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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 66 - Témoignages du 10 septembre (après-midi)


OTTAWA, le mardi 10 septembre 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 14 h 07 pour étudier le document intitulé «Santé en français — Pour un meilleur accès à des services de santé en français».

Le sénateur Yves Morin (président suppléant) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président suppléant: Nous poursuivons l'étude du document «Santé en français — Pour un meilleur accès à des services de santé en français». Cet après-midi, nous recevons, entre autres, Mme Arsenault, du Centre communautaire Évangéline. Elle a déjà comparu devant notre comité et M. Romanow l'a citée publiquement comme un des modèles à suivre. Nous recevons également le Dr John Joanisse, de l'Hôpital Montfort, Mme Suzanne Nicolas du Centre de santé de Saint-Boniface et le Dr Denis Vincent, du Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire.

Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions de vous être déplacés. Je vous rappelle que vous avez environ six ou sept minutes pour votre présentation et ce sera suivi d'une période de questions. La période de questions est toujours trop courte. On a toujours des questions qu'on aimerait poser et le temps nous empêche de le faire. Je vous demanderais donc d'être le plus bref possible lors de vos réponses. Vous nous avez remis des documents que nous allons lire attentivement. Je vous donne maintenant la parole.

Mme Élise Arsenault, directrice, Centre communautaire Évangéline: C'est bien d'être capable de pouvoir faire une présentation une deuxième fois et c'est encore plus plaisant de pouvoir le faire dans ma langue.

Premièrement, je vous remercie de votre invitation et j'aimerais vous féliciter d'avoir entrepris une étude approfondie de la question de la santé en français. Je vais parler brièvement du Centre de santé communautaire Évangéline comme lieu d'accueil et modèle de prestation de soins de santé en milieu minoritaire.

Le Centre de santé communautaire est un programme des services communautaires de Santé Prince-Est, une des quatre régions administratives de santé de l'Île-du-Prince-Édouard. On fonctionne en partenariat avec la communauté afin de promouvoir la santé, le bien-être des individus, de la famille et de la communauté. On dessert une population d'environ 3 000 personnes dont plus de la moitié sont d'origine acadienne et francophone.

Dans notre équipe multidisciplinaire, nous avons une infirmière en santé publique, une orthophoniste, une conseillère en santé mentale, une ergothérapeute à temps partiel, une secrétaire réceptionniste et une coordonnatrice. En peu de temps, le Centre de santé Évangéline est devenu un point d'aiguillage de services pour la communauté. Les gens peuvent s'informer sur leur santé et être dirigés vers des soins professionnels de santé.

Lors d'une étude qui a été faite en l'an 2000, les bénéficiaires du centre ont confirmé l'importance de recevoir des services en français et surtout dans une langue respectueuse de la culture des Acadiens de la région. «On est à l'aise, c'est chez nous, c'est notre monde», a dit un des bénéficiaires. Les commentaires entendus lors des entrevues mettent en évidence la composante culturelle des activités reliées au domaine de la santé. Certains bénéficiaires ont mentionné qu'ils voulaient des professionnels de la santé qui non seulement parlent français, mais qui sont également capables de comprendre leurs expressions régionales et leurs valeurs les plus profondes.

D'autres ont indiqué qu'il faut être en confiance pour parler de ses problèmes de santé et qu'il est difficile pour eux de le faire avec des intervenants dont le vocabulaire leur échappe.

Avant l'établissement du Centre de santé dans la région, les francophones ne savaient pas comment accéder les services. Le nombre et la nature des demandes d'information qu'on reçoit présentement au Centre reflète cette situation. De l'autre côté de la médaille, la Régie de santé ne connaissait pas très bien les besoins des individus et des familles dans la région, ce qui rendait la planification et la livraison des programmes et des services plus difficile. L'ouverture du Centre de santé a contribué à de nouvelles énergies. Un rapprochement entre la communauté et le système formel de santé s'est produit. Maintenant, la prestation des services est basée sur les besoins, et l'accès aux soins de première ligne s'est grandement amélioré. Dans le passé, les gens se privaient souvent de services car ils n'existaient pas dans leur langue.

À titre d'exemple, si une infirmière en santé publique, qui est unilingue anglophone, doit évaluer le développement global d'un enfant de quatre ans qui ne parle pas l'anglais et qu'une partie de l'évaluation comprend l'évaluation de la langue, on demande, bien sûr, au parent d'agir comme traducteur. Il faut alors poser la question: est-ce que cette évaluation est une évaluation valide? Le même problème se produit avec les autres services, tels que l'ergothérapie ou l'orthophonie. Comment une orthophoniste unilingue anglophone peut-elle aider un enfant francophone ayant des difficultés de langage? Vous pouvez comprendre qu'il est important d'avoir des services en français lorsqu'on parle d'accessibilité.

L'intervention précoce est vraiment d'une très grande importance. Et il faut absolument s'assurer que les enfants francophones de ce pays ne soient pas privés des services nécessaires à leur plein épanouissement.

Notre expérience au Centre de santé communautaire Évangéline vient confirmer les conclusions de l'étude concernant l'importance de la langue dans l'efficacité des soins dispensés. Il est vrai que la barrière de la langue réduit le recours au service préventif, augmente le temps de consultation et le nombre de tests diagnostiques. La probabilité d'erreur dans les diagnostics et les traitements influence la qualité des services, diminue la probabilité de fidélité aux traitements et réduit la satisfaction à l'égard des soins reçus par les usager.

Nous croyons beaucoup à la philosophie du développement communautaire, et notre approche à la promotion de la santé et à la prévention des maladies reflète cette philosophie.

Les partenariats communautaires sont très importants dans le succès du Centre. En travaillant de près avec la communauté, on peut commencer à s'attaquer aux causes de fond qui affectent négativement les déterminants de la santé. Les intervenantes du Centre travaillent de près avec le système scolaire afin que les étudiants puissent recevoir les interventions nécessaires à leur plein rendement. En travaillant en équipe multidisciplinaire, les intervenantes sont en mesure de regarder le développement global de l'enfant dans les années préscolaires et de commencer la thérapie le plus tôt possible.

Le Centre est aussi présentement impliqué avec d'autres partenaires dans le développement d'une trousse sur l'estime de soi. Nous travaillons à la production et la présentation de sketchs qui démontent des situations où l'estime de soi des enfants peut être améliorée ou brisée. Nous croyons beaucoup à la question de l'éducation populaire dans le dossier de la prévention.

Nous sommes aussi beaucoup impliqués dans les dossiers de la prévention du crime et travaillons à réduire la violence et la pauvreté dans nos communautés. Le Centre de santé communautaire Évangéline est devenu un joueur très important sur la scène communautaire. Nous nous sommes taillés une place et nous participons à la prise en charge de la communauté en matière de santé. Les gens de la communauté sentent que le centre leur appartient et qu'ils le contrôlent, contrairement aux autres service de santé du district. Ils nous expriment leurs besoins et nous demandent d'intervenir pour aider à améliorer l'état de la santé des résidants.

L'ouverture du Centre de santé communautaire a eu un impact sur toute la question de l'offre et de la demande. Les francophones de la province demandent maintenant plus de services en français, et le gouvernement de l'Île-du-Prince- Édouard s'est engagé à améliorer l'accès des services de santé en français.

La communauté souhaite maintenant que le gouvernement fédéral assume lui aussi un leadership à cet égard, en appuyant financièrement les provinces qui veulent offrir plus de service de santé en français, et qu'il inclura un sixième principe à la Loi canadienne sur la santé.

Le président suppléant: Je vous remercie beaucoup, madame Arsenault. Je donne maintenant la parole au Dr John Joanisse, le vice-président des Affaires académiques à l'Hôpital Monfort.

Le docteur John Joanisse, vice-président, Affaires académiques, Hôpital Monfort: C'est un honneur et un privilège de vous adresser la parole au nom de l'ACFA, comme humble représentant d'une fière institution de la Francophonie qu'est l'Hôpital Monfort. Au cours des dernières années, le nom de Montfort est devenu synonyme du courage et de la ténacité de tous les Canadiens et les Canadiennes de langue et de culture française qui tiennent désespérément conserver leur langue et leur culture. Le symbole puissant qu'est devenu Montfort pour tous les francophones du pays, au cours des cinq dernières années de lutte pour sa survie, dépasse le domaine des soins de la santé. En fait, ce symbole va au coeur même de notre conception du Canada, de notre histoire, de nos valeurs nationales et, sans contredit, de notre Constitution.

Je suis franco-ontarien. J'ai trois diplômes de l'Université d'Ottawa. Cela fait 30 ans que je suis médecin. Je suis vice- président aux Affaires académiques de l'Hôpital Montfort d'Ottawa depuis deux ans maintenant, ayant été avant cela médecin chef de ce centre hospitalier, en fait, durant la pire crise qu'aura connue Montfort et la communauté franco- ontarienne.

Comme vous le savez, si l'Hôpital Montfort est encore ouvert et si son administration, que je représente comme vice- président, est ici présente devant vous aujourd'hui et est en mesure de comparaître devant vous, c'est grâce à une lutte acharnée par la population de patients francophones canadiens en provenance des dix provinces canadiennes. En effet, l'Hôpital Montfort a réussi à résister à la menace de fermeture pendant cinq longues années pour enfin triompher au nom des minorités francophones et avoir raison devant la Cour d'appel de l'Ontario et les instances politiques provinciales.

Il serait bon qu'on reconnaisse que les raisons pour lesquelles la population a lutté avec tant d'acharnement étaient les mêmes que celles que la cour a finalement reconnues comme étant justes et valables dans son verdict en décembre 2001. La possibilité de recevoir des soins en santé offerts dans sa langue a été reconnue comme étant un droit constitutionnel aussi important et fondamental que l'éducation pour les minorités francophones.

Même la Commission de restructuration des soins de santé en Ontario, un agent du gouvernement provincial, ne pouvait enlever ces droits. La Commission agissait pourtant de bonne foi et au nom de l'efficacité et de la rationalisation des coûts, à une époque où il fallait faire plus avec moins. Par contre, nous vous invitons, dans votre rapport, à éviter ce piège d'efficacité et les solutions qui s'appliquent à la majorité anglophone.

La cour a vite reconnu que ces considérations étaient secondaires aux droits des minorités francophones canadiennes. La Cour d'appel de l'Ontario va plus loin en affirmant que le Canada n'existerait pas sans ce principe fondamental.

Ainsi, dans le jugement Monfort, la Cour d'appel écrit:

Les protections accordées aux minorités linguistiques et religieuses sont un trait essentiel de la Constitution d'origine de 1867, sans lequel la Confédération ne serait pas née.

La cour cite un renvoi daté de 1932:

Il est important de ne pas perdre de vue que le maintien des droits des minorités était l'une des conditions posées avant que ces minorités consentent à entrer dans la fédération, et qu'il constituait la base selon laquelle toute la structure allait par la suite être érigée.

Finalement, la Cour d'appel, en 2001, ajoute catégoriquement: «La protection des minorités linguistiques est essentielle dans notre pays.»

Comme nous le répétions souvent durant la crise de Montfort, le Canada ne fait aucun sens si nous ne pouvons même pas conserver un seul hôpital universitaire francophone dans tout l'Ontario et dans tout le Canada, à l'ouest du Québec. Le gouvernement ontarien avait tenté de tout remettre à la Loi 8 qui visait la protection de nos droits. La cour est allée beaucoup plus loin dans son jugement, et il serait prudent d'en tenir compte dans le rapport que vous allez émettre.

Pourquoi accorder une telle importance aux droits des minorités francophones en matière de santé?

Plusieurs autres vous parleront du fait que les patients, surtout en situation de maladie, ont toujours recours à leur langue maternelle. Peut-être pourrais-je ajouter à cette notion. Pour que le patient ou sa famille soit en mesure de prendre une décision portant sur leurs besoins en matière de santé, ils doivent comprendre la pleine portée de la décision.

En effet, nous parlons ici d'une question éthique tout à fait fondamentale, c'est-à-dire la décision éclairée. Si je tombe malade dans un pays étranger comme la Chine, par exemple, il est certain que j'espère obtenir les meilleurs soins possibles et que je me contenterai d'un médecin qui ne parle que le chinois. Mais au Canada, comprenons-le bien une fois pour toutes. Je suis chez moi, les francophones sont chez eux, dans le pays que nos ancêtres ont contribué à fonder, avec un pacte confédératif qui garantit nos droits linguistiques.

Bien que très impliqué dans la formation et la gestion de la formation des étudiants en médecine et en sciences de la santé en français, je suis avant tout un médecin de famille. Ma carrière a pris de nombreux tournants pour enfin se concentrer sur le soin des patients âgés. Entre autres, je traite les patients en fin de vie et ensemble nous faisons face à des situations difficiles, à des décisions cruciales.

Ces patients sont souvent atteints de multiples maladies et de maladies sérieuses. Ils sont confus et ils ont peur. Ils sont parfois déments et la famille et les amis doivent tenter de parler et d'agir à leur place. Je ne peux pas concevoir la façon de donner les mêmes soins, de m'assurer de la pleine participation des patients et de leurs familles sans la capacité de communiquer les informations et sans la compréhension des nuances de leurs questions. Conséquemment, la langue est pour moi un outil essentiel.

Le non-verbal c'est bien, mais il y a des limites. Comment transférer efficacement et respectueusement au patient l'information sur laquelle les décisions se basent si la langue utilisée n'est pas la sienne? Ce simple fait est important dans toutes les transactions entre les patients et les professionnels de la santé, surtout lorsque nous parlons de soins primaires.

Les nombreuses réformes proposées dans le secteur des soins primaires n'ont pas tenu compte de l'aspect de la communication dans la langue du patient. Il serait essentiel que les sénateurs en soient conscients dans leurs délibérations au sujet de la très importante question des soins primaires.

La question de la formation des professionnels en santé dans la langue du patient sera traitée de façon très éloquente par d'autres personnes qui comparaîtront devant le comité. Néanmoins, mentionnons aussi que l'Hôpital Montfort a provoqué une très vive réaction chez les gens. Ceci était dû en grande partie à cause du fait que non seulement la perte d'une institution capable de soigner en français était menacée, mais aussi la perte d'une institution responsable de la formation des professionnels capables d'offrir ces services ailleurs que chez nous, c'est-à-dire dans des communautés où les francophones représentent une minorité encore plus petite que celle de la Capitale nationale.

La Cour d'appel a reconnu qu'il ne fallait pas compromettre les professionnels en santé, les enseignants capables des former en français auprès des patients dans une institution gérée en français. Autrement, il était inconcevable de s'attendre à ce que les jeunes apprenants francophones — la relève professionnelle — puissent arriver à desservir leurs communautés de façon raisonnable, c'est-à-dire dans la langue de leurs futurs patients.

Les francophones minoritaires ne peuvent plus se permettre d'être laissés de côté par les initiatives, les politiques et les décisions de toutes les instances gouvernementales du Canada. Le non-respect des droits des minorités francophones, l'une des valeurs fondamentales de la Constitution de 1867, a coûté cher à la francophonie canadienne, au point où l'ampleur de l'assimilation laisse croire en sa disparition éventuelle.

Les francophones ont besoin plus que jamais de cette protection constitutionnelle et les instances gouvernementales ont plus que jamais le devoir et la responsabilité de la respecter et de la faire respecter. En terminant, je voudrais de nouveau encourager ce comité à reconnaître ce que les patients ont exigé et ce que la Cour d'appel a accordé à la population francophone: le droit de recevoir les soins dans leur langue, maintenant et dans le futur.

Le président suppléant: Je voudrais apporter une précision. Le comité auquel vous vous adressez n'est pas celui qui élaborera le rapport Kirby portant sur le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine des soins de santé. Il s'agit plutôt d'un comité qui a été formé suite à la décision du Sénat d'étudier le rapport «Santé en français — Pour un meilleur accès à des services de santé en français», déposé il y a deux ans. Évidemment, il existe des liens entre les deux, mais le rapport que nous présenterons traitera de la distribution des soins. Actuellement, le comité se penche sur des commentaires en rapport avec ce document, ce qui est quelque peu différent.

Je donne la parole à Mme Suzanne Nicolas, directrice générale du Centre de santé de Saint-Boniface.

Mme Suzanne Nicolas, directrice générale, Centre de santé de Saint-Boniface: Je remercie les membres du comité de me permettre de témoigner. Il y a trois ans, le 2 juillet 1999, la communauté franco-manitobaine a vu naître le Centre de santé de Saint-Boniface. Ce fut un grand jour.

Le Centre de santé Saint-Boniface est le premier centre communautaire francophone au Manitoba. Pour la première fois, on regroupe une équipe de professionnels de soins de santé primaires francophones. Cette équipe a le mandat de desservir la population francophone de la ville de Winnipeg.

Comment la communauté francophone a-t-elle réussi à faire démarrer ce projet? Je crois qu'il y a quelques éléments clés qui doivent être soulevés pour démontrer ce qui peut être accompli lorsqu'une communauté se mobilise et qu'il existe une collaboration étroite entre les partenaires clés. Le point tournant pour la communauté francophone de Winnipeg a suivi l'étude menée en 1994 pour les régions de Saint-Boniface et Saint-Vital. Le résultat de cette étude démontrait clairement la pénurie de services de santé et de services sociaux en français. Il y avait aussi le désir des francophones d'être desservis dans leur langue maternelle.

Par la suite, la communauté francophone s'est mobilisée et a joué un rôle important au sein d'un comité de travail mis sur pied par certains gestionnaires et professionnels de la santé intéressés dans le dossier. Le Collège universitaire de Saint-Boniface, la Société franco-manitobaine et les Sœurs-Grises du Manitoba se sont joints au comité de travail afin de permettre la mise sur pied et la consolidation de l'initiative, permettant ainsi aux milieux francophones de gouverner et gérer les services de soins primaires en français.

Le Manitoba a profité de la volonté politique de cette époque afin de faire avancer le dossier des services de santé en français. Malgré le grand succès du Centre, nous continuons de vivre de grands défis. Au Manitoba, seulement 4,5 p. 100 de la population est francophone, c'est-à-dire environ 50 000 personnes. Celles-ci sont réparties en un vaste territoire, et on retrouve un noyau d'environ 25 000 francophones dans le territoire de Saint-Boniface.

C'est donc une lutte perpétuelle que d'assurer des services en français à notre communauté franco-manitobaine. Le Centre de santé ne peut desservir la population francophone rurale car le mandat du Centre limite l'accès aux francophones de la ville de Winnipeg. Il est à noter que beaucoup de francophones du Manitoba rural veulent l'accès aux services de santé en français du Centre et sont prêts à voyager des centaines de kilomètres pour y arriver. Par contre, les services ne leur sont pas disponibles.

Quatre-vingts pour cent du Centre est francophone et 40 p. 100 de ces francophones viennent d'un peu partout dans la ville de Winnipeg et se déplacent sur de longues distances, eux aussi, pour obtenir des services en français. Des sondages effectués au Centre indiquent que la raison principale qui motive la venue de la clientèle est la réception des services en français.

Une fois de plus, les francophones de la ville de Winnipeg sont vus comme étant privilégiés et on accuse même le Centre de discrimination car on ne peut accepter les francophones du Manitoba rural. Ne serait-il pas possible qu'un jour les francophones du Manitoba rural aient accès à des services de santé et des services sociaux en français sans être obligés de voyager de très longues distances?

Ne serait-il pas possible que les gens du secteur rural aient accès aux services du Centre pouvant répondre à certains de leurs besoins? On reconnaît que différentes régions ont différents besoins.

Grâce à la grande ouverture et au traitement privilégié que nous avons reçu du gouvernement provincial, c'est avec grande joie que nous avons vu la création du Centre. Par contre, très peu de ressources sont allouées aux activités de promotion et de prévention, au traitement des problèmes de santé et au renforcement des capacités communautaires.

J'ose dire que l'on fait des merveilles avec le peu que nous avons. Pourtant on touche à peine la surface. Comment peut-on améliorer la santé de la population franco-manitobaine et l'appropriation de la santé par cette population quand nous avons moins qu'un minimum de ressources à notre disposition? L'expérience du Centre démontre que si on rend le service disponible et accessible, les gens viendront et ils viennent en grand nombre. Nous avons de longues listes d'attente.

Les francophones de la région de Winnipeg critiquent le fait que nous ne pouvons pas donner la priorité aux francophones puisque notre mandat nous demande de desservir aussi les anglophones de la région de Saint-Boniface de façon équitable.

Nous avons créé des attentes dans notre communauté et la communauté veut maintenant des résultats. Elle exige de plus en plus des services de santé et des services sociaux en français, et nous sommes limités dans ce que nous pouvons leur offrir.

Nous parlons beaucoup de la clientèle, celle du centre ou d'autres comme étant les individus récipiendaires des services de santé primaire. Permettez-moi toutefois de me pencher sur la clientèle interne, c'est-à-dire les employés. Tous les employés du centre sont venus y travailler pour avoir l'occasion de travailler en français. Le lieu d'accueil est non seulement extrêmement important pour la clientèle externe mais aussi pour la clientèle interne.

Nos employés, nos professionnels de la santé ont besoin d'un lieu d'accueil où le fonctionnement du travail est le français afin de promouvoir la langue parmi le personnel et avec la clientèle.

On reconnaît que plusieurs professionnels de la santé travaillent dans le milieu anglophone et que nous avons besoin de créer non seulement un lieu d'accueil où nous pouvons les regrouper mais un réseau de professionnels francophones afin qu'il puisse s'appuyer mutuellement et continuer de s'épanouir dans leur travail en français.

Le Centre de santé jouit présentement de sa propre gouvernance et de sa propre gérance. Ceci permet à la communauté francophone de se prendre en mains et de prendre les décisions qui répondent aux besoins de leur communauté. Par contre, je vous assure que ceci n'est pas un acquis. Cette question fondamentale est à la base de plusieurs débats. Nous sommes un tout petit noyau entouré d'une masse critique d'anglophones qui cherchent continuellement à nous envahir et à nous assimiler.

L'histoire nous démontre clairement que lorsque les services de santé sont gouvernés et gérés par les anglophones, il n'y a aucune garantie que les francophones seront desservis de façon équitable. La seule façon d'assurer la continuité de services en français de qualité est d'assumer la composante de gouvernance et de gérance par et pour les francophones.

Que voulons-nous de plus au Manitoba? Nous avons un tout petit centre de santé francophone qui dessert très peu de francophones de la ville de Winnipeg. Le Centre a présentement sa propre gouvernance et gérance. Nous avons réussi à recruter un certain nombre de professionnels bilingues. Nous sommes capables de répondre à certains besoins de la clientèle francophone. Qu'avons-nous donc besoin de plus pour la prestation des services de santé et de services sociaux?

Nous avons besoin de l'appui du gouvernement fédéral afin de rendre accessible les soins de santé pour les francophones, non seulement à ceux du Manitoba mais à tous ceux vivant en situation minoritaire au Canada.

Nos gouvernements provinciaux ont besoin de faire de ce dossier une plus grande priorité et ils ont besoin de l'appui du gouvernement fédéral afin d'atteindre leurs objectifs. Nos gouvernements provinciaux ont besoin d'entendre clairement que le gouvernement fédéral va donner la priorité à la prestation et au développement des services de santé et de services sociaux en français.

Et nous qui travaillons et qui faisons de grands efforts pour développer des stratégies, des initiatives et des plans d'action, nous avons besoin d'un engagement concret du provincial. Nous avons besoin d'être rassurés que le provincial ne va pas nous laisser tomber et nous mettre de côté. Nous avons besoin de ressources afin de mettre en vigueur la stratégie, les initiatives et les plans d'action qui vont améliorer la santé des Canadiens et des Canadiennes d'expression française vivant en situation minoritaire.

Le président suppléant: Il est malheureux qu'il n'y ait pas plus de gens dans la salle pour vous entendre, vous êtes convaincante. Une question de détail: Saint-Boniface fait partie de Winnipeg, n'est-ce pas?

Mme Nicolas: C'est exact.

Le docteur Denis Vincent, Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire: Je suis médecin de famille depuis 13 ans. J'ai travaillé pendant dix ans dans la région rurale francophone de la rivière La Paix, à 500 kilomètres au nord d'Edmonton, et je suis de retour à Edmonton depuis trois ans. Quoique les francophones albertains ne représentent que 2,5 p. 100 de la population albertaine, nous sommes tout de même 65 000 francophones. Les liens de famille et d'amitié, les contacts du milieu scolaire et professionnel font que les gens se connaissent bien.

À Edmonton, par exemple, la francophonie est vraiment un village au sein de la ville. En effet, j'ai mon cabinet avec un autre médecin francophone au centre communautaire francophone au cœur du quartier francophone d'Edmonton.

Je travaille dans le même quartier où j'ai grandi. Je soigne bien souvent des gens qui m'ont toujours entouré, des amis d'école, leur famille, leurs parents, mes anciens professeurs d'école, les amis de mes parents, les gens de la paroisse. Je rencontre de nouveaux arrivés en Alberta, bien sûr, des Acadiens, des Québécois mais aussi des Africains, des Français et des Belges. Cette communauté francophone est fascinante.

De plus, à cause de l'impact énergisant des écoles françaises, la francophonie albertaine connaît une renaissance et un optimisme remarquables ces derniers 15 ans.

Néanmoins, comme c'est le cas de bien d'autres communautés culturelles minoritaires, quand nous parlons de la santé, notre communauté se perçoit à l'extérieur du système actuel. Notre participation n'est pas recherchée. Nos besoins particuliers ne sont pas considérés. On nous dit que si on devait se soucier des particularités d'un groupe, il faudrait faire la même chose pour tous les autres, comme si cela était une mauvaise chose.

Pendant les récentes périodes de restructuration de réductions, notre système de santé est devenu trop axé sur lui- même. L'attention est fixée sur l'efficacité et la rationalisation du système. La gestion des soins est centralisée. Les soins sont génériques et dispensés à tous et à chacun de la même manière. Pourtant, bien sûr, tout le monde prétend que la réforme de la santé devrait être axée sur le patient.

Qui entoure ce patient? Qui le voit à tous les jours? Qui pourra mieux comprendre son contexte familial, son réseau d'appui, tout en étant conscient de sa culture et de sa langue? Qui pourra mieux aider le patient à se responsabiliser, à prendre en charge sa santé, à l'appuyer dans son cheminement? Ce sera certainement sa famille, ses amis, les gens de son quartier et de sa communauté culturelle.

La réalité demeure qu'à l'extérieur de mon cabinet, il y a peu de ressources vers lesquelles je peux diriger mon patient. Il n'y a pas de soins à domicile en français, aucun centre de soins prolongés pour los francophones en perte d'autonomie, aucun service de diététicienne, aucun programme en français pour les diabétiques, pour la réadaptation cardiaque, aucun cours prénataux, aucuns programmes d'intervention précoce à la petite enfance, et j'en passe.

Depuis deux ans, je participe au comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire. Notre comité constate l'énergie et l'enthousiasme croissants que la francophonie hors Québec dirige vers le secteur de la santé. Quoiqu'il y ait certainement une dimension de revendication des droits des minoritaires, je soutiens que la motivation première est le désir de pouvoir mieux aider nos gens, de mieux les soigner, avec compassion, bonté et respect.

Les francophones hors Québec ne veulent pas seulement être récipiendaires de services. Nous ne voulons pas seulement être à l'extérieur du système pour y puiser des services. Nous voulons participer à l'offrande de ces services, nous voulons contribuer activement en tant que partie intégrale du système de la santé.

Nous croyons pouvoir aider le système de la santé à mieux atteindre ses objectifs. Les preuves abondent pour indiquer que les services offerts dans la langue de choix et dans un contexte culturel sont plus efficaces, moins coûteux et il en résulte un niveau de satisfaction supérieure pour le client aussi bien que pour l'intervenant. Au fait, dans notre cas, qui pourrait mieux aider nos gens que nous-même? C'est notre défi. Comment pouvons-nous aider nos gens à sauvegarder une meilleure santé?

Il y a donc place pour un nouveau modèle de gestion des ressources de la santé qui assure la participation des communautés minoritaires, un modèle axé, bien sûr, sur le patient mais à travers la communauté qui l'entoure. Cette participation ne se limite pas à la consultation, mais doit comprendre la gestion et la prestation des soins de santé, des réseaux et des cliniques de soins primaires aux soins à domicile, jusqu'à l'hôpital, de la santé périnatale à la santé scolaire, et de la petite enfance jusqu'aux soins de longue durée.

Je retiens toujours l'exemple de la richesse humaine qui a fleuri dans nos communautés avec l'épanouissement de l'éducation française. Nous avons aujourd'hui des milliers de professeurs dans les écoles francophones et les écoles d'immersion. Ces gens contribuent d'une manière inestimable à forger la société canadienne du futur. Tous les Canadiens et Canadiennes en sont bénéficiaires.

Pour nous, francophones, le secteur de la santé présente un défi tout aussi excitant. La santé ne représente pas seulement des soins pour nos gens mais aussi des emplois pour notre jeunesse, une force économique pour notre communauté, une voie d'intégration pour les nouveaux Canadiens francophones, et une voie d'épanouissement pour notre communauté dans une société diversifiée. Nous croyons que tous les Canadiens et Canadiennes seront bénéficiaire de ce projet.

Le président suppléant: Y a-t-il des collègues qui aimeraient poser des questions à nos témoins?

Le sénateur Pépin a un intérêt particulier dans le domaine de la santé. Elle était infirmière et s'est impliquée énormément dans la question de la santé des femmes. C'est donc à double titre qu'elle va vous poser ses questions.

Le sénateur Pépin: Vous avez parlé, madame Arsenault, des soins primaires et de l'évaluation des enfants. C'est une des premières fois qu'on entend parler des soins qui pourraient rejoindre les enfants. Vous parlez de l'évaluation d'un enfant de quatre ans par quelqu'un qui ne parle pas sa langue, et des besoins pour l'accessibilité en ce domaine. Vous avez réussi à établir dans votre ville un programme accessible pour ces gens.

Afin d'être en mesure d'aider et de faire des recommandations générales pour les gens qui aimeraient faire quelque chose dans ce domaine, quelles sont les choses les plus importantes sur le plan des médecins et des travailleurs sociaux? Quels sont les points, les personnages, les gens dont on a besoin pour commencer? Quel minimum nous faut-il pour assurer un succès?

Mme Arsenault: À l'Île-du-Prince-Édouard, ce sont les infirmières en santé publique qui ont le rôle d'immunisation des enfants. L'infirmière va voir la femme enceinte, elle va faire l'éducation prénatale, elle va ensuite faire la visite à domicile lorsque le bébé est né, la visite de deux mois, quatre mois, six mois. L'infirmière voit donc tous les jeunes enfants dans notre communauté.

En travaillant de très près avec les autres professionnels de la santé, comme l'orthophoniste, l'ergothérapeute, la conseillère en santé mentale, l'infirmière est beaucoup plus en mesure de dépister les problèmes qu'un enfant peut avoir. C'est en travaillant en équipe multidisciplinaire qu'une personne est en mesure de s'assurer que les outils d'évaluation sont adéquats.

Le sénateur Pépin: S'agit-il d'infirmières praticiennes?

Mme Arsenault: Dans notre cas, ce ne sont pas des infirmières praticiennes. Ce sont des infirmières de santé publique qui voient, entre autres, à l'immunisation des enfants et à l'évaluation du langage.

Il est important que tous les professionnels soient au même niveau, à titre de spécialiste dans chacun des domaines. Nous nous sommes rendu compte que les professionnels isolés ont l'habitude de diriger les patients vers un autre bureau, mais ne savent pas si le choix de bureau qu'ils ont fait est le bon. Toutefois, un professionnel qui travaille tout près de ses collègues de travail, devient beaucoup plus apte à diriger l'enfant très tôt à un bureau approprié.

Un enfant pourrait voir un orthophoniste, par exemple, dès l'âge de neuf mois, la même chose pour des jumeaux qui auront des problèmes de langage. On peut donc faire de l'intervention précoce, et c'est un peu la beauté de travailler en équipe multidisciplinaire.

On découvre également d'autres aspects. Par exemple, on a pu intégrer une professionnelle de l'ergothérapie à l'équipe. On souhaite toujours agrandir l'équipe. Au niveau de la petite enfance, il serait important d'avoir un médecin de famille, par exemple, mais il est difficile de faire les prochains pas. On peut accomplir beaucoup plus lorsqu'on travaille en équipe.

Pour démontrer l'impact de professionnels qui travaillent ensemble, prenons l'exemple d'une belle petite fille de quatre ans qui parlait avec une grosse voix grasse. L'infirmière en santé publique avait beaucoup de difficulté à la comprendre. Elle l'a donc dirigée tout de suite vers l'orthophoniste. En l'espace d'une semaine un rendez-vous a été fixé. L'évaluation a démontré qu'il y avait un abus au niveau du langage chez cette fille parce que ses parents étaient en train de divorcer, et la petite fille gardait beaucoup de rage dans sa voix. Elle a donc développé de gros nodules.

On l'a immédiatement dirigé vers une conseillère en santé mentale, et en l'espace de six mois elle n'était plus suivie par l'orthophoniste. Un an plus tard, elle n'était plus suivie par la conseillère en santé mentale. D'ordinaire on l'aurait envoyée à un médecin, et celui-ci l'aurait dirigé vers un chirurgien.

Il est donc important d'aller au fond du problème.

Le sénateur Pépin: Vous avez parlé d'un partenariat avec le système scolaire.

Mme Arsenault: Notre centre vise la santé prénatale, donc, tout ce qui concerne la sexualité, la ménopause, la grossesse. On traite de la santé des enfants de la naissance à six ans dans le cadre de la santé scolaire et communautaire.

Dans le cadre de la santé scolaire, nous travaillons de très près avec les intervenants et les enseignants du système scolaire. Nous faisons partie d'une équipe et nous tentons de dépister les problèmes au niveau des enfants, toujours en équipe multidisciplinaire avec les professionnels de l'école. Nous travaillons non seulement avec les étudiants mais aussi le personnel enseignant. Par exemple, nous organisons des cliniques de santé pour les enseignants du système, parce que si les enseignants ne sont pas bien, cela va affecter la qualité de l'enseignement.

C'est toujours de façon globale que nous abordons les situations.

Le sénateur Pépin: Lorsque j'étais petite fille, on avait des infirmières de l'unité sanitaire qui faisaient exactement ce que vous venez de décrire. Il reste probablement beaucoup de place pour les infirmières dans ce domaine.

Le sénateur Losier-Cool: Félicitations à la région d'Évangéline.

Où est formé votre personnel et tous ces spécialistes? Peuvent-ils recevoir une formation à l'Île-du-Prince-Édouard? Est-ce que ce sont plutôt des gens de la région d'Évangéline ou des gens de l'extérieur?

Mme Arsenault: Présentement, dans l'équipe, nous sommes six, y inclus l'ergothérapeute qui est là à temps partiel. Quatre sont originaires de la région. Elles sont allées étudier soit à Moncton ou à Charlottetown pour étudier en anglais. L'orthophoniste, elle, a étudié à l'extérieur mais elle est revenue. Elles travaillaient dans le système de santé, mais elles n'étaient pas regroupées. Souvent, elles travaillaient dans le système de santé, mais les gens ne savaient pas qu'elles étaient francophones. C'est vraiment en regroupant les personnes que cela a créé un noyau. Tous ceux qui entrent au centre savent qu'ils peuvent recevoir des services de santé en français.

Le sénateur Losier-Cool: Par des gens de chez vous?

Mme Arsenault: Oui, mais on souhaite un jour pouvoir former les gens en français à l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Pépin: Madame Nicolas, il y a quelque chose que je ne comprends pas très bien. Vous avez expliqué le fonctionnement à Saint-Boniface. Pourquoi les gens ruraux n'ont-ils pas accès à votre service? Est-ce que c'est une condition posée par le gouvernement ou est-ce parce que vous n'avez pas les moyens de fournir les services?

Mme Nicolas: C'est en grande partie à cause du mandat que nous avons reçu du ministère de la Santé. Ce mandat est limité à la ville. On est appelé à desservir un bassin de population de 100 000 personnes. De ces gens, il y a environ 70 000 personnes francophones ou d'expression française. Le ministère croit que pour être capable de desservir les gens de la ville et de bien le faire, il fallait limiter la clientèle aux gens de la ville. C'était le mandat. C'était sous forme de projet pilote pour les trois premières années. On est en train d'entamer des dialogues pour voir si on peut élargir le mandat.

Le sénateur Pépin: Une équipe, entraînée par votre organisme, ne pourrait-elle pas ouvrir un autre centre?

Mme Nicolas: Cela fait sûrement partie des discussions que nous avons. Par contre, nos ressources sont limitées. Si on s'étend trop, on devient peu efficace et on ne peut rendre des services de qualité.

Le sénateur Pépin: Ma prochaine question s'adresse au Dr Vincent. Il est intéressant d'entendre que vous avez eu votre formation en français, que vous vous êtes établi à l'extérieur d'Edmonton et que vous y êtes revenu.

C'est une chose d'attirer des francophones à recevoir une formation en français dans le domaine de la santé, mais c'est une toute autre chose de les convaincre de retourner travailler dans leur province ou dans leur ville. Ils peuvent venir étudier à Ottawa, à Sherbrooke, et cetera, mais après leurs études, comment les inciter à retourner dans leur région?

Dr Vincent: En Alberta, il y a deux situations. Il y a les jeunes qui viennent du milieu rural, qui ont hâte de sortir de là et de ne plus jamais revenir. Et il y a les jeunes qui vivent à Edmonton et pour qui c'est tout simplement plus facile de rester chez papa et maman que d'aller étudier dans l'Est en français, ce qui coûterait plus cher. Il faut mousser la fierté et l'enthousiasme des jeunes pour qu'ils aillent étudier dans des écoles francophones. Je vois que l'école francophone a fait beaucoup dans notre communauté pour mousser cette fierté. Nos jeunes sont plus aptes à partir étudier pour ensuite revenir contribuer à la communauté qu'ils aiment.

Le sénateur Pépin: Donc chez eux.

Dr Vincent: Oui, revenir chez eux. Ce qui nous limite, ce sont les occasions pour pouvoir étudier en français. C'est beau de croire qu'on peut aller étudier à Ottawa, à Moncton ou au Québec, mais ce n'est pas facile si on n'a pas l'occasion de revenir chez soi faire des stages et refaire des liens avec sa communauté. Dans ce cas, on est moins apte à revenir.

Si on pouvait faire des stages dans son milieu, ce serait toujours mieux. Je réalise que ce n'est peut-être pas possible partout, mais il y a du potentiel partout à travers le pays, de la Colombie-Britanique aux Maritimes. Si on investit beaucoup dans la formation, on sera capable de créer des occasions plus fructueuses pour nos jeunes. À l'heure actuelle, nos choix sont limités. C'est probablement plus facile d'étudier en anglais parce que cela ne coûte pas aussi cher. Si on veut déplacer les jeunes à travers le pays pour faire des stages, il faut mettre sur pied un bon programme de bourses et de déplacements pour leur permettre de voyager.

Le sénateur Pépin: L'important serait d'avoir de la formation en français partout.

Dr Vincent: Si on sait qu'il y a une possibilité de travailler en français, c'est intéressant. Si un jeune perçoit que la vie professionnelle sera tout simplement en anglais, pourquoi irait-il étudier en français?

Le sénateur Pépin: Docteur Joanisse, l'Hôpital Montfort est maintenant un joyau, mais je vais laisser les questions de droit au sénateur Morin. C'est une institution qui a ouvert ses portes à d'autres communautés francophones à travers le pays, et cela a été établi que le français est un droit constitutionnel, tout comme l'anglais. Ce matin, on a parlé de différentes institutions au Nouveau-Brunswick, de l'Université de Sherbrooke et de l'Uuniversité d'Ottawa qui donnent de la formation en français. Pensez-vous qu'il pourrait y avoir d'autres établissements postsecondaires qui pourraient donner une formation en français aux professionnels de la santé? Le gouvernement fédéral sera sûrement appelé à octroyer d'autres sommes d'argent dans ce domaine.

Dr Joanisse: La question est très bonne. Il n'y a pas de doute que c'est important. Cela revient aussi à ce que le Dr Vincent disait, de ne pas tout centrer sur la grande ville, sur Ottawa ou sur Montfort. C'est un problème auquel on fait face sur le plan du Centre national de formation, une initiative fédérale qui donne de l'argent pour la formation. Vous en avez sûrement déjà entendu parler.

Les problèmes que le Dr Vincent soulève sont vraiment très importants. Premièrement, comment susciter l'intérêt des jeunes francophones qui, traditionnellement, n'entrevoyaient pas la possibilité d'être médecin-infirmière? Infirmière praticienne, c'est quoi? Ils ne savent pas. Le premier mandat du centre national est de susciter l'intérêt. C'est le genre de choses qui se fait déjà à l'Université d'Ottawa par le biais du Bureau des affaires francophones. Je parle de médecine.

Deuxièmement, il faut voir comment on peut former des jeunes en français dans un milieu non francophone. C'est très difficile. C'est pourquoi on a choisi de centrer bon nombre des activités à Ottawa, par exemple. On voudrait en faire plus à Saint-Boniface, on en fait déjà énormément à Moncton.

Par contre, si on sort le jeune de sa communauté, d'abord, cela coûte cher et ensuite, comment le faire revenir? La solution est de s'assurer que beaucoup de stages se feront dans sa communauté d'origine. On a partiellement pallié le problème avec la supervision à distance. C'est bien d'envoyer des gens dans leur patelin, mais il faut aussi assurer la qualité de l'enseignement.

Il devient obligatoire de faire une supervision non seulement de l'étudiant mais aussi du précepteur à distance.

La formation à distance est un volet important. Par contre, si on met des gens à Montfort pour faire leur formation, on manque de patients et d'enseignants. Je crois qu'on a tenté de développer des milieux francophones de formation non traditionnelle. Je parlerai d'expérience personnelle. Avec ma collaboratrice, une infirmière praticienne, en pratique «collaborative», dans une résidence de soins à long terme, nous faisons la formation de plusieurs disciplines en même temps. Nous avons des étudiants, des résidents en médecine familiale, des étudiantes infirmières praticiennes et des étudiantes infirmières, tous francophones, en partie dans une résidence de soins à long terme de 200 lits à l'Université d'Ottawa et en partie à la Cité collégiale. C'est le genre de choses qu'il faut étudier, les milieux de formation non traditionnels. On a une population gériatrique tout à fait apte à être approchée par des étudiants, et on fait la formation «collaborative» de la même façon qu'on soigne les patients. C'est sous-entendu. Par exemple, la formation de l'approche au patient, la prise de l'histoire «lamennaise», se fait encore mieux par une infirmière praticienne que par un médecin, même un médecin de famille qui a 30 ans d'expérience.

Ce genre d'approche est très important, parce qu'on a tellement peu de ressources enseignantes qu'il faut maximiser l'utilisation de tout ce monde. Parce que je suis médecin, cela ne veut pas dire que demain, je ne ferai pas une formation en physiothérapie.

Pour les francophones, il est important de viser un nouveau modèle d'enseignement et de vraiment mettre l'accent le multidisciplinaire. Si ces jeunes retournent en communauté, ils n'auront pas la pleine gamme des participants francophones. Il y aura peut-être un ergothérapeute francophone. S'il n'y en a pas, c'est le médecin ou l'infirmière praticienne qui devra s'en occuper. Il faut être plus souple que nos collègues anglophones.

Le sénateur Losier-Cool: Les témoins que nous avons entendus ce matin préconisent un certain programme de santé similaire à celui qui existe dans le programme des langues officielles en enseignement ou en éducation. Je pense au Centre communautaire Évangéline et à celui dont vous nous avez parlé de Saint-Boniface. Docteur Vincent, vous êtes certainement conscient de d'autres centres qui existent actuellement. Si un nouveau programme fédéral était mis sur pied, craindriez-vous qu'on vous enlève une certaine autonomie ou est-ce que cela complémenterait votre travail? Quelles sont vos impressions concernant la recommandation d'avoir plusieurs groupes francophones?

Mme Arsenault: Je suis totalement d'accord avec cette approche. Cela n'enlèvera rien au centre de santé. Nous sommes prêts à réagir. Présentement, nous desservons une partie de notre population. Toute la question des soins à domicile, des personnes âgées, nous n'y touchons pas. Nous avons un édifice de 34 pieds par 50.

Ce genre de programme pourra nous mettre le vent dans les voiles. Lorsqu'on a commencé à parler du rapport du comité consultatif, la province s'y est intéressée, de même que le sous-ministre de la Santé du gouvernement fédéral. Ils veulent s'asseoir à la table et parler avec les francophones. Il est important que ce dynamisme continue. Chaque fois qu'une décision est prise par le gouvernement fédéral, la province a tendance à vouloir bouger plus vite. Cela nous avantage grandement dans nos communautés. La communauté est prête. On dessert seulement une partie de la population. Les francophones à Charlottetown n'ont pas les mêmes services que les gens de la région Évangéline. La visite de M. Romanow a peut-être causé un peu de jalousie. Les gens soutiennent que les francophones ne peuvent pas avoir un meilleur service que les anglophones. On n'a pas un meilleur service, on fait les choses différemment. Le service est livré d'une façon différente, basé sur les besoins des gens. Ce genre de programme aiderait grandement.

Nous sommes très défavorisés et au niveau de la santé. J'espère que nous n'aurons pas à nous battre pour des services et que des programmes seront mis en place rapidement pour nous permettre d'aller de l'avant et de répondre aux questions de santé des gens.

Le sénateur Losier-Cool: Considérez qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, le gouvernement manifeste une volonté politique de travailler avec le gouvernement fédéral?

Mme Arsenault: Et la communauté?

Le sénateur Losier-Cool: À tous les paliers. Ce matin, nous avons entendu des représentants de différentes provinces mais ceux de l'Île-du-Prince-Édouard n'y étaient pas.

Mme Arsenault: La province a déjà engagé des discussions. On a déjà prépare un cadre référence. Un réseau serait établi entre les représentants du gouvernement et chacune des régions administratives de la santé, des gens du département de la santé, des gens de la communauté, du milieu de l'éducation et de l'éducation postsecondaire qui s'occupent de la formation. Le document et la recommandation du comité consultatif les intéressent.

Le sénateur Pépin: Le rapport paraîtra d'ici la fin septembre.

Le sénateur Losier-Cool: Docteur Vincent, diriez-vous qu'il y a cette même volonté politique en Alberta?

Dr. Vincent: Oui, absolument. Quand j'étais dans la région de la rivière de La Paix, par l'entremise de Patrimoine Canada, on avait signé une collaboration 50/50 avec le ministère de la Santé et Patrimoine Canada pour un projet de santé en français à la rivière de La Paix. On avait mis beaucoup de temps à négocier parce qu'on ne savait pas comment cela fonctionnait. Cela fonctionne toujours. Si les gestionnaires peuvent trouver des façons de faire efficaces et d'allouer des fonds, les francophones sont prêts. S'il existait un programme, les francophones ne seraient plus des quêteux qui arrivent les poches vides pour demander des services. Nous aurions des fonds pour nous les procurer, et les autorités de la santé seraient prêtes à les offrir si nous étions prêts à payer notre part. Les partenariats pourraient fonctionner. Les anglophones ne sont pas contre les francophones. Ils doivent gérer un gros système. Il y a eu des restrictions à droite et à gauche. Si on arrivait avec des solutions plutôt qu'avec des problèmes, ils seraient bien ouverts.

Mme Nicolas: J'aimerais souligner que le gouvernement fédéral ne vient pas d'être parachuté dans les provinces sans consultation et sans communication. C'est tout à fait l'inverse. Le fédéral offre certains fonds pour passer à des initiatives, et c'est toujours fait en dialogue avec la province et la communauté. On est très impliqué, très au courant de ces fonds. Au Manitoba, nous sommes en train de nous mobiliser comme communauté pour avoir accès à ces fonds. Les initiatives du fédéral sont pour nous très importantes. Notre gouvernement provincial est très ouvert et très prêt à passer à l'action.

Le sénateur Léger: J'ai comme le souffle coupé. Cet après-midi vous avez mentionné les mots «initiative» et «dialogue». Je n'ai pas entendu une fois que c'était la faute du gouvernement fédéral ou, vice-versa, que c'était la faute du gouvernement provincial.

Le développement communautaire doit se faire du bas vers le haut. C'est la seule façon de le faire, d'arriver en haut. L'Hôpital Montfort a servi de modèle et à Moncton, on a l'a copié pour l'Hôpital George-Dumont.

Mme Nicolas a mentionné les mots «par et pour les francophones», comme si c'était naturel. Vous dites que personne n'est contre et vous demandez l'appui et l'engagement du gouvernement fédéral. M. Vincent a parlé de l'accent qui est mis sur l'efficacité plutôt que sur le patient. L'enthousiasme est croissant, c'est ce que j'ai senti avec les témoignages de cet après-midi.

Le sénateur Pépin: Lorsqu'on parle des soins à domicile, on parle souvent de soins palliatifs. Quelqu'un a dit que, dans plusieurs régions, il n'y avait pas de soins accessibles en français. On dit qu'il faut pouvoir mourir dans notre langue. Voyez-vous un débouché?

À part la question des fonds, y a-t-il une porte à laquelle on n'a pas frappé? J'ai siégé au Comité spécial du Sénat sur les soins palliatifs. Le gouvernement s'engage, mais dans certaines régions, l'engagement demeure difficile. Lorsqu'on dit qu'il n'existe pas de soins à domicile, c'est qu'il n'existe pas de soins palliatifs et les gens ne peuvent pas mourir chez eux.

Mme Arsenault: Justement, on voit des personnes qui reçoivent des soins palliatifs et qui disent que les intervenants en santé sont tous anglophones. Certaines personnes disent même qu'elles sont obligées de prier en anglais. Cela démontre véritablement toute l'importance de la question des soins à domicile. Pourtant, très peu de fonds sont alloués aux soins communautaires.

Les francophones devraient bénéficier de leviers leur permettant de bénéficier de soins palliatifs dans leur langue maternelle. Ce ne serait pas quelque chose que la province financerait tout de suite — du moins, pas pour les francophones —puisque financer ces soins pour les anglophones présente déjà une difficulté.

N'oublions pas qu'il y a toute la question du fonds de transition de 250 millions de dollars. Et nous, nous faisons partie de cette population.

Dr Vincent: À Edmonton, on parle de mettre sur pied un centre de soins prolongés. Parce qu'on est en petit nombre, on sait qu'on doit envisager des solutions novatrices, trouver de nouveaux modèles, et on discute des soins palliatifs et à domicile.

Qu'est-ce qui empêcherait que des soins à domicile puissent émaner d'un centre de soins prolongés? Il faudrait aussi penser à intégrer des services funéraires dans ce centre de soins prolongés. Lorsqu'on en arrive à proposer de telles solutions, les gestionnaires sont surpris car ils n'ont jamais vu cela auparavant. Cela démontre bien l'importance donner notre opinion parce nous pouvons, nous aussi, trouver de bonnes solutions.

Mme Nicolas: Il y a d'autres options très créatives au niveau de la technologie qui pourraient nous permettre de rendre des soins à domicile, qu'il s'agisse de soins palliatifs ou autres. Par exemple, le Centre de santé de Saint-Boniface est en partenariat avec le CLSC d'Orléans à Québec. Nous allons passer au stade d'expérimentation de télésoins à domicile. Cela favorisera la clientèle francophone et on mettra à leur disposition, à domicile, des outils de télésoins. Les données seront transmises électroniquement à un prestataire de soins à domicile.

Nous ne sommes peut-être pas en mesure de rejoindre une région éloignée et d'avoir des francophones qui desservent cette clientèle. Par contre, nous pouvons avoir un prestataire francophone qui, devant l'écran, fera l'évaluation du client qui est peut-être à 400 kilomètres. Ce projet, très novateur, est le premier projet d'envergure dans le domaine des télésoins à domicile au Canada. Il faut dire que PICLO nous a grandement aidés pour faire en sorte que le Manitoba puisse participer au projet.

Nous avons des occasions d'entretenir des relations partenariales avec des gens du Québec et de Moncton. Un centre d'appel francophone serait aussi une option. Je pense que les idées sont là, les stratégies en place et il faut tirer profit de ceci et de continuer d'avancer. Je crois aussi que la réponse se trouve, en grande partie, au niveau de la technologie.

Le président suppléant: J'aimerais souligner que le projet de CLSC Orléans été financé par le gouvernement fédéral. Et l'une des conditions du financement fédéral était l'aide aux communautés francophones hors-Québec. Cette initiative mérite d'être soulignée.

Je m'étais intéressé à ce projet et je suis content de voir que l'initiative d'aider les communautés francophones hors- Québec commence à porter fruits.

Mme Nicolas: Le 80 millions de dollars vient du projet d'info-structure canadienne en santé.

Le sénateur Pépin: Une fois par année, on procède à la mise à jour de toutes les recommandations et on vérifie l'évolution de leur application. On regarde aussi où en est la nouvelle technologie dans le domaine, car cela est important. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?

Dr Joanisse: Non, pas vraiment. J'aimerais plutôt revenir sur le fait qu'on a besoin d'être novateurs. Comme l'a dit M. Vincent, il faut trouver des réponses particulières adaptées à notre société, à notre culture et à nos ressources. Ce n'est pas nécessairement toujours dans une grande ville qu'on va trouver des réponses, et ce ne sont pas toujours les médecins qui seront capables de dicter les solutions.

Le sénateur Pépin: Il faut beaucoup de débrouillardise.

[Traduction]

Le sénateur Keon: Docteur Vincent et madame Nicolas, avez-vous réussi à établir des réseaux dans le système hospitalier, dans le système de soins aux malades chroniques et ainsi de suite? J'établis des contacts avec des infirmières et des médecins d'expression française qui peuvent traiter les francophones unilingues.

Dr Vincent: Lorsque je suis retourné à Edmonton, j'ai installé mon cabinet au sein de la communauté francophone. J'estimais que c'était un bon point de départ; avec le temps, nous finirions bien par avoir un réseau de services. Et cela a aidé.

Je bénéficie de certains droits au Grey Nuns Hospital & Health Centre. Je suis connu comme le médecin qui parle français et lorsque des spécialistes veulent adresser leurs patients à un médecin francophone, c'est à moi qu'ils les adressent.

J'ai eu de la difficulté à obtenir d'autres services en français. À Edmonton, il y a trois psychiatres, trois orthopédistes et quelques cardiologues qui parlent français. Je connais personnellement un certain nombre de collègues avec qui je peux travailler et qui acceptent de recevoir mes patients sans difficulté.

J'éprouve des difficultés avec les services paramédicaux. Il y a deux infirmières d'expression française qui offrent des cours prénataux à Edmonton. Toutefois, à cause de la façon dont le système fonctionne, elles n'ont pas de budget pour donner des cours prénataux en français. Au cours de la dernière année, huit mères dont la langue était le français n'ont pu recevoir de cours prénataux. On peut parler de raté du système et je crois qu'il y a moyen de corriger la situation.

Les soins à domicile ont été centralisés au point où je parle à une infirmière différente chaque fois que je communique avec ce service. Je ne vois jamais ces infirmières. Aucune d'entre elles ne parle français, bien que je sache qu'il y a une francophone qui travaille à l'autre extrémité de la ville. Il s'agit d'un gros système un peu nébuleux et les contacts ne sont pas faciles.

Pour ce qui est des médecins, je peux habituellement obtenir des services de mes collègues. Cependant, j'éprouve des difficultés avec le reste du système de soins de santé.

Mme Nicolas: Nos médecins doivent avoir des droits d'admission dans l'établissement désigné pour offrir des services en langue française. Ils ont des droits d'admission. Ces médecins suivent les patients après leur admission à l'hôpital. Cela assure la continuité.

L'Hôpital général de Saint-Boniface compte 4 000 employés, dont 10 p. 100 parlent français. On retrouve la grande majorité de ces employés dans les services de soutien. Il devient difficile d'obtenir des soins pratiques au niveau des patients en français, bien qu'il y ait eu une amélioration à ce chapitre.

Dans le cas des soins de longue durée, il n'existe pas de véritable partenariat pour les services directs aux clients, mais nous avons un partenariat pour ce qui est des services de soutien comme les finances, la paie et les ressources humaines.

Comme l'a dit le Dr Vincent, les soins à domicile posent un problème. On compte environ 2 000 employés dans ce service et il s'agit d'un programme centralisé. Il est extrêmement difficile d'accéder à des fournisseurs de soins de santé en français pour assurer la continuité des services. Nous avons établi des partenariats, mais bien souvent il faut communiquer en anglais et nos clients reçoivent les services en anglais.

Le sénateur Keon: Si je me fie à l'expérience que j'ai vécue à Ottawa, j'estime qu'il s'agit là d'un moyen plus efficace que n'importe quelle mesure que nous pourrions adopter au plan bureaucratique. Les médecins tissent un réseau et finissent par savoir qui peut fournir un service à des francophones. Ils ont recours à ce réseau et cela fonctionne très bien dans nombre de cas.

Récemment, un document a été publié par Michael Decter sur la grave pénurie d'infirmières qui sévit actuellement au Canada. Lorsque j'ai lu ce document il y a quelques jours, j'ai constaté qu'il n'y avait rien au sujet du problème que vivent les francophones. Je suis sûr qu'il ne s'agit là que d'une méprise.

Il s'agit d'une occasion. Si nous pouvions offrir aux jeunes qui choisissent de faire carrière dans les soins infirmiers des incitatifs qui leur permettraient d'offrir des services en français une fois leurs études terminées, cela pourrait les aider. De plus, s'ils savaient où se trouvent les possibilités d'emploi — par exemple, à Edmonton ou à Winnipeg —, ils pourraient cibler ces endroits.

Pensez-vous qu'il s'agirait là d'une entreprise valable? Si oui, je vous invite à faire des représentations à cet égard, et je crois que nous aussi pourrions probablement en faire.

Dr Vincent: La pénurie d'infirmières est criante et nous le savons. Il y a amplement de place pour créer des programmes de formation partout au pays.

À Edmonton, la doyenne de la Faculté Saint-Jean s'intéresse beaucoup à cette question. Elle examine la possibilité d'ouvrir un programme de soins infirmiers à Edmonton.

Nous avons toujours beaucoup de difficulté à traiter avec notre université parce qu'il s'agit de sortir des sentiers battus et que les gens ont peur du changement. Nous savons qu'il y aura une ruée lorsque nous afficherons toutes ces places pour des étudiants en soins infirmiers.

Nous aimerions participer à la formation des infirmières et à l'enseignement des sciences infirmières. Le consortium d'établissements postsecondaires à l'échelle du pays serait prêt.

Nous nous inquiétons de savoir si c'est le bon moment et craignons de rater l'occasion d'instituer ces programmes. Nous serions prêts à accueillir des étudiants en sciences infirmières à Edmonton.

Mme Nicolas: Nous sommes extrêmement privilégiés à Winnipeg du fait que nous en sommes maintenant rendus à la deuxième année d'un programme de formation d'infirmières autorisées en partenariat avec l'Université d'Ottawa. Ce programme est offert en français au Collège universitaire de Saint-Boniface. La première classe comptait 18 ou 20 étudiants. Aux dernières nouvelles, il y avait 30 inscriptions pour les classes débutant en septembre.

Il y a certainement de l'intérêt. Encore une fois, si nous fournissons le service, les gens d'expression française répondront à l'appel. Il vaut vraiment la peine de poursuivre dans cette voie.

Dr Joanisse: Nous devons stimuler l'intérêt de ces gens et non pas les arracher de leurs milieux d'origine, surtout les francophones. Au moment où sévit une pénurie d'infirmières, quelles sont les chances que nous puissions attirer une infirmière de la ville, la former en français et l'intéresser à aller travailler dans une petite collectivité qui ne lui est pas familière pour pratiquer en français? Les chances sont très minces.

Par conséquent, nous en revenons à ce que disait le Dr Vincent dans son exposé. Nous devons trouver les candidates au sein des collectivités mêmes, là où elles sont le plus susceptibles de revenir, trouver un moyen de les former en français et de maintenir leur attachement à leur milieu d'origine. Ce n'est pas facile, surtout lorsque nous sommes dans un marché d'acheteurs.

Mon cheval de bataille, c'est l'enseignement non traditionnel. Le programme d'apprentissage à distance dont a fait état Mme Nicolas est réalisé sous les auspices du Centre national de formation. Il fait intervenir un consortium de deux ou trois établissements, dont l'un au Manitoba et l'autre à Ottawa. L'Université Laurentienne de Sudbury en fait également partie.

Grâce à cette approche, vous pouvez avoir une masse critique virtuelle comparativement à une masse critique réelle comme nous en avons une à Ottawa. Mais même cette approche comporte certains risques. La technologie est une façon de relier des petites collectivités dans l'ensemble du pays, mais elle ne peut remplacer les réunions pratiques, en personne. Il faut apprendre à se connaître en se visitant.

Le Dr Vincent parle de la Faculté Saint-Jean. Je m'y suis rendu et c'est vraiment quelque chose d'impressionnant. Un programme de formation en soins infirmiers à cet endroit serait absolument merveilleux. Pour démarrer, il suffirait d'une aide minimale de la part de régions francophones, à l'intérieur ou à l'extérieur du Québec. On pourrait ensuite obtenir du financement de la province.

[Français]

Le président suppléant: Avant de terminer, j'aimerais revenir au rapport, car le but du comité était d'étudier ce rapport.

Docteur Vincent, j'aimerais revenir au problème auquel on fait toujours face lorsqu'on parle de soins destinés à des minorités. Lorsque vous parlez de niveau de soin, niveau de service, vous parlez de niveau minimal, de niveau de base, de niveau par rapport à la densité de la population. Ce qu'on nous pose constamment, c'est de savoir si le francophone qui habite une ville de 10 000 habitants aura droit à tous les soins et services auxquels le reste de la population a droit.

Vous avez parlé de 60 000 habitants. J'aimerais que vous nous parliez des services en rapport avec la densité de la population, mais surtout ce que vous concevez être un niveau minimal. En général, les gens ont de la difficulté à comprendre quels services ceux qui habitent des régions de faible densité peuvent s'attendre à recevoir.

J'aimerais aussi avoir votre opinion sur le niveau de soin. On peut commencer par le Dr Vincent. Vu qu'il a signé ce rapport, il en est peut-être responsable, mais j'invite également les autres à commenter sur le niveau de soin, car c'est une objection que vous avez dû entendre et que l'on rencontre souvent lorsqu'il est question de soins visant les populations de faible densité.

Dr Vincent: Le système de santé n'est pas comme le système d'éducation. Dans le système d'éducation, on doit remplir une école d'élèves francophones. On doit créer une atmosphère entièrement en français, et l'intégrité de l'ambiance doit être respectées. Dans le système de santé, c'est un sur un, c'est un prestataire et un client.

Près d'un tiers de ma clientèle est anglophone; ce sont des anglophones de notre quartier. Quand ils entrent dans le centre communautaire francophone — ils sont fiers d'avoir ce centre dans leur quartier — ils voient des affiche en français dans les salles d'attente et c'est pour eux une sensibilisation de plus au fait français.

Rien ne m'empêche, lorsque je sors d'une salle en parlant avec un patient en français, en respectant sa dignité et ses besoins, de passer à la prochaine salle en parlant en anglais avec le prochain patient et ainsi respecter sa dignité et ses besoins.

La santé communautaire, les soins à domicile, ne devraient pas être des services difficiles à livrer. Pour ce qui est des services de diététiciennes, de physiothérapie, et cetera, on devrait trouver des façons de livrer ces services sans bâtir un hôpital.

À Edmonton, on est capable d'avoir des réseaux de soins primaires, des services à l'externe, des services à domicile, des soins prolongés et, je le sais, on aura jamais un hôpital. Ce serait inconcevable. Mon travail, c'est, par exemple, de bien préparer mes patients pour les envoyer chez un chirurgien cardiaque. Si je prépare bien mes patients et si je leur explique bien les choses, le chirurgien va me respecter. Si je fais bien mon travail, le chirurgien n'a pas besoin de parler le français.

Le président suppléant: Est-ce que quelqu'un d'autre veut répondre?

Mme Nicolas: La technologie peut rendre les soins là où le client se retrouve avec des services de base tels un centre d'appel, un centre d'appel francophone qui offre des services 24 heures par jour, sept jours sur sept, en français. Parlons aussi de soins à domicile, par exemple, de la technologie de télé-soins à domicile. Avec ces services, je crois qu'on capable d'aller rejoindre ces gens.

Il faut s'éloigner de penser aux soins de santé uniquement en termes de soins qui doivent être donnés ou livrés par un médecin. Il y a toute une gamme de professionnels de santé qui peuvent, eux aussi, rendre les services nécessaires de façon très novatrice.

Le président suppléant: Je suis étonné que vous soulignez cette question d'info-santé, de lignes d'appel, alors qu'en autant que je sache — on pourra me corriger — il n'en est pas question dans ce rapport.

On peut avoir un numéro de téléphone où, en appuyant sur le un, on nous répond en français, sur le deux on nous répond en anglais, pour faire, par exemple, une réservation d'hôtel, et cetera. En général, les lignes de santé ne sont pas disponibles dans les deux langues, et vous avez raison de dire que c'est un service qui sauve beaucoup de visites au service de l'urgence et qui est économique.

Mme Arsenault: On ne peut pas vraiment regarder la question de densité de la population puisqu'on est un très petit nombre. On est 6 000 personne d'origine ethnique de la province. On représente 4,5 p. 100 de la population. N'empêche qu'on est capable de faire beaucoup de choses avec un petit groupe. Si on regarde la région administrative de santé, on a 1 200 employés. On est cinq à travailler au centre et on réussit tout de même à combler beaucoup de besoins. C'est évident que l'on ne les comble pas tous, mais avec le roulement qu'il y a présentement dans les professions, il y a des ouvertures de façon continue. Il est possible d'ajouter des professionnels de la santé à notre équipe parce que les gens sont déjà censés desservir notre population de toute façon. Lorsque des postes deviennent vacants, on agit de façon proactive et on dote ces postes de façon bilingue. On les regroupe, et lorsque la personne se présente pour recevoir un service, elle est tout de suite dirigée au service en français.

J'ai été travailleuse sociale à un poste bilingue pendant un an mais je n'avais aucun client francophone parce que personne ne savait dans la boîte que je parlais français. Personne ne disait au client qu'il y avait un service en français.

Par contre, au centre de santé, on est regroupé. Tout le monde sait que les professionnels qui sont là sont francophones, et à l'intérieur de la boîte, on connaît les francophones dans le système. C'est là que ça fait une différence. Quelques fois ce n'est pas le nombre qui fait la différence.

Le sénateur Losier-Cool: Dans votre étude, puisqu'on parle du rapport, est-ce que les francophones sont plus en santé, ou plus malade, ou moins en santé, ou moins malade que les anglophones? Avez-vous trouvé une différence significative sur la condition de vie ou la vie que les francophones mènent, je parle d'une vie plus sédentaire, d'une différence dans l'alimentation. Vous ne savez pas?

Mme Nicolas: Dans l'étude faite au Manitoba, on n'a pas touché cette question. Premièrement, il nous manque de ressources pour pouvoir penser à faire ces études, afin de découvrir si les francophones sont en aussi bonne santé, en moins bonne santé ou en meilleure santé.

La santé est reliée aux facteurs déterminants de la santé. On sait que la population francophone est plus vieillissante, moins scolarisée, moins sur le marché du travail. Le revenu et l'état social sont moins élevés que ceux des collègues anglophones. On pourrait donc possiblement constater, et certaines recherches le démontrent, que les facteurs déterminants de la santé sont directement reliés à l'état de santé.

On pourrait peut-être conclure que les francophones sont en moins bonne santé. Par contre, nous n'avons pas fait les études. Nous avons eu peu d'occasions de faire des études identifiant les besoins de santé chez les francophones. Les besoins sont différents dans différentes régions.

Cela touche la question posée par le sénateur Pépin au tout début, à savoir comment on fait pour identifier le professionnel qu'on mettra en place. Souvent, on met des personnes en place sans avoir découvert quels sont les besoins dans la communauté.

Il faut changer notre façon de faire, consulter la communauté, leur demander quels sont leurs besoins, et de là, bâtir une équipe multidisciplinaire qui pourra rendre les services à cette clientèle.

Peut-être que dans les régions qui ont une densité de population moins élevée, si on a assez de ressources, on pourrait former des équipes mobiles qui se rendraient dans les régions plus éloignées une fois par semaine pour offrir des services multi-disciplinaires.

M. Joanisse: C'est une question primordiale au centre national de formation en santé qui, dans sa demande de fonds, avait originalement inclus un volet recherche. C'était précisément pour chercher ces informations puisque les recherches préliminaires ont conclu ce que Denis a dit à voix basse, soit qu'on ne le sait pas. Par contre, il n'y a pas eu de fonds accordés, seulement dans la formation de la seconde phase, qui débutera en avril 2003.

Il y a un volet recherche qui répondra précisément à cette question, à des questions comme celles que vous avez posées, surtout sur le plan préventif. Comment prévenir si on ne sait pas ce que l'on va prévenir? La prévention a beaucoup à voir avec la question d'interaction verbale, culturelle et transdisciplinaire. Si on fait de la prévention, on doit avoir des chiffres à l'appui mais on ne les a pas.

J'ai deux dadas; l'un est la prévention du tabac, l'autre est le syndrome de l'alcoolisme foetal. Dans l'Ouest canadien, c'est un phénomène fréquent. Les recherches et la prévention existent. Dès que l'on arrive à la rivière des Outaouais, il n'y en a pas.

Est-ce que l'approche en ce qui concerne la prévention de ce syndrome est la même chez les anglophones et chez les francophones? Il y a une dimension culturelle importante dans la prévention et le traitement des malades par la suite. Je siège à un comité consultatif pour le ministre fédéral et c'est une question à laquelle il faut répondre. On a de la difficulté à susciter de l'intérêt chez les francophones et on se fait presque dire: «Ne va pas là!» C'est une situation tout à fait particulière.

On a reconnu qu'il y avait de l'intérêt en Acadie. Encore une fois, est-ce le même problème là-bas qu'ailleurs? Nous l'ignorons. L'aspect culturel est important à plusieurs niveaux comme la réadaptation postcardiaque, par exemple, ou la santé des femmes. Est-ce que les approches sont les mêmes pour la culture franco-canadienne minoritaire qu'au Québec? Ce sont des questions très importantes.

Le sénateur Losier-Cool: Certaines maladies sont liées aux cultures. Par exemple, les Japonaises ou les Asiatiques souffrent moins du cancer du sein que les Américaines.

M. Joanisse: Le centre national a mis sur pied une journée de recherche pour les chercheurs francophones de plusieurs disciplines à l'Université d'Ottawa. Il y avait les sciences de la santé, la géographie, les arts et cetera.

La conclusion était que l'on ne sait trop comment chercher des fonds, ni qui sont les bailleur de fonds. Nous ignorons ce qui affecte les francophones et comment interpréter les résultats et les traitements et nous nous sommes tournés vers l'Université d'Ottawa et l'Hôpital Montfort. Nous leur avons demandé s'ils pouvaient créer un institut qui pourrait prendre en main cette recherche car elle n'est pas reconnue par les instituts traditionnels du gouvernement fédéral.

Mme Arsenault: On produit régulièrement des rapports sur la santé des Canadiens. Dans un de ces rapports, j'ai demandé s'il était possible de circonscrire la question de la santé des francophones, comme nous l'avons fait avec les Autochtones. On m'a répondu qu'en terme de nombres, ce n'était pas possible. Dans l'Île-du-Prince-Edouard, il y a plus d'Acadiens que d'Autochtones. Pourtant, cela est possible de le faire pour les Autochtones. J'aimerais soulever cette question. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle qui pourrait sans doute nous appuyer nos demandes.

Le président suppléant: Il y a un million de francophones hors Québec. Le nombre est sûrement suffisant.

Le sénateur Pépin: Après notre sixième rapport, un comité se penchera sur la santé des Autochtones et la santé des femmes dans une perspective francophone.

Le président suppléant: Au nom du comité, je voudrais vous remercier. Vos témoignages nous ont vraiment éclairés et nous ont sensibilisés aux problèmes particuliers et réels des francophones hors Québec.

Je vous félicite de votre engagement bien réel à l'égard du bien-être de vos concitoyens. Par moments, il est émouvant. Vous travaillez dans des conditions extrêmement difficiles. Nous ne réalisons pas toujours que c'est une combat continu. Je vous remercie et je vous félicite.

Le président suppléant: Nous allons entendre Mme Andrée Lortie, qui fait partie du volet formation de notre étude. Elle est présidente de la Cité collégiale à Ottawa et va nous parler de la formation collégiale en français.

Mme Andrée Lortie, présidente, Cité Collégiale: Je remercie de m'avoir invité et je remercie le sénateur Gauthier d'avoir porté à mon attention le fait que vous siégiez à ce sujet.

Les recommandations de l'étude ont fait l'objet d'une réflexion assez importante du côté des collèges et des groupes qui dispensent de la formation collégiale en français à l'extérieur du Québec. Les collèges francophones pensent être en mesure de contribuer grandement à l'atteinte des objectifs mis de l'avant dans l'étude.

Vous m'excuserez si, dans le cadre de ma présentation, je cite souvent des exemples provenant de la Cité collégiale, mais c'est un contexte que je connais très bien. Par contre, il faut dire qu'il y a beaucoup d'activités partout au Canada sur le plan collégial.

J'aimerais vous présenter M. Pierre Bergeron, qui est directeur général du réseau des collèges et des cégeps du Canada. Vous le connaissez probablement en tant qu'éditeur du journal Le Droit. Il est aussi responsable de l'organisation qui gouverne les collèges et cégeps.

J'aimerais d'abord vous parler des collèges francophones. Souvent, les collèges francophones hors Québec sont méconnus. Ils ont été créés dans le but de permettre l'accès aux études postsecondaires pour les francophones en milieu minoritaire. Les collèges francophones offrent de nombreux programme dans le domaine de la santé qui peuvent être d'une durée de un, deux et trois ans.

Depuis 1990, à la Cité collégiale, nous avons formé plus de 2 700 étudiants dans des secteurs de la santé. Je parle de la Cité collégiale, mais je pourrais aussi parler du Collège Boréal, dans le nord de l'Ontario, de Campbellton, au Nouveau-Brunswick, ou du Collège de l'Acadie, en Nouvelle-Écosse.

Les programmes offerts actuellement par les collèges francophones donnent de la formation dans les secteurs de la santé physique (soins paramédicaux, santé mentale, soutien à l'intégration sociale) et de la santé publique (soins palliatifs, travail social et hygiène dentaire). On offre également des soins dans le secteur institutionnel spécialisé (sciences infirmières, soins en établissement, thérapie respiratoire), des soins personnels et d'entraide (travail social, gérontologie, technique d'éducation spécialisée) et des soins communautaires, comme les soins à domicile.

Nous offrons aussi la formation dans les secteurs primaires, secondaires et tertiaires. Dans le secteur primaire: des proposés au soutien personnel des aides physiothérapeutes. Dans le secteur secondaire: soins paramédicaux. Dans le secteur tertiaire: thérapie respiratoire et soins infirmiers. Ces programmes de santé sont offerts à des niveaux divers dans toutes les régions du Canada. L'Ontario est assez privilégiée parce qu'elle dispose de deux institutions collégiales, soit la Cité collégiale et le Collège Boréal. La Cité collégiale offre une quinzaine de programmes en santé alors que le Collège Boréal en offre une dizaine. Le Collège Boréal est situé à Sudbury. Au Nouveau-Brunswick, le campus de Campbellton offre six programmes en santé. On parle de programmes d'aide en soins de santé, de soins infirmiers auxiliaires, de techniques d'intervention en services communautaires et autres. En Nouvelle-Écosse, le Collège de l'Acadie dispense des programmes de soins ambulanciers et paramédicaux, de santé et services de soins continus.

C'est sûr que dans l'Ouest, lorsqu'on considère ce qui se passe dans le domaine de la santé, que ce soit au Manitoba, en Alberta, en Saskatchewan ou en Colombie-Britannique, les programmes collégiaux n'existent pas présentement, même s'il y a des activités au niveau collégial. Il y a une grande pénurie à ce niveau.

Nos collèges francophones forment des professionnels de la santé en partenariat avec leur collectivité. Quand on parle de «collège communautaire», «communautaire» signifie travailler avec la communauté, vivre dans la communauté. Dans la plupart des cas, cela signifie également qu'il y a un important volet de partenariat dans cette communauté.

Je vous donne l'exemple des lieux de stage en technologie et en radiologie. En technologie, en laboratoire médical, la formation se donne à l'Hôpital George-Dumont de Moncton pour les étudiants du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick. Le docteur Joanisse a mentionné brièvement les nombreux partenariats conclu avec l'Hôpital Montfort. Les collèges communautaires qui dispensent des programmes dans le domaine de la santé doivent aussi comprendre des comités consultatifs, composés de gens qui viennent du secteur privé et public et des agences communautaires. Ils conseillent les institutions sur le type de formation qui devrait être dispensée. Les collèges communautaires sont donc vraiment intégrés dans leur milieu et travaillent en partenariat avec les collèges et universités. Je donne l'exemple de Cité collégiale parce que nous avons élaboré les programmes suivants avec l'Université d'Ottawa: travail social, gérontologie et sciences infirmières. De plus en plus, le monde dans lequel nous vivons parle de formation continue. Les gens n'arrêtent pas nécessairement leur formation après l'obtention de leur premier diplôme. Lorsqu'on parle de solutions, d'accès aux services de santé, les collèges ont l'habitude de travailler ensemble et ce, de plus en plus. Je parlais du Collège de l'Acadie, qui offre un cours de soins ambulanciers. La Cité collégiale a travaillé avec le Collège de l'Acadie. Les programmes et le matériel didactique étaient déjà élaborés. Un lien s'est créé et le Collège de l'Acadie offre maintenant ce programme dans sa communauté.

Les collèges désirent de plus en plus travailler ensemble afin d'adopter une vision commune. On peut voir l'éducation comme la cohabitation de divers silos. Beaucoup d'institutions mettent en œuvre des programmes et il n'y a pas toujours de collaboration entre elles. Au niveau collégial, on ne peut plus réinventer la roue. En ce qui concerne la formation dans le secteur de la santé, il faut favoriser une plus grande collaboration. Le réseau des collèges et des cégeps du Canada joeu le rôle de catalyseur pour amener ces institutions à travailler ensemble.

Les collèges francophones hors Québec doivent faire partie de la solution aux problèmes éprouvés quant à l'accès aux services de soins de santé. Pour ce qui est du centre national de formation en santé, les collèges ont préparé une proposition qu'ils ont déposée au consortium. Cette proposition a été bien reçue par le consortium, mais cela a nécessité un important travail d'organisation et de regroupement. Je constate que les collèges, lors des tables de concertations, reconnaissent maintenant les différences régionales: l'Ontario n'est pas le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique, c'est autre chose. Il faut s'adapter à des situations différentes, non pas réinventer la roue ou ne pas collaborer. On parlait de l'importance de l'offre qui crée la demande. Quand la Cité collégiale a été créée, en 1990, on a cru que ce serait le pire échec au monde et que les francophones n'enverraient pas leurs enfants dans une institution francophone puisque que le marché du travail est bilingue. Nous avons commencé avec 1800 étudiants et maintenant, nous en avons 3500. Cela ne devait pas marcher. L'offre était là; la demande est venue ensuite.

Les francophones constituent une minorité; au niveau collégial, on ne pourra pas avancer à moins de bâtir sur nos acquis: qui a fait quoi, de quelle manière et à quel endroit? Comment l'adapte-t-on? Comment l'enrichit-on? Notre défi consiste à réaliser l'importance de gérer les institutions francophones par et pour des francophones. En Ontario, on a vu qu'il n'y avait pas d'évolution dans le développement de la formation francophone au niveau collégial. Les francophones ne semblaient pas s'y intéresser. Le jour où on a dit aux francophones qu'il leur fallait en prendre la responsabilité et qu'il fallait que cela marche, ces derniers se sont dit qu'au lieu de convaincre les anglophones de ce qu'il fallait faire différemment, ils devaient s'atteler à la tâche dans le but de réussir. Quelles seraient les stratégies adoptées et comment allaient-ils s'organiser? C'est la raison pour laquelle nous avons du succès. Les gens ont décidé de s'orienter positivement.

Il y a un travail d'identification à faire. Dans le rapport, il est question de l'importance d'identifier les besoins de formation en santé, même dans l'Ouest. J'utiliserai l'exemple d'un groupe en Colombie-Britannique, Éducacentre, qui a fait un travail d'identification des besoins en soins infirmiers auxiliaires, soins ambulanciers, services de soutien personnel et soins palliatifs.

Les Entreprises EFE (enseignement, formation, emploi) en Alberta qui sont associées avec NATE et avec lesquelles nous travaillons présentement ont identifié des besoins de formation en techniques d'éducation spécialisée (aide élève, aide orthophoniste, préposé en services de soutien personnel, en soins palliatifs, et cetera). En Saskatchewan, le service francophone de formation des adultes a identifié des besoins de formation dans des programmes liés à la prévention, au dépistage, aux soins primaires, à la réhabilitation, aux soins palliatifs et gérontologiques. Des petits groupes très actifs et énergiques accomplissent actuellement du bon travail que l'on ignore trop souvent.

Le secteur de l'enseignement collégial hors Québec est prêt à s'organiser et à se coordonner en créant des liens entre les régions. Des soins paramédicaux seront offerts dans la région de Halifax. En Colombie-Britannique, le même besoin a été exprimé et des équipes travaillent avec ces personnes. Au niveau collégial, on veut offrir des structures de formation décentralisées. Vous avez mentionné plus tôt un élément important, soit la rétention des professionnels de santé dans les régions. Les étudiants qui doivent se déplacer vers Ottawa ou Montréal pour suivre leur formation, une fois celle-ci terminée, ne retournent pas toujours dans leur région. On doit élaborer des stages en milieu de travail et offrir la possibilité de suivre des cours théoriques dans les milieux appropriés, et disposer de modèles de formation non traditionnels. Si on déplace un étudiant pour un ou deux ans, par exemple, quels sont ces modèles? Dans certains secteurs, cela augure bien. Nous tiendrons une session de travail les 3 et 4 octobre prochain avec des collèges communautaires pour parler de modèles qui devraient être établis et pour s'attaquer à cette question de la rétention. Il sera également question de nouveaux modes de livraison.

Le Collège Boréal à Sudbury est un joueur important dans la formation à distance. Nous offrons déjà certains programmes, mais il faut aller plus loin en ne supposant pas que c'est la solution à tout parce qu'en santé, l'intervention directe avec l'étudiant est importante. Nous formons des gens qui doivent acquérir des attitudes, des façons de faire.

Il y a aussi la question des nouveaux programmes de formation. Une formation collégiale s'offre en français et je pense que vous avez constaté, dans le cadre de la présentation, qu'il y a beaucoup de programmes. Par contre, plusieurs programmes ne sont pas offerts au niveau collégial — en français, encore une fois. En fait, les programmes de préposé aux soins communautaires et de technique en diététique ne sont pas offerts en français.

Quand on parle de l'accès aux services en français, les collèges communautaires sont présentement bien placés pour faire partie de la solution. En santé, il des compétences, des expertises, des infrastructures, des partenariats. Il y a également de nouvelles technologies qui sont utilisées et, surtout, de la volonté et du leadership. Cela est primordial.

On peut avoir beaucoup de gens monde et de bonnes infrastructures, mais si le désir, le leadership et la volonté de se concerter sont absents, on ne réussira pas. Nous sommes bien placés pour contribuer, mais nous avons quand même des défis assez importants à relever. Il faut tout d'abord élargir la gamme des services et des programmes collégiaux offerts en français. De nombreux programmes sont présentement offerts mais nous sommes loin d'avoir quelque chose de complet.

Pour la formation collégiale, il y a aussi la question du recrutement des francophones. Dans le secteur des sciences infirmières, il y a beaucoup de travail à faire, surtout en raison de ce qui s'est passé au cours des dernières années en ce qui concerne la réputation des infirmières. De plus, certains secteurs de la santé ne sont pas connus du tout.

Il faut sensibiliser les conseillers en orientation et les parents qui ne connaissent pas l'existence de ces secteurs. Il faut aussi sensibiliser les adultes qui ressentent le besoin de se recycler.

Un autre défi se présente, soit le réseautage, qui consiste à favoriser la collaboration entre les gens de l'est du Canada, de l'Ontario et de l'ouest du pays. Ce processus est tout de même amorcé et lorsqu'on parle de réseautage, on parle de gens qui apprennent à se connaître et qui savent apprécier leurs différences. Cela demande du temps, des ressources et de l'énergie.

Il faut aussi mettre en œuvre des modes de livraison et de rétention qui permettraient aux francophones de demeurer dans leur région. Ces défis sont très importants et, pour les relever, les collèges ont besoin de ressources humaines, matérielles et financières. Je pense que les institutions du niveau collégial sont prêtes et se trouvent bien placées pour le faire car elles dispensent de la formation à des professionnels.

Cependant, c'est aussi une question de ressources et le coup de pouce attendu n'a pas besoin d'être énorme pour que tout s'enchaîne. L'étude parle de leviers importants et je pense qu'un des leviers essentiels, quand on veut assurer l'accès à des services en santé en français, c'est la formation collégiale en français.

J'aimerais vous remercier de m'avoir invitée à vous parler de cette réalité qui est pleine d'énergie et d'expertise et qui augure bien pour l'avenir.

Le président suppléant: Je vous remercie, Mme Lortie. M. Bergeron, aimeriez-vous ajouter quelque chose? Dites- moi, M. Bergeron, quel est votre titre?

M. Bergeron: Je suis président du Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada. Cet organisme regroupe une cinquantaine d'institutions collégiales et, dans les provinces où il n'y a pas de collèges, il regroupe des associations pédagogiques. Actuellement, le Réseau compte des membres dans neuf provinces sur dix.

Je m'associe à ce que la présidente de la Cité collégiale a exprimé de façon fort éloquente.

Le président suppléant: Éloquente et enthousiaste à la fois.

M. Bergeron: L'enthousiasme fait partie des gènes du secteur collégial.

Le président suppléant: Y a-t-il des questions ou des commentaires à faire suite à la présentation de Mme Lortie?

Le sénateur Pépin: En écoutant, je me suis dit qu'on n'avait qu'à presser sur le bouton pour que tout se mette en marche. Mme Lortie, vous dites que vous avez seulement besoin d'un coup de pouce?

Mme Lortie: Il y a présentement des choses qui se font même sans ressources. En ce qui concerne l'aide au démarrage de programmes paramédicaux en Acadie, ce sont des gens du secteur de la santé de chez nous qui ont décidé de donner un coup de main.

Je crains le fait que les personnes en place sont souvent très fatiguées, qu'elles sont limitées, et qu'elles font tout cela parce qu'elles croient en leur mission. Elles se disent que les francophones doivent s'organiser car il faut absolument qu'il existe des services de santé en français.

Mme Linda Butcher-Assad, directrice du secteur, ne fait que gérer les programmes à la Cité collégiale et elle a beaucoup de pain sur la planche. Malgré tout, elle accepte toujours et avec beaucoup d'énergie de dire que si quelqu'un veut démarrer un programme ailleurs, il est possible de le faire.

Comment peut-on aider? Ma crainte, c'est qu'on ne puisse le faire que de façon embryonnaire. S'il y avait des ressources qui permettaient de s'organiser, de créer un réseautage, on pourrait alors mettre en oeuvre des modèles de formation et travailler à un rythme beaucoup plus rapide. Dans le domaine de la santé, il y a importante pénurie de ressources.

Le taux de placement de nos étudiants en santé s'élève à plus de 92 p. 100. Tous se trouvent très rapidement un emploi parce qu'ils sont bilingues. Pourtant, on s'aperçoit vite qu'on ne peut pas répondre à la demande et aux multiples besoins existants. Pour ce faire, il faudrait augmenter le nombre de professionnels dans les programmes du secteur de la santé, le nombre d'étudiants et les types de programmes.

Il faut aussi établir un réseautage qui permettrait d'accommoder les étudiants des régions éloignées. En créant différents modèles de formation, on ferait en sorte que les régions éloignées ne perdent pas complètement les étudiants parce qu'ils viennent étudier à Ottawa.

Le désir d'agir est là et les joueurs sont prêts à le faire. Il faut simplement donner un coup de pouce et dire: «Présentez-nous un programme, voici les ressources et allez-y en vous fixant des objectifs».

Dans le cadre du centre national de santé, une nouvelle proposition a été présentée à la ministre. Lors de la première phase, essentiellement, les universités ont été les principaux acteurs et c'est tout à fait légitime. Lors de la seconde phase, les collèges se sont organisés à la dernière minute pour présenter une proposition.

La Cité collégiale apprécierait beaucoup recevoir un appui à cet égard parce qu'on a souvent tendance à oublier que le niveau collégial forme beaucoup de professionnels de la santé comme les infirmières auxiliaires, les préposés en soins de santé et les gens qui travaillent en soins palliatifs. Ces gens sont très près des patients. Si le gouvernement fédéral décidait d'accorder des fonds pour la santé, il faudrait appuyer le programme.

Le sénateur Pépin: C'est en collaboration avec quel ministère?

Mme Lortie: Avec le ministrère de la Santé, qui étudie présentement la possibilité d'ajouter une deuxième phase à son programme. Les collèges sont inclus dans le cadre du centre national et nous faisons partie de la proposition.

Le président suppléant: J'aimerais aborder deux points avec vous. Dans la liste des professions pour lesquelles vous offrez une formation, je remarque qu'il existe certaines professions beaucoup plus spécialisées comme l'électrophysiologie ou la radio-oncologie. Ces professions ne s'appliquent peut-être pas aux besoins particuliers des francophones hors Québec, surtout si on met l'accent sur les services communautaires.

Il y a aussi d'autres professions comme les préposés aux soins communautaires, les préposés aux soins palliatifs dont nous avons parlé tout à l'heure, les infirmières auxiliaires, et cetera. Dans votre désir de répondre aux besoins des communautés francophones, faites-vous une distinction entre ces diverses professions?

Mme Lortie: Oui, dans notre travail de planification avec les diverses régions, nous nous attaquons d'abord aux soins primaires. Quand on étudie les besoins de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et de l'Alberta, ce qui ressort, dans tous les secteurs de soins de santé, c'est le besoin de préposés en soins palliatifs, parce que c'est ce qui est prioritaire. Dans un ordre de priorités, ce sont les secteurs du travail social et des soins en réadaptation qui sont prioritaires pour le niveau collégial. Dans la proposition que nous avons soumise au centre national de santé, nous accordons la priorité à ce secteur.

J'en parlais avec Mme Assad-Butcher, qui est ici et qui peut certainement répondre mieux que moi. J'ai fait exactement le même commentaire que vous par rapport à certains programmes comme la thérapie respiratoire en me demandant si cela ne devrait pas être mis de côté parce que c'est un secteur moins prioritaire, étant donné qu'il y a moins de contacts avec le patient. Mme Assad-Butcher, vous pouvez peut-être répéter ce que vous m'aviez répondu.

Mme Linda Assad-Butcher, directrice, Santé et services communautaires, Cité collégiale: À cause de la pénurie de tous les professionnels de la santé, nous avons des demandes qui viennent de partout. Au printemps, lorsque nos nouvelles diplômées terminent leur formation, nous avons des gens qui viennent de la Saskatchewan ou de l'Alberta pour suivre des programmes de thérapie respiratoire parce qu'ils veulent offrir ce service en français à leurs patients. Ce sont des programmes qui sont très dispendieux, comme la technique de radio-oncologie, mais même si on sait que cette technique ne s'offre pas en français à l'extérieur du Québec, les patients ont quand même besoin de recevoir des soins en français. C'est le technologue en radio-oncologie qui administre la radiation, les médicaments anti-cancéreux, et cetera. Il est donc en contact constant avec le patient.

Le président suppléant: À ce moment-là, comme pour le chirurgien cardiaque, il y a toujours un besoin. Pourriez- vous établir un certain ordre de priorités où le contact verbal en électrophysiologie et en radio-oncologie est beaucoup moins important? La langue est un contact verbal et il est moins important pour la radio-oncologie ou l'électrophysiologie qu'il peut l'être en soins palliatifs ou en sciences infirmières.

Y a-t-il un appui financier fédéral pour permettre l'accès à la formation en français? Ce comité étudie l'accès des soins de santé en français pour les francophones hors Québec. C'est une chose différente et tout aussi utile. L'accès des jeunes francophones à des professions stimulantes et intéressantes, c'est autre chose. Ce n'est vraiment pas l'objet de notre étude. Il y a un danger de vouloir confondre les deux objectifs.

Mme Lortie: Lors d'une rencontre avec les gens de l'Ouest et du Nouveau-Brunswick, nous avons établi un ordre de priorités. Dans la proposition qui a été déposée au centre national de santé, ce qui a été favorisé est la priorité à tout ce qui concerne les soins primaires et non pas la mise en place de programmes en thérapie respiratoire et de programmes beaucoup plus spécialisés, comme la biotechnologie par exemple. Il est certain que tout cela s'inscrit dans une volonté de donner un meilleur service aux francophones hors Québec et que les occasions de contact et les besoins sont beaucoup plus grands quand on travaille directement avec les patients. Dans la proposition mise de l'avant, nous avons accordé la priorité au secteur primaire.

Le président suppléant: Est-ce que la question des institutions collégiales fait partie du rapport?

Mme Lortie: Non. C'est une des raisons pour lesquelles je voulais vous rencontrer aujourd'hui. Souvent, on se dit que la santé, ce sont les médecins et les infirmières, quoique dans certaines provinces, comme vous le savez, les infirmières sont formées au niveau collégial. Ce n'est pas le cas en Ontario, où elles sont formées suite à des ententes. Il y a quand même toute une gamme de programmes offerts dans le secteur de la santé. C'était la raison de la présentation d'aujourd'hui.

Le président suppléant: On peut donc dire au Dr Vincent que c'est une lacune!

Mme Lortie: Une grande lacune...

Le sénateur Pépin: Nous appuyons le travail que vous faites et surtout les objectifs que vous poursuivez.

Mme Lortie: Des objectifs qui sont très cohérents avec le contenu du rapport. C'est vraiment un levier important si on veut obtenir des résultats, il ne faut pas l'oublier.

Le président suppléant: Le message que vous voulez nous transmettre, c'est qu'en ce qui concerne le volet formation, en plus du volet universitaire de formation pour les médecins et les infirmières, il faut également considérer le volet collégial, dans lequel se situent des professions de première ligne, et ce dans des secteurs où l'on constate des lacunes importantes. Sur le plan géographique, il faut reconnaître qu'à l'ouest de l'Ontario, c'est le désert complet. Il ne se donne aucune formation.

Mme Lortie: Exactement.

Le président suppléant: Il me reste à vous remercier, Mme Lortie et M. Bergeron. Je vous félicite encore une fois. Vous faites un travail extrêmement important. Nous allons sûrement faire référence à l'enseignement au niveau collégial dans notre rapport. Il n'y a aucun doute là-dessus.

La séance est levée.


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