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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 20 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 11 juin 2001

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 08 pour examiner l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie tous d'avoir pris le temps de venir vous joindre à nous ce matin.

Nous accueillons un groupe de témoins du ministère allemand de la Santé, qui nous parlera au moyen de la vidéoconférence. Je demanderai au premier témoin de commencer. Il serait utile que chacun de vous nous donniez un bref aperçu du système allemand. Nous vous poserons ensuite nos questions et tenterons de vous expliquer les questions qui nous intéressent le plus.

M. Georg Baum, directeur général, chef du conseil d'administration, Soins de santé, ministère de la Santé de l'Allemagne: Nous sommes honorés qu'on nous demande de vous faire part de notre expérience au sujet de la réforme des soins de santé en Allemagne. Cette réforme est en cours dans notre pays depuis la fin des années 80. Depuis lors, nous avons présenté cinq lois majeures. Je vais vous en donner un bref aperçu.

Vous savez peut-être que le système de soins de santé légalement constitué en Allemagne fait partie du système de sécurité sociale de notre pays. Il fonctionne selon le même principe que le régime de pension et le régime d'assurance- chômage. C'est donc dire que son financement se fait avec des cotisations. Les taux de cotisation sont partagés en parts égales entre les employés et les employeurs. Lorsqu'une personne prend sa retraite, sa cotisation est versée par le régime de pension.

Notre système se finance sans les impôts. Il fonctionne avec des cotisations. C'est là un point très important. C'est un système légiféré, mais il n'est pas exploité par le gouvernement. En ce sens, il diffère du régime de soins de santé national typique.

Ce système est financé par les caisses-maladie. Celles-ci ne sont pas exploitées par le gouvernement. Elles sont exploitées par des entreprises privées. Je les décrirais comme des institutions sans but lucratif qui fonctionnent sous le régime d'une loi fédérale, mais ont leur propre taux de cotisation. À l'heure actuelle, on compte dans le système quelques 400 caisses-maladie, mais ce chiffre peut paraître assez exagéré du fait que nous avons plusieurs types spéciaux de caisses-maladie.

L'une de ces caisses est financée par l'entreprise. Comme nous avons plusieurs types d'industries, comme l'assurance ou les services bancaires, ce sont ces entreprises qui possèdent bon nombre de caisses-maladie.

Il existe plusieurs types de caisses-maladie. Elles sont organisées par région dans chaque État fédéré de l'Allemagne. Nous avons six caisses-maladie régionales. Il y a des caisses- maladie dans le secteur des entreprises artisanales, et il y en a d'autres pour chaque division historique plus petite de la main-d'oeuvre, dans les secteurs des cols bleus et des cols blancs.

Si vous répartissez les caisses-maladie selon les types, vous constaterez qu'il y en a sept. L'un est responsable des gens du secteur de l'agriculture, et il est de petite taille, tandis qu'un autre est responsable des travailleurs miniers. Lui aussi est de petite taille. Nous avons 400 caisses-maladie et 400 taux de cotisation, mais ces taux de cotisation donnent accès aux mêmes avantages.

Ces caisses-maladie doivent protéger les personnes assurées. Les prestations sont les mêmes. Par conséquent, les taux de cotisation de chaque caisse-maladie sont assez semblables. Cependant, ils sont évidemment un peu différents, et nous observons une concurrence entre les caisses-maladie parce que les assurés qui y ont accès peuvent choisir celle qui leur convient. Par exemple, un col blanc peut être assuré par une caisse-maladie d'entreprise si celle-ci est ouverte au public, ou un travailleur peut être assuré par une caisse réservée aux cols blancs. Par conséquent, les caisses-maladie se font concurrence pour assurer les gens.

Environ 90 p. 100 de la population est assurée par l'une de ces caisses du système de soins de santé fédéral, tandis que 10 p. 100 de la population jouit d'une protection privée. Les travailleurs doivent contribuer à la caisse-maladie publique jusqu'à concurrence d'un revenu qui se situe pour l'instant à environ 6 500 marks par mois. Nous avons aussi un plafond de revenu pour les cotisations à la caisse-maladie, et ce plafond sert également à déterminer quelles personnes doivent cotiser à la caisse-maladie. Si les travailleurs gagnent plus de 6 500 marks, ils peuvent choisir de sortir du régime et de se procurer une assurance ou non. Évidemment, la plupart choisissent une assurance privée. De plus, les membres du personnel du ministère obtiennent une protection du secteur privé, et il y a un régime spécial dans le secteur de la fonction publique.

La caisse-maladie procure une protection à quelque 90 p. 100 de la population visée par le système de soins de santé. Les personnes y reçoivent un très vaste éventail de prestations. Pour simplifier les choses, disons que quiconque est malade peut recouvrer la santé, grâce à toutes les prestations accessibles du régime d'assurance sans devoir obtenir une assurance supplémentaire. Le régime procure aux malades tout ce dont ils ont besoin. Nous ne disposons que d'un petit nombre d'ententes de quotes-parts, qui ne sont pas élevées et qui sont comblées par des mesures sociales connexes. Évidemment, les démunis sont exemptés du système de quotes-parts.

En Allemagne, les citoyens ont accès à tous les genres de prestations auxquelles on peut s'attendre de la part d'un régime, par exemple le traitement à l'hôpital, le traitement en clinique externe, les médicaments courants et les médicaments de pointe si, par exemple, une personne a besoin d'une transplantation. Tous ces avantages sont couverts par le système de soins de santé fédéral. Nous consacrons beaucoup d'argent au système. À l'heure actuelle, les caisses-maladie financent un budget de quelque 260 milliards de marks au moyen des cotisations. Comme toutes les autres caisses-maladie du monde occidental, les nôtres n'échappent pas au problème inhérent aux progrès médicaux et à ceux qui se feront jour avec le développement de la démocratie.

Si vous me le permettez, je ferai quelques remarques au sujet du système qui préside à l'offre. Je le répète, le système fonctionne à l'écart du gouvernement. C'est donc dire que l'offre est principalement organisée par le secteur privé, par des entités privées. Le médecin qui travaille en clinique externe facture. Les pharmacologistes facturent eux aussi. Cependant, les hôpitaux sont exploités soit par les collectivités locales, soit par l'État. Par exemple, les hôpitaux universitaires sont exploités par l'État. L'Allemagne compte 36 écoles de médecine qui consistent en hôpitaux universitaires exploités par l'État.

Environ le tiers des hôpitaux est exploité par l'État. Un peu plus du tiers est exploité par des établissements d'aide sociale comme la Croix-Rouge, ou les Églises catholiques ou protestantes. Nous avons ensuite un quota d'hôpitaux privés qui sont exploités par des entreprises privées. Ce dernier secteur est en expansion et devrait continuer à croître dans l'avenir.

Tous ces organismes qui fournissent des soins de santé aux gens qui y ont droit sont liés par contrat au fonds de sécurité sociale en vertu d'une loi-cadre fédérale. Par exemple, il y a des contrats entre les médecins des panels et les caisses-maladie à l'échelle de la fédération et à celle des États.

En raison du mode de financement de nos hôpitaux, nous pouvons utiliser des contrats pour limiter les coûts. Le budget de chaque hôpital doit être négocié par la direction de l'hôpital et celle de la caisse-maladie, et ce budget ne peut augmenter chaque année qu'au même rythme que le salaire national. En établissant de telles règles, nous tentons de renforcer le régime par une loi fédérale, mais toutes les grandes décisions au sujet de la façon dont le financement cadre sera utilisé sont négociées entre les responsables des caisses-maladie et, la plupart du temps, les associations de fournisseurs.

Nous qualifions ce système de «système auto-administré» ou de «système de régie autonome». Une loi fédérale n'établit que le cadre. Nous pourrons discuter davantage de notre système et de nos succès passés en fonction des questions que vous allez nous poser, parce que les enjeux ont souvent un lien avec les instruments de limitation des coûts, le budget, l'assurance de la qualité, et ainsi de suite.

Dre Margot Faelker, directrice adjointe, Section des questions financières relatives à l'assurance-santé réglementaire, ministère de la Santé de l'Allemagne: M. Baum vous a donné les principaux points du cadre et de la façon dont le système fonctionne. On pourra maintenant s'en servir pour répondre à vos questions.

Le président: Je comprends la façon dont fonctionnent les caisses-maladie, mais quel est le rôle de l'assurance privée? Pourquoi les gens achèteraient-ils de l'assurance privée s'ils peuvent cotiser à la caisse-maladie par l'entremise de leur employeur? Quel rôle joue le secteur de l'assurance privée dans ce domaine?

M. Baum: Dans les pays européens et en Allemagne, les compagnies d'assurance privée jouent un rôle important, parce qu'elles offrent une protection complète. Comme 10 p. 100 de la population adhèrent au régime privé, les gens le comparent à celui d'autres pays européens. Un contrat d'assurance privé vous permet de choisir les avantages que vous voulez assurer. La plupart des personnes qui gagnent plus de 6 500 marks adhèrent volontairement au régime privé. Ils peuvent acheter un forfait d'assurance comparable à ce qu'offre le système de soins de santé fédéral.

Dre Faelker: L'assurance-maladie gouvernementale protège 90 p. 100 de la population. Le système privé ne protège que 10 p. 100 de la population. Comme vous l'a expliqué M. Baum en vous donnant un aperçu de la structure, les gens peuvent décider d'adhérer au système privé dès que leur revenu atteint un seuil limite de 6 500 marks.

Si vous souhaitez évaluer la pertinence de l'assurance-maladie privée, il vous fait tenir compte du fait que la plupart des gens sont assurés par le système d'assurance-maladie gouvernementale. Il y a de différences en ce qui concerne les avantages offerts. Si vous choisissez d'adhérer à une assurance-maladie privée, vous devez choisir un certain ensemble d'avantages. Si vous adhérez à l'assurance-maladie gouvernementale, vous avez accès à un éventail complet d'avantages que tous les fonds d'assurance- maladie offrent.

Le président: Pourquoi une personne préférerait-elle le système privé au régime des caisses-maladie? Quel intérêt aurait une personne dont le revenu est élevé à adhérer au système privé?

M. Baum: C'est une décision personnelle. Le taux de cotisation du système d'assurance privée est calculé selon le risque de chacun. La plupart des diplomés d'université qui occupent un emploi dans leur secteur d'étude atteignent le seuil du revenu élevé quelques années après avoir obtenu leur diplôme. Comme le taux de cotisation est calculé en fonction du risque de chacun, le régime d'assurance privée offre à ces jeunes un très bon prix au départ, comparativement au taux de cotisation qu'ils doivent verser s'ils adhèrent au système de soins de santé fédéral. Si vos gains atteignent le plafond, vous devrez évidemment verser les taux de cotisation les plus élevés. Pour les jeunes, la décision est de nature économique. Cependant, tous les jeunes ne quittent pas le système de soins de santé fédéral, parce qu'ils savent qu'il pourrait leur être très difficile de le réintégrer.

Comme le taux de cotisation du régime d'assurance privé est calculé en fonction du risque de chacun, seul le risque individuel est assuré. Dans le système de soins de santé fédéral, le risque de toute la famille est assuré. Dans les familles où l'un des partenaires demeure à la maison pour s'occuper des enfants, chaque enfant est assuré sans cotisation supplémentaire au système de soins de santé. Par conséquent, les couples doivent faire leur calcul d'une, deux ou dix années, parce qu'ils doivent prendre une décision qui aura des effets toute leur vie durant. Il y a de bonnes raisons pour continuer d'adhérer au système de soins de santé fédéral.

Le président: Ce n'est donc pas une décision qu'une personne pourrait prendre à l'âge de 25 ans pour changer d'idée facilement à l'âge de 50 ans?

M. Baum: C'était facile de le faire dans le passé, mais nous avons bouché les trous de la loi. Dans certaines conditions, une personne peut redevenir admissible au système de soins de santé fédéral. Cependant, ce n'est pas facile.

Le président: J'ai une dernière question au sujet du système de soins de santé privé. D'après ce que je comprends, les médecins touchent une rémunération plus grande s'ils exécutent un acte pour une personne qui a une assurance privée que pour une personne qui adhère à une caisse-maladie. Est-ce exact? Si c'est le cas, est-ce à dire que le système privé accorde automatiquement un traitement préférentiel à ses clients - au chapitre de la rapidité et de la qualité des services - parce que le médecin veut faire plus d'argent?

M. Baum: Selon moi, les services médicaux offerts ne diffèrent pas selon que la personne est assurée par le système de sécurité sociale ou par le secteur privé. Le prix payé pour les médicaments est différent. Les personnes qui adhèrent au système privé ont accès à un guide spécial concernant les honoraires, qui a été établi par le ministère. C'est nous qui avons la responsabilité d'établir les honoraires exigés dans le système de soins de santé fédéral et qui sont négociés par les responsables des caisses-maladie et les associations de médecins. La différence de prix est de 100 p. 100: si le médecin traite un patient protégé par le système privé, il reçoit le double de la rémunération que lui verserait le système de soins de santé fédéral.

Nous supervisons le système, de sorte que les personnes qui ont une assurance privée ne reçoivent pas des services de meilleure qualité. Le système privé doit se conformer au système fédéral. Certains peuvent se sentir plus à l'aise dans le système privé, mais quand on examine le type de traitement - et particulièrement la médecine de pointe -, on n'observe en réalité aucune différence au chapitre du traitement reçu. Le malade n'a pas à avoir une assurance privée pour recouvrer la santé. Ce n'est pas nécessaire.

Le sénateur Graham: M. Baum, dans vos remarques liminaires, vous avez dit, si je ne me trompe, que le système était financé sans impôt et qu'il était contrôlé par la loi, mais pas exploité par le gouvernement. Est-ce exact?

M. Baum: Oui.

Le sénateur Graham: Votre système est financé sans impôt et est contrôlé par la loi, mais il n'est pas réellement exploité par le gouvernement. Si c'est le cas, comment s'exerce la reddition de comptes des caisses-maladie au gouvernement? Est-ce qu'elles rendent des comptes au gouvernement fédéral, aux Länder, ou aux deux?

M. Baum: Sur ce point, nous avons deux types de caisses- maladie. L'un d'entre eux est formé des caisses-maladie locales, c'est-à-dire de la plupart des caisses-maladie des entreprises. Elles sont supervisées par le gouvernement de l'État - l'État, les Länder. Ces caisses-maladie fédérales sont ce qu'on appelait auparavant les fonds de maladie des cols blancs. Nous parlons maintenant de caisses-maladie nationales. Ces caisses-maladie sont supervisées par un organisme du gouvernement fédéral.

D'une part, il y a le système de surveillance des Länder et, d'autre part, il y a le système de surveillance fédéral. Ces deux systèmes permettent le contrôle des caisses-maladie; il s'agit d'un contrôle à l'échelle locale. Si les responsables veulent augmenter le taux de cotisation, ils doivent en faire la demande. Cette décision est soumise au système de surveillance. Si les assurés n'acceptent pas pleinement les décisions relatives aux prestations, ils peuvent interjeter appel devant ces institutions. En ce sens, elles sont contrôlées.

Le sénateur Graham: Les caisses-maladie peuvent-elles s'endetter ou faire des profits?

M. Baum: Il s'agit d'organismes sans but lucratif. Seules les assurances privées ont un but lucratif.

Le sénateur Graham: Ont-elles le droit de s'endetter?

M. Baum: Oui, mais jusqu'à un certain point. Elles peuvent s'endetter si elles estiment que les revenus vont augmenter au cours de l'année. Nous avons prévu des exceptions à cette règle, que nous avons appliquée lorsque nous avons intégré la partie est du pays. Cependant, la loi stipule que toutes les caisses-maladie doivent maintenir une réserve minimale de un mois et demi de revenu, sans quoi elles s'exposent à des poursuites.

Elles peuvent avoir des dettes pour une brève période, mais si la dette n'est pas réglée au cours de l'année, elles doivent alors augmenter le taux de cotisation. Il s'agit là d'une question intéressante parce que, je le répète, les caisses-maladie se font concurrence. Certaines essaient de ne pas augmenter leur taux de cotisation, mais elles doivent pour cela s'endetter, ce qui amène l'intervention du système de surveillance.

Le sénateur Graham: Si la caisse-maladie fait un profit, peut-il être mis de côté pour parer à de futures dettes?

Dre Faelker: Comme vous l'a dit M. Baum, les caisses- maladie ont le droit et le devoir de maintenir des réserves. Elles doivent, à l'intérieur de leur plan de financement, divulguer aux autorités de contrôle la période requise pour dépenser ces profits. Si ce n'est pas fait après un an, les taux de cotisation doivent être réduits. C'est une question de calcul, des plans financiers des fonds d'assurance et de surveillance par les autorités.

Le sénateur Graham: C'est intéressant. Mon autre question concerne les coûts d'administration. Quelle proportion ou quel pourcentage des dépenses totales en soins de santé en Allemagne est consacré aux frais d'administration, et en quoi cette proportion se compare-t-elle avec celle des autres systèmes de soins de santé européens?

Dre Faelker: La proportion de frais d'administration dans le régime d'assurance-maladie fédéral est très faible. Elle est d'environ 5,6 p. 100 des dépenses en assurance-maladie. Cette proportion n'a pas changé depuis bien des années. Par rapport aux autres pays, les coûts d'administration de notre système sont très faibles. Pour vous donner une comparaison, disons que les régimes d'assurance-maladie privés ont des frais d'administration d'environ 12,5 p. 100.

Le sénateur Morin: Merci beaucoup de votre exposé.

J'aimerais maintenant parler des coûts du système de soins de santé en Allemagne. Les coûts sont plus élevés en Allemagne que dans d'autres pays et ils sont plus élevés qu'au Canada. Ont-ils augmenté au cours des deux dernières années comme ils l'ont fait ici en Amérique du Nord? Pensez-vous qu'ils sont trop élevés?

De plus, j'aimerais poursuivre dans le sens de la question du sénateur Graham. Comme bien d'autres pays, le Canada a un payeur unique, tandis que l'Allemagne en compte une multitude. Il y en a des centaines, sinon plus. Le fait d'avoir de multiples payeurs augmente-t-il les frais d'administration? À nos yeux, 5 p. 100 est un peu élevé comparativement au système privé. Les frais d'administration du système canadien sont inférieurs à 5 p. 100. Je n'ai pas les chiffres avec moi, mais ils se situent autour de 2 p. 100. Le fait d'avoir des payeurs multiples en Allemagne augmente-t-il le total des coûts, ou y a-t-il d'autres facteurs qui expliquent pourquoi les coûts de la santé sont plus élevés en Allemagne que dans d'autres pays européens, au Canada ou en Australie?

Dre Faelker: Il faut souligner que l'ensemble d'avantages couverts par le régime d'assurance gouvernemental est très exhaustif. Comparativement à d'autres pays, il a plus d'envergure. Il offre nombre de traitements aux patients hospitalisés et en clinique externe. Comme M. Baum l'a déjà mentionné, même la médecine de pointe est financée et couverte. Les appareils dentaires, les médicaments, les remèdes, les aides-médicaux, les frais de transport et même les prestations de maladie, tout cela est couvert. Nous avons un important système de réadaptation et même des stations thermales. Rares sont les pays qui ont un tel système, et c'est l'une des raisons qui expliquent pourquoi il coûte si cher.

Par contre, nous savons que certains éléments du système ne sont pas efficients. Le sénateur a raison de dire que le système des payeurs multiples y contribue en partie. Cependant, dans l'ensemble, c'est l'importante panoplie d'avantages qui est selon moi responsable des coûts élevés. Pour que le système soit plus efficient, le conseil consultatif cernera les secteurs où les traitements sont surutilisés, sous-utilisés ou mal utilisés. Le conseil devrait déposer son rapport à la fin de l'année.

M. Baum: Laissez-moi vous donner quelques précisions au sujet du système de payeurs multiples dont vous avez parlé. Les caisses-maladie ne reçoivent pas de cotisation directement de chaque assuré, sauf exception. Le plus souvent, c'est l'employeur qui finance les deux parties. Il s'agit d'une charge sociale qu'assume directement l'entreprise pour la caisse-maladie. Il n'y a pas de relations financières directes avec les assurés pour ce qui touche la cotisation à la caisse-maladie, car seules les personnes qui ne sont pas sur le marché du travail, qui ne sont pas inscrites au régime de pension - comme l'est la vaste majorité dans le système - ont une relation financière directe avec la caisse- maladie. C'est là un élément important du système.

Dr Rudolf Vollmer, directeur général, chef du conseil d'administration, Assurance des soins infirmiers à long terme: Je m'excuse d'être en retard, mais nous avons eu une délégation des bureaux de l'OCDE à Paris.

Il nous faut dissiper l'impression selon laquelle les cotisations ne sont pas payées par les travailleurs. Elles sont déduites par l'employeur. Il importe de souligner que la moitié est déduite du salaire de l'employé. Le système fonctionne selon une méthode de financement par répartition. Les dépenses courantes sont payées par les cotisations courantes. Même si nous avons de multiples caisses d'assurance-maladie, elles appliquent toutes la même loi, de sorte que nous ne pouvons réellement avoir de concurrence en ce qui concerne les services.

Le sénateur Morin: Lorsque je parlais du coût des soins de santé, je parlais du coût total, dans le secteur public comme dans le secteur privé.

Parlons maintenant des hôpitaux privés à but lucratif. D'après ce que je comprends, à l'heure actuelle en Allemagne, un hôpital sur cinq est exploré à des fins lucratives. Ces hôpitaux appartiennent-ils à des entreprises? Sont-ils tenus par la loi d'être des sociétés allemandes ou peuvent-ils être des sociétés européennes, françaises ou britanniques? Est-ce que certains d'entre eux appartiennent à des médecins? Quel type d'actes sont effectués dans ces hôpitaux privés? Y fait-on de la chirurgie cardiaque? Y traite-t-on le cancer? Ou se contente-t-on d'y pratiquer des actes relativement mineurs?

M. Baum: Peu importe si l'on parle d'hôpitaux privés, d'hôpitaux publics ou d'hôpitaux exploités par les régimes d'aide sociale, tous les hôpitaux, qui ont le droit de fournir des traitements à des gens et qui sont assurés par le système de soins de santé gouvernemental, fonctionnent selon les mêmes principes. Qu'ils soient exploités par une société privée ou par le secteur public, si l'hôpital compte parmi les 2 250 hôpitaux qui figurent dans les plans hospitaliers des «Länder», puisque notre système de planification des hôpitaux se fait à cette échelle, il doit avoir un contrat avec la caisse-maladie.

On ne compte peut-être en Allemagne que de 50 à 100 hôpitaux qui fonctionnent selon un mode privé et où les gens qui adhèrent au système de soins de santé gouvernemental ne peuvent être traités. Cependant, les responsables des hôpitaux en Allemagne souhaitent à tout prix établir des contrats au sujet des personnes qui adhèrent au régime de sécurité sociale. Dans notre régime, un hôpital exploité par des intérêts privés est la même chose qu'un hôpital public. Tous offrent le même éventail de programmes. Une partie des hôpitaux universitaires est exploitée par le secteur privé. Nous avons de gros hôpitaux privés qui font de la médecine de pointe pour le traitement du cancer. Pour ce programme, il n'y a pas de différence.

Ce n'est pas la même chose pour le type de programme privé auquel le système de sécurité sociale ne donne pas accès. Cependant, ce type de programme constitue la minorité, et il n'est pas vraiment utile d'en parler beaucoup parce que son rôle dans notre système est plutôt mineur. Le fait qu'il s'agisse d'une entreprise américaine ou allemande n'a pas d'importance. Des sociétés de capitaux cotées en bourse possèdent des hôpitaux. Et à présent, des sociétés internationales qui oeuvrent sur le marché de l'assurance-maladie ont accès au marché des hôpitaux allemands.

Le sénateur Morin: Y a-t-il en Allemagne des problèmes en ce qui concerne les délais pour l'obtention d'un diagnostic ou une opération? Le cas échéant, quels sont-ils?

M. Baum: Les délais ne font pas l'objet d'un débat public. Pour les grandes opérations, les interventions chirurgicales à la hanche, la chirurgie cardiaque ou les diagnostics de cancer, par exemple, des listes d'attente dans notre pays ne posent pas de problème. Les gens peuvent choisir un hôpital précis dans une certaine région. S'il s'agit d'une opération non urgente, quelqu'un pourrait dire, par exemple, qu'il se fera opérer à une hanche dans huit semaines, mais cela est dû à sa préférence pour un hôpital précis. En général, il n'y a d'attente nulle part au pays lorsqu'une intervention chirurgicale est urgente, quel qu'en soit le type. Durant un certain temps, nous avons eu un débat au sujet de certaines interventions cardiologiques précises, mais les Länder ont organisé un système de suivi de la capacité, et le problème a été réglé.

Le président: Pourquoi n'avez-vous pas eu de problème avec les listes d'attente? D'autres pays avec lesquels nous avons eu des discussions ont expérimenté diverses façons de régler le problème des listes d'attente. Nos données révèlent que votre nombre de médecins pour 1 000 habitants est nettement plus élevé que celui de la plupart des pays, et vous avez probablement deux fois plus de lits de soins de courte durée que la plupart des pays. Est-ce pour ça? Est-ce que c'est fondamentalement parce que votre offre est si importante? Si c'est le cas, je m'étonne que vous puissiez soutenir financièrement cette offre, parce que c'est le coût de l'offre qui a réduit celle-ci dans bien d'autres pays occidentaux.

M. Baum: Oui, c'est pour cette raison. Il y a une surcapacité générale du programme dans le système de soins de santé allemand, surtout dans le domaine hospitalier. Si vous examinez le rapport entre le nombre de lits et le nombre d'habitants, vous constaterez que nous sommes au sommet lorsqu'on nous compare aux États-Unis ou à bien d'autres pays. Les Autrichiens ont un taux semblable au nôtre. Cette capacité coûte cher, et nous tentons de la réduire.

Nous avons beaucoup trop de médecins qui oeuvrent en clinique externe. Par conséquent, en 1993, nous avons mis sur pied un système de planification à leur intention. À moins que la demande relative à un type particulier de médecins le justifie, par exemple dans le cas d'un médecin de famille ou d'un ophtalmologiste, à l'intérieur d'un comté où la proportion entre la population et le nombre de médecins présente un trait particulier, il n'est pas possible pour un nouveau médecin d'entrer dans le système des cliniques externes. Nous tentons de résoudre le problème d'un système où l'offre est excessive.

À l'heure actuelle, nous croyons observer un renversement total en ce qui concerne la compression des coûts. Dans les hôpitaux, par exemple, nous mettons actuellement sur pied un système de diagnostics repères pour la gestion, dont le sigle est DRG, et dans lequel un processus est intégré pour nous permettre d'atteindre la capacité dont nous avons besoin. Les séjours à l'hôpital sont plus longs chez nous, avec 10,4 jours en moyenne, qu'en Amérique du Nord ou en France; en France, ils y sont de près de deux fois moindres.

Le président: Comment avez-vous appelé ce système?

M. Baum: Nous parlons du système DRG, pour diagnostics repères pour la gestion, et ce système sert au financement du traitement à l'hôpital.

Le président: Quel a été l'effet de vos mesures visant à réduire l'entrée de nouveaux médecins sur le marché au chapitre de l'inscription dans les écoles de médecine? Vous trouvez-vous à simplement former des médecins qui vont travailler dans d'autres pays d'Europe?

M. Baum: C'est l'un de nos plus importants problèmes politiques. Le gouvernement fédéral veut réduire le nombre de médecins diplômés chaque année de nos écoles de médecine, qui se situe actuellement à environ 10 000 ou 11 000. Nous n'avons pas besoin de 11 000 nouveaux médecins chaque année en Europe. Il y a différentes instances politiques. Les universités sont exploitées par les Länder ainsi que par le ministère de la culture et de l'éducation. Nous travaillons avec les soignants. Si vous tentez de réduire le nombre de diplômés produits par une université, vous entrez dans son champ de compétences et il est très difficile de donner aux universités par une loi fédérale le mandat de réduire leur capacité, parce que tous les dirigeants d'une université se font une fierté de former des gens en sciences. C'est une discussion très difficile qui a cours au pays.

Dre Faelker: Avec la réforme législative de 1992, nous avons imposé une limite d'âge de 68 ans aux médecins qui travaillent en clinique externe. En l'an 2000, pour la première fois, le nombre de médecins de ce type qui ont quitté le système était plus élevé que le nombre de médecins qui y sont entrés. À long terme, nous espérons réduire le surnombre de médecins qui oeuvrent en clinique externe.

Le sénateur Callbeck: On peut certes dire que votre système de soins de santé est très large; il couvre toute une panoplie de services.

Vous avez parlé de frais d'utilisation. Qu'en est-il des soins infirmiers à domicile? Je présume qu'ils sont couverts par la caisse-maladie, mais y a-t-il des frais d'utilisation?

M. Baum: Nous avons deux secteurs qui s'occupent de soins infirmiers à domicile. Ces services font partie des soins infirmiers financés par la caisse-maladie. Ce sont ceux qui permettent à une personne d'éviter un séjour à l'hôpital ou de quitter l'hôpital plus tôt. Je parlerais alors du système de soins infirmiers à court terme.

Les personnes qui ont besoin de soins pour longtemps relèvent de mon collègue, le Dr Vollmer.

Dr Vollmer: Dans le cadre du régime d'assurance-maladie, nous couvrons les soins professionnels à domicile en fonction de l'importance des soins requis. Certaines limites ont été instaurées. Nous payons les soins à domicile en fonction de vingt ensembles de services définis. Ainsi, une personne qui a besoin d'aide pour sa toilette matinale, pour se lever et pour s'habiller, par exemple, aura besoin d'un ensemble de services défini. La somme versée est établie en fonction de trois niveaux de soins. Au premier niveau, nous versons environ 750 marks, soit environ 250 $ actuellement. Au niveau deux, nous versons 1 800 marks, c'est-à-dire quelque 900 $ US. Au niveau trois, 2 800 marks par mois peuvent être utilisés pour les services de soins à domicile. Les soins concernent la nutrition, l'aide à la mobilité, l'hygiène personnelle et l'aide ménagère.

Le sénateur Callbeck: Qu'en est-il des foyers de soins infirmiers? Qui paie le séjour d'une personne dans l'un de ces foyers?

Dr Vollmer: Il faut que je vous explique comment fonctionne le système de soins. Nous avons introduit une assurance à cet égard en 1994, et elle est totalement en vigueur actuellement.

Dans les foyers de soins infirmiers, l'assurance paie là encore en fonction de différents niveaux. Nous payons 2 000 marks au niveau un, 2 500 marks au niveau deux et 2 800 marks au niveau trois. Si vous divisez le nombre de marks par deux, vous aurez la somme équivalente en dollars US.

Évidemment, ces sommes ne suffisent pas à payer les soins en établissement, qui coûtent extrêmement cher, jusqu'à 10 000 marks par mois. Le coût moyen se situe autour de 7 000 ou de 8 000 marks. La personne doit payer la différence. Si elle est incapable de le faire, une prestation sociale supplémentaire lui est accessible. En établissement, quelque 35 p. 100 des personnes sont admissibles, en fonction d'un critère fondé sur les moyens, à des prestations d'aide sociale ou à des prestations supplémentaires.

Le sénateur Robertson: Pour poursuivre dans la même veine que le sénateur Callbeck, où vos soins de santé sont-ils principalement donnés: à l'hôpital, dans la collectivité, à la maison ou en milieu de travail?

Dre Faelker: La plupart des soins sont donnés par des médecins en clinique externe - des médecins de famille ou omnipraticiens et des spécialistes. En Allemagne, nous avons ceci de particulier que des spécialistes sont en poste dans les cliniques externes et dans les hôpitaux, comme dans bien des services nationaux de la santé.

Le sénateur Robertson: Si je comprends bien, vos patients de soins primaires ne sont pas admis dans les hôpitaux qui font partie de la structure?

Dre Faelker: Ces patients n'ont pas besoin d'être admis à l'hôpital sauf si leur maladie est très grave. Nous avons une règle selon laquelle tout ce qui peut être traité en clinique externe doit l'être. Nous avons des installations dans le domaine des cliniques externes et dans le secteur hospitalier. Les patients ne sont admis à l'hôpital que si c'est nécessaire.

M. Baum: La loi interdit aux hôpitaux de donner un traitement général ou d'établir un diagnostic si cela peut être fait par le système des cliniques externes. Les personnes doivent obtenir une ordonnance pour séjourner à l'hôpital. C'est la règle. Évidemment, lorsqu'il y a urgence, un patient peut se rendre directement à l'hôpital et y recevoir l'aide dont il a besoin.

Le système de clinique externe est très perfectionné, des spécialistes et 100 000 médecins y organisant les traitements offerts. Notre budget révèle que le tiers du budget de la santé, soit 260 milliards de marks, est consacré aux séjours à l'hôpital, tandis que 40 milliards de marks sont versés en honoraires aux médecins qui travaillent en clinique externe. Environ 40 milliards de marks sont consacrés aux médicaments et à d'autres services achetés à l'extérieur. Le système des cliniques externes joue un rôle capital dans notre pays.

Le sénateur Robertson: Quel pourcentage de la population allemande est formé de personnes âgées? Une personne est-elle considérée comme un aîné à partir de l'âge de 65 ans?

Pendant que le Dr Faelker cherche la réponse, je vais poser une autre question. Vous avez mentionné au début que votre système de santé fait partie du système de sécurité sociale de l'Allemagne. Y a-t-il quelque part une intégration, par le système de santé, d'autres services ou paiements de sécurité sociale?

M. Baum: La question n'est pas de savoir s'il faut lier les services. Cela concerne davantage le principe de la protection que peuvent obtenir les citoyens du pays parce qu'ils sont âgés, du régime de pension, du régime d'assurance-chômage, du système de soins infirmiers de longue durée et du système de soins de santé. Notre sécurité sociale comporte quatre divisions. La logique de ce système fait en sorte que le financement fonctionne selon un principe de solidarité. Une personne dont le revenu est élevé verse d'importantes cotisations au système. Elle reçoit les mêmes avantages que les personnes à faible revenu. Nous les définissons comme une partie du système de sécurité sociale en fonction de la façon dont nous finançons le système, qui est un financement par solidarité. C'est pourquoi ces personnes sont intégrées au système de sécurité sociale.

Le sénateur Robertson: Vous avez dit que les prestations de santé auxquelles a accès une personne âgée grâce aux soins de longue durée, parfois en foyer de soins infirmiers, ne sont pas comparées ou mêlées à d'autres prestations sociales. Chacune est donc autonome?

Dr Vollmer: En fait, les soins signifient tous les services non médicaux offerts pour une longue durée; il vous faut être malade ou handicapé. Les soins de longue durée fournis en foyer de soins infirmiers sont fondamentalement des soins de nature non médicale, hormis les soins infirmiers prescrits par un médecin. Évidemment, si le résident d'un foyer de soins infirmiers de longue durée tombe malade, il sera traité par des médecins, parfois à l'hôpital. Voilà un exemple de la combinaison des deux systèmes.

Évidemment, dans ce cas, l'assurance-maladie paiera. Si un patient exige une hospitalisation, une consultation, le recours à un médecin de famille ou un médicament, tout cela sera couvert par l'assurance-maladie.

Le sénateur Robertson: Avez-vous pu établir le pourcentage de la population qui est composée de personnes âgées?

Dr Vollmer: À l'heure actuelle, 19,1 millions des personnes qui habitent au pays ont plus de 60 ans. Ce chiffre augmentera d'ici l'an 2010 à 21 millions, soit environ 26 p. 100 de la population. Entre 2010 et 2030, le nombre de personnes de ce groupe d'âge augmentera encore de 6,7 millions, pour atteindre 27,2 millions. Au cours de la même période, la population diminuera de 84 millions à 77 millions d'habitants. Par conséquent, en 2030, le tiers des personnes qui vivent en Allemagne - 35 p. 100 pour être exact - auront plus de 60 ans.

Le sénateur Robertson: L'examen de la population des personnes âgées a une certaine importance pour nous, parce que, au Canada, il est difficile de fournir des soins convenables à nos personnes âgées sans faire sauter la banque. La plupart d'entre eux ont d'importants problèmes de santé au moment de leur entrée dans un foyer de soins infirmiers.

En ce qui concerne votre «division» de ce groupe de personnes âgées, quel pourcentage est accueilli dans des foyers de soins infirmiers? Quel pourcentage est soigné à la maison grâce au soutien financier que vous leur offrez pour ce faire, et que nous ne pouvons leur offrir nous-mêmes?

Dr Vollmer: Environ 1,9 million de nos citoyens âgés sont traités par le système de soins de longue durée. Cependant, il vous faut comprendre que nous avons une définition artificielle en raison du taux de cotisation de 1,7 p. 100. Si vous nous comparez à l'Angleterre, vous constaterez qu'on y trouve environ 5 millions de personnes considérées comme dépendantes. Notre définition est plus étroite. De ces 1,9 million de personnes, environ 500 000 vivent dans un foyer de soins infirmiers, les 1,3 million d'autres étant soignées à domicile, par des membres de leur famille ou des professionnels des soins infirmiers. Les femmes comptent pour 70 p. 100 des personnes qui ont besoin de soins, et 70 p. 100 des personnes qui donnent des soins sont des femmes, ce qui révèle l'existence d'un problème.

Un autre problème se pose à nous: nous venons tout juste d'établir un projet de loi concernant les soins offerts aux personnes atteintes de démence. Dans les foyers de soins infirmiers, quelque 70 p. 100 des résidents ont une forme ou une autre de difficulté cognitive. De ces personnes, 70 p. 100 souffrent de la maladie d'Alzheimer, et 20 p. 100 ont une démence vasculaire. Et 50 p. 100 des personnes soignées à domicile ont une forme de déficit cognitif. Des 1,9 million de personnes soignées, environ 1 million sont atteintes d'une forme de démence. Il s'agit d'un énorme problème, comme vous pouvez facilement l'imaginer.

À l'heure actuelle, c'est au Japon, en Italie et en Allemagne qu'on trouve la plus importante proportion de personnes âgées au monde. Plus nous vieillissons, plus nous allons être touchés par les problèmes de démence. Voilà un résultat qui fait ressortir l'importance des soins à domicile. L'âge moyen des personnes qui entrent dans un établissement de soins est d'environ 85 ans. La durée moyenne du séjour en foyer de soins infirmiers pour un homme est d'environ 13 mois.

Le sénateur LeBreton: J'aimerais vous poser d'autres questions sur la caisse-maladie, car il y a quelque chose que je ne comprends pas. Les caisses-maladie établissent leur propre taux de cotisation, n'est-ce pas?

M. Baum: Oui.

Le sénateur LeBreton: Puisque c'est le cas, les Länder exercent-ils un contrôle ou un autre sur ces taux? Y a-t-il une grande différence à ce chapitre entre les caisses-maladie? Si les taux sont plus élevés dans certaines que dans d'autres, comment empêchez-vous les gens de passer d'un fonds à un autre pour payer moins cher?

M. Baum: Cela se produit effectivement. Les personnes peuvent choisir leur caisse-maladie, compte tenu des taux de cotisation. Et c'est ce qu'elles font. Le taux de cotisation se situe en moyenne à 13,5 et n'a pas changé depuis quatre ans. Nous sommes fiers d'avoir réussi à stabiliser le taux de cotisation durant quatre ans. La différence entre les caisses-maladie est celle-ci: les moins coûteuses ont un taux d'environ 11,5, et les plus coûteuses, un taux d'environ 14,9.

Il y a une différence entre les taux, et les caisses-maladie ont leurs propres cotisations, d'une part et, d'autre part, il existe le système de péréquation financière qui sous-tend les caisses- maladie. Ainsi, si la caisse-maladie est stable sur le plan financier, elle doit céder des fonds aux caisses-maladie qui ne sont pas aussi stables ou qui ont de mauvaises créances en raison d'une clientèle dont les revenu sont plus faibles.

Un système de répartition financière par péréquation est appliqué aux caisses-maladie. Grâce à cet instrument, nous sommes capables d'équilibrer les cotisations de façon à les rendre plus égales. À l'heure actuelle, nous déployons des efforts supplémentaires pour mettre sur pied un système plus perfectionné pour la répartition de l'argent entre les caisses-maladie.

Nous avons quatre facteurs. Il s'agit du revenu, qui est l'un des aspects de la répartition de l'argent; le sexe, homme ou femme; le nombre de personnes assurées par un cotisant - nous avons le système familial, et l'âge. Ce sont là les quatre facteurs pertinents pour qu'une caisse-maladie puisse verser de l'argent dans une autre caisse-maladie.

Évidemment, vous imaginez bien que l'un des principaux facteurs pour définir les dépenses des caisses-maladie est le taux de morbidité, qui doit aussi être pris en considération. À l'heure actuelle, nous modifions la loi pour y introduire un facteur supplémentaire, ou pour tenir compte d'un nouveau facteur important: le taux de morbidité. Par conséquent, les caisses- maladie formées de nombreuses personnes pour lesquelles l'indice de morbidité est élevé recevront plus d'argent que les autres où le facteur de morbidité est moindre.

Le sénateur LeBreton: Le système de répartition que vous venez de décrire est-il directement contrôlé par les Länder?

M. Baum: Oui, évidemment. Je le répète, le taux de cotisation, établi par chaque caisse-maladie, est contrôlé par les Länder, si tant est que la caisse de maladie soit organisée à l'échelle des Länder. Comme je l'ai expliqué, les caisses-maladie organisées à l'échelle nationale ont un taux de cotisation établi par l'État. Cependant, le système de répartition financière est organisé à l'échelle nationale.

Le sénateur LeBreton: Les personnes couvertes par la caisse-maladie ont-elles l'autorisation d'acheter une assurance supplémentaire des compagnies d'assurance privées?

M. Baum: Oui, évidemment. On n'interdit à personne de conclure un contrat d'assurance privée.

Le sénateur LeBreton: Est-ce que quelqu'un prend de l'assurance privée pour obtenir de meilleurs services que ceux auxquels donnent accès les caisses-maladie?

M. Baum: Dans le domaine des prothèses, les prothèses dentaires donnent lieu à une quote-part relativement élevée, où la personne doit verser la moitié du coût de la prothèse. Dans ce domaine, des assurances supplémentaires privées couvrent ce coût.

Dre Faelker: Il y a aussi une assurance privée supplémentaire dans les hôpitaux. Mais elle vise principalement à améliorer la qualité de l'hébergement. Les personnes achètent le droit d'être traitées par le chef de l'hôpital. Certaines personnes aiment la médecine douce, et elles peuvent obtenir une assurance privée supplémentaire pour se procurer ces traitements.

Le sénateur LeBreton: Les personnes couvertes uniquement par l'assurance privée peuvent-elles choisir entre plusieurs hôpitaux, qu'elles adhèrent à un régime d'assurance publique ou qu'elles séjournent dans un hôpital privé?

M. Baum: Oui.

Le sénateur LeBreton: Y a-t-il des situations où les personnes sautent la clôture ou, peut-être, sont couvertes par un assureur privé qui offre un éventail plus large de services? Quelqu'un a dit que les médecins gagnaient plus du côté privé, alors sautent-ils la clôture au détriment des personnes couvertes uniquement par les caisses-maladie?

M. Baum: Oui. Tout d'abord, on pourrait dire que les personnes qui participent au régime privé ont une plus grande liberté de choix. Je vous ai dit que les hôpitaux n'ont la permission que d'effectuer des traitements pour les patients hospitalisés. Si vous participez au régime privé, vous pouvez vous rendre, sans la recommandation d'un médecin, vers un hôpital pour y recevoir un traitement en externe. L'hôpital peut vous rendre les mêmes services qu'un médecin qui oeuvre en clinique externe. Comme l'a dit ma collègue, les personnes ont une chambre plus confortable. Si vous participez au régime privé, la règle veut que vous séjourniez dans une chambre d'hôpital privée ou semi-privée. La plupart des hôpitaux se modernisent, de sorte que la chambre semi-privée deviendra bientôt la norme et qu'il n'y aura plus d'importants avantages supplémentaires.

Il y a d'autres possibilités parmi lesquelles choisir, mais on ne peut choisir une médecine de meilleure qualité. S'il faut vous remplacer la hanche, le fait que vous adhériez au régime de sécurité sociale ou à un régime privé n'a pas d'importance. Le même produit médical est utilisé pour les deux types d'assurés. La qualité de la médecine ne varie pas selon qu'il s'agit du système privé ou du système de sécurité sociale.

C'est le confort qui varie, peut-être une meilleure norme, une meilleure position qui vous est accessible. Mais comme il y a surcapacité, il n'est pas nécessaire de jouir d'une position spéciale dans le système pour obtenir un traitement ou un diagnostic. Les différences sont vraiment très petites. Vous pourriez prétendre que c'est un avantage, mais vous n'en retirez pas d'avantages sur le plan médical.

Le sénateur LeBreton: Alors, n'y a-t-il pas un risque que les personnes qui adhèrent à un régime privé ne passent avant les autres?

M. Baum: Personne n'a dit dans notre pays qu'il y a une discrimination contre les gens qui adhèrent au système de sécurité sociale lorsqu'on les compare aux gens qui adhèrent au régime privé. Les médias n'ont pas non plus parlé de cette question.

Le président: Avant de donner la parole au sénateur Keon, j'aimerais faire un commentaire: je suis intrigué par la description des activités des caisses-maladie que vous avez faite en réponse à sénateur LeBreton. En fait, si la caisse-maladie a pour client un groupe problématique de la population, vous allez corriger le tir en redistribuant les fonds d'une caisse-maladie à une autre. Cela m'amène à vous demander pourquoi vous avez plusieurs caisses-maladie. Il me semble que vous tentez d'aplanir les différences: ne serait-il pas plus simple d'avoir un fonds national ou, au pire, un seul fonds par Länder?

Dre Faelker: Nous avons pour principe que la concurrence entre les caisses-maladie améliore les soins et les services offerts aux patients d'une manière qui serait impossible si l'on n'avait qu'une seule caisse-maladie. S'il n'y a aucune concurrence entre les caisses-maladie, rien ne peut les pousser à donner un service d'excellente qualité aux patients. C'est la raison pour laquelle le nombre de caisses maladies est si grand. De plus, les caisses- maladie doivent être poussées à conclure des contrats efficaces avec les fournisseurs de soins et à ne pas filtrer les patients en fonction des risques. Les schèmes de péréquation intégrés au système nous permettent de nous assurer que les caisses-maladie se font concurrence pour offrir de bons services, conclure de bons contrats et ne pas se faire concurrence pour avoir les meilleurs risques. Par conséquent, ces mécanismes de péréquation sont nécessaires. Ils fonctionnent très bien, parce que l'introduction de ces mécanismes d'égalisation des risques ont fait en sorte que les taux de cotisation se sont rapprochés.

Le président: Très bien. Je comprends ce que vous voulez dire. Il me semble simplement que, au bout du compte, si les taux sont essentiellement identiques, les avantages inhérents à la concurrence sont toujours présents. C'est ce que je veux dire.

Dr Vollmer: Il faut souligner que ce système a été mis sur pied pour des motifs historiques. Lorsque l'assurance-maladie a été introduite en 1883 par Bismarck, on n'a pas tout recréé à neuf; on l'a créée à partir des institutions qui existaient à l'époque. Le fonds local d'assurance-maladie existe depuis 500 à 800 ans en Allemagne, tout comme les fonds pour les artisans et les mineurs. C'est l'une des raisons pour lesquelles il y a tant de fonds d'assurance-maladie qui appliquent la même loi. Il est extrêmement difficile de se débarrasser de toutes les institutions qui ont prouvé leur utilité au cours des siècles. Quand j'ai commencé à travailler dans le domaine de la santé il y a vingt ans, nous avions toujours environ 1 200 fonds, au moins, et nous avons ramené ce chiffre à 600.

Le président: On peut facilement voir tous les problèmes que suppose un changement d'institutions qui sont nées en 1967. Et on peut imaginer à quel point changer des institutions vieilles de 300 ou de 400 ans peut être encore plus difficile.

Le sénateur Keon: J'aimerais poursuivre sur ce que le Dr Faelker tentait de nous expliquer, l'efficience de votre système. Quand je visite votre pays, je suis toujours émerveillé de voir tout ce que vous pouvez offrir comparativement à nous ou aux États-Unis, par exemple. Il est vrai que vous consacrez environ 1 p. 100 de votre PIB de plus que nous dans ce secteur, mais vous dépensez environ 3,5 p. 100 de moins que les Américains, ce qui ne vous empêche pas d'être en avant sur un certain nombre de fronts. Par exemple, au Heart Institute de Berlin, il y avait, la dernière fois où j'y étais, environ 30 patients qui avaient reçu un coeur artificiel et des appareils d'assistance, soit environ la moitié des patients qui, dans le monde entier, sont branchés à ces appareils. Il ne fait pas de doute que les hôpitaux et les centres de réadaptation de votre pays sont les chefs de file mondiaux à ce chapitre.

Vous êtes en mesure de réaliser tout cela en n'y consacrant que 10 ou 10,5 p. 100 de votre PIB. Selon moi, vous devez faire preuve d'une efficience incroyable quelque part. Personne d'entre nous n'est vraiment sûr de ce que sont nos frais généraux ici au Canada ou aux États-Unis, mais nous convenons qu'ils doivent se situer autour de 30 p. 100. Vous devez être capables de bien souvent faire preuve d'efficience en ce qui concerne les fonds consacrés aux soins des patients et les fonds que vous avez en banque, dans vos diverses assurances et ainsi de suite.

Avez-vous une idée de ce que sont vos frais généraux? Quand on parle de la rémunération de vos médecins, de l'exploitation de vos hôpitaux, de vos centres de réadaptation et de vos cliniques, êtes-vous en mesure de me donner une idée du chiffre?

M. Baum: Le système que nous avons est autogéré. Les organismes qui y participent directement établissent des contrats, et des ententes de rémunération à l'acte sont prises entre ces organismes. Dans les hôpitaux, nous avons un système de financement qui amène les deux parties, les caisses-maladie, d'un côté, qui veulent procurer à leurs assurés un accès au plus grand nombre de techniques médicales possibles, et, de l'autre côté, les règles sur la façon dont nous négocions le budget des hôpitaux, le système d'autonomie gouvernementale, la définition autonome des prix et des règles. C'est ce qui explique en partie notre efficience.

Par exemple, si nous apportons des changements au catalogue de la rémunération à l'acte au médecin du secteur privé, il est difficile de trouver le bon prix, mais dans un système de caisses-maladie gouvernementales organisées de façon collective, regroupant des associations de médecins et des associations d'hôpitaux, il est plus facile d'établir un système de financement rationnel ainsi que des procédures et des systèmes de contrôle. Par exemple, les médecins associés au panel ont un système de contrôle qu'ils ont eux-mêmes mis sur pied. L'association des médecins inscrits au panel contrôle les médecins qui oeuvrent dans le secteur privé. En outre, depuis 1987, nous appliquons une réforme des soins de santé qui a fait naître plusieurs nouveautés, par exemple dans le secteur des médicaments. Nous avons mis sur pied deux instruments de planification comme ceux qu'on a décrits pour les médecins des panels et le système de planification des hôpitaux. Nous avons introduit des restrictions budgétaires pour les hôpitaux. Nous avons mis sur pied, il y a quelques années, un budget pour les médicaments. Ainsi, si les médecins du panel ont besoin de plus d'argent que ce que leur permet le budget à l'échelle de l'État, ils doivent financer la différence à même leurs propres revenus. Nous disposons d'un système de la sorte. Nous avons réduit, par mesure législative, le coût des médicaments de 5 p. 100 durant un an, et il s'agissait d'une mesure spécifique. Il nous faut vous faire connaître nos activités sur le plan de la réforme des soins de santé et de la réduction des coûts de la santé pour que vous compreniez bien ce dont il retourne.

Dr Vollmer: Si vous vous attachez à l'efficience plutôt qu'au coût, vous constaterez que nous avons un avantage comparativement aux États-Unis ou au Canada. Avec ses 80 millions d'habitants, l'Allemagne n'a pas une superficie plus grande que le lac Ontario. Mais, comme nous avons produit plus de médecins au cours des années que les États-Unis, nous jouissons d'un accès immédiat aux médecins en Allemagne. Dans un petit village d'une vallée vinicole, on peut trouver une foule de médecins. Il ne s'agit pas tant de savoir si le médecin a le temps de vous voir que de savoir si vous avez le temps de voir le médecin. Vous pouvez accéder immédiatement aux experts-conseils et aux hôpitaux, et ainsi de suite. L'accès immédiat et le libre choix des consultants ou des médecins de famille et des hôpitaux est partie intégrante de l'efficience. Je ne sais pas durant combien de temps nous pourrons nous permettre de le financer, mais c'est une des conditions naturelles qui existent dans notre pays.

Dre Faelker: Dans différents secteurs, les différents fournisseurs de soins ne travaillent pas assez ensemble. Cela nous amène un problème: parfois, les mesures diagnostiques sont prises deux ou trois fois. Si vous consultez d'abord un omnipraticien, par exemple, il formule un diagnostic. S'il vous admet à l'hôpital, on y procédera souvent de nouveau à la mesure diagnostique. À bien des endroits, il faut améliorer l'intégration entre les soins offerts aux patients hospitalisés et à ceux qui sont en clinique externe, ainsi que les soins de longue durée et la réadaptation.

M. Baum: C'est là le secteur pour lequel nous pourrions nous améliorer dans l'avenir. Je pense que vous nous demandiez pourquoi le système arrive si bien à fournir aux gens tous les services médicaux requis, et ce sont là les ressources dont nous avons besoin pour réussir dans l'avenir. Cela fait partie de l'avenir de la réforme des soins de santé. Nous avons entrepris des discussions pour la prochaine étape de cette réforme. L'an prochain, à l'automne, nous aurons des élections fédérales générales, et nous serons à ce moment-là en train de parler des projets de réforme de la santé, ou bien nous le saurons au plus tard un an après. Nous commencerons alors à réformer les soins de santé afin de réunir tous ces secteurs et d'en intégrer l'offre afin de réunir les médecins qui travaillent en clinique externe, le système des cliniques externes proprement dit ainsi que le système hospitalier et d'offrir ce qu'on pourrait appeler une médecine commune. La réforme permettra également de dissiper les limites inhérentes aux différents systèmes, d'améliorer les aspects de l'assurance de la qualité dans le système médical et de mettre en commun les ressources que nous avons dans ces secteurs.

Le sénateur Keon: Voilà une discussion fascinante, et en particulier l'argument que vient de nous présenter le Dr Vollmer. Si on examine les deux secteurs de votre système, nous constatons que vous avez plus de médecins que n'importe où ailleurs dans le monde. Ainsi, je serais porté à croire que les patients peuvent intégrer le système plus rapidement que n'importe où ailleurs dans le monde.

Vous consacrez d'énormes ressources à votre programme de réadaptation, et les patients en sortent rapidement pour retourner au travail. Curieusement, nous avons ici réduit il y a quelques années le nombre de médecins parce que nous pensions que cela nous aiderait à réduire les coûts des soins de santé. Peut-être avons-nous pris le problème du mauvais côté.

J'aimerais que vous nous parliez de votre code social, parce qu'à l'heure actuelle aux États-Unis on s'intéresse énormément à la charte des droits des patients. J'y étais pour une conférence la semaine dernière. Avez-vous examiné les documents préliminaires qui en sont ressortis pour les comparer avec votre code social?

M. Baum: Il y a aussi chez nous un débat sur les droits des patients, mais il n'est pas aussi fondamental et structuré que ce que vous avez en Amérique du Nord. Si nous parlons des droits des patients, nous parlons d'une meilleure façon d'amener chaque patient à comprendre le traitement et toutes ses étapes. Cela signifie un système plus transparent pour le patient et aussi l'accès à davantage d'information. Notre système fonctionne selon le principe des services en nature. Les gens ne savent pas ce qui est visé par les honoraires versés au médecin parce que celui-ci est financé directement par les associations de médecins, lesquelles sont financées par les caisses-maladie. Les gens ne savent pas combien leur coûtent les soins médicaux. Ils ne savent pas combien coûte une journée d'hospitalisation. Lorsque nous parlons des droits des patients, nous parlons d'information et de participation des patients de façon à rendre en définitive le traitement plus transparent et plus efficient.

À l'heure actuelle dans ce domaine, nous organisons une démarche politique pour les cas où il se produit un accident à l'hôpital, par exemple, si on donne le mauvais médicament à un patient ou qu'on commet une erreur durant une opération - particulièrement pour les droits civils du patient. Ces droits ne sont pas si transparents dans notre système. Il faut souvent 2, 3 ou même 4 ans à quelqu'un pour faire respecter ses droits parce qu'il doit passer par les tribunaux civils.

Dans le projet de loi en question, nous abordons des réformes, mais pas dans le sens où l'entendent les Américains avec leur système de soins gérés, où l'assureur définit ce qui est une bonne médecine pour les gens. C'est là l'avantage de notre système. Les caisses-maladie ne définissent aucunement ce qu'est une bonne médecine pour les gens. Il s'agit d'un système axé sur le progrès. Si des progrès sont réalisés pour un traitement particulier, aucune caisse-maladie n'empêchera l'assuré d'y avoir accès. Cela a fait une grande différence pour la discussion des droits des patients.

Dr Vollmer: Dans notre pays, comme aux États-Unis et au Canada, nous sommes préoccupés par les droits des patients. Une chose est cependant plus importante pour ce qui concerne le secteur des soins: je suis convaincu qu'après cinq ou dix ans, ou même plus tôt, nous pourrions imposer une limite au droit des patients et à leur accès aux soins. À l'heure actuelle, l'assurance-soins a complètement changé la mentalité des gens. Tant qu'ils ne dépendaient pas du système, ils n'osaient pas se plaindre. À présent qu'ils ont accès de plein droit aux avantages, ils demandent: «Qu'est-ce que j'obtiens pour mon argent?» Nous découvrons un problème de qualité, et c'est l'établissement d'une grande loi sur la qualité des soins qui nous l'a fait découvrir. Les patients demandent: «Qu'est-ce que nous obtenons comme consommateurs? Quel traitement vais-je recevoir au foyer pour personnes âgées?»

Il s'agit d'une situation totalement différente. Si vous êtes malade ou blessé, cela peut ne pas sembler si important parce que si vous allez à l'hôpital, vous en sortez normalement après dix jours, et vos médecins vont y arriver la plupart du temps. Pour les soins de longue durée, ce n'est pas le cas. La seule façon d'en sortir après un bref séjour, c'est les pieds devant. Par conséquent, il est très important pour vous de connaître vos droits et le type de traitement que vous obtenez. Nous découvrons que, dans notre cas, comme dans d'autres pays, les personnes qui reçoivent des soins de longue durée sont encore des objets de soins et non pas sujets à des soins. Cela est appelé à changer complètement, en partie à cause de l'influence de l'Angleterre et des pays scandinaves.

Il vaut la peine de lire la charte des droits des personnes dépendantes. Sur le plan de la santé, nous avons une organisation qui tente de promouvoir les droits et libertés des patients, et particulièrement des personnes dépendantes qui reçoivent des soins de longue durée.

Le sénateur Cordy: Merci d'avoir pris le temps de nous parler ce matin.

Les personnes assises ici autour de la table vous envient le fait que vous avez trop de médecins dans votre réseau. Vous avez dit que cette situation peut, en soi, causer des problèmes. Je me demande si vous avez aussi trop d'autres professionnels de la santé ou de fournisseurs de soins de santé dans votre pays. Dans le passé, votre pays a-t-il pris des mesures délibérées pour veiller à ce que des personnes qui embrassaient une profession dans le domaine de la santé demeurent en poste? Au Canada, un grand nombre de personnes quittent les professions de la santé, soit pour aller travailler aux États-Unis, soit pour embrasser une autre carrière.

M. Baum: En Allemagne, il y a beaucoup de mouvement, surtout chez les infirmières. Dans certaines régions, nous avons une pénurie de personnel infirmier. Par exemple, à Munich ou dans les grandes villes, nous avons déjà des problèmes. Un jour, parmi les facteurs qui nous amèneront à réduire nos capacités dans certains domaines, il y aura la pénurie d'infirmières au pays. Le problème pourrait s'aggraver dans l'avenir.

Outre la profession médicale, si nous nous penchons, par exemple, sur les pharmaciens, nous constatons que nous avons 20 000 pharmaciens qui travaillent en clinique externe. Dans les villes allemandes, vous remarquerez qu'il y a plus de pharmaciens qui travaillent que de travailleurs préposés à l'alimentation. Dans l'avenir, nous allons observer cette surcapacité dans la plupart des domaines, sauf dans le secteur infirmier.

Dr Vollmer: Dans le domaine des soins, un problème se pose à nous. Je pense que vous avez parlé de l'effet de l'épuisement professionnel. Ça fait chic de travailler dans une salle d'opérations parce que vous pouvez obtenir un certain succès. Dans les foyers pour personnes âgées, il est particulièrement difficile pour les infirmières de s'occuper des personnes dont l'état s'aggrave sans cesse d'un jour à l'autre. Nous avons un gros roulement d'infirmières, ce qui dénote que notre principe de gestion du personnel n'est pas très sain. Vous ne pouvez demander aux infirmières de travailler tout le temps avec les mêmes patients ou d'être sur le front. Nous devons adopter de nouvelles pratiques de gestion de façon à centraliser les infirmières pour leur éviter de devoir travailler toujours dans des organisations de soins de longue durée afin d'éviter les ravages de l'épuisement professionnel.

Nous avons une pénurie, et je pourrais presque dire que nous sommes un pays en développement sur le plan des soins infirmiers psychiatriques gériatriques. La même situation a cours aussi dans d'autres pays européens. La pénurie est réelle, et les rares personnes que nous formons, par exemple à Schleswig-Holstein, dans le nord de l'Allemagne, sont immédiatement embauchées par des pays scandinaves. Dans le domaine des soins infirmiers psychiatriques dans les foyers pour personnes âgées, le problème est déjà grave. Le problème touche tout autant la quantité d'infirmières que leur qualité.

Le sénateur Cordy: Au Canada, il y a dans le public une levée de boucliers, c'est le moins qu'on puisse dire, dès que nous parlons de frais d'utilisation. Quelle est la réaction des Allemands à cet égard? Les frais d'utilisation entraînent-ils une réduction du recours aux services de santé? L'imposition de frais peut être positive si elle amène les gens à ne pas utiliser un service s'ils ne devraient pas le faire. Peut-on refuser un service aux patients s'ils sont incapables de payer les frais d'utilisation?

Dr Faelker: En Allemagne, on ne facture pas de frais aux utilisateurs pour la consultation d'un médecin accrédité, par exemple. Les frais de séjour à l'hôpital ne sont que de 25 marks par jour pour au plus 15 jours.

D'autres types de services s'assortissent d'une quote-part dont le montant varie selon le genre de services. Par exemple, la quote-part diffère selon qu'il s'agit de médicaments, de remèdes ou d'accessoires médicaux, de dentiers ou de frais de déplacement.

Les personnes dont le revenu est inférieur à un certain niveau sont assujetties à une clause de préjudice et n'ont pas à verser la quote-part. Les enfants et les personnes qui vivent de l'aide sociale ne versent aucune quote-part dans notre système. Par rapport à d'autres pays, l'Allemagne à le plus faible taux de quote-part.

M. Baum: Il n'y a de frais d'utilisation que pour les actes dentaires. Dans la plupart des autres systèmes de santé, les prothèses dentaires ne sont pas incluses. On y paie une quote-part, élevée, d'environ 50 p. 100. Lorsque nous l'avons introduite, de concert avec un type particulier de paiement direct, on a observé une diminution marquée, soit de plus de 20 p. 100 de l'utilisation des prothèses dentaires d'une année à la suivante.

Dans le domaine des médicaments, la quote-part la plus faible est de 8 marks par unité, et la plus élevée, de 11 marks par unité.

Vous avez demandé si une personne peut se voir refuser un service parce qu'elle ne peut verser la quote-part. Un hôpital admettra un patient qui ne peut verser la quote-part parce que celle-ci est en définitive versée à la caisse-maladie et non pas à l'hôpital. Si le patient ne peut payer au moment de son admission à l'hôpital, l'hôpital l'informera de régler la question directement avec la caisse-maladie. Personne ne pourra être empêché de recevoir des services en raison d'une incapacité de verser la quote-part.

Le président: Merci de votre témoignage. Cela nous a été très utile.

Bienvenue à nos témoins suivants. Merci de prendre le temps de nous parler aujourd'hui.

J'aimerais que les témoins se nomment. J'ai la liste des témoins, mais je ne sais pas qui est qui. Je pense que vous aimeriez nous donner un bref aperçu du système britannique, après quoi les honorables sénateurs pourront vous poser des questions.

M. Julian LeGrand, professeur de la politique sociale Richard Titmuss, London School of Economics: Je ne peux vous donner un aperçu complet du système britannique, mais je vais vous parler de mes domaines d'expertise.

Au cours des années 90, le gouvernement précédent a mis en place un système interne de quasi-marché qui établissait, pour la Grande-Bretagne, les acheteurs et les fournisseurs; en même temps, il établissait différents types d'acheteurs, dont des praticiens des soins primaires et des administrations locales de la santé; en même temps, il se départissait des hôpitaux, qui sont devenus un certain genre d'organismes semi-autonomes qui établissaient des contrats avec les acheteurs. J'ai fait beaucoup de recherche sur les succès ou les échecs relatifs de ce système, et je me ferai un plaisir de vous en parler.

Une deuxième question m'intéresse vivement: le nouveau gouvernement a établi un organisme réglementaire appelé la Commission for Health Improvement, qui a pour tâche de visiter tous les établissements du Réseau national de la santé - les hôpitaux, les administrations de la santé, les groupes de soins primaires - pour exercer une certaine surveillance sur leurs activités. Je siège au conseil de cette commission et possède une certaine expertise de ce secteur réglementaire. Peut-être le terme «expertise» est-il un peu fort, le système n'étant pas totalement en place à l'heure actuelle, mais je peux vous en parler. Pour l'une ou l'autre de ces questions, je me ferai un plaisir de vous renseigner le mieux possible.

Le président: Je vous remercie. Monsieur Smee.

M. Clive Smee, conseiller économique en chef, Division de la recherche économique et opérationnelle, ministère de la Santé du Royaume-Uni: Je suis conseiller économique en chef du ministère de la santé et de celui qui l'a précédé, le ministère de la santé et de la sécurité sociale, depuis 1984. Je pense pouvoir vous être utile en vous faisant part des changements qui se sont produits depuis 17 ans. Je ne pense pas pouvoir prétendre être expert dans un domaine particulier, comme mes collègues le sont, parce que mes responsabilités et celles de mon personnel consistent à fournir des conseils sur l'ensemble des responsabilités ministérielles, et je dois concentrer mes efforts dans les secteurs où des ministres veulent intervenir ou apporter des modifications.

Cependant, je me suis toujours intéressé beaucoup aux comparaisons internationales. J'ai eu le privilège de travailler au ministère canadien de la Santé et du Bien-être social durant six mois en 1979, et je me suis rendu au Canada en 1996 - au moment où nous nous préparions à changer ici de gouvernement, pour passer des conservateurs aux travaillistes - afin de cerner les secteurs où nous étions, pour ainsi dire «en retard» par rapport à vous, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Certaines des idées que j'ai ramenées de cette visite ont porté fruit ici. Par exemple, j'ai toujours été particulièrement préoccupé et intéressé par la façon dont nous pourrions rendre un système comme le nôtre mieux adapté aux besoins des patients. Vous faisiez périodiquement à l'époque des sondages auprès des patients pour savoir ce qu'ils pensaient du système de santé, et cela nous a amenés à mettre sur pied notre propre banque nationale de commentaires des patients. Un autre domaine m'intéresse particulièrement, celui des indicateurs du rendement ainsi que le recours à la mesure du rendement pour la gestion du rendement. De plus, en ma qualité d'économiste, j'ai aussi participé, comme M. LeGrand, à l'établissement du marché interne ici au pays et j'essaie - pas toujours avec succès - d'en obtenir l'évaluation.

Le président: Monsieur Ham, avez-vous des commentaires préliminaires à formuler?

M. Chris Ham, directeur, Centre de gestion des services de santé, Université de Birmingham: Je suis un chercheur en services de santé rattaché à l'Université de Birmingham. J'ai récemment quitté le gouvernement où je travaillais en détachement depuis environ un an. Je m'intéresse aux tendances de la réforme de la santé dans divers pays, établissant des comparaisons afin d'en tirer des leçons. Je m'intéresse particulièrement au rationnement des soins de santé, ou à l'établissement des priorités à ce chapitre, en définissant des ensembles d'avantages et en prenant des décisions au sujet de la couverture.

Je ferai quelques observations, qui me sont en partie venues à l'esprit au cours de la semaine que j'ai récemment passée à Vancouver pour me mettre au fait de l'évolution de la politique en matière de santé en Colombie-Britannique et que j'ai aussi tirées de mes visites au Canada à trois ou quatre occasions auparavant. Je dirais que le Royaume-Uni et le Canada partagent nombre d'objectifs au chapitre de la politique en matière de santé, c'est-à-dire offrir à tous les citoyens des services complets et accessibles. Les deux pays ont aussi bien souvent les mêmes problèmes à réaliser ces objectifs. J'ai été frappé par la similitude de nos deux systèmes. Les salles d'urgence surpeuplées, où la pression est forte, dans les hôpitaux, des listes d'attente et des délais qui s'allongent pour les traitements non urgents, les pénuries croissantes de groupes clés de personnel comme des médecins et des infirmières, la critique professionnelle de plus en plus vive au sujet des services offerts et la diminution de confiance du public. Il me semble que nombre de ces problèmes se trouvent à des degrés semblables dans nos deux pays.

Il y a cependant de grandes différences, dont la suivante: le Canada a toujours consacré une plus grande part du revenu national aux soins de santé. Le chiffre actuel dépasse les 9 p. 100 du PIB, alors qu'au Royaume-Uni nous avons toujours été plus parcimonieux, avec moins de 7 p. 100 du PIB, chiffre qui se maintient toujours. L'une des conclusions qui appuient ce point, selon une perspective britannique, c'est que nous devons probablement consacrer plus d'argent aux soins de santé, mais que cette solution ne contribuera pas à elle seule à résoudre les problèmes propres aux deux pays. Vous dépensez plus, et pourtant vous avez les mêmes problèmes. Nous devons réformer nos deux systèmes afin d'en améliorer le rendement et l'efficience.

J'aimerais maintenant vous parler de la séance d'information à laquelle nous avons assisté au sujet de l'expérience britannique. Ce qu'il importe de retenir, c'est que le Royaume-Uni a très bien réussi à empêcher le coût des soins de santé d'augmenter. Réussir à offrir des services universels et plus ou moins exhaustifs pour moins de 7 p. 100 du PIB est une vraie aubaine. Si nous comparons avec d'autres pays, nous pouvons dire que nous en obtenons pour notre argent. Deux facteurs expliquent comment nous avons réussi à y arriver. Le premier est un contrôle gouvernemental très strict, un système de payeur unique avec une source de fonds, que le trésorier contrôle très bien en réglementant les dépenses des soins de santé. L'autre raison principale est que nous avons un solide système de soins de courte durée au Royaume-Uni - un intéressant contraste avec le Canada et notre pays - où les omnipraticiens agissent comme gardiens et où on procède à l'enregistrement des patients, à l'établissement des listes, ce qui donne un système maintenant très bien rodé.

Une autre raison explique pourquoi nous réussissons à limiter les coûts. Le gouvernement contrôle les salaires des principaux groupes d'employés au Royaume-Uni. Par le passé, on considérait cela comme un point fort en raison du solide pouvoir de négociation que cela a donné au gouvernement. À présent, on considère peut-être qu'il s'agit tout autant d'une force que d'une faiblesse parce qu'il est difficile d'attirer les principaux groupes d'employés dans un marché du travail concurrentiel et que certains employés peuvent être tentés d'aller travailler dans d'autres secteurs parce qu'ils y trouvent plus d'avantages et une plus grande souplesse.

Au Royaume-Uni, on met à présent l'accent sur l'augmentation des dépenses, un investissement plus grand qui pourrait nous aider à surmonter certains des problèmes inhérents à la restriction des coûts; plus d'argent qui nous permettra d'acheter quelques lits d'hôpitaux de soins de courte durée de plus, de mettre un frein au déclin que nous connaissons depuis bien des années pour que nous puissions avoir plus de souplesse, plus de capacité et plus d'argent pour engager du personnel. Nous tentons de rectruter à l'échelle internationale et de faire en sorte que notre pays puisse mieux recruter du personnel et le maintenir en poste, tout en injectant de l'argent dans la modernisation de l'équipement et des immeubles des hôpitaux.

Une grande question a été soulevée à l'interne, au ministère de la Santé, et à l'externe: est-ce que cela va suffire? Nous avons un service national de la santé qui est aussi un service de santé nationalisé, des hôpitaux qui appartiennent au gouvernement et qui sont exploités par lui, un important rôle de réglementation du gouvernement dans toutes les sphères du système. Nous tentons de réaliser ces changements, mais pas en revenant au modèle de marché interne, parce que ce modèle est, dans une large mesure, périmé, même s'il en subsiste toujours quelques vestiges. La concurrence et le choix ont été rejetés par le gouvernement Blair, qui tente d'apporter des améliorations au rendement par l'entremise de mesures de contrôle et d'intervention du gouvernement, de l'établissement de normes de rendement national, du recours à des organismes comme la Commission pour l'amélioration de la santé pour l'inspection et les visites des hôpitaux, de l'introduction de changements au moyen d'un certain nombre de nouveaux mécanismes comme l'organisme de modernisation des services de santé, dont le rôle est de cerner les pratiques exemplaires, d'en répandre l'utilisation et de surmonter certains des écarts de rendement.

J'ajouterai enfin, en guise d'introduction, que mon interprétation des données internationales révèle que le Canada et le Royaume-Uni ne sont pas seuls à vivre ce qui est perçu comme une crise de rendement qui les expose aux préoccupations constantes du public et aux critiques des médias.

À la suite de ses récentes études sur les attitudes professionnelles à l'égard de la prestation des soins de santé, le Fonds du Commonwealth signale des constatations très semblables dans divers pays comme l'Australie et la Nouvelle- Zélande ainsi que le Canada et le Royaume-Uni. Les problèmes de politique en matière de santé sont difficiles à régler, si tant est qu'ils puissent l'être. Il faut souvent se contenter de la moins pire des solutions plutôt que de la meilleure.

Le président: Ce commentaire encourageant explique pourquoi nous faisons ce que nous faisons.

Avant de passer à mes collègues, j'aimerais poser une question à M. Ham, mais j'invite tout le monde à donner son point de vue. M. Ham a dit, pour reprendre ses termes, que le marché interne était «périmé». Était-ce purement pour des motifs idéologiques et politiques, auquel cas nous n'avons pas besoin d'approfondir la question, ou certaines données laissaient-elles croire que la structure de marché interne ne fonctionnait pas de toute façon?

M. Ham: Certains diraient qu'elle n'a jamais été adéquatement mise à l'essai et mise à l'épreuve. Je soupçonne que c'est ce que pourrait vous dire M. LeGrand lorsque nous l'appellerons à intervenir. Évidemment, quand vous réunissez deux ou trois universitaires, vous obtenez quatre ou cinq opinions différentes; je pense que la séance va être animée.

Le président: Il faut que je vous dise que, comme nous avons deux médecins, nous allons sûrement vous rendre la pareille pour ce qui concerne la multiplicité des opinions.

M. Ham: Je dirais que le terme «marché interne» n'a jamais vraiment décrit la réalité dans notre cas. Je dirais qu'il s'agissait d'un marché géré qui s'est transformé en marché très politiquement géré. Il a été créé par Margaret Thatcher, qui croyait à la valeur de la concurrence et du choix dans le secteur de la santé et dans d'autres. Lorsqu'il a été mis en place, John Major est devenu premier ministre, et il y a aussi eu changement de ministre de la Santé. On pourrait alléguer qu'ils n'avaient ni le courage ni les convictions de leurs prédécesseurs. En effet, ils n'ont pas mis en oeuvre le marché interne de la façon qui avait été prévue au départ, de sorte que, en pratique, je dirais qu'il n'y a jamais eu entre les hôpitaux et les autres fournisseurs de soins de santé la concurrence qui avait été prévue, et que ce qu'on appelait l'expérience du marché interne n'a jamais été mise à l'essai de la façon prévue au départ.

M. LeGrand: Je suis d'accord avec vous. Nombre d'entre nous qui avons appuyé l'idée du marché interne ont été déçus des conséquences. Il n'a jamais vraiment connu d'échec, mais jamais vraiment connu de succès non plus. On n'a jamais vu les changements marqués que certains d'entre nous avaient espérés et que certains d'entre nous avaient craints, et ce, pour deux raisons. La première était que le consensus était trop faible et les contraintes, trop fortes. Il n'y avait aucune mesure incitative digne de ce nom. Les hôpitaux avaient rarement un bon rendement, mais s'ils en avaient un, tous les surplus qu'ils pouvaient faire leur étaient retirés l'année suivante. S'ils connaissaient un échec, le gouvernement les tirait du pétrin. D'une façon ou d'une autre, rien n'incitait vraiment les hôpitaux à avoir un bon rendement.

En même temps, comme l'a expliqué M. Ham, il y avait un contrôle central plutôt marqué de la part du gouvernement, lequel jugeait très difficile de laisser aller le marché des soins de santé, ce qu'il aurait dû faire si le réseau de la santé avait bien fonctionné. Ainsi, les mesures incitatives étaient trop faibles, et les contraintes, trop fortes.

Il pourrait y avoir une erreur au chapitre du degré fondamental de motivation. Pour qu'un marché fonctionne bien, les personnes concernées doivent être motivées à répondre aux signaux inhérents. Elles doivent être motivées, au sens le plus cru du terme, par la recherche du profit. Dans bien des cas, les principaux agents du marché étaient des médecins et des spécialistes des hôpitaux, dont les motivations n'étaient pas nécessairement de faire un gros profit pour eux-mêmes ou pour l'établissement pour lequel ils travaillent. Leurs motivations peuvent être le bien-être du patient ou leur situation professionnelle. Il pouvait y avoir tout un éventail de motivations, mais pas nécessairement celle qui aurait convenu au type d'entente de marché qui était établi. C'est une autre raison qui explique pourquoi, en définitive, le marché interne n'a peut-être pas connu le succès que certains avaient escompté.

M Smee: Jusqu'ici, je n'ai rien entendu que je pourrais fortement contester, mais il ne faut pas oublier qu'il y a d'importants vestiges d'une période connue sous le nom de marché interne, et je pourrais vous en nommer trois: tout d'abord, nous continuons à séparer les achats, ou ce que nous appelons maintenant le rôle d'acheteur, du rôle de fournisseur. L'une des critiques formulées par le Service national de la santé avant la création de ce qu'on a appelé le «marché interne» était que les mêmes administrations de la santé, qui devaient commander ou acheter les services au nom des populations locales, devaient en même temps exploiter les hôpitaux locaux. Il y avait donc un énorme conflit d'intérêts qui visait à protéger ces hôpitaux.

Le gouvernement actuel a poursuivi la mesure avec l'idée qu'il fallait maintenir un système selon lequel un ou des organismes agiraient principalement, ou uniquement, comme représentants des consommateurs dans le système de santé. Il y a une grande distinction entre les personnes qui reçoivent l'argent - à l'heure actuelle, les administrations de la santé et, de plus en plus dans l'avenir, les groupes de soins primaires ou les fiducies - et les fournisseurs proprement dits, particulièrement ceux qui fournissent des soins secondaires - des hôpitaux - qui ne font pas l'objet de la même gestion directe. Cette idée a survécu.

La deuxième idée qui a survécu a découlé du marché interne plus par hasard que par logique. Quels qu'ils soient, les groupes de soins primaires sont probablement les meilleurs représentants du public pour ce qui est de l'achat des services. Dans le modèle original, les titulaires du fonds étaient les omnipraticiens, et on en est venu à leur confier la responsabilité des achats, au détriment des administrations de la santé. Le gouvernement actuel est parti de là et a dit qu'il reconnaissait que les omnipraticiens et l'équipe des soins primaires semblaient, en définitive, les mieux placés dans le système des soins de santé pour commander des services au nom de l'ensemble de la population du pays. Par conséquent, il les intégrerait au groupe des soins primaires appelés à devenir des fiducies des soins primaires. Il y a une continuité entre la situation actuelle et le marché interne.

Troisièmement, lorsque nous avons décidé que nous devions commander des services, nous avons commencé à en établir le prix adéquatement. Nous avons commencé à nous poser des questions au sujet de la qualité ainsi que des coûts. Le gouvernement actuel a pu faire fond sur une bonne part du travail fait en vue de l'établissement du marché interne en ce qui concerne l'amélioration des informations sur le rendement et des mesures de rendement. Avant le marché interne, du fait que nous ne faisions pas une bonne part des achats, des commandes, des contrats de service, nous avions beaucoup moins d'information sur les coûts et en avions de moins en moins sur les résultats. Avec le marché interne, à tout le moins en théorie, lorsque vous tentez de réduire les coûts, vous réalisez rapidement qu'il vous faut des informations sur la qualité pour vous assurer de ne pas simplement couper tout le temps des coûts au détriment de la qualité. On peut observer une certaine continuité dans l'amélioration des informations dont nous disposons pour mesurer ce qui se passe dans les systèmes de soins de santé et utiliser les mesures acquises pour promouvoir l'amélioration dans tous les secteurs.

Le sénateur Graham: Le sénateur Kirby a souligné que nous avions la chance d'avoir deux distinguées personnes de la profession médicale avec nous au comité: le sénateur Morin, ex-doyen de médecine de l'une de nos grandes universités, et le sénateur Keon, le plus célèbre spécialiste du coeur au Canada.

En examinant les documents qui nous ont été remis pour la réunion, je suis tombé sur une statistique intéressante: en Angleterre et au pays de Galles en 1986, le nombre de pontages coronariens mentionné était de 929. Six ans plus tard, en 1992, ce nombre était passé à 6 463. Je ne sais pas si c'est attribuable à une hausse des problèmes de santé ou à de nouvelles capacités médicales. J'aimerais obtenir vos commentaires là-dessus.

Et tandis qu'on y est, vos étudiants en médecine sont-ils encouragés ou invités à s'inscrire dans une discipline ou une spécialité particulière pour qu'on puisses' assurer qu'il y a suffisamment de médecins dans toutes les spécialités?

M. Ham: Ce que vous donnez est un exemple particulier du problème général d'un système dont on a très strictement restreint les coûts dans le passé. L'une des façons dont cette mesure s'est traduite, c'est qu'il y a eu sous-fourniture et sous-investissement dans des services comme les pontages coronariens.

Si vous examinez les chiffres comparatifs pour toutes les années, en Amérique du Nord, en France et en Allemagne, le Royaume-Uni effectue généralement moins de ces actes par rapport à la population qu'on le fait ailleurs. Au cours des trois ou quatre dernières années, le gouvernement a déclaré qu'il procédait en réalité à trop peu de ces interventions. Par conséquent, l'investissement qui est maintenant fait vise à étendre les services dans les domaines du cancer, des coronaropathies et de la santé mentale afin de porter la prestation des services et l'intervention à des niveaux plus conformes à ce que vous pourriez vous attendre à trouver ailleurs.

Ce sont les contraintes du côté de l'offre qui expliquent la différence que vous soulignez, plutôt qu'un écart majeur de la demande dans ce groupe de population.

Le sénateur Graham: Pourriez-vous nous dire quel accent est mis sur les programmes de soins de santé préventifs?

M. Ham: On s'efforce énormément d'accorder la priorité aux programmes de soins de santé préventifs. À l'heure actuelle, ils prennent plusieurs formes. Dans mes remarques liminaires, j'ai parlé des différences entre nos deux systèmes au chapitre des soins primaires. L'un des principaux avantages dans notre système des soins primaires est que les patients s'inscrivent auprès d'un médecin de famille ou recourent aux services d'un groupe de médecins de famille. Par conséquent, on retrouve dans la relation entre les patients et les médecins une continuité qui ne se trouve pas dans d'autres systèmes.

Le groupe de médecins de famille a la responsabilité constante d'une population donnée, est généralement responsable de tous les membres d'une même famille, ce qui l'amène à accorder la priorité aux vaccinations et aux immunisations des enfants de sa clientèle. Ils seront aussi responsables de certains programmes de dépistage, par exemple le dépistage du cancer du col de l'utérus. Ils vont, de diverses autres façons, donner des conseils sur l'abandon du tabagisme, l'adoption d'un mode de vie sain, la nutrition, l'alimentation, et ainsi de suite. Les soins primaires sont un point très important pour nous en ce qui touche la prévention.

À l'échelle nationale, il y a des cibles au sujet de la santé de la population que le gouvernement actuel et le gouvernement conservateur qui l'a précédé ont établi pour l'améliorer. De façon générale, elles concernent les principales causes de mortalité ou de morbidité, comme les cancers, les ACV, les maladies cardiaques, les suicides et les maladies mentales. Le gouvernement établit des cibles, par exemple de dix à quinze ans, pour l'amélioration souhaitée de la santé de la population dans chacun de ces secteurs. Ces cibles sont ensuite adaptées à l'échelle locale, chaque administration de la santé étant responsable de sa population et approuvant les programmes locaux de prévention et de promotion de la santé, souvent en partenariat avec les autorités locales.

M. Smee: En ce qui concerne les écoles de médecine, il y a un système qui permettrait d'accepter, en collaboration avec les Royal Colleges, notre association professionnelle principale, le nombre de postes de formation au-delà du premier cycle. Si nous pensons qu'il faudra plus de gynécologues dans cinq, dix ou quinze ans, on peut s'entendre avec les Royal Colleges pour qu'il y ait davantage de postes de registraire ou d'agent principal de santé dans ces spécialités. Je pense qu'il faudrait dire que le processus n'a pas très bien fonctionné puisque les mêmes spécialités ont été frappées par des pénuries qui allongent les délais d'attente depuis bien des années.

M. LeGrand: On pourrait en dire plus au sujet de la prévention également. Lorsque vous établissez une distinction entre les acheteurs et les fournisseurs, la possibilité de mettre un accent sur la prévention est manifeste, et il y a eu à ce sujet un ou deux exemples intéressants. Une administration de la santé a délibérément décidé de dépenser son argent sur l'installation de ce que vous appelez ici une «bosse antivitesse» dans un domaine d'habitation publique local, l'idée étant de réduire le nombre d'accidents.

Le président: Avez-vous d'autres commentaires à faire en réponse à la question du sénateur Graham?

M. LeGrand: Je racontais l'histoire au sujet de la distinction entre l'acheteur et le fournisseur et de la prévention. Ce que je voulais dire, c'est simplement que, à tout le moins en théorie, si l'acheteur et le fournisseur sont distincts, l'acheteur peut consacrer de l'argent à la prévention beaucoup plus facilement que si le système est intégré. Je dois dire qu'en pratique, hormis les histoires que nous avons entendues, le secteur des hôpitaux pour soins de courte durée réussissait quand même très bien à gober une grande partie de l'argent, comme ce type de centres le fait généralement.

Le sénateur LeBreton: J'ai une question précise à poser à M. LeGrand. Dans vos remarques liminaires, vous avez parlé d'une Commission pour l'amélioration de la santé, et vous avez aussi parlé de ses activités de contrôle. Quand a-t-elle été créée? Quel est son mandat? Quelle portée avez-vous? Quels pouvoirs avez-vous d'effectuer des changements? La commande semble grosse. Elle le serait à coup sûr s'il y avait un organisme de ce genre ici au Canada.

M. LeGrand: Ceux d'entre nous qui y travaillent le pensent aussi. L'organisme a un certain nombre de fonctions. L'une d'entre elles - mes collègues m'en voudraient de dire cela, parce que je n'utilise pas le jargon - consiste fondamentalement à effectuer un contrôle de la qualité et du rendement ainsi que des procédures qui ont été établies au sein du système, en mettant particulièrement l'accent sur les mesures cliniques établies pour le rendement et la surveillance.

Un autre rôle consiste à entreprendre diverses enquêtes qui ont été commandées par le secrétariat d'État ou, à vrai dire, par d'autres. Nous acceptons les demandes émanant d'autres parties des services de santé où l'on souhaite que nous entreprenions des enquêtes particulières sur des indicateurs précis, ou dans des cas précis, devrais-je dire, d'exemples de défaillances de systèmes sur lesquels on nous a demandé d'enquêter.

De plus, nous avons un rôle de contrôle du rendement général. De concert avec d'autres organismes du gouvernement, nous établissons un certain nombre d'indicateurs du rendement qui s'attachent au rendement national du système par rapport à certaines cibles nationales.

Nous ne sommes en fonction que depuis environ un an. Nous avons entrepris plusieurs enquêtes particulières au cours de cette période, des cas de violence à l'endroit de patients âgés, par exemple, dans un hôpital particulier, et il y a aussi un chirurgien qui a commis une erreur en procédant à l'ablation du mauvais rein dans un autre hôpital.

Nous avons aussi entrepris les visites. Jusqu'à présent, nous nous sommes rendus dans 20 ou 30 des 500 établissements du SNS que nous sommes censés visiter de façon régulière - une fois tous les quatre ans pour ceux qui s'en tirent bien, et une fois tous les deux ans pour ceux qui s'en tirent moins bien. Nous sommes censés produire un rapport sur ces établissements. Le rapport est envoyé au bureau régional. Si des mesures y sont recommandées, le bureau régional du Service national de la santé est censé faire un suivi. Jusqu'à présent, il est trop tôt pour dire si cela va fonctionner ainsi en pratique, mais à tout le moins, cela fonctionne ainsi en théorie.

Le sénateur LeBreton: Combien y a-t-il d'employés à cette commission?

M. LeGrand: Le nombre en augmente de façon exponentielle. Au dernier décompte, il était de l'ordre de 250. Il s'agit du personnel du siège social. Pour entreprendre des examens proprement dits, nous faisons appel à tout un éventail d'examinateurs. Ces gens sont détachés, généralement du secteur de la santé, et nous nommons au comité d'examen un médecin, une infirmière, un gestionnaire médical et un profane. Ces personnes sont détachées et formées par nous, et elles procèdent à l'examen spécifiquement à cette fin.

Le sénateur LeBreton: Évidemment, les bénéficiaires de cette activité sont les membres du public, pour ce qui est des connaissances, et la profession, pour ce qui est du rendement. Vous occupez-vous des répercussions juridiques? Vous avez parlé de l'homme à qui on a enlevé le mauvais rein.

M. LeGrand: À coup sûr.

Le sénateur LeBreton: Et comment vous débrouillez-vous?

M. LeGrand: Comme toujours dans les affaires juridiques, avec beaucoup de difficulté.

Dans notre premier rapport, qui concernait des actes de violence à l'endroit de patients âgés, nous nous sommes livrés à des contorsions sans fin pour tenter d'établir si nous pouvions nommer une personne en particulier qui, selon nous, était en grande partie responsable de ces actes de violence. Nous avons consulté divers avocats du gouvernement. Nous avons consulté des avocats chargés du trésor, quoique je ne me rappelle pas pourquoi, et ils nous ont conseillé de ne pas nommer l'individu en question. D'après ce que je comprends, le ministère de la Santé était plutôt impatient avec nous et nous a dit que nous devions nous trouver un autre avocat. Nous progressons avec un soin extrême sur cette voie, parce que, manifestement, l'affaire peut rapidement prendre une tournure juridique.

Le sénateur LeBreton: J'ai une autre question au sujet des assureurs privés. J'ai lu quelque part qu'au Royaume-Uni les personnes se tournent de plus en plus vers les assureurs privés. Je pense que le chiffre augmente. Cela entraîne-t-il des contraintes supplémentaires pour le système si les gens ont une assurance privée? Je pense que le Royaume-Uni a des problèmes semblables à ceux du Canada en ce qui concerne les délais et les listes d'attente. Y a-t-il un risque que les personnes protégées par une assurance privée sautent des étapes et obtiennent plus rapidement des soins que le reste du public?

M. Smee: En ce qui concerne l'ampleur de l'assurance-maladie privée, le fait est qu'elle a augmenté rapidement dans les années 80, jusqu'aux environs de 1989, si je ne me trompe, lorsque 10 p. 100 de la population avait une assurance privée. Le chiffre est ensuite demeuré le même tout au long des années 90 jusqu'en 2000, les chiffres les plus récents révélant une nouvelle fois une augmentation marquée. Cependant, cette augmentation, qui se situe aux environs de 5 p. 100, est la première qui soit réellement importante depuis une décennie.

Ce qui nous intéresse de savoir, c'est pourquoi l'assurance privée est en apparence demeurée stable durant la plus grande partie d'une décennie. Nous pensons maintenant qu'environ 12 p. 100 de la population est protégé par une assurance privée. Il faut établir la distinction entre les personnes protégées par l'assurance de leur employeur - dont le nombre a augmenté - et les personnes qui ont pris une assurance personnelle privée directement plutôt que par l'entremise de leur employeur. Les assurances des entreprises ont eu tendance à connaître de l'expansion durant la plus grande partie de la période, mais le phénomène est passé inaperçu en raison d'une diminution des paiements privés. La partie qui connaît la croissance la plus rapide, en ce qui concerne la protection privée à l'heure actuelle, concerne les paiements directs, lorsque les personnes ne font pas appel à leur assurance privée ni à celle de leur employeur quand ils ont besoin d'une opération non urgente et qu'ils paient simplement de leur poche.

Il arrive parfois que certaines personnes réussissent à passer avant d'autres. L'un des principaux motifs avancés par les personnes qui souscrivent une assurance privée, c'est qu'elles veulent avoir la certitude qu'elles-même et les membres de leur famille pourront obtenir une opération chirurgicale non urgente plus rapidement ou à un moment plus opportun que si elles doivent s'en remettre au Service national de la santé (SNS). Bien sûr, on y voit un problème d'équité, et c'est l'une des raisons qui font que le gouvernement s'est engagé à réduire les délais d'attente pour les patient du Service national de la santé le plus rapidement possible.

Le sénateur LeBreton: Il n'y a donc pas de lois qui puissent contrecarrer une telle tendance. Les impossibilités de croissance existent bel et bien, en particulier en ce qui concerne les régimes d'employés et d'employeurs. S'il n'y avait pas de véritables avantages, pourquoi y souscrirait-on? S'attend-t-on à ce que le gouvernement prenne des mesures pour contrôler l'utilisation de l'assurance privée dans le système?

M. Smee: Le gouvernement est convaincu que le SNS, pour peu qu'il soit adéquatement financé et de qualité suffisante, sera en mesure d'assurer des services de choix à la grande majorité des citoyens. Il a pour but, je suppose, de faire en sorte que le SNS soit le choix d'un plus grand nombre de citoyens. Il espère que le régime et les réformes qui suivront feront en sorte qu'un moins grand nombre de personnes croiront avoir besoin d'une assurance-santé privée.

Il y a d'autres raisons de souscrire une assurance privée. On peut obtenir des traitements plus rapides dans certaines régions du pays. Les personnes qui ont une assurance privée bénéficient d'un accès plus rapide à un spécialiste à titre de malade externe et peuvent se faire opérer plus rapidement. Le gouvernement d'efforce de combler un tel écart, et il réalise en ce moment des progrès sur ce plan.

Certaines personnes souscrivent une assurance privée parce qu'elles tiennent à bénéficier d'un niveau de «services hôteliers» plus élevé à l'hôpital. Elles peuvent obtenir non seulement une chambre privée, mais aussi une télévision privée, et ainsi de suite, ou encore elles souhaitent être traitées par tel ou tel médecin-conseil. Les patients qui bénéficient d'une assurance privée ont normalement accès à un médecin-conseil, tandis que ceux du Service national de la santé se feront peut-être opérer par un membre du personnel subalterne, même s'ils sont confiés à la supervision générale d'un médecin-conseil. À l'heure actuelle, le gouvernement ne limite pas l'accès à l'assurance privée, et il ne sent pas du tout le besoin d'inciter les citoyens à souscrire une assurance privée. En fait, il a même retiré l'ensemble des subventions ou des incitatifs fiscaux évidents qui avaient pour effet d'inciter les gens à souscrire une assurance privée.

Le sénateur Morin: Ma première question s'adresse à M. Ham, qui a passé six mois à Vancouver, n'est-ce pas?

M. Ham: J'aurais bien voulu y passer six mois. Mon séjour n'a été que d'une semaine.

Le sénateur Morin: Je vois. Vous connaissez le système, cependant, de même que les similitudes entre les systèmes britannique et canadien. Il y a également des différences majeures. Dans sa plate-forme électorale, le gouvernement travailliste a promis d'augmenter les dépenses du tiers, tandis que nous tentons désespérément de maintenir les coûts. Après votre récent séjour à Vancouver, avez-vous une idée des leçons que le Canada pourrait tirer du SNS et des réformes qu'il a récemment effectuées?

M. Ham: Comme je l'ai affirmé dans ma déclaration d'ouverture, j'ai été frappé par bon nombre de similitudes entre nos systèmes. Nous avons des objectifs similaires, mais aussi des problèmes très similaires. Dans tous les travaux que j'ai consacrés aux modalités de paiement et de prestation des services de santé dans différents pays, je suis également conscient du fait que le coût de chacun des systèmes joue un rôle important dans le façonnement de ce qu'il est possible d'accomplir et que les idées ne franchissent pas toujours facilement les frontières internationales. Ce qui donne les meilleurs résultats dans le système du Royaume-Uni pourrait ne pas très bien fonctionner ailleurs.

Je dirais que les plus solides caractéristiques du Service national de la santé ont trait aux assises des soins primaires, sur lesquelles reposent le système. Après avoir examiné des données internationales, Barbara Starfield de la Johns Hopkins University a montré que les pays dont les soins primaires sont de meilleure qualité tendent à obtenir de meilleurs résultats du point de vue de la santé de la population. Ils tendent à obtenir un meilleur rendement, et les populations tendent à être plus satisfaites du rendement des services de santé. Dans son analyse comparative, Mme Starfield a également montré que le Royaume-Uni vient probablement au premier rang des pays du monde au chapitre de la force de l'accent mis sur les soins primaires dans le système de soins de santé.

Je ne voudrais pas vous donner l'impression que les dispositions qui régissent nos soins primaires sont parfaites, mais, en raison du principe selon lequel les patients s'inscrivent auprès d'un médecin de famille, qui assume la responsabilité de la continuité des soins, le phénomène du «magasinage» de médecin n'existe pas au Royaume-Uni. Nous nous attendons à ce que les membres d'une même famille s'en remettent au même groupe de médecins pour la prestation de soins. Avec l'approfondissement de cette relation au fil des ans, les médecins sont en mesure de prendre la responsabilité de toute cette population et d'accorder la priorité à la médecine préventive et à la prestation de conseils sanitaires. Ce sont là autant de caractéristiques positives, non seulement pour le Royaume-Uni, mais pour tout le système de soins de santé qui tente d'améliorer son rendement.

En vertu d'une deuxième caractéristique qui revêt de plus en plus d'importance, nous étudions les moyens non seulement d'agrandir et de renforcer le réseau médical, mais aussi d'agir sur les déterminants sociaux et économiques de la santé pour améliorer la santé de la population.

Depuis sa première élection il y a quatre ans, le gouvernement Blair a adopté un éventail de politiques de lutte contre la pauvreté infantile et les inégalités sociales, phénomènes que le gouvernement précédent éprouvait de la difficulté à reconnaître de façon explicite. Aujourd'hui, on met davantage l'accent sur l'amélioration des conditions extérieures au secteur des soins de santé dans l'espoir - bien fondé, me semble-t-il, à la lumière des données issues de la recherche - que les interventions en ce sens se traduiront à long terme par une amélioration de la santé de la population. À cet égard, nous sommes revenus en arrière pour trouver notre inspiration dans le rapport Lalonde de 1974, qui a été produit au Canada. Nous ne sommes pas parvenus à nos fins, mais nous nous efforçons d'établir un meilleur équilibre entre le programme de la santé et le programme médical.

Le sénateur Morin: Ai-je raison de penser que le SNS envisage de se tourner davantage vers des hôpitaux exploités par le secteur privé?

M. Ham: Oui. Le SNS a toujours eu recours à des hôpitaux privés, mais, au cours de la dernière campagne électorale - c'est peut-être ce à quoi vous faites allusion - , le gouvernement Blair s'est engagé à faire preuve de pragmatisme, une fois l'élection passée, relativement à la question de savoir si on devrait recourir à des hôpitaux privés ou publics pour traiter les patients du Service national de la santé. Les patients en question seraient traités gratuitement au point de service, public ou privé. La mesure vise à réduire les listes d'attente et les délais d'attente, particulièrement pour les traitements médicaux non urgents, de même qu'à favoriser l'atteinte des objectifs du gouvernement. Il s'agit d'un renversement considérable par rapport à la façon dont les gouvernements travaillistes ont traditionnellement abordé ces questions. Le gouvernement Blair se revendique du nouveau travaillisme, et non de l'ancien, c'est-à-dire qu'il fait preuve de plus de pragmatisme en ce qui concerne l'endroit où les soins sont donnés, à condition qu'ils soient gratuits pour les patients.

Le sénateur Morin: Quel serait l'effet de la délégation ou de la décentralisation de la prestation des soins de santé sur l'Écosse et le pays de Galles? Les soins primaires seraient-ils confiés à la responsabilité de ces États?

M. Ham: Oui. On note des différences entre les quatre régions du Royaume-Uni. C'est en Écosse que la délégation est la plus poussée. L'Écosse a élu un parlement doté de certains pouvoirs d'imposition. Ni l'assemblée galloise ni l'assemblée d'Irlande du Nord ne peuvent lever des impôts. Elles exercent des pouvoirs législatifs limités. Au cours des deux dernières années du processus de délégation, le problème le plus important rencontré jusqu'ici a eu trait au financement des soins de longue durée, c'est-à-dire habituellement les soins non médicaux pour les personnes âgées et les personnes dépendantes qui n'ont plus besoin du secours du Service national de la santé et qui n'ont plus besoin de soutien médical. Selon la proposition écossaise, le gouvernement devrait financer pleinement tout les aspects des soins de longue durée. Selon la proposition formulée en Angleterre, le gouvernement ne devrait financer que certains aspects des soins de longue durée, les patients et leurs proches devant assumer la responsabilité directe du reste des frais. On a donc ainsi une idée de la façon dont la délégation pourrait à la longue déboucher sur quatre versions différentes du Service national de la santé, même si nous voyons dans le dernier un modèle unique.

M. Smee: En ce qui concerne la délégation, on ne doit pas oublier que le ministère, c'est-à-dire celui dont vous parlez actuellement, le ministère de la Santé, a toujours été responsable uniquement de l'Angleterre. Depuis 20 ou 30 ans, sinon au moins depuis la création du Service national de la santé, nous n'avons pas assumé la responsabilité du système de soins de santé de l'Écosse, du pays de Galles ni de l'Irlande du Nord. Le pays de Galles, l'Irlande du Nord et l'Écosse ont toujours bénéficié d'une certaine marge de manoeuvre. Nous avons été devancés par le pays de Galles au chapitre de l'établissement d'objectifs de santé. L'Écosse n'a jamais tenu au marché interne au même titre que l'Angleterre. Parce qu'elle a maintenant le pouvoir de lever des impôts, l'Écosse, naturellement, peut aujourd'hui prévoir des écarts encore plus importants dans le système de soins de santé, mais elle le fera en s'inspirant de ce qui existe depuis longtemps.

M. LeGrand: Je veux formuler deux commentaires au sujet de la question de la compression des coûts et de l'utilisation des hôpitaux privés. Je dois soulever un point au sujet de ces deux aspects. Si la Grande-Bretagne est parvenue à juguler les coûts, c'est notamment en raison de sa capacité de limiter les revenus des médecins et d'autres professionnels de la santé. On a dit que c'est parce que bon nombre d'infirmières et de spécialistes travaillant en milieu hospitalier étaient salariés du Service national de la santé, et non d'un employeur, et nous avons été en mesure de contrôler les salaires des médecins et des infirmières. L'effondrement de ce genre de monopole risque d'être l'un des effets du mouvement vers une dépendance plus grande à l'endroit des hôpitaux privés.

Je siège à la commission qui recommande une telle mesure ou qui, tout au moins, recommande un certain mouvement en ce sens. Si les personnes qui travaillent en milieu hospitalier travaillent pour le compte du secteur privé ou sont plus nombreuses à travailler à leur propre compte, nous pourrions très bien être témoins de pressions à la hausse sur les coûts, et c'est l'un des arguments souvent invoqués contre l'idée. Je pense que les personnes qui siègent à la commission sont d'avis que la mesure aurait des avantages bénéfiques sur les autres options.

Le sénateur Morin: Le rapport de la commission a-t-il été publié? Est-il accessible?

M. LeGrand: La publication est prévue pour le 25 juin.

Le sénateur Morin: Nous serions heureux d'en recevoir un exemplaire.

M. LeGrand: Nous allons tenter de vous obliger.

Le sénateur Keon: Messieurs, je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de nous rencontrer.

Je veux toucher à deux aspects. Le premier a trait à l'impact de votre politique de la recherche en santé et des dépenses qui y sont affectées, lesquelles sont on ne peut plus louables, et l'autre concerne l'industrie de la santé qui a vu le jour en Grande- Bretagne en partie parce que Heathrow est un peu comme le centre de l'univers.

D'abord, je vais dire un mot de l'effet de votre politique d'organisation de la recherche en santé et des dépenses qui y sont affectées. Il est difficile de mesurer l'investissement dans la recherche fondamentale, et les retombées ont parfois un impact énorme. En ce qui concerne l'investissement dans la recherche sur les résultats pour la santé, la recherche sur la santé de la population, la recherche sur la compression des coûts et ainsi de suite, vous venez probablement au premier rang mondial. Obtenez-vous aujourd'hui des résultats mesurables qui permettent, par exemple, d'évaluer la façon de traiter les patients atteints du cancer de la prostate, ou les travaux ne sont-ils pas assez avancés pour que vous puissiez utiliser l'information de façon efficace? Qui aimerait répondre?

M. Ham: Dans le domaine de la recherche sur les services de santé et les résultats pour la santé, le Royaume-Uni jouit d'une longue tradition, qui remonte aux investissements dans les études sur échantillons aléatoires et contrôlées, à l'établissement du centre Cochrane et même des travaux de M. Cochrane. Je pense que votre observation est fondée. Au cours des 10, 15 ou 20 dernières années, nous nous sommes dotés, dans un certain nombre de centres établis dans des universités du Royaume-Uni, d'une solide capacité au titre de l'économie sanitaire, laquelle nous a permis de beaucoup rapprocher la perspective de l'évaluation économique de celle de l'analyse des résultats cliniques. Dans l'ensemble du pays, il existe aujourd'hui un réseau de chercheurs qui travaillent avec acharnement au programme dont vous avez fait état. Leur tâche a été facilité par un engagement national, respecté par les Conservateurs aussi bien que par les travaillistes, de sorte qu'il existe un consensus entre les parties relativement au financement des activités de recherche et de développement qui soutiennent le Service national de la santé.

Les chercheurs comme M. LeGrand et moi-même en avons bénéficié. Par conséquent, nous devons faire état de notre intérêt et affirmer qu'il s'agit, à notre avis, d'une tendance favorable. Pour le moment, cependant, cette recherche ne se traduit pas en mesures concrètes autant que nous le souhaiterions. C'est l'un des défis généraux auxquels nous sommes confrontés.

Nous savons beaucoup de choses au sujet des coûts et des résultats. Il est beaucoup plus difficile d'obtenir que les cliniciens donnent suite aux données, et c'est une difficulté à laquelle nous nous butons tout autant que les autres pays.

M. LeGrand: Dans ce contexte, il convient peut-être de faire état du National Institute for Clinical Excellence (NICE). L'institut a pour mandat de transmettre une partie de ces données au Service national de la santé et, en fait, de veiller à ce qu'elles soient mises en oeuvre. L'une des tâches de la Commission for Health Improvement consiste à vérifier si les praticiens utilisent les lignes directrices qui ont été promulguées par l'institut pour tenter de faire la promotion des pratiques exemplaires dans ce domaine.

M. Smee: La différence entre aujourd'hui et il y a cinq ans tient non pas tant à l'augmentation de l'étendue de nos recherches ni même des sujets de recherche, même si des changements sont en cours, mais bien plutôt au fait que nous disposons désormais de mécanismes institutionnels, comme MM. Ham et LeGrand l'ont indiqué, qui nous permettent d'utiliser les recherches pour produire un effet direct sur les politiques.

Le National Institute of Clinical Excellence en est un exemple. Il a en effet pour mandat d'établir des normes que la Commision pour l'amélioration de la santé contrôle et à propos desquelles elle soulève des questions. Nous avons adopté une série d'initiatives appelées National Service Frameworks, qui portent sur les principales maladies. Ces initiatives tentent d'établir des normes de soins associées à des objectifs pour l'amélioration des résultats cliniques d'ici environ dix ans.

À titre d'exemple, le National Service Framework, mis sur pied pour les maladies coronariennes, est né d'objectifs visant à réduire les taux de mortalité imputables aux maladies coronariennes d'ici 2010. En un sens, on fonctionne à rebours: que devons-nous faire pour améliorer la qualité et la disponibilité des soins, et quelle échelle de greffe de pontage de l'artère coronarienne devrions- nous envisager ou vers laquelle nous devrions tendre. De cette façon, nous pouvons assurer des soins de classe mondiale à des patients atteints de problèmes coronariens afin d'atteindre les objectifs liés à l'amélioration des résultats sur la santé.

L'ensemble du programme doit reposer sur les résultats. Cependant, il s'inspire lourdement de la recherche et de la mise en commun des secteurs des programmes de recherche parce que, naturellement, nous avons défini toute une série de nouveaux problèmes à propos desquels nous devons effectuer davantage de recherches pour assurer la réussite des programmes. Je suis conscient du fait qu'il s'agit d'un changement majeur.

Nous disposons maintenant de mécanismes institutionnels, stratégiques et essentiels aux politiques qui unissent les recherches entre elles de façon beaucoup plus serrée. Auparavant, c'était un peu comme répandre du pain sur l'eau: on ne savait jamais quels morceaux allaient flotter ou couler. Maintenant, nous veillons à ce que le pain soit répandu - et je crains que la métaphore a échoué ici - sur des bateaux ou en tout cas quelque chose qui flotte.

Le sénateur Keon: La réponse était claire.

Permettez-moi maintenant de me tourner vers une autre question qui m'a toujours fasciné, soit l'industrie des soins de santé qui existe en Grande-Bretagne depuis un certain temps. Il s'agit d'une situation sans égale dans le reste du monde. Les États-Unis disposent d'une importante industrie privée des soins de santé, laquelle, pour une large part, est soutenue à l'interne par des Américains. L'industrie des soins de santé du Royaume-Uni a pour sa part été soutenue, dans une large mesure, par des non-Britanniques, en particulier des résidents du Moyen-Orient, d'Afrique et de régions d'Europe où l'infrastructure n'est pas aussi avancée.

Je me suis toujours demandé si le fait que vous ayez été en mesure de maintenir vos dépenses de santé sous la barre des 7 pour cent du PIB était d'une façon ou d'une autre lié à ce phénomène. Il ne fait aucun doute, à mon avis, que l'industrie soutient certains des spécialistes et des hôpitaux spécialisés remarquables dont vous disposez.

M. Ham: Vous nous avez bien eu avec cette question. Comme vous le constatez, il est rare que nous soyons à court de mots. Pour répondre à l'un des points précis que vous avez soulevés, le Royaume-Uni a connu un afflux de patients étrangers, venus en particulier du Moyen-Orient. Au cours des dernières années, le phénomène a pris fin parce que les pays comme l'Arabie Saoudite se sont dotés d'infrastructure et d'une expertise propres. On traite les patients plus près de chez eux, plutôt que de les envoyer au Royaume-Uni. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un facteur important.

Il est également juste d'affirmer que les gouvernements du Royaume-Uni se sont, tout au long de l'histoire du Service national de la santé, montré réticents à l'idée d'assumer les frais de patients du Service national de la santé qui sont traités à l'étranger. Dans le contexte européen, il est intéressant de noter que nos voisins allemands, qui sont beaucoup plus riches et qui disposent d'un système de soins de santé adéquatement financé et relativement efficient doté d'une capacité excédentaire, s'efforcent maintenant de commercialiser cette capacité au Royaume-Uni pour nous aider à réduire nos délais d'attente et à réaliser nos objectifs. Dans le contexte européen, il y a plus de transférabilité et peut-être un peu plus de concurrence, mais le gouvernement ne l'encourage pas. Il tente de régler les problèmes du Royaume-Uni au Royaume-Uni.

M. Legrand: Certaines personnes croient que le secteur privé en général, ou le fait que les spécialistes du Service national de la santé peuvent arrondir leur revenu dans le secteur privé, constitue un facteur important qui contribue au maintien d'un moral élevé - plus élevé qu'il le serait sinon au sein du Service national de la santé.

Il est intéressant de constater - j'aimerais entendre la réaction de mes collègues à ce sujet - que le gouvernement a en fait proposé d'interdire aux spécialistes qui travaillent en milieu hospitalier d'exercer dans le privé pour une période de sept années suivant l'obtention du titre de spécialiste. La proposition a suscité énormément d'hostilité parmi les rangs des jeunes médecins qui n'ont pas encore bénéficié d'un tel avancement. Même les jeunes médecins sont peu susceptibles de bénéficier de la mesure parce que le secteur privé n'est pas présent dans toutes les spécialités. Je dois dire que j'ai été surpris par l'ampleur de l'hostilité provoquée par la mesure. J'ai l'impression que cette question nous ramène à un point plus fondamental selon lequel le maintien d'un régime privé en parallèle à un régime essentiellement axé sur le salariat, où les principaux médecins-conseils sont salariés, constitue une sorte de soupape ou de dispositif de sécurité qui permet de maintenir le moral et de faire en sorte que les spécialistes demeurent heureux, ce que le régime public au sens strict ne permettrait pas de faire.

M. Smee: Si cela vous intéresse, sénateur, nous pourrions vous fournir des faits sur la proportion des dépenses liées aux soins de santé privés attribuables à des visiteurs étrangers au pays. Je suis tout à fait d'accord avec le professeur Ham pour dire que cette proportion est limitée. Elle a été importante, mais elle diminue depuis un certain nombre d'années, comme M. Ham l'a laissé entendre.

Si cela vous intéresse, je serais pour ma part surpris que cette proportion soit supérieure à 10 p. 100 ou environ. Elle pourra être plus importante dans un ou deux hôpitaux spécialisés qui jouissent d'une réputation mondiale dans le domaine du traitement du cancer ou des services aux enfants. Dans l'ensemble du réseau médico-hospitalier, il s'agit cependant d'un infime facteur.

Lorsque le sénateur a fait allusion au fait que nous sommes dotés d'une industrie des soins de santé prospères, je pensais qu'il faisait référence à notre industrie pharmaceutique. C'est ce que nous entendons normalement par «industrie des soins de santé».

Le président: J'ai cru entendre M. Ham faire une observation il y a un instant à propos d'objectifs liés aux listes d'attente. Vous êtes-vous, à l'instar de la Suède, par exemple, fixé des objectifs explicites en ce qui concerne les listes d'attente?

M. Ham: Oui.

Le président: Y a-t-il des objectifs différents pour des procédures différentes? À quelles sanctions s'exposent les établissements qui ne les atteignent pas? Sinon, quelles sont les autres options qui s'offrent aux patients dans le cas de non-respect des objectifs? S'agit-il essentiellement d'un système sans pénalité?

M. Ham: Pour répondre à votre simple question, qui commande une réponse étonnamment complexe, nous allons devoir renoncer au dîner et réserver plus de temps. Vous permettez que je vous donne les grandes lignes?

Le président: À titre de politiciens, nous nous contenterons volontiers des grandes lignes.

M. Ham: Récemment, nous avons renoncé aux objectifs exprimés du point de vue de la réduction du nombre de personnes figurant sur les listes d'attente. C'était l'objectif que le gouvernement Blair s'était fixé en 1997. Les quatre dernières années ont montré que le gouvernement était en mesure de livrer la marchandise - et d'arriver à une réduction du nombre de personnes dont le nom figure sur les listes d'attente. Le gouvernement s'était donné pour objectif de réduire de 100 000 le nombre de personnes en attente. Il faut comprendre que le nombre global de patients dont le nom figure sur une liste d'attente a, à une certaine époque, été de plus de un million. Il s'agissait donc d'une diminution de moins de 10 p. 100 du nombre de ces personnes. On a atteint l'objectif, et le gouvernement a maintenant baissé les bras en déclarant: «Nous avons commis une erreur. Nous n'aurions pas dû exprimer l'objectif en fonction d'une réduction du nombre de personnes dont le nom figure sur des listes d'attente. Nous aurions dû plutôt nous donner pour tâche de réduire les délais d'attente». C'est la tâche sur laquelle nous nous concentrons aujourd'hui.

Les objectifs ont été fixés pour le délai d'attente maximum - et c'est ainsi qu'on procède - par exemple le délai d'attente pour une procédure non urgente à l'hôpital, le délai d'attente maximum pour la consultation d'un spécialiste par un malade externe, et il y a effectivement de la discrimination selon la procédure concernée. Les défis les plus difficiles ont été fixés en rapport avec certaines formes de traitement du cancer, ce qui est considéré comme une priorité, soit le diagnostic rapide des cancers ou des cancers possibles.

Dans le régime du SNS, on a également fixé des délais d'attente maximaux pour la prestation de services primaires par généraliste. Selon cet objectif, nul ne devrait attendre plus de 48 heures pour voir un généraliste. À l'heure actuelle, certains attendent bien moins longtemps, d'autres attendent bien plus longtemps, mais c'est l'objectif qu'on a fixé pour le service de soins de santé dans son ensemble.

Le président: Imaginons que l'objectif fixé pour tel ou tel traitement soit de trois semaines. Si, à la fin de la période de trois semaines, le patient n'a toujours pas reçu le service en question, a-t-il le droit de s'adresser ailleurs et d'obtenir que le SNS ou un autre organisme en assume les frais? Se contente-t-on plutôt de dire: «Dommage que nous n'ayons pu vous aider dans le délai prescrit, mais que voulez-vous?» J'essaie de comprendre à quel endroit les pénalités interviennent dans le système.

M. Ham: Je dois dire que trois semaines seraient un délai d'attente très court pour la plupart de nos patients.

Le président: Je comprends. Disons que l'objectif est de trois mois.

M. Ham: Dans le système tel qu'il existe actuellement, les patients ont, dans de tels cas, des droits très limités. Le seul droit qui existe aujourd'hui est le suivant: si un patient doit être opéré à une date donnée, et que l'intervention est annulée le jour même, on doit fixer une nouvelle date dans un délai de 28 jours, faut de quoi le patient peut se faire opérer ailleurs aux frais de l'hôpital ou de l'autorité de la santé.

Le président: J'aimerais revenir à la question des trois mois. J'essaie de comprendre comment, en l'absence de récompenses ou de pénalités claires, ou les deux, en cas de non-respect des objectifs, on pourra susciter un changement de comportement dans les systèmes de soins de santé de tous les pays.

M. Ham: Les incitatifs sont orientés non pas vers le patient, mais bien plutôt vers l'hôpital. S'il ne répond pas aux objectifs qui lui ont été fixés, un hôpital sera pénalisé, par les gestionnaires hiérarchiques, au moyen de réductions budgétaires ou de l'absence d'augmentation budgétaire. C'est le genre de mesures disciplinaires inhérentes au système.

M. LeGrand: J'ai siégé au conseil d'administration d'un hôpital, et il était très intéressant d'observer les réactions de l'hôpital au moment de l'établissement des objectifs et également durant l'année, lorsqu'il est apparu clairement que nous n'allions pas pouvoir respecter les objectifs en question. Les niveaux d'angoisse ont augmenté de façon spectaculaire, en particulier celui du directeur général. On avait laissé entendre que le directeur général ou le président du conseil d'administration allaient perdre leur poste s'ils étaient systématiquement et constamment incapables de répondre aux objectifs touchant les listes d'attente. J'ai l'impression qu'un seul échec n'aurait pas eu une telle conséquence, mais une incapacité soutenue de répondre à ces objectifs aurait été considérée comme un échec grave pour la direction, si bien que les emplois de certains des cadres principaux auraient été remis en question.

Le sénateur Pépin: J'aimerais aborder la question de la pénurie d'infirmières. Au Canada, nous connaissons une pénurie d'infirmières, et on nous a dit que d'autres pays, par exemple l'Allemagne, étaient confrontés à la même difficulté. Je me demandais si vous connaissez vous aussi une pénurie d'infirmières? Le cas échéant, j'aimerais en connaître la cause? Nous savons que nos infirmières sont surmenées et souffrent d'épuisement professionnel. De même, leur milieu de travail se détériore. Faites-vous face aux mêmes difficultés?

Plus tôt, on a mentionné que les infirmières devaient travailler pour le compte du secteur privé, et vous contrôlez les salaires des médecins et des infirmières. Si elles passent au secteur privé, bénéficieront-elles d'une augmentation salariale? Leurs conditions de travail seront-elles meilleures? Quelle est la situation chez vous? Quelle est la perception que vous en avez?

M. Smee: Nous faisons face à une pénurie d'infirmières, en particulier dans le contexte de l'ambitieux plan du SNS. Quelques raisons expliquent la pénurie potentiellement très grave à laquelle nous faisons face. Comme dans certains autres pays, nous avons, dans les années 90, réduit la formation des infirmières. Il y avait à cela deux raisons. La première, c'est que le nombre de lits d'hôpitaux diminuait rapidement et que la durée des séjours à l'hôpital pour des soins actifs était à la baisse. Tenant pour acquis que ces tendances allaient se poursuivre, on en est venu à la conclusion que nous avions besoin d'un moins grand nombre d'infirmières. Un autre facteur tient au fait que, aux fins du marché interne, la planification de la formation des infirmières a été décentralisée. Chacun a donc eu tendance à s'en tenir à son propre secteur et à oublier qu'il y avait aussi un champ plus vaste. En un sens, le ministère de la Santé s'est retiré de la planification des effectifs d'infirmières et a perdu la balle de vue. En un sens, la balle a quitté le terrain. Pour ces deux raisons tout au moins, le nombre d'infirmières formées a diminué de façon très radicale, et nous sommes aujourd'hui témoins d'une certaine diminution du nombre d'infirmières dans l'ensemble du système de soins de santé.

On s'attend désormais à ce que nous augmentions les services offerts très rapidement, et le nombre d'infirmières, de concert avec le nombre de médecins, représente un obstacle clé. La première mesure que le gouvernement a prise a été de recruter plus d'infirmières dans d'autres pays, où qu'elles se trouvent.

Deuxièmement, le gouvernement augmente le nombre de cours de formation et accorde divers incitatifs pour encourager un plus grand nombre de jeunes à s'y inscrire.

Troisièmement, le gouvernement s'efforce de rendre la profession d'infirmière plus attrayante aux yeux du grand nombre d'ex-infirmières qui ont quitté la profession pour une raison ou pour une autre et qui pourraient se montrer intéressées par l'idée de passer du travail à temps partiel au travail à temps plein. La question ne tient pas qu'au salaire et à la rémunération, même s'il s'agit d'un élément. Il y a également des problèmes liés aux conditions de travail, à la souplesse des horaires.

Nous nous efforçons de travailler sur tous les fronts en même temps. Ces pénuries de médecins et d'infirmières sont considérées comme des facteurs critiques qui freinent les ambitions du gouvernement pour le SNS. Comment pouvons-nous augmenter rapidement les effectifs tout en veillant à ce que les infirmières possèdent les compétences qui s'imposent?

Le sénateur Pépin: On a l'impression que tous les gouvernements se posent la même question. J'aimerais maintenant poser une question sur un sujet différent, à savoir les soins palliatifs.

Vos étudiants en médecine et vos infirmières reçoivent-ils une formation spéciale portant sur les soins palliatifs? Offre-t-on des services palliatifs dans des hôpitaux spécialisés ou à domicile? Comment le système fonctionne-t-il?

M. Ham: Je ne suis pas au courant de la formation offerte dans le domaine des soins palliatifs. Dans notre système, les hospices jouent un rôle important dans le domaine des soins palliatifs et des soins dispensés aux personnes en fin de vie. Ici, les hospices, en général, ne font pas officiellement partie du Service national de santé. Habituellement, ils sont exploités par des organismes bénévoles communautaires sans but lucratif, même si le Service national de la santé leur fournit une bonne part de leur financement. À l'heure actuelle, on renonce aux soins en établissement au profit des soins à domicile et du soutien des personnes qui souhaitent finir leur vie confortablement à la maison et dans leur environnement familial.

M. LeGrand: On vante également certaines expériences appelées l'«hôpital à la maison», où sont offerts une bonne part des traitements, pas seulement les soins terminaux. On peut offrir à la maison plutôt qu'à l'hôpital d'autres formes de soins, y compris les soins postopératoires.

On a évalué ces expériences, et je crois comprendre qu'elles sont très populaires auprès des patients, ce qui n'a rien d'étonnant. Elles sont aussi populaires auprès des familles, ce qui n'est peut-être pas étonnant non plus. Ces programmes coûtent cher, mais, au total, on les considère comme une réussite.

Le sénateur Pépin: Nous faisons face à une difficulté analogue. Notre Sénat a étudié les soins palliatifs et constaté que de plus en plus de personnes souhaitent obtenir ces services à la maison. Nous avons remarqué que le niveau de service et de médicaments offerts varie selon la région du pays où vivent les patients. Nous avons également découvert que seulement trois universités assurent au médecin une formation dans le domaine des soins palliatifs. C'est pourquoi je me demandais si vous faisiez face au même problème.

M. Ham: La question des médicaments ne se pose pas de la même façon dans nos deux pays parce que, chez nous, le coût des produits pharmaceutiques fait partie de l'ensemble des avantages offerts.

M. Smee: Une équipe française qui a visité la Grande-Bretagne il y a un an a soulevé la question des soins palliatifs. Je me souviens d'avoir été surpris par la quantité de documents inconnus de moi que possédait le ministère à ce sujet. Souhaiteriez-vous que nous vous fassions parvenir certains documents sur nos politiques à ce sujet?

Le président: Oui, je vous remercie.

Pour en revenir au problème des listes d'attente, vous avez déclaré à deux ou trois reprises que les pénuries de médecins et d'infirmières constituent une important contrainte dans le système. Vous avez également semblé laisser entendre qu'il est possible, au moyen de l'établissement de délais d'attente maximaux et de l'exercice de pressions sur les administrateurs d'établissements, de raccourcir les listes d'attente. Cette situation me laisse croire, même s'il est évident que vous avez besoin de plus de médecins et d'infirmières, qu'il est possible de modifier l'administration des établissements pour favoriser l'efficience et raccourcir les délais d'attente, même si les pénuries de médecins et d'infirmières se poursuivent. Ai-je raison?

M. Smee: Absolument.

M. LeGrand: Il est certes possible d'apporter des améliorations à court terme. En fait, c'est ce qui s'est produit. Pour tenter de respecter ces objectifs liés aux listes d'attente, le conseil d'établissement de l'hôpital où je siégeais a cédé un certain nombre d'interventions au secteur privé. Nos médecins-conseils ont travaillé les samedis et les dimanches pour réduire la liste. Nous avons tenté de recruter des infirmières un peu partout, même en Afrique du Sud, malgré les objections de Nelson Mandela.

De façon générale, on a élaboré un mécanisme à court terme pour répondre aux objectifs. Je suis plus pessimiste en ce qui concerne nos chances de réussite à long terme. Bon nombre des dispositions prises ont semblé ne pas résister à l'épreuve du temps.

M. Ham: Un de mes collègues de Birmingham, John Yates, effectue des recherches sur les listes d'attente depuis fort longtemps. Selon lui, il existe six éléments vraiment importants pour l'amélioration du rendement en ce qui touche les listes d'attente. Le premier consiste à vérifier les listes d'attente à intervalles réguliers. Au Royaume-Uni, environ 20 p. 100 des patients dont le nom figure sur l'une ou l'autre des listes d'attente n'ont plus besoin du rendez-vous ou de l'intervention parce qu'ils se sont adressé ailleurs ou pour d'autres raisons. On a ici affaire à une amélioration immédiate de 20 p. 100. Peut-être pourriez-vous en faire une de vos recommandations, ce qui contribuerait à votre popularité.

Deuxièmement, il laisse entendre que les mesures prises pour faire en sorte que les interventions non urgentes fassent l'objet d'une chirurgie d'un jour au besoin sont appropriées. À l'heure actuelle, les taux s'élèvent à environ 60 à 70 p. 100. Rien n'empêche qu'ils augmentent encore.

Troisièmement, nous allons nous intéresser aux fluctuations de la productivité des chirurgiens. Dans une spécialité donnée, on note des écarts importants entre chirurgiens du point de vue du nombre d'interventions de tel ou tel genre qu'ils sont en mesure de réaliser, compte tenu des resources et du temps mis à leur disposition. Nous disposons désormais de données à ce sujet.

Lorsque j'étais à Vancouver, j'ai mis la main sur une étude fascinante réalisée par Charles Wright à l'hôpital général de Vancouver, laquelle portait sur la satisfaction des patients à l'égard des interventions chirurgicales non urgentes. Si je me rappelle bien les résultats de l'étude, les chirurgiens de la cataracte comptaient pour les deux tiers des interventions étudiées. Plus du quart des patients qui avaient subi une chirurgie de la cataracte à Vancouver avaient le sentiment que leur vue était moins bonne après l'intervention qu'avant. Mis à part le problème de la productivité, nous devons nous poser des questions plus fondamentales, d'abord et avant tout sur la nécessité de ce genre d'interventions. Il s'agit d'une question non pas uniquement d'efficience, mais aussi d'efficacité.

Le sénateur Robertson: Je suis impressionnée par ce que vous avez dit jusqu'ici au sujet des améliorations que vous avez apportées aux soins primaires. Les documents que vous pourriez avoir à ce sujet rendraient un fier service au comité.

Puis-je vous poser une question directe? Pourriez-vous, à tour de rôle, nous dire ce qui, à votre avis, constitue le problème le plus important et le plus préoccupant auquel votre système soit confronté? Pourriez-vous, de la même façon, nous faire part des améliorations et des modifications les plus efficaces qui ont été apportées à votre système?

M. LeGrand: Le principal problème - et je ne vois pas de solution facile à court terme - tient à la simple taille de l'organisation.

Nous nous efforçons d'administrer ce que certains considèrent comme la plus importante organisation d'Europe occidentale, à l'aide principalement d'un système administré et ciblé de façon centrale qui dépend d'objectifs de rendement et d'incitatifs de gestion. Nous allons peut-être réussir. Compte tenu des nombreuses améliorations imminentes dont nous avons fait état, nous allons peut-être parvenir à nos fins. Si, comme l'économiste l'a dit l'autre jour, les objectifs et les incitatifs de gestion étaient la bonne façon d'administrer une grande organisation, l'Union soviétique serait aujourd'hui la société la plus efficiente du monde. C'est là un problème majeur que nous n'avons pas encore réussi à régler. Nous y arriverons peut-être un jour, mais c'est le problème auquel nous serons confrontés au cours des prochaines années.

Quelle est l'innovation la plus efficace? J'ai pour ma part été un fervent partisan du régime des fonds retenus pour des généralistes, idée suivant laquelle les praticiens qui assurent des soins primaires détiennent un budget épousant de près celui des soins secondaires. La réussite du régime tient au groupe de soins primaires en voie de mise en oeuvre. Il a ses points forts et ses points faibles, mais il est certain que j'y vois l'élément le plus susceptible de se traduire par des améliorations du système au cours des prochaines années.

M. Ham: Notre principal problème a trait à l'effectif des soins de santé. Les soins de santé sont une entreprise centrée sur les ressources humaines. Nous assurons les services à des personnes en faisant appel à des personnes. Faute d'un nombre suffisant de médecins, d'infirmières, de porteurs, de réceptionnistes et de commis bien formés qui se sentent valorisés, motivés et soutenus et qui ont le sentiment de disposer des ressources nécessaires pour effectuer le travail pour lequel ils ont été formés, les patients n'obtiendront pas les services de qualité auxquels ils s'attendent, et on assistera à un déclin de la confiance du public et de la qualité de l'expérience des patients dans le système de soins de santé. Ce que je veux dire, c'est qu'il est périlleux de négliger nos employés et notre effectif. Si nous réussissons à ce chapitre, bon nombre d'autres améliorations suivront. Si nous échouons, nous serons sans cesse en train de faire du rattrapage.

La meilleure illustration de ce que nous faisons au Royaume-Uni tient à l'accent beaucoup plus grand mis sur les façons différentes de faire, et non simplement sur l'investissement dans les mêmes vieilles recettes. Le nouvel organisme chargé de la modernisation du service de santé dirige des travaux en ce sens à l'aide du soutien et des conseils de Don Berwick de l'Institute for Healthcare Improvement de Boston. Dans nos rapports avec les médecins, les infirmières et les équipes cliniques, nous faisons appel à certaines techniques de pointe pour contribuer au remaniement de la prestation des soins aux patients. Dans les travaux préliminaires, consacrés au service de cancérologie, aux mesures prises pour faire face aux problèmes des listes d'attente et de la transition vers des rendez-vous à l'hôpital fixés à l'avance, les pionniers du service de santé obtiennent certains résultats des plus impressionnants. Pour nous, agir de façon différente doit faire partie de l'équation tout autant que la modification de ce que nous faisons déjà. Le bémol que j'ajouterai est le suivant. On aura beau utiliser des fonds additionnels pour travailler avec des pionniers, pourra-t-on soutenir le changement au fil du temps et convaincre de sa pertinence des personnes qui ne sont peut-être pas aussi naturellement enthousiastes à l'idée de modifier et de réviser leurs soins?

M. Smee: Je suis plutôt d'accord avec la déclaration de M. Ham selon laquelle l'effectif du service de la santé est probablement la principale contrainte. Si vous souhaitez que je fasse état d'un troisième problème principal, je soulignerais la tendance que nous avons à fixer un trop grand nombre d'objectifs et de cibles à satisfaire en même temps, ce qui résulte des pressions qui viennent du grand public, d'attentes très élevées et de la volonté des responsables politiques de faire face à ces pressions. Cette question viendrait au deuxième rang, derrière le problème lié à l'effectif soulevé par M. Ham.

En ce qui concerne les améliorations les plus importantes, j'en retiendrais une, de peu d'envergure, mais je pense qu'elle montre que, au sein du Système national de la santé, on peut, à condition que tout soit bien fait, progresser dans un domaine probablement assez important. Je fais ici référence au lancement et à l'universalité de NHS Direct, service d'aide téléphonique assuré par des infirmières qui est désormais accessible à tous, 24 heures sur 24, dans l'ensemble de l'Angleterre, mais pas encore dans tous les pays adjacents. Au moyen d'un certain nombre d'expériences, on élargit le système, dont on veut faire un système de rendez-vous, sans compter que tout un éventail d'autres éléments s'y greffent. Il y a aussi un site Internet. Il sera directement relié aux expériences de télévision numérique déjà en cours. En ce qui concerne l'amélioration de l'accès, le service a déjà apporté une contribution considérable.

À plus long terme et au chapitre des changements plus fondamentaux, je suis d'accord avec les points soulevés par MM. LeGrand et Ham, et j'en ajouterai un troisième. Je fais référence à la volonté du SNS de fixer, pour la toute première fois, des normes mesurables pour les niveaux de soins cliniques que nous sommes déterminés à respecter. À mes yeux, on ne peut parler d'amélioration du rendement en l'absence de mesures du rendement, et on ne peut se faire une idée du rendement sans normes. Avec les National Service Frameworks, le National Institute For Clinical Excellence et le reste, nous en sommes - pour la première fois, autant que je me souvienne - à fixer des objectifs précis pour la qualité clinique des soins que nous sommes déterminés à atteindre.

Le sénateur Cook: Je tiens à remercier les témoins d'une séance des plus éclairantes.

J'aimerais poser une question qui s'inscrit dans le cadre du dialogue que vous avez eu avec le sénateur Kirby. Vous avez laissé entendre que les chirurgies d'un jour avaient permis au système de réaliser des gains d'efficience. Quels sont les programmes ou les systèmes de soutien dont vous disposez pour les clients qui rentrent chez eux après une chirurgie d'un jour?

M. Ham: Notre Service national de la santé assure l'ensemble des soins de santé et des soins médicaux: les services hospitaliers et les services de médecins, mais aussi les soins primaires et les services de santé communautaires, ce qui comprend la prestation de soins à domicile. Habituellement, les soins sont offerts par le médecin de famille, le généraliste auprès de qui le patient est inscrit. Dans notre système, ce médecin - je crois que la situation est différente dans la plupart des régions du Canada - travaille au sein d'une équipe chargée des soins primaires. Le médecin a à sa disposition un certain nombre de médecins qui travaillent auprès des enfants ou des personne âgées de même que des infirmières de santé communautaire qui assureront le soutien des patients à domicile. On peut aussi avoir accès aux appareils et aux autres services de soutien dont les patients ont besoin. La gamme est complète: elle va des soins primaires aux soins intermédiaires, dont nous avons également fait une priorité, sans oublier les services hospitaliers et les services de spécialiste. Une fois de plus, je ne veux pas dire que tout va comme sur des roulettes, mais, du point de vue du patient, nous réussissons mieux l'intégration des différentes composantes.

Le sénateur Cook: Nous n'avons pas parlé de la maladie mentale. Comment le système dont il est question ce matin s'acquitte-t-il de sa tâche dans ce domaine? Dans ma province, il y a une dizaine d'années, on a délibérément tenté de désinstitutionnaliser les patients atteints d'une maladie mentale et de les intégrer dans la collectivité. Comment votre pays fait-il face à ce problème particulier?

M. Smee: Ici, nous nous refilons le problème l'un l'autre, ce qui laisse peut-être entendre que nous ne sommes pas terriblement bien informés à ce sujet. On a annoncé un cadre de service national, auquel j'ai fait référence, qui portera en partie sur la santé mentale. Il existe aujourd'hui une stratégie pour la santé mentale, et divers documents gouvernementaux ont été publiés. Il y vaudrait probablement mieux que nous vous les fassions parvenir.

Le principal problème qui se pose ici et, comme vous le laissez entendre, peut-être au Canada et dans bon nombre d'autres pays, c'est qu'on démantèle le soutien institutionnel plus vite qu'on met sur pied les services et de soins à domicile dans la collectivité. Nous nous efforçons de corriger ce déséquilibre du mieux que nous le pouvons, mais on en revient toujours au même problème des pénuries de ressources humaines et des pénuries de compétences que nous avons évoquées de façon plus générale. Il existe désormais des programmes d'intervention précis. Nous nous efforçons de veiller à ce que les patients qui sortent des grands établissements bénéficient de beaucoup plus de soutien dans la collectivité.

M. Ham: Je vais ajouter deux ou trois points. À l'examen des statistiques à plus long terme, nous avons constaté une réduction importante du nombre de lits d'hôpitaux réservés aux personnes atteintes d'une maladie mentale, en particulier dans les hôpitaux psychiatriques - ce que nous appelions autrefois les asiles. On trouve toujours des lits de ce genre dans des établissements spécialisés, mais leur nombre est réduit par rapport à il y a dix ou 15 ans.

Habituellement, il existe un centre de traitement actif de la maladie mentale qui fait partie de l'hôpital général local où les services de santé mentale sont intégrés aux services de santé physique. De plus en plus, comme M. Smee l'a indiqué, on se tourne cependant vers les soins communautaires et des équipes de spécialistes de la santé mentale chargées d'assurer des services aux personnes qui vivent à domicile ou qui viennent tout juste de quitter le milieu hospitalier.

Les groupes de pression qui représentent les personnes atteintes d'une maladie mentale dans notre pays répéteront, je suppose, bon nombre des propos auxquels vous avez fait allusion. Nous sommes dotés d'une politique des soins communautaires qui, trop souvent, a l'allure d'une politique de la négligence communautaire. On a donné leur congé à des personnes sans leur assurer le soutien dont elles ont besoin pour vivre de façon indépendante et efficace dans la collectivité. De plus, on a effectué un certain mouvement vers l'arrière.

Le sénateur Graham: Vous avez tous été éclairants et éloquents.

Ma dernière question porte sur les frais administratifs. Pouvez-vous nous donner une idée de la proportion ou du pourcentage des dépenses de santé qui, au Royaume-Uni, sont affectées à l'administration?

M. Ham: Quand nous répondons à la question, nous avons l'air de politiciens. La réponse, en effet, est: ça dépend.

Le sénateur Graham: Laissez-moi vous donner une idée. Un peu plus tôt, nous avons entendu des représentants de l'Allemagne, et je crois qu'ils ont cité un chiffre de l'ordre de 5,6 p. 100. Au Canada, la proportion est de 2 à 3 p. 100. Aux États-Unis, elle est légèrement supérieure. Pourriez-vous nous donner une idée du pourcentage au Royaume-Uni?

M. Ham: Chez nous, le pourcentage se situe à l'extrémité inférieure du spectre. Je dirais que les frais administratifs se situent à environ 5 p. 100 ou un peu moins. Si j'hésite, c'est parce que tout dépend de ce que vous comptez et ne comptez pas, en particulier si des médecins ou des infirmières assument une fonction de gestion dans les hôpitaux et les soins primaires. Les montants en question font-ils partie des frais administratifs totaux, ou ces tâches font-elles partie du temps clinique? L'idée générale, c'est que, au Royaume-Uni, la proportion des dépenses imputables aux frais administratifs est nettement inférieure au chiffre de 20 p. 100 souvent avancé pour les États-Unis. Nous nous rapprochons nettement plus des chiffres pour l'Europe que vous avez mentionnés.

M. Smee: C'est une question que, j'en sais quelque chose, nos ministres nous ont posée à maintes occasions au cours des 20 dernières années. La vérité, j'en ai bien peur, c'est qu'il n'y a pas de bonne comparaison internationale au chapitre des frais administratifs. Il n'y a pas de consensus entre les pays à propos de ce que sont les frais d'«administration» ou de «gestion». L'OCDE a tenté de s'attaquer à la question. L'organisation a publié des tableaux faisant état de ces chiffres, mais il suffit d'y jeter un oeil pour se rendre compte qu'il s'agit d'un tissu d'inepties. Il n'y a pas de bonnes études internationales. On a bien réalisé une ou deux études à faible échelle dans lesquelles on a comparé les États-Unis et le Canada. Ces études, réalisées par Himmelstein et Woolhandler, ont montré que les coûts au Canada, quelles que soient les définitions utilisées, étaient nettement inférieurs à ceux des États-Unis.

Il y a quatre ou cinq ans, nous avons tenté d'établir une comparaison directe des frais administratifs des hôpitaux avec certains travaux détaillés réalisés aux États-Unis. Selon les définitions de chacun, nous avons abouti à des coûts nettement inférieurs à ceux des États-Unis. Cependant, les hôpitaux, à l'époque, se demandaient s'il fallait inclure les coûts de la technologie de l'information sous les frais administratifs ou les frais cliniques. Si on les considérait comme des frais administratifs, 20 p. 100 des coûts des hôpitaux américains pouvaient être considérés comme des frais administratifs. Au Royaume-Uni, la proportion était d'environ 12 p. 100.

Nous avons d'autres chiffres de nos National Audit Office et Audit Commission. Selon ces chiffres, la proportion est nettement moindre - environ 5 p. 100.

Je me souviens d'une autre étude plus détaillée qui a été réalisée par les McKinsey, consultants en gestion. Il y a quatre ans, la société a tenté de réaliser une étude détaillée des coûts et des résultats des systèmes de soins de santé des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Allemagne. Je ne crois pas que le Canada faisait partie de la comparaison. L'étude a porté sur trois ou quatre spécialités. Les auteurs en sont venus à la conclusion que les coûts au Royaume-Uni et en Allemagne étaient à peu près égaux, mais, une fois de plus, qu'ils étaient nettement supérieurs à ceux que vous avez cités et à ceux que nous citerions normalement - environ 12 p. 100. Avec plus de 20 p. 100, les États-Unis étaient dans une ligue à part. De façon générale, on considère que les frais administratifs des pays européens et ceux du Canada sont inférieurs à ceux des États-Unis. J'ignore si on s'est entendu en Europe sur le pays dont les frais administratifs sont les moins élevés, mais nous ne sommes pas parvenus à nous entendre sur les définitions.

M. Ham: J'ajoute, selon mon expérience, que la partie du budget dévolue à l'administration a augmenté au moment de l'expérience du marché interne. C'était prévisible puisqu'il fallait embaucher plus de personnes pour négocier des contrats, les surveiller et expédier tous les documents. Par rapport à un système non commercial, l'application d'un tel système se faisait moyennant un certain prix.

L'autre commentaire que je tiens à formuler repose sur une observation empirique fortuite. Lorsque, à l'occasion d'une visite au Canada, j'ai eu la possibilité d'examiner votre système de soins de santé, j'ai eu l'impression qu'il était, du point de vue de l'administration, léger par rapport au système du Royaume-Uni. C'est simplement un commentaire descriptif: dans notre système, la gestion et la réglementation sont peut-être trop lourds, tandis que, au Canada elles sont peut-être trop limitées. En tout cas, c'est une observation intéressante.

Le président: Je veux poser une question au sujet de la volonté politique. J'ai été impressionné par quelques facteurs: les mesures que vous avez prises dans le domaine de la reddition de comptes, les mesures que vous avez prises pour établir des objectifs de diverse nature, l'accent mis sur les programmes de santé de la population et l'établissement d'une infrastructure institutionnelle relativement impressionnante pour tenter d'améliorer la qualité et l'efficience. Ces mesures grèvent lourdement un budget qui est déjà, selon vos propres normes, faible. Dans vos propos d'ouverture, M. Ham, vous avez indiqué qu'il existe un grand nombre de domaines nouveaux dans lesquels il faudra investir.

Comment obtenez-vous les approbations politiques nécessaires pour affecter des fonds au genre de mesures auxquelles vous avez fait allusion? Au Canada, tout au moins, les pressions politiques qui s'exercent vont toutes dans le sens de l'affectation des fonds aux questions qui se rapportent directement au patient. De cette façon, nous sommes en mesure d'indiquer que, par exemple, nous avons inauguré dix nouvelles machines IRM ou un nouveau laboratoire de radiologie pour le traitement du cancer. Même si, à long terme, le genre de mesures auquel vous avez fait allusion produirait clairement un meilleur rapport coûts-avantages à long terme, comment contournez-vous le problème à court terme qui se pose pour affecter certaines ressources au problème à long terme.

M. Ham: Nous comprenons les impératifs que vous décrivez et nous y sommes on ne peut plus sensibles. Ils se manifestent également au sein de notre système de soins de santé. Parallèlement à ce dont vous parlez, l'intention est d'investir davantage dans les soins aux patients. À l'occasion de la récente campagne électorale, notre Premier Ministre a longuement fait état de la nécessité de moderniser et d'améliorer tous nos services publics - l'éducation publique, la santé publique, les transports publics, etc. L'expression qu'il a utilisée est «la première ligne d'abord», ce par quoi il entend que nous devons investir davantage dans les médecins, les infirmières, les enseignants et les policiers qui travaillent sur le terrain et les soutenir plus directement, tout en leur donnant les moyens de générer des améliorations au titre des soins aux patients.

Cependant, l'analyse est plus générale. Si on abandonne le marché interne, parce qu'il est mort et enterré, et qu'on ne peut revenir à un système de soins de santé centralisé et axé sur la réglementation directe, on doit mettre en place de nouveaux moteurs du changement et de l'amélioration parce qu'on ne peut compter sur le système pour répondre aux objectifs qu'on cherche à établir. C'est pourquoi on crée une toute nouvelle architecture institutionnelle: la commission pour la promotion de la santé, le National Institute for Clinical Excellence, et le mandat d'administrations cliniques au niveau local. C'est la réponse à la question d'examen suivante: si on rejette les marchés et la planification centralisée, comment allons-nous mettre les changements en oeuvre dans cette grande et complexe fonction publique?

Le président: De toute évidence, les mesures s'appuient sur une volonté politique. C'est cela qui me surprend.

M. Ham: Il est très clair qu'une volonté politique existe. Notre gouvernement en est au stade suivant de son analyse: si, à la lumière des critiques continues dont les soins de santé sont l'objet dans les médias et des préoccupations soutenues des professionnels à l'égard de l'importance du financement et de ce que les médecins croient pouvoir faire avec les ressources disponibles - à ce stade-ci, je n'essaie pas de trop dramatiser - nous, en tant que gouvernement, ne corrigeons pas la situation au cours des trois ou quatre prochaines années, nous n'aurons peut-être pas d'autres occasions de sauver le modèle du SNS et de le moderniser de manière à préserver les engagements liés à l'universalité et à la volonté des citoyens de payer des impôts au gouvernement pour financer un service de santé incapable de fournir les services auxquels les gens s'attendent.

M. Smee: Au ministère de la Santé, nous avons tendance à croire que nous bénéficions d'un traitement particulier ou à agir comme si tel était le cas. L'approche que nous avons établie ici est celle que le bon nombre de secteurs gouvernementaux, sinon la totalité du secteur public, ont adoptée aux fins de l'établissement de normes, à savoir un accent plus grand mis sur la reddition de comptes et la mesure du rendement de même que des mécanismes d'inspection. C'est ce qu'on pourrait appeler la dénonciation dans le but de faire honte. On a administré ce remède à forte dose aux domaines de l'éducation et des services sociaux. Hier, le nouveau secrétaire de l'Intérieur a déclaré qu'on fera appel aux mêmes approches relativement à la police. Il s'agit d'une philosophie nationale appliquée dans l'ensemble de la fonction publique, et nous nous sommes contentés d'en faire état pour le secteur des soins de santé.

Le président: Au nom de tous nos collègues, je vous remercie de cette séance utile et divertissante. Nous tenons également à remercier Gail Tyerman du Haut-Commissariat du Canada du temps et des efforts qu'elle a consacrés à l'organisation de la séance.

Nous espérons réaliser des progrès en vue du règlement des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Le cas échéant, nous vous tiendrons au courant. Comme vous l'avez indiqué d'entrée de jeu, nos problèmes conjoints sont très similaires.

La séance est levée.


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