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LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 23 octobre 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 30 pour examiner le projet de loi S-22, Loi portant reconnaissance du cheval de race canadienne comme le cheval national du Canada.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous déclarons la séance ouverte. Nous avons à l'ordre du jour, aujourd'hui, l'étude du projet de loi S-22, Loi portant reconnaissance du cheval de race canadienne comme le cheval national du Canada.

Nous avons eux nouveaux membres au comité, qui sont aussi de nouveaux sénateurs. Nous leur demanderons de se présenter, de nous dire d'où ils viennent et de nous parler un peu de leurs antécédents.

Le sénateur Phalen: Je suis le sénateur Gerard Phalen, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Murray: L'honorable sénateur vient en fait du Cap-Breton, pour être plus précis.

Le sénateur Day: Je suis Joseph Day, et je viens de Kennebecasis, Saint John, dans le sud du Nouveau-Brunswick. Je suis heureux d'être ici.

Le président: Nous vous souhaitons la bienvenue.

Honorables sénateurs, passons à notre ordre du jour. Les premiers témoins de notre liste ont été retardés; par conséquent, nous allons entendre la Dre Kelly Ferguson et M. Alex Hayward, de la Société des éleveurs de chevaux canadiens de l'Ontario.

Mme Kelly Ferguson, D.V.M., présidente, Canadian Horse Breeders of Ontario: Honorables sénateurs, je vais vous faire un peu l'historique de notre association, la Canadian Horse Breeders of Ontario, dont je suis la présidente. Nous sommes un nouveau groupe, qui est dévoué à la préservation du cheval canadien. L'un de nos principaux objectifs est l'éducation du public sur les vertus de cette race et la promotion de la race en général.

J'aimerais lire un texte que j'ai préparé, pour vous faire un bref historique du cheval et des raisons pour lesquelles, à notre avis, il mérite le titre officiel de cheval national du Canada.

Le cheval canadien, une race chevaline unique, a évolué depuis les premiers chevaux des écuries du roi Louis XIV qui avaient été expédiés en Nouvelle-France, entre 1665 et 1670. À cause des conditions difficiles auxquelles ces animaux ont été soumis dans ce Nouveau monde, seuls les plus forts ont survécu et ont pu se reproduire. Tout au long de son histoire, le cheval de race canadienne a su survivre. On l'appelle souvent le «petit cheval de fer». Il était plus petit que ceux importés à l'origine et possédait une force unique que n'avaient pas les autres races.

Ces petits chevaux travaillaient au côté des premiers colons quand ils édifiaient notre grand pays. Les chevaux servaient à conduire, à monter ou à défricher les terres des Maritimes et, plus tard, des provinces de l'Ouest et des États-Unis. Les vertus de la race canadienne ont tellement impressionné nos voisins du sud que les chevaux ont été exportés pour l'élevage et ont servi pendant la guerre de sécession comme montures de cavalerie. Ils ont fourni les sujets de souche des races du cheval Morgan, du Saddlebred et du Tennessee Walker. Le nombre des chevaux pur-sang canadiens a diminué à cause de leur utilisation pendant la guerre de sécession et la guerre des Boers, et à cause du vaste croisement des races.

C'est grâce aux efforts de deux vétérinaires, le Dr Couture et le Dr Rutherford, que la race a pu échapper à l'extinction au début des années 1900. Le Dr Couture a joué un rôle clé dans l'établissement du premier Canadian Horse Stud Book et la création de la Société des éleveurs de chevaux canadiens. Le livre d'origine a été réévalué sous la direction du Dr Rutherford, pour n'inclure que les animaux qui ressemblaient de plus près à la race canadienne. Sur les 2 528 chevaux évalués, seuls 969 ont été acceptés comme sujets de souche. Des fermes d'élevage ont été créées par les gouvernements fédéral et provinciaux, par exemple, celles de Cap-Rouge, de Saint-Joachim et de Deschambault qui ont oeuvré pour préserver et promouvoir le cheval canadien.

En dépit de ces efforts, encore, vers la fin des années 70, le nombre d'animaux enregistrés était inférieur à 400. Cette fois, les travaux d'Alex Hayward et de Donald Prosperine ont ravivé l'intérêt pour cette race. Aujourd'hui, le cheval de race canadienne compte plus de 3 000 sujets enregistrés et il a été retiré de la liste des espèces en voie de disparition de Rare Breeds Canada.

Cornelius Krieghoff, un artiste de renom du XIXe siècle, a capturé dans ses peintures la place que tenait ce cheval dans les premières années de la vie au Québec, nous léguant ainsi les premiers témoignages visuels de cette race. Les scènes de ses oeuvres montrent le petit cheval qui se déplace devant une tête de coupe avec des paysans habillés de vêtements colorés. Plus tard, il a fait les gravures en blanc et noir de l'attelage de chevaux qui tirait un très gros traîneau de billes de bois. Ce sont là les images du cheval de race canadienne qui sont fixées dans notre mémoire.

Des récits de la nature aimable et de la force de ces chevaux se sont transmis à travers les générations. L'honorable Sidney Fisher, lors d'une réunion du comité en 1900, a déclaré:

Ce cheval, en règle générale, était le plus doux, le plus gentil et le plus docile que j'aie jamais vu, et il est le plus assidu à son travail. Il n'abandonne jamais. Peu importe ce qu'il fait; si c'est sur la route, il avance sans arrêter et s'il traîne une charge, il va la tirer jusqu'à ce qu'elle bouge. Il ne se plaint jamais et les enfants peuvent le manier en toute sécurité. À tous les égards, il est docile et gentil.

Cette race mérite d'être reconnue et d'avoir le titre de cheval national du Canada. Aucun autre animal n'a fait autant avec nos ancêtres pour construire ce grand pays. Deux fois, dans l'histoire de cette race, le cheval canadien a failli disparaître. Le fait de donner le statut officiel à ce cheval contribuerait encore mieux à protéger la race. Ce cheval fait partie de notre patrimoine. Il est polyvalent et il s'adapte facilement à toutes les disciplines équines. Tout comme il joue un rôle tout à fait vital dans l'établissement de ce pays, il en a un tout aussi important dans le secteur hippique du Canada.

J'aimerais terminer ma présentation avec une citation finale qui est tirée d'un article de R. S. Williams de Canadian Living, de 1997.

Le cheval de race canadienne n'a jamais été officiellement reconnu comme notre race nationale, malgré les efforts déployés sporadiquement dans ce but depuis 1909. En dépit de leur manque de statut officiel, ces petits chevaux du Québec sont le symbole de la force, de la vitalité et de la douce persévérance d'un pays à la recherche de son identité.

M. Hayward et moi serons heureux de répondre à vos questions.

Le président: N'y a-t-il aucune exception à cette docilité du cheval? Sont-ils tous aussi dociles?

M. Alex Hayward, historien, Canadian Horse Breeders of Ontario: Je dirais que 95 p. 100 d'entre eux sont très dociles. Une enfant de trois ans a monté mon propre étalon dans les champs quand il était plus jeune.

Le président: J'en sais un peu sur les animaux dociles, mais il y en a toujours un ou deux de la race qui nuit à la bonne réputation des autres.

M. Hayward: L'un de mes chevaux entiers, qui a été étalon au Québec à un moment donné, a été adopté, lorsqu'il était petit, du printemps jusqu'à l'automne par la fille de l'un des fermiers. Elle le montait à nu, avec seulement que le licou.

Mme Ferguson: En tant que vétérinaire, je dois ajouter quelque chose. Lorsque nous examinons une race, nous tendons à généraliser et, c'est sûr, il y a toujours des exceptions à toute règle, mais de façon très générale, le cheval canadien à un caractère exceptionnel et une prédisposition à toutes sortes de travaux.

Le sénateur Wiebe: Y a-t-il quelque chose, dans ce projet de loi, avec quoi vous n'êtes pas d'accord?

M. Hayward: Non, je suis d'accord avec lui dans l'ensemble.

Le sénateur Wiebe: Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez y avoir ajouter?

Mme Ferguson: J'aimerais que le cheval canadien soit enfin reconnu pour sa participation dans notre histoire. J'observe cette salle, et je vois des photos de tout, sauf du cheval canadien, et je pense que ce cheval mérite vraiment une reconnaissance officielle.

Le sénateur Day: Peut-être vais-je toucher à un sujet délicat, mais j'aimerais savoir si les gens qui connaissent le cheval canadien s'objecteraient à ce qu'il soit appelé le cheval «canadien», écrit à la française, ou est-ce interchangeable, selon que l'on parle français ou anglais?

Dr Fergurson: L'orthographe m'importe peu. Je comprends que l'orthographe française reconnaît l'origine française du cheval. Certainement, tout le monde serait content s'il pouvait voir les deux graphies mais celle-ci ne me pose pas de problème.

Le sénateur Murray: Permettez que j'intervienne, monsieur le président, en tant que parrain de ce projet de loi. On y trouve les deux versions, anglaise et française, du «cheval canadien». J'ai reçu plusieurs lettres et certains exposés sur la question, je les ai examinés et j'ai étudié attentivement les dossiers antérieurs.

Il est intéressant de constater que ce cheval a été désigné sous divers noms, en anglais, au fil des années. Je lisais les délibérations du comité de la Chambre des communes sur l'agriculture de 1906, lorsque le ministre de l'Agriculture du gouvernement Laurier, Sidney Fisher, a comparu pour parler de ce cheval il l'a appelé le «cheval canadien français». Plus tard, il est devenu, en anglais, le «Canadien horse» avec un e, et aussi avec le a.

Le temps est venu, par conséquent, de tirer les choses au clair et d'en parler dans la version anglaise du projet de loi comme du «Canadian horse» et, dans sa version française, comme le «cheval canadien».

[francais]

À l’instar de l'Assemblée nationale du Québec, qui a déjà statué que cet animal appartient au patrimoine du Québec et qui, dans la version anglaise de leur loi, l'appellent «the Canadian horse» et «le cheval canadien» dans la version française, j’ai déjà assuré mes interlocuteurs de mon intention de faire modifier le projet de loi afin de respecter le bilinguisme intégral de notre pays.

[Traduction]

Le sénateur Day: Il me semble qu'il vient de me dire que ce n'est plus un problème.

Le président: À ce que j'ai compris de ce qu'a dit l'association qui a comparu devant le comité avant, elle serait satisfaite de ce type d'approche.

Le sénateur Day: Je voudrais un autre éclaircissement. D'après votre présentation, dois-je comprendre que le cheval qui est venu de France était un cheval utilitaire? Faisait-il tout, ou servait-il plus à une chose qu'à une autre?

Mme Ferguson: Il n'y avait pas de choix; en fait, ils devaient servir à dégager le terrain. La vie était difficile et rien n'était prévu pour les chevaux à l'époque. Dans les étables de Louis XIV, ils avaient servi comme chevaux de guerre. Au Canada, leur travail était d'aider à dégager le terrain, d'amener les gens du point A au point B et de survivre dans des conditions difficiles.

Le sénateur Day: Vous dites qu'ils se sont adaptés à diverses activités équines.

Mme Ferguson: Oui.

Le sénateur Day: À quoi servent-ils de nos jours aux amateurs de chevaux?

M. Hayward: Ils sont polyvalents dans toutes les disciplines. Ma défunte conjointe et moi-même avons remporté le championnat nord-américain de conduite par paire avec eux. Ils font de bons chevaux de course à obstacles sur les circuits de poneys et ils font de bons chevaux pour le dressage. Je parlais un jour à un auteur et il m'a demandé ce que pouvaient faire ces chevaux. J'ai répondu qu'ils pouvaient tout faire, sauf danser. Une fille de Guelph, en Ontario, m'a écrit pour me dire que ses chevaux canadiens dansaient.

Le président: Je tiens à vous remercier d'être venu nous exposer cette perspective positive du cheval canadien. Vous avez fait le bonheur du sénateur qui parraine ce projet de loi.

Mme Ferguson: J'aimerais ajouter quelque chose. Lawrence Scanlan vient de publier un livre qui parle avec forces détails du cheval canadien. C'est le deuxième livre sur le sujet, et il est fabuleux. Il met en lumière la part que ce cheval a joué dans notre histoire. Il s'intitule Little Horse of Iron. Je vais lire une traduction libre de la déclaration qui conclut ce livre.

Ces solides chevaux, sur les vigoureux corps desquels l'histoire de la nation s'est dessinée, sont nos chevaux. Rien que pour cela, ils méritent un avenir et non pas seulement qu'un glorieux passé.

Le président: Nous allons maintenant entendre Dan Wilson, de Woodmont Angus Farm.

M. Dan Wilson, Woodmont Angus Farm: Honorables sénateurs, je suis sûr que vous entendu suffisamment d'histoires sur le cheval canadien, dont la plupart semblent s'être perdue dans les mythes, le mystère, la passion, l'espoir et, peut-être même, dans les archives juste à côté. Je vous épargnerai de répéter tout cela ce soir parce que je suis davantage intéressé au cheval canadien d'aujourd'hui et de demain.

Je suis un citoyen canadien de naissance et j'habite actuellement à Ladysmith, en Colombie-Britannique, où j'élève des chevaux canadiens. Je suis anglo-Québécois et j'ai vécu la moitié de ma vie dans l'est du Canada et l'autre moitié dans l'Ouest. Je me sens chez moi n'importe où au pays. Je suis le produit de cinq générations du pays, dont deux viennent avec moi et d'autres suivront, je l'espère bien. J'ai du sang écossais, français, anglais, québécois français, danois et espagnol, et même si on remet parfois cette théorie en question, j'aime à penser que j'ai hérité des meilleures qualités de chacune de ces souches.

Je me sers de cette analogie pour vous présenter le cheval canadien, qui a également évolué au cours des générations non pas d'un seul sang, mais d'un mélange de souches européennes, tout comme moi et plusieurs d'entre vous, ce qui fait de nous, comme le cheval canadien, une race de Canadiens unique.

D'abord, ce cheval est croisé du cheval andalou d'Espagne, du Percheron de France, du Clydesdale d'Écosse, du pur-sang d'Angleterre, etc. Bien que je ne sois pas toujours sûr de certaines de mes qualités en tant que Canadien, je ne douterais pas de celles du cheval canadien qui, pour survivre dans la partie supérieure du continent nord-américain, a dû s'adapter à la nourriture indigène, apprendre à survivre sans fourrage préparé ni abri lorsque sévissaient des températures extrêmes, et a dû se reproduire au hasard, au péril de sa race. Il a survécu dans ces conditions et évolué avec les années pour devenir une race unique, tout à fait comme nous.

Même s'il demeure sur la liste des animaux domestiques menacés de disparition, il a été réintégré parce que nous le développons en tant que cheval de promenade qui répond à une demande de cette génération, et si nous les reproduisons correctement, ce qui est notre responsabilité d'éleveurs, et si nous les développons continuellement en nous adaptant à une société en constante évolution, nous pourrons sauver et préserver un véritable symbole canadien.

La majorité des Canadiens ne connaissent pas cette étonnante page de notre histoire. Lorsque je leur raconte ce trésor dont on ne parle jamais, je vois leur visage s'éclairer et ils sont heureux. Désigner ce cheval comme leur race nationale de chevaux du Canada, c'est éduquer le peuple canadien et le rendre fier de son passé.

Ce cheval a évolué dans le Haut-Canada, le Bas-Canada et les Maritimes longtemps avant que le Canada ne soit un pays. Il s'est déplacé vers l'Illinois, en passant par le Michigan jusqu'à ce qui est aujourd'hui le Manitoba, où il a participé au système de transport par voie de terre de la Compagnie de la baie d'Hudson vers Fort Edmonton et Fort Steel, dans ce qui est devenu la Colombie-Britannique. Puis il a suivi les sentiers indiens vers Fort Langley, où il a été transporté par bateau à Fort Victoria. En dehors du bureau de poste de Ladysmith, il y a des illustrations de la ville à ses débuts, et on y reconnaît trois chevaux canadiens.

Pour reconnaître sa première apparition au pays par le biais de la Nouvelle-France, l'Assemblée législative du Québec l'a nommé, le 4 décembre 2000, le cheval du patrimoine du Québec actuel. C'est tout à fait approprié, car c'est une partie de l'histoire des débuts du cheval au Canada, mais seulement une partie. Son histoire se poursuit.

J'aimerais maintenant citer une traduction libre d'un extrait de l'oeuvre de Lawrence Scanlan, Little Horse of Iron. À la page 11, on lit:

Le cheval canadien, véritablement un cheval du patrimoine, plaît à ceux qui veulent posséder une preuve vivante de l'histoire de la nation.

Je vais maintenant entrer dans le vif du sujet et dire pourquoi je me passionne assez pour le sujet pour faire tout ce chemin depuis la Colombie-Britannique. En 1905, l'honorable Sidney Fisher, ministre fédéral de l'Agriculture, a approuvé l'incorporation de la French Canadian Horse Breeders Association. J'ai une copie du document ici avec moi.

Le certificat dit ce qui suit:

Je certifie par la présente que la demande ci-jointe a été approuvée en ce vingtième jour du mois de novembre 1905, conformément à la loi exigeant l'incorporation des associations d'enregistrement des souches du bétail.

À la page 3, sous les statuts et les règlements, à l'article 1, Nom, on lit:

Cette association sera connue sous le titre de «La Société des Éleveurs du Cheval Canadien par la Puissance du Canada».

En anglais, c'est épelé C-A-N-A-D-I-A-N. Le certificat suivant se lit comme suit:

[francais]

Cette Société sera connue sous le nom de «Société des Éleveurs de chevaux canadiens de la Puissance du Canada.»

[Traduction]

Par conséquent, depuis 1905, au moment de son incorporation, la race a été désignée dans les deux langues. En outre, la race a été officiellement reconnue comme admissible à l'enregistrement par la Société canadienne d'enregistrement des animaux. Même alors, elle était appelée le French Canadian Horse, en anglais, et le «cheval canadien français» en français.

Je vais parler d'un document émanant du ministère de l'Agriculture en 1935, lorsqu'un changement est survenu. Le ministre fédéral de l'Agriculture, l'honorable James Gardner, a déclaré que le terme «French» allait être exclu et que cette race serait désormais appelée «Canadian horse» seulement. À la page 8, on lit qu'en 1935, la société des éleveurs a accepté de désigner cette race comme le Canadian horse -- C-A-N-A-D-I-A-N -- au lieu de French Canadian, comme auparavant, et tous les dossiers officiels ont été, depuis lors, imprimés en conséquence.

C'est donc qu'il y a un précédent original et continu de la graphie anglaise. Les statuts de la Société des éleveurs de chevaux canadiens ont été modifiés en 1999. En 1905, 1907, 1935 et 1999, on y parle du «Canadian horse» en anglais, et du «cheval canadien» lorsque c'est en français.

Le projet de loi S-22 pourrait être une aide appréciable, non seulement pour la survie de cet animal qui a aidé physiquement à construire cette nation et qui a fait partie de notre histoire et de notre culture, mais il pourrait être le lien qui contribuera à rapprocher l'anglais et le français, l'est et l'ouest, par un emblème canadien qui pourrait être l'égal de la feuille d'érable.

Honorables sénateurs, il suffit de modifier ce projet de loi potentiellement remarquable pour parler du «Canadian horse» dans la version anglaise et du «cheval canadien» dans la version française, afin de l'harmoniser avec son passé, de respecter les lois sur les langues officielles du pays et de reconnaître la dualité de notre nation. Par cette simple modification, vous aiderez à faire adopter ce projet de loi qui favorisera ensuite l'unité de ce merveilleux pays qui est le nôtre. En acceptant le projet de loi qui ne comporte que le terme «Canadien», à la française, vous contribuerez à diviser le Canada. En outre, comme il est question d'établir une version nord-américaine du cheval canadien, vous risquez de perdre un symbole qui est distinctement et entièrement canadien.

Je vous laisse ce soir, en tant que Canadien très fier et déterminé qui luttera pour l'égalité dans notre pays, y compris pour le double nom de ce cheval. Je vous remercie de m'avoir permis de parler devant vous en honnête Canadien.

Depuis l'incorporation, ce cheval a toujours été désigné dans les deux langues. Il n'est pas uniquement un produit du Québec actuel. Il a évolué à partir d'un mélange de races européennes. Il a commencé son parcours canadien en Nouvelle-France. C'est reconnu, puisque le cheval canadien a été désigné le cheval du patrimoine du Québec le 4 décembre 2000. Il est le produit de l'ensemble du Canada et il continue d'évoluer dans toutes les provinces, et il pourrait devenir la race nationale de chevaux du Canada tout en restant le cheval du patrimoine du Québec.

Le projet de loi S-22, tel qu'il est, comporte le terme «Canadien», à la française, dans les deux versions, anglaise et française. Le laisser tel quel contribuerait à diviser le pays, serait contraire à la Loi sur les langues officielles et serait une infraction à la Loi sur la généalogie des animaux. Pour corriger cette situation, il suffit de modifier le projet de loi S-22 pour qu'il désigne ce cheval comme le «Canadian horse» dans la version anglaise et «le cheval canadien» dans la version française. Ceci fera du cheval canadien la race nationale de chevaux du Canada et, ainsi, contribuera à unir notre grand pays.

En tant que Canadien fier de l'être, je suis déterminé à réaliser ceci. Qui suis-je? Je viens de la Colombie-Britannique, mais j'ai plus de 40 ans d'expérience de l'élevage d'animaux canadiens. Je suis un ancien président, un membre fondateur et un membre actuel du B.C. Canadian Horse District. Je suis un ancien directeur général de la Chianina Association of Canada, et ancien directeur général de la Belgian Blue Association of Canada. J'ai d'ailleurs rédigé les statuts de cette association. Je suis membre à vie de la Canadian Angus Association et ancien directeur de la B.C. Angus Association.

Je suis maintenant président et membre fondateur de la Ladysmith Carcass Cattle Association of Canada. C'est une nouvelle race de bétail qui a été développée pour répondre aux besoins en évolution d'aujourd'hui. J'essaie actuellement de prendre ma retraite pour élever des chevaux canadiens.

Qui est-ce que je représente? Je représente la majorité des éleveurs de chevaux de la Colombie-Britannique. Notre président vous a envoyé une lettre vous disant que la majorité des membres souhaitent que le nom du cheval s'écrive dans les deux langues officielles.

J'ai aussi un document du gouverneur de la Colombie-Britannique, du hansard daté du 19 mai, lorsqu'une députée libérale de l'assemblée législative, après avoir vu le cheval canadien quand nous l'avons invitée sur le terrain, a déclaré ce qui suit lors d'un débat:

Ils ont travaillé très fort dans tout le Canada pour créer cette race et s'assurer qu'elle soit connue -- le rôle qu'elle a joué dans l'histoire du Canada d'un océan à l'autre et la manière dont elle fait partie intégrante de l'évolution du Canada [...]

Cette membre de l'assemblée législative n'a absolument pas été contredite par le NPD, qui était au pouvoir à l'époque. Le président de l'assemblée a déclaré appuyer ce que disait la députée libérale et a ajouté:

Un projet de loi d'initiative parlementaire a été présenté au Parlement fédéral dans le but de faire de ce cheval une race réellement nationale -- fédérale. Je pense que n'importe qui peut le déclarer sa race nationale de chevaux, et la Colombie-Britannique est libre de le faire. J'espère qu'elle le fera un jour.

Le cheval Canadien est connu dans tout le Canada, même au niveau des gouvernements provinciaux.

J'ai une dernière chose à ajouter. J'ai profité de l'occasion pour apporter 15 exemplaires d'une motion, dans laquelle je déclare ce qui suit:

Je propose que le projet de loi S-22 soit modifié pour indiquer Canadian/Canadien pour désigner la race nationale de chevaux du Canada dans ce projet de loi qui est proposé.

Je l'ai signé et daté d'aujourd'hui. J'ai demandé à Regent Lalonde, le président de l'association de l'Ontario, de le signer aussi comme témoin.

Nous avons fait cela pour que vous n'oubliiez pas que nous sommes venus et ce que nous sommes venus faire. Je vous remercie.

Le président: Je tiens à vous remercier d'avoir fait une présentation plutôt discrète. Je suis tout à fait convaincu de ce que vous dites. Je me demande si l'un des frères Lalonde souhaite dire quelque chose, maintenant?

M. Regent Lalonde: J'appuie entièrement Dan Wilson et, honorable sénateur, la transcription reflétera exactement ce qu'il a dit. Comme je l'ai dit la semaine dernière, ma famille s'occupe de chevaux canadiens à 20 minutes à peine d'ici, à Cumberland. Mon grand-père a élevé des chevaux, et mon père a toujours eu des chevaux canadiens. Nous avons pris la relève de la ferme et nous avons eu pas mal de chevaux. Mon grand-père a travaillé dans les camps de bûcherons, mon père aussi, et mon oncle de même, toujours avec des chevaux canadiens.

Nous avons entrepris la culture du chou, et mon frère Gerry est parti acheter des Standardbred, des Thoroughbred et toutes sortes de races. Lorsque nous sommes revenus avec deux chevaux canadiens, mon père nous a dit que nous avions bien fait et que nous devrions nous en tenir à ces chevaux, parce que ce sont les meilleurs.

Le président: Pour les membres du comité qui n'étaient pas ici, les frères Lalonde ont fait leur présentation il y a quelques temps.

Le sénateur Stratton: Combien y a-t-il de chevaux canadiens en Colombie-Britannique, et dans quelle mesure cette race règne-t-elle dans l'Ouest?

M. Wilson: Nous avons environ 100 chevaux en Colombie-Britannique actuellement. Nous avons probablement fait plus, depuis cinq ans, en Colombie-Britannique qu'il ne s'est passé dans l'Est pendant de nombreuses années.

Nous avons des chevaux de qualité et nous faisons leur promotion en tant que chevaux canadiens. La province connaît ce cheval, comme vous pouvez le voir d'après ce que j'ai lu ici. Nous faisons beaucoup la promotion du Cheval Canadien comme un cheval très polyvalent et capable de performance. Ces chiffres ne sont pas énormes, mais la qualité est là.

Le sénateur Stratton: Connaissez-vous la situation en Alberta, en Saskatchewan ou au Manitoba, et le chiffre de la population de ces chevaux dans ces provinces?

M. Wilson: L'association Alberta-Saskatchewan a été incorporée plus tôt. Elle a plus de chevaux; probablement environ 250. Nous avons une bonne collaboration avec l'Alberta et la Saskatchewan et il y a des va-et-vient de chevaux.

Le sénateur Stratton: J'ai une dernière question à poser. Elle a été soulevée lors des autres présentations. Ce qui me préoccupe vraiment, c'est de savoir si c'est l'unique race qui soit réellement canadienne. Allons-nous nous mettre à dos les éleveurs de chevaux d'autres races qu'ils voudraient voir désigner comme le cheval canadien? Est-ce que c'est un cheval réellement canadien dans votre esprit?

Par exemple, le poney de Terre-Neuve n'est pas un cheval, mais il est réellement canadien. Y a-t-il une autre race, quelque part?

M. Wilson: C'est un cheval réellement canadien, avec du sang purement canadien. Très franchement, le poney de l'île de Sable est plus ou moins de la même famille parce qu'il y a une industrie connexe. En fait, en fin de compte, on pourrait très bien trouver de leur sang dans nos chevaux si on fait une analyse de l'ADN et constater qu'ils sont assez semblables à notre cheval canadien. C'est le seul cheval réellement canadien qui ait évolué ici depuis 300 ans.

Le sénateur Stratton: N'y a-t-il pas d'autres chevaux dans le même cas?

M. Wilson: Il y en a deux ou trois autres, comme celui de l'Alberta qu'on appelle le cheval rustique canadien, mais il n'est pas très connu, ni très répandu.

Le sénateur Stratton: Y a-t-il des races régionales? Par exemple, est-ce que le cheval rustique de l'Alberta n'est qu'en Alberta, ou y en a-t-il dans tout le pays?

M. Wilson: Je sais peu de choses sur lui, seulement que c'est un cheval plus petit, donc qu'il est limité dans ce qu'il peut faire. Ce cheval survit grâce à son endurance. Peut-être que le cheval rustique de l'Alberta fera quelque chose, à un moment donné, qui sera strictement associé à cette race.

Le sénateur Stratton: Je ne voudrais pas que nous nous retrouvions dans une situation où nous sommes aux prises avec deux chevaux qui auront évolué au Canada et où nous nous faisons dire: «pourquoi mon cheval n'est-il pas considéré comme le cheval canadien?»

M. Wilson: Je ne pense pas que vous ayez besoin de vous en inquiéter, parce que je n'ai encore rencontré personne qui pense que ce ne sont pas des chevaux réellement canadiens, de 14 mains à de 16 mains, et avec le genre de caractère qu'ils ont. Je ne pense pas que cela pourrait arriver, parce que ce n'est tout simplement pas possible.

Le sénateur Murray: Bien sûr, ils étaient aussi les premiers arrivés ici.

M. Wilson: Oui.

Le sénateur Murray: Comment la norme est-elle maintenue? Ce que je comprends, la loi fédérale est muette sur la question de la norme?

M. Wilson: Oui, dieu merci. La norme veut que ce cheval mesure entre 14 et 16 mains. Cependant, les statuts disent que la progéniture d'un reproducteur enregistré peut être enregistrée. Très franchement, c'est le public acheteur qui décidera des critères du cheval. Si nous voulons qu'il survive, il doit évoluer pour répondre aux besoins de la société en évolution. Nous avons de la chance, de nos jours, parce que les gens adoptent l'équitation pour leurs loisirs, et le cheval canadien s'y prête très bien.

Le sénateur Murray: Il y a la Loi sur la généalogie des animaux.

M. Wilson: Oui, mais elle ne dit rien sur la souche.

Le sénateur Murray: À ce que je comprends, d'après la Loi sur la généalogie des animaux, il faut enregistrer votre animal, et le cheval Canadian/canadien est enregistré en vertu de cette loi, je présume.

M. Wilson: C'est bien cela.

Le sénateur Murray: Est-ce que les critères sont indiqués dans l'enregistrement, ou n'est-ce qu'un nom?

M. Wilson: Il n'y a pas de liste des critères dans la loi.

Le sénateur Murray: Non, mais je parle du processus d'enregistrement.

M. Wilson: Non, pas dans l'enregistrement. La loi dit que les associations d'éleveurs doivent décider des critères.

Le sénateur Murray: C'est vrai, oui.

M. Wilson: Et si l'animal est conforme à la loi, son enregistrement est accepté.

Le sénateur Murray: Vous avez raison. C'est ce qu'ils ont dit. Y a-t-il une association d'éleveurs pour le cheval canadien?

M. Wilson: Il n'y a qu'une race officiellement reconnue. La Loi sur la généalogie dit qu'il y a une association d'éleveurs du cheval canadien au pays, et c'est la Société des éleveurs de chevaux canadiens.

Le sénateur Murray: Voulez-vous dire par-là qu'ils ont déterminé ce que doit être la norme?

M. Wilson: Ils ont défini la norme, mais le district B.C. Canadian fait partie de cette Société.

Le sénateur Murray: Par conséquent, vous respectez ces critères?

M. Wilson: Je n'ai pas le choix, parce que ce sont eux qui commandent.

Le sénateur Murray: Est-ce que cela a changé grand chose? Je regarde le témoignage du Dr Rutherford devant le comité de la Chambre des communes, en 1909, où il dit que la norme dont il a été convenu est aussi proche que possible de l'ancien cheval canadien français, dont j'ai déjà donné une vague description. Les étalons ne doivent pas mesurer plus de 15.3 mains de hauteur et les juments 15.2 mains. Le poids privilégié pour les étalons est entre 1 100 et 1350 livres, et pour les juments de 1 050 à 1 250 livres.

Est-ce que cela a changé beaucoup depuis 1909?

M. Wilson: Le Dr Rutherford a été appelé à faire le ménage et à établir une norme à suivre, et par conséquent l'association d'éleveurs est autorisée à modifier la norme à sa guise. C'est la norme qui a été établie à l'époque.

Pour répondre à votre question, oui, elle a changé quelque peu, mais en fait, je pense que la taille a diminué pour être entre 14 et 16 mains, et le poulain d'un animal enregistré peut encore être enregistré en vertu de la Loi sur la généalogie.

Le sénateur Murray: Dites-vous qu'il peut mesurer entre 14 et 16 mains?

M. Wilson: Oui.

Le sénateur Murray: C'est à peu près cela. Il a dit entre 15.3 et 16.2, donc c'est la juste moyenne. Qu'en est-il du poids? Est-ce que c'est à peu près la même chose?

M. Wilson: C'est assez proche; cela varie un peu, mais c'est encore plus ou moins pareil.

M. Lalonde: Au fil des années, la norme a changé. À un moment donné, c'était 15 à 16 mains. Maintenant, c'est entre 14 et 16 mains, et c'est une décision que prend l'association lors de son assemblée générale annuelle.

Le sénateur Murray: Est-ce qu'une main de plus ou de moins fait une grande différence?

M. Wilson: Quatre pouces.

Le président: Nous avons entendu le témoignage de représentants de Rare Breeds Canada, qui en ont parlé. Je connais la situation dans l'industrie du bétail, où c'est vraiment à l'association qu'il incombe de décider ce qui sera recommandé, parce qu'elle ne peut pas vraiment vérifier. Par exemple, dans l'association des éleveurs de Maine-Anjou, dont les membres élèvent du bétail qui vient de France, il y a eu un moment où ils voulaient que la vache pèse 1 800 livres, et maintenant ils voudraient qu'elle ne pèse que 1 200 livres. Ils font l'élevage en fonction de ce qu'ils veulent produire. Ils peuvent prendre une souche de vache ou de cheval et imprégner une certaine orientation à cette race. À mon avis, si c'était dans la loi, les associations d'éleveurs auraient les mains liées. Cela semble être aussi l'avis général des gens qui ont comparu devant ce comité.

Le sénateur Wiebe: J'aimerais poser une question, par pure curiosité. Je n'ai jamais élevé de chevaux de ma vie, même si je suis fermier. Vous dites que l'association d'éleveurs a modifié certains critères, par exemple, de 15 à 16 mains à 14 à 16 mains. Je n'y vois pas de problème. Qu'arrive-t-il si l'association d'éleveurs, soudain, décide de revenir à 15 à 16 mains? Est-ce que cela disqualifie tous les chevaux de 14 mains seulement, et ils ne peuvent pas être enregistrés?

M. Wilson: Comme l'a dit le président, l'association d'éleveurs est habileté à faire des changements, et elle peut les faire pour de bonnes raisons. Il a parlé des Maine-Anjou. Si vous accouplez un taureau Maine-Anjou d'une tonne et demie et que vous commencez à avoir des veaux morts-nés, vous faites rapidement des changements pour assurer la survie de votre entreprise.

La même chose s'applique à la Société des éleveurs de chevaux canadiens. Elle peut bien faire ce qu'elle veut, mais ses membres la rappelleraient vite à l'ordre si elle décidait de changements non appropriés, parce qu'ils veulent élever des chevaux que le public est disposé à acheter. La Loi sur la généalogie des animaux évite d'en parler, laisse à l'association le soin de s'occuper de la question, et les membres veillent à ce que les dirigeants de l'association fassent ce qu'il faut pour que la race survive et s'épanouisse.

Le sénateur Wiebe: Je comprends cela, et c'est ainsi que fonctionne la démocratie dans notre pays. Si la majorité des éleveurs veulent changer la norme de 14 à 16 à 15 à 16, c'est ce qui arrive. Qu'arrive-t-il au pauvre éleveur qui ne voulait pas la changer et qui a un troupeau de bêtes qui ne mesurent que 14 mains? Est-ce qu'il est abandonné à son sort, ou y a-t-il une période de grâce pour permettre la transition?

Je ne pense pas à la majorité, mais plutôt à la minorité qui a travaillé pour développer un cheval qui se trouve à mesurer 14 mains.

Le sénateur Murray: Est-ce qu'ils peuvent bénéficier d'une clause de droit acquis?

M. Wilson: C'est une excellente question, et elle se pose souvent, étant donné la façon dont fonctionne le système. Quelqu'un décide du poids auquel il croit. S'il attend assez longtemps pour laisser le changement se faire, ce qui peut être 12 à 15 ans, son produit peut devenir recherché et le pendule se met à pencher dans l'autre sens. Il prend les rênes de la situation, fait de l'argent et se débrouille bien. C'est un merveilleux régime d'offre et de demande.

Le président: Est-ce que vous recommandez que nous inscrivions quoi que ce soit dans la loi au sujet de la taille?

M. Wilson: Non, absolument pas.

Le sénateur Day: Monsieur Wilson, j'aimerais me joindre aux honorables sénateurs et vous remercier d'être venu de Ladysmith nous faire votre exposé passionné. Y a-t-il un cheval américain?

M. Wilson: Il y a cinq races américaines qui ont été développées aux États-Unis. Vous voulez savoir quelle est la souche de ces races -- le Morgan, le Pur-Sang, le Tennessee Walker, d'autres? C'est le cheval canadien. Le cheval canadien est la souche de ces races américaines. Comme je l'ai dit plus tôt, si nous ne faisons pas attention et ne le protégeons pas, ils recommenceront. Ce sont de grands spécialistes du marketing.

Le sénateur Day: Y a-t-il un cheval qui s'appelle «le cheval américain»?

M. Wilson: Il y a l'American Saddlebred, mais il a aussi des racines canadiennes.

Le sénateur Day: Si j'amenais un cheval des États-Unis au Canada, je pourrais dire que c'est un cheval américain, mais on pourrait me demander quelle est sa race.

M. Wilson: Il n'y a pas de cheval qui soit le cheval américain en tant que tel; il est enregistré sous le nom d'«American Saddlebred».

Le sénateur Day: Ce pourrait être le Morgan, ou le Tennessee Walker, ce pourraient être différents chevaux, mais quelqu'un pourrait me demander «quelle est sa race?».

M. Wilson: Il n'y a pas de race désignée qui s'appelle le cheval «américain». Nous en avons un au Canada qui s'appelle le cheval «canadien».

Le sénateur Day: Lorsque vous vendez un cheval aux États-Unis, comment faites-vous la distinction, de façon à ce que les gens sachent que c'est «le» cheval canadien par opposition à «un» cheval canadien?

M. Wilson: Il y a eu une époque où ils pensaient que c'était tous les chevaux du Canada, mais depuis quelques années, nous avons bien réussi à promouvoir ce cheval comme «le» cheval canadien. Il a été illustré dans des revues, vu à la télévision, désigné dans des livres et nous avons fait un bon travail de promotion. Maintenant, les gens du Canada le connaissent comme «le» cheval canadien. Les Américains, en réalité, ne le connaissent pas vraiment comme «le» cheval canadien. Ce n'est qu'un début. Les Américains se joignent à notre association canadienne. Le nombre de membres américains a doublé l'année dernière. Ils ne sont pas du tout intéressés à un cheval canadien comme tel, ils cherchent l'endurance et la polyvalence, ils veulent un cheval qui se débrouille bien et qui vit bien avec un peu moins de nourriture. Ils voient notre cheval, dont nous commençons à faire la promotion, comme un cheval assez docile qui est adaptable et facile à entretenir.

M. Lalonde: Pour donner des précisions, les Américains viendront au Canada et achèteront un pure race canadien, le ramèneront aux États-Unis et s'adresseront encore à la Société canadienne d'enregistrement des animaux pour l'enregistrement de leurs chevaux. Pour ce faire, ils doivent être membres de la Société des éleveurs de chevaux canadiens. Même s'ils possèdent un cheval canadien, l'enregistrement des chevaux se fait à Ottawa.

Le sénateur Day: Avec le temps, pensez-vous que cette race se répandra et que sa population augmentera, qu'il aura des associations dans d'autres pays, et qu'il continuera de s'appeler «le cheval canadien» dans ces pays?

M. Wilson: Si nous nous y prenons bien, il y aura des associations dans d'autres pays. Si nous faisons encore mieux que cela, ces pays auront des districts dirigés par nos gens. Si nous ne nous dépêchons pas de le faire, ils le feront pour nous.

Le président: Merci pour votre présentation. Je vous souhaite bonne chance.

Je souhaite maintenant la bienvenue à notre prochain intervenant, l'Association québécoise du cheval canadien. Je vous demanderais de vous présenter, de nous faire votre exposé, puis nous passerons aux questions.

[francais]

Mme Darkise St-Arnaud, présidente, Association québécoise du cheval canadien: Mon nom est Darkise St-Arnaud de l'Association québécoise du cheval canadien. Je suis la présidente de cette association. M’accompagnent aujourd’hui Maître Yves Bernatchez, président du Front commun des races du patrimoine et M. André Auclair, vice-président de l'Association québécoise du cheval canadien.

Je vais me permettre de vous lire le mémoire que nous vous avons envoyé cette semaine. M. Charbonneau m'a informée qu'il y avait eu quelques problèmes de traduction, alors je vais m'assurer que tout le monde a bien la même interprétation.

La première partie de ma présentation s'intitule: Un cheval et son histoire.

Les premiers chevaux à fouler le sol canadien, soit le long de la vallée du Saint-Laurent, arrivèrent de France, des haras royaux, entre 1647 et 1670. En effet, le 25 juin 1647, La Compagnie des Habitants en offrit un comme cadeau au Chevalier de Montmagny, alors gouverneur. Puis, le 16 juillet 1665, arrivèrent 12 chevaux qui furent distribués rapidement aux gentilshommes et aux habitants de la colonie. En 1667 et 1670, deux autres contingents arrivèrent en Nouvelle-France et furent distribués selon les mérites et besoins.

Ces chevaux venaient principalement de la Normandie et de la Bretagne. Ils étaient envoyés par le roi pour le développement de la nouvelle colonie. Ils furent ainsi utilisés à plusieurs tâches s'y rattachant: défrichement, culture, transport et selle. Ils se propagèrent rapidement, et partout où l'homme s'installait.

Le cheval canadien est le cheval le plus rustique, le plus robuste, le plus acclimaté à notre climat puisque qu'il a traversé une sélection naturelle sans merci. Les hivers d'autrefois, les nombreuses privations des débuts de la colonie, la misère et les épreuves contribuèrent à en réduire la taille, à éliminer les plus faibles. Avec le temps, il est devenu indispensable à la vie de tous les jours, un membre à part entière de la famille, de la communauté.

Malgré tout, vers la fin du 19e siècle, le cheval canadien était en voie de disparition. À cause de ses grandes valeurs et aussi de l'insouciance de ses compagnons à deux pattes, plusieurs bons sujets furent exportés vers les États-Unis. Il a servi à la création de quelques races américaines de chevaux dont le fameux Morgan. A partir de 1816, on observera également de nombreuses importations de chevaux étrangers.

Puis, en 1885, certains irréductibles qui voulaient conserver ce «Petit Cheval de Fer» se mirent à la grande tâche de reconstitution de cette race patrimoniale. L'ouverture des livres généalogiques le 16 décembre 1886 fut le point de départ de l'enregistrement des sujets souches qui répondaient le mieux au type de la race. Ces inscriptions durèrent jusqu'en 1912.

Mais les progrès furent plutôt lents, jusqu'à la fondation de la Société des éleveurs de chevaux canadiens en 1895. Dès lors, le mouvement prit de l'expansion. En 1913, le ministre fédéral de l'agriculture ouvrit un centre d'élevage de chevaux canadiens sur la ferme expérimentale de Cap Rouge, près de Québec. Le but en était de découvrir les meilleurs lignées.

En 1919, un haras fut créé à St-Joachim afin de continuer le travail amorcé à Cap Rouge. Ce travail à plus grande échelle fut maintenu jusqu'en 1940 alors que le pays étant en guerre, le gouvernement fédéral fit vendre pour l'élevage les chevaux d'élite qui s'y trouvaient gardés. Le haras fut reconstitué à la Ferme-École provinciale de la Gorgendière sous la direction du ministère de l'Agriculture du Québec. Un certain nombre de chevaux furent réservés pour la ferme expérimentale de Sainte-Anne-de-la Pocatière et les autres furent acquis par des particuliers qui désiraient perpétuer la race.

C'est alors que naquirent des syndicats d'élevage de chevaux canadiens dont le premier remonte à 1932. Il y avait là des groupes d'éleveurs actifs, désireux de donner à cette race son ancienne popularité par le moyen de sélection des meilleurs reproducteurs et l'adoption de méthodes d'entretien et de régie plus efficaces. Et les chiffres officiels démontraient que ces syndicats avaient grandement contribué à faire accroître la proportion d'étalons classés "A" En 1980, le conseil d'administration de la Société des éleveurs de chevaux canadiens d'alors décida de remettre en vigueur les cinq syndicats d'élevage régionaux dont le seul à voir le jour fut celui du Bas Saint-Laurent. À la suite duquel, en 1992, il fut élargi en devenant le Syndicat d'élevage national du cheval canadien-français avec vocation provinciale.

En 1998, naquit l'Association québécoise du cheval canadien; notre regroupement avait été créé sous l'égide de la Société des éleveurs de chevaux canadiens pour représenter des éleveurs du district du Québec au sein de la société. Constatant que l'Association québécoise travaillait avec les standards d'origine de la race, le comité de direction de la Société des éleveurs de chevaux canadiens décida unilatéralement de ne plus nous reconnaître. M. Guy Paquet, l’actuel président de la société nous écrivait, et je cite:

Nous sommes convaincus que vous continuerez à promouvoir le cheval canadien selon le standard que vous avez choisi. Nos membres en ont identifié un différent et nous ne pouvons concevoir, dans ces circonstances, que vous puissiez agir en notre nom au Québec […]

Il va de soi que notre association a toutefois maintenu ses mandats et ses activités d'origine et avec d'autant plus de force que le «standard différent» dont parlait M. Paquet place littéralement le cheval en risque de démolition en tentant de le grandir. En effet, lors de son assemblée générale annuelle 2001 et contre la volonté des éleveurs exprimée lors d’un sondage, contre les votes et résolutions des dix dernières assemblées générales où les membres se prononçaient à majorité des deux tiers en faveur du maintien des standards d’origine de la race, le bureau de direction actuel de la Société des éleveurs de chevaux canadiens a définitivement ouvert la porte à des modifications de standards de la race. En cela, si de l’avis de la majorité des éleveurs, le cheval canadien n'est plus menacé de disparition, il l'est maintenant de démolition. La situation est d'autant plus grave que cela vient de ceux et celles qui ont justement pour mandat de protéger la race. Un tollé de protestations est d'ailleurs parvenu au ministre de l'Agriculture d'Ottawa suite à ces dernières positions prises par la Société.

Dans un autre ordre d'idées, en décembre 1999, grâce au travail phénoménal de la députée de Rimouski, Mme Solange Charest, épaulée par M. Gratien Bélanger, secrétaire du Syndicat national d’élevage du cheval canadien-français, M. Yves Bernatchez, président du Front commun pour la sauvegarde des races du patrimoine du Québec, M. André Auclair, vice-président de l'Association québécoise du cheval canadien et par plusieurs autres collaborateurs, le gouvernement du Québec reconnaissait le cheval canadien comme race du patrimoine animalier du Québec avec la vache canadienne et la poule Chanteclerc.

La deuxième partie s'intitule : Un cheval et son quotidien.

L’historien Taillon décrivait comme suit le cheval canadien, je le cite:

Petit mais robuste, aux jarrets d'acier, avec une crinière abondante et flottant au vent, aux yeux vifs et saillants, dressant toujours les oreilles sensibles aux moindres bruits, filant jour et nuit avec le même courage, en frémissant sous le harnais, et avec la fougue naturelle, bon, doux, affectueux, traçant son chemin avec le plus fin instinct, pour revenir sûrement à son logis. Tels étaient les chevaux dans nos Pères.

Aujourd'hui, nos besoins n'étant plus les mêmes, le cheval Canadien demeure toujours un cheval polyvalent, très utile sur nos fermes d’amateurs. Il peut aussi bien participer aux travaux qu'être utilisé comme cheval de promenade. À cause de sa docilité, de son courage, de son physique résistant, il est recherché en équitation de loisir et de longue randonnée. Lors de son allocution présentée à l'occasion de l'adoption de la Loi 199 à l'Assemblée nationale du Québec, le docteur Jean-Paul Lemay, agronome, rappelait que le passé a une valeur de témoignage et de mémoire. Il aide à comprendre que le présent et l'avenir n'émergent pas du vide, mais se construisent sur de précieux acquis. Et de rappeler avec noms à l’appui, que le cheval canadien a eu depuis fort longtemps d’ardents défenseurs dans toutes les couches de la société à toutes les époques. Et ce, pour toutes les bonnes histoires où ce cheval a été témoin, acteur de notre quotidien.

La troisième partie s’intitule: Un cheval et son type modèle.

La Société des éleveurs de chevaux Canadiens fut fondée en 1895. De cette date à 1905, elle enregistra 1801 chevaux de souche dont 628 mâles et 1173 femelles. Mais, certaines de ces inscriptions posaient question. Dès lors, il fut convenu de fermer ce livre et d'en ouvrir un nouveau dans lequel ne seraient enregistrés que les sujets acceptés par une commission d'experts. Il fut également convenu d'un type modèle dont devrait se rapprocher le plus possible les sujets que la commission accepterait.

Ce type modèle se devait d’être celui dont les caractéristiques représentaient le plus fidèlement le type idéal d'origine. Il y avait une échelle de points pour le caractériser. En cela, voir le Livre de généalogie du cheval canadien, premier volume, publié en 1917 aux pages XXIII, XXIVet XXV. Considérant ces données historiques précieuses et s'y référant continuellement, M. André Auclair a fait la présentation visuelle de ce cheval typé. Avec la technologie moderne de l'informatique, il lui a été possible d’en faire un schéma, format affiche.

En effet, des membres des bureaux de direction de l’Association québécoise du cheval canadien et du Syndicat d’élevage national avaient décidé d’unir leurs efforts afin d’offrir à leurs membres une représentation visuelle du cheval-type afin d’en améliorer la compréhension. Après coup, il fut traduit en français sous la supervision de personnes bilingues connaissant bien les chevaux. Enfin, il fut diffusé à tous les éleveurs du Bottin des éleveurs de chevaux canadiens qui, pour la plupart, l’ont grandement apprécié. Vous trouverez copie de ce document en annexe.

Passons à la section «Un cheval et son avenir». Une fois le cheval canadien reconnu Patrimoine animalier du Québec et cheval national du Canada, il faut s’assurer que ce cheval soit bien identifié, bien protégé, bien promu, et bien utilisé. Dès lors, l’Association québécoise du cheval canadien et le Syndicat d’élevage du cheval canadien-français ont déjà diffusé le document en annexe et décrivant le modèle-type.

Bien plus, depuis trois ans, nous travaillons à l’élaboration d’un programme de classification pour les chevaux adultes afin d’améliorer la génétique et la qualité du cheptel de chevaux canadiens. Une grille de classification a été mise au point à l’aide de documents de pointe déjà existants en cette matière. Nous avons pu en débuter l’expérimentation au cours de l’été 2001, sur une cinquantaine de chevaux sur le territoire québécois.

Ces derniers constituent donc la première banque de données qui nous permettra, avec le temps, d’identifier des sujets d’élite, mâles et femelles. Devant les immenses possibilités d’amélioration du cheptel offertes par cet instrument de travail, plusieurs éleveurs ont déjà manifesté leur désir de se prévaloir de ce programme dès que possible.

Éventuellement, nous procéderons à monter un haras national virtuel, via Internet, où les chevaux du cheptel se retrouveront dans des enclos d’or, d’argent ou de bronze selon leur classification obtenue. Cela permettra à tout cheval, de quelque région qu’il soit, de quelque élevage qu’il soit, connu ou non, d’avoir sa place au haras tout en demeurant près de ses maîtres.

De plus, il sera possible de faire des prescriptions de saillies et moyennant certains arrangements avec un laboratoire compétent, de rendre disponible la semence de différents étalons autrement impossible.

Dans un autre ordre d’idées, notre «Journée du cheval canadien» est de plus en plus populaire auprès des éleveurs et nous envisageons de la publiciser davantage auprès des populations régionales. Rappelons qu’il s’agit d’une journée où il y a triple activités: futurités, épreuve du petit cheval de fer, et gala émérite et tout cela est présenté dans le cadre d’une journée familiale avec pique-nique.

En conclusion, nous trouvions important de vous présenter notre travail afin que vous sachiez que des efforts importants sont déployés pour la promotion et l’amélioration de la race du cheval canadien. Nous croyons fermement qu’il est possible, moyennant une bonne volonté, de donner une chance à ce cheval d’être connu du plus grand nombre de gens car il le mérite bien. Mais il y a encore tout un travail à faire si l’on considère ce que la journaliste Geneviève Tremblay a découvert lors de son reportage pour l’émission «Culture Choc», que le cheval Canadien est presque totalement inconnu du grand public.

Toutefois, depuis une quinzaine d’années, le cheval canadien s’est répandu en dehors de son berceau d’origine qu’est la province de Québec. Il existe maintenant des élevages dans les autres provinces du Canada et même aux États-Unis. La population actuelle serait d’environ 3 000 chevaux, dont les deux tiers sont en territoire québécois.

De là origine l’importance de nouvelles visibilités et la nécessité de votre appui à cette reconnaissance. Il est nécessaire de rappeler à tout un peuple, et de façon inoubliable, que c’est avec le cheval canadien que nos Pères ont bâti ce pays, qu’il était alors le seul de son espèce d’un océan à l’autre.

Ce cheval est d’une race à part entière, aux caractéristiques très bien fixées, façonnées au pays, intouchables, bien inscrites au premier livre de généalogie. Il est un patrimoine précieux à conserver et à protéger et non une race en éternelle redéfinition.

Le sénateur Murray: J’aimerais tout simplement remercier les témoins pour leur présentation. Lors du débat tenu à l’Assemblée nationale du Québec sur le projet de loi 199, Mme Solange Charest, qui a parrainé ce projet de loi, disait que le front commun qui s’est formé en 1995, c’était votre initiative.

M. Bernatchez: Oui, c’est mon initiative.

Le sénateur Murray: Ce front commun récolte aujourd’hui les fruits du travail qu’il effectue depuis plusieurs années. Je veux vous féliciter pour l’adoption de cette loi au Québec et j’espère que vous êtes satisfaits de ce qu’on tente de faire au niveau fédéral.

Au Québec, on a évoqué la question de l’encadrement racial. D’autres témoins qui ont comparu au comité nous ont dit que cette question relevait des associations de races et que ces associations sont constituées en vertu de la Loi sur la généalogie des animaux. Que devrait faire le gouvernement du Québec face à l’initiative de l’Assemblée nationale de reconnaître le cheval canadien comme appartenant au patrimoine du Québec?

M. Bernatchez: Trois races ont été développées au Québec essentiellement et le gouvernement les a reconnues par une loi et des mesures d’encouragement restent à venir. On m’a informé que le gouvernement est sur le point d’annoncer des développements permettant d’investir dans la conservation de ces trois races mais cela n’a pas encore été annoncé officiellement.

Le sénateur Murray: Comment des efforts en vue de la conservation du cheval canadien pourraient être faits?

M. Bernatchez: Une bonne façon serait de créer un endroit où seraient élevées et présentées des races du patrimoine et où le public serait admis. À partir de là, on pourrait développer des fromages faits à partir du lait de vaches canadiennes. Quant à la poule canadienne, elle est censée avoir la meilleur chair au monde.

Mon collègue André Auclair et moi avons rencontré des experts de Hong Kong qui nous disaient que la poule Chanteclerc correspondait aux standards du marché asiatique et qu’il s’agissait d’une race exceptionnelle en Amérique du Nord. Quant au cheval canadien, il faudrait l’utiliser à des fins touristiques et culturelles. Par exemples, les calèches à Québec devraient lui être réservées et les services de police qui utilisent des chevaux devraient être encouragés à utiliser des chevaux canadiens à la grandeur du pays.

Mme St-Arnaud: Le gouvernement du Québec nous accorde une subvention concernant le programme que nous avons mis en place au niveau de la classification du cheptel. Des fonds sont donc à notre disposition pour effectuer cette classification dans le but de maintenir la qualité de la race et ainsi éviter la démolition de la race. Nous sommes sensibles à ce problème et c’est la raison pour laquelle nous avons établi ce système de classification.

Le ministère de l’Agriculture du Québec nous a donné une subvention dans le but d’avoir la possibilité de donner accès à ce programme de classification à un plus grand nombre d’éleveurs.

Le sénateur Murray: Combien y a-t-il de chevaux canadiens au Québec?

Mme St-Arnaud: Ils constituent les deux tiers de la population chevaline, ce qui équivaut à environ 2000 chevaux.

Le sénateur Murray: Tout à l'heure, j'ai cité le témoignage d’un haut fonctionnaire du ministère fédéral de l'Agriculture en 1909 au moment de l'incorporation de la société. Il parlait de standards. Je vous le cite en anglais:

[Traduction]

Les étalons ne doivent pas dépasser 15.3 mains de hauteur et les juments 15.2 mains. Le poids privilégié est, pour les étalons, entre 1 100 et 1 350 livres, et entre 1 050 et 1 250 livres pour les juments.

[francais]

Selon vous, les standards sont-ils restés les mêmes?

M. Auclair: Cela n'a pas vraiment changé. En 1991, il y a eu une redéfinition des standards.

Le sénateur Murray: Où?

M. Auclair: À la Société des éleveurs de chevaux canadiens. Le cheval canadien, selon la définition, ne devait pas dépasser 15,3 mains pour le mâle et 15,2 mains pour la femelle. En 1991, on a dit que le cheval canadien mesurait entre 14 et 16 mains. C'est la seule modification qui a été apportée officiellement répondant aux deux tiers de l'assemblée générale. Vous savez, une race ne se change pas vite. Elle a des acquis génétiques et un archétype qu'il faut respecter. Le prototype de la race peut remonter à 50 générations. On ne peut pas modifier cela aux aléas de la demande. Cette année, la demande est de 16,2 mains et l'an prochain cela pourrait être différent. Une race, ce n'est pas cela. Il n'y a pas simplement la taille dans la race canadienne, il y a la morphologie, la qualité des membres, et cetera. Il faut conserver tout cela.

Mme St-Arnaud: À la page 104 de la revue que je vous ai distribuée, vous retrouverez les standards requis.

Le sénateur Murray: Je ne veux pas déformer le témoignage de M. Wilson, le témoin précédent, mais si j’ai bien compris sa position sur la question, c’est le marché qui dicte les standards.

M. Auclair: Croyez-vous vraiment que si on veut protéger une race, c'est le marché qui va nous dicter les standards? Il faut plutôt promouvoir l’excellence et la qualité de notre produit qui a des caractéristiques bien établies. C'est dans ces paramètres qu'il faut continuellement améliorer la race et non pas à la demande. Si on veut un cheval de course ou un cheval de trait, la race canadienne a ses propres caractéristiques. Il faut la défendre et promouvoir ce produit. Nous devons respecter sa génétique. Il y a une grande demande pour le produit que nous avons. C’est un excellent produit. On ne peut pas demander à quelqu’un qui achète un cheval canadien pour la première fois de nous donner les normes de la race. Depuis ses origines, elle a des normes historiques qui sont façonnées par le climat, par la sélection naturelle et par la sélection génétique afin d’avoir un cheval résistant, bâti à toute épreuve.

C’est ainsi que le cheval canadien a traversé le temps. Il a été le meilleur cheval de guerre en Amérique du Nord. Les guerres américaines ont ruiné notre cheptel parce qu'on n’en prenait pas soin. On vendait des chevaux sans précaution. Maintenant que les sociétés sont plus rigoureuses, la quantité des chevaux canadiens n’est pas menacée. Chaque année, il y a beaucoup de naissances et les cheptels sont bons. Il faut s'orienter pour produire le type de la race canadienne même s'il y a une variation, comme pour toutes les races d’ailleurs. Il y a une bonne variation entre 14 et 16 mains.

Le sénateur Murray: C’est le standard que vous voulez faire respecter?

M. Auclair: Chaque race animale a ses standards et il faut les faire respecter.

Le sénateur Murray: On parle d’un poids de 1000 à 1400 livres?

M. Auclair: Oui, c’est un poids acceptable pour la race canadienne. Dans ces paramètres, on peut dire qu’on contient toute la race. En ce qui a trait à la taille de 14 à 16 mains, cela contient toute la race en incluant les mâles et les femelles de qualité.

Le sénateur Murray: Craignez-vous que ces standards soient en train de se diluer en quelque sorte?

M. Auclair: Durant les dix dernières années, la Société des éleveurs de chevaux canadiens a reçu sporadiquement des demandes pour satisfaire des particularités d’élevage afin d’augmenter la taille à 16,2 mains. Cela a été refusé par plus des deux tiers des membres présents aux assemblées. Cela faisait environ quatre ans que ces mêmes questions étaient posées par les bureaux de direction présents. Cette année, nous avons eu un questionnaire et la réponse n’a pas été concluante pour le bureau de direction actuel. Il a demandé des changements aux standards. On a alors déterminé l’idéal de la race entre 15 et 16 mains en tenant compte que ce qui est plus bas ou plus haut est acceptable quand même. De là, la permission de faire n’importe quoi sauf une sélection de qualité sur le type de la race pour promouvoir un produit uniforme.

Si on regarde un troupeau de vaches Holstein ou de chevaux arabes, il y a une uniformité générale de la race. Il y a un type existant très visuel qu’on peut reconnaître. Pourquoi briser ce type? En voyant un cheval comme celui-là, on sait que c’est un cheval canadien parce qu’il répond aux critères de la race. Il faut que ces caractéristiques soient conservées dans les critères d’élevage. Le cheval canadien a plutôt les oreilles courtes et une crinière abondante. Si on en prend un qui a des oreilles très longues et une tête busquée, même s’il est enregistré, il ne sera pas un bon type de la race. Pour sélectionner les meilleurs sujets, -- classification par points -- il faut un système de points par main, c’est-à-dire un portrait type pour les meilleurs étalons basé sur les critères que la commission d’experts avait décrétés en 1909.

[Traduction]

Le président: Si vous permettez, j'aimerais un éclaircissement, est-ce que vous dites que c'est la Société des éleveurs qui définit les critères?

[francais]

M. Auclair: Les standards de la race canadienne sont les mêmes que ceux qu’on demande. On veut protéger les caractéristiques de la race canadienne.

M. Bernatchez: En fait, on suggère que les standards ne soient pas changés. On ne voudrait pas que la Société ait la possibilité de changer les standards. La race ne devrait pas être changée, elle a démontré sa qualité. D’ailleurs, chaque année, il y a un concours intitulé «Concours du cheval de fer». Le cheval canadien devrait demeurer le cheval de fer et être en mesure de se défendre sur tous les terrains.

[Traduction]

Le président: Pour l'instant, c'est bien la Société qui définit ces critères, n'est-ce pas?

[francais]

M. Bernatchez: Oui.

Le sénateur Day: Je vous remercie pour votre présentation. Vous connaissez le Syndicat d'élevage national du cheval canadien-francais. Préférez-vous l’appellation cheval canadien-français à celui de cheval canadien?

M. Auclair: Non. L’appellation «cheval canadien» existe depuis 1939. Avant 1939, sur les certificats d'enregistrement, l’appellation d’origine était «French Canadian Horse». C'était pour le différencier des autres chevaux de nationalité canadienne, mais qui n'étaient pas forcément de race canadienne.

Au début de la Seconde guerre mondiale, en 1939, on a voulu modifier les standards de la race pour que les chevaux deviennent plus lourds. Plus du deux tiers des membres de l'assemblée générale ont voté contre ce changement. Cependant, la dénomination «canadien-français» avait été abolie, parce que l’authenticité de la race n’était plus compromise. Le Syndicat d'élevage du cheval canadien-français était resté fidèle aux standards de la race.

Déjà, en 1939, les standards ont été défendus, malgré la tentation de les modifier pour en faire des chevaux mi-lourds, de 1500 livres et plus. Monsieur Deschambault avait fait une demande en ce sens, sauf que la majorité des membres l’avait refusée. À partir de ce moment, les demandes de changements ne consistaient pas simplement à vouloir engraisser les chevaux, mais parfois à vouloir les agrandir ou les affiner. Les membres ont refusé de modifier les standards de la race.

Le Syndicat a conservé l’appellation «canadien-français» car, en anglais, l’appellation «French Canadian Horse» était gage d'authenticité de la race. Les gens faisaient une distinction entre «Canadian Horse» et «French Canadian Horse». C’était le même cheval, mais des éleveurs, par l’effet de la sélection, modifiaient le type de la race, ce qui suscitait une interrogation au plan de la reconnaissance de la race. C'est la raison pour laquelle le Syndicat avait pris ce nom, afin de demeurer fidèle aux standards d'origine.

Il s’agit d’un syndicat d'élevage, non pas d’une société. Nous formons une association de promotion au Québec. Nous sommes affiliés au Syndicat. Nous défendons les mêmes standards que le Syndicat quant à la conformation de l’animal, son type et sa morphologie. Parmi tous les gens qui se sont prononcé jusqu'à cette année, les deux tiers favorisaient la conservation des standards. Cette année, ce pourcentage est passé à seulement 50 p. 100 plus un. Des gens étaient mécontents et ils ont quitté l'assemblée. Le désir de changer est devenu plus manifeste, malgré des sondages populaires favorables à la conservation des standards d'origine de la race.

M. Bernatchez: Dans les propos de M. Auclair, vous retrouvez un bon exemple. En 1930, lorsque le tracteur est arrivé sur les fermes, le premier cheval à disparaître fut le petit cheval de voiture. Les chevaux plus lourds sont demeurés, tels le Percheron, le Clydesdale et le Suffolk. Ces races ont commencé à se développer. Les éleveurs de chevaux canadiens se disaient alors que pour sauver le cheval, il fallait qu'il devienne plus lourd.

Lorsque la ferme s'est mécanisée, les chevaux lourds ont été encore plus menacés que les chevaux légers. Les éleveurs ont alors voulu alléger le poids des chevaux canadiens. La mode fut ensuite aux chevaux de saut. Comme les chevaux canadiens avaient certaines dispositions pour le saut, on a alors voulu les grandir.

Tous ces efforts démontrent qu'on ne doit pas modifier les standards d’une race, parce que les modes changent. Chaque fois qu'on s'éloigne du standard, on affaiblit la race. C'est ce que nous voulons défendre.

Je vois le nom du sénateur Chalifoux. Un tableau de Krieghoff est intitulé auberge Chalifoux. Dans ce tableau, nous voyons beaucoup de chevaux canadiens. C'est ce cheval que nous voulons défendre.

Le sénateur Day: Le Syndicat d'élevage national continue-t-il d'exister?

M. Auclair: Oui. Le Syndicat renseigne les gens sur les lignées de chevaux canadiens, il conseille des prescriptions quant à la reproduction, et cetera. Ces services sont offerts dans le but de conserver les excellentes caractéristiques de la race pour la descendance.

Le sénateur Day: L'Association québécoise existe toujours?

M. Auclair: Oui, c'est une association promotionnelle.

Le sénateur Day: Êtes-vous d'accord avec l'usage du nom «cheval canadien» et non pas de «cheval canadien-français»?

M. Auclair: Oui.

Mme St-Arnaud: Bien sûr.

M. Bernatchez: Nous n'avons pas du tout d'objection. Nous pensons au contraire que ce serait une mauvaise décision que de le faire. Un ministre de l'Agriculture, au Québec -- j'étais alors président de la Société des éleveurs de chevaux canadiens –, nous avait dit que si nous voulions recevoir de l'argent du gouvernement, nous devions commencer par changer l’appellation par «cheval québécois». Nous avions refusé en bloc.

Mme St-Arnaud: Vous est-il possible d’appuyer cette cause, de sorte que les standards de la race ne soient pas continuellement remis en question, puisque vous vous apprêtez à faire de ce cheval un emblème national?

Le sénateur Murray: Je dirais non, malheureusement. L'action que nous proposons ici est symbolique. Il s’agit de la reconnaissance parlementaire du cheval canadien en tant qu'emblème du cheval du Canada. Vous savez mieux que quiconque que la nature symbolique de ce geste revêt une certaine importance. Nous ne pouvons qu'espérer que ceux et celles qui ont la responsabilité de se préoccuper des standards respectent ces standards et notre action parlementaire.

Nous n'avons pas l'autorité dans ce comité ni dans le projet de loi privé que nous étudions d'imposer des standards ou de modifier la loi telle qu'elle existe actuellement. Il revient aux associations reconnues dans la loi fédérale d'établir ces standards. Toutefois, j'espère que notre action aura une certaine force d'autorité morale.

M. Bernatchez: J'aimerais vous dire, avant de vous quitter, que je m'associe à mon grand-père Larue qui, en 1905, a incorporé au fédéral la Société des éleveurs de chevaux canadiens. Presque 100 ans après, je continue le travail de mon grand-père avait commencé.

[Traduction]

Le président: Je tiens à vous remercier d'être venue et de nous avoir présenté cet exposé très instructif. J'ai assisté au centième anniversaire d'un homme qui a été un vrai pionnier, et j'ai établi un parallèle. Ce cheval est un pionnier du Canada, et je suis heureux d'entendre que vous appuyez la loi proposée qui en fait le cheval canadien et Canadian, et je suis sûr que ce sera bénéfique pour tous les Canadiens.

Honorable sénateur, le comité doit traiter d'autres choses dont. Je laisse la parole au sénateur Wiebe.

Le sénateur Wiebe: Honorables sénateurs, comme vous le savez, la sénatrice Fairbairn, qui siégeait au comité de direction, a été appelée à être présidente du comité spécial. Elle a demandé d'être libérée de ses responsabilités ici jusqu'à ce qu'elle se soit acquittée de ses fonctions au nouveau comité, puis elle nous reviendra. Cependant, entre temps, le comité de direction ne peut pas se réunir tant qu'il n'a pas de troisième membre. Par conséquent, j'aimerais proposer que la sénatrice Chalifoux soit désignée membre du comité de direction.

Le sénateur Murray: C'est un choix populaire.

Des voix: D'accord.

La séance est levée.


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