps, une évaluation interne des dossiers du projet de l'ICUPJA est en cours.
Le dernier programme dont nous voulons vous parler aujourd'hui est le programme Jeunesse Canada au travail pour les jeunes Autochtones en milieu urbain. Il s'agit d'un des quatre éléments financés grâce aux 10 millions de dollars que reçoit le ministère du Patrimoine canadien dans le cadre de la Stratégie emploi jeunesse pour des initiatives d'expérience de travail estival. On met l'accent sur le travail étudiant, mais les jeunes chômeurs autochtones en milieu urbain âgés de 15 à 24 ans peuvent également y participer. Les centres d'amitié, le Conseil des jeunes Autochtones, les associations provinciales-territoriales et l'ANCA offrent des possibilités de travail estival dans un milieu favorable à l'épanouissement culturel.
[Français]
De nombreux cas de réussites ont été rapportés au cours des six années d'activité du programme. Des anecdotes témoignent de ces réussites. Par exemple, un participant de Prince George qui comptait peu d'années d'expérience de travail après des études collégiales a été recruté par le centre d'amitié et est devenu directeur de la section de l'emploi. Nous avons entendu beaucoup d'histoires de ce genre au cours des six dernières années. Nous soulignons que les emplois d'été sont liés, en grande partie, à des activités estivales pour les jeunes et les enfants dans les domaines des loisirs, des sports, des camps culturels et à l'entraide entre les jeunes sur les questions reliées aux soins prénataux et au mieux-être.
La diapositive à la page 22 porte sur la conception et l'élaboration des programmes. Pour les populations autochtones en milieu urbain, les centres d'amitié autochtones devraient constituer un élément clé de la conception, de l'élaboration et de la prestation de programmes. Ils sont d'importants outils de réseautage tant aux paliers autochtone que non autochtone. Cela vaut pour l'élaboration et la prestation des programmes, et les partenaires autochtones comme les administrateurs de programmes du gouvernement doivent collaborer.
[Traduction]
Voilà les leçons que nous avons apprises concernant le développement et le renforcement des capacités des jeunes, et sur l'élaboration et la conception de programmes et d'initiatives à leur intention. Selon les jeunes, l'inclusivité, cela veut dire inclure tous les Autochtones, c'est-à-dire les jeunes des Premières nations, les jeunes Indiens non reconnus, les jeunes Métis et Inuits. Cela veut dire que les programmes sont effectivement appliqués dans la collectivité et qu'ils sont administrés de façon à n'exclure aucun groupe de jeunes. Les jeunes craignent que les solutions proposées pour régler leurs problèmes ne deviennent politisées dans les cadres représentatifs actuels, même s'ils reconnaissent effectivement le caractère culturel distinct et légitime de certains groupes autochtones.
Nous savons que l'augmentation constante des jeunes Autochtones nous obligera à améliorer nos programmes. Nous devrons obtenir suffisamment de ressources pour le Programme des centres d'amitié autochtones, l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones et Jeunesse Canada au travail pour les jeunes Autochtones en milieu urbain. Il faudra que nous continuions de prendre des risques en ce qui a trait à la conception des programmes et nous devrons nous assurer de pouvoir mesurer les résultats à l'aune de cette approche. En outre, nous devrons poursuivre les partenariats dans toutes nos activités. À long terme, nous croyons que cette information sera utile pour concevoir des programmes et des initiatives plus efficaces.
Le sénateur Johnson: Merci de ce compte rendu exhaustif qui répond à nombre de mes questions. À votre avis, dans quelle mesure ces programmes réussissent-ils à renforcer l'identité culturelle dans les centres urbains? Je suis de Winnipeg, je connais donc assez bien ce qui se passe dans cette région. J'ai été moi-même témoin de certains succès et de certains échecs. À votre avis, quelle est l'efficacité des programmes que vous avez passés en revue avec nous aujourd'hui?
Mme LaRocque: Actuellement, nous avons surtout des données non scientifiques, parce que nous n'avons pas terminé notre évaluation, et elles sont assez positives. Les jeunes Autochtones jouent un rôle clé dans l'établissement des priorités et participent aux conseils de surveillance. C'est excellent pour renforcer les capacités. Ils apprennent aussi comment administrer un programme. L'orientation est positive, selon nous.
M. Norman Moyer, sous-ministre adjoint, Identité canadienne, ministère du Patrimoine canadien: Ces programmes nous aident seulement à régler certains problèmes qui existent dans les grands centres urbains. Je ne suis pas un spécialiste de Winnipeg, mais j'ai visité nos bureaux là-bas et je me suis entretenu avec les gens qui y travaillent. Winnipeg compte une société autochtone vaste et très complexe. Ses racines sont diverses et certaines des organisations existent depuis longtemps.
Nous sommes encouragés par le fait que dans plusieurs villes actuellement, on constate une volonté croissante de la part de groupes municipaux, provinciaux, fédéraux et autochtones de travailler ensemble à l'élaboration d'un modèle commun de services. Mais ce n'est pas suffisant. Nous devons aller plus loin dans le sens de cette coordination regroupée sous un même toit.
Là où nous agissons de façon plus dynamique, c'est dans le quartier est de Vancouver où on trouve des Autochtones et d'autres personnes qui éprouvent des difficultés économiques. Nous essayons de travailler là-bas avec les trois paliers de gouvernement et les collectivités.
L'implication des jeunes dans l'ICUPJA est probablement l'un des meilleurs exemples de succès. Les jeunes ont fait la preuve qu'ils veulent vraiment être impliqués au sein des organisations et trouver des solutions aux problèmes. Et nous, nous pouvons bâtir là-dessus. Nous espérons que l'évaluation nous indiquera les endroits où le programme a été particulièrement efficace afin que nous puissions réitérer l'expérience ailleurs.
Ce programme a été conçu pour mettre de nouvelles idées à l'essai, non pour servir de solution à tous les problèmes. L'évaluation, qui devrait être entreprise l'an prochain, nous permettra de repérer les pratiques exemplaires, et j'imagine que l'on trouvera également certaines pratiques moins positives que nous devrons redresser.
Le sénateur Johnson: Y a-t-il des programmes de mentorat où des gens comme Tomson Highway et d'autres modèles culturels du monde autochtone viennent donner des ateliers ou travailler avec les jeunes? À Winnipeg, ces symboles ne sont pas manifestes, mais certains sont très impliqués dans les centres d'amitié depuis longtemps. Cette communauté est très active comparativement à d'autres centres.
J'étais à Toronto en juin et je me suis entretenue avec un groupe de jeunes, la plupart de la deuxième génération, qui m'ont dit qu'ils avaient surtout besoin d'avoir de l'information et de retrouver un sens d'identité. Et ce, ils l'ont trouvé au centre d'amitié parce que c'est le seul qui leur est offert. Il n'y a que 60 000 Autochtones à Toronto alors qu'à Winnipeg, il y en a 100 000. Une personne sur cinq ou six est Autochtone. Faites-vous des efforts pour obtenir du mentorat? Est-ce actuellement disponible ou en voie de l'être?
M. Moyer: Nous ne sommes pas responsables de la façon dont les projets sont administrés à Toronto.
Le sénateur Johnson: Ah non.
M. Moyer: Nous savons que des gens élaborent des programmes en milieu urbain pour créer des points de contact entre les aînés et les jeunes dans les collectivités. Les jeunes eux-mêmes veulent valoriser leur culture et leur expérience. Leur contribution à la vie canadienne fait partie de ce qu'ils estiment être important pour recouvrer leur propre fierté.
Le sénateur Johnson: Êtes-vous impliqués dans l'organisation des Jeux autochtones de l'Amérique du Nord qui auront lieu à Winnipeg l'an prochain?
M. Moyer: Oui, nous y contribuons.
Le sénateur Johnson: Il faut encourager les sports. Je travaille avec les Jeux olympiques spéciaux et beaucoup de jeunes Autochtones participent à nos programmes.
M. Moyer: Les Jeux autochtones nord-américains sont un élément de plus en plus important de la réaffirmation des Autochtones. Nous les appuyons au Canada depuis qu'ils ont été créés. Selon la façon dont ils sont conçus, chaque deuxième volet de la série se tient aux États-Unis. Les Autochtones des États-Unis peuvent plus difficilement obtenir le soutien dont ils ont besoin pour y tenir les Jeux. Il y a comme un problème de structure. Si les jeux doivent se tenir tous les quatre ans, alternativement tous les deux ans aux États-Unis et au Canada, et que les États-Unis ne peuvent pas les accueillir, nous avons un problème.
Nous appuyons également le Cercle sportif autochtone, un conseil spécifique dirigé par un ancien athlète olympique autochtone qui travaille directement dans les collectivités pour concevoir des programmes de sport et veiller à ce que l'on puisse former de meilleurs entraîneurs. Un centre d'excellence dans les sports autochtones a été créé à Vancouver après les Jeux du Commonwealth de Victoria. Nous aimerions faire davantage dans ce domaine, et nous travaillons actuellement avec les collectivités autochtones en ce sens.
Le sénateur Johnson: Pouvez-vous me parler du Programme des langues autochtones d'une durée de quatre ans? Ce programme a fait l'objet de sévères critiques. Sa création a été annoncée en 1998. Est-ce qu'on y a consacré 20 millions de dollars?
M. Moyer: Cinq millions de dollars par an sur une durée de quatre ans.
Le sénateur Johnson: Qu'est-ce qui faisait problème dans ce programme? Des articles ont paru dans le Toronto Star affirmant que certaines personnes ne pouvaient y avoir accès. Dans quelle mesure ce programme est-il une réussite? Est-ce que ces articles étaient exacts? Était-ce un projet utile et est-il toujours en cours? Je crois que le financement prend fin...
Mme LaRocque: En mars.
M. Moyer: Il y a eu des problèmes en ce qui concerne sa mise en 9uvre. Les collectivités y ont réagi diversement dès le moment de son annonce parce que le programme était beaucoup moins subventionné que ce que les collectivités autochtones avaient espéré. Nous avons décidé de confier la réalisation du programme aux grandes organisations représentatives. Il est administré par l'Assemblée des Premières nations, l'Inuit Tapirisat et le Conseil national des Métis.
Chacune de ces organisations a dû négocier un accord-cadre avec nous et appliquer ensuite le programme dans leurs collectivités. Les quelques premières plaintes formulées concernaient les délais nécessaires pour mettre ces accords en place. Cependant, les commentaires qu'on nous fait actuellement sur les activités en cours soulignent l'existence de programmes très intéressants et créatifs de préservation et de développement des langues.
Nous espérons pouvoir poursuivre le programme après la fin de cette année. Nous prévoyons présenter des propositions au gouvernement pour élargir la politique sur les langues autochtones.
Le sénateur Johnson: Le programme a-t-il été strictement mis en 9uvre par des organisations autochtones?
M. Moyer: Oui.
Le sénateur Johnson: Pourquoi les gens disaient-ils qu'ils ne pouvaient avoir accès aux fonds? Comment allez-vous déterminer si cette initiative va se poursuivre ou non?
M. Moyer: Les plaintes provenaient de divers niveaux. Au départ, les gens se plaignaient de la lenteur.
Le sénateur Johnson: Croyez-vous que c'était parce que le programme ne faisait que commencer?
Mme LaRocque: En partie.
M. Moyer: D'une part, les gens se plaignaient de la lenteur de la mise en 9uvre du programme, d'autre part on se demandait, comme d'habitude, qui obtiendrait l'argent quand il serait distribué - l'argent est versé aux chefs et aux bandes. Parfois, les gens des collectivités qui proposent des approches très innovatrices et utiles n'obtiennent pas le soutien financier nécessaire de leur propre conseil de bande. Nous ne pouvons pas régler le problème en outrepassant la volonté de la bande. Nous avons essayé de le faire pendant longtemps, et ça ne fonctionne pas. Il va falloir que les conseils démocratisent un peu plus leurs propres systèmes.
Le sénateur Johnson: À votre avis, est-ce que ce programme sera un élément essentiel du renforcement de l'identité culturelle des peuples autochtones?
M. Moyer: Nous croyons que la langue est l'âme de la culture.
Mme LaRocque: Si les jeunes Autochtones apprennent leur langue, ils vont être plus confiants vis-à-vis l'apprentissage en général. Nous croyons que c'est une bonne chose. Nous participons à d'autres projets intéressants, qui n'ont rien à voir avec ce dont j'ai parlé aujourd'hui, notamment les contenus numériques. Nous travaillons actuellement avec les Cris et les Ojibways pour créer un dictionnaire numérique, par exemple. Nous travaillons à divers niveaux. Ce programme n'a rien à voir avec le Programme des langues autochtones. Il concerne davantage un projet numérique. C'est un nouveau projet et nous pensons qu'il aura des conséquences à long terme.
Le sénateur Johnson: Donc, vous allez continuer d'appliquer ce programme?
M. Moyer: Nous y tenons beaucoup; nous attendons des nouvelles, comme tous les autres Canadiens.
Le sénateur Tkachuk: J'aimerais poser quelques questions au sujet des centres d'amitié. Depuis combien de temps ce programme existe-t-il?
Mme LaRocque: Quarante ans.
Le sénateur Tkachuk: Je me trompe peut-être, mais n'a-t-on pas mis en doute les résultats du programme? Vous avez dit que vous aviez des données non scientifiques. Est-ce que c'était au sujet du programme des centres d'amitié?
Mme LaRocque: Non, c'était au sujet de l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones.
Le sénateur Tkachuk: Avez-vous des données sur l'efficacité du programme des centres d'amitié?
Mme Nancy Greenway, agente de programmes, Programme des peuples autochtones, ministère du Patrimoine canadien: Nos résultats sont pas mal périmés, notre dernière évaluation complète remontant à 1988. Nous envisageons de faire une étude d'impact au cours des prochains mois en collaboration avec l'Association nationale. Nous avons élaboré le mandat.
Le sénateur Tkachuk: Combien d'argent le gouvernement fédéral consacre-t-il aux centres d'amitié?
Mme LaRocque: Il consacre 14,1 millions de dollars.
Le sénateur Tkachuk: Quelle proportion est affectée à l'administration et au programme?
M. Moyer: Selon le contrat, tout l'argent est versé à l'Association nationale des centres d'amitié. Ses frais d'administration s'élèvent à environ 10 p. 100.
Mme Greenway: Dans le contrat, on parle de 692 000 dollars.
Le sénateur Tkachuk: Mais à quoi ces 700 000 dollars sont-ils affectés?
Mme Greenway: L'argent est versé à l'Association nationale ainsi qu'aux associations provinciales et territoriales pour le soutien technique et administratif.
Le sénateur Tkachuk: Une somme de 700 000 dollars est accordée à l'Association nationale des centres d'amitié et aux associations provinciales. Combien y a-t-il d'associations provinciales?
Mme Greenway: Il y en a sept.
Le sénateur Tkachuk: Au niveau local, quelqu'un est en charge des centres d'amitié - il y a des patrons ou des administrateurs. Combien consacre-t-on d'argent à l'administration? Pour un centre d'amitié à Saskatoon, par exemple, quelle partie de son budget est octroyée à l'administration et quelle partie aux programmes? Des 700 000 dollars dont vous parlez, on en prend 5 p. 100 pour les associations nationale et provinciale. Combien de cet argent est versé en salaires dans chaque centre d'amitié et combien va aux programmes?
Mme LaRocque: Je ne sais pas si nous avons les détails de cette ventilation. Nous pourrions obtenir l'information et vous la transmettre. Il est certain que la grande majorité de ces fonds sont consacrés aux programmes. Les centres d'amitié ont effectivement des salariés, mais ils comptent également de nombreux bénévoles. Autrement, ils ne pourraient offrir les services qu'ils offrent.
Le sénateur Tkachuk: Je suis certain que c'est vrai, mais je vous demande combien.
M. Moyer: On indique dans notre documentation que nous sommes les pourvoyeurs de seulement 20 p. 100 de l'argent qui est accordé aux centres d'amitié. Ils ont plusieurs autres sources de revenu.
Le sénateur Tkachuk: D'où l'argent vient-il?
M. Moyer: Ils offrent des services à d'autres organisations dans la collectivité. Il se peut qu'ils aient un contrat avec l'administration municipale ou le gouvernement provincial pour assurer la prestation des services.
Le sénateur Tkachuk: Quel genre de services offrent ces centres d'amitié?
M. Moyer: Toute la gamme des services que l'on peut imaginer pour aider les gens à s'intégrer à une collectivité: des conseils en matière de logement, de soins de santé, d'éducation, d'apprentissage et de compétences professionnelles. Ils proposent divers programmes de formation professionnelle ou ils orientent les gens vers d'autres fournisseurs de services.
Le sénateur Tkachuk: Qui est leur clientèle? Vous avez mentionné les jeunes de 15 à 19 ans; est-ce leur clientèle?
Mme Audrey Greyeyes, agente de programmes, Programme des peuples autochtones, ministère du Patrimoine canadien: Les jeunes de 15 à 25 ans peuvent profiter de l'ICUPJA. Le centre d'amitié offre des services à tous les Autochtones, qu'ils soient des résidents ou en transit, et qui vivent dans un centre urbain. Leurs clients sont les Autochtones qui arrivent dans un centre urbain. Ils offrent presque tout. Ils ont des programmes pour les enfants et les jeunes, des programmes en matière de santé, d'éducation parentale et ainsi de suite. Ils obtiennent leurs fonds pour leurs projets de nombreuses sources, dont Centraide et des institutions municipales.
Notre argent leur permet de maintenir leur infrastructure afin qu'ils puissent faire la planification nécessaire pour répondre aux besoins de leur collectivité. Après, ils pressentent d'autres organisations pour les programmes et le soutien des services.
Le sénateur Tkachuk: Les crédits du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et des municipalités sont versés aux centres d'amitié pour qu'ils administrent les programmes essentiellement de nature urbaine.
Mme Greyeyes: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Nous apprécierions que vous puissiez nous dire quels sont ces programmes.
Mme Greyeyes: Les centres d'amitié font tout. Certains programmes d'aide préscolaire aux Autochtones sont offerts dans les centres d'amitié. Les étudiants qui sont engagés dans le cadre du programme Jeunesse Canada au travail offrent en fait des programmes d'été aux enfants et aux jeunes la plupart du temps. Ils s'occupent de loisirs, de sports et d'événements culturels, ainsi que de counselling auprès des jeunes et de leurs pairs. Il y a des gens qui vont dans les véritables ghettos, des jeunes qui travaillent avec les jeunes dans la rue.
Ils déterminent les besoins de la collectivité. Les programmes peuvent avoir du succès ou non, en fonction des administrations gouvernementales et selon les crédits disponibles. En général, ils réussissent à trouver les fonds. Seulement 20 p. 100 du budget des centres d'amitié proviennent de crédits fédéraux.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que c'est une bonne chose?
Mme Greyeyes: Je crois que c'est une très bonne chose. Notre programme crée l'infrastructure dans la collectivité urbaine. Ensuite, les centres d'amitié établissent les programmes qui sont administrés pour les peuples autochtones dans les centres urbains tout en tenant compte de leur culture.
Dans les années 1960 et 1970, la plupart des Autochtones ne recouraient pas aux programmes municipaux ou provinciaux. Ils se sentaient aliénés. Les centres d'amitié ont créé les ponts nécessaires et offrent maintenant certains de ces programmes.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que cela les aide à s'intégrer à la société en général? Je sais que vous le prétendez et je crois que c'est probablement vrai. La garderie dirigée par Mme Johnson au bout de la rue n'a peut-être pas contribué à l'intégration de sa clientèle autochtone à cause des différences culturelles qui sont si grandes, peu importe.
Je veux savoir si tous ces programmes aident les Autochtones à s'intégrer à la société en général? Ces gens-là vont devoir vivre avec moi.
Mme Greyeyes: Ces programmes donnent aux gens la possibilité de s'intégrer selon leurs propres critères. C'est ce qu'ils veulent. C'est très bien. La diversité consiste essentiellement à ce que les gens participent à la collectivité, mais à leurs conditions.
Le sénateur Tkachuk: Mais vous devez également traiter avec les Canadiens en général.
Mme Greyeyes: Vous devez d'abord vous sentir bien dans votre peau. Ensuite, vous pouvez contribuer et vous intégrer à la collectivité dans son ensemble. En tant qu'Autochtone, je pense que c'est ce qui se produit.
Le sénateur Tkachuk: Combien de personnes travaillent dans les centres d'amitié de tout le pays?
Mme LaRocque: Je ne le sais pas; je peux vous trouver la réponse. Je sais que les centres d'amitié comptent 11 200 bénévoles qui travaillent pour eux.
Le sénateur Tkachuk: Je le comprends. Les gens travaillent au YMCA et à Centraide et ils sont aussi des bénévoles. Je veux savoir combien de personnes sont effectivement salariées et ensuite qui sont leurs clients, combien ils en ont.
De toute évidence, il y a beaucoup de problèmes dans les régions autochtones. Vous avez parlé du quartier est de Vancouver. Si vous marchez dans la rue East Hastings, vous n'allez pas voir uniquement des Autochtones. En fait, je dirais qu'ils sont minoritaires dans la rue. Dans les immeubles, je n'ai aucune idée. Cependant, lorsque je passe en voiture dans le quartier de East Hastings, ce n'est pas très beau à voir.
Il y a des problèmes de drogues, d'alcool, de prostitution et de criminalité. Il y a pourtant des endroits où les gens peuvent se réfugier. Ils peuvent s'adresser à divers services à l'extérieur des organisations de service social. Il y a l'Armée du salut, les centres d'amitié et d'autres groupes, mais ces gens-là décident de ne pas y aller. Ils s'assoient dans les rues, c'est terrible comme situation.
Nous tentons aujourd'hui de déterminer quels programmes sont pertinents, lesquels sont efficaces et ne le sont pas, et à partir de là on pourra intervenir.
Mme LaRocque: Je me ferai un plaisir d'obtenir cette information pour vous.
Le sénateur Johnson: J'aimerais poser une question complémentaire à celle du sénateur Tkachuk. Les 40 millions de dollars sont les seuls crédits du gouvernement fédéral qui sont donnés aux centres d'amitié de tout le pays?
M. Moyer: Quatorze millions de dollars. Cette somme représente tous les programmes dans les centres urbains.
Le sénateur Johnson: Vous ne donnez que 14 millions de dollars. Comme je viens de Winnipeg, je n'ai pas pensé de poser une question au sujet des centres d'amitié, parce que chez nous, c'est le programme le plus réussi.
Le sénateur Tkachuk: Nous en avons un à Saskatoon aussi. J'essaie d'avoir une idée de la situation dans tout le pays.
Le sénateur Johnson: C'est un modèle qui est plus efficace que tout ce que j'ai vu dans les centres urbains parce que les gens ont un endroit où aller. Ils s'y réunissent. Les statistiques m'intéressent aux fins de notre étude. Je suis déjà allée dans ces centres qui sont des endroits fabuleux. Je me sens très à l'aise d'y aller n'importe quand. Je me réjouis des crédits qui y sont consacrés. J'aimerais qu'ils reçoivent plus d'argent, si en fait on accorde de l'argent. Les centres sont un modèle de réussite. Je pensais à 40 millions de dollars, mais même 14 millions de dollars, c'est beaucoup d'argent.
Mme LaRocque: Effectivement.
Le sénateur Johnson: Désolée de cette intervention. Je tenais à ce que mes collègues qui ne vivent pas à Winnipeg ou à Regina sachent que les centres d'amitié, c'est une réussite.
Le sénateur Tkachuk: Les centres réussissent à obtenir beaucoup plus d'argent.
Le sénateur Johnson: Je sais, parce que j'ai été bénévole à Rossbrook House et à d'autres endroits à Winnipeg, qu'il s'y fait du travail absolument fabuleux. Je sais combien de bénévoles travaillent à ces endroits. Les centres d'amitié sont des exemples de réussite qui font tous partie du travail que nous tentons de faire. C'est pourquoi je suis intervenue.
La présidente: Simplement, pour vous donner une petite idée, je m'intéresse aux centres d'amitié depuis une centaine d'années, que ce soit ceux de Calgary, d'Edmonton, de Slave Lake ou de High Prairie. Je suis vieille, vous savez. C'est ainsi que je me sens parfois. Lorsque nous avons demandé des fonds au gouvernement pour la première fois, les centres d'amitié devaient faire le pont entre les Autochtones et les non-Autochtones et leur objectif était exactement celui que vous avez décrit, sénateur Tkachuk, à savoir réunir les deux communautés afin qu'elles se comprennent mieux et qu'elles vivent plus facilement ensemble.
Au fil des ans, les choses ont changé. Le programme est aujourd'hui totalement axé sur les Autochtones, ce qui, à mon avis, est regrettable, parce que nous devons apprendre à vivre ensemble dans notre société. Et ce n'est pas ce qui se passe actuellement.
J'ai noté que d'autres organismes prennent de l'expansion dans d'autres endroits que les centres. Les collectivités ne sont plus articulées autour de ces centres. À Winnipeg, il y a le centre autochtone dans la gare ferroviaire, mais nous avons par ailleurs la Thunderbird House. Ces organismes tirent le diable par la queue parce qu'ils ne sont pas pris au sérieux. Pourtant, ils font un travail merveilleux.
À Edmonton, nous avons la Ben Calf Robe Society. Nous avons aussi le Métis Cultural Dance Society. Il y a plusieurs organismes là-bas qui ont véritablement de la difficulté. Est-ce que votre ministère songe actuellement à aider certains petits organismes communautaires?
Il y a aussi des centres d'amitié qui ne sont pas financés. Nous en avons un au lac LaBiche qui fait un travail merveilleux avec pratiquement rien. Le lac LaBiche est tout juste à côté de Fort McMurray et on a véritablement besoin de ce centre là-bas. Quel financement ce centre reçoit-il?
Lors de notre passage à Vancouver, nous avons appris que le centre d'amitié y fait des choses merveilleuses. J'ai été vraiment impressionnée par ce qu'il fait. Les gens voulaient ouvrir un centre pour les jeunes de l'autre côté de la rue, et ne pouvaient obtenir le financement nécessaire. Ils nous en ont parlé. Voilà le genre de lacunes qui existent. Il y a beaucoup d'exemples de réussite, mais il y a des lacunes dans le financement des petits organismes. Ces organismes font un travail extraordinaire dans leurs propres collectivités, mais ils ne peuvent pas avoir accès au financement.
Le sénateur Johnson: Et qu'advient-il des Inuits?
La présidente: Les Inuits qui vivent dans les centres urbains ont vraiment beaucoup de difficultés. Il y en a à Winnipeg, à Ottawa et à Montréal. C'est tellement triste de voir ce qui se passe au sein des organisations inuites.
Le sénateur Johnson: Ils ne vont pas dans les centres.
La présidente: Non. C'est un gros problème, d'après ce qu'on nous dit.
Le sénateur Johnson: Bien sûr, leur culture est distincte.
La présidente: Tout comme les Métis.
À cause de différences politiques, les Métis ont été expulsés du centre d'amitié de Calgary il y a plusieurs années. Ils n'y retourneront pas. Nous devons faire face à ces difficultés aussi dans nos propres collectivités.
Vous parlez des jeunes, vous parlez de donner de l'argent à des organisations politiques pour des initiatives concernant les langues. L'argent ne va pas dans les collectivités. Si vous n'avez pas voté pour un tel, bonne chance, vous n'allez rien obtenir.
Les petits organismes ont vraiment beaucoup de difficultés. Il devrait y avoir un examen du processus, pour savoir qui nous finançons, afin que l'argent aille dans les collectivités là où il doit aller.
La même chose vaut pour les problèmes concernant les femmes. Nos organisations féminines éprouvent beaucoup de problèmes parce qu'elles ne peuvent pas avoir de fonds.
Le sénateur Hubley: Pour la plupart d'entre nous, c'est une véritable révélation. Je trouve donc que toutes les questions sont très intéressantes.
Comment se fait la création d'un centre d'amitié? Est-ce qu'un ministère détermine qu'une certaine région a besoin d'un tel centre?
Mme LaRocque: Les collectivités elles-mêmes doivent en faire la demande. La preuve, c'est que 18 ne sont pas financés actuellement, mais qu'ils existent malgré tout parce que ce sont les collectivités qui en ont déterminé le besoin.
Le sénateur Hubley: Ils servent tous les groupes d'âge, n'est-ce pas?
Mme LaRocque: C'est exact.
Le sénateur Hubley: Dans leur travail, les centres d'amitié doivent faire face à des problèmes médicaux ou des choses de ce genre. Est-ce qu'ils ont un réseau d'autres organisations auxquelles ils peuvent faire appel?
Mme LaRocque: Oui. Il devrait y avoir un «guichet unique», si vous voulez, pour les services autochtones.
Le sénateur Hubley: En ce qui concerne les centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones, vous avez beaucoup parlé de programmes. Je pense que vous avez dit que les jeunes qui venaient aux centres ont élaboré les programmes. Ils ont déterminé différents programmes qu'ils voulaient avoir. Est-ce que c'est la même chose dans tous les centres? Est-ce qu'ils demandent des programmes à peu près semblables?
M. Moyer: L'ICUPJA est administrée en fonction des demandes. Les gens présentent des propositions aux organismes de prestation des services, dont la plupart sont des centres d'amitié, sauf dans les six villes de l'Ouest, où on administre les programmes directement. Ils peuvent proposer des idées très différentes. Ces organismes ne sont pas normalement logés dans les centres d'amitié. Ils peuvent être ailleurs dans la collectivité. Ils offrent une vaste gamme de programmes qui ont été suggérés par les jeunes de la région. Dans ce cas, les décisions quant à savoir qui obtiendra quoi ne sont pas prises par les organisations politiques. La philosophie des centres d'amitié et de nos programmes est en général de venir en aide à tous les Autochtones. Nous essayons de trouver des gens qui vont accepter d'offrir les services à tous les peuples autochtones.
Le sénateur Hubley: Est-ce que les demandes que vous recevez sont assorties d'une forte composante culturelle?
Mme LaRocque: Oui. Dans tous les cas, les programmes demandés doivent être assortis d'un contenu culturel autochtone. C'est un élément très important.
Le sénateur Hubley: Il n'a pas été étonnant d'apprendre de la part de Statistique Canada que plus le niveau d'éducation augmente, plus les possibilités d'emploi augmentent. Est-ce qu'on informe suffisamment les jeunes que l'éducation est très importante quant à leur avenir?
M. Moyer: Lorsque nous avons demandé aux jeunes d'établir leurs priorités, l'éducation et la réinsertion dans le système scolaire étaient deux d'entre elles. On propose assez régulièrement des initiatives dans ce domaine. C'est un volet important de notre travail. Nous consacrons beaucoup d'efforts aux jeunes qui sont à l'école mais qui risquent de décrocher. J'ai pris contact avec les responsables d'un programme à Calgary particulièrement axé sur les adolescents qui en sont rendus à un point où ils ne sont plus sûrs de pouvoir continuer, comme cela arrive à de nombreux jeunes. Ils leur offrent du counselling individuel pour les aider à rester à l'école. Il y a d'autres programmes destinés à ramener les décrocheurs à l'école.
Le sénateur Hubley: Cet été, nous avons visité plusieurs centres à Edmonton. Dans une école, on a tenu une cérémonie de remise de diplômes aux enfants autochtones de la septième année parce que l'on croit que c'est un âge important. Le conférencier invité était un Autochtone qui avait réussi. Il s'agissait de montrer aux enfants que s'ils peuvent traverser ces années difficiles, cela portera fruit. J'ai trouvé ça intéressant.
J'ai participé récemment à un défilé de mode de Darcy Moses, qui est un dessinateur de mode extraordinaire. J'ai l'impression que l'expression artistique est caractéristique chez les Autochtones. Ils semblent posséder un talent artistique qui nous fait défaut. C'est un atout important pour leur patrimoine et on devrait encourager les jeunes de ces régions à l'explorer.
Le sénateur Léger: Est-ce que le Patrimoine canadien se limite à faire connaître nos coutumes aux Autochtones ou si nous changeons aussi les nôtres?
Mme LaRocque: Je crois que nous changeons nos coutumes. Nous sommes en évolution constante dans la formation que nous donnons et dans nos responsabilités dans le but de nous assurer que la culture et la langue autochtones font partie intégrante de ce que nous sommes, tout autant que le sont la culture et la langue anglaises ou françaises, ou la contribution des nouveaux Canadiens.
Notre ministère a tenu une séance d'information d'une journée et demie sur les enjeux autochtones à l'automne dernier parce que ce n'est pas la priorité de certaines de nos unités. Nous devons créer des possibilités de faire comprendre les enjeux autochtones.
L'an prochain, notre ministre tiendra un sommet sur l'art et la culture autochtones pour permettre aux peuples autochtones de nous apprendre des choses et pour nous permettre à nous de les aider également.
Le sénateur Léger: Vous avez dit avoir rejoint 10 000 jeunes avec votre programme, ce qui est merveilleux. Quelle est la population entière de ce groupe d'âge?
Mme Greyeyes: Je crois que c'est environ 140 000. Nous pourrions obtenir les chiffres.
M. Moyer: Nous en rejoignons 10 000 par année, et nous en sommes maintenant à notre quatrième année. Je ne sais pas combien de fois on répétera le programme, mais cela pourrait être 30 000 et 40 000 sur 140 000.
Le sénateur Léger: C'est un bon départ, mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire.
Le sénateur Christensen: L'une des choses que vous avez signalées, un problème selon les jeunes, serait d'éviter de politiser la question. Nous en avons parlé tout à l'heure. Est-ce qu'on a essayé de savoir comment éviter cela? Nous avons constaté ce phénomène à Edmonton, je l'ai constaté dans d'autres centres d'amitié et dans d'autres programmes administrés actuellement par les Premières nations. Très souvent, les fonds ne se rendent pas aux centres qui en ont besoin. Ils sont souvent utilisés pour des frais d'administration à un niveau plus élevé, au niveau politique local et n'atteignent pas l'objectif prévu.
M. Moyer: Il y a deux modes de prestation de services dans l'ICUPJA pour nous permettre de faire l'expérience de méthodes différentes. Dans les six villes de l'Ouest, nous travaillons directement avec les conseils consultatifs de jeunes qui nous conseillent sur les projets que nous devrions accepter. Dans d'autres secteurs, nous demandons aux Métis, aux centres d'amitié ou aux Inuits d'administrer les programmes. Lorsque nous ferons notre évaluation, nous verrons s'il y a une différence dans les méthodes que nous avons utilisées dans ce programme.
À notre avis, la philosophie des centres d'amitié est orientée dans la bonne direction, et dans la plupart des cas, ils peuvent parfaitement administrer les programmes. Nous sommes conscients que certains centres ont connu des difficultés. Cela se produit dans tous les types d'organisations. L'Association nationale des centres d'amitié est en mesure d'aider certains centres qui ont des difficultés.
Nous estimons que travailler avec des groupes comme les centres d'amitié dans les centres urbains est l'un des meilleurs moyens de contourner les questions traditionnelles de politique. Nous savons qu'il y a encore beaucoup à faire, mais c'est une bonne partie de la solution.
Le sénateur Christensen: Est-ce que le financement de base est examiné pour une période de cinq ans à la fois?
M. Moyer: Les programmes des centres d'amitié disposent de fonds permanents. Nous négocions un accord avec l'Association nationale des centres d'amitié - est-ce que c'est un accord quinquennal?
Mme Greyeyes: Oui.
M. Moyer: L'argent fait partie en permanence de notre budget de services votés.
Le sénateur Christensen: Est-ce que ces chiffres sont constants pour chaque centre d'amitié? Est-il possible d'accroître le financement de base si le centre prend de l'expansion?
M. Moyer: C'est l'Association nationale qui attribue l'argent. Le financement est en général assez constant, parce qu'il est difficile d'enlever des fonds. Nous avons des centres qui ne sont pas financés, comme d'autres l'ont fait remarquer.
Le sénateur Christensen: Pourquoi certains centres ne sont-ils pas financés s'ils sont légitimes?
M. Moyer: Ils ont été créés à un moment où les crédits du programme avaient atteint leurs limites ou faisaient l'objet de compressions. Nous n'avions aucun moyen de les financer. Pour la première fois cette année, nous avons offert du financement ponctuel à 18 centres non financés. Nous faisons tout notre possible pour trouver une façon de subventionner ces centres au cours des prochaines années.
Le sénateur Christensen: Si de nouveaux centres sont créés, peuvent-ils présenter une demande de financement acceptable? Ou ne financez-vous qu'un nombre déterminé de centres?
M. Moyer: Nous pourrions les financer s'il y avait un moyen de le faire.
Le sénateur Christensen: Y a-t-il une limite au nombre de centres que vous financez?
M. Moyer: Il y a 99 centres qui sont financés en totalité; les 18 autres ont obtenu un financement ponctuel. L'Association nationale aimerait bien avoir un processus d'accréditation et de financement des nouveaux centres, mais elle ne peut rien faire. Nous ne pénaliserons pas les centres existants pour en financer de nouveaux.
Le sénateur Christensen: Quel genre de recoupements y a-t-il? Il y a des centres d'amitié et d'autres centres. Est-ce que cela ne dilue pas les fonds? Pouvez-vous simplement m'expliquer quels sont les recoupements s'il y en a?
M. Moyer: Je peux vous donner des exemples concrets. Une bonne partie des fonds qui sont accordés à l'ICUPJA sont en fait administrés par les centres d'amitié qui offrent une structure d'administration du programme.
Le sénateur Christensen: Ce ne sont pas des structures distinctes nécessairement, n'est-ce pas?
M. Moyer: Lorsque les centres d'amitié sont l'organisme d'exécution, ils participent directement. Les programmes ne sont pas administrés par les centres d'amitié. Les centres d'amitié offrent une structure qui permet de choisir quels projets et activités vont être appuyés.
L'ICUPJA est unique en ce sens qu'elle se concentre sur les jeunes et sur les programmes innovateurs dans la collectivité pour faciliter leur intégration. Elle vient compléter ce que font les centres d'amitié.
Le sénateur Christensen: Mais ce programme n'est pas nécessairement une structure comme telle; il peut être offert au centre, ailleurs ou par n'importe qui d'autre, n'est-ce pas?
M. Moyer: C'est exact. Souvent, le programme est administré par une autre organisation de services.
Le sénateur Christensen: Il s'agit d'un programme effectif, par opposition à un autre centre?
M. Moyer: C'est exact.
Le sénateur Christensen: On parle de «centres pour les jeunes».
M. Moyer: Cela donne l'impression que nous avons créé de nouveaux centres. C'est un problème que nous avons avec notre titre, j'en conviens.
Le sénateur Christensen: Changez votre titre.
M. Moyer: Je prends note de votre conseil.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que les centres pour jeunes font aussi partie des centres d'amitié dans certaines régions?
M. Moyer: Les centres d'amitié organisent le processus et parfois, ils peuvent être impliqués dans la prestation des services, mais la plupart ne le font pas. La plupart du temps, les services sont assurés à l'extérieur des centres d'amitié.
Le sénateur Tkachuk: Ne travaillent-ils pas ensemble?
M. Moyer: Ils travaillent ensemble, mais il est souvent préférable que les services aux jeunes soient assurés par une organisation de services qui s'intéresse spécifiquement aux jeunes.
Le sénateur Tkachuk: Comme?
M. Moyer: Ça peut être n'importe quoi. Ça peut être un YMCA, une école, une association sociale. Est-ce que vous voulez que je vous donne d'autres exemples d'organismes qui présentent des demandes en ce sens?
Mme Greenway: La Croix-Rouge est un autre exemple.
M. Moyer: Les groupes religieux aussi.
Mme Greenway: Les centres d'amitié sont toujours impliqués, mais ils essaient de trouver un autre endroit, même si cela veut dire louer un local ailleurs, afin que les jeunes aient un endroit qui leur appartient. Ce qui revient constamment, c'est qu'ils veulent un endroit où ils peuvent se sentir en sécurité et être capables de mener des activités culturelles.
Le sénateur Tkachuk: Séparés de qui?
Mme Greenway: Du centre d'amitié. Ils veulent se séparer de ces centres afin d'être ensemble et de mener cette expérience.
Le sénateur Tkachuk: Et ils les ont ces endroits?
Mme Greenway: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Combien y en a-t-il?
Mme Greenway: Nous allons devoir vous revenir à ce sujet. Les rapports que nous avons reçus portent davantage sur le contenu des activités que sur les endroits où elles se tiennent. Parfois, on peut récupérer l'information d'un rapport, mais nous ne l'avons pas nécessairement.
Le sénateur Christensen: Est-ce que les centres d'amitié sont financés par leur organisme national?
Mme LaRocque: Oui.
Le sénateur Christensen: L'ICUPJA est financée en fonction d'un programme particulier?
M. Moyer: Oui, il y a un processus de demande. Le budget global est divisé en deux grands systèmes de prestation dont j'ai parlé - un qui est assuré par les organismes autochtones, l'autre directement par les conseils de jeunes.
Le sénateur Christensen: Est-ce que la participation est bonne?
M. Moyer: Oui.
Le sénateur Christensen: Est-ce que c'est annoncé aux bons endroits?
M. Moyer: La réaction au programme est bonne.
Le sénateur Tkachuk: Depuis quand l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones existe-t-elle?
M. Moyer: Depuis environ quatre ans.
Le sénateur Tkachuk: Mais que font la collectivité, la réserve, l'Église, la province ou le foyer dans tout cela? Ces activités sont réalisées à la maison ou à l'école, elles devraient se produire dans le cadre normal des événements et elles sont payées avec l'argent des contribuables. Est-ce un échec? Il doit y avoir beaucoup d'échecs. Comment cela se passe-t-il? Qu'est-ce qui engendrera la nécessité de ce programme?
M. Moyer: En fait, vous avez répondu à votre propre question dans la façon dont vous l'avez formulée. Les institutions du courant dominant, de la société, ne parviennent pratiquement pas à offrir des services efficaces aux jeunes Autochtones qui arrivent dans les villes. Il existe une migration interne au Canada, les gens quittent les réserves où ils ont grandi pour s'installer dans les régions urbaines. Ils sont mal équipés pour vivre dans cet environnement. Ils ne savent pas comment s'intégrer au système scolaire, comment trouver un emploi ou utiliser les éléments naturels de soutien dans la collectivité. En général, ils sont attirés dans les secteurs de la ville où ils cèdent facilement au style de comportement dont vous avez parlé tout à l'heure. Ils sont exposés aux gangs de rue, à la criminalité.
C'est pourquoi le type de services supplémentaires dont nous parlons ici, surtout les activités axées sur la culture, sont nécessaires.
Le sénateur Tkachuk: Tous les amis indiens que j'ai sont très intelligents. Ce qui me dérange là-dedans, c'est que c'est condescendant. Je n'aime pas être condescendant à l'égard des gens.
De nombreux groupes ethniques qui n'étaient pas là avant se sont installés dans les villes nord-américaines. Je ne veux tout simplement pas qu'on cherche à régler les problèmes avec de l'argent. De toute évidence, le système scolaire échoue. Je serais très déçu du système scolaire si les jeunes Autochtones n'obtenaient pas une bonne éducation et n'étaient pas traités de la même façon que tous les autres enfants.
Oublions-nous les écoles, les autres organismes communautaires? Ces enfants ne reçoivent pas ce qu'ils devraient recevoir à la maison. Les écoles n'y parviennent pas non plus. Tout le monde est fautif. Devrions-nous mettre toutes nos ressources dans le même panier et laisser les jeunes Autochtones aller dans les centres? Croyez-vous que c'est une bonne idée? Ou devrions-nous forcer le système scolaire, les parents et les bandes à régler certains de ces problèmes? Que dire des sports et des loisirs? Je veux que mes enfants, et ils le font, jouent avec des enfants indiens. Le quart arrière de l'équipe de football à l'école de mes enfants était un Indien. C'est ce que je veux. Je ne veux pas une équipe de football indienne. Je veux une équipe de football de l'école où les enfants de races différentes se réunissent, s'amusent et jouent. N'est-ce pas là quelque chose de souhaitable?
La présidente: Sénateur Tkachuk, je peux peut-être répondre à votre question.
Le sénateur Tkachuk: J'espère. Ces choses-là me frustrent.
La présidente: Nous parlons ici de migration de gens dans notre propre pays.
Le sénateur Tkachuk: Je le sais.
La présidente: Il y a des centres arabes, des centres chinois. Ces centres offrent des ressources qui aident les gens à s'intégrer à la société. Il y a 40 ans, pour la première fois, les gens quittaient leurs réserves, leurs installations et leurs collectivités, mais ils n'avaient aucun endroit où aller. Ils ne savaient pas quoi faire. Ils étaient des immigrants dans leur propre pays. C'est pourquoi les centres d'amitié ont d'abord été créés, pour leur venir en aide.
Le sénateur Tkachuk: Je suis d'accord avec vous au sujet des centres d'amitié. Ma question portait sur les programmes pour les jeunes.
La présidente: Nos jeunes ont grandi sans identité, sans culture, sans les avantages d'une structure. Ces programmes sont très importants. Je suis une aînée au Conseil sportif autochtone de l'Alberta. Dans les villes, nos enfants ne peuvent jouer au football. Ils ne peuvent jouer au baseball. Ils n'ont pas l'argent nécessaire. Nos conseils de sport autochtones les aident à s'intégrer lentement aux grandes équipes sportives.
Le sénateur Tkachuk: Les écoles et les associations communautaires ont des programmes pour aider les jeunes à jouer au football.
La présidente: Le racisme latent dans les écoles est horrible. Je sais ce qui se passe en Alberta. Le petit-fils de mon mari a porté mon blouson de sport autochtone pour aller à l'école et parce qu'il n'est pas Autochtone, ses amis lui ont fait la vie dure. Il y a ce racisme latent qui isole les enfants dans les écoles de la ville. C'est pourquoi le Dr Phyllis Cardinal a ouvert l'École Amiskwaciy à Edmonton. Je ne suis pas en faveur de la ségrégation, mais nous devons régler le problème du racisme et de l'intimidation dans les écoles.
Le sénateur Tkachuk: On peut aussi renverser les choses.
La présidente: Seulement grâce à l'éducation et en changeant les attitudes. C'est véritablement difficile. Nos jeunes font face actuellement à une situation terrible. Le problème le plus triste que j'ai vu dans mes déplacements, dans les réunions avec les délégations ou dans les lettres que je reçois, c'est le processus de financement. C'est devenu tellement politisé que les collectivités et les organisations qui en ont véritablement besoin n'obtiennent pas l'argent. C'est un gros problème.
J'aime vraiment l'idée de l'ICUPJA, mais comment appliquer ce programme dans nos petites collectivités, là où on en a véritablement besoin?
J'espère que cela vous a aidé à comprendre.
Le sénateur Tkachuk: D'abord, disons que je ne suis pas un fervent partisan du multiculturalisme. Cela ne fait qu'envenimer la situation. Je ne fais pas consensus là-dessus.
La présidente: Mais je suis totalement d'accord avec vous, et c'est très difficile pour nous parce que nous sommes un peuple de conquis. Ça nous influence. C'est pourquoi j'ai déposé le projet de loi sur Louis Riel.
Le sénateur Tkachuk: Moi aussi je peux vous parler de peuples conquis. Je suis Ukrainien. Savez-vous combien de fois nous avons été conquis? À maintes reprises, notamment par les Polonais, les Russes.
La présidente: Ce n'est pas la même chose que ce qui s'est produit ici. Vous n'avez pas été privés de votre langue.
Le sénateur Tkachuk: Oui, nous l'avons été.
La présidente: On ne vous a pas privés de votre culture. Ce n'était pas un péché pour vous que de jouer du violon. Ça l'était pour nous. Pour une chose.
Le sénateur Tkachuk: Les Ukrainiens sont de bons joueurs de violon.
La présidente: Je sais, mais c'était un péché pour nous. Nous n'avions pas le droit de jouer longtemps. Et la liste pourrait s'étirer. C'est pourquoi les centres d'amitié sont si importants. Nous devons changer le processus de financement si nous voulons que les petits organismes des collectivités survivent et fassent le travail qu'ils doivent faire.
Le sénateur Landon Pearson s'intéresse à la prostitution et à l'exploitation sexuelle de nos enfants. Les petits organismes qui travaillent dans ce domaine ont véritablement besoin d'aide. Les centres d'amitié ne font pas tout ce qui doit être fait. Ils font un bon travail, mais ils doivent faire plus.
Le sénateur Tkachuk: Ils s'occupent des gros problèmes.
La présidente: Oui, maintenant vous avez entendu mon sermon.
M. Moyer: Les petits centres adressent des demandes à l'ICUPJA et obtiennent parfois du financement. C'est un moyen qu'on a de joindre ces petits groupes dans les centres urbains.
La présidente: Le sénateur Johnson voulait poser une question sur les langues qu'elle m'a demandé de vous adresser parce qu'elle devait partir. Comment pouvez-vous vous assurer que les crédits accordés aux langues soient retirés aux conseils de bande et aux partis politiques et confiés aux linguistes des organisations autochtones qui s'occupent de cette question?
M. Moyer: C'est la question à 64 000 dollars. C'est le dilemme auquel nous devons faire face chaque fois. D'une part, la réaction des gens, l'attribution de pouvoirs aux collectivités afin qu'elles prennent leurs propres décisions sont essentielles pour toute l'évolution. D'autre part, nous savons que parfois les collectivités ne prennent pas des décisions qui rallient tout le monde. Si à la fin de vos travaux, vous avez une réponse à cette question très pertinente, nous aimerions bien l'entendre.
La présidente: Nous y travaillons.
M. Moyer: Nous allons vous aider à la mettre en pratique, si vous la trouvez.
La présidente: Nous avons parlé de l'Ouest du Canada. Il y a beaucoup d'Autochtones dans l'Est du pays aussi.
M. Moyer: L'Ontario compte plus d'Autochtones que toute autre province au Canada.
La présidente: Là, je ne suis pas d'accord avec vous. C'est une question dont nous devrons discuter une autre fois.
Le sénateur Hubley: Nous avons entendu certains commentaires intéressants au cours de la dernière ronde de discussions. Lorsque les gens qui ont les mêmes vues se réunissent, c'est déjà un point de départ pour partager les identités et trouver de la force au sein d'un groupe. Cela est vraiment très utile.
Mon autre théorie maison est que la plupart des gens peuvent survivre à des problèmes insurmontables dans la mesure où leur culture les unit. C'est pourquoi je pense qu'il est si important que les peuples autochtones trouvent la force dont ils auront besoin dans le monde en renforçant leur culture - leurs aliments, leurs pensées, leurs ancêtres et leur histoire. Tout cela confère une identité à une personne. Et si vous avez une identité, vous pouvez vous intégrer à n'importe quelle société parce que vous avez confiance en ce que vous êtes.
J'aimerais aborder la question de Jeunesse Canada au travail pour les jeunes Autochtones en milieu urbain. Est-ce un programme spécial pour les jeunes Autochtones en milieu urbain? Qu'est-ce que vous pouvez attendre de différent de n'importe quel autre programme de Jeunesse Canada au travail? J'aimerais bien savoir quel soutien vous obtenez des entreprises parce que de toute évidence, elles doivent faire partie du jeu.
M. Moyer: Ce programme s'inscrit dans la Stratégie d'emploi jeunesse, il est donc un autre élément du programme Jeunesse Canada au travail. Il vise à donner aux jeunes l'expérience de travail qu'ils n'obtiendraient pas autrement. Cela implique un partenariat avec un employeur, qui peut être une ONG, une administration municipale ou une entreprise du secteur privé. Je ne sais pas quel pourcentage des jeunes participent à une expérience du secteur privé par opposition à d'autres organismes gouvernementaux comme les ONG. En avez-vous une idée?
Mme Greyeyes: Les centres d'amitié sont des employeurs dans le cadre de la Stratégie emploi jeunesse, et ils s'engagent à embaucher un certain nombre de jeunes Autochtones durant l'été pour leur donner une expérience de travail. Cette expérience leur fait connaître non seulement un milieu favorable à leur culture dans lequel ils travaillent, où ils peuvent obtenir une formation sur le tas des gens qui les entourent, mais participer également au vaste réseau dans lequel fonctionnent les centres d'amitié. Ils ont la chance d'avoir une perspective plus large du centre urbain que s'ils travaillaient, par exemple, dans un McDonald. Ils voient le centre d'amitié en action avec la municipalité. Ils voient que le centre d'amitié travaille avec le YM/YWCA et peuvent même y amener des enfants. Le centre d'amitié est plus présent dans la collectivité.
Ensuite, ils participent à d'autres expériences de travail. Bien souvent, c'est leur première expérience. De cette expérience, ils obtiennent la confiance nécessaire pour accepter d'autres emplois, peut-être l'an prochain travailleront-ils au sein de la collectivité chez un employeur non autochtone. C'est un relais pour eux. Certains d'entre eux ont même accepté de s'intégrer au centre d'amitié ou de faire partie de la structure autochtone élargie.
Le sénateur Hubley: Je comprends que beaucoup de jeunes travaillent effectivement chez McDonald. Est-ce que cette entreprise appuie votre programme? Est-ce que vous avez des entreprises nationales reconnues qui appuient votre programme de travail pour les jeunes Autochtones?
Mme Greyeyes: En fait, les fonds proviennent totalement de la Stratégie emploi jeunesse. Le centre d'amitié est une organisation non gouvernementale. Tout l'argent pour les salaires provient de la Stratégie.
Le sénateur Hubley: Oui.
Mme Greyeyes: Les jeunes s'en servent pour faire le relais avec d'autres choses. Les deux parties sont gagnantes. Les jeunes qui participent à un programme d'informatique aident le centre d'amitié à monter son propre système. L'année suivante, ils travaillent chez Nortel ou ailleurs. Ils ont eu ces quatre mois de travail et d'expérience, après quoi ils passent à autre chose.
Certaines personnes ont fait du travail de recherche, et ensuite vont ailleurs. En général, on attire des gens qui sont centrés sur la collectivité et l'aspect social dans leur formation.
Le sénateur Hubley: Mais vous n'êtes pas un centre d'emploi, n'est-ce pas?
Mme Greyeyes: Non.
Le sénateur Hubley: C'est probablement la première question que j'aurais dû poser.
Mme Greyeyes: Nous ne prenons pas l'argent pour trouver des emplois aux gens. Nous travaillons au centre même.
Mme LaRocque: Je crois que vous avez aussi demandé en quoi cela diffère de la Stratégie traditionnelle d'emploi jeunesse. Deux des objectifs fondamentaux sont de sensibiliser davantage les participants à leurs origines autochtones et la collectivité à la culture autochtone et à la place qu'elle occupe au Canada. Pour revenir à votre exemple de McDonald, cela ne fonctionnerait que si la compagnie était prête à faire en sorte que ces emplois puissent sensibiliser leurs employés à la réalité autochtone. Je ne suis pas vraiment certaine comment cela pourrait fonctionner, parce que c'est là un des principes fondamentaux de ce programme.
Le sénateur Léger: J'aimerais faire un commentaire. J'ai enseigné dans le système qui était non seulement pour les Autochtones, mais pour les non-Autochtones, et je me pose des questions sur la façon dont nous enseignons et sur la façon dont tout le monde apprend à l'école. Je ne dis pas qu'il faut tout détruire parce que je ne sais pas comment on pourrait remplacer ce qui serait détruit. Voilà pourquoi c'est presque impossible. Je sais que les enfants doivent apprendre, mais qui a raison? Les jeunes s'adonnent effectivement à la criminalité et à d'autres choses dont vous avez parlé, mais ils peuvent apprendre cela ailleurs dans la rue. Je ne suis pas certaine que le problème vient de l'éducation parentale. De toute façon, c'est un gros problème.
Le sénateur Tkachuk: Nous n'allons pas embarquer là-dedans. Il nous faut partir.
La présidente: Je tiens à vous remercier beaucoup d'être venus ce soir. Votre témoignage a été très utile et enrichissant. Le seul problème, c'est que Patrimoine canadien s'occupe de bien d'autres choses que des centres d'amitié. Nous n'avons pas abordé la question du financement culturel et bien d'autres choses. Nous allons probablement vous rappeler pour discuter d'autres sujets que les centres d'amitié.
Mme LaRocque: Nous nous ferons un plaisir de revenir, madame la présidente, si vous nous invitez à nouveau.
La présidente: Merci beaucoup.
La séance est levée.