Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères
Fascicule 14 - Témoignages
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 19 h 05 pour examiner les faits nouveaux en matière de politique, de questions sociales, d'économie et de sécurité en Russie et en Ukraine, les politiques et les intérêts du Canada dans la région, ainsi que d'autres sujets connexes, et pour en faire rapport.
Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Je voudrais d'abord présenter nos témoins qui sont des hauts fonctionnaires de l'Agence canadienne de développement international (ACDI). Ce sont des spécialistes en ce qui concerne la Russie et l'Ukraine et leurs connaissances nous seront utiles dans le cadre de notre étude sur ces deux pays.
Nous recevons ce soir M. Peter Daniel, vice-président de la Direction générale de l'Europe centrale et de l'Est et M. Rick Ward, directeur général de la Direction de la Russie, de l'Ukraine et des programmes nucléaires, Direction générale de l'Europe centrale et de l'Est.
Je voudrais que M. Daniel fasse un exposé relativement court et que M. Ward enchaîne. Nous aurons ensuite des questions à leur poser.
Le sénateur Carney: Monsieur le président, va-t-on nous remettre un exemplaire du texte de ces exposés car cela nous éviterait d'attraper une crampe en prenant des notes?
Le président: Je n'en ai pas vu.
Le sénateur Carney: Les textes n'ont pas été distribués, monsieur le président, et c'est pourquoi je pose cette question.
Le président: Je n'ai pas reçu d'exemplaires du texte des exposés. Nous ne recevons plus les textes depuis un certain temps déjà.
Le sénateur Corbin: Monsieur le président, je voudrais donner mon opinion. Les responsables de la planification de ces réunions - et je ne parle pas des témoins, mais de notre personnel - devraient veiller à ce que nous recevions les textes en temps opportun. Il est parfois difficile de comprendre ce que disent les témoins. L'interprétation peut également rendre la compréhension plus difficile. Quand on a le texte sous la main, on peut toujours y jeter un coup d'oeil quand on n'a pas bien compris pour vérifier ce que le témoin a dit. C'est pourquoi les textes sont très utiles. Ce n'est pas très compliqué. Je pense que si on réclame les textes, on les recevra; encore faut-il les réclamer. Je pense que le sénateur Carney a raison.
Le président: Je suis entièrement d'accord. Je présume que nous ne l'avons pas demandé. C'est pourquoi nous ne l'avons pas. Notre dernière réunion était une sorte de colloque, avec beaucoup d'allées et venues. Il serait préférable d'avoir un exemplaire des textes pour la prochaine réunion.
Allez-y, monsieur Daniel.
M. Peter Daniel, vice-président, Direction générale de l'Europe centrale et de l'Est, Agence canadienne de dévelop pement international: En ce qui concerne le texte de notre exposé, je signale que je me base sur un texte mixte dans lequel je passe tour à tour à l'anglais et au français. Nous pourrons vous remettre dès demain des exemplaires dans les deux langues officielles.
Le sénateur Corbin: Ce sera inutile parce qu'alors, nous aurons notre compte rendu dans les deux langues.
M. Daniel: Monsieur le président, j'ai le plaisir d'être le porte-parole de la ministre Minna. Elle m'a demandé de vous dire qu'elle était désolée de ne pas avoir pu être ici en personnel. Elle sait, bien entendu, que vous tenez des audiences sur la Russie et l'Ukraine depuis plusieurs mois. Elle attend votre rapport final et vos recommandations avec impatience.
Vous avez présenté M. Ward mais avant d'aller plus loin, je voudrais présenter plusieurs autres membres de ma direction générale qui ont des responsabilités bien précises en ce qui concerne la Russie, l'Ukraine et le programme nucléaire. Derrière moi se trouvent Linda Ervin, administratrice de programme pour la Russie, Nicole Rivard-Royer, administratrice de programme pour l'Ukraine et Doris Jalbert, administratrice principale de notre programme nucléaire. Pendant la période des questions, je ferai peut-être appel à mes collègues pour les questions qui nécessitent des réponses très élaborées.
Le comité nous a demandé de donner un aperçu des programmes de l'ACDI en ce qui concerne la Russie et l'Ukraine. Vous nous avez demandé de parler de nos activités, de nos expériences et des leçons que nous avons apprises sur une période d'une dizaine d'années.
Avant de commencer, je voudrais exposer brièvement le cadre de nos activités. Comme vous le savez, selon l'Énoncé de sa politique étrangère intitulé Le Canada dans le monde, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international guide les activités du Canada au-delà de ses frontières. Cet énoncé indique clairement que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a la responsabilité globale de la politique étrangère.
Dans le cadre de cette politique, l'ACDI est responsable de l'aide officielle canadienne au développement. Le mandat de l'ACDI consiste à soutenir le développement durable dans les pays en développement afin de réduire la pauvreté et de contribuer à créer un monde sûr, équitable et prospère.
Je voudrais maintenant vous parler brièvement du rôle de ma direction générale à l'ACDI. Bien que la réduction de la pauvreté soit l'objectif global de l'ACDI, la vocation du programme de l'Europe centrale et de l'Est est d'accroître la sécurité et la stabilité mondiales. Au cours de la présente année financière, nous avons affecté 47 millions de dollars à la poursuite de ces objectifs, par le biais des programmes concernant la Russie, l'Ukraine et la sécurité nucléaire.
Le budget du Canada est très modeste par rapport à celui des autres donateurs. D'après les chiffres de l'OCDE concernant l'année 1999, qui est la dernière année sur laquelle on possède des statistiques, l'aide étrangère reçue par la Russie et par l'Ukraine s'est chiffrée au total à quelque 16 milliards de dollars. La contribution annuelle du Canada, qui est d'une cinquantaine de millions de dollars, représente environ un tiers de pour cent de ce total.
Malgré nos budgets relativement modestes, nos partenaires ont signalé que nos programmes ont été très appréciés et qu'ils sont de haute qualité. Nous reconnaissons toutefois qu'il nous sera impossible de maintenir des programmes concernant une telle variété de projets. Nous ne pouvons pas tout faire pour tout le monde. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes mis à concentrer nos efforts sur un plus petit nombre de secteurs. Nous devons en outre coordonner davantage nos activités avec celles d'autres pays donateurs en ce qui concerne les 15 milliards de dollars de fonds d'aide destinée à la Russie et à l'Ukraine.
En dépit des différences qui les caractérisent, la Russie et l'Ukraine sont confrontées à des défis semblables. Avant d'exposer nos stratégies actuelles en ce qui les concerne, je voudrais expliquer en quelques mots quelle direction ont pris nos efforts dans ces deux pays.
Il y a une dizaine d'années, le MAECI a créé un groupe d'étude dans le but d'apporter un soutien technique aux programmes de coopération avec la Russie et l'Ukraine. Ces programmes ont été transférés à l'ACDI en 1995. Jusqu'à présent, en Russie, le Canada s'est engagé à fournir au-delà de 130 millions de dollars pour financer plus de 250 projets de coopération technique. Pour la présente année financière, notre budget bilatéral, destiné à financer une cinquantaine de projets actifs, est de 22 millions de dollars.
La Direction générale de l'Europe centrale et de l'Est donne en outre de l'assistance par le biais de plusieurs programmes régionaux qui couvrent plusieurs pays, et pas uniquement la Russie et l'Ukraine.
En Ukraine, l'ACDI s'est engagée à fournir 151 millions de dollars pour financer 189 projets. Le budget bilatéral en ce qui concerne l'Ukraine pour la présente année financière est de 19 millions de dollars et il est destiné à financer 40 projets en cours.
Dans les deux pays, nous examinons la proposition dans une optique réformiste et futuriste. Il est entendu qu'en ce qui nous concerne, le processus de réforme concerne le passage d'une économie dirigée à une économie de marché, le développement des institutions politiques démocratiques et l'avènement d'une société civile solide. Les programmes que nous mettons en oeuvre en Russie et en Ukraine rappellent que le développement durable est un processus à long terme souvent plein de rebondissements.
Au cours des premières années, en ce qui concerne les deux programmes, l'objectif principal était d'apporter un soutien concret au processus de réforme et de faire en sorte que la période de transition soit courte. Le gouvernement voulait également ouvrir les portes de la nouvelle économie de marché aux entreprises canadiennes. C'est dans ce but que nous avons généralement répondu aux propositions des porte-parole d'orga nismes canadiens qui avaient déjà établi des relations avec leurs homologues. Nous avons en outre essayé de tirer le maximum des modestes budgets du Canada en ce qui concerne la Russie et l'Ukraine en coopérant à trois niveaux: avec les partenaires locaux, avec nos partenaires canadiens et avec les gouvernements concernés. Cette tactique permet non seulement de faire davanta ge avec les fonds disponibles mais aussi d'établir des partenariats entre les organismes exécutants et les organismes bénéficiaires et assure un engagement à long terme.
Nos programmes financent en grande partie des programmes conçus et mis en oeuvre par des ONG, des institutions, d'autres services ministériels ou des entreprises canadiennes. Nous exigeons que tous les partenaires, tant les Canadiens que les bénéficiaires, y compris les gouvernements des pays hôtes, apportent des contributions financières importantes à ces projets; en d'autres termes, nous misons sur l'effet de levier.
Comme d'autres donateurs et les pays concernés, nous avons constaté vers le milieu des années 90 que le processus de réforme ne serait pas du tout rapide. Nous avons constaté en outre que la plupart des partenariats manquaient de substance, n'étaient pas suffisamment engagés ou n'avaient pas des assises locales assez solides et que certains d'entre eux n'étaient pas durables: ils disparaissaient dès que le soutien de l'ACDI cessait.
En Russie comme en Ukraine, les stratégies de 1997 qui tentaient de couvrir tous les types d'activités porteuses de progrès et de réforme ont donné naissance à des projets dans près d'une douzaine de secteurs différents. Avec le recul, nous nous sommes rendu compte que nous avions trop dispersé nos efforts. Nous avons par conséquent essayé de remédier à ce problème en élaborant une stratégie plus ciblée en ce qui concerne la Russie et l'Ukraine.
[Français]
J'aimerais maintenant parler de l'avenir de notre programmation en Russie. De tous les pays partenaires de l'ACDI, seule la Russie peut exercer une influence véritable sur la sécurité et la stabilité sur le plan international. En dépit du fait que la guerre froide soit terminée, la Russie possède toujours une imposante capacité militaire, incluant l'arsenal nucléaire d'une superpuissance. Il va de soi qu'une Russie stable et paisible est une condition nécessaire à la sécurité du monde.
En tant que membre de la communauté mondiale, il est clair que l'intérêt principal du Canada en Russie est de garder ce pays dans le camp de la démocratie. Par ailleurs, puisque nous sommes voisins de la Russie, que notre territoire est aussi très vaste et que notre économie est également basée sur l'exploitation des matières premières, le Canada est dans une position idéale pour venir en aide à la Russie.
L'an dernier, l'ACDI s'est penchée sur l'état des réformes en Russie et, en particulier, sur la période qui fit suite à la crise financière de 1998. Nous avons examiné nos résultats obtenus jusqu'à présent et consulté les intervenants intéressés par notre travail. Lors des consultations que nous avons eues à Moscou, plus de 100 partenaires russes ont participé.
Le nouveau cadre stratégique, qui sera issu de ces consultations, proposera de mettre l'emphase sur le renforcement de deux éléments essentiels: la gouvernance et la société civile. De plus, trois autres termes transversaux seront couverts par le programme: l'environnement, l'égalité entre les sexes et le nord de la Russie.
Nous appuyons déjà plusieurs projets qui reflètent ces orientations. Je souhaiterais vous en donner quelques exemples. Je commencerai avec la gouvernance.
Un des objectifs de l'ACDI, qui est également partagée par les autres donateurs en Russie, est d'aider à la mise en place de conditions dans lesquelles une économie de marché pourrait s'épanouir pour créer cet environnement incitatif et refléter nos visions dans des domaines comme le fédéralisme, le régime de droits, la gouvernance corporative, la restructuration du secteur public et l'intégration de la Russie dans le système économique mondial.
La Fédération russe est faite de 89 unités constituantes regroupées en sept districts fédéraux. Le développement du fédéralisme, et tout spécialement de mécanismes pour faire fonctionner le fédéralisme, est une des priorités du président Poutine. Le fédéralisme est un secteur où l'expertise canadienne est appréciée de la part des Russes.
À travers un projet de consortium pour les conseils en recherche et en politique économique connu sous l'acronyme anglais CIPRA, administré par l'AUCC, le Canada est à même de procurer une expertise de haute qualité du fédéralisme à des décideurs influents au sein du gouvernement russe.
En ce qui a trait à la réforme du droit, grâce à un financement de l'ACDI, la faculté de droit de l'Université McGill, en collaboration avec le Centre russe de recherches sur le droit privé, aide à réformer le Code civil en Russie. Le projet bénéficie de l'avantage unique que procure notre tradition de droit civil et de droit commun.
Le second thème majeur du nouveau cadre stratégique de l'ACDI est la promotion de la société civile. Dans ce cas, notre implication est également très diversifiée. Le projet, intitulé «Les femmes et la réforme du marché du travail», est un bon exemple. Il aide des décideurs russes influents à développer et à mettre en place des politiques efficaces pour accroître l'efficacité du marché du travail sur les plans national et régional.
De plus, ce projet a pour but d'accroître la force concurrentielle des femmes au sein de ce marché. Grâce à ce projet, une section sur le respect de légalité entre les sexes sur le marché du travail a été incluse dans la stratégie de développement social du gouvernement russe.
L'Université Carleton et le ministère du Développement des ressources humaines du Canada travaillent sur ce projet en partenariat avec l'Académie des sciences de la Russie, le ministère russe du Travail et le Comité pour la protection sociale de la Douma fédérale.
Un autre exemple d'initiative a pour thème la promotion de la société civile. Il est bon de parler de notre travail au sein des populations indigènes de la Russie. Celles-ci sont dans un état particulièrement vulnérable. À bien des niveaux, ces populations ont été essentiellement abandonnées par l'État dans leur communauté nordique éloignée. Grâce à l'appui de l'ACDI, l'Association indigène de la Russie travaille avec la Conférence circumpolaire inuit du Canada à établir des ponts entre le gouvernement russe et ces peuples indigènes.
Plus spécifiquement, le projet a pour but d'établir un Centre indigène de formation. Ce dernier offrira une large gamme de services qui donneront aux populations indigènes les outils de formation nécessaires pour assurer leur épanouissement économique et le développement d'une administration régionale partagée dans ces régions.
[Traduction]
Je voudrais maintenant parler de l'Ukraine. En ce qui concerne ce pays, le Canada a une vision qui est celle d'un pays stable sur les plans politique et économique, qui est lié à la structure euro-atlantique et dont dépend en grande partie la sécurité de l'Europe.
Divers autres motifs expliquent l'intérêt que le Canada porte depuis longtemps à l'Ukraine. L'immigration d'Ukrainiens au Canada depuis plus d'un siècle nous a permis d'avoir de solides liens culturels, éducatifs et institutionnels qui nous aident à comprendre ce qui se passe en Ukraine. C'est en fonction de ces liens privilégiés et des recommandations de nos partenaires ukrainiens que nous avons mis à jour notre stratégie de programmation en Ukraine. Comme pour la Russie, la stratégie de l'ACDI en Ukraine sera davantage axée sur la gouvernance et sur la société civile.
Je voudrais vous parler de deux types d'activités qui vous permettront de comprendre en quoi consiste la nouvelle stratégie. Je parlerai d'abord de l'aide en matière de gouvernance.
L'établissement d'un mode de gouvernance efficace en Ukraine touche tous les domaines d'activité dans le secteur public et le secteur privé. Il comprend la lutte contre la corruption, la réforme des institutions administratives publiques et des institutions judiciaires et la création d'un milieu propice à l'émergence d'une économie de marché. Nous y avons déjà consacré beaucoup d'attention.
Avec l'aide de l'ACDI et avec le concours des gouvernements de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Ontario et du Bureau du président de la Chambre des communes, l'Universi té de l'Alberta renforce la coopération législative et intergouver nementale dans les secteurs prioritaires de la réforme démocrati que et économique. Jusqu'à présent, le projet a permis d'établir des projets de loi dans plusieurs domaines comme la fiscalité, la culture, les médias et le crédit.
Les conseils dispensés pour le programme de réforme administré par le Bureau canadien de l'éducation internationale constituent une autre initiative qui a été couronnée de succès en Ukraine. C'est un mécanisme souple à action rapide qui nous permet de répondre très rapidement lorsque l'Ukraine nous demande de l'aide à sortir d'une impasse en ce qui concerne des politiques clés et ce, à tous les paliers de gouvernement. Près de 80 initiatives, dont l'affectation d'un Canadien au poste de conseiller principal du premier ministre de l'Ukraine, ont déjà été financées par le biais de ce programme.
La création du Centre des sciences et de la technologie en Ukraine est un autre témoignage des retombées importantes du programme canadien dans ce pays. Avec les États-Unis et l'Union européenne, le Canada a été membre fondateur de ce centre dont la mission est d'aider des scientifiques et des ingénieurs ukrainiens qui étaient spécialisés dans la mise au point d'arme ment de destruction massive à mener des activités de R et D à caractère pacifique.
Jusqu'à présent, près de 8 000 scientifiques ont reçu de l'aide du centre. Le directeur général du centre est un Canadien de l'Université du Manitoba.
Notre deuxième principal centre d'intérêt est la société civile. La participation des citoyens est très fragile en Ukraine. Des dizaines de milliers d'organisations non gouvernementales exis tent, mais seulement sur papier. En réalité, un très petit nombre d'entre elles sont très bien organisées. La plupart ont des difficultés à trouver les fonds nécessaires à cause des contraintes législatives, de la complexité des formalités d'enregistrement et des impôts élevés. Par l'intermédiaire de ses programmes, l'ACDI axera ses efforts sur les secteurs qui augmentent la capacité des ONG de défendre leur cause, d'obliger le gouvernement à rendre davantage de comptes et d'encourager les Ukrainiens à devenir des membres à part entière de leur société. C'est pourquoi nous accorderons une attention toute particulière à la jeunesse ukrainienne. Les jeunes sont en effet les principaux partisans de la réforme.
Nous avons également constaté que les fonds d'initiatives locales étaient très efficaces pour répondre aux besoins de la société civile. Les divers programmes concernant l'Ukraine et la Russie sont composés de deux fonds, le premier axé sur l'égalité des sexes et l'autre sur le développement de la société civile en général. Nous avons appris que dans certaines circonstances, de modestes contributions, de moins d'un millier de dollars jusqu'à une cinquantaine de milliers de dollars tout au plus, permettent d'obtenir des résultats beaucoup plus durables et d'aider un bien plus grand nombre de personnes qu'on ne s'y attendait.
[Français]
J'aimerais vous donner un bref aperçu du programme de sûreté nucléaire, qui a également été transféré du ministère des Affaires étrangères à l'ACDI, en 1995.
À la suite de l'effondrement du régime soviétique, les pays du G-7 se sont engagés à coopérer avec les pays de la région qui avaient des centrales nucléaires de conception soviétique.
Les objectifs principaux de ce programme étaient d'améliorer la sûreté des plus vieilles centrales jusqu'à ce quelles soient fermées, et d'appuyer les agences de contrôles de l'énergie atomique pour quelles soient en mesure d'inspecter et d'émettre des permis d'opération selon les normes internationales de sûreté nucléaire.
Depuis 1992, le Canada a engagé 117 millions de dollars dans ce programme. Environ 40 p. 100 des projets ont été entrepris par des experts canadiens à l'emploi d'Énergie atomique du Canada limitée, de Canatom ou de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Le dernier de ces projets a pris fin la semaine dernière. Il s'agissait d'un programme de formation d'agents de contrôle de l'énergie atomique en Russie, en Ukraine et en Lituanie.
Le reste du programme est canalisé par le bais de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement pour des projets multilatéraux que nous finançons avec d'autres donateurs. L'Ukraine est de loin le pays qui bénéficie le plus de notre programme à cause de l'appui particulier que les pays du G-7 et la communauté européenne se sont engagés à lui donner pour l'aider à fermer Tchernobyl. Le projet le plus imposant auquel nous contribuons est celui qui porte sur la stabilisation du sarcophage qui recouvre le réacteur numéro quatre depuis l'accident de 1986. Le Canada a promis de verser 50 millions de dollars pour ce projet qui devrait être terminé en 2008.
L'appui de la communauté internationale pour un certain nombre de projets, en particulier celui du sarcophage, estimé à un milliard de dollars, a été stratégique pour convaincre l'Ukraine de fermer définitivement Tchernobyl en décembre dernier. Ce genre de coopération est plus difficile en Russie. Bien que la sûreté des centrales de première génération a été améliorée, il reste encore du travail à faire pour que s'établisse dans ce pays une mentalité de sûreté sur le plan des opérations et du contrôle de l'industrie nucléaire.
Il est clair que nos ressources ne sont pas sans limites. Notre budget annuel de six millions de dollars est presque totalement engagé jusqu'à l'an 2006 pour le projet du sarcophage que j'ai mentionné. Le solde disponible servira à appuyer des projets visant l'amélioration de la sûreté des centrales nucléaires et le renforcement des autorités de sûreté dans la région, plus particulièrement en Russie et en Ukraine.
En terminant, permettez-moi de résumer les leçons que nous avons apprises en Russie et en Ukraine, au cours de notre dernière décennie de programmation.
Premièrement, pour avoir un impact durable, nous devons mieux cibler notre programmation. Nous devrons travailler dans un nombre de secteurs limités et nous devons orchestrer nos interventions avec celles des autres donateurs.
Deuxièmement, la meilleure façon de stimuler l'investissement du secteur privé canadien consiste à appuyer la création d'un environnement permettant à une économie de marché de prendre racine. Concrètement, cela se traduit par la mise en oeuvre de projets renforçant le système financier légal et judiciaire. Faute de tels changements, il sera illusoire de s'attendre à quelques progrès que ce soit. En d'autres termes, s'il n'existe aucun engagement ou progrès sur le plan politique, législatif ou normatif dans un domaine spécifique, disons en agriculture, il n'y a aucun intérêt à mettre en place un quelconque projet de ferme modèle. Il ne serait pas durable.
Troisièmement, nous devons équilibrer notre programme entre des projets proactifs et dirigés et ceux qui répondent aux besoins exprimés par nos partenaires russes et ukrainiens. Quoi qu'il en soit, ces mêmes projets doivent appuyer activement le processus de la réforme et créer une synergie à la fois dans notre programme et celui des autres donateurs.
Quatrièmement, les Canadiens d'origine ukrainienne constituent une ressource de grande valeur pour l'ACDI. Leurs aptitudes linguistiques, leurs relations et leur disponibilité représentent un véritable actif pour nous. Au cours des mois et des années futures, nous continuerons à tirer profit de leur expertise et de leur vision.
Finalement, le processus de transition prendra plus de temps que prévu. Contrairement à des pays comme la Pologne ou la Hongrie, qui ont connu une économie de marché et un système démocratique, la Russie et l'Ukraine partent presque à zéro.
Nous avons vu de réels progrès. Étant donné nos ressources limitées, mettre en oeuvre un projet ici et là ne fera pas une grande différence. Nous devons d'abord cibler nos efforts sur la mise en place d'un environnement qui sera favorable à la réforme. Une telle approche exige de la patience et un engagement pour le long terme de façon à susciter une réforme durable dans la façon dont le gouvernement opère, dans le développement d'une économie de marché et dans le développement d'une société civile active qui participe pleinement au processus démocratique.
[Traduction]
C'est tout pour l'instant. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le sénateur Graham: Monsieur Daniel, si j'ai bien compris, vous avez dit que la Russie possédait l'arsenal nucléaire d'une superpuissance. Combien d'ogives nucléaires armées possède-t- elle? Cet arsenal comprend, paraît-il, environ 3 000 ogives nucléaires. A-t-on des preuves que la Russie vend des armes à des États «hors-la-loi»?
On entend parfois dire que le plus gros risque d'attaque nucléaire ne vient pas de la Russie mais peut-être de la Corée du Nord. Certaines personnes affirment que la Corée du Nord possède six ou dix ogives nucléaires pointées sur l'Amérique du Nord. Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?
M. Daniel: Sénateur, je n'essaie pas de me défiler mais le contrôle des armements relève de la compétence du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. L'arsenal nucléaire russe comprend plus de 3 500 ogives nucléaires. Je tiens ces renseignements de la personne qui occupait mon poste il y a un an au quartier général de l'OTAN à Bruxelles. Il y a plusieurs types d'ogives. Vous ne tenez peut-être pas à ce qu'on se lance dans des considérations d'ordre technique mais je signale que tous les modèles d'ogives peuvent être très destructrices.
En ce qui concerne la vente d'armes à des États «hors-la-loi», question qui relève du contrôle des armements, je dois m'en remettre à mes collègues du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. C'est une question qui relève entièrement de leur sphère de compétence.
Le sénateur Graham: C'est bien. Je passerai à deux ou trois autres sujets, si vous le permettez. Vous avez parlé d'appui aux institutions politiques démocratiques. Pouvez-vous nous expli quer, par un exemple, comment vous procédez?
M. Daniel: J'ai parlé de projet de fédéralisme. C'est une initiative importante qui est suivie de très près par le président de la Russie et par l'administration présidentielle.
On sollicite continuellement notre aide dans ce domaine. C'est une question qui est étroitement liée à la façon dont fonctionne l'État. Les 89 unités constituantes infranationales russes regrou pées en sept districts fédéraux ne sont pas toujours aussi homogènes que nos provinces. Elles n'ont pas toutes le même statut. Ces 89 unités constituantes sont composées de républiques autonomes, et de régions ayant toutes sortes de statuts différents. Elles ont des pouvoirs législatifs et fiscaux différents dont certains n'ont jamais été reconnus par une constitution. On s'est borné à combler un vide dans certains secteurs en légiférant et en adoptant des règlements. On essaie actuellement de faire en sorte que dans les diverses unités constituantes infranationales, cette législation soit conforme à la Constitution russe. Les autorités tentent en outre de repérer toute incohérence possible ou toute législation infranationale qui irait à l'encontre de la législation fédérale. Il s'agit d'essayer d'harmoniser toutes les sphères de compétence qui se recoupent dans un immense pays couvrant 11 fuseaux horaires. C'est un pays tellement vaste qu'en Russie asiatique, on se met au lit au moment où les habitants de Moscou se lèvent. On essaie actuellement de remettre de l'ordre dans tout ce désordre pour que les personnes qui envisagent d'investir ou d'implanter une entreprise en Russie aient une idée des règles du jeu. Les investisseurs ont besoin de connaître le système et de savoir quel type de relations existent entre les divers paliers de gouvernement.
Il faudra que nous nous intéressions au palier municipal. Nous ne nous en sommes pas préoccupés jusqu'à présent, sauf en ce qui concerne Moscou et Saint-Pétersbourg, les deux centres urbains les plus connus. Dans ces municipalités, on a essayé d'instaurer une administration civile et une administration publique adéquates assurant les services municipaux. Lorsque le projet de création d'une fédération sera en voie de réalisation, il faudra que nous nous occupions du palier de gouvernement suivant parce que de graves problèmes se posent à ce niveau. Ces problèmes sont notamment dus au mauvais fonctionnement de certaines munici palités et au manque d'uniformité entre les paliers municipal, infranational et fédéral. Nous serons obligés de nous intéresser à ces trois paliers. On nous a demandé notre aide et nous nous activons. Je dirais que c'est un effort repère de la part du Canada qui nous donne une grande visibilité et nous aidera beaucoup à trouver les mécanismes nécessaires au bon fonctionnement de la fédération russe. Par exemple, nous étudions les mécanismes utilisés pour transférer les fonds entre le palier fédéral et le palier infranational, les divers pouvoirs en matière de fiscalité et d'autres questions. Quand le ministre Dion était à Moscou cet été, les autorités nous ont demandé d'ajouter un volet à notre projet concernant le fédéralisme. Elles voudraient savoir comment administrer un système de gestion des dépenses calqué sur le modèle canadien.
Il s'agit d'une approche institutionnelle qui a pour but d'essayer d'accroître l'efficacité des institutions pour créer un climat plus propice à l'investissement et à l'instauration d'une économie de marché dans une démocratie pluraliste.
Le sénateur Graham: Les autorités sont-elles réceptives à l'instauration d'un système éducatif démocratique? Plusieurs témoins nous ont signalé que la mafia s'était infiltrée à pratiquement tous les paliers de gouvernement.
M. Daniel: Il serait malhonnête de ma part d'omettre de vous dire que la corruption pose un grave problème en Russie. Transparency International, qui est officieusement considéré comme l'organisme de dépistage du niveau de corruption, attribue une cote très élevée à la Russie dans ce domaine. La situation s'améliore toutefois. Étant donné que, comme plusieurs autres donateurs, nous encourageons la Russie à apporter des change ments dans les secteurs législatif, judiciaire et administratif, et que le gouvernement est mieux disposé à adopter la technologie de l'information et des communications, la transparence gouverne mentale augmentera. Grâce à la vigueur accrue de la société civile, la population se mettra à demander des comptes au gouvernement. Ce sera long mais nous constatons que de légers progrès ont été réalisés depuis 1997. La situation s'améliore. Les progrès sont très lents mais ils sont réels: la Russie a tendance à devenir plus transparente et elle essaie de remédier à la situation.
Le sénateur Corbin: Quels sont les mécanismes utilisés pour déterminer quels programmes sont mis en place et qui les utilise? Des directives ministérielles ont-elles été émises à ce sujet? Les mécanismes sont-ils mis en place uniquement à la demande du pays concerné? Comment arrivez-vous à déterminer la solution qui lui convient le mieux?
M. Daniel: La ministre approuve la stratégie et le cadre de programmation.
Le sénateur Corbin: Qui élabore cette stratégie?
M. Daniel: C'est notre direction générale qui l'élabore. Nous consultons d'ailleurs les intéressés. Nous tenons actuellement des consultations sur le programme pour la Russie. Nous avons tenu des consultations à Moscou et dans diverses autres régions du pays. Plus de 100 groupes différents ont participé à ces consultations et ont fait des commentaires sur une ébauche de programmation. Il faut exposer les projets pour permettre aux gens de réagir. Les Russes ont réagi à une déclaration que nous avons faite pour amorcer les discussions. Nous avons également tenu des consultations dans diverses régions du Canada. Nous consultons le gouvernement du Canada et les autres ministères qui s'intéressent à la Russie. Nous consultons en outre des organisa tions ou des institutions non gouvernementales et des représen tants du secteur privé au Canada au sujet de cette stratégie avant de la mettre définitivement au point et de la soumettre à l'approbation de la ministre.
Le deuxième volet de la question concerne le mode de sélection des projets. On distingue deux types de projets. Le premier type de projet est un projet important. Ce type de projet doit pouvoir s'intégrer au cadre de programmation. Dans plusieurs cas, ce sont les Russes qui ont sollicité notre aide pour entamer ce type de projet. Le fédéralisme est en demande. Nous n'avons pas proposé nos services de notre propre initiative. On nous a même suppliés d'apporter de l'aide et d'élaborer ce projet.
Dans d'autres cas, une entité canadienne, une ONG, une université ou une entité du secteur privé a eu de bons contacts et de bonnes relations avec une ONG, un ministère, un institut ou une académie des sciences russes et ils ont élaboré un projet ensemble puis ont sollicité notre intervention.
Dans les cas où nous apportons une contribution, les partenaires le font également. Nous ne finançons pas intégralement un projet. Les partenaires qui viennent demander à l'ACDI de participer au financement d'un projet doivent également apporter leur contribu tion. J'ai parlé de l'effet de levier. C'est le but que nous visons en exigeant la participation financière des partenaires canadiens, du gouvernement du pays hôte ou de ses ONG. La question que vous posez concerne la Russie et c'est ainsi que nous procédons dans le cadre de notre programme concernant ce pays.
La deuxième catégorie de programmes sont ceux que j'ai mentionnés dans l'exposé, c'est-à-dire les initiatives locales et les divers types de fonds. Le Fonds canadien est un fonds généralement administré par l'ambassade; il répond aux deman des d'aide des institutions et des organisations locales. Les subventions sont distribuées après avoir pris une décision sur place. Il s'agit de très petits montants qui ne dépassent pas quelques centaines de dollars dans plusieurs cas. Ces fonds sont administrés à l'échelle locale par l'ambassade et les décisions sont prises à Moscou ou à Kiev, en ce qui concerne l'Ukraine. À cela viennent s'ajouter les autres fonds.
Il s'agit de montants assez modestes qui ont généralement pour but de répondre à la demande d'une institution ou d'un organisme du pays, ou d'un partenariat entre une institution canadienne et une institution du pays concerné. Ces fonds sont distribués lorsqu'on propose une initiative de petite envergure et que l'on décide qu'ils seraient utiles et auraient des retombées positives. Ces fonds ne sont pas nécessairement intégrés au cadre de programmation pour le pays.
Nous avons besoin d'une certaine flexibilité pour pouvoir répondre dans certains secteurs. On ne peut pas toujours tout prévoir et élaborer une stratégie dès le début. Si l'on adopte une politique trop rigide en la matière, on n'arrivera peut-être pas à saisir les occasions qui se présentent ou à réagir aux changements qui se produisent dans le sillage d'une réforme dans tel ou tel secteur. Même si aucune occasion ne se présente aujourd'hui, il s'en présentera peut-être une dans un mois, ou dans six semaines ou dans un an. Une porte actuellement fermée s'ouvrira peut-être plus tard. Par conséquent, nous devons être en mesure de réagir en quelque sorte à ces situations si des partenaires font des suggestions concernant divers projets.
Le sénateur Corbin: Je vous ai écouté attentivement; je suis habitué aux exposés habilement présentés et je pense que vous avez brossé un tableau impressionnant du fonctionnement idéal du système. Je voudrais toutefois que vous parliez brièvement des échecs. Ces programmes ne marchent certainement pas tous comme sur des roulettes.
M. Daniel: Ce serait malhonnête de ma part d'essayer de le contester.
Le sénateur Corbin: Nous voudrions entendre parler des échecs.
M. Daniel: Il y en a effectivement. Par contre, il ne s'agit pas toujours à proprement parler d'échecs. Je dirais que dans certains cas, il s'agit plutôt de déceptions ou d'erreurs de jugement commises en dépit du fait que le projet concerné soit intrinsèque ment utile. J'ai dit dans l'exposé que si votre projet est un projet isolé, un projet d'établissement d'une ferme modèle ou un projet pilote par exemple, la situation dégénère généralement dès que nous cessons de le financer parce que ce projet ne bénéficie d'aucun soutien local. Nous avons connu plusieurs cas sembla bles.
Je travaille pour le programme depuis 14 mois et je n'ai encore jamais dû abandonner un seul projet depuis que je travaille pour l'ACDI. Cependant, mes collègues qui sont là depuis plus longtemps que moi peuvent vous citer quelques cas. C'est généralement la durabilité d'un projet qui guide nos décisions. Nous avons pris à quelques occasions des décisions qu'avec le recul, nous regrettons peut-être d'avoir prises, concernant des projets qui se sont avérés non durables.
M. Rick Ward, directeur général, Direction de la Russie, de l'Ukraine et des programmes nucléaires, Direction générale de l'Europe centrale et de l'Est, Agence canadienne de dévelop pement international: J'en citerai un. Il concerne le secteur de l'énergie où dans les premiers temps, nous recevions de nombreuses propositions d'entreprises privées canadiennes dés ireuses de devenir actives dans cette région. C'est un secteur où les occasions abondaient. L'expérience a prouvé que le nombre d'initiatives débouchant sur des investissements ou des projets en aval était malheureusement infime. C'est pourquoi M. Daniel a signalé qu'il est préférable pour nous d'investir dans l'améliora tion du cadre juridique et législatif, qui offre certaines possibilités de recours aux entreprises en cas de problème. On dit souvent que si l'on bâtit quelque chose, quelqu'un viendra l'utiliser.
Cependant, nos premières interventions qui ont consisté à soutenir ou subventionner de façon directe des intérêts commer ciaux canadiens n'ont pas été extrêmement efficaces pour la raison mentionnée par M. Daniel. Ces projets n'étaient pas durables. Dans la plupart des cas, ces entreprises ont constaté que c'était, et que c'est d'ailleurs toujours, un milieu très complexe en ce qui concerne les investissements. Vous avez certainement été mis au courant par les journaux des mésaventures de diverses entreprises canadiennes.
Le sénateur Andreychuk: Une des questions qui me préoccupent, c'est que vous ayez brossé un tableau des initiatives que prendra votre direction. Est-ce conforme à la nouvelle orientation que la ministre est en train de donner à l'ACDI, si j'ai bien compris? Cette réorientation a-t-elle été effectuée et s'agit-il déjà des résultats de cette réorientation en ce qui concerne la Russie et l'Ukraine?
M. Daniel: Je tiens à préciser que nous n'avons pas encore mis la dernière main au cadre de programmation pour l'Ukraine ou la Russie. Il est toutefois plus avancé en ce qui concerne l'Ukraine qu'en ce qui concerne la Russie. En ce qui concerne l'Ukraine, nous avons tenu de nombreuses consultations avec la communau té ukrainienne au Canada et aussi sur place, avec l'ambassade et diverses autorités ukrainiennes et notre stratégie est presqu'au point.
En ce qui concerne la Russie, notre stratégie est probablement environ un mois en retard sur celle concernant l'Ukraine. Comme je l'ai signalé au début de mon exposé, la vision que nous avons adoptée est légèrement différente de celle qu'adopte généralement l'ACDI pour les autres pays. L'objectif de la réduction de la pauvreté ne s'applique pas à l'Europe centrale et de l'Est. Ce n'est pas sur cet objectif que le programme a été axé, lorsqu'il a été créé par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Si vous consultez les documents de l'ACDI, nos objectifs ne sont pas tout à fait semblables à ceux que se sont fixés les directions générales de l'Afrique, des Amériques, de l'Asie et les autres directions générales.
La sécurité et la stabilité mondiales, la démocratie pluraliste, l'économie de marché, l'infrastructure sociale et la sûreté nucléaire sont les objectifs qui ont été fixés pour l'Europe centrale et de l'Est et c'est notre champ d'action. Vous faites allusion au document concernant l'accroissement de l'efficacité de l'aide publié par la ministre en vue des consultations. Ces consultations ne sont pas encore terminées.
Comme vous le savez, des consultations ont été tenues dans les diverses régions du pays et l'on essaie maintenant d'obtenir la réaction de nos partenaires sur place; le document fait l'objet de légers remaniements. Cependant, certains ajouts ont été apportés à plusieurs phrases des parties de ce document concernant l'Europe centrale et de l'Est en raison de l'optique différente adoptée par l'ACDI en ce qui concerne cette région par rapport aux autres régions. Plusieurs phrases disséminées dans diverses sections de ce document signalent cette différence et indiquent les objectifs, le mandat et le prisme à travers lequel opère la Direction générale de l'Europe centrale et de l'Est. Ils ne sont pas identiques à ceux des autres directions générales de l'ACDI.
L'autre exemple est que notre direction générale a un programme multilatéral alors que dans les autres secteurs de l'ACDI, il y a ce que l'on appelle «ACDI Inc.». Nous avons le programme Renaissance Europe de l'Est qui a pour objet d'encourager l'investissement et la création de partenariats commerciaux entre notre région et des entreprises privées canadiennes. Nous avons un programme de partenariats. Par conséquent, nous réunissons au sein d'une même direction générale tous les éléments qui se retrouvent disséminés dans les autres secteurs de l'ACDI. Le programme est resté tel qu'il a été légué en 1995 à l'ACDI par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Il a conservé plus ou moins la même forme que celle qu'il avait lorsqu'il a été transféré avec le budget. Le cadre de programmation et les procédures opératoires ont subi, comme je l'ai d'ailleurs signalé, quelques rajustements mais le cadre global dans lequel nous opérons est légèrement différent du cadre opératoire des autres directions générales de l'ACDI.
Le sénateur Andreychuk: Il serait probablement utile que nous recevions le document concernant l'efficacité.
Le président: De quel document s'agit-il?
Le sénateur Andreychuk: Du document que la ministre est en train d'élaborer. Si j'ai bien compris, il s'agissait de jeter un regard neuf sur l'efficacité de la programmation, de déterminer où il y aurait lieu de faire des rajustements; c'est le document le plus précieux pour cette direction de l'ACDI et pour les autres également.
Lorsque les programmes pour l'Europe centrale et de l'Est ont été établis, on a voulu adopter, à titre expérimental, des principes entièrement différents en raison du caractère très particulier de cette région qui ne faisait pas partie des pays en développement. Elle était dotée d'une infrastructure en matière d'enseignement et avait déjà un acquis. Par conséquent, il ne s'agissait pas d'une stratégie de développement mais plutôt d'une stratégie de réforme. On ne pouvait pas employer les termes «développement» ou «aide»; on devait parler de «réforme» et employer d'autres termes analogues. En 1995, le dossier a été transféré à l'ACDI.
Que faites-vous à cet égard? Êtes-vous en train d'adopter une stratégie axée sur le développement? Vous rapprochez-vous de plus en plus des conceptions de l'ACDI en raison de la multiplicité des problèmes? Les problèmes ont été minimisés. Avez-vous adopté une stratégie axée sur le développement et, dans ce cas, est-ce vraiment souhaitable? Dans le cas contraire, êtes-vous parvenus à maintenir une identité suffisante pour répondre aux besoins spécifiques de cette région?
M. Daniel: Trois pays ont atteint les objectifs qui avaient été fixés dans le cadre de notre programme. Il s'agit de la Pologne, de la Hongrie et de la République tchèque; en outre, quelques autres pays auront probablement atteint les objectifs en 2005. Il s'agit de l'Estonie, de la Lettonie, de la Lituanie et de la Slovaquie. C'est ce qui est prévu pour l'instant. Je signale qu'aucune échéance n'a été fixée pour les autres. J'ai précisé qu'il s'agit d'un projet de longue haleine et qu'il est indispensable de prendre des engagements à long terme. Le programme n'a sa raison d'être que si l'on planifie à long terme.
Nous n'employons jamais le terme «développement». Les pays que nous aidons en seraient offusqués. Nous parlons d'assistance technique et de coopération. Ce sont les termes que nous employons. Notre tactique n'entre toutefois pas du tout en conflit avec celle adoptée par l'ACDI dans d'autres régions. Le seul problème est que ces régions n'ont pas une infrastructure de base aussi développée que celle qui nous concerne. En Afrique par exemple, le système éducatif n'est pas comparable au système éducatif de la Roumanie ou de l'Ukraine, voire de la Géorgie. Ce sont les différences qui caractérisent ces régions. On pourrait effectivement dire qu'il s'agit de développement mais les pays qui nous concernent ne nous permettraient jamais d'employer ce terme. Ils en seraient offusqués. Il s'agit de développement d'un milieu porteur. C'est le point de mire de nos efforts. Nous avons appris que tant que l'on n'aura pas créé un environnement porteur en amont, toute intervention en aval sera vaine. Tôt ou tard, le projet en aval, qu'il s'agisse d'un projet de création de ferme modèle ou d'un projet concernant le secteur de la santé, échouera. Par conséquent, il disparaîtra lorsque notre aide cessera. C'est une des principales leçons que nous avons apprises au cours des dix années d'activité dans cette région.
Ce raisonnement est probablement d'autant plus vrai que l'on s'éloigne en direction de l'est. La tâche est de plus en plus difficile. En Asie centrale, nous avons d'extrêmes difficultés à réaliser le genre de projet que nous voulons réaliser. Ce milieu est très peu réceptif aux efforts que l'on peut faire pour y faire régner la primauté du droit. En Ouzbékistan ou au Kazakhstan, et dans quelques autres pays de cette région, nous serions incapables d'entreprendre des projets à caractère judiciaire comme ceux que nous avons entrepris en Ukraine. Le terrain n'est pas encore propice à ce genre de projets. Nous essayons de le préparer mais ces régions ne sont pas encore prêtes et les gouvernements concernés s'y opposent. Ils ne sollicitent pas notre aide; ils ne tiennent pas à ce que nous nous adonnions à ce genre d'activités sur leur territoire et ils nous le font clairement comprendre.
Pour en revenir au sujet principal, tous les projets prévus dans le cadre de programmation pour la Russie et celui pour l'Ukraine sont rigoureusement conformes aux recommandations faites dans le document concernant l'efficacité. Tous nos projets et nos initiatives sont conformes à ce document. En fait, ils y sont mis en évidence parce qu'il a fallu faire des ajouts en raison des différences entre la Direction générale de la CEE, celle de l'Europe centrale et de l'Est et les autres directions générales bilatérales et multilatérales de l'ACDI.
On pourrait également parler des parler des priorités de la ministre en matière de développement social. Elles s'appliquent à l'APD. La plupart des pays qui nous concernent n'y sont pas admissibles. C'est le cas en ce qui concerne la Russie et l'Ukraine. Si vous examinez les objectifs qui ont été fixés par la ministre dans ce document, vous constaterez qu'ils ne s'appli quent pas à l'Europe centrale et de l'Est. Les objectifs prévus dans le cadre du programme quinquennal de développement social ne s'appliquent pas à ces pays. On ne peut toutefois pas les tenir pour autant à l'écart. Une autre leçon que nous avons apprise au cours de dix années de présence dans la région est que l'on a beau essayer d'établir un régime démocratique pluraliste et encourager la transition vers une économie de marché, ces efforts seront vains si l'on ne fait rien pour améliorer l'infrastructure sociale.
C'est un des principaux échecs que nous avons essuyés au début des années 90. Tous les intervenants pensaient que ce serait une potion miracle et que des investissements massifs permet traient de régler tous les problèmes alors que le régime de retraite s'effondrait, le régime d'assurance-chômage tel que nous le connaissons était inexistant et le reste de l'infrastructure sociale, comme le système de santé, s'écroulait.
Le président: Monsieur Daniel, pourriez-vous nous expliquer ce que signifie APD?
M. Daniel: Il s'agit de l'aide publique au développement, selon la définition de l'OCDE.
Le sénateur Andreychuk: Certains chiffres m'intéresseraient. J'aimerais beaucoup savoir quels montants ont été investis en Europe centrale et de l'Est au cours des cinq dernières années. Je voudrais savoir quel montant global chaque pays a reçu et quel montant a été consacré d'une part à la gouvernance et d'autre part à la société civile. Je voudrais pouvoir comparer ces chiffres à ceux qui concernent les secteurs de l'énergie et du nucléaire. Vous avez cité certains chiffres. Vous avez parlé d'un investissement de 151 millions de dollars en Russie et de 19 millions de dollars en Ukraine, si j'ai bien compris. Je n'ai aucune base de comparaison. Y a-t-il moyen de savoir comment ces fonds se répartissent selon les principales catégories et selon les pays qui concernent votre direction? Je sais que vous ne pourrez pas obtenir tous ces renseignements d'ici la fin de la journée mais j'apprécierais beaucoup que vous nous communiquiez ces chiffres ultérieure ment.
Le sénateur Carney: Monsieur Daniel, nous venons de recevoir cette liste de projets et nous n'avons par conséquent pas eu l'occasion de les examiner. En outre, je ne connais pas le sujet dont vous parlez. Par contre, je sais très bien quel est le mandat de l'ACDI et je poursuivrai la discussion entamée par le sénateur Andreychuk à propos du point de mire des efforts de l'ACDI et de la différence entre ces pays et les autres pays pour lesquels le programme est axé sur l'aide publique au développement.
Je présume que le mandat de l'ACDI ne change pas. Si j'ai bien compris, il doit être adapté aux besoins du pays bénéficiaire et ne consiste pas à imposer par exemple un programme universitaire au client. En outre, il s'appuie sur le principe fondamental qui veut que le client détermine lui-même ses besoins et que le Canada s'efforce d'y répondre. Je présume que c'est cela.
Pourquoi les pays clients, et plus particulièrement la Russie, demanderaient une forme d'aide que je trouve en apparence très interventionniste, quasi impérialiste? Pourquoi un pays demande rait-il que l'on forme des militants qui seraient considérés comme des agitateurs dans certains milieux de la société? Pourquoi cette civilisation très avancée adopterait-elle nos opinions sur les Autochtones? Ce ne sont là que quelques exemples. Je ne m'attends pas à ce que vous nous entreteniez de cela en particulier.
On dirait que dans ces cas-là, nous présumons que ces pays n'ont pas de société civile, pas de système judiciaire ni de lois et que la corruption y a toujours régné. La question que je me pose est la suivante: pourquoi le pays client réclame-t-il l'imposition d'une culture étrangère dans ces domaines? Je comprends que les investisseurs en aient besoin, mais pourquoi ces pays réclame raient-ils une infrastructure de société civile et des procédés étrangers?
Je me demande du même coup si ces interventions n'engen drent pas parfois quelque ressentiment, quelque hostilité ou si elles ne suscitent pas une attitude de rejet. Vous avez admis que vous ne vous êtes pas contentés d'apporter une assistance technique. Le projet de développement de l'élevage du boeuf et de la production de fourrage, le projet de privatisation des terres et d'organisation des exploitations agricoles sont des systèmes de soutien technique. Vous êtes toutefois intervenus à un niveau différent. Je me demande pourquoi les clients réclameraient cette forme d'intervention si cela les contrarie.
M. Daniel: En ce qui concerne la gouvernance, nous répondons aux demandes du gouvernement. Une des raisons pour lesquelles nos projets sont couronnés de succès et pour qu'on sollicite fréquemment nos services est que les Canadiens ont la réputation de ne pas imposer leurs opinions ni leurs façons de procéder.
Le sénateur Carney: En effet.
M. Daniel: C'est ainsi que nous avons procédé et nous avons très bien réussi pour cette raison. C'est pourquoi on sollicite notre aide. Notre approche consiste à envoyer sur place des personnes qui expliquent comment on procède au Canada en précisant aux intéressés qu'ils ne doivent pas nécessairement procéder de la même façon, que d'autres façons de procéder sont possibles et que nous en avons d'ailleurs examiné d'autres. Nous les mettons au courant des erreurs que nous avons commises et des solutions que nous avons envisagées. Nous adoptons donc une approche plus neutre et plus objective en matière d'assistance technique, surtout en ce qui concerne l'élaboration de politiques et la législation, sujets plus délicats lorsqu'on a affaire à un autre État souverain.
Ces pays apprécient cette approche; c'est ce que plusieurs années d'expérience nous ont permis de constater. Ils nous considèrent généralement comme peu menaçants et nos conseils en matière d'assistance technique sont très bien accueillis en raison de la bonne réputation que nous avons acquise grâce aux nombreuses personnes qui sont allées sur place pour mettre les projets en oeuvre.
Vous avez posé la question suivante en ce qui concerne la société civile: pourquoi les Russes voudraient-ils que nous allions former ce que vous appelez des agitateurs. Le président Poutine a dit à l'occasion d'une récente rencontre avec les dirigeants de plusieurs groupes de la société civile et de représentants de diverses ONG que le gouvernement entamait un dialogue avec les citoyens. Sa façon de procéder est peut-être maintenant institu tionnalisée mais je pense que le président Poutine reconnaît que de nombreux pays consultent le peuple de façon structurée et civilisée depuis de nombreuses années. Il voit que ces pays prospèrent et obtiennent de bons résultats.
Je pense que la Russie, tout comme l'Ukraine, a le profond désir de faire partie de la grande famille euro-atlantique qui regroupe les pays du monde démocratique et développé. C'est dans cette direction que les Russes et les Ukrainiens estiment que leur système doit évoluer. Ils en sont encore aux premiers stades de développement. Je ne pense pas qu'ils nous soupçonnent de vouloir former des agitateurs et ils reconnaissent que la société civile a sa raison d'être. Ils ne savent pas encore très bien comment définir ce rôle mais ils ont tendance à reconnaître avec prudence que le dialogue doit s'élargir et que ces groupes doivent être organisés, éduqués et acquérir un certain sens des responsabi lités.
Le sénateur Carney: On aurait peut-être des leçons à apprendre d'eux, quand on évalue nos progrès.
Étant donné que les dépenses du Canada dans ce domaine sont très limitées et que l'objectif est la stabilité et la sécurité, pourquoi ne serait-il pas préférable d'investir tous les fonds disponibles dans la sûreté nucléaire et dans la centrale de Tchernobyl au lieu d'investir aussi dans ces domaines à caractère culturel? En ce qui concerne notre sécurité et notre stabilité, je préférerais que l'on investisse nos fonds dans la sûreté nucléaire en Russie que dans la promotion de l'égalité des sexes en Ukraine.
M. Daniel: Je ne peux pas faire ce genre de choix parce que ce sont deux cas très différents.
Le sénateur Carney: L'ACDI a toujours servi les intérêts du Canada. Je fais du pragmatisme.
Je ne m'oppose nullement à ce que l'on investisse dans la promotion de l'égalité des sexes. Je me demande bien pourquoi, étant donné que les objectifs sont la sécurité et la stabilité, y compris pour nous, et que notre budget est restreint, nous ne consacrons pas, dans notre propre intérêt, ces fonds à Tchernobyl ou à la sûreté nucléaire, où les montants dont nous disposons pourraient faire une différence.
M. Daniel: La Russie serait un pays beaucoup plus stable et plus sûr s'il était doté d'un régime démocratique pluraliste, d'une économie de marché et d'un système judiciaire transparent. Si la Russie appliquait les règles que nous connaissons et était un partenaire à part entière de toutes les institutions occidentales, elle deviendrait un citoyen du monde beaucoup plus responsable. Elle possède un arsenal impressionnant et bien que toutes ces armes représentent un danger permanent, la crainte qu'elles inspirent serait probablement considérablement réduite. Si la Russie était considérée comme un autre grand pays européen, ses armes nous préoccuperaient beaucoup moins.
Même si nous investissions tous les fonds disponibles dans la sûreté nucléaire, notre participation ne représenterait que 5 p. 100 du budget total actuel. C'est un effort collectif des membres du G-7. Ce ne sont pas des décisions qui sont prises par l'ACDI. Ces décisions sont prises au cours des assemblées du G7 ou du G-8. On évalue notre pourcentage de participation qui fluctue entre 2 p. 100 et 4 p. 100. C'est ce que nous payons. Les décisions concernant ces programmes sont prises dans une assemblée multilatérale où l'on est d'ailleurs en train de discuter de l'évolution du programme au cours des prochaines années. On entreprendra d'autres projets auxquels notre quote-part sera évaluée et nous n'aurons qu'à préparer nos chèques pour payer nos factures.
Le sénateur Carney: Je ne suis pas en mesure de contester vos affirmations mais c'est une discussion très instructive.
[Français]
Le sénateur Setlakwe: Vous avez parlé d'un environnement favorable à la réforme et la réforme du système juridique m'intéresse particulièrement.
Vous avez mentionné la contribution de l'Université McGill. Je sais que le commissaire à la magistrature a fait plusieurs excursions dans les pays de l'Est. Est-ce que cela a été fait indépendamment ou en collaboration avec l'ACDI? Est-ce financé séparément?
[Traduction]
M. Ward: C'est exact. Nous participons à plusieurs autres projets législatifs de nature juridique et judiciaire en Russie et en Ukraine et c'est par conséquent un domaine où notre participation est considérable. J'ignore si nous avons participé au financement de cette initiative.
M. Daniel: Nous n'avons pas financé les déplacements des juges. Nous ne finançons pas les juges. Vous savez très bien que ce n'est pas le cas. Ils ont leur propre système de financement.
Le sénateur Setlakwe: A-t-on fait une évaluation du taux de réussite ou d'échec en matière de formation ou d'aide aux juges en Ukraine ou en Russie?
M. Ward: Je crois que nous avons atteint un taux de réussite assez élevé. Cependant, il nous reste encore beaucoup à faire. Au cours de mon dernier voyage, on m'a dit que, comme pour la plupart des projets, il faut faire une distinction entre la jeune et la vieille génération. Les membres de la vieille génération ont des habitudes bien ancrées et par conséquent, il faut agir par le biais du système éducatif et former de nouveaux juges. Lorsque ces jeunes auront terminé leurs études, ils seront capables de s'adapter au nouvel environnement.
Il paraît cependant que notre aide est très appréciée. Un de mes collègues vient de me signaler que nous avons participé au financement d'un projet concernant la réforme du code civil russe, avec le concours de l'Université McGill.
Le sénateur Setlakwe: Un système judiciaire efficace est indispensable au bon fonctionnement d'une société civile.
[Français]
M. Daniel: Il y a aussi un projet en Ukraine où, en collaboration avec la Chambre des notaires du Québec, nous avons fourni une assistance technique et aidé à la formation d'une chambre des notaires. Les gens qui étaient en formation ont organisé la Chambre des notaires et ont développé le notariat.
Le sénateur Setlakwe: Le notariat existait déjà?
M. Daniel: Oui, il existait déjà, mais le Code civil a changé. Il a été modernisé conformément aux normes que nous connaissons ici et, surtout, il y a certains domaines qui n'existaient pas. Par exemple, il n'y avait pas de propriétés privées auparavant. Maintenant, il y aura un marché de l'immobilier et une expansion de la demande des services de notariat.
[Traduction]
Le président: Je rappelle à mes collègues que M. Solomon a fait un témoignage très fouillé sur le projet judiciaire le printemps dernier. Je tenais à signaler que nous avons déjà examiné la question.
Le sénateur Carney: Je voudrais que vous précisiez de quel code civil il s'agit. Au Canada, il y a le système québécois, le Code Napoléon, et le système britannique.
M. Daniel: Je parle du système québécois, sénateur.
Le président: La Louisiane a un code.
M. Daniel: Je parle du Code civil du Québec.
Le sénateur Setlakwe: Je rappelle au président que je n'étais pas ici le printemps dernier.
Le président: Je comprends. Je tenais simplement à signaler que nous faisons nos devoirs.
M. Daniel: En Russie, la structure de la pratique du droit est analogue à ce qui se fait au Québec; elle n'est pas complètement identique mais analogue.
Le président: J'aurais une toute petite question à poser. Vous avez dit au début de la discussion que notre contribution à ce projet d'aide en Russie et en Ukraine était minime. Je pense que vous avez dit qu'elle était d'un peu moins de 1 p. 100.
M. Daniel: Un tiers de pour cent de l'aide totale pour la Russie et l'Ukraine.
Le président: Pourriez-vous dire quels sont les principaux donateurs importants et quel est le plus important?
M. Daniel: Les principaux donateurs sont les institutions financières internationales et la Communauté européenne, puis les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni.
Parlez-vous des principaux donateurs en général ou des principaux donateurs en ce qui concerne l'Ukraine ou la Russie?
Le président: Je voudrais le chiffre correspondant au tiers de pour cent du Canada.
M. Daniel: Les principaux donateurs sont la Banque mondiale, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), l'Agence des États-Unis pour le développement interna tional (USAID) et l'Union européenne. L'Union européenne est le donateur le plus important.
Le président: Est-ce que l'Allemagne est comprise dans l'Union européenne?
M. Daniel: Oui, mais elle a en outre établi des programmes d'aide bilatérale. Tous les pays membres de l'Union européenne ont d'ailleurs établi des programmes d'aide bilatérale. En plus de sa contribution à la caisse commune de l'Union européenne, l'Allemagne a instauré des programmes bilatéraux.
Le président: Peut-on dire par conséquent que la contribution de l'Allemagne est considérable?
M. Daniel: Oui. L'équivalent allemand de l'ACDI est le GTZ.
Le sénateur Bolduc: Comment vos activités, celles de la Banque mondiale et celles de tous les autres participants sont-elles coordonnées? J'ai regardé le tableau que vous nous avez remis au sujet de l'Ukraine. J'ai remarqué que l'on y retrouve les mêmes secteurs d'intervention. Cela m'intrigue beaucoup. Par exemple, si l'Union européenne a un projet de transition au régime démocratique et que les États-Unis parlent de démocratie et de gouvernance alors que le Royaume-Uni parle de bonne gouvernance, les chevauchements doivent en fin de compte être nombreux. Cela m'intrigue.
J'ai travaillé pour la Banque mondiale en Afrique. J'y ai fait 12 séjours pour étudier les finances publiques. Au cours de mes voyages qui m'ont mené du Cameroun au Sénégal jusqu'en Égypte, j'ai fait beaucoup de constatations qui m'ont fait changer d'opinion au sujet des programmes d'aide extérieure. J'ai vu par exemple des moissonneuses-batteuses abandonnées dans un champ alors que dans un champ voisin, j'ai vu des pièces de tracteurs qui auraient permis de les réparer.
Bien entendu, c'est différent s'il s'agit d'un projet intellectuel axé sur la formation. Je peux comprendre s'il s'agit de donner des cours de formation à un groupe de personnes en ce qui concerne la common law, le droit civil ou les régimes politiques, par exemple.
Je dois dire que, personnellement, je n'ai pas été impressionné par les résultats d'autres projets de nature plus concrète. Ce n'est pas la faute des représentants de l'ACDI, de l'USAID ou de quelque autre organisme, qui font du mieux qu'ils peuvent. C'est parce que les programmes ne semblaient pas être très efficaces.
M. Daniel: Il serait peut-être utile de préciser d'abord que nous n'entreprenons pas de projets d'immobilisations de quelque sorte que ce soit. Il s'agit uniquement de projets d'assistance technique. Le problème que vous mentionnez est précisément un de nos principaux sujets de préoccupation. Dans le cadre de programma tion pour la Russie et pour l'Ukraine, toute une section est consacrée à une analyse des activités des autres donateurs.
La première question que vous avez posée, et je devrais peut-être y répondre directement, concerne la coordination des activités des donateurs. Elle varie beaucoup, selon le pays et selon la période.
La coordination était très mauvaise. La situation s'améliore en ce qui concerne la Russie et l'Ukraine. Nous avons une meilleure idée de ce que les autres font maintenant qu'il y a quelques années. Nous sommes généralement au courant des activités des institutions financières internationales parce que nous y sommes représentés. Par conséquent, nous pouvons obtenir ce genre de renseignements.
Il faut tenir compte également des donateurs importants. L'Union européenne est celui qui communique le moins de renseignements mais il y a toujours moyen de se renseigner. Dans d'autres pays, il y a des groupes de discussion de donateurs sur le Web; on communique une fois par mois ou toutes les six semaines pour échanger des renseignements.
Pour répondre d'une autre façon, et de façon plus pertinente, à votre question, je dirais qu'en ce qui concerne les activités dont il est question aujourd'hui, dans les cadres de programmation, nous tenons minutieusement compte des activités des autres donateurs.
Vous avez parlé de la gouvernance, qui couvre un champ très large. La gouvernance peut s'appliquer au secteur agricole, au secteur énergétique et à divers autres secteurs. Nous essayons de choisir des secteurs où d'autres donateurs ne sont pas encore actifs. Autrement dit, nous nous assurons que le secteur n'est pas «saturé» en quelque sorte. Ceux que nous choisissons sont des secteurs dans lesquels les pays clients tiennent et sont prêts à faire des progrès. En outre, il s'agit de secteurs où nous avons une expertise particulière à proposer; le fédéralisme est un bel exemple. Très peu de donateurs oeuvrent dans ce domaine en Russie. Je ne dirais pas que ce domaine est notre exclusivité mais nous y occupons une place importante. Nous ne faisons concurrence à personne.
Avant de choisir les secteurs où nous comptons intervenir, nous vérifions minutieusement quels sont les secteurs où les autres donateurs sont déjà à l'oeuvre. Il serait inutile d'entreprendre des projets dans les mêmes secteurs. Il faut choisir des secteurs où la situation évolue, où les pays concernés réclament de l'aide et où les interventions ne sont pas encore trop nombreuses.
Le sénateur Bolduc: J'ai une liste de projets qui sont achevés en Russie. Il y en a 204. Les fonds correspondants sont relativement modestes. Pensez-vous qu'il soit bon de répartir les fonds disponibles sur un grand nombre de projets ou ne serait-il pas préférable d'axer davantage ses efforts sur un objectif bien précis? Cette façon de procéder est peut-être efficace. Je ne la critique pas. Elle est peut-être due au fait que le choix est très étendu.
Beaucoup de projets concernent la gestion, notamment la formation et la gestion.
C'est peut-être très bien mais qu'en pensez-vous?
M. Daniel: Je peux citer un exemple plus frappant concernant une autre région. À la suite des événements au Kosovo, nous avons mis sur pied un vaste programme dans les Balkans. Nous avions une centaine de projets en cours dans les pays du sud des Balkans. Maintenant, il n'y en plus qu'une cinquantaine. Dans le courant de l'année prochaine, le nombre de projets sera réduit à une vingtaine. Nous concentrerons nos efforts sur quelques secteurs très précis dans lesquels nous aurons quelque influence si nous faisons preuve de ténacité.
Le sénateur Bolduc: Je voudrais que l'on parle aussi des personnes qui offrent leurs services professionnels à l'ACDI. Je présume que certaines personnes ont établi ce que je qualifierais de relations plus intimes avec votre bureau.
M. Daniel: J'ai dit qu'il y avait une quarantaine ou une cinquantaine de projets dans 11 secteurs différents ou qui pouvaient être répartis en 11 secteurs thématiques; je signale que nous sommes déterminés à concentrer nos interventions dans quatre ou cinq secteurs au lieu de 11. Le nombre de projets diminuera probablement aussi.
En outre, même si la Russie et l'Ukraine sont les deux principaux pays visés dans notre programme, celui-ci concerne également d'autres pays. Nous essayons d'établir une programma tion qui couvrirait toute la région. Cela nous permettrait d'améliorer notre rendement en matière d'administration, de surveillance et d'évaluation. Nous pourrions également répartir les coûts sur un plus grand nombre de pays en ce qui concerne les programmes similaires. Nous étudions de plus en plus la question dans certains domaines. Par exemple, nous avons entrepris un projet dans le cadre duquel nous aidons la Russie à devenir membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Nous avons entrepris un projet analogue en Géorgie, en Ukraine et en Arménie. Il y a un message. Nous enregistrons les messages et nous essayons d'éviter d'entreprendre le même type de projet plus tard dans un autre pays. Nous considérons cela comme un secteur thématique nous offrant la possibilité de mettre le projet en oeuvre dans toute la région.
Le sénateur Bolduc: Pendant que vous faites tous ces efforts, les Chinois ont fait probablement des efforts analogues puisqu'ils ont réussi à convaincre les Américains de leur permettre de faire partie de l'OMC après des négociations qui ont duré 15 ans. Je suppose qu'ils sont sur le point d'en devenir membres.
M. Daniel: Ils peuvent parler de leur expérience récente, je présume.
Le sénateur De Bané: Je voudrais des éclaircissements sur un point. Le document, intitulé «Stratégie de programmation de l'ACDI en Ukraine», contient une annexe A et une annexe B. L'annexe A est la liste des projets que vous refusez de financer en Ukraine et l'annexe B est celle des projets que vous financerez.
À la page 15, vous dites que vous refusez de financer des projets de jumelage. Dans l'annexe B, vous dites que le programme Renaissance de l'Europe de l'Est est un programme de financement de la création de coentreprises. Quarante-trois entreprises canadiennes ont notamment reçu de l'aide dans le cadre de ce programme.
Quelle est la différence entre les projets de jumelage que vous refusez de financer et les coentreprises que vous financez?
M. Ward: Il y a des années, l'ACDI a notamment financé des projets de jumelage entre la Ville de Hamilton et Moscou, par exemple, ou entre diverses autres villes; les administrations de ces villes ont notamment discuté de gestion du réseau d'aqueduc ou de structure du régime fiscal.
Le président: Ces pays ne tiennent pas à savoir comment nous gérons notre réseau d'aqueduc.
M. Ward: Pas en ce qui concerne certaines régions de notre pays, en tout cas.
C'est ce qu'on entend à mon avis par jumelage; il y a jumelage lorsqu'une institution russe ou ukrainienne est jumelée avec une institution canadienne. Comme l'a signalé M. Daniel, la plupart de nos projets ont été sélectionnés d'après les propositions que nous avions reçues d'institutions ou d'ONG canadiennes. Ce sont elles qui identifiaient les besoins en discutant avec leurs partenaires. En fait, elles nous disent ce que veulent leurs partenaires. Nous ne finançons pas un jumelage en réalité. Ce que nous finançons, c'est un projet que les partenaires ont choisi conjointement et au financement duquel ils contribuent; nous décidons alors si nous leur apporterons notre contribution.
Le sénateur Graham: Vous avez répondu à la question du sénateur Corbin sur les projets qui marchent comme sur des roulettes. Vous pourriez peut-être parler de quelques échecs. Vous avez parlé des fermes modèles, si j'ai bonne mémoire. Je ne sais pas si vous vouliez dire que ce type de projet était un échec.
D'après la liste des projets en cours, dans le secteur de l'agriculture, il y a des projets concernant le bétail, le Réseau d'information agricole russe, la formation sur la qualité et les normes relatives aux grains, la gestion agricole et le télé- enseignement.
Un des témoignages intéressants que nous avons entendus est celui d'un de nos ex-collègues, le sénateur Tunney, qui est producteur laitier en Ontario. Vous savez peut-être qu'il fait un voyage en Russie une fois par an et qu'il emporte notamment des antibiotiques et autres produits dans ses bagages.
M. Ward: Il va en Ukraine.
Le président: Je crois qu'il nous a dit qu'il allait dans les deux pays.
Le sénateur Graham: Quoi qu'il en soit, je pense qu'un des exemples qu'il a cités était assez frappant. Il a dit qu'en Russie et en Ukraine, une vache laitière produit en moyenne de trois à cinq livres de lait par jour. Les vaches de son exploitation produisent de 75 à 80 livres de lait par jour. C'est le témoignage le plus frappant que nous ayons entendu. Pouvez-vous nous dire si vous avez essayé de créer des fermes modèles? Je crois que c'est une des méthodes les plus rapides pour aider concrètement la Russie et l'Ukraine.
M. Daniel: Je n'ai rien contre les fermes modèles. Cependant, même si l'on arrivait à porter la production laitière quotidienne à 75 ou 80 livres par vache, les camions nécessaires pour en assurer le transport ne seraient pas là. Le réseau de distribution n'est pas là. Aucune politique de mise en marché du lait n'a été adoptée. Toute la chaîne de distribution fait défaut.
Le président: Je pense que c'est ce qu'à dit le sénateur Tunney.
M. Daniel: C'est là le problème. Les politiques agricoles fondamentales sont inexistantes. Aucun système de privatisation et de cadastrage des terres n'est en place et les agriculteurs n'ont pas la possibilité d'emprunter en mettant leurs terres en garantie ni de trouver des capitaux pour améliorer leur exploitation agricole et leurs troupeaux. Une ferme modèle serait inutile tant que les autres éléments ne sont pas en place.
Une ferme modèle est un exemple de projet en aval. Comme les autres donateurs, nous en sommes arrivés à la conclusion que l'environnement porteur doit comprendre au moins quelques éléments de base favorables à la croissance, autrement dit qu'un projet isolé ne serait pas durable. Nous avons établi une ferme modèle avec succès en Pologne parce que l'environnement y est, comme vous le savez probablement, très différent. Le marché y a progressé à un rythme très rapide par rapport à d'autres pays situés plus à l'est. Des agriculteurs de toutes les régions de la Pologne l'ont visitée et la politique agricole a été modifiée en conséquence.
En Ukraine, le processus de réforme agricole est à peine amorcé. Nous pensons que les Ukrainiens tiennent beaucoup à cette réforme. De hauts responsables ukrainiens nous ont souvent demandé de l'aide pour mettre en place l'infrastructure générale nécessaire à la réforme agricole. Lorsque cette infrastructure sera établie, j'envisagerai volontiers un projet de création de ferme modèle et d'autres projets semblables. Ce serait un gaspillage d'argent tant que l'environnement n'aura pas changé.
Le sénateur Graham: J'ai l'impression que vous vous avouez battus à cause des autres éléments. D'après vous, si la production quotidienne de lait des vaches atteignait 80 livres, tout ce lait ne pourrait pas être acheminé vers le marché en raison des carences en matière de transport. Cette réflexion a un rapport direct avec les commentaires du sénateur Bolduc sur les chevauchements. Y a-t-il par exemple coopération entre l'ACDI et l'USAID? Les pays donateurs collaborent-ils en ce qui concerne les divers éléments? Je suis sûr que vous collaborez dans certains secteurs.
Comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure, le nombre de projets utiles est très élevé mais il serait peut-être bon de concentrer ses efforts dans quelques secteurs précis avec le concours d'autres pays et d'autres organismes. Les chiffres cités par le sénateur Tunney sont très frappants. Je ne voudrais pas devoir renoncer à un projet à cause de l'absence de possibilités de transport du lait vers le marché. Il est certainement possible de trouver des solutions.
M. Ward: Lors d'un voyage en Russie et en Ukraine que j'ai fait il y a environ un an, nous avons visité une ferme modèle. L'exploitation agricole que nous avons visitée était dotée d'une infrastructure impressionnante pour ce qui est des étables et de l'équipement de production de fabrication locale. Et, tout comme dans l'anecdote rapportée par le sénateur Bolduc, la plupart de ces machines étaient en panne. L'élevage laitier était assez rentable avec un petit troupeau. Il répondait assez bien aux besoins des intéressés. Cependant, cette exploitation, qui avait déjà produit plus de 30 000 cochons par an n'en produisait plus du tout.
Quand nous avons posé des questions à ce sujet, on nous a dit que c'était peu rentable en raison des coûts d'exploitation et de la difficulté d'accès aux intrants. La viande de porc était importée du Canada et de divers autres pays alors qu'on avait abandonné la production du porc. C'est le genre d'inconséquence que l'on constate sur le marché. En Russie, on essaie de résoudre ces problèmes étant donné que les Russes connaissent de mieux en mieux les rouages de l'économie de marché et qu'ils sont de plus en plus capables de s'y adapter.
Des changements se produisent mais nous devons décider comment nous pouvons avoir le plus d'influence sur le système à un moment précis.
Nous avons reconnu qu'il fallait concentrer davantage nos efforts. Nos ressources sont réparties sur un trop grand nombre de projets. Comme l'a dit M. Daniel, nous concentrerons davantage nos efforts dans certains secteurs dans le cadre de la prochaine stratégie.
Nous avons apporté des listes à jour de projets en ce qui concerne la Russie et l'Ukraine. La nouvelle stratégie en Ukraine est affichée sur notre site Web. La nouvelle stratégie en Russie sera publiée dans quelques mois.
Le sénateur Corbin: Je voudrais aborder le problème des sous-marins nucléaires qui sont en train de rouiller et des autres bâtiments flottants qu'on laisse couler dans les ports, dans plusieurs régions.
J'en ai parlé à un porte-parole du ministère des Affaires étrangères au tout début de cette série d'audiences. On nous a dit qu'actuellement, la priorité est accordée à Tchernobyl et que l'on peut attendre en ce qui concerne les sous-marins, même s'ils ont des fuites, qu'il s'agisse de radiations ou d'autres substances. Il ne faut toutefois pas oublier que les sous-marins sillonnent les eaux territoriales communes de l'Arctique.
Ce dossier a-t-il changé? A-t-on sollicité l'aide du Canada et, dans l'affirmative, possédons-nous les compétences nécessaires dans ce domaine? Nous réveillerons-nous un beau matin pour apprendre que les eaux arctiques canadiennes sont contaminées par des radiations? Vous souriez. Je ne sais pas si vous y accordez de l'importance ou non. Où en est-on dans ce domaine? Vous pourriez peut-être en parler ou dire que cette question ne vous préoccupe pas. Quelle est la situation?
M. Daniel: C'est une question qui nous préoccupe beaucoup. Elle est au programme du G-7-G-8. Elle est donc actuellement à l'étude. Des décisions sont imminentes. J'ai parlé des projets en cours dans le domaine de la sûreté nucléaire. C'est une question multilatérale et nous payons notre quote-part lorsqu'un program me a été établi. Ce sont des décisions multilatérales. Une certaine somme est prévue au budget pour le nettoyage et nous devons fournir notre quote-part. Nous faisons intervenir parfois en outre notre expertise.
Le problème ne se limite pas aux sous-marins. Il concerne également les bases militaires et divers autres problèmes qui sont examinés en bloc dans le cadre des discussions actuelles du G-7-G-8. Les pays membres porteront leur attention sur ce problème pendant un an ou deux dans le but de présenter un programme qui permettra de le régler.
Le sénateur Corbin: Pourquoi l'ACDI joue-t-elle le rôle de banquier auprès du G-7 dans ces cas-là? Pourquoi ce rôle n'est-il pas rempli par quelque autre organisme gouvernemental? Votre rôle se borne à faire le chèque. Les décisions sont prises ailleurs. Pourquoi participez-vous?
M. Daniel: Cela faisait partie du programme dont nous avons hérité du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. En outre, le gouvernement considère que cela fait partie de l'enveloppe de l'aide internationale et notre contribution vient de cette enveloppe. Nous avons des engagements jusqu'en 2006. Il s'agit des 6 millions de dollars dont j'ai parlé dans mon exposé. Il est possible que l'on prenne, dans diverses tribunes multilatérales, et plus particulièrement au G-7-G-8, d'autres décisions qui nous obligeraient à verser une quote-part supplémentaire pendant un certain temps pour financer les autres nettoyages.
Je signale qu'il s'agit de centrales nucléaires civiles et de régimes de réglementation et de sécurité pour des installations nucléaires civiles. La question du nettoyage des bases, des sous-marins et autres établissements analogues dont vous avez parlé n'a pas encore été réglée.
Le président: En ce qui concerne l'agriculture, je vous rappelle qu'en Pologne, elle n'était nationalisée que dans les grands domaines prussiens. Lorsqu'on parcourt la Pologne, on voit de vastes exploitations autrefois prussiennes où l'on utilise d'énor mes moissonneuses-batteuses russes plutôt vétustes. Bien entendu, la situation y est très différente de ce qu'elle est en Ukraine et en Russie.
Merci beaucoup. C'était très intéressant.
La séance est levée.