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Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 20 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 8 novembre 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 30 pour examiner le commerce international des produits agricoles et agroalimentaires et les mesures à court et à long terme pour la santé du secteur agricole et agroalimentaire dans toutes les régions du Canada.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, dans le cadre de cette étude, nous recevons les représentants de huit organismes. Les mémoires des organismes qui n'ont pas pu comparaître seront lus.

Chaque groupe nous parlera de blés génétiquement modifiés, après quoi nous aurons une discussion générale sur les collectivités agricoles rurales. La séance se terminera par une période de questions.

Je prie les représentants des divers organismes de respecter le temps dont ils disposent et j'apprécierais que mes collègues posent de courtes questions.

Le premier groupe est le Syndicat national des cultivateurs.

M. Stewart Wells, membre de la commission, Syndicat national des cultivateurs: Honorables sénateurs, je voudrais faire quelques commentaires préliminaires au nom de la coalition. Je lirai également le message du Syndicat national des cultivateurs ainsi que celui de la Commission canadienne du blé, parce que son représentant n'a pas pu venir. M. Arlynn Kurtz lira la déclaration de l'Association des municipalités rurales de la Saskatchewan.

Le sénateur Wiebe: Monsieur le président, si vous me permettez de faire une suggestion, on pourrait peut-être suivre l'ordre dans lequel les déclarations sont présentées dans le document qui nous a été remis. Cela vous conviendrait-il?

Le président: C'est parfait. Allez-y, monsieur Wells.

M. Wells: Je vous remercie de nous avoir invités. Je suis ici aujourd'hui avec les autres représentants qui étaient à la conférence de presse que nous avons organisée le 31 juillet. Après quelques mots d'entrée en matière, je laisserai la parole à mes partenaires qui auront ainsi l'occasion de se présenter et d'exposer brièvement la position de l'organisme qu'ils représentent.

Au cours des derniers mois, et dans certains cas depuis plusieurs années déjà, les organisations représentées ici aujourd'hui ont mis au point leurs positions en ce qui concerne les technologies transgéniques de sélection végétale. Dans le cadre de la présente discussion et des activités de la coalition, nous considérons que modification génétique, technologie transgénique et technologie de l'ADN recombinant désignent une seule et même notion. C'est la définition que nous avons adoptée.

Au fur et à mesure que nous articulions ces positions, nous nous sommes rendu compte que la perspective de la production commerciale de blé génétiquement modifié au Canada d'ici trois ans nous causait quelque inquiétude. Suite à des conversations informelles, nous avons décidé de faire connaître officiellement nos positions au premier ministre et au grand public. C'est pourquoi nous avons organisé cette conférence de presse du 31 juillet 2001.

À cette occasion, et de nouveau aujourd'hui, nous représentons une coalition sans précédent d'organisations agricoles, de groupes de la société civile, d'organisations de défense de l'environnement et de marchands de grains. Nous représentons plusieurs groupes d'intérêts, du producteur au consommateur et tous les maillons intermédiaires de la chaîne. La raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui est toutefois que nous sommes tous préoccupés par l'introduction de blé génétiquement modifié dans les champs canadiens et dans la chaîne alimentaire de ce pays.

En juillet, nous communiquions une lettre adressée au premier ministre dont vous trouverez une copie ci-joint. C'est nous qui l'avons rédigée, même si ce sont plus de 300 organismes et spécialistes qui en entérinaient le contenu. Dans le dernier paragraphe de cette lettre, nous demandions au premier ministre d'intervenir immédiatement pour suspendre l'introduction de blé génétiquement modifié dans les champs et dans la chaîne alimentaire tant que ne seraient pas correctement prises en compte les préoccupations des agriculteurs, de l'industrie et des consommateurs canadiens.

Nous avons envoyé la lettre au premier ministre en espérant qu'il nous répondrait. Nous nous rendons compte que les événements sur la scène internationale ont quelque peu bouleversé l'agenda habituel du gouvernement mais nous sommes déçus que le premier ministre n'ait pas accusé réception de cette lettre de quelque façon que ce soit. Je voudrais toutefois donner une petite information supplémentaire.

En raison de votre invitation et de notre présence ici à Ottawa, nous avons rencontré hier un attaché du Cabinet du premier ministre. Cependant, nous n'avons toujours pas reçu d'accusé de réception par écrit ni de réponse à notre lettre de juillet 2001.

Nous profitons de l'occasion pour présenter quatre recommandations au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. La première recommandation concerne le blé génétiquement modifié. Les producteurs et les représentants de la filière céréalière s'inquiètent des risques de perte de parts de marché et des risques que la réputation de fournisseur de variétés de blés de qualité du Canada ne soit compromise. Les producteurs ont également des inquiétudes au sujet des incidences agronomiques, les consommateurs s'inquiètent de la sécurité de l'alimentation et de la pertinence de la réglementation, les citoyens s'inquiètent des dommages à l'environnement et les producteurs biologiques s'inquiètent des conséquences dommageables pour le secteur de la production biologique qui est en pleine croissance.

Nous recommandons que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts prie le gouvernement du Canada de prendre immédiatement des mesures pour empêcher l'introduction de blé génétiquement modifié au Canada tant que l'on n'aura pas réglé adéquatement les questions qui préoccupent les cultivateurs canadiens, l'industrie et les consommateurs.

Nous recommandons également que le comité sénatorial demande au gouvernement de voir à ce qu'une analyse des incidences économiques fasse partie du processus d'homologation des cultures génétiquement modifiées, y compris le blé génétiquement modifié, et que tous les ministères et organismes gouvernementaux concernés reçoivent l'instruction d'examiner à fond toutes les options en ce qui concerne ces incidences économiques. Il faudrait leur demander de mettre au point une solution originale dès qu'ils identifient d'éventuels obstacles.

Nous recommandons aussi que le comité sénatorial demande au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire que soient publiées une description et la liste des montants consacrés par le gouvernement fédéral à la promotion du secteur des biotechnologies et à sa collaboration avec ce secteur depuis 1990.

Enfin, nous recommandons que le comité sénatorial demande au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire une description et la liste des montants consacrés par le gouvernement fédéral à la recherche menée conjointement par le secteur public et le secteur privé en biotechnologie depuis 1990.

Nos partenaires présenteront maintenant leur message. Je crois que si nous suivons l'ordre des notes, c'est l'Agricultural Producers Association of Saskatchewan qui fera le premier exposé.

M. Ivan Ottenbreit, vice-président, Agricultural Producers Association of Saskatchewan: Je vous remercie de nous avoir invités ici aujourd'hui. Les représentants élus de l'Agricultural Producers Association of Saskatchewan (APAS) ont adopté le 14 juin 2001 une résolution demandant au gouvernement de suspendre son autorisation de blé génétiquement modifié (BGM) présentant une résistance à certains herbicides. L'introduction de BGM dans les champs canadiens va entraîner la perte de marchés traditionnels, de marchés biologiques et de marchés dont l'identité doit être préservée.

Les incidences sur l'agriculture de l'introduction de blé résistant aux glyphosates (agents desséchants) cause de fortes inquiétudes à nos délégués. Les repousses de ce BGM d'une année à l'autre vont nécessiter le recours à des produits chimiques de plus en plus coûteux. Ces BGM risquent de se croiser avec des plantes indigènes, ce qui rendrait inefficace l'emploi de glyphosates sur des mauvaises herbes comme le chiendent. L'autorisation de ces blés génétiquement modifiés facilitera l'introduction du «gène terminateur» et par conséquent sa dissémination dans la filière des semences de blé. L'APAS exprime par conséquent deux motifs d'inquiétude principaux: l'impact commercial et l'impact agronomique en tant que tel.

En ce qui concerne les marchés traditionnels, la Commission canadienne du blé (CCB) nous a informés que des clients représentant deux tiers du marché du blé canadien l'ont avertie directement qu'ils ne souhaitaient pas acheter de blés génétiquement modifiés.

En ce qui concerne les marchés de blé dont l'identité doit être préservée, des sociétés comme Warburtons (Grande-Bretagne) ont fait savoir que leurs processus de fabrication (mouture et boulangerie) ne permettent pas l'emploi de BGM et que si des BGM sont introduits au Canada, ils feront affaire avec d'autres pays.

En ce qui concerne les marchés de produits biologiques, le secteur des céréales organiques est viable et en pleine croissance mais il risque d'être gravement touché par l'introduction de BGM. D'autres représentants de notre coalition donneront des explications plus précises à ce sujet.

Du point de vue de l'agronomie à proprement parler, nous avons trois préoccupations. La première concerne les repousses de blé traité aux glyphosates. L'ouest du Canada s'est engagé à adopter des méthodes culturales de conservation visant à préserver les sols des Prairies. Les méthodes de culture sans travail du sol et les pratiques de déchaumage minimum s'accompagnent de l'emploi de glyphosates comme le «Roundup» pour lutter contre les mauvaises herbes. Si l'on devait introduire des variétés de blés résistantes à ces agents desséchants, ces pratiques de conservation des sols seraient compromises. L'apparition de repousses de blé résistant aux glyphosates d'une année à l'autre nécessitera l'utilisation de produits chimiques supplémentaires à mélanger en citerne, qui augmenteront les coûts de préservation des sols. Cette augmentation à elle seule risque de décourager les producteurs à poursuivre l'initiative de préservation des sols et par conséquent leur activité ou leur croissance. Le résultat net serait la détérioration des sols des Prairies et de l'environnement.

La deuxième préoccupation concerne les croisements d'espèces végétales. Les chercheurs qui se penchent sur le croisement de certaines graminées ont signalé la possibilité de croisement des blés résistants aux glyphosates avec des herbes indigènes. Si l'on devait supprimer le glyphosate comme agent de contrôle de mauvaises herbes comme le chiendent, les producteurs n'auraient plus que le travail du sol (déchaumages, labours, et cetera.) pour s'en débarrasser, ce qui compromettrait la préservation des sols des Prairies et de l'environnement.

La troisième préoccupation, ce sont les «gènes terminateurs». Les partisans d'un blé résistant aux glyphosates anticipent les problèmes et se sont déjà munis d'un brevet aux États-Unis; ils sont en train d'essayer d'obtenir un brevet au Canada pour un produit à ajouter aux citernes d'épandage et pour des solutions prémélangées pour le traitement des repousses résistantes aux glyphosates. Ces mélanges ne sont efficaces que si un certain nombre de conditions sont réunies, la température ambiante étant l'un des principaux facteurs de réussite.

Les conditions de semailles de printemps ne sont pas toujours favorables dans l'ouest du Canada et, par conséquent, ces méthodes sont sujettes à caution. On a alors laissé entendre à l'industrie que si ces mélanges ne sont pas efficaces, la seule solution consistera à introduire le gène terminateur. Un blé résistant aux glyphosates greffé du gène terminateur ne pousse qu'un an. Les producteurs seraient alors tenus de se réapprovisionner chaque année en semences. Étant donné qu'une seule compagnie détient les brevets de ce gène, elle aurait nécessairement le monopole et en profiterait pour dominer toute l'industrie des semences de blé. La filière céréalière refuse de confirmer ou de rejeter ce scénario.

En conclusion, non seulement nos marchés mais aussi les pratiques de conservation et notre environnement en général seraient menacés par l'introduction éventuelle de blés résistants aux glyphosates. L'Agricultural Producers Association of Saskatchewan s'oppose jusqu'à nouvel ordre à l'autorisation de blés génétiquement modifiés.

L'Agricultural Producers Association of Saskatchewan recommande que le Canada, les États-Unis et le Mexique s'entendent à l'échelle du continent au sujet des blés génétiquement modifiés. Il importe que l'Amérique du Nord soit considérée comme un chef de file ayant une vision commune et s'efforçant de trouver une solution mondiale au sujet de tous les organismes génétiquement modifiés (OGM).

M. Bradford Duplisea, chercheur médical, Coalition canadienne de la santé: Honorables sénateurs, je vous remercie pour votre invitation. La Coalition canadienne de la santé (CCS) s'oppose à l'introduction des blés génétiquement modifiés (BGM) en raison d'une réglementation inadéquate et des risques potentiels pour la santé de la population.

Aucune des cultures génétiquement modifiées autorisées à ce jour n'a subi de tests indépendants quant à ses effets à long terme sur la santé; il n'est par conséquent pas certain que ces produits ne présentent pas de dangers pour la consommation. Les déclarations continuelles des bureaucrates et des responsables de cette filière n'ont aucun fondement scientifique. Ce n'est pas en répétant sans arrêt la même rengaine, à savoir que les aliments génétiquement modifiés ne présentent aucun danger, que cela changera quoi que ce soit. Le fait est que personne ne sait au juste si ces aliments ne présentent aucun risque pour ceux qui en consomment. Pour compliquer les choses, l'étiquetage n'étant pas obligatoire et par conséquent toute traçabilité étant impossible, il nous est impossible de constater scientifiquement ce qui se passe. Pour preuve, les chercheurs que regroupe la prestigieuse Société royale du Canada soulèvent tous ces problèmes de sécurité, de réglementation et divers autres problèmes dans leur rapport sur les aliments génétiquement modifiés.

La Coalition canadienne de la santé estime que toute réglementation doit s'inspirer du principe de précaution, c'est-à-dire qu'en cas d'incertitude scientifique, il s'agit de prendre certaines précautions élémentaires. Dans le cas des BGM et d'autres nouvelles technologies, ce genre de précautions impliqueraient un certain nombre de tests rigoureux, impartiaux et à long terme avant qu'une autorisation ne soit accordée. L'évaluation des risques devrait être plus élaborée que celle qu'en font actuellement les décideurs canadiens. Le processus qui consiste à déterminer qu'un aliment à base d'éléments génétiquement modifiés est substantiellement l'équivalent de son homologue non génétiquement modifié est un processus qui laisse fort à désirer. Selon la Société royale du Canada, il devrait être remplacé à titre de facteur décisionnel par «l'évaluation scientifiquement rigoureuse du potentiel (de ces éléments) de causer des torts à l'environnement ou à la santé humaine».

En outre, les données scientifiques communiquées par Monsanto et d'autres compagnies du secteur des biotechnologies sont considérées comme confidentielles et, par conséquent, ne sont pas sujettes à l'examen par les pairs. La Coalition canadienne de la santé estime que les données communiquées par Monsanto et d'autres entreprises ne sont pas fiables du tout. Ces cultures doivent pouvoir être étudiées de façon impartiale et les expériences doivent pouvoir être reproduites. Le principe du contrôle par des membres de la profession est un pilier de toute science digne de ce nom.

Les Canadiens et les Canadiennes méritent mieux qu'un processus réglementaire qui réclame une confiance aveugle de leur part. L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) devrait concentrer ses efforts sur la réglementation de ces cultures et pas sur leur promotion.

Dans le cas de plusieurs cultures génétiquement modifiées, il est déjà trop tard. Bien que la CCS estime la situation irréversible, il faut tâcher d'enrayer le processus et dire non au BGM. En conclusion, la Coalition canadienne de la santé recommande au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts de tenir des consultations publiques sur les BGM afin d'examiner toutes les préoccupations que soulève ce sujet extrêmement important. Je vous remercie.

M. Wells: Le représentant de la Commission canadienne du blé n'a pas pu être ici aujourd'hui. La Commission nous a donc demandé de lire sa déclaration.

La Commission canadienne du blé reconnaît les avantages que les biotechnologies sont susceptibles de réserver aux consommateurs comme aux producteurs. L'objectif final de la Commission canadienne du blé en la matière consiste à ce que l'introduction de ces produits soit réussie et comporte des avantages tangibles pour les producteurs comme pour les consommateurs.

Pour le moment, au moins les deux tiers des clients des producteurs de l'Ouest ont exprimé des réserves quant à l'achat de blé génétiquement modifié. Ces réserves ont été communiquées directement à la Commission canadienne du blé ou par l'intermédiaire de moratoires imposés par les gouvernements étrangers ou par l'adoption de restrictions aux importations et l'imposition d'un étiquetage obligatoire.

Par exemple, les minoteries canadiennes constituent, pour la plupart des années, les principaux clients des agriculteurs de l'Ouest. Ces minoteries exportent également et une bonne partie de la farine produite ici est expédiée sur des marchés que l'on pourrait qualifier de récalcitrants aux OGM. Les minoteries canadiennes ont par conséquent exprimé des réserves quant à l'adoption prématurée de blés génétiquement modifiés et elles sont en faveur de la conduite d'évaluations des incidences économiques des nouveaux produits.

Les minoteries américaines font elles aussi partie des clients qui sont réticents à cet égard. Or, les États-Unis sont un autre marché important pour les agriculteurs de l'Ouest. L'Association des meuniers d'Amérique du Nord a déclaré publiquement que ces cultures n'ont pas leur place sur les marchés, puisqu'elles ne sont pas approuvées sur la plupart d'entre eux.

Le Japon fait constamment partie des cinq principaux acheteurs de blé de l'ouest du Canada et il représente un marché où l'on obtient un prix supérieur. Or, l'apparition de blé génétiquement modifié en Amérique du Nord préoccupe énormément les Japonais, qui le font savoir. Publiquement et individuellement, ils ont fait savoir clairement à la Commission canadienne du blé et à leurs fournisseurs américains qu'ils n'étaient nullement disposés à acheter du blé génétiquement modifié.

La liste des autres clients qui ont adopté des politiques restrictives à l'endroit des produits alimentaires à base d'OGM est trop longue pour que nous nous y attardions ici. Signalons cependant que la Commission canadienne du blé doit régulièrement fournir des assurances qu'il n'existe pour l'instant au Canada aucune variété de blé génétiquement modifié dont la production commerciale soit autorisée dans l'ouest du Canada.

Il est évident que dans ces circonstances, l'industrie céréalière ne peut se permettre d'approuver à la va-vite une variété de blé génétiquement modifié tant que cette même industrie n'aura pas reçu l'assurance qu'elle sera en mesure d'approvisionner ses clients en blés traditionnels (non génétiquement modifiés) pour répondre aux besoins des clients.

Pour que la Commission canadienne du blé et les autres représentants de la filière se déclarent convaincus que ces nouveaux produits ont réussi leur entrée sur les marchés, il faut que deux conditions, tout aussi importantes l'une que l'autre, soient réunies. La première condition est que ces produits doivent présenter des avantages nets pour les producteurs. Cela signifie que les dividendes agronomiques et les avantages financiers l'emportent sur tous les risques sur le marché et sur les coûts de ségrégation de ces produits.

La deuxième condition est la capacité de continuer de répondre aux besoins des clients. Pour ce faire, il faut des technologies de détection adéquates, des protocoles très stricts de production et de manutention ainsi qu'une répartition équitable des coûts et des responsabilités. Il faut également des procédures d'échantillonnage et des protocoles de tests internationalement reconnus ainsi que la reconnaissance de seuils de tolérance qui soient praticables.

Pour réunir ces conditions, un certain nombre d'initiatives sont en cours. Mais il reste pas mal de pain sur la planche. La Commission canadienne du blé estime qu'il faut achever le travail avant que la production au Canada d'une variété de blé transgénique ne soit autorisée.

Les organisations agricoles reconnaissent qu'outre les questions de sécurité, de qualité et d'évaluations agronomiques, il convient de procéder à des analyses de leur impact sur les marchés tandis que la préparation du système devra être revue et étudiée avant que ces cultures n'entrent définitivement en phase de production.

Nous apprécierions votre soutien pour encourager le gouvernement fédéral et ses ministères à envisager des solutions originales à cette question de l'impact sur les marchés, dans le cadre du processus réglementaire d'homologation de ces cultures.

Mme Holly Penfound, coordonnatrice de campagne - Santé de l'environnement; Greenpeace Canada: Je vous remercie de nous avoir invités. Greenpeace Canada est opposé à la dissémination d'organismes génétiquement modifiés (OGM), y compris la propagation de blés génétiquement modifiés (BGM), dans l'environnement.

Comme organisation d'envergure internationale ayant établi sa présence dans 45 pays et dont le nombre de membres s'élève à 2,6 millions, Greenpeace est dans une situation privilégiée pour savoir que la population du monde rejette les aliments génétiquement modifiés. Nous savons en outre que la commercialisation de BGM fera du tort à nos marchés. Les importateurs de blé canadien l'ont fait savoir clairement.

Dans un autre document que nous vous avons remis aujourd'hui, nous avons exposé les problèmes associés à l'introduction de BGM, notamment les risques économiques, les problèmes de ségrégation, la perte d'intégrité du système d'enregistrement des variétés de blé, les incidences agronomiques, les risques pour la santé, les dangers pour l'environnement et les insuffisances de la réglementation telle qu'elle existe au Canada.

Aujourd'hui, mes commentaires seront toutefois principalement axés sur les incidences écologiques que pourraient avoir les BGM. Les torts que peuvent causer les cultures génétiquement modifiées à l'environnement peuvent être directs ou indirects. L'impact direct sur les organismes du sol et sur les plantes qui perturbe leur population ou leur place dans l'écosystème peut être caractérisé comme directement préjudiciable, mais ces torts peuvent également entraîner des modifications dans les assolements qui ont par ricochet des retombées néfastes sur les écosystèmes naturels.

Envisageons deux scénarios en ce qui concerne les BGM: le premier est le croisement hétérogène ou le transfert des caractéristiques de résistance aux herbicides des BGM à des plantes sauvages, notamment au chiendent, au Canada. Le deuxième sont les effets néfastes sur les organismes du sol résultant de l'épandage de plus grosses quantités d'herbicides à base de glyphosates pour certains blés adaptés pour l'utilisation du Roundup.

Même s'il semblerait que ces problèmes ne concernent que les agronomes, ils peuvent en effet avoir de graves effets sur les écosystèmes dans la mesure où ils impliquent des changements dans la gestion des cultures: plus d'engrais, assolements modifiés, adoption de pesticides plus ou moins toxiques. Ces changements vont à leur tour entraîner des effets par ricochet sur les sols, les écosystèmes terrestres et aquatiques: changements du régime alimentaire des insectes, des microorganismes et des oiseaux et de leurs prédateurs ou encore contamination des eaux et des sols par des pesticides. L'ironie du sort veut que, alors que l'environnement est touché, les avantages économiques et agronomiques promis aux agriculteurs par les entreprises du secteur des biotechnologies ne se concrétisent généralement pas et que, dans certains cas, ils entraînent une augmentation des coûts et des difficultés.

Greenpeace estime que la réglementation canadienne concernant les OGM - guidée comme elle l'est par un agenda nettement en faveur des lobbies biotech - est fondamentalement viciée et qu'elle pose des risques pour les agriculteurs, pour les consommateurs et pour l'environnement. Les experts de la Société royale du Canada nous ont déjà avertis des dangers des manipulations génétiques et des imperfections du système de réglementation canadien dont le double mandat, qui est de réglementer et de promouvoir, présente un conflit d'intérêts évident. La SRC a donné ces avertissements dans un rapport intitulé «Éléments de précaution: recommandations pour la réglementation de la biotechnologie alimentaire au Canada».

Greenpeace Canada fait quatre recommandations concernant les BGM que nous demandons aux honorables membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts d'appuyer. Premièrement, nous demandons de tenir, avant d'envisager d'autoriser les BGM, un processus de consultations publiques dans le cadre duquel toutes les préoccupations sur cette question seraient examinées.

Deuxièmement, le processus de réglementation devrait tenir compte des avantages économiques que présentent les cultures génétiquement modifiées, blé y compris.

Troisièmement, nous enjoignons le gouvernement du Canada à respecter le principe de précaution, compte tenu des incertitudes dans lesquelles nous laissent les milieux scientifiques en la matière et à mettre en oeuvre immédiatement les recommandations de la Société royale du Canada en ce qui concerne la réglementation des organismes génétiquement modifiés.

Quatrièmement, le BGM devrait faire l'objet d'une évaluation environnementale systématique aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE). Les critères déclencheurs d'un recours à la LCEE sont l'utilisation de terres domaniales, un investissement du gouvernement fédéral ou l'exigence d'une licence fédérale.

Le blé génétiquement manipulé représente une expérience qui n'a pas été soumise à des essais satisfaisants et dont la contamination est indésirable dans nos fermes, dans nos assiettes et dans notre environnement. C'est au gouvernement qu'il appartient de prendre les décisions et non pas aux compagnies du secteur des biotechnologies qui essaient de commercialiser le BGM.

Greenpeace est ici aujourd'hui pour manifester sa solidarité avec des groupes ayant divers points de vue sur le génie génétique. C'est ce qui fait la force de notre message. Le fait que nous soyons ensemble ici témoigne de l'urgence du problème. Nous estimons tous qu'il est temps qu'Ottawa écoute ce que les Canadiens et les Canadiennes ont à dire. Il est temps qu'Ottawa intervienne. Il est grand temps que le Canada dise «non» à l'homologation du blé génétiquement modifié et nous sollicitons humblement votre aide pour que ce voeu se réalise.

M. Don Dewar, président, Keystone Agricultural Producers: Je suis président de Keystone Agricultural Producers. KAP est une organisation démocratiquement contrôlée par les agriculteurs qui en assurent le financement. Elle défend les intérêts de plus de 6 500 agriculteurs représentant les principaux groupes économiques, à savoir les éleveurs de bétail, le secteur de la gestion des approvisionnements et les producteurs de cultures spéciales du Manitoba. C'est au nom de cette industrie que j'ai l'honneur de m'adresser à vous aujourd'hui.

Avant d'articuler notre position, je tiens à vous assurer que nous ne sommes pas hostiles aux développements de la technologie, y compris de la biotechnologie, qui pourraient être avantageux pour les agriculteurs et les consommateurs. En effet, les produits de haute technologie se sont révélés très bénéfiques à l'industrie pharmaceutique. Nous ne voulons pas que cesse la recherche dans le secteur de la biotechnologie car nous savons trop qu'en nous opposant à ces développements, notre industrie et notre pays prendraient un sérieux retard par rapport à leurs concurrents.

Le Canada jouit cependant d'une excellente réputation pour la qualité du blé qu'il exporte dans de nombreux pays. Nous estimons que l'introduction de blé génétiquement modifié à l'heure actuelle serait préjudiciable à l'économie canadienne. De nombreux clients nous ont avertis qu'ils n'achèteraient pas de blé génétiquement modifié. Le client a toujours raison. Tant que l'on n'aura pas mis en place des modalités qui rassureront nos clients, nous demandons que l'introduction du blé génétiquement modifié au Canada soit reportée.

Nos membres s'entendent pour mettre deux conditions à cette introduction. La première est qu'il nous faut une norme internationalement reconnue sur l'ajout de grains de blé génétiquement modifié à nos livraisons de blé conventionnel (non-GM). Or, il n'existe pour l'instant aucune norme internationalement reconnue qui définisse le pourcentage de grains GM acceptable dans les exportations de blé dans le monde. À l'échelle du pays, on a bien établi des normes concernant le taux d'impuretés dans pratiquement tous les produits. La Loi sur les semences fixe des normes quant au pourcentage d'impuretés acceptable dans un semis, dans le but de préserver la pureté génétique. En ce qui concerne l'eau, nous avons fixé des normes pour des raisons d'hygiène. Cependant, nous avons besoin d'une norme internationale acceptable pour tous, qui fixe le pourcentage d'adjuvants à tous les produits agricoles, y compris ceux qui sont génétiquement modifiés.

La deuxième condition est que nous devons développer ici au Canada un système de ségrégation qui garantira à nos clients que nous respectons bien cette norme internationalement reconnue. Cela nécessitera des efforts de coopération et un consensus entre les producteurs, les manutentionnaires et les marchands. Il nous faut donc définir clairement les responsabilités respectives de chacun de façon à ce que les clients puissent obtenir le blé dont ils ont besoin pour le conditionner de la manière souhaitée par le consommateur.

Pour l'instant, nous disposons de normes de qualité en ce qui concerne l'enregistrement du blé. Cette exigence a pour but de faire en sorte que nos clients obtiennent bien le produit qu'ils veulent. Il est impératif que nos clients continuent d'obtenir ce qu'ils veulent. Or, pour le moment, ils ne veulent pas de blé génétiquement modifié.

Si une variété de blé génétiquement modifié devait être introduite au Canada avant que ces deux conditions ne soient respectées, les producteurs perdraient des marchés et leurs revenus baisseraient. L'homologation au Canada d'une variété de blé génétiquement modifié la rendrait inacceptable sur certains marchés d'exportation. KAP s'inquiète de ce qu'en cas d'homologation d'une variété de BGM, il serait difficile de garantir que les futures expéditions de blé ne contiendraient pas ces blés génétiquement modifiés.

Nous demandons que, pour protéger notre industrie, le gouvernement du Canada reporte l'homologation et l'introduction de variétés de blé génétiquement modifié tant que les agences de contrôle des importations et des exportations concernées n'auront pas garanti l'aval des marchés pour ces types de blés.

Pour conclure, je vous demande de bien considérer l'avenir de l'agriculture et de l'économie céréalière au Canada. Les producteurs luttent pour conserver leur part de marché. En tant que Canadiens, vous ne pouvez pas vous permettre de mettre ces marchés en danger.

M. Arlynn Kurtz, directeur exécutif, District 1, Agricultural Producers Association of Saskatchewan: J'ai le plaisir de présenter la prise de position de l'Association des municipalités rurales de la Saskatchewan (SARM). M. Bob Schulz n'a pas pu venir parce qu'il a raté sa correspondance.

Nous sommes ici aujourd'hui parce que nous nous posons des questions sur les fâcheuses conséquences que pourrait avoir l'introduction et l'homologation de blé génétiquement modifié pour les producteurs. Nous représentons l'ensemble des municipalités rurales et des agriculteurs qui y cultivent du blé. Lors de leur assemblée annuelle en mars 2001, les membres de la SARM ont adopté la résolution suivante:

ATTENDU QUE le blé génétiquement modifié (BGM) ou blé transgénique, est susceptible de compromettre sérieuse ment les marchés actuels; et

ATTENDU QUE des blés génétiquement modifiés pourront faire leur apparition dès 2003 et qu'à cette date, les systèmes logistiques et les systèmes de ségrégation ne seront peut-être pas en place; et

ATTENDU QUE les tests d'organismes génétiquement modifiés (OGM) devraient être effectués par des organismes financés par des fonds publics;

QU'IL SOIT RÉSOLU QUE la SARM s'oppose énergique ment à l'homologation de toute forme de blé génétiquement modifié au Canada; et

QUE le Canada interdise tous blés génétiquement modifiés au Canada.

Comme vous pouvez vous en rendre compte, les principales préoccupations de la SARM en ce qui concerne les blés génétiquement modifiés sont l'accès aux marchés et non pas la justesse de l'argument scientifique à la base de ces technologies. Si des blés génétiquement modifiés devaient être homologués au Canada, nous verrions bientôt disparaître nos meilleurs créneaux à l'exportation. Les producteurs de blé ne peuvent pas se permettre la perte de tels marchés.

Le blé est un composant essentiel de l'économie de la Saskatchewan. C'est l'une des principales exportations de la Saskatchewan qui est la province canadienne qui exporte les plus gros volumes de blé. En l'an 2000, les exportations canadiennes de blé se chiffraient aux alentours de 2,9 milliards de dollars. La part de la Saskatchewan de ce marché en représente près de la moitié, soit 1,4 milliard de dollars. Il est clair par conséquent que la perte de marchés d'exportation signifierait des pertes nettes pour nos agriculteurs.

Nos préoccupations viennent en grande partie du fait que nous ne sommes pour l'instant pas en mesure d'effectuer rapidement et de façon pratique la séparation des blés. Nous devons avoir la garantie que les moyens de ségrégation et le système de logistique permettront d'assurer et de préserver l'identité des blés que nous expédions. Tant que de tels systèmes ne seront pas en place, les inquiétudes quant à l'introduction de blés génétiquement modifiés subsisteront.

La perspective de pertes de marchés est clairement contraire aux objectifs du gouvernement de voir augmenter sa part des échanges de produits agroalimentaires dans le monde. Ce ne sont pas seulement les marchés de blé qui seront affectés, mais aussi les marchés d'autres produits. Ainsi Heinz - le plus gros importateur de haricot sec d'Europe - n'accepte pas de haricots ayant été en contact avec quelque produit génétiquement modifié que ce soit. Heinz veut même des garanties que les camions qui transportent ces haricots n'ont jamais transporté de produits génétiquement modifiés. Si l'on devait ajouter le BGM à la liste des cultures, cela entraînerait des risques de contamination réciproque.

Bien que la préoccupation principale de la SARM concerne l'accès aux marchés, nous sommes également inquiets du point de vue agronomique, en ce qui concerne les conséquences que pourraient avoir ces blés transgéniques résistants aux herbicides. Les producteurs, surtout ceux qui pratiquent la conservation des sols, utilisent des herbicides au glyphosate pour la lutte contre les mauvaises herbes. Étant donné qu'il existe déjà des variétés de Canola résistantes au glyphosate, l'apport de blé résistant à cette substance engendrerait des problèmes supplémentaires de désherbage pour les producteurs pratiquant les semis en direct. À cela s'ajoutent les risques de contamination réciproque entre les BGM et les blés conventionnels. Dans ce cas de figure, ce n'est pas la ségrégation après la récolte qui sera en mesure de garantir qu'il n'y a aucune contamination.

Pour terminer, nous serions en faveur de la tenue d'un processus de consultations en ce qui concerne les BGM; cependant, nous ne voyons guère d'avantages à procéder pour le moment à l'homologation d'une culture qui risque de causer plus de tort que de bien à l'industrie canadienne de l'agroalimentaire. Je vous remercie.

M. Marc Loiselle, directeur, Saskatchewan Organic Directorate: Bonjour monsieur le président et honorables sénateurs. Je suis producteur actif de cultures biologiques certifiées depuis 16 ans.

Le Saskatchewan Organic Directorate est sans équivoque opposé à toute autre introduction de cultures génétiquement modifiées ou transgéniques en raison de la menace qu'elles constituent pour l'intégrité et la viabilité de la production biologique d'aliments de consommation et de fibre. À l'échelle mondiale, le seuil de tolérance est de zéro en ce qui concerne le niveau d'organismes génétiquement modifiés qui se trouveraient dans les produits alimentaires certifiés Biologique; c'est décrit dans les normes de certification et c'est ce qu'exigent les acheteurs, les transformateurs et les consommateurs. Si un niveau de tolérance minimal était établi, il serait impossible de le maintenir en raison de l'inévitabilité de la contamination croissante par des cultures transgéniques.

Les cultures transgéniques ne peuvent être contenues dans des endroits spécifiques, soit dans des parcelles de culture expérimentale ou dans des champs agricoles car la dérive génétique de leurs nouveaux traits se produira par la propagation du pollen et de la graine, par le vent, l'eau, les animaux et l'activité humaine. La contamination à partir du blé transgénique se produira étant donné que la contamination par le Canola transgénique a déjà eu comme conséquence de réduire considérablement la capacité de répondre aux besoins du marché en ce qui concerne le Canola biologique certifié.

En dépit des demandes faites à l'Agence canadienne d'inspection des aliments et aux ministères provinciaux de l'Agriculture au sujet de l'emplacement des sites d'essai de blé transgénique, ils répondent que l'information est confidentielle, même s'ils veulent savoir où sont situées les fermes biologiques. L'approbation gouvernementale du secret entourant l'emplacement des sites canadiens d'essai de blé transgénique a déjà transgressé nos droits de producteurs agricoles.

L'introduction commerciale proposée du blé transgénique tolérant aux herbicides et la contamination génétique conséquente d'autres variétés de blé feront qu'il est impossible pour les agriculteurs d'avoir un choix clair au sujet du type de blé qu'ils cultivent. En outre, il y a des implications à long terme profondes pour la recherche et développement de futures variétés de blé en raison de la contamination des stocks de graines de semence de blé, des collections de graines de semence, des stocks des sélectionneurs et de ceux des banques génétiques. Aucune procédure de gestion, aucune technologie de détection ou aucun système de ségrégation n'empêcheront le blé transgénique de contaminer les champs avoisinants, les cargaisons d'aliments et les aliments pour animaux.

[Français]

La perte de certification pour le blé biologique, la perte d'occasion de fournir les marchés et la perte de revenus, les effets nuisibles sur la sûreté des aliments et sur l'environnement, la perte de choix pour les consommateurs sont inacceptables.

En fin de compte, les droits des consommateurs sont primordiaux et doivent être respectés. Les consommateurs sont le marché et créent la demande. L'adoption de la production d'aliments biologiques certifiés pour satisfaire la demande croissante est remise en cause par l'utilisation incontrôlable et la contamination par les cultures transgéniques.

L'introduction du blé transgénique ne fera rien pour réduire l'utilisation de produits chimiques toxiques, pour fournir des aliments sains ou même pour produire plus d'aliments comme est réclamé; mais profitera aux compagnies productrices des cultures transgéniques aux dépens des fermiers, des consommateurs, des communautés et du bien commun de tous les Canadiens. Le droit de cultiver et de consommer de la nourriture exempte du blé transgénique et d'autres OGM est menacé. Les cultures transgéni ques compromettent la réputation singulière du Canada en tant que producteur de produits de nourriture de haute qualité. En raison de la grande superficie semée en blé au Canada, de son importance comme aliment principal et comme culture essentielle pour maintenir les rotations des cultures, l'approbation du blé transgénique serait dévastatrice.

[Traduction]

L'introduction du BGM constituerait une grave menace pour la viabilité du nombre croissant de fermes biologiques au Canada. Le blé est d'une importance majeure dans la production biologique de grain en raison de trois caractéristiques importantes: sa tolérance relative à la sécheresse, sa compétitivité avec les mauvaises herbes et sa qualité marchande.

L'élimination obligatoire du blé des rotations de culture biologique due à la contamination par le blé transgénique compromettrait donc la viabilité agronomique et économique de l'agriculture biologique dans les Prairies. L'agriculture biologique est le secteur des circuits alimentaires mondiaux dont la croissance est la plus rapide. Au Canada, elle compte des entreprises de toutes dimensions; elle est variée, est en grande partie axée sur l'exportation et est rentable sans subventions gouvernementales. L'introduction du BGM au Canada menace ce secteur essentiel de l'agriculture, l'espoir le plus lumineux sur l'horizon agricole.

Est-ce que le gouvernement du Canada met en oeuvre les nombreuses et excellentes recommandations que le Groupe d'experts de la Société royale du Canada sur le l'avenir de la biotechnologie alimentaire a faites dans son rapport du 5 février 2001, intitulé: «Éléments de précaution: recommandations pour la réglementation de la biotechnologie alimentaire au Canada» ou bien ce travail important restera-t-il en grande partie ignoré?

Pourquoi le gouvernement s'est-il éloigné de la responsabilité publique?

Qui sera jugé responsable de la pollution biologique?

Est-ce que le blé transgénique sera soumis à des études fédérales approfondies concernant l'évaluation agronomique et environnementale dans le cadre de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, indépendamment du système de réglementation qui est fondamentalement défectueux? Les gouvernements ont démontré des conflits d'intérêts sérieux car ils font d'une part des investissements et établissent d'autre part la réglementation concernant les aliments transgéniques.

Est-ce que le gouvernement continuera à fournir les ressources publiques nécessaires pour permettre aux entreprises du secteur des biotechnologies de faire de la recherche sur le blé transgénique puis de le faire breveter et d'en être propriétaire? Dans une démocratie, les gouvernements doivent servir le bien commun, mais nous voyons de plus en plus que leurs priorités visent l'agenda des entreprises aux dépens des droits des agriculteurs et des consommateurs.

Le Saskatchewan Organic Directorate recommande que le comité sénatorial entame un processus de consultations publiques - avant que l'on envisage l'approbation du blé transgénique - pour étudier toutes les préoccupations qui le concernent. Le SOD croit en outre qu'il est impératif que le gouvernement du Canada adhère au principe de précaution et fasse immédiatement le nécessaire pour arrêter le développement, l'approbation et la distribution commerciale du blé transgénique.

Mme Nadège Adam, responsable des biotechnologies, Conseil des Canadiens: Je représente ici les intérêts de nos 100 000 membres de toutes les régions du pays, soit autant de consommateurs préoccupés par cette question.

Des aliments génétiquement modifiés ont été introduits dans notre alimentation à notre insu et sans notre consentement. Aujourd'hui, ces aliments représentent jusqu'à 70 p. 100 des produits alimentaires que nous trouvons en magasin. Même si les Canadiens ont à plusieurs reprises exprimé leurs inquiétudes quant à l'absence de tests adéquats en ce qui concerne ces aliments par rapport à notre santé et par rapport à l'environnement, le gouvernement semble enclin à maintenir la prolifération de nouveaux produits génétiquement modifiés, comme le blé génétiquement modifié, dans notre chaîne alimentaire. De nombreux sondages révèlent le malaise croissant et la surprise par rapport au fait que nous soyons contraints de consommer des produits potentiellement dangereux pour notre santé.

À plusieurs reprises, des représentants du gouvernement ont tenté de rassurer les Canadiens quant à la sécurité de ce que nous consommons mais plusieurs rapports commandités par ce même gouvernement, et notamment celui de la Société royale du Canada, nous indiquent le contraire. La Société royale du Canada a publié les résultats d'une étude commanditée par le gouvernement sur la réglementation actuellement en place pour l'homologation de produits alimentaires génétiquement modifiés et elle a conclu que cette réglementation laissait grandement à désirer. La SRC a formulé 53 recommandations dont pas une seule n'a été prise en considération jusqu'à présent.

Nos membres sont particulièrement préoccupés en ce qui concerne le blé étant donné son omniprésence dans notre alimentation. L'idée que le pain, le soutien de la vie, puisse être génétiquement modifié nous est absolument inacceptable étant donné la controverse et l'incertitude qui entourent cette question.

Beaucoup de Canadiens ont une méfiance indéniable à l'égard des aliments génétiquement modifiés qui doit être surmontée avant que d'autres produits transgéniques, comme le BGM, ne soient introduits dans les circuits alimentaires. Si personne ne devait y prêter attention, ceci ne servirait qu'à attiser l'indignation croissante des Canadiens à cet égard. Ce qu'il faut, c'est un débat public, une analyse complète des implications éventuelles et un processus véritablement démocratique où les droits des citoyens soient respectés.

Nous voulons que le gouvernement comprenne bien que la confiance des clients dans ces produits sera nulle tant que ces préoccupations n'auront pas été prises en considération. L'autorisation de blés génétiquement modifiés ne serait pas seulement une catastrophe pour l'industrie céréalière canadienne mais elle risquerait également de conforter une opinion de plus en plus répandue, à savoir que le gouvernement est prêt à défendre les intérêts des compagnies du secteur des biotechnologies au détriment des citoyens qu'il représente.

Le Conseil des Canadiens s'associe par conséquent à tous ceux et celles qui souhaitent que le gouvernement mette un terme à l'introduction au pays du blé génétiquement modifié. Nous demandons également au comité sénatorial d'entamer un processus de consultations publiques avant que le BGM ne soit homologué, pour examiner toutes les inquiétudes associées à ce type de cultures.

M. Wells: Je suis membre du conseil d'administration du Syndicat national des cultivateurs et je suis agriculteur dans le sud-ouest de la Saskatchewan.

Quelques-uns d'entre vous sont au courant des activités du Syndicat national des cultivateurs. Nous sommes un organisme agricole national qui regroupe des membres de toutes les régions du pays. C'est un organisme à participation directe, ce qui signifie que ses membres sont des cultivateurs comme moi et que nos dirigeants élus sont, eux aussi, des agriculteurs.

Le Syndicat national des cultivateurs s'oppose à l'introduction du blé génétiquement modifié en raison de ce que nous avons pu constater après qu'ait été introduit du Canola génétiquement modifié. En quelques années, tous les champs de Canola de l'Ouest ont été contaminés par du Canola transgénique, ce qui s'est traduit par des pertes de marchés en Europe et dans le secteur des produits biologiques, sans compter que les repousses de Canola transgénique sont devenues, à leur tour, des plantes indésirables.

L'introduction de blé génétiquement modifié (BGM) va entraîner des problèmes de même nature, comme les croisements d'espèces et la contamination, qui mettront en danger nos marchés de blé dans le monde. Ce sont des centaines de millions de dollars que les producteurs risqueront de perdre chaque année à la suite de la perte des marchés résultant de l'introduction de BGM. En plus, les producteurs de blé vont devoir faire face à des coûts supplémentaires lorsqu'ils voudront éliminer de leurs champs les repousses de BGM.

D'autres organisations dont les représentants sont ici soulignent la perspective très réaliste d'un croisement probable de blé transgénique avec d'autres plantes de la famille des graminées, entraînant davantage de problèmes et de dépenses pour les producteurs. Dans certains cas, ceci les obligera à travailler davantage les sols, ce qu'en ce moment, la plupart des agriculteurs cherchent à éviter.

Si du BGM devait être introduit aujourd'hui au Canada, les agriculteurs auraient le choix entre cultiver du blé transgénique, cultiver du blé contaminé par du BGM ou cesser complètement de cultiver du blé. Les consommateurs auraient le choix de consommer des produits à base de blé canadien contaminé par des produits génétiquement modifiés ou d'importer des produits à base de blé non contaminés par du BGM. Ce scénario aurait de lourdes conséquences pour tous ceux qui veulent cultiver du blé non génétiquement modifié, notamment les producteurs biologiques. Aucune de ces options ne présente beaucoup d'attrait pour le producteur ni pour le consommateur.

Pour éviter des problèmes coûteux, il faut bien réfléchir au processus d'homologation de toute nouvelle culture génétiquement modifiée. Les modalités d'homologation devront comprendre un examen au cas par cas de chaque nouvelle proposition et se baser sur le principe de précaution décrit par la Société royale du Canada dans le rapport qu'elle a publié au printemps dernier. Comme le signale également ce rapport, le Syndicat national des cultivateurs considère qu'il est irresponsable que ce soit le même organisme gouvernemental qui soit en charge de la réglementation des cultures génétiquement modifiées et de leur promotion. Il est en effet certain que la confiance du public et des données scientifiques fiables ne sauraient être obtenues autrement que par l'intermédiaire de tests rigoureux, transparents et indépendants en ce qui a trait aux cultures alimentaires génétiquement modifiées. Comme nous l'avons vu dans le cas du Canola canadien et du maïs Star Link aux États-Unis, rien ne sert de courir car nous ne récolterions que des catastrophes dont les producteurs canadiens pourraient se passer.

Les compagnies du secteur des biotechnologies n'arrêtent pas de colporter la bonne nouvelle tant auprès des producteurs qu'auprès des consommateurs. Force est de constater cependant que l'expérience ne confirme pas leurs affirmations. La création des produits génétiquement modifiés, y compris du blé transgénique, a pour but de créer des marchés pour des produits comme le Roundup et pour permettre à quelques détenteurs de brevets de dominer le marché mondial des semences. Est-ce là l'application souhaitable d'une technologie aussi puissante?

Un scénario plausible pour les prochaines années est un monde où 90 p. 100 des denrées alimentaires seront génétiquement modifiées et seront sous le contrôle de quelques compagnies. A-t-on jamais réfléchi à ce scénario fort probable? Vous pouvez être sûrs que les compagnies du secteur des biotechnologies y ont, quant à elles, bien réfléchi. Qu'est-ce que cela signifiera en ce qui concerne les possibilités d'approvisionnement en semences? Quelles répercussions cela aura-t-il sur le coût des produits alimentaires? Quelles répercussions cela aura-t-il sur la sécurité nationale?

Dans tous les livres d'histoire sont consignés quelques tournants importants de l'évolution de nos sociétés. Nous estimons que nous en sommes arrivés à l'un de ces tournants avec l'introduction des cultures génétiquement modifiées. Nous avons le choix entre garder le contrôle sur ces nouvelles technologies ou nous laisser dominer par elles. Nous avons encore la possibilité d'exercer ce choix.

Le Syndicat national des cultivateurs vous remercie de votre attention et prie le Sénat d'accorder la priorité à toutes les questions qui entourent l'introduction du blé transgénique.

Voilà le message que nous avions à communiquer au nom des organisations agricoles et du groupe de travail. J'ai quelques brèves observations à faire au nom du groupe de travail.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le président, nos préoccupations à cet égard sont aussi nombreuses que variées. Nous espérons sincèrement que vous pourrez mettre en oeuvre les recommandations de notre groupe de travail. Comme je l'ai déjà signalé, il recommande notamment d'insister auprès du gouvernement pour qu'il prenne immédiatement des mesures afin d'empêcher l'introduction de blé transgénique au Canada tant que l'on n'aura pas apaisé les craintes des cultivateurs canadiens, de la filière céréalière et des consommateurs. Nous recommandons d'intégrer une analyse des incidences sur le marché au processus d'homologation. Nous recommandons de demander au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire de rendre compte des fonds que le gouvernement du Canada consacre à la promotion et à la collaboration avec le secteur des biotechnologies depuis 1990.

Monsieur le président, nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: La culture du Canola génétiquement modifié est très répandue. Avez-vous des preuves que le Roundup ne détruira pas cette variété de Canola? Que savez-vous à ce sujet?

M. Wells: Je regrette, monsieur le président, mais je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question. Il est certain que le Roundup ne détruira pas le Canola Roundup Ready.

Le président: Est-ce que certains produits chimiques pourraient le détruire?

M. Wells: Oui, plusieurs herbicides anti-dicotylédones pourraient détruire le Canola Roundup Ready mais ces désherbants ne pourraient pas être utilisés sur le blé Roundup Ready, si celui-ci était introduit. C'est parce que le blé est une catégorie végétale totalement différente du Canola. Le blé est considéré comme une plante de la famille des graminées alors que le Canola est considéré comme une plante à feuilles larges.

Le président: Je signale à ceux d'entre vous qui ne sont pas cultivateurs que, hier encore, j'ai reçu des appels téléphoniques me signalant qu'un agriculteur avait essayé de détruire du Canola Roundup Ready avec du Roundup et qu'il avait, bien entendu, échoué. Il ne lui restait donc pas d'autre choix que de conserver ce Canola avec les autres cultures, après avoir pulvérisé ses champs à trois reprises.

M. Wells: Hier soir, plusieurs cultivateurs ici présents comparaient les problèmes qu'ils ont à ce sujet dans leur exploitation. Voudriez-vous savoir ce qu'ils se sont dit?

Le président: Je voudrais que vous citiez brièvement un cas.

M. Ottenbreit: Chez moi, nous avons eu un problème bien particulier il y a trois ans. J'avais semé du Canola Liberty Link, qui est une autre variété de Canola transgénique. L'année suivant, j'ai semé de l'orge. Cet été, j'ai fait une jachère chimique. C'est une technique qui consiste à utiliser deux ou trois fois par an des glyphosates pour éliminer les mauvaises herbes.

Le président: Avez-vous utilisé du Roundup?

M. Ottenbreit: Oui. Nous avons desséché les mauvaises herbes au milieu de mai avec un demi-litre de Roundup ou de glyphosate. Ensuite, au milieu de juin, les mauvaises herbes spontanées étant en pleine floraison, c'était le moment de faire un nouvel épandage de Roundup. Nous avons épandu 0,7 litre. Deux semaines plus tard, j'ai remarqué que le glyphosate avait été extrêmement efficace sauf que tous les 30 mètres, il restait un énorme bouquet de Canola. J'ai par conséquent communiqué avec la société Aventis pour demander qu'on m'envoie quelqu'un pour jeter un coup d'oeil, ce qu'elle a fait. À peine arrivé sur les lieux, le technicien a dit qu'il avait déjà vu ça. Ce n'était donc pas un cas unique.

J'ai remis au technicien deux échantillons de Canola Liberty Link provenant de sa compagnie. Il m'a rappelé et m'a dit que mon Canola était, de toute évidence, résistant au glyphosate et ce, pour une des deux raisons suivantes: il pourrait être hétérozygote, ce qui signifie qu'il est résistant à l'un des deux produits chimiques, le Liberty Link ou le glyphosate.

La compagnie a vérifié les semences et a découvert que la semence Liberty Link contenait de la semence Roundup Ready. Ce sont les deux variétés de Canola transgénique disponibles actuellement sur le marché. J'avais acheté de la semence Liberty Link certifiée à Aventis mais celle-ci contenait de la semence Roundup Ready. J'ai demandé au technicien ce qui s'était passé et il m'a dit qu'il y avait deux possibilités. La première est que lorsque la semence s'est propagée, elle était trop proche d'un champ de Canola Roundup Ready et qu'il y ait eu pollinisation croisée. L'autre possibilité est que l'équipement n'ait pas été convenablement nettoyé avant de traiter la semence et que celle-ci ait été contaminée pendant l'ensachage.

Il m'a dit que j'avais peut-être une variété de Canola hétérozygote résistante aux deux produits chimiques en raison de l'accumulation des gènes. Je lui ai demandé qui était actuellement propriétaire de cette technologie et je lui ai dit qu'il devrait venir nettoyer mon champ. Ce champ appartient à un avocat, qui fait les démarches nécessaires.

Le président: J'ai une autre question à poser. J'étais à la Chambre des communes lorsque nous avons lutté en faveur de la protection des obtentions végétales. Je me demande si cela ne s'est pas retourné contre nous en quelque sorte. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Il me semble que les grandes entreprises ont beaucoup de contrôle sur les agriculteurs. Bien entendu, cette situation est accentuée par le fait que leur publicité fait miroiter la perspective de rendements considérablement accrus et, bien entendu, d'avoir des champs sans mauvaises herbes. Nous avons vu ce que ça donnait.

Je voudrais entendre vos commentaires au sujet de la situation en matière de protection des obtentions végétales parce qu'il me semble que bien des producteurs de grains et de semences ont disparu.

M. Loiselle: Monsieur le président, je trouve que le fait que les compagnies fassent de la promotion avant qu'un produit ne soit homologué pour la vente est particulièrement inquiétant. Ce fut le cas avec les systèmes Clear Field; on a vu d'immenses panneaux publicitaires un peu partout dans le pays où l'on faisait la promotion d'un produit qui n'avait pas encore été homologué. Pourtant, on permettait à l'entreprise de faire de la publicité. C'est particulièrement inquiétant.

En ce qui concerne la protection des obtentions végétales, j'ai toujours pensé que ce n'était pas une bonne initiative. Je ne suis pas d'accord que le marché de la semence soit contrôlé par un nombre de plus en plus petit d'entreprises. Les semences devraient appartenir à tous et être un bien commun; en outre, l'agriculteur devrait avoir le droit et la capacité de conserver ses propres semences.

M. Wells: Je tiens à féliciter le président d'être aussi honnête et de prendre une part des responsabilités en ce qui concerne la Loi sur la protection des obtentions végétales. M. Whelan a exprimé les mêmes regrets lorsque je l'ai rencontré il y a deux ou trois ans. Au début des années 70, le Syndicat national des cultivateurs avait prédit ce scénario. Il avait dit que ce problème surviendrait sans toutefois savoir sous quelle forme. Personne ne possédait les données scientifiques nécessaires mais le Syndicat national des cultivateurs savait que c'était inévitable. Je vous félicite encore une fois.

M. Dewar: Je suis multiplicateur de semences depuis plus de 30 ans et à l'époque du débat sur la protection des obtentions végétales, qui a duré huit ans d'ailleurs, j'étais membre du conseil d'administration de l'association nationale. Nous appuyions alors cette initiative. Nous étions aussi en faveur de permettre aux agriculteurs de conserver leurs propres semences; nous étions en faveur d'un processus de financement de la recherche, parce que nous constations que les subventions du gouvernement diminuaient. Cependant, on nous avait assuré que le gouvernement maintiendrait la recherche publique alors qu'elle a pratiquement disparu.

Le gouvernement a formé des partenariats avec des entreprises comme Monsanto. Grâce à la technologie, la nouvelle variété tombe entre les mains d'une entreprise avec laquelle le gouvernement a collaboré au lieu de rester dans le domaine public comme c'était le cas initialement. La CCAN a été créée notamment pour distribuer des variétés publiques. Le nombre de variétés à distribuer diminue. Il s'agissait initialement de variétés appartenant au gouvernement qui sont maintenant tombées entre les mains d'entreprises privées.

La situation est très différente en ce qui concerne le Canola Roundup Ready. Il s'agit d'un produit chimique dont l'utilisation est tellement répandue que l'on a demandé aux agriculteurs de renoncer à leur droit de conserver leurs propres semences. Le Liberty est un autre produit chimique et le Canola Liberty Link est résistant à ce produit. Si l'on décide de cultiver cette variété de Canola, on peut conserver ses semences parce que c'est sur le produit chimique que l'entreprise réalise des revenus. Elle fait payer 30 $ l'acre pour le produit au lieu de 8 $ pour le Roundup. Elle a donc trouvé un moyen bien à elle de s'assurer des revenus confortables.

Le président: Il ne fait aucun doute que le problème du financement de la recherche a joué un rôle capital dans ce contexte.

Le sénateur Wiebe: J'ai de la difficulté à résister à la tentation de faire un commentaire sur les aveux du président mais je me retiendrai. Je tiens à remercier les témoins pour leur participation.

J'approuve tous les commentaires qui ont été faits. Je vous en félicite et je vous en remercie. Comme je suis agriculteur, je suis très impressionné de constater que plusieurs organisations agricoles sont parvenues à faire abstraction de leurs petites rivalités mesquines et à unir leurs efforts dans un contexte aussi important. C'est pourquoi je vous remercie très sincèrement. Les agriculteurs doivent faire cela plus souvent s'ils veulent résoudre les problèmes auxquels l'agriculture canadienne fait face.

Dans les divers exposés qui ont été faits aujourd'hui, on a employé trois sortes d'expressions: manipulé génétiquement, modifié génétiquement et transgénique.

La confusion règne dans l'esprit des consommateurs au sujet des produits alimentaires génétiquement modifiés. Plus on utilise d'abréviations différentes et plus la confusion est grande. Y a-t-il une différence entre ces trois expressions? Si c'est le cas, voudriez-vous l'expliquer?

Mme Adam: Nous avons beaucoup de contacts avec les consommateurs. Nous organisons des lignes de piquetage d'information devant les épiceries et faisons des exposés devant divers petits auditoires et, par conséquent, c'est le genre de questions que l'on nous pose. Le Conseil des Canadiens utilise les termes «génétiquement manipulé» en raison de la confusion qu'engendre le terme «modification». Nous avons constaté que ceux qui sont en faveur des produits alimentaires génétiquement manipulés ont tendance à essayer de donner le sens le plus large possible à la définition de façon à ce qu'elle englobe par exemple l'hybridation, la mutagenèse et bien d'autres techniques, de façon à brouiller les pistes.

Lorsqu'on parle de produits alimentaires génétiquement manipulés, cela désigne les aliments produits par la technique de l'ADNr, ou aliments transgéniques, c'est-à-dire des croisements d'espèces. Les personnes avec lesquelles nous avons eu des contacts affirment que ce que l'on remet actuellement en question, c'est la nouvelle science qui consiste à provoquer des croisements d'espèces et à manipuler l'ADNr. Elles ne s'opposent pas à la mutagenèse. Tout le monde sait que nous y avons recours depuis longtemps. Pour que tout soit clair, je précise que nos commentaires sont axés sur le technologie transgénique et sur la manipulation de l'ADNr.

Mme Penfound: Je suis d'accord. J'y ajouterais toutefois la possibilité de manipulation génétique au sein d'une même espèce. La manipulation de l'ADNr au sein d'une même espèce risque également d'engendrer des problèmes à cause des risques d'instabilité au cours de ce processus particulier de transformation.

Cela dit, je reconnais que le problème ne concerne pas tous les types de technologies appliquées depuis longtemps que veulent y associer les partisans de la biotechnologie pour que l'on ait l'impression d'être contre tout progrès. Nous nous opposons à la manipulation de l'ADNr. Il s'agit le plus souvent de manipulations couvrant plusieurs espèces.

Le sénateur Wiebe: Tous les aliments que nous mangeons à l'heure actuelle ont été génétiquement modifiés.

M. Loiselle: On s'est beaucoup demandé quelles étaient les normes précises qui sont suivies par les producteurs biologiques et on nous a demandé si nous sommes contre toute nouvelle technologie. Je voudrais donner une courte définition. Une des normes auxquelles nous adhérons interdit notamment d'utiliser des organismes génétiquement manipulés. Ils sont interdits. La définition dit que «le génie génétique englobe la manipulation de l'ADNr, l'hybridation cellulaire, la micro et la macro-encapsulation, la suppression et le doublement des gènes, l'introduction d'un gène étranger et une modification de la position des gènes». Une autre disposition précise que «cela ne comprend pas la sélection, la conjugaison, la fermentation, l'hybridation, la fertilisation in vitro ou la culture de tissus». C'est très précis et très scientifique. J'ai moi-même de la difficulté à comprendre le sens exact.

M. Wells: On peut considérer que la joute médiatique qui entoure les définitions et la terminologie utilisées à l'échelle mondiale dure depuis que l'on s'intéresse au domaine de l'ADN recombinant.

Les partisans de la technologie ont commencé par l'appeler production génétiquement enrichie. Ils ont été évincés par la joute médiatique que cela a déclenché. Cette joute se poursuit et, par conséquent, la terminologie évolue.

Le sénateur Wiebe: Le nouveau problème est le blé génétiquement modifié, que vous pouvez également appeler blé génétiquement manipulé ou de quelque autre façon que ce soit, qui est maintenant présent dans des parcelles expérimentales au Canada. Si j'ai bien compris, ce type de blé sera résistant à certains herbicides. On a fait la même chose avec le Canola. J'ai entendu histoire d'horreur que M. Ottenbreit a racontée et j'aurais tendance à croire qu'il serait extrêmement utile de faire documenter d'autres expériences de ce genre et de présenter les résultats sous une forme que nous pourrions utiliser dans le cadre des discussions que nous aurons à ce sujet. Nous n'avons pas d'information qui nous permette de prévoir l'avenir en ce qui concerne le blé. Nous n'avons pas de renseignements précis sur ce qui s'est passé dans le cas du Canola.

Y aurait-il une possibilité d'évaluer le facteur coût pour le cultivateur - le coût étant un rétrécissement du marché, une baisse des prix ou l'obligation d'acheter de nouvelles semences chaque année? Si l'on veut préparer un champ pour la culture de ce type de Canola, quels seraient les coûts supplémentaires liés à l'ensemencement de blé dur dans ce champ? Est-ce qu'on peut avoir accès à des renseignements de ce genre qui pourraient nous servir de munitions?

Mme Penfound: À ce propos, Greenpeace a réalisé une vidéo avec la participation de cultivateurs canadiens et américains. Nous nous préparons à le diffuser. Je pourrais certainement m'arranger pour que l'on vous en envoie une copie, bien qu'il n'existe qu'en version anglaise. Il a été produit pour être diffusé à l'échelle mondiale afin que les cultivateurs des autres régions du globe prennent conscience que l'expérience se fait dans diverses régions.

M. Wells: C'est une honte que les Canadiens n'aient pas le droit de savoir où sont situées ces parcelles expérimentales ni qui les exploite. Les gouvernements provinciaux ont également manifesté leur désapprobation cet été.

Je suis producteur biologique ou, du moins, un cultivateur souhaitant produire des cultures qui ne soient pas génétiquement modifiées, et il est théoriquement possible qu'une parcelle expérimentale ait été aménagée juste à côté de mes cultures à mon insu. Je trouve que c'est une situation inacceptable et qu'il faut y remédier.

En ce qui concerne la collecte de renseignements et de témoignages à l'intention des cultivateurs, de nombreuses organisations agricoles et de nombreuses autres organisations dont les représentants sont ici aujourd'hui conviendraient que ce serait possible si le Sénat tenait des audiences publiques dans le cadre desquelles des agriculteurs pourraient exprimer leurs opinions personnelles.

Le président: Je précise à l'intention de mes collègues qui n'ont pas des connaissances particulières en agriculture que la semence est de très petite taille et qu'elle peut être très facilement emportée par le vent. Lorsque nous avons commencé à cultiver du Canola - du Canola non génétiquement modifié -, mon fils m'a dit ceci: «Papa, je pense que nous avons enfin trouvé une mauvaise herbe qui poussera bien dans ce pays». On peut faire pousser du Canola partout. Il arrive à pousser dans les endroits les plus inattendus.

M. Dewar: Je pense que l'expérience du Canola a démontré que si l'on décide d'avoir recours à la technologie, on n'a aucun problème à lutter contre la présence de plantes spontanées, mais précisément parce que ces plantes sont vulnérables à une large gamme d'autres herbicides. En agriculture, si l'on utilise des pesticides en rotation, on peut probablement les éliminer. Cependant, cela devient très difficile dans le cas des agriculteurs qui ont décidé de ne pas utiliser de pesticides, qu'il s'agisse de culture biologique ou de culture traditionnelle.

Un des membres de notre conseil d'administration avait un champ en jachère chimique où l'on n'avait jamais cultivé de Canola Roundup Ready. Il a demandé à des représentants de la société Monsanto de venir examiner certaines zones de son champ où il aurait pu faire une récolte de Canola spontané. Ils ont dit que la présence du Canola pouvait être due au passage de canards et d'oies ou des quelque 200 chevreuils qui avaient séjourné dans ce champ durant l'hiver. On a donc toutes les raisons de penser que l'on courrait le même risque avec le blé. Nous savons qu'il serait beaucoup plus difficile d'éliminer les plantes spontanées.

Ce serait un gros problème sur le plan agronomique mais pour nous, le plus gros problème serait que nos clients refuseraient de nous acheter une cargaison de blé contenant aussi peu que 0,001 p. 100 de blé transgénique. C'est la situation actuelle sur le marché. S'il s'agit de blé cultivé au Canada, nous n'avons aucun moyen de garantir qu'il est pur à partir du moment où il est dans un champ. C'est une catastrophe qui nous causera beaucoup de problèmes sur les marchés.

On m'a posé une question intéressante. On m'a demandé pourquoi Monsanto ne faisait pas cette expérience sur le blé tendre américain, qui présenterait pour elle des débouchés beaucoup plus importants. Cette société a décidé de mener ses expériences au Canada et de détruire nos marchés.

Le président: Quelles sont, d'après vous, les initiatives que prendra le gouvernement américain à ce sujet? Les décisions qui seront prises aux États-Unis nous toucheront également.

M. Dewar: Nous savons que les bureaux agricoles américains et les syndicats de cultivateurs américains ainsi que les organismes de producteurs de blé ou les associations d'agriculteurs s'opposent également à l'introduction du blé transgénique aux États-Unis. Nous savons que s'il est introduit au Canada, il le sera également aux États-Unis et inversement. Cette frontière mal protégée n'est toujours pas protégée. C'est un grave problème. Je ne sais pas quelles initiatives prend le gouvernement américain à ce sujet, mais ce que nous savons, c'est que les producteurs américains sont tout aussi préoccupés que nous et qu'ils réclament également une intervention de leur gouvernement.

M. Kurtz: Nous cultivons chaque année une superficie de 4 000 acres sans travail du sol. C'est une méthode que vous ne connaissez peut-être pas. Nous ne faisons pas de labours. Nous pulvérisons les mauvaises herbes au printemps puis nous semons en une seule fois. Nous avons cultivé du Canola Roundup Ready. L'année dernière, nous en avons cultivé 1 600 acres. C'était une expérience très intéressante pour mon exploitation mais j'ai de sérieuses réserves, étant donné les histoires d'horreur qui circulent à son sujet. Je ne pense toutefois pas que nous puissions revenir en arrière.

En ce qui concerne le blé cependant, je ne tiens absolument pas à cultiver du blé Roundup Ready étant donné que ce serait catastrophique pour une exploitation agricole sans travail du sol comme la mienne. Le Canola est une herbe à larges feuilles, comme on l'a déjà mentionné. Le blé fait partie de la famille des graminées. Les produits chimiques qu'il faut utiliser pour ce type de plante sont très coûteux. L'élimination d'une culture spontanée en vue de faire des semis entraînerait probablement des frais supplémentaires de 15 $ l'acre chaque printemps.

Il faut également voir à plus long terme. On autorise la création de parcelles expérimentales. D'après les données scientifiques disponibles, un croisement est toujours possible. Il serait possible que toute la culture céréalière dans l'ouest du Canada soit détruite. En cas de croisement avec le blé, l'orge, l'avoine, le seigle, la triticale ou bien d'autres espèces végétales, le marché pourrait être entièrement détruit. Je vous prie d'exhorter le gouvernement à interdire les essais sur le blé résistant aux glyphosates au Canada.

Le sénateur Oliver: Je voudrais poser une question générale qui concerne la principale raison de votre présence ici et des préoccupations que vous essayez de faire comprendre.

J'ai été impressionné par le fait que vous ayez tous accordé vos violons. Vos divers exposés contenaient de nombreuses phrases et de nombreuses conclusions identiques. Vous avez dit que le comité sénatorial permanent devrait entamer un processus de consultations publiques. Vous vous êtes certainement réunis pour décider de ce que vous alliez dire ici. Je me demande si la tenue de consultations publiques serait une bonne solution.

Mme Adam a dit que les produits alimentaires génétiquement modifiés représentent jusqu'à 70 p. 100 des produits que l'on trouve dans nos épiceries. Nous savons que les vaches se sont déjà échappées de l'étable et qu'il ne sert plus à rien de fermer la porte, étant donné la présence au Canada de Canola génétiquement modifié et de diverses parcelles expérimentales. Nous sommes au courant de l'effet des dérives génétiques, de l'action des oiseaux, de celle du vent, de celle de la pluie et de la pollinisation croisée. C'est déjà un fait accompli.

Nous savons par ailleurs que la Société royale du Canada a déjà fait une étude sur les règlements et qu'elle a constaté qu'ils laissaient à désirer. Pourquoi nous demandez-vous de faire une étude supplémentaire? Je pourrais peut-être m'appuyer sur les propos de M. Loiselle et de M. Ottenbreit pour poser une question précise qui vous aidera à comprendre pourquoi je pose cette question générale. Vous avez dit que la contamination par le blé génétiquement modifié est inévitable, étant donné que la contamination par le Canola transgénique a réduit la capacité de répondre aux besoins du marché du Canola certifié Biologique. Pourriez-vous évaluer cette perte pour le secteur de la culture biologique?

M. Loiselle: Nous sommes en train de le faire.

Le sénateur Oliver: Cette évaluation n'a-t-elle pas encore été faite?

M. Loiselle: Dans quelques cas, certes. Cependant, elle est très difficile à faire. Étant donné les nombreux cas de croisement génétique qui ont été relevés en ce qui concerne le Canola, il est pour ainsi dire impossible de trouver maintenant une source de semence pure. Nous devons obtenir des attestations écrites dûment signées par le fournisseur auprès de notre organisme d'homologation certifiant que la source de semence est pure à 100 p. 100 parce que nous n'avons pas la moindre tolérance pour la contamination génétique. Comme l'a démontré la situation aux États-Unis, surtout en ce qui concerne le maïs et le soja, les fournisseurs de semences doivent maintenant fournir des attestations signées. Où en est-on?

J'essaie de combler un besoin du marché et il y a un marché puisqu'on m'a offert un contrat très lucratif pour la fourniture de Canola biologique. J'ai dû décliner cette offre parce que la plupart de mes voisins font toujours de la culture sans travail du sol et utilisent cette technologie; il y a une colonie d'abeilles sur mes terres. Il est évident que ces abeilles ne limiteront pas leurs déplacements à mon quart de section, par exemple.

Le sénateur Oliver: Ne reconnaissez-vous pas que le dommage est déjà fait? Êtes-vous certain de nous soumettre la bonne question étant donné que le tort est déjà fait en ce qui concerne le problème de la manipulation génétique?

M. Loiselle: Sénateur, vous avez dit que les vaches s'étaient déjà échappées de l'étable. C'est vrai dans une certaine mesure en ce qui concerne le blé, mais nous n'en sommes qu'à la première année d'un processus d'essai non confiné qui doit durer trois ans. Il est donc raisonnable de présumer que si une contamination a déjà eu lieu, elle doit être minime comparativement à ce qui s'est passé dans le cas du Canola.

Je suis certain que si l'on décidait de réglementer ces essais et d'exiger que des essais approfondis et à long terme soient d'abord effectuées en laboratoire, ce serait très bien. Cependant, il faut éviter de répandre ce produit dans l'environnement. Les conditions météorologiques sont extrêmes en Saskatchewan. Malgré les règlements actuels, des études ont indiqué que le croisement hétérogène est possible à des distances pouvant atteindre 27 mètres.

Par conséquent, la réglementation qui a été mise à jour par le Bureau d'enregistrement des variétés pour porter cette distance à 30 mètres est censée être adéquate. En ce qui nous concerne, elle est très inadéquate. Elle est tout au plus valable dans des conditions idéales en laboratoire scientifique. Si ce type de blé était approuvé d'ici deux ou trois ans et que sa production commerciale commençait, mon voisin, qui fait de la culture traditionnelle, et qui voudrait adopter cette technologie, pourrait le faire sans la moindre restriction.

J'ai une bande tampon de 25 pieds de mon côté de la clôture qui est exigée par la réglementation concernant la culture biologique, en cas de dérive accidentelle de produits chimiques pendant l'épandage chez mes voisins. Ces règlements ont été mis en place avant que ne germe l'idée même de la culture de plantes transgéniques. Les règlements et toutes les autres mesures sont largement insuffisants.

Le sénateur Oliver: Je rappelle que la Société royale du Canada a une solution à ce problème. Pourquoi ne faites-vous pas mettre en oeuvre les recommandations de la Société royale au lieu de nous demander de tenir des audiences ou des consultations publiques?

M. Loiselle: Il s'agit d'un groupe d'experts. Toutes les couches de la société canadienne devraient être consultées, les consommateurs comme les producteurs, et tous les Canadiens qui se situent entre les deux. C'est ce qui explique l'importance que nous y accordons; nous tenons à ce que toutes les couches de la population soient consultées.

M. Wells: J'essaierai de répondre à certaines de ces questions. Si j'ai bien compris, la Société royale du Canada n'a pas interviewé des agriculteurs et s'est attachée à étudier les aspects scientifiques du problème.

Je pense que si l'un des organismes que nous représentons avait les ressources, les effectifs et le temps nécessaires pour tenir des audiences publiques dans diverses régions du pays afin de recueillir des informations à ce sujet, il le ferait immédiatement. Cependant, les temps sont durs pour les agriculteurs et pour l'agriculture canadienne en général.

Nous avons pensé que le comité sénatorial aurait peut-être les ressources nécessaires pour accomplir cette tâche et compiler les données auxquelles le sénateur Wiebe a fait allusion il y a quelques minutes.

Pour ce qui est de savoir si la vache s'est déjà échappée de l'étable, nous tenons à signaler que c'est le cas en ce qui concerne le maïs Star Link aux États-Unis et le Canola au Canada. Nous espérons pouvoir tirer les leçons qui s'imposent de ces deux expériences. La vache ne s'est pas encore échappée de l'étable en ce qui concerne le blé génétiquement modifié.

Le sénateur Oliver: Elle s'est déjà plus ou moins échappée.

M. Wells: À ce propos, je signale que le Saskatchewan Organic Directorate parle publiquement de la possibilité de poursuivre les compagnies du secteur des biotechnologies, voire le gouvernement fédéral, devant les tribunaux d'ici un an pour déterminer quels types de responsabilités sont liées aux problèmes qui sont survenus.

Il est extrêmement difficile d'évaluer les pertes entraînées par ces problèmes. Chez moi, à Swift Current, nous avons abandonné le Canola dans notre rotation biologique. Je sais que plusieurs de mes voisins, surtout dans l'Ouest, où les vents sont très forts, ont déjà cultivé du Canola génétiquement modifié. Par conséquent, nous avons supprimé le Canola de la rotation. Nous l'avons supprimé de la liste des cultures possibles.

Depuis que je l'ai fait, nous avons reçu des appels d'acheteurs de divers pays qui sont à la recherche de Canola organique. J'ai dû leur dire que je ne peux pas en fournir. J'aurais de la difficulté à évaluer le montant de cette perte. J'ai, bien entendu, remplacé le Canola par une autre culture. Il est difficile de mettre un chiffre sur cette perte mais il ne fait aucun doute que c'en est une pour notre exploitation.

Le président: À ce propos, il conviendrait de donner une explication. Les semences, surtout si elles sont minuscules, dérivent avec la neige. Dans les Prairies, lorsque le vent se lève et qu'il y a une tempête de neige, les semences comme celles de la sétaire glauque se répandent rapidement. Vous vous demandez peut-être d'où viennent toutes les semences qui sont dans votre champ. Eh bien, elles ont dérivé avec la neige, sur des distances de plusieurs milles.

M. Dewar: L'été dernier, une tornade est passée dans un champ de Canola situé près de Wawanesa, au Manitoba, où l'on avait fauché récemment. Le Canola venait d'être fauché mais il était assez mûr pour achever de mûrir en andains. Il a été emporté à Dieu sait quelle distance lorsqu'il a été happé par la tornade.

Mme Adam: Je voudrais faire une réflexion au sujet du commentaire que vous avez fait à propos de la vache qui s'est échappée de l'étable et vous dire pourquoi nous sommes ici. Il importe de signaler que le Parlement n'a pas tenu de débat public sur cette question. Il y a eu des soi-disant consultations avec des intervenants à l'issue desquelles des recommandations ont été faites au gouvernement, qui n'en a d'ailleurs pas du tout tenu compte. La Société royale du Canada a publié son rapport en février et, jusqu'à présent, le gouvernement n'a pas encore fait savoir s'il serait disposé à prendre l'une ou l'autre de ces recommandations en considération.

Nous sommes ici parce qu'il faut avoir ce genre de discussion dans un contexte public, où les Canadiens pourront intervenir ou qui leur permettra de savoir, grâce à vous, comment on pourrait résoudre ce problème. Quant à la vache qui s'est déjà échappée de l'étable, en ce qui concerne le Conseil des Canadiens, c'est un argument qui ne tient pas debout.

La contamination est un problème de pollution, mais on refuse de l'admettre. Il faut obliger ces compagnies à rendre des comptes et les forcer à réparer les dommages qu'elles ont déjà causés.

M. Loiselle: Monsieur le président, je voudrais faire un commentaire sur une des déclarations de M. Wells. Je n'écarte pas la possibilité de poursuites en justice parce que je suis membre de cette organisation. Je tiens toutefois à déclarer publiquement que je trouverais éminemment regrettable qu'une décision stratégique soit prise par l'intermédiaire des tribunaux. Nous estimons que ce serait très irresponsable. Cependant, s'il est nécessaire d'aller aussi loin, c'est le genre d'initiative que plusieurs producteurs sont prêts à prendre.

M. Wells: Nous n'avons reçu aucun accusé de réception à la lettre que nous avons adressée au premier ministre au mois de juillet. Ma déclaration est vraiment sincère: les Canadiens et les organisations ont confiance dans le Sénat.

Le sénateur Oliver: J'essayais seulement de savoir avec plus de précision ce que vous demandiez.

M. Dewar: Ce ne sont pas tous les organismes qui sont représentés qui réclament des consultations publiques. En ce qui nous concerne, nous ne l'avons pas demandé. Ce que nous vous demandons, c'est d'empêcher l'introduction du blé génétiquement modifié.

Le président: Je tiens à signaler que nous recevons davantage de courrier sur les grains génétiquement modifiés que sur tout autre sujet, à l'exception de la réglementation des armes à feu.

Le sénateur Hubley: J'ai une question à poser à M. Loiselle au sujet de la culture biologique. Je suis originaire de l'autre extrémité du pays où les exploitations agricoles ne sont pas aussi vastes que dans l'Ouest. Je voudrais vous poser deux ou trois questions.

Quel est le nombre d'exploitations agricoles biologiques de grande taille? Vous indiquez dans votre mémoire que l'agriculture biologique est en pleine expansion dans les circuits alimentaires mondiaux. De quel type de croissance s'agit-il en ce qui concerne le Canada et peut-être aussi à l'échelle mondiale?

M. Loiselle: Je ne peux pas dire quel est le nombre de grandes exploitations agricoles biologiques. Je possède 960 acres en copropriété avec mes parents. Nous louons également des terres à deux propriétaires fonciers. Nous cultivons en tout environ 1 400 acres. Nous cultivons diverses sortes de céréales, y compris des plantes fourragères et de la luzerne; nous avons également des pâturages. À mon avis, on pourrait considérer qu'il s'agit d'une exploitation agricole biologique de taille moyenne. Certaines exploitations ont une superficie de 3 000 acres ou plus.

Pourriez-vous répéter la deuxième partie de votre question?

Le sénateur Hubley: J'aurais voulu savoir quel est le taux de croissance de la culture biologique au Canada et à l'échelle mondiale.

M. Loiselle: La croissance dans le secteur est d'environ 20 p. 100 par an. Des statistiques ont été établies l'année dernière en ce qui concerne la Saskatchewan. Je suis notamment président d'un des organismes d'homologation des exploitations agricoles de la province. Le fait que le nombre de membres ait presque doublé en l'an 2000 atteste de la croissance de ce secteur. Cette année, il a encore augmenté un peu.

Cette croissance est due en grande partie au fait que les producteurs sont dans une situation financière critique et qu'ils sont forcés d'agir parce qu'ils n'ont pas le choix. Il semble que la solution évidente soit de diminuer les intrants. En effet, dans l'agriculture biologique, on n'utilise aucun engrais ou pesticide, sinon en très petite quantité. C'est comme ça qu'ils finissent par devenir des cultivateurs biologiques.

Pour devenir cultivateur biologique, la période de transition est de trois ans. Il faut avoir fait suffisamment de calculs d'avance pour savoir que l'on ne tirera aucun profit des ventes de produits biologiques pendant cette période de transition. Par contre, la diminution des superficies et le changement de méthode peuvent présenter des avantages.

Le sénateur Chalifoux: Je m'intéresse à la question depuis un certain temps. J'aimerais donc que vous nous remettiez une photocopie de la lettre que vous avez envoyée au premier ministre. Le vice-président de notre comité et moi-même essaierons de savoir pourquoi vous n'avez pas reçu de réponse. J'apprécierais donc beaucoup que vous nous remettiez une copie de cette lettre.

M. Wells: Elle devrait se trouver dans la liasse de documents.

Le sénateur Chalifoux: C'est un problème qui me préoccupe depuis longtemps. La société Monsanto est une grosse entreprise, surtout en ce qui concerne le Canola. Un agriculteur de la région de Peace River voulait briser son contrat parce qu'il a constaté que sa semence de Canola s'était répandue aux trois champs voisins en un an. Il voulait briser son contrat, mais Monsanto lui intente des poursuites devant les tribunaux.

Ne restera-t-il plus en fin de compte que des métayers en raison du fait que la société Monsanto a un monopole absolu sur la semence au cours de la production et que les cultivateurs sont obligés de signer ce genre de contrat?

Je voudrais que vous fassiez également quelques commentaires au sujet du gène terminateur.

M. Wells: Nous n'avons pas l'intention de nous en prendre à une entreprise du secteur des biotechnologies en particulier. Monsanto est effectivement la plus connue et la plus grosse société de ce secteur.

En ce qui concerne la conversation au sujet des collectivités et la façon dont nous désirons que la situation évolue, nous sommes dans une situation où toute autre possibilité que la production en sous-traitance risque d'être exclue. Beaucoup de personnes vous diront que c'est la façon de faire des affaires, qu'il faut passer un contrat et qu'alors tout le monde sait à quoi s'en tenir. En réalité, les contrats ne valent même pas le papier sur lequel ils sont imprimés, à moins que l'on ne soit disposé à traîner l'autre partie devant les tribunaux quand elle ne respecte pas ses engagements. Cette situation désavantage considérablement l'agriculteur par rapport à la société contractante.

On entend des histoires d'horreur concernant des agriculteurs qui sont en difficulté à cause de contrats dont ils ne comprenaient pas les clauses ou de contrats qui avaient pour eux des conséquences qu'ils n'avaient pas prévues.

Le sénateur Chalifoux: Lorsque nous avons fait l'étude sur la somatotropine bovine recombinante, nous avons convoqué des représentants de Monsanto. Ils nous ont presque menacés. Cette entreprise est d'une arrogance effarante. Ses représentants nous ont pratiquement menacés de nous faire de gros ennuis si nous ne changions pas notre fusil d'épaule au sujet de la STB. J'ignore ce que la compagnie aurait pu faire.

Ce qui me préoccupe, c'est que lorsque c'est l'entreprise privée qui fait toute la recherche, l'agriculteur est pris dans un étau. Il pourrait perdre son exploitation ou alors devenir métayer.

Je suis très préoccupée au sujet du gène terminateur et je voudrais que vous fassiez quelques commentaires à ce sujet.

M. Ottenbreit: Nous avons rencontré des représentants de Monsanto et nous avons discuté du gène terminateur. Je leur ai exposé le scénario que je vous ai présenté aujourd'hui. Ils nous ont dit qu'ils avaient fait une transaction avec la société Delta Pineland mais qu'ils étaient maintenant les seuls propriétaires du gène terminateur. Ils ont dit qu'ils ne comptaient pas l'utiliser, mais je n'arrive pas à croire que cette société achète une technologie aussi coûteuse pour la mettre sur les tablettes. Si j'étais un des cadres supérieurs de Monsanto, je ne ferais certainement pas une telle dépense pour rien. J'utiliserais cette technologie.

Le président: Nous suspendrons cette discussion dans cinq minutes puis nous passerons à la discussion concernant la vie dans les régions rurales.

[Français]

Le sénateur Biron: Je ne suis pas cultivateur, mais j'ai trouvé votre exposé très intéressant. On prévoit qu'en 2050, il y aura environ 3 milliards de plus d'habitants dans le monde, soit de 6 à 9 milliards d'habitants. La plus grande partie de l'augmentation viendra du tiers monde. Les graines transgéniques n'ont-elles pas pour but de faire face à cette augmentation de la population en réduisant les coûts de production et en augmentant la productivité afin d'éviter des famines futures?

Mme Adam: Avant de travailler dans le domaine de la biotechnologie, je travaillais dans le domaine de la faim. Je peux vous dire avec assurance - et tous ceux qui travaillent dans ce domaine vous le confirmeront - que le problème de la faim n'est pas un problème de production - soi-disant qu'il n'y aurait pas assez de nourriture pour nourrir tout le monde - mais en est un d'accès. Il y a suffisamment de nourriture produite à travers le monde pour pourvoir aux besoins de tous. On parle de gens qui vivent avec un salaire de moins de 1 $ par jour. On peut doubler la production, mais on sait qu'ils n'auront pas les moyens d'acheter ces produits. Le problème ne sera donc pas résolu. Ces commentaires sont plutôt des stratégies de marketing pour promouvoir leurs produits sur le dos des pauvres.

M. Loiselle: Vous dites que cela coûterait moins cher avec ces technologies. Il n'y a pas de preuves qui confirment que c'est le cas. Des études ont été effectuées par les universités de la Saskatchewan et du Dakota du Nord qui démontrent que, compte tenu de la technologie et l'aspect de la production, il y aura peut-être un bénéfice négligeable. Si on prend en compte les risques du marché et de la contamination, c'est un désavantage. C'est un rêve de penser qu'on a besoin de la biotechnologie à travers ses effets transgéniques pour produire plus de nourriture. C'est un problème d'accès et de distribution. Les producteurs biologiques ont un accès limité aux variétés de graines. Ce sont des variétés qui proviennent de systèmes conventionnels, et les nouvelles variétés ne sont pas désignées pour la culture biologique. Nous croyons que d'anciennes variétés seraient plus propices pour la culture biologique avec lesquelles nous pourrions obtenir un rendement supérieur. Le rendement n'est pas le seul critère, la qualité nutritive de la graine est aussi un critère important. On peut nourrir autant de gens avec une quantité inférieure de graines certifiées biologiques qui a un effet productif, qu'avec une grande quantité d'autres graines qui peut être déficiente.

[Traduction]

Mme Penfound: Je m'excuse mais je dois répondre à votre question en anglais. Greenpeace a publié une brochure - dont je laisserai un exemplaire au greffier - intitulée «Recipes Against Hunger: Success Stories for the Future of Agriculture». Sa publication a été financée par Greenpeace, par Bread for the World et par le ministère britannique du Développement international, avec la collaboration des chercheurs de l'université d'Essex. C'est l'étude la plus importante qui ait jamais été entreprise sur une agriculture écologique et responsable sur le plan social. Cette étude porte sur des projets entrepris dans plus de 4 millions d'exploitations agricoles dans 52 pays. Elle examine comment les pays pauvres pourraient se nourrir en utilisant des techniques locales peu coûteuses qui n'endommageraient pas l'environnement.

Les trois exemples cités dans ce rapport qui concernent l'Inde, le Kenya et le Bangladesh, montrent que la créativité et les connaissances écologiques produisent une agriculture qui encourage la diversité biologique et culturale.

En conclusion, je dirais que les entreprises du secteur des biotechnologies font preuve d'une arrogance effarante en affirmant que la solution aux problèmes des pays en développement passe par elles alors qu'en fait elles sont la cause de torts irréparables causés aux agriculteurs des pays développés et des pays émergents.

M. Dewar: Nous savons tous très bien que la technologie dont l'Ukraine a besoin pour nourrir l'Europe n'est pas la biotechnologie. J'ai appris que l'Éthiopie, grâce à ses sols très riches, pourrait nourrir la totalité du continent africain pour autant qu'elle cesse d'être en guerre. La biotechnologie n'est pas la solution au problème de l'alimentation de la population.

Par ailleurs, lorsque j'étais à l'université, nous avons parlé de la difficulté de nourrir tous les habitants de la planète. La production alimentaire semble s'accroître mais certains peuples n'ont pas accès à tous ces produits.

Le sénateur Day: J'ai résisté à l'envie de poser des questions parce que, n'étant pas agriculteur et n'étant qu'un humble consommateur, je trouve toutes ces questions très complexes. J'espérais que les définitions des termes «transgénique» et «génétiquement manipulé» qui ont été données par le représentant des producteurs biologiques m'aideraient à comprendre, mais non. J'essaie de comprendre les enjeux, comme consommateur.

À propos de la large gamme de produits - pas seulement du blé mais de 70 p. 100 des produits alimentaires qui ont déjà subi quelque forme de modification génétique -, voulez-vous que l'on mette un frein à ce processus? Nous avons l'occasion d'intervenir en ce qui concerne le blé. Sur la côte est, nous sommes tellement éloignés de vous que nous parlons de chevaux qui s'échappent de l'écurie au lieu de vaches qui s'échappent de l'étable. J'ai des connaissances en ce qui concerne les arbres et la pomme de terre, mais pas beaucoup en ce qui concerne la culture du blé ou de l'avoine dans notre région.

Le Canola est-il un produit naturel? Est-ce du colza qui a subi des transformations?

M. Dewar: Le Canola a été mis au point à l'université du Manitoba vers la fin des années 50; c'est un oléagineux. On l'appelait colza à l'époque et il avait une forte teneur en acide érucique, ce qui était néfaste pour la santé. On a continué à faire de la sélection jusqu'à ce que l'on ait réduit la teneur en glucosinolates et en acide à un taux s'exprimant en centièmes de pourcentage; on l'a alors appelé Canola. On l'a qualifié de «culture miracle» parce qu'elle a relancé notre économie.

Le sénateur Day: Le Canola est-il un produit génétiquement modifié?

M. Dewar: Il a été obtenu par sélection génétique traditionnelle.

Le sénateur Day: Par sélection génétique traditionnelle? C'est vraiment utile.

M. Dewar: On a utilisé les gènes d'autres plants de Canola. On ne l'a pas croisé avec des poissons ou des arachides.

Le sénateur Day: Le terme «transgénique» désigne-t-il l'apport de gènes de poisson ou de quelque autre espèce?

M. Dewar: Oui, ou il pourrait s'agir également d'espèces végétales différentes.

Le sénateur Day: Par conséquent, nous ne nous opposons pas à la science mais au type de recherche scientifique qui est fondée sur des manipulations génétiques ou à la recherche scientifique trop avant-gardiste. Vous ne vous opposeriez pas à ce qu'on ait recours à la science pour améliorer le rendement d'une culture.

M. Dewar: Vous mettez en évidence certaines différences. Mon organisation ne conteste pas la validité de la science, mais ce sont nos clients qui la contestent et elle nous fera perdre notre marché. D'autres témoins qui sont ici contestent cette discipline scientifique proprement dite.

Le sénateur Day: J'aurais encore beaucoup de questions à poser mais je me contenterai de poser la suivante. Êtes-vous tous d'accord sur le fait que c'est un mouvement engendré par le marché plutôt qu'un mouvement antiscience? Comme producteurs, pensez-vous que c'est une réaction à la demande? Les producteurs ne veulent-ils pas répondre aux désirs de leurs clients?

M. Dewar: Notre clientèle internationale l'exige. En outre, les personnes qui sont autour de cette table sont des clients et des consommateurs. Elles font partie de la clientèle et elles mettent ces technologies en doute.

Mme Penfound: J'oublierai pendant quelques minutes que je représente Greenpeace pour essayer de me faire l'écho des diverses opinions des organismes qui font partie de notre coalition. Nous avons des opinions différentes quant au bien-fondé de certains aspects de la technologie du génie génétique. Je ne me mettrai pas à vous exposer en détail les opinions de mon organisation car il ne me reste qu'une ou deux minutes.

La force du message que nous transmettons aujourd'hui, c'est que, malgré la diversité de nos opinions, nous sommes unanimement opposés à l'introduction éventuelle du blé génétiquement manipulé pour les diverses raisons que nous avons mentionnées. C'est le message principal que nous essayons de vous communiquer aujourd'hui. Au-delà de nos divergences d'opinions, nous sommes tous d'accord sur un point: la production de blé génétiquement manipulé doit cesser immédiatement.

M. Wells: C'est un cas où les progrès de la technologie transgénique ou de celle de l'ADN recombinant ont devancé la capacité de notre processus réglementaire et de notre processus d'homologation. Nous demandons que notre processus d'homologation soit mis à jour pour l'adapter aux nouvelles technologies, quelles qu'elles soient.

À propos d'autres cultures, nous avons eu tout un problème avec une variété de pomme de terre appelée «New Leaf» qui a été introduite et cultivée dans l'est du Canada. Un chercheur écossais a fait des travaux sur cette variété de pomme de terre et a découvert qu'elle était responsable de graves problèmes médicaux. La compagnie a donc retiré ce produit du marché. Des chercheurs m'ont dit qu'il était actuellement impossible de reproduire la recherche faite par le chercheur qui a découvert cette variété parce que la souche de reproducteurs n'était plus disponible du fait que la compagnie en cause l'avait retirée du marché. On ne peut donc pas refaire la recherche parce que la compagnie ne le permet pas. Si c'est vrai, c'est très grave.

M. Loiselle: Le sénateur Day a parlé de 70 p. 100. Je veux m'assurer que l'on comprend bien. Si j'ai bien compris - et on pourrait éventuellement me corriger - ce n'est pas environ 60 ou 70 p. 100 du volume de notre chaîne alimentaire qui est touché par les produits transgéniques. Un produit alimentaire, à cause de la transformation, contient souvent des produits comme du sirop de maïs, de la fécule de maïs ou de la farine. La plupart de ces produits sont transformés aux États-Unis puis reviennent sous forme de produits finis. L'envergure de la contamination du maïs et du soja indique qu'un certain pourcentage de ces 70 p. 100 de produits alimentaires en contiennent mais il ne s'agit certainement pas de 70 p. 100 du volume des produits alimentaires que nous consommons. Ce serait horrible. Il est cependant exact que certains produits alimentaires en contiennent et que ce n'est, bien entendu, pas spécifié sur les étiquettes. Notre organisation est très préoccupée à ce sujet également. J'en parlerai à une autre occasion.

M. Wells: Les Canadiens ont déjà pour la plupart consommé des produits alimentaires qui ne font pas l'objet d'un permis ou d'une homologation pour la consommation humaine. Cela vient du maïs américain Star Link. Les Canadiens ne savaient pas qu'il était présent dans la chaîne alimentaire canadienne. Lorsqu'ils l'ont découvert, on s'est aperçu qu'il n'avait jamais été homologué pour la consommation humaine. N'empêche que nous en avons mangé ou que plusieurs Canadien en ont mangé.

Le sénateur Day: Ou ont mangé un dérivé, comme de l'huile.

Le président: Je vous assure que nous tiendrons compte de vos doléances et que nous en discuterons. Nous donnerons suite à ces discussions. Je vous remercie d'avoir participé à cette discussion très intéressante.

Le mandat du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts est, cela va sans dire, d'examiner la situation de l'agriculture à court et à long terme. Nous voudrions que vous fassiez des commentaires à ce sujet.

Je demanderais à M. Wells, qui représente le Syndicat national des cultivateurs, d'ouvrir la discussion. Ensuite, je demanderai à chacun d'entre vous de faire une brève déclaration concernant la situation de l'agriculture dans la région que vous représentez.

M. Wells: Il ne fait aucun doute que la situation a changé dans le secteur agricole dans ma région, à savoir la Saskatchewan. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusque vers 1985, les agriculteurs avaient un revenu agricole net réalisé constant qui variait entre 10 000 $ et 30 000 $ par an. Leur revenu était relativement constant. À cette époque, on parlait de «cycles» - par exemple, un cycle des céréales - lorsque les prix fluctuaient, mais les fluctuations restaient toujours dans une certaine fourchette.

Vers 1985, ces cycles ont semblé cesser complètement. Dans les années 90, et au début du présent siècle, les revenus agricoles ont atteint des planchers encore jamais vus. Les fluctuations cycliques des prix, surtout dans les secteurs des céréales et des oléagineux, semblaient avoir cessé. D'une part, on a assisté à un accroissement considérable des exportations canadiennes accompagné d'augmentations très fortes de la production, mais les agriculteurs n'ont jamais profité de ces revenus supplémentaires. Le Canada a atteint ses objectifs en ce qui concerne l'accroissement de la production et des exportations mais les revenus agricoles n'ont pas augmenté en conséquence. Les revenus supplémentaires restent bloqués au niveau d'un autre maillon de la chaîne.

Le Syndicat national des cultivateurs a investi beaucoup de temps et de ressources dans une étude. En ce qui nous concerne, il s'agit d'un manque total de puissance commerciale chez les agriculteurs. L'agriculture est une industrie qui comprend d'une part les fournisseurs d'intrants - c'est-à-dire les banques qui fournissent les capitaux, les compagnies pétrolières, les producteurs d'engrais et les producteurs de semences - et l'agriculteur se situe au milieu. En aval, se trouvent les détaillants, les manutentionnaires, les transformateurs et les marchands.

La plupart des intervenants aux deux extrémités réalisent un gain assez raisonnable sur leur investissement. Dans plusieurs cas, ce gain est même plus que raisonnable. Par contre, l'agriculteur qui se trouve entre les deux ne touche pas un revenu raisonnable. Si cela vous intéresse, nous pouvons vous montrer de nombreux documents qui le prouvent.

La seule explication est l'absence totale d'influence des agriculteurs sur le marché et le pouvoir énorme des autres intervenants à ce niveau. Dans chacun des divers secteurs - compagnies pétrolières, fabricants d'engrais, services financiers, marketing, manutention et chemins de fer -, de deux à cinq intervenants - généralement d'envergure internationale, quoiqu'il s'agisse parfois d'entreprises canadiennes -, ont pratiquement la haute main sur le secteur.

Le Canada compte des centaines de milliers d'agriculteurs disséminés à travers le pays qui, individuellement, n'ont pas une puissance commerciale comparable à celle des autres intervenants. Depuis 1985, les principaux intervenants, c'est-à-dire les grandes entreprises, ne cessent de parler de la nécessité d'une concurrence accrue. On nous en a rebattu les oreilles.

En réalité, ces intervenants ne se font pas concurrence. Ce sont des rivaux mais s'il y a une certaine concurrence sur le marché, elle se traduit par le rachat des petites entreprises par les grosses. On assiste à des fusions et à des prises de contrôle hostiles ou amicales. Cela se termine toujours par la domination du secteur agricole concerné par deux à cinq acteurs très puissants. Tant que l'on n'aura pas réglé le problème fondamental du déséquilibre au niveau de la puissance commerciale, il sera très difficile d'améliorer la situation des agriculteurs.

Je voudrais examiner également brièvement le cadre stratégique qui est, à notre avis, responsable de cette situation. Le cadre stratégique qui régit l'agriculture à l'échelle planétaire et plus particulièrement au Canada est dicté par l'Organisation mondiale du commerce et par des accords internationaux comme l'ALENA. Chaque fois que notre gouvernement entreprend la moindre initiative ou envisage des possibilités d'aider les agriculteurs ou d'instaurer des programmes à leur intention, il vérifie auprès de l'OMC puis examine l'ALENA pour voir si elle sera acceptable.

Il y a une question que je me pose au sujet de ces accords internationaux. Si c'est le cadre stratégique, où est-il question dans ces accords de la nécessité de la présence d'agriculteurs dans les campagnes ou de villes ou de collectivités ou encore d'écoles ou d'hôpitaux? Il n'en est fait aucune mention dans ces accords. Ces accords mettent l'accent sur de nombreux facteurs. La production est destinée à l'exportation et c'est précisément ce qui s'est passé au Canada. Ils mettent l'accent sur la compression des dépenses gouvernementales et c'est ce que nous avons pu constater depuis 1985. Il y est question de déréglementation et c'est ce qui s'est passé et ce qui se passe encore actuellement. Ils mettent en évidence la nécessité d'un accroissement de l'investissement étranger; ma province, la Saskatchewan, envisage même de modifier les restrictions concernant la propriété foncière pour essayer d'attirer de l'investissement étranger. Ces accords sont axés sur la privatisation, comme nous avons pu le constater dans tous les domaines. Enfin, il y est question de supprimer les subventions et les programmes destinés à aider les agriculteurs et d'adopter des monnaies dont le cours est flottant.

Tant que nous n'aurons pas modifié le cadre stratégique sous-jacent, il sera très difficile de sortir de la situation actuelle qui engendre une diminution du nombre d'agriculteurs d'une année à l'autre. L'infrastructure ne peut être maintenue par les agriculteurs. C'est un bon point de départ pour une longue discussion.

Le président: Pouvez-vous citer des chiffres au sujet du revenu agricole et nous dire par exemple quel est le revenu net moyen des agriculteurs?

M. Wells: Je n'ai pas ces chiffres sous la main. Nous avons une abondante documentation qui contient ces chiffres. Je veillerai à ce que vous en receviez un exemplaire.

M. Dewar: Monsieur le président, vous recevrez une version du mémoire que je vous présente aujourd'hui. Nous sommes préoccupés par la situation actuelle. Mes propos complètent très bien les commentaires de M. Wells.

Au début des années 80, les banques se sont mises à fusionner et à fermer des succursales dans les petites localités. Un de mes amis a acheté un commerce dans une petite ville de la Saskatchewan. D'après les données comptables, les perspectives étaient très encourageantes, sauf qu'il ne s'était pas rendu compte que la banque venait de fermer ses portes. Les habitants de la localité devaient se rendre à Moose Jaw pour leurs affaires ou pour leurs opérations bancaires, parce que c'était avant l'installation des guichets automatiques. Il a acheté cette entreprise et il a fait faillite parce que les habitants de la localité devaient aller faire leurs transactions ailleurs.

Les banques ont été parmi les premières entreprises à faire cela, mais ce n'est qu'un exemple de la façon dont la situation a évolué. Le nombre de localités desservies par une banque a diminué. Lorsqu'elles ont fermé leurs portes, les entreprises et la population les ont suivies, ce qui a enclenché une réaction en chaîne. C'est ainsi que les localités rurales ont éclaté. Comme je l'ai signalé, lorsque la population locale devait aller ailleurs pour les opérations bancaires, elle faisait alors ses provisions dans l'autre ville, si bien que les épiceries se sont trouvées en difficulté, puis les quincailleries et divers autres commerces.

Peu de temps après, ce sont les habitants eux-mêmes qui se sont mis à déménager et les écoles gardiennes n'ont plus eu assez d'enfants. Les écoles n'ont plus eu assez d'enfants pour rester ouvertes. Tout le monde voulait s'en aller et, en fin de compte, la collectivité locale a pratiquement disparu. Tout ce qui restait, c'était un bureau de poste et les quelques habitants qui n'avaient pas déménagé n'étaient plus en nombre suffisant pour financer le centre communautaire, l'église locale, les pistes de curling et les patinoires. Les plus grands centres commerciaux étaient plus diversifiés et pouvaient fournir les services. Actuellement, ces centres subissent le même sort.

Les causes de la stagnation des collectivités rurales sont la technologie, les politiques fédérales et les problèmes d'infrastructure. La technologie a permis aux agriculteurs de cultiver de plus grandes superficies. Dans l'ouest du Canada, on ne cultive pas des superficies aussi vastes parce qu'on le veut mais bien parce qu'il le faut. On cultive de plus grandes superficies et on élève de plus gros troupeaux grâce à la technologie et l'on travaille plus.

Vers la fin des années 40, dans le contexte du débat sur la technologie, on se demandait s'il faudrait permettre d'équiper les tracteurs de phares parce qu'on se disait que cela inciterait l'agriculteur à continuer à travailler sans arrêter. Nous savons qui a perdu la partie. Il faut un moins grand nombre de personnes pour produire davantage. Actuellement, on peut faire ses opérations bancaires sur son ordinateur personnel. On n'a plus besoin de caissiers. Il est plus facile de voyager et on peut voyager plus loin et plus rapidement. Dans pratiquement tous les secteurs, les travailleurs sont devenus plus productifs et plus efficaces. La diminution du personnel entraîne une baisse de la collaboration et des contacts entre voisins, ce qui entraîne une baisse du nombre de bénévoles. En fin de compte, ce sont les attributs propres à une petite localité qui disparaissent.

Dans le mémoire que nous avons présenté au Groupe de travail du premier ministre sur les voies de l'avenir dans l'agriculture, nous avons inséré un graphique indiquant les conséquences de la compression des dépenses fédérales dans les programmes et services de soutien aux agriculteurs. Lorsque j'en ai parlé au président, il m'a dit que l'agriculture versait autant de subventions que les autres ministères fédéraux. Ce graphique indique que c'est l'ouest du Canada qui a absorbé la majeure partie de ces compressions. À l'extérieur des Prairies, les subventions fédérales ont diminué d'environ 30 p. 100 - soit d'environ 250 millions de dollars - entre 1989 et 1999. Au cours de la même décennie, les Prairies ont perdu 75 p. 100 de leurs subventions - 2 milliards de dollars par an. Ces changements ont eu des répercussions. On pourrait avoir des discussions interminables sur le bien-fondé des politiques mais, étant donné l'importance de cette ponction sur l'économie rurale, l'ouest du Canada a eu une forte influence sur l'évolution de la situation au Canada.

Grâce à la politique des transports en vigueur à cette époque, le transport du grain était moins coûteux que celui de la farine. Il était moins coûteux que le transport du bétail. La transformation ultérieure, qu'il s'agisse de bétail ou de transformation de produits alimentaires, se faisait à proximité des centres urbains et non dans les provinces des Prairies. Nous avons maintenant de la difficulté à renverser la situation.

Au Manitoba, nous avons perdu 1 milliard de dollars dans le secteur agricole au cours des cinq dernières années et la valeur des terres agricoles demeure constante. Cette perte de 1 milliard de dollars est due à la dépréciation et à la détérioration de l'infrastructure rurale ou agricole. Comment les agriculteurs pourraient-ils investir dans d'autres secteurs pour compléter les revenus de leur exploitation agricole actuelle s'ils n'ont pas le capital de base nécessaire?

La prospérité économique des collectivités rurales de l'Ouest repose en majeure partie sur les cultures. Les cultivateurs ont eu très peu de revenus à dépenser si ce n'est pour acheter les biens de première nécessité. La situation a eu un effet en cascade. On ne peut pas soutenir les collectivités. L'assiette fiscale existe, mais le nombre de personnes qui paient de l'impôt a diminué. Par conséquent, les habitants ont moins d'argent à consacrer aux dons ou moins de temps pour faire du bénévolat. La collectivité est en difficulté. Telle est la situation actuelle.

En ce qui concerne l'infrastructure, l'état des routes de l'ouest du Canada est notoire. La Saskatchewan a l'insigne honneur d'avoir les pires routes du pays. Les écoles, les hôpitaux et les installations récréatives tombent également en décrépitude. Toute l'infrastructure et les commodités de la vie se détériorent. Nous ne sommes plus en mesure d'en financer l'entretien.

Les jeunes ne restent pas en ville, même dans les grandes villes. Nous essayons de créer des emplois, mais ce sont les agriculteurs qui les occupent. Les agriculteurs ont souvent un deuxième emploi, comme pompiste par exemple. Il s'agit normalement du type d'emploi «de démarrage» que les jeunes occupent en attendant d'avoir décidé de leur avenir. Dans une ville située à 20 milles de chez moi, aucun des jeunes qui avaient terminé leur 12e année n'avait l'espoir ni le désir de rester dans sa localité. C'est inquiétant lorsqu'on songe à toutes les répercussions d'une telle situation.

Des fonctionnaires très influents du ministère de l'Agriculture ont même déclaré que, tant que les exploitations agricoles ne redeviendraient pas rentables, il faudra accepter le fait que seulement 20 p. 100 d'entre elles assurent 80 p. 100 de la production et qu'il vaudrait mieux se débarrasser des 80 p. 100 excédentaires.

Il y aura toujours ce 80 p. 100 de trop; quand le nombre d'agriculteurs aura baissé à 20, il y en aura 16 de trop. Où est-ce que cela va s'arrêter? Qu'arrivera-t-il si l'on ne prend pas des mesures pour redresser la situation?

On ne sait pas trop quel type de mesures il faudrait recommander. Cependant, l'ouest du Canada risque de ressembler un jour à l'arrière-pays australien, parce que les localités auront disparu. Quelqu'un produira peut-être un peu dans certaines régions mais ce sera à une très distance très éloignée.

Après avoir brossé ce tableau, je signale qu'au sud de Winnipeg, à l'est de la rivière Rouge, il y a un seul silo à céréales pour toute la région. Dans cette région, il y a des exploitations agricoles prospères. Cette prospérité est attribuée en grande partie aux origines ethniques des habitants. Elle est aussi attribuée à une certaine attitude face à l'existence.

Ils ont de petites exploitations agricoles. Ils ont du bétail. Leurs voisins aussi. Certaines exploitations sont dotées de grandes étables, mais la plupart sont des exploitations avec une petite étable, du bétail, des petits parcs d'engraissement, bref, des exploitations qui se sont diversifiées avec le temps. C'est ce qu'on voit quand on passe dans cette région. On y voit de nombreuses exploitations agricoles. Parfois, il y a deux maisons par quart de section.

Ne pourrait-on pas les imiter dans les autres régions des Prairies? C'est un défi de taille. Nous avons toutefois besoin d'immigrants. Nous avons besoin de personnes qui ont une mentalité différente.

M. Wells a abordé quelques problèmes. Dès que les producteurs ont de l'influence sur le marché, on considère que c'est inacceptable. Deux des provinces de l'Ouest avaient un office de commercialisation du porc. Les acheteurs pouvaient faire leurs achats au même endroit. Les gouvernements avaient décidé de supprimer les règlements limitant la production pour pouvoir attirer de gros producteurs. Est-ce que cette initiative a aidé les éleveurs de porc? Non. Elle a aidé les entreprises industrielles et la province mais pas l'éleveur.

Le président: Pourriez-vous nous faire un bilan de la situation à la suite des pertes encourues par les agriculteurs à cause de la sécheresse et du ralentissement économique?

M. Dewar: En 1999, les agriculteurs du sud-ouest du Manitoba et du sud-est de la Saskatchewan ont connu une épreuve équivalant à la sécheresse parce qu'ils n'avaient aucun revenu et qu'ils n'avaient pas les moyens de faire les semis.

Le président: À cause des pluies abondantes.

M. Dewar: Dans la ville de Souris, 12 entreprises ont fermé leurs portes. Une nouvelle entreprise a fermé ses portes également, ce qui fait 13. C'est la même chose dans d'autres villes. Une fois que le mouvement est enclenché, cela n'arrête plus.

Notre organisation perd environ 500 membres par année. L'assurance-récolte perd environ 500 contrats par année. Cela indique que ces personnes-là ont abandonné la terre.

M. Ottenbreit: L'Agricultural Producers Association of Saskatchewan (APAS) est peut-être, moi y compris, plus optimiste. Je sais que les temps sont durs pour le Manitoba, mais pour la Saskatchewan également. Je reste cependant optimiste en ce qui nous concerne. Il y a une lueur d'espoir et il y a une solution à nos problèmes. Nous croyons d'ailleurs avoir trouvé quelques solutions.

Habituellement, quand des groupes vous disent qu'ils n'ont que des problèmes et des ennuis, on propose des solutions. Un tiers des producteurs de la Saskatchewan sont devenus membres de notre association. Nous avons décidé que si nous ne recrutions pas de jeunes au sein de notre association et dans l'agriculture, l'industrie disparaîtrait.

Nous avons une solution à ce problème. Nous avons un programme START que vous connaissez. En juin 2001, notre association vous a présenté un projet. Nous avons remis des exemplaires des documents concernant ce programme au greffier. M. Kurtz, qui est un de nos directeurs exécutifs, a un petit exposé à faire à ce sujet. Il contient les dernières informations.

Notre programme START - Strategic Transition and Agricultural Revitalization for Tomorrow (transition stratégique et relance de l'agriculture pour l'avenir - est un programme viable et nous espérons que vous l'examinerez lorsque M. Kurtz aura fait son exposé.

M. Goodale est probablement aussi optimiste que moi. Je suis enthousiasmé parce que le secteur de l'éthanol est un secteur viable. Si nous modernisons notre infrastructure et accroissons la production de bétail, cela donnera un solide coup d'éperon à la production d'éthanol en Saskatchewan. Je considère que ce sont des perspectives encourageantes. Je félicite M. Goodale d'avoir recommandé que la Saskatchewan devienne la capitale de l'éthanol du Canada.

Le président: Est-ce que cela résoudrait tous les problèmes de l'agriculture?

M. Ottenbreit: Nous devons diversifier nos activités, en Saskatchewan. Nous produirons toujours une certaine quantité de céréales et d'oléagineux. Nous n'abandonnerons certainement pas complètement ces deux cultures. Les terrains agricoles de la Saskatchewan représentent 50 p. 100 de la superficie de terres cultivées du Canada. Je veux que mes animaux quittent la ferme vivants ou qu'ils soient abattus dans des abattoirs, puis congelés. Mes céréales devraient sortir de la Saskatchewan dans un camion-citerne ou dans un pipeline sous forme d'éthanol. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'exporter les céréales proprement dites. L'industrie de l'éthanol serait viable mais il faudrait que le Canada s'engage à faire une consommation initiale de 10 p. 100 d'éthanol. La Californie pourrait consommer également la production initiale.

Le sénateur Wiebe: Ce sont les provinces qui réglementent la quantité d'éthanol qui peut être utilisée dans nos carburants.

Le président: Pour pouvoir en acheter, les provinces auraient besoin de recettes fiscales qu'elles n'ont pas. La caisse du gouvernement de la Saskatchewan est à sec.

M. Ottenbreit: C'est vrai.

Le président: C'est notoire.

M. Ottenbreit: Notre programme nécessite la participation financière du gouvernement fédéral.

M. Kurtz: Je vous remercie de nous permettre de parler de développement rural. Je suis un producteur de céréales mélangées de Stockholm, en Saskatchewan. Je suis directeur exécutif de l'APAS.

Le sénateur Oliver: Dans quelle région de la Saskatchewan est-ce?

M. Kurtz: C'est dans le sud-est, près d'Esterhazy, la capitale de la potasse. Nous sommes à quelques milles de distance d'Esterhazy.

Le développement rural est la clé de la relance économique de la Saskatchewan, une province particulière qui possède 47 p. 100 des terres arables du Canada et où se trouvent 20 p. 100 des producteurs agricoles canadiens. L'APAS, la plus grosse association agricole de la Saskatchewan financée par les producteurs, a élaboré un programme appelé Strategic Transition and Agricultural Revitalization for Tomorrow (START).

Le programme START est un programme en trois volets, les premier et deuxième volets reconnaissant la légitimité du secteur des céréales, des oléagineux et des légumineuses à grain. Ce programme propose une rotation annuelle de 20 p. 100 des terres et transfère les subventions aux producteurs, pour leur permettre de continuer à produire des céréales et des oléagineux pour les projets à valeur ajoutée que nous proposons.

Ce programme reconnaît également l'importance de l'aspect écologique et paie aux propriétaires un loyer environnemental annuel de 25 $ l'acre, à perpétuité, ce qui permet d'enrayer la détérioration de l'environnement. Le contrôle de ces terres reste entre les mains des producteurs qui sont les meilleurs protecteurs de la terre et les frais sont partagés entre tous les Canadiens qui attachent un grand prix à l'environnement.

Le programme START encourage également la transformation de terres peu productives ou à rendement inférieur en couverture végétale en y plantant des arbres ou en y semant de l'herbe. La première année, le producteur reçoit 50 $ l'acre. Au cours des quatre années suivantes, il reçoit 25 $ l'acre et est admissible à une obligation de diversification agricole (ODA) de 50 $ l'acre. Il peut obtenir cette obligation lorsque le gel de ses terres est confirmé et lorsqu'il participe à un projet approuvé comme un élevage intensif de bétail ou un projet communautaire comme la création d'une usine d'éthanol. Ces obligations sont encaissables à la banque et, par conséquent, un producteur peut les utiliser comme garantie pour un emprunt, ce qui permet d'avoir l'acompte de 20 p. 100 nécessaire au démarrage d'un projet. L'hiver dernier, un sondage effectué dans le cadre d'assemblées tenues dans les hôtels de ville de plus d'une centaine de localités de la Saskatchewan a révélé que la mise de fonds de départ était l'obstacle qui empêchait la plupart des producteurs de diversifier leurs activités.

Quels seraient les avantages de ces obligations, à supposer que nous retirions 10 millions d'acres de terres à rendement marginal de la production dans le cadre d'un programme de gel des terres? Cela permettrait aux producteurs primaires d'acquérir les capitaux de démarrage ou l'acompte de 20 p. 100 nécessaire pour réaliser les projets d'immobilisation axés sur la diversification. Les producteurs qui auraient déjà adhéré à un programme de gel des terres auraient droit à des subventions. Le reste du capital pourrait être fourni par des coopératives, par des entreprises ou par Agri-Vision. Les producteurs auraient la technologie et les compétences nécessaires pour administrer les projets qui amorceraient une relance agricole et inciteraient des familles à revenir s'établir dans des exploitations agricoles et peupler les localités de cette région. Le programme START permet aux producteurs de progresser de quelques échelons dans la filière de la valeur ajoutée.

Nous avons également fait des analyses de rentabilité en ce qui concerne les projets d'immobilisations de grande envergure. Le coût pour le gouvernement fédéral se chiffrerait à 500 millions de dollars. L'investissement des producteurs s'élèverait à 2 milliards de dollars. Cela permettrait de réaliser 216 projets communautaires d'envergure qui créeraient 6 846 emplois représentant un salaire annuel moyen d'environ 29 000 $.

Ces projets entraîneraient également la création de 10 260 emplois dérivés, soit 50 p. 100 de plus que le nombre d'emplois primaires. La paie annuelle pour les emplois primaires s'élèverait à 204 millions de dollars et, en ce qui concerne les emplois dérivés, elle se chiffrerait à 295 millions de dollars, soit un total de 499 millions de dollars. Les recettes annuelles totales générées par ces projets s'élèveraient à 2,4 milliards de dollars et, d'après les estimations qui ont été faites, les bénéfices annuels de cette diversification se chiffreraient à 241 millions de dollars.

Les obligations de diversification agricole permettraient également de diversifier les activités agricoles proprement dites grâce à un investissement fédéral de 500 millions de dollars. L'investissement des producteurs serait de 1 milliard de dollars. Cela permettrait de créer un nombre total de 23 500 emplois représentant une paye annuelle de 470 millions de dollars, soit environ 20 000 $ par emploi. Les impôts sur la paye et les bénéfices se chiffreraient à 353 millions de dollars. Le nombre total d'emplois créés serait de 40 600.

Ces projets permettraient de doubler le nombre de têtes de bétail qui passerait de 1,2 million à 2,4 millions d'ici six à neuf ans, sauf en cas de fortes sécheresses. Ce chiffre ne représente qu'une augmentation de 1 p. 100 du nombre total de têtes de bétail en Amérique du Nord, qui s'élève à environ 109 millions.

La consommation de grain fourrager doublerait largement parce que l'engraissement du bétail se ferait en Saskatchewan et que par conséquent, les veaux, les céréales et les jeunes ne devraient plus aller en Alberta. La production agricole brute augmenterait de 50 p. 100, ce qui rapporterait 300 millions de dollars en impôts, en se basant sur un taux d'imposition de 29 p. 100.

Le programme START est le seul programme qui permettrait aux producteurs d'assurer la rentabilité de leur exploitation et de garder le contrôle des terres et par conséquent d'assurer l'approvisionnement en céréales et en oléagineux. Il enrayerait l'exode rural et amorcerait un programme de transition qui permettrait à d'autres entreprises de diversifier leurs activités au sein de la collectivité au lieu de disparaître. Le programme ajouterait de la valeur au secteur agricole grâce à une injection ponctuelle de capitaux et il générerait des recettes fiscales supplémentaires considérables pour les gouvernements, grâce à un accroissement de 50 p. 100 de la production brute de denrées agricoles. Ces initiatives relanceraient l'économie des collectivités rurales de la Saskatchewan et préserveraient la population et les espaces verts actuels. Le programme START permettrait d'accroître la valeur de la production agricole en Saskatchewan qui plafonne à 6 milliards de dollars et d'intensifier l'élevage, qui accompagne bien la production d'éthanol envisagée par l'honorable Ralph Goodale. Enfin, le programme ferait de la Saskatchewan la capitale de l'éthanol du Canada.

Des représentants de Canards Illimités ont fait un exposé dans le cadre d'une réunion de notre conseil d'administration. Je ne sais pas si vous avez vu le texte, mais cet organisme propose d'investir une somme équivalente à la mise de fonds du gouvernement fédéral; il prendrait toutefois le contrôle des terres. Il propose de prendre le contrôle d'environ 25 p. 100 des terres dans toutes les municipalités.

Vous avez demandé des chiffres. J'ai entendu dire qu'en Saskatchewan, certaines familles devront, d'après les prévisions, se contenter d'un revenu agricole de 5 000 $, ce qui démontre la gravité de la situation. Un nombre considérable d'emplois seraient accessibles à d'autres personnes grâce à cette diversification qui dispenserait les conjoints d'aller chercher un emploi à l'extérieur de l'exploitation familiale. Par conséquent, cela libérerait des emplois pour d'autres personnes.

Ce n'est là qu'un tout petit aperçu des possibilités. Nous avons fait des études et nous avons mis au point ce projet à cause des engagements pris par le gouvernement dans le cadre du discours du Trône du printemps dernier. Nous estimons que c'est un secteur où le gouvernement serait peut-être disposé à investir afin de nous permettre de donner un coup de fouet à l'économie de la Saskatchewan.

Le président: Je vous remercie pour votre exposé. Je vois quelques dirigeants du secteur agricole hocher la tête en signe d'approbation parce qu'on n'annonce pas souvent des projets de ce genre et qu'il serait très intéressant qu'il se réalise.

Je viens de parler à des éleveurs de bétail de l'Alberta où la situation évolue dans l'autre sens et où le nombre de têtes de bétail continue d'augmenter. Dans notre région, l'orge est expédiée à Lethbridge. Ce n'est pas en rêvant que l'on arrivera à redresser la situation qui est vraiment critique dans les Prairies.

Monsieur Kurtz, vous étiez ici avec votre épouse il y a deux ans. Je vous ai reçu lorsque votre femme faisait la grève de la faim. La situation s'est encore détériorée depuis lors.

M. Kurtz: Certainement.

Le président: Il faudrait donc investir 2 milliards de dollars pour redresser la situation.

M. Kurtz: Ce serait sur une période de 10 ans. Compte tenu des recettes fiscales supplémentaires que cela rapporterait au gouvernement, ce serait un bon investissement. Les producteurs agricoles sont les meilleurs gens d'affaires qui soient. Ceux qui n'étaient pas doués pour les affaires ont disparu depuis un certain temps. Si l'on permettait aux producteurs de reprendre le contrôle en leur donnant des conseils et un certain encadrement, on verrait que les projets ne seraient pas voués à l'échec comme dans les cas où une des parties a des motivations suspectes.

Le président: Nous avons essayé la diversification avec le Canola et d'autres céréales. Nous avons constaté que les prix n'étaient pas assez élevés. J'ai un communiqué concernant les négociations commerciales qui sont en cours et la situation commerciale mondiale. Il est possible que ces négociations se soldent par un affaiblissement des offices de commercialisation de l'Ontario et du Québec. Dans ce communiqué, le gouvernement promet de ne pas se laisser faire.

Ce sera pourtant le cas si les tarifs douaniers sont modifiés. Les producteurs de lait et de poulet ont eu assez de chance car ils ont bénéficié de la protection du gouvernement. Nous n'avons pas eu cette chance-là dans le secteur des céréales et des oléagineux.

M. Dewar: Monsieur le président, je dois m'en aller. Puis-je faire un bref commentaire avant de partir? Je vous remercie de nous avoir invités.

Certains des commentaires que vous venez de faire sont très importants. Quand on veut produire des céréales, que ce soit pour alimenter une fabrique d'éthanol ou pour nourrir des porcs ou des vaches, il faut pouvoir réaliser un bénéfice minimum. C'est indispensable. J'ai assisté à une conférence au Dakota du Nord la semaine dernière. On y a parlé d'éthanol E-85 et pas d'éthanol E-10 parce qu'un boisseau de maïs fourrager d'une valeur de 1,50 $ vaut 6 $ s'il est destiné à la production d'éthanol. À 1,50 $ le boisseau, la production du maïs ne peut pas être rentable. Ça ne vaut même pas la peine de le semer.

Le sénateur Oliver: Et si l'on cultivait du maïs pour l'alimentation humaine plutôt que pour la fabrication d'éthanol?

M. Dewar: Nous produisons d'énormes quantités de maïs. Dans certains pays, on croit que le maïs est destiné à l'alimentation des animaux.

Nous avons essayé de régler les problèmes des collectivités rurales par l'intermédiaire de notre politique agricole. Il faudrait peut-être essayer de régler les problèmes agricoles par le biais de notre politique de développement rural.

Je pense que l'usine d'éthanol paierait un meilleur prix pour ce grain. C'est ce qui est essentiel. Je vous remercie pour votre attention et je m'excuse de devoir m'en aller.

Le président: Merci pour votre exposé et merci encore d'être venu.

M. Loiselle: Je vous remercie de nous donner l'occasion d'exprimer nos opinions et je m'excuse de ne pas avoir de documents à vous remettre. Je les ferai parvenir à votre greffier. Cet exposé sera quelque peu différent du précédent. Il s'agit d'un aperçu et d'une critique plutôt que de considérations d'ordre financier. C'est peut-être juste à cause de ma nature. J'étais tellement absorbé par le problème des manipulations génétiques que je n'ai attaché qu'une importance secondaire à ce sujet-ci, qui est pourtant très important.

J'ai affiché dans mon bureau la citation suivante d'un auteur dont l'identité n'est pas révélée: «Condamner sans avoir cherché des preuves est le summum de l'ignorance». Cette maxime me rappelle que pour faire des critiques, il faut d'abord bien comprendre le sujet.

Ce que je sais des collectivités rurales c'est que, comme agriculteur, je suis inextricablement lié aux personnes qui m'entourent et que je suis influencé par elles. Elles sont à leur tour influencées par mes actes ou par mon inertie. La collectivité rurale est composée principalement d'intendants de la terre et de l'eau, qu'il s'agisse d'agriculteurs, de pêcheurs, de mineurs, d'exploitants forestiers, de chasseurs, de trappeurs, ou de cueilleurs. Ma famille et moi sommes reliés à la ville locale, comme nos voisins d'ailleurs. C'est ce que nous considérons comme une collectivité.

On dirait qu'en agriculture, l'accroissement de la productivité est le mot d'ordre. C'est un mot d'ordre que, collectivement et individuellement, nous avons de la difficulté à accepter.

L'accroissement de la productivité agricole entraîne des coûts supplémentaires dont on omet généralement de tenir compte. On espère toutefois que des institutions - qu'il s'agisse d'institutions des Nations Unies ou de ministères nationaux ou provinciaux de l'Agriculture - reconnaissent enfin qu'il faut revoir l'organisation du secteur agricole pour relever les nouveaux défis que réserve l'avenir. De nombreuses tendances indiquent que l'agriculture n'est généralement pas durable. On nous l'a encore confirmé aujourd'hui. La plupart des exploitations agricoles ne sont plus rentables. De nombreuses formes de détérioration de l'environnement sont un sujet de préoccupation. Les structures sociales établies éclatent et la société est de plus en plus disposée à accepter des pratiques qu'elle juge néfastes. Par conséquent, les jeunes abandonnent les exploitations agricoles parce qu'ils estiment qu'elles ne leur offrent pas de perspectives d'avenir.

Les tendances qui se dessinent actuellement dans le secteur agricole sont nombreuses. Elles accentueront probablement les problèmes et contribueront à aggraver la crise agricole récurrente. Nous assisterons à la débâcle d'autres collectivités rurales.

Les principales tendances indiquent que le problème est à la fois d'ordre économique, social et environnemental. Sur le plan économique, la tendance est l'accroissement de la production et de la productivité. Par contre, les prix agricoles ont tendance à diminuer. Par conséquent, la part du producteur primaire diminue.

La part de marché que le producteur primaire détenait dans les années 20 était beaucoup plus grande qu'à l'heure actuelle. C'est terrible. C'est incroyable. Qui est-ce qui a récupéré cette part? Ce sont les intermédiaires, ceux qui font partie de la filière de la commercialisation. Le consommateur paie essentiellement pour ce que nous qualifions de politique d'alimentation à bon marché mais l'agriculteur n'en bénéficie pas. La part des dépenses alimentaires des consommateurs que reçoit l'agriculteur diminue. D'autre part, l'âge moyen des agriculteurs augmente. Les revenus agricoles nets ont donc diminué.

Sur le plan social, les exploitations agricoles sont de plus en plus grandes mais leur nombre diminue. Nous avons des difficultés à attirer des jeunes dans le secteur. Sur le plan de la santé, on reconnaît de plus en plus que les collectivités agricoles sont soumises à un stress croissant. Les préoccupations environnementales portent notamment sur diverses espèces qui résistent aux pesticides, sur la diminution de la biodiversité et la détérioration de la qualité de l'eau et de l'air ainsi que sur la détérioration constante des sols.

Les collectivités rurales sont les plus touchées par la crise agricole récurrente qui, si l'on ne tient pas compte des conditions climatiques, est due à la puissance économique et politique sans cesse accrue des entreprises transnationales. À moins que ces tendances ne soient enrayées ou inversées, la revitalisation des régions rurales sera difficile, voire impossible.

Fort heureusement, de nouvelles tendances se dessinent. Ainsi, divers organismes internationaux recommandent un changement dans le secteur agricole. Dans un document du Programme des Nations Unies pour l'environnement publié en 1992, on dit ce qui suit à l'agenda 21, chapitre 14:

Il est indispensable d'apporter des rajustements majeurs aux politiques agricoles, environnementales et macroéconomi ques, à l'échelle nationale et internationale, dans les pays développés comme dans les pays en développement, pour créer des conditions propices à une agriculture durable et au développement rural.

Bien que le Canada pense à adopter des politiques axées sur l'agriculture durable dans le contexte d'un document d'Agriculture et Agroalimentaire Canada intitulé «Agriculture en harmonie avec la nature II - Stratégie de développement durable d'Agriculture et Agroalimentaire Canada». Il s'agit d'un nouveau rapport qui expose les divers volets d'une politique alimentaire durable pour les quatre prochaines années.

En outre, des milliers d'agriculteurs ont déjà adopté des pratiques durables. Ils l'ont fait sans subventions de l'État, pour devenir moins dépendants du secteur des intrants, du secteur du marketing et de l'aide financière des gouvernements.

Les agriculteurs, la plupart du moins, sont conscients que l'agriculture durable est un objectif à atteindre. Une agriculture durable présenterait de nombreux avantages comme une prolongation de la rotation des cultures, une plus grande diversité, de l'élevage intégré, une forte diminution des intrants extérieurs, une meilleure connaissance des méthodes naturelles de fertilisation des sols et de protection des récoltes ainsi qu'une gestion globale. De nouvelles formes de coopération - formelle et informelle - et des stratégies de marketing innovatrices apparaîtraient.

Les collectivités rurales pourraient en retirer toutes sortes d'avantages, comme un accroissement de la rentabilité des exploitations agricoles. Les municipalités rurales sont dépendantes des revenus agricoles. L'activité économique serait améliorée grâce à l'effet expansionniste accru. Parmi d'autres améliorations, citons une amélioration de la qualité des sols, de l'eau et de l'air, le rétablissement de la biodiversité, une diminution du niveau de stress et l'amélioration de la condition sociale et de l'état de santé de la population.

Notre organisation a des discussions avec d'autres organismes en ce qui concerne l'agriculture durable et l'on constate que le principe fondamental est que tous les êtres humains ont le droit fondamental d'accès à de l'air, de l'eau, des terres et des aliments salubres. L'agriculture peut jouer un rôle capital à cet égard. Elle peut améliorer la qualité de vie de l'humanité tout entière.

Nous pensons que l'agriculture biologique certifiée au Canada est actuellement efficace et qu'elle est administrée en grande partie sans l'aide de subventions gouvernementales. Nous pensons qu'elle contribue au développement communautaire. L'énoncé de vision du Saskatchewan Organic Directorate est «food for life». C'est un aspect de son énoncé de vision auquel le SOD attache beaucoup d'importance.

Les producteurs biologiques estiment que tout en gagnant sa vie, il faut traiter la terre, la flore et la faune avec le plus grand respect. Nous employons le terme «vie» au sens le plus positif. Nous voulons que les denrées alimentaires que nous produisons soient une source de vie, de santé et de longévité. Nous pensons également que le système de production auquel nous avons recours ne doit pas constituer une menace pour nous-mêmes, pour d'autres personnes ou pour d'autres espèces vivantes. Il doit être durable, pas seulement à court terme, mais pour les années à venir.

Ce sujet a un rapport direct avec celui de la discussion que nous avons eue ce matin. En agriculture, on reconnaît l'existence de systèmes indépendants dans le secteur de la production primaire: le secteur des intrants, le secteur de la transformation, le secteur du marketing et les besoins de tous en matière de nutrition. Cela influence tous les aspects de l'économie, de l'environnement et de l'interaction sociale.

On reconnaît que les agriculteurs sont les intendants des ressources. La culture comporte la responsabilité de gérer sa vie et l'environnement dans le respect des droits d'autrui. C'est une question d'intendance. Les agriculteurs ont modifié les écosystèmes et ils ont la responsabilité de les gérer dans l'intérêt des générations actuelles et futures. Ils doivent être épaulés dans cette tâche par la société.

Nous incarnons également les principes de précaution. C'est la vision que l'on a dans les collectivités rurales: les collectivités rurales sont des lieux sûrs et dynamiques qui attirent des gens d'affaires et d'autres personnes qui peuvent compter sur une infrastructure comparable à celle des centres urbains. Le développement durable est lié aux ressources locales et régionales, à l'harmonie avec la nature et à l'amélioration de la qualité de vie. Tout projet de développement met l'accent sur l'investissement dans les ressources humaines et est fondé sur le cycle vertueux de l'éducation, de l'innovation accrue, de l'investissement accru, de la valeur accrue et de meilleurs salaires. C'est l'amélioration de la qualité de vie et ce sont les possibilités attrayantes qu'offrent ces collectivités qui incitent les jeunes à y rester ou à y revenir. Elles attirent des habitants des centres urbains et des immigrants. La coopération et le bénévolat sont des constituants actifs de toutes les collectivités.

Lorsqu'on se place dans une perspective globale ou du point de vue de l'agriculture organique en particulier, le Canada est très en retard en matière d'agriculture durable. J'ai un document intitulé Déclaration de Copenhague, qui a été signé le 11 mai 2001 par la plupart des ministres de l'Agriculture des pays européens. Le Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union européenne, la Communauté européenne des coopératives de consommateurs, le Bureau européen de l'environnement et la Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique sont parmi les signataires de cette déclaration. C'est semblable à ce que nous faisons actuellement. Des associations d'agriculteurs, des groupes de consommateurs et des organisations écologistes ont uni leurs efforts. Ce document est d'ailleurs extrêmement intéressant et je vous conseille de l'examiner.

Les exploitations agricoles qui semblent résister à la tempête sont apparemment d'assez petite taille et relativement diversifiées. Elles sont dotées d'installations de nettoyage ou de transformation sur place et les probabilités qu'elles pratiquent également l'élevage sont très fortes. On trouve ce genre d'exploitations dans le secteur de l'agriculture biologique. Je pense notamment au cas de la famille Bauml de Marysburg. C'est une exploitation agricole où cinq familles cultivent la même superficie que celle qui était exploitée par seulement une ou deux familles il y a 15 ou 20 ans. C'est une histoire intéressante et impressionnante. Ces familles ont intégré l'élevage du bétail; elles assurent également le nettoyage de leurs produits et aident d'autres personnes à développer la collectivité.

Le cadre agricole mis au point par le Fonds monétaire international, par l'ALENA, par la ZLEA et par l'OMC est propice à l'agriculture durable. Comme on l'a déjà signalé, les ruraux se demandent où sont les services dont leurs collectivités ont besoin, comme les banques, les écoles et les hôpitaux. Ils se demandent quand le gouvernement fédéral adoptera une politique pour venir en aide aux exploitations agricoles familiales et à l'agriculture durable dans le secteur de l'agriculture biologique.

Les discussions vont bon train. Nous avons reçu des subventions du bureau de M. Goodale d'un montant total de 600 000 $ distribués au compte-gouttes. Je ne sais pas très bien quelle politique durable a le gouvernement, mais il y a un décalage entre les décisions stratégiques et l'action.

Voltaire a dit à peu près ceci: l'histoire ne se répète pas, mais c'est l'homme qui fait l'histoire.

Mme Penfound: Je n'avais pas prévu faire un exposé sur le sujet. Je n'ai pas de notes préparées. Cependant, en écoutant les autres exposés, j'ai compris qu'il était important de signaler que, en ce qui concerne la question du blé transgénique, on constate que les préoccupations de diverses organisations qui représentent les agriculteurs, de divers groupes écologistes, de divers organismes du secteur de la santé et de diverses associations de consommateurs se recoupent et sont à peu près identiques.

Le document de Greenpeace que j'ai mentionné tout à l'heure, «Recipes Against Hunger: Success Stories for the Future of Agriculture», exprime des opinions qui ressemblent beaucoup à certains des commentaires qui ont été faits il y a quelques minutes par les groupements d'agriculteurs. Je lirai les deux courts passages de ce document qui suivent:

Il est temps de dénoncer les promesses fallacieuses du génie génétique et de l'industrie agricole. Il est temps d'appuyer une révolution agraire qui réponde aux nombreux besoins des collectivités locales et de l'environnement, qui rétablisse les terres dégradées par l'agriculture industrielle et aide les pauvres à lutter contre la pauvreté et contre la faim. Pour ce faire, il est temps de reconnaître que l'agriculture - et les technologies qui en font maintenant partie - doivent appartenir aux collectivités et aux milieux culturels locaux. Culture et agriculture vont de pair.

Voici un autre passage de ce document:

La difficulté pour la révolution agricole qui se prépare est de contribuer à trouver le soutien nécessaire pour que les agriculteurs puissent produire de quoi se nourrir et de quoi nourrir la population de leur collectivité tout en protégeant leur milieu.

Ces opinions rejoignent celles des autres groupes en ce qui concerne notamment les incidences commerciales du BGM pour le secteur agricole et les préoccupations environnementales des agriculteurs. M. Ottenbriet a brillamment exposé les mêmes préoccupations environnementales que celles que j'ai mentionnées.

Quelques détracteurs, notamment un député dont je tairai le nom, ont critiqué notre initiative de façon irresponsable. On a dit que l'agriculteur qui collabore avec Greenpeace, avec le Conseil des Canadiens et avec d'autres organisations analogues couchait en quelque sorte avec son ennemi. C'est insulter les associations de cultivateurs et des groupes comme Greenpeace, le Conseil des Canadiens et la Coalition canadienne de la santé que d'affirmer que leurs intérêts sont diamétralement opposés aux nôtres. Nous avons des intérêts communs.

Le président: Vous avez fait un commentaire très pertinent. Les agriculteurs sont des écologistes quand ils en ont les moyens. Les agriculteurs doivent essayer de tirer tout ce qu'ils peuvent du sol pour survivre et n'ont pas pu utiliser le genre de méthodes qu'ils auraient dû utiliser parce qu'elles n'étaient pas assez rentables.

Je suis entièrement d'accord avec vous. Il faut examiner l'ensemble de la situation.

Le sénateur Tunney: Je mettrai le texte des premiers exposés dans mon dossier favori pour m'en servir dans les nombreuses occasions où je prononce des allocutions ou où je participe à des discussions.

Avez-vous pensé à demander au secteur laitier et au secteur de la volaille, qui sont sous le régime des offices de commercialisation, ce qu'ils pensent de ce système? Avez-vous tenu compte du coût de production d'un boisseau de blé ou de quelque autre céréale quand vous fixez le prix pour le courtier ou quand vous l'offrez en vente? J'espère que vous avez une meilleure connaissance du système de la gestion de l'offre que certains Canadiens. Le prix du lait est fixé en fonction du coût de production auquel on ajoute une petite marge bénéficiaire.

Vous serez peut-être étonnés d'apprendre, étant donné le système en vigueur au Canada, que l'on nous reproche souvent de prendre le contrôle du marché pour faire monter les prix. Ce n'est pas vrai. Les producteurs laitiers ne tiennent pas à ce que les prix augmentent. Ils souhaitent que les membres de la Commission canadienne du lait maintiennent le prix à un niveau raisonnable et élargissent plutôt le marché.

Si vous achetez dans un supermarché canadien la gamme complète des produits laitiers et que vous achetez les mêmes produits dans un supermarché américain, vous constaterez que le prix du panier canadien sera un peu moins élevé que celui du panier américain. Pourquoi ne permet-on pas à un producteur de denrées alimentaires de réaliser un bénéfice suffisant pour subvenir à ses besoins?

Un de mes voisins cultive environ 1 500 acres. Il est jeune, intelligent et travailleur. Il essaie d'acheter une cinquantaine ou une centaine d'acres supplémentaires par année et il loue la plus grande superficie possible. Il obtenait bien sûr les hangars à machines et les séchoirs accompagnant les terres supplémentaires. Il est actuellement dans une situation financière catastrophique. D'après lui, en comptant sur les programmes gouvernementaux, il pourra encore tenir le coup deux ans. Après quoi, il sera en faillite. Pour tenir le coup, il a remplacé une moissonneuse-batteuse de deux ans par une nouvelle. Pourquoi? Il l'a fait pour tenir le coup un an de plus. Quand il a remis sa moissonneuse-batteuse usagée - pour ainsi dire à l'état neuf - il a obtenu un montant suffisant pour couvrir les paiements. Il était donc libéré des mensualités sur cette machine. En ce qui concerne la machine neuve, il s'est arrangé pour ne pas devoir commencer à faire des versements avant septembre 2002. C'est une méthode de gestion malsaine; il fait un déficit sur chaque boisseau de blé, de soja et de maïs qu'il cultive. Pourtant, c'est un bon agriculteur.

Le sénateur Wiebe: Est-ce une question ou un exposé?

Le sénateur Tunney: C'est les deux à la fois. J'espère que vous examinerez cette question de plus près. C'est ce que j'avais à vous dire. L'agriculture ne peut pas survivre avec le prix actuel de la plupart des denrées qu'elle produit.

Le président: C'est un excellent exposé. J'ai reçu des nouvelles inquiétantes ce matin. À l'issue d'une réunion de représentants de plusieurs municipalités rurales de la Saskatchewan qui a eu lieu cette semaine, des centaines de dirigeants ruraux ont tenu un vote mardi sur une proposition concernant une étude des possibilités de séparation de la Confédération. Cette proposition a été rejetée mais elle a été appuyée par un tiers de participants. Ils ont voté ainsi non pas parce que ce ne sont pas de bons fédéralistes mais parce qu'ils sont désespérés. C'est un signe que la situation est très grave.

M. Wells: Je voudrais faire des commentaires au sujet des observations du sénateur Tunney. Le Syndicat national des cultivateurs appuie depuis longtemps le système de gestion de l'offre pour toutes les raisons que j'ai énumérées. Nous avons d'ailleurs été punis et exclus du débat politique général à cause de cette position. Les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral ont adopté le cadre stratégique que j'ai mentionné tout à l'heure, celui de l'OMC et de l'ALENA.

L'accroissement des échanges commerciaux est primordial dans ce contexte. Les secteurs soumis au régime de la gestion de l'offre s'adaptent très mal à ce genre de règles parce que, dans leur cas, la production est axée sur la consommation intérieure. Quand on signe des accords de ce genre et des accords comme l'ALENA, l'accroissement de la production ne peut pas être supérieur à la croissance démographique et à la croissance de la demande. C'est un grave problème.

Dans le contexte de ces grands accords commerciaux, au lieu de promouvoir ou d'aider les collectivités locales canadiennes, nous avons littéralement troqué d'excellents marchés canadiens comme ceux de Toronto, de Vancouver et de Winnipeg pour des marchés situés à Téhéran, en Indonésie ou dans quelque autre pays. Cette situation est responsable du développement extraordinaire du secteur des transports, de l'emballage et de la transformation à travers le monde, mais n'a pas aidé du tout les Canadiens ni les agriculteurs canadiens. C'est là que le bât blesse.

J'ai un bref commentaire à faire sur la résolution de l'Association des municipalités rurales de la Saskatchewan. J'étais ici il y a deux ans avec une délégation d'agriculteurs dirigée par M. Romanow et par M. Dewar. À cette occasion, j'ai déclaré à la presse que le sentiment d'aliénation dans l'ouest du Canada ne cessait de gagner du terrain. C'est un sentiment qui se répand à une allure très inquiétante.

Le sénateur Wiebe: J'ai quelques questions de cuisine interne à régler. Certains d'entre nous doivent assister à une autre réunion. J'aimerais jeter un coup d'oeil sur la lettre que vous avez envoyée au premier ministre. J'aimerais avoir une idée de la réaction des personnes à qui vous avez envoyé une copie de cette lettre.

Je voudrais proposer que cette lettre fasse partie des documents de ce comité.

Le président: Est-ce que tout le monde est d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Le sénateur Wiebe: Pouvez-vous nous dire quel genre de réaction ont eue les autres personnes auxquelles vous l'avez montrée?

M. Wells: Oui: nous n'avons pas eu de réaction.

Le sénateur Wiebe: Les premiers ministres des provinces, le ministre de l'Agriculture ou le ministre responsable de la Commission canadienne du blé n'ont-ils eu aucune réaction?

M. Wells: Nous avons eu une réaction de Mme Wowchuk, ministre de l'Agriculture du Manitoba. Je ne suis toutefois pas certain que ce soit une réaction à la lettre proprement dite ou à notre conférence de presse. La ministre nous a envoyé une lettre dans laquelle elle nous félicitait pour notre prise de position. Elle a envoyé une copie d'une lettre qu'elle avait adressée en mai 2001 à M. Vanclief au sujet des problèmes agronomiques, des problèmes de contamination et des problèmes de marchés. Sa position est très semblable à celle que nous avons adoptée ultérieurement, sans être au courant de la sienne. C'est la seule réaction que nous ayons eue par écrit.

Le président: Nous devons maintenant clore la discussion. Elle a été très intéressante. Nous avons entendu de nombreuses opinions venant d'un groupe de témoins somme toute très varié. Pourtant, ce groupe a une position très commune en ce qui concerne la nécessité d'un changement, surtout en ce qui a trait aux produits alimentaires génétiquement modifiés.

Nous examinerons vos demandes et nous essaierons de réagir de la façon la plus positive possible. C'est une question qui préoccupe certainement les consommateurs canadiens; cela nous semble évident, d'après le courrier que nous recevons.

M. Wells: Au nom de notre groupe d'étude, je vous remercie. C'était un plaisir pour nous.

M. Loiselle: Je suis certain que les membres de notre groupe seraient disposés à répondre à d'autres questions.

Le président: Merci beaucoup.

La séance est levée.


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