Aller au contenu

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 19 - Témoignages


OTTAWA, mardi 17 juin 2003

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones s'est réuni aujourd'hui à 9 h 04 afin d'étudier l'accessibilité, l'éventail et la prestation des services, les problèmes liés aux politiques et aux compétences, l'emploi et l'éducation, l'accès aux débouchés économiques, la participation et l'autonomisation des jeunes, et d'autres questions connexes.

Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Je remercie M. Hanselmann qui a accepté de témoigner aujourd'hui. Nous avons entrepris cette étude il y a plus de deux ans et demi de cela; et les Autochtones étudient la question depuis plusieurs années, mais personne n'entend leurs voix. Voilà pourquoi notre comité a entrepris cette étude.

Il ne s'agit pas d'une étude comme les autres. Nous n'avons pas besoin d'une autre étude; nous avons besoin d'un plan d'action qui débouchera sur le changement. C'est ce qui occupe notre comité. Monsieur Hanselmann, vous êtes Dieu merci, notre dernier témoin, mais vous êtes l'un de nos témoins les plus importants. La Canada West Foundation a fait un excellent travail sur cette question au cours des quelques dernières années. Il me plaît de croire que vous vous êtes inspiré de notre comité dans la conduite de votre recherche.

Bienvenue, monsieur Hanselmann. Nous allons commencer par vous écouter.

M. Calvin Hanselmann, analyste principal de la politique, Canada West Foundation: Madame la présidente, bonjour.

La présidente: Toutes mes excuses aux honorables sénateurs, nous n'avons pas la version française de l'exposé. Nous avons reçu la version anglaise il y a à peine cinq minutes de cela.

M. Hanselmann: Avant de commencer, je vais me permettre de vous parler un peu de moi. Je suis de la Saskatchewan, et il y a environ deux ans et demi de cela, je me suis installé à Calgary avec ma famille. Ma famille était dans l'industrie des viandes depuis environ 75 ans en Saskatchewan, et on a beaucoup parlé du boeuf récemment dans les actualités. Avant de quitter Calgary, je me suis demandé s'il y avait quelque chose que je pouvais apporter et donner aux membres du comité, si cela m'est permis.

La présidente: Merci. Vous êtes un bon citoyen de l'Ouest.

M. Hanselmann: Il s'agit d'un auto-collant qui dit: «I love Alberta beef».

Le sénateur Carney: Le boeuf de la Colombie-Britannique ne présente aucun danger non plus.

M. Hanselmann: Ni le boeuf de la Colombie-Britannique ni celui du Québec, ni celui de l'Ontario ne présente de danger. Je crois qu'on a fait ce qu'il fallait pour contrer l'EBS — c'était un problème canadien et pas seulement un problème albertin, saskatchewannais ou manitobain. Malheureusement, les producteurs de boeuf de l'Alberta ne proposent que cet autocollant.

Je tiens à vous remercier d'avoir invité la Canada West Foundation à témoigner aujourd'hui. Nous croyons que votre étude sur les questions touchant les jeunes Autochtones vivant dans les villes est très importante, et nous sommes heureux d'avoir accepté votre invitation. Je tiens à remercier tout spécialement votre greffier, Adam Thompson, et Nina Simone de la Direction de la recherche parlementaire. Mme Simone a fait plus qu'il n'en fallait pour organiser cette rencontre.

Ma femme, Dylan, m'accompagne ce matin. Et je vous demanderais, au cours de la période de questions, d'être gentil avec moi pour que je ne m'en sorte pas trop mal devant elle.

Vous avez tous le texte de mon exposé en PowerPoint que je vais tâcher de suivre. Je commencerai tout d'abord par vous donner quelques renseignements sur la Canada West Foundation and the Urban Arboriginal Initiative (Initiative visant les Autochtones en milieu urbain dans la Canada West Foundation), dont certains ont dit que c'était l'étude la plus importante sur les questions relatives aux Autochtones en milieu urbain de toute l'histoire du Canada. Bien sûr, c'était avant la publication de votre étude. Après cette introduction, nous passerons aux constatations principales de ce projet, suivies d'un aperçu de nos principales recommandations en terme de politique gouvernementale. Je conclurai par quelques observations sur l'avenir.

Mon exposé repose sur une approche générale de la politique relative aux Autochtones en milieu urbain. Il ne se limite pas aux jeunes Autochtones des villes à l'exclusion de toutes les autres questions. C'est dû au fait que notre étude portait sur les questions touchant tous les Autochtones en milieu urbain. Je compte donc sur votre indulgence.

À ceux d'entre vous qui ne nous connaissent pas, je dirai que la Canada West Foundation est un institut indépendant, sans but lucratif, neutre, voué à la recherche sur les affaires publiques. Nous veillons à ce que les points de vue de l'Ouest soient présents dans les débats de politique publique canadiens. Nous y parvenons en produisant et en publiant des travaux de recherche objectifs sur la politique publique, sources de débats publics informés et en favorisant la participation des citoyens au processus d'élaboration des politiques publiques.

Il y a 30 ans que la Canada West Foundation s'intéresse aux affaires publiques et, avec le temps, elle y a gagné une certaine réputation. Dernièrement, la Canada West Foundation s'est plus particulièrement engagée dans l'analyse objective des questions de politique publique, et nous croyons que la valeur de nos travaux n'est plus à démontrer.

Comme je l'ai dit, mon exposé est fondé sur l'Initiative visant les Autochtones en milieu urbain de la Canada West Foundation, examen que nous venons tout juste de terminer, de la politique publique appliquée aux Autochtones vivant dans six grandes villes de l'Ouest canadien: Vancouver, Calgary, Edmonton, Saskatoon, Regina et Winnipeg.

L'Initiative visant les Autochtones en milieu urbain s'inscrivait dans le projet des villes de l'Ouest de la Canada West Foundation, à savoir une étude étalée sur plusieurs années et portant sur les difficultés qui attendent les grandes villes de l'Ouest canadien et les solutions à ces difficultés. Les questions que nous avons étudiées dans le cadre du projet sur les villes de l'Ouest ont été définies avant le lancement du projet par la lecture analytique sur une année des grands quotidiens de l'Ouest et au moyen d'entrevues avec des maires, des dirigeants communautaires et d'autres responsables.

Nous avons constaté que les questions relatives aux Autochtones étaient importantes dans la plupart de ces six villes, mais particulièrement dans les villes des Prairies. En conséquence, nous avons mis au point un projet qui faisait appel à l'une des principales forces de la Canada West Foundation, à savoir l'étude des politiques publiques. Par contraste, nous n'avons pas voulu étudier les Autochtones en milieu urbain comme tel. Comme bien d'autres l'ont dit, notamment votre présidente aujourd'hui, les Autochtones ont été littéralement étudiés à mort.

Tout au long de cette initiative, nous avons été guidés par un comité consultatif qui se composait de fonctionnaires fédéraux, provinciaux et municipaux, de chercheurs et, le plus important, d'Autochtones eux-mêmes. L'Initiative visant les Autochtones en milieu urbain a suivi un processus s'étalant sur deux ans qui a produit quatre publications de la Canada West Foundation: d'abord, une comparaison socioéconomique des résidents autochtones et non autochtones des six villes et une étude des politiques fédérales, provinciales et municipales propres aux Autochtones dans ces villes; après, nous nous sommes penchés sur les programmes améliorés visant les Autochtones des villes et mis en oeuvre par les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux, et par les organisations non gouvernementales autochtones et non autochtones; ensuite, nous avons identifié et étudié les pratiques prometteuses, à savoir les idées qui ont fait leur preuve dans les politiques et les programmes s'adressant aux Autochtones des villes; enfin, nous avons publié notre rapport final où nous résumons les activités et principales constatations de l'initiative et proposons des recommandations aux décideurs.

Les activités de participation civique ont joué un rôle essentiel dans cette initiative. Nos constations et recommandations sont éclairées par les opinions de plus de 400 personnes qui oeuvrent au niveau de la politique et des programmes. Même si la recherche ne portait que sur six grandes villes de l'Ouest canadien, nos constations et recommandations sont applicables à tous les centres urbains, grands et petits, du Canada. En effet, bon nombre de nos idées et recommandations sont applicables dans d'autres dossiers.

Je dois faire remarquer que toutes les publications de la Canada West Foundation peuvent être commandées et téléchargées gratuitement à partir de notre site Web, www.cwf.ca.

Si l'on passe aux grandes constatations de l'Initiative sur les Autochtones en milieu urbain, on remarque d'abord que la population autochtone du Canada est de plus en plus urbaine. Le recensement le plus récent, celui de 2001, montre que la moitié des Autochtones recensés vivent en milieu urbain.

De plus en plus, les Autochtones s'installent dans les régions urbaines et y naissent. C'est particulièrement vrai dans l'ouest du Canada, où l'on trouve près des deux tiers des Autochtones vivant en milieu urbain. La part urbaine de la population autochtone du Canada n'a fait qu'augmenter au cours des 50 dernières années alors que la population des Autochtones vivant sur les réserves a baissé. Cependant, les gouvernements, et tout particulièrement le gouvernement fédéral, continuent de porter leur attention sur les Premières nations installées dans les réserves.

En outre, les Autochtones constituent une présence visible dans les grandes villes du Canada, surtout dans l'Ouest. Ceux qui se déclaraient Autochtones au recensement de 2001 constituaient jusqu'à 9,1 p. 100 de la population d'une région métropolitaine, augmentation considérable étant donné que ce chiffre n'était que de 7,5 p. 100 en 1996. La ville de Winnipeg à elle seule accueille autant d'Autochtones qu'il n'y en a dans l'ensemble des quatre provinces atlantiques.

Il convient de mentionner d'autres villes, dont Prince Albert, où la proportion autochtone de la population est d'environ 29 p. 100, Prince George, c'est 9,4 p. 100 et à Thunder Bay et Sault Ste. Marie, c'est 7 p. 100.

Élément très révélateur de l'importance des questions relatives aux Autochtones en milieu urbain: le fait que la population autochtone de nombreuses régions urbaines a augmenté de plus du cinquième en cinq ans. Par exemple, la population autochtone de Winnipeg a augmenté de 22 p. 100, et celle de Saskatoon de 21 p. 100 de 1996 à 2001. On s'attend à ce que la population autochtone des villes continue de croître. Les Autochtones jouent un rôle de plus en plus important dans l'avenir de la vie urbaine. Les Autochtones sont en moyenne beaucoup plus jeunes que l'ensemble de la population et, si les politiques voulues sont en place, la main-d'oeuvre autochtone en milieu urbain pourrait jouer un rôle important dans les villes de demain.

Deuxième grande constatation: les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux ont des politiques propres aux Autochtones dans plusieurs, mais pas tous les grands champs d'activités dans les principales villes de l'ouest du Canada. Le paysage des politiques varie: des grands cadres gouvernementaux aux initiatives ministérielles, à l'absence de politiques propres aux Autochtones en milieu urbain.

On a relevé des politiques propres aux Autochtones en milieu urbain dans le domaine de l'éducation, de la formation, de l'emploi, du soutien au revenu, du développement économique, du logement, des sans-abri, de la santé, de la justice, des droits de la personne, de la transition urbaine, la jeunesse et le soutien culturel. Mais au moment où nous avons fait notre recherche, il y avait des domaines où il n'existait pas de politiques dans des secteurs où les Autochtones des villes présentent des besoins aigus. Ainsi, il n'y avait aucune politique publique propre aux Autochtones des villes dans le domaine de la violence familiale, la garde d'enfants, les addictions ou le suicide.

Dans les politiques propres aux Autochtones des villes, il y avait des secteurs qui présentaient de grands écarts, à savoir le soutien au revenu, les droits de la personne, le logement et la transition urbaine. Sur une note plus positive, cependant, plusieurs champs d'activités comme la formation, l'emploi, les sans-abri, la justice et la jeunesse présentaient des chevauchements entre les ordres de gouvernement, ce qui révèle peut-être l'importance que l'on accorde à ces champs d'activités.

Troisième grande constatation, les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux ont amélioré leurs programmes destinés aux Autochtones des villes dans plusieurs domaines importants. Ces programmes améliorés et visant les Autochtones des villes accordent aux Autochtones en milieu urbain une aide qui n'est pas offerte à l'ensemble de la population. Nous avons également constaté qu'en marge de la prestation des programmes, les gouvernements financent les programmes améliorés qui sont offerts par les organisations sans but lucratif tant autochtones que non autochtones.

Cependant, nous n'avons trouvé aucun programme amélioré visant les Autochtones des villes au niveau du soutien au revenu ou du suicide, et il n'y avait aucun programme du genre dans le domaine des droits de la personne.

En outre, même si la transition du milieu rural ou de la réserve vers une grande ville ressemble beaucoup au fait d'immigrer au Canada d'un autre pays, nous avons constaté que le gouvernement du Canada ne finance pas les programmes de transition urbaine pour les Autochtones au même titre qu'il contribue aux programmes de transition s'adressant aux immigrants récents au Canada. Les programmes de transition pour les Autochtones des villes reçoivent moins de cinq cents pour chaque dollar que l'on consacre à l'établissement et à la transition des immigrants.

Autre fait troublant, nous avons constaté que les fonctionnaires ignorent souvent les programmes qui sont disponibles. Cela alourdit les difficultés qu'éprouvent les Autochtones des villes qui veulent avoir accès à ces programmes.

Nous n'avons pas examiné les politiques et les programmes qui s'adressent à l'ensemble de la population, même si ces politiques et programmes peuvent toucher les Autochtones des villes parce que nous voulions savoir ce que les gouvernements faisaient pour cette population en particulier.

Quatrième grande constatation, les politiques et programmes améliorent les conditions socio-économiques des Autochtones des villes. Relativement à un certain nombre d'indicateurs importants de bien-être personnel et communautaire, bon nombre, mais pas tous, d'Autochtones en milieu urbain éprouvent des difficultés qui dépassent de loin celles que connaissent les non-Autochtones.

Les Autochtones ont tendance à être moins scolarisés, à moins participer à la main-d'oeuvre, à chômer davantage et à avoir des revenus plus bas. Les Autochtones risquent davantage de se retrouver dans des familles monoparentales, d'être en plus mauvaise santé, de donner dans la clochardisation et de manquer de logement. Les Autochtones des grandes villes sont surreprésentés dans le système de justice pénal, aussi bien comme victimes que comme délinquants, et ils sont plus susceptibles de souffrir de violence familiale.

Cinquièmement, l'un des principaux facteurs qui alourdit les difficultés avec lesquelles sont aux prises de nombreux Autochtones des villes, et qui minent des politiques et des programmes déjà insuffisants, c'est le désaccord entre les gouvernements fédéral et provinciaux sur la question de la responsabilité des Autochtones se trouvant en milieu urbain. Vieux contentieux, c'est vrai, mais qui convient d'être rappelé.

Les gouvernements fédéral et provinciaux ont évité d'assumer la responsabilité des Autochtones en milieu urbain. Bon nombre des difficultés qu'ont les Autochtones des villes résulte largement de la querelle juridictionnelle qui s'est transplantée dans les villes.

Le gouvernement du Canada affirme qu'il est le premier et non le seul responsable des Premières nations qui vivent dans les réserves, alors que les gouvernements provinciaux sont les premiers responsables mais non les seuls de tous les autres Autochtones au même titre que les autres résidents ordinaires des provinces.

Les gouvernements provinciaux répondent à cela que c'est le gouvernement fédéral qui est le premier responsable de tous les Autochtones. Du fait que chacun refuse cette responsabilité, il incombe aux villes de combler les vides au niveau des politiques et des programmes, et elles n'ont normalement pas les capacités voulues pour ce faire.

Sixième grande constatation, si les politiques et programmes sont déficients, c'est parce que les Autochtones des villes sont presque absents du milieu politique et de l'administration. Dans de nombreuses villes, les Autochtones manquent de porte-parole capables de participer à la conception et à la mise en oeuvre des politiques et des programmes.

Cela est compréhensible dans une certaine mesure étant donné que les Autochtones des villes sont loin d'être homogènes. Les Autochtones de toutes les grandes villes du Canada proviennent de groupes dont l'identité et le patrimoine sont divers. Étant donné qu'un si grand nombre de cultures et d'identités autochtones seront représentées en milieu urbain, il n'est pas surprenant que leur représentation soit contestée ou absente.

Néanmoins, l'absence de représentation des Autochtones dans les milieux politique et administratif dans de nombreuses villes ne fait qu'alourdir les difficultés qu'on éprouve dans la mise en oeuvre des politiques et des programmes. Contrairement à la plupart des dossiers, il en est ainsi parce que les gouvernements n'ont pas devant eux des intérêts organisés qui représentent les intéressés. Cela pose une difficulté lorsqu'il s'agit de résoudre les problèmes propres aux Autochtones des villes.

Comme je l'ai dit plus tôt, le troisième rapport de l'initiative sur les Autochtones des villes traitait des pratiques prometteuses. Les pratiques prometteuses, se sont des idées qui marchent. Notre recherche voulait identifier les idées qui inspirent bon nombre des programmes, projets et initiatives qui fonctionnent dans les villes de l'ouest.

Nous avons conduit notre recherche sur les pratiques prometteuses de deux façons. Premièrement, nous avons mené des entrevues en profondeur au téléphone et en personne avec les principaux responsables des politiques et des programmes s'adressant aux Autochtones des villes. Nous nous sommes servis de la méthode du réseau ou méthode d'échantillonnage dite de la boule de neige, où nous sommes passé d'une personne à l'autre dans notre réseau, et notre échantillonnage n'a fait que croître, tout comme une boule de neige qui descend une pente. Les personnes que nous avons interrogées ont été invitées à parler de choses qui semblent marcher, à dire comment et pourquoi ces choses semblaient marcher et à nous diriger vers d'autres personnes.

Plus de la moitié des 110 personnes que nous avons interrogées étaient Autochtones, 33 d'entre elles travaillaient pour le compte d'organisations autochtones, 17 étaient dans l'administration, cinq étaient à l'emploi de conseils scolaires ou de districts de la santé et deux travaillaient pour des organisations non autochtones sans but lucratif.

Deuxièmement, nous avons fait le point sur la recherche et étudié les nombreux documents et rapports qui ont été mentionnés pendant les entrevues. À partir des résultats de cette recherche, nous avons taché d'identifier les idées qui marchent le mieux. Nous avons relevé six idées prometteuses qui devraient retenir l'attention de tous ceux qui sont chargés de la mise en oeuvre des politiques et des programmes s'adressant aux Autochtones des villes.

Premièrement, pour ce qui est de l'édification de la valorisation du capital social, nous avons constaté que des politiques et des programmes qui marchent doivent être fondés sur la confiance des participants, confiance qui se bâtit au fil du temps par la création de relations et de réseaux.

Deuxièmement, pour ce qui est de cultiver les bonnes personnes en place, nous avons vu que le soutien à tous les niveaux d'une organisation, particulièrement parmi les politiques et administrateurs de haut niveau, est essentiel si l'on veut réussir. Nous avons vu également que les personnes sur place sont les mieux placées pour informer le façonnement des politiques et des programmes, et les participants doivent porter leur attention sur l'avenir et non le passé lorsqu'ils discutent des initiatives de demain.

Troisièmement, l'action doit être axée sur la clientèle. Tous les acteurs doivent acquérir une vision commune des améliorations que doivent rechercher les politiques et programmes s'adressant aux Autochtones des villes. Dans cette optique, il est important de développer une sensibilité culturelle, de comprendre le rôle de l'histoire dans le façonnement des réalités urbaines des Autochtones d'aujourd'hui et des programmes indifférents au statut, c'est-à-dire ces programmes qui sont accessibles à tous.

Quatrièmement, nous avons examiné de près la localisation des services. Les services devraient être localisés dans les quartiers dans lesquels résident les clients, ce qui signifie parfois qu'il faut avoir un réseau de lieux de service. On nous a dit qu'il était préférable d'avoir un guichet unique dans un endroit fréquenté.

Cinquièmement, nous avons mis l'accent sur la prestation de service par des Autochtones. On nous a dit que les programmes autochtones urbains fonctionnaient mieux lorsqu'ils étaient exécutés par des Autochtones. Cependant, des organismes non autochtones peuvent fournir des services aux Autochtones lorsqu'ils le font de façon appropriée en faisant appel à des travailleurs autochtones.

Sixièmement, pour ce qui est de séparer la politique et l'exécution de programme, on nous a dit que les gouvernements et les organismes autochtones devraient s'efforcer de séparer les rôles politiques et les rôles de prestations de services. Les fonctionnaires et les représentants élus doivent travailler avec les politiciens autochtones sur des questions politiques et avec les spécialistes de prestations de services en ce qui concerne les programmes. Il s'agit d'une idée controversée pour bien des gens au sein des organismes de prestations de services autochtones et non autochtones et des organisations politiques. Pour certains Autochtones, presque tout est politique. Cependant, cette pratique prometteuse préconise la séparation des activités des groupes de lobbyistes et des activités de prestations de services.

Ce sont là les pratiques prometteuses que nous avons déterminées comme pouvant s'appliquer à tous ceux qui participent au processus décisionnaire et à la prestation de services qui s'adressent aux Autochtones vivant dans des régions urbaines. Nous avons par ailleurs dégagé six idées supplémentaires qui fonctionnent et que nous voulons soumettre pour examen principalement aux gens qui travaillent au sein du gouvernement.

Premièrement, nous avons déterminé qu'il était nécessaire d'être à l'écoute de la communauté. Nous avons constaté qu'il était nécessaire d'avoir des approches de développement communautaires et d'engager les communautés autochtones urbaines en tant que partenaires car les communautés connaissent souvent davantage les problèmes que les fonctionnaires ou les politiciens. On nous a dit par ailleurs que les dirigeants des communautés autochtones devraient être appréciés par les fonctionnaires pour leur expérience et leurs connaissances et devraient être considérés comme des pairs plutôt que des clients.

Deuxièmement, lorsqu'on parle d'adopter une approche globale, nous constatons que les gouvernements doivent aller au-delà de la structure traditionnelle et des processus qui existent. Les ministères et les divers ordres de gouvernement doivent travailler en partenariat ensemble et avec d'autres secteurs de la société en vue d'adopter une approche commune qui permet à chacun de contribuer et d'aller chercher ce dont il a besoin.

Troisièmement, nous avons abordé la question de la souplesse. Nous avons appris qu'il était important de faire preuve de souplesse lors de la mise en oeuvre des politiques et de la conception des programmes. Les programmes conçus au niveau communautaire fonctionnent souvent mieux que les programmes conçus en série à l'administration centrale du ministère. On nous a dit que les gouvernements devraient encourager des critères administratifs souples, un financement discrétionnaire et encourager les fonctionnaires à sortir des sentiers battus.

Quatrièmement, il est nécessaire de simplifier le processus de demande de financement. On nous a dit que les organisations communautaires avaient souvent besoin d'aide pour remplir les demandes de financement de programme. Les fonctionnaires doivent passer du temps dans la communauté pour rencontrer les clients, offrir une formation sur la façon de remplir les demandes et examiner les demandes au début du processus.

Cinquièmement, il faut reconnaître l'importance des questions autochtones urbaines. Nous avons constaté que les gouvernements devraient réorganiser leur structure afin de mettre davantage l'accent sur les questions autochtones, notamment les questions autochtones urbaines. Une autre façon pour les gouvernements de reconnaître l'importance des questions autochtones urbaines consiste à mettre en place un cadre stratégique pour guider les ministères lorsqu'ils abordent les questions autochtones.

Sixièmement, il est nécessaire de coopérer à l'échelle régionale et nationale: Il faut des rencontres régulières des représentants fédéraux, provinciaux et municipaux. Il faudrait essayer de trouver des solutions aux problèmes juridictionnels, notamment en encourageant des ententes multipartites entre les organismes fédéraux, provinciaux, municipaux et autochtones.

J'aimerais mentionner un point pour résumer ces pratiques prometteuses. Certaines idées semblent se contredire les unes les autres ou aller à l'encontre les unes des autres. C'est parce que toutes ces idées ne s'appliquent pas à toutes les situations. Il incombe aux responsables des bureaux locaux d'appliquer les pratiques prometteuses pertinentes aux circonstances particulières.

Cela nous amène aux recommandations de politique publique que nous avons formulées. Nous avons élaboré cinq séries de recommandations de politique publique qui découlent de ces pratiques et d'autres conclusions essentielles dans le rapport intitulé «Responsabilités partagées». D'abord et avant tout, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent travailler ensemble à la politique autochtone urbaine. Les deux paliers de gouvernements doivent laisser de côté la position qu'ils avaient adoptée par le passé selon laquelle ils disaient ne pas être responsables afin qu'ils puissent accepter officiellement leurs responsabilités partagées pour la politique autochtone urbaine. Une fois cette responsabilité acceptée, l'institutionnalisation de la coordination de la coopération intergouvernementale sera beaucoup plus facile et beaucoup plus efficace. En résumé, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent coopérer en matière d'élaboration des politiques et des programmes, coordonner leurs efforts grâce à des institutions communes et partager les coûts.

Deuxièmement, les gouvernements doivent établir des objectifs et évaluer leurs efforts en ce qui concerne les questions autochtones urbaines. Il faudra plus d'une génération pour renverser les effets des politiques publiques antérieures mal avisées. Par conséquent, les gouvernements devront se donner comme objectifs à long terme d'améliorer les conditions qui prévalent chez les Autochtones des régions urbaines. Nous estimons que l'atteinte de ces objectifs pourrait prendre jusqu'à 60 ans. Les gouvernements doivent établir des objectifs fermes qui permettront d'éliminer l'écart qui existe entre les résidents autochtones et non autochtones des régions urbaines au niveau des perspectives de vie.

Par ailleurs, étant donné que l'évaluation constitue un aspect vital de l'élaboration des politiques et des programmes, des examens complets des programmes et des politiques doivent être faits en mettant l'accent sur l'évaluation des résultats plutôt que sur le rendement. Ça signifie qu'il faut évaluer les avantages d'un programme pour une personne autochtone plutôt que de tout simplement faire un rapport du nombre de clients desservis ou du type de services offerts.

Troisièmement, les gouvernements ne devraient pas avoir peur de la politique autochtone. Les Autochtones des régions urbaines doivent être représentés de façon adéquate lorsque les politiques et les programmes sont conçus. Par conséquent, les gouvernements devraient encourager la mise sur pied d'organismes autochtones urbains représentatifs. Les gouvernements doivent donc pour cela encourager les jeunes Autochtones des régions urbaines à participer aux organisations communautaires afin qu'ils puissent développer leurs compétences en leadership.

Les gouvernements doivent par ailleurs se battre contre les politiciens autochtones qui insistent pour travailler isolément. Des politiques et des programmes de financement qui se fondent exclusivement sur l'identité peuvent se traduire par un double emploi inutile et coûteux. Le fait de travailler avec un groupe ayant une identité spécifique à la fois peut créer de nombreuses complications et donner des résultats négatifs. Par conséquent, le respect pour la diversité que l'on retrouve au sein des collectivités autochtones urbaines devrait prendre la forme de politiques et de programmes qui, lorsqu'ils sont appropriés, comportent des éléments culturels spécifiques aux différentes nations autochtones. En même temps, cependant, les programmes ne devraient pas tenir compte du statut — mais plutôt respecter les traditions culturelles chez les Autochtones tout en étant offerts à tous les Autochtones des régions urbaines. Par ailleurs, le gouvernement devrait encourager et récompenser la coopération en travaillant avec les organisations autochtones qui sont prêtes à travailler ensemble sur les questions urbaines.

Quatrièmement, les gouvernements doivent adopter des approches raisonnées en ce qui concerne l'élaboration des politiques et des programmes autochtones des régions urbaines. Bien que cela englobe un certain nombre d'idées, il s'agit essentiellement d'un guide sur la marche à suivre qui comprend trois principales questions. Les gouvernements doivent adopter des pratiques prometteuses ou des idées qui fonctionnent et les adapter aux circonstances locales. Les pratiques prometteuses dont j'ai parlées précédemment découlent des expériences de plus de 100 personnes qui ont participé à l'élaboration des politiques et des programmes autochtones dans les régions urbaines. Elles reflètent la sagesse collective et la connaissance de leur expérience. Pour améliorer les conditions auxquelles font face bon nombre d'Autochtones dans les régions urbaines, les gouvernements doivent adopter des approches globales qui mettent l'accent sur la personne, la famille et la communauté, souvent simultanément, en s'attaquant à plus d'une question clé à la fois.

Les gouvernements devraient jouer un rôle de leadership en ce qui concerne les questions autochtones urbaines. Cela peut se faire de plusieurs façons, mais il y en a deux qui devraient être considérées plus particulièrement: le leadership en adoptant des approches novatrices à l'égard des politiques et des programmes autochtones urbains; et le leadership en mettant en oeuvre des campagnes d'éducation en vue d'améliorer le niveau de compréhension chez la population en général.

Cinquièmement, et finalement, nous faisons des recommandations qui s'adressent à des ordres spécifiques de gouvernement. Nous recommandons que le gouvernement fédéral redirige une partie de son financement des programmes autochtones des réserves aux régions urbaines, particulièrement dans les grandes villes, et améliorent la disponibilité des données autochtones. Nous recommandons aux gouvernements provinciaux de mettre en oeuvre des systèmes d'enregistrement des étudiants qui permettent aux gens de s'auto-identifier comme Autochtones. Enfin, nous recommandons aux administrations municipales d'éviter de financer les services humains, de faire des pressions auprès des gouvernements fédéral et provinciaux pour obtenir du financement pour les ressources humaines et de faire des recensements municipaux qui permettent aux répondants de s'auto-identifier comme Autochtones.

La leçon la plus importante à tirer de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain est qu'il s'agit d'un environnement stratégique dans lequel les relations intergouvernementales doivent faire partie de la solution. Les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux sont inévitablement engagés et entremêlés. Cependant, l'intergouvernementalisme n'aura pas de succès au bout du compte à moins que les Autochtones vivant en milieu urbain soient engagés dans le processus intergouvernemental.

Notre Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain montre qu'il y a encore beaucoup de progrès à accomplir. La solution aux problèmes des Autochtones vivant en milieu urbain exigera un processus à long terme. Il n'y a pas de solution rapide. Cependant, l'avenir est prometteur pour au moins quatre raisons.

Premièrement, il y a de nombreux exemples de réussite, de politiques qui fonctionnent d'approches efficaces et de programmes qui font une différence positive dans la vie des gens et qui peuvent servir de leçon à d'autres. Deuxièmement, le gouvernement fédéral est plus que jamais disposé à travailler en coopération afin d'améliorer les politiques et les programmes pour les Autochtones vivant en milieu urbain et pour améliorer les conditions des Autochtones vivant en milieu urbain. Troisièmement, bon nombre de gouvernements provinciaux démontrent un intérêt réel à travailler dans le dossier de la politique autochtone urbaine. Quatrièmement, les gouvernements, particulièrement dans l'Ouest, adoptent une approche souple qui contribuera au succès des politiques et des programmes.

Ce n'est cependant pas le moment de s'endormir sur ses lauriers. En tant que décisionnaires, vous devez insister pour obtenir les changements qui sont nécessaires. Il faudra y aller petit à petit, les améliorations seront progressives, mais elles seront réelles, et chaque amélioration sera suivie d'une autre.

Les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain représentent d'énormes possibilités pour le présent et pour l'avenir, particulièrement dans l'Ouest canadien. Trop souvent, cependant, ils ont également d'énormes défis à relever. Il est crucial que les décisionnaires comme vous, fassiez tout en votre possible pour vous assurer que la politique publique permette aux jeunes Autochtones vivant en milieu urbain de se prévaloir des possibilités qui leur sont offertes tout en les aidant à relever les défis.

J'espère sincèrement que notre exposé vous a aidés aujourd'hui, et je vous souhaite bon succès dans votre étude.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Hanselmann. Avant de passer aux questions, j'aurais moi-même une question à vous poser concernant la discrimination latente. Dans vos études et votre recherche, avez-vous rencontré des problèmes de discrimination latente, tant pour ce qui est de services de prestation des programmes qu'au niveau de la politique autochtone?

M. Hanselmann: Avez-vous dit flagrante ou latente?

La présidente: Latente.

M. Hanselmann: Nous avons parlé à de nombreux Autochtones dans de nombreuses villes. Les entrevues étaient ouvertes et non structurées, nous avons demandé aux gens de nous parler de ce qui marchait. Souvent, les gens parlent de ce qui ne marche pas. On nous a beaucoup parlé de discrimination latente et flagrante.

Une chose que nous avons découverte lors de notre examen des politiques et du programme est que les droits de la personne, qui constituent un territoire largement défini, est une politique sous-développée en milieu autochtone urbain. La discrimination latente dont vous parlez découle de l'absence de politiques dans bon nombre de ces villes.

Le sénateur Stratton: Nous nous tournons vers l'avenir et nous nous demandons comment régler certains problèmes, particulièrement en ce qui a trait aux jeunes vivant en milieu urbain. Un peu partout au pays, on commence à créer des réserves en milieu urbain. Prince Albert en a une, par exemple. Est-ce considéré comme une réussite? Avez-vous examiné les réserves urbaines comme un facteur unificateur pour les Autochtones qui viennent vivre en ville, pour les aider à faire la transition? Avant d'être sénateur, j'ai constaté que dans bien des cas les jeunes Autochtones tentaient de passer des réserves rurales aux universités urbaines, habituellement sans succès, peu importe les efforts que faisaient les universités. Avez-vous examiné cette question, et avez-vous une opinion sur le succès ou l'échec des réserves urbaines?

M. Hanselmann: Nous n'avons pas examiné spécifiquement les réserves urbaines, mais elles étaient un thème commun tout au long de bon nombre de nos entretiens. Par exemple, nous avons tenu une série d'ateliers dans chacune des six villes d'octobre dernier jusqu'en décembre, et nous y avons invité des gens à tous les niveaux du processus décisionnaire — les organismes autochtones, le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les administrations municipales, les organisations de prestation de services — à venir ensemble dans chacune de ces villes participer à un atelier en matinée pour parler des choses qui fonctionnent, et de la façon on pourrait améliorer les choses dans chaque ville.

Je dirais que l'annexe de notre rapport intitulé «Shared Responsability: Final Report and Recommandations of the Urban Aboriginal Initiative» (Responsabilité partagée: rapport final et recommandations relatives à l'Initiative visant les Autochtones vivant en milieu urbain) est un résumé de la série «Building the Dialogue». L'un des points clés que l'on a entendus constamment lors de ces séances pour établir le dialogue est que l'idée des réserves urbaines mérite d'être poursuivie.

Je suis de Saskatoon où la première réserve urbaine a été établie, non pas une ville qui s'est developpée autour d'une réserve qui existait déjà, mais une réserve qui a vraiment été établie au sein d'une ville. Bien des gens à Saskatoon, à l'hôtel de ville de Saskatoon et au sein de l'administration civique, au gouvernement de la Saskatchewan, au gouvernement fédéral qui travaillent en Saskatchewan et particulièrement les organisations autochtones à Saskatoon ont de très bonnes choses à dire au sujet des nombreuses réserves urbaines qui existent à l'heure actuelle en Saskatchewan.

Ils considèrent que les réserves urbaines sont une bonne idée pour de nombreuses raisons. Elles introduisent un élément dans certaines villes qui n'existe pas à l'heure actuelle, c'est-à-dire les Autochtones en tant que professionnels, en tant qu'agents du développement économique et en tant que gens d'affaires qui ont du succès. Une réserve urbaine peut être le point à partir duquel les gouvernements autochtones peuvent être établis. Une réserve urbaine peut donner aux Autochtones qui habitent dans ces villes un nouveau sentiment d'importance, de respect et de bienvenue.

Les études qui ont été faites jusqu'à présent sur les réserves urbaines révèlent qu'elles ont été positives jusqu'à présent, et c'est ce qu'on constate avec certains des exemples que l'on retrouve en Saskatchewan. Ce ne sont pas les seuls exemples, mais cela peut fonctionner.

La principale mise en garde de la part des gens, c'est la crainte de l'inconnu. En Saskatchewan, les réserves urbaines y ont été établies pour le commerce et la petite industrie. Certaines personnes, lorsqu'on parle de réserves urbaines, imaginent des réserves résidentielles dans une ville, et commencent à associer cette idée avec celle d'une enclave. Les gens en Saskatchewan à qui j'ai parlé n'en étaient pas encore à cette étape. Ils ne parlaient pas de créer des enclaves résidentielles. Ils parlaient de développement économique, c'est une bonne idée. Je ne peux dire cependant si c'est une idée dont la valeur pourra se traduire dans un modèle résidentiel.

Le sénateur Stratton: Les gens ont l'impression que ces réserves deviennent des ghettos. Naturellement, on a l'impression que ce sont des réserves urbaines résidentielles plutôt que commerciales. Ce que vous dites est intéressant.

Je crois que nous devons examiner le potentiel des réserves urbaines dans les grandes villes. Je suis du Manitoba et je suis consciente des préoccupations de Winnipeg, par exemple, s'il s'agit d'une entreprise commerciale, alors c'est quelque chose de positif. Cependant, les gens ont l'impression que les réserves urbaines pourraient devenir des ghettos. Bon nombre d'Autochtones, particulièrement dans une ville comme Winnipeg, voient également les réserves urbaines de façon négative.

Est-ce que votre fondation, car je crois que la question mérite d'être examinée de plus près, fait ou envisage-t-elle faire une étude sur les réserves urbaines?

M. Hanselmann: Nous n'avons pas fait une étude spécifique sur les réserves urbaines. Notre programme d'étude futur est tout à fait ouvert. À Canada West, la plupart de notre financement est obtenu dans le cadre de projets. Par conséquent, si quelqu'un proposait un projet et que le financement était disponible, je suis certain que la Canada West Foundation envisagerait sérieusement cette idée.

Par exemple, la première réserve urbaine à Saskatoon a été établie en périphérie de la ville. C'est loin d'être un ghetto. Elle se trouve sur des terres commerciales et de petites industries.

Les réserves urbaines qui existent à l'heure actuelle au centre-ville de Saskatoon sont des tours de bureau, ce qui, à Saskatoon, est tout ce qui a plus de quatre étages. Ce ne sont pas des ghettos, ce sont des endroits où des professionnels vaquent à leurs activités quotidiennes. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un dirait qu'une réserve urbaine est un ghetto.

Le sénateur Stratton: Je comprends cela. Je parlais de ce que j'avais entendu dire. Je pense qu'il faut faire beaucoup de sensibilisation à cet égard.

La présidente: Je trouve intéressant que, si l'on parle d'une communauté chinoise, on parle d'une communauté spéciale. Si c'est une communauté italienne, c'est une communauté italienne. Si c'est une communauté indienne, on parle d'un ghetto.

Le sénateur Chaput: Ma première question concerne votre fondation. Une fois que vous avez fait la recherche et élaboré des recommandations, votre fondation a-t-elle un autre rôle à jouer? Avez-vous également un rôle à jouer pour ce qui est de réunir les partenaires?

M. Hanselmann: Dans une certaine mesure, oui. Nous avons tendance à mettre l'accent sur la recherche, la publication et la diffusion. Nous avons des activités d'engagement des citoyens. Cela faisait partie de notre exercice visant à ouvrir le dialogue, quand nous avons réussi à réunir environ 300 ou 400 personnes de ces six villes pour discuter de ces questions.

Le sénateur Chaput: Vous avez parlé de ces gouvernements qui doivent accepter leur part de responsabilité. À votre avis, sont-ils disposés à le faire, et qu'est-ce qu'on a fait de ce côté jusqu'à présent?

M. Hanselmann: À ma connaissance, il n'y a eu aucun mouvement favorisant l'acceptation officielle d'une responsabilité partagée. Par «officiellement», nous entendons des protocoles d'entente, des lois, des déclarations ministérielles à la Chambre des communes ou à toute autre assemblée législative, et cela inclut même une révision constitutionnelle. Tout cela constituerait une acceptation officielle.

D'après ce que nous avons vu, le mouvement vers le partage de la responsabilité a pris un caractère plus officieux. Il faut l'en féliciter, l'interlocuteur fédéral des Métis et des Indiens non inscrits a tenu aux médias des propos qui rejoignent l'idée de la responsabilité partagée. Félicitons-les, les ministres provinciaux ont tenu des propos semblables. Ce qu'on voit, c'est un éloignement des points de résistance fixes dont fait état la CRPA au milieu des années 90, vers un point où nous allons mélanger les rôles au niveau fédéral et provincial.

Le sénateur Pearson: On mentionne constamment la question de la responsabilité partagée lorsqu'on discute de programmes s'adressant aux enfants. Il s'agit des tout petits enfants aussi bien que des adolescents. Nous nous demandons quelle est la meilleure recommandation à faire à ce propos.

On pourrait avoir des protocoles d'entente ou des protocoles de financement.

Je m'intéresse aussi vivement à l'engagement des jeunes dans le processus décisionnel. Avez-vous des recommandations à nous faire en ce qui concerne le rôle des jeunes et le processus à long terme?

M. Hanselmann: Si c'est une recommandation forte que vous voulez faire sur la manière dont les gouvernements pourraient partager la responsabilité des programmes, un texte où l'on recommanderait l'acceptation officielle de cette responsabilité aurait ma préférence. Mais pour ce qui est de l'opérationnalisation de cette recommandation, je m'en tiendrais à votre sagesse et non à ma connaissance limitée.

Cependant, on pourrait avoir aussi des protocoles d'entente, des lois, des déclarations ministérielles et même une révision constitutionnelle. J'aimerais que l'on récrive certains articles de la Constitution afin que la loi fondamentale du pays oblige les gouvernements fédéral et provinciaux à partager la responsabilité de la politique autochtone.

Pour ce qui est d'intéresser les jeunes au processus décisionnel, le rapport intitulé «Uncommon Sense: Promising Practices in Urban Aboriginal Policy-Making and Programming» renferme des suggestions intéressantes. Nous avons parlé avec des jeunes et des personnes qui travaillent dans l'administration, et ils nous ont parlé de l'expérience qu'ils avaient vécue en travaillant avec les jeunes. Une des leçons que j'ai retenues est qu'il est important que les jeunes Autochtones des villes travaillent ensemble, qu'ils coopèrent sans distinction fondée sur leur identité ou leur statut juridique.

Il ne faut pas que des barrières s'érigent. Si les jeunes Autochtones des villes participent tôt à la prise de décision, parce que c'est leur avenir que vous façonnez, vous obtiendrez de meilleurs résultats plus tard.

Le sénateur Pearson: Je suis sûr que vous avez tous lu cet article dans le Globe and Mail de ce matin à propos de votre province, la Saskatchewan, et la collation des grades au collège, et j'ai trouvé pour ma part que c'était une nouvelle encourageante.

M. Hanselmann: Oui, je l'ai lue.

Le sénateur Pearson: Étiez-vous présent à la collation des grades?

M. Hanselmann: Non, je n'y étais pas.

Le sénateur Pearson: Nous avons été encouragés par les témoins que nous avons entendus de ce collège, qui nous ont parlé de toute la question de la scolarisation postsecondaire.

Le sénateur Gill: De quelles références vous servez-vous pour définir la population autochtone?

M. Hanselmann: Nous nous sommes servis des données du recensement de 2001. Nous avons pris les données publiées par Statistique Canada sur la population autochtone de chacune des villes au niveau des RMR des provinces et de l'ensemble du Canada.

Vous avez peut-être remarqué que nous disons que plus de la moitié des Autochtones du Canada vivent en régions urbaines. La plupart des rapports officiels disent que c'est presque la moitié. La différence tient au fait qu'avant que Statistique Canada ne publie ces chiffres, elle tient compte dans son estimation de la population qui habite dans les réserves et établissements où le recensement est incomplet. Statistique Canada n'ajoute pas à son estimation les données sur les populations autochtones des milieux urbains qui lui proviennent de nombreuses personnes en milieux urbains. Si vous voulez un chiffre honnête, représentatif, il faut que les gens puissent s'identifier comme Autochtones. Si vous voulez des chiffres exacts, vous devez faire cela. Cependant, si l'on s'en tient aux Autochtones recensés au Canada, qui s'identifient comme Autochtones, on voit que plus de la moitié d'entre eux vivent en milieu urbain.

Le sénateur Gill: Les données sont parfois fiables. Nous avons étudié la population dans l'Est du Canada, et les chiffres varient d'une année à l'autre.

Ma deuxième question concerne la mention qui a été faite de ces fonds qui seraient pris aux réserves pour aider les Autochtones en milieu urbain. Pouvez-vous me donner plus de détails à ce sujet?

M. Hanselmann: On a recommandé au gouvernement du Canada qu'il redirige vers les régions urbaines une partie des crédits qu'il consacre au programme autochtone sur les réserves. C'est parce qu'à l'heure actuelle, plus de la moitié des personnes qui se déclarent Autochtones au Canada vivent dans des centres urbains, et environ 29 p. 100 vivent dans les réserves.

Il y a environ 50 ans de cela, 7 p. 100 des Autochtones vivaient dans les villes et la vaste majorité vivaient dans les réserves. Il y a plus d'Autochtones vivant dans les villes que dans les réserves, mais le financement fédéral des programmes autochtones pour les réserves est disproportionné. Il y a des raisons à cela, mais le fait est qu'une partie de ce financement — et je tiens à être clair à ce sujet — qui est consacré aux réserves, pour les Premières nations vivant dans les réserves, devrait suivre les membres des Premières nations qui s'installent dans les villes. Il s'agit de membres des Premières nations qui vivent dans les grandes villes, mais le financement gouvernemental ne leur permet pas de profiter de la vie en ville, comme cela devrait être le cas. Nous disons, si les gens sont dans les villes, l'argent devrait suivre dans les villes.

Le sénateur Gill: Êtes-vous au courant des besoins qui existent dans les réserves? Avez-vous étudié l'aspect financier des véritables besoins des Autochtones vivant dans les réserves?

Savez-vous qu'il existe un système de péréquation entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux qui tient compte des Autochtones recensés? Je pense qu'il y en a peut-être certains qui sont comptés deux fois, et il se peut donc que le gouvernement fédéral paie deux fois.

La plupart des commissions scolaires ont conclu des ententes pour accueillir des Autochtones dans leurs écoles. Quelqu'un doit payer pour ce contrat, et peut-être deux fois, parce que les réserves ont aussi des contrats avec les commissions scolaires. La population autochtone profite déjà du système de péréquation entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Je crois que c'est peut-être risqué de dire qu'une partie de ce financement devrait être redirigé vers les Autochtones des villes. Je pense que nous devons étudier cette idée de plus près.

Vous avez également parlé des réserves urbaines. Apparemment, dans l'Ouest, il y a un nouveau système qui fait qu'il y a des réserves à proximité des villes. Dans l'Est, ce n'est pas nouveau parce que beaucoup de réserves sont entourées par des villes. Dans ces réserves de l'Est, il n'y a pas beaucoup de communication avec les milieux urbains, et c'est probablement à cause du système fiscal qui est différent. C'est une autre situation qui mériterait plus ample étude.

M. Hanselmann: Les réserves urbaines dont j'ai parlé sont celles qui existaient déjà dans les limites d'une ville. À Vancouver, il y a le même exemple que celui dont vous parliez dans l'Est, où la ville a connu une croissance telle qu'elle occupe tout le territoire environnant la réserve. Cependant, les réserves conservent leur statut.

Dans les exemples que j'ai mentionnés, le territoire urbain a été cédé à une bande indienne à laquelle le ministre a donné le statut de réserve. C'est un modèle différent de celui qu'on connaît dans l'Est et à Vancouver. Vous avez raison de dire que les deux exemples méritent plus ample étude et qu'il y a d'autres idées applicables dans ce contexte qui doivent être étudiées aussi.

La présidente: La réorientation des crédits, et vous le savez sans doute, a été ouvertement critiquée par l'Assemblée des premières nations. Elle fait valoir que les résidents des réserves aussi bien que ceux qui n'y sont pas méritent une aide financière suffisante. Dans quelle mesure tenez-vous compte du fait que, selon les données démographiques, on serait davantage en présence d'un retour à des tendances migratoires plutôt que d'un exode des réserves?

M. Hanselmann: Oui, le retour aux tendances migratoires est un phénomène authentique. Il faut se rappeler que nous sommes en présence de dépenses disproportionnées qui existent depuis 50 ans ou davantage. En 1951, la plupart des Autochtones vivaient dans des réserves. En 2001, il y avait plus d'Autochtones dans les villes. Mais les dépenses n'ont pas été adaptées pour tenir compte de cette réalité.

Pour ce qui est des critiques de l'Assemblée des premières nations, le comité sait peut-être que le chef national et moi-même avons comparu devant le même sous-comité de la Chambre des communes le même jour. Le chef national et moi ne sommes pas d'accord sur la recommandation de rediriger les fonds. Ici, je prends bonne note du conseil du sénateur Gill. Il s'agit d'une recommandation hardie, qui ne sera peut-être pas facilement acceptée. Cependant, à son crédit, au cours de la période de questions en comité à la Chambre des communes, le chef national a parlé des façons dont les Premières nations pourraient transférer les fonds en milieu urbain. L'un des exemples qu'il a donnés était le transfert de fonds des Premières nations aux centres d'amitié autochtones dans les villes afin d'aider à financer les programmes requis pour les membres des Premières nations.

Ce n'est pas que cela ne peut être fait, mais nous devons trouver un modèle qui fonctionne. Nous devons en faire l'essai, l'évaluer et corriger les lacunes au besoin, ou le mettre en oeuvre de façon plus générale, s'il fonctionne.

Nous ne devons pas oublier que les Autochtones en milieu urbain doivent faire partie de ces entretiens sur le transfert ou la réorientation des fonds. Lorsque nous parlons de réorienter les fonds d'une réserve des Premières nations en milieu urbain, alors les membres de cette réserve doivent participer aux discussions, soit directement soit par le biais de leurs gouvernements représentatifs. D'autres que nous doivent participer à ce débat.

La présidente: Dans votre étude, avez-vous tenu compte du transfert d'argent du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux pour des services en milieu urbain pour les peuples autochtones?

M. Hanselmann: Dans notre rapport sur la responsabilité partagée, on retrouve quelques chiffres sur le financement. Ces chiffres proviennent d'un exposé qui a été fait par l'honorable Ralph Goodale, l'interlocuteur fédéral. Je crois qu'il a dit que 90 p. 100 des fonds fédéraux pour les programmes autochtones vont aux Autochtones vivant dans les réserves et que 10 p. 100 vont à tous les autres Autochtones. Je crois que 3,57 p. 100 des dépenses du gouvernement fédéral pour les programmes autochtones vont aux centres urbains. Cette information se trouve dans le rapport.

Le sénateur Gill: Je respecte le système de péréquation. Lorsque ce recensement a été fait, j'imagine qu'ils ont compté les Autochtones, y compris ceux qui vivent dans les réserves et ceux qui vivent hors réserve. Le gouvernement fédéral fait des paiements de transfert aux gouvernements provinciaux pour tous les services offerts à la population en général. Il me semble que le coût des services fournis par les villes ou par le gouvernement provincial est déjà couvert. Ces services sont financés. Je crois que le coût est inclus.

M. Hanselmann: Vous avez peut-être raison. Cependant, à ma connaissance, personne n'a en fait déterminé cela.

Le sénateur Forrestall: Je suis l'un de ceux qui préféreraient de loin avoir un chiffre plutôt qu'un pourcentage. Je ne sais pas ce que représentent 50,6 p. 100. Y a-t-il une raison pour laquelle nous n'avons pas de chiffres?

M. Hanselmann: Sénateur, nous avons présenté le diagramme circulaire pour montrer le pourcentage de population autochtone qui réside en milieu urbain.

Le sénateur Forrestall: Cela représente combien de personnes? Quelle est la population totale autochtone au Canada? Pouvez-vous me donner un chiffre approximatif?

M. Hanselmann: Sénateur, je ne peux répondre à votre question. Je me souviens des idées, mais pas des données. Lorsque je trouverai le tableau, je laisserai les données parler d'elles-mêmes. Cependant, je crois que la population autochtone au Canada en 2001 s'élevait à 1,1 million.

La présidente: En 2001, il y avait 1 319 890 personnes d'ascendance autochtone au Canada.

M. Hanselmann: D'ascendance autochtone?

La présidente: Oui. Il y avait 976 305 personnes ayant une appartenance à la population autochtone.

M. Hanselmann: Si je fais le bon calcul, on parle d'un demi-million de personnes ayant une appartenance à la population autochtone qui vivent en milieu urbain.

La présidente: Pour être plus précis, il y a en a 976 000.

Le sénateur Forrestall: Les provinces de l'Atlantique en ont 3,3 p. 100. J'ai toujours eu l'impression que les chiffres, pour ce qui est du total au Canada, ont diminué au XXe siècle et au début du XXIe siècle. Le nombre diminue.

Dans quelles mesures l'émigration a-t-elle affecté les statistiques de la population autochtone dans les provinces de l'Atlantique? Puisqu'il s'agit d'un tout petit nombre dans le tableau plus général que vous nous avez brossé, peut-être n'apparaît-elle pas.

Y a-t-il un modèle de mouvement? Vous dites que les gens partent des régions rurales pour aller vivre en milieu urbain. Ils ne partent pas d'une région rurale en Saskatchewan pour aller vivre en milieu urbain à Toronto, ils viennent à Regina, à Saskatoon, à Calgary ou à Edmonton, n'est-ce pas?

M. Hanselmann: Avec tout le respect que je vous dois, je demanderais au comité de poser la question aux démographes de Statistique Canada qui non seulement surveillent la population mais aussi les mouvements de population. Certaines études de Statistique Canada révèlent qu'en général, les peuples des Premières nations ont tendance à se déplacer d'une réserve ou d'un milieu rural à un milieu urbain; et plus la distance entre la réserve et le milieu urbain augmente, plus la tendance à aller vivre dans ce milieu urbain diminue. Si on prend Halifax, par exemple, et si on dessine des cercles concentriques autour d'Halifax, à mesure que l'on s'éloigne d'Halifax, le pourcentage d'Autochtones qui viennent s'installer à Halifax diminue.

On a déterminé également ce qu'on appelle le roulement, c'est-à-dire lorsque des Autochtones quittent un milieu rural ou la réserve pour aller en milieu urbain, mais s'aperçoivent que la vie urbaine n'est pas ce qu'on leur avait dit, et, pour une raison ou une autre, reviennent — peut-être parce que la famille est restée sur place et qu'ils veulent être avec leurs familles. Bon nombre d'Autochtones partent du milieu rural pour aller vivre en milieu urbain, reviennent en milieu rural et retournent ensuite dans une ville. Ce phénomène est constaté par les sociologues et les démographes, mais il est difficile à suivre lorsque le recensement n'a lieu que tous les cinq ans.

À l'heure actuelle, on fait une étude à Winnipeg pour tenter avoir une idée de la fréquence à laquelle les Autochtones viennent s'installer à Winnipeg et des raisons pour lesquelles ils le font. Ce genre d'étude longitudinale révèle des choses très intéressantes pour ce qui est du nombre de fois où les Autochtones déménagent à l'intérieur d'une même ville, ou d'une ville à une autre au cours d'une période de cinq ans entre deux recensements. Cette étude ne se poursuit que depuis un an et déjà on remarque des déplacements multiples.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous remarqué une tendance de mouvement du Nord vers le Sud dans vos études, c'est- à-dire du Canada vers les États-Unis, ou vice versa?

M. Hanselmann: Ma recherche portait sur les quatre provinces de l'Ouest. Dans ces quatre provinces, on constate qu'il y a très peu d'Autochtones qui vont s'installer de l'autre côté de la frontière. Le mouvement se fait généralement d'une réserve à une région rurale ou à un milieu urbain, ou du milieu urbain à une réserve. Il y a aussi un mouvement à partir des réserves en région rurale vers un milieu rural hors réserve.

Statistique Canada a fait une étude forte intéressante à ce sujet. Il y a en particulier une diapositive PowerPoint avec des cases indiquant les allées et venues sur une période de cinq ans entre deux recensements. C'est très révélateur. Au bout du compte, on constate que les grandes villes au Canada ont vu leur population augmenter de façon absolue et relative, ou proportionnelle, au cours du dernier recensement. En proposition de la population autochtone totale la part des Autochtones qui vivent dans les réserves a diminué au cours des cinq dernières années. Il y a donc approximativement le même nombre de personnes ayant une appartenance à la population autochtone qui vivent dans les régions métropolitaines et dans les réserves.

Le sénateur Forrestall: C'est intéressant. Je posais ces questions car il y a évidemment une différence. On peut discerner un mouvement dans les provinces de l'Atlantique. Par exemple, un grand nombre d'Autochtones se sont engagés dans les Marines des États-Unis et se sont retrouvés en Irak, mais il y en a également qui se sont engagés dans la marine américaine, dans l'armée et dans l'aviation. Bon nombre d'entre eux sont allés aux États-Unis pour d'autres raisons. Il y en a tout autant du Québec qui émigrent vers le Sud, mais pas vers l'Ouest ni l'Est.

Le but de tout cela, c'était pour essayer de déterminer si vous êtes en train de dire au comité que les fonds devraient suivre les gens plutôt que les programmes. Pourriez-vous nous parler davantage des remontrances que vous avez faites aux municipalités — ou aux différentes autorités — c'est-à-dire que les municipalités, les premiers intervenants, devraient commencer à s'éloigner de l'aide personnelle? Je crois comprendre que vous parlez des programmes destinés aux nécessiteux, de la façon dont les municipalités réagissent face au dénuement, et cetera. Pouvez-vous nous en parler davantage?

M. Hanselmann: La recommandation en deux parties aux gouvernements municipaux dit ceci: ils doivent en premier lieu éviter de financer les services à la personne, et en second lieu, ils doivent exercer des pressions auprès des gouvernements provinciaux et fédéral pour obtenir les fonds voulus ou pour financer la prestation de services à la personne.

Nous n'avons pas recommandé aux villes de cesser de fournir des services ou des programmes. Nous laissons aux représentants élus, aux fonctionnaires et aux citoyens de ces villes le soin de décider si les villes ont un rôle à jouer dans le domaine qu'on appelle celui des services à la personne. Ces services seraient les services sociaux, le logement et l'aide aux itinérants.

Nous estimons que leur assiette fiscale n'est pas suffisante pour soutenir la prestation de ces services. Il y a des gouvernements au Canada qui perçoivent des impôts à caractère redistributif. L'impôt sur le revenu et les taxes de vente ont un caractère redistributif. La taxe foncière n'est pas une taxe redistributive. Nous affirmons que les villes doivent recevoir une aide financière des gouvernements qui sont à même de percevoir les impôts et les taxes. Une fois qu'elles auront cet argent, elles pourront continuer de fournir les services que les citoyens, les résidents, les électeurs, les contribuables, les élus et les fonctionnaires jugent appropriés.

Cependant, nous avons dit qu'elles doivent éviter de financer ces services à même leur assiette fiscale. Si le gouvernement du Canada ou le gouvernement de la province du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l'Alberta ou de toute autre province, transfère des sommes suffisantes aux villes qui veulent fournir ces services, nous sommes tout à fait d'accord. Elles peuvent fournir les services qu'elles doivent fournir, mais il leur faut l'argent voulu pour ce faire.

Le sénateur Forrestall: C'était une question d'argent et non d'interaction?

M. Hanselmann: Non.

Le sénateur Forrestall: Tout dépend où se trouve la municipalité, car un monde sépare l'assiette fiscale d'Edmonton de celle de Regina, par exemple.

Je vous remercie d'avoir toléré l'intrus que je suis dans votre discussion. Vous devrez me supporter tant que mon collègue ne sera pas de retour, mais je dois dire que j'y prends plaisir.

Le sénateur Léger: Chaque fois qu'on parle d'immigrants, on entend le mot «multiculturalisme» et l'expression «minorités visibles». Mais ces expressions ne sont pas souvent appliquées aux Autochtones. Êtes-vous d'accord?

M. Hanselmann: Je suis d'accord pour dire que les Autochtones ne doivent pas faire partie de ce qu'on appelle les «minorités visibles». Il y a d'excellentes raisons à cela. D'après ce que j'en sais, la plupart des Autochtones ne veulent pas être regroupés avec ce qu'on appelle les minorités visibles parce que les Autochtones ne constituent pas simplement un groupe parmi tant d'autres.

Les Autochtones ont un statut unique au Canada. Ils ont une histoire à eux. Ils ont un statut politique, juridique et constitutionnel qui les distingue des minorités visibles dans la mesure où, si l'on disait que les minorités visibles englobent les Autochtones, ce terme perdrait toute signification parce qu'on serait toujours obligé de préciser, en parlant du statut juridique de la minorité visible, que les Premières nations ont un statut juridique différent, par exemple.

Je suis d'accord pour ne pas inclure les Autochtones dans l'expression «minorités visibles». Les Autochtones de l'ouest du Canada participent souvent aux festivals multiculturels. Lorsque les gens parlent de multiculturalisme dans de nombreux centres de l'Ouest canadien, les Autochtones y sont souvent inclus. Nous sommes originaires de Saskatoon. Lorsque nous avons des festivals folkloriques, où l'on fête le caractère multiculturel du Canada, les Premières nations et les Métis y ont leur pavillon, au même titre que les Irlandais, les Anglais et d'autres.

Le sénateur Léger: Autrement dit, les Autochtones ne sont pas sur le même pied que les minorités visibles. Chose certaine, ce n'est pas toujours comme ça qu'on présente les choses.

J'aimerais qu'au moins 50,6 p. 100 des Canadiens connaissent bien les peuples autochtones et leur histoire, mais ce n'est pas le cas. D'ailleurs, il y a à peine un moment de cela, j'ai entendu pour la première fois l'expression «réserves urbaines». Dans mon esprit, et je crois que je représente ici 90 p. 100 de la population, quand j'entends le mot «réserve» — et toutes mes excuses si je fais de la peine à quelqu'un — le mot a une connotation négative. Je crois qu'il existe une ignorance crasse partout dans le pays.

Heureusement, les querelles entre les divers gouvernements achèvent. Je crois cependant qu'il faut se concentrer sur les objectifs à long terme parce qu'il faudra des générations avant qu'on trouve des solutions.

À mon avis, si on veut mettre fin à cette ignorance crasse, il faut éduquer les gens. Êtes-vous d'accord?

M. Hanselmann: Tout à fait d'accord. Nous recommandons entre autres que les gouvernements prennent l'initiative dans ce domaine. Mon exposé n'était pas très bref, mais j'ai tâché être aussi bref que possible. Dans le rapport «Shared Responsibility», qui contient nos recommandations, nous parlons des initiatives qu'il faut prendre dans le domaine de l'éducation publique. Ces recommandations sont issues de notre série d'ateliers intitulés «Building the Dialogue». Quand on passe une matinée avec 50 ou 100 personnes à parler des problèmes propres aux Autochtones des villes, certains thèmes communs émergent. L'un de ces thèmes communs est la nécessité d'éduquer les gens.

Un des sénateurs a mentionné l'article du Globe and Mail sur une personne de la Saskatchewan. Nombre de lecteurs du Globe and Mail vont y voir un aspect des Autochtones qu'ils n'avaient jamais imaginé. C'est une réalité que vous, les responsables, les décideurs, et moi-même, comme analyste des politiques, devons contrer. Il existe des préjugés, des partis pris, des stéréotypes et de fausses conceptions. La seule façon d'y changer quelque chose, c'est d'éduquer le public.

Et il n'est jamais trop tard pour commencer.

Le sénateur Léger: Il faut que ces informations se trouvent dans les manuels d'histoire, mais nous devons les utiliser pour éduquer les gens par l'entremise des médias, c'est-à-dire, la télévision et les autres. Je m'intéresse beaucoup aux arts, et je sais que les gens qui n'ont parfois pas assez d'argent pour bien manger ont au moins une antenne de télévision à leur cabane ou leur maison. C'est à ce niveau que nous devons concentrer nos efforts. C'est peut-être une responsabilité que devra assumer Sheila Copps. Je sais qu'il y a des programmes éducatifs sur les Autochtones dans nos écoles, mais nous rejoindrions beaucoup plus de monde si nous concentrions nos efforts sur la télévision.

M. Hanselmann: Ma femme, ma famille et moi avons encore une télévision à oreilles de lapin. Si vous me permettez une suggestion, lisez «Shared Responsibility» d'un bout à l'autre. C'est un texte d'environ 24 pages où de nombreuses personnes nous ont fait part de leurs idées sur la façon d'améliorer la sensibilisation publique. Vous allez voir qu'on y porte une attention particulière dans le résumé de deux pages qui figure à la fin de «Building the Dialogue». On y encapsule les nombreuses bonnes idées de ceux qui vivent ces choses au quotidien, qu'il s'agisse d'Autochtones vivant dans les villes ou des personnes qui essaient d'améliorer la qualité de la vie dans les villes. La sensibilisation publique est essentielle.

Autre chose, si vous me le permettez; s'il y a une chose qui me manque, c'est de ne pas assister au réveil qui s'est produit à Saskatoon. Ce réveil est inexistant à Calgary. On mentionne les Autochtones plus fréquemment dans les médias de Saskatoon que dans ceux de Calgary. Les bonnes nouvelles et les récits à caractère humain étaient présents à Saskatoon, nous étions donc au courant des réussites des Autochtones et nous savions comment se débrouillait notre équipe aux sports indigènes nord-américains: qui étaient les membres de l'équipe, où ils allaient et ce qu'ils faisaient. Cet élément de Saskatoon me manque. Il y a beaucoup de choses de Saskatoon qui me manquent, mais cela, c'est une autre histoire.

Les mentalités ont évolué, et il est essentiel que les honorables sénateurs commencent à exercer des pressions sur ceux qui sont en dessous de vous, sur ceux qui sont à côté de vous et sur ceux qui sont au-dessus de vous. Placez-vous au centre d'une vision holistique du monde, un cercle ou un globe. Puis songez à tous les endroits différents où vous devrez porter ces messages positifs afin d'éliminer ces stéréotypes. Plus on fera ce genre de choses, plus il y aura de gens qui verront que les jeunes Autochtones des villes de l'ouest du Canada font partie de notre avenir et non d'un problème.

Le gouvernement du Canada, par la voie de l'interlocuteur fédéral et de celle de Mme Anita Neville, la députée fédérale, a commencé récemment à dire ce genre de choses. Il faut l'en féliciter. Dans un discours récent à la Fédération canadienne des municipalités, j'ai entendu Mme Neville dire qu'il faut cesser de considérer cela comme si c'était un problème et y voir plutôt une promesse. Voilà pourquoi la fondation s'est intéressée à cette question. Nous avons posé des questions sur les problèmes urbains, et les maires, les dirigeants communautaires et d'autres nous en ont parlé. Ces problèmes ont toujours quelque chose de négatif, ce qui vous oblige à imaginer des solutions novatrices, et votre comité est à la recherche de telles solutions. J'espère que vous allez les trouver et que nous aurons été de ceux qui vous auront guidés dans votre recherche.

La présidente: Laissez tomber vos excuses au sujet de votre petite antenne, moi aussi j'en ai une qui est toute petite.

Le sénateur Christensen: Dans cette étude, et dans d'autres études que nous entamons de temps à autre, nous ne réinventons pas la roue et nous ne partons pas de zéro. Partir de zéro, cela serait beaucoup plus facile. Nous commençons notre étude et les choses sont déjà en cours. Nous devons surmonter des barrières déjà existantes afin de créer des nouvelles façons de faire.

J'aimerais examiner quatre questions. La première porte sur les responsabilités partagées pour lesquelles les gouvernements fédéral et provinciaux doivent donner leur aval. Il existe certainement des programmes et des transferts de financement mais souvent, lorsqu'on fait face à un problème ou une barrière, chaque palier gouvernemental a tendance à vouloir jeter un blâme sur l'autre. Nous devons surmonter cette difficulté. Il y a également toute la question des rapports entre les provinces et les municipalités qui entrent en ligne de compte. Ce sont les municipalités qui s'occupent de la prestation de services dans les collectivités, ce qui constitue une autre responsabilité partagée. Nous devons en tenir compte dans notre débat.

Bien entendu il y a également ce besoin de distinguer les aspects politiques de la prestation des programmes au niveau du gouvernement autochtone. Il semble que cet aspect constitue fréquemment un obstacle qui mériterait une étude approfondie. Et il faut trouver un moyen d'en avoir plus pour notre argent, si vous voulez, et d'éviter cette dilution qui se produit en raison de l'ingérence politique.

Nous examinons la question de financement adéquat non seulement dans un domaine précis, mais aussi selon une perspective globale. On ne prévoit pas un financement adéquat pour le logement, la petite enfance, pour toutes sortes de besoins des collectivités. Nous devons envisager des solutions qui nous permettront de répondre à tous les besoins des collectivités.

Et finalement, il faut tenir compte de ces programmes relatifs à la transition aux centres urbains dont vous avez fait mention et qui ont déjà fait l'objet d'un débat ici. Les gens quittent une société pour immigrer dans une autre qui leur est étrangère. Cependant, lorsqu'ils nous arrivent d'un autre pays, ils s'intègrent à la société canadienne tout en gardant leur propre culture. Mais les Autochtones vont et viennent constamment entre les deux sociétés tandis que quelqu'un qui vient d'un autre pays ne le ferait pas nécessairement. Alors il faut composer avec cette façon différente de faire les choses. Les gens quittent le milieu rural pour s'installer dans les centres urbains et ensuite ils peuvent peut-être décider de retourner au milieu rural pour plusieurs années. Cette transition continuelle crée un ensemble différent de défis.

M. Hanselmann: Merci, sénateur Christensen. Je vais m'accorder une certaine liberté et je vais parler de plusieurs choses. Je m'efforce de ne pas critiquer les gouvernements autochtones et de ne pas suggérer qu'on fasse la distinction entre le gouvernement autochtone et la programmation autochtone. Il va falloir, cependant, examiner cette idée de faire la distinction entre la prestation des services et les activités des groupes de pression. Votre observation est peut- être bien avisée en ce sens qu'on pourrait en avoir plus pour notre argent si le financement n'était pas dilué.

En ce qui concerne les programmes de transition et leur financement, il me semble qu'il y aurait moins de roulement si les Autochtones qui désirent s'établir en ville y trouvaient un milieu qui leur convient. Le roulement ne disparaîtra jamais complètement, parce que les gens retrouver leur famille et, comme vous avez dit, certains vont vouloir passer du temps dans leur milieu culturel. Mais si le centre urbain était plus accueillant, si les gens réussissaient à faire partie du tissu social et économique de la ville, à ce moment-là, je ne crois pas que ce roulement constituerait un tel problème.

Il y aura toujours des nouveaux défis, mais, pour revenir à l'exemple de l'immigrant récent, nous devons tenir compte des raisons de ces va-et-vient. La recherche du milieu culturel d'origine n'en est pas la seule motivation. Le roulement dont je parle concerne ceux qui retournent à la réserve pour y retrouver leur famille, leurs racines et leur culture. On en a fait état dans un document écrit pendant les années 90 et intitulé «Comment survivre en tant qu'Indiens». C'est la première fois que j'en ai entendu parler. C'est une idée qui mérite réflexion. Mais il faut se rappeler qu'un bon nombre d'Autochtones sont nés en milieu urbain. Certains Autochtones n'ont jamais vécu dans une réserve. Il se peut que ces gens-là n'aient pas besoin de programme de transition mais si jamais leur cousin décide qu'il veut s'installer en ville, nous devons nous assurer que son expérience urbaine soit positive.

Le sénateur Léger: Mais pourquoi est-ce que quelqu'un va vouloir déménager à la ville? Est-ce que c'est pour trouver un emploi ou bien pour faire avancer sa carrière? On s'installe en ville pour faire carrière et pour pouvoir tirer profit de ce que certains considèrent comme de meilleures conditions de vie. J'imagine que les Autochtones resteraient dans les réserves s'il y avait de l'emploi. Êtes-vous d'accord? Pourquoi cette tendance à déménager?

M. Hanselmann: C'est une bonne question, sur laquelle il existe très peu de recherche. Pourquoi est-ce que les Autochtones déménagent?

L'Enquête auprès des peuples autochtones, réalisée en 1991, a fourni quelques réponses. Les données de cette enquête de 1991 qui portaient sur les raisons des migrations des Indiens inscrits, qui déménageaient d'une réserve vers un lieu hors réserve, indiquent que 34 p. 100 ont déménagé pour des raisons de famille; 27 p. 100 à des fins d'éducation; 25 p. 100 pour le logement; et 5 p. 100 pour l'emploi — c'est-à-dire pour ceux qui ont quitté la réserve. Seulement 5 p. 100 l'ont quittée à la recherche d'un emploi.

Il faut se rappeler deux choses. Il y a toutes sortes de raisons qui expliquent pourquoi on quitte un endroit pour se rendre ailleurs, mais généralement les études économiques appellent ce phénomène le pousser-tirer. Vous êtes poussés d'un endroit parce que cette vie-là ne nous convient pas et vous ne l'aimez pas, vous êtes tirés ailleurs à la recherche d'autre chose.

Les 34 p. 100 d'Autochtones qui ont signalé qu'ils avaient quitté la réserve — c'est-à-dire les 34 p. 100 qui ont dit qu'ils l'ont quittée pour des raisons de famille — étaient sans doute tirés, au moins certains parmi eux, parce qu'ils avaient de la famille hors réserve. Certains ont été probablement poussés en raison des conditions qui prévalaient chez eux. J'ai entendu bien des histoires, et je suis certain que ce comité en a entendu davantage, de femmes qui ont quitté la réserve en raison des conditions qui existaient chez elles. Elles ne sont pas à la recherche d'un emploi. Elles recherchent quelque chose de mieux.

Les gens partent pour de nombreuses raisons. L'enquête de 2001 devrait nous permettre de mieux comprendre pourquoi les Autochtones quittent les réserves pour s'installer ailleurs. L'étude de Winnipeg, qui est toujours en cours, nous donnera des résultats intéressants. C'est une étude longitudinale d'une durée d'un ou deux ans. Elle pose aux mêmes personnes les mêmes questions plusieurs fois de suite, et les résultats seront fort intéressants. Pourquoi avez- vous quitté les réserves? Pourquoi avez-vous quitté un quartier de Winnipeg pour nous rendre dans un autre? Voici le genre de questions pour lesquelles nous n'avons pas de réponses adéquates; et une fois les réponses connues, vous serez mieux en mesure de formuler de bonnes politiques.

La présidente: Il ne s'agit pas simplement de changer de politique; il faut aussi changer la loi. La plupart des femmes et des enfants quittent la réserve parce que, lors d'une rupture conjugale, ils n'ont plus le droit de rester en réserve. C'est un fait bien établi. La Loi sur les Indiens ne fait rien pour protéger les femmes et les enfants lors d'une rupture conjugale. Voici la première raison.

La deuxième raison est de nature économique. Sur les réserves, 95 p. 100 des gens sont sans emploi. Ils ont absolument aucun espoir. Ils survivent grâce au bien-être social, ce qui crée d'autres problèmes graves d'ordre social.

Nos enfants souffrent. Ils n'ont pas d'identité. Une crise d'identité constitue un problème sérieux et notre comité étudie cet aspect.

Votre étude nous apprend beaucoup et je suis certaine qu'elle va aider le comité dans ses délibérations. Cependant, nous devons également tenir compte des aspects sociaux de toute cette question.

Nous parlons de migration. Saviez-vous que la plupart des gens qui habitent dans les réserves, surtout ceux qui habitent au milieu du Canada, ne parlent ni l'anglais ni le français comme première langue? Leur langue autochtone constitue leur langue maternelle. Une fois qu'ils viennent en ville, ils n'ont pas le droit de suivre un cours d'anglais langue seconde parce qu'ils n'ont pas de certificat d'immigrant reçu. Voici le genre de chose qu'il faut changer.

Nos enfants souffrent. En tant qu'adultes, en tant que grands-mères et grands-pères, nous devons créer des conditions qui permettent à nos jeunes de survivre en milieu urbain tout en gardant leur propre identité. Voilà ce que je peux dire en tant que grand-mère.

Si les membres de ce comité n'ont plus de questions ou d'observations, j'aimerais vous remercier beaucoup, monsieur Hanselmann. Nous sommes reconnaissants à la Canada West Foundation de tout le travail qu'elle fait dans différents domaines, et surtout dans celui-ci.

M. Hanselmann: Merci.

La séance est levée.


Haut de page